—  1 

N° 259

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 4 octobre 2017

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION,
tendant à modifier le Règlement de l’Assemblée nationale (n° 169),

 

PAR Mme Yaël BRAUN-PIVET,

Députée

——

 

 

 

 

 

 

 

 


—  1 

SOMMAIRE

___

 

Pages

 

 

introduction................................................ 5

DISCUSSION GÉNÉRALE

EXAMEN DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Avant l’article unique

Article unique (art. 10 du Règlement de l’Assemblée nationale)  Modalités de répartition des fonctions au sein du Bureau

Après l’article unique

Intitulé de la proposition de résolution

 


—  1 

 

 

 

 

Mesdames, Messieurs,

Déposée le 21 septembre 2017 par le Président François de Rugy et trois présidents de groupe, MM. Richard Ferrand, Christian Jacob et Marc Fesneau, la présente proposition de résolution modifiant le Règlement de l’Assemblée nationale a une portée circonscrite. Elle inscrit dans le Règlement une convention non-écrite, en usage à l’Assemblée nationale depuis le début de la Vème République, qui préside à la répartition des différentes fonctions au sein du Bureau.

Cette réforme se justifie par un simple constat : l’absence d’assise réglementaire pour procéder, par consensus entre les groupes, à la répartition des fonctions au sein du Bureau, a donné lieu, le 28 juin dernier, a des difficultés d’application ([1]), amoindrissant le caractère pluraliste de cette haute instance.

Son caractère resserré se justifie d’autant plus qu’une réflexion est engagée sur l’organisation et le fonctionnement de l’Assemblée, ainsi que sur la procédure législative. Le Bureau a récemment décidé, sur proposition du Président, de mettre en place sept groupes de travail, sur les conclusions desquels il ne saurait être question d’anticiper : leurs recommandations trouveront une traduction réglementaire à l’occasion d’un prochain débat. Il en va de même des mesures d’application que chacune des deux assemblées devra intégrer dans son Règlement après l’adoption de la réforme institutionnelle annoncée par le Président de la République, le 3 juillet, devant le Congrès.

 

 

*

*     *

 

 


—  1 

   DISCUSSION GÉNÉRALE

Lors de sa première réunion du mercredi 4 octobre 2017, la commission des Lois examine la proposition de résolution tendant à modifier le Règlement de l’Assemblée nationale (n° 169) (Mme Yaël Braun-Pivet, rapporteure).

Mme Yaël Braun-Pivet, rapporteure. Avec l'examen de cette proposition de résolution modifiant le Règlement de l'Assemblée nationale, nous entamons un exercice particulier et inédit pour la plupart d'entre nous, ne serait-ce qu'en termes de procédure.

Première particularité, il n'y a évidemment pas de navette avec le Sénat et le texte ne fera donc l'objet que d'une lecture devant notre Assemblée. Les règles de la recevabilité financière issues de l’article 40 de la Constitution ne s'appliquent pas.

Autre spécificité, en vertu de l'article 61 de la Constitution, les règlements des assemblées, et les modifications qui leur sont apportées, sont automatiquement soumis au Conseil constitutionnel. C'est donc au regard des normes constitutionnelles, mais aussi des lois organiques et de certaines lois ordinaires, que le Conseil examinera les dispositions que nous aurons votées en commission et, la semaine prochaine, en séance publique.

Sur le fond, l'objet de cette proposition de résolution est circonscrit. Elle traite exclusivement de la répartition des différentes fonctions au sein du Bureau, comme l'ont souhaité ses auteurs : le Président de l'Assemblée nationale, M. François de Rugy, et les présidents des groupes La République en Marche, Les Républicains et Modem, respectivement MM. Richard Ferrand, Christian Jacob et Marc Fesnau. À eux trois ces groupes représentent 460 députés, ce qui donne évidemment une certaine force à l'accord auquel ils sont parvenus.

Il est proposé d'inscrire dans le Règlement une convention non-écrite – on peut parler de coutume – en usage à l'Assemblée nationale depuis le début de la Ve République, qui préside à la répartition de ces fonctions – Président, questeurs, vice-présidents et secrétaires. L'absence d'assise réglementaire a débouché, en juin dernier, sur des difficultés sur lesquelles je ne crois pas utile de revenir et que nous devons maintenant surmonter.

En dotant d'une assise réglementaire la « réunion des présidents de groupe » de début de législature et le système de points utilisé, la proposition de résolution vise à favoriser le consensus pour procéder à ces désignations. L'élection par scrutin plurinominal deviendrait alors le recours en cas de désaccord, en étant conscient que le caractère pluraliste et paritaire du Bureau ne peut pas, dans une telle hypothèse, être garanti.

Je ne souhaite pas que nous élargissions l'objet de cette résolution. Le Bureau a récemment décidé, sur proposition du Président, de mettre en place sept groupes de travail qui vont réfléchir à l'organisation et au fonctionnement de l'Assemblée ou encore à la procédure législative : il serait à tout le moins paradoxal d'anticiper sur leurs conclusions. Cette réflexion, comme la réforme institutionnelle annoncée par le Président de la République devant le Congrès le 3 juillet dernier, nécessiteront de nouvelles résolutions pour adapter le Règlement.

Pour ma part, en tant que rapporteure, je me suis efforcée de perfectionner le dispositif dont nous sommes saisis, sans en dénaturer la portée.

Mme Marietta Karamanli. Au nom du groupe Nouvelle Gauche, je voudrais d’abord souligner que ce texte contribue à la réflexion en cours sur les règles devant régir nos relations au sein de l’Assemblée nationale, dans la perspective d’une réforme plus globale. Le principe retenu par la résolution est celui de la proportionnalité pour la répartition des postes entre groupes parlementaires, l’accent étant mis dans un premier temps sur le caractère consensuel de l’accord qui devrait prévaloir. Le texte fait aussi appel à la notion d’opposition, un des questeurs devant appartenir à un groupe s’étant ainsi qualifié.

Première observation, ce système a par nature un caractère contingent. La constitution des groupes dépend du fait majoritaire, résultant lui-même de l’élection présidentielle, c’est-à-dire d’un choix fait par le peuple français à un moment donné. L’opposition se définit à l’issue des élections, mais aussi en fonction des prises de position en cours de législature. On peut donc se poser un certain nombre de questions sur la notion d’opposition. Quelle définition peut-on en donner ? Cette interrogation n’est en rien théorique puisqu’un groupe peut se revendiquer d’opposition et pourtant soutenir a priori et presque systématiquement les choix de l’exécutif.

Les notions de majorité et d’opposition sont des plus vagues et des plus aléatoires. Ne devrait-on pas préciser ce qu’est l’opposition en retenant des éléments plus objectifs, sans en laisser l’arbitrage au seul Bureau de l’Assemblée – ce qui a d’ailleurs été considéré par le Conseil constitutionnel comme incompatible avec la Constitution dans une décision du 22 juin 2006 ? Il convient d’être plus clair sur les effets possibles. L’application du système de répartition retenu ne doit pas permettre d’aboutir à un autre résultat que celui auquel tend l’article 39 du Règlement pour la présidence de la commission des Finances : elle doit revenir à un député appartenant à un groupe qui s’est déclaré d’opposition.

Nous avons déposé un amendement pour prévenir tout détournement d’un système normalement vertueux, en prenant en compte le vote ou non de textes qui définissent une majorité – c’est-à-dire, pour paraphraser un immense auteur, en être ou pas. Il s’agit d’aller au-delà du caractère déclaratif de l’appartenance. Le but est de réconcilier le déclaratif et la réalité. Nous verrons, lors de l’examen de notre amendement, comment prendre en compte les votes.

Dernier élément qu’il me semble important d’intégrer dans notre réflexion : le constat que l’on peut faire s’agissant des votes, en particulier ceux sur la confiance au Gouvernement, le projet de loi de finances (PLF) ou le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), postérieurement à la répartition des postes. On pourrait donc revoir cette répartition à l’ouverture de chaque session.

M. Philippe Gosselin. Le président de mon groupe, Les Républicains, fait partie des auteurs de la proposition de résolution. Comme la rapporteure l’a souligné, ses signataires représentent une large majorité de parlementaires. Compte tenu du sujet, il serait bon toutefois d’avancer par consensus, à l’inverse de ce qui s’est passé à la fin du mois de juin dernier, motivant le dépôt de cette proposition de résolution.

Une démocratie fonctionne bien sûr avec une majorité, tout particulièrement sous la Ve République. Comme Mme Karamanli l’a rappelé, chacun sait le poids du fait majoritaire : nos institutions cherchent à créer une vraie majorité, à rebours de l’instabilité bien connue de la IVe République. Mais il est vrai également qu’une démocratie ne fonctionne que si les droits de l’opposition sont respectés. Ce n’est pas propre à la France, ni à cette assemblée : on retrouve cet élément dans l’ensemble des démocraties occidentales.

Jusqu’à présent, le consensus se faisait autour de règles certes non écrites, mais qui puisaient leurs sources dans les IIIe et IVe Républiques – excusez du peu –, notamment pour les postes de questeurs. Ils sont d’importance, car ils gèrent l’ensemble des budgets et traitent d’un certain nombre de questions relatives au statut et à la situation des personnels. Un questeur est en quelque sorte un « primus inter pares » et il est important que l’opposition soit représentée à ce niveau.

Dans ce domaine, il y a eu une continuité en 1958. On peut véritablement parler de coutume parlementaire, voire constitutionnelle. Tous les éléments sont réunis : un usage répété et constant dans la durée, ainsi qu’une « opinio juris ». Mais si nous examinons ce texte, c’est qu’il y a eu une forme de revirement. L’objet de cette proposition de résolution est de graver dans le marbre certains usages démocratiques importants pour le respect des droits de l’opposition et d’en éviter des versions qui bougeraient de manière aléatoire.

Cela ne règle pas, à l’évidence, l’ensemble des questions sur le mode de fonctionnement de notre assemblée : tel est l’objectif des ateliers ouverts il y a une quinzaine de jours par le président de Rugy. Il faut laisser du temps aux cogitations, remarques et contributions des uns et des autres. Des modifications beaucoup plus importantes nous seront peut-être soumises. À ce stade, pour éviter un blocage de nos institutions, il convient de modifier le Règlement sur un point certes partiel, mais très important. L’opposition majoritaire, à savoir le groupe Les Républicains, qui compte 101 députés, ne figure ni au Bureau de l’Assemblée, ni dans d’autres instances représentatives, hormis la présence de Christian Jacob à la Conférence des Présidents, ce qui n’est évidemment pas satisfaisant alors que nous nous trouvons à la veille d’évolutions de notre institution.

Le principe de proportionnalité, tel qu’il est proposé dans cette proposition de résolution, va dans le bon sens. La recherche d’un consensus est par ailleurs réaffirmée, d’autres modalités de désignation étant prévues en cas d’échec. Cela permettra de stabiliser effectivement les droits de l’opposition. Il reste des questions, que j’entends bien, sur ce qu’est l’opposition. S’agit-il seulement de faire une déclaration ou bien faut-il juger d’après les preuves d’amour et d’affection ? Se pose aussi la question des critères à prendre en compte : faut-il considérer le vote de la confiance, celui du budget ou celui de tels ou tels textes ? Plus on entre dans ces détails, plus la réponse devient compliquée.

Pour conclure, cette proposition de résolution ne fait rien d’autre que consacrer certains usages, constants depuis plus de soixante ans, qui ont permis à notre vie démocratique de se développer et à notre assemblée de fonctionner en bonne intelligence, au-delà des différentes sensibilités.

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous n’avons aujourd’hui qu’un débat partiel, visant à résoudre la difficulté ouverte par l’élection de la questure, mais il est utile de poser dès maintenant quelques bases.

Il faut commencer par le fait que tous les députés sont censés être égaux : ils doivent donc, théoriquement, pouvoir participer de la même manière à la vie de cette maison. Cela se décline dans les fonctions occupées et dans la gestion. Les fonctions sont de nature diverse, mais les plus essentielles concernent les présidences et vice-présidences des commissions et celles de la séance publique. Pour avoir été deux fois vice-président de l’Assemblée nationale, j’ai pu constater que le fait de pouvoir participer ou non à l’animation et à l’organisation des séances change les choses, non pas individuellement, mais quant à la capacité d’un groupe politique à être inclus dans le fonctionnement de cette maison et dans un certain nombre de décisions. Ce ne sont pas les postes de secrétaires du Bureau, auxquels tous les groupes ont droit, qui donnent la même possibilité d’accéder à la gestion politique de l’Assemblée, ainsi qu’à sa gestion administrative et aux informations.

Il y a une donne politique nouvelle. La questure, c’est-à-dire la gestion de l’Assemblée nationale, était précédemment le fait de la majorité, tandis que l’opposition, alors quasiment constituée d’un seul groupe, pouvait seulement observer. Aujourd’hui, et cela rejoint le débat ouvert par Mme Karamanli et M. Gosselin, il n’y a pas une, mais des oppositions, qui ne sont évidemment pas de même nature. Ce n’est pas en donnant un droit de regard à l’une de ces oppositions sur la gestion de l’Assemblée, c’est-à-dire sur notre capacité à effectuer nos missions, que vous aurez résolu le problème. C’est une nécessité en réponse à la crise actuelle, je n’en disconviens pas, mais ce n’est pas satisfaisant pour la suite. C’est pourquoi nous proposerons des amendements visant non pas à augmenter le nombre de questeurs, mais simplement à instaurer une visibilité sur la gestion de l’Assemblée nationale, ses réformes, ses décisions et ses dépenses. Il est parfaitement légitime que l’on puisse surveiller tout ce que les députés dépensent avec l’argent public qui leur est confié dans l’exercice de leur mandat, mais il serait tout aussi légitime que chaque député ou au moins chaque groupe politique puisse savoir comment on dépense l’argent dans cette maison. Ce n’est pas le cas aujourd’hui.

