N° 14
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 juin 2017.
PROJET DE LOI
autorisant la ratification du protocole relatif à la convention pour
la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime
et du protocole relatif au protocole pour la répression d’actes illicites contre la sécurité des plates‑formes fixes situées
sur le plateau continental,
(Procédure accélérée)
(Renvoyé à la commission des affaires étrangères, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
PRÉSENTÉ
au nom de M. Édouard PHILIPPE,
Premier ministre,
par M. Jean‑Yves LE DRIAN,
ministre de l’Europe et des affaires étrangères
– 1 –
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Les attentats du 11 septembre 2001 ont conduit l’assemblée générale de l’Organisation maritime internationale (OMI) à demander, dès le mois de novembre suivant, aux comités compétents de l’organisation de lancer la révision des conventions pertinentes relevant de leur responsabilité afin de prévenir et réprimer les actes terroristes commis en mer. En décembre 2002, l’OMI a ainsi adopté un dispositif de prévention en révisant la convention SOLAS (Safety Of Life At Sea) ([1]) du 1er novembre 1974 et en la complétant d’un code ISPS([2]) visant à guider les États parties dans la mise en œuvre de la convention SOLAS révisée. Ce dispositif est en vigueur depuis le 1er juillet 2004.
Parallèlement, l’OMI a engagé la révision de la convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime, conclue à Rome le 10 mars 1988, dite convention SUA pour « Suppression of Unlawful Acts »([3]) (ci‑après « convention SUA 1988 »), ainsi que celle du protocole pour la répression d’actes illicites contre la sécurité des plates‑formes fixes situées sur le plateau continental([4]) (ci‑après « protocole SUA 1988 »), adopté également à Rome le 10 mars 1988. Ces textes, qui figurent parmi les treize conventions antiterroristes des Nations unies, avaient été adoptés à la suite du détournement du paquebot « Achille Lauro » en octobre 1985. Ils visent spécifiquement les actes terroristes commis à l’encontre des navires, des plates‑formes fixes pour le protocole, et des personnes se trouvant à leur bord.
La révision de ces textes s’est achevée le 14 octobre 2005 avec l’adoption, à Londres, du protocole relatif à la convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime (ci‑après « protocole de Londres sur la navigation maritime ») et du protocole relatif au protocole pour la répression d’actes illicites contre la sécurité des plates‑formes fixes situées sur le plateau continental (ci‑après « protocole de Londres sur les plates‑formes »). Ces deux protocoles modifient et complètent respectivement la convention SUA 1988, qui devient convention de 2005 pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime (ci‑après « convention SUA 2005 »), et le protocole SUA 1988, qui devient protocole de 2005 pour la répression d’actes illicites contre la sécurité des plates‑formes fixes situées sur le plateau continental (ci‑après « protocole SUA 2005 »).
Cette démarche vise à renforcer la coopération internationale pour lutter plus efficacement contre le terrorisme et la prolifération en mer. Par rapport au texte de 1988, la convention SUA 2005 est enrichie de deux dispositifs répressifs qui ciblent toutes les infractions à caractère terroriste commises depuis ou à l’encontre d’un navire, ainsi que toutes les infractions de prolifération par mer d’armes biologiques, chimiques ou nucléaires (BCN) et de biens à double usage BCN, commises avec ou sans motif terroriste. Ce souci de lutter contre la prolifération résulte des préoccupations suscitées par l’augmentation du nombre de crises liées à ce danger, ainsi que par le développement de réseaux clandestins de fourniture d’équipements et de technologies proliférants susceptibles d’établir des liens avec des groupes terroristes.
Le protocole de Londres sur la navigation maritime définit en effet pour les États parties un cadre répressif plus large et plus aisé à mettre en œuvre, mais aussi un devoir accru de coopération internationale et de respect des droits des individus et des États parties, avec notamment un dispositif encadrant le contrôle en haute mer d’un navire battant pavillon d’un État partie. Ce texte s’inscrit dans le respect du droit de la mer et d’autres instruments multilatéraux, en particulier la Charte des Nations unies, la convention de Paris sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’emploi des armes chimiques et sur leur destruction du 13 janvier 1993 ‑CIAB‑, la convention de Washington, Londres et Moscou sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication et du stockage des armes bactériologiques ou à toxines et sur leur destruction du 10 avril 1972 ‑CIAC‑ et le traité de non‑prolifération de Washington, Londres et Moscou sur la non‑prolifération des armes nucléaires du 1er juillet 1968 (TNP).
