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N° 4092

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 avril 2021.

PROJET  DE  LOI  ORGANIQUE

pour la confiance dans l’institution judiciaire,

(Procédure accélérée)

(Renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉ

par M. Jean CASTEX,

Premier ministre,

et par M. Éric DUPOND‑MORETTI,
Garde des sceaux, ministre de la justice

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Afin de remédier à la situation actuelle d’engorgement des cours d’assises et au regard des excellents résultats des cours criminelles départementales, instituées à titre expérimental par la loi n° 2019‑222 de programmation 2018‑2022 et de réforme pour la justice, la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire prévoit de réformer les juridictions criminelles et notamment de généraliser les cours criminelles départementales.

Les mesures envisagées visent à améliorer la procédure de jugement des crimes pour permettre une plus grande célérité des décisions rendues. La généralisation des cours criminelles départementales notamment va avoir un impact fort en termes de ressources humaines. En effet, les cours criminelles sont composées de cinq magistrats, dont au minimum trois magistrats professionnels.

Le recours, qui avait déjà été prévu à titre expérimental par la loi organique n° 2019‑221 du 23 mars 2019 relative au renforcement de l’organisation des juridictions, aux magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles et aux magistrats non‑professionnels exerçant à titre temporaire, se trouve logiquement pérennisé dans le cadre de la généralisation des cours criminelles départementales.

A titre de renfort complémentaire au profit des juridictions, il est également prévu d’instituer un nouveau juge non‑professionnel, l’avocat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, ce qui permettra d’apporter une réponse supplémentaire au besoin d’assesseurs en matière criminelle.

La présence d’un avocat honoraire dans la composition de jugement vise également à restaurer la confiance de nos concitoyens dans la Justice. Cette ouverture supplémentaire de la composition des formations de jugement des crimes confortera le sentiment que la Justice mêle de nombreuses expériences professionnelles, spécialement celles garantissant une expertise particulière des droits de la défense.

Le présent projet de loi organique met en œuvre sur le plan statutaire les réformes engagées dans le cadre de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire.

Les dispositions du titre Ier ont pour objet l’inscription pérenne dans l’ordonnance n° 58‑1270 du 22 décembre 1958, portant loi organique relative au statut de la magistrature, de la compétence des magistrats exerçant à titre temporaire et des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles pour exercer les fonctions d’assesseur dans les cours criminelles départementales.

L’article 1er en son I complète les dispositions de l’article 41‑10 A de l’ordonnance précitée pour prévoir que la cour criminelle ne peut comprendre plus de deux assesseurs choisis parmi les magistrats exerçant à titre temporaire et les magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles, en application de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui impose que les juges non‑professionnels soient minoritaires dans une formation collégiale.

Dans son II, il inscrit à l’article 41‑10 de l’ordonnance précitée, la compétence des magistrats exerçant à titre temporaire pour exercer les fonctions d’assesseur dans les cours criminelles.

Le III inscrit à l’article 41‑25 de l’ordonnance précitée, la même compétence pour les magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles.

L’article 2 abroge les dispositions du I de l’article 12 de la loi organique n° 2019‑221 du 23 mars 2019 relative au renforcement de l’organisation des juridictions qui prévoyait la compétence des magistrats exerçant à titre temporaire et des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles pour exercer les fonctions d’assesseur dans les cours criminelles, jusqu’au 31 décembre 2022.

L’article 3, article unique du second titre, prévoit le statut de l’avocat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, compétent pour siéger en qualité d’assesseur de la cour d’assises et de la cour criminelle. Ces dispositions sont prévues à titre expérimental, pour une durée de trois ans à compter de la date fixée par un arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice.

Ces dispositions prévoient que seuls peuvent être nommés avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles, après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature, les avocats honoraires n’ayant pas exercé la profession d’avocat depuis au moins cinq ans dans le ressort de la cour d’appel. Cette restriction permet d’une part de garantir un niveau de compétence certain, dès lors que pour pouvoir se prévaloir de l’honorariat les avocats doivent avoir exercé durant vingt années et d’autre part, de prévenir les conflits d’intérêts et de garantir l’indépendance et l’impartialité de cet assesseur.

D’autres dispositions, inspirées du statut de la magistrature, permettent également de soumettre les avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles aux mêmes droits et obligations que les magistrats, afin de garantir leur indépendance et leur impartialité.

L’article 5 indique que ces juges non‑professionnels ne peuvent recevoir une affectation nouvelle sans leur consentement. Il précise également les activités incompatibles avec l’exercice des fonctions d’avocat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, les termes de leur serment, les règles déontologiques auxquelles ils sont soumis, les conditions de la remise de leur déclaration d’intérêts et les conditions d’une action disciplinaire à leur égard.

