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No 1159

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 mars 2025.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION
EUROPÉENNE

 

appelant à la régulation des réseaux sociaux
face aux ingérences étrangères,

 

 

 

TEXTE DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES EUROPÉENNES

 

ANNEXE AU RAPPORT

 

 

 

 

 

 

Voir le numéro : 876.


– 1 –

 

 

proposition de rÉsolution europÉenne

Article unique

 

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88‑4 de la Constitution,

Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu l’article 3 du Traité sur l’Union européenne,

Vu la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et notamment son article 11, article 21, article 22, article 23, et article 38,

Vu le règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE,

Vu le règlement (UE) 2024/1689 du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2024 établissant des règles harmonisées concernant l’intelligence artificielle et modifiant les règlements (CE) n° 300/2008, (UE) n° 167/2013, (UE) 168/2013, (UE) 2018/858, (UE) 2018/1139 et (UE) 2019/2144 et les directives 2014/90/UE, (UE) 2016/797 et (UE) 2020/1828, entré en vigueur le 1er août 2024,

Vu la communication de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des Régions du 19 février 2020 intitulée « Façonner l’avenir numérique de l’Europe » COM(2020) 67 final et le programme d’action pour la décennie numérique de l’Europe à l’horizon 2030,

Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des Régions du 26 mai 2021, intitulé « Orientations de la Commission européenne visant à renforcer le code européen de bonnes pratiques contre la désinformation », COM(2021) 262 final,

Vu la loi n° 2024‑449 du mardi 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique,

Vu le rapport du Sénat n° 75 (2018‑2019) de Mme Catherine Morin‑Desailly, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, sur la proposition de loi relative à la lutte contre les fausses informations, déposé le 24 octobre 2018,

Vu la résolution européenne du Sénat n° 31 (2018‑2019) du 30 novembre 2018, sur la responsabilisation partielle des hébergeurs de services numériques,

Vu le rapport d’information du Sénat n° 274 (2021‑2022) de Mmes Florence Blatrix Contat et Catherine Morin‑Desailly, fait au nom de la commission des affaires européennes, sur la proposition de législation européenne sur les services numériques, déposé le 8 décembre 2021,

Vu le rapport d'information de Mme Constance Le Grip déposé par la commission des affaires européennes portant observations sur la proposition de loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France (n° 2150), n° 2385, du mercredi 20 mars 2024 ; 

Vu le rapport de l’Assemblée nationale fait au nom de la commission d’enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères – États, organisations, entreprises, groupes d’intérêts, personnes privées – visant à influencer ou corrompre des relais d’opinion, des dirigeants ou des partis politiques français, n° 1311, du 1er juin 2023 ; 

Vu l’étude annuelle du Conseil d’État de 2022 » Les réseaux sociaux : enjeux et opportunités pour la puissance publique », publiée le 27 septembre 2022,

Vu l’étude de l’Observatoire de l’audience des plateformes en ligne de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique au 1ᵉʳ semestre 2024, publiée le 8 novembre 2024,

Considérant la position ultra‑dominante des très grandes plateformes numériques, devenues de véritables infrastructures de communication, à l’heure où environ trois quarts des citoyens européens se déclarent utilisateurs réguliers des réseaux sociaux ;


Considérant que le modèle économique de ces plateformes, fondé sur une gratuité d’accès et des recettes publicitaires proportionnelles au trafic généré par les utilisateurs, constitue un cadre favorable non seulement à la propagation de nouvelles fausses, contestables ou fallacieuses, mais également à des tentatives de manipulation menées par des personnes ou des États tiers, en particulier en période électorale ;

Considérant l’implication des plateformes numériques dans les ingérences étrangères affectant les scrutins démocratiques en Europe, et notamment les manipulations ayant visé l’élection présidentielle roumaine de 2024, telles que décrites par le rapport de VIGINUM du 04 février 2025, lesquelles ont conduit la Cour constitutionnelle de Roumanie à annuler les résultats du scrutin.