La discussion que nous devons avoir afin de résoudre la crise actuelle doit aussi permettre d’ouvrir les esprits sur le fait que, pendant des décennies, seules deux forces politiques ont eu à connaître de la gestion de l’Assemblée nationale, ce qui peut d’ailleurs entraîner quelques scléroses. Je trouverais assez logique que des forces politiques nouvelles puissent accéder non pas aux fonctions, aux voitures ou aux indemnités, mais à l’information. C’est ce que je chercherai à défendre tout à l’heure quand nous aborderons les amendements.

Dans le cadre plus large du travail qui est engagé sur l’exercice du mandat parlementaire, nous devons tous réfléchir à la notion de droits attribués selon que l’on appartient à la majorité ou à l’opposition. Il faut dire que c’est une notion récente, qui a été principalement renforcée au moment de la réforme constitutionnelle de 2008. Or la donne politique est aujourd’hui différente. Qu’est-ce que la majorité et l’opposition si l’on doit retenir comme critère le vote de certains textes ? Parle-t-on de la confiance, du budget, du PLFSS ou encore des principales réformes d’un Gouvernement ? Va-t-on établir un système de points pour savoir qui se trouve dans l’opposition et dans la majorité ? Vous voyez bien que ce serait absurde : cela reviendrait à conditionner le vote de chacun non aux textes examinés mais au nombre de points à atteindre pour être dans l’opposition ou dans la majorité et obtenir ainsi tel ou tel droit.

Il y a en réalité dans notre fonctionnement un groupe majoritaire, ou une coalition majoritaire, et des groupes minoritaires, que ces derniers se sentent d’opposition, constructifs ou radicalement opposés à tout. La réalité est que certains, ayant la majorité, décident dans cette maison et que tous les autres subissent les décisions. Ils ont, me semble-t-il, droit à l’information. Les droits ne devraient pas être plus ou moins étendus selon le positionnement à l’égard de la majorité, sans quoi on rentrerait dans l’indéfinissable. Un système de points en fonction de la nature des textes examinés me paraîtrait dangereux, y compris pour l’exercice du mandat parlementaire.

Mme Catherine Kamowski. Sur proposition du président François de Rugy, sept groupes de travail ont été mis en place pour proposer des modifications du Règlement de l’Assemblée nationale, dans sa globalité. Par respect pour le processus de réflexion en cours et dans l’attente de son résultat, il a été choisi de s’en tenir dans cette proposition de résolution à la seule question des fonctions au sein du Bureau de l’Assemblée.

Le groupe La République en Marche y est entièrement favorable pour les raisons que je viens d’indiquer, ainsi que dans un souci d’efficacité et de rapidité pour la transposition dans notre Règlement d’un usage constant, qui repose sur la coutume parlementaire. Nous ne souscrirons pas, en revanche, aux amendements altérant les accords politiques qui ont été trouvés sur le fond de l’article 10 du Règlement, tel qu’il est proposé par le Président de l’Assemblée et les présidents de groupes, ni aux amendements qui anticipent sur les conclusions des groupes de travail.

La recherche d’un accord plus large, auquel j’entends que nous souhaitons tous adhérer, nous amènera certainement à nous saisir plus tard, tous ensemble, des propositions des groupes de travail, de manière à trouver conjointement des formes d’organisation du travail parlementaire qui soient encore plus cohérentes et plus démocratiques.

M. Ugo Bernalicis. J’ai compris le message adressé par la rapporteure et notre collègue de La République en Marche. Nous avons déposé des amendements allant au-delà de la seule modification du Règlement qui nous est proposée aujourd’hui. Nous savons évidemment que des groupes de travail fonctionnent en parallèle, mais voilà les premières pierres que le groupe La France insoumise souhaite apporter à l’édifice. S’il y avait dès aujourd’hui un consensus sur certaines de nos propositions, on pourrait aller encore plus vite dans ce cadre, en se concentrant sur les divergences.

Nos amendements portent non seulement sur la composition du Bureau mais visent aussi, plus généralement, à faire en sorte que les groupes minoritaires ou d’opposition aient des moyens plus importants pour travailler et agir, en les sanctuarisant dans le Règlement.

Nous proposons de porter le nombre de membres du Bureau à vingt-trois, dont au moins douze pour la majorité, selon une répartition dont nous aurons tout à l’heure le loisir de discuter.

D’autres amendements créent un jour de plus pour l’examen des « niches » parlementaires ou augmentent le nombre de séances, car nous trouvons qu’il y a trop peu de fenêtres de tir pour les propositions de loi.

S’agissant de l’irrecevabilité des amendements au titre de l’article 40 de la Constitution, nous avons connu un problème non seulement technique mais aussi politique, de notre point de vue, quand nous avons été dans l’incapacité de défendre notre proposition relative aux récépissés des contrôles d’identité lors de l’examen du projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme. J’ajoute qu’il n’y a pas eu de procédure contradictoire : on ne vous explique pas pourquoi votre amendement n’est pas recevable, ni comment faire pour qu’il le soit. Et si la décision intervient après le délai de dépôt, vous ne pouvez même pas faire un amendement rectifié pour rester « dans les clous » de l’article 40. Par ailleurs, comme tout est soumis à interprétation, il faudrait introduire du contradictoire.

Nous proposons aussi de porter le délai de dépôt de trois à cinq jours ouvrables. Notre analyse est que la temporalité et la manière de travailler dans cette maison font que nous sommes nous-mêmes soumis à un état d’urgence permanent. Aujourd’hui, alors que nous sommes en train de débattre dans cette commission, d’autres réunions qui m’intéresseraient se tiennent sur des avis budgétaires. Nous sommes tous logés « à la même enseigne », mais est-il bien sérieux que nous soyons confrontés à une telle organisation du travail parlementaire ?

Par ailleurs, nos amendements tendent à renforcer la parité, en particulier au sein du Bureau de l’Assemblée nationale, et à mettre en place une crèche. C’est un débat qui a fait irruption ailleurs sur la scène publique et il n’y a pas que la question du renouvellement de notre assemblée : l’idée est aussi que les collaborateurs puissent avoir droit à cette crèche, ainsi que les personnels de l’Assemblée. Nous recevons une aide mensuelle pour les enfants de moins de trois ans, mais il serait plus utile et plus efficace d’avoir matériellement une place dans une crèche, surtout vu la complexité de la situation en région parisienne.

Enfin, nos amendements visent à lutter contre les comportements sexistes, racistes, antisémites, xénophobes et homophobes, mais nous y reviendrons tout à l’heure, et à renforcer le contrôle et l’évaluation du Gouvernement, ainsi que l’information du Parlement à chaque fois que des Conseils européens ont lieu. Nous défendrons aussi un amendement relatif aux symboles républicains.

M. Jean-Luc Warsmann. Nous considérons au sein du groupe Les Constructifs que cette proposition de résolution mérite d’être soutenue. Elle inscrit dans le Règlement ce qui constitue en effet, depuis longtemps, une coutume.

Je partage l’avis de la rapporteure : des groupes de travail étant en place, il est logique de s’en tenir à l’objet du texte. Certains amendements contiennent des propositions intéressantes, mais il faudrait raisonner de manière globale. 

J’ai été le rapporteur du texte qui a fait entrer les notions de groupes minoritaires et d’opposition dans notre Règlement. Nous voulions mieux traiter les petits groupes ou les groupes d’opposition et ces notions ont été retenues afin d’éviter de les juger. Il est très risqué et préjudiciable, dans une démocratie, d’établir des critères en vue de coller des étiquettes à des députés ou à des groupes. Un groupe peut se déclarer « minoritaire », et ainsi être traité un peu mieux que d’autres, ou bien être d’opposition, mais cela relève de sa liberté et il peut y avoir des changements en cours de mandat – on peut être pour un gouvernement au début, puis contre lui, ou bien l’inverse. Je suis très soucieux de la liberté : ce n’est pas parce qu’il y a eu un dysfonctionnement ponctuel qu’il faut remettre en cause les équilibres. Il appartient à chacun de définir sa position au sein d’une assemblée parlementaire et d’évoluer, en utilisant sa liberté de vote.

M. Philippe Latombe. Notre collègue de La France insoumise a dit qu’au-delà de l’article unique de la résolution qui nous a été présentée, son groupe abordera d’autres sujets. Effectivement, c’est un énorme conglomérat de nombreuses choses qui ne sont pas à l’ordre du jour. Monsieur Bernalicis, vous faites partie des groupes de travail. C’est au sein de ceux-ci que vous allez apporter vos réflexions dans un premier temps, et une fois qu’ils seront terminés, si le résultat ne vous satisfait pas, vous pourrez porter vos réclamations et vos amendements.

Aujourd’hui, l’objet est uniquement de transcrire une coutume en une disposition écrite, plus stable. Le Modem s’en tiendra à cette résolution. Elle a reçu l’assentiment de trois groupes, et d’un quatrième qui vient de s’exprimer, donc de la majorité d’entre nous.

Nous partageons aussi l’idée exprimée par notre collègue Jean-Luc Warsmann ; il faut laisser inchangées les notions d’opposition et de minorité. Fixer des critères catégoriserait et contraindrait les groupes, alors que la formulation aujourd’hui retenue permet à chacun de se définir.

Mme Marie-France Lorho. Je tiens d'abord à vous faire état de l'honneur que j'ai de participer à votre commission. J'ai déposé un certain nombre d’amendements. Il s'agira pour moi de vous présenter la logique propre à chacun d'entre eux, et voici un rapide résumé de leur contenu : lutter contre le sentiment de dépossession de la vie politique ressenti par nos compatriotes, prisonniers qu'ils sont des partis politiques ; lutter contre une tendance générale de ce Règlement qui va vers la réduction des droits des non-inscrits.

Évidemment, ces deux questions sont liées, car le calcul des passages télévisés, les subventions publiques et les architectures fiscales ont fait passer le principe de représentation politique par délégation à une sorte de captation des droits par certains partis.

Au sentiment d'une société administrée s'ajoute donc la sensation d'une vie politique captive des partis politiques. Je me souviens de ma concurrente du Front National qui disait à qui veut l'entendre qu'un député non inscrit n'aurait aucun poids. S'il est de ma responsabilité de contrarier ces prédictions, il appartient à toute la représentation nationale d'adapter notre Règlement afin que cesse la construction normative d'une députation à deux vitesses.

Notez qu’il ne s’agit en rien de retirer des prérogatives aux membres des groupes, mais bien d’interrompre une situation qui déséquilibre la représentation territoriale. Instituer une option préférentielle pour les gros partis abîme l’esprit des élections. En effet, il semble paradoxal que le fait de ne pas adhérer à un parti politique soit considéré comme un motif raisonnable de réduction des droits. La majorité de nos compatriotes est dans le même cas, faut-il comprendre qu’ils sont des Français inciviques ?

La Commission en vient à l’examen de la proposition de résolution.


   EXAMEN DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Avant l’article unique

La Commission est saisie de l’amendement CL12 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. Ce premier amendement n’est pas compliqué, il s’agit de créer un chapitre qui s’intitulerait : « Renforcement de la place et des droits des députés, des groupes d’opposition et des groupes minoritaires », afin d’encadrer les amendements que nous présenterons par la suite.

Mme la rapporteure. Nous nous sommes posé beaucoup de questions quant à la place de cet amendement dans l’étude du texte. Vous proposez de donner un titre à un chapitre qui n’a pas de contenu pour l’instant, et qui, si vous suivez mon avis, n’en aura pas... C’est une des raisons pour lesquelles je ne suis pas favorable à son adoption.

M. Ugo Bernalicis. Je comprends cette argumentation, mais on ne peut pas préjuger des votes à venir, et il y a une certaine cohérence dans nos propositions, qui font sens dans leur ensemble.

La Commission rejette l’amendement.

Article unique
(art. 10 du Règlement de l’Assemblée nationale)
Modalités de répartition des fonctions au sein du Bureau

Résumé du dispositif et effets principaux

Il est proposé d’introduire dans le Règlement l’usage prévalant depuis près de soixante ans pour l'attribution, par accord entre les présidents des groupes parlementaires, des fonctions au sein du Bureau de l'Assemblée nationale.

Dernières modifications intervenues

L’article 10 du Règlement de l’Assemblée nationale a été modifié à cinq reprises depuis 1959 et, en dernier lieu, par la résolution n° 437 du 28 novembre 2014.

Modifications adoptées par la commission des Lois

À l’initiative de la rapporteure, la commission a précisé, en s’alignant sur la pratique en vigueur, les modalités de répartition proportionnelle des points entre les groupes et l’ordre prioritaire de choix en cas d’égalité des effectifs.

 

I.   Le droit existant

Comme d’autres matières intéressant les assemblées, la répartition des fonctions au sein du Bureau, à l’Assemblée nationale ou au Sénat, n’est que partiellement régie par le Règlement. Elle repose aussi sur la coutume parlementaire, fondée sur la pratique et les précédents, qui complète les sources écrites mais peut aussi créer des obligations nouvelles.

A.   Le Bureau, plus haute autorité collégiale de l’Assemblée

Outre les rôles particuliers de certains de ses membres pour diriger les débats en séance (président ou vice-présidents), veiller aux opérations de vote (secrétaires) ou autoriser les dépenses (questeurs), le Bureau exerce collectivement ses principales prérogatives, en privilégiant la prise de décisions partagées.

