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N° 1122
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 mars 2025.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
visant à renforcer la protection du corps enseignant et de l’institution scolaire face aux violences,
présentée par
M. Roger CHUDEAU, M. Hervé DE LÉPINAU, M. Kévin MAUVIEUX, Mme Stéphanie GALZY, M. Romain TONUSSI, Mme Michèle MARTINEZ, M. Antoine VILLEDIEU, Mme Tiffany JONCOUR, M. José BEAURAIN, M. Philippe BALLARD, M. Sébastien CHENU, Mme Sandrine DOGOR-SUCH, Mme Béatrice ROULLAUD, Mme Yaël MÉNACHÉ, M. René LIORET, M. Jordan GUITTON, Mme Florence GOULET, M. Christian GIRARD, M. Bryan MASSON, M. Jérôme BUISSON, M. Jorys BOVET, M. Thomas MÉNAGÉ, M. Alexandre ALLEGRET-PILOT, M. Emeric SALMON, M. Robert LE BOURGEOIS, M. Frédéric BOCCALETTI, Mme Nathalie DA CONCEICAO CARVALHO, M. Philippe LOTTIAUX, Mme Claire MARAIS-BEUIL, M. Christophe BARTHÈS, Mme Katiana LEVAVASSEUR, Mme Géraldine GRANGIER, M. Emmanuel FOUQUART, Mme Laure LAVALETTE, Mme Manon BOUQUIN, Mme Caroline PARMENTIER, M. Gaëtan DUSSAUSAYE, Mme Julie LECHANTEUX, M. Julien LIMONGI, Mme Lisette POLLET, Mme Catherine RIMBERT, Mme Marine HAMELET, M. Frank GILETTI, M. Joseph RIVIÈRE, Mme Florence JOUBERT, M. Julien ODOUL, M. Stéphane RAMBAUD, Mme Sophie BLANC, Mme Anaïs SABATINI, M. Maxime MICHELET, Mme Christelle D’INTORNI, Mme Bénédicte AUZANOT, M. Auguste EVRARD, M. Serge MULLER, M. Emmanuel BLAIRY, Mme Monique GRISETI, Mme Edwige DIAZ, Mme Laurence ROBERT-DEHAULT, M. Pascal JENFT, M. Frédéric WEBER, M. Thierry TESSON, M. Julien RANCOULE, M. Bruno CLAVET, M. Alexandre SABATOU, Mme Joëlle MÉLIN, M. Michel GUINIOT, M. Anthony BOULOGNE, M. Marc CHAVENT, M. Laurent JACOBELLI, M. Romain BAUBRY, Mme Pascale BORDES, M. Guillaume BIGOT, M. Frédéric-Pierre VOS, M. Philippe SCHRECK, M. Éric MICHOUX, M. Aurélien LOPEZ-LIGUORI, M. Yoann GILLET, M. Julien GABARRON, M. Théo BERNHARDT, M. Matthieu MARCHIO,
députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L’école de la République, pilier fondamental de la nation, est confrontée à une progression inquiétante de la violence à l’égard de ses enseignants et de ses élèves. Depuis les assassinats de Samuel Paty en 2020 et de Dominique Bernard en 2023, il n’y a pas une semaine où l’école n’est pas ciblée par des faits de violences : établissements scolaires criblés de balles, chefs d’établissement menacés de mort par des islamistes pour avoir défendu la laïcité (affaire Maurice Ravel), menaces d’attentats sur les espaces numériques de travail, agression mortelle contre des élèves (Viry‑Châtillon, Montpellier, Tours, etc.), campagnes de harcèlement sur les réseaux sociaux, etc.
Les chiffres publiés par le ministère de l’Éducation nationale confirment cette augmentation constante des faits de violence ([1]). En 022‑2023, le taux d’incidents graves dans les établissements scolaires était de 13,7 incidents graves pour 1 000 élèves, contre 12,3 en 2021‑2022, soit une hausse de 11 % ([2]). Les collèges ont un taux plus élevé (15,8 incidents) que les lycées (5,1 pour les LEGT/LPO (lycées d’enseignement général et technologique / lycées polyvalents), et 20,2 pour les lycées professionnels). Plus inquiétant, le nombre d’incidents dans les écoles primaires a augmenté de plus de 50 % en passant de 3 à 4,6 pour 1 000 élèves en un an. Du côté du corps enseignant, plus de la moitié des enseignants (55 %) jugent qu’il y a un peu ou beaucoup de violence ([3]). Du côté des élèves, près d’un lycéen sur trois (30 %) déclare avoir été victime d’au moins une forme de violence répétée au cours de l’année scolaire ([4]).
La violence scolaire a également fait l’objet de multiples rapports parlementaires ([5]). Fruit des travaux conjoints de la commission des lois et de la commission de la culture et de l’éducation, le dernier rapport du Sénat de mars 2024 dresse un constat sans équivoque : la violence, qu’elle soit verbale, physique ou sous la forme de pressions, est devenue « endémique » dans nos établissements scolaires, et, fait inédit, elle s’étend désormais à l’école primaire. Si dans le secondaire, 2 enseignants sur 3 ont déclaré un incident grave en 2021‑2022, ce sont désormais 37 700 enseignants des écoles primaires et maternelles, soit 10 % de leurs effectifs, qui ont signalé subir des violences physiques ou verbales. Et contrairement aux idées reçues, cette violence se manifeste dans tous territoires, urbains et ruraux.
