N° 1171
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 mars 2025.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
tendant à la création d’une commission d’enquête sur les failles des agences de l’État dans la gestion des intoxications alimentaires,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Alexandre PORTIER,
député.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Fin 2023, la jeune Élise, 7 ans, s’est retrouvée brutalement plongée dans le coma après avoir consommé du Morbier à la veille de Noël. Dès lors, sa famille, installée dans le Beaujolais, a vécu des mois dramatiques que nous devons tout faire pour éviter à d’autres.
Élise a en effet été victime d’une contamination par la bactérie « Escherichia Coli » (E. Coli) – contamination dont les conséquences peuvent être particulièrement violentes pour les jeunes enfants, jusqu’au point d’engager leur pronostic vital, en leur laissant des séquelles à vie.
Heureusement, Élise s’est réveillée, a pu regagner après plusieurs semaines son domicile, mais elle souffre encore à ce jour d’une grave et rare complication rénale qui nécessitera une greffe. Ses parents font preuve d’une combativité admirable.
Ce cas grave n’est malheureusement pas isolé. Pire : il soulève des défaillances majeures de notre système d’alerte, à la fois en termes de réactivité, de fiabilité et de transparence.
Nous constatons encore très récemment de très nombreux rappels de produits au lait cru. Malgré les nombreuses alertes, la bactérie E. Coli est encore présente dans les fromages au lait cru commercialisés très largement dans la grande distribution, en témoigne la liste des magasins récemment concernés par des rappels de produits (Casino, Leclerc, Coopérative U, Lidl et Monoprix).
Depuis le 21 février 2025, six produits différents, du morbier et du fromage de raclette, font l’objet d’une alerte pour retrait.
La longueur des délais de retrait met en péril la vie de milliers d’enfants. A titre d’exemple, le 14 décembre 2023, l’Agence nationale de santé publique (ANSP), aussi connue sous le nom de Santé Publique France, annonçait par communiqué de presse le retrait du marché de plusieurs types de fromages au lait cru, et plus spécialement des fromages Morbier produits par la société Route des Terroirs, après avoir établi un lien avec les six cas d’apparition du syndrome hémolytique et urémique (SHU) dans une crèche toulousaine.
Or, si les premiers cas de contaminations infantiles à Toulouse évoqués ici avait été notifiés dès le mois de novembre 2023 à l’ANSP, ce n’est qu’un long mois plus tard que les produits suspectés ont été soustraits à la consommation. Un mois, c’est long, très long, beaucoup trop long, lorsque la vie de centaines ou de milliers d’enfants est en jeu.
Les chiffres officiels sont remis en cause par les remontées du terrain. Alors que Santé Publique France évoquait en décembre 2023 un chiffre officiel de six cas de contaminations, plusieurs familles non‑identifiées par l’Agence se sont spontanément manifestées lorsque les médias se sont emparés du sujet en février 2024. Aujourd’hui, l’ANSP décompte seulement onze cas, tandis qu’une association de surveillance du SHU (SHU Typique Sortons du silence) plaide pour la reconnaissance a minima de 158 victimes depuis août 2023.
Le flou résidant sur le nombre réel de contaminations est particulièrement alarmant, et ce d’autant plus si l’on considère le cas, rapporté par des administrés, d’une famille qui, n’ayant fait l’objet d’aucune investigation des services de l’État, a dû prendre l’initiative de demander un examen du Morbier qu’elle conservait pour qu’il soit effectivement reconnu contaminé.
Au regard de tous ces éléments, la situation n’apparaît pas efficacement prise en mains, les chiffres minimisés et la transparence des informations très insatisfaisante : l’ensemble de ces affaires questionnent profondément la gestion des contaminations alimentaires par l’État. Pourtant, la structure administrative existe : Santé Publique France, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), l’application Signal Conso ainsi que tous les services gouvernementaux et déconcentrés proposent des solutions pour prévenir et signaler les intoxications alimentaires.
Aussi, pour toutes ces raisons, nous demandons l’ouverture d’une Commission d’enquête parlementaire qui permettrait à la représentation nationale d’évaluer la capacité de l’État à mener à bien les missions de santé publique qui lui sont confiées, ainsi que sa capacité à déployer un système de prévention efficace aux fins de protéger nos concitoyens et leurs enfants. Leur défense doit être une priorité absolue, et cette Commission devra s’assurer que toutes les mesures nécessaires sont prises pour garantir leur sécurité alimentaire.
Nous ne pouvons accepter ce silence des autorités publiques. Nous ne pouvons accepter qu’il faille que des cas graves comme cette contamination au Morbier se produisent pour que les médias se réveillent, pendant quelques jours, puis que tout retombe dans le silence. Pour éviter de mettre en danger nos enfants inutilement, cette commission d’enquête devra déterminer si l’État a la capacité de prévenir et agir avec l’efficacité nécessaire à protéger la population.
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proposition de rÉsolution
Article unique
En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, il est créé une commission d’enquête composée de trente députés. Cette commission d’enquête est chargée d’évaluer la capacité de l’État à mener à bien ses missions de veille sanitaire, de signalement et de retrait des produits, afin d’éviter les intoxications et ainsi garantir la sécurité alimentaire de la population. Les travaux de cette commission d’enquête consistent à évaluer la fiabilité, la réactivité et la transparence du système de contrôle et d’alerte de Santé Publique France et des services de l’État afin d’apporter des solutions qui permettront de futurs drames liés aux intoxications alimentaires. Ils permettent de dégager des propositions concrètes d’amélioration du système de prévention afin d’accélérer le processus de retrait des produits identifiés comme dangereux.