N° 911
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 mai 2018.
PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE
pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace.
(Renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
PRÉSENTÉ
au nom de M. Emmanuel MACRON,
Président de la République,
par M. Édouard PHILIPPE,
Premier ministre,
et par Mme Nicole BELLOUBET,
garde des sceaux, ministre de la justice
– 1 –
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
En se rendant aux urnes au printemps 2017, les Français ont exprimé une volonté profonde de changement de notre vie politique. À travers un renouvellement inconnu depuis les débuts de la Ve République, nos concitoyens ont appelé de leurs vœux une mutation de nos mœurs et de nos pratiques politiques tout en adhérant, par leur vote, à l’engagement pris pendant sa campagne par le Président de la République : moderniser notre démocratie en rendant nos institutions plus représentatives, plus responsables, plus efficaces.
Cette ambition démocratique est née d’un constat. La Ve République a apporté à la France une démocratie stable et efficace. Le général de Gaulle a mis en place des institutions robustes et équilibrées, permettant à l’État de mener son action en toutes circonstances et ce, dans le respect des valeurs républicaines. Notre système politique a toutefois connu depuis lors une forme d’épuisement qui s’est traduit par un rejet sans appel d’une certaine manière de concevoir l’action politique. Tout en marquant leur attachement à la Ve République, les Français ont exprimé un besoin d’être mieux représentés, de disposer d’élus plus en phase avec la société et devant rendre compte plus clairement des politiques qu’ils mettent en œuvre.
Cette aspiration démocratique très forte s’est conjuguée avec une évolution aussi rapide que puissante de notre société. Nous pouvons compter sur des modes d’engagement citoyen inédits grâce au développement sans précédent de technologies de l’information et de la connaissance, qui sont également le vecteur d’une accélération considérable du temps politique.
Nous devons aussi faire face à de nouveaux défis, notamment le changement climatique. Nos institutions doivent permettre de répondre à ces nouveaux enjeux.
Depuis dix ans, la Constitution du 4 octobre 1958 n’a pas connu de révision. De grande ampleur, la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République a eu pour principale ambition de doter le Parlement de moyens d’action supplémentaires afin de rénover son dialogue avec le Gouvernement, avec une opposition reconnue constitutionnellement, tandis que les citoyens se voyaient dotés de nouveaux droits. Ainsi, grâce à la procédure de la question prioritaire de constitutionnalité, chacun peut saisir le Conseil constitutionnel pour faire respecter ses droits fondamentaux. L’objectif de parité entre les femmes et les hommes a été élargi aux responsabilités professionnelles et sociales. Ce sont là des progrès importants.
Toutefois, les évolutions que nous avons connues depuis une décennie nous imposent de reconsidérer certains modes de fonctionnement de nos institutions sans pour autant toucher à leur équilibre. Une actualisation des mécanismes de la Ve République, tout en préservant ses traits fondamentaux, est une nécessité pour notre pays.
Le projet de loi constitutionnelle qui vous est soumis au nom du Président de la République, en application de l’article 89 de la Constitution, entend répondre à ces enjeux. Il s’inscrit dans une réforme institutionnelle plus vaste, dont le premier acte a été accompli par l’adoption par le Parlement des lois pour la confiance dans la vie politique dès l’été 2017, centrées sur l’exemplarité des élus.
Ce projet de révision s’accompagne de deux projets de lois organique et ordinaire portant réduction du nombre de parlementaires et relatives à l’élection des députés. Seront ainsi menées à bien les réformes sur lesquelles le Président de la République s’est engagé devant les Français lors de la campagne électorale de 2017 et qui ne nécessitent pas de révision de la Constitution : la diminution du nombre de parlementaires ; l’introduction d’une dose de représentation proportionnelle pour élire les députés ; l’interdiction du cumul des mandats électifs dans le temps au‑delà de trois mandats consécutifs.
Représentativité, responsabilité, efficacité. Telles sont donc les lignes directrices de la révision constitutionnelle qui est soumise à la Représentation nationale.
Ce projet entend tout d’abord traduire l’exigence de rénovation de la vie politique et la prise en compte de nouveaux enjeux auxquels nous sommes confrontés.
À l’instar de ce qui existe pour les parlementaires depuis la loi organique du 14 février 2014 interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur, il est tout d’abord important d’interdire le cumul des fonctions ministérielles et des fonctions exécutives ou de président d’une assemblée délibérante dans les collectivités territoriales ainsi que dans les groupements ou personnes morales qui en dépendent (article 1er). La liste de ces personnes morales et des fonctions concernées sera fixée par la loi organique. La prohibition d’un tel cumul passe par une modification de l’article 23 de la Constitution qui interdit déjà l’exercice de tout mandat parlementaire ou de toute fonction de représentation professionnelle à caractère national et de tout emploi public ou de toute activité professionnelle. Cette mesure qui est aujourd’hui une pratique doit trouver place dans la Constitution, afin d’écarter les situations de conflits d’intérêts, les ministres devant, par ailleurs, se consacrer pleinement à leurs fonctions.