1.   Des attributions collectives étendues

Le Bureau dirige la vie intérieure et les travaux de l’Assemblée nationale ; il « a tous pouvoirs pour présider aux délibérations de l’assemblée et pour organiser et diriger tous les services » (article 14 du Règlement). Il est réuni au moins une fois par mois par le président, sur un ordre du jour déterminé.

Cette instance dispose d’un pouvoir réglementaire important. Conformément à l’article 17 du Règlement, le Bureau détermine par voie d’Instruction générale du Bureau (IGB) les modalités d’application du Règlement et arrête un règlement intérieur qui fixe l’organisation, les attributions et le fonctionnement des services. Il fixe le statut et le régime social du personnel.

Le Bureau intervient également dans la procédure parlementaire. Il est chargé d’apprécier, au moment de leur dépôt, la recevabilité financière des propositions de loi, par le biais de l’une de ses délégations constituée à cet effet, et, si le président l’en saisit, des amendements en vue de la séance publique (article 89 du Règlement).

Le Bureau tient, enfin, de différentes dispositions constitutionnelles ou législatives plusieurs attributions spécifiques, parmi lesquelles :

– l’autorisation des mesures judiciaires restrictives ou privatives de liberté pour les députés (article 26 de la Constitution) ;

– la responsabilité de se constituer en Bureau du Congrès en cas de réunion de celui-ci aux fins de révision constitutionnelle (article 89 de la Constitution) ;

– le contrôle de la compatibilité avec le mandat de député des fonctions ou activités exercées ou des participations détenues, sur le fondement des déclarations d’intérêts et d’activité déposées par les députés (article L.O. 151-2 du code électoral) ;

– la fixation du temps d’antenne dans le cadre de la campagne électorale, à défaut d’accord entre les présidents des groupes représentés à l’Assemblée nationale (article L. 167-1 du code électoral) ;

– les modalités de rattachement des élus aux partis et groupements politiques éligibles à la seconde fraction de l’aide publique, telles qu’elles résultent des articles 8 et 9 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique ;

– la détermination, après consultation de l’organe chargé de la déontologie parlementaire, et la mise en œuvre des règles en matière de prévention et de traitement des conflits d’intérêts (article 4 quater de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, introduit par la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique).

2.   Une composition pluraliste et désormais paritaire

Autorité collégiale, le Bureau comprend vingt-deux membres ([2]) : le président de l’Assemblée nationale, six vice-présidents, trois questeurs et douze secrétaires (article 8 du Règlement).

Le président est élu pour la durée de la législature, conformément à l’article 32 de la Constitution. Les autres membres du Bureau sont désignés pour une année ; ces nominations ont lieu au cours de la séance qui suit l’élection du Président, puis sont renouvelées à chaque ouverture de session ordinaire, à l’exception de celle précédant le renouvellement de l’Assemblée ([3]).

L’article 10 du Règlement précise que « l’élection des vice-présidents, des questeurs et des secrétaires a lieu en s’efforçant de reproduire au sein du Bureau la configuration politique de l’Assemblée » (deuxième alinéa).

Afin de satisfaire ce principe, la pratique observée à l’Assemblée nationale, depuis 1959, consiste à rechercher un accord pour répartir les candidatures aux différentes fonctions entre l’ensemble des groupes parlementaires ([4]), en utilisant une clef de calcul prenant en compte les effectifs des groupes et l’importance des fonctions. Conformément aux cinquième et sixième alinéas de cet article, il n’est procédé à un vote – par scrutin plurinominal majoritaire –, pour l’une des fonctions au Bureau, que lorsque le nombre de candidatures déposées dans les délais prévus excède le nombre de postes à pourvoir ; cette situation peut résulter soit de l’absence d’accord entre les présidents des groupes, soit du dépôt d’autres candidatures en plus de celles arrêtées par ces derniers.

Les députés non-inscrits ne sont pas pris en compte dans le calcul pour la répartition des sièges ; les Présidents des groupes avaient ainsi estimé, en 1959, que les députés isolés ne contribuaient pas à la « configuration politique de l’Assemblée ». Cet usage ne fait cependant pas obstacle à ce qu’un groupe inclue un non-inscrit dans la liste des candidats aux sièges qui lui reviennent, après accord des présidents des groupes, comme ce fut le cas en 1971 ou en 1988.

Afin de renforcer le pluralisme du Bureau, l’usage réserve, en marge du Règlement, à un député appartenant à un groupe d’opposition ([5]) un siège de questeur sur trois. Déjà attestée sous les IIIème et IVème République mais ignorée à quelques reprises, cette convention a été continûment observée à partir de 1973.

Cette démarche a assuré, au cours des dernières législatures, une représentation équilibrée des différents groupes parlementaires au Bureau, tout en assurant à la majorité parlementaire la majorité des voix au sein de cette instance où chaque représentant dispose d’une voix.

Le tableau suivant rappelle la composition du Bureau sous les deux précédentes législatures.

 

évolution de la composition politique du bureau de l’Assemblée Nationale

 

Président

Vice-présidents

Questeurs

Secrétaires

Total

2007-2008

(XIIIème lég.)

UMP

1

3

2

5

11

SRC

 

2

1

5

8

GDR

 

 

 

2

2

NC

 

1

 

 

1

2012-2013

(XIVème lég.)

SRC

1

3

2

2

8

UMP

 

2

1

5

8

UDI

 

 

 

1

1

Écologiste

 

1

 

 

1

GDR

 

 

 

2

2

RRDP

 

 

 

2

2

2017-

(XVème lég.)

REM

1

5

2

7

15

LR

 

 

 

 

0

MODEM

 

1

 

1

2

LC

 

 

1

 

1

NG

 

 

 

2

2

FI

 

 

 

1

1

GDR

 

 

 

1

1

Source : commission des Lois

Depuis la réforme issue de la résolution n° 437 du 28 novembre 2014 le même article 10 invite les groupes à s’efforcer « de respecter la parité entre les femmes et les hommes » au moment des nominations aux diverses fonctions au sein du Bureau.

Comme en témoigne le tableau ci-dessous, la comparaison des XIIIème, XIVème et XVème législatures montre une progression significative du nombre de femmes au sein du Bureau. La parité stricte est même atteinte, en ce qui concerne les fonctions de vice-présidents, dès 2012 et, pour l’ensemble du Bureau, depuis la nouvelle législature.

 

évolution de la parité au sein du bureau de l’Assemblée Nationale

 

Président

Vice-présidents

Questeurs

Secrétaires

Total

2007-2008

(XIIIème lég.)

Hommes

1

5

2

10

18

Femmes

 

1

1

2

4

2012-2013

(XIVème lég.)

Hommes

1

3

2

9

15

Femmes

 

3

1

3

7

2015-2016

(XIVème lég.)

Hommes

1

3

2

8

14

Femmes

 

3

1

4

8

2017-

(XVème lég.)

Hommes

1

3

2

5

11

Femmes

 

3

1

7

11

Source : commission des Lois

B.   UNE répartition des fonctions QUI Repose sur une logique de consensus

L’article 10 du Règlement prévoit, dans sa rédaction en vigueur depuis la résolution n° 146 du 23 octobre 1969, la tenue, au début de chaque législature, d’une réunion des présidents des groupes « en vue d’établir, dans l’ordre de présentation qu’ils déterminent, la liste de leurs candidats aux diverses fonctions du Bureau » (troisième alinéa).

Comme on l’a vu, l’usage consiste à répartir les sièges lors de cette réunion par accord entre les présidents, en prenant en compte les effectifs des groupes et en attribuant à chaque fonction au sein du Bureau un nombre de points déterminé.

Sous la IVème République, la répartition des fonctions au Bureau faisait intervenir une première répartition proportionnelle du nombre de sièges en fonction de l’importance numérique des groupes, avec répartition des sièges non attribués au plus fort reste. En 1959 et 1960, on substitua à ce procédé un système de points qui continuèrent à être répartis entre les groupes, en fonction de leurs effectifs, à la proportionnelle au plus fort reste, puis il fut décidé, en 1961, d’opérer un simple produit en croix ; cette pratique n’a plus été remise en cause.

Le barème, qui n’a jamais été modifié, est détaillé dans le tableau ci-dessous.

Nombre de points attribuéS à chaque fonction du Bureau

Fonction

Pondération

Nombre de postes

Nombre de points

Président

4 points

1

4

Vice-Président

2 points

6

12

Questeur

2,5 points

3

7,5

Secrétaire

1 point

12

12

TOTAL

 

22 postes

35,5 points

Source : commission des Lois

Le total de points est distribué entre les groupes en proportion de leurs effectifs, tels qu’ils figurent au Journal officiel et au Feuilleton du jour de la réunion ([6]), puis les résultats sont arrondis. Cette distribution permet ensuite d’opérer une ou plusieurs répartitions indicatives des sièges au Bureau ; le strict résultat arithmétique n’exclut pas des corrections par échange ou compensation, comme par exemple en 2012, pour le premier bureau de la quatorzième législature, au profit des groupes minoritaires.

répartition des points et Composition du Bureau de la XIVème législature

Groupes

Effectifs

Points distribués

Postes obtenus

SRC

295

18,44

Président (4 pts)

2 questeurs (5 pts)

3 vice-présidents (6 pts)

2 secrétaires (2 pts)

 

Soit 8 postes (17 pts)

UMP

196

12,25

1 questeur (2,5 pts)

2 vice-présidents (4 pts)

5 secrétaires (5 pts)

 

Soit 8 postes (11,5 pts)

UDI

29

1,81

1 secrétaire (1 pt)

Écologiste

18

1,12

1 vice-président (2 pts)

GDR

15

0,94

2 secrétaires (2 pts)

RRDP

15

0,94

2 secrétaires (2 pts)

TOTAL

568

35,5

22 postes (35,5 pts)

Source : commission des Lois

Les présidents des groupes déterminent un ordre de présentation des candidats ([7]), par fonction, de sorte qu’une liste commune puisse être établie. Il appartient alors aux secrétariats des groupes de déposer pour chacune des fonctions les candidatures correspondantes, avant l’expiration du délai général prévu au sixième alinéa de l’article 10 du Règlement.

La recherche d’un accord entre les groupes garantit donc une composition pluraliste du Bureau et assure à l’opposition, outre un poste de questeur, une ou plusieurs vice-présidences. À l’inverse, le recours au vote favorise automatiquement le groupe majoritaire et ne permet pas de reproduire la configuration politique de l’Assemblée.

II.   LA MESURE proposÉE

L’article unique de la proposition de résolution substitue au troisième alinéa de l’article 10 du Règlement, qui prévoit que les présidents des groupes se réunissent au début de chaque législature, une nouvelle rédaction plus détaillée.

Par coordination, le début du quatrième alinéa est réécrit afin d’articuler les deux branches de la procédure : en cas d’accord entre les présidents des groupes les désignations seront opérées sur la base d’une liste commune ; à défaut, les postes pourront être pourvus par scrutin, selon des modalités inchangées.

Il s’agit d’une matière qui relève du domaine traditionnel et exclusif du règlement des assemblées. Dès 1961, le Conseil a jugé que la Constitution leur laissait le soin de fixer les conditions de désignation des membres de leur bureau ([8]).

A.   La TRANSCRIPTION DE LA pratique actuelle dans le Règlement

L’alinéa 3 prévoit que « le Président de l’Assemblée nationale réunit les présidents des groupes » au début de chaque législature. Cette précision, absente dans le texte en vigueur, est importante car elle implique que le Président nouvellement élu convoque et préside ladite réunion. Ces dispositions sont conformes à la pratique actuelle mais, au début de la Vème République, la réunion a pu être présidée par le président des groupes le plus âgé.

Les délais pour organiser cette réunion seront, par conséquent, contraints : celle-ci ne pourra se tenir qu’une fois le Président élu mais avant la désignation des autres membres du Bureau, qui a lieu, conformément à l’alinéa premier de l’article 10 du Règlement, au cours de la séance qui suit l’élection du Président. Au mois de juin 2017 la réunion des présidents des groupes avait eu lieu le 28 au matin, le Président ayant été élu la veille (après-midi) et l’élection des autres membres du Bureau étant prévue dans l’après-midi.

L’objectif de cette réunion est clarifié : elle visera expressément à « établir la répartition entre les groupes de l’ensemble des fonctions du bureau », tandis que sa finalité demeure la mise au point d’une liste de candidats. Là encore il s’agit d’écarter toute négociation partielle, portant sur l’une des catégories de postes, et de favoriser un consensus global.

Les alinéas 4 à 6 décrivent le système de pondération qui servira, lors de la réunion des présidents des groupes, à procéder à une première répartition des différentes fonctions au sein du Bureau.

Confortant l’usage, le dispositif prévoit une répartition « entre les groupes » (alinéa 6), ce qui exclut la prise en compte des députés non-inscrits.

Le barème qui sera inscrit dans le Règlement reprend la pondération actuellement utilisée, sans modification (alinéa 5).

Le total de 35,5 points sera réparti, aux termes de la résolution, « à la proportionnelle au plus fort reste » (alinéa 6). Bien connue en droit électoral, mais également pour composer les commissions parlementaires ([9]), cette méthode, déjà évoquée, est classiquement utilisée pour l'attribution de sièges, en fonction du nombre de voix obtenues par chaque liste ou des effectifs de chaque groupe. Elle est bien adaptée s'agissant de répartir des éléments indivisibles, mais pas pour l’attribution de points et de demi-points. Enfin, elle ne correspond pas à la pratique actuelle.

Le dispositif ne définit pas non plus sur quelle base est opérée la répartition des points entre les groupes ; celle-ci ne saurait cependant être fondée sur autre chose que leur effectif.

B.   favoriser une répartition DES FONCTIONS par consensus

L’alinéa 7 détaille de quelle manière s’opère le choix des présidents des groupes lors de la réunion prévue à cet effet.

