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N° 789
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 janvier 2025.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
tendant à la création d’une commission d’enquête sur la vente à la découpe de l’industriel Atos,
(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Aurélien SAINTOUL, Mme Mathilde PANOT, les membres du groupe La France insoumise - Nouveau Front Populaire [(1)],
députés et députées.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Atos est un fleuron industriel et technologique en danger. L’entreprise connait de très graves difficultés financières depuis plusieurs mois. Sous la direction de M. Thierry Breton, elle a contracté une dette massive. Afin d’éviter sa liquidation ou son rachat par un concurrent étranger, le gouvernement a annoncé en septembre 2024 reprendre les « actifs stratégiques » du groupe et la restructuration de la dette.
Cependant, cette méthode est loin de résoudre le problème. Le gouvernement postule, en effet, qu’il y aurait chez Atos des activités stratégiques et d’autres non. C’est faux. Toutes les activités du groupe en France participent à la souveraineté numérique et donc sont stratégiques et le seront probablement « encore plus » demain. De fait, aucune stratégie numérique sérieuse et réellement au service de la souveraineté nationale ne peut être élaborée en se privant du savoir‑faire d’Atos. Les activités de cette entreprise sont vitales pour l’économie et la sécurité : gestion des données sensibles, contrôle des systèmes des centrales nucléaires, infrastructures de défense et de cybersécurité, supercalculateurs, ou encore gestion des plateformes des administrations et entreprises publiques comme FranceConnect, Impôts.gouv, la Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) ou Électricité de France (EDF), jusqu’aux logiciels des collectivités locales. L’entreprise opère dans tous les secteurs essentiels à notre souveraineté. Il est fallacieux de réduire les « actifs stratégiques » à ceux qui ont trait à la défense proprement dite.
Après de longs mois d’atermoiements et de négociations opaques du gouvernement, les sénateurs, en avril 2024, ont décidé de mener une mission d’information pour éclaircir la situation. En conclusion de celle‑ci, ils soulignaient la nécessité d’éviter « à tout prix » la vente à la découpe d’Atos.
Pourtant, six mois plus tard, le gouvernement annonçait l’inverse et reprendre les « actifs stratégiques » pour un montant de 700 millions d’euros. Cette décision soulève trois questions.
Premièrement, compte tenu de ces difficultés, le cours de l’action s’était effondré et la valeur marchande de l’entreprise n’excède pas les 20 millions d’euros fin novembre 2024.
Deuxièmement, le gouvernement a choisi une nouvelle fois de s’affranchir de la représentation nationale.
Enfin, l’État abandonne le reste des activités d’Atos au profit de ses créanciers. En effet, ATOS est désormais sous le contrôle de ses créanciers, de l’aveu même du ministre délégué chargé de l’industrie Marc Ferracci qui, le 12 novembre dernier, en commission des affaires économiques annonçait qu’Atos « faisait l’objet d’une restructuration financière […] qui a amené les créanciers à transformer 3 milliards de dettes en fonds propres […] en contrepartie de quoi ils ont eu une capacité à avoir un droit de regard sur les garanties et les suretés relatifs aux actifs de l’entreprise ». Ces créanciers devenus actionnaires vont désormais avoir la liberté la plus complète de vendre à la découpe l’entreprise. Cela a déjà commencé avec la vente de la filiale WorldGrid le 1er décembre 2024.
En outre, les nouveaux actionnaires, ont transféré l’ensemble des actifs dans des holdings domiciliées aux Pays‑Bas à des fins d’optimisation fiscale et de garantie de saisie des actifs.
Les cabinets de conseil et établissements bancaires, tels McKinsey, Ernst & Young et Rothschild qui ont manœuvré dans cette juteuse affaire ont été rémunérés 600 millions d’euros, soit pratiquement 30 fois la valeur marchande de l’entreprise avant restructuration financière.
Preuve – peut‑être – que l’État se désintéresse du sort d’Atos, le ministère de la Défense a récemment attribué le marché d’acquisition d’un supercalculateur à Hewlett‑Packard, groupe américain, aux dépens de l’entreprise française et de l’indépendance nationale.
