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N° 330
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2024.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
visant à garantir le respect de l’intégrité électorale et des droits humains au Venezuela,
présentée par
Mme Eléonore CAROIT, Mme Estelle YOUSSOUFFA, Mme Brigitte KLINKERT, Mme Amélia LAKRAFI, Mme Julie DELPECH, M. Stéphane TRAVERT, M. Gérald DARMANIN, M. Stéphane VOJETTA, M. Sacha HOULIÉ, M. Anthony BROSSE, Mme Stella DUPONT, M. Mickaël COSSON, Mme Maud PETIT, Mme Natalia POUZYREFF, Mme Annie VIDAL, Mme Constance LE GRIP, M. Michel LAUZZANA, M. Bertrand BOUYX, M. Joël BRUNEAU, M. Michel HERBILLON, Mme Michèle TABAROT, Mme Sabrina SEBAIHI, Mme Dominique VOYNET, Mme Liliana TANGUY, M. Denis MASSÉGLIA, M. Laurent MAZAURY, M. Philippe BONNECARRÈRE, M. Fabien LAINÉ, M. David AMIEL, M. Pieyre-Alexandre ANGLADE, M. Hervé BERVILLE, M. Éric BOTHOREL, Mme Céline CALVEZ, M. Vincent CAURE, M. Jean-René CAZENEUVE, M. François CORMIER-BOULIGEON, M. Guillaume GOUFFIER VALENTE, M. Sylvain MAILLARD, Mme Stéphanie RIST, Mme Marie-Ange ROUSSELOT, M. Éric WOERTH, Mme Caroline YADAN, Mme Olivia GRÉGOIRE, Mme Sandra MARSAUD, M. Stéphane MAZARS, M. Ludovic MENDES, Mme Sophie PANONACLE, M. Karl OLIVE, Mme Christine LE NABOUR, Mme Nicole DUBRÉ-CHIRAT, Mme Danièle CARTERON, M. Jean-François ROUSSET, Mme Emmanuelle HOFFMAN, Mme Véronique RIOTTON, Mme Prisca THEVENOT, Mme Marie-Pierre RIXAIN, M. Jean-Michel JACQUES, Mme Brigitte LISO, M. Bertrand SORRE, M. Philippe FAIT, Mme Corinne VIGNON, M. Stéphane BUCHOU, Mme Joséphine MISSOFFE, Mme Violette SPILLEBOUT, M. Jean-Luc FUGIT, M. Christophe MONGARDIEN, Mme Sophie DELORME DURET, M. Jimmy PAHUN, Mme Ayda HADIZADEH, M. Christophe NAEGELEN, M. Harold HUWART, Mme Céline HERVIEU, M. Nicolas FORISSIER, M. Lionel VUIBERT, M. Frédéric PETIT, M. Nicolas RAY, Mme Annaïg LE MEUR, Mme Dieynaba DIOP, M. Ian BOUCARD, M. David HABIB, M. Karim BEN CHEIKH, M. Stéphane VIRY,
députées et députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Alors que l’érosion de la démocratie a déjà été largement dénoncée au cours des précédents mandats de M. Nicolás Maduro à la présidence du Venezuela, l’élection présidentielle du 28 juillet 2024 marque un nouveau palier dans la dérive autoritaire du régime.
Depuis cette élection, le régime de M. Nicolás Maduro a intensifié les mécanismes les plus violents de son appareil répressif afin de démobiliser l’opposition politique et de réduire au silence les voix critiques du régime. Deux mois après le scrutin, 27 personnes sont mortes et plus de 2 400 personnes ont été arrêtées – selon les sources officielles –, dont 114 mineurs et plusieurs journalistes accusés de « terrorisme ».
Cette proposition de résolution vise à condamner fermement les atteintes à l’intégrité électorale ainsi que la violente répression politique qui s’est imposée à la suite de ce scrutin. Elle appelle également la France et la communauté internationale à apporter un soutien clair à la population vénézuélienne dans ses revendications légitimes pour ses droits démocratiques et ses libertés fondamentales.
Successeur de M. Hugo Chávez à la présidence du Venezuela en 2013, M. Nicolás Maduro a rencontré une vive opposition et des accusations de fraude électorale dès son arrivée au pouvoir. Les nombreuses irrégularités constatées lors de l’élection présidentielle de 2018 ont entraîné des sanctions internationales et une non‑reconnaissance de sa réélection par une partie de la communauté internationale.