Ce processus est mis en œuvre selon un ordre de priorité, qui permet aux groupes les plus nombreux de choisir avant les autres. Rien n’est cependant prévu en cas d’égalité parfaite des effectifs ; pour rare qu’elle puisse paraître, cette hypothèse ne peut être écartée, notamment s’agissant des plus petits groupes parlementaires.

Les choix sont effectués par les présidents des groupes, l’un après l’autre, « en fonction du nombre de points dont [ceux-ci] disposent ». Ils portent sur les postes que ceux-ci « souhaitent réserver à leur groupe ». Cette rédaction, si elle fait du nombre de points distribués une base de départ dans le processus, ne paraît pas exclure des échanges ou compensations entre groupes dans la suite de la réunion, dont l’usage pourra être maintenu. Elle n’interdira pas non plus à un président de choisir d’attribuer, sur le contingent de son groupe, un poste à un député non-inscrit, dès lors que la liste finale fait consensus.

La dernière phrase de l’alinéa 7 réserve, dans le cadre de la réunion des présidents de groupe, un des postes de questeurs « à un député appartenant à un groupe s’étant déclaré d’opposition ». Une pratique ancienne est ainsi consacrée.

L’alinéa 8 détaille les modalités de conclusion d’un accord entre les présidents des groupes.

Dans cette nouvelle procédure, le rôle du Président de l’Assemblée pour « constate[r] que la répartition des postes fait l’objet d’un accord » est renforcé. Ce n’est plus à l’expiration du délai de dépôt des candidatures, prévu au quatrième alinéa de l’article 10 du Règlement, qu’il est pris acte de l’accord (ou de son absence), mais au terme de la réunion des présidents de groupes. Il s’agit ainsi d’éviter, autant que possible, que les tractations se poursuivent après cette réunion ou que l’accord trouvé puisse être remis en cause.

Par cohérence avec le reste de la procédure, il est prévu que l’accord sur la composition du Bureau porte sur une liste globale de candidats « à ces diverses fonctions ». Conformément à la pratique actuelle, cette liste commune sera dressée selon un ordre de présentation convenu entre les présidents de groupes, qui déterminera l’ordre protocolaire des titulaires des fonctions au Bureau.

En cas d’accord, la liste commune devra être déposée au Secrétariat général de l’Assemblée – même si le dispositif ne le prévoit pas, ce dépôt devra être logiquement opéré sans délai à l’issue de la réunion. Cette liste sera affichée et publiée au Journal officiel, conformément au double renvoi opéré aux dispositions des deux derniers alinéas de l’article 25 du Règlement ; les nominations ainsi effectuées prendront effet dès leur publication.

À défaut d’accord, lorsque la réunion des présidents a été infructueuse, le Président de l’Assemblée, en séance publique ou par tout autre moyen, « constate[ra] qu’il n’y a pas d’accord ». Comme le Règlement le prévoit déjà, il faudra alors procéder à une désignation par scrutin ou, pour les fonctions pour lesquelles le nombre de candidats n’est pas supérieur au nombre des sièges à pourvoir, par prise d’acte.

Pas plus que les dispositions du Règlement en vigueur, la proposition de résolution ne précise la procédure applicable au renouvellement des membres du Bureau autres que le Président. La pratique actuelle consiste à ne pas remettre en cause, chaque année, la répartition des fonctions, sur laquelle les présidents de groupe se sont accordés au début de la législature ; il n’est donc pas convoqué de nouvelle réunion, ni organisé de scrutin sauf dépôt de candidature supplémentaire. Les secrétariats des groupes font connaître les remplacements auxquels ils souhaitent procéder et il est pris acte de la nouvelle composition du Bureau, dans les mêmes conditions.

Il en est de même en cas de vacance, en cours de session, de l’un des postes de vice-président, de questeur ou de secrétaire. Le douzième alinéa de l’article 10 du Règlement, qui prévoit le remplacement, dans cette hypothèse, selon la même procédure, n’a jamais été interprété comme imposant la convocation d’une nouvelle réunion des présidents de groupes.

III.   Le texte issu des travaux de la commission des Lois

La Commission a adopté cinq amendements, tous déposés par la rapporteure, deux apportant des précisions techniques, les trois autres étant strictement rédactionnels.

Il a été relevé que le mode retenu de répartition des points entre les groupes, basé sur la représentation proportionnelle au plus fort reste, ne correspondait pas à la pratique actuelle. La Commission lui a donc substitué un calcul strictement proportionnel et a précisé que cette répartition était basée sur les effectifs des groupes – ceux figurant au Journal Officiel du jour de la réunion.

La Commission a également pourvu au cas d’égalité parfaite des effectifs de plusieurs groupes parlementaires. Elle a retenu, en pareille hypothèse, le tirage au sort pour déterminer dans quel ordre les présidents des groupes concernés pourront choisir les fonctions qu’ils se réservent.

*

*     *

La Commission est saisie de deux amendements, CL13 de Mme Danièle Obono et CL28 de M. Jean-Christophe Lagarde, faisant l’objet d’une discussion commune.

M. Ugo Bernalicis. Nous proposons d’augmenter le nombre de membres du bureau, et de créer deux collèges, l’un pour la majorité avec la moitié des membres, l’autre pour les groupes minoritaires et d’opposition. Il y aurait trois vice-présidents, deux questeurs et six postes de secrétaires pour la majorité, et autant pour l’opposition.

Nous proposons également de procéder à un tirage au sort s’il y a des difficultés pour pourvoir tous les postes, si tous les groupes ne peuvent pas être représentés. Actuellement, le problème ne se pose pas, mais comme nous modifions aussi le Règlement pour l’avenir, nous devons envisager cette hypothèse car mathématiquement, il peut y avoir plus de vingt groupes d’opposition.

M. Jean-Christophe Lagarde. L’amendement que je présente permet une répartition des membres du Bureau calculée en fonction du système de points.

Le Bureau de l’Assemblée, qui est amené à prendre de nombreuses décisions, rassemble le Président de l’Assemblée nationale, les questeurs, les six vice-présidents et les douze secrétaires.

Notre amendement prévoit simplement que chaque groupe politique puisse présider la séance, l’expérience montrant que la participation aux décisions et à la gestion politique de notre maison n’est pas la même lorsque l’on a un vice-président. Je précise que l’équilibre entre majorité et opposition est maintenu dans le Bureau.

Dans notre esprit, il n’est pas question d’ajouter des postes avec les avantages existants aujourd’hui. Les moyens donnés aux vice-présidents ne sont pas tous nécessaires, et l’indemnité supplémentaire n’est pas indispensable. Il ne s’agit donc pas de réclamer des moyens supplémentaires pour plus de personnes, mais simplement que chaque groupe politique puisse disposer d’un vice-président, et donc présider la séance.

Mme la rapporteure. Ces deux amendements ont pour objet de modifier la composition du Bureau, qui est un organe majeur de notre assemblée. Je ne pense pas que la manière de faire, par le biais d’un amendement à cette proposition de résolution, soit la bonne. Des groupes de travail vont se pencher sur les questions du travail législatif, de l’organisation de l’Assemblée, des droits de l’opposition. C’est dans ce cadre que la réflexion doit être portée. Je vous rappelle que les groupes de travail rassemblent tous les groupes de l’Assemblée, chacun assurant d’ailleurs la présidence de l’un d’eux.

L’amendement de M. Bernalicis augmente mécaniquement le nombre de personnes siégeant au Bureau en ajoutant un poste de questeur, et le divise en deux ensembles : majorité et opposition. En procédant de la sorte, le Bureau serait déséquilibré et ne représenterait plus la configuration politique de l’Assemblée, ce qui est pourtant requis par notre Règlement. Que le groupe majoritaire soit faiblement ou très largement majoritaire, il obtiendrait le même nombre de postes.

Prévoir un nombre pair de questeurs me semble également dangereux, dans la mesure où en cas de partage des voix, le système décisionnaire pourrait être paralysé.

Enfin, ces amendements pourraient constituer une incitation à la multiplication du nombre de groupes dans notre assemblée : chaque groupe pourrait en effet obtenir un poste de vice-président si l’on votait l’amendement de M. Lagarde ; le nombre de postes au Bureau serait multiplié si l’on adoptait celui de M. Bernalicis. Pour toutes ces raisons, je suis opposée à ces amendements.

J’entends les arguments sur le coût financier. Alors que les trois questeurs ont indiqué qu’il fallait être très attentif au budget de l’Assemblée nationale, il ne me semble pas opportun de créer des postes de questeurs ou de vice-présidents qui entraîneront des coûts supplémentaires même si vous avez d’ores et déjà indiqué que les avantages annexes ne seraient pas forcément accordés à ces vice-présidents.

Mme Catherine Kamowski. Ces amendements prévoient de modifier le mode de représentation des groupes. Or c’est l’un des thèmes abordés par les groupes de travail. Même si ces propositions soulèvent de bonnes questions, nous pourrons réfléchir de façon plus cohérente et plus globale lorsque nos collègues nous présenteront le résultat de leurs travaux.

Quelques remarques : s’il y a quatre questeurs, comment les départager en cas de partage des voix ? Cela donnerait de fait un pouvoir renforcé au président, qui serait le seul à déterminer la majorité. Est-ce ce que nous souhaitons ?

La répartition du Bureau en deux groupes, majoritaire et minoritaire ou opposition, aboutit à une gestion quasiment paritaire de l’Assemblée nationale, dans laquelle le fait majoritaire n’a plus sa place. Cela remet en question beaucoup de choses. D’ailleurs, il n’y a pas d’exemples dans notre démocratie d’assemblées délibératives composées d’un nombre pair de membres, car cela donne toujours préséance à la voix du président.

Il est également proposé de procéder par tirage au sort pour désigner les groupes qui pourraient présenter des candidats. Je ne suis pas certaine qu’un tel procédé soit plus démocratique que la désignation du plus jeune ou du plus âgé, qui est de tradition dans nos assemblées.

Le groupe La République en marche ne votera pas ces amendements.

M. Jean-Christophe Lagarde. J’aurais aimé entendre la réflexion de la rapporteure sur l’opportunité de ces amendements. Pendant tout le débat, on va en effet nous expliquer que ce n’est pas le moment d’aborder tel ou tel sujet. Comme le Gouvernement et la majorité décident ce dont on parle et de ce qui est à l’ordre du jour grâce au Bureau, le droit d’amendement permet de provoquer les débats et d’approfondir. J’aurais aimé que la rapporteure s’exprime sur l’opportunité de ne pas reproduire le mode de fonctionnement actuel de notre assemblée, alors qu’elle a complètement changé. La majorité et l’opposition, cela n’existe pas. Il y a des majorités et des oppositions.

J’ai clairement expliqué qu’il ne s’agissait pas pour nous d’augmenter le nombre de personnes ayant droit à des « avantages » qui seraient perçus comme indus à l’extérieur de cette maison. Un vice-président gagne 1 000 euros de plus par mois, a une secrétaire en plus, un bureau un peu plus grand, et une voiture de fonction avec chauffeur. Est-ce nécessaire pour présider la séance ? Je ne le crois pas. Je précise que ces 1 000 euros de plus par mois étaient attribués avant l’entrée en vigueur du mandat unique... Puisque vous cherchez à faire des économies, faisons-les, de façon transparente. Les députés rentrent de séance en taxi, le vice-président en voiture avec chauffeur, pourquoi ?

Mme Cécile Untermaier. Le groupe de la Nouvelle gauche considère que l’amendement de M. Lagarde est extrêmement intéressant. Nous avons bien conscience que sept groupes de travail ont été mis en place, mais tous les députés n’y participent pas, et cet amendement a l’avantage d’engager le débat au sein de la commission des Lois sur ces questions majeures. Majorer le nombre de vice-présidents en réduisant dès à présent les coûts des vice-présidences serait un très bon signe d’ouverture à la participation, puisque nous avons aujourd’hui des majorités et des oppositions. En outre, ce serait une approche raisonnable de ce qui est attendu de nous s’agissant du budget de l’Assemblée nationale, qui ne me paraît pas excessif, mais peu transparent et mal redistribué.

M. Ugo Bernalicis. Vous ne pouvez pas nous dire qu’il faut attendre les résultats des groupes de travail tout en réunissant la commission des lois pour discuter d’un article du Règlement. On peut en effet vous retourner l’argument : pourquoi n’avez-vous pas attendu que les groupes de travail achèvent leur réflexion ? En fait, vous êtes confrontés à un problème pratique, concret, politique que vous souhaitez résoudre sans engager une réflexion plus globale. Ne nous reprochez pas de nous saisir de l’occasion pour proposer des amendements !

Vous dites que notre amendement pose un problème car il donnerait voix prépondérante au président, mais celui-ci est issu de la majorité et le fonctionnement actuel consacre le fait majoritaire. Notre proposition amènera en effet le président à trancher plus souvent, mais pourquoi pas ? Cela l’obligerait à assumer un certain nombre de positions.

Notre amendement ne consacre pas le fait majoritaire, mais travaille à la collégialité de notre assemblée. Si l’on prétend que c’est une maison commune que nous cogérons, alors il ne faut pas fonctionner par coups de force permanents au sein des commissions et du Bureau. Le partage de ces tâches serait de bon augure. Cela étant, je comprends les arguments financiers, et nous pouvons en discuter. Sous-amendons pour réformer à enveloppe constante. Cet élément ne me semble pas constituer le fond du débat.

Par ailleurs, je souscris à de nombreuses remarques de M. Lagarde : nous voterons notre amendement et le sien, qui nous semble aussi aller dans le bon sens.