L’article 2 répond à l’un des enjeux les plus importants de notre temps. Deux séries d’engagements internationaux participent distinctement, d’une part, de la préservation de l’environnement, avec notamment la déclaration de Rio de 1992 et la convention d’Aarhus de 1998 et, d’autre part, de la lutte contre les changements climatiques avec la convention cadre sur les changements climatiques de 1992 qui a connu un prolongement éminent avec la COP 21. Lors du sommet de Paris en 2015, la France a pris la tête des nations entendant agir contre les changements climatiques. Il est important que notre Loi fondamentale puisse traduire ce choix de la Nation en confiant au législateur la responsabilité de définir les principes fondamentaux de l’action contre les changements climatiques.
La volonté de rendre nos institutions plus efficaces pour répondre aux enjeux contemporains passe par la nécessité de revisiter un certain nombre de procédures dans le cadre d’une vision globale du Parlement et de ses missions. La révision constitutionnelle de 2008 a amorcé une rénovation profonde des pratiques parlementaires en ayant pour objectif de promouvoir des procédures plus modernes, de renforcer l’initiative parlementaire, de donner corps aux fonctions de contrôle et d’évaluation, de reconnaître l’opposition avec de nouveaux droits à la clé. Le bilan de cette révision, largement partagé par les praticiens et les constitutionnalistes, conduit à penser qu’une partie de la démarche entamée en 2008 mérite d’être complétée pour lui donner sa pleine efficacité, tout en corrigeant les dispositions qui n’ont pas eu les effets bénéfiques escomptés.
Il s’agit de porter un regard global sur les missions des assemblées telles qu’elles sont définies par l’article 24 de la Constitution : voter la loi, contrôler l’action du Gouvernement, évaluer les politiques publiques. L’objectif est bien d’instituer un cercle vertueux en articulant l’ensemble de ces fonctions pour répondre au besoin de réformes qu’éprouvent nos concitoyens et à l’exigence de responsabilité qui en est la contrepartie nécessaire.
À cette fin, il importe de mieux disposer du temps éminemment précieux du Parlement et de faire de la loi une norme de qualité, lisible et claire, conformément à sa vocation et à son objet. Surtout, le travail des parlementaires ne doit pas s’arrêter une fois la loi votée. L’évaluation des textes adoptés, de leur mise en œuvre et de leurs effets concrets, doit devenir non plus une option mais une exigence. La voie tracée en 2008 n’a pas été assez empruntée et le Parlement doit se doter des moyens juridiques et matériels de mener à bien cette mission.
Mieux légiférer c’est tout d’abord mieux faire respecter les règles constitutionnelles. C’est pourquoi il est proposé de rendre plus effectives les dispositions de l’article 41 de la Constitution relatives à l’irrecevabilité des propositions de loi ou des amendements qui méconnaissent le domaine législatif en introduisant dans la loi des dispositions de nature réglementaire. L’irrecevabilité de ces propositions ou de ces amendements sera systématiquement relevée comme, désormais, pour les propositions et amendements dépourvus de caractère normatif ou pour les amendements sans lien direct avec le texte en discussion (article 3). Le texte propose de mieux définir la notion de « cavalier législatif » afin que le débat législatif se tienne sur le projet ou la proposition en discussion et non sur des éléments périphériques. Ce faisant, le Parlement pourra débattre de manière plus approfondie sur les amendements qui ont une réelle portée et la loi adoptée sera de meilleure qualité.
Il faut insister sur le fait que cette irrecevabilité sera opposable aussi bien aux amendements parlementaires qu’à ceux du Gouvernement. Chacun devra donc faire œuvre de rigueur pour améliorer la qualité de la loi. L’irrecevabilité étant prononcée par les instances parlementaires, il sera possible, comme aujourd’hui, de saisir le Conseil constitutionnel en cas de divergence d’appréciation entre le Gouvernement et l’Assemblée concernée. Le projet de loi constitutionnelle propose que le Conseil constitutionnel dispose de trois jours et non plus de huit pour se prononcer sur les amendements dans des conditions fixées par une loi organique, ce qui lui permettra de s’organiser en conséquence. Le délai actuel de huit jours sera maintenu pour les propositions de loi. L’article 3 du projet de loi prévoit également une coordination à l’article 45 de la Constitution pour tirer les conséquences de l’exigence, à l’article 41, d’un lien direct entre les amendements et le texte en discussion.
L’article 4 du projet de loi élève au rang constitutionnel une procédure qui s’est développée au Sénat et, dans une moindre mesure, à l’Assemblée nationale. Conformément à la logique de la révision de 2008, il s’agit de rendre possible l’examen en commission d’un certain nombre de textes qui, en tout ou partie, seraient mis seuls en discussion en séance, le droit d’amendement sur les articles relevant de cette procédure s’exerçant alors uniquement en commission. Pour que cette procédure puisse être mise en œuvre, le Gouvernement doit être présent en commission afin de faire valoir son point de vue. Ainsi, les assemblées pourront appeler en séance les projets ou propositions justifiant un débat solennel, sachant que les travaux des commissions sont aujourd’hui largement rendus publics et que la possibilité pour tous les parlementaires de défendre leur position et leurs amendements en commission devra être préservée. L’objectif est bien de penser un partage utile entre commissions et séance plénière afin de rendre cette dernière plus dynamique et les débats qui se tiennent en son sein plus lisibles par nos concitoyens. La loi organique et les règlements des assemblées détermineront les conditions dans lesquelles sera mise en œuvre cette procédure.