Un décret en Conseil d’État précisera les modalités d’application de cet article et notamment les conditions de la rémunération des avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles.

Aux termes de l’article 4, les dispositions de la présente loi organique entreront en vigueur le 1er janvier 2022.

 

 


1

 

projet de loi ORGANIQUE

Le Premier ministre,

Sur le rapport du garde des sceaux, ministre de la justice,

Vu l’article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi organique pour la confiance dans l’institution judiciaire, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d’État, sera présenté à l’Assemblée nationale par le garde des sceaux, ministre de la justice, qui sera chargé d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion.

 

Fait à Paris, le 14 avril 2021.

Signé : Jean CASTEX

 

 

Par le Premier ministre :

Le garde des sceaux, ministre de la justice

Signé : Éric DUPOND‑MORETTI

 

 

 

 

 

 

 


TITRE Ier

DISPOSITIONS RELATIVES AUX MAGISTRATS EXERÇANT À TITRE TEMPORAIRE ET AUX MAGISTRATS HONORAIRES EXERÇANT DES FONCTIONS JURIDICTIONNELLES

Article 1er

L’ordonnance n° 58‑1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature est ainsi modifiée :

1° À l’article 41‑10‑A, après les mots : « ou affectés », sont insérés les mots : « ni composer majoritairement la cour d’assises ou de la cour criminelle départementale. » ;

2° Après le deuxième alinéa de l’article 41‑10, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Elles peuvent enfin exercer les fonctions d’assesseur des cours criminelles départementales. » ;

3° À l’article 41‑25, après les mots : « les formations collégiales des tribunaux judicaires et des cours d’appels, », sont insérés les mots : « dans les cours d’assises et les cours criminelles départementales» et après les mots : « le premier président de la cour d’appel », les mots : « pour exercer les fonctions d’assesseur dans les cours d’assises ou » sont supprimés.

Article 2

Les dispositions du I de l’article 12 de la loi organique n° 2019‑221 du 23 mars 2019 relative au renforcement de l’organisation des juridictions sont abrogées.

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES AU STATUT DE L’AVOCAT HONORAIRE EXERCANT DES FONCTIONS JURIDICTIONNELLES

Article 3

I.  En vue de permettre l’expérimentation prévue à l’article 8 de la loi n°           du           pour la confiance dans l’institution judiciaire, pendant une durée de trois ans à compter de la date fixée par un arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, peuvent être nommés pour exercer les fonctions d’assesseur des cours d’assises et des cours criminelles départementales, les avocats honoraires remplissant les conditions suivantes :

1° Être de nationalité française ;

2° Jouir de leurs droits civiques et être de bonne moralité ;

3° Ne pas avoir de mention au bulletin n° 2 du casier judiciaire incompatible avec l’exercice de fonctions juridictionnelles ;

4° Ne pas avoir exercé la profession d’avocat depuis au moins cinq ans dans le ressort de la cour d’appel à laquelle ils sont affectés.

II. ‒ Les avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles recrutés au titre du présent article sont nommés pour une durée de trois ans, dans la limite de la durée de l’expérimentation prévue au I, dans les formes prévues pour les magistrats du siège.

L’article 27‑1 de l’ordonnance n° 58‑1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature n’est pas applicable aux nominations mentionnées à l’alinéa précédent.

Les avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles sont affectés à une cour d’appel. Ils ne peuvent recevoir, sans leur consentement, une affectation nouvelle.

Ils sont soumis à une formation préalable à leur prise de fonctions organisée par l’École nationale de la magistrature.

Préalablement à leur entrée en fonctions, ils prêtent le serment suivant devant la cour d’appel : « Je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder le secret des délibérations et de me conduire en tout comme un assesseur digne et loyal. »

Ils ne peuvent, en aucun cas, être relevés de ce serment.

Un décret en Conseil d’Etat détermine les conditions de dépôt et d’instruction des dossiers de candidature, les modalités d’organisation et la durée de la formation préalable ainsi que les conditions dans lesquelles les avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles sont indemnisés.

III. – Les avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles ne peuvent, seuls ou avec des magistrats mentionnés à la deuxième section du chapitre V bis de l’ordonnance n°58‑1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, composer majoritairement la cour d’assises ou la cour criminelle départementale.

IV. ‒ L’exercice des fonctions d’avocat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles est incompatible avec l’exercice des mandats et fonctions publiques électives mentionnées aux articles 9 et 9‑1‑1 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 susmentionnée.

Un avocat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles ne peut pas exercer les fonctions d’assesseur d’une cour d’assises ou d’une cour criminelle départementale dans le ressort desquelles se trouve tout ou partie du département dont son conjoint est député ou sénateur.

