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N° 1284

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 mai 2023.

PROJET DE LOI

autorisant la ratification du Traité d’entraide judiciaire en matière pénale entre la République française et la République du Kazakhstan,

(Procédure accélérée)

(Renvoyé à la commission des affaires étrangères, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉ

au nom de Mme Élisabeth BORNE,

Première ministre,

par Mme Catherine Colonna,
ministre de l’Europe et des affaires étrangères

 

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le 28 octobre 2021, l’Ambassadeur de France au Kazakhstan et le Procureur général du Kazakhstan ont signé, à Nour‑Soultan, un Traité d’entraide judiciaire en matière pénale entre la République française et la République du Kazakhstan.

En matière de coopération judiciaire pénale, la France et le Kazakhstan sont tous deux Parties à plusieurs conventions multilatérales spécialisées, adoptées sous l’égide de l’Organisation des Nations unies, dont la convention unique sur les stupéfiants du 30 mars 1961 ([1]), la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ([2]), la convention contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes du 19 décembre 1988 ([3]), la convention contre la criminalité transnationale organisée ([4]) adoptée par la résolution 55/25 de l’Assemblée générale le 15 novembre 2000 ([5]) et la convention contre la corruption du 31 octobre 2003 ([6]).

Sur le plan bilatéral, la France et le Kazakhstan sont liés par les stipulations de l’accord relatif à la coopération en matière de lutte contre la criminalité entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan, signée à Astana le 6 octobre 2009 ([7]), et l’accord relatif à la lutte contre la corruption entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan, signé à Astana le 6 octobre 2009 ([8]).

Désireux de promouvoir une coopération judiciaire bilatérale plus efficace en matière pénale, notamment afin de lutter contre la criminalité organisée transfrontalière, la France et le Kazakhstan ont souhaité se doter d’un cadre conventionnel pour leurs relations dans le champ de l’entraide judiciaire pénale.

Le traité est composé de trente‑deux articles.

L’article 1er énonce l’engagement de principe des Parties de s’accorder mutuellement l’entraide judiciaire la plus large possible dans toute procédure visant des infractions pénales dont la répression est, au moment où l’entraide est demandée, de la compétence des autorités judiciaires de la Partie requérante. L’entraide est également accordée dans certaines procédures particulières.

En revanche, sont exclues, de manière classique, du champ de la convention l’exécution des décisions d’arrestation et d’extradition, l’exécution des condamnations pénales, sous réserve des mesures de confiscation, ainsi que les infractions militaires qui ne constituent pas des infractions de droit commun.

L’article 2 traite des restrictions qui peuvent être apportées à l’entraide. De manière classique, celle‑ci peut être refusée si la demande se rapporte à des infractions considérées par la partie requise comme politiques ou des infractions connexes à des infractions politiques ou si la Partie requise estime que l’exécution de la demande est de nature à porter atteinte à sa souveraineté, à sa sécurité, à son ordre public ou à d’autres de ses intérêts essentiels. En outre, l’entraide peut être refusée si elle a pour objet une mesure de confiscation et que les faits à l’origine de la requête ne constituent pas une infraction pénale au regard de la législation de la partie requise. Le texte précise en revanche que l’entraide ne peut être refusée au seul motif que la demande se rapporte à des faits ou des infractions susceptibles d’engager la responsabilité d’une personne morale, que la demande se rapporte à une infraction que la partie requise qualifie d’infraction fiscale ou lorsque la partie requise n’impose pas le même type de taxes ou d’impôts, de douane et de change ou n’impose pas le même type de règlementation en ce domaine que la législation de la Partie requérante.

De même, de manière notable, le secret bancaire ne peut être invoqué comme motif de refus, la convention prévoyant au contraire, à son article 15, des modalités très larges d’obtention d’informations en ce domaine.

Les articles 3 à 5 traitent du mode de transmission, du contenu et de la forme des demandes d’entraide.

Les demandes, y compris les dénonciations aux fins de poursuites prévues à l’article 19, font l’objet d’une transmission directe entre les autorités centrales des deux parties, qui exécutent rapidement les demandes ou, selon le cas, les transmettent à leurs autorités compétentes, à savoir les autorités judiciaires des deux parties, ainsi que les autorités chargées des poursuites en matière pénale au Kazakhstan. Les demandes doivent être faites par écrit. Classiquement, elles doivent comporter un certain nombre d’informations telles que l’autorité compétente ayant émis la demande, l’objet et le motif de la demande ou encore les textes applicables définissant et réprimant les infractions ainsi que les mesures d’entraide demandées.