Considérant que les ingérences étrangères constituent une menace grave pour la souveraineté nationale et européenne, en exploitant les vulnérabilités informationnelles, économiques et politiques des démocraties, et que ces stratégies hostiles, souvent orchestrées par des puissances étrangères, s’inscrivent dans une logique de guerre hybride visant à affaiblir l’Union européenne en combinant manipulation de l’information, financement occulte d’acteurs d’influence et exploitation des failles numériques, rendant indispensable une réponse coordonnée entre les États membres et les institutions européennes pour garantir la résilience démocratique du continent ; 

Considérant que l’évolution de la politique éditoriale et de modération de ces très grandes plateformes et l’usage qui en fait par certains de leurs propriétaires n’en font plus de simples fournisseurs d’un service de la société de l’information qui ne serait pas responsable des informations transmises ou de l’accès fourni au sens de l’article 4 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 susmentionné ;

Considérant que par ces évolutions et face à l’inefficacité des actions mises en œuvre par certaines de ces très grandes plateformes pour évaluer et atténuer les risques systémiques sur les processus électoraux, celles‑ci représentent une menace pour les droits fondamentaux des citoyens non‑européens, la qualité du débat public et plus largement la souveraineté politique et démocratique des États membres de l’Union ;

Considérant l'adresse aux Français du président de la République le 5 mars 2025, dans laquelle il affirme que certains États, en tête desquels la Russie, cherchent à manipuler nos opinions par la diffusion de mensonges sur les réseaux sociaux. 

Considérant qu’il est indispensable de mettre en œuvre des normes de sécurité dès la conception des systèmes régissant ces très grandes plateformes, afin de favoriser le respect des droits fondamentaux ;

1. Appelle la Commission européenne à appliquer fermement et sans délai le règlement européen et ce faisant, à faire usage de l’intégralité des pouvoirs qui lui sont conférés par les articles 67 et suivants du règlement sur les marchés numériques, non pas seulement en matière d’investigation, mais aussi, en cas de non‑conformité avérée d’une très grande plateforme numérique, pour contraindre et sanctionner ladite plateforme ;

2. Appelle la Commission européenne à communiquer sans attendre aux parlements nationaux l’état d’avancement des différentes procédures formelles qu’elle a ouvertes à l’encontre des très grandes plateformes numériques et les résultats des procédures ouvertes depuis plus d’un an ;

3. Invite la Commission européenne a un nouvel examen de la détermination de X comme contrôleur d’accès au marché numérique au titre du règlement sur les marchés numériques ;

4. Se félicite de la décision de la Commission européenne prise le 17 janvier 2025 d’approfondir son enquête sur X afin d’obtenir du réseau social des informations supplémentaires sur la conception et le fonctionnement de ses algorithmes de recommandation mais souhaite une investigation rapide et transparente ;

5. Appelle la Commission européenne à mettre en place un dispositif d’urgence harmonisé entre les États membres permettant de prendre des mesures provisoires en cas d’infractions graves aux règlement sur les services numériques risquant de conduire à une crise systémique ; 

6. Invite le Gouvernement à relayer ces appels auprès de la Commission et à œuvrer pour un usage déterminé par l’Union européenne de tous les outils réglementaires, économiques et diplomatiques à sa disposition pour contraindre les très grandes plateformes numériques au respect de ses règles dans l’espace numérique européen ;

7. Appelle la Commission européenne à édicter toute décision visant à imposer aux propriétaires des plateformes numériques de céder les parts de capital qu’ils détiennent dans ces plateformes, correspondantes à leurs activités européennes, à un tiers n’étant pas placé en situation de conflit d’intérêts et, à défaut, à décider la suspension ou l’interdiction des plateformes dans l’Union européenne » ;

8. Invite le Gouvernement à proposer à la Commission européenne l’édiction de toute décision utile visant à imposer aux propriétaires des plateformes numériques de céder les parts de capital qu’ils détiennent dans ces plateformes, correspondantes à leurs activités européennes, à un tiers n’étant pas placé en situation de conflit d’intérêts et, à défaut, à décider la suspension ou l’interdiction des plateformes dans l’Union européenne ;

9. Appelle la Commission européenne à élaborer une stratégie de développement des plateformes et infrastructures numériques souveraines au sein de l’Union.