N° 1455

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 mai 2025.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

visant à inscrire la mouvance des frères musulmans sur la liste européenne des organisations terroristes,

(Renvoyée à la commission des affaires européennes)

présentée par

M. Éric PAUGET, Mme Michèle TABAROT,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Dans la plus grande discrétion et en seulement cinq ans, le nombre de frères musulmans présents en France, a doublé selon le directeur national du renseignement territorial, Bertrand Chamoulaud.

Avec plus de 100 000 « frères » présents sur le territoire national en 2024, contre 55 000 en 2019, notre pays est désormais confronté à une prolifération alarmante de la nébuleuse des Frères musulmans, qui accélère sournoisement son influence par un entrisme discret et protéiforme particulièrement dangereux.

Fondée en 1928 en Égypte, la mouvance des Frères musulmans s’est progressivement radicalisée pour se transformer en un mouvement politique sunnite prônant un retour aux préceptes de la charia et l’instauration de régimes islamiques à la place des républiques démocratiques ou laïques.

Adeptes d’une vision sociétale religieuse et conservatrice qui rejette les influences occidentales, les Frères musulmans s’appuient sur un grand réseau d’associations qui diffuse leur idéologie dans les domaines social, culturel, éducatif ou sportif pour s’attirer le soutien des classes populaires musulmanes. Cet entrisme islamiste se définit comme « une organisation complète englobant tous les aspects de la vie ou de l’islam, c’est à la fois un État et une nation, ou encore un gouvernement et une communauté ».

Et malheureusement, notre pays n’est pas épargné par cette mouvance islamiste rampante à la stratégie discrète, qui depuis près de 70 ans, se dissimule derrière un discours apparemment modéré, pour nourrir les ambitions claires des Frères musulmans : « faire de la France et de l’Europe, un califat régi par la charia ».

Le rapport confidentiel commandé par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) intitulé « Les Frères musulmans et l’islamisme politique en France »,qui sera présenté en Conseil de défense le mercredi 21 mai 2025, a déjà fait l’effet d’une bombe dans les sphères gouvernementales françaises. Fruit d’une synthèse des données collectées par les différents services de renseignement français, ce document expose de manière méthodique, accablante et surtout évidente, l’infiltration insidieuse et dangereuse de la mouvance des Frères musulmans dans les institutions, la société civile et les structures communautaires françaises.

Loin de se limiter à une simple organisation religieuse, les Frères musulmans y sont clairement décrits comme les vecteurs structurés d’un projet politico‑religieux global, utilisant les leviers démocratiques pour affaiblir les fondements de l’État républicain. Dans nos démocraties occidentales, ils ne recourent plus toujours à la violence physique, mais opèrent plus discrètement par le biais d’une stratégie d’entrisme progressif, reposant sur la dissimulation idéologique et la prise de contrôle de leviers d’influence, notamment dans les domaines de l’éducation, de la culture, du sport, du droit ou de la politique.

Sous couvert de revendications sociales ou de lutte contre une prétendue islamophobie, concept de victimisation qu’ils ont eux‑mêmes crée pour attirer toujours plus de musulmans vers leur idéologie radicale, ils s’appuient sur des organisations « vitrines » et sur un réseau opaque de structures associatives, cultuelles, éducatives et caritatives ne revendiquant pas explicitement leur affiliation aux Frères musulmans. Elles en partagent l’idéologie et les méthodes pour promouvoir une vision de l’islam fondamentaliste incompatible avec nos valeurs républicaines. Les structures telles que le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), Baraka City, ou certains centres de formation d’imams, sont d’ailleurs clairement identifiés comme des leviers d’influence utilisés par les Frères musulmans pour imposer une norme religieuse contraire aux principes républicains.

Leur objectif soigneusement dissimulé, c’est la construction d’une société parallèle fondée sur la primauté de la charia, la défiance envers les institutions et l’hostilité envers les principes de mixité, de laïcité et d’égalité des sexes. Pour y parvenir, ils adoptent une double stratégie qui repose à la fois sur l’infiltration progressive et méthodique d’instances sociales, éducatives, culturelles, religieuses et politiques afin d’influencer les institutions démocratiques de l’intérieur, et sur la diffusion d’une vision radicalisée et communautariste de l’islam.

Chers collègues, vous l’aurez compris, l’idéologie des Frères musulmans, justifie la dissimulation (taqiya), la conquête des esprits et celle du pouvoir politique en opposition frontale aux fondements de l’État de droit. Notre naïveté et notre somnambulisme nous empêchent à l’évidence d’admettre cette triste réalité.

Ceux qui nous combattent, le font en exploitant nos propres libertés démocratiques et les failles de notre cadre juridique comme la liberté d’association, d’enseignement, ou de financement cultuel de l’étranger, pour imposer leur norme religieuse dans des segments de la société, tout en entretenant une rhétorique victimaire accusant l’État d’une prétendue islamophobie pour contrer toute tentative de régulation. D’ailleurs, l’éloignement progressif des Frères musulmans du Conseil Français du Culte Musulman chargé d’institutionnaliser l’islam en France initié par Nicolas Sarkozy, témoigne des limites morales acceptables par les Frères musulmans. Ils ont finalement préféré quitter cette structure nationale pour pouvoir continuer de défendre leur vision radicale et extrémiste de l’islam.

