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N° 877

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 février 2025.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d’une commission d’enquête relative à l’organisation du système de santé et aux difficultés d’accès aux soins,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Christophe NAEGELEN, M. Stéphane LENORMAND, M. Jean-Pierre BATAILLE, M. Joël BRUNEAU, M. Michel CASTELLANI, M. Salvatore CASTIGLIONE, M. Paul-André COLOMBANI, M. Charles DE COURSON, M. Yannick FAVENNEC-BÉCOT, Mme Martine FROGER, M. David HABIB, M. Harold HUWART, M. Max MATHIASIN, M. Laurent MAZAURY, M. Paul MOLAC, M. Laurent PANIFOUS, Mme Constance DE PÉLICHY, Mme Nicole SANQUER, M. Olivier SERVA, M. David TAUPIAC, M. Stéphane VIRY, M. Jean-Luc WARSMANN, Mme Estelle YOUSSOUFFA, les membres du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires [(1)],

députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Il y a quatre ans, la crise sanitaire liée au Covid‑19 obligeait le monde et la France à se confiner, pour protéger la population, et éviter l’effondrement de notre système de santé hospitalier.

Si l’hôpital public a tenu, c’est notamment grâce à la mobilisation sans faille de ses soignants, à qui le « Ségur de la Santé » a tenté d’apporter une reconnaissance qu’il reste encore à poursuivre.

Dès 2019, avant même la survenue de l’épidémie de Covid‑19, notre pays a connu de longs mois de mobilisation avec un mouvement de grève massif des hôpitaux et des services d’urgences.

Cinq ans plus tard, alors que les rapports, les missions et les « Ségur » se sont succédés, notre hôpital public continue de traverser une crise grave, au détriment de la santé et de la sécurité des patients.

Cette crise de notre hôpital public est symptomatique d’une crise bien plus large de notre système de santé tout entier, avec un délitement continu des services hospitaliers et une désertification médicale qui s’aggrave et qui éloigne de plus en plus nos concitoyens d’un accès aux soins de qualité.

Un système de santé en crise au détriment de l’accès aux soins des citoyens

Faute de recueil centralisé des données sur les difficultés rencontrées par les services hospitaliers, les chiffres à notre disposition sont ceux des syndicats qui mènent leurs propres études. Une commission d’enquête permettrait de fournir un état des lieux précis de la situation, dans chacun de ces services, et comprendre l’origine et les causes d’une telle dégradation.

Ainsi, selon une étude menée par la Fédération hospitalière de France (FHF), en 2023, 70 % des établissements hospitaliers participants à l’étude, ont fermé des lits en médecine, 29 % en chirurgie, 25 % en soins critiques et 17 % aux urgences. 60 % des lits fermés le sont parce que les hôpitaux ne parviennent pas à recruter suffisamment de soignants.

Aujourd’hui, 30 % des postes de médecins hospitaliers sont vacants, selon les chiffres de la FHF. Le nombre de candidats au concours de praticiens hospitaliers a encore baissé au printemps 2023, avec 3 364 candidatures reçues pour 10 846 postes vacants publiés, contre 4 056 candidatures un an avant.

Tous les services hospitaliers sont concernés, mais ils connaissent des dégradations plus ou moins importantes. Une attention particulière doit être portée notamment aux services d’urgences. Selon un bilan réalisé par le syndicat SAMU‑Urgences, sur plus de la moitié des 680 structures d’urgence en France, 163 services d’urgence ont fermé au moins une fois au cours des deux mois d’été 2024, tandis que 166 Smur ont fermé au moins une unité sur la période. Les trois‑quarts des Samu‑Centres 15 disent avoir eu besoin de renforts d’assistants de régulation médicale (ARM), mais un tiers n’ont pas pu en trouver.

Par ailleurs, nous assistons à une fermeture continue des maternités, obligeant les patientes à parcourir de nombreux kilomètres pour accoucher. Près de 33 % des maternités ont fermé en 20 ans, entre 2001 et 2021. En près de 50 ans, depuis 1972, les trois quarts de ces établissements ont même disparu.

Dans le même temps, la France voit son taux de mortalité infantile augmenter, notamment du fait d’une dégradation des soins obstétricaux et pédiatriques. Nous avons encore tous en mémoire la saturation des urgences pédiatriques lors de l’épidémie de bronchiolite en hiver 2023.

Quant aux services de psychiatrie, ils sont également confrontés à de graves dysfonctionnements et manques de moyens ; confirmant le constat que la santé mentale continue d’être le parent pauvre de notre système de santé.

