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N° 575

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 janvier 2018.

 

RAPPORT

 

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION SPÉCIALE ([1]), CHARGÉE DEXAMINER, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, LE PROJET DE LOI pour un État au service dune société de confiance,

 

 

 

 

 

Par MStanislas GUERINI,

Rapporteur

 

——

 

 

 

 

 

 

 

Voir le numéro : 424.


La commission spéciale est composée de :

 

Mme Sophie Errante, présidente ;

 

Mme Anne-Laure Cattelot, M. Mohamed Laqhila, M. Christophe Naegelen, Mme Véronique Louwagie, vice-présidents ;

 

Mme Sophie Beaudouin-Hubière, M. Dominique Da Silva, M. Philippe Gosselin, Mme Jeanine Dubié, secrétaires ;

M. Stanislas Guerini, rapporteur ;

M. Julien Aubert, M. Ugo Bernalicis, M. Grégory Besson-Moreau, M. Yves Blein, M. Éric Bothorel, M. Fabrice Brun, M. Alain Bruneel, M. Jean-François Cesarini, M. Jean-Charles Colas-Roy, M. Dominique Da Silva, M. Yves Daniel, Mme Laure de La Raudière, Mme Typhanie Degois, M. Julien Dive, M. Bruno Fuchs, M. Claude Goasguen, Mme Carole Grandjean, Mme Véronique Hammerer, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Marietta Karamanli, Mme Stéphanie Kerbarh, Mme Florence Lasserre-David, M. Gaël Le Bohec, Mme Nicole Le Peih, M. Vincent Ledoux, Mme Monique Limon, M. Emmanuel Maquet, Mme Sereine Mauborgne, M. Stéphane Mazars, Mme Monica Michel, M. Bruno Millienne, Mme Sandrine Mörch, M. Jean-Baptiste Moreau, Mme Cendra Motin, M. Éric Pauget, M. Hervé Pellois, M. Stéphane Peu, M. Laurent Pietraszewski, M. Benoit Potterie, M. Bruno Questel, Mme Valérie Rabault, M. Robin Reda, M. Frédéric Reiss, Mme Stéphanie Rist, M. Cédric Roussel, Mme Sabine Rubin, M. Laurent Saint-Martin, M. Olivier Serva, M. Éric Straumann, Mme Sira Sylla, M. Buon Tan, M. Adrien Taquet, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Jean Terlier, Mme Alice Thourot, Mme Huguette Tiegna, M. Stéphane Trompille, M. Nicolas Turquois, Mme Cécile Untermaier, M. Boris Vallaud, M. Arnaud Viala,
M. Jean-Luc Warsmann

 


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   SOMMAIRE

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  Pages

introduction

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DU MINISTRE

II. EXAMEN des articles

TITRE PRÉLIMINAIRE dISPOSITIONS DORIENTATION ET DE PROGRAMMATION

Article 1er Approbation de la stratégie nationale d’orientation de l’action publique pour la France

Après larticle 1er

titre IER une relation de confiance : VERS UNE ADMINISTRATION DE CONSEIL ET DE SERVICE

Chapitre Ier Une administration qui accompagne

Article 2 (articles. L. 123-1, L. 124-1 et L ; 124-2 [nouveaux], L. 552-3, L. 562-3 et L. 572-1 du code des relations entre le public et ladministration) Consécration au profit du public dun droit à lerreur et création dun droit au contrôle

Après larticle 2

Article 3 Droit à lerreur en matière fiscale – Réduction de moitié des intérêts de retard en cas de rectification spontanée

Article 3 bis (nouveau) Non-application en cas de première infraction de lamende prévue pour défaut de souscription ou inexactitudes dns les documents propres aux bénéfices industriels et commerciaux et à limpôt sur les sociétés

Après larticle 3

Article 4 Réduction de 30 % des intérêts de retard en cas de rectification par le contribuable lors dun contrôle fiscal – Inscription dans la loi dune procédure de rescrit lors dun contrôle fiscal

Article 4 bis (nouveau) Élargissement des voies de recours pour les contribuables

Article 4 ter (nouveau) Accessibilité des données de ladministration fiscale relatives aux valeurs foncières déclarées à loccasion des mutations

Article 4 quater (nouveau) Réduction des intérêts de retard en cas de régularisation pour les droits et taxes prévus par le code des douanes

Après larticle 4

Articles 5 et 6 Droit à lerreur en matière de contributions indirectes et droits douaniers

Article 7 Habilitation pour expérimenter une « relation de confiance »

Après larticle 7

Article 8 (articles. L. 8115-1 et L. 8115-4 du code du travail) Avertissement par le système d’inspection du travail

Après larticle 8

Chapitre II Une administration qui sengage

Article 9 (articles L. 312-2, L. 312-2-1 [nouveau], L. 552-8, L. 562-8 et L. 572-8 du code des relations entre le public et l’administration) Publication et opposabilité des circulaires et instructions

Article 10 (articles L. 141-1 [nouveau], L. 552-3, L. 562-3 et L. 572-1 du code des relations entre le public et l’administration) Généralisation de la pratique des prises de position formelles par l’administration

Article 11 Expérimentation de l’approbation implicite des prises de position formelles

Article 12  (articles L. 114-11 [nouveau], L. 552-3, L. 562-3 et L. 572-1 du code des relations entre le public et l’administration) Certificat d’information sur les normes applicables

Article 12 bis (nouveau) Expérimentation de la « cristallisation » des normes comprises dans les certificats d’information

Article 13 (article L. 423-2 [nouveau] du code des relations entre le public et l’administration) Création de comités afin de favoriser le recours aux transactions

Article 14 Renforcement du rescrit douanier

Chapitre III Une administration qui dialogue

Article 15 A (nouveau) Mise en place d’un numéro d’appel non surtaxé par les administrations

Avant l’article 15

Article 15 Expérimentation de la mise en place dun référent unique

Article 15 bis Expérimentation dun référent unique doté dun pouvoir de décision dans les maisons de services au public

Article 15 ter Expérimentation dun dépôt unique dématérialisé de leurs demandes et dun référent unique pour les porteurs de projets dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville

Après larticle 15

Article 16 Expérimentation dune limitation de la durée des contrôles pour les PME

Article 17 (article L. 243-6-7 [nouveau] du code du travail) Création dun médiateur en matière de recouvrement des cotisations et contributions sociales

Article 17 bis (nouveau) Expérimentation dune médiation de dialogue entre entreprises et administrations

Après larticle 17

Article 18 Habilitation du Gouvernement à préciser et à harmoniser la rectification des déclarations en matière de prestations sociales

Après larticle 18

Article 19 Habilitation du Gouvernement à prendre des dispositions expérimentales relatives aux chambres dagriculture

Après larticle 19

Article 20 (articles L. 172-16, L. 521-16 et L. 571-20 du code de lenvironnement ; article L. 161-12 du code forestier)  Transmission systématique à lintéressé du procès-verbal constatant les infractions au code de lenvironnement et au code forestier

Après larticle 20

titre ii VERS UNE ACTION PUBLIQUE MODERNISÉE, simple et efficace

Chapitre Ier Une administration engagée dans la dématérialisation

Article 21 Introduction, à titre expérimental, dune faculté, pour les entreprises, de ne pas communiquer à une administration des informations déjà détenues par celle-ci dans le cadre dun traitement automatisé

Article 21 bis (nouveau) Suppression de lobligation dinformer ladministration du lieu et de la période de la première production dun document dans le cadre du dispositif « Dites-le nous une fois »

Après larticle 21

Article 22 (articles L. 212-2, L. 552-6, L. 562-6 et L. 572-6 du code des relations entre le public et ladministration) Dispense de signature électronique des décisions dématérialisées relatives à la gestion des agents publics

Article 22 bis (nouveau) Report de lentrée en vigueur de la déclaration sociale nominative pour la fonction publique

Article 23 Expérimentation de la suppression des justificatifs de domicile pour la délivrance de titres

Après l’article 23

Article 24 Habilitation à prendre par ordonnance des mesures permettant une expérimentation de la dématérialisation des actes détat civil établis par le ministère des affaires étrangères

Après l’article 24

Article 25 (article L. 521-3-1 du code monétaire et financier et article 21 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de lÉtat) Dons par SMS aux associations cultuelles

Article 25 bis (nouveau) Remise au Parlement dun rapport du Gouvernement sur les obligations comptables des associations cultuelles

Chapitre II Une administration moins complexe

Article 26 Habilitation du Gouvernement à instituer, par ordonnances, un « permis de faire » dans la construction

Après larticle 26

Article 27 (article 70 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et damélioration de la qualité du droit) Abrogation de larticle 70 de la loi du 17 mai 2011

Article 28 Regroupement des établissements denseignement supérieur

Après larticle 28

Chapitre III Des règles plus simples pour le public

Article 29 Expérimentation du « relayage »

Article 30 Habilitation du Gouvernement à alléger, par ordonnance et à titre expérimental, le contrôle des structures des exploitations agricoles

Après larticle 30

Article 31 Expérimentation des demandes en appréciation de régularité dune décision administrative

Article 32 Habilitation pour la simplification des règles de mention et de sanction du taux effectif global – Habilitation pour la simplification du régime de responsabilité des agences de notation de crédit – Suppression du rapport de gestion pour les petites entreprise

Après l’article 32

Article 33 Simplification, à titre expérimental, des modalités de consultation du public concernant des projets dICPE ou soumis à la législation IOTA nécessaires à lexercice dune activité agricole

Article 34 Habilitation à prendre par ordonnance des mesures de simplification pour favoriser notamment le développement des énergies renouvelables

Après l’article 34

Article 35 (articles L. 122-1 et L. 515-29 du code de lenvironnement)  Simplification des modalités de la participation du public imposée par la directive IED en cas de dérogation à loccasion dun réexamen périodique – Simplification des règles relatives à lévaluation environnementale en cas de modification ou dextension dinstallations, douvrages, de travaux ou dactivités existants

Après l’article 35

Article 36 Habilitation à prendre par ordonnances des mesures de simplification et modernisation du régime de lactivité dentrepreneur de spectacles vivants

Article 37 (article L. 541-13 du code de lenvironnement ; articles 19 et 34 de lordonnance n° 2016-1028 du 27 juillet 2016 relative aux mesures de coordination rendues nécessaires par lintégration dans le schéma régional daménagement, de développement durable et dégalité des territoires, des schémas régionaux sectoriels mentionnés à larticle 13 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République) Simplification de la procédure délaboration du SRADDET par mutualisation de lévaluation des anciens plans départementaux des déchets au niveau régional

Après l’article 37

Article 38 (articles 19 et 21 de de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de lÉtat et art. 18-2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique) Mesures diverses relatives aux cultes

Article 39 Habilitation à prendre par ordonnance des mesures de simplification du régime juridique de la géothermie

Après l’article 39

TITRE III un dispositif dÉVALUATION RENOUVELÉ

Article 40 Rapport annuel du Gouvernement au Parlement

Après l’article 40

Article 41 (nouveau) Participation des parties prenantes à lévaluation de la loi

Article 42 (nouveau) Participation des parties prenantes à lélaboration des ordonnances prévues par la loi

Article 43 (nouveau) Remise au Parlement dun rapport du Gouvernement sur lapplication du principe selon lequel le silence de ladministration vaut acceptation

Liste des personnes auditionnÉes


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   introduction

Les attentes de nos concitoyens en matière de réforme de l’État et de l’administration sont sans doute plus fortes que jamais.

S’ils regardent avec sympathie leurs services publics de proximité, l’image de l’État dans son ensemble n’est pas bonne. Des politiques successives de modernisation n’ont pas suffi à éviter un désaveu massif. Elles avaient tenté de rendre l’État plus performant, moins coûteux dans son fonctionnement. Mais elles ont échoué à le mettre à l’écoute des Français. Plutôt qu’une autorité qui administre des procédures, ils attendent un État qui protège leurs droits et libère leurs initiatives, mieux : qui les conseille et les accompagne. Son rôle, en tant que garant de l’intérêt général, n’est ni d’agir à la place de la société française ni de décider de ses comportements.

Nous devons une réponse à ceux qui réussissent, qui prennent des risques, et qui sont parfois freinés par les complexités administratives. Les dispositions du présent projet sur le droit à l’erreur ou les porteurs de projets sont faites pour eux. Mais nous devons aussi répondre à nos concitoyens les plus en difficulté, qui sont souvent les plus éloignés de l’administration : « France périphérique », « peuple de la frontière », victimes du chômage. Eux aussi doivent bénéficier du droit à l’erreur et du référent unique dans les administrations. Eux aussi doivent trouver des services publics à l’écoute de leurs attentes, tenant compte de leurs difficultés particulière. Eux aussi ont le droit à une administration bienveillante.

Pour renouer un lien de confiance avec la société, il faut donc transformer l’État.

Le fonctionnement de l’administration doit se tourner vers la satisfaction de l’usager et l’adaptation à ses besoins. À cette fin, des marges d’initiative doivent être ouvertes aux agents publics. Cela suppose de les former pour y faire face, comme de former les cadres pour renouveler leur management, car « le changement doit entrer dans les textes mais surtout dans les têtes ». Cela exige aussi de renouveler les outils juridiques et matériels. Ainsi, l’usage accru du numérique, en libérant les agents de tâches répétitives, libérera du temps pour leurs missions de conseil et de service.

La règle de droit doit être d’un accès aisé. Elle devra être rédigée et présentée de façon plus simple et plus lisible pour tous les publics. Le corpus des normes, trop touffu, doit être élagué. L’administration doit savoir s’engager sur l’application de la loi aux cas particuliers.

On le voit bien, la démarche est à la fois d’une extrême ambition et d’une pleine fidélité aux principes fondateurs de notre République. Il s’agit au fond de mettre à jour la belle notion de service public, de donner toute leur portée à ses principes les plus classiques, qu’il s’agisse d’égalité, de neutralité ou d’adaptation.

D’où le présent projet de loi, fruit d’un travail de réflexion de plusieurs mois et promesse de campagne du Président de la République. Son objet est de construire un État du XXIème siècle dont les instruments de contrôle soient au service des politiques publiques et de l’épanouissement de la société civile ; un État qui conseille et accompagne plutôt que de sanctionner ; qui s’adapte aux circonstances locales et aux besoins des citoyens ; qui tolère l’erreur commise de bonne foi : en résumé, un État au service d’une société de confiance.

Le texte procède de la conviction qu’un changement dans les comportements peut créer les conditions durables de la confiance. Il pose d’emblée les principes de la nouvelle relation de l’État avec les citoyens. La stratégie nationale d’orientation de l’action publique les énonce de façon claire et concise. Cette stratégie, annexée à l’article 1er, a le caractère pédagogique d’une charte destinée tant aux citoyens qu’aux agents publics. Elle fixe le cap : « une administration bienveillante, qui conseille et accompagne », selon les termes de M. Thomas Cazenave, délégué interministériel à la transformation publique, lors de son audition du 10 janvier dernier.

Dissipons tout malentendu : le projet qui nous est soumis n’est pas une nouvelle loi de simplification. Certes, la sobriété normative doit désormais prévaloir. Il existe plus de 400 000 normes dans notre pays et, sur les 130 000 pouvoirs adjudicateurs en Europe, 70 000 sont en France.

Mais il importait de ne pas diluer le message politique dans un texte long. Simplifier la législation, oui, mais en procédant par politique publique, en renonçant aux lois-catalogues illisibles pour nos concitoyens. La méthode sera désormais d’inclure un volet de simplification dans chaque loi. Plus que de la simplification, c’est de donner du sens à chaque champ de l’action publique qui est attendu par nos concitoyens.

*

Le présent projet est l’acte initial, fondateur, d’une politique d’ensemble. De même que la croissance ne se décrète pas, comment une seule loi suffirait-elle à faire advenir la confiance ?

Il s’inscrit dans un mouvement appelé à se poursuivre durant le quinquennat et à irriguer tous les niveaux de l’action publique. Ainsi, le Premier ministre a lancé le 13 octobre dernier le programme Action Publique 2022, qui a lui aussi pour objectif de transformer l’administration. Ce programme s’articule autour de trois axes: améliorer la qualité des services publics, offrir un environnement de travail modernisé aux fonctionnaires et maîtriser les dépenses publiques en optimisant les moyens. Il convenait d’éviter que la transformation de l’État ait pour rançon un alourdissement des impôts.

La modernisation de l’action publique se traduit également par une réorganisation : avec les décrets du 20 novembre 2017, le secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (SGMAP) a laissé place à la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) et à la direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’Etat (DINSIC).

Le Gouvernement s’est donné les moyens d’accompagnement nécessaires à cette transformation puisque le Grand plan d’investissement 2018-2022 prévoit d’allouer 1,5 milliard d’euros à la formation des agents et des équipes de direction aux nouvelles règles et à la nouvelle approche, soit 10 % de la dotation de formation initiale et continue des agents de l’État.

*

Il n’est pas excessif de dire que le renouvellement des méthodes de l’action publique est déjà à l’œuvre sur ce texte lui-même. Quelques traits caractérisent la démarche législative retenue : concertation, expérimentation, rapidité et suivi d’application.

Son élaboration s’est appuyée sur un travail mené en confiance avec une trentaine de députés associés, sur les retours d’expérience concrets des diverses administrations et sur les consultations d’une personnalité qualifiée, M. Thierry Tuot, président adjoint de la section de l’Intérieur du Conseil d’État. Le terme de « co-construction » est peut-être excessif, en ce qu’il laisserait entendre une procédure affranchie du respect des compétences issues de la séparation des pouvoirs ; du moins la concertation a-t-elle été large et ouverte.

Afin d’identifier les bonnes pratiques et d’éviter la reproduction des erreurs du passé, le projet a recours à l’expérimentation dans neuf de ses articles initiaux, usant ainsi d’une disposition encore assez peu utilisée de la Constitution, son article 37-1 ([2]). Il s’inspire de certaines pratiques étrangères (relation de confiance entre les entreprises et l’administration fiscale au Pays-Bas et mesures de lutte contre la sur-transposition, en Allemagne notamment).

Procéder avec précaution avant de généraliser des dispositifs innovants n’implique pas de réformer avec lenteur. Afin de parvenir à une adoption rapide, le Gouvernement a engagé, le 27 novembre 2017, la procédure accélérée sur le présent projet. De plus, dix articles proposent d’habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnances un certain nombre de mesures. Cette démarche doit s’accompagner d’une élaboration des ordonnances en concertation avec les parties prenantes. Votre commission spéciale a du reste marqué sa vigilance sur le respect de cette concertation.

Elle a de même été attentive à un autre aspect de la réforme : l’implication du Parlement dans le suivi de sa mise en œuvre, que M. Gérald Darmanin a désigné plaisamment comme le « service après-vote ». L’article 40 prévoit la présentation annuelle au Parlement d’un rapport de suivi. Ce dispositif a été étoffé par votre commission spéciale, qui a créé un Titre III « Un dispositif d’évaluation renouvelé », comportant quatre articles. Corrélativement, le bureau de la commission a prévu de mettre en place un dispositif pluraliste de suivi d’application.

*

Le texte ambitieux adopté par votre commission spéciale résulte de six mois d’élaboration ; une maturation de quatre mois, puis moins de deux mois de travaux parlementaires préparatoires.

Il fait suite au projet de loi relatif au droit à l’erreur et à la simplification présenté le 6 juillet 2017 par le Premier ministre au Conseil national d’évaluation des normes (CNEN), qui avait rendu le 20 juillet un avis défavorable.

Le Gouvernement, tenant compte de cet avis, avait alors décidé de retravailler son projet de loi, chargeant M. Thierry Tuot et une quinzaine de députés d’en combler ses lacunes. Allant au-delà de la simple thématique du droit à l’erreur, ce nouveau texte porte une tout autre ambition : celle de transformer profondément la relation entre l’État et le public.

Le 9 novembre 2017, le projet de loi pour un Etat au service d’une société de confiance a reçu un avis favorable du CNEN, lequel « salue la sagesse du Gouvernement qui a pris le soin de retravailler son projet de loi relatif au droit à l’erreur et à la simplification afin de tenir compte des remarques formulées par le CNEN dans sa délibération du 20 juillet 2017» ([3]).

Le Gouvernement a déposé ce texte et engagé la procédure accélérée le 27 novembre 2017, demandant le renvoi pour son examen à une commission spéciale, en application du deuxième alinéa de l’article 43 de la Constitution.

Le 6 décembre 2017, votre commission spéciale a procédé à la nomination des membres de son Bureau ainsi qu’à la désignation de son rapporteur.

Puis, à partir du 13 décembre, elle a engagé ses travaux par deux tables rondes réunissant des personnalités bénéficiant d’une vision d’ensemble, l’une réunissant des chercheurs rattachés à des think tanks (iFRAP et Fondation Jean Jaurès), l’autre des représentants d’organisations syndicales de la fonction publique. Elle a également auditionné un ancien préfet de région, ancien délégué à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (DATAR), M. Jean-Pierre Duport, ainsi que le Défenseur des droits, M. Jacques Toubon  ([4]).

Le 20 décembre, la commission a entendu M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, qui a su ouvrir la discussion générale par un propos tonique et éclairant. M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès de lui, est ensuite venu présenter sa vision de la réforme engagée et des moyens d’accompagnement nécessaires.

M. Thomas Cazenave, délégué interministériel à la transformation publique, a détaillé la stratégie mise en place pour la conduite de la réforme dans les administrations de l’État. Pour sa part, M. Bruno Parent, directeur général des finances publiques, a apporté le témoignage de la pratique du droit à l’erreur dans les services fiscaux, qui ont été en quelque sorte éclaireurs de cet aspect de la réforme.

Parallèlement à ces auditions plénières de la commission spéciale, votre rapporteur a également procédéà l’audition de plusieurs personnalités susceptibles d’affiner la réflexion sur le texte. Nombreux ont été nos collègues qui ont ainsi pu entendre notamment des représentants de Réseau de transport d’électricité (RTE), de France Nature Environnement, du Syndicat national des énergies renouvelables (SER), de France énergie éolienne (FEE), de la Direction générale de la prévention des risques du ministère de la transition écologique et solidaire (DGPR), de la Fédération française du bâtiment (FFB), de la Direction interministérielle du numérique et des systèmes d’information de l’État (DINSIC), de la Conférence des présidents d’universités (CPU), de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), de la Direction de la sécurité sociale (DSS), de FN‑SAFER et du Conseil économique, social et environnemental (CESE), sans parler d’experts de l’organisation de l’État et de la gestion publique.

Ces auditions et tables rondes, dont la liste figure en fin du présent rapport, ont mis en évidence la nécessité d’instaurer un droit à l’erreur, clairement distinct de tout droit à la fraude, car si « l’erreur est humaine, l’entêtement est diabolique ». Elles ont aussi montré le besoin d’associer les agents au processus de refonte du rôle de l’administration et de les accompagner dans cette transformation, condition sine qua non de la réussite de cette démarche.

Les auditions ont aussi démontré l’importance d’instaurer des rapports plus humains entre l’administration et le public, de rendre les courriers adressés aux administrés plus simples et munis de formules de politesse, ceci affin de répondre à une certaine  déshumanisation des rapports entre l’administration et le public. Plusieurs personnes auditionnées ont par ailleurs insisté sur la longueur excessive des contrôles, alors même que l’administration exige elle-même des entreprises et des particuliers le respect de délais stricts parfois très courts.

