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N° 510

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 décembre 2017.

PROJET  DE  LOI

autorisant la ratification du protocole n° 16 à la convention de sauvegarde des droits de lhomme et des libertés fondamentales,

(Renvoyé à la commission des affaires étrangères, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉ

au nom de M. Édouard PHILIPPE,

Premier ministre,

par M. Jean‑Yves LE DRIAN,
ministre de l’Europe et des affaires étrangères

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales[1] (ci‑après la « convention ») du 4 novembre 1950 a institué une Cour européenne des droits de l’homme (ci‑après la « CEDH »), qui exerce un contrôle du respect par les États parties des droits et libertés garantis par cette convention.

La convention a évolué au fil du temps et comprend plusieurs protocoles tenant compte notamment du processus d’élargissement du Conseil de l’Europe, qui compte désormais quarante‑sept États membres, ainsi que de l’afflux massif de requêtes individuelles, à la fois à l’encontre d’anciens et de nouveaux États membres.

Le protocole n° 16 à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci‑après le protocole), dont la rédaction a été décidée lors de la conférence de haut niveau tenue à Brighton les 18‑20 avril 2012, poursuit l’objectif de renforcer le dialogue entre les juges de la CEDH et les juges nationaux, en permettant à la CEDH de rendre des avis consultatifs à la demande de ces derniers. Il a été ouvert à la signature le 2 octobre 2013 et entrera en vigueur lorsque dix États l’auront ratifié. À ce jour, dix‑huit États membres du Conseil de l’Europe l’ont signé et huit d’entre eux l’ont ratifié[2].

L’article 1er de ce protocole ouvre la possibilité pour les plus hautes juridictions des États parties à la convention d’adresser à la CEDH des demandes d’avis consultatifs et expose les caractéristiques principales de cette procédure facultative.

Les demandes adressées par ces juridictions nationales doivent porter sur des questions de principe relatives à l’interprétation ou à l’application des droits et libertés définis par la convention ou ses protocoles (article 1er, paragraphe 1).

L’avis de la Cour ne peut être sollicité qu’à l’occasion d’un litige pendant devant la juridiction nationale à l’origine de la demande d’avis (article 1er, paragraphe 2). Cette dernière doit motiver sa demande d’avis et produire à l’appui un dossier présentant le contexte juridique et factuel de l’affaire pendante (article 1er, paragraphe 3).

L’article 2 du protocole est relatif à la procédure d’instruction de la demande d’avis par la CEDH, qui dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour en accepter ou non l’examen. Cet article prévoit que la demande d’avis est examinée par le collège de la Grande Chambre de la CEDH, qui doit vérifier que les conditions posées par l’article 1er pour solliciter la demande d’avis sont réunies. Si le collège décide de ne pas accepter la demande d’avis, il doit motiver sa décision. Cette exigence vise à renforcer le dialogue avec les juridictions nationales. Il appartient à la Grande Chambre de rendre l’avis consultatif. L’examen par cette formation se justifie par la nature des questions posées.

Le paragraphe 3 de l’article 2 prévoit que le collège qui examine la recevabilité de la demande d’avis consultatif et la Grande Chambre qui se prononce sur cette demande comportent obligatoirement le juge élu de la partie contractante dont relève la juridiction qui a formé la demande d’avis, ce qui constitue une garantie de bonne appréhension du droit national en litige.

En vertu de l’article 3, l’État dont relève la juridiction qui a sollicité l’avis et le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe sont en droit d’adresser à la CEDH des observations écrites. Le président de la CEDH peut également solliciter la production d’observations d’un autre Etat partie à la convention ou de tout autre tiers. Les dispositions de cet article instaurent ainsi une procédure comparable à celle relative aux tierces interventions régies par l’article 36 de la convention[3].