Début 2019, M. Juan Guaidó, président de l’Assemblée nationale autoproclamé « président en exercice », est rapidement reconnu « président légitime » par une soixantaine de pays, dont les États‑Unis, la France, et une grande partie des pays européens et latino‑américains. Malgré le soutien de la communauté internationale, les négociations entre l’opposition et le régime de Nicolás Maduro n’aboutissent pas et celui‑ci conserve le contrôle des principales institutions du pays.
La reprise des négociations entre le gouvernement et l’opposition, pour laquelle le Forum de Paris pour la Paix 2022 a joué un rôle essentiel, a finalement abouti à la signature de l’Accord de la Barbade le 17 octobre 2023, qui devait permettre l’organisation d’une élection présidentielle libre et transparente.
L’élection présidentielle de 2018 ayant été boycottée par l’opposition, la candidature du candidat d’opposition M. Edmundo González Urrutia, à l’élection présidentielle du 28 juillet 2024 marquait également un tournant historique. Espérant un scrutin équitable, la population s’est mobilisée massivement, portant le taux de participation à près de 60 %.
Malgré ces espoirs, les récentes élections ont été marquées par de graves restrictions de l’espace civique et politique. Les candidats de l’opposition ont par exemple eu un accès très limité aux médias publics, et un certain nombre de personnalités politiques, comme la leader d’opposition Mme María Corina Machado, ont été empêchés de se présenter à l’élection.
Dès le 29 juillet 2024, le Conseil national électoral (CNE) a proclamé la victoire de M. Nicolás Maduro avec près de 52 % des voix, sans publier les résultats détaillés ni aucun document attestant de la fiabilité des résultats annoncés. Ce faisant, le CNE n’a pas respecté les mesures de base de transparence et d’intégrité électorales, essentielles pour la réalisation d’élections crédibles.
Reconnue par certains pays comme la Russie, la Chine, Cuba, l’Iran et le Nicaragua, l’élection du 28 juillet dernier a cependant été remise en cause par une grande partie de la communauté internationale, y compris par des leaders latino‑américains historiquement proches de M. Nicolás Maduro, comme les présidents Luiz Inácio Lula da Silva au Brésil et Gustavo Petro en Colombie, ou encore M. Andrés Manuel López Obrador au Mexique.
Face à la contestation de l’opposition et de la communauté internationale, M. Nicolás Maduro a saisi le Tribunal suprême de justice (TJS) pour faire valider son élection. Sans surprise, le TJS a validé la réélection de M. Nicolás Maduro le 22 août 2024, sans que soient publiés les procès‑verbaux des bureaux de vote.
La justice vénézuélienne a également émis un mandat d’arrêt contre le candidat d’opposition, M. Edmundo González Urrutia, qui a été contraint à l’exil en Espagne, illustrant la volonté du gouvernement d’éliminer toute alternative politique.
L’opposition, qui a déployé des scrutateurs dans la majorité des bureaux de vote, dit avoir recueilli plus de 80 % des procès‑verbaux, qu’elle a publiés en ligne. Un groupe d’experts des Nations unies a confirmé, après l’étude d’un échantillon des procès‑verbaux publiés par l’opposition, que ces derniers présentaient les mêmes éléments de sécurité que les procès‑verbaux originaux, notamment les QR codes. Selon ces documents, M. González Urrutia aurait remporté l’élection avec plus de 60 % des voix.
Depuis le 28 juillet dernier, le gouvernement vénézuélien a considérablement intensifié ses efforts pour écraser toute opposition pacifique à son régime, plongeant le pays dans « l’une des crises des droits de l’homme les plus graves de l’histoire récente », comme le constate la mission internationale indépendante d’établissement des faits de l’ONU au Venezuela.
Cette répression brutale vise à empêcher la diffusion d’informations indépendantes, d’opinions critiques et les manifestations citoyennes pacifiques. Le régime de M. Nicolás Maduro entretient un climat de peur généralisé au sein de la population, empêchant toute forme d’expression libre ou de mobilisation publique.
Contrairement au Conseil des Droits de l’homme des Nations unies et au Parlement européen, les parlementaires français n’ont à ce jour pas pris ouvertement position sur la situation au Venezuela.