Le protocole de Londres sur les plates‑formes étend quant à lui le champ infractionnel pour les actes commis à l’encontre des plates‑formes de façon similaire à ce que prévoit le protocole de Londres sur la navigation maritime, sans y inclure les mesures ne pouvant s’appliquer qu’aux navires (transport, contrôle en haute mer).
Ces deux textes ont été signés par la France le 14 février 2006, soit le jour même de leur ouverture à la signature des États membres de l’OMI.
Ils sont entrés en vigueur le 28 juillet 2010. Au 1er mars 2017, 41 États ont ratifié ou ont adhéré au protocole de Londres sur la navigation maritime, et 35 États ont ratifié ou ont adhéré au protocole de Londres sur les plates‑formes([5]). Pour mémoire, l’Organisation maritime internationale compte actuellement 172 États membres et trois membres associés.
Protocole de Londres sur la navigation maritime :
Les articles 1er et 2 définissent les termes utilisés. En particulier, l’article 2 modifie sensiblement l’article 1er de la convention SUA 1988 relatif aux définitions des termes utilisés, afin d’en donner un sens plus large. Il insère une définition large du terme « transporter », qui inclut l’engagement et/ou l’organisation du mouvement d’une personne ou d’un bien ainsi que le contrôle effectif exercé sur ce mouvement.
Le protocole insère également une définition des dommages corporels ou matériels graves, qui couvre les dommages physiques aux personnes, les destructions de lieux publics et/ou d’infrastructures, et/ou des dommages substantiels à l’environnement.
Ce même article fournit une définition très détaillée des armes biologiques, des armes chimiques, des produits chimiques toxiques et des précurseurs. Ces définitions correspondent à l’exacte reprise des articles 2 de la convention CIAC et 1er de la convention CIAB, bien que l’article ne cite pas ces textes.
L’article 2 ne donne pas de définition de la « matière brute » et du « produit fissile spécial », mais renvoie explicitement à celles posées par le statut de l’AIEA[6] du 26 octobre 1956 (paragraphes 1 et 3 de son article XX).
De même, les termes « lieu public », « installation gouvernementale ou publique » et « système de transport public » sont définis par renvoi à la convention de New York du 15 décembre 1997 sur la répression des attentats terroristes à l’explosif (paragraphes 1, 2 et 5 de son article 1er)([7]). En effet, dans la convention SUA 2005, ces expressions sont utilisées pour la définition des incriminations de nature terroriste.
L’article 3 ajoute un article 2 bis à la convention SUA 1988, qui définit une clause de non dérogation : devenir partie à la convention SUA 2005 ne doit permettre en aucune manière de porter atteinte aux droits, obligations et responsabilités des États et des individus découlant de la Charte des Nations unies, du droit international des droits de l’Homme et des réfugiés, du droit international humanitaire, du TNP, de la CIAB et de la CIAC.
L’article 4 modifie l’article 3 de la convention SUA 1988, qui dresse une liste d’actes qualifiables d’infractions s’ils ont été commis « illicitement et intentionnellement », en remplaçant cette expression par « illicitement et délibérément ». Il s’agit d’une actualisation terminologique sans incidence sur la définition de l’élément moral des infractions visées dans la convention. En effet, les termes « délibérément » et « intentionnellement » sont équivalents du point de vue pénal : ils désignent des infractions intentionnelles et impliquent les mêmes exigences au niveau probatoire.
Il remplace le paragraphe 2 de l’article 3 par une disposition qui incrimine spécifiquement le comportement des individus qui menacent de commettre un des actes énumérés au paragraphe 1, si le contenu de cette menace représente potentiellement un danger susceptible de compromettre la sécurité du navire que cette menace soit assortie ou non, en droit interne, d’une condition.
Surtout, l’article 4 ajoute un article 3 bis à la convention SUA 1988 pour définir deux nouveaux types d’infractions, tout en gardant à l’esprit le souci de ne pas incriminer de manière systématique les acteurs du transport maritime.
Son paragraphe 1, alinéa a), incrimine les actes qui « par [leur] nature ou [leur] contexte, vise[nt] à intimider une population ou à contraindre un État ou une organisation internationale à accomplir ou s’abstenir d’accomplir un acte quelconque ». Cet article reprend sans la citer la formulation de l’article 2 de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme du 10 janvier 2000([8]), afin de viser le caractère terroriste d’un acte. Il est à noter que malgré son objectif de lutter contre le terrorisme en mer, la convention SUA 2005 ne définit pas ce terme et ne l’emploie pas pour qualifier des infractions[9].