*

Les dispositions du présent projet, qu’elles soient initiales ou ajoutées par l’Assemblée nationale, ont pour but commun de bâtir une relation de confiance entre le public et l’État, « un État conscient de son coût, usant à bon escient de ses prérogatives, et œuvrant tout entier à seconder la vie sociale et favoriser son épanouissement ».

À cet effet, les articles laissent une large place à l’expérimentation, qui permettra cette refonte progressive du rôle de l’État. En outre, les nombreuses mesures de simplification introduites par le texte rendront plus accessible un droit aujourd’hui obscur pour les citoyens.

Mesure emblématique du projet de loi, le droit à l’erreur replace le citoyen au cœur du droit, en faisant des contrôles de l’administration un outil au service des politiques publiques plus qu’un instrument de sanction. Désormais, pour toute première erreur dans ses déclarations à l’administration susceptible d’être régularisée, l’usager de bonne foi n’encourra aucune sanction; il reviendra à l’administration d’établir, le cas échéant, la mauvaise foi de la personne concernée ou l’existence d’une manœuvre frauduleuse. Par ailleurs, en vertu du droit au contrôle que lui confère le projet de loi, une entreprise pourra demander un contrôle à une administration pour s’assurer qu’elle est en conformité et d’en rendre les conclusions opposables, à la manière d’un rescrit.

Autre exemple : la multiplicité des acteurs au sein des services publics étant source de complexité, de perte de temps pour l’usager et d’inefficacité pour l’administration, le présent projet amplifie le mouvement de « guichets uniques » par l’institutionnalisation au sein des services publics d’un référent unique pour des procédures et des dispositifs déterminés.

Enfin, la simplification des procédures doit passer par la dématérialisation : dans le cadre de sa demande de délivrance de carte nationale d’identité ou de passeport, l’usager ne sera plus tenu de fournir de justificatif de domicile mais simplement de transmettre les références permettant son identification auprès d’un fournisseur d’un bien ou d’un service attaché à son domicile, les vérifications étant effectuées directement par l’administration auprès du fournisseur.

Ces objectifs se reflètent dans l’organisation du présent projet de loi, divisé en deux titres. Le titre Ier tend à renforcer les missions de conseil et de service de l’administration à travers des dispositifs conférant à l’État un rôle d’accompagnateur (droit à l’erreur, droit au contrôle) qui s’engage (généralisation de la pratique du rescrit administratif, création d’un certificat d’information) et privilégie le dialogue avec le public (mise en place d’un référent unique, notamment) ; le titre II rassemble des dispositions concourant à la transformation de l’action publique, qui se veut désormais plus moderne, simple et efficace, volonté qui se traduit notamment par la prise en compte de la jurisprudence du Conseil d’État (n° 335033, 23 décembre 2011) et la mise en place d’un certain nombre de dispositifs, pour certains à titre expérimental, dans des domaines variés (échanges d’informations par interface de programmation applicative entre administration, permis de faire dans le bâtiment, simplification des règles relatives à l’autorisation environnementale…).

Le texte s’ouvre avec l’annonce de l’approbation de la « stratégie nationale d’orientation de l’action publique », annexée à l’article 1er, qui énonce les orientations  et les  objectifs de l’action publique vers une société de confiance, d’ici à 2022. Cette stratégie nationale se fonde sur deux piliers : une administration de conseil et de service ; une action publique modernisée, simplifiée et plus efficace.

Le titre Ier, relatifs aux missions de conseil et de service de l’administration, comporte un certain nombre de dispositions qui favorisent l’établissement d’une relation de confiance entre l’Etat et les citoyens, fondée sur le dialogue.

Le chapitre Ier du titre Ier, en particulier, instaure des dispositifs destinés à renforcer le rôle d’accompagnement de l’État.

L’article 2 consacre deux droits d’une importance majeure : le droit à l’erreur (alinéas 1er et 2) tout d’abord, droit qui s’exercera au bénéfice de toute personne pour tous les domaines de l’action publique pour lesquels un régime spécifique n’existe pas. Second droit établi : le droit au contrôle, dont les conclusions sont opposables, au profit des administrés (alinéa 3).

Le plein effet du droit à l’erreur est assuré par les articles 3 à 6, qui aménagent les régimes spécifiques existants en matière fiscale et douanière (réduction de moitié du montant dû au titre de l’intérêt de retard en cas de dépôt spontané par le contribuable d’une déclaration rectificative, notamment).

En outre, l’article 8  du présent projet de loi crée une sanction non pécuniaire, à vocation essentiellement pédagogique, de rappel à la loi applicable aux cas de méconnaissance de la part d’un employeur de bonne foi.

Le chapitre II du titre Ier instaure des droits nouveaux pour les entreprises et les citoyens, notamment un droit d’opposition des circulaires publiées et des prises de positions formelles de l’administration. En cela, l’administration devient une structure résolument engagée.

En particulier, l’article 9 rend obligatoire la publication des instructions et circulaires mentionnées à l’article L.312-2 du code des relations entre le public et l’administration et assure l’opposabilité de ces actes, lorsqu’ils émanent de l’État, au profit des administrés.

Deux articles portent sur le rescrit administratif : l’article 10 propose de généraliser sa pratique et l’article 11 prévoit son expérimentation, pour une durée de trois ans, relative aux demandes de prises de position formelles. Il sera possible pour l’administré de pré-rédiger lui-même une prise de position formelle, réputée approuvée en l’absence de réponse de l’administration dans un délai de trois mois à compter de la réception de sa demande.

Au surplus, dans un objectif d’accessibilité, l’article 12 du présent projet de loi crée un certificat d’information sur les règles applicables à une activité économique ou sociale qui peut être demandé à l’administration compétente par tout usager.

Par ailleurs, afin de favoriser le recours à la transaction par les services de l’État, le texte dispose en son article 13 qu’en cas de contentieux exposant une administration de l’Etat à un risque de condamnation pécuniaire, un comité sera appelé à se prononcer sur son opportunité au-delà d’un certain montant de façon à écarter la responsabilité personnelle de l’agent signataire de la transaction.

Le chapitre III a pour objectif de faciliter le dialogue entre le public et l’administration. Est notamment prévue (article 15) la mise en place, à titre expérimental et pour une durée de quatre ans, d’un référent unique par certains services de l’État et les collectivités qui le souhaitent pour des procédures et dispositifs déterminés. Le champ social ne sera pas en reste : un médiateur des URSSAF doit en effet être mis en place (article 17) et le Gouvernement sera habilité à mettre en œuvre un droit à la rectification mieux affirmé et mieux harmonisé en fonction des prestations servies (article 18). Autre disposition concourant à ce but : la transmission systématique, dans un délai fixé par décret en Conseil d’État, d’une copie des procès-verbaux constatant les infractions au code de l’environnement et au code forestier aux personnes mises en cause, sauf instruction contraire du procureur de la République (article 20).

Après ce premier titre, à caractère principiel, le titre II relatif à la transformation de l’action publique comporte davantage de mesures concrètes. Afin de rétablir la confiance entre l’État et les citoyens, l’action publique devra se moderniser, gagnant à la fois en simplicité et en efficacité. Le texte prévoit un certain nombre d’expérimentations.

Parmi les vecteurs de la modernisation, les dispositions du chapitre Ier visant à développer la dématérialisation des procédures sont centrales. Numérisation et gestion des ressources humaines sont les deux outils majeurs de la transformation.

L’article 21, en particulier, prévoit, conformément au principe « dîtes-le-nous une fois », à titre expérimental et pour une durée de quatre ans à compter de la publication du décret prévu, que « les personnes morales inscrites au répertoire des entreprises et de leurs établissements, qui y consentent, ne seront pas tenues de communiquer à une administration des informations que celle-ci détient déjà dans un traitement automatisé ou qui peuvent être obtenues d’une autre administration par un tel traitement ». Cette expérimentation permettra d’établir la pertinence d’un dispositif d’échanges d’informations entre administrations par l’intermédiaire d’une interface de programmation applicative (API) unique, mise en œuvre par la direction interministérielle du numérique et des systèmes d’information et de communication de l’État (DINSIC), plutôt que des échanges d’administration à administration. À la suite de cette expérimentation, des propositions seront formulées et présentées dans le rapport annuel sur la mise en œuvre de la stratégie nationale d’orientation de l’action publique pour la France.

L’article 22 prévoit une dispense de signature pour les décisions relatives à la gestion des agents publics produites par voie dématérialisée dans le cadre des systèmes d’information des ressources humaines.

Autre mesure de dématérialisation pour plus d’efficacité : l’article 23 prévoit l’expérimentation sur une période de 18 mois de la suppression des justificatifs de domicile pour la délivrance des cartes nationales d’identité et des passeports. L’usager, aujourd’hui tenu de fournir des justificatifs de son domicile, devra ainsi simplement transmettre les références permettant son identification auprès d’un fournisseur d’un bien ou d’un service attaché à son domicile, les vérifications étant effectuées directement par l’administration auprès du fournisseur.

Les trois articles du chapitre II du titre II introduisent des dispositions qui ont vocation à simplifier une administration trop complexe.

En particulier, parce que « la fin justifie parfois les moyens », le texte habilite le gouvernement à prendre par voie d’ordonnance des mesures instaurant une autorisation à déroger à certaines règles de construction sous réserve que soit apportée la preuve de l’atteinte de résultats identiques ou équivalents par le maître d’ouvrage (article 26) – un « permis de faire » dont la mise en application est prévue en deux temps.

L’article 27 tire également les conséquences du principe dégagé par la jurisprudence du Conseil d’État selon lequel « un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que si cette irrégularité a exercé une influence sur le sens de la décision ou a privé les intéressés d’une garantie » ([5]). Pour cette raison, il abroge l’article 70 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, qui limite ce principe juridique aux seules irrégularités commises lors de la consultation d’un organisme.

L’article 29 permettra l’expérimentation très attendue du « relayage » pour les personnes âgées et en situation de handicap en autorisant les établissements et services participants à déroger à certaines règles du droit du travail, pour permettre une prise en charge plus continue.

Le chapitre II tend à instaurer un certain nombre de mesures de simplification administrative portant sur des sujets variés tels que le bâtiment, l’agriculture, le statut des cultes ou encore l’énergie et l’environnement.

Ainsi, l’article 31 met en place un « rescrit juridictionnel » pour demander au juge administratif d’apprécier la régularité de la procédure d’édiction d’une décision, empêchant tout risque de contestation tardive sur ce fondement, y compris par voie d’exception.

Là encore, certaines dispositions du chapitre feront l’objet d’une expérimentation. Est notamment prévu à l’article 34 d’expérimenter sur trois ans le remplacement de l’enquête publique par une participation du public par voie électronique en cas de concertation réalisée antérieurement sous l’égide d’un garant désigné par la Commission nationale du débat public (CNDP).

En outre, de nombreuses dispositions du chapitre habilitent l’État à légiférer par voie d’ordonnance dans des domaines variés, qu’il s’agisse de remédier à des sur-transpositions du droit de l’Union européenne dans le champ économique et financier (car parfois, en matière législative et réglementaire, « le mieux est l’ennemi du bien ») notamment concernant la réglementation relative au taux effectif global (TEG) (article 32), de simplifier le processus décisionnel en matière d’éolien en mer (article 34) ou encore de réformer les dispositions du code minier relatives aux titres de recherches et d’exploitation de géothermie (article 39).

Enfin, l’article 40 dans sa version initiale prévoit que le Gouvernement remet au Parlement un rapport annuel portant sur : l’application des dispositions réglementaires permettant à un pétitionnaire de joindre à sa demande d’autorisation le projet de décision qu’il propose à l’administration de prendre en réponse à cette demande (alinéa 1er) ; l’expérimentation de la possibilité pour les préfets et les directeurs des Agences régionales de santé à déroger à des normes réglementaires (alinéa 2) ; l’état d’avancement de la dématérialisation des procédures au sein de l’administration de l’État (alinéa 3) ; les actions entreprises pour étendre les horaires d’ouverture des administrations de l’État au public (alinéa 4) ; le développement de référents uniques dans les administrations de l’État (alinéa 5) ; l’expérimentation de la possibilité donnée aux personnes morales inscrites au répertoire des entreprises et de leurs établissements de ne pas communiquer à l’administration des informations que celle-ci détient déjà dans un traitement automatisé ou qui peuvent être obtenues d’une autre administration par un tel traitement (alinéa 6).

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PRINCIPALES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR LA COMMISSION

La composition spéciale a tout d’abord complété la stratégie nationale d’orientation de l’action publique, approuvée par l’article 1er. Elle a ainsi adopté deux amendements de M. Saint-Martin et du groupe La République en marche :

– le premier inscrit le principe selon lequel, dans le cas d'un recouvrement fiscal ou administratif, l’administration propose un échelonnement de la somme due, en fonction de la capacité financière du contribuable ;

– le deuxième précise que la dématérialisation des démarches administratives devra prévoir une prise en compte des besoins d’accompagnement des citoyens.

Elle a également adopté trois amendements des groupes Les Républicains et Mouvement démocrate et apparentés qui inscrivent dans la stratégie nationale le principe selon lequel l’action publique doit permettre la réduction des délais administratifs.

À l’article 2, la commission spéciale a adopté un amendement de M. Laqhila et du groupe Mouvement démocrate et apparentés qui exclut expressément du champ du droit à l’erreur les erreurs de forme commises par les usagers, à condition qu’elles ne portent pas atteinte au respect de la loi. Elle a également adopté un amendement de votre rapporteur qui atténue sensiblement le champ des restrictions prévues par l’alinéa 7. Enfin, à l’initiative du groupe La République en marche, la commission spéciale a adopté une définition de la mauvaise foi.

À l’initiative de Mme Louwagie, la commission spéciale a adopté un article additionnel après l’article 3 (article 3 ter nouveau) visant à instaurer un droit à l’erreur en cas de défaut ou d’omission dans les documents transmis par les entreprises à l’administration fiscale. L’amende fiscale proportionnelle, prévue à l’article 1763 du code général des impôts, ne s’appliquerait pas lors de la première infraction constatée au cours de l’année civile si l’entreprise rectifie son erreur spontanément ou à la demande de l’administration.

À l’article 4, la commission spéciale a adopté un amendement du rapporteur visant à instaurer une garantie fiscale pour le contribuable ayant fait l’objet d’un contrôle fiscal. Les points examinés lors du contrôle, y compris lorsque l’administration fiscale prend une décision tacite de conformité en ne proposant pas de rectification, deviennent opposables en cas de contrôle ultérieur. Cette opposabilité des conclusions d’un contrôle fiscal est ouverte aussi bien aux entreprises, lors d’un examen ou d’une vérification de comptabilité, qu’aux particuliers, lors d’un examen de la situation fiscale personnelle.

La commission spéciale a également adopté plusieurs articles additionnels après l’article 4.

L’article 4 bis (nouveau) prévoit, d’une part, d’ouvrir une voie de recours hiérarchique contre toute proposition de rectification notifiée au contribuable. D’autre part, plusieurs amendements identiques de Mme Louwagie, MM. Brun, Pauget et Laqhila, et du rapporteur, ont ouvert la possibilité pour le contribuable de saisir le collège de second examen de toute position formelle à caractère général et impersonnel de l’administration fiscale.

À l’initiative de M. Laqhila et des membres du groupe Modem, l’article 4 ter (nouveau) prévoit de rendre librement accessibles au public les éléments d’information de l’administration fiscale au sujet des valeurs foncières.

L’article 4 quater (nouveau) ouvre l’octroi de la réduction de moitié des intérêts de retard en cas de régularisation spontanée par le redevable ou de 30 % lors d’une régularisation au cours d’un contrôle pour les droits et taxes prévues par le code des douanes.

Selon la même logique, un amendement de votre rapporteur adopté à l’article 5 prévoit également une réduction de 30 % des intérêts de retard en cas de régularisation par le redevable lors d’un contrôle de la direction générale des douanes et des droits indirects sur les contributions indirectes prévues par le code général des impôts.

À l’article 10, la commission spéciale a adopté un amendement de son rapporteur fixant dans la loi un délai maximal de délivrance du rescrit administratif à six mois, le décret en Conseil d’État prévu par l’article pouvant ensuite moduler cette durée selon les administrations et les secteurs concernés.

L’article 12 bis (nouveau) est issu d’un amendement de votre rapporteur : il vise à permettre une expérimentation de la « cristallisation », pendant douze mois, des normes recensées dans les certificats d’information, créés par l’article 12.

À l’article 13, la commission spéciale a adopté un amendement du groupe La République en marche qui, d’une part, élargi les cas d’hypothèses permettant à l’administration de recourir à la transaction et, d’autre part, étend les conditions de recours au comité afin qu’il puisse être consulté quel que soit le montant de la transaction envisagé.

À l’initiative de M. Saint-Martin, la commission spéciale a adopté un article additionnel avant l’article 15 (article 15 A nouveau) prévoyant que les services de l’État, les collectivités territoriales et les établissements publics qui en dépendent mettent à la disposition du public un numéro d’appel non géographique, fixe et non surtaxé.

Aux articles 15 et 16, la commission spéciale a adopté des amendements déposés par Mme Louwagie, M. Brun, M. Reiss et M. Gosselin prévoyant que l’évaluation des expérimentations prévues à ces articles comporte un volet traitant de son impact sur les délais administratifs.

Après l’article 15, la commission spéciale a adopté un amendement de son rapporteur portant article additionnel (article 15 bis nouveau) et prévoyant qu’à titre expérimental, pour une durée de quatre ans, le responsable d’une maison de services au public peut être désigné, par certaines des personnes morales participantes, en tant que référent unique à même de traiter, pour des procédures et des dispositifs déterminés, les demandes qui lui sont adressées et de prendre, s’il y a lieu, les décisions correspondantes au nom des personnes morales concernées.

Elle a également adopté, après l’article 15, un amendement de son rapporteur (article 15 ter nouveau) disposant qu’à titre expérimental, pour une durée de deux ans, dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville dont la liste est fixée par décret, les porteurs de projets peuvent effectuer un dépôt unique dématérialisé des demandes de concours financiers qu’ils adressent aux signataires des contrats de ville. Il dispose également que ces derniers organisent une instruction partagée de ces demandes, statuent sur elles de manière collégiale et instituent un référent unique chargé du suivi des demandes et de la coordination des différents services instructeurs.

À l’article 16, la commission a adopté deux amendements de son rapporteur ; le premier prévoit que dans le cadre de l’expérimentation, les administrations engageant un contrôle à l’encontre d’une entreprise informent celle-ci de la durée pressentie de ce contrôle et justifient auprès d’elle tout dépassement de la durée initialement prévue ; le second dispose que dans le cadre de l’expérimentation, une administration, lorsqu’elle a effectué un contrôle à l’encontre d’une entreprise, transmet à celle-ci les conclusions de ce contrôle et une attestation mentionnant le champ et la durée de celui-ci.

Après l’article 17, la commission spéciale a adopté un article additionnel (Article 17 bis nouveau) en vue d’expérimenter la mise en place d’un médiateur de dialogue entre les entreprises et l’ensemble des administrations. Ce nouveau dispositif de médiation généraliste constituerait une interface privilégiée en cas de différend avec les nombreux interlocuteurs administratifs des entreprises. Favorisant le lien avec les mécanismes de médiation spécifiques, il offrirait ainsi des services complémentaires de celles-ci.

À l’article 25, la commission spéciale a adopté un amendement de votre rapporteur qui inscrit l’obligation pour les associations cultuelles d’établir des comptes annuels, initialement prévue par l’article 38 du projet de loi.

À l’article 28, la commission spéciale a adopté deux amendements de M. Saint-Martin et du groupe La République en marche. Le premier prescrit que l’État et chacun des établissements créés dans le cadre de l’expérimentation organisée par cet article fixent d’un commun accord les objectifs singuliers qui y président ainsi que le calendrier et les critères d’évaluation associés. Le second prévoit, dans un délai de trois ans à compter de la publication de l’ordonnance, la remise au Parlement, par le Gouvernement, d’un rapport présentant un premier bilan des expérimentations engagées, recensant les différentes formes juridiques adoptées par les établissements et identifiant les voies adaptées afin de les pérenniser à terme, le cas échéant.

La commission spéciale a adopté quinze amendements présentés par les membres de divers groupes portant suppression de l’article 30, qui prévoyait, à titre expérimental, une suspension du contrôle des structures agricoles dans certaines régions ou départements.

À l’article 32, la commission spéciale a adopté un amendement du Gouvernement visant à remplacer l’habilitation à légiférer par ordonnance relative au régime de responsabilité des agences de notation de crédit par l’abrogation des articles L. 544-4 à L. 544-6 du code monétaire et financier.

Estimant que ces dispositions n’avaient pas leur place dans ce projet de loi, la commission spéciale a adopté un amendement de votre rapporteur supprimant le I de l’article 38, qui visait notamment à permettre aux associations cultuelles de détenir et d’administrer des immeubles de rapport à titre gratuit. A en revanche été conservée la disposition relative à l’exclusion totale des associations cultuelles du registre des représentants d’intérêt tenu par la HATVP, objet du II de l’article.

À l’initiative de votre rapporteur, la commission spéciale a adopté trois amendements introduisant un titre III (nouveau) « Un dispositif d’évaluation renouvelé », et comprenant notamment un article 41, qui prévoit une participation des parties prenantes à l’évaluation de la loi, et un article 43 (nouveau), prévoyant une participation des parties prenantes à l’élaboration des ordonnances prévues.

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.   AUDITION DU MINISTRE

Au cours de sa séance du mercredi 20 décembre 2017, la Commission spéciale a procédé à laudition de M. Gérald Darmanin, ministre de laction et des comptes publics, sur le projet de loi pour un état au service dune société de confiance (n° 424).

Mme la présidente Sophie Errante. Nous avons le plaisir d’accueillir M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics.

Monsieur le ministre, nous sommes sensibles à votre disponibilité, en cette fin de période budgétaire particulièrement chargée pour vous et pour l’ensemble de vos services. À l’évidence, c’est le signe du caractère prioritaire qui s’attache pour le Gouvernement à un projet de loi dont le titre dit l’ambition : « pour un État au service d’une société de confiance ».

Nos travaux se poursuivent après deux tables rondes, sans parler des quelque seize auditions du rapporteur, auxquelles il a convié nos collègues membres de la commission spéciale. Nos dernières auditions auront lieu le 10 janvier.

Nous avons déjà pu mesurer les attentes suscitées par ce texte, ainsi que l’étendue de la mutation qui devra être conduite dans les administrations pour renouer le lien de confiance avec nos concitoyens et nos entreprises.

Je confirme à mes collègues que votre audition sera pour nous l’occasion de tenir notre discussion générale. Puis nous vous retrouverons, monsieur le ministre, pour l’examen des articles, à partir du lundi 15 janvier.

Je vous propose de nous exposer à titre liminaire la philosophie et les lignes de force de ce projet de loi. Pouvez-vous nous en décrire les ambitions et les moyens et nous dire quelle est, selon vous, la clef qui fera le succès de cette transformation, en laquelle nous croyons profondément ?

M. Gérald Darmanin, ministre de laction et des comptes publics. Mesdames et messieurs les députés, merci de me permettre de partager avec vous ce moment important à deux titres : d’abord, parce que vous siégez dans la première commission spéciale de cette législature, ensuite parce que le sujet de ce projet de loi le mérite. Je me présente devant vous avec l’idée d’accomplir un travail collectif sur un texte qui devrait pouvoir réconcilier les points de vue de la majorité et de l’opposition, c’est en tout cas dans cet esprit qu’a travaillé le Gouvernement.

