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N° 1362
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 mai 2025.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
tendant à la création d’une commission d’enquête sur le manque de préparation de La Réunion face aux risques naturels majeurs et les conséquences de l’inaction de l’État et des insuffisances des politiques publiques en matière climatique,
(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Jean-Hugues RATENON, Mme Mathilde PANOT, Mme Nadège ABOMANGOLI, M. Laurent ALEXANDRE, M. Gabriel AMARD, Mme Ségolène AMIOT, Mme Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, M. Raphaël ARNAULT, Mme Anaïs BELOUASSA-CHERIFI, M. Ugo BERNALICIS, M. Christophe BEX, M. Carlos Martens BILONGO, M. Manuel BOMPARD, M. Idir BOUMERTIT, M. Louis BOYARD, M. Pierre-Yves CADALEN, M. Aymeric CARON, M. Sylvain CARRIÈRE, Mme Gabrielle CATHALA, M. Bérenger CERNON, Mme Sophia CHIKIROU, M. Hadrien CLOUET, M. Éric COQUEREL, M. Jean-François COULOMME, M. Sébastien DELOGU, M. Aly DIOUARA, Mme Alma DUFOUR, Mme Karen ERODI, Mme Mathilde FELD, M. Emmanuel FERNANDES, Mme Sylvie FERRER, M. Perceval GAILLARD, Mme Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mme Zahia HAMDANE, Mme Mathilde HIGNET, M. Andy KERBRAT, M. Bastien LACHAUD, M. Abdelkader LAHMAR, M. Maxime LAISNEY, M. Arnaud LE GALL, M. Antoine LÉAUMENT, Mme Élise LEBOUCHER, M. Aurélien LE COQ, M. Jérôme LEGAVRE, Mme Sarah LEGRAIN, Mme Claire LEJEUNE, Mme Murielle LEPVRAUD, Mme Élisa MARTIN, M. Damien MAUDET, Mme Marianne MAXIMI, Mme Marie MESMEUR, Mme Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mme Sandrine NOSBÉ, Mme Danièle OBONO, Mme Nathalie OZIOL, M. René PILATO, M. François PIQUEMAL, M. Thomas PORTES, M. Loïc PRUD’HOMME, M. Arnaud SAINT-MARTIN, M. Aurélien SAINTOUL, Mme Ersilia SOUDAIS, Mme Anne STAMBACH-TERRENOIR, M. Aurélien TACHÉ, Mme Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, M. Paul VANNIER,
députés et députées.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le 28 février, le cyclone Garance a tué cinq personnes à La Réunion. Des rafales de vents ravageurs dépassant les 200 kilomètres par heure, des pluies diluviennes, des vagues atteignant jusqu’à 10 mètres et d’importantes coulées de boue ont menacé les habitants et les bâtiments de l’île. Les conséquences sont considérables et ont donné lieu à la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle : des routes détruites, des quartiers inondés par des cours d’eau en crue, des milliers d’habitations endommagées, des glissements de terrain, des arbres déracinés, des toitures arrachées, etc. Une quinzaine d’axes routiers et de ponts ont ainsi été fermés à la circulation en raison d’éboulis, de présence de branches ou de câbles électriques sur la chaussée. Dans l’est, la mairie de Saint Benoît a pris un arrêté d’évacuation préventive pour l’Ilet Coco et l’Ilet Danclas. La toiture d’une partie du centre hospitalier de la ville a été endommagée, une cinquantaine de malades ont dû être déplacés dans d’autres services.
Selon la préfecture à 18 heures 30, 180 000 foyers étaient privés d’électricité, soit 20 % de la population. 171 000 n’avaient plus accès à l’eau potable, près de 134 000 personnes étaient privées d’Internet et 342 relais de téléphonie mobile étaient tombés. 847 personnes étaient accueillies dans des centres d’hébergement d’urgence et 8 dans les centres de vie. 54 personnes ont été évacuées préventivement pour un risque d’inondation ou de mouvement de terrain. Une vingtaine de jours plus tard, des habitants commencent à exprimer leur mécontentement et manifester, faute de rétablissement de leur accès à l’électricité.