Mme la rapporteure. Monsieur Lagarde, je crois avoir été assez longue dans mes explications, et ne pas m’être bornée à vous renvoyer aux groupes de travail mis en place par le président de l’Assemblée nationale.

Sur le fond, vous omettez une chose très importante : si l’on attribue un poste de vice-président à chaque groupe présent dans cette assemblée, nous serons mécaniquement obligés, si nous souhaitons que le groupe majoritaire conserve la majorité du Bureau, d’augmenter également le nombre de secrétaires et de questeurs. Si vous voulez aboutir à un Bureau de cinquante personnes, complètement paralysé, c’est votre choix, mais cela pose tout de même un problème évident. Cette Commission n’est pas le lieu approprié pour trancher : il ne faut pas vider les groupes de travail de leur substance, il s’agit de réflexions importantes qui méritent mieux qu’un débat rapide. Ces mesures ont des répercussions en chaîne, un poste par groupe d’opposition impose de s’interroger sur le rôle de l’opposition – quelle opposition, quelle place dans les instances de l’Assemblée ? – et je ne pense pas que toutes ces questions soient traitées dans votre amendement.

M. Philippe Gosselin. Ce système aboutirait à une forfaitisation du poids de l’opposition. L’amendement crée en effet un droit de tirage pour un poste de vice-président par groupe minoritaire, en faisant fi du poids relatif de ces groupes d’opposition ou minoritaires. Je veux bien que, dans un esprit démocratique, les minorités soient toutes représentées, néanmoins, toutes n’ont pas le même poids. Je ne parle pas de la légitimité démocratique, qui, elle, est la même, mais un groupe qui compte une centaine de députés, comme le groupe Les Républicains aujourd’hui, et un autre, qui comprend quinze ou vingt députés, n’ont pas le même poids. On ne peut donc pas se contenter d’un forfait qui serait attribué avec une sorte de droit de tirage. Une réflexion beaucoup plus approfondie est nécessaire, et elle dépasse naturellement le cadre de nos travaux d’aujourd’hui.

La Commission rejette successivement l’amendement CL13 et l’amendement CL28.

Elle examine ensuite l’amendement CL1 de Mme Marie-France Lorho.

Mme Marie-France Lorho. Comme je le disais au préalable, la nature même du scrutin uninominal à deux tours est de laisser un terroir choisir de se donner une représentation qui correspond au mieux à ses désirs. Les attaches locales, les problématiques propres, les débats enracinés dans des réalités concrètes sont des déterminants du vote qui permettent aux Français de ne pas être prisonniers de gangues médiatiques ou partisanes.

Il convient donc que notre assemblée respecte l’essence de ce scrutin, c’est-à-dire la manière dont elle est constituée et d’où provient sa légitimité. Cela vaut pour l’origine de nos mandats.

Considérons leur finalité : il s’agit de représenter la Nation et de faire la loi. De fait, l’absence de tout représentant des députés non inscrits dans la réunion visant à la constitution du Bureau de l’Assemblée nationale note déjà une inclinaison vers une hiérarchisation indue au cœur de la représentation nationale.

J’appelle donc à un sursaut dans cette nouvelle législature afin de remédier à cette discrimination qui n’est pas dans l’esprit de la loi.

Mme la rapporteure. Cet amendement, comme un certain nombre de ceux que vous avez déposés, madame Lorho, traite de la situation des députés non-inscrits. Il est vrai que le fonctionnement de notre assemblée repose en très grande partie sur les groupes de députés qui se retrouvent sur un programme politique. Les députés non-inscrits ne forment pas un ensemble homogène, et il nous semble très compliqué d’attribuer des droits à un tel groupe. On compte aujourd’hui dix-huit députés non inscrits, parmi lesquels sept députés du Front national, un député élu sous la bannière du Rassemblement bleu marine, un député de la Ligue du Sud, un député souverainiste, trois députés Radicaux de gauche, trois députés nationalistes corses, un député inclassable – ancien membre du Modem – et un député qui a quitté le groupe La République en marche.

Vous avez pu constater que cette liste n’est pas homogène, et, sauf à me tromper, il me semble que tous n’accepteraient pas d’être représentés par une personne figurant dans cette liste. Les députés non inscrits sont des députés isolés, qui ne se coordonnent pas et n’ont pas de convergences de vues. C’est pourquoi ils ne sont pas représentés dans ces instances. Je vous rappelle que le Bureau reflète la configuration politique de l’Assemblée, et, à ce titre, les députés non-inscrits n'y ont pas leur place. Il s’agit d’une pratique ancienne – il en a toujours été ainsi sous la IVe et la Ve République. Peut-être que la réflexion autour des députés non inscrits sera abordée dans le cadre des groupes de travail, mais, en l’état, il nous apparaît impossible de leur accorder la place que vous souhaitez. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CL33 de la rapporteure.

Elle en vient à l’amendement CL37 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Dans la proposition de résolution, il est indiqué : « L’ensemble des postes représente un total de 35,5 points, qui est réparti entre les groupes à la proportionnelle au plus fort reste. » Or l’indication du plus fort reste ne se justifie pas, considérant que nous ne parlons pas de répartir des postes, mais des points. Nous vous proposons donc de supprimer cette mention.

M. Jean-Christophe Lagarde. Il serait utile de faire quelques projections pour s’assurer qu’on aboutit aux mêmes résultats.

Mme la rapporteure. On aboutit à des points, avec des décimales ; c’est la pratique actuelle.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL30 de la rapporteure.

Elle examine ensuite l’amendement CL38 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement apporte une précision. Nous assistons en effet à la multiplication des groupes, et il peut arriver que plusieurs groupes aient exactement le même nombre de députés. Nous avons ainsi aujourd’hui un groupe de seize et un autre de dix-sept députés.

Lorsque deux groupes ont exactement le même effectif, nous proposons de procéder à un tirage au sort afin de déterminer l’ordre de choix des postes lors de la réunion des présidents de groupe.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article unique modifié.

Après l’article unique

La Commission examine l’amendement CL21 de Mme Danièle Obono.

Mme Danièle Obono. Cet amendement tend à instaurer la parité exacte au sein des instances de l’Assemblée nationale. Même si nous constatons avec cette législature une augmentation du nombre de femmes à l’Assemblée et au sein du Bureau, il est important que la stricte parité soit appliquée afin que nos institutions soient exemplaires au regard de ce que la loi exige dans un certain nombre de cas.

Mme la rapporteure. Les amendements sur la parité intéressent beaucoup le groupe La République en marche. Notre groupe est d’ailleurs quasiment paritaire, avec 48 % de femmes élues, et c’est là l’une de nos grandes fiertés.

Nous avons également réalisé la parité pour les présidences de commission, ce qui ne s’était jamais fait, et au sein du Bureau. Tous, dans cette commission, partageons l’objectif d’atteindre une réelle parité et une réelle mixité dans toutes les instances de l’Assemblée.

Certes, cette question doit avoir sa place dans le cadre de la réforme engagée, pour atteindre dans toutes les instances et dans toutes les composantes de notre assemblée cet objectif de parité de façon stricte. Peut-être que la solution consisterait à créer un article préliminaire sur la parité plutôt que de prévoir des objectifs insérés dans diverses dispositions de notre Règlement, comme c’est actuellement le cas.

Cela étant, pour en revenir au cadre limité qui est le nôtre ce matin, nous souhaitons favoriser un accord entre les groupes. Trop contraindre cet accord avec des principes très stricts pourrait nous détourner de notre objectif et empêcher l’obtention de cet accord. La mention actuellement prévue selon laquelle nous nous efforçons d’obtenir la parité me paraît donc suffisante.

M. Philippe Gosselin. On ne peut que souscrire à l’objectif de parité et vouloir aller plus loin, cela ne me pose aucun problème, mais il se présente ici deux limites techniques. Le Bureau est constitué par consensus, ce qui signifie que la parité, comme tout autre critère d'ailleurs, pourrait être délicate à instaurer. La répartition se fait aussi en fonction du poids des groupes ; le groupe majoritaire exprime ses choix en premier et, s’il est peu paritaire, c’est avec les groupes minoritaires ou d’opposition que la parité devrait s’établir, ce qui contraindrait leurs choix. Ensuite, en cas d’impossibilité de parvenir à un consensus, la désignation se fait, pour chaque poste, non par un scrutin de liste mais par un scrutin plurinominal majoritaire. Imposer la parité dans ce cadre annulerait toute liberté de présentation et de vote.

Mme Catherine Kamowski. Je souscris à ce que vient de dire aussi bien Mme la rapporteure que M. Gosselin. La parité doit être un principe érigé, mais plutôt dans une déclaration liminaire. Son application telle que proposée là nous semble trop rigide, alors que nous nous efforcerons de fluidifier le fonctionnement de notre assemblée, de le rapprocher des pratiques que l’on devrait trouver normales au XXIe siècle. Nous sommes favorables au renforcement de la parité mais pas dans un cadre aussi contraint.

M. Ugo Bernalicis. Alors que la parité fait partie des sujets sur lesquels nous sommes d’accord, nous allons attendre avant de trancher. En décidant tout de suite, nous pourrions gagner du temps pour nous concentrer sur les points de désaccord.

J’entends, du côté des élus LR, que c’est une bonne idée mais que les femmes sont un frein au consensus…

M. Philippe Gosselin. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, c’est de la petite polémique !

M. Ugo Bernalicis. Se discipliner et s’astreindre à des règles, dans le but de la parité, ce n’est pas un frein au consensus ou à la liberté. À défaut, nous retomberons dans les mêmes travers que d’habitude et ce sont des hommes qui occuperont tous les postes.

M. Jean-Christophe Lagarde. Tout le monde peut partager l’objectif mais le véhicule n’est pas praticable. Si vous voulez une parité complète dans toutes les instances de l'Assemblée nationale, il faut changer le mode d’élection : scrutin binominal, comme pour les élections départementales, ou proportionnelle intégrale. On a instauré la parité sans vous attendre, dans les conseils municipaux, les conseils départementaux, les conseils régionaux, et on a parallèlement imposé la parité dans l’Assemblée. À défaut, si un groupe est composé très majoritairement d’hommes ou de femmes, c’est le choix des électeurs. Nous avons présenté autant d’hommes que de femmes mais toutes nos candidates n’ont malheureusement pas été élues. Il faut donc, par le biais du scrutin, faire en sorte que, sur 577 sièges, 288 ou 289 soient occupés par des femmes.

M. Erwan Balanant. L’objectif est louable et en partie réalisé par les pratiques de certains partis à l’Assemblée. Comme M. Lagarde, je pense que ce qui peut maintenant nous permettre d’aller plus loin, c’est la proportionnelle intégrale.

Dans la pratique, certains sont plus vertueux que d’autres. Le groupe La France insoumise de Mme Obono et M. Bernalicis n’est pas paritaire. Ils sont loin d’être les plus efficaces en la matière.

M. Gosselin n’a pas laissé entendre que les femmes seraient un frein ; la parité peut en être un. On peut parfaitement imaginer, et je souhaite qu’on le voie un jour, que certaines instances comptent plus de femmes que d’hommes.

Mme Danièle Obono. On peut bien sûr se satisfaire que les choses avancent mais nous savons que, si nous devions attendre une évolution consensuelle des pratiques sur ces questions, nous attendrions une centaine d’années pour une égalité parfaite. Je suis d’accord, il faudrait instituer la proportionnelle, et nous ferons des propositions en ce sens quand le sujet se présentera, mais nous discutons ici des instances de l’Assemblée et il ne nous semble pas que proposer la parité, au consensus, soit un carcan intolérable.

Mme la rapporteure. Il s'agit beaucoup de pratique. Notre Bureau est actuellement paritaire car c’était une volonté forte de notre mouvement. Les présidences de commission le sont également. Même si le choix final revient aux électeurs, en investissant des femmes dans des circonscriptions gagnables, La République en marche a atteint 48 % de députés femmes et La France insoumise 41 %, contre 36 % pour le Modem et 23 % pour Les Constructifs. Il faut peut-être vous interroger sur le choix des circonscriptions plus que sur le mode de scrutin.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je vous donne rendez-vous aux prochaines élections, madame la rapporteure, pour voir le degré de parité que vous atteindrez. Des modes de scrutin différents donnent des résultats différents. Le scrutin binominal a permis la parité au niveau départemental. Je serais curieux de voir quelle sera la proportion de femmes au sein du groupe La République en marche au Sénat.

La Commission rejette cet amendement.

Elle examine ensuite l'amendement CL22 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. L’amendement se lit comme suit : « Le Bureau détermine par un règlement intérieur le fonctionnement de la crèche mise à disposition pour les enfants de député ou députée, des fonctionnaires, des collaborateurs et collaboratrices, et de tout agent employé par les services administratifs de l’Assemblée nationale. »

C’est un sujet qui devient d’autant plus important du fait du rajeunissement des députés, mais qui l’a toujours été compte tenu du rythme de travail de l'Assemblée nationale. L’Assemblée a un salon de coiffure, un bureau de poste, une salle de sport, une buvette, des restaurants, mais rien pour les enfants, si ce n’est une allocation mensuelle de 309,18 euros pour la garde des enfants de moins de trois ans. Je pense qu’une crèche aurait dû être ouverte depuis longtemps, ne serait-ce que parce qu’il n’y a pas que les députés qui travaillent à l'Assemblée nationale.

Mme la rapporteure. Ce sujet ne relève pas du Règlement. Le nouveau collège de questeurs a demandé aux services de l’Assemblée de procéder à une évaluation des besoins en la matière et de réaliser une étude de projet, actuellement en cours. Attendons cette étude.

