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N° 322

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 octobre 2024.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

visant à mettre fin au sans-abrisme des enfants,

 

présentée par

Mme Marie-Charlotte GARIN, M. Lionel CAUSSE, Mme Marianne MAXIMI, M. Arthur DELAPORTE, Mme Elsa FAUCILLON, M. Philippe JUVIN, Mme Maud PETIT, M. Michel CASTELLANI, Mme Anne-Cécile VIOLLAND, Mme Christine ARRIGHI, M. Thibault BAZIN, M. Pouria AMIRSHAHI, Mme Léa BALAGE EL MARIKY, Mme Delphine BATHO, Mme Lisa BELLUCO, M. Karim BEN CHEIKH, M. Benoît BITEAU, M. Arnaud BONNET, M. Nicolas BONNET, Mme Cyrielle CHATELAIN, M. Alexis CORBIÈRE, M. Hendrik DAVI, M. Emmanuel DUPLESSY, M. Charles FOURNIER, M. Damien GIRARD, M. Steevy GUSTAVE, Mme Catherine HERVIEU, M. Jérémie IORDANOFF, Mme Julie LAERNOES, M. Tristan LAHAIS, M. Benjamin LUCAS-LUNDY, Mme Julie OZENNE, M. Sébastien PEYTAVIE, Mme Marie POCHON, M. Jean-Claude RAUX, Mme Sandra REGOL, M. Jean-Louis ROUMÉGAS, Mme Sandrine ROUSSEAU, M. François RUFFIN, Mme Eva SAS, Mme Marie-José ALLEMAND, Mme Sabrina SEBAIHI, Mme Danielle SIMONNET, Mme Sophie TAILLÉ-POLIAN, M. Boris TAVERNIER, M. Nicolas THIERRY, Mme Dominique VOYNET, M. Joël AVIRAGNET, M. Mickaël BOULOUX, M. Philippe BRUN, M. Stéphane DELAUTRETTE, M. Inaki ECHANIZ, M. Romain ESKENAZI, M. Denis FÉGNÉ, M. Guillaume GAROT, M. Emmanuel GRÉGOIRE, Mme Ayda HADIZADEH, Mme Chantal JOURDAN, Mme Fatiha KELOUA HACHI, Mme Anna PIC, Mme Marie RÉCALDE, Mme Valérie ROSSI, Mme Sandrine RUNEL, M. Hervé SAULIGNAC, M. Arnaud SIMION, Mme Mélanie THOMIN, M. Roger VICOT, M. Gabriel AMARD, Mme Ségolène AMIOT, Mme Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, Mme Anaïs BELOUASSA-CHERIFI, M. Ugo BERNALICIS, M. Christophe BEX, M. Idir BOUMERTIT, M. Louis BOYARD, M. Pierre-Yves CADALEN, M. Sylvain CARRIÈRE, M. Jean-François COULOMME, M. Aly DIOUARA, Mme Karen ERODI, Mme Mathilde FELD, M. Emmanuel FERNANDES, Mme Sylvie FERRER, M. Perceval GAILLARD, Mme Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mme Zahia HAMDANE, M. Andy KERBRAT, M. Abdelkader LAHMAR, M. Maxime LAISNEY, M. Aurélien LE COQ, M. Antoine LÉAUMENT, Mme Élise LEBOUCHER, Mme Sarah LEGRAIN, Mme Murielle LEPVRAUD, M. Damien MAUDET, Mme Marie MESMEUR, Mme Manon MEUNIER, Mme Sandrine NOSBÉ, Mme Danièle OBONO, M. François PIQUEMAL, M. Loïc PRUD’HOMME, Mme Ersilia SOUDAIS, Mme Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, M. Paul VANNIER, M. Aymeric CARON, Mme Clémentine AUTAIN, Mme Soumya BOUROUAHA, Mme Émeline K/BIDI, Mme Karine LEBON, M. Jean-Paul LECOQ, M. Frédéric MAILLOT, M. Yannick MONNET, M. Stéphane PEU, Mme Mereana REID ARBELOT, M. Erwan BALANANT, M. Mickaël COSSON, Mme Delphine LINGEMANN, Mme Louise MOREL, M. Philippe VIGIER, Mme Géraldine BANNIER, M. Stéphane LENORMAND, M. Jean-Pierre BATAILLE, Mme Martine FROGER, M. Laurent MAZAURY, M. Stéphane VIRY, M. Laurent PANIFOUS, M. Stéphane BUCHOU, Mme Julie DELPECH, M. Philippe FAIT, Mme Sophie ERRANTE, M. Guillaume GOUFFIER VALENTE, Mme Sandrine LE FEUR, Mme Brigitte LISO, Mme Sandra MARSAUD, Mme Sophie PANONACLE, Mme Véronique RIOTTON, Mme Marie-Pierre RIXAIN, Mme Violette SPILLEBOUT, Mme Annie VIDAL, Mme Eléonore CAROIT, Mme Stella DUPONT, Mme Véronique BESSE, M. Sacha HOULIÉ, M. David TAUPIAC, M. Peio DUFAU, M. Olivier FAURE, M. Pierrick COURBON, M. Karim BENBRAHIM, Mme Céline HERVIEU, Mme Christine PIRÈS BEAUNE, M. Yannick NEUDER, Mme Céline THIÉBAULT-MARTINEZ, Mme Mathilde PANOT, M. Arnaud SAINT-MARTIN, Mme Océane GODARD, M. François GERNIGON, M. Hubert OTT, M. Paul MOLAC,