L’introduction en 2008 du principe selon lequel – hormis quelques rares exceptions – les textes examinés en séance sont ceux adoptés préalablement par la commission a conduit à une procédure de plus en plus itérative voire répétitive. Aujourd’hui, lorsque s’applique la procédure normale, un texte peut être examiné jusqu’à treize fois entre commission et séance, à l’Assemblée nationale et au Sénat, en première, deuxième et nouvelle lectures puis en lecture définitive au Palais Bourbon. La navette parlementaire fait de moins en moins son œuvre : là où l’idée est en quelque sorte d’améliorer le texte au fur et à mesure des étapes de la navette, on s’aperçoit que sont discutés, à de trop nombreuses reprises, les mêmes amendements tout aussi nombreux. Or, il est loin d’être assuré que ce processus contribue à la clarté des débats, à la qualité de la loi et à la valorisation du Parlement. Il est proposé de tirer pleinement les conséquences de la révision de 2008 et de la pratique qui en a suivi en supprimant une étape qui s’avère à l’usage peu utile après l’échec de la commission mixte paritaire réunie en application de l’article 45 de la Constitution. L’article 5 du présent projet de loi propose ainsi qu’après échec de la commission mixte paritaire, le texte voté par l’Assemblée nationale soit examiné directement par le Sénat en nouvelle lecture. Comme aujourd’hui, le Sénat pourra faire valoir son point de vue en adoptant le texte amendé ou non selon son choix, voire en le rejetant. Dans ces conditions, l’Assemblée nationale statuera ensuite sur son propre texte en reprenant, le cas échéant, les amendements adoptés par le Sénat voire, si le Gouvernement l’accepte, certains autres amendements déposés devant cette chambre. Enfin, l’ensemble de cette procédure suivant l’échec de la commission mixte paritaire, dont l’objet est de trancher un désaccord entre les deux assemblées, devra intervenir dans un délai maximal après la demande par le Gouvernement de donner le dernier mot aux députés – quinze jours pour la nouvelle lecture au Sénat puis huit jours en lecture définitive à l’Assemblée nationale – ce qui permettra de gagner un temps précieux. Il arrive aujourd’hui que cette procédure dure de très nombreuses semaines sans que cela se justifie, alors même que nos concitoyens attendent que soient adoptés les textes ainsi en discussion.
Cette rationalisation de la procédure parlementaire qui s’inscrit dans l’esprit de la Constitution de 1958 tout en tirant les conséquences de la révision de 2008 doit aussi s’appliquer à la procédure d’examen des textes financiers, qu’il s’agisse des projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. Aujourd’hui les articles 47 et 47‑1 de la Constitution fixent des délais dans lesquelles les assemblées sont contraintes pour adopter le budget de l’État ou le budget social. Les articles 6 et 7 du projet de loi réduisent ces délais de sorte que ces textes puissent être examinés à l’automne en cinquante jours. Par voie de conséquence, le Parlement pourra ainsi dégager trois semaines de séances à l’automne pour examiner des textes non budgétaires.
Cette réduction des délais d’examen des textes financiers n’a de sens que si, parallèlement, le contrôle de l’exécution des budgets et, plus généralement, des résultats de l’action gouvernementale, monte en puissance et qu’intervienne un véritable « printemps de l’évaluation » dont la conclusion sera l’examen du projet de loi de règlement. L’organisation de ces travaux de contrôle et d’évaluation relèvera de la loi organique relative aux lois de finances. Les commissions des finances pour la partie proprement budgétaire ou les autres commissions chargées de suivre, sur le fond, les politiques publiques, mettront en place les outils nécessaires pour rendre effectif ce contrôle. À cette fin, l’article 6 prévoit que les ministres viendront, à cette occasion, présenter devant les commissions l’exécution de leur budget.
Cette volonté d’utiliser de la manière la plus efficace le temps parlementaire pour répondre aux attentes des citoyens s’exprime aussi dans les dispositions de l’article 8. Il permet au Gouvernement de mener plus rapidement les réformes qu’il juge nécessaires, dans les domaines économiques, sociaux ou environnementaux, en rendant possible d’inscrire plus facilement à l’ordre du jour des assemblées certains projets de loi jugés prioritaires. Ce dispositif, qui vient s’insérer à l’article 48 de la Constitution, ne pourra être mis en œuvre si les Conférences des présidents des deux assemblées s’y opposent, comme aujourd’hui elles en ont d’ailleurs le pouvoir pour empêcher la mise en œuvre de la procédure accélérée.
L’articulation féconde, évoquée précédemment, entre adoption des textes et contrôle de leur mise en œuvre et de leurs effets concrets, se traduit également dans la volonté de donner plus de corps à la semaine d’ordre du jour aujourd’hui consacrée au contrôle et à l’évaluation, en application de l’article 48, alinéa 4, de la Constitution.