Je souhaite pour ma part que nous puissions travailler avec les deux chambres, députés et sénateurs réunis, pour parvenir à une CMP conclusive, ce qui serait un signal fort en faveur de la simplification, la bienveillance et la bonne foi.

Je voudrais remercier non seulement mon cabinet et mes services pour le travail très important qu’ils ont conduit quasiment depuis ma prise de fonctions, puisque le Président de la République avait promis, lors de sa campagne électorale, cette simplification de l’administration, à laquelle toutes les personnalités politiques aspirent, avec cette idée que le service public doit être plus efficace. En ce sens, ce projet de loi constitue l’acte I du programme Action publique 2022, qui va bien au-delà de la transformation de notre administration et entend faire évoluer la société dans son ensemble.

Je souhaite également remercier l’ensemble des députés qui ont participé à la préparation de ce texte, avant sa présentation en Conseil des ministres, au travers de différents échanges avec le ministère ou au sein du groupe de travail informel qui a apporté au projet des améliorations notoires.

Je remercie aussi le conseiller d’État Thierry Tuot qui m’a beaucoup aidé à y voir clair dans les méandres administratifs, sachant qu’innover en soi est déjà compliqué mais qu’innover au plan administratif l’est encore davantage. Merci enfin à tous les acteurs de la société civile, aux organisations syndicales, professionnelles et à tous ceux qui, par leur bon sens, ont apporté et apporteront demain leur pierre à cet édifice.

Pour ce qui regarde la méthode, il s’agit de travailler en amont de la discussion législative mais également en aval, car l’essentiel est d’agir concrètement. Le secret de l’action, disait le philosophe Alain, c’est de s’y mettre. Ainsi, une fois adopté le projet de loi et promulguée la loi, il faudra la mettre en pratique, non seulement dans les textes, en publiant les textes réglementaires et les circulaires qui s’imposent, mais également dans les têtes, car l’établissement d’un État au service d’une société de confiance passe avant tout par des changements dans le management des femmes et des hommes.

Je propose également de vous accompagner non seulement lors de l’examen du texte en commission mais aussi après la promulgation de la loi, en mettant en place, comme vous en avez exprimé le vœu, un conseil de la réforme, qui permette d’assurer le « service après-vote », c’est-à-dire de garantir que le ministre et son administration n’oublieront pas leur mission d’innovation.

Indépendamment de ce projet de loi, le Gouvernement se donne les moyens de la transformation, puisque 1,5 milliard d’euros seront affectés sur la durée du quinquennat à la formation des agents publics, notamment aux nouvelles exigences de la société numérique,  tandis que 700 millions d’euros sont consacrés dans le budget pour 2018 aux actions de transformation directement rattachées au ministère de l’action et des comptes publics.

Pour en revenir au projet de loi, il doit résoudre un paradoxe qui fait que les Français aiment leur service public mais se méfient de leur administration, méfiance qui confine parfois à l’énervement, voire à la détestation quand se jouent des drames sociaux ou lorsque le système semble devenu une caricature kafkaïenne. Lorsque j’étais petit, ma vision de l’administration ressemblait à ce qui va suivre :

(Un court extrait du film Les Douze Travaux d’Astérix, de René Goscinny et Albert Uderzo est diffusé, montrant Astérix et Obélix dans « La maison qui rend fou », un bâtiment administratif organisé en dépit du bon sens, dans lequel ils tentent en vain de se procurer le laissez-passer A-38.)

Les caricatures de l’administration affectent en premier lieu les agents, qui sont les premiers à subir le carcan d’une loi dont ils admettent volontiers qu’elle est parfois absurde, et pas toujours adaptée à la situation des particuliers, des entreprises ou des collectivités locales.

J’aimerais résumer l’esprit de bon sens, de bienveillance et de simplicité qui devra désormais présider aux rapports entre administration et administrés, en quinze brefs aphorismes, qui me semblent être les quinze commandements que doit faire siens ce projet de loi destiné à refonder une administration au service d’une société de confiance.

Aphorisme n° 1 : « L’erreur est humaine, mais persévérer est diabolique. » C’est le principe même de la philosophie du droit à l’erreur, qui n’est pas la licence à l’erreur, mais privilégie la bonne foi sur la mauvaise foi, laquelle n’est rien d’autre que la réitération d’un mauvais procédé, dont on sait pertinemment qu’il est mauvais.

La bonne foi est déjà juridiquement reconnue en matière fiscale à l’article L.62 du livre des procédures fiscales. Elle doit être désormais un principe général, en vertu duquel seront par nature réputés de bonne foi le particulier, le contribuable, l’administration locale vis-à-vis de l’administration d’État ou encore l’entreprise, sans qu’ils aient à apporter la preuve de cette bonne foi. Selon l’idée du Président de la République, ce principe général devrait induire un changement très profond dans les rapports entre les citoyens et l’administration.

Aphorisme n° 2 : « Le contrôle n’exclut pas la confiance », inversant ainsi la formule usuelle. Dans une logique d’inversion des rôles, le projet de loi crée, au profit notamment des entreprises, un droit au contrôle, lequel contrôle sera effectué en conséquence avec une bienveillance particulière par l’administration contrôleuse. Toute la philosophie du texte consiste d’ailleurs à passer d’une administration de contrôle – dont l’importance demeure pour des raisons évidentes de sécurité, qu’il s’agisse de la police de l’environnement, de la sécurité des biens et des personnes – à une administration de conseil. Je regrette en l’occurrence que l’idée que les corps d’inspection deviennent de manière générale des « corps de conseil » n’ait pas été retenue, mais j’imagine que les parlementaires sauront se saisir de cette question sémantique, sachant que, bien souvent, la parole précède l’action. J’ajoute que le droit à l’erreur vaut également pour les procédures de contrôle et que, si, par exemple, une entreprise est contrôlée par l’Urssaf, il lui sera désormais possible de faire valoir son droit à l’erreur en cours même de contrôle afin de limiter la sanction éventuelle.

Aphorisme n° 3 : « Le temps, c’est de l’argent. » Chacun admet la nécessité des contrôles, notamment dans les entreprises. Restent que, lorsque ceux-ci se multiplient, notamment dans les TPE-PME, ils aboutissent à réduire le temps que le chef d’entreprise et les salariés peuvent consacrer à la production de valeur. D’où l’idée d’instaurer des limites en posant qu’il ne pourra y avoir plus de neuf mois de contrôle sur une période de trois ans, ce qui est déjà beaucoup. Pour évaluer la pertinence de cette limite, une expérimentation sera mise en place dans les deux régions qui concentrent le plus de TPE-PME, à savoir Auvergne‑Rhône-Alpes et les Hauts-de-France. Je vous citerai ici le cas d’une entreprise du Nord, qui emploie cent quarante-cinq salariés dans le secteur de la logistique et a connu sept contrôles en trois ans : deux contrôles Urssaf, un contrôle environnement et un contrôle transport par la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL), une inspection du travail, un contrôle de la Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) et un contrôle fiscal. Une telle répétition, vous en conviendrez, n’est pas très motivante pour un chef d’entreprise.

Aphorisme n° 4 : « Un homme – ou une entreprise – averti en vaut deux. ». Lorsque l’inspection du travail opère dans une entreprise, elle ne connaît pas de position intermédiaire entre la validation et la sanction, alors que la complexité du code du travail le rend parfois d’une application très complexe. C’est pourquoi, sur le modèle du carton jaune qui précède le carton rouge sur un terrain de football, nous créons une procédure d’avertissement, préalable à toute sanction, qui réorientera l’inspection du travail vers ses missions de conseil.

Le texte comporte à cet égard des dispositions spécifiques pour les agriculteurs, qui se plaignent de ne pas disposer de la teneur des procès-verbaux dont ils font l’objet en cas de contrôle ayant trait au respect du code de l’environnement ou du code forestier. Cette transmission sera désormais obligatoire, tandis que les chambres d’agriculture se verront confier une mission d’information des exploitants ayant pour objet de limiter l’impact des contrôles.

Aphorisme n° 5 : « Faute avouée est à moitié pardonnée. » En vertu de cet adage, nous diviserons par deux les intérêts moratoires lorsque la rectification viendra du contribuable ou de l’entreprise.

Aphorisme n° 6 : « Mieux vaut tard que jamais. » Plusieurs expérimentations vont être menées dans diverses administrations ainsi que dans deux juridictions d’importance, afin d’adapter les horaires d’ouverture – jusqu’à vingt heures ou le samedi matin – aux contraintes du public, afin qu’on ne soit plus obligé de poser une demi-journée de congé pour accomplir une démarche administrative.

Aphorisme n° 7 : « Tous les chemins mènent à Rome ». Un référent unique sera mis en place, notamment dans les CAF, pour la gestion des droits sociaux, domaine dans lequel il est particulièrement difficile d’identifier le bon interlocuteur.

Aphorisme n° 8 : « Dites-le-nous, une fois pour toutes. » Il s’agit de ne plus avoir à fournir à l’administration le même document à plusieurs reprises, alors même que votre situation administrative n’a pas changé, à charge pour l’administration de le conserver dans un coffre-fort numérique afin de pouvoir l’utiliser pour établir l’ensemble des actes qui vous concernent.

Aphorisme n° 9 : « Un bon accord vaut mieux qu’un mauvais procès. » En vertu de ce principe, nous allons généraliser la médiation, qui a fait ses preuves sous le gouvernement précédent, notamment pour les Urssaf d’Île-de-France, puisque plus de deux tiers des médiations ont été favorables aux entreprises. Nous faciliterons également la conclusion de transactions pour lesquelles la responsabilité personnelle de l’agent public signataire ne pourra être mise en cause, et ce afin d’éviter des procédures trop complexes et l’embouteillage des tribunaux.

Aphorisme n° 10 : « Le mieux est l’ennemi du bien. » Il s’agit ici de lutter contre notre propension à surtransposer les directives européennes dans notre droit, manière de mettre sur le dos de l’Europe des règles dont nous sommes les seuls responsables et qui sont parfois autant de freins à la compétitivité de nos entreprises. Dans cette optique, nous proposons, par exemple, de supprimer le rapport de gestion, cet acte administratif qui fait une dizaine de pages et que 1,5 million de TPE françaises doivent produire chaque année, ce qui leur prend entre une et deux journées de travail.

Je vous suggère à cet égard de lire l’excellent rapport que viennent de remettre vos collègues Jean-Luc Warsmann et Alice Thourot sur les moyens de lutter contre la surtransposition des directives européennes dans le droit français, et de faire vôtre la proposition n° 10, qui prévoit la possibilité pour les citoyens d’interpeller les pouvoirs publics dans le but de démontrer qu’il n’y a pas lieu de procéder à telle ou telle transposition. Le Gouvernement saura pour sa part s’y intéresser.

Aphorisme n° 11 : « Aujourd’hui, le numérique, c’est automatique. » La dématérialisation fera gagner non seulement du temps mais aussi de l’énergie, de l’efficacité et, nous l’espérons, quelques économies budgétaires. On sait les Français soucieux de secret et de sécurité. Or chacun considère, désormais, que le paiement de l’impôt en ligne a montré son efficacité et la rapidité avec laquelle les agents de la DGFiP répondent aux contribuables et aux entreprises démontre que l’administration est tout à fait capable de simplifier les démarches, de les rendre plus accessibles tout en garantissant le secret fiscal.

Aphorisme n° 12 : « La fin justifie parfois les moyens. » Nous devons désormais concevoir des lois d’objectifs et non plus de moyens. Le texte que nous allons soumettre à votre examen prévoit d’ailleurs que, dans la construction, si les objectifs de santé, d’environnement, de normes d’accès pour les handicapés… doivent être respectés – il ne s’agit pas de baisser la garde –, on ne sera plus obligé de démontrer par A plus B de quelle manière les atteindre. En effet, il ne faut pas empêcher la libération des énergies nécessaires à l’innovation. Le « permis de faire » que nous entendons instaurer laisse au particulier ou à l’entreprise  imaginer les moyens d’atteindre une fin – que seule, donc, définira la loi. Il s’agit en somme d’une simplification au carré.

Aphorisme n° 13 : « Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? » On pourrait certes transformer le dispositif du droit à l’erreur en un dispositif de simplification. Certaines simplifications illustrent le droit à l’erreur mais le texte n’a pas vocation à recueillir les simplifications que chacun voudrait y intégrer ; le Gouvernement s’y opposera et j’espère que le rapporteur ne cédera pas à cette tentation. En revanche, le Gouvernement souhaite que chaque texte, au lendemain de l’entrée en vigueur du droit à l’erreur, prévoie un volet de simplification. Ainsi le Premier ministre a pris une circulaire, au cœur de l’été –qui n’a pas fait grand bruit mais qui se révèle très efficace –, consistant à ne pas ajouter une norme, dans le droit en vigueur, tant qu’on n’en a pas supprimé deux, si bien qu’en dehors des décrets d’application, depuis le mois de juillet, le Gouvernement n’a pas pris de nouveaux décrets créant de nouvelles normes.

Aphorisme n° 14 : « Les exceptions confirment la règle. » De précédents gouvernements ont tenté de procéder à une simplification administrative, et parfois avec succès, comme avec l’un de mes prédécesseurs, Alain Lambert, selon une conception alors moins verticale, tandis qu’aujourd’hui la volonté du Président de la République est très forte. Il faut en effet éviter qu’un trop grand nombre d’exceptions ne dénature le principe général de simplification. C’est pourquoi nous proposons qu’il n’y ait que trois types d’exceptions : celles concernant la sécurité des biens et des personnes, celles qui touchent aux règles environnementales – même si nous pouvons travailler autour des questions agricoles dont l’insuffisante simplification est peut-être une faiblesse du texte, même s’il se trouve toujours quelqu’un pour expliquer qu’il est important de garder telle norme que nous voudrions supprimer –, enfin les exceptions relatives aux normes européennes et internationales que nous devons respecter. En ce qui concerne les règles européennes, nous gagnerions à « détransposer » plutôt qu’à « surtransposer ».

Aphorisme n° 15 : « Tourcoing ne s’est pas fait en un jour. » Ce n’est pas par ce seul texte que nous parviendrons à régler toutes les difficultés administratives, à changer les comportements, à enrayer la volonté des parlementaires et des membres du Gouvernement de trop légiférer – et il est souvent difficile de rappeler à un parlementaire qui a une bonne idée qu’elle ne relève pas du domaine de la loi, difficile parce qu’il n’a pas confiance en l’action du Gouvernement pour mettre en œuvre cette idée ; on a de la même manière l’impression qu’un ministre qui ne dépense pas n’est pas un bon ministre.

Pour me résumer, les Français attendent de leur administration : bienveillance, simplicité et efficacité.

M. Stanislas Guerini, rapporteur. Nous vous remercions d’être venu, tel le courageux Astérix et ses douze travaux, présenter les quinze vôtres devant une commission spéciale qui œuvre depuis deux semaines dans l’état d’esprit que vous avez indiqué. Je remercie du reste tous les députés qui participent aux auditions que nous organisons, qui sont ouvertes et qui permettent d’éclairer nos débats.

Je vous poserai des questions de méthode et des questions sur les principes structurant le texte.

En ce qui concerne la méthode de la réforme, de nombreux articles du texte prévoient des expérimentations. Pouvez-vous justifier ce choix et préciser les conditions de leur généralisation éventuelle ? De la même manière, de nombreux articles renvoient à des décrets ou à des ordonnances. Pouvez-vous, ici aussi, nous en dire davantage sur ce choix et sur votre volonté d’associer les parties prenantes à la rédaction desdites ordonnances.

Ensuite, le Conseil d’État se montre très souvent critique sur les études d’impact du Gouvernement, études sur lesquelles nous nous appuyons pour l’examen des textes. C’est précisément l’impact des mesures sur les parties prenantes, notamment du point de vue de l’inflation normative, qui est dénoncée. D’autres pays se sont dotés d’organes de contrôle de la production de la norme – on pense au RPC au Royaume-Uni ou au Nationaler Normenkontrollrat en Allemagne. Quel est votre avis sur le sujet ? L’examen du texte sur la société de confiance sera-t-il l’occasion d’en discuter puisqu’il y est question d’inflation normative, donc de complexité et donc d’erreurs potentielles ?

Pour ce qui est de l’évaluation en aval, vous avez souligné que l’art d’exécution serait essentiel concernant cette réforme. Les auditions que nous avons réalisées ont montré la crainte d’un certain nombre d’acteurs que les réformes engagées ne déçoivent. Entendez-vous par conséquent maintenir ou non le projet d’instaurer un comité ou un conseil de simplification et, dans l’affirmative, entendez-vous l’institutionnaliser, et comment concevez-vous son articulation avec le travail parlementaire après la réforme évoquée dans votre intervention liminaire ?

Ma troisième question porte sur le lien avec la réforme de l’État. Vous avez évoqué le programme Action publique 2022. Il serait utile que vous nous en rappeliez les contours, le déroulement et que vous en précisiez l’éventuelle articulation, là aussi, avec le texte. Êtes-vous favorable à ce que nous auditionnions le secrétaire d’État qui vous est rattaché ?

Enfin, quatrièmement, j’ai des questions sur les trois principes constitutifs du texte.

Allons-nous assez loin concernant le droit à l’erreur ? Quid du périmètre du dispositif, des autorités administratives indépendantes ? Pouvez-vous nous éclairer sur les risques éventuels à aller plus loin en matière de droit à l’erreur, par exemple, dans le domaine fiscal, sur la non-application de majorations en cas de retard de paiement ?

Le deuxième principe est le droit au dialogue, à travers la médiation au sein des URSSAF. Êtes-vous favorable à ce qu’on aille encore plus loin et qu’on ait une vision encore plus générale de la médiation entre les administrations et les administrés ?

Enfin, « l’administration qui s’engage » est l’un des chapitres du texte. Pouvez‑vous préciser l’articulation entre les nombreux dispositifs prévus : rescrit, publication des circulaires, prise de position formelle, certificat d’information… ?

Comment se prémunir du risque de contradiction potentielle entre ces différents principes et ainsi garantir la sécurité juridique des administrés ?

M. le ministre. Même si l’on met six mois à élaborer un texte on peut avoir quelques frustrations et estimer que sur tel ou tel point il faudrait peut-être plus innover, tout en sachant que nous n’aurons sans doute pas d’autre occasion, au cours du quinquennat, d’utiliser les moyens que nous offrent le Président de la République et les assemblées pour travailler sur cette très importante question.

L’expérimentation me paraît être la bonne méthode : tester avant de généraliser est en général ce qui manque à la puissance publique. Nous avons lancé un appel à candidatures aux régions, départements, administrations, leur forçant quelque peu la main parfois. Si vous en êtes à l’origine, nous ne pourrons pas nous y opposer. J’ai demandé à mon cabinet de produire, dans la perspective de l’examen du texte en séance, une carte des territoires qui vont mener ces expérimentations afin que chacun en bénéficie sur son territoire – une bonne répartition est nécessaire. Bien sûr, si l’un pratiquera l’ouverture des fonctions publiques à des horaires tardifs, un autre essaiera la simplification administrative pour les entreprises. Dans ce contexte, le rôle de suivi des préfets sera très important.

Le Président de la République a annoncé une réforme constitutionnelle et vous savez qu’il souhaite en particulier la réduction du nombre de parlementaires. Dans cette perspective de réforme, le ministre de l’action et des comptes publics souhaite, lui, qu’on passe plus de temps à l’examen de la loi de règlement qu’à l’examen du projet de loi de finances, trop long et qui de ce fait ne permet pas vraiment au Parlement de contrôler l’action du Gouvernement – nous l’avons tous déploré. Cette réforme peut être l’occasion d’expérimentations plus vastes. Le Parlement pourrait d’ailleurs suggérer au Gouvernement certains sujets d’expérimentation, étant entendu que la République doit rester indivisible et qu’on ne saurait dépasser certaines limites.

Nous avons fait le choix de légiférer par ordonnances car nous savons tous que, malgré la possibilité d’engager la procédure accélérée, il convient de mener la simplification rapidement : on ne peut prôner l’efficacité et la rapidité et mettre sept ou huit mois pour appliquer un texte, ce serait absurde. Je propose que le fameux conseil de la réforme, composé de députés et de sénateurs, examine tous les textes, qu’ils soient législatifs ou réglementaires. Une telle organisation permettrait d’être souples et efficaces. C’est en tout cas une manière d’obliger le Gouvernement à appliquer ce qu’il préconise.

J’en viens aux études d’impact. Je me punis moi-même, d’une certaine manière, en vous disant ce que je vais vous dire, et je n’entends pas désespérer les agents publics qui ont beaucoup travaillé à des études d’impact parfois très importantes – comme pour le présent texte d’ailleurs –, mais il est raisonnable de considérer qu’on leur fait dire ce qu’on souhaite. Un ministre n’en fera pas rédiger une qui n’ira pas dans le sens de son projet de loi. C’est pourquoi le travail d’évaluation ne peut être uniquement gouvernemental. En outre, il est difficile de mesurer l’impact d’une innovation qui n’existe pas.

J’ai toujours été étonné par ces parlementaires qui demandaient des rapports au Gouvernement pour lui démontrer qu’il avait tort : si vous demandez un rapport sur le dégrèvement de la taxe d’habitation, par exemple, celui que je commanderai à mon administration risque bien de ne pas être tout à fait négatif sur cette réforme gouvernementale… Au fond, ce travail d’évaluation doit être mené par les deux chambres. La Cour des comptes, pour sa part, utilise ce pouvoir d’évaluation des politiques publiques et elle le fait bien mais c’est davantage le rôle du Parlement d’évaluer ces politiques et de saisir en opportunité le Gouvernement, que le rôle du Gouvernement de se juger lui-même par le biais d’études d’impact ou de rapports que lui aura commandés le Parlement. Et si la Cour des comptes, pour en revenir à elle, tend à aller plus loin en la matière, c’est parce que le Parlement refuse d’exercer son pouvoir.

Dès lors qu’elles contiennent des éléments intéressants, il est certes nécessaire que l’État fournisse des études d’impact, mais vous pourriez par exemple introduire une disposition dans le projet de loi qui prévoie un système d’évaluation parlementaire – le Gouvernement se mettant alors à votre disposition pour vous répondre. Ainsi, pendant l’examen du projet de loi de finances, le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) a fait l’objet de fantasmes. Tous les rapports d’inspection estimaient que ce dispositif était mal orienté – pour des raisons que l’on peut comprendre, il n’est pas très intuitif de penser que les portes et fenêtres, aujourd’hui, n’empêchent pas les déperditions énergétiques. J’ai proposé au président de la commission des finances, à bout d’arguments, d’auditionner des représentants de l’inspection des finances. Or si l’on persiste à fonder des politiques sans tenir compte des rapports éventuellement négatifs publiés par les corps d’inspection, évaluations pourtant sollicitées, comment lutter contre ce qui relève dès lors de la pensée magique ? Il n’est pas tout à fait faux de penser que le Gouvernement oriente, voire cache, certains rapports d’évaluation ou certaines études d’impact, mais ce n’est pas tout à fait vrai non plus. J’y insiste donc : il revient aux parlementaires de mener ce travail d’évaluation en amont, étant entendu qu’il n’est pas facile de mesurer l’impact d’un dispositif totalement innovant – et à trop vouloir innover on finit par ne pas agir.