Dans la convention SUA 2005, cette incrimination « terroriste » vise l’utilisation d’explosifs, de matières radioactives ou d’armes BCN contre, à bord ou depuis un navire, ainsi que l’atteinte à l’environnement par déversement de substances dangereuses ou l’usage d’un navire de manière à provoquer la mort ou des dommages corporels et/ou matériels. La menace de réaliser de tels actes est également incriminée.
Son paragraphe 1, alinéa b), vise tout transport aboutissant à la prolifération nucléaire. Il distingue les infractions de prolifération d’explosifs ou de matières nucléaires fondées sur un motif terroriste (i), de celles fondées sur les infractions de prolifération par mer d’armes BCN (ii), de matières brutes ou de produits fissiles spéciaux dès lors qu’ils sont destinés à une activité explosive nucléaire ou à tout autre activité nucléaire non soumise à des garanties formulées en vertu d’un accord de garanties généralisées de l’AIEA (iii), ou encore de prolifération par mer de biens à double usage BCN(iv).
La France, le Royaume‑Uni et les États‑Unis ont veillé à ce que figure dans cet article 3 bis une clause de sauvegarde (dite « saving clause »). Un paragraphe 2 a donc été inséré : il exclut du champ des infractions visées aux points iii) et iv) de l’alinéa b) du paragraphe 1, les transports de biens et de matières qui ne sont pas contraires au TNP. Cette atténuation de la portée de l’article 3 bis a été introduite pour deux raisons :
- Le TNP, dans son article 3, paragraphe 2, n’interdit les transferts de matières brutes et de produits fissiles que s’ils sont effectués depuis un État doté de l’arme atomique vers un État non doté. En revanche, ce traité reste silencieux sur les transferts entre États dotés. Or, l’article 3 bis de la convention SUA 2005 prévoit que « commet une infraction […] toute personne qui illicitement et délibérément […] transporte à bord d’un navire […] des matières brutes ou produits fissiles spéciaux […] ». Cette formulation générale risquait donc d’incriminer des activités effectuées par des États dotés en toute régularité vis‑à‑vis du TNP.
- De même, le TNP ne comporte aucune disposition relative au transfert de matériels liés aux vecteurs d’armes BCN. Pour autant, ce traité permet d’interdire un tel transfert s’il conduit un État non doté de l’arme atomique à acquérir la capacité de la projeter. A contrario, rien n’interdit ce type de transferts entre États dotés. Or, l’article 3 bis, paragraphe 1, indique que « commet une infraction […] toute personne qui illicitement et délibérément […] transporte à bord d’un navire […] des équipements, matériels ou logiciels ou des technologies connexes qui contribuent de manière significative à la conception, la fabrication ou le lancement d’une arme BCN […] ». Là encore, cette formulation risquait d’incriminer des transferts effectués par des États dotés dans le respect des obligations qui leur incombent en vertu du TNP.
L’article 2 bis (clause de non‑dérogation) est apparu insuffisamment protecteur des droits des États dotés prévus par le TNP, ce qui explique l’insertion à l’article 3 bis, paragraphe 2, de la clause de sauvegarde pour maintenir le caractère licite de certains transferts de matières ou matériels liés à des armes atomiques entre États dotés. Cette relative atténuation des incriminations de l’article 3 bis ne vise pas, en revanche, les matières et matériels liés à des armes bactériologiques et chimiques, dont l’interdiction par la CIAB et la CIAC est absolue. Ainsi, l’article 3 bis, paragraphe 2, permet de protéger les transporteurs de poursuites pénales qui n’auraient pas lieu d’être et de protéger les droits des États parties au TNP qui respectent leurs engagements.
L’article 4 du protocole de Londres sur la navigation maritime ajoute également à la convention SUA 1988 un article 3 ter, qui crée une infraction de transport par mer d’un fugitif ayant été impliqué dans la commission d’une des infractions énumérées dans les articles 3, 3 bis et 3 quater ainsi que dans les traités visés en annexe de la convention SUA 2005.