Au‑delà de l’hôpital public, c’est tout le système de santé qui est fragilisé depuis plusieurs décennies. La désertification médicale touche plus de 8 millions de Français. Ce phénomène, longtemps subi, en priorité par les territoires ruraux, s’étend désormais à tous les territoires : à titre d’exemple, en région Île‑de‑France, la densité en médecins généralistes y est inférieure de plus de 11 % à la moyenne nationale.

Mais en matière d’accès aux soins, perdurent de très importantes disparités territoriales qui génèrent un sentiment de déclassement chez les citoyens concernés. Le temps d’accès aux soins pour les ruraux est désormais supérieur de 52 % à celui des urbains.

Dans les territoires ultramarins et insulaires, le manque d’infrastructures, l’éloignement et les surcoûts exacerbent les difficultés en matière de santé.

Ce manque d’accès aux soins, qui se fait dans des conditions de plus en plus dégradées, entraine des pertes de chances considérables et intolérables pour les patients.

Questionner les responsabilités politiques, administratives et médicales

À chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale, toutes les fédérations hospitalières alertent sur l’insuffisance de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) pour faire face à l’inflation qui se répercute sur les coûts de fonctionnement comme les projets d’investissement, ainsi que pour couvrir les revalorisations salariales, dans les établissements de santé.

Toutefois, l’origine des dysfonctionnements n’est pas uniquement liée à un manque d’investissements récents.

La responsabilité de la crise du système de santé est ancienne et collective : elle est le résultat de plusieurs décennies de décisions politiques et administratives.

Aujourd’hui, nous devons questionner l’origine de ces dysfonctionnements au travers des politiques menées et des directives données par le ministère de la Santé et par les Agences régionales de santé, notamment en matière de répartition de l’offre de soins sur le territoire (attribution des internes, rémunération, tarifs hospitaliers…).

Nous devons également nous intéresser à l’effectivité et l’application de ces politiques, en comparant notamment leur mise en œuvre sur tous nos territoires. La responsabilité est aussi celle des acteurs et administrations chargés de mettre en œuvre les décisions politiques ainsi que celle des hôpitaux et des services, qui assurent quotidiennement la tenue de notre service public hospitalier.

Une réflexion sur la pertinence de la gouvernance de la politique de santé, sur le plan national et à tous les échelons territoriaux est à mener.

Cette commission d’enquête est pensée dans la continuité d’une commission antérieure débutée lors de la précédente législature sur la crise de l’hôpital public, sans que celle‑ci n’ait pu aller à son terme du fait de la dissolution. Les premières auditions ont confirmé l’existence d’un système d’organisation et de décision très complexe. Elles ont démontré la nécessité d’élargir le champ d’investigation, afin de proposer en premier lieu une vision claire du fonctionnement de notre système de santé, et de sa gouvernance.

Questionner ces dysfonctionnements implique de s’interroger sur les moyens matériels et humains accordés à notre hôpital public et à notre système de santé ; sur les investissements consentis comparativement aux besoins ; sur l’organisation de l’hôpital et du système de soins ; sur les conditions d’exercice des soignants ; sur les inégalités d’accès aux soins et les spécificités propres à chacun de nos territoires…

Cela suppose de revenir sur les décisions qui ont abouti au fait qu’aujourd’hui, nos citoyens n’ont pas accès à un médecin traitant, à une maternité, à un service d’urgence ou à des spécialistes. Cela implique de comprendre pourquoi l’on constate de telles disparités entre le secteur privé et le secteur public, afin de rétablir une plus grande équité entre ces derniers.

Toute la lumière doit être faite sur les dysfonctionnements de notre système de santé, afin de pouvoir proposer des solutions concrètes pour qu’aucun citoyen ne soit éloigné de l’accès aux soins, sur aucun de nos territoires.

 


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proposition de rÉsolution

Article unique

En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, est créée une commission d’enquête de trente membres, chargée d’étudier l’organisation du système de santé, d’évaluer les difficultés d’accès aux soins sur tout le territoire, et tenter d’identifier des solutions pour y remédier.

 

 


[(1)](1) Ce groupe est composé de : M. Jean-Pierre BATAILLE, M. Joël BRUNEAU, M. Michel CASTELLANI, M. Salvatore CASTIGLIONE, M. Paul-André COLOMBANI, M. Charles DE COURSON, M. Yannick FAVENNEC-BÉCOT, Mme Martine FROGER, M. David HABIB, M. Harold HUWART, M. Stéphane LENORMAND, M. Max MATHIASIN, M. Laurent MAZAURY, M. Paul MOLAC, M. Christophe NAEGELEN, M. Laurent PANIFOUS, Mme Constance DE PÉLICHY, Mme Nicole SANQUER, M. Olivier SERVA, M. David TAUPIAC, M. Stéphane VIRY, M. Jean-Luc WARSMANN, Mme Estelle YOUSSOUFFA.