L’article 9 du projet de loi entend faire en sorte que lors de ces semaines, dont l’organisation est souvent critiquée par les parlementaires eux‑mêmes comme peu satisfaisantes, puissent être examinés des textes – propositions ou projets de loi – tirant les conclusions de travaux d’évaluation menés par les parlementaires. C’est, là encore, l’idée d’un cercle vertueux : compte tenu du rythme aujourd’hui connu du quinquennat qui impose que les réformes attendues des Français puissent être menées rapidement en début de mandat présidentiel et législatif, il est tout aussi nécessaire, dans un second temps, que ces réformes puissent être évaluées dans leurs effets réels. Il convient de marquer autant d’intérêt à l’adoption de réformes qu’à leur application concrète et à leur portée sur l’état de notre pays et la situation de nos concitoyens. Ce faisant, c’est le principe de responsabilité des acteurs publics qui est à l’œuvre pendant que les assemblées recouvrent un champ d’action important comme dans la plupart des Parlements des grandes démocraties contemporaines.
L’article 9 prévoit également que la Conférence des présidents de chaque assemblée établira à l’avance un programme de contrôle et d’évaluation afin de donner plus de visibilité à ses travaux.
Le Président de la République s’est également engagé à mener une réforme attendue de longue date de notre justice. Le présent projet de loi constitutionnelle entend traduire cette volonté en modifiant certaines dispositions relatives au Conseil constitutionnel, en réformant le statut des membres du parquet pour leur reconnaître une plus grande indépendance et, enfin, en supprimant cette juridiction d’exception que constitue la Cour de justice de la République, chargée de juger les ministres pour les délits et crimes commis dans l’exercice de leurs fonctions.
L’article 10 supprime la disposition de l’article 56 de la Constitution aux termes de laquelle les anciens Présidents de la République sont membres de droit du Conseil constitutionnel. Cette disposition, née dans le contexte particulier des origines de la Ve République, n’a plus lieu d’être pour un Conseil constitutionnel dont la mission juridictionnelle a été soulignée par l’introduction de la question prioritaire de constitutionnalité en 2008.
L’article 18 prévoit une disposition transitoire pour les anciens chefs de l’État ayant siégé au Conseil constitutionnel l’année précédant la délibération du présent projet de loi en conseil des ministres.
L’article 11 modifie les conditions dans lesquelles les parlementaires peuvent saisir le Conseil constitutionnel afin de préserver les droits de l’opposition dans la perspective de la réduction du nombre de parlementaires, conformément à l’engagement pris devant les Français. Il est aujourd’hui nécessaire de réunir soixante députés ou soixante sénateurs pour saisir le Conseil que ce soit pour qu’il juge de la constitutionnalité d’un traité international (article 54 de la Constitution) ou d’une loi (article 61 de la Constitution) ou qu’il se prononce sur le fait de savoir si les conditions demeurent réunies pour la poursuite de la mise en œuvre de l’article 16 de la Constitution. Ce seuil sera ramené à quarante députés ou quarante sénateurs. Par coordination, cet article prévoit également un tel seuil pour permettre aux parlementaires de provoquer, de droit, un recours de leur assemblée devant la Cour de justice de l’Union européenne contre un acte législatif européen violant le principe de subsidiarité (article 88‑6 de la Constitution).
Le présent projet de loi entend également faire aboutir une réforme attendue depuis plusieurs années. Ainsi l’article 12 prévoit de modifier l’article 65 de la Constitution afin que les magistrats du parquet soient dorénavant nommés sur avis conforme de la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature, et non plus sur avis simple. Dans cet esprit, la même formation statuera comme conseil de discipline des magistrats du parquet, à l’instar de ce qui est prévu aujourd’hui pour ceux du siège, et ne se bornera plus à donner simplement un avis. De la sorte, tout en maintenant le principe selon lequel les politiques publiques de la justice, dont la politique pénale, relèvent du Gouvernement, conformément à l’article 20 de la Constitution, les magistrats du parquet verront conforter leur indépendance déjà consacrée par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Il importe aussi que le régime de responsabilité pénale des ministres soit réformé pour être mieux compris et accepté. Les ministres sont collectivement responsables de la politique menée par le Gouvernement, dans les conditions prévues aux articles 49 et 50 de la Constitution. Sur le plan pénal, ils sont responsables des actes qu’ils accomplissent en tant que simples citoyens. De même, sans que la Constitution ne le mentionne, ils sont actuellement responsables dans les conditions du droit commun pour les actes qui ne se rattachent pas directement à l’exercice de leurs fonctions, y compris lorsqu’ils ont été accomplis à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions. En revanche, en leur qualité de membres du Gouvernement, ils sont aujourd’hui comptables des crimes et délits accomplis dans l’exercice de leurs fonctions devant la Cour de justice de la République, juridiction ad hoc composée de magistrats judiciaires mais aussi de parlementaires. L’existence de cette juridiction particulière suscite des critiques auxquelles il faut répondre, qu’elles soient justifiées ou non. C’est pour ce motif qu’il est proposé de supprimer la Cour de justice de la République (article 13) afin que les ministres soient jugés par une juridiction judiciaire de droit commun, la cour d’appel de Paris.