Les premiers éléments dont nous disposons sur le passage du cyclone Garance indiquent que l’économie et la production agricole seront fortement impactées. Plusieurs agriculteurs ont témoigné dans les médias des récoltes perdues, à l’instar de Mathias Cocotier, agriculteur à Hell‑Bourg, dont les plantations de chouchous et de courgettes ont été à 100 % anéanties. La filière canne à sucre estime quant à elle son préjudice à plus de 80 millions d’euros et celle des fruits et légumes, qui fournit 70 % de la consommation locale, avance le chiffre de 30 millions d’euros.
Face à cette catastrophe climatique, nous devons interroger les défaillances de l’État en termes de préparation face aux risques naturels majeurs.
L’impréparation de La Réunion face aux risques naturels majeurs : des politiques d’adaptation sans ambitions
Réagissant au cyclone dans un communiqué de presse, Oxfam ([1]) constate l’impréparation de la France, qui n’est pas prête pour protéger sa population des effets du changement climatique, alors que les catastrophes climatiques se multiplient. À la Réunion, Oxfam recommande une adaptation au changement climatique qui doit, entre autres, « viser une augmentation de la capacité du sol à absorber de l’eau pour atténuer les impacts des périodes de fortes pluies et pour sécuriser l’approvisionnement en eau potable alors que les pluies vont devenir toujours plus irrégulières. La désimperméabilisation des sols constitue un levier important pour y parvenir et permet en plus de lutter contre les îlots de chaleur urbains ».
De manière générale, Oxfam ([2]) dénonce dans différents rapports les politiques d’adaptation de la France, qui n’est pas une adaptation planifiée, mais toujours « en réaction et par à‑coup ». Les pouvoirs publics attendent que les catastrophes se produisent, puis tentent en vain de les réparer. Par ailleurs, l’action est toujours sectorielle, sans aucune approche globale. Pourtant, la France s’est dotée depuis 2011 d’un Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC), qui vise à présenter des actions concrètes pour limiter les effets négatifs du dérèglement climatique en France. Mais face à la plus grande crise existentielle de notre siècle, ce plan est une coquille vide, ne proposant aucune mesure atteignable et répondant aux besoins.
Pour pallier ce manque de volonté politique aux conséquences désastreuses, on aurait pu espérer un troisième PNACC à la hauteur des enjeux, capable de protéger l’ensemble de la population. Mais dix jours après le cyclone Garance, la ministre de la transition écologique Agnès Pannier‑Runacher a présenté lundi 10 mars la « version finalisée » du PNACC. Après plus d’un an de retard, les 52 mesures présentées n’ont rien d’ambitieux. Il s’agit de mesures générales qui ne sont pas dotées de moyens suffisants, ni d’objectifs précis et ne protègent pas assez les plus vulnérables. Pire encore, ce PNACC prépare la France à un scénario à + 4° C. Il s’agit d’un terrible aveu d’échec, perceptible dans le fléchage de 260 millions d’euros du Fonds vert vers l’adaptation : le Gouvernement tente ainsi de financer l’adaptation, au détriment de l’atténuation qui n’est même plus envisagée comme prioritaire.
Et ce sont les Outre‑mer qui en paieront les conséquences. Comme l’a montré la commission d’enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d’Outre‑mer, créée à la suite de l’adoption d’une proposition de résolution de Jean‑Philippe Nilor lors de la niche parlementaire du groupe de La France insoumise en 2023 puis confisquée par une alliance entre les macronistes et la droite, les Outre‑mer sont particulièrement exposées à ces risques naturels (sécheresse, séismes, tempêtes, volcans…) qui sont amplifiés par le changement climatique. Le rapport explique ainsi qu’il existe « un risque accru de cyclones d’extrême intensité à La Réunion, Mayotte et Maurice ».
