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N° 1168
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 mars 2025.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE
visant à promouvoir une pratique de la pêche durable et respectueuse des ressources halieutiques et des océans,
(Renvoyée à la commission des affaires européennes)
présentée par
Mme Anna PIC, Mme Marietta KARAMANLI, M. Thierry SOTHER, M. Karim BENBRAHIM, Mme Colette CAPDEVIELLE, M. Pierre PRIBETICH, M. Christian BAPTISTE, Mme Béatrice BELLAY, M. Mickaël BOULOUX, M. Elie CALIFER, M. Peio DUFAU, M. Julien GOKEL, Mme Pascale GOT, M. Laurent LHARDIT, M. Philippe NAILLET, M. Fabrice ROUSSEL, Mme Mélanie THOMIN, M. Jiovanny WILLIAM, M. Boris VALLAUD, M. Olivier FAURE, Mme Marie-José ALLEMAND, M. Joël AVIRAGNET, M. Fabrice BARUSSEAU, Mme Marie-Noëlle BATTISTEL, M. Laurent BAUMEL, M. Philippe BRUN, M. Paul CHRISTOPHLE, M. Pierrick COURBON, M. Alain DAVID, M. Arthur DELAPORTE, M. Stéphane DELAUTRETTE, Mme Dieynaba DIOP, Mme Fanny DOMBRE COSTE, M. Inaki ECHANIZ, M. Romain ESKENAZI, M. Denis FÉGNÉ, M. Guillaume GAROT, Mme Océane GODARD, M. Emmanuel GRÉGOIRE, M. Jérôme GUEDJ, M. Stéphane HABLOT, Mme Ayda HADIZADEH, Mme Florence HEROUIN-LÉAUTEY, Mme Céline HERVIEU, M. François HOLLANDE, Mme Chantal JOURDAN, Mme Fatiha KELOUA HACHI, M. Gérard LESEUL, Mme Estelle MERCIER, M. Jacques OBERTI, Mme Sophie PANTEL, M. Marc PENA, Mme Christine PIRÈS BEAUNE, M. Dominique POTIER, M. Christophe PROENÇA, Mme Marie RÉCALDE, Mme Valérie ROSSI, Mme Claudia ROUAUX, M. Aurélien ROUSSEAU, Mme Sandrine RUNEL, M. Sébastien SAINT-PASTEUR, Mme Isabelle SANTIAGO, M. Hervé SAULIGNAC, M. Arnaud SIMION, Mme Céline THIÉBAULT-MARTINEZ, M. Roger VICOT, les membres du groupe Socialistes et apparentés [(1)],
députées et députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Du 9 au 13 juin prochain, la France et le Costa‑Rica organiseront la troisième Conférence des Nations Unies sur l’Océan (UNOC‑3) à Nice. Cet événement d’envergure mondiale aura pour dessein de renforcer la mise en œuvre de l’objectif de développement durable 14 (ODD 14) sur l’environnement marin, et fera figure de point d’orgue de l’année de la mer 2025 en France.
Dans ce contexte, les autorités françaises annoncent vouloir s’emparer de cette conférence et être en première ligne pour travailler à la conclusion d’un grand traité international visant à protéger les océans.
En disposant du 2e espace maritime mondial, tout particulièrement grâce à nos Outre‑mer, la France est parfaitement légitime à être le moteur d’une telle initiative, laquelle ne saurait aboutir et être efficiente sans sa mobilisation sur le sujet.
Plus grand puits de carbone au monde, véritable trésor de biodiversité, nos océans sont à l’origine de l’humanité et au cœur de sa pérennité. Cette réalité rend indispensables les actions en faveur de leur protection, et nécessite une prise de conscience globale pour les préserver des périls qui les menacent : pollutions multiples et pêche intensive.
En effet, si les intentions françaises sont honorables, elles ne sauraient être pleinement effectives sans promotion et mise en œuvre, dans le même temps, d’une profonde modification des pratiques de pêche en France, en Europe, et dans le monde.
En novembre 2024, l’Annelies Ilena, plus grand chalutier pélagique de monde, était autorisé à pêcher dans les eaux de l’Atlantique Nord‑Est suite à une décision du gouvernement français, lequel avait échangé des quotas de pêche de merlans avec la Pologne.
Ce monstre des mers, mesurant 145 mètres de long et capable de capturer indistinctement jusqu’à 400 tonnes de poisson par jour dans ses filets, massacre les océans dans le seul but de faire du profit à court terme, et est la parfaite illustration du type de pratiques autodestructrices que nous devons impérativement bannir dans les plus brefs délais.
Ce chalutier est un exemple, parmi d’autres, de navires‑usines similaires ou de flottilles industrielles qui dévastent nos eaux territoriales et ses ressources, y compris dans la bande côtière des 12 milles nautiques et dans les aires marines dites protégées, parfois au mépris des réglementations en vigueur.