Néanmoins, il est nécessaire de maintenir des règles destinées à préserver l’exercice de la fonction de ministre et permettant d’écarter les procédures judiciaires abusives n’ayant pour seul but que de porter atteinte à cette fonction. L’action des ministres ne doit pas être empêchée par de telles procédures. C’est pourquoi, comme aujourd’hui, une commission des requêtes, composée de trois magistrats de la Cour de cassation, de deux membres du Conseil d’État et de deux magistrats de la Cour des comptes, exercera un filtrage pour écarter les requêtes manifestement non fondées. La Cour de cassation désignera celui des trois magistrats judiciaires qui présidera la commission, suivant des modalités définies par la loi organique. Par ailleurs, s’il est utile de confirmer dans la Constitution que les ministres sont responsables dans les conditions de droit commun pour les actes commis qui ne se rattachent pas directement à l’exercice de leurs attributions, y compris lorsqu’ils ont été accomplis à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions, en revanche, lorsqu’ils agissent dans l’exercice de leurs fonctions, leur responsabilité pénale ne doit pouvoir être mise en cause en raison de leur inaction que lorsque le choix de ne pas agir leur est directement et personnellement imputable.
Si le besoin de rénovation de notre vie politique est intense, celui d’ouverture de nos institutions aux citoyens ne l’est pas moins. C’est pourquoi le Président de la République a souhaité que le Conseil économique, social et environnemental puisse être réformé en renouant avec sa vocation qui est de représenter la société civile et de permettre un dialogue entre celle‑ci et nos institutions, mais aussi en en faisant le carrefour des consultations publiques et de la participation citoyenne.
C’est pourquoi l’article 14 du projet de loi substitue à celui consacré au Conseil économique, social et environnemental un titre portant sur la « Chambre de la société civile » (articles 69 à 71 de la Constitution). Le Conseil économique, social et environnemental se transformera en Chambre de la société civile qui aura une triple vocation. Composée de représentants de la société civile dans un cadre redéfini en raison de la diminution de ses membres, cette Chambre aura pour mission d’éclairer les pouvoirs publics sur les enjeux économiques, sociaux et environnementaux, en particulier sur les conséquences à long terme de leurs décisions. Ainsi, en s’appuyant sur les expertises nécessaires, la Chambre offrira tant au Gouvernement qu’au Parlement un regard tourné vers l’avenir afin de mieux mesurer les effets de nos décisions sur les générations qui nous succéderont. Dans ce cadre, elle organisera la consultation du public (article 69 de la Constitution).
La Chambre de la société civile aura aussi vocation à accueillir et traiter les pétitions dans un cadre rénové, les conditions actuelles étant trop restrictives (article 70 de la Constitution). Ces pétitions qui pourront prendre une forme numérique seront analysées et discutées par la Chambre, en associant les pétitionnaires et, au besoin, des citoyens tirés au sort. La Chambre proposera d’y donner les suites qu’elle juge utiles. Afin que ces pétitions et les préconisations de la Chambre puissent connaître une suite, l’Assemblée nationale et le Sénat en seront saisis conformément aux modalités prévues par la loi organique. Selon les cas, les assemblées parlementaires pourront organiser des débats en commission, en séance, voire déposer des propositions de loi pour répondre à ces initiatives citoyennes.
Enfin, la Chambre de la société civile sera désormais systématiquement saisie des projets de loi ayant un objet économique, social ou environnemental (article 71 de la Constitution). Cette saisine obligatoire ne concernera pas des articles ayant ce caractère mais figurant dans des projets de loi ayant principalement d’autres objets. La Chambre pourra aussi être consultée, comme aujourd’hui, sur d’autres types de textes (notamment les projets de loi de finances, de financement de la sécurité sociale, de programmation des finances publiques, et ceux, quel que soit leur objet, pris en application des articles 38, 53, 73 ou 74‑1 de la Constitution). Cette consultation sera également possible sur les propositions de loi mais, dorénavant, à la seule initiative des assemblées et non plus à la demande du Gouvernement. Pour que l’avis de la Chambre de la société civile puisse être pleinement utile, il sera donné avant l’avis du Conseil d’État lorsqu’il sera également saisi et, le cas échéant, avant la délibération en Conseil des ministres. Une loi organique déterminera les conditions – et en particulier les délais – dans lesquels il sera procédé à ces consultations.
Si l’un des enjeux de cette révision constitutionnelle est de rendre les acteurs publics plus responsables des décisions qu’ils prennent et des politiques qu’ils mènent, cette exigence ne saurait s’arrêter au niveau de l’État et des pouvoirs publics constitutionnels. Cet esprit de responsabilité doit également prévaloir à l’échelon local, dans les collectivités territoriales, de l’hexagone ou des outre‑mer. Le Président de la République s’est ainsi engagé à ce qu’un « pacte girondin » puisse être noué avec les collectivités territoriales et s’incarner notamment par une nouvelle forme de décentralisation, celle de la norme, succédant à celle des compétences.
L’article 15 modifie l’article 72 de la Constitution en deux points pour introduire un droit à la différenciation entre collectivités territoriales et ce, en reprenant les préconisations faites par le Conseil d’État dans son avis du 7 décembre 2017. Il s’agit tout d’abord de permettre que certaines collectivités territoriales exercent des compétences, en nombre limité, dont ne disposent pas l’ensemble des collectivités de la même catégorie. Cette possibilité sera ouverte par la loi, dans des conditions définies par une loi organique, sans que les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti puissent être mises en cause. De la sorte, une commune, un département ou une région pourra intervenir dans un domaine dont les autres communes, départements ou régions ne pourront pas connaître, pour tenir compte des spécificités de cette collectivité territoriale et des enjeux qui lui sont propres.