L’article 6 fixe les conditions d’exécution des demandes d’entraide.

Le texte rappelle tout d’abord le principe selon lequel les demandes d’entraide sont exécutées conformément à la législation de la partie requise tout en réservant la possibilité pour la partie requérante de demander expressément l’application de formalités ou procédures particulières, pour autant que ces formalités et procédures ne soient pas contraires aux principes fondamentaux du droit de la partie requise. Afin de favoriser la coopération, il est en outre prévu que la partie requise exécute la demande d’entraide dès que possible en tenant compte des échéances de procédures ou d’autre nature indiquées par la partie requérante.

Pragmatique, le texte prévoit aussi que l’entraide peut être différée si l’exécution de la demande est susceptible d’entraver une enquête ou des poursuites en cours. Par souci de favoriser chaque fois que possible la coopération, la partie requise, avant de refuser ou de différer l’entraide, doit informer sans délai la partie requérante des motifs de refus ou d’ajournement et consulter la partie requérante pour décider si l’entraide peut être accordée aux termes et conditions qu’elle juge nécessaires.

Le texte prévoit en outre notamment qu’avec le consentement de la partie requise, les autorités de la partie requérante ou les personnes mentionnées dans la demande peuvent assister à l’exécution de celle‑ci. Dans la mesure autorisée par la législation de la partie requise, les autorités de la partie requérante ou les personnes mentionnées dans la demande peuvent interroger un témoin ou un expert ou les faire interroger.

L’article 7 traite des demandes complémentaires d’entraide judiciaire.

L’article 8, qui traite de la comparution de témoin ou expert dans la partie requérante, énonce la règle traditionnelle selon laquelle le témoin ou l’expert qui n’a pas déféré à une citation à comparaitre dont la remise a été demandée ne peut être soumis, alors même que cette citation contiendrait des injonctions, à aucune sanction ou mesure de contrainte, à moins qu’il ne se rende par la suite de son plein gré sur le territoire de la partie requérante et qu’il n’y soit régulièrement cité à nouveau.

L’article 9 traite de la question des immunités des témoins et experts. Ainsi, aucun témoin ou expert, quelle que soit sa nationalité, qui à la suite d’une citation comparaît devant les autorités judiciaires de la partie requérante, ne peut être ni poursuivi, ni détenu, ni soumis à aucune restriction de sa liberté individuelle sur le territoire de cette partie pour des faits ou condamnations antérieurs à son départ du territoire de la partie requise. Cette règle vaut également pour toute personne, quelle que soit sa nationalité, citée devant les autorités judiciaires de la partie requérante afin d’y répondre de faits pour lesquels elle fait l’objet de poursuites. Cette immunité cesse lorsque le témoin, l’expert ou la personne poursuivie, ayant eu la possibilité de quitter le territoire de la partie requérante pendant quinze jours consécutifs après que sa présence n’était plus requise par les autorités judiciaires, est néanmoins demeurée sur ce territoire ou y est retournée après l’avoir quitté.

L’article 10 fixe le régime des auditions par vidéoconférence. Si une personne qui se trouve sur le territoire de l’une des parties doit être entendue comme témoin ou expert par les autorités compétentes de l’autre partie, cette dernière peut demander, s’il est inopportun ou impossible pour la personne à entendre de comparaître en personne sur son territoire, que l’audition ait lieu par vidéoconférence. La partie requise consent à celle‑ci pour autant que le recours à cette méthode ne soit pas contraire aux principes fondamentaux de son droit et à condition qu’elle dispose des moyens techniques permettant d’effectuer l’audition. Les coûts liés à l’établissement et à la mise à disposition de la liaison vidéo dans la partie requise sont remboursés par la partie requérante à la partie requise sauf si celle‑ci y renonce en tout ou partie. Les deux parties peuvent, si leur droit interne le permet, appliquer également ce dispositif pour les auditions par vidéoconférence auxquelles participe une personne poursuivie pénalement, à condition toutefois que celle‑ci y consente.

Les articles 11 à 13 fixent les règles applicables aux transferts temporaires de personnes détenues aux fins d’entraide ou d’instruction.

