N° 1021
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 mars 2025.
TEXTE DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
ANNEXE AU RAPPORT
PROPOSITION DE
RÉSOLUTION EUROPÉENNE
appelant à la libération immédiate et inconditionnelle de Boualem Sansal
Voir les numéros : 852 rect. et 914.
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L’Assemblée nationale,
Vu l’article 88‑4 de la Constitution,
Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,
Vu la résolution du Parlement européen du 23 janvier 2025 sur le cas de Boualem Sansal en Algérie (2025/2512 [RSP]),
Vu la résolution du Parlement européen du 11 mai 2023 sur la liberté des médias et la liberté d’expression en Algérie, le cas du journaliste Ihsane El‑Kadi (2023/2661 [RSP]),
Vu la résolution du Parlement européen du 3 mai 2022 sur la persécution des minorités fondées sur les convictions ou la religion (2021/2055 [INI]),
Vu la résolution du Parlement européen du 26 novembre 2020 sur la détérioration de la situation des droits de l’homme en Algérie, en particulier le cas du journaliste Khaled Drareni (2020/2880 [RSP]),
Vu la résolution du Parlement européen du 28 novembre 2019 sur la situation des libertés en Algérie (2019/2927 [RSP]),
Vu la résolution 2018/2160 du Parlement européen du 27 mars 2019 sur l’après‑printemps arabe : la voie à suivre pour la région MENA (2018/2160 [INI]),
Vu la résolution du Parlement européen du 30 avril 2015 sur l’incarcération de militants des droits de l’homme et des travailleurs en Algérie (2015/2665 [RSP]),
Vu la résolution du Parlement européen du 9 juin 2005 sur la liberté de la presse en Algérie,
Vu la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,
Vu les orientations et les valeurs de l’Union européenne concernant les défenseurs des droits de l’homme, la peine de mort, la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la liberté d’expression, en ligne et hors ligne, et les défenseurs des droits de l’homme,
Vu la charte africaine des droits de l’homme et des peuples,
Vu l’article 40 de la Constitution de l’Algérie, qui proscrit toute forme de violence physique ou morale ou d’atteinte à la dignité. Cet article dénonce également tout traitement cruel, inhumain ou dégradant. Aussi, l’État algérien est garant de l’inviolabilité de la personne humaine,
Vu l’article 42 de la Constitution de l’Algérie, qui consacre l’inviolabilité de la liberté de conscience et de la liberté d’opinion, vu les articles 48 et 50 de cette même Constitution, qui reconnaissent la liberté d’expression, la liberté de la presse et proscrivent toute forme de censure,
Vu l’accord euro-méditerranéen du 22 avril 2002 établissant une association entre la communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la République Algérienne démocratique et populaire, d’autre part,
Vu le rapport de la Commission européenne du 9 mars 2017 sur l’état des relations Union européenne‑Algérie dans le cadre de la politique européenne de voisinage rénovée (SWD [2017] 109 final),
Vu les conclusions du Conseil d’association Union européenne‑Algérie du 7 décembre 2020,
Considérant que l’Algérie est signataire de la Déclaration universelle des droits de l’homme et qu’elle s’est engagée à garantir et à promouvoir la liberté d’expression, dans le strict respect de ses obligations internationales ;
Considérant que, le 16 novembre 2024, les autorités algériennes ont procédé à l’arrestation de l’écrivain franco‑algérien Boualem Sansal, connu pour ses prises de position fermes et publiques contre le régime en place, réclamant notamment la garantie de la liberté d’expression en Algérie. Il est demeuré introuvable pendant une semaine, période durant laquelle il lui a été interdit de communiquer avec sa famille et de consulter un avocat, en violation flagrante du droit international. M. Sansal a été interrogé sans la présence de son conseil juridique, portant ainsi atteinte à son droit à un procès équitable. Par la suite, il a été inculpé pour atteinte à la sûreté de l’État sur la base de l’article 87 bis du code pénal algérien, un texte souvent invoqué pour réprimer les critiques à l’égard du Gouvernement, y compris celles des défenseurs des droits de l’homme ;
Considérant, au regard de son âge et la fragilité de sa santé, que les conditions dans lesquelles M. Sansal est détenu font peser un risque direct sur sa vie ;
Considérant les propos tenus par le Premier ministre en conférence de presse à l’issue du comité interministériel de contrôle de l’immigration du 26 février 2025, exprimant la grande inquiétude de la France quant à la santé de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal et aux pressions exercées sur lui et sur son entourage, notamment ses avocats, et réaffirmant ainsi l’importance accordée à sa personne ainsi qu’au respect qui lui est dû ;
Considérant que la liberté d’expression a régressé en Algérie. Le pays est classé à la cent-trente-neuvième place du classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières en 2024 ;
Considérant l’adoption en Algérie en 2023 de trois lois sur les médias, dénoncées comme répressives par de nombreuses organisations non gouvernementales : la loi organique sur l’information, la loi relative à la presse écrite et électronique et la loi relative à l’activité audiovisuelle ;
Considérant, selon les chiffres des défenseurs des droits de l’homme en Algérie, que deux-cent-quinze personnes sont aujourd’hui détenues en Algérie comme « prisonniers d’opinion » ;
Considérant que, entre 2021 et 2024, l’Union européenne est demeurée un partenaire privilégié de l’Algérie, qu’elle souhaite le rester et qu’elle lui a versé 213 millions d’euros dans le cadre du programme indicatif pluriannuel ;
1. Rappelle les liens d’amitié et de respect qui lient les peuples algérien et français et souhaite que les éventuelles tensions diplomatiques entre deux États souverains n’aient pas de répercussions directes sur les destins et les droits des individus ;
2. Condamne fortement l’arrestation et la détention de Boualem Sansal et réclame sa libération immédiate et inconditionnelle ;
3. Condamne la détention en Algérie des personnes considérées comme « prisonniers d’opinion », notamment les militants, journalistes, blogueurs ou défenseurs des droits de l’homme, et réclame leur libération ;
4. Condamne les méthodes d’intimidation du régime algérien qui réduisent, de fait, la liberté d’expression et la liberté de la presse ;
5. Appelle le Gouvernement de la République française ainsi que la Commission européenne à rappeler aux autorités algériennes le respect du droit de la défense de M. Boualem Sansal, et de permettre à son avocat de le rejoindre à Alger pour le défendre ;
6. Appelle à la mise en place d’une mission médicale internationale afin d’évaluer l’état de santé de Boualem Sansal ;
7. Invite le Gouvernement de la République française ainsi que la Commission européenne à inscrire la promotion de l’État de droit et des libertés fondamentales au cœur du dialogue avec l’Algérie, en veillant à ce que les engagements internationaux en matière de droits humains soient pleinement respectés et en intégrant des mécanismes de suivi dans les discussions bilatérales et multilatérales ;
8. Invite le Gouvernement de la République française, la Commission européenne et le Conseil européen à veiller à ce que toute coopération renforcée avec l’Algérie soit subordonnée à des avancées concrètes et mesurables en matière d’État de droit et de libertés fondamentales et à faire de la libération de Boualem Sansal une exigence préalable dans le cadre des discussions sur la modernisation de l’accord d’association entre l’Union européenne et l’Algérie.