Mouvance transnationale aux multiples ramifications bénéficiant de ressources financières importantes en provenance du Moyen‑Orient ou de la Turquie, les Frères musulmans financent un réseau tentaculaire d’écoles, de mosquées, ou de centres communautaires dans de nombreux États membres de l’Union européenne comme la France, l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, ou la Suède. Ces financements opaques visent à réislamiser les populations musulmanes d’Europe à partir d’une lecture politique et militante de la religion, passant notamment par la montée du séparatisme islamiste et la radicalisation violente pour assurer l’expansion du « frérisme ». Bien que les Frères musulmans ne revendiquent pas directement d’actions terroristes, ils contribuent à la fabrique mentale et sociale de l’ennemi intérieur qui participe à la fragilisation de l’unité nationale, démontrant, de fait, une forme de violence envers un gouvernement assimilable à du terrorisme d’État.

Preuve irréfutable de cette menace, les services de renseignement français ne cessent d’alerter sur le glissement idéologique des discours, des prêches et des publications de certaines figures influentes et radicalisées de cette mouvance qui versent dans la radicalisation. Or ce processus de radicalisation douce sert souvent de tremplin au djihadisme violent, comme en témoigne l’implication des individus passés par des cercles influencés par l’islamisme politique qui ont nourri les filières de départ vers les zones de combat ou les attentats sur le sol français et européen.

Chers collègues, il faut donc se rendre à l’évidence : la frontière entre islamisme politique et islamisme violent n’est plus étanche. Poreuse et discrète, elle contribue désormais au développement d’une menace stratégique pour nos démocraties occidentales, comme le soulignait déjà en 2003 la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH, Refah Partisi c. Turquie, 2003), rappelant que les mouvements prônant l’instauration d’un État fondé sur la religion peuvent être interdits même sans appel explicite à la violence.

Alors que les Frères musulmans soutiennent des groupes armés comme le Hamas et qu’ils propagent une idéologie évidente et documentée de haine de l’Occident et de rejet des institutions démocratiques. Alors qu’ils sont impliqués dans des réseaux d’entrisme visant à subvertir l’ordre démocratique des États, notamment européens. Alors que plusieurs États membres de l’Union ont déjà dissous ou pris des mesures significatives à l’encontre de plusieurs organisations proches de cette mouvance et que de nombreux pays comme l’Autriche, l’Égypte, l’Arabie Saoudite et récemment, la Jordanie pour ne citer qu’eux, ont déjà classé les Frères musulmans sur leur liste des organisations terroristes, l’inscription de cette mouvance sur la liste des organisations terroristes de l’Union européenne apparaît désormais non seulement justifiée, mais surtout nécessaire.

En effet, ce classement constitue le préalable indispensable pour protéger nos institutions démocratiques contre l’entrisme et la subversion, lutter contre les matrices de radicalisation, pour envoyer un signal fort en matière de défense de la laïcité, de l’État de droit et des valeurs européennes.

Considérant qu’il existe des éléments probants, factuels et récents permettant de considérer la mouvance des Frères musulmans non seulement comme une menace pour l’ordre public, mais également comme un vecteur indirect de terrorisme, à la fois idéologique, structurel et logistique, c’est en responsabilité, que je vous invite, chers collègues, à adopter la présente proposition de résolution.

Elle permettra à l’Union européenne de se doter des moyens juridiques et politiques de nommer la menace de l’islamisme politique organisé, au premier rang duquel se trouve la mouvance des Frères musulmans.

Face à cette menace lente mais déterminée, dissimulée mais efficace et dangereuse, l’Union européenne ne peut plus se permettre de rester passive. Il en va de l’avenir de la France, de la stabilité démocratique des États membres, de la cohésion des sociétés européennes et du respect des principes fondamentaux de l’Union.

 


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proposition de rÉsolution europÉenne

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88‑4 de la Constitution,

Vu l’article 151‑5 du Règlement, 

Vu la résolution 1373(2001) du Conseil de sécurité des Nations unies arrêtant des stratégies pour lutter par tous les moyens contre le terrorisme, adoptée le 28 septembre 2001,

Vu le traité sur l’Union européenne, et notamment son article 2,

Vu la Convention européenne des droits de l’Homme,

Vu la position commune du Conseil du 27 décembre 2001 relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme,

Vu les conclusions du Conseil du 14 novembre 2008 sur la lutte contre la radicalisation menant au terrorisme,

Vu la décision (PESC) 2011/486 du Conseil du 1er août 2011 mettant à jour la liste des personnes, groupes et entités impliqués dans des actes terroristes,

Vu la décision (PESC) 2025/207 du Conseil du 30 janvier 2025 portant mise à jour de la liste des personnes, groupes et entités auxquels s’applique la position commune 2001/931/PESC relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, et abrogeant la décision (PESC) 2024/2056 et son annexe ou figure les personnes, groupes et entités impliqués dans des actes de terrorisme,