Les avocats honoraires recrutés dans le cadre du présent article peuvent exercer une activité professionnelle concomitamment à leurs fonctions judiciaires, sous réserve que cette activité ne soit pas de nature à porter atteinte à la dignité de la fonction et à son indépendance. Toutefois, ils ne peuvent effectuer aucun acte d’une profession libérale juridique et judiciaire soumise à un statut législatif ou règlementaire ou dont le titre est protégé, ni être salarié d’un membre d’une telle profession, ni exercer aucune mission de justice, d’arbitrage, d’expertise, de conciliation ou de médiation dans le ressort de la cour d’appel à laquelle ils sont affectés.

L’exercice des fonctions d’avocat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles est également incompatible avec l’exercice des fonctions suivantes :

1° Membre du Gouvernement, du Conseil constitutionnel et du Conseil supérieur de la magistrature ;

2° Membre du Conseil d’État ou de la Cour des comptes, membre des cours et tribunaux administratifs ;

3° Secrétaire général du Gouvernement ou d’un ministère, directeur de ministère, membre du corps préfectoral.

En cas de changement d’activité professionnelle, l’avocat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles en informe le premier président de la cour d’appel à laquelle il est affecté, qui lui fait connaître, le cas échéant, l’incompatibilité entre sa nouvelle activité et l’exercice de ses fonctions juridictionnelles.

V. – Les avocats honoraires recrutés dans le cadre du présent article exercent leurs fonctions en toute indépendance, impartialité, dignité et probité et se comportent de façon à exclure tout doute légitime à cet égard. Ils s’abstiennent, notamment, de tout acte ou comportement public incompatible avec leurs fonctions. Ils sont tenus au secret des délibérations.

Ils veillent à prévenir ou à faire cesser immédiatement les situations de conflit d’intérêts au sens de l’article 7‑1 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 susmentionnée.

Les dispositions de l’article 7‑2 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 susmentionnée leur sont applicables. Ils remettent leur déclaration d’intérêts au premier président de la cour d’appel à laquelle ils sont affectés.

Ils ne peuvent pas connaître d’un dossier présentant un lien avec leur activité professionnelle d’avocat ou lorsqu’ils entretiennent ou ont entretenu des relations professionnelles avec l’une des parties. Dans ces hypothèses, le président de la cour d’assises ou de la cour criminelle départementale décide, à la demande de celui‑ci ou de l’une des parties, que l’affaire sera renvoyée à une formation de jugement autrement composée. Cette décision n’est pas susceptible de recours.

L’avocat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles ne peut ni mentionner cette qualité, ni en faire état dans les documents relatifs à l’exercice de son activité professionnelle, tant pendant la durée de ses fonctions que postérieurement.

VI. – Tout manquement d’un avocat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles aux devoirs de son état, à l’honneur, à la probité ou à la dignité constitue une faute disciplinaire.

Le pouvoir d’avertissement et le pouvoir disciplinaire à l’égard des avocats honoraires recrutés dans le cadre du présent article est exercé par l’autorité investie de ce pouvoir dans les conditions prévues au chapitre VII de l’ordonnance du 22 décembre 1958 susmentionnée. Cette autorité peut, indépendamment de la sanction prévue au 1° de l’article 45 de la même ordonnance, prononcer, à titre de sanction exclusive de toute autre sanction disciplinaire, la fin des fonctions d’avocat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.

VII. ‒ Les avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles ne peuvent demeurer en fonctions au‑delà de l’âge de soixante‑quinze ans.

Il ne peut être mis fin aux fonctions des avocats honoraires recrutés dans le cadre du présent article qu’à leur demande ou au cas où aurait été prononcée à leur encontre la sanction prévue au VI.

Durant un an à compter de la cessation de leurs fonctions, ces avocats honoraires sont tenus de s’abstenir de toute prise de position publique en relation avec les fonctions juridictionnelles qu’ils ont exercées.

TITRE III

DISPOSITIONS RELATIVES À L’ENREGISTREMENT ET À LA DIFFUSION DES AUDIENCES DEVANT LA COUR DE JUSTICE DE LA RÉPUBLIQUE

Article 4

À l’article 26 de la loi organique n° 93‑1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République, après les mots : « en matière correctionnelle », sont insérés les mots : « et les règles relatives à l’enregistrement et à la diffusion des audiences définies à l’article 38 quater de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse ».

Article 5

Les dispositions des articles 1er à 3 entrent en vigueur le 1er janvier 2022.

Les dispositions de l’article 4 entrent en vigueur le lendemain de la publication de la présente loi organique.