Malgré ce constat alarmant, le gouvernement ne propose qu’un budget de plus en plus austéritaire, incapable de répondre aux besoins des populations, et délaisse les territoires ultramarins. Par exemple, le rapport de la commission d’enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d’Outre‑mer a démontré la « grande fiabilité » des prévisions de Météo France lors du passage du cyclone Belal à La Réunion. Le rapport explique que, les « risques naturels, pour autant qu’ils soient prévisibles, doivent l’être avec le plus fort niveau possible de précision afin de permettre aux pouvoirs publics de prendre des décisions adaptées et proportionnées ». Mais pour établir ces prévisions, des difficultés persistent : la direction générale de Météo‑France reconnaît qu’il est difficile de « gérer les événements et aléas successifs (comme par exemple le cyclone Belal à La Réunion qui a été suivi d’autres phénomènes météorologiques majeurs) ». Pour y pallier, la recommandation 10 du rapport préconise de « stabiliser les effectifs et les moyens financiers alloués à Météo‑France au niveau des plafonds adoptés en loi de finances pour 2023 après plusieurs années de coupes budgétaires et pour une période d’au minimum cinq ans ». Mais cette préconisation n’a pas été suivie : depuis 2017, le nombre de postes à Météo France a été diminué de 383 et le gouvernement a expliqué son intention de réduire les dépenses alloués aux agences publiques de l’État lors des débats sur le projet de loi de finances 2025. Météo‑France est pourtant un opérateur extrêmement précieux pour ses missions d’observation et de prévision météorologique, essentielles pour anticiper des risques naturels.
Dans le projet de loi de finances 2025 présenté à l’Assemblée nationale, la mission Outre‑mer était diminuée de 12,52 % en autorisations d’engagement (- 398 millions d’euros) et de 8,89 % en crédits de paiement (‑ 249 millions) par rapport à 2024. Ces baisses insupportables était essentiellement ciblées vers le programme 123 « Conditions de vie Outre‑mer » pourtant essentiel pour les Outre‑mer (logement, continuité territoriale, social & culture…), tandis que les exonérations fiscales pour les entreprises sont toujours soutenues. L’action essentielle pour assurer le développement économique et social et la transition écologique et énergétique dans les Outre-mer , l’action 02 « Aménagement du territoire » chutait de 62,95 % en autorisation d’engagement et ‑ 76,15 % en crédits de paiement, démontrant les choix politiques gouvernementaux de relégation des Outre‑mer. Pire encore, le gouvernement, en faisant passer de force le budget par 49.3, a balayé les victoires que nous avions obtenu lors de ce projet de loi de finances, accordant plus de 465 millions d’euros pour les Outre‑mer, par exemple pour doubler les moyens consacrés au logement (200 millions d’euros), financer des projets ferroviaires ultramarins (200 millions) ou étendre la prime vie chère aux bénéficiaire des minima sociaux et aux salarié•es au SMIC (20 millions).
Le fonds Barnier, principale source de financement de la politique nationale de prévention des risques naturels majeurs a été créé par la loi n° 95‑101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement. Mais encore une fois, le rapport de la commission d’enquête conclut que « La Réunion et surtout, Mayotte, bénéficient proportionnellement très peu du fonds. » En 2023, la dépense moyenne du fonds Barnier par habitant s’élevait ainsi à 60,88 euros en Guadeloupe, 30,84 euros en Martinique, 65,19 euros à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon (moins de 6 000 habitants), 3,44 euros en Guyane et 3,16 euros à La Réunion.