Parallèlement, sera également ouverte la possibilité pour les collectivités territoriales et leurs groupements de déroger, lorsque la loi ou le règlement l’ont prévu, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent leurs compétences. Cette dérogation pourra intervenir, le cas échéant, après l’expérimentation déjà prévue aujourd’hui à l’article 72, à une importante différence près : cette expérimentation n’aura plus comme seule conclusion possible une généralisation à tous les territoires ou un abandon. Elle pourra conduire à une différenciation pérenne.
La loi organique définira d’une part et comme aujourd’hui, le régime de l’expérimentation et, d’autre part, celui de la dérogation créée par le présent article.
Lors de son déplacement à Ajaccio et Bastia, le Président de la République a rappelé que « la Corse est au cœur de la République » et qu’elle doit « construire son avenir au sein de notre République ». Dans le même temps, ses spécificités doivent être « pleinement prises en compte ». Insistant sur le fait que « demeurer dans le giron de la République, ce n’est pas perdre son âme ni son identité », il a rappelé que la Corse est une composante pleine et entière de la Nation française.
Afin de reconnaître la spécificité de la seule île du territoire européen de la France aux dimensions d’une région, l’article 16 du présent projet de loi constitutionnelle inscrit celle‑ci dans la Constitution à l’article 72‑5, dans le respect du principe d’indivisibilité de la République.
Le premier alinéa de ce nouvel article 72‑5 consacre dans la Constitution le fait que la Corse est une collectivité à statut particulier au sens du premier alinéa de l’article 72.
Le deuxième alinéa procède à la reconnaissance constitutionnelle des spécificités de la Corse. Par conséquent, les lois et les règlements pourront comporter des règles adaptées aux spécificités liées à son insularité ainsi qu’à ses caractéristiques géographiques, économiques ou sociales.
Cet alinéa permettra au législateur de créer des taxes locales propres à la Corse sans qu’il soit besoin de créer les mêmes sur le continent. Pour justifier ces créations, il ne sera pas nécessaire que les spécificités prises en compte soient absentes de chaque région continentale. Il sera ainsi possible de créer en Corse des impositions visant à tenir compte des coûts spécifiques engendrés par l’activité touristique saisonnière.
Il sera aussi possible d’adapter les dispositions fiscales nationales. Le législateur pourra ainsi, dans la mesure évidemment où il estimera que c’est utile et justifié, adapter la fiscalité nationale, par exemple en confirmant les exonérations en matière de droits de mutation à titre gratuit.
Le troisième alinéa prévoit que, dans certains cas, ces adaptations pourront être décidées par la collectivité elle‑même, sur habilitation du pouvoir législatif ou réglementaire, dès lors que les règles concernées s’appliquent aux matières relevant de ses compétences.
Les départements et les régions d’outre‑mer pourront aussi bénéficier d’un propre régime de différenciation des normes. En modifiant l’article 73 de la Constitution, l’article 17 du projet de loi organise une procédure nouvelle permettant aux collectivités ultra‑marines de fixer elles‑mêmes les règles applicables sur leur territoire dans un nombre limité de matières, relevant de la loi ou du règlement. Elles y seront habilitées par décret en conseil des ministres, pris après avis du Conseil d’État, afin de faciliter la mise en œuvre de cette faculté.
Le département et la région de La Réunion continueront à connaître un régime spécifique, conformément au choix opéré en 2003. Les habilitations ainsi prévues ne pourront porter, pour ce qui les concerne, que sur les matières qui relèvent de leur compétence.
Dans tous les cas, le Parlement conservera un droit de regard déterminant sur les normes ainsi fixées par ces collectivités ultra‑marines. Chaque session ordinaire, le Gouvernement devra déposer un projet de loi de ratification des actes pris par les collectivités dans le domaine de la loi. Ce projet de loi devra être ratifié dans les vingt‑quatre mois suivant l’habilitation, faute de quoi les actes en question seront frappés de caducité.
L’article 18 fixe enfin les conditions d’entrée en vigueur du projet de loi constitutionnelle sur quatre points : celui, déjà évoqué, de la disposition mettant fin à la présence des anciens Présidents de la République au Conseil constitutionnel ; celui relatif aux nouveaux cas d’incompatibilités avec les fonctions de membre du Gouvernement ; celui relatif à la nomination des membres du parquet sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature et à la procédure disciplinaire qui leur est applicable, la loi organique subséquente fixant les conditions d’entrée en vigueur des dispositions introduites à l’article 65 de la Constitution. Il en sera de même pour l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions du titre X de la Constitution relatives à la responsabilité pénale des membres du Gouvernement.
L’ensemble des dispositions du présent projet de loi constitutionnelle permettront d’engager la rénovation des institutions attendue par les Français. Avec les autres mesures contenues dans les projets de loi organique et ordinaire qui l’accompagnent, elles poursuivent l’ambition de moderniser notre démocratie pour la rendre plus représentative, plus responsable et plus efficace.
– 1 –
projet de loi constitutionnelle
Le Président de la République,
Sur la proposition du Premier ministre,
Vu l’article 89 de la Constitution,
Décrète :
Le présent projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d’État, sera présenté à l’Assemblée nationale par le Premier ministre, qui sera chargé d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion et, en tant que de besoin, par la garde des sceaux, ministre de la justice.
