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No 1966

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 octobre 2025.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION
EUROPÉENNE

 

visant à rejeter le projet d’accord sur les droits de douane
et le commerce du 27 juillet 2025 entre l’Union européenne
et les États-Unis,

 

 

 

TEXTE DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES EUROPÉENNES

 

ANNEXE AU RAPPORT

 

 

 

 

 

Voir le numéro : 1763.


– 1 –

proposition de rÉsolution europÉenne

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88‑4 de la Constitution,

Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu l’article 5 du Traité sur l’Union européenne,

Vu le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, notamment ses articles 2, 3, 4, 7, 11, 12, 13, 206, 207 et 218,

Vu l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994,

Vu l’avis 2/15 de la Cour de justice de l’Union européenne du 16 mai 2017,

Vu l’Accord de Paris adopté le 12 décembre 2015 et ratifié le 5 octobre 2016,

Vu le règlement (UE) 2023/1115 du Parlement européen et du Conseil du 31 mai 2023 relatif à la mise à disposition sur le marché de l’Union et à l’exportation à partir de l’Union de certains produits de base et produits associés à la déforestation et à la dégradation des forêts, et abrogeant le règlement (UE) n° 995/2010,

Vu l’avis 2/15 rendu le 16 mai 2017 par la Cour de justice de l’Union européenne sur l’accord de libre‑échange avec Singapour,

Vu les conclusions du Conseil de l’Union européenne du 16 octobre 2020 approuvant la stratégie de l’Union européenne en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030, dans un document intitulé « L’urgence d’agir », 11829/20,

Vu la Déclaration du 27 juillet 2025 de la Présidente von der Leyen à propos de l’accord sur les droits de douane et le commerce avec les États‑Unis,

Vu la fiche d’information publiée le 28 juillet 2025 par la Maison Blanche : « Les États‑Unis et l’Union européenne concluent un accord commercial massif »,

Vu le plan « Réarmer l’Europe », présenté en mars 2025 par la Commission européenne et en particulier son programme SAFE visant à financer l’achat d’équipements militaires dont 65 % des composants devront être fabriqués au sein de l’Union européenne,

Considérant que la Constitution, dans son préambule et dans son article 3, consacre les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie ; qu’elle précise, à son article 1er, que la France est une République « démocratique et sociale » ;

Considérant que les négociations menées en vue d’un accord économique et commercial avec les États‑Unis ont été menées sans respect réel des principes d’ouverture et de transparence posés à l’article 15 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et, par voie de conséquence, sans qu’ait pu être assuré un contrôle démocratique national et européen digne de l’État de droit ;

Considérant qu’en vertu des articles 207 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et 21 du traité sur l’Union européenne, la politique commerciale commune doit être menée dans le respect des objectifs de l’action extérieure de l’Union européenne et donc promouvoir un ordre multilatéral respectueux de la démocratie et de l’État de droit ;

Considérant qu’aux termes des articles 207 et 218 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, l’ouverture des négociations, les directives de négociation et la conclusion d’un accord de commerce relève du Conseil, qu’il appartient à la Commission européenne de faire régulièrement rapport au Conseil et au Parlement européen sur l’état d’avancement des négociations, et que s’agissant de l’accord de Turnberry, la confidentialité et l’opacité l’ont emporté sur toute autre considération ;

Considérant qu’aux termes de l’article 218 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, « un État membre, le Parlement européen, le Conseil ou la Commission peut recueillir l’avis de la Cour de justice sur la compatibilité d’un accord envisagé avec les traités » ;

Considérant que le projet accord économique et commercial entre l’Union européenne et les États‑Unis comprend des dispositions relatives aux investissements étrangers, lesquelles relèvent du champ de compétences partagées entre l’Union européenne et les États membres et doivent donc donner lieu à une approbation par le Parlement national ;

Considérant que le projet accord économique et commercial entre l’Union européenne et les États‑Unis est susceptible de porter préjudice à la politique économique, environnementale, agricole ou encore sociale de notre pays, altérant ainsi durablement le périmètre de la souveraineté nationale garantie par l’article 3 de la Constitution ;

Considérant que l’engagement à importer un montant de 750 milliards de dollars de produits énergétiques américains est irréaliste ;

Considérant que l’importation de 750 milliards de dollars de produits énergétiques américains (principalement du gaz naturel liquéfié, GNL) va à l’encontre des objectifs européens en matière de transition écologique et énergétique, l’Union européenne s’étant engagée dans le cadre du Pacte Vert à atteindre la neutralité carbone en 2050 ;

Considérant que l’importation de 750 milliards de dollars de produits énergétiques américains reviendrait à placer l’Union européenne dans une situation de dépendance inédite vis-à-vis de l’énergie fossile américaine, contredisant les objectifs européens en matière d’autonomie stratégique ;

Considérant que les intentions d’investissements aux États-Unis à hauteur de 600 milliards de dollars d’ici 2028 sont incompatibles avec l’ambition de réindustrialiser l’Europe ; 

Considérant que les intentions d’investissements aux États-Unis à hauteur de 600 milliards de dollars d’ici 2028 sont incompatibles avec les objectifs européens en matière de transition énergétique ;

Considérant que l’engagement à accroître l’acquisition d’équipements militaires et de défense auprès des États-Unis contredirait les récentes annonces européennes dans ce domaine, qui visent à soutenir la base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE) ; 

Considérant que l’engagement d’une augmentation massive des importations de produits agricoles américains exposera les agriculteurs français à une concurrence internationale déloyale résultant de la prévalence de normes environnementales et sociales moins strictes hors de l’Union européenne ;

Considérant que cet accord entre en contradiction avec le développement du plan « Réarmer l’Europe » dévoilé en mars 2025, et qu’il pourrait porter préjudice aux objectifs européens de souveraineté en matière de défense.

Considérant que le projet d’accord entre l’Union européenne et les États‑Unis a pour objet l’augmentation des flux internationaux de marchandises et que l’augmentation des émissions de gaz à effets de serre et pollutions environnementales associées n’est pas conforme aux engagements de l’Union européenne et de la France pris lors de la COP21 pour lutter efficacement contre le changement climatique ;

Invite le Gouvernement :

1. À signifier à la Commission européenne son opposition au projet d’accord économique et commercial entre l’Union européenne et les États‑Unis ;

2. À s’opposer à ce projet d’accord économique et commercial entre l’Union européenne et les États‑Unis lors des prochaines réunions du Conseil ;

3. À se rapprocher de la Commission européenne afin de faire valoir le caractère mixte de l’éventuel accord économique et commercial entre l’Union européenne et les États‑Unis ;

4. À demander à la Commission européenne de soumettre le projet d’accord à un vote à l’unanimité des États membres au Conseil, puis à un vote au Parlement européen et à une ratification par l’ensemble des Parlements des États membres ;

5. À refuser toute mise en œuvre d’un accord économique et commercial entre l’Union européenne et les États‑Unis sans approbation préalable des parlements nationaux ;

6. À solliciter l’avis de la Cour de justice de l’Union européenne sur la compatibilité de ce projet d’accord économique et commercial entre l’Union européenne et les États‑Unis avec les Traités européens sur la base de l’article 218 (11) du Traité de fonctionnement de l’Union européenne pour éviter qu’un accord incompatible avec les Traités européens soit conclu et de ne pas procéder à la ratification de cet accord tant que la Cour de justice de l’Union européenne ne s’est pas prononcée.