Conformément aux dispositions de l’article 4 du protocole, l’avis rendu par la CEDH est motivé, communiqué à la juridiction qui l’a sollicité, ainsi qu’à l’Etat membre dont elle relève, et publié. Les opinions dissidentes sont expressément autorisées par le paragraphe 2 de l’article 4.

L’article 5 du protocole affirme le caractère non contraignant de l’avis pour la juridiction nationale qui l’a sollicité. C’est à la juridiction qui a procédé à la demande de décider des effets de l’avis sur la procédure interne engagée devant elle. Le choix de la juridiction nationale d’avoir recours à la procédure d’avis se fait sans préjudice de la possibilité, pour les parties à cette instance nationale, d’exercer par la suite leur droit de recours individuel devant la CEDH en vertu de l’article 34 de la convention[4].

L’article 6 reflète le fait que l’acceptation du protocole est facultative pour les Etats parties à la convention.

Les articles 7 et 8 sont relatifs aux modalités de signature, de ratification et d’entrée en vigueur du protocole. L’article 8 stipule que le protocole entre en vigueur le premier jour du mois qui suit l’expiration d’une période de trois mois après que le dixième État partie a signé et ratifié le protocole.

L’article 9 exclut la formulation de réserve.

L’article 10 prévoit que les juridictions habilitées à adresser une demande d’avis sont désignées par une déclaration du Gouvernement qui est adressée, au moment de la signature du protocole ou du dépôt de l’acte de ratification, au secrétaire général du Conseil de l’Europe. Il précise que cette liste peut être modifiée à tout moment selon les mêmes modalités.

L’article 11 du protocole comporte la clause finale traditionnellement insérée dans les traités préparés au sein du Conseil de l’Europe, concernant le rôle de dépositaire du secrétaire général de l’organisation.

Telles sont les principales observations qu’appelle le protocole n° 16 à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui, comportant des dispositions modifiant substantiellement un traité relatif à une organisation internationale et des dispositions de nature législative, est soumis au Parlement en vertu de l’article 53 de la Constitution.

 


projet de loi

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre de l’Europe et des affaires étrangères,

Vu l’article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi autorisant la ratification du protocole n° 16 à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d’État, sera présenté à l’Assemblée nationale par le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, qui sera chargé d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion.

Article unique

Est autorisée la ratification du protocole n° 16 à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signé à Strasbourg le 2 octobre 2013, dont le texte est annexé à la présente loi.

 

 

Fait à Paris, le 20 décembre 2017.

Signé : Édouard PHILIPPE,

Par le Premier ministre :
Le ministre de lEurope et
des affaires étrangères
 

Signé : Jean‑Yves LE DRIAN

 


([1]) Décret n° 74-360 du 3 mai 1974 portant publication de cette convention :

 https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000886019

 Texte : https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=0900001680063776

 Pour mémoire, la Convention est entrée en vigueur le 3 septembre 1953.

([2]) http://www.coe.int/fr/web/conventions/full-list/-/conventions/treaty/214/signatures?p_auth=rLfPJ5dl

([3]) Article 36  Tierce intervention

 Dans toute affaire devant une Chambre ou la Grande Chambre, une Haute Partie contractante dont un ressortissant est requérant a le droit de présenter des observations écrites et de prendre part aux audiences.

 Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le président de la Cour peut inviter toute Haute Partie contractante qui n'est pas partie à l'instance ou toute personne intéressée autre que le requérant à présenter des observations écrites ou à prendre part aux audiences.

 Dans toute affaire devant une Chambre ou la Grande Chambre, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe peut présenter des observations écrites et prendre part aux audiences.

([4]) Article 34 – Requêtes individuelles

 La Cour peut être saisie d'une requête par toute personne physique, toute organisation non gouvernementale ou tout groupe de particuliers qui se prétend victime d'une violation par l'une des Hautes Parties contractantes des droits reconnus dans la Convention ou ses protocoles. Les Hautes Parties contractantes s'engagent à n'entraver par aucune mesure l'exercice efficace de ce droit.