L’article 3 quater, aussi créé par l’article 4 du protocole, reprend la disposition de l’ancien article 3, paragraphe 1, alinéa g), de la convention SUA 1988 relative aux blessures ou meurtres commis en connexité avec une des infractions énumérées dans les articles précédents. Il vise aussi la complicité, l’organisation ou la tentative de commission des infractions énumérées, ou la commission de celles‑ci en bande organisée.
L’article 5, paragraphe 1, modifie l’article 5 de la convention SUA 1988, pour y intégrer les incriminations prévues par les nouveaux articles 3 bis, 3 ter et 3 quater. Cet article 5 de la convention SUA 2005 exige des États parties qu’ils prévoient dans leurs législations internes la répression de toutes ces infractions, en tenant compte de leur « nature grave ».
L’article 5, paragraphe 2 crée un article 5 bis à la convention SUA 1988 afin que chaque État partie veille à ce que son droit interne permette d’engager la responsabilité pénale, civile ou administrative de toute personne morale située sur son territoire ou constituée sous sa législation, impliquée dans la commission d’une infraction visée par la convention. En effet, la convention SUA 1988 – dans son article 6 – ne présentait une telle exigence qu’à l’égard des personnes physiques.
L’article 6 introduit les nouvelles infractions visées aux articles 3 bis, 3 ter et 3 quater alors que l’article 7 ajoute une liste des textes relatifs à la lutte contre le terrorisme en annexe à la convention SUA de 1988.
L’article 8, paragraphe 2 insère un article 8 bis dans la convention SUA 1988 pour organiser la coopération des États parties pour « prévenir et réprimer les actes illicites visés » par la convention.
Cet article 8 bis autorise, à l’issue de la procédure qu’il définit, l’arraisonnement par un État en haute mer de navires battant un autre pavillon que le sien et impliqués dans une infraction visée par les articles 3 à 3 quater de la convention. Il élargit ainsi la liste des cas dans lesquels un État peut effectuer un tel arraisonnement définie par la convention des Nations unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 (CNUDM) ([10]).
Un État peut engager la procédure permettant – le cas échéant – l’arraisonnement d’un navire d’un État tiers s’il « a des raisons sérieuses de soupçonner qu’une infraction [prévue par la convention SUA] a été, est en train ou est sur le point d’être commise » (point 5 de l’article 8 bis). L’engagement de la procédure repose dans ce contexte sur le soupçon de l’État souhaitant effectuer l’arraisonnement, alors même qu’aucune faute n’a été commise. En effet, la preuve absolue de l’implication du navire visé dans une infraction ne peut souvent être obtenue qu’à l’issue d’une visite du navire. Ces nouvelles dispositions donnent ainsi aux États les moyens d’intervenir de manière préventive afin d’éviter qu’une infraction aux conséquences potentiellement graves ne puisse survenir. L’article 8 bis impose toutefois aux États qui effectuent l’arraisonnement de tenir compte du danger d’une telle intervention et privilégie des mesures à terre si cela est possible (paragraphe 3). Si, malgré tout, l’arraisonnement s’avère nécessaire, l’usage de la force doit être évité autant que possible et rester proportionné (paragraphe 9). Le paragraphe 10 énonce les garanties à respecter si des mesures sont prises à l’encontre d’un navire. Les droits des personnes doivent être respectés ; en particulier un État partie doit veiller à la préservation de la dignité fondamentale de la personne humaine (point a ‑ ii). Enfin, la responsabilité de l’État peut être engagée s’il a arraisonné un navire pour des motifs infondés ou s’il a employé des mesures illicites ou déraisonnables. Les États parties doivent prévoir des moyens de recours effectifs dans leur droit interne pour ces cas (point b).
Les arraisonnements doivent être effectués par des agents de la force publique ou d’autres agents habilités par leur gouvernement, c’est‑à‑dire par les forces de l’ordre ou d’autres autorités publiques portant un uniforme ou des marques extérieures les identifiant (points d et e). Après ratification du protocole de Londres sur la navigation maritime, chaque partie doit faire connaître au secrétaire général de l’OMI la désignation de la/les autorité(s) compétente(s) susceptible(s) de prendre les mesures qu’il prévoit (paragraphe 15).
