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N° 1895

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 octobre 2025.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

visant à restreindre la vente de protoxyde d’azote aux seuls professionnels et à harmoniser les législations européennes sur sa commercialisation,

(Renvoyée à la commission des affaires européennes)

présentée par

M. Idir BOUMERTIT, Mme Mathilde PANOT, Mme Nadège ABOMANGOLI, M. Laurent ALEXANDRE, M. Gabriel AMARD, Mme Ségolène AMIOT, Mme Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, M. Raphaël ARNAULT, Mme Anaïs BELOUASSA-CHERIFI, M. Ugo BERNALICIS, M. Christophe BEX, M. Carlos Martens BILONGO, M. Manuel BOMPARD, M. Louis BOYARD, M. Pierre-Yves CADALEN, M. Aymeric CARON, M. Sylvain CARRIÈRE, Mme Gabrielle CATHALA, M. Bérenger CERNON, Mme Sophia CHIKIROU, M. Hadrien CLOUET, M. Éric COQUEREL, M. Jean-François COULOMME, M. Sébastien DELOGU, M. Aly DIOUARA, Mme Alma DUFOUR, Mme Karen ERODI, Mme Mathilde FELD, M. Emmanuel FERNANDES, Mme Sylvie FERRER, M. Perceval GAILLARD, Mme Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mme Zahia HAMDANE, Mme Mathilde HIGNET, M. Andy KERBRAT, M. Bastien LACHAUD, M. Abdelkader LAHMAR, M. Maxime LAISNEY, M. Arnaud LE GALL, M. Antoine LÉAUMENT, Mme Élise LEBOUCHER, M. Aurélien LE COQ, M. Jérôme LEGAVRE, Mme Sarah LEGRAIN, Mme Claire LEJEUNE, Mme Murielle LEPVRAUD, Mme Élisa MARTIN, M. Damien MAUDET, Mme Marianne MAXIMI, Mme Marie MESMEUR, Mme Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mme Sandrine NOSBÉ, Mme Danièle OBONO, Mme Nathalie OZIOL, M. René PILATO, M. François PIQUEMAL, M. Thomas PORTES, M. Loïc PRUD’HOMME, M. Jean-Hugues RATENON, M. Arnaud SAINT-MARTIN, M. Aurélien SAINTOUL, Mme Ersilia SOUDAIS, Mme Anne STAMBACH-TERRENOIR, M. Aurélien TACHÉ, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, M. Paul VANNIER,

députés et députées.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La diffusion croissante du protoxyde d’azote à des fins récréatives constitue un phénomène de plus en plus préoccupant dans de nombreux États membres de l’Union européenne. Si ce gaz est légalement utilisé dans les secteurs médical et alimentaire, son usage détourné pour ses effets euphorisants s’est largement banalisé, notamment chez les jeunes. Les conséquences sanitaires et sociales de cette consommation sont aujourd’hui bien établies  : troubles neurologiques, risques cardiovasculaires, altérations du comportement, accidents de la route et multiplication des nuisances dans l’espace public, et dans les cas les plus graves, des décès.

Ce phénomène concerne désormais l’ensemble du continent européen. Les centres antipoison européens recensent un nombre croissant de signalements d’intoxications liées à la consommation de protoxyde d’azote : le Danemark a enregistré 90 cas en 2020 ; aux Pays‑Bas, 144  cas la même année ; et en France, 134 cas en 2020 contre 46 en 2019, soit une augmentation de près de 200  % en un an. Entre 2001 et 2020, le Royaume‑Uni a recensé plus de 56 décès liés à l’usage détourné du protoxyde d’azote.

En France, la loi n° 2021‑695 du 1er juin 2021 a interdit la vente de ce gaz aux mineurs et en a encadré la commercialisation. Un arrêté ministériel du 19 juillet 2023 a précisé les quantités autorisées à la vente. Malgré ces dispositifs, la consommation de protoxyde d’azote continue d’augmenter et les forces de l’ordre demeurent largement démunies  : la vente en ligne et la libre circulation des marchandises au sein de l’Union européenne permettent un approvisionnement aisé depuis des pays où la législation est plus permissive.