députées et députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Selon le baromètre « Enfants à la rue » publié par la Fédération des acteurs de la solidarité et l’UNICEF France, 2 043 enfants sont restés sans solution d’hébergement à la suite de la demande de leur famille au 115 le 19 août 2024 ; un chiffre qui a plus que doublé par rapport à 2021 (+ 120 %). Parmi ces enfants, 467 avaient moins de 3 ans.

Très alarmantes, ces données ne sont pourtant pas exhaustives. Elles ne prennent pas en compte les nombreuses familles qui ne recourent pas ou plus au 115 ou qui n’obtiennent pas de réponse, ni les mineurs isolés laissés sans protection durant leurs recours judiciaires. La Coordination Nationale Jeunes Exilé·es En Danger a comptabilisé 3 477 jeunes en recours de minorité en mars 2024, dont 1 067 sont dans une situation de rue. Ces données sont révélatrices d’une évolution inquiétante du sans‑abrisme et le signe d’une insuffisance des politiques publiques censées le faire disparaître.

Nous observons ainsi, depuis plusieurs années, une détérioration croissante des conditions d’accès et de maintien dans le logement. De cette situation découle une saturation des dispositifs d’hébergement qui, en dépit des efforts consentis pour maintenir un niveau historique de 203 000 places, restent insuffisamment dimensionnés pour répondre aux besoins croissants. Dans ces conditions, l’engagement pris par les gouvernements successifs de « ne plus avoir aucun enfant à la rue » reste une promesse non tenue.

Si l’urgence de créer des places d’hébergement supplémentaires demeure, toute ambition de réduction du sans‑abrisme suppose de dépasser la logique de court‑termes qui prévaut actuellement et d’engager une politique ambitieuse et durable d’accès au logement. C’est toute l’ambition du plan Logement d’abord qui, pour être réellement efficace, devrait être accompagné d’une programmation pluriannuelle de l’hébergement et du logement incluant une attention spécifique aux familles et comportant des objectifs ambitieux en termes de production de logement abordables, conformément aux recommandations du Comité des droits de l’enfant de l’ONU.

Il semble par ailleurs nécessaire d’améliorer les conditions d’accueil et d’accompagnement des enfants hébergés, en particulier celles des 28 659 enfants vivant à l’hôtel ; un mode d’hébergement non seulement coûteux, mais aussi particulièrement inadapté à la vie familiale et aux besoins des enfants. Aussi, une programmation pluriannuelle pourrait permettre d’engager une transformation qualitative du parc d’hébergement se traduisant, entre autres, par une transformation progressive de l’offre de nuitées hôtelières et une adaptation du parc aux besoins spécifiques des familles. Enfin, il paraît essentiel de doter le secteur de l’accueil, de l’hébergement et de l’insertion de moyens adéquats pour garantir un accompagnement global, continu et adapté aux besoins des familles et ainsi favoriser leur inclusion durable.