Cette proposition de résolution vise à ce que la France et la communauté internationale agissent afin que les aspirations légitimes du peuple vénézuélien à la démocratie et à la liberté soient respectées.
Elle invite les autorités vénézuéliennes à garantir à tous leurs citoyens le droit de manifester pacifiquement et d’exprimer leurs opinions sans crainte de représailles. Le régime de M. Nicolás Maduro doit cesser toute répression à l’égard de l’opposition et de la société civile, libérer les prisonniers politiques et mener des enquêtes impartiales sur les violations des droits humains.
Afin de garantir le respect de l’intégrité électorale et la volonté souveraine du peuple vénézuélien, le CNE vénézuélien n’a d’autre solution que de présenter les résultats de l’élection présidentielle du 28 juillet 2024 de manière complète, détaillée et vérifiable de façon indépendante.
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proposition de DE RÉSOLUTION
Article unique
Vu l’article 34‑1 de la Constitution,
Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,
Vu la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948,
Vu la Charte des Nations unies du 26 juin 1945,
Vu le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966,
Vu l’accord partiel sur la promotion des droits politiques et des garanties électorales pour tous, signé par le régime de Nicolás Maduro et la coalition d’opposition vénézuélienne Plataforma unitaria, le 17 octobre 2023, dit « accord de la Barbade »,
Vu la déclaration de l’organisation non gouvernementale Carter Center du 30 juillet 2024 sur l’élection au Venezuela,
Vu le rapport intérimaire du groupe d’experts des Nations unies sur l’élection présidentielle vénézuélienne, publié le 9 août 2024,
Vu le rapport de la mission internationale indépendante d’établissement des faits des Nations unies sur la République bolivarienne du Venezuela du 17 septembre 2024,
Vu la lettre ouverte du 8 août 2024 adressée par Amnesty International au procureur de la Cour pénale internationale, Karim Khan,
Vu le communiqué d’Human Rights Watch du 4 septembre 2024 intitulé « Venezuela : Répression brutale contre les manifestants et les électeurs »,
Vu le rapport sur l’élection présidentielle au Venezuela publié le 30 juillet 2024 par le département de la coopération et de l’observation électorale du secrétariat au renforcement de la démocratie de l’Organisation des États américains,
Vu le communiqué de presse de la Commission interaméricaine des droits de l’homme et de son rapporteur spécial pour la liberté d’expression du 15 août 2024,
Vu la résolution de l’Organisation des États américains 1261 (2508/24) du 16 août 2024 sur la situation au Venezuela,
Vu la résolution 2024/2810(RSP) adoptée par le Parlement européen le 19 septembre 2024 sur la situation au Venezuela,
Considérant que le 17 octobre 2023, le régime de Nicolás Maduro et la coalition d’opposition Plataforma unitaria ont signé un accord, dit accord de la Barbade, relatif à la promotion des droits politiques et aux garanties électorales pour tous, visant à permettre des élections libres et équitables au Venezuela ;
Considérant que, malgré cet accord, l’élection présidentielle du 28 juillet 2024 s’est déroulée dans un contexte de contestation majeure, avec des accusations sérieuses de fraude, la confirmation d’inéligibilité de María Corina Machado, et le rejet de la mission d’observation électorale de l’Union européenne ;
Considérant que, malgré ces entraves au processus électoral, l’élection du 28 juillet 2024 s’est déroulée de manière pacifique, et que les citoyens vénézuéliens se sont rendus massivement aux urnes, afin d’exercer leur droit de vote et de faire valoir leur voix ;
Considérant que le Conseil national électoral n’a pas rendu publics les procès‑verbaux électoraux ni fourni les informations nécessaires pour réfuter les graves allégations de fraude électorale, déclarant Nicolás Maduro vainqueur sans que soient publiées les données officielles ventilées par bureau de vote et par centre de vote, telles qu’elles figurent dans les feuilles de décompte des voix ;
Considérant que le Tribunal suprême de justice, saisi par Nicolás Maduro, a validé sa victoire sans publier de données officielles permettant de confirmer cette victoire ;
Considérant que les deux entités indépendantes qui ont observé l’élection, le groupe d’experts de l’Organisation des Nations unies et le Centre Carter, ont publié des travaux mettant en doute l’intégrité du processus électoral ;