Cette situation met en évidence les limites d’une approche strictement nationale dans le cadre du marché unique. Dès lors qu’un État membre interdit la vente de cette substance aux particuliers, les achats transfrontaliers et les livraisons issues de plateformes étrangères contournent cette interdiction. Le dogme de la libre circulation des marchandises, au fondement de l’Union européenne, devient ici un obstacle à la protection de la santé publique, en particulier de la jeunesse.

Pourtant, plusieurs États membres ont pris leurs responsabilités. Aux Pays‑Bas, le protoxyde d’azote est interdit à toute fin récréative depuis janvier 2023. En Lituanie, la vente au détail est interdite depuis 2020, sauf pour les usages professionnels identifiés. En Lettonie, cette substance est classée comme psychotrope. Le Royaume‑Uni, bien que désormais hors de l’Union, a également prohibé sa détention et son usage récréatif.

Ces législations nationales restent isolées. La majorité des États membres n’encadrent que faiblement la commercialisation de cette substance. Cette fragmentation juridique est incompatible avec la réalité d’un espace économique intégré et d’un commerce en ligne transfrontalier. Elle encourage le développement d’un marché gris et réduit à néant toutes volontés de tarir l’accès à ce produit.

Dans ce contexte, il apparaît indispensable que l’Union européenne engage un processus d’harmonisation législative sur la commercialisation du protoxyde d’azote. La protection de la santé publique, la lutte contre les usages détournés de substances à effet psychotrope et la cohérence du marché intérieur imposent une action coordonnée à l’échelle européenne. Il ne s’agit pas de mettre en œuvre une politique de répression ou d’interdiction totale d’un produit à vocation culinaire ou médicale, dont l’usage reste indispensable. Il convient cependant d’en protéger les consommateurs alors que les dangers de ce produit sont encore trop peu connus.

L’Europe a trop longtemps été le lieu de tous les dumping sociaux et fiscaux. Elle doit aujourd’hui prouver sa capacité à opérer une harmonisation réglementaire par le haut, dans l’intérêt des populations. Le protoxyde d’azote, par la gravité de ses effets et le consensus politique qu’il suscite, offre une occasion concrète d’amorcer cette dynamique.

 


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proposition de rÉsolution europÉenne

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88‑4 de la Constitution,

Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu les articles 26, 114, 128 et 169 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs,

Vu le règlement (CE) n° 1333/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 sur les additifs alimentaires,

Considérant que la consommation détournée de protoxyde d’azote constitue un risque grave et croissant pour la santé publique en Europe ;

Considérant que ce phénomène touche particulièrement les adolescents et les jeunes adultes, dans un contexte d’absence de régulation effective du commerce en ligne ;

Considérant que la fragmentation des législations nationales favorise les achats transfrontaliers et rend inopérantes les interdictions nationales ;

Considérant que la libre circulation des marchandises ne saurait se faire au détriment des impératifs de santé publique ;

Considérant que plusieurs États membres ont d’ores et déjà adopté des législations restrictives visant à encadrer ou interdire la vente de protoxyde d’azote aux particuliers ;

Considérant la nécessité d’une harmonisation européenne afin de garantir un cadre cohérent, efficace et protecteur pour les consommateurs ;

Invite le Gouvernement à saisir formellement la Commission européenne d’une demande d’initiative législative visant à restreindre, au sein de l’Union européenne, la vente de protoxyde d’azote aux seuls professionnels identifiés, à interdire sa commercialisation à des fins récréatives, à renforcer son encadrement réglementaire, et à inscrire cette substance dans le champ des dispositifs européens de prévention des conduites addictives ;

Appelle les autorités françaises à porter cette priorité dans les enceintes européennes compétentes, notamment au Conseil de l’Union européenne en formation « santé » et à mobiliser l’ensemble des États membres autour de cette initiative commune.