Je vous signale que la question n’est pas nouvelle. Elle s’est notamment posée en 1988 : une étude avait été lancée alors auprès des fonctionnaires de l’Assemblée pour connaître leurs besoins à ce sujet. Or très peu d’entre eux avaient manifesté un intérêt pour cette proposition, compte tenu, d'une part, des horaires de travail non seulement très atypiques mais aussi très incertains, et, d'autre part, de l’éloignement des domiciles. C’est pourquoi le choix a été fait, par décision de questure en novembre 1988, de créer une allocation pour frais de garde. Cette allocation, d’abord versée aux fonctionnaires et collaborateurs, a été étendue aux députés en 1992.

En outre, il serait très coûteux d’installer une crèche à l’Assemblée, compte tenu des conditions réglementaires strictes présidant à ce lieu, et du niveau très élevé des frais de fonctionnement du fait de l’amplitude horaire.

Enfin, je considère que le versement d’une allocation permet à chacun de choisir le mode de garde le mieux adapté à sa situation, notamment géographique : de nombreux députés sont élus de province et ne bénéficieraient donc pas de cette crèche. Selon les derniers chiffres de juin 2017, l’allocation est versée à dix-sept députés, dont seulement quatre résident à Paris. En outre, sur 186 collaborateurs de députés ou de groupes politiques touchant l’allocation, seulement quarante-six habitent à Paris, et sur les soixante et un fonctionnaires et contractuels susceptibles d’être concernés, vingt-sept habitent à Paris.

Mais, encore une fois, le collège des questeurs a lancé une étude sur l’opportunité d’une telle création et les décisions adéquates seront prises le moment venu.

M. Erwan Balanant. C’est un vrai sujet, qui dépasse d'ailleurs la garde des enfants et touche à la conciliation des temps de vie. Députés, collaborateurs parlementaires, fonctionnaires de l’Assemblée, nous avons un mode de travail hors norme, aberrant, et ce n’est pas acceptable. J’ai discuté avec un responsable des ressources humaines d’une grande entreprise qui m’a dit que, s’il était RH chez nous, soit il présenterait sa démission soit il demanderait que tout soit revu. Il faut tout revoir. Ce n’est pas aujourd'hui que nous le ferons mais dans le cadre des groupes de travail, où la question du temps parlementaire doit être primordiale. Nous ne pouvons pas continuer avec les séances de nuit jusqu’à trois ou quatre heures du matin. Ce n’est pas possible, non que nous soyons fainéants mais tout simplement parce qu’il y a des temps de travail, des périodes dans lesquelles nous sommes bien plus productifs, et qu’il faut pouvoir concilier vie personnelle et familiale et travail. Les députés ne sont pas des salariés mais il y a dans cette maison des gens qui le sont. C’est aussi un enjeu d’efficacité. C’est un sujet que nous ne réglerons pas forcément par de l’argent mais par une refonte de nos temps de travail.

S'agissant de cette allocation pour les enfants de moins de trois ans, pourquoi cette limite ? Des enfants de quatre, cinq, six ans ou au-delà jusqu’à leur autonomie, posent le même genre de difficultés.

Mme Catherine Kamowski. Nous devons réfléchir à l'ensemble de l’organisation du travail de l'Assemblée nationale. La parité est plus grande que par le passé et les enfants ne sont plus nécessairement gardés par des mamans qui ne travaillent pas. Il est certain que nous devons adapter notre organisation aux nouvelles conditions de vie des hommes et des femmes qui représentent la nation ou travaillent à l’Assemblée. Cela dit, il est évident qu’une crèche ne règle pas tout et qu’il faut plutôt revoir notre fonctionnement dans son ensemble. C’est pourquoi nous ne voterons pas cet amendement en l’état, car le sujet s’inscrit dans une réflexion plus large sur l’organisation de la semaine, voire de la session, à l’ordre du jour des groupes de travail.

Mme Danièle Obono. Il peut y avoir une indemnité financière et en même temps un lieu d’accueil des jeunes enfants des députés mais aussi de leurs collaborateurs et du personnel, voire du personnel d’autres institutions se trouvant à proximité. Ce type de structure existe dans d’autres institutions, comme au Sénat ou au Parlement européen, et dans les grandes entreprises. Nous devrions nous inspirer de ces expériences.

Mme la rapporteure. Je n’ai pas cherché à éluder la question, je vous en ai présenté un bref historique pour montrer qu’elle n’est pas nouvelle et vous expliquer pourquoi elle a donné lieu à une allocation plutôt qu’à une crèche. Les questeurs ne l’éludent pas non plus puisqu’ils ont lancé une étude. Si celle-ci conclut à la faisabilité du projet, je ne doute pas qu’ils prendront les bonnes décisions. Je rejoins M. Balanant sur la réflexion à conduire au sein des groupes de travail sur l’organisation de nos travaux.

La Commission rejette cet amendement.

Elle examine l'amendement CL27 de M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Il s'agit de veiller à ce que tous les groupes politiques puissent au moins observer la gestion matérielle et financière de notre maison. On entend souvent dire, à l’extérieur, que les députés coûtent trop cher. Le résultat, et vous y avez contribué cet été par la loi, c’est la restriction de ce qui permet aux députés d’exercer leur mandat. Pardon de dire, cependant, que ce ne sont pas les députés qui coûtent le plus cher dans cette maison, mais l’infrastructure : des décisions prises dans la plus parfaite opacité par seulement deux groupes, le principal groupe majoritaire et le groupe d’opposition le plus nombreux, et ce depuis toujours.

Au cours de mes trois mandats, j’ai vu les travaux se multiplier. Par exemple, dans les bureaux que j’occupais il y a quelques mois, qui venaient d’être intégralement remis à neuf, au deuxième étage du Palais Bourbon, au-dessus du bureau de poste, des travaux ont été refaits cet été pour accueillir des vice-présidents, alors que ces locaux étaient parfaitement adaptés aux besoins d’un député, fût-il vice-président. Le gaspillage d’argent dans cette maison est invraisemblable. Depuis des décennies. Je souhaite donc que tous les groupes parlementaires soient informés des décisions de la questure. Cela réglerait une large partie du problème évoqué tout à l'heure sur le nombre de questeurs. Quand seulement trois personnes, de deux groupes, décident de la dépense, cela ne peut manquer de créer des problèmes de contrôle. Si nous voulons être vertueux et efficaces, chacun devrait pouvoir s’informer et contester devant le Bureau l’opportunité de telle ou telle dépense publique.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Le souhait d’économies est partagé par nos trois questeurs actuels, qui ont indiqué qu’ils travaillaient à une réduction du budget de l’Assemblée. Par ailleurs, les questeurs ne sont pas hors sol : ils sont membres du Bureau, exerçant sous l’autorité de celui-ci et rendant des comptes. Ils remettent notamment un rapport.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je suis surpris, madame la rapporteure. On a entendu parler, fort légitimement, de transparence et vous êtes en train de nous dire que la demande d’information, donc de transparence, sur les décisions des trois questeurs, représentant deux groupes, doit être rejetée. Les bras m’en tombent. Ma demande ne coûte rien.

Toutes les décisions ne sont pas soumises au Bureau ni ne figurent au rapport. Il y a même une commission d’apurement des comptes de l'Assemblée nationale, mais c’est un travail purement comptable. Un député ne peut-il pas demander la justification d’une dépense publique ? On a expliqué tout l’été que les dépenses publiques devaient être justifiées, et elles le sont, même celles, depuis les travaux de M. Dosière, du Président de la République, et les trois questeurs de l’Assemblée n’auraient pas à se justifier vis-à-vis de leurs collègues ? Les travaux en cours dans l’Assemblée, les véhicules que l’on décide d’acheter, la façon dont on les revend, la répartition des meubles, tout cela se décide dans la plus parfaite opacité. Je demande de la transparence et je pensais que vous partageriez ce souci.

Mme la rapporteure. Je le partage et j’ai indiqué que les questeurs rendaient des comptes.

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est faux.

Mme la rapporteure. Ils sont membres du Bureau, produisent un rapport annuel sur leur budget, qui fait plus d’une centaine de pages, et rendent compte devant une commission spéciale chargée de vérifier et d’apurer les comptes, composée de députés.

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est purement comptable.

Mme Naïma Moutchou. M. Lagarde balaie d’un revers de main le rôle de la commission spéciale chargée d’apurer les comptes. Je ne sais pas si c’était une chambre d’enregistrement avant mais je fais partie de cette commission et nous n’entendons pas avoir un simple rôle comptable. Nous nous intéresserons en particulier à la fonction de la questure et nous exercerons un véritable contrôle.

La Commission rejette cet amendement.

Elle examine ensuite l'amendement CL2 de Mme Marie-France Lorho.

Mme Marie-France Lorho. Je sors de ma réflexion sur les députés non inscrits mais j’y reviendrai dans les amendements suivants.

L'article 19 de notre Règlement dispose du nombre d'élus nécessaires à la constitution d'un groupe politique. Il a été régulièrement révisé afin de faire décroître le seuil permettant leur constitution. Je vous fais quelques citations de la fiche numéro 22 du site de l'Assemblée nationale sur les groupes : « Les groupes disposent, pour assurer leur fonctionnement, d'une dotation financière, qui leur est allouée par l'Assemblée nationale et dont le montant est fonction de leurs effectifs. » Et plus loin : « L'importance des groupes politiques dans la vie de l'Assemblée est symbolisée par l'organisation de leur présence en salle des séances, de la « gauche » à la « droite » du fauteuil présidentiel. »

Il y a sept députés du Front National dans notre assemblée. Je n'ai que peu d'intérêt à les aider puisqu'ils sont nos principaux opposants dans ma quatrième circonscription du Vaucluse, et pourtant je pense que c'est la logique démocratique qui veut qu'un mouvement ayant une telle audience puisse bénéficier d'un groupe à l'Assemblée nationale.

Je vous propose donc que l'Assemblée protège le scrutin uninominal à deux tours en offrant à des mouvements politiques une capacité de représentation réelle au sein de l'Assemblée. Abaisser ce seuil serait à l'honneur de la majorité.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. La question du nombre de députés minimal pour former un groupe a régulièrement été évoquée et a conduit à l’abaissement de ce seuil à quinze lors de la dernière réforme du Règlement en 2009. Pourquoi sept, chère collègue ?

La Commission rejette cet amendement.

Elle examine l'amendement CL10 de Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. Notre Règlement rend possible le détournement des règles. Un groupe majoritaire pourrait très bien inviter certains de ses membres à former un groupe qui se déclarerait d’opposition. Cet amendement vise à prévenir ce type de détournement. Pourrait être considéré d’opposition un groupe dont la majorité des membres voteraient la question de confiance ou de la même manière le PLF et le PLFSS. Il s'agit donc de compléter l'article 19 du Règlement par une définition plus précise des groupes d’opposition.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. C’est à la suite de la décision du Conseil constitutionnel que vous avez invoqué tout à l'heure qu’une réforme a été adoptée à l'Assemblée nationale en 2009 pour revenir aux définitions actuelles. Votre amendement est susceptible en outre d’introduire une instabilité temporelle de la notion de groupe, qui va à l’encontre de la nécessaire stabilité au sein des différentes instances et dans l’exercice des différents droits afférents. Un groupe de travail est chargé de travailler sur les droits de l’opposition car ces questions sont très importantes ; c’est dans ce cadre que la réflexion doit avoir lieu.

M. Olivier Dussopt. Je déplore l’avis défavorable de la rapporteure. Nous débattons de la composition du bureau et de l’attribution des responsabilités des uns et des autres en fonction du positionnement des députés dans la majorité ou dans l’opposition – ou dans la minorité, si vous préférez. L’amendement que nous proposons est peut-être celui qui se rapproche le plus du cœur de la résolution que nous examinons.

Je trouve votre position d’autant plus regrettable, madame la rapporteure, que l’argument de l’instabilité, que vous venez d’avancer, ne nous paraît pas valide : en effet, l’amendement que nous proposons permettrait justement de tenir compte des évolutions politiques que peut connaître notre assemblée et du changement de positionnement qu’un groupe peut opérer au fil de l’examen d’un projet de loi de finances ou à l’occasion d’un changement de gouvernement ou d’un remaniement – si un Premier ministre nouvellement nommé fait valoir son droit à une déclaration de politique générale et demande un vote de confiance. C’est aussi pourquoi nous avions prévu de viser à la fois la déclaration de politique générale mais aussi les principaux textes budgétaires. Nous redéposerons cet amendement dans l’hémicycle.

Je saisis l’occasion de cette prise de parole pour revenir en arrière et vous demander, au sujet de la répartition entre plus fort reste et plus forte moyenne, de bien vouloir, d’ici à l’examen du texte en séance publique, nous fournir des simulations et des projections. Si les personnes qui se sont d’ores et déjà livrées à quelques calculs pendant notre séance et à distance ne se trompent pas, le fait de passer d’un système à l’autre aurait un impact sur la répartition des points : le groupe socialiste, auquel j’appartiens, perdrait ainsi un point au profit du principal groupe de la majorité, ce que nous avons du mal à entendre. Disposer de vos projections nous permettrait de comparer les deux modes de calcul proposés et éclairerait nos débats.

Mme la rapporteure. Si je répète que cela ne change rien par rapport à la pratique actuelle, j’entends vos craintes. Nous veillerons à clarifier les choses en séance.

La Commission rejette l’amendement.

Elle aborde l’amendement CL3 de Mme Marie-France Lorho.

Mme Marie-France Lorho. L’article 51-1 de notre Constitution dispose que le règlement de chaque assemblée détermine les droits des groupes parlementaires constitués en son sein et qu’il reconnaît des droits spécifiques aux groupes d’opposition de l’assemblée intéressée ainsi qu’aux groupes minoritaires. Notre Constitution n’impose donc pas d’impossibilité de siéger dans plusieurs groupes.