L’article 23 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les fonctions de membre du Gouvernement sont également incompatibles, dans les conditions fixées par la loi organique, avec l’exercice d’une fonction exécutive ou de présidence d’assemblée délibérante au sein des collectivités régies par les titres XII et XIII, de leurs groupements et de certaines personnes morales qui en dépendent. »
Au quinzième alinéa de l’article 34 de la Constitution, après le mot : « environnement » sont insérés les mots : « et de l’action contre les changements climatiques ».
I. – L’article 41 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :
« Les propositions de loi ou les amendements qui ne sont pas du domaine de la loi ou qui, hors le cas des lois de programmation, sont dépourvus de portée normative, et les amendements qui sont sans lien direct avec le texte déposé ou transmis en première lecture ne sont pas recevables.
« S’il apparaît au cours de la procédure législative qu’une proposition de loi ou un amendement est contraire à une habilitation accordée en vertu de l’article 38, le Gouvernement ou le président de l’assemblée saisie peut opposer l’irrecevabilité. » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
a) Après le mot : « intéressée » sont insérés les mots : « sur une irrecevabilité au titre de l’un des cas prévus aux deux alinéas précédents » ;
b) Les mots : « huit jours » sont remplacés par les mots : « trois jours pour les amendements et de huit jours pour les propositions de loi, dans les conditions fixées par la loi organique ».
II. – La seconde phrase du premier alinéa de l’article 45 est supprimée.
L’article 42 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La loi organique détermine les conditions dans lesquelles les projets et les propositions de loi adoptés, en présence du Gouvernement, par la commission saisie en application de l’article 43 sont, en tout ou partie, seuls mis en discussion en séance. Le droit d’amendement sur les articles relevant de cette procédure s’exerce uniquement en commission. »
Le quatrième alinéa de l’article 45 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Si la commission mixte paritaire ne parvient pas à l’adoption d’un texte commun ou si ce texte n’est pas adopté par l’une des assemblées dans les conditions prévues à l’alinéa précédent, le Gouvernement peut demander à l’Assemblée nationale de statuer définitivement. Dans ce cas, le Sénat statue dans les quinze jours suivant cette demande sur le dernier texte voté par l’Assemblée nationale. L’Assemblée nationale statue sur le dernier texte voté par elle dans les huit jours suivant la date à laquelle le Sénat a statué. Hors les amendements adoptés par le Sénat, seuls sont alors recevables, avec l’accord du Gouvernement, les amendements déposés au Sénat. »
L’article 47 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, le mot : « quarante » est remplacé par le mot : « vingt‑cinq » ;
2° Au troisième alinéa, le mot : « soixante‑dix » est remplacé par le mot : « cinquante » ;
3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La loi organique détermine les conditions dans lesquelles les commissions permanentes de chaque assemblée entendent les membres du Gouvernement sur l’exécution de la loi de finances. »
L’article 47‑1 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, le mot : « vingt » est remplacé par le mot : « vingt‑cinq » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les projets de loi de financement de la sécurité sociale et de finances peuvent être examinés conjointement, en tout ou partie, dans les conditions fixées par la loi organique. »
Au troisième alinéa de l’article 48 de la Constitution, les mots : « et, sous réserve des dispositions de l’alinéa suivant » sont remplacés par les mots : « , des textes relatifs à la politique économique, sociale ou environnementale, déclarés prioritaires par le Gouvernement sans que les Conférences des présidents s’y soient conjointement opposées ».
Au quatrième alinéa de l’article 48 de la Constitution, les mots : « et à l’évaluation des politiques publiques. » sont remplacés par les mots : « , à l’évaluation des politiques publiques et à l’examen des projets ou propositions de loi qui en résultent. À cette fin, la Conférence des présidents arrête le programme de contrôle et d’évaluation de l’assemblée concernée. »
Le deuxième alinéa de l’article 56 de la Constitution est supprimé.
Au sixième alinéa de l’article 16, à l’article 54, au deuxième alinéa de l’article 61, et au dernier alinéa de l’article 88‑6 de la Constitution, les mots : « soixante députés ou soixante sénateurs » sont remplacés par les mots : « quarante députés ou quarante sénateurs ».
L’article 65 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Le cinquième alinéa est remplacé par un alinéa ainsi rédigé :
« Les magistrats du parquet sont nommés sur l’avis conforme de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du parquet. » ;
2° La première phrase du septième alinéa est remplacée par une phrase ainsi rédigée :
« La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du parquet statue comme conseil de discipline des magistrats du parquet. »
Les articles 68‑1 à 68‑3 de la Constitution sont remplacés par un article 68‑1 ainsi rédigé :
« Art. 68‑1. – Les membres du Gouvernement sont responsables, dans les conditions de droit commun, des actes qui ne se rattachent pas directement à l’exercice de leurs attributions, y compris lorsqu’ils ont été accomplis à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions.
« Ils sont pénalement responsables des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions et qualifiés crimes ou délits au moment où ils ont été commis. Leur responsabilité ne peut être mise en cause à raison de leur inaction que si le choix de ne pas agir leur est directement et personnellement imputable.
« Ils sont poursuivis et jugés devant les formations compétentes, composées de magistrats professionnels, de la cour d’appel de Paris.
