– 1 –
N° 1898
_____
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 octobre 2025.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
appelant à renforcer l’action diplomatique de la France en faveur d’une paix juste et durable entre la Turquie et le peuple kurde,
présentée par
M. Thomas PORTES, Mme Mathilde PANOT, Mme Elsa FAUCILLON, M. Stéphane HABLOT, M. Paul MOLAC, Mme Marie POCHON, Mme Danielle SIMONNET, les membres du groupe La France insoumise - Nouveau Front Populaire [(1)],
députés et députées.
– 1 –
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
En mai 2025, le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) a annoncé, sous l’impulsion de son leader historique Abdullah Öcalan, sa dissolution et l’abandon définitif de la lutte armée. Cet acte constitue un tournant majeur dans la quête de paix et de justice portée depuis des décennies par le peuple kurde.
Cette décision historique ouvre une perspective inédite pour une résolution politique du conflit opposant le PKK à l’État turc. Elle vise à préserver les acquis démocratiques, notamment ceux obtenus au Rojava, et à faire progresser la reconnaissance des droits fondamentaux des Kurdes en Turquie.
Fondé à la fin de l’année 1978, le PKK avait engagé, le 15 août 1984, une lutte armée contre l’État turc. Depuis, ce conflit s’est inscrit dans une temporalité marquée par l’alternance de phases de confrontation intense et de tentatives de cessez-le-feu.
La dissolution du PKK marque le respect d’un engagement pris. Il appartient désormais au président Recep Tayyip Erdoğan d’initier un véritable processus de paix, en commençant par la libération des prisonniers politiques, au premier rang desquels Abdullah Öcalan, et en engageant une réforme démocratique en profondeur de la Constitution turque.
Ce processus, au-delà de sa portée immédiate, témoigne de l’influence persistante d’Abdullah Öcalan sur son organisation, malgré sa détention depuis vingt-six ans sur l’île d’Imrali, en mer de Marmara. Il s’inscrit dans la continuité de son appel du 27 février 2025, appelant à une issue pacifique au conflit.
Il convient ici de rendre hommage à la mémoire des milliers de Kurdes tombés dans cette lutte pour l’égalité, la liberté et la dignité. Leur combat impose une réponse politique à la hauteur du moment historique que nous vivons.
En tant que partenaire de la Turquie au sein de l’OTAN, la France ne saurait se cantonner à une posture d’observation. Elle doit reconnaître la portée politique de cette initiative et assumer un rôle actif de médiation en faveur d’une paix durable et juste.
Jusqu’à présent, les prises de position du président Erdoğan se sont principalement limitées à des déclarations générales, mettant en avant la fraternité entre les peuples turc et kurde, et appelant à l’ouverture d’une nouvelle phase pour une « Turquie sans terrorisme ». Si cette rhétorique peut laisser entrevoir une volonté de stabilité, elle demeure insuffisante pour engager une résolution politique durable.
Dans ce contexte, l’élaboration rapide de propositions concrètes, constructives et positives s’impose comme une nécessité. Ce sont elles, et elles seules, qui permettront de consolider les dynamiques en cours et d’engager des avancées significatives vers la paix.
Un signal fort a été donné le 11 juillet avec l’organisation, dans la région autonome du Kurdistan irakien, d’une cérémonie officielle de dépôt des armes. Ce moment hautement symbolique marque le début du processus de désarmement du PKK et concrétise l’annonce de sa dissolution faite en mai 2025. Cette démarche, impulsée par Abdullah Öcalan depuis sa cellule, souligne une volonté de paix affirmée.
Bien que l’autodissolution officielle du PKK ait été annoncée et mise en œuvre, plusieurs incertitudes demeurent : l’avenir des responsables et des cadres du mouvement, pour beaucoup établis hors de Turquie, reste à préciser ; la réintégration des anciens membres et militants dans la vie civile et politique appelle des engagements concrets ; enfin, le rôle futur d’Abdullah Öcalan, détenu depuis 1999, n’a pas encore été clarifié. Autant d’éléments qui soulignent l’urgence de définir un cadre politique clair, inclusif et à la hauteur des enjeux historiques.
Dans ce contexte, la France ne peut rester silencieuse. Elle doit s’engager pleinement aux côtés des forces œuvrant pour la paix, encourager les initiatives constructives et soutenir toutes les démarches visant à une issue politique durable au conflit.
Une certitude s’impose déjà : une nouvelle séquence s’ouvre concernant la question kurde, en Turquie comme dans l’ensemble de la région.
La communauté internationale a le devoir d’accompagner cette dynamique pacifique, et d’en garantir la pérennité. Elle doit soutenir le dialogue, favoriser les conditions d’une solution politique, et faire en sorte que la voie de la paix l’emporte définitivement sur celle de l’affrontement.
En tant que partenaire stratégique de la Turquie au sein de l’Alliance atlantique, la France porte une responsabilité politique, morale et diplomatique. Elle ne peut rester indifférente à un processus qui vise à clore un conflit ayant causé la mort d’au moins 40 000 personnes depuis 1984.
Le ministre des Affaires étrangères est invité à saluer publiquement l’initiative historique d’autodissolution du PKK et à affirmer le soutien de la France à l’ouverture d’un véritable processus politique. À cette fin, il lui revient :
– d’engager, dans le cadre des relations bilatérales avec la Turquie, un dialogue constructif en faveur d’une réconciliation durable et de garanties démocratiques ;
– d’œuvrer à l’inclusion des représentants du peuple kurde et de la société civile dans les discussions à venir, condition indispensable à une paix crédible et partagée ;
– de porter cette dynamique au niveau européen, en mobilisant les partenaires de la France au sein de l’Union européenne afin de soutenir activement le processus engagé ;
– de promouvoir, dans les enceintes internationales concernées, la reconnaissance et le respect des droits fondamentaux, en particulier ceux des prisonniers politiques, dont Abdullah Öcalan.