L’article 8 bis introduit ainsi dans la convention SUA 2005 une procédure de coopération entre l’État souhaitant arraisonner un navire (l’État requérant) et l’État dont le navire bat le pavillon (l’État du pavillon). Cette coopération est destinée à faire respecter à tout moment le principe – réaffirmé par le présent protocole – selon lequel seul l’État de pavillon est compétent pour intervenir en haute mer à bord des navires battant son pavillon ou pour autoriser un tiers à le faire de manière expresse. Cette procédure comporte 6 phases détaillées aux paragraphes 5 et 6. Toutefois, afin d’accélérer l’autorisation de l’État de pavillon à l’État requérant d’arraisonner un navire, deux procédures simplifiées sont prévues par l’article 8 bis (paragraphe 5, points d et e). Ainsi, lors du dépôt de son instrument de ratification du protocole de Londres, un État peut indiquer qu’à l’égard de ses navires, la partie requérante a l’autorisation d’arraisonner, soit par accord « tacite » après un silence de 4 heures à compter de l’émission de la demande de confirmation de la nationalité du navire, soit sur la base d’un accord général et préalable sans qu’il soit besoin de demande de confirmation de nationalité en cas de suspicion relative aux infractions visées par le présent protocole.
Les États parties peuvent, en outre, conclure des accords multilatéraux ou bilatéraux pour faciliter l’application de la convention (paragraphe 13).
Hormis ces autorisations, la règle reste celle de la compétence de l’État du pavillon, notamment pour exercer sa compétence juridictionnelle. Mais il peut également décider d’y renoncer au profit d’un autre État, à condition que celui‑ci ait une compétence en vertu de l’article 6 de la convention SUA 2005.
L’article 9 réécrit le paragraphe relatif aux droits individuels figurant à l’article 10 de la convention SUA 1988.
L’article 10 modifie en le complétant l’article 11 de la convention SUA 1988 relatif à l’extradition. Les États parties s’engagent ainsi à considérer les infractions définies par le présent protocole comme des cas d’extradition dans tout traité d’extradition qui existe entre eux ou qui est susceptible d’être conclu.
Le nouvel article 11 bis introduit une clause de dépolitisation. Il s’agit d’éviter que les infractions énumérées par les articles 3 à 3 quater ne puissent être considérées comme des infractions politiques ou des infractions connexes à une infraction politique pour faire obstacle, sur ce seul motif, à une demande d’extradition ou d’entraide judiciaire.
Dans un souci d’équilibre, l’article 11 ter insère une clause de non‑discrimination en précisant que l’extradition ne revêt pas de caractère obligatoire si l’État requis « a des raisons sérieuses de penser que la demande […] a été présentée aux fins de poursuivre ou de punir une personne pour des raisons tenant à sa race, sa religion, sa nationalité, son origine ethnique, ses opinions politiques ou son sexe ».
L’article 11 introduit un article 12 bis à la convention SUA 1988 pour permettre le transfert de personnes détenues d’un État partie à un autre afin de témoigner dans des faits examinés par la justice de l’État requérant. Cette disposition protège également les droits des personnes détenues en interdisant notamment de poursuivre ou détenir une même personne pour des faits déjà jugés dans un autre État ou pour des actes commis antérieurement à son transfert.
L’article 12 modifie à la marge l’article 13 de la convention SUA 1988. Il insiste sur la coopération entre États parties à la convention pour prévenir la commission des infractions de terrorisme ou de prolifération, en particulier par l’échange de renseignements et la coordination administrative et pour réduire, autant que faire se peut, tout désagrément disproportionné au navire concerné, à ses passagers comme à sa cargaison.
Les articles 13 et 14 prévoient une obligation et les modalités de communication par les États aux autres parties de renseignements destinés à prévenir une infraction (article 13) ou concernant une infraction effectivement commise et les mesures prises en conséquence (article 14).
L’article 15 dispose que la convention SUA de 2005 pour la répression d’actes illicites contre la sécurité maritime est désormais constituée par les articles 1 à 16 de la convention SUA 1988 révisée ainsi que les clauses finales du protocole (articles 17 à 24) et son annexe (introduite à l’article 7).
L’article 16 ajoute un article 16 bis à la convention SUA 1988 stipulant que les articles 17 à 24 du présent protocole constituent les clauses finales de la convention SUA de 2005. Ces derniers articles mettent à jour certaines dispositions de la convention SUA de 1988 et reprennent les stipulations habituelles relatives à l’ouverture à la signature du protocole et au dépôt des instruments de ratification auprès du secrétaire général de l’OMI.
L’article 17 précise la période durant laquelle le protocole est ouvert à la signature et fixe les différentes modalités permettant aux États de devenir partie au protocole (ratification, acceptation, approbation et adhésion).
