N° 1865
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 septembre 2025.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
tendant à la création d’une commission d’enquête sur la neutralité, le fonctionnement et le financement de l’audiovisuel public,
(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Éric CIOTTI, les membres du groupe Union des droites pour la République [(1)],
députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Cette proposition de résolution du groupe Union des droites pour la République (UDR) vise à la création d’une commission d’enquête parlementaire portant sur la neutralité, le fonctionnement et le financement de l’audiovisuel public.
Dans son arrêt Demoiselle Pasteau (1948), le Conseil d’État consacre le devoir de stricte neutralité pour l’ensemble des agents collaborant à un service public, un principe de neutralité conforté par son arrêt Demoiselle Jamet (1950).
Dans cet esprit, la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dite loi Léotard, impose aux sociétés de l’audiovisuel public des obligations à la fois d’impartialité, de neutralité et de pluralisme.
Le Conseil constitutionnel a validé la conformité de la loi Léotard. À travers sa décision n° 86‑217 DC, il a même consacré le pluralisme des courants d’expression socioculturels comme un objectif de valeur constitutionnelle. Il en découle une obligation de pluralisme pour l’ensemble des médias, y compris du service public.
En conséquence, les agents du service public de l’audiovisuel doivent répondre à deux impératifs : la neutralité dans leur activité, et la pluralité des idées qui sont véhiculées dans ce contexte.
Différents évènements laissent penser que le fonctionnement actuel de l’audiovisuel public ne favorise pas la conformité à ces impératifs de neutralité et de pluralité. Ainsi, l’audiovisuel public pourrait s’éloigner durablement de sa mission initiale de transmission d’informations impartiales et de diffusion d’expressions politiques plurielles.
En particulier, les propos la Présidente de France Télévisions, témoignent de ces dysfonctionnements : « On ne représente pas la France telle qu’elle est […] mais on essaie de représenter la France telle qu’on voudrait qu’elle soit ». Bien qu’à la tête du principal opérateur de l’audiovisuel public, ces propos soulignent une volonté affichée de façonner et diffuser une pensée idéologiquement orientée, et non de transmettre une information impartiale.
De la même manière, les propos de la directrice de France Inter (« Les faits, c’est que nous sommes une radio progressiste, et nous l’assumons » ) confirment la nécessité de la constitution de la présente commission d’enquête.
Enfin, les récents échanges entre deux journalistes officiant sur l’audiovisuel public avec des responsables politiques, laissant présager qu’ils pourraient user de leur fonction pour influencer des scrutins électoraux, vont dans le même sens. Alors qu’il n’y a pas eu de sanction pour l’un d’eux, le licenciement un an plus tôt d’un autre journaliste de Radio France, pour des relations de travail avec le président du Rassemblement national, doit interroger l’égalité de traitement réservée aux agents publics. La présente commission d’enquête permettra de faire la lumière sur certains fonctionnements internes des services publics qui pourraient mettre à mal leurs obligations de neutralité.
Aussi, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) demeure intransigeante vis‑à‑vis de l’obligation de pluralité des services de l’audiovisuel privés, en témoigne ses différents contentieux et sanctions financières à l’encontre de la chaîne d’information CNEWS, ainsi que la décision de non‑renouvellement de la fréquence TNT (télévision numérique terrestre) pour la chaîne C8. Il apparaît légitime d’atteindre la même intransigeance vis‑à‑vis des services publics.
En effet, un rapport de l’institut Thomas More (30 mai 2024), indique que, sur une période de 6 jours, sur 630 intervenants sur les chaînes publiques (Radio France), 24 % relèvent de la qualification « Socialiste et progressiste », 19 % de la qualification « Libéral et progressiste », et seulement 4 % de la qualification « Libéral et conservateur ».
De surcroît, l’existence même de l’audiovisuel public est rendue possible par la contribution fiscale des Français. En 2024 le budget de l’audiovisuel public se chiffrait à hauteur de 4 milliards d’euros. Les Français étant les véritables actionnaires de l’audiovisuel public, la représentation nationale doit pouvoir enquêter sur les fonds qui lui sont affectés et leur utilisation, notamment la conformité aux règles applicables à la commande publique.
Aussi, cette contribution incombe aux services publics de répondre à des objectifs précis, définis par les contrats d’objectifs et de moyens (2024‑2028), approuvés par la représentation nationale. Il est par conséquent justifié que l’Assemblée nationale enquête sur le respect des engagements de ces services vis‑à‑vis des Français, en particulier concernant les objectifs de neutralité et de pluralité, tels que définis par ces contrats.
La présente proposition s’appuie sur le principe que les commissions d’enquête doivent servir à éclaircir des sujets d’intérêt général ayant un impact direct sur la société française. Elle vise à fournir une analyse factuelle et chiffrée pour nourrir un débat public informé.
Ainsi, l’objet de la présente proposition de résolution est de créer une commission d’enquête parlementaire chargée d’évaluer la neutralité, le fonctionnement et le financement du service public de l’audiovisuel, en examinant rigoureusement et objectivement :
– les thèmes développés et les angles retenus par le service public, notamment le processus de décision de l’organisation des grilles de programmes, afin de s’assurer de l’absence de tout agenda politique dans celui‑ci ;
– l’objectivité et la traçabilité de l’ensemble des processus de décision, notamment en matière de ressources humaines, d’attributions de contrats, de recrutements, nominations, sanctions et licenciements ;
– l’existence de potentielles collusions avec des facteurs exogènes (pressions politiques, leviers d’influence, lobbys) et de conflits d’intérêts qui pourraient avoir une influence sur les processus de décisions.
– la gestion, la répartition et l’utilisation des budgets consacrés à l’audiovisuel public.
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proposition de rÉsolution
Article unique
En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, il est créé une commission d’enquête de trente membres, chargée de réaliser une étude approfondie sur la neutralité, le fonctionnement et le financement du service public.
Cette commission d’enquête portera notamment sur :
– les thèmes développés et les angles retenus par le service public, notamment le processus de décision de l’organisation des grilles de programmes, afin de s’assurer de l’absence de tout agenda politique dans celui‑ci ;
– l’objectivité et la traçabilité des processus de décision en matière de ressources humaines, à savoir les recrutements, nominations, sanctions et licenciements ;
– l’existence de potentielles collusions avec des facteurs exogènes (pressions politiques, leviers d’influence, lobbys) et de conflits d’intérêts qui pourraient avoir une influence sur les processus de décisions ;
– la gestion, la répartition et l’utilisation des budgets consacrés à l’audiovisuel public.
[(1)](1) Ce groupe est composé de : M. Alexandre ALLEGRET-PILOT, M. Charles ALLONCLE, M. Matthieu BLOCH, M. Bernard CHAIX, M. Marc CHAVENT, M. Éric CIOTTI, Mme Christelle D’INTORNI, M. Olivier FAYSSAT, M. Bartolomé LENOIR, Mme Hanane MANSOURI, M. Maxime MICHELET, M. Éric MICHOUX, Mme Sophie RICOURT VAGINAY, M. Vincent TRÉBUCHET, M. Gérault VERNY.