La réforme de l’État, quant à elle, ne se confond pas avec le programme Action publique 2022 qui n’en est qu’une partie. Dans le cadre dudit programme, les directeurs d’administration et les ministres sont auditionnés. À la fin du mois de janvier ou début février, tous les ministres doivent rendre une « copie définitive » au comité Action publique, sur la manière dont ils envisagent la transformation de leur administration. Le comité rendra à son tour un rapport au Premier ministre, sans doute au début du mois de mars.

À partir de ce rapport très disruptif, une discussion politique s’engagera – au sein du Gouvernement, au sein du Parlement, puisqu’un député et un sénateur appartenant à deux camps politiques opposés appartiennent à la commission, avec les organisations syndicales, et plus largement dans toute la société. Le droit à l’erreur sera discuté en séance publique à l’Assemblée nationale au mois de janvier ; il le sera au mois de mars au Sénat. Nous espérons une promulgation rapide, au moment même où sera rendu le rapport du comité Action publique 2022, dont la mission est en outre bien plus générale.

M. Olivier Dussopt est évidemment à votre disposition ; je lui ai proposé que nous assistions ensemble aux débats parlementaires. Il répondra ainsi à vos questions, notamment sur la façon dont le droit à l’erreur peut être à l’origine de nouvelles formes de management dans la fonction publique. Il manque sans doute dans l’administration une volonté forte de management, et ce que voient les agents sur le terrain est sans doute souvent plus intéressant que ce que l’on lit dans les circulaires écrites en haut, qui participent à la rupture entre le citoyen et l’administration – rupture que le dessin animé que nous avons regardé ensemble montre de façon amusante.

J’entends ce que vous dites de la médiation et de l’URSSAF. La médiation n’est pas évidente dans les URSSAF, y compris pour les entreprises d’ailleurs ; mais cela marche, et il est donc logique de généraliser ces procédures. Faut-il expérimenter le dialogue dans telle ou telle administration qui contrôle et sanctionne, et généraliser ensuite, ou bien faut-il généraliser d’emblée le principe du dialogue ? À mon sens, la première option est préférable. L’expérimentation permet de dresser des bilans. Celui de l’expérience lancée par le Gouvernement précédent en Île-de-France est en tout cas très positif.

Nul n’est censé ignorer la loi, c’est entendu, mais il faut bien avouer que sa nature empêche de l’apprendre par cœur. Souvent, nos normes sont kafkaïennes, et l’administration elle-même ne s’y retrouve pas toujours – même la direction générale des finances publiques avoue avoir parfois du mal… Vous opinez du chef, monsieur le directeur général de la DGFiP. (Sourires.)

Nous devons donc mener soit un travail de codification, ce qui se fait souvent par ordonnances, soit un travail de concentration, de résumé, des normes applicables, ce que nous permettent les nouvelles technologies. Le rescrit est à mon sens un très bon outil, et le projet de loi propose l’instauration d’un rescrit douanier – ce qui est une nouveauté pour les Douanes, qui sont en lien avec beaucoup d’entreprises. J’ai souvent été interpellé sur des difficultés rencontrées avec cette administration, et j’ai même souvent réformé des décisions dont les notes qui arrivent sur mon bureau me disent qu’elles sont parfois absurdes. C’est un pouvoir ministériel, que j’utilise avec parcimonie, mais il est vrai qu’il y a des aberrations. Quant au certificat d’information, il doit permettre de résumer les textes en vigueur.

Les technologies nouvelles doivent permettre une information quasiment en temps réel sur un sujet. Sous cet aspect, l’administration est en retard, sauf avec Légifrance – mais il faut tout de même quelques cours de droit pour apprendre à bien se servir de cet outil. Je doute que qui que ce soit lise tous les matins le Bulletin quotidien et les actualités de Legifrance, sinon il ne doit pas lui rester beaucoup plus de deux heures de travail dans la journée… Sur ce point, le texte ne va pas assez loin. Il faut réfléchir à un nouveau carrefour de l’information, fondé sur les nouvelles technologies.

Enfin, je conserve une petite frustration. L’agent public doit être le premier acteur de cette transformation ; c’est lui qui répond, au guichet, au téléphone, à un particulier ou à une entreprise, et qui trouve une solution. La quasi-totalité des agents publics s’efforcent, parce que c’est leur métier, et parce qu’ils aiment servir le public, de démêler les fils de l’administration. Mais ils sont parfois pris au piège de normes, ou de leurs propres responsabilités, et ils sont alors obligés d’appliquer une règle qui leur paraît absurde. Nous avons tous des exemples de règles inadaptées que l’administration se sent néanmoins obligée d’appliquer.

En proposant que la responsabilité personnelle du signataire de la transaction ne puisse être mise en cause, en instaurant la médiation, nous ouvrons des pistes. Mais, quel que soit le nombre d’exceptions que nous introduisons, la loi ne répondra jamais parfaitement à la complexité de la vie. C’est pour cela que les élus tiennent des permanences : nous essayons de régler humainement des situations que les textes n’ont pas prévues.

Le Gouvernement n’a pas trouvé – mais j’aimerais vraiment que nous y parvenions collectivement – de définition satisfaisante du bon sens. Un agent qui a du bon sens pourrait, sans aller contre la loi et peut-être dans des domaines limités, là où les conséquences d’une décision sont importantes pour la personne concernée mais très faibles pour la société, se retourner vers son supérieur hiérarchique pour lui demander l’autorisation d’innover. Ne pas donner à l’agent public l’autorisation d’adapter la loi ou le règlement à la vie des personnes me paraît regrettable. La loi est générale, certes, mais en réalité elle descend tellement dans le détail qu’elle devient parfois kafkaïenne.

En trouvant cette définition, nous ferions œuvre utile. Il faudrait bien encadrer une telle disposition, et prévoir que l’agent soit responsable si ce qu’il fait ne répond pas aux principes de confiance, de bienveillance et de bon sens.

Mais la volonté de régler toutes les exceptions par la loi nous mène dans le mur. Nous sommes les premiers à demander de la simplicité. Il faut donner aux agents publics la confiance qu’ils méritent. Leur rôle s’en trouverait revalorisé.

Je reviens enfin sur le Conseil de la simplification. La simplification, ce n’est pas simple, et créer des institutions pour régler des problèmes institutionnels ne me paraît pas constituer la meilleure solution possible. Je ne suis pas favorable, à titre personnel, aux conseils censés proposer des simplifications. Là encore, c’est un travail qui devrait à mon sens plutôt revenir au Parlement.

Les conseils de simplification n’ont pas toujours produit beaucoup de simplification. Cela s’est produit, certes, mais il faut que la volonté d’agir soit très forte – j’ai cité M. Lambert. Il arrive aussi que des intérêts se cachent derrière des propositions. Derrière chaque norme, il y a un intérêt : c’est parfois l’intérêt général, mais parfois aussi un intérêt particulier.

Cela pourrait donc être le rôle des parlementaires que de suivre ce travail de simplification, dans l’esprit de bienveillance et de bon sens de ce projet de loi.

Mme la présidente Sophie Errante. Nous entendons maintenant les porte-parole des groupes.

M. Laurent Saint-Martin. Ce texte concrétise un engagement de campagne du Président de la République. Pour nous, groupe La République en marche, c’est aussi et surtout une réponse à une attente forte des Français. Tous nos voisins se sont posé la question de la modernisation de leur appareil administratif, et si les approches ont varié, la méthode la plus répandue est celle d’une maîtrise de la dépense publique associée à un choc de simplification, ou en tout cas à une série d’actions de simplification des démarches et des procédures.

La France est désormais engagée dans la maîtrise de ses dépenses publiques, puisque nous votons cette semaine le projet de finances pour 2018.

S’agissant de la modernisation de l’administration, le texte que vous proposez va bien plus loin qu’un simple choc de simplification. Nous nous en félicitons. Nous devons nous interroger sur la relation entre États et citoyens.

Ce que vous proposez, c’est une véritable évolution de la doctrine du service public. La reconnaissance d’un droit à l’erreur de l’administré est très bien accueillie par les Français : nous, députés de la majorité, avons pu le constater dans nos circonscriptions. L’inversion de la charge de la preuve est une évolution majeure dans la relation quotidienne des Français avec leur administration. L’administré ne sera plus perçu a priori comme un fraudeur potentiel mais comme un usager qui doit être accompagné et conseillé : c’est la philosophie de ce texte, et elle est saluée sur le terrain. Cette disposition essentielle témoigne d’un souhait profond de transformation du service public de demain.

Au-delà du droit à l’erreur, l’essentiel de ce projet de loi réside dans les mécanismes juridiques instaurés en vue de créer une relation de confiance durable entre usagers et l’administration. Mes collègues vous poseront des questions précises, mais je voudrais relever quelques points forts particulièrement importants aux yeux de la majorité.

Tout d’abord, le projet de loi instaure un « droit au contrôle » : l’entreprise peut demander à l’administration de la contrôler afin de s’assurer qu’elle est en règle, sans risque de sanctions aggravées. Il prévoit l’opposabilité des circulaires et instructions administratives publiées sur des sites dont la liste sera dressée dans un décret. Le projet de loi propose d’étendre le rescrit administratif, qui permet aux contribuables de poser une question à l’administration fiscale et de se prévaloir de sa réponse auprès d’autres administrations, notamment les Douanes. J’y accorde, vous le savez, monsieur le ministre, une importance toute particulière.

Le projet de loi prévoit un recours accru de l’administration à la transaction, qui devra être préalablement soumise à l’avis d’un comité à partir d’un montant déterminé par décret.

Enfin, notons que l’inspection du travail pourra donc délivrer un « carton jaune », c’est-à-dire un avertissement non pécuniaire avant de sanctionner, par exemple en ce qui concerne les modalités de décompte du temps de travail.

Ce projet de loi est majeur. Il engage une transformation profonde de l’État, par son texte même comme plus largement par sa philosophie, c’est-à-dire dans les têtes autant que dans les textes. Au cours de son parcours parlementaire, il évoluera ; nous, députés de la majorité, proposerons un certain nombre d’amendements. Par la suite, d’autres textes législatifs viendront le compléter.

Ce projet est la première brique d’un ensemble beaucoup plus vaste ; il va bénéficier aux usagers et aux agents de l’État. Il reste à assurer le travail de sensibilisation, de formation et de soutien, qui sera important. Monsieur le ministre, quelles garanties pouvez-vous nous donner quant à la mobilisation de votre administration, et de manière plus générale à celle de la fonction publique, pour prolonger l’élan de ce texte ainsi que celle du comité Action publique 2022 ?

En ce qui concerne l’évaluation, il me semble que le Gouvernement et le Parlement devraient assurer ensemble le suivi de la réforme au long des prochains mois et les prochaines années.

M. Frédéric Reiss. Ce projet de loi, qui sera examiné en commission et dans l’hémicycle au début de l’année 2018 appelle plusieurs remarques de la part du groupe Les Républicains.

L’intention en est louable, mais son examen en procédure accélérée nous inquiète. Aux anciens députés – dont vous êtes, monsieur le ministre – la lecture de ces quarante articles ne peut que rappeler celle d’autres textes, examinés dans de précédentes législatures : je pense aux différentes propositions de loi de M. Jean-Luc Warsmann relatives à la simplification du droit, à sa clarification et à l’allégement des démarches administratives, mais aussi au « choc de simplification » du précédent quinquennat.

Ce projet de loi est aujourd’hui communément ramené au seul droit à l’erreur. C’est un raccourci à nos yeux abusif.

Les dispositifs des précédentes lois de simplification ont-ils été évalués ? Quelles conséquences en avez-vous tiré ?

Le calendrier est extrêmement serré, et l’examen du texte se fait juste avant et juste après des vacances parlementaires. La consultation des acteurs est intense et l’agenda de la commission spéciale très impressionnant. Le dépôt d’amendements sera compliqué à gérer. Nous avons bien noté qu’il s’agit ici d’un engagement de campagne du Président de la République, mais ne confondez-vous pas vitesse et précipitation ?

Sur le fond, notre impression est très mitigée. Le texte ne comprend pas d’articles normatifs qui changeraient les choses et simplifieraient réellement les démarches des particuliers. Le changement a-t-il lieu maintenant, demain, ou plus tard ?

L’article 1er du projet de loi présente la « stratégie nationale d’orientation de l’action publique pour la France ». On lit dans l’étude d’impact que « la recherche d’une nouvelle culture de l’action publique ne suppose pas nécessairement l’édiction de normes, au surplus législatives, mais aussi des évolutions managériales, de gestion ou encore d’organisation ». Hormis l’article 15, qui expérimente l’existence d’un référent unique, je n’ai pas vu grand-chose dans ce domaine. Pouvez nous en dire un petit peu plus ?

Ce projet autorise le Gouvernement à réformer, via des ordonnances qui elle-même autorisent parfois des expérimentations : onze articles prévoient des ordonnances, sept des expérimentations. Là encore, pouvez-vous nous apporter des précisions ?

Le texte aborde d’autres sujets intéressants. Je pense à l’article 39, sur la géothermie profonde, thème qui m’est cher. Mes collègues vous poseront d’autres questions, notamment sur le dispositif « Dites-le-nous une fois ».

Vos intentions sont bonnes ; vous souhaitez une administration qui dialogue et qui s’engage dans la dématérialisation. Mais la situation actuelle en matière, par exemple, de délivrance de cartes grises fait craindre le pire.

Nous proposerons des amendements pour que le « droit à l’erreur » ne permette pas seulement d’atténuer la sanction, mais de la supprimer. De même, la remise de 30 % des intérêts de retard mérite d’être inversée : il faudrait qu’elle atteigne 70 % pour le contribuable de bonne foi.

Nous avons, vous l’avez compris, le sentiment que le texte ne répond pas vraiment aux attentes de nos concitoyens et aux promesses électorales.

M. Mohamed Laqhila. Ce projet de loi reprend des engagements pris dès la campagne présidentielle par Emmanuel Macron, qui avait annoncé vouloir changer de paradigme en privilégiant la bienveillance pour les contribuables, comme pour les associations, les collectivités locales, les entreprises. Le Président de la République souhaite que l’administration accompagne davantage qu’elle ne contrôle. Le groupe du Mouvement des démocrates et apparentés soutient cette démarche.

Ce texte s’inscrit dans la continuité de la circulaire du 26 juillet 2017 relative à la maîtrise du flux des textes réglementaires et de leur impact. Le Premier ministre y a énoncé une nouvelle règle : à chaque nouvelle création de norme devait répondre la suppression de deux anciennes normes. Il faut apprendre à délégiférer.

Le projet de loi est construit sur deux principes : faire confiance, faire simple. Pour restaurer la confiance entre l’administration et les usagers, il crée un droit à l’erreur. L’inversion de la charge de la preuve sera inversée, ce qui est fondamental : il reviendra à l’administration de démontrer la mauvaise foi de l’usager. Afin de faciliter les relations entre l’administration et ses usagers, le projet de loi simplifie normes et procédures. Cela passera bien évidemment par la dématérialisation des procédures. Les mesures de simplification concernent tous les secteurs : agriculture, environnement, culture…

Ce texte contient quarante articles destinés à simplifier le quotidien des Français – il doit en effet être d’abord au service des usagers et du citoyen –, à simplifier les normes et les démarches administratives avec le rescrit, qui ne fonctionne pas dans tous les secteurs, et le guichet unique, à simplifier les déclarations et à alléger les contrôles, à simplifier les projets environnementaux et accélérer le développement des énergies renouvelables.

Aujourd’hui, l’administration fiscale part du principe qu’un entrepreneur individuel est forcément un tricheur, un fraudeur et un dissimulateur. S’il ne fait pas partie d’un centre de gestion, avec un bénéfice de 100 il sera imposé sur 125. Il suffira qu’il soit immatriculé en société pour qu’il soit imposé sur son bénéfice réel. C’est une anomalie que je souhaitais souligner avant d’aller plus loin dans la discussion.

Mme Laure de La Raudière. Monsieur le ministre, votre projet était attendu au vu des enjeux de simplification pour nos concitoyens, nos collectivités, nos entreprises, nos associations. Au nom du groupe UAI, je tiens à saluer l’examen de ce texte en début de législature ainsi que la décision, prise par circulaire, dès le mois de juillet dernier, du « un pour deux ».

Mais ce qui est encore plus attendu, ce sont des résultats concrets, perceptibles par nos concitoyens, nos collectivités et nos entreprises, tant aujourd’hui ils perçoivent le terme « simplification » comme n’étant pas réel. Ils trouvent qu’au quotidien tout est toujours plus compliqué.

Avec ce texte, le Gouvernement souhaite que l’administration se mette à la place de nos concitoyens ou de ceux qui vont subir la norme : c’est un changement de culture. Mais pour atteindre cet objectif, il manque à mon avis quelques dispositifs que je qualifierai de systémiques, afin d’avoir une mesure des résultats concrets perçus comme tels par les citoyens.

La mesure de l’atteinte des objectifs nécessite certainement que l’on fixe d’abord, par ministère, des objectifs chiffrés, vérifiables et incontestables d’allégement des normes et que l’on suive ces résultats. Vous avez dit que ce pourrait être le rôle du Parlement que d’effectuer cette analyse de simplification des législations. J’appelle votre attention sur le fait que dans le domaine de l’entreprise, celui sur lequel j’ai peut-être le plus travaillé, 90 % de la réglementation est du ressort de l’État et non de la loi, puisqu’il s’agit de règlements, de décrets, de directives. Il me paraît donc indispensable que l’État, l’administration, le Gouvernement mettent en place un outil de pilotage de la charge administrative par ministère comme cela existe en Angleterre, aux Pays-Bas, en Allemagne – un organisme indépendant étant ensuite chargé de la vérification et de la publication des résultats. À mon avis, il est important, au-delà de la circulaire du mois de juillet dernier et des dispositifs qui existent déjà depuis 2010, de publier les résultats de l’évolution de la charge normative par ministère et de façon transparente. Ce serait bon pour la communication du Gouvernement et pour que les citoyens, les entreprises et les collectivités, qui pourraient ainsi mesurer le chemin parcouru.

La deuxième mesure systémique à prendre – et ce serait conforme aux engagements du Président de la République – consiste à afficher 100 % des démarches administratives réalisables en ligne d’ici à la fin du mandat. Aujourd’hui, s’il y a bien une volonté, l’objectif de dématérialiser la quasi-totalité des démarches administratives ne figure pas dans le projet de loi.

Sur le fond, je suis favorable aux démarches d’expérimentation prévues dans le texte.

S’agissant du droit à l’erreur, je salue le souhait du Gouvernement de faire passer l’administration d’une posture de contrôle à celle de conseil, comme cela se fait dans certains pays anglo-saxons. L’instauration d’un droit au contrôle et à l’opposabilité du contrôle qui permettra à toute personne de demander à l’administration de procéder à un contrôle sur un point qui s’applique à sa situation me paraît donc intéressante. Toutefois, je ne comprends pas pourquoi cela est remis en question en cas d’un autre contrôle, comme si le résultat pouvait être différent selon la personne qui effectue le contrôle. À la lecture du texte, on a vraiment l’impression que l’administration peut procéder à un deuxième contrôle si elle le souhaite, sur la même situation, alors même que l’administré avait demandé lui-même un contrôle.

L’article 16 prévoit que le contrôle d’une entreprise ne peut dépasser une durée cumulée de neuf mois sur une période de trois ans et dresse la liste des exceptions. Tel qu’il est rédigé, je trouve que cet article est une provocation et constitue un manque d’ambition par rapport à l’objectif recherché. J’espère que nous pourrons revoir cette disposition lors de la discussion du texte.

Mme Marietta Karamanli. Monsieur le ministre, ce projet de loi a, de prime abord, les meilleures intentions. La conjonction des mots « État », « service », « société » et « confiance » est a priori positive. Toutefois, chacun ici sait que la bonne loi est aussi et fondamentalement un art d’exécution.

Le premier constat que formule le groupe Nouvelle Gauche porte sur la méthode utilisée, c’est-à-dire sur l’engagement par le Gouvernement de la procédure accélérée. Alors que nous ne cessons de valoriser la place et le rôle du Parlement, le choix de cette procédure me laisse dubitative, car il ne permettra pas de prendre le temps nécessaire pour examiner ce texte. Et je n’évoque même pas ici les habilitations demandées au Parlement pour que le Gouvernement se substitue à lui et adopte certaines dispositions.

Le deuxième constat a trait à l’étude d’impact qui apparaît, à bien des égards, insuffisante. Le Conseil d’État a pointé le caractère lacunaire de celle-ci sur plusieurs dispositions phares, comme l’instauration d’un droit à l’erreur, l’opposabilité des textes de l’administration, la généralisation des rescrits. L’étude fait aussi un peu l’impasse sur le bilan de l’existant pour en tirer des leçons pour l’avenir et, chose étonnante, une approche comparée avec les autres pays européens est rarement présente dans l’étude.

Troisième constat : dans tout changement radical d’une relation, il faut une appropriation, d’une part par les agents et collaborateurs de l’administration, d’autre part par les usagers. Ce texte évoque d’ailleurs à juste titre une nouvelle culture de l’administration, mais le mot « formation » par exemple ne figure qu’une seule fois sur les 300 pages que constituent l’étude d’impact et le projet de loi, et aucune indication n’est donnée sur les moyens en montant ou en pourcentage qui devraient représenter cet effort nécessaire.

Concernant les usagers, France Stratégie, organisme officiel, faisait le constat, dans un rapport de 2016, que nos services publics connaissaient et connaissent une crise de légitimité. Il pointait deux éléments significatifs. Premièrement, dans un contexte de modernisation des administrations qui implique la dématérialisation des démarches, il considère que la distance entre les administrations et les citoyens s’accroît avec le risque de disparition du rôle d’intermédiaire, de facilitateur qu’assure l’agent pour les populations les plus fragiles. Deuxièmement, les agents des services publics s’épuisent à essayer justement de surmonter le désordre des institutions, la multiplicité des acteurs, l’accumulation des niveaux de responsabilité. Sur ce dernier point, le projet dit très peu de chose ou rien.

Ma première question porte sur les moyens. Quelle évaluation précise a été faite des moyens que l’ensemble des administrations devront ou pourront déployer en termes de formation et d’accompagnement des agents et des collaborateurs des services publics ? Avez‑vous estimé et valorisé les moyens budgétaires utiles ? Ceux-ci seront-ils bien identifiés et fléchés ? C’est bien de dire que cela se fera à moyens constants, mais c’est mieux d’apporter les éléments objectivés.

Ma deuxième question est relative aux collectivités territoriales. Comment seront-elles associées à la mise en œuvre d’une réforme qui les touche ou qui serait incomplète sans que certaines informations qu’elles détiennent ne puissent être fournies aux usagers ? Je pense notamment à l’obligation d’informations exhaustives sur les normes régissant une activité économique ou sociale ou pour lesquelles les collectivités territoriales ont établi des règles locales ou décliné des règles générales.

Ma dernière question est relative à qui fait quoi. Le rapport de France Stratégie note que sans la participation à la coproduction des services publics, l’agent public et l’usager qui se font face sont confinés dans un rôle souvent d’exécutants, de prescriptions conçues en dehors d’eux, ce qui offre un terrain propice à l’agressivité.

Comment l’usager saura-t-il qui, dans une organisation complexe comme l’est notre système institutionnel, établit la doctrine administrative claire et sans équivoque et qui présuppose le droit de prévaloir ? Comment les usagers et les agents publics seront-ils associés de façon régulière et consultés sur la définition de cette doctrine ? Autrement dit, monsieur le ministre, quelle est votre propre doctrine en matière de démocratie administrative ? Je vous remercie par avance de vos réponses.