Les articles 18, 19 et 20 contiennent les clauses usuelles d’entrée en vigueur, de dénonciation et de révision ou modification du protocole.
L’article 21 relatif aux déclarations permet aux États qui ne sont pas parties à un ou plusieurs des traités énumérés par l’annexe à la convention SUA 2005 (prévue par l’article 7 du présent protocole) de déclarer qu’en ratifiant le protocole, l’article 3 ter de la convention SUA 2005 ne vise pas ce ou ces traités.
Alors que l’article 20 du présent protocole réserve un traitement classique à la procédure générale d’amendement, son article 22 prévoit une procédure simplifiée d’amendement de l’annexe à la convention SUA 2005, afin de permettre de mettre à jour la liste des traités visés dans l’annexe. L’annexe peut être complétée dès lors que douze États parties à la convention demandent au secrétaire général de l’OMI d’y adjoindre un autre traité, entré en vigueur et ratifié par ces douze États au moins. Un tel amendement à l’annexe est réputé adopté trente jours après notification de leur consentement au secrétaire général par plus de douze États parties. Si la procédure d’adoption de l’amendement à l’annexe est ainsi simplifiée, en revanche l’entrée en vigueur de l’amendement requiert le consentement des États parties, qui s’exprime par la ratification, l’approbation ou l’acceptation.
L’article 23 désigne le dépositaire du protocole, le secrétaire général de l’OMI, et précise ses obligations à l’égard des parties ainsi qu’en termes d’enregistrement et de publication de l’accord par le secrétaire général de l’ONU.
L’article 24 précise les versions de l’accord faisant foi (anglaise, arabe, chinoise, espagnole, française et russe).
Protocole de Londres sur les plates‑formes
L’article 1er définit les termes utilisés dans le présent protocole.
L’article 2 modifie l’article 1er du protocole SUA 1988 et indique que « les dispositions des paragraphes 1 c), d), e), f), g), h) et 2 a) de l’article premier, celles des articles 2 bis, 5, 5 bis et 7 et celles des articles 10 à 16 […] de la convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime s’appliquent […] mutatis mutandis aux infractions visées aux articles 2, 2 bis et 2 ter du présent Protocole […] ».
L’article 3 modifie à la marge l’article 2 du protocole SUA 1988, qui établit une liste des actes qualifiables d’infractions s’ils ont été commis « illicitement et intentionnellement ». Le maintien de la formulation usitée dans la convention SUA 1988 pour désigner l’élément moral de ces infractions (« illicitement et intentionnellement ») est sans incidence pour la caractérisation des différentes infractions dans la mesure où les expressions « illicitement et intentionnellement » et « illicitement et délibérément » désignent toutes deux des infractions intentionnelles.
L’article 4 insère dans le protocole SUA 1988 un article 2 bis qui définit une qualification terroriste pour les menaces d’infraction ou les infractions commises contre ou depuis une plateforme à l’aide d’explosifs, de matières radioactives, d’armes BCN, d’hydrocarbures, de gaz naturel liquéfié ou d’autres substances dangereuses ou nocives. Pour être qualifiés d’infraction, les actes énumérés dans cet article doivent avoir été commis « illicitement et délibérément » et viser à « intimider une population ou à contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque ».
À noter que cet article 2 bis n’incrimine pas le fait de stocker illicitement les substances ou matériels visés, ce qui limite son application aux attaques contre ou depuis les plates‑formes à l’exclusion de l’utilisation d’une telle infrastructure à des fins de prolifération. Certes, un tel usage d’une plate‑forme implique l’utilisation de navires pour transporter les matières ou matériels visés depuis et/ou vers l’infrastructure. Un tel transport étant explicitement visé par la convention SUA 2005, l’absence d’incrimination du stockage illicite sur les plates‑formes aurait donc un effet limité. Or, la convention SUA 2005 ne s’applique qu’au transport par « navire » alors que le stockage de matières ou matériels illicites peut résulter de transports par aéronefs (en l’occurrence par hélicoptère surtout). Il peut donc apparaître opportun de prendre en considération cette hypothèse en vue d’une éventuelle modification de notre droit interne.
