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N° 563
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 novembre 2024.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
tendant à la création d’une commission d’enquête relative à l’usage des aides publiques par les entreprises dans un contexte de désindustrialisation,
(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Julien DIVE, Mme Clémence GUETTÉ, M. Xavier ALBERTINI, M. Laurent ALEXANDRE, M. Jean-Pierre BATAILLE, Mme Marie-Noëlle BATTISTEL, M. Thibault BAZIN, Mme Valérie BAZIN-MALGRAS, M. Karim BENBRAHIM, M. Thierry BENOIT, M. Sylvain BERRIOS, M. Carlos Martens BILONGO, Mme Sylvie BONNET, M. Jean-Yves BONY, M. Ian BOUCARD, M. Jean-Luc BOURGEAUX, M. Hubert BRIGAND, M. Éric COQUEREL, M. Pierre CORDIER, Mme Josiane CORNELOUP, M. Sébastien DELOGU, M. Inaki ECHANIZ, Mme Mathilde FELD, M. Nicolas FORISSIER, Mme Océane GODARD, M. David GUIRAUD, M. Michel HERBILLON, Mme Mathilde HIGNET, M. Vincent JEANBRUN, M. Philippe JUVIN, Mme Émeline K/BIDI, M. Maxime LAISNEY, M. Aurélien LE COQ, M. Corentin LE FUR, M. Jérôme LEGAVRE, M. Guillaume LEPERS, M. Gérard LESEUL, M. Laurent LHARDIT, M. Eric LIÉGEON, Mme Lise MAGNIER, M. Damien MAUDET, Mme Marianne MAXIMI, M. Laurent MAZAURY, Mme Frédérique MEUNIER, Mme Manon MEUNIER, M. Philippe NAILLET, M. Yannick NEUDER, Mme Sandrine NOSBÉ, Mme Christelle PETEX, M. René PILATO, M. François PIQUEMAL, M. Dominique POTIER, M. Aurélien PRADIÉ, Mme Valérie ROSSI, M. Raphaël SCHELLENBERGER, M. Matthias TAVEL, Mme Mélanie THOMIN, Mme Aurélie TROUVÉ, M. Antoine VERMOREL-MARQUES, M. Stéphane VIRY, M. Charles FOURNIER, M. François RUFFIN,
députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Les annonces de fermetures de sites industriels continuent de pleuvoir, et les perspectives des prochaines semaines et mois ne sont guère plus encourageantes. Des entreprises bénéficient d’aides publiques – l’argent des contribuables – avant de quitter brutalement nos territoires, laissant des milliers de travailleurs sans emploi et des régions exsangues. Ces fermetures d’usines ne sont pas des fatalités économiques ; elles résultent de choix stratégiques qui compromettent notre souveraineté industrielle.
Michelin, fleuron historique de notre industrie, a annoncé récemment la fermeture de deux sites en France, impactant 1 200 salariés. Valeo, le géant de l’automobile, prévoit de fermer trois usines, mettant en danger près de 1 000 emplois en France, alors même que ses bénéfices nets atteignent des sommets ([1]). Bridgestone, pour sa part, a quitté Béthune en 2021, laissant 863 salariés sans emploi malgré une rentabilité confirmée.
61 fermetures d’usines ont été enregistrées depuis janvier 2024, soit une hausse de 9 % par rapport à l’année précédente. Cela signifie que, loin de ralentir, la désindustrialisation s’accélère. Le secteur de la chimie, autrefois symbole de l’excellence industrielle française, est aujourd’hui en crise. Solvay dans le Gard, Syensqo près de Lyon, et WeylChem dans l’Oise sont autant de sites touchés par des plans sociaux, menaçant des centaines de travailleurs et fragilisant des bassins économiques déjà vulnérables. De leur côté, les 450 postes de l’entreprise Vencorex, près de Grenoble, sont menacés. Bien que l’entreprise ait obtenu un sursis de quatre mois, l’avenir reste incertain, car l’unique offre de reprise, provenant d’un groupe chinois, ne prévoit de sauver que 25 emplois. La disparition de Vencorex mettrait en péril plusieurs milliers d’emplois indirects. La fédération France Chimie redoute 15 000 destructions d’emplois d’ici trois ans, ce qui représente près de 10 % des emplois directs du secteur.
La fragilité de notre tissu industriel n’épargne aucun secteur, ni aucune région. Bosch a récemment annoncé la fermeture de son usine de Marignier en Haute‑Savoie, supprimant 153 emplois, tandis que l’industrie automobile, déjà mise à rude épreuve par la transition vers le moteur électrique, continue de subir des transformations douloureuses.
Ce n’est pas seulement l’industrie automobile ou chimique qui est en danger ; notre modèle industriel tout entier vacille. Sanofi, par exemple, a distribué 4,5 milliards d’euros en dividendes en 2023, tout en réduisant ses effectifs. Il ne s’agit pas de remettre en cause la légitimité des rendements financiers, mais de rappeler qu’un contrat moral existe entre l’État et les entreprises : les aides publiques doivent servir à renforcer notre tissu industriel et à protéger l’emploi, et non à financer des suppressions de postes ou des délocalisations.
Ces aides, qu’il s’agisse du fonds de soutien à la transition industrielle, du crédit d’impôt recherche ou encore d’aides à la transition écologique, représentent un effort collectif de la nation, un investissement que les Français ont le droit de voir protégé. Nous assistons à une démission collective face à certaines entreprises qui bénéficient des aides publiques sans en respecter pleinement les objectifs, ni rendre de comptes sur l’utilisation de ces fonds.
L’impact de ces fermetures ne se limite pas aux salariés directement touchés. Elles affectent les sous‑traitants et l’ensemble du tissu économique local, plongeant des régions entières dans une précarité accrue. De plus, ces décisions sont parfois prises sans réelle concertation avec les représentants du personnel, ce qui va à l’encontre des principes du dialogue social et accentue le sentiment d’injustice.
Cette proposition de résolution vise à créer une commission d’enquête pour examiner l’utilisation de ces aides publiques. Nous devons renforcer la transparence et veiller à ce que les engagements pris soient respectés. Si une entreprise bénéficie d’un soutien public, elle doit en rendre compte de manière claire. Et si elle manque à ses engagements, des mesures de remboursement des aides devront être envisagées pour garantir l’équité et l’efficacité de nos politiques industrielles.
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proposition de DE RÉSOLUTION
Article unique
En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, est créée une commission d’enquête de vingt membres, chargée :
1° d’étudier l’attribution et l’utilisation des aides publiques par les entreprises industrielles, afin de vérifier si les subventions et exonérations fiscales perçues ont effectivement contribué à la sauvegarde de l’emploi et au développement durable des activités industrielles sur le territoire national, ou si elles ont été détournées de leur finalité initiale ;
2° de proposer des mesures concrètes visant à instaurer des critères de conditionnalité plus rigoureux pour les aides publiques, notamment en liant directement ces soutiens financiers au maintien de l’emploi local et à l’investissement productif ;
3° de définir un régime de sanctions proportionnées et dissuasives à l’encontre des entreprises ne respectant pas les engagements associés aux aides perçues, incluant le remboursement intégral des aides publiques, l’interdiction temporaire de percevoir de nouveaux soutiens, ou d'autres mesures contraignantes pour éviter les abus et renforcer la responsabilité des bénéficiaires.