Ces baisses de dotations et ces financements moindres dans les Outre‑mer ont des conséquences importantes dans la gestion des risques naturels. Par exemple, le rapport explique que les effectifs et moyens de la sécurité civile, en première ligne pour gérer ces crises, sont inférieurs à ceux déployés dans l’hexagone. Sapeurs‑pompiers volontaires et professionnels confondus ont « de moindres effectifs et un sous‑équipement » dans bon nombre de territoires ultramarins. Cette relégation des Outre‑mer et cette inaction climatique se traduisent également par une sous‑considération dans la loi, les réglementations en place et nos institutions. Ainsi, en 2018, Macron annonce un projet de loi pour la prévention des risques naturels d’ici 2019, il n’a jamais vu le jour. En 2019, la délégation interministérielle pour l’égalité des chances des Français d’Outre‑mer et la visibilité des Outre‑mer (Diecfomvi) est créée puis supprimée. Lorsque les politiques d’adaptation au changement climatique et d’investissement dans les Outre‑mer ne sont pas annulées, elles sont fortement retardées, faute de moyens ou de pilotage suffisant. Depuis 2007, le Plan séisme Antilles (PSA) est chargé d’engager le confortement de bâtiments publics prioritaires pour la mise en sécurité des usagers et des personnels. Mais il aura fallu attendre sa troisième phase (PSA3) pour envisager une réglementation paracyclonique équivalente à celle applicable en zone sismique, avec la publication du décret n° 2023‑1087 du 23 novembre 2023 relatif à la prise en compte du risque de vents cycloniques dans la conception et la construction des bâtiments exposés à ce risque. Il est prévu une entrée en vigueur de nouvelles règles particulières de construction paracyclonique applicables en Guadeloupe, en Martinique, à La Réunion et à Mayotte, au plus tard le 1er janvier 2026. Mais l’arrêté précisant ces règles n’a toujours pas été publié. Le rapport de la commission d’enquête préconisait sa publication rapide afin de « favoriser la bonne appropriation de ces nouvelles règles par la mise en place de dispositifs de communication, de formation et d’accompagnement adaptés. »
Les spécificités propres aux Outre‑mer sont donc connues, mais il est temps de sortir d’une politique inefficace et court‑termiste de l’urgence permanente, en investissant sur ces problématiques pour protéger nos concitoyens ultramarins.
Financement : des besoins court‑termistes pour reconstruire mais aussi des investissements durables nécessaires
Alors que la reconstruction de Mayotte est estimée à plusieurs milliards d’euros et que les aides arrivées tardivement sont toujours insuffisantes, le gouvernement va devoir trouver les ressources nécessaires pour réparer La Réunion. Selon le président du Comité des assurances de La Réunion et de Mayotte James Huet, les premières estimations chiffrent le montant des sinistres entre 250 et 300 millions d’euros. Manuel Valls a annoncé, dans un contexte de contraintes budgétaires, la mise en place d’un fonds de secours exceptionnel de 200 millions d’euros pour les collectivités territoriales de l’île afin de servir « la reconstruction des équipements publics, pour permettre de rétablir les services de proximité », notamment les écoles. Cette enveloppe sera également utilisée pour des indemnisations des secteurs agricole et économique.
Si ces annonces semblent positives, il faut rappeler que le cyclone Garance s’est abattu un an après le passage du cyclone Belal le 15 janvier 2024 et de la tempête tropicale Candice du 24 au 26 janvier 2024. Le cyclone Belal avait provoqué la mort de quatre personnes et déjà fait 100 millions d’euros de dégâts, selon les chiffres de France assureurs. Plus de 150 000 foyers, un tiers du total, avaient été privés d’électricité. La problématique de l’électricité et des ruptures de câbles électriques n’est donc pas nouvelle.
Le bilan de ce cyclone avait permis de faire émerger des besoins essentiels : préparer des stocks alimentaires pour ravitailler les personnes les plus vulnérables en cas de fermeture du port et de l’aéroport coupant totalement les réseaux de ravitaillement, investir pour continuer à sécuriser les réseaux EDF notamment avec davantage d’opérations d’élagage, et équiper de petites unités de production en groupes électrogènes qui prendront le relais en cas de coupure de courant, etc. La Réunion n’est pas épargnée par le réchauffement climatique et devra faire face dans les années à venir à des systèmes aussi voire plus violents que Belal et Garance. Avec des cyclones de plus en plus puissants, les câbles comme les poteaux électriques ne résisteront pas aux rafales de vent. La poursuite de la programmation de l’enfouissement des différentes lignes aériennes, pour EDF ainsi que les opérateurs de téléphonie et d’accès internet est donc une nécessité.