Le protocole de Londres sur les plates‑formes vise également la complicité de commission d’une infraction de manière plus précise que dans la rédaction de 1988. Il introduit un article 2 ter qui qualifie d’infraction le fait de tuer ou blesser une personne – là encore « illicitement et délibérément » – en lien avec une des infractions énumérées à l’article 2, de tenter de commettre une de ces infractions, de s’en rendre complice, d’organiser sa commission ou d’y contribuer.
L’article 5 modifie l’article 3 du protocole SUA 1988 pour imposer aux États parties d’établir leur compétence dans leur droit interne pour connaître des infractions énumérées dans les articles 2 à 2 ter pour les cas où elles sont commises contre ou à bord d’une plate‑forme située sur leur plateau continental ou par un de leurs ressortissants. Cette obligation vaut également pour les cas où un État refuse d’extrader l’auteur d’une infraction visée qui se trouve sur son territoire.
Les menaces contre lesquelles le protocole de Londres sur les plates‑formes entend lutter (terrorisme et prolifération) sont les mêmes que celles visées par la convention SUA 2005. Aussi, les infractions définies par les articles 2 à 2 ter du protocole SUA 2005 se voient appliquer en grande partie le dispositif prévu par la convention SUA 2005. L’article 2 du présent protocole modifie l’article 1er du protocole SUA 1988 et indique que « les dispositions des paragraphes 1 c), d), e), f), g), h) et 2 a) de l’article 1er, celles des articles 2 bis, 5, 5 bis et 7 et celles des articles 10 à 16 […] de la convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime s’appliquent […] mutatis mutandis aux infractions visées aux articles 2, 2 bis et 2 ter du présent Protocole […] ».
a) Les définitions juridiques applicables sont donc celles de l’article 1er de la convention SUA 2005 à l’exception de celle de « navire » et de l’action de « transporter », qui ne concernent pas les plates‑formes fixes. Toutefois, l’article 1er du protocole SUA 2005 ne renvoie pas à la présence à bord des plates‑formes de « matière brute » (minerai d’uranium) et de « produit fissile spécial » (plutonium 239 et uranium 233 et 235([11])) tels que définis par l’article 2 de la convention SUA 2005. En effet, une plate‑forme peut être implantée sur le plateau continental dans le but licite d’extraire du minerai d’uranium. L’absence de renvoi au « produit fissile spécial » résulte de l’absence de réacteur nucléaire sur les plates‑formes maritimes eu égard au danger qu’une telle installation représenterait([12]).
b) L’application de l’article 2 bis de la convention SUA 2005 permet d’étendre au protocole SUA 2005 la clause de non dérogation. Celle‑ci prévoit que devenir partie au protocole SUA de 2005 ne doit permettre en aucune manière de porter atteinte aux droits, obligations et responsabilités des États et des individus découlant de la Charte des Nations unies, du droit international des droits de l’homme et des réfugiés, du droit international humanitaire, du TNP, de la CIAB et de la CIAC.
c) L’application de l’article 5 de la convention SUA 2005 oblige les États parties à réprimer les infractions énumérées par les articles 2 à 2 ter du protocole SUA 2005. Les États doivent alors prévoir dans leur droit interne des peines adaptées à la gravité des infractions visées. Cette obligation est étendue par l’article 5 bis de la convention SUA 2005 aux personnes morales qui commettraient de telles infractions.
d) L’application des articles 7, 10, 11, 11 bis et 11 ter de la convention SUA 2005 permet l’application des règles d’extradition, d’enquête et de détention aux infractions énumérées par le protocole SUA 2005. Plus précisément, l’article 11 bis introduit une clause de dépolitisation qui vise à éviter que les infractions énumérées ne soient considérées comme infractions politiques ou connexes à une infraction politique. L’article 11 ter insère une clause de non‑discrimination qui précise qu’aucune disposition de la convention ne vaut obligation d’extradition pour un État partie s’il a de sérieuses raisons de penser qu’une demande en ce sens a un but politique ou des considérations de race, de religion et de nationalité.
e) L’application des articles 12, 12 bis, 13, 14 et 15 de la convention SUA 2005 permet d’appliquer au protocole SUA 2005 les règles relatives à l’entraide judiciaire entre les États parties ainsi qu’à la coopération entre eux pour la prévention des infractions et l’échange de renseignements.
f) Toutefois, l’article 1er du protocole SUA 2005 ne renvoie pas à la procédure de l’article 8 bis de la convention SUA 2005 relative aux mesures répressives en mer à l’égard de navires battant le pavillon d’une autre partie. En effet, la convention des Nations unies sur le droit de la mer donne juridiction exclusive à l’État côtier sur les installations et plates‑formes situées sur le plateau continental, y compris en matière de sécurité (article 80).
