– 1 –
N° 303
_____
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 octobre 2024.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
tendant à la création d’une commission d’enquête sur la récidive en matière d’agressions sexuelles,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. David MAGNIER, M. Sébastien CHENU, M. Alexandre ALLEGRET-PILOT, M. Franck ALLISIO, Mme Bénédicte AUZANOT, M. Philippe BALLARD, M. Romain BAUBRY, M. José BEAURAIN, M. Christophe BENTZ, M. Théo BERNHARDT, Mme Véronique BESSE, M. Bruno BILDE, M. Emmanuel BLAIRY, Mme Sophie BLANC, M. Frédéric BOCCALETTI, M. Anthony BOULOGNE, Mme Manon BOUQUIN, M. Jérôme BUISSON, M. Marc CHAVENT, M. Bruno CLAVET, Mme Christelle D’INTORNI, Mme Nathalie DA CONCEICAO CARVALHO, Mme Sandra DELANNOY, M. Jocelyn DESSIGNY, Mme Sandrine DOGOR-SUCH, M. Alexandre DUFOSSET, M. Aurélien DUTREMBLE, M. Auguste EVRARD, M. Olivier FAYSSAT, M. Marc DE FLEURIAN, M. Emmanuel FOUQUART, M. Thierry FRAPPÉ, Mme Stéphanie GALZY, M. Jonathan GERY, M. Frank GILETTI, M. José GONZALEZ, Mme Géraldine GRANGIER, M. Julien GUIBERT, M. Michel GUINIOT, M. Jordan GUITTON, Mme Marine HAMELET, M. Sébastien HUMBERT, M. Laurent JACOBELLI, M. Pascal JENFT, M. Alexis JOLLY, Mme Laure LAVALETTE, M. Robert LE BOURGEOIS, Mme Julie LECHANTEUX, Mme Gisèle LELOUIS, Mme Katiana LEVAVASSEUR, M. Julien LIMONGI, M. René LIORET, Mme Marie-France LORHO, M. Alexandre LOUBET, Mme Claire MARAIS-BEUIL, M. Pascal MARKOWSKY, M. Patrice MARTIN, Mme Michèle MARTINEZ, Mme Alexandra MASSON, M. Bryan MASSON, M. Kévin MAUVIEUX, M. Nicolas MEIZONNET, Mme Yaël MÉNACHÉ, M. Thomas MÉNAGÉ, M. Pierre MEURIN, M. Serge MULLER, M. Julien ODOUL, M. Thierry PEREZ, M. Kévin PFEFFER, Mme Lisette POLLET, M. Stéphane RAMBAUD, M. Julien RANCOULE, Mme Catherine RIMBERT, M. Joseph RIVIÈRE, Mme Laurence ROBERT-DEHAULT, Mme Béatrice ROULLAUD, Mme Anaïs SABATINI, M. Emeric SALMON, M. Philippe SCHRECK, M. Emmanuel TACHÉ DE LA PAGERIE, M. Jean-Philippe TANGUY, M. Michaël TAVERNE, M. Romain TONUSSI, M. Antoine VILLEDIEU, M. Frédéric WEBER, M. Hervé DE LÉPINAU, Mme Anchya BAMANA, M. Antoine GOLLIOT, M. Aurélien LOPEZ-LIGUORI, M. Eddy CASTERMAN, Mme Anne SICARD, M. Thibaut MONNIER, M. Alexandre SABATOU,
députés.
– 1 –
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L’affaire tragique de Philippine, victime d’un criminel sexuel récidiviste, Taha O., a profondément choqué la France. Ce drame met en lumière une faillite de l’État dans son devoir premier de protection. Taha O., déjà condamné pour agression sexuelle, a été remis en liberté malgré la gravité de ses actes passés, et a ensuite commis un meurtre atroce. Le témoignage bouleversant de sa première victime, qui avait déjà alerté sur sa dangerosité, révèle avec éclat la défaillance de notre système judiciaire et l’incapacité de l’État à empêcher la récidive.
Dans cette affaire, les appels désespérés de la première victime n’ont pas été entendus. Après avoir survécu à l’agression de Taha O., elle a vu son agresseur bénéficier d’une remise en liberté anticipée, malgré son comportement violent et les signaux d’alerte évidents. Son témoignage, publié dans la presse, dénonce l’indifférence avec laquelle elle a été traitée par les institutions censées la protéger. Cette indifférence a permis à Taha O. de récidiver, de façon encore plus violente, avec des conséquences dramatiques.