Au regard du nombre d’enfants concernés, ces politiques devront nécessairement porter une attention spécifique à ces derniers et être conformes à leur intérêt supérieur.

Rappelons que la précarité inhérente à l’absence de domicile engendre non seulement d’importantes répercussions sur le développement et la santé de l’enfant à court, moyen et long terme, mais qu’elle affecte également l’ensemble des environnements dans lequel il évolue (familial, scolaire, social) et entrave l’effectivité de ses droits.

À travers cette proposition de résolution, la représentation nationale souhaite amorcer un changement de paradigme pour les enfants, leur famille et les professionnels qui les accompagne, pour le droit au logement, pour une société plus juste.

 


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proposition de DE RÉSOLUTION

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu la Convention internationale des droits de l’enfant,

Vu l’Observation générale n° 21 du Comité des droits de l’enfant,

Vu les Observation finales du Comité des droits concernant le rapport de la France valant sixième et septième rapports périodiques,

Vu l’article L. 300‑1 du code de la construction et de l’habitation,

Vu l’article L. 345‑2‑2 du code de l’action sociale et des familles,

Vu la loi n° 2023‑1322 du 29 décembre 2023 de finance pour 2024,

Vu la proposition de résolution n° 2046 visant à accentuer les efforts pour favoriser l’accès de tous au logement,

Vu le deuxième plan quinquennal pour le logement d’abord,

Vu le rapport de la Délégation aux droits des femmes du Sénat sur « les femmes dans la rue »,

Vu le rapport de la Fondation Abbé Pierre et de la Fédération européenne des associations nationales travaillant avec les sans‑abri sur le mal‑logement en Europe 2024,

Vu le vingt‑neuvième rapport de la Fondation Abbé Pierre sur l’état du mal‑logement en France 2024,

Vu le baromètre « Enfants à la rue » 2024 de la Fédération des acteurs de la solidarité et de l’UNICEF France,

Vu le rapport Grandir sans chez soi de l’UNICEF France et du Samu social de Paris,

Considérant les difficultés croissantes d’accès et de maintien dans le logement dans un contexte de crise persistant ;

Estimant qu’il est nécessaire de recentrer l’hébergement sur sa fonction de réponse immédiate et inconditionnelle aux situations de détresse et de favoriser un accès plus direct au logement, conformément aux principes du Logement d’abord ;

Observant que les familles avec enfants représentent une part importante et croissante de la population sans‑domicile ;

Déplorant les conséquences néfastes de l’absence de domicile sur l’ensemble des environnements dans lesquels évoluent les enfants, leur santé, leur développement et l’effectivité de leurs droits ;

Appelle le Gouvernement à adopter une loi de programmation de l’hébergement et du logement, incluant une attention spécifique aux enfants et aux familles ;

Enjoint le Gouvernement à y inclure des objectifs ambitieux en termes de production de logement abordables et adaptés aux besoins des familles ;

Invite le Gouvernement à engager une transformation qualitative du parc d’hébergement se traduisant, entre autres, par une transformation de l’offre actuelle de nuitées hôtelières et une adaptation du parc aux besoins spécifiques des familles ;

Demande au Gouvernement de doter les services intégrés d’accueil et d’orientation et les structures d’hébergement de financements adaptés et sécurisés pour garantir un accompagnement global, sans rupture et prenant en considération les besoins spécifiques des enfants ;

Souligne l’intérêt de relancer les travaux de l’Observatoire du sans‑abrisme afin de fonder ces politiques sur une connaissance fine des besoins ;

Demande à ce que soit assurée la continuité de la prise en charge de chaque enfant entre les départements et l’État, afin d’éviter toute rupture dans l’accès à un hébergement stable, aux soins, à l’éducation et à un accompagnement social adapté ;

Demande au Gouvernement de renforcer la capacité du parc d’hébergement afin que plus aucun enfant ne dorme dans la rue.