Toute personne détenue dans la partie requise, dont la comparution personnelle en qualité de témoin ou aux fins de confrontation est demandée par la partie requérante, est transférée temporairement sur le territoire de celle‑ci, sous condition de son consentement écrit et de son renvoi dans le délai indiqué par la partie requise. Le transfèrement peut notamment être refusé s’il est susceptible de prolonger sa détention.

En outre, en cas d’accord entre les parties, la partie requérante qui a demandé une mesure d’instruction nécessitant la présence d’une personne détenue sur son territoire peut transférer temporairement cette personne sur le territoire de la partie requise, avec son consentement écrit.

La personne transférée sur le fondement de ces deux stipulations reste en détention sur le territoire de la partie dans laquelle elle est transférée à moins que la partie sur le territoire de laquelle elle est détenue ne demande sa mise en liberté.

L’article 14 est consacré à l’envoi et la remise d’actes judiciaires. Cette remise peut être effectuée par simple transmission de l’acte ou de la décision au destinataire. Une traduction de l’acte dans la langue de l’autre partie est prévue s’il existe des raisons de penser que le destinataire ne comprend pas la langue dans laquelle l’acte est établi. La preuve de la remise se fait au moyen d’un récépissé daté et signé par le destinataire ou par une attestation de la partie requise constatant le fait, la forme et la date de la remise. L’un ou l’autre de ces documents est immédiatement transmis à la partie requérante. Si la remise n’a pu être effectuée, la partie requise en fait connaître le motif à la partie requérante. Le texte précise que les citations à comparaitre sont transmises à la partie requise au plus tard quarante jours avant la date fixée pour la comparution, sauf urgence.

L’article 15 détaille les possibilités très larges d’obtention d’informations en matière bancaire. Sont ainsi prévues la fourniture de renseignements concernant les comptes de toute nature, détenus ou contrôlés, dans une banque quelconque située sur son territoire, par une personne physique ou morale faisant l’objet d’une enquête pénale dans la partie requérante ainsi que la communication de renseignements concernant des comptes bancaires déterminés et des opérations bancaires qui ont été réalisées pendant une période déterminée sur un ou plusieurs comptes spécifiés dans la demande, y compris les renseignements concernant tout émetteur ou récepteur. Le suivi, pendant une période déterminée, des opérations bancaires réalisées sur un ou plusieurs comptes spécifiés dans la demande peut également être sollicité.

L’article 16 traite des mesures de perquisition, saisie de pièces à conviction et de décisions de confiscation de l’autorité judiciaire. La partie requise exécute de telles demandes, dans la mesure où sa législation le lui permet, et informe la partie requérante du résultat de leur exécution.

L’article 17 règle le sort des biens susceptibles d’être saisis et confisqués. La partie requise s’efforce, sur demande, d’établir si les produits d’une infraction à la législation de la partie requérante se trouvent dans sa juridiction et informe la partie requérante du résultat de ses recherches. Dans sa demande, la partie requérante communique à la partie requise les motifs sur lesquels repose sa conviction que de tels produits peuvent se trouver dans sa juridiction. En cas de découverte, la partie requise prend les mesures nécessaires autorisées par sa législation pour empêcher que ceux‑ci fassent l’objet de transactions, soient transférés ou cédés avant qu’un tribunal de la partie requérante n’ait pris une décision définitive à leur égard. La partie requise doit également, dans la mesure où sa législation le permet et sur demande de la partie requérante, envisager à titre prioritaire de restituer à la partie requérante les produits des infractions, notamment en vue de l’indemnisation des victimes ou de la restitution au propriétaire légitime, sous réserve des droits des tiers de bonne foi. Enfin, les parties peuvent décider d’accords au cas par cas pour la disposition définitive des biens confisqués ou pour le partage du produit de la vente des biens confisqués.

L’article 18 traite des demandes d’interceptions de télécommunications. Elles peuvent être présentées lorsque la cible se trouve sur le territoire de la partie requérante et que celle‑ci a besoin de l’aide technique de la partie requise pour pouvoir intercepter les communications ou lorsque la cible de l’interception se trouve sur le territoire de la partie requise et que les communications de la cible peuvent être interceptées sur ce territoire.