L’avant-dernier alinéa de l’article 19 de notre Règlement pousse, lui, à la formation de groupes politiques en fonction des cohérences partisanes. Pourtant, sous la IIIe République, on vit s’unir un « groupe progressiste » et un groupe monarchiste qui fit partie du groupe de l’Union des droites. À l’époque, on pouvait donc participer à des groupes en fonction de stratégies politiques temporaires tout en conservant ses convictions propres ou encore réunir des partis de gauche autour d’idées communes – bref, constituer une unité dans le respect des diverses identités intellectuelles et morales. Nous devrions permettre ces intégrations multiples.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Les notions de principes fondamentaux et d’adhésions multiples entraîneraient vraiment un grand désordre dans notre assemblée. On ne pourrait pas garantir ensuite la représentation de chaque groupe en fonction de l’importance – parfois fictive – qu’il pourrait avoir.

La Commission rejette l’amendement.

Elle étudie ensuite, en discussion commune, les amendements CL14 de M. Ugo Bernalicis et CL15 de Mme Danièle Obono. 

M. Ugo Bernalicis. Ces deux amendements relevant de la même philosophie, je les présenterai ensemble. Il s’agit de renforcer les droits de l’opposition et des groupes minoritaires dans le cadre des niches parlementaires. L’article 39 alinéa 1er de la Constitution consacre un principe d’égalité dans le droit d’initiative législative entre le Gouvernement et le Parlement, sauf que notre mode de fonctionnement actuel conduit plutôt à ce que l’initiative parlementaire – notamment celle des groupes d’opposition – soit résiduelle et marginale.

Nous proposons donc, dans l’amendement CL14, de consacrer un jour de séance supplémentaire par mois aux groupes d’opposition et aux groupes minoritaires et, dans l’amendement CL15, une séance supplémentaire par mois. L’objectif est de laisser davantage de temps à ces groupes pour faire examiner leurs propositions de loi. La majorité a souvent beau jeu de dire que les oppositions ne sont là que pour s’opposer et ne proposent jamais rien – je vous renvoie à toutes nos discussions depuis plusieurs semaines. Le propos est plutôt injuste car les oppositions ont toujours des propositions à faire. Simplement, l’espace pour les défendre n’est pas forcément garanti.

Mme la rapporteure. Vous le savez comme moi, au sein de cette commission, les droits de l’opposition sont parfaitement respectés dans la présentation des amendements. Nous essayons à chaque fois de leur apporter une réponse extrêmement circonstanciée et de nous placer sur le terrain du débat d’idées, plutôt que dans une opposition systématique.

Quant à cette journée mensuelle réservée aux groupes minoritaires, qui existe actuellement au sein de notre assemblée, c’est une très bonne chose. Nous étudierons d’ailleurs cet après-midi un texte qui a été déposé par le groupe Les Républicains dans le cadre de sa journée réservée. Cependant, les multiplier par deux, compte tenu du nombre de groupes existant à l’Assemblée nationale, augmenterait de façon trop importante le nombre de séances réservées. Qui plus est, ce n’est pas nécessairement dans le cadre de ces séances réservées que l’on travaille de la façon la plus pertinente qui soit puisque les textes nous arrivent de façon moins fouillée que lorsqu’on les examine selon la procédure traditionnelle.

La Commission rejette successivement les deux amendements.

Elle en vient à l’amendement CL6 de Mme Marie-France Lorho.

Mme Marie-France Lorho. Il s’agit ici encore d’une proposition tendant à normaliser le rôle des députés non inscrits. L’objectif est d’ouvrir des droits en lien avec la Conférence des Présidents. L’amendement vise l’article 48 du Règlement qui dispose que les demandes d’inscription prioritaires sont transmises à la Conférence. Je propose de compléter cet article afin que les inscriptions soient possibles aussi sur demande d’un représentant des députés non inscrits.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Je m’interroge quant à la capacité des députés non inscrits à se mettre d’accord sur le nom d’un représentant qui pourrait intervenir en Conférence des Présidents. De plus, cela n’aurait in fine aucune influence sur les décisions prises puisque les votes en Conférence sont pondérés en fonction des effectifs représentés.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL24 rectifié de M. Ugo Bernalicis. 

Mme Danièle Obono. Cet amendement propose que l’Assemblée nationale prévoie dans son Règlement la tenue d’un débat préalable à tout Conseil européen. À l’heure où les institutions européennes, et notamment le Conseil européen qui réunit au moins tous les six mois les chefs d’État et de gouvernement des différents États membres de l’Union européenne, tiennent un rôle aussi important, y compris dans la législation française, il importe que la Représentation nationale puisse avoir un débat sur la teneur de ces conseils et que puissent s’exprimer les différents points de vue existant dans le débat public en France. Cela permettra aussi de rendre les problématiques européennes plus concrètes et plus proches des députés et, grâce au rôle qu’ils jouent en circonscription, des citoyens. L’objectif est que ces problématiques n’apparaissent pas comme tombant du ciel depuis Bruxelles et comme n’étant qu’avalisées a posteriori lors de l’examen des lois de transposition et qu’il puisse y avoir une meilleure coordination avec les débats entre l’Assemblée nationale et les institutions européennes.

Mme la rapporteure. J’émets un avis défavorable à cet amendement. Les questions européennes sont d’ores et déjà traitées par notre assemblée, selon plusieurs modalités. Tout d’abord, la commission des Affaires européennes de notre Assemblée est périodiquement en lien avec la commission des Lois précisément pour suivre l’élaboration des règlements européens. Ensuite, en vertu de l’article 50-1 de la Constitution, un débat en séance publique est organisé avant chaque réunion du Conseil européen. Sous la XIVe législature, onze débats de ce type ont eu lieu. Enfin, les dispositions de l’article 48 du Règlement, modifié par la résolution du 27 mai 2009, prévoit qu’une séance, dans le cadre de la semaine de contrôle, est consacrée par priorité aux questions européennes. Les dispositifs actuels m’apparaissent donc suffisants.

M. Philippe Latombe. En fait, madame Obono, votre groupe est violemment anti-européen et cela se voit. Vous rejoignez le Front national. Vous avez décidé de vous dévoiler, ce qui me fait plaisir car pour une fois les choses sont claires.

Notre vision est complètement différente. Nous sommes européens ; nous voyons l’avenir de la France dans l’Europe. Vous voulez absolument exercer un contrôle sur tout ce qui se passe avec l’Union européenne. La rapporteure vient de vous rappeler les règles en vigueur. Il existe une commission chargée des affaires européennes : vous pourrez vous y exprimer. Mais l’amendement que vous proposez aujourd’hui n’est pas recevable.

Mme Danièle Obono. Je suis assez surprise par l’intervention de notre collègue Latombe qui caricature notre amendement et, plus largement, notre position sur les questions européennes. Je rappellerai que nous avons repris ici un amendement qui avait déjà été présenté par le groupe socialiste sur cette question. Je fais moi-même partie de la commission des Affaires européennes : c’est effectivement un cadre de travail important auquel nous participons activement. Mais précisément parce que les questions européennes sont d’importance et que nous ne les sous-estimons pas – au contraire, nous avons énormément de choses à en dire –, il nous semble que l’Assemblée nationale dans son ensemble doit mieux se saisir de ces sujets et en débattre pour éviter des caricatures telles que celle que vient de faire notre collègue.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL25 de M. Ugo Bernalicis. 

M. Ugo Bernalicis. Je crois que M. Latombe a été un peu en avance dans son intervention et que c’était cet amendement CL25 qu’il visait. Je suppose qu’il interviendra à nouveau juste après moi.

Nous prévoyons avec le présent amendement que seuls peuvent être présents dans l’hémicycle notre drapeau national et celui de l’Organisation des Nations unies (ONU). En effet, ces deux drapeaux font consensus entre nous : le drapeau national, évidemment – je n’argumenterai pas sur le sujet – et le drapeau de l’ONU, du fait de notre engagement en tant que pays défenseur de la paix et des droits de l’homme à travers le monde.

Ce n’est pas le cas du drapeau de l’Union européenne pour deux raisons.

La première est juridique. La France adhère au Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et au Traité sur l’Union européenne (TUE) mais ces deux traités n’ont pas repris, à la différence de la proposition de traité constitutionnel de l’époque, l’idée d’introduire dans le droit l’hymne et le drapeau européens. Ce dernier n’a donc plus aujourd’hui de valeur dans les traités auxquels nous sommes parties.

Deuxième raison, nous pensons qu’il y a une difficulté à mettre dans l’hémicycle un drapeau qui ne fait pas consensus entre nous …

M. Philippe Gosselin. À cause des couleurs mariales !

M. Ugo Bernalicis. … surtout au regard du discours du Président de la République sur l’Europe et de la souveraineté européenne qu’il voudrait substituer à la souveraineté nationale. Dans cet hémicycle, nous votons les lois de la République : il faut s’en tenir à cela tant qu’une autre décision n’aura pas été prise.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Il s’agit d’un sujet éminemment politique qu’il n’appartient pas à notre commission de trancher dans le cadre du débat qui nous occupe ce matin. Je pense que le drapeau européen a toute sa légitimité dans notre assemblée ainsi que dans notre commission et suis très fière de pouvoir siéger devant ces deux drapeaux. Il ne faut pas modifier cet équilibre. (Applaudissements.)

M. Erwan Balanant. Ce que nous venons d’entendre dans la bouche de notre collègue Bernalicis est grave. Cela dévoile le terrible double discours de La France insoumise sur les questions européennes. Le drapeau européen – ici présent de même que dans l’hémicycle – est également au fronton de toutes les mairies de France et de tous les bâtiments publics français. L’Europe est un projet que nous avons embrassé, qui nous a permis d’être en paix depuis la sortie du terrible conflit de 1939-45. On ne peut pas déposer un tel amendement – peut-être pour faire un peu de buzz – sur un sujet si grave. Un drapeau est un symbole : celui-là représente le choix que nous avons fait. Que l’on discute du mode de fonctionnement de l’Union européenne, pourquoi pas ? Mais il me semble dommage de remettre en cause ici cet idéal européen alors qu’il est, je pense, partagé par une large majorité des Français. Je le redis : comme votre collègue Jumel aime à le dire, des masques sont tombés aujourd’hui dans cette commission quant aux attentes de La France insoumise à l’égard de l’Europe. Les Français le savent maintenant : la France insoumise n’aime pas l’Europe.

M. Raphaël Schellenberger. Nous sommes en train de modifier le Règlement de l’Assemblée nationale. Nous pourrons – et je pense que ce sera nécessaire tant la question est politiquement importante – avoir un débat sur l’Europe. Élu alsacien, j’aurais bien aimé faire une envolée lyrique sur le sujet mais je crois que ce n’est pas le lieu. Nous sommes à la commission des Lois. Nous pouvons donc faire preuve d’un peu de sérieux et de retenue. Gardons les échanges politiciens pour l’hémicycle. Ils n’ont pas leur place au sein de cette commission, chargée d’examiner les questions constitutionnelles, de séparation des pouvoirs et, en ce qui concerne l’Union européenne, de subsidiarité. Mais sur ce dernier point, le Règlement n’est pas le texte approprié.

Mme Marietta Karamanli. Je m’associe aux propos qui ont été tenus par mes collègues. Au-delà de la question de l’idéal européen, il y a aussi celle de l’identité européenne – identité que je réclame à titre personnel, du fait de ma double appartenance nationale. L’Europe est une réalité, mes chers collègues. Ce n’est pas en supprimant un mot ou un symbole que l’on supprimera cette réalité. L’Europe, ce sont aussi des politiques publiques au service des citoyens et en faveur d’enjeux non seulement nationaux mais aussi internationaux – l’environnement, l’immigration, la lutte contre le crime organisé, la lutte contre le dumping fiscal ou social. On ne supprime pas ces enjeux en supprimant un mot ou un drapeau, sauf à refuser le principe même de la coopération et de la coordination. Tous ceux qui sont attachés à la démocratie sont attachés à cette coopération. Je regrette qu’avec votre amendement, vous remettiez vraiment en cause la démocratie.

M. Sacha Houlié. Je serai bref car la polémique déclenchée ne me paraît pas à la hauteur du débat ni de notre hémicycle ni de notre Nation qui, dois-je le rappeler, est quand même l’un des pays fondateurs de l’Union européenne. Je ne m’attendais pas à voir La France insoumise être la première à se draper dans le drapeau français. J’en suis donc le premier déçu.

Quant au drapeau européen, vous n’ignorez pas qu’il fait consensus au sein de notre groupe : nous nous sommes présentés comme la majorité refondatrice de l’Union européenne. C’est le message que nous avons souhaité porter et qui a été validé, en dépit de tous les conservatismes et de toutes les forces réactionnaires qui s’y sont opposés, dans la campagne que nous avons menée.

Je vous rappellerai également, puisqu’il est question de souveraineté, que la meilleure façon d’exercer sa souveraineté est de le faire à l’échelle la plus pertinente – et c’est bien celle de l’Union européenne.

Enfin, je vois que M. Mélenchon est cosignataire de cet amendement. Je me demande s’il était si dérangé par le drapeau de l’Union européenne lorsqu’il recevait ses fiches de paie au Parlement européen.

La Commission rejette l’amendement CL25.

Elle étudie l’amendement CL20 de M. Ugo Bernalicis. 

