N° 1351

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 avril 2025.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d’une commission d’enquête relative à l’application de la taxe sur la valeur ajoutée, des droits de douane et des frais annexes sur les achats réalisés via les plateformes de commerce électronique extra-européennes, ainsi qu’à l’évaluation de leur impact économique, fiscal, et écologique,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Marc CHAVENT,

député.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En 2024, les ventes en ligne ont atteint 175 milliards d’euros en France, soit une progression de 9,6 % par rapport à 2023 (Fédération e‑commerce et vente à distance, « Bilan du e‑commerce en France en 2024 : les ventes sur internet franchissent le cap des 175 milliards d’euros, en hausse de 9,6 % sur un an », 13 février 2025).

Cette croissance spectaculaire du commerce en ligne, en particulier via des plateformes comme AliExpress, soulève de sérieuses interrogations. Ces acteurs majeurs du e‑commerce, établis hors de l’Union européenne, commercialisent des produits à des prix particulièrement bas et assurent des livraisons rapides grâce à un recours intensif au fret aérien. Cette dynamique a des répercussions considérables sur le respect des règles fiscales, la régulation douanière et la protection de l’environnement.

Jusqu’en 2021, les envois d’une valeur inférieure à 22 euros en provenance de pays tiers étaient exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Ce dispositif a fortement favorisé les vendeurs extra‑européens. La directive (UE) 2017/2455, transposée en droit français, a mis fin à cette exonération et instauré un guichet unique (IOSS) visant à faciliter la collecte de la TVA. La loi de finances pour 2024 a renforcé ce dispositif, et le paquet européen « VAT in the Digital Age », adopté en 2024, est venu en compléter les fondements.

Malgré ces évolutions législatives, de nombreuses pratiques de contournement subsistent. Les prix affichés par certaines plateformes restent souvent peu transparents, les consommateurs découvrant des frais de TVA, de douane ou de traitement logistique au moment de la livraison. D’autres techniques, telles que la sous‑évaluation des marchandises, le fractionnement des commandes ou le recours à des entrepôts relais au sein de l’Union européenne, permettent à certains opérateurs d’échapper aux obligations fiscales.

Cette situation affecte directement les commerçants de proximité, les artisans et les petites et moyennes entreprises (PME), qui se retrouvent confrontés à une concurrence déloyale. Cette concurrence affaiblit progressivement le tissu économique local et compromet les efforts de réindustrialisation menés sur le territoire national.

Au‑delà de l’impact économique, les conséquences environnementales sont également préoccupantes. Une part importante de ces livraisons concerne des produits à faible valeur ajoutée, peu durables, transportés par avion depuis des pays lointains. Le fret aérien dédié à ces marchandises « non essentielles » engendre une empreinte carbone particulièrement élevée. Ce secteur continue par ailleurs de bénéficier d’un régime fiscal favorable. En 2022, les niches fiscales accordées à l’aviation ont représenté un manque à gagner de plusieurs milliards d’euros pour les finances publiques.

Face à ces constats, une réponse structurelle s’impose. Nous devons tout d’abord évaluer la mise en œuvre effective des dispositifs fiscaux et douaniers à l’égard des plateformes extra‑européennes, identifier les failles et les éventuelles responsabilités des opérateurs numériques et des transporteurs dans le manque de transparence des transactions. Une analyse rigoureuse de l’impact économique de ces pratiques sur les commerçants français s’avère également nécessaire. Il nous est également urgent de mesurer les effets environnementaux du fret aérien commercial et d’étudier la mise en place d’un mécanisme de fiscalité écologique ciblée.

Enfin, nous formulerons des recommandations pour parvenir un meilleur encadrement juridique et fiscal de ces plateformes.

En l’absence d’action, trois risques majeurs se dessinent pour notre pays : une perte accrue de recettes fiscales pour l’État, une déstabilisation du commerce de proximité, et un affaiblissement des engagements climatiques de la France.

Nous estimons donc pertinent de constituer une commission d’enquête parlementaire sur ce sujet, afin de garantir un cadre économique durable et conforme à nos objectifs de souveraineté et de transition écologique.

 


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proposition de rÉsolution

Article unique

En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, est créée une commission d’enquête de trente membres, chargée :

– d’étudier l’application de la taxe sur la valeur ajoutée, des droits de douane et des frais annexes sur les achats réalisés via les plateformes de commerce électronique extra‑européennes ;

– d’évaluer l’impact économique, fiscal et environnemental de ces plateformes ;

– de formuler des recommandations pour parvenir à un meilleur encadrement juridique et fiscal de ces plateformes.