Considérant que le Conseil national électoral a mis en place des mesures pour la production de protocoles de résultats imprimés , au niveau des bureaux de vote, avec divers éléments de sécurité tels que des QR codes et des codes de vérification avec signatures uniques, ainsi que des signatures physiques des fonctionnaires et des agents ; Considérant que ces caractéristiques de sécurité rendent les résultats difficilement falsifiables ;
Considérant que les procès‑verbaux publiés par l’opposition, avec les sceaux, signatures et QR codes correspondants semblent faire état de la victoire d’Edmundo González Urrutia, ce qui questionne encore davantage la véracité des résultats annoncés par le CNE ; Considérant que le groupe d’experts de l’Organisation des Nations unies a examiné un échantillon de ces procès‑verbaux et a confirmé que ces derniers exhibent bien tous les dispositifs de sécurité des protocoles originaux des résultats ;
Considérant les rapports faisant état de violations graves des droits humains au Venezuela à l’encontre des personnes ayant contesté les résultats, y compris la répression violente des manifestations, les détentions arbitraires, notamment de journalistes et de mineurs, et les restrictions sévères à la liberté d’expression ;
Considérant que les résultats de l’élection ne peuvent être reconnus, dans ces conditions ;
Réaffirme son soutien et sa solidarité au peuple vénézuélien dans sa quête de liberté, de justice et de démocratie ;
Condamne fermement la répression violente des manifestations, les atteintes aux droits humains, et les manipulations politiques qui entravent le processus démocratique au Venezuela ;
Condamne fermement l’émission par le gouvernement vénézuélien d’un mandat d’arrêt à l’encontre d’Edmundo González Urrutia ;
Invite le Conseil national électoral vénézuélien à :
1. Respecter le principe fondamental de la souveraineté populaire en procédant à une vérification impartiale des résultats qui garantisse la transparence, la crédibilité et la légitimité du processus électoral ;
2. Assurer la publication rapide, intégrale et transparente des procès‑verbaux de l’élection présidentielle, y compris les résultats du scrutin au niveau de chaque bureau de vote ;
Invite le gouvernement vénézuélien à :
3. Mettre fin immédiatement aux violences, aux tortures et aux détentions arbitraires des manifestants, des journalistes et des opposants politiques ;
4. Permettre le retour en toute sécurité des observateurs internationaux pour une évaluation impartiale de la situation électorale et des droits humains ;
5. Respecter les libertés fondamentales telles que la liberté d’expression et de réunion, et lever les restrictions imposées aux médias et aux réseaux sociaux ;
Invite le gouvernement français et à l’Union européenne à :
6. Poursuivre la défense des valeurs démocratiques et libertés fondamentales conformément au droit international ;
7. Poursuivre et intensifier les efforts diplomatiques pour encourager le rétablissement de l’État de droit au Venezuela ;
8. Soutenir activement un retour à l’esprit de l’accord de la Barbade ainsi que les efforts de médiation régionaux ;
9. Continuer de soutenir les organisations internationales et les associations œuvrant pour la défense des droits humains et le rétablissement des libertés au Venezuela ;
Invite la communauté internationale à :
10. Accroître les pressions politiques sur le gouvernement du Venezuela afin de permettre le respect du vote du peuple vénézuélien et le retour de l’État de droit ;
11. Assurer une assistance humanitaire pour les réfugiés et les personnes déplacées par la crise vénézuélienne afin de soulager les pressions sur les pays voisins et les communautés d’accueil ;
12. Maintenir ses demandes liées à la reprise des activités du bureau du Haut‑Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme à Caracas, ainsi que ses demandes aux autorités vénézuéliennes de coopération avec la Cour pénale internationale ;
13. Exiger une enquête internationale indépendante sur les allégations de fraude électorale et les violations des droits humains, et promouvoir des mesures visant à garantir le respect des standards internationaux en matière de droits humains et de démocratie ;
14. Favoriser un dialogue politique inclusif entre les différentes parties vénézuéliennes pour résoudre la crise politique ;
Exprime son espoir que ces actions contribueront à rétablir l’État de droit au Venezuela et à garantir un avenir de paix, de liberté et de justice pour le peuple vénézuélien.