Au‑delà des menaces directes à l’égard des enseignants, c’est l’école de la République, et ses valeurs, au premier rang desquelles se trouve la laïcité, qui fait l’objet de coups de boutoir réguliers. Il est devenu banal que les enseignements soient régulièrement contestés par les élèves. Entre 2021 et 2022, le ministère a recensé 3 500 atteintes à la laïcité et aux valeurs de la République. En réalité, il faudrait multiplier par 100 ces chiffres pour s’approcher de la réalité selon l’inspecteur M. Jean‑Pierre Obin ([6]).
Face à cette explosion de la violence, les gouvernements successifs ont multiplié les effets d’annonces et les coups de communication : dans les faits, le « choc de l’autorité » promis par M. Gabriel Attal n’a pas eu lieu. Aucune mesure d’ampleur n’a été entreprise pour enrayer sérieusement la propagation de cette violence et rétablir l’autorité au sein de l’institution scolaire. Il est urgent de renforcer l’arsenal juridique et administratif pour garantir la protection effective des personnels de l’éducation nationale, sanctionner efficacement les auteurs de violences et mieux sécuriser les établissements scolaires.
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proposition de RÉSOLUTION
Article unique
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 34‑1 de la Constitution,
Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,
Considérant que l’école est confrontée à une montée inquiétante de la violence à l’égard du corps enseignant et de l’institution scolaire ;
Considérant que l’autorité des professeurs, préalable essentiel à l’acte d’enseigner, est remise en cause par des élèves perturbateurs ;
Considérant que les savoirs et les valeurs enseignés à l’école, à commencer par le principe de laïcité, sont contestés voire rejetés par des élèves radicalisés ;
Demande au Gouvernement de réaffirmer l’autorité de l’institution scolaire non seulement en parole, mais en acte en prenant des dispositions législatives et règlementaires urgentes pour garantir la protection du corps enseignant ;
Invite le Gouvernement à garantir l’octroi automatique de la protection fonctionnelle pour tout agent victime de violence, de réduire les délais administratifs de la procédure pour cas les plus graves et de renforcer les programmes d’information et de sensibilisation auprès des agents concernant leurs droits à la protection fonctionnelle ;
Invite le Gouvernement renforcer les sanctions administratives à l’égard des auteurs de violences par la création, dans chaque département, de structures d’accueil dédiées, regroupant les dispositifs relais existants, destinées à scolariser les élèves perturbateurs et radicalisés exclus de l’enseignement ordinaire ;
Invite le Gouvernement à responsabiliser davantage les parents d’élèves perturbateurs en suspendant les allocations familiales et les bourses scolaires en cas de perturbation grave et répétée ;
Invite le Gouvernement à mieux sécuriser les établissements scolaires et leurs abords par la mise en œuvre d’un plan national de sécurisation des établissements avec les collectivités territoriales et le ministère de l’intérieur ;
Invite le Gouvernement à mettre fin au « pas de vague » en exigeant des chefs d’établissement le signalement systématique de tout incident à l’endroit des personnels de l’éducation nationale et rendant obligatoire le signalement de ces faits au Procureur de la République en application de l’article 40 du code de procédure pénale ;
Invite le Gouvernement à faciliter les procédures judiciaires des agents victimes de violences, en inscrivant, dans la loi, la possibilité pour l’administration de déposer plainte au nom des enseignants agressés, en poursuivant le plan de protection des agents publics annoncé en 2023 ;
Invite le Gouvernement à rendre compte, tous les ans, au Parlement de la situation du corps enseignant en matière de sécurité et de protection.
([1]) Afin d’évaluer la qualité du climat scolaire, la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) mène deux types d'enquêtes complémentaires : l’enquête SIVIS (Système d’information et de vigilance sur la sécurité scolaire) qui recense le nombre d’incidents graves déclarés dans les établissements scolaires, et l’enquête nationale de climat scolaire et de victimation qui interrogent les élèves et personnels pour prendre en compte leur point de vue sur le climat scolaire et connaître les éventuelles atteintes subies à l’école que ces actes aient été ou non signalés au sein de l’établissement ou auprès des autorités.
([2]) Rakotobe M., "Les signalements d’incidents graves dans les écoles publiques et les collèges et lycées publics et privés sous contrat en 2022-2023", Note d’Information, n° 24.04, DEPP.
([3]) Fréchou H., Simon C. 2023, "Résultats de l’enquête nationale de climat scolaire et de victimation 2022 auprès des directeurs d’école et des enseignants du premier degré", Note d'Information, n° 23.15, DEPP.
([4]) Traore B., "2,2 % des lycéens déclarent cinq violences ou plus de façon répétée" - Résultats de l’enquête nationale de climat scolaire et de victimation auprès des lycéens pour l’année scolaire 2022‑2023, Note d'Information n° 24-26, DEPP.
([5]) La présente proposition de loi s’appuie sur les rapports suivants :
- Rapport d’information n° 377 du Sénat (2024) de François-Noël BUFFET et Laurent LAFON : « République attaquée : le traitement des pressions, menaces et agressions dont sont victimes les enseignants » ;
- Rapport d’information n° 843 du Sénat (2021) de Colette MELOT : « Harcèlement scolaire et cyberharcèlement : mobilisation générale pour mieux prévenir, détecter et traiter » ;
- Rapport d’information n° 226 du Sénat (2019) de Catherine MORIN-DESAILLY : « #PasDeVague : la détresse des enseignants face à la violence scolaire » ;
- Rapport d’information n° 731 de l’Assemblée nationale (2013) de Claude DE GANAY sur la proposition de loi visant à prévenir et lutter contre la violence en milieu scolaire.
([6]) Jean-Pierre Obin, Les profs ont peur, École et laïcité, le grand renoncement, Paris, Éditions de l’Observatoire, 2023.