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N° 1365

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 mai 2025.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

relative à la reconnaissance et la condamnation du massacre des Algériens du 8 mai 1945 à Sétif, Kherrata, Guelma et leurs environs,

 

présentée par

M. Idir BOUMERTIT, M. Abdelkader LAHMAR, Mme Mathilde PANOT, Mme Nadège ABOMANGOLI, M. Laurent ALEXANDRE, M. Gabriel AMARD, Mme Ségolène AMIOT, Mme Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, M. Raphaël ARNAULT, Mme Anaïs BELOUASSA-CHERIFI, M. Ugo BERNALICIS, M. Christophe BEX, M. Carlos Martens BILONGO, M. Manuel BOMPARD, M. Louis BOYARD, M. Pierre-Yves CADALEN, M. Aymeric CARON, M. Sylvain CARRIÈRE, Mme Gabrielle CATHALA, M. Bérenger CERNON, Mme Sophia CHIKIROU, M. Hadrien CLOUET, M. Éric COQUEREL, M. Jean-François COULOMME, M. Sébastien DELOGU, M. Aly DIOUARA, Mme Alma DUFOUR, Mme Karen ERODI, Mme Mathilde FELD, M. Emmanuel FERNANDES, Mme Sylvie FERRER, M. Perceval GAILLARD, Mme Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mme Zahia HAMDANE, Mme Mathilde HIGNET, M. Andy KERBRAT, M. Bastien LACHAUD, M. Maxime LAISNEY, M. Arnaud LE GALL, M. Antoine LÉAUMENT, Mme Élise LEBOUCHER, M. Aurélien LE COQ, M. Jérôme LEGAVRE, Mme Sarah LEGRAIN, Mme Claire LEJEUNE, Mme Murielle LEPVRAUD, Mme Élisa MARTIN, M. Damien MAUDET, Mme Marianne MAXIMI, Mme Marie MESMEUR, Mme Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mme Sandrine NOSBÉ, Mme Danièle OBONO, Mme Nathalie OZIOL, M. René PILATO, M. François PIQUEMAL, M. Thomas PORTES, M. Loïc PRUD’HOMME, M. Jean-Hugues RATENON, M. Arnaud SAINT-MARTIN, M. Aurélien SAINTOUL, Mme Ersilia SOUDAIS, Mme Anne STAMBACH-TERRENOIR, M. Aurélien TACHÉ, Mme Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, M. Paul VANNIER,

députés et députées.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les massacres du 8 mai 1945 à Sétif, Guelma et Kherrata en Algérie constituent un événement tragique et marquant de l'histoire coloniale française et de l’histoire algérienne.

Le 8 mai 1945, alors que la France célèbre la victoire contre la barbarie nazie, elle se rend le même jour coupable d’une barbarie coloniale à l’égard des populations civiles d’Algérie.

À Sétif, Kherrata et Guelma, des citoyens algériens manifestant pacifiquement pour l'application des principes d'égalité et de dignité furent l'objet d'une répression d'une ampleur et d'une brutalité sans commune mesure avec les événements initiaux.

Ces revendications, portées par ceux-là mêmes qui avaient consenti au sacrifice suprême pour la libération du territoire national, s'inscrivaient légitimement dans le contexte des principes universels nouvellement proclamés par l'Organisation des Nations unies et du mouvement d'émancipation des peuples. Elles vont être bafouées et rejetées avec une extrême brutalité par l’occupant colonial.

La mort du jeune Bouzid Saâl, abattu pour avoir arboré l'emblème national algérien, fut suivie d'une répression systématique ordonnée par les plus hautes autorités de l'État, engageant ainsi la responsabilité pleine et entière de la République.

Il s’agissait en vérité d’une nouvelle punition collective (massacre de villages entiers, bombardements et enfumades de familles et civils...) telle qu’elles ont été pratiquées massivement depuis les débuts de l’invasion de l’Algérie en 1830 contre des habitants considérés comme une sous-catégorie de population, qualifiée d’indigène.

La répression se prolonge pendant plusieurs jours, s'accompagnant de massacres massifs et de bombardements intensifs. Dans la région de Guelma, une véritable chasse à l'homme, organisée par une milice sous l’autorité directe du sous-préfet André Achiary, conduit à des exécutions sommaires de milliers d’algériens.

Selon les travaux historiographiques les plus rigoureux, ces événements ont causé plusieurs dizaines de milliers de victimes parmi la population algérienne, nonobstant les tentatives délibérées de dissimulation des preuves et d'entrave à la mission d'enquête confiée au général Tubert.

Les paroles prononcées ultérieurement par le général Duval, « Je vous ai donné dix ans de paix, mais tout doit changer en Algérie », attestent de la conscience qu'avaient les autorités des conséquences irréversibles de cette répression sur les relations entre la France et le peuple algérien.

En France, ce n'est qu'en 2005 que l'ambassadeur de France à Alger, M. Hubert Colin de Verdière, a qualifié les massacres de « tragédie inexcusable », marquant la première reconnaissance officielle de la responsabilité de la France dans ces événements.

La République française, fidèle à ses valeurs de vérité et de justice, se doit de reconnaître solennellement et officiellement que ces actes constituent un crime d'État perpétré contre une population civile désarmée, en contradiction flagrante avec les principes qu'elle proclame défendre.

La présente proposition de résolution vise donc à reconnaître et condamner le massacre colonial du 8 mai 1945 de Sétif, Kherrata et Guelma en Algérie et à encourager un travail de vérité grâce à l’ouverture complète des archives. Elle propose également l’instauration d’une journée nationale de commémoration en mémoire des victimes de ces massacres.

 


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proposition de RÉSOLUTION

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Considérant que le 8 mai 1945, des Algériens manifestèrent pacifiquement à Sétif, Kherrata et Guelma pour l’égalité des droits, pour la reconnaissance de leur dignité au regard de la contribution à la libération de la France et de l’Europe du joug nazi, et pour l’indépendance de l’Algérie ;

Rappelant que cette mobilisation fut réprimée de manière sanglante par les autorités françaises, à Sétif, Kherrata et Guelma et leurs environs entraînant la mort de plusieurs dizaines de milliers de personnes, constituant un massacre de masse d’État ;

Considérant que cette répression massive et ces exécutions sommaires constituent un crime qui engage la responsabilité de l’État, dont la reconnaissance est essentielle pour construire une mémoire partagée et apaisée entre la France et l’Algérie ;

Rappelant que de nombreuses initiatives historiques et universitaires ont mis en évidence la nécessité d’ouvrir pleinement les archives relatives à ces événements pour établir toute la vérité ;

Condamne solennellement les massacres du 8 mai 1945 commis à Sétif, Kherrata et Guelma et leurs environs sur ordre des autorités françaises de l’époque et rend hommage à toutes les victimes et à leurs familles ;

Affirme la nécessité de l’ouverture complète des archives concernant les événements du 8 mai 1945 pour garantir un accès plein et entier à la vérité historique ;

Demande l’inscription d’une journée nationale de commémoration des massacres du 8 mai 1945 dans le calendrier des journées officielles et cérémonies nationales ;

Demande une pleine intégration de cet événement comme de l’ensemble des massacres de la période coloniale en Algérie dans les manuels d’enseignement de l’Éducation nationale,

Affirme son soutien au renforcement du dialogue mémoriel entre la France et l’Algérie, dans un esprit de reconnaissance mutuelle et de réconciliation historique ;

Invite le Gouvernement à poursuivre avec les autorités algériennes un travail commun de mémoire et d’histoire, y compris en ce qui concerne les massacres du 8 mai 1945.