M. le ministre. Je remercie M. Laqhila et M. Saint-Martin pour leurs encouragements.

Vous me demandez quelles garanties on peut donner quant à la mobilisation de l’administration. Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour : ce n’est qu’en faisant qu’on le sait.

Je suis surpris que vous critiquiez le calendrier car cela fait maintenant sept mois que nous avons évoqué devant le Parlement le principe du droit à l’erreur, que des textes ont circulé, y compris dans la presse, et que j’ai saisi l’opinion publique et les groupes. Entre la date de dépôt du projet et celle de son examen en séance publique, vous aurez le temps nécessaire pour débattre, ici et au Sénat. En tout cas, j’espère que la commission mixte paritaire aboutira. Surtout, on ne comprendrait pas qu’un texte qui revendique la simplification, la rapidité et l’efficience mette plusieurs mois avant d’aboutir concrètement. Vous savez mieux que moi que ce n’est pas parce qu’on vote une mesure qu’elle est appliquée. Je rappelle que la dernière loi sur l’agriculture a mis un an et deux mois avant d’être définitivement adoptée par le Parlement alors qu’elle répondait à une situation d’urgence. Si la lenteur peut sans doute contribuer à l’adoption de certaines dispositions, elle risque aussi de décourager les citoyens à l’action publique et à l’action politique. S’agissant d’un texte qui prévoit la simplification, notre devoir est non pas d’être rapides, mais dans un temps qui correspond à celui des Français, en tout cas des entreprises et, je l’espère, désormais au temps des citoyens.

La meilleure des garanties, c’est de pouvoir vous offrir, si j’ose dire, la possibilité de contrôler l’action du Gouvernement y compris après le vote de la loi. S’il n’est pas nécessaire de l’inscrire dans la loi au risque que celle-ci soit trop bavarde, nous pouvons prendre ensemble un engagement de suivi des textes et des règlements. Je sais que vous auditionnerez prochainement les directeurs d’administration : ils sont toujours à votre disposition pour répondre à telle ou telle interrogation concernant une mesure qui aurait ou n’aurait pas été mise en œuvre  selon la volonté du législateur ou par ma voix, dans le cadre de mes engagements devant vous.

Monsieur Reiss, non ce n’est pas un texte, aux intentions louables,  parmi d’autres. Il est totalement différent en ce sens qu’il crée un principe qui n’était pas inscrit dans les autres textes relatifs à la simplification – pourtant, il y en a eu de bons – selon lequel la bonne foi profite au contribuable, à l’entreprise. Pour la première fois dans l’histoire de la République administrative, si j’ose dire, ce sera à l’administration de démontrer que vous êtes de mauvaise foi. On ne le mesure sans doute pas encore, mais cela changera beaucoup de choses dans la vie administrative et dans la jurisprudence lorsque le contribuable ou l’entreprise aura un contentieux avec l’administration.

Jusqu’à présent, tous les textes des gouvernements précédents ont prévu des simplifications, mesure par mesure ; ils ont essayé de détricoter la simplification – parfois en n’y parvenant pas. Je rappelle que, s’agissant du principe édicté par l’ancien gouvernement selon lequel le silence vaut acceptation, il y avait 1 200 exceptions. Prévoir une kyrielle d’exceptions est peut-être la maladie de toute administration qui essaie de se couvrir. Ainsi ce texte en compte‑t-il trois grandes. Il procède par expérimentation : ce n’est pas l’Évangile, si vous me permettez une telle référence dans cette instance républicaine. On sait bien qu’il y a des choses qui marcheront et d’autres qui ne marcheront pas. Nous espérons pouvoir généraliser demain ces champs d’expérimentation, et c’est en cela que ce texte est totalement différent des autres. J’espère, et j’essaie d’être très modeste sur ce point, que, grâce à cela, nous parviendrons à simplifier. J’ai beaucoup de respect pour le travail de Jean-Luc Warsmann et je sais à quel point il s’investit positivement sur ce texte, mais ce n’est pas lui faire injure que de dire qu’alors qu’il avait prévu le coffre-fort numérique et l’inflation zéro des normes, dix ans après, ces objectifs ne sont pas atteints.

Mais peut-être M. Reiss veut-il dire que notre texte risque de finir comme les autres. C’est un écueil qu’il nous faut éviter en travaillant ensemble.

J’aurais souhaité pouvoir discuter avec vous des propositions que vous avez formulées collectivement, mais nous aurons l’occasion de le faire lors de l’examen des amendements. Madame de La Raudière, sur le principe administratif que sous-tend l’action publique, je pense que la bienveillance et le bon sens doivent l’emporter. Le droit à l’erreur répond à ce souci de bienveillance. Quant au bon sens, le débat législatif permettra de définir comment procéder s’agissant par exemple du management des agents publics.

Certains membres de La France insoumise considèrent qu’il ne faut pas supprimer les normes ni « détransposer », parce que la norme est la condition de la liberté et de la présence de l’État. C’est une philosophie politique différente dont nous pourrons débattre. Lors de l’examen de la loi de finances, certains m’ont expliqué qu’il ne fallait pas limiter le paiement en numéraire parce que certaines personnes âgées payent encore leurs impôts en liquide. On trouvera toujours une bonne raison pour ne pas simplifier.

D’autres m’ont dit encore qu’il ne fallait surtout pas adopter les dispositions relatives à la simplification des installations agricoles. Mais en imaginant qu’ils aient raison, quelles mesures de simplification doit-on prendre en faveur du monde agricole ? Je constate que les parlementaires qui s’intéressent à cette question n’ont pas apporté de propositions. Quant aux organisations syndicales, qui sont les premières à dire aux parlementaires, pendant les campagnes électorales, que tout est compliqué, elles ne m’ont pas non plus,  et je leur dis avec beaucoup de gentillesse et de bienveillance, donné spontanément de réponse.

Je serais prêt à émettre un avis défavorable sur une mesure gouvernementale si on me propose par ailleurs deux mesures de simplification. Vous savez, on peut toujours trouver un moyen de refuser la simplification et de se plaindre que c’est compliqué, parce que derrière des normes et parfois des conseils, des commissions, il y a du pouvoir. C’est aussi cela qu’il faut combattre, dans l’administration comme dans la société civile. Mais ce n’est pas simple sinon d’autres avant moi auraient réussi, chacun ayant à cœur d’avoir une action publique simple et efficace.

Mme de La Raudière évoque l’allégement des normes, une question très intéressante qui ne figure pas dans ce texte. Faut-il l’inclure ou non ? Je ne sais pas. En tout cas, je sais que vous travaillez depuis longtemps sur ce sujet, madame la députée, et je vous remercie d’avoir accepté une mission sur le stock de normes.

Mme Laure de La Raudière. Sur la quantification des flux.

M. le ministre. On a un flux et un stock mais il est intéressant de quantifier les volumes de normes. Comment effectuer cette mesure ? Qui le fait ?

Lorsque vous évoquez l’étude d’impact, vous avez tort de sous-estimer le rôle institutionnel des parlementaires, si vous me permettez cette légère intrusion hors de ma condition. Les parlementaires doivent contrôler l’action du Gouvernement, y compris les actes qui relèvent de l’exécutif au sens premier du terme, c’est-à-dire les règlements. Pour autant que je m’en souvienne, l’une des fonctions du parlementaire est de contrôler l’utilisation des deniers publics et l’action du Gouvernement, y compris lorsque les mesures relèvent du règlement et non pas de la loi. Il est illusoire de penser que le Gouvernement proposera de s’autocontrôler en matière de production de normes. Il peut essayer de le faire, de freiner. Il peut y avoir, ici ou là, des gens innovants. Mais il a été démontré que le Léviathan peut grossir, et qu’il appartient aux contre-pouvoirs de limiter ce pouvoir normatif.

Madame la députée, que le Conseil d’État – institution que je respecte profondément – ne soit pas satisfait d’une étude d’impact relative à une mesure qui n’existe pas encore et qui s’appelle le droit à l’erreur, cela me rassure. Si l’on avait pu mesurer exactement ce qu’est le droit à l’erreur, la portée innovante du principe serait limitée. Il n’est pas toujours très facile de prédire l’avenir, comme dirait Confucius. Il est plus simple de constater le passé.

Peut-être me suis-je mal exprimé sur le financement des mesures, mais le Gouvernement a prévu des moyens. J’imagine que vous allez voter le budget demain après-midi. J’ai relevé que 1,5 milliard d’euros seraient consacrés à la formation des seuls agents publics à cette transformation. Aucun gouvernement n’a mis autant d’argent dans la formation de ses agents publics au cours d’un quinquennat. À cette somme, il faut ajouter 700 millions d’euros pour la formation aux projets numériques et informatiques et pour l’accompagnement à la transformation.

Cela étant, l’accompagnement à la transformation ne se traduit pas seulement par des dépenses budgétaires supplémentaires. Sinon, je vais avoir du mal à vivre, au vu des pouvoirs que m’ont confiés le Président de la République et Premier ministre. Vous avez raison d’insister sur une donnée très peu quantifiable que vous appelez la démocratie administrative. Le management joue un rôle très important dans la responsabilisation des agents, quels qu’ils soient.

Ceux qui ont dirigé des femmes et des hommes dans l’administration ont pu constater que ce sont des gens passionnés par leur travail, parfois un peu déprimés par un manque de moyens ou de vraies décisions politiques, au bon sens du terme, c’est-à-dire par un manque de sens. Lorsque la chaîne de commandement n’est pas bonne, le fantassin n’a pas très envie de gagner la guerre. C’est assez normal. Il appartient aux décideurs politiques et à l’administration qualifiée de haute – je pense que le terme est impropre – de redonner du sens et de responsabiliser chacun des agents.

Monsieur Laqhila, vous avez soulevé diverses questions de fiscalité. Je ne vais pas entrer dans les détails parce que je comprends votre interpellation et que nous aurons à y revenir. Cependant, je voudrais insister sur un point concernant les droits que nous voulons créer, notamment le droit à l’erreur. Je le répète, droit à l’erreur n’est pas licence. Errare humanum est, perseverare diabolicum, comme le dit l’adage. Il ne s’agit pas d’une autorisation à ne pas respecter les délais. Peut‑être est-ce une limite au droit à l’erreur mais, en même temps, il faut que l’administration fonctionne. Pour faire reconnaître ce droit, il faut prouver sa bonne foi. Si vous devez payer vos impôts avant le 15 du mois, vous devez respecter cette date. Cela étant, M. le directeur général des finances publiques pourrait le préciser mieux que moi, vous pourrez peut-être démontrer que votre oubli est légitime ou que la complexité de la législation vous a conduit à faire une déclaration erronée ou incomplète. En revanche, si vous payez le 22 des impôts dus le 15, vous ne pourrez pas vous prévaloir d’un droit à l’erreur.

Pour vos questions plus précises, mes services sont à votre disposition, notamment la directrice des affaires juridiques et le directeur des finances publiques qui m’accompagnent aujourd’hui. Ce que vous mettez en exergue peut relever d’une attitude tatillonne de l’administratif ou d’une véritable politique publique assumée par le Gouvernement.

Mme la présidente Sophie Errante. Merci, monsieur le ministre. Nous avons treize autres orateurs inscrits, je ne sais pas si cela porte chance. Nous commençons par Mme Véronique Hammerer, du groupe La République en Marche (REM).

Mme Véronique Hammerer. Nous abordons une thématique qui n’est pas nouvelle : simplifier les normes, voire stopper leur production, retrouver une relation de confiance entre les différentes administrations et les concitoyens, qu’ils soient élus, usagers, patients chefs d’entreprise ou agriculteurs. Cependant, notre majorité veut continuer ce travail. Nous sommes surtout convaincus que nous devons accompagner ce travail en impulsant une véritable révolution culturelle. Nous devons aussi réinterroger la notion de transversalité dans nos différents services.

La réussite de cette loi, une fois adoptée, dépendra de sa mise en œuvre et, in fine, de la qualité de la formation accordée aux agents. Comment ces différents agents vont-ils être accompagnés ? Cette réforme ne concerne pas que le savoir-faire. Pour certains agents, elle va entraîner une révolution du savoir-être. Se pose ici la question du management qui a déjà été beaucoup évoquée. Vous souhaitez que les agents soient force de proposition, qu’ils puissent participer. Il me paraît important aussi de former les responsables d’équipe. J’ai une pensée particulière pour les DGS des collectivités. Je souhaiterais que l’on s’interroge sur la manière de diriger et de travailler autrement, sur le management participatif. À quand la généralisation du management participatif dans les fonctions publiques d’État et territoriale ?

Mme Cécile Untermaier. Ce texte prévoit beaucoup d’expérimentations sur des sujets divers et dans différentes régions. L’idée de créer un laboratoire à l’échelle nationale est séduisante. Pour ma part, je redoute un peu le caractère illisible des mesures et l’instabilité juridique qui peut en résulter. C’est pourquoi j’adhère à l’idée d’un suivi de ces expérimentations, effectué de manière indépendante par les parlementaires. Même si c’est un peu curieux, c’est le ministre qui vient de rappeler qu’il revient aux parlementaires de contrôler l’action de l’administration. Il serait intéressant de promouvoir ce suivi en lien avec des citoyens. Il faudrait imaginer un dispositif qui mette aussi le citoyen au cœur de cette évaluation.

Je pense aussi que, dans ce texte, il manque un travail sur les agriculteurs. Le droit européen inclut déjà la notion d’erreur manifeste qui n’est pas applicable en France car l’administration a rajouté deux pages à un règlement qui s’impose de lui-même. Dans ce texte ou un autre, il faudrait écrire que le règlement s’impose et que l’administration doit s’abstenir d’ajouter des explications et des complexités qui empêchent le principe d’erreur manifeste de s’appliquer. Or les agriculteurs sont en souffrance. Pour ce milieu fragilisé, il faudrait d’ailleurs imaginer un dispositif de médiation, sur le modèle de celui qui a été imaginé à l’article 17. L’Union européenne ne nous interdit pas de le faire.

M. Emmanuel Maquet. Les Français attendent beaucoup de ce texte. Ils attendent que leur administration soit plus efficace, plus connectée, moins complexe. Ils attendent qu’elle soit en mesure d’accompagner leurs projets plutôt que de les compliquer. Ils voudraient surtout qu’elle ne les traite plus comme des présumés suspects.

Pourtant, votre mesure phare ne leur propose qu’un horizon bien modeste, celui d’avoir le droit de se tromper, comme si notre ambition était limitée à la liberté de rater. Ce droit à l’erreur sous-entend que l’erreur est inévitable, qu’elle est d’ailleurs le seul horizon, et que c’est après tout bien normal vu la complexité imposée.

Nos concitoyens rêvent surtout d’un droit à la clarté, à la simplicité. Ce texte n’effleure que superficiellement les facteurs qui sont à la racine du problème : l’inflation normative, l’obésité des procédures de l’administration, l’impossibilité de gérer et de manager efficacement les ressources humaines.

À quand un vrai texte de réforme de notre sphère publique, de la production jusqu’à l’application des normes, en passant par le management de ceux qui l’appliquent ? Monsieur le ministre, j’ai bien noté que vous serez ouvert aux amendements que les différents groupes ne manqueront pas de vous envoyer, et qui proposeront une réforme peut-être plus profonde de notre sphère publique.

M. Dominique Da Silva. Monsieur le ministre, j’aimerais vous interroger sur l’article 26 et le permis de faire. À lui seul, ce texte est révolutionnaire, tout le monde en convient dans le secteur du bâtiment et de la construction. Les fédérations du bâtiment et les acteurs du logement que nous avons déjà auditionnés sont tous favorables à l’idée du texte : faciliter la réalisation de projets de construction et favoriser l’innovation.

Toutefois, il apparaît aussi clairement que ces habilitations mériteraient d’être davantage précisées et encadrées, afin de donner toute la mesure de l’ambition qu’elles portent. À défaut de cet encadrement, elles risquent d’être décriées et de prêter à des polémiques inutiles qui viendraient atténuer les effets que tout le monde en attend. À titre d’exemple, on ne fera rien dans la construction, si l’on ne se pose pas la question de l’assurabilité de l’innovation, c’est-à-dire des moyens qui permettent d’atteindre le résultat attendu. Serait-il possible d’apporter des précisions à ces habilitations ?

M. le ministre. J’ai entendu beaucoup de prises de position de principe ; je vais essayer de répondre aux questions plus concrètes.

Madame Hammerer, le management participatif doit, en effet, être généralisé. Il doit même faire partie de la formation des agents. Je discute avec le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), afin que le droit à l’erreur et le management participatif puissent être inclus dans les formations de tous les agents qui occupent des postes d’encadrement ou qui seront amenés à traiter des mesures prévues dans ce texte. C’est difficile à quantifier et à transcrire dans un texte législatif.

Cette façon de gérer consiste à identifier les objectifs, à comprendre les intérêts de chacun, à tenir compte de l’innovation et de la liberté individuelle. L’État doit la mettre en place dans la fonction publique. Voilà pourquoi, en d’autres lieux, je plaide pour une véritable direction des ressources humaines (DRH) de l’État. La direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) effectue un travail important, mais elle surveille surtout les statuts. Elle discute beaucoup du règlement de la fonction publique et assez peu d’une vraie fonction de ressources humaines.

Il reste beaucoup de travail à faire dans ce domaine. Les directeurs d’hôpitaux doivent être des patrons de leur administration et, à ce titre, ils doivent être les responsables managériaux de leurs collaborateurs. Dans la fonction publique territoriale, il me semble normal que le président de l’exécutif, avec ses directeurs généraux des services, doit être capable de mettre en avant ce type de management. C’est aussi important, sinon plus, que la connaissance d’un règlement ou de dispositions législatives et réglementaires.

Madame Untermaier, vous avez évoqué une possible instabilité juridique. Il peut y avoir des effets de bord. L’annonce d’une révolution de l’action publique peut susciter de la peur. Y a-t-il aussi des risques ? Je ne le crois pas parce que nous allons procéder par des expérimentations qui vous paraissent peut-être nombreuses. Je constate que l’on me reproche à la fois d’en faire trop et trop peu, ce qui me fait penser qu’elles sont en nombre suffisant.

Les expérimentations seront disséminées sur le territoire. Dans cinq préfectures, notamment dans le Nord et l’Aube, les préfets seront autorisés à mettre en place une simplification des démarches administratives pour la délivrance de pièces d’identité. Ceux qui ont eu à se faire délivrer de tels documents savent qu’il y a souvent des difficultés. Quelle est la facture de téléphone à transmettre ? Quelle adresse fournir quand on vit chez quelqu’un ? Dans une autre région, on va permettre à une agence régionale de santé (ARS) de fonctionner différemment avec les hôpitaux et avec les médecins libéraux. Dans une troisième région, on va permettre aux chambres d’agriculture d’expérimenter.

Il y a certes une myriade d’expérimentations. Nous avons souhaité qu’il puisse y avoir, dans chacun des territoires, des expérimentations spécifiques qui ne se confondent pas avec celles que nous allons mener au plan national. Je suis tout à fait d’accord pour qu’elles soient aussi évaluées par des instances indépendantes du Gouvernement, une fois qu’elles seront terminées. Je n’ai fait qu’encourager cette idée depuis le début de mon propos. Le Gouvernement doit être incité à se remettre en cause par des évaluations et des rapports indépendants. Le Gouvernement a naturellement tendance à vouloir généraliser une idée qu’il trouvait bonne dès le départ. Côté administration, les réactions peuvent varier. Une administration est, évidemment, toujours très heureuse d’accompagner les idées superbes de son ministre. (Sourires.) Il peut quand même arriver, une fois de temps en temps, que ce ne soit pas le cas. Le ministre essaie d’imposer son idée mais on lui explique qu’elle est impossible à appliquer.

Entre le ministre qui tient absolument à sa bonne idée et l’administration qui trouve parfois tous les moyens de ne pas la concrétiser, les parlementaires ont un rôle objectif à jouer. En tous les cas, ils ont un point de vue à partager avec le Gouvernement. J’y suis tout à fait favorable. Je serais même tenté de plaider pour que ces évaluations ne se fassent pas du point de vue gouvernemental.

Quant à votre idée de la médiation agricole, je la trouve très bonne. J’ai été député d’une circonscription qui n’était pas très agricole. Mes parents n’étaient pas agriculteurs et je ne l’ai jamais été moi-même. Mes propos seront donc plus modérés que définitifs. Il me semble, en effet, au vu de la désespérance que connaît une partie de nos paysans, que la médiation pourrait être utile. Face à la désespérance, aux suicides, aux drames sociaux, il faut sans doute remettre de l’humain dans le rapport à l’administration. Quand j’étais député, on m’avait expliqué que certains contrôles étaient effectués par des gens armés. Les agriculteurs ne comprennent pas toujours pourquoi des gens armés viennent effectuer des contrôles administratifs. Peut-être serait-il bon que vous entendiez le ministre de l’agriculture.

Monsieur Maquet, vous m’encouragez à être plus ambitieux. Il me semble que nous le sommes déjà, mais si un travail parlementaire plus ambitieux encore émergeait, notamment dans les propositions que vous pourriez formuler, je serai évidemment ouvert à ces propositions. Je n’en ai pas entendu parler mais la date limite de dépôt des amendements n’est pas encore dépassée.

Le permis de faire est une mesure importante. Par nature exigeant, le Conseil d’État a trouvé que l’ordonnance est l’outil juridique précis pour mettre en place ce permis de faire. Ce dernier doit faire l’objet de concertations, avec les parlementaires, avec les administrations et avec les professionnels. Il s’agit en effet d’une révolution dans le domaine du bâtiment. Nous avons voulu amener cette simplification dès l’examen du présent projet de loi, car nous savons tous que le poids des normes alourdit le prix de la construction, freinant l’offre de logements peu chers.

Cela pose la question des normes en faveur des handicapés. Les élus locaux sont souvent pris entre la volonté simplificatrice de mettre en œuvre les normes sur une partie seulement des logements et les légitimes demandes des associations qui en demandent le respect plus complet. Sur ce point, je salue le travail réalisé par votre collègue Adrien Taquet, en lien avec Mme Cluzel et moi-même. Il me semblerait important qu’il puisse lui aussi participer à vos travaux.

Quant à l’article 26, il pose le principe d’une habilitation de trois mois. Nous aurons l’occasion de mettre en place des cas pratiques par ordonnance. Ils concerneront la simplification de la réglementation relative à l’acoustique, qui a tendance à alourdir le coût de la construction, la simplification de la réglementation relative à la ventilation et à la qualité de l’air intérieur, fixant des normes sur le taux d’humidité ou de poussière, la simplification de la législation actuelle relative aux réseaux de communication, qui imposent souvent le déploiement de la fibre optique, alors que de nouvelles technologies peuvent permettre de s’en passer. Sur ce dernier point, l’important n’est-il pas que les gens aient accès à internet, plutôt que d’installer à tout prix la fibre optique ?

Voilà autant d’exemples de mise en œuvre possible du permis de faire, qui pourrait d’ailleurs être généralisé à d’autres secteurs que le bâtiment, si le Gouvernement et vous-mêmes trouvez que cette innovation en est vraiment une.

M. Gaël Le Bohec. Ce texte doit permettre d’avoir davantage de confiance, ou une confiance de meilleure qualité, au sein de l’administration elle‑même. J’évoquerai deux cas pratiques tirés du monde agricole et dont nous avons parlé ce matin avec les représentants des syndicats.