Mme Danièle Obono. Cet amendement vise à réorganiser les horaires de travail des députés à l’Assemblée nationale en mettant fin aux séances de nuit trop tardives, pour plusieurs raisons. D’abord, parce que nous considérons que le travail de nuit doit être très encadré par le droit du travail. Ensuite, parce que si nous estimons que le travail de député nécessite une implication quotidienne et certains aménagements, les réalités familiales mais aussi physiologiques sont telles qu’un travail aussi intensif et dans la nuit s’effectue au détriment de la clarté des propos et de la bonne tenue de nos réunions, en commission comme en séance. C’est pourquoi, en gardant la même charge de travail, nous proposons un réaménagement des horaires pour permettre de mieux équilibrer les rythmes de vie, et de rendre plus fluides et plus clairs les débats au sein de notre assemblée.

Mme la rapporteure. Avis défavorable pour les raisons déjà évoquées. Je considère également, à titre très personnel, que nos horaires de travail sont assez « originaux ». Mais cette question doit être traitée dans le cadre d’une réflexion plus large sur l’organisation de notre semaine et de notre mois de travail parlementaires. Je la renvoie donc au groupe de travail consacré à nos conditions de travail.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL5 de Mme Marie-France Lorho.

Mme Marie-France Lorho. Nous sommes en début de session et la vaillance permet à beaucoup de siéger encore même jusque tard dans la nuit. L’expérience montre cependant que plus on avancera dans la législature, plus cette portion deviendra congrue. Pire, les textes les plus délicats ont mobilisé, lors de la dernière législature, les députés en des quantités équivalentes, entre membres d’un groupe et non-inscrits. Aussi, je propose une réforme visant à renforcer l’équité de fonctionnement de notre assemblée.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Je ne reviendrai pas sur l’hétérogénéité des non inscrits qui les empêche de mener un front commun et de constituer un groupe. Par ailleurs, ce que vous proposez créerait une inégalité puisque cinq députés non inscrits pourraient demander un scrutin mais pas cinq députés d’un groupe.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL23 de Mme Danièle Obono. 

Mme Danièle Obono. Cet amendement vise à créer une commission qui aurait pour tâche de lutter de manière déterminée et systématique contre tous les comportements sexistes, racistes et homophobes. Malheureusement, notre institution, comme d’autres, n’est pas immunisée contre ce type de comportements problématiques. Elle a connu sous la dernière législature des épisodes caractérisés par des comportements inacceptables, y compris en séance publique. Dans le cadre de travail de notre assemblée, dans les rapports hommes-femmes et dans d’autres rapports, ce type de comportements est malheureusement encore très fréquent. C’est pourquoi nous pensons que l’Assemblée nationale doit se montrer exemplaire en mettant en place une commission qui serait accessible aux victimes de tels comportements et qui assurerait un suivi des cas et une prise en charge collective de ce problème.

Mme la rapporteure. Je vous remercie pour cet amendement, madame Obono. Je vous informe que toutes ces questions font l’objet d’une attention particulière de l’Assemblée nationale. En 2013 a été mis en place un référent auquel les collaborateurs de député peuvent s’adresser pour évoquer des situations de harcèlement moral ou sexuel. Ce dispositif a été étendu en 2016 aux fonctionnaires et aux députés. Le champ d’action de ce référent pourrait encore être étendu à d’autres situations – comportements racistes, antisémites, xénophobes et homophobes –, mais c’est au Bureau et non à nous de prendre une telle décision. Je tiens néanmoins à souligner à quel point j’apprécie ces discussions : elles nous permettent de constater que sur de nombreux sujets, nous avons des points d’accord.

La Commission rejette l’amendement.

Elle aborde ensuite, en discussion commune, les amendements CL16 et CL18 de M. Ugo Bernalicis et CL17 et CL19 de Mme Danièle Obono. 

M. Ugo Bernalicis. Ces amendements visent à introduire un procédé contradictoire dans le fonctionnement de l’Assemblée nationale.

Comme je l’ai expliqué, lorsqu’un amendement est déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution ou déplacé dans l’ordre de la discussion, il n’existe dans notre règlement aucune procédure cadrée et contradictoire pour régler les potentielles situations de litige. L’auteur de l’amendement est confronté à une décision unilatérale à laquelle il est obligé de se soumettre. Nous proposons d’introduire une procédure contradictoire mais aussi de faire évoluer les règles applicables au délai de dépôt des amendements. Tous ces enjeux rejoignent la question du rythme de l’Assemblée nationale et de nos rapports entre députés. L’objectif est de nous permettre de prendre des décisions assumées politiquement plutôt que d’être dans une sorte de fast démocratie, comme au fastfood, où l’on pond des amendements à la chaîne qu’on défend à un rythme effréné.

Mme la rapporteure. Il s’agit presque d’un début de marotte pour M. Bernalicis. (Sourires)

En ce qui concerne l’ordre d’examen des amendements dans la discussion, nous avons avancé : depuis notre dernier échange à ce propos a été mis en place un mécanisme informatique qui permet, y compris pour les dépôts en commission, d’aviser les auteurs d’amendements de leur éventuel déplacement – comme vous l’aviez demandé.

Les autres aspects de vos amendements portent sur des problèmes non pas politiques mais techniques. Or ce que vous proposez d’instituer aurait précisément pour effet de politiser ces problèmes techniques : je ne suis pas sûre que ce soit pertinent. D’autre part, cela alourdirait le fonctionnement de l’Assemblée sachant que, sous la précédente législature, près de 25 000 amendements en moyenne ont été déposés par session. La création d’une commission ad hoc serait donc susceptible de paralyser complètement le fonctionnement de notre institution. Avis défavorable aux quatre amendements.

M. Philippe Gosselin. Au-delà du rappel politique d’événements passés, vous formulez des propositions intéressantes visant à modifier les modalités d’organisation de nos travaux. Si l’intention est bonne, il convient de veiller à ne pas alourdir le système au point de provoquer un blocage. Je ne suis pas pour la fast démocratie : je fais partie de ceux qui pestent régulièrement au motif que nous subissons des procédures accélérées ayant pour effet d’édulcorer nos débats. Pour autant, si on allonge les délais de dépôt des amendements de façon inconsidérée en appliquant systématiquement un principe du contradictoire et de motivation de l’irrecevabilité, j’ai peur que les services de l’Assemblée nationale et notre propre travail de parlementaires n’en subissent de fâcheuses conséquences, le mieux étant l’ennemi du bien.

La Commission rejette successivement les amendements CL16, CL18, CL17 et CL19.

La Commission examine ensuite l’amendement CL4 de Mme Marie-France Lorho.

Mme Marie-France Lorho. L’article 126 du règlement de notre assemblée dispose des conditions d’adhésion aux traités de l’Union européenne. La légitimité née d’un scrutin n’est pas sécable : on ne peut pas la morceler. On ne devrait pas le faire en consentant à des abandons de souveraineté, on ne devrait pas contraindre sa perte en imposant aux députés n’appartenant pas à un groupe de ne pas avoir la parole.

Dans le cadre actuel, et je le regrette terriblement, les groupes politiques correspondent aux partis. Vous le savez, les Français sont toujours plus nombreux à ne pas se reconnaitre dans les partis politiques. Ce fut d’ailleurs un sujet de campagne de la majorité.

Devenu majoritaire, En Marche ! devrait se souvenir quelle remise en cause l’a porté au pouvoir. Ainsi, ajouter à notre règlement une possibilité d’intervention pour les députés non inscrits en cas d’adhésion à un traité de l’Union Européenne serait bien le moins.

Ce temps n’est pas toujours accordé, les plus anciens élus le savent. Alors ne laissons pas les Français sans adhésion à un groupe parlementaire sans voix.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

La Commission examine ensuite, en présentation commune, les amendements CL7 et CL8 de Mme Marie-France Lorho.

Mme Marie-France Lorho. Je vais défendre conjointement le CL7 et le CL8.

Je sais qu’au sein de cette commission, nous sommes quelques-uns à être des néophytes. J’avais eu le témoignage de Jacques Bompard, mais je dois admettre que je croyais à une exagération dont les Provençaux sont parfois coutumiers. Mais non, l’article 133 du règlement de l’assemblée nationale laisse quasiment les députés non inscrits noyés dans des semaines et des semaines où ils ne peuvent intervenir.

Faut-il comprendre qu’une circonscription qui élit un non inscrit doit bénéficier de moins de droit d’interpellation du Gouvernement ? Compterait-elle alors moins aux yeux de l’État ? Ce serait une drôle de survivance des ordres de la Convention contre les territoires qui ne lui plaisaient pas.

Nous en avons gardé un souvenir très douloureux à Orange. Pour revenir à du plus prosaïque : la démocratie parlementaire pour les non-inscrits revient à la course à qui répondra le plus rapidement à un courriel envoyé par les services. Des dizaines d’assistants s’écharpent à envoyer un courriel à la microseconde. Est-ce vraiment sérieux dans un pays comme la France ?

Mme la rapporteure. Comme pour les amendements que vous avez précédemment présentés, je soulignerai à la fois le manque d’équité du dispositif que vous proposez vis-à-vis des autres députés qui seraient, eux, inscrits dans un groupe. Avis défavorable.

La Commission rejette successivement les deux amendements.

La Commission examine ensuite l’amendement CL29 de Mme Marie-France Lorho.

Mme Marie-France Lorho. L’absence d’un encadrement clairement défini dans l’attribution des présidences de groupes d’amitié est particulièrement surprenante. À ce titre, je m’étonne que tous les groupes dont nous avons la possibilité de devenir membre n’aient tous été dotés d’un président à leur tête… À l’échelle diplomatique, ces groupes sont la marque du regard respectueux que pose la France sur ses voisins à l’international et, lorsqu’il est nécessaire, du soutien que notre assemblée octroie à des pays en proie à des périls spontanés.

Forte de la mission diplomatique qui lui est ainsi accordée, notre assemblée ne peut réduire l’attribution de la présidence de ces groupes à la seule aune de la tâche administrative – en l’occurrence, d’une décision du bureau de l’assemblée dont les modalités manquent de transparence.

Mon amendement propose de faire la lumière sur les modalités d’attribution des groupes d’amitié. Il dispose aussi que les non-inscrits puissent bénéficier de la présidence de l’un de ceux-ci. Au même titre qu’il est légitime que les non-inscrits bénéficient d’un temps de parole dans l’hémicycle, il serait plus que légitime que puisse leur être confiée une telle mission.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

La Commission examine ensuite l’amendement CL11 de Mme Obono.

Mme Danièle Obono. Cet amendement proposait une date d’entrée en vigueur de nos propositions sur cet article. Mais, comme elles n’ont pas été adoptées, je le retire.

L’amendement est retiré.

Intitulé de la proposition de résolution

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL36 de la rapporteure.

Puis la Commission adopte l’ensemble de la proposition de résolution modifiée.

*

*     *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de résolution modifiant le Règlement de l’Assemblée nationale (n° 259), dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 


([1]) Voir le compte rendu de la séance publique du mercredi 28 juin 2017 (Assemblée nationale) : http://www.assemblee-nationale.fr/15/cri/2016-2017/20170125.asp

([2]) Le Bureau du Sénat comprend, depuis 2009, vingt-six membres : le président, huit vice-présidents, trois questeurs et quatorze secrétaires.

([3]) Au Sénat, la répartition se fonde, depuis la réforme du Règlement de 2009, sur deux listes établies par les présidents de groupes, l'une pour les candidats aux fonctions de vice-président et de questeur, l'autre pour les candidats aux fonctions de secrétaire. Ces deux listes sont constituées selon la représentation proportionnelle des groupes au plus fort reste. Un droit d’opposition est ouvert à tout sénateur contre l’une ou l’autre de ces listes, pour inapplication de la représentation proportionnelle ; il peut conduire, après débat contradictoire en séance, les présidents de groupes à présenter une nouvelle liste.

([4])  Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, les « groupes parlementaires » sont consacrés à l’article 51-1 de la Constitution, dont la première phrase dispose que « le règlement de chaque assemblée détermine les droits des groupes parlementaires constitués en son sein ». À la lecture de la décision du Conseil constitutionnel du 28 février 2013, il apparaît que ces nouvelles dispositions n’ont pas eu pour effet de priver les groupes parlementaires du bénéfice des dispositions de l’article 4 qui leur garantit, sur le modèle des partis et groupements politiques, la liberté de leur formation et de l’exercice de leur activité – Décision n° 2013-664 DC du 28 février 2013, Résolution tendant à modifier le Règlement de l’Assemblée nationale afin d’instaurer la faculté, pour les groupes politiques, de se doter d’une coprésidence paritaire.

([5])  Le nouvel article 51-1 dispose également que le Règlement « reconnaît des droits spécifiques aux groupes d’opposition de l’assemblée intéressée ainsi qu’aux groupes minoritaires ». Depuis 2009, le Règlement confie à l'opposition la présidence de certaines instances – la commission spéciale chargée de vérifier et d’apurer les comptes de l’Assemblée nationale (article 16) et la commission des Finances (article 39).

([6]) Cette précision, imposée par la pratique, vise à exclure les modifications de dernière minute que les présidents des groupes pourraient être tentés d’apporter.

([7]) Après leur nomination, les vice-présidents, d’une part, et les questeurs, d’autre part, prennent rang dans l’ordre de présentation ou dans l’ordre de leur élection. Les secrétaires sont classés par ordre alphabétique.

([8])  Décision n° 61-12 DC du 30 mai 1961, cons. n° 1. Voir également les décisions suivantes : n° 91-301 DC du 15 janvier 1992 ; n° 2008-570 DC du 6 novembre 2008 ; n° 2009-582 DC du 25 juin 2009.

([9])  L’article 4 de l’Instruction générale du Bureau prévoit que les sièges dans les commissions permanentes et les commissions spéciales sont réparties entre les groupes parlementaires « selon le système proportionnel au plus fort reste ».