C’est ainsi qu’en décembre 2024, l’organisation non gouvernementale (ONG) Bloom révélait la présence au sein même de l’aire marine protégée du Banc des Flandres, dans la Manche, de chalutiers industriels appartenant à des multinationales néerlandaises, lesquelles sont désormais reconnues pour leurs pratiques peu respectueuses des océans et de ses ressources.
À la gravité de cette situation vient s’ajouter la faute coupable d’un soutien des pouvoirs publics puisque ces bateaux bénéficient d’exonérations de taxes sur les carburants à hauteur de 40 %.
À rebours des discours et des recommandations scientifiques internationales, il y a les faits, et ceux‑ci ne vont pas dans le sens d’une régulation de l’effort de pêche assurant la protection de la ressource halieutique et de la pêche artisanale.
Des solutions en faveur d’une transition vers des pratiques de pêche durables et respectueuses des océans existent pourtant et sont à même de concilier les dimensions économiques, sociales et environnementales afférentes.
La première d’entre elles est l’interdiction à l’échelle de l’Union européenne, dans les plus brefs délais et sans exception aucune, de la pêche pratiquée sur des navires de plus de vingt‑cinq mètres dans la bande côtière des douze milles nautiques, et dans les aires marines protégées (AMP).
Cette mesure doit s’accompagner d’une série d’autres dispositions complémentaires permettant d’assurer la pérennité du métier de pêcheur et la préservation de la ressource halieutique.
Il s’agit de l’indispensable modification de l’évaluation de la performance de pêche, pour ne plus regarder cette activité sous le seul prisme du rendement et de la productivité, et s’orienter vers des critères relatifs à la durabilité écologique et sociale des pratiques.
Le conditionnement des subventions publiques aux sociétés de pêcheurs dont les flottes sont uniquement composées de navires de pêche de moins de 25 mètres se présente, par ailleurs, comme un levier déterminant pour passer d’un modèle jusqu’ici synonyme de ruine sociale et écologique, à un modèle plus prospère et durable.
Un tel changement de paradigme, pour être pleinement efficace, devrait également s’accompagner de nouvelles mesures permettant d’améliorer la traçabilité des produits de la pêche, et par la promotion de mesures miroirs vis‑à‑vis des autres pays.
Pour compléter, la mise en œuvre de critères objectifs et transparents dans la répartition des quotas de pêche au sein de l’Union européenne permettrait de gagner en clarté sur le sujet. Afin de s’assurer sa réalisation, une amélioration des dispositifs de contrôle et de sanctions en cas de manquements est nécessaire.
Enfin, il apparaît nécessaire de s’inspirer des dernières recherches scientifiques relatives aux sciences de la mer pour mener des politiques aussi ambitieuses qu’innovantes en la matière. Dans une étude ([1]) publiée le 6 février dernier dans la revue Frontiers in Marine Science, une équipe de chercheurs internationaux a dévoilé un cadre global de ce qu’ils nomment des « aires marines de prospérité » (AMP). Basé sur une approche holistique de la conservation marine, leur concept, fondé sur une gouvernance partagée, à l’échelle locale, des espaces maritimes, a pour ambition de concilier la préservation des écosystèmes marins et les besoins humains.
Tout en ayant conscience que les pratiques susmentionnées s’inscrivent dans un contexte international dont nous ne pouvons, seuls, nous soustraire, la France s’honorerait à être la force motrice d’un autre modèle européen, plus juste socialement et prévenant à l’égard des océans. C’est l’objet de cette proposition de résolution européenne.
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proposition de rÉsolution europÉenne
Article unique
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 88‑4 de la Constitution,
Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,
Vu les articles 38 à 44 et 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,
Vu le règlement (UE) n° 1380/2013 du Parlement et du Conseil du 11 décembre 2013 relatif à la politique commune de pêche, selon lequel cette politique doit garantir que « les activités de pêche et d’aquaculture contribuent à assurer la viabilité à long terme sur les plans environnemental, économique et social », et dispose que « les États membres devraient promouvoir une pêche responsable à l’aide de mesures d’encouragement bénéficiant aux opérateurs qui pêchent de la manière la moins dommageable pour l’environnement et apportent le plus d’avantages à la société » ,
Vu l’article 17 du règlement relatif à la politique commune de pêche, qui dispose que, lors de l’attribution des possibilités de pêche, les États membres utilisent » des critères transparents et objectifs, y compris les critères à caractère environnemental, social et économique »,