A contrario, les députés ont voté plusieurs fois en faveur de la nationalisation du groupe.
Dans le projet de loi de finance 2024 d’abord et ensuite par deux fois, pour un montant de 70 millions d’euros, au moment des débats sur le projet loi de finance pour 2025. Ces votes ont été balayés à chaque fois par le 49‑3. Il existe une majorité de parlementaires en faveur de cette nationalisation qui est contournée par les différents gouvernements depuis deux ans.
Nous demandons donc l’ouverture immédiate d’une commission d’enquête parlementaire. Cette commission devra permettre de :
1. Constater la mise en œuvre ou non, des recommandations de la mission d’information menée par le Sénat à ce sujet ;
2. Faire toute la lumière sur les conditions opaques de cette restructuration de la dette
3. Évaluer le risque sur les services numériques dédiés à la souveraineté nationale et aux intérêts des citoyens et habitants en France, et en établir la sécurité ;
4. Empêcher ce démantèlement sur les secteurs stratégiques français, sur les emplois et sur la sécurité nationale ;
5. Examiner la solution d’une nationalisation totale d’Atos, seule option réaliste pour préserver le patrimoine industriel de la France.
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proposition de rÉsolution
Article unique
En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, est créée une commission d’enquête de trente membres chargée de faire toute la lumière sur les conditions opaques de cette vente à la découpe et sur le rôle joué par le gouvernement, d’évaluer l’impact de ce démantèlement sur les secteurs stratégiques français, sur les services rendus à la nation, sur les emplois et sur la sécurité nationale et d’examiner la pertinence d’une nationalisation totale d’Atos, seule option réaliste pour préserver le patrimoine industriel et technologique de la France.
[(1)](1) Ce groupe est composé de : Mme Nadège ABOMANGOLI, M. Laurent ALEXANDRE, M. Gabriel AMARD, Mme Ségolène AMIOT, Mme Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, M. Raphaël ARNAULT, Mme Anaïs BELOUASSA-CHERIFI, M. Ugo BERNALICIS, M. Christophe BEX, M. Carlos Martens BILONGO, M. Manuel BOMPARD, M. Idir BOUMERTIT, M. Louis BOYARD, M. Pierre-Yves CADALEN, M. Aymeric CARON, M. Sylvain CARRIÈRE, Mme Gabrielle CATHALA, M. Bérenger CERNON, Mme Sophia CHIKIROU, M. Hadrien CLOUET, M. Éric COQUEREL, M. Jean-François COULOMME, M. Sébastien DELOGU, M. Aly DIOUARA, Mme Alma DUFOUR, Mme Karen ERODI, Mme Mathilde FELD, M. Emmanuel FERNANDES, Mme Sylvie FERRER, M. Perceval GAILLARD, Mme Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mme Zahia HAMDANE, Mme Mathilde HIGNET, M. Andy KERBRAT, M. Bastien LACHAUD, M. Abdelkader LAHMAR, M. Maxime LAISNEY, M. Arnaud LE GALL, M. Aurélien LE COQ, M. Antoine LÉAUMENT, Mme Élise LEBOUCHER, M. Jérôme LEGAVRE, Mme Sarah LEGRAIN, Mme Claire LEJEUNE, Mme Murielle LEPVRAUD, Mme Élisa MARTIN, M. Damien MAUDET, Mme Marianne MAXIMI, Mme Marie MESMEUR, Mme Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mme Sandrine NOSBÉ, Mme Danièle OBONO, Mme Nathalie OZIOL, Mme Mathilde PANOT, M. René PILATO, M. François PIQUEMAL, M. Thomas PORTES, M. Loïc PRUD’HOMME, M. Jean-Hugues RATENON, M. Arnaud SAINT-MARTIN, M. Aurélien SAINTOUL, Mme Ersilia SOUDAIS, Mme Anne STAMBACH-TERRENOIR, M. Aurélien TACHÉ, Mme Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, M. Paul VANNIER.