« Le ministère public, la juridiction d’instruction ou toute personne qui se prétend lésée par un acte mentionné au deuxième alinéa saisit une commission des requêtes comprenant trois magistrats du siège à la Cour de cassation, dont l’un préside la commission, deux membres du Conseil d’État et deux magistrats de la Cour des comptes. La commission apprécie la suite à donner à la procédure et en ordonne soit le classement, soit la transmission au procureur général près la cour d’appel de Paris qui saisit alors la cour.
« La loi organique détermine les conditions d’application du présent article. »
Le titre XI de la Constitution est ainsi rédigé :
« Titre XI
« LA CHAMBRE DE LA SOCIÉTÉ CIVILE
« Art. 69. – La Chambre de la société civile éclaire le Gouvernement et le Parlement, après avoir organisé la consultation du public, sur les enjeux économiques, sociaux et environnementaux et sur les conséquences à long terme des décisions prises par les pouvoirs publics.
« Elle est composée de représentants de la société civile dont le nombre ne peut excéder cent‑cinquante‑cinq.
« La loi organique fixe les modalités d’application du présent article, notamment la composition et les règles de fonctionnement de la Chambre de la société civile.
« Art. 70. – La Chambre de la société civile peut être saisie par voie de pétition dans les conditions fixées par la loi organique. Après examen de la pétition, elle fait connaître au Gouvernement et au Parlement les suites qu’elle propose d’y donner. La loi organique détermine les conditions dans lesquelles les assemblées parlementaires prennent en considération ces pétitions et les suites que la Chambre propose d’y donner.
« Art. 71. – La Chambre de la société civile est consultée sur les projets de loi ayant un objet économique, social ou environnemental.
« Elle peut être consultée par le Gouvernement sur les projets de loi de finances, les projets de loi de financement de la sécurité sociale, les projets de loi de programmation définissant les orientations pluriannuelles des finances publiques, les projets de loi pris en application des articles 38, 53, 73 ou 74‑1, ou tout autre projet de loi, d’ordonnance ou de décret.
« Elle peut être consultée par les assemblées parlementaires sur les propositions de loi.
« Dans les cas prévus aux alinéas précédents, la Chambre de la société civile est consultée avant l’examen du texte par le Conseil d’État.
« La Chambre de la société civile peut désigner un de ses membres pour exposer devant les assemblées parlementaires son avis sur les projets ou propositions qui lui ont été soumis.
« Elle peut être consultée par le Gouvernement et le Parlement sur toute question à caractère économique, social ou environnemental.
« La loi organique détermine les conditions d’application du présent article. »
L’article 72 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Dans les conditions prévues par la loi organique et sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti, la loi peut prévoir que certaines collectivités territoriales exercent des compétences, en nombre limité, dont ne disposent pas l’ensemble des collectivités de la même catégorie. » ;
2° Le quatrième alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :
« Dans les conditions prévues par la loi organique, et sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l’a prévu, déroger, pour un objet limité, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’exercice de leurs compétences, éventuellement après une expérimentation autorisée dans les mêmes conditions. »
Après l’article 72‑4 de la Constitution, il est inséré un article 72‑5 ainsi rédigé :
« Art. 72‑5. – La Corse est une collectivité à statut particulier au sens du premier alinéa de l’article 72.
« Les lois et règlements peuvent comporter des règles adaptées aux spécificités liées à son insularité ainsi qu’à ses caractéristiques géographiques, économiques ou sociales.
« Sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti, ces adaptations peuvent être décidées par la collectivité de Corse dans les matières où s’exercent ses compétences et si elle y a été habilitée, selon le cas, par la loi ou le règlement. Ces adaptations sont décidées dans les conditions prévues par la loi organique. »
L’article 73 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Les deuxième et troisième alinéas sont remplacés par les deux alinéas suivants :
« Sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti, les collectivités régies par le présent article peuvent, à leur demande, être habilitées par décret en conseil des ministres après avis du Conseil d’État, à fixer elles‑mêmes les règles applicables sur leur territoire dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi ou du règlement.
« Ces habilitations sont confiées dans les conditions fixées par la loi organique. » ;
2° Les cinquième et sixième alinéas sont remplacés par les dispositions suivantes :
« Pour le département et la région de La Réunion, les habilitations prévues au deuxième alinéa s’appliquent uniquement dans les matières relevant de leurs compétences.
« Chaque session ordinaire, le Gouvernement dépose un projet de loi de ratification des actes des collectivités pris en application du deuxième alinéa dans le domaine de la loi. Ces actes deviennent caducs en l’absence de ratification par le Parlement dans le délai de vingt‑quatre mois suivant l’habilitation. »
I. – Le quatrième alinéa de l’article 23, l’article 65 et le titre X de la Constitution, dans leur rédaction résultant de la présente loi constitutionnelle, entrent en vigueur dans les conditions fixées par la loi organique prise pour leur application.
II. – Les dispositions de l’article 56 de la Constitution, dans leur rédaction résultant de la présente loi constitutionnelle, ne sont pas applicables aux anciens Présidents de la République qui ont siégé au Conseil constitutionnel l’année précédant la délibération en conseil des ministres du projet de la présente loi constitutionnelle.
Fait à Paris, le 9 mai 2018.
Signé : Emmanuel MACRON
Par le Président de la République : |
Par le Premier ministre : |