L’article 19 traite de la procédure de dénonciation aux fins de poursuites, chacune des parties pouvant dénoncer à l’autre des faits susceptibles de constituer une infraction pénale relevant de la compétence de cette dernière afin que des poursuites pénales puissent être diligentées sur son territoire.

L’article 20 prévoit la possibilité pour les autorités compétentes des deux parties, dans la limite de leur droit national, de procéder à un échange spontané d’informations concernant les faits pénalement punissables dont la sanction ou le traitement relève de la compétence de l’autorité destinatrice au moment où l’information est fournie.

L’article 21 régit la communication des extraits de casier judiciaire qui doit s’effectuer conformément à la législation de la partie requise et dans la mesure où ses autorités compétentes pourraient elles‑mêmes les obtenir en pareil cas.

L’article 22 traite des échanges d’avis de condamnations pénales définitives respectives à l’encontre des ressortissants des parties, et des modalités de ces échanges.

L’article 23 règle les questions de confidentialité et de spécialité. La partie requise doit en effet respecter le caractère confidentiel de la demande et de son contenu, dans les conditions prévues par sa législation. En cas d’impossibilité de le faire, la partie requise doit en informer la partie requérante qui décide s’il faut néanmoins donner suite à l’exécution. En sens inverse, la partie requise peut demander que l’information ou l’élément de preuve fourni reste confidentiel, ne soit divulgué ou utilisé que selon les termes et conditions qu’elle aura spécifiés. En tout état de cause, la partie requérante ne peut divulguer ou utiliser une information ou un élément de preuve fourni et obtenu à des fins autres que celles qui auront été stipulées dans la demande, sans l’accord préalable de la partie requise.

L’article 24 fixe les conditions dans lesquelles les données à caractère personnel communiquées au titre du présent traité peuvent être utilisées par la partie à laquelle elles ont été transmises.

L’article 25 institue une dispense de légalisation des pièces et documents transmis en application du présent traité.

L’article 26 règle la question des frais liés à l’exécution des demandes d’entraide qui ne donnent en principe lieu à aucun remboursement, à l’exception de ceux occasionnés par l’intervention de témoins ou d’experts sur le territoire de la partie requise et par le transfèrement des personnes détenues en application des articles 11 et 12.

Les articles 27 à 32, de facture classique, règlent les conditions d’articulation avec les autres accords auxquels les parties sont parties, des consultations, de règlement des différends, d’application dans le temps, de modifications, d’entrée en vigueur, et de dénonciation de l’instrument.

Telles sont les principales observations qu’appelle le Traité d’entraide judiciaire en matière pénale entre la République française et la République du Kazakhstan, signé à Nour‑Soultan le 28 octobre 2021.

 

 

 


projet de loi

La Première ministre,

Sur le rapport du ministre de l’Europe et des affaires étrangères,

Vu l’article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi autorisant la ratification du Traité d’entraide judiciaire en matière pénale entre la République française et la République du Kazakhstan, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d’État, sera présenté à l’Assemblée nationale par la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, qui sera chargée d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion.

 

Article unique

Est autorisée la ratification du Traité d’entraide judiciaire en matière pénale entre la République française et la République du Kazakhstan, signé à Nour-Soultan le 28 octobre 2021, et dont le texte est annexé à la présente loi.

 

Fait le 30 mai 2023.

Signé : Élisabeth BORNE

 

Par la Première ministre :

La ministre de l’Europe et des affaires étrangères,
Signé : Catherine COLONNA

 


([1])  Publiée par décret n°69-446 du 2 mai 1969

([2])  Publiée par décret n°87-916 du 9 novembre 1987

([3])  Publiée par décret n°91-271 du 8 mars 1991

([4])  Publiée par décret n°2003-875 du 8 septembre 2003

([5])  La Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, adoptée par la résolution 55/25 de l'Assemblée générale le 15 novembre 2000, est le principal instrument dans la lutte contre la criminalité transnationale organisée. Elle a été ouverte à la signature des Etats membres lors d'une Conférence politique de haut-niveau organisée à cette occasion à Palerme (Italie) du 12 au 15 décembre 2000, pour entrer en vigueur le 29 septembre 2003.

([6])  Publiée par décret n° 2006-1113 du 4 septembre 2006

([7])  Publié par décret n° 2013-20 du 8 janvier 2013

([8])  Publié par décret n° 2011-307 du 22 mars 2011