Ceci a pour effet de rendre impossible une intervention de personnels d’une partie au protocole à bord d’une plate‑forme appartenant à une autre partie.
L’article 6 dispose que le protocole SUA 2005 est désormais constitué par les articles 1er à 4 du protocole SUA 1988 tel que révisé en 2005 ainsi que par les clauses finales du protocole de Londres sur les plates‑formes (articles 8 à 13).
L’article 7 insère un article 4 bis dans le protocole SUA 2005 disposant que les clauses finales de cet accord sont les articles 8 à 13 du protocole de Londres sur les plates‑formes.
Les articles 8 à 13 reprennent les stipulations habituelles relatives à l’ouverture à la signature du protocole et au dépôt des instruments de ratification auprès du secrétaire général de l’OMI.
Telles sont les principales observations qu’appellent le protocole relatif à la convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime, d’une part, et le protocole relatif au protocole pour la répression d’actes illicites contre la sécurité des plates‑formes fixes situées sur le plateau continental, d’autre part.
Comportant des dispositions portant sur les règles de détermination des crimes et délits et sur la définition des conditions dans lesquelles les États parties établissent leur compétence juridictionnelle aux fins de connaître de ces infractions, ces traités relèvent du domaine de la loi au sens de l’article 53 de la Constitution et, en conséquence, leur ratification doit faire l’objet d’une autorisation préalable du Parlement.
projet de loi
Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre de l’Europe et des affaires étrangères,
Vu l’article 39 de la Constitution,
Décrète :
Le présent projet de loi autorisant la ratification du protocole relatif à la convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime et du protocole relatif au protocole pour la répression d’actes illicites contre la sécurité des plates‑formes fixes situées sur le plateau continental, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d’État, sera présenté à l’Assemblée nationale par le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, qui sera chargé d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion.
Est autorisée la ratification du protocole relatif à la convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime, fait à Londres le 14 octobre 2005, signé par la France le 14 février 2006, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Est autorisée la ratification du protocole relatif au protocole pour la répression d’actes illicites contre la sécurité des plates‑formes fixes situées sur le plateau continental, fait à Londres le 14 octobre 2005, signé par la France le 14 février 2006, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Fait à Paris, le 29 juin 2017.
Signé : Édouard PHILIPPE,
Par le Premier ministre : |
([1]) Décret de publication n° 92-266 du 20 mars 1992 :
https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000338167&pageCourante=01277
([2]) International shipping and port security : Code international sur la sûreté des navires et des installations portuaires.
([3]) Décret de publication n° 92-178 du 25 février 1992 :
https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000162408
([4]) Décret de publication n° 92-266 du 20 mars 1992 :
https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000711643
([6]) Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Extraits de l’article XX Définitions :
« 1. Par “produit fissile spécial”, il faut entendre le plutonium 239, l’uranium 233; l’uranium enrichi en uranium 235 ou 233 (…)
3. Par “matière brute”, il faut entendre l’uranium contenant le mélange d’isotopes qui se trouve dans la nature; l’uranium dont la teneur en U 235 est inférieure à la normale; le thorium; toutes les matières mentionnées ci-dessus sous forme de métal, d’alliage, de composés chimiques ou de concentrés; toute autre matière contenant une ou plusieurs des matières mentionnées ci-dessus à des concentrations que le Conseil des gouverneurs fixera de temps à autre; et telles autres matières que le Conseil des Gouverneurs désignera de temps à autre (…). »
([7]) Décret de publication n° 2002-668 du 24 avril 2002 :
https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000409053
([8]) Décret de publication 2002-935 du 14 juin 2002 :
https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000408287
([9]) Le terme de « terrorisme » n’apparaît que 6 fois dans la convention SUA 2005, dont 5 fois dans le préambule et une fois dans le corps de la convention mais uniquement dans la citation du titre d’une convention antérieure.
([10]) Décret de publication 93-744 du 30 août 1996 : https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000378591
([11]) C'est-à-dire du combustible atomique, bien que l’uranium 233 et l’uranium 235 ne soient généralement plus utilisés dans les centrales électriques civiles. Le plutonium 239, lui, résulte de la production d’énergie nucléaire.
([12]) Une telle installation est toutefois envisagée par certains États comme la Russie.