En novembre, l’apparition d’Ancha et de Bheki ont confirmé les prévisions sur l’activité cyclonique proche de la Réunion, Météo France estimait alors qu’entre neuf et treize tempêtes et cyclones pourraient se développer pour la saison des pluies à La Réunion. Ainsi, si nous espérons une reconstruction rapide et efficace, il est absolument indispensable de réfléchir de manière stratégique et avec l’ensemble des acteurs sur l’aménagement des territoires surexposés pour protéger la population de futurs phénomènes climatiques extrêmes, qui vont augmenter en fréquence et en intensité dans les années à venir.
La vie chère en Outre‑mer : face aux catastrophes naturelles, des inégalités économiques délétères
Les inégalités économiques et sociales dans les Outre‑mer français aggravent les conséquences des catastrophes naturelles comme le passage du cyclone Garance et résultent d’une inaction coupable du gouvernement.
Oxfam explique comment la Réunion, Mayotte et l’ensemble des Outre‑mer sont « non seulement particulièrement exposés aux aléas climatiques mais, selon les territoires, leurs populations sont aussi extrêmement vulnérables, car les inégalités y sont encore plus criantes que dans l’Hexagone. En plus, les Outre‑mer se trouvent enfermés dans une dépendance économique vis‑à‑vis de l’ancienne métropole, ce qui contribue à la vie chère et fragilise l’approvisionnement en biens de première nécessité dans le contexte des risques climatiques ». Les inégalités ont donc un rôle clé face au changement climatique : les plus riches émettent le plus de gaz à effets de serre, aggravant le climat, pendant que les plus vulnérables sont en première ligne et en subissent les conséquences. Les plus précaires, les femmes, les enfants, les personnes âgées et les groupes marginalisés sont parmi les plus affectés.
Selon la Fondation pour le Logement des Défavorisés ([3]), à La Réunion, 319 000 personnes sont pauvres soit 36 % de la population, ce qui est deux fois plus élevé que la moyenne française (14 %). Les jeunes et les familles monoparentales sont les plus touchés par cette pauvreté : un ménage jeune sur deux et une famille monoparentale sur deux sont pauvres à la Réunion. Des chiffres qui font de La Réunion une des régions de France où la pauvreté est la plus répandue, derrière Mayotte et la Guyane. Cette pauvreté a des conséquences importantes en termes d’insertion professionnelle et de conditions de logement. Les logements sociaux en berne depuis plusieurs années, : 50 000 demandes de logement sont en attente. Les loyers sont en constante augmentation. La Réunion est la 4ème région de France aux loyers les plus élevés, avec 35 % d’augmentation en cinq ans, provoquant la hausse du sans‑abrisme. Les centres d’hébergement d’urgence sont saturés, ce qui n’augure rien de bon face aux nombreuses destructions de logement engendrées par le cyclone Garance.
Autre problématique et non des moindres : l’eau. Droit fondamental, l’eau est une ressource mal gérée à la Réunion. La sécheresse historique cette année couplée à des canalisations vétustes ont eu pour conséquences la privation de milliers de foyers d’eau courante à la fin de l’année 2024. En effet, le rendement moyen du réseau est de 63,3 % selon l’office de l’eau (⁴). Mais le rendement est plus faible à Saint‑André (58 %), Salazie (41 %), communes les plus touchées par les coupures d’eau, voire Cilaos (39 %). En moyenne, c’est donc près de 40 % de l’eau qui est perdue dans des fuites.