Considérant le rôle déterminant des océans dans l’émergence de l’humanité et sa pérennité ;
Considérant la nécessité de s’emparer de la troisième Conférence des Nations Unies sur l’Océan pour promouvoir, à l’échelle mondiale, un changement de paradigme dans les pratiques de pêche à travers le monde ;
Considérant que la France, en disposant du deuxième espace maritime mondial, se doit d’être en première ligne de la protection des océans ;
Considérant que la pêche artisanale produit autant de captures pour la consommation humaine que la pêche industrielle, tout en étant plus respectueuse de la ressource halieutique ;
Considérant la fragilité de la pêche côtière ou artisanale et son assujettissement à la bonne santé de la ressource halieutique ;
Affirme l’absolue nécessité de défendre, à l’échelle européenne et mondiale, une gestion durable des ressources halieutiques en s’assurant, à intervalles réguliers, de son état par l’intermédiaire d’un suivi scientifique et de prospection ;
Condamne le modèle industriel de pêche fondé sur des pratiques dévastatrices pour les écosystèmes marins et, in fine, autodestructrices pour le secteur de la pêche dans son intégralité ;
Encourage le Gouvernement français à promouvoir l’interdiction à l’échelle de l’Union européenne, dans les plus brefs délais et sans exception aucune, de l’usage de navires de pêche de plus de vingt‑cinq mètres à moins de douze milles nautiques, et dans les aires marines protégées ;
Souligne la nécessité de tendre vers une modification de l’évaluation de la performance de pêche pour que celle‑ci ne repose pas uniquement sur des critères économiques, mais aussi sur des critères écologiques et sociaux ;
Incite le Gouvernement français à promouvoir, à l’échelle de l’Union européenne, le conditionnement des subventions publiques aux sociétés de pêcheurs dont les flottes sont uniquement composées de navires dont la taille est inférieure à vingt‑cinq mètres ;
Souligne l’impératif d’impulser la mise en œuvre de critères objectifs et transparents dans la répartition des quotas de pêche au sein de l’Union européenne et d’améliorer les dispositifs de contrôle assurant l’effectivité des sanctions en cas de manquements ;
Recommande au Gouvernement français de défendre une politique d’amélioration de la traçabilité des produits de la pêche et la mise en place de mesures miroirs permettant d’exiger les mêmes normes sanitaires, sociales et environnementales vis‑à‑vis des denrées importées d’autres pays ;
Invite le Gouvernement français à promouvoir le concept novateur d’aire marine de prospérité(, lequel repose notamment sur l’idée d’une gouvernance partagée, à l’échelle locale, des espaces maritimes pour tendre vers une convergence des intérêts environnementaux, économiques et sociaux.
([1]) Aburto-Oropeza O, Platzgummer V, Ferrer EM, López-Sagastegui C, Mirabent RdGA, Avalos Galindo A, Favoretto F, Giron-Nava A, Mendoza Camacho I, Nuñez Sañudo C, Plascencia de La Cruz M and Robles A (2025) Marine Prosperity Areas : a framework for aligning ecological restoration and human well-being using area-based protections. Front. Mar. Sci. 11 :1491483. Doi : 10.3389/fmars.2024.1491483
[(1)](1) Ce groupe est composé de : Mme Marie-José ALLEMAND, M. Joël AVIRAGNET, M. Christian BAPTISTE, M. Fabrice BARUSSEAU, Mme Marie-Noëlle BATTISTEL, M. Laurent BAUMEL, Mme Béatrice BELLAY, M. Karim BENBRAHIM, M. Mickaël BOULOUX, M. Philippe BRUN, M. Elie CALIFER, Mme Colette CAPDEVIELLE, M. Paul CHRISTOPHLE, M. Pierrick COURBON, M. Alain DAVID, M. Arthur DELAPORTE, M. Stéphane DELAUTRETTE, Mme Dieynaba DIOP, Mme Fanny DOMBRE COSTE, M. Peio DUFAU, M. Inaki ECHANIZ, M. Romain ESKENAZI, M. Olivier FAURE, M. Denis FÉGNÉ, M. Guillaume GAROT, Mme Océane GODARD, M. Julien GOKEL, Mme Pascale GOT, M. Emmanuel GRÉGOIRE, M. Jérôme GUEDJ, M. Stéphane HABLOT, Mme Ayda HADIZADEH, Mme Florence HEROUIN-LÉAUTEY, Mme Céline HERVIEU, M. François HOLLANDE, Mme Chantal JOURDAN, Mme Marietta KARAMANLI, Mme Fatiha KELOUA HACHI, M. Gérard LESEUL, M. Laurent LHARDIT, Mme Estelle MERCIER, M. Philippe NAILLET, M. Jacques OBERTI, Mme Sophie PANTEL, M. Marc PENA, Mme Anna PIC, Mme Christine PIRÈS BEAUNE, M. Dominique POTIER, M. Pierre PRIBETICH, M. Christophe PROENÇA, Mme Marie RÉCALDE, Mme Valérie ROSSI, Mme Claudia ROUAUX, M. Aurélien ROUSSEAU, M. Fabrice ROUSSEL, Mme Sandrine RUNEL, M. Sébastien SAINT-PASTEUR, Mme Isabelle SANTIAGO, M. Hervé SAULIGNAC, M. Arnaud SIMION, M. Thierry SOTHER, Mme Céline THIÉBAULT-MARTINEZ, Mme Mélanie THOMIN, M. Boris VALLAUD, M. Roger VICOT, M. Jiovanny WILLIAM.