Ce cas symbolise une indulgence judiciaire inacceptable à l’égard des criminels sexuels. Comment justifier qu’un prédateur reconnu coupable d’agression sexuelle puisse retrouver sa liberté alors que ses victimes vivent dans la peur, sans garantie de sécurité ? Le système, en privilégiant la réinsertion des délinquants au détriment de la protection des victimes, a failli. Le drame de Philippine aurait pu être évité si les avertissements de la première victime avaient été pris au sérieux.
Il est donc impératif de revoir en profondeur les mécanismes de libération anticipée des criminels sexuels. Comme en témoigne un cas récent, où le délinquant sexuel condamné pour viol a été libéré après une réduction de peine, sans que la victime ou les autorités locales n’aient été informées de sa libération, cette situation met en danger directement la sécurité des victimes. Ce type de dysfonctionnement, illustré par des décisions de justice qui manquent de suivi et de précaution, met en lumière les failles du système.
Dans un autre cas, un agresseur a récidivé après avoir bénéficié d’un aménagement de peine, ce qui a conduit à une nouvelle attaque contre une jeune femme. Ces événements prouvent que le système actuel favorise les récidives en négligeant la sécurité publique. La réinsertion ne peut plus être un prétexte pour remettre en liberté des délinquants dangereux qui, comme Taha O., n’hésitent pas à récidiver. La réponse pénale doit être renforcée et adaptée à la gravité de ces crimes. Le système judiciaire doit enfin reconnaître la primauté de la sécurité des victimes et des citoyens sur les droits des délinquants.
Le problème du suivi des délinquants sexuels après leur condamnation est central. En effet, les dispositifs actuels de suivi, souvent insuffisants, permettent à des individus dangereux de réintégrer la société sans surveillance adéquate. Dans une autre affaire, un criminel sexuel libéré après une condamnation pour agression sexuelle, sans bracelet électronique ni suivi psychiatrique rigoureux, a récidivé quelques mois après sa libération, causant un autre drame. Ces défaillances montrent qu’il est urgent de repenser le suivi socio‑judiciaire des délinquants sexuels et de renforcer les dispositifs de contrôle. L’initiative du Sénat dans la proposition de loi visant à introduire des mesures de sûreté après la libération, notamment l’obligation de port d’un bracelet électronique pour les délinquants sexuels, doit être prise en compte. Ces propositions visent à améliorer la protection des victimes et à prévenir de nouvelles tragédies.
La commission d’enquête parlementaire que nous proposons devra faire toute la lumière sur ces remises en liberté prématurées qui ont des conséquences dramatiques. Il est nécessaire de comprendre pourquoi, malgré les preuves évidentes de la dangerosité de certains criminels, des décisions de libération sont prises, et d’identifier les responsables de ces choix judiciaires. Les recommandations déjà formulées par certains parlementaires, notamment la généralisation du suivi socio‑judiciaire et l’instauration de mesures de sûreté après la libération, doivent être pleinement explorées. Le témoignage de la première victime de Taha O. doit servir de point de départ pour une refonte complète du système de suivi des délinquants sexuels.
La situation est devenue intenable. Si rien n’est fait, combien de drames similaires se produiront encore avant que les autorités ne réagissent ? Les rapports parlementaires et les alertes répétées sur les failles du système judiciaire, en particulier concernant la surveillance des criminels sexuels, ne doivent plus rester sans suite. Le laxisme judiciaire ne peut plus perdurer : chaque décision de libération anticipée prise sans considération des risques met des vies en danger. Le temps est venu de prendre des mesures fermes et immédiates pour restaurer la confiance des citoyens dans le système judiciaire et pour que plus jamais un criminel reconnu dangereux ne puisse échapper à la justice et récidiver en toute impunité.
– 1 –
proposition de rÉsolution
Article unique
En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, est créée une commission d’enquête de trente membres, chargée :
– de mettre en lumière le processus ayant conduit à la remise en liberté de délinquants sexuels, malgré la gravité de leurs actes et leur potentiel de récidive ;
– d’étudier les causes des récidives en matière d’agressions sexuelles ;
– d’analyser les effets des politiques pénales mises en place lors des précédents quinquennats en matière de réduction et d’aménagement de peine ;
– d’analyser l’efficacité des peines, du suivi psychiatrique, et des traitements imposés ou non, aux auteurs d’agressions sexuelles ;
– de proposer des réformes pour renforcer la prévention des récidives et améliorer la protection des victimes potentielles, notamment par un durcissement des conditions de libération et de suivi des criminels sexuels.