Vu la loi n° 2021‑1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République,

Vu la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,

Vu les interdictions administratives ou judiciaires de branches ou d’organisations liées aux Frères musulmans dans plusieurs États, dont l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite, la Russie, et notamment en Europe, l’interdiction du mouvement des Frères musulmans prise en 2021 par l’Autriche sous l’égide de la menace que représente leur carte de l’islam politique,

Vu le rapport « Les Frères musulmans et islamisme politique en France » présenté lors du Conseil de défense et de sécurité nationale du mercredi 21 mai 2025,

Considérant que la mouvance transnationale des Frères musulmans constitue un réseau idéologique structuré prônant l’instauration d’un ordre politique fondé sur la charia, totalement incompatible avec les principes démocratiques, la laïcité et l’État de droit ;

Considérant que cette organisation transnationale, bien qu’opérant souvent sous couvert associatif, éducatif ou religieux, mène une action d’influence fondée sur l’entrisme institutionnel, le détournement de libertés fondamentales à des fins communautaristes et la création de contre‑sociétés religieuses ;

Rappelant que la loi n° 2021‑1109 du 24 août 2021 définit et lutte contre les toutes formes de manifestations du séparatisme, notamment entendu comme les replis identitaires refusant les lois communes au profit de normes religieuses ou ethniques ;

Rappelant également, que plusieurs structures proches des Frères musulmans, telles que le Collectif contre l’islamophobie en France ou Baraka City ont déjà été dissoutes en France sur cette base juridique ;

Soulignant aussi, que les services de renseignement français de la direction générale de la Sécurité intérieure, allemands de l’Office fédéral de protection de la constitution, ou autrichiens de l’Office fédéral pour la protection de la Constitution et la lutte contre le terrorisme, ainsi que les enquêtes parlementaires ou judiciaires conduites dans de nombreux États membres, ont documenté l’implantation en Europe de réseaux liés aux Frères musulmans œuvrant à une islamisation politique progressive, souvent dissimulée et soutenue par des financements étrangers ;

Considérant aussi, que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme reconnaît aux États le droit de restreindre ou dissoudre des associations prônant la violence, l’intolérance religieuse ou visant à subvertir l’ordre démocratique (CEDH, Refah Partisi c. Turquie, 2003) ;

Précisant que la décision (PESC) 2011/486 établit déjà la base légale permettant l’inscription d’entités sur la liste des organisations terroristes, dès lorsqu’il existe des éléments suffisamment précis, factuels et récents démontrant leur implication dans des actes de type terroriste notamment envers les États, ou par leur soutien ou leur justification de ces actes ;

Considérant que plusieurs branches locales ou régionales affiliées aux Frères musulmans ont été directement impliquées dans des actes de soutien, d’inspiration de violences terroristes, ou à travers des discours de haine justifiant l’action violente contre les États démocratiques ;

Rappelant que l’Union européenne a déjà inscrit le Hamas, branche palestinienne des Frères musulmans, sur la liste des organisations terroristes de l’Union européenne ;

Rappelant aussi que la Jordanie a interdit toute activité des Frères Musulmans sur son territoire en prononçant la dissolution du mouvement et l’interdiction de leur participation politique le 23 avril 2025, sanctionnant la multiplication des manquements à la loi sur les partis politiques de la mouvance islamiste ;

Souligne avec force, que la mouvance des Frères musulmans constitue une menace idéologique globale pour les principes fondamentaux de l’Union européenne, en ce qu’elle prône un séparatisme politico‑religieux fondé sur la contestation de la souveraineté des lois civiles ;

Invite résolument la Commission européenne et le Conseil à engager une évaluation juridique et factuelle du réseau transnational des Frères musulmans, de ses ramifications en Europe, et de ses modes opératoires ;

Demande que cette évaluation se fonde sur les principes établis dans la décision PESC 2011/486, notamment l’existence d’un soutien direct ou indirect au terrorisme, d’une idéologie justifiant la violence politique, et de preuves concrètes de participation à des actes subversifs ou préparatoires à la déstabilisation des États européens, y compris par des actions violentes ;

Appelle à la reconnaissance juridique par l’Union européenne de la dimension politique du séparatisme islamiste prôné par les Frères musulmans pour lutter efficacement contre la subversion institutionnelle exercée sous couvert d’associations notamment cultuelles, culturelles, éducatives, sportives ou caritatives ;

Invite la Commission à saisir le Conseil pour lui demander d’inscrire la mouvance des Frères musulmans et ses responsables sur la liste européenne des organisations terroristes, au regard de son idéologie subversive, de son soutien à des entités terroristes comme le Hamas, de ses appels à la haine, et de son action dissimulée contre les institutions démocratiques ;

Demande enfin un renforcement de la coopération entre services de renseignement et autorités judiciaires des États membres, afin de cartographier précisément les réseaux affiliés aux Frères musulmans, leur financement, leurs relais politiques, et leur rôle dans les processus de radicalisation.