Ainsi, après le démarrage d’un poulailler breton il y a quelques semaines, l’inspecteur venu le contrôler a indiqué au paysan, à sa sortie, qu’il « était embêté pour retourner voir son supérieur, car il n’avait rien trouvé » ! Dans mon deuxième exemple, l’exploitant d’une ferme, qui a diversifié ses activités pour accueillir des groupes scolaires et du public en période de vacances, a laissé sciemment un écart visible au niveau de l’accès, pour donner du grain à moudre aux contrôleurs… !

Voilà les situations évoquées ce matin. Avec les organisations syndicales, nous avons donc parlé de relations humaines, de formation, de la nécessité de réduire la distance hiérarchique et de redonner de l’autonomie, mais aussi du droit à l’initiative… Il y a quelques semaines, un préfet a même évoqué devant moi l’hypertrophie de la tête de certaines administrations.

Vous avez évoqué, monsieur le ministre, l’innovation et le bon sens – dans nos campagnes, on parle de bon sens paysan. Quels sont les dispositifs pour aller encore plus loin et pour développer, au sein même de l’administration, un sentiment de confiance qui pourra rayonner au-delà d’elle dans les années à venir ?

M. Laurent Pietraszewski. Je soutiens l’ambition de ce projet de loi. Deux de ses articles me paraissent cependant mériter un questionnement approfondi.

En effet, les articles 25 et 38 modifient l’équilibre fragile de la loi de 1905 régissant les rapports entre les églises et l’État. Il ne me semble pas souhaitable de modifier le mode de financement de ces églises et leur rapport à la propriété immobilière, ni même de les extraire du statut de représentants d’intérêt, sans avoir ouvert préalablement un large débat. J’appelle ce dernier de mes vœux. Peut‑être l’Assemblée nationale pourrait-elle se pencher à nouveau sur la loi de 1905. Je n’y suis pas hostile, mais cela mériterait un débat en soi.

Quelles sont, monsieur le ministre, les motivations du Gouvernement à proposer de telles modifications ?

M. Yves Daniel. Monsieur le ministre, vous nous avez parlé d’entreprises ou de particuliers contrôlés à plusieurs reprises. Mais il arrive aussi que des contrôles soient issus de dénonciations ou de règlements de comptes entre voisins ou entre personnes animées par une volonté de vengeance.

Or je n’ai pas trouvé de réponse à cette situation dans le présent projet de loi. Ce serait pourtant l’occasion de combattre ces méthodes fondées sur la dénonciation et le règlement de comptes. Je ne sais comment. Mais les contrôleurs et l’administration ne donnent pas l’origine des dénonciations aux victimes. Est-ce que la médiation ou quelque chose de semblable pourrait répondre à cette question ? Car ces différends prennent souvent une tournure judiciaire, finissant par encombrer les tribunaux et générant des coûts pour nos concitoyens.

Il me semble que cette question reste sans réponse à ce stade.

M. Bruno Fuchs. Puisque vous avez cité des dictons, permettez-moi d’en citer un : Qui sème le vent, récolte la tempête… Car, en inversant la logique et en permettant au citoyen et au justiciable de voir d’emblée leur bonne foi reconnue, nous allons mettre en première ligne – et en difficulté – des agents publics. Si, dans l’extrait de dessin animé que vous nous avez passé, Obélix avait en plus eu cette assurance d’être dans son bon droit, il aurait fallu renforcer assez sensiblement le guichet 2, qui n’aurait pas tenu très longtemps ! (Sourires.)

Ma réflexion tourne donc plutôt autour de la médiation. Ce type de règlement fonctionne à peu près si on est de bonne foi de part et d’autre, mais cela devient plus compliqué si cela implique plusieurs administrations.

À titre d’illustration, je prendrai la question des 30 000 frontaliers qui partent chaque matin travailler d’Alsace vers la Suisse. En 2014, ils ont dû choisir entre une affiliation aux caisses de protection sociale et de retraite de la France ou de la Suisse. Aujourd’hui, 5 000 personnes ont une double affiliation et 10 000 procédures judiciaires sont en cours, en Suisse et en France. Car les autorités françaises demandent à ces personnes des remboursements. Les huissiers passent tous les deux mois, tandis que les gens ne savent plus très bien s’ils peuvent se faire soigner ou non, tout en sachant qu’ils ne seront pas remboursés par la mutuelle s’ils se font soigner en Suisse. La situation est extrêmement complexe. La caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) est à chaque fois déboutée en première instance ; en appel, l’administration perd à chaque fois ; l’affaire est en train d’être portée en cassation.

Cette affaire fournit un contre-exemple aux principes que vous avez énumérés tout-à-l’heure. Lorsqu’on a affaire à une machine infernale de ce genre, comment fera-t-on pour inverser une logique qui paraît imparable, mais qui nous emmène en réalité tout droit dans le mur ?

M. le ministre. Il faut effectivement faire attention à ce qu’une bonne idée ne soit pas transformée en une mauvaise idée. Le principe de l’action publique doit être considéré comme un principe de responsabilité et un principe de management : il y a des moments où l’administration doit conduire des contrôles et doit prendre des sanctions, c’est évident.

M. Reiss est parti, mais je ne peux pas le laisser dire que, parfois, il ne faut pas prévoir de sanction du tout : ce n’est pas raisonnable. Sur les intérêts moratoires, je souligne qu’ils ne relèvent pas de la sanction, mais du coût de l’argent.

Il sera plus difficile de traduire dans les textes – il faudra donc le mettre dans les têtes – que chaque agent aura une part de liberté d’adaptation, même si les lois de la République doivent être appliquées. Telle est l’idée générale, dont découlent le droit à l’erreur et la transaction, ainsi que toutes les formules qui permettent un traitement plus souple des questions et une libération des énergies – c’est d’ailleurs ce que souhaitent les gens.

Il faudrait aussi parler de l’influence que le cadre de réflexion peut avoir sur la décision des agents économiques : le nudge. Le principe même de la notation a changé. Les amateurs de bons restaurants se rendent aujourd’hui plus volontiers sur des sites internet dédiés qu’ils ne consultent le guide Michelin. Cela ne veut pas dire que l’amour de la gastronomie a baissé, mais seulement que nous faisons plus confiance à l’avis largement partagé qu’à celui des spécialistes. J’y vois un signe fort de transformation du comportement.

Alors que les services publics peuvent être notés, je ne trouverais pas amoral que les usagers puisent être eux aussi notés, comme le sont les usagers de voitures de transport avec chauffeur (VTC). Notre texte n’entre pas dans ces détails, mais le service public doit évidemment s’adapter à l’évolution de la société, sans pour autant renverser des valeurs qui y sont profondément ancrées.

Monsieur Pietraszewski, je partage votre questionnement. Le texte est issu d’une négociation intergouvernementale. On a en même temps essayé de régler des problèmes de certification. Mais je crois que ce que vous dites au sujet de l’article 25 n’est pas juste : que les associations cultuelles, soumises au régime prévu par la deuxième loi, moins connue, de 1905, puissent récupérer des dons par SMS ne paraît pas anormal. Les associations cultuelles ont en effet beaucoup d’obligations à remplir : elles doivent publier leur compte ou encore employer un expert. Si je prends le cas de l’Église catholique, elle bénéficie, depuis l’accord de 1920, de la déduction fiscale accordée à ceux qui versent le denier du culte ; autant je trouve anormal de financer un culte sur les fonds publics, autant je trouve normale cette forme de soutien indirect, dont bénéficient aussi les associations d’utilité publique.

Le débat porte donc, à mon sens, plutôt sur l’article 38. D’après la première loi de 1905, les associations cultuelles n’ont pas le droit d’exploiter un autre site immobilier que celui qui est totalement dédié au culte. L’Église catholique crée alors des associations culturelles ou paroissiales pour gérer d’autres salles, comme les salles paroissiales. Je comprends la demande formulée par les cultes de mettre en place un dispositif où ils puissent recevoir des produits leur permettant de vivre indépendamment du soutien de l’État.

Mais il faut d’abord régler la question de la gestion des lieux de culte en France. Un lieu de culte peut être un lieu de culte de fait, sans qu’une association le gère, comme la loi l’autorise. Un lieu de culte peut sinon être géré par une association culturelle subventionnée, comme c’est le cas pour plus de 80 % des associations culturelles musulmanes, ainsi que l’a montré, il y a quelques années, un excellent rapport sénatorial. Enfin, un lieu de culte peut être géré par une association cultuelle.

Je pense qu’il faut d’abord régler la question du financement et de l’organisation des cultes en France. C’est une question extrêmement compliquée. Il existe, au ministère de l’intérieur, un excellent bureau des cultes. Vous devriez l’interroger sur les effets secondaires, ou effets de bord, d’un tel dispositif. Si on veut encourager le recours aux associations cultuelles, il ne faudrait pas qu’elles soient affectées par le même défaut que les associations culturelles. Je pense que c’était le sens sous-jacent de votre question.

Pour résumer, l’article 25 ne me semble pas poser de problème, puisqu’il se borne à accorder aux associations cultuelles des avantages dont jouissent les associations d’utilité publique. En revanche, l’article 38 mériterait un travail parlementaire approfondi. En tout cas, il n’y a pas d’intention cachée du Gouvernement de régler, au détour d’une loi de simplification, un problème de culte qui mériterait d’être réglé dans une loi spéciale.

Pour la question de M. Daniel relative aux contrôles sur la base de dénonciation, je passe la parole à M. Bruno Parent, directeur général des finances publiques. Que se passerait-il, monsieur le directeur général, si je vous écrivais une lettre de dénonciation visant le directeur de mon cabinet, assis auprès de vous ? (Sourires.)

M. Bruno Parent, directeur général des finances publiques. Monsieur le ministre, dans ce cas précis, je la regarderais assurément avec attention ! (Sourires.)

Mais, pour répondre à la question de M. Daniel, notre pratique est ancienne et stable : la direction générale des finances publiques ne déclenche jamais un contrôle sur la seule base d’une dénonciation. Dans la presse, le nombre de dénonciations est sans doute survalorisé. Pour ma part, je ne les comptabilise pas, mais ce n’est pas volumineux. L’essentiel part à la poubelle ipso facto et a fortiori si c’est anonyme.

Pour être absolument transparent, je dois cependant dire qu’on peut, dans un nombre minime de cas, trouver sous cette forme des éléments étayés et documentés, notamment lorsqu’ils ont trait à des pratiques inter-entreprises, dans lesquelles une entreprise se plaint vertement de la concurrence déloyale qu’on lui fait – et que son sort économique en dépend. Dans ce cas-là, il peut en effet nous arriver d’essayer d’enrichir l’information, de la recouper et de savoir si elle est valide. C’est un faisceau d’indices qui conduira l’administration, dans un nombre minime de dossiers, à déclencher un contrôle. Mais le principe de base est : Poubelle ! dans la quasi-totalité des cas.

M. le ministre. Je ne peux pas vous dire avec certitude, monsieur Daniel, ce que font les autres administrations, mais beaucoup d’entre elles, je crois, fonctionnent ainsi. Néanmoins, j’entends, comme vous, ce que disent nos concitoyens. Aussi, peut-être devons‑nous mener une réflexion à ce sujet. En tout cas, il faut éviter de restreindre la liberté des lanceurs d’alerte, que le Parlement s’efforce de protéger depuis quelques années et dont l’action est parfois difficile à distinguer d’une dénonciation.

Enfin, l’adaptation du droit à l’erreur et de la simplification à l’outre-mer, aux Français de l’étranger et aux frontaliers est un sujet intéressant. Au fond, si nous faisons de la politique, c’est pour tenter de trouver une solution aux problèmes des 5 % de personnes qui n’entrent pas dans la norme. À cet égard, la situation des frontaliers est particulièrement complexe, notamment en matière de cotisations. Il me semble cependant, mais je ne suis pas spécialiste des questions franco-suisses, que la justice est saisie de cette question. S’agissant de nos concitoyens d’outre-mer, les textes de la République comportent des mesures d’adaptation à ces territoires. Mais il est vrai que tel n’est pas le cas pour les frontaliers et les Français de l’étranger, sauf si, dans certains domaines, leur situation est couverte par une convention internationale.

Mme Anne-Laure Cattelot. Monsieur le ministre, dans le cadre des travaux préparatoires de ce texte, mon collègue Jean-Baptiste Moreau et moi-même avons rencontré un grand nombre d’acteurs agricoles : des représentants syndicaux, des personnels de l’Agence de services et de paiement, des services de l’administration à Paris et dans nos territoires, ainsi qu’un grand nombre d’agriculteurs non syndiqués, qui se sont exprimés très librement sur leur vie quotidienne. Vous l’avez dit, on se plaint beaucoup des normes et de l’administration sans pour autant faire de propositions. Cependant, cette forme de consultation citoyenne, très instructive, peut inspirer certaines mesures, notamment de simplification. Celles-ci pourraient être intégrées dans les prochains textes relatifs à l’agriculture, mais nous les avons examinées sous l’angle du droit à l’erreur et du rétablissement de la confiance dans les relations entre l’administration et les usagers.

Ainsi, j’invoquerai, quant à moi, à propos des questions agricoles, le bon sens belge, puisque je suis élue d’un territoire limitrophe de la Belgique. En la matière, on est tenté de considérer que tout ce qui relève de la Politique agricole commune est d’ordre européen et que l’on ne peut donc rien faire. Or, le vécu administratif n’est pas du tout le même d’un côté et de l’autre de la frontière. Nous nous attacherons donc à proposer, dans nos amendements, un certain nombre de modifications inspirées des pratiques en cours en Belgique. La politique comparée peut en effet être utile à cet égard.

J’en viens à ma question. On connaît le principe selon lequel le silence de l’administration vaut acceptation. Mais le silence ne pourrait-il pas valoir, dans certains cas, continuité de la situation ? En effet, si, par exemple, la situation de l’exploitant agricole ne change pas, il n’est pas nécessaire qu’il se manifeste auprès de l’administration pour le lui indiquer. De même, un tel principe éviterait aux personnes en situation de handicap – car ce sont pour elles des moments difficiles, voire dégradants – de devoir notifier chaque année à l’administration leur situation, qui est immuable.

M. Arnaud Viala. Monsieur le ministre, je souhaite vous poser deux questions et formuler une remarque.

Ma première question porte sur l’article 30, relatif aux exploitations agricoles, qui me paraît, à ce stade, imparfait et insatisfaisant, comme l’ont déjà souligné nombre de mes collègues. J’ajouterai, pour ma part, que la situation conjoncturelle et structurelle de l’agriculture étant ce qu’elle est, le projet de loi doit nous permettre d’ouvrir des pistes d’amélioration de la condition de ces entrepreneurs, qui ont des relations à bien des égards compliquées avec une administration qui, souvent, les comprend mal et qu’ils comprennent mal. Je pense en particulier à la question du versement des primes dans le cadre des contrôles. Il existe, en la matière, une injustice flagrante puisque, lorsqu’un problème est décelé dans un dossier, l’administration retient l’intégralité des primes alors qu’elle pourrait ne retenir que la partie qui fait l’objet d’une discussion avec l’exploitant et lui verser le reste afin de permettre à celui-ci d’alimenter sa trésorerie.

Ma deuxième question est d’ordre beaucoup plus général puisqu’elle a trait aux délais. Les Français ont en effet le sentiment que l’administration leur impose des délais très brefs et qu’elle est surtout intransigeante quant à leur respect – ce que l’on peut comprendre –, sans pour autant s’astreindre à leur répondre dans les mêmes délais, voire à leur en indiquer un. Or, cela crée du stress et de l’inquiétude. Je souhaiterais donc savoir si vous seriez ouvert aux propositions que nous pourrions vous faire dans ce domaine.

Enfin, je m’interroge sur les raisons pour lesquelles ce texte fait l’objet d’une procédure accélérée, car son objet justifie que les députés recueillent l’avis de leurs concitoyens sur les dispositions proposées ainsi que sur d’éventuels amendements. Je termine en précisant que je dois m’absenter et que j’écouterai donc votre réponse depuis mon bureau ; je vous prie de bien vouloir m’en excuser.

M. Hervé Pellois. Monsieur le ministre, je serai tenté de citer un seizième aphorisme : « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement », tant il est vrai que, pour un certain nombre de personnes, le déchiffrement des documents administratifs est une véritable galère. J’ai ainsi reçu, dans ma permanence, les représentants d’une association de personnes en situation de handicap intellectuel, l’association Nous aussi, qui a pour caractéristique d’être gérée par les handicapés eux-mêmes, sans l’aide de leurs parents. Ces personnes souhaiteraient que les documents administratifs soient plus lisibles. Certaines associations les soutiennent déjà dans cette démarche qui consiste à simplifier et à faciliter la compréhension des documents. C’est une manière de leur donner davantage d’autonomie et de leur permettre d’être des citoyens comme les autres. Vous avez rappelé que le projet de loi n’était pas un texte de simplification, mais j’aurais aimé connaître les pistes que le Gouvernement et l’administration envisagent d’explorer pour simplifier l’accès à l’information des personnes en situation de handicap intellectuel, voire pour lancer une expérimentation avec eux.

Ma deuxième question a trait au référent unique. Je sais, pour avoir interrogé les agriculteurs et les administrations qui les contrôlent, que les logiciels et les codifications – numéro SIRET, numéro PACAGE… – sont très différents d’une administration à l’autre, ce qui complique les échanges d’informations. Ne pourrait-on pas agir dans ce domaine pour améliorer le dialogue entre administrations ? Dans le Morbihan, par exemple, la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) a chargé un agent d’avertir les différentes administrations des contrôles effectués dans les exploitations afin d’éviter que ceux-ci ne se multiplient inutilement.

Mme Véronique Louwagie. Monsieur le ministre, ce texte suscite une forte attente chez nos concitoyens, tant les difficiles relations entre administrations et usagers pèsent sur ces derniers, qui ne perçoivent plus l’administration comme étant à leur service. Par ailleurs, le projet de loi lui-même, qu’on retiendra sans doute comme celui qui crée un « droit à l’erreur », est aussi un texte de simplification. C’est une dimension très importante et nécessaire pour rétablir la confiance. À ce propos, je me félicite que vous ayez accepté de nous communiquer le bilan de l’application des précédentes lois de simplification.

J’en viens à mes questions. Il est prévu, dans un certain nombre de dispositions, notamment les articles 11 et 13, des décrets en Conseil d’État. Je souhaiterais donc savoir si, lors de l’examen du projet de loi, nous pourrons avoir communication des projets de décret.

Enfin, je crois que nous pourrions utilement intégrer dans le projet de loi la notion de discernement ou de bon sens. En effet, si les lois sont nécessaires, ne pourrait-on pas laisser aux services de l’État une certaine latitude dans leur application ? La loi sur l’accessibilité des lieux publics aux personnes à mobilité réduite nous fournit un bel exemple du discernement dont les services de l’État peuvent faire preuve dans leur appréciation des différentes situations. Bien entendu, il ne s’agit pas de créer des passe-droits, mais, encore une fois, d’appliquer les textes avec discernement. Il serait important que ce terme figure dans le projet de loi.

M. le ministre. Madame Cattelot, je verrai d’un bon œil toute proposition d’amélioration du texte. Je me réjouis donc que vous ayez des propositions de simplification à nous faire dans le domaine agricole. Je sais que de telles mesures sont attendues. J’appelle cependant votre attention sur le fait qu’une bonne idée de l’un peut parfois provoquer le courroux de l’autre. Il faudra donc peser le pour et le contre de chaque mesure, puis trancher dans le sens de l’intérêt général. Mais, pour cela, je fais toute confiance aux parlementaires. En tout cas, je le répète, M. Travert et ses services sont à votre disposition pour vous expliquer les raisons pour lesquelles ils ont retenu telle mesure et rejeté telle autre.

Sur l’utilité du droit comparé, je ne peux qu’être d’accord avec vous. Du reste, je me rendrai moi-même, au mois de janvier, en Grande-Bretagne, en Allemagne et, surtout, aux Pays-Bas, où des mesures de simplification ont contribué à rénover les relations entre l’administration et les usagers. À cet égard, les députés des régions frontalières ou les représentants des Français de l’étranger peuvent nous faire utilement partager leur expérience de ce qui se fait ailleurs. Dans mon ancienne circonscription, il suffit de traverser la Becque pour être soumis à une réglementation différente alors que, d’un côté et de l’autre de la rivière, le temps est le même et on boit la même bière – même si la bière flamande est généralement plus forte que la bière française.

Je ne peux également qu’être d’accord avec vous sur le principe selon lequel le silence vaut continuité. Toutefois, j’ai été un peu échaudé par les 1 200 exceptions que le précédent gouvernement a été obligé de prévoir lorsqu’il a instauré le principe selon lequel le silence de l’administration vaut acceptation. Je comprends néanmoins la philosophie de votre proposition et, si vous déposez un amendement en ce sens, je suis prêt à y travailler avec vous. Encore faut-il que l’on ne soit pas contraint de prévoir un nombre d’exceptions tel qu’il vide le principe de sa substance.

M. Viala nous entend, là où il est… Les délais sont déjà en partie limités. Pour ce qui est du délai de neuf mois, je précise bien qu’il s’agit de neuf mois cumulés. Si une administration prévoit un contrôle de trois mois, le temps disponible pour le contrôle reste de six mois. Je retiens de mes rencontres de terrain qu’au moins, l’administration fiscale, lorsqu’elle décide un contrôle, prévient l’usager et lui indique la durée approximative de ce contrôle. Il semble que ce ne soit pas le cas d’autres administrations, notamment de la sphère sociale. Or, un contrôle mobilise un bureau, un expert-comptable, un directeur des affaires financières. Certes, on consacre volontiers du temps à l’administration, mais le chef d’entreprise aimerait aussi pouvoir s’organiser. Dès lors, peut-être faudrait-il – nous ne l’avons pas envisagé jusqu’à présent, mais pourquoi pas – que l’administration indique au moins la date à laquelle son contrôle se terminera. C’est une forme de politesse, et cela permettrait aux personnes contrôlées de s’organiser. Peut-être est-ce lié à la nature du contrôle ou à des cultures administratives différentes, mais je constate que les modalités du contrôle sont différentes selon les administrations. En tout cas, je crois que l’on pourrait s’inspirer de la pratique de la direction générale des finances publiques dans ce domaine.

La charte Marianne impose déjà de répondre aux courriers et courriels dans les délais annoncés, mais cela peut être précisé par politesse. Quant à la durée cumulée de neuf mois sur trois ans, c’est une expérimentation à faire grandeur nature. Réduire les délais est toujours possible, mais n’ayons pas d’ambitions excessives, qui nous exposeraient au risque de ne pas les tenir ; ce ne serait pas mieux, ce serait pire, et tout le monde n’en serait que découragé.

M. Viala a évoqué l’article 30, mais j’en ai parlé au début de mon intervention. Il est difficile de trouver des mesures de simplification en matière agricole, mais nous en rediscuterons. J’ai bien noté ce qu’avaient dit M. Guerini, M. Pellois et Mme Cattelot.

« Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement » nous a rappelé M. Pellois. Et les mots pour le dire viennent aisément ... Je suis d’accord, et cela ne vaut pas seulement face aux personnes en situation de handicap, aux personnes âgées ou aux personnes rencontrant des difficultés particulières. De manière générale, on note une certaine déshumanisation du courrier administratif et des relations avec l’administration. C’est sans doute dû à une informatisation très poussée et à des flux de données à traiter très nombreux ; chaque lettre ne donne pas lieu à une intervention individuelle. Je l’ai constaté non seulement dans les administrations nationales mais aussi dans les administrations locales, qui gèrent moins de flux. J’ai facétieusement fait suivre à M. le directeur général des finances publiques la lettre d’un ancien ministre, qui se plaint du fait que les lettres qu’envoie l’administration placée sous mon autorité ne sont pas personnellement signées. Cela changerait-il quelque chose qu’il le soit ? Il me signalait au moins une forme d’impolitesse et rappelait que, de son temps, il avait rendu obligatoire cette signature.

J’ai entendu dire que plus le taux de pauvreté est élevé – j’ai moi-même été maire d’une des plus villes les plus pauvres de France – plus la capacité à ouvrir un courrier administratif était réduite. J’ai même retenu que 70 % des habitants des quartiers en politique de la ville n’ouvraient pas leur courrier. J’essaierai de retrouver l’étude dont je tire ce chiffre, mais quiconque a fait du porte-à-porte dans les tours HLM de ces communes a pu voir que le courrier non ouvert s’accumulait. Il y a une sorte de coupure sociologique, psychologique, administrative : certains, pour de nombreuses raisons, notamment sociales, considèrent cette vie administrative comme une réalité qui leur est étrangère – ce n’est pas la « phobie administrative », c’est autre chose. Cela explique un certain nombre de faits, notamment le non-recours aux minima sociaux. Ce sont souvent les écrivains publics, le centre communal d’action social, les assistantes sociales, les élus qui essaient de démêler cela. Nous ne pourrons jamais régler complètement le problème, mais la manière dont l’administration s’adresse à ses interlocuteurs ne leur permet pas d’y voir clair. Moi-même, je ne comprends pas toujours ce que je dois signer – et je le renvoie plusieurs fois. Par exemple, j’ai lu hier les dix-huit pages du projet de circulaire rédigé par les services respectifs du ministère du travail et du ministère de l’action et des comptes publics, soumis aux signatures de Mme Pénicaud et de moi-même, visant à expliquer la nouvelle politique des contrats aidés. Certes, c’est un projet, mais tout de même, dix-huit pages, soyons sérieux ! Trois ou quatre éléments précis permettent de saisir ce que propose le Président de la République pour les publics prioritaires. À l’occasion du Conseil des ministres de ce matin, j’ai eu un échange avec Mme Pénicaud, et nous sommes d’accord : très objectivement, une telle circulaire de dix-huit pages, ce n’est pas raisonnable.

Je ne sais pas combien de préfets lisent exactement les circulaires ministérielles. Je ne sais pas si les ministres eux-mêmes lisent les circulaires qui leur sont préparées. Pour ma part, certes, je suis assez lent pour signer les parapheurs que l’on me soumet, mais je veux comprendre ce que je signe. Si j’ai du mal à comprendre, j’imagine que je ne suis pas le seul. C’est un sujet extrêmement sérieux – et, de même, la feuille de paie mériterait sans doute d’être encore simplifiée. Humaniser le contact, par exemple par des formules de politesse appropriées ou par l’usage d’une langue qui ne soit pas trop administrative, contribuerait à une simplification des rapports avec le public, particulièrement avec des publics plus fragiles.

Tous ces numéros des entreprises – SIRET et autres –, c’est effectivement assez compliqué. De même, les particuliers ont un numéro fiscal et un numéro de sécurité sociale. Faut-il garder tous ces numéros, tous ces identifiants, tous ces mots de passe qu’on oublie ? Sans doute un travail de simplification est-il nécessaire. La question doit-elle être traitée par le projet de loi dont votre commission spéciale est saisie ou dans celui que présentera Bruno Le Maire ? En tout cas, vous pouvez vous y intéresser.

Les questions de l’identifiant numérique, du coffre-fort numérique se posent, et nous pouvons y travailler avec une entreprise publique comme La Poste ou avec la DGFiP, mais les Français ont-ils envie de confier tous leurs documents administratifs à la DGFiP et de lui révéler toute leur vie ? Avec la simplification, certains vont tout de même récupérer de nombreux fichiers. Cela pose d’autres questions. Mme la garde des sceaux a présenté en Conseil des ministres le projet de loi relatif à la protection des données personnelles dont la mission est d’adapter la loi française Informatique et libertés du 6 janvier 1978 au droit européen ; il offrira peut-être l’occasion d’en reparler. Quoi qu’il en soit, c’est extrêmement important.

Je me permets d’indiquer à Mme Louwagie que j’ai évoqué un certain nombre de questions qu’elle soulève au début de mon propos, mais ce n’est pas grave. Je crois que nous avons bien défini ce qu’était le droit à l’erreur dans le texte du Gouvernement, et que nous avons assez mal défini, voire que nous n’avons pas défini, ce que sont le bon sens et le discernement pour l’agent public en général. Certes, la DGFiP leur fait déjà une place, puisque son mot d’ordre est l’« application mesurée de la loi fiscale ». Je pense cependant que vous devriez, mesdames et messieurs les députés, aller plus loin que le Gouvernement dans la définition de ce qu’est le bon sens et de la latitude laissée à l’agent public pour adapter l’application des règles. N’oublions pas la responsabilité de l’agent public. Peut-être le discernement et la latitude qui lui est laissée doivent-ils être soumis à un contrôle, par exemple de son supérieur hiérarchique. Pour l’instant, le projet gouvernemental ne va sans doute pas assez loin.

Aussi nombreuses soient les simplifications et les exceptions que nous prévoyons, la complexité tient parfois plutôt à des règles inadaptées à la réalité. Je souscris totalement à ce que vous dites, même si le terme « discernement » me paraît plus juridique que « bon sens ».

Je ne pense pas que le Gouvernement puisse fournir les projets de décret au cours de la discussion parlementaire. En revanche, tout à l’heure, j’ai pris un engagement en faveur d’un « service après-vote », et j’ai proposé à Mme la présidente de composer, si elle le souhaite, avec les présidents de groupe de l’Assemblée nationale et du Sénat, une structure pluraliste qui pourrait se réunir régulièrement – par exemple, tous les mois. Je m’engage pour ma part à présenter tous les textes qui seront pris sur le fondement de la loi votée – non seulement les ordonnances, pour lesquelles un cadre particulier est prévu, mais aussi les décrets, les arrêtés, les circulaires, les instructions et autres mesures. Ainsi pourrez-vous vérifier que le Gouvernement respecte bien l’esprit de la loi. Je vous mentirais en prétendant que nous pourrons vous présenter tous les projets de décret au cours de la discussion, d’autant que le texte sera sensiblement amendé au fil de son examen et que les projets de décret doivent par ailleurs être soumis au Conseil d’État. En revanche, je peux m’engager à ce que les parlementaires puissent examiner les décrets, les annoter. Le Gouvernement prendra ses décisions, c’est lui qui est investi du pouvoir réglementaire, mais il me paraît de bonne politique qu’il soit ouvert aux observations des parlementaires, a fortiori si je prône une évaluation continue.

M. le rapporteur. Encore merci, monsieur le ministre, pour vos réponses. Cette discussion nous motive. Vous avez effectivement montré votre ouverture d’esprit par rapport aux travaux à venir de notre commission spéciale. Ainsi chacun est-il encouragé à enrichir le texte.

Merci, aussi, pour votre franchise. Vous avez indiqué les articles avec lesquels vous n’étiez pas forcément à l’aise. J’en profite pour signaler, à propos des articles 25 et 38, que nous auditionnerons ce vendredi 22 décembre des représentants du ministère de l’intérieur, notamment du bureau central des cultes.

À mon tour, je serai franc : je partage votre avis sur l’article 38, et je pense qu’il faut discuter de l’article 25. Peut-être pourrons-nous examiner la possibilité d’étendre à toutes les associations de la loi de 1901 la possibilité de bénéficier de dons par SMS.

Vous avez aussi été franc sur les insuffisances du texte. Je vous en remercie, car vous nous adressez en quelque sorte des appels à projets. Pour ma part, je pense que nous pourrions travailler sur le principe de collégialité, évoqué au seul article 13 relatif au recours à la transaction, alors que c’est un principe très fort. Il pourrait permettre d’assumer les initiatives prises au nom du « bon sens ». Nous pourrons en discuter.

Vous vous êtes également montré ouvert à propos de l’évaluation, dont nous avons beaucoup parlé. Vous avez rappelé la responsabilité des parlementaires de ce point de vue. Puisque vous avez évoqué le « service après-vote », je propose que nous réfléchissions en réunion du bureau de notre commission spéciale à un dispositif transpartisan et opérationnel associant des citoyens et des parlementaires. Une proposition pertinente pourrait ensuite être soumise à la Conférence des présidents.

Vous avez également fait preuve de transparence en évoquant les thèmes qui méritaient d’être encore approfondis – de nombreux amendements relatifs aux questions agricoles sont d’ailleurs attendus. J’en profite pour rappeler les principes que nous devons suivre, que vous-même avez déjà énoncé au début de votre propos : une ouverture à tout ce qui peut enrichir le texte dans le respect de sa philosophie et une certaine discipline, diverses questions devant être renvoyées à des textes ultérieurs. Il ne s’agit pas de traiter 400 questions différentes ni de rédiger 400 articles ! Nous devrons nous discipliner – j’y veillerai s’il le faut – pour ne retenir que ce qui est pertinent au regard de la philosophie du texte.

Mme la présidente Sophie Errante. Merci, monsieur le ministre. Vous nous avez aussi engagés à participer à l’effort, en veillant à mieux légiférer. Nous sommes déjà assez nombreux à vouloir légiférer autrement et mieux. Des actions et des travaux sont engagés pour faire bien mieux qu’aujourd’hui. Nous nous engageons aussi pour qu’un meilleur contrôle soit assuré.

Et, effectivement, il y a bien un lien entre ce texte et celui actuellement préparé à Bercy, notamment en ce qui concerne la simplification, l’évaluation, l’expérimentation des mesures législatives.

Merci, enfin, aussi pour la diffusion de cet extrait de dessin animé, drôle et évocateur, dont vous nous avez fait la surprise. J’ai beaucoup apprécié cette innovation.

 


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II.   EXAMEN des articles

Au cours de ses réunions du lundi 15 janvier 2018, du mardi 16 janvier 2018 et du mercredi 17 janvier 2018, la commission spéciale a examiné, après engagement de la procédure accélérée, le projet de loi pour un état au service dune société de confiance (n° 424), sur le rapport de M. Stanislas Guerini.

Mme la présidente Sophie Errante. À l’ouverture de notre discussion en première lecture sur les articles du projet de loi pour un État au service d’une société de confiance, permettez-moi quelques indications factuelles.

Pas moins de 928 amendements ont été déposés sur ce texte.

Parmi eux, 75 ont été retirés et 52 déclarés irrecevables pour des motifs tenant à la hiérarchie des normes. Ces motifs relèvent de trois catégories : 44 amendements ont été déclarés irrecevables, comme je l’avais annoncé, parce qu’ils empiétaient sur le pouvoir exclusif, que le Gouvernement tient de l’article 38 de la Constitution, de définir le champ des ordonnances pour l’exécution de son programme ; 7 amendements étaient irrecevables parce qu’ils tendaient à modifier des actes réglementaires en méconnaissance de l’article 37 de la Constitution ; un amendement ne respectait pas le domaine des lois organiques défini à l’article 46 de la Constitution.

Par ailleurs, 25 amendements ont été déclarés irrecevables pour motif financier au titre de l’article 40 de la Constitution.

Il nous reste donc 776 amendements à examiner.

Un calcul arithmétique simple montre que pour terminer l’examen du texte jeudi dans la soirée, il nous faudra tenir un rythme de 35 amendements examinés par heure. C’est soutenu, mais tenable. Je vous invite à ne pas dépasser les deux minutes imparties pour défendre vos amendements.

Si nous allons moins vite, il faudra certainement repousser la date limite de dépôt des amendements en vue de la séance publique, actuellement fixée au vendredi 19 janvier à 17 heures.

J’invite donc chacun à prendre ses responsabilités pour que nos débats se poursuivent avec concision et selon le mode respectueux de toutes les opinions qui a prévalu jusqu’ici. Nous pouvons le faire : j’ai confiance…

Nous inaugurons également la dématérialisation des amendements en commission à l’occasion de l’examen de ce texte.

Je rappelle que la discussion générale a eu lieu le 20 décembre, en présence de M. le ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le rapporteur, souhaitez-vous dire un mot de méthode ?

M. Stanislas Guerini, rapporteur de la commission spéciale. Alors que nous commençons l’examen des articles du projet, je voulais vous faire part de l’état d’esprit dans lequel j’aborde cette discussion, et partager en effet quelques points de méthode relatifs à l’animation de nos débats.

Les attentes de nos concitoyens en matière de réforme de l’État et de l’administration sont très fortes. Nous avons eu l’occasion d’échanger sur ce point lors de la discussion générale, il est attendu de notre commission spéciale un travail qui dépasse les clivages politiques et permette de co-construire ce projet de loi.

Ce projet de loi sur le droit à l’erreur constitue la première brique du chantier qui nous permettra d’aller vers une administration qui conseille et accompagne nos concitoyens. Nous devons ce texte à ceux qui réussissent, qui prennent des risques, et qui sont parfois freinés par les complexités de notre administration. Les dispositions sur le droit à l’erreur ou les porteurs de projets sont faites pour eux. Mais nous devons aussi ce texte à nos concitoyens les plus en difficulté, qui sont parfois les plus éloignés de l’administration. Le droit à l’erreur et le référent unique dans les administrations doivent s’appliquer aussi pour eux.

Si le cadre principiel a été considérablement enrichi par le Gouvernement depuis juillet dernier en association avec des parlementaires, ce qui constitue une démarche relativement inédite, il est de notre devoir de continuer ce travail, et je sais que bon nombre d’entre vous ne manquent pas d’idées, au vu du nombre d’amendements déposés.

S’agissant de ces amendements, ma ligne de conduite en tant que rapporteur est que ce texte n’a pas vocation à être la grande et unique loi de simplification de ce quinquennat, j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur ce point. Notre conviction est qu’il faut bien entendu continuer le travail de simplification ; il existe plus de 400 000 normes dans notre pays et, sur les 130 000 pouvoirs adjudicateurs en Europe, 70 000 sont en France. Mais notre choix est d’attacher des paquets de simplification à chaque texte de loi. Plus que de la simplification, c’est de donner du sens à l’action publique, champ public par champ public, qui est attendu par nos concitoyens. Une vision comptable de la simplification n’apporte que des résultats limités.

C’est pourquoi je serai défavorable à des amendements de pure simplification que je renverrai à l’examen de futurs projets de loi.

Enfin, comme l’a rappelé la présidente, il me semble important de saisir l’occasion que représente la constitution de notre commission spéciale pour continuer à rénover et améliorer nos pratiques parlementaires. C’est un texte qui est adapté pour ce sujet.

Le bureau de notre commission spéciale s’est réuni avant de commencer l’examen des articles, et nous avons évoqué le cadre de ce que nous avons nommé le conseil de la réforme. En quelques mots, notre idée est qu’un conseil de la réforme survive à cette commission spéciale et dure tout le quinquennat. Il serait transpartisan, c’est-à-dire que toutes les formations politiques qui le souhaitent pourront y prendre part. Il fonctionnerait selon un principe de spécialisation : comme le domaine touche un certain nombre de secteurs et de champs de l’action publique, nous pourrions avoir des députés qui travaillent de manière spécialisée sur l’agriculture, l’environnement, le logement, la fiscalité ; et associer des personnalités de la société civile à nos travaux. Nous pourrions également nous appuyer sur les services gouvernementaux, je pense notamment à la direction interministérielle de la transformation publique. Nous avons reçu Thomas Cazenave qui s’est montré très favorable à l’idée de travailler avec ce futur conseil.

Au cours de nos débats, nous aurons la possibilité de porter des propositions très concrètes pour renforcer encore les pouvoirs du Parlement en matière d’évaluation.

En bref, saisissons-nous de la chance que nous offre ce projet de loi pour rénover tant les pratiques de nos administrations – c’est l’objet du texte – que celles de notre belle assemblée.

M. Gérald Darmanin, ministre de laction et des comptes publics. Mesdames et messieurs les députés, je voudrais d’abord adresser à chacune et chacun d’entre vous mes vœux pour la nouvelle année, et comme on dit dans le Nord, vous souhaiter un bon reste pour les onze mois suivants. Souhaitons donc nous tous un bon reste, car les vœux ont ceci de difficile que nous nous embrassons au mois de janvier avant de nous étriper le reste de l’année. Espérons garder cette bienveillance entre nous.

Je suis très heureux et très fier de venir devant vous, d’autant que pour une fois, je ne présente pas un texte financier. Cela devenait une habitude du ministre de l’action et des comptes publics, sans qu’elle vire à la manie, et il est bien de parler d’autre chose. Je suis heureux de montrer que l’action publique est également très importante. Même si ce domaine est très interministériel, je suis très fier de porter cette idée qui vient directement du Président de la République, qui l’avait placée au cœur de sa campagne électorale. Je crois que chacune et chacun peut s’y retrouver.

Avec beaucoup de modestie, nous pourrions rappeler que beaucoup de gouvernements ont essayé de faire simple, beaucoup ont essayé d’éviter la complexité, et il est honnête de dire, quelles que soient nos opinions politiques, que beaucoup ont échoué. S’il y a parfois eu quelques réussites ici ou là, le bon sens commun n’a pas prévalu et les citoyens, les contribuables, les associations, les collectivités locales et les entreprises considèrent qu’il y a encore trop de normes, trop tatillonnes. J’ai déjà évoqué ce paradoxe : les Français aiment leurs services publics, mais pas leur administration. Ils aiment l’agent public qu’ils connaissent – le policier, l’infirmière qui s’occupe de leurs parents ou le professeur qui s’occupe de leurs enfants – mais souvent ils n’aiment pas le fonctionnaire en général. Nous devons régler ce sujet.

Je voudrais évoquer trois points très rapidement. Le premier est que l’attitude du Gouvernement sera très ouverte aux amendements parlementaires, du rapporteur et de tous les députés de quelque bord que ce soit. J’ai déjà dit lors de mon audition que je serai preneur de tout amendement qui s’inscrira dans la perspective du bon sens. Cela veut aussi dire qu’il faut que nous ayons chacune et chacun l’idée que le débat est libre, et lorsque le Gouvernement rendra un avis défavorable, ce dernier ne sera pas fondé sur l’avis d’une administration qui peut être un peu conservatrice et qui a sans doute donné quelques fiches au ministre, mais sur une conviction que le ministre s’est forgée lui-même qu’il y a des annonces à faire, notamment dans le cadre de la transformation de l’administration pour 2022, ou que des transformations sont déjà prêtes. En tout cas, les avis défavorables que je donnerai ne seront pas administratifs, ceux qui me connaissent dans les débats budgétaires le savent, et ceux qui ne me connaissent pas doivent être persuadés que je suis là pour faire prévaloir le bon sens, quitte à forcer un petit peu l’administration.

Le deuxième point que je souhaite développer est que le droit à l’erreur, ou l’intégralité des expérimentations et des demandes portées par le Gouvernement et amendées par les parlementaires, doit être vu comme le moyen d’une conduite du changement ou, pour faire plus simple, d’une bonne politique de ressources humaines avec les agents publics.

Nous avons un problème, extrêmement important, chaque élu qui a dirigé une administration le sait : les agents publics qui dans une très grande majorité sont plein de bon sens, connaissent leur métier, connaissent les difficultés créées par une application tatillonne des règlements, connaissent les difficultés de la vie des gens qu’ils reçoivent – qui ne sont jamais prévues par toutes les possibilités juridiques – sont pris dans un carcan de règlements, de lois et de responsabilité individuelle. Et l’esprit d’initiative des agents publics est souvent sanctionné. Nous devons changer cela. Nous devons donner aux agents publics un esprit d’initiative, rendre du sens à leur travail. Dans le malaise de la fonction publique, il n’y a pas qu’un aspect financier, même si les questions de pouvoir d’achat sont importantes pour les agents publics, mais aussi un manque de sens. Si les gens ont choisi le service public, c’est pour servir l’intérêt général et aider les gens, les entreprises et les contribuables. Les agents publics sont pris dans un carcan administratif que nous, les politiques, et particulièrement les ministres, avons créé. Nous avons dénaturé la possibilité de donner l’esprit d’initiative à un agent public qui pourrait adapter la règle si la situation l’impose. Bien sûr, une difficulté tient à l’esprit de responsabilité de l’agent public, qui est parfois responsable sur ses deniers, parfois pénalement responsable ou sanctionné administrativement lorsqu’il prend ce genre d’initiatives. L’esprit d’initiative est parfois sanctionné du fait que nous devons appliquer une même politique publique sur l’intégralité du territoire national : il ne s’agit pas d’adapter les règles selon les spécificités de chacune des administrations. Mais nous devons considérer que ce texte porte aussi sur les ressources humaines pour nos administrations. Ce n’est pas un texte uniquement pour nos concitoyens, même s’il est évidemment fait pour les personnes qui utilisent les services publics.

Je voudrais terminer en saluant le travail de la présidente, ainsi que celui du rapporteur et de vous tous, et les auditions, nombreuses et éclectiques. Je crois que ce texte a l’énorme avantage, indépendamment des expérimentations menées ici ou là, d’avoir un principe général. Il ne faut pas, contrairement à ce que j’ai entendu lors de mon audition, penser qu’il s’agit d’un texte comme un autre, avec des dispositions de simplification. Nous ne devons pas écarter la révolution que nous souhaitons tous mener et dont nous espérons tous qu’elle aura lieu. Le principe général est que la bonne foi est présumée, et non l’inverse. C’est vraiment quelque chose qui, peut-être pas demain ni même après-demain, mais au fil des jurisprudences des juridictions administratives, des saisies des autorités administratives indépendantes, et finalement de la pratique administrative, fera que nous aurons inversé la charge de la preuve.

Tous les citoyens n’ont pas toujours raison, et le droit à l’erreur n’est pas la licence à l’erreur ou l’acceptation d’une faute caractérisée – typiquement, je me gare à une place pour handicapés et je fais croire que je ne l’ai pas vu. Le droit à l’erreur et la société de confiance dans son ensemble répondent à l’idée que la bienveillance est du côté de l’administration, la bonne foi du côté du contribuable et de l’entreprise. Cela n’a l’air de rien, peut-être que cela n’occupera que quelques moments de nos débats dans l’hémicycle tandis que nous passerons beaucoup plus de temps sur des formules plus précises. Je serai solidaire du rapporteur pour dire que toutes les mesures de simplification ne pourront pas être acceptées parce que chaque loi aura son volet de simplification – excusez la frustration pour quelques bonnes idées que vous auriez ici ou là, mais viendra le moment où vous aurez l’occasion de les porter : pour les entreprises, dans la loi PACTE de M. Le Maire ; la loi de programmation militaire comprendra aussi son volet de simplification, ainsi que la loi de programmation pour la justice. Mais j’insiste sur le fait que nous allons passer rapidement sur le droit à l’erreur, de manière générale, alors qu’il constitue la véritable ossature de la révolution administrative que nous attendons tous.