La France doit être au rendez-vous de l’histoire. Elle doit se tenir aux côtés de la paix et de la reconnaissance des droits fondamentaux du peuple kurde.
– 1 –
proposition de RÉSOLUTION
Article unique
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 34‑1 de la Constitution,
Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,
Vu le premier paragraphe de l’article 1er de la Charte des Nations Unies, qui prévoit l’obligation de « maintenir la paix et la sécurité internationales et à cette fin : prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d’écarter les menaces à la paix et de réprimer tout acte d’agression ou autre rupture de la paix, et réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l’ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix »,
Vu le troisième paragraphe de l’article 2 de la Charte des Nations Unies disposant que « les membres de l’Organisation règlent leurs différends internationaux par des moyens pacifiques, de telle manière que la paix et la sécurité internationales ainsi que la justice ne soient pas mises en danger »,
Vu l’article 1er du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 affirmant que « tous les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel »,
Vu l’article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques garantissant que « tout citoyen a le droit et la possibilité, sans aucune des discriminations visées à l’article 2 et sans restriction déraisonnables : a) De prendre part à la direction des affaires publiques, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis »,
Vu le deuxième paragraphe de l’article 21 du Traité sur l’Union européenne disposant que « l’Union définit et mène des politiques communes et des actions et œuvre pour assurer un haut degré de coopération dans tous les domaines des relations internationales afin de : […] c) préserver la paix, prévenir les conflits et renforcer la sécurité internationale »,
Considérant que le Parti des Travailleurs du Kurdistan a annoncé, en mai 2025, sa dissolution ainsi que la fin de la lutte armée, après plus de quarante années de conflit, offrant ainsi une opportunité historique de paix en Turquie ;
Considérant que cette décision marque une volonté de réconciliation nationale et de règlement pacifique de la question kurde en Turquie ;
Considérant qu’Abdullah Öcalan, détenu depuis plus de vingt-cinq ans, est une figure centrale du mouvement kurde et que sa participation au processus de paix est jugée indispensable pour l’élaboration d’une solution politique durable ;
Considérant que la France, en tant que membre de l’Union européenne se revendiquant patrie des droits de l’homme, a la responsabilité de promouvoir la paix, la démocratie et la justice au sein de son voisinage géopolitique ;
1. Reconnaît officiellement l’ouverture d’un processus de paix en Turquie et appelle à la poursuite d’un dialogue inclusif entre toutes les parties prenantes, dans le respect du droit international ;
2. Invite la France à se positionner résolument en faveur de la paix et de la reconnaissance des droits fondamentaux du peuple kurde ;
3. Invite le Gouvernement à soutenir la participation d’Abdullah Öcalan aux négociations de paix, en garantissant le respect de ses droits politiques et de son rôle dans la recherche d’une solution durable ;
4. Appelle le Gouvernement à mobiliser ses partenaires européens et internationaux afin d’inscrire cette opportunité à l’agenda diplomatique en vue de bâtir un large soutien au processus engagé ;
5. Demande au Gouvernement de promouvoir, au sein des institutions européennes et internationales, un appui politique en faveur du dialogue, de la réconciliation et de la consolidation de la paix ;
6. Affirme que la France, par son soutien à ce processus historique, honore ses engagements en faveur de la paix, du respect des droits des peuples et de la résolution pacifique des conflits.
[(1)](1) Ce groupe est composé de : Mme Nadège ABOMANGOLI, M. Laurent ALEXANDRE, M. Gabriel AMARD, Mme Ségolène AMIOT, Mme Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, M. Raphaël ARNAULT, Mme Anaïs BELOUASSA-CHERIFI, M. Ugo BERNALICIS, M. Christophe BEX, M. Carlos Martens BILONGO, M. Manuel BOMPARD, M. Idir BOUMERTIT, M. Louis BOYARD, M. Pierre-Yves CADALEN, M. Aymeric CARON, M. Sylvain CARRIÈRE, Mme Gabrielle CATHALA, M. Bérenger CERNON, Mme Sophia CHIKIROU, M. Hadrien CLOUET, M. Éric COQUEREL, M. Jean-François COULOMME, M. Sébastien DELOGU, M. Aly DIOUARA, Mme Alma DUFOUR, Mme Karen ERODI, Mme Mathilde FELD, M. Emmanuel FERNANDES, Mme Sylvie FERRER, M. Perceval GAILLARD, Mme Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mme Zahia HAMDANE, Mme Mathilde HIGNET, M. Andy KERBRAT, M. Bastien LACHAUD, M. Abdelkader LAHMAR, M. Maxime LAISNEY, M. Arnaud LE GALL, M. Aurélien LE COQ, M. Antoine LÉAUMENT, Mme Élise LEBOUCHER, M. Jérôme LEGAVRE, Mme Sarah LEGRAIN, Mme Claire LEJEUNE, Mme Murielle LEPVRAUD, Mme Élisa MARTIN, M. Damien MAUDET, Mme Marianne MAXIMI, Mme Marie MESMEUR, Mme Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mme Sandrine NOSBÉ, Mme Danièle OBONO, Mme Nathalie OZIOL, Mme Mathilde PANOT, M. René PILATO, M. François PIQUEMAL, M. Thomas PORTES, M. Loïc PRUD’HOMME, M. Jean-Hugues RATENON, M. Arnaud SAINT-MARTIN, M. Aurélien SAINTOUL, Mme Ersilia SOUDAIS, Mme Anne STAMBACH-TERRENOIR, M. Aurélien TACHÉ, Mme Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, M. Paul VANNIER.