Cette situation est d’autant plus préoccupante que l’inflation n’a pas diminué et qu’elle entraîne une baisse du pouvoir d’achat. Or le gouvernement n’a rien fait pour améliorer cette situation et s’est opposé à toutes nos propositions pour augmenter le pouvoir d’achat. Par exemple, nous avions proposé lors de notre journée de niche parlementaire en 2024, le blocage des prix de l’énergie dans l’Hexagone et les Outre‑mer. Après avoir voté contre en commission, les macronistes ont empêché son examen en séance par leur obstruction sur notre premier texte visant à abroger la réforme des retraites. Résultat, à la Réunion, malgré le bouclier qualité‑prix, les prix alimentaires sont 37 % plus élevés qu’en Hexagone. De plus, l’agriculture est largement dominée par des cultures destinées à l’exportation. Cette sur‑spécialisation, ainsi que l’organisation monopolistique du réseau de distribution dans les Outre‑mer, nuit à la souveraineté alimentaire des populations ultra‑marines, contribue à la vie chère, et rend les populations d’autant plus vulnérables lorsque survient une catastrophe naturelle. L’autonomisation alimentaire, le développement de l’agriculture vivrière et la poursuite de la diversification des cultures sont des enjeux fondamentaux pour sortir de cette dépendance économique.
Bien trop souvent encore, les Outre‑mer sont considérés comme des territoires de seconde zone et leurs économies sont dominées par des monopoles commerciaux, appuyés par le gouvernement français. Ils sont notamment un terrain de jeu pour les grands projets inutiles et la prédation des grandes entreprises, comme à La Réunion où les multinationales Bouygues et Vinci ont lancé la construction de la route la plus chère du monde, la « nouvelle route du littoral ». Le montant final du chantier devrait dépasser les 2 milliards d’euros, une somme équivalente au budget annuel du conseil régional de La Réunion qui aurait pu être investi dans bien d’autres chantiers. Si la construction d’une nouvelle route était nécessaire, d’autres alternatives plus respectueuses de l’environnement avaient été envisagées, mais c’est le projet le plus coûteux et irresponsable écologiquement qui a été choisi.
Face aux conséquences du manque de politiques de prévention des risques naturels majeurs et d’adaptation durable au changement climatique à La Réunion, ne permettant pas l’instauration d’une égalité réelle avec les autres territoires de la République Française, nous proposons la création de cette commission d’enquête afin de mettre un terme à cette situation. Cette commission d’enquête sera ainsi chargée d’étudier et d’évaluer la situation de crise à La Réunion faisant suite au cyclone Garance du 28 février 2025 et les réponses apportées par l’État, l’impréparation face aux risques naturels majeurs, les conséquences du délaissement du territoire par l’État, et de proposer des solutions afin de prévenir et protéger la population face aux futures catastrophes climatiques à venir.
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proposition de rÉsolution
En application des articles 137 à 144‑2 du Règlement de l’Assemblée nationale, il est créé une commission d’enquête, composée de trente membres, chargée de :
1° L’étude et l’évaluation de la situation de crise à La Réunion faisant suite au cyclone Garance du 28 février 2025 ;
2° L’examen des réponses apportées par l’État, l’impréparation face aux risques naturels majeurs, les conséquences du délaissement du territoire par l’État ;
3° La proposition de solutions afin de prévenir et protéger la population face aux futures catastrophes climatiques à venir à La Réunion.
([1]) Oxfam, « Cyclone Garance à La Réunion : Tous les territoires doivent bénéficier du même niveau de préparation face aux effets du changement climatique », 28 février 2025
([2]) Oxfam, « Changement climatique : nous ne sommes pas prêt•es ! », 12 juillet 2024
([3]) Fondation pour le Logement des Défavorisés, « Vers une augmentation du sans‑abrisme à La Réunion », 24 avril 2024
(𝟦) Office de l’eau Réunion, « Les chroniques de l’eau », n° 139 juin 2024