Je remercie toutes les administrations qui ont travaillé, bon gré, mal gré, à la commande du Président de la République, et remercier surtout par votre intermédiaire tous les agents publics qui vont appliquer les lois de notre République. Je prends aussi l’engagement devant vous que s’agissant de choses qui relèvent manifestement du domaine réglementaire ou d’habitudes administratives, vous pourrez m’interroger pour que je fasse en sorte que les décrets sortent vite, que nous fassions le conseil de la réforme et que nous puissions appliquer les choses selon la volonté du législateur, et non une volonté de conservatisme administratif qui peut se manifester de temps en temps ici ou là.

Madame la présidente, vous avez souhaité m’inviter à l’intégralité des travaux de votre commission, ce qui n’est pas de coutume. Je souhaite me rendre à toutes vos réunions, et si je suis absent, ce soir par exemple, c’est parce que j’ai un chef comme tout le monde et qu’il m’a demandé d’aller le voir… Si je ne suis pas en commission ou dans l’hémicycle, ce qui arrivera assez peu, M. Olivier Dussopt, dont vous connaissez la compétence et l’énergie, et dont la ligne sera comme la mienne celle du Gouvernement, sera à votre disposition.

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TITRE PRÉLIMINAIRE
dISPOSITIONS D’ORIENTATION ET DE PROGRAMMATION

Article 1er
Approbation de la stratégie nationale d’orientation de l’action publique
pour la France

Le présent article a pour objet d’approuver la stratégie nationale d’orientation de l’action publique pour la France, annexée au projet de loi et qui énonce les orientations et les objectifs de l’action publique vers une société de confiance d’ici à 2022.

I.   FIXER UN CAP À L’HORIZON 2022

● Alors que des lois de programmation sont intervenues dans les grands domaines de l’action publique, comme la défense, la sécurité intérieure, l’école ou l’environnement, il s’agit de la première fois que le législateur se saisit dune loi de programmation dans le domaine des relations entre ladministration et les usagers. Le propre de cette catégorie particulière de lois, introduite en 2008 à l’article 34 de la Constitution, est, non seulement d’édicter des normes, mais aussi de déterminer « les objectifs de laction de lÉtat » et de définir les moyens nécessaires à leur poursuite.

Comme le souligne l’étude d’impact du projet de loi, « lambition est donc plus large que celle qui prévalait jusquici, souvent réduite à la sphère étatique ou limitée à lédiction de dispositions normatives ». L’ampleur des chantiers à conduire ne suppose en effet pas seulement l’édiction de normes mais aussi, et cela a été souligné par les nombreux interlocuteurs entendus par la commission spéciale, des évolutions managériales, de gestion ou encore d’organisation.

Si elle poursuit les démarches de simplification et de modernisation engagées depuis une trentaine d’année, cette loi constitue une rupture, par l’ampleur des changements qu’elle entend apporter, par le cap qu’elle entend fixer à la conduite de l’action publique. Les objectifs qu’elle définit dans la stratégie trouvent une première déclinaison concrète dans les autres articles du texte.

● La stratégie exposée par cette loi de programmation a pour objectif de mettre en œuvre une culture fondée sur deux axes :

– le développement d’une administration de conseil et de service (A) ;

– la recherche d’une action publique modernisée, simplifiée et plus efficace (B).

Le premier axe comprend les principes permettant de redéfinir la relation de l’administration avec l’usager : accompagnement et conseil, association des personnes intéressées aux politiques publiques, présomption de conformité des comportements à la loi, développement de la médiation.

Le deuxième aspect de la stratégie porte sur les moyens que mettra en œuvre l’administration pour réaliser et accompagner cette transformation : évaluation régulière, formation des agents publics, prise en compte de la diversité des territoires et de la vulnérabilité de certains publics.

● La stratégie, et les articles « principiels » qui entendent la mettent en œuvre, sont donc conçus comme un point de départ, le Gouvernement l’a rappelé assez clairement. Sa mise en œuvre devra faire l’objet d’une évaluation vigilante par le Parlement mais aussi par l’ensemble des usagers concernés, en fonction de leur domaine d’intervention.

Des modalités nouvelles de contrôle et dévaluation, auxquelles les parties prenantes participeraient pleinement, restent encore à définir. Le bureau de la commission spéciale entend y prendre pleinement sa part, en mettant notamment en place un Conseil de la réforme, chargé de suivre l’application de cette stratégie nationale pendant toute la durée de la législature.

● La pédagogie de la réforme suppose de situer le présent projet dans le cadre global de la politique de transformation de l’action publique. Au-delà des dispositions législatives qu’il contient, d’autres changements, organisationnels, managériaux, culturels seront à engager. Ils ne seront pas moins déterminants pour la réussite du projet. Lexpression concise et cohérente de la stratégie nationale dorientation répond au besoin, pour le Parlement, de fixer aux administrations un cap clair, organisé autour de principes forts.

Concourront à la mise en œuvre de cette stratégie, à la fois l’État, les collectivités territoriales et l’ensemble des personnes morales chargées d’une mission de service public. Votre rapporteur approuve le fait d’indiquer clairement que la mobilisation sera partagée par l’ensemble des personnes publiques.

● Afin de promouvoir la confiance des usagers du service public comme de l’ensemble des citoyens, il importait aussi d’affirmer nettement les nouveaux principes guidant l’action publique et de préciser en termes simples les engagements de l’administration.

Votre rapporteur approuve donc le choix de privilégier la clarté et l’accessibilité de la stratégie nationale. À cette fin, il était judicieux de ne pas lui donner de portée normative, donc de la faire figurer dans une annexe.

II.   LA POSITION DE LA COMMISSION SPÉCIALE

La commission spéciale a approuvé la stratégie nationale annexée au projet de loi après l’avoir completée.

Elle a tout d’abord adopté deux amendements de M. Laurent Saint-Martin et du groupe La République en marche :

– le premier inscrit dans la stratégie nationale le principe selon lequel, dans le cas d’un recouvrement fiscal ou administratif, ladministration propose un échelonnement de la somme due, en fonction de la capacité financière du contribuable ;

– le deuxième précise que la dématérialisation des démarches administratives devra prévoir une prise en compte des besoins daccompagnement des citoyens. Si la dématérialisation constitue une icontestable avancée pour l’administration et les usagers, il est en effet nécessaire de prendre en considération certains publics fragiles, peu familiers de l’outil informatique ou résidant dans des « zones blanches » en raison de la fracture numérique qui touche encore plusieurs de nos territoires.

Elle a également adopté trois amendements des groupes Les Républicains et Mouvement démocrate et apparentés qui inscrivent dans la stratégie nationale le principe selon lequel « laction publique doit permettre la réduction des délais administratifs » Il s’agit en effet là d’une demande très forte de nos concitoyens et d’un axe central de modernisation et d’efficacité de l’action publique. Si ce souci de réduction des délais est une préoccupation constante de la stratégie du Gouvernement, il n’était pas inscrit clairement dans le texte et ces amendements ont permis d’y remédier, ce dont votre rapporteur se félicite.

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La commission examine lamendement CS156 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Beaucoup a déjà été dit par le rapporteur et la présidente, dont je salue le travail colossal, ainsi que par le ministre qui s’est exprimé avec beaucoup de bon sens. Mais il faut bien se mettre d’accord d’emblée : toutes les dispositions que nous allons prendre vont avoir un impact sur les ressources humaines de l’administration, vous l’avez dit monsieur le ministre, mais je pense qu’il faut travailler à une simplification pour les opérateurs, et pas en premier lieu pour les administrations. Souvent, lorsque l’administration parle de simplification, elle profite de la numérisation pour faire remplir les démarches par les usagers. L’enjeu est bien de simplifier la vie des Français et de lever de nombreux freins qui nuisent à nos petites entreprises.

L’objet du présent amendement est d’instituer un débat dans chaque assemblée parlementaire afin d’évaluer la mise en œuvre du présent projet de loi et de la stratégie nationale d’orientation de l’action publique pour la France.

Ce débat se tiendrait à partir d’un rapport d’application transmis aux assemblées par le Gouvernement, mais aussi des conclusions des rapports des assemblées sur la mise en application de la loi, rapports prévus dans notre assemblée par l’article 1457 de son règlement, afin que la représentation parlementaire soit efficacement associée au contrôle et à l’évaluation de la présente stratégie et du présent projet de loi.

J’ajoute que l’idéal serait d’être saisi chaque année d’un projet de loi de simplification ou d’une proposition de loi, comme le faisait en son temps notre collègue Jean-Luc Warsmann.

M. le rapporteur. J’aurais aimé commencer en donnant un avis favorable, mais ce ne sera pas le cas, bien que je partage pleinement votre objectif de procéder régulièrement à une évaluation de la loi. Vous verrez d’ailleurs que nous avons déposé un certain nombre d’amendements afin de renforcer les moyens d’évaluation. J’ai parlé du conseil de la réforme, ce ne sera évidemment pas le seul dispositif.

J’émets donc un avis défavorable car votre amendement sera satisfait. J’ajoute qu’il adresse une injonction au Parlement, ce qui est contraire à la Constitution.

M. le ministre. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que le rapporteur. Vous évoquez, monsieur le député, le travail très important de M. Jean-Luc Warsmann en tant que président de la commission des lois, lorsqu’il a porté la simplification, mais aussi récemment, avec une de vos collègues de la République en marche, s’agissant de la lutte contre la surtransposition.

Je m’en suis entretenu avec lui, grand législateur, qui connaît les limites de l’exercice. Le travail qu’il a effectué jusqu’à présent avait un intérêt très fort, évidemment, et le gouvernement précédent avait aussi une volonté de porter cette simplification. Néanmoins, les listes à la Prévert et les débats à leur propos ont leurs limites, parce qu’ils portent sur des mesures toutes de bon sens mais pas soutenues politiquement, tellement hétéroclites qu’elles avaient un côté absurde, par exemple quand la simplification aboutissait à des projets de loi de 600 pages… On le voit, la simplification, ce n’est pas simple !

Je ne veux pas parler au nom de M. Jean-Luc Warsmann, pour lequel j’ai beaucoup de respect ainsi que pour son travail parlementaire, mais je crois que lui‑même en convient. Tout en saluant le travail très important réalisé, par Jean-Luc Warsmann, mais aussi, lors du mandat précédent, par Sophie Errante et par François-Michel Lambert, je pense donc qu’indépendamment de l’injonction au Parlement, ce n’est pas la bonne solution pour que le bon droit l’emporte à la fin.

Il me semble que la loi, pas plus que le règlement, ne doit pas prévoir toutes les exceptions. La vie, vous le savez en tant qu’élus, est beaucoup plus complexe que ce que nous pouvons prévoir en chambre, même si nous sommes entourés de gens extrêmement intelligents et que nous sommes nous-mêmes pleins d’intelligence et de bon sens.

Il m’apparaît plus simple de prévoir la possibilité d’une adaptation de la règle – c’est ce que nous appelons le droit à l’erreur ou le bon sens – pour qu’elle corresponde à la vie de la personne à qui elle s’applique, sans déroger au principe général du droit que le Parlement a adopté et que le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution, plutôt que de supprimer ou de créer des normes afin de s’adapter à la réalité du monde numérique, de la vie familiale ou encore du logement.

Je crois plutôt au permis de faire, une forme de simplification généralisée, qu’à la suppression de normes dans le logement, alors que nous savons tous que chaque norme a sa raison d’être : lutte contre la pollution, adaptation au handicap… Il faudrait des projets de loi portant sur les objectifs plutôt que sur les moyens. Si le législateur se fixe pour but que tous les logements soient accessibles aux personnes handicapées, l’important est d’atteindre cet objectif : laissons les entreprises adapter les logements comme elles le souhaitent, pour que ces normes ne les empêchent pas d’innover et que le coût de la construction ne soit pas plus élevé.

La commission rejette ces amendements.

Mme la présidente Sophie Errante. Nous en venons aux amendements portant sur l’annexe.

La commission est saisie de lamendement CS421 de M. Éric Pauget.

M. Éric Pauget. Cet amendement porte sur les alinéas 5 et 27 de l’annexe, les alinéas 8, 12 et 15 faisant l’objet d’amendements ultérieurs.

S’agissant de l’alinéa 5, je vous propose que l’administration renforce systématiquement la prise de responsabilité des agents, à chaque échelon. Pour aller dans le sens du ministre, les agents doivent retrouver une autonomie qui leur permette une certaine prise de responsabilité.

À l’alinéa 27, pour accompagner les TPE et les petites entreprises, je préconise qu’en cas de redressement, l’administration propose automatiquement un plan de règlement échelonné, sur la base d’une analyse financière de l’entreprise. De toutes petites entreprises nous ont fait savoir que les situations de trésorerie pouvaient les mettre en difficulté.

M. le rapporteur. Une fois encore, je pense que la finalité de cet amendement est louable, mais qu’il est satisfait par le texte en l’état. Il s’agit d’un projet de loi de confiance, et également de confiance envers l’administration et ses agents. Un certain nombre des mesures prises dans le texte – droit à l’erreur, rescrit administratif, certificat d’informations – sont des outils au service d’une administration qui s’engage, donc qui encourage la prise de responsabilités de ses agents. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable.

J’ajoute que ce projet de loi doit être accompagné d’un plan de formation très important, dont nous avons parlé avec le secrétaire d’État Olivier Dussopt, pour transformer la culture des agents du service public afin d’établir cet état d’esprit propice au conseil et à la prise d’initiatives. Je pense que ce sera une réponse plus opérationnelle.

M. le ministre. Même avis. Je pense effectivement que les attendus de votre proposition se retrouvent dans le texte. Mais je suis prêt à écouter les arguments rationnels qui tendraient à prouver le contraire et ma première réponse est donc que si vous n’êtes pas convaincu après le travail en commission, il sera toujours temps d’avoir cette discussion dans l’hémicycle.

À propos du plan de formation, M. Guerini a tout à fait raison : il ne faudrait pas répondre à la volonté de simplification des normes en produisant une norme. C’est toute la difficulté de notre texte, il ne faut pas que nous légiférions pour essayer de simplifier, sinon nous allons terminer par créer des normes dans un projet qui prévoyait d’en diminuer le nombre.

Ce qui est intéressant dans ce texte, c’est la volonté d’expérimentation : s’il faut expérimenter une ou deux propositions des parlementaires, faisons-le, mais évitons de prévoir une mesure générale qu’un autre texte assortira finalement d’une exception.

Dans le grand plan de formation prévu par Mme Pénicaud,
1,5 milliard d’euros est prévu pour former les agents de la fonction publique, notamment au numérique – les usagers ne sont pas les seuls concernés –, mais aussi au droit à l’erreur. Je souhaite que des modules de formation soient prévus à la direction générale de l’administration et de la fonction publique et dans les collectivités territoriales, afin de former les agents à l’application du texte que vous allez, j’espère, adopter. Et 700 millions d’euros supplémentaires sont prévus par la loi de finances pour 2018, dont 200 millions dès cette année, pour des appels à projets afin que l’État accompagne ces agents dans la transformation. Ces 200 millions iront notamment à des projets informatiques, une partie étant attribuée à M. Mounir Mahjoubi, suite au travail de M. Cazenave. Il faudra sans doute attribuer des moyens informatiques pour mieux piloter les contrôles, et ne pas laisser à l’administration ses seuls moyens actuels. Pour toutes ces raisons, avis défavorable, même si je partage la finalité de vos propos.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite deux amendements identiques, CS196 de M. Fabrice Brun et CS899 de M. Éric Pauget.

M. Fabrice Brun. L’article préliminaire du projet de loi pour un État au service d’une société de confiance définit les objectifs de l’action publique à l’horizon 2022. Elle s’articule autour de l’affirmation de principes généraux d’organisation et d’action qui nécessitent des compléments, c’est l’objet du présent amendement. Il est nécessaire de permettre une prise de responsabilité de chaque agent, à tous les échelons. Un exemple concret nous remonte très souvent du terrain : si les agents donnent leur numéro de téléphone lors d’un contrôle, il semble que les contribuables aient de plus en plus de mal à les joindre par ce biais. C’est pourquoi il conviendrait de demander aux agents de répondre aux appels des contribuables – ça semble être un minimum – ou à défaut de créer une cellule téléphonique qui permette aux PME de joindre les agents.

C’est vraiment un sujet récurrent. Lorsqu’un usager ou un chef d’entreprise est en voiture, qu’il obtient le bon interlocuteur après plusieurs minutes d’attente, mais que du fait de la fracture numérique, l’appel est coupé quand la discussion s’engage, c’est un vrai parcours du combattant pour les usagers ou les chefs d’entreprise, particulièrement les PME.

M. Éric Pauget. Il est très important de mieux identifier et de mieux organiser la réponse téléphonique. En province, pour les toutes petites entreprises, les artisans ou les commerçants confrontés à un problème avec l’administration, le seul lien est le téléphone. La réponse téléphonique pose problème aux commerçants ou artisans qui doivent faire face à leur activité mais se noient dans les problèmes de paperasserie et d’administration. L’identification téléphonique est un sujet sur lequel il faut améliorer le processus.

M. le rapporteur. C’est une bonne idée, mais elle n’est pas placée au bon endroit dans le texte. Nous discuterons par la suite d’amendements sur ce sujet essentiel de l’accessibilité téléphonique de l’administration.

Nous examinons ici une loi de programmation, et il me semble que votre proposition est très précise et de caractère opérationnel. Prévoir que chaque agent administratif doit donner le numéro de téléphone portable sur lequel on peut le joindre n’a pas sa place dans une loi de programmation. L’accessibilité renvoie à l’idée du référent unique, dont nous aurons l’occasion de discuter.

M. le ministre. Ma culture administrative est assez limitée, n’étant pas moi-même agent public, même si j’ai dirigé une administration locale. Mais autant je me souviens d’Astérix et Obélix pour illustrer les rapports entre citoyens et administration dans leur forme la plus caricaturale, autant je me souviens d’un sketch d’un grand philosophe français, Jean-Marie Bigard (Sourires.), dans lequel il n’arrive pas à joindre l’opérateur téléphonique. En l’occurrence, il me semble qu’il ne s’agissait pas d’une administration, mais d’une société privée. Il expliquait l’énervement né de l’impossibilité à joindre une personne et du fait d’être renvoyé de standard en standard.

J’ai lu par ailleurs un très bon livre écrit par M. Jean-Paul Delevoye lorsqu’il était médiateur de la République. Je ne sais d’ailleurs pas si vous l’avez auditionné, il a été ministre de la fonction publique, puis médiateur de la République et a eu d’éminentes fonctions au sein du Conseil économique et social. Il a écrit Reprenons-nous, dans lequel il décrit une France au bord de la crise de nerfs, évoquant comme vous les patrons de TPE et de PME. C’est d’ailleurs un reproche que je pourrais faire à votre amendement, il est très centré sur la fiscalité et sur les entreprises, alors que ce problème touche à peu près tout le monde. Dans ma ville, qui connaît beaucoup de difficultés sociales, à la difficulté d’être au RSA ou à Pôle emploi s’ajoute celle des appels informatisés, au cours desquels il faut presser des touches du clavier sans avoir de contact humain. Il est évident que c’est un défaut, une censure administrative, mais également une cause d’inefficacité, car cela énerve les gens, qui ont autre chose à faire.

Le rapporteur a raison de dire qu’il faudra y réfléchir. De même, j’ai évoqué avec lui un sujet qui n’est sans doute pas de nature législative, celui de la lettre administrative, qui a aussi son importance. Rien n’est pire que de recevoir une lettre anonymisée, dont la phraséologie est tellement administrative qu’elle en est déshumanisée, et dont on ne connaît pas vraiment l’auteur – il est bien sûr des administrations dont le contact est différent.

Je suis le premier à dire, y compris aux parlementaires qui m’interrogent sur la disparition des services publics dans leur territoire, que tout ne peut pas être physique au moment de la numérisation et alors que l’on accepte la réduction du nombre d’emplois publics. Mais la contrepartie doit être l’existence d’un lien direct, facile, qui ne soit pas uniquement informatique, ni prendre la forme d’une lettre qui ne commence même pas par les salutations d’usage.

Vous posez de vraies questions et, nous pourrons parler de la lettre administrative même si cela n’est pas de nature législative, mais, sur l’accueil téléphonique, je me range à l’avis du rapporteur : nous pourrons l’aborder à un autre endroit du texte. Pas simplement dans le domaine fiscal, car sans vouloir protéger la DGFiP, il ressort de mon expérience que ce n’est pas l’administration qui répond le moins – elle ne répond pas toujours ce que l’on a envie d’entendre, c’est vrai –, mais elle répond en général très vite et ses agents sont assez efficaces. Il peut y avoir des déceptions, mais je crois que c’est une administration qui a montré son efficacité humaine. En revanche, il est vrai que l’administration en général est un peu déshumanisée, mais ce n’est pas de la faute de ses agents, c’est celle des processus qui ont été instaurés par leurs responsables hiérarchiques, c’est-à-dire les ministres. Je suis donc tout à fait favorable à cette proposition, à condition que l’on ne la limite pas aux TPE et aux PME et que l’on l’étende à toute l’administration.

La commission rejette les amendements.

Elle examine ensuite lamendement CS650 de M. Laurent Saint-Martin.

Mme Stéphanie Kerbarh. Il est proposé de compléter l’annexe en prévoyant que l’administration prenne en compte la capacité financière du contribuable dans le cas d’un recouvrement fiscal ou administratif.

En effet, les contribuables peuvent parfois rencontrer des difficultés financières pour acquitter les sommes dues, qu’il s’agisse de particuliers ou d’entreprises. Cet amendement tend à ce que l’administration prenne en compte et reconnaisse les difficultés, pour proposer éventuellement un échelonnement des sommes dues en fonction de la capacité financière du contribuable en difficulté.

Il s’agit simplement de faire preuve de pragmatisme pour ces recouvrements.

M. le rapporteur. Je suis favorable à cet amendement car je pense que dans la loi de programmation que nous sommes en train de discuter, il faut fixer le principe de la prise en compte de la situation de l’administré pour prendre des décisions.

M. le ministre. Avis favorable.

La commission adopte lamendement.

Elle examine ensuite les amendements identiques CS72 de Mme Véronique Louwagie et CS900 de M. Éric Pauget.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement demande la publication des statistiques concernant la mise en œuvre des pénalités, en distinguant, d’une part, celles qui figurent dans les propositions de rectification ou les notifications qui sont adressées aux contribuables et qui peuvent être des notifications de taxation d’office, d’autre part, celles qui sont maintenues à l’issue de la procédure de redressement.

Il me paraît intéressant de disposer de cette information pour plusieurs raisons : par souci de transparence d’abord, ensuite parce que l’analyse de l’écart entre les unes et les autres fournirait des informations précieuses non seulement à l’administration mais également aux citoyens.

M. le rapporteur. Sur le fond, je suis favorable à cet amendement, mais je me demande, compte tenu du point précis qu’il aborde, s’il est à sa place dans l’annexe, dont la vocation est programmatique. Avis défavorable.

M. le ministre. Je suis sensible aux arguments de Mme Louwagie, mais également à ceux du rapporteur, qui argue que l’amendement n’est pas bien positionné dans le texte.

Outre qu’elles me recommandent de donner à l’amendement un avis négatif, mes équipes indiquent également que ces statistiques figurent déjà ailleurs, ce qui m’étonne – mais je peux me tromper. Cela étant, ma question va peut-être vous paraître naïve, mais à quoi cela servirait-il ?

Mme Véronique Louwagie. Il me paraît important de savoir dans quelle mesure les discussions qui interviennent entre les propositions de rectification et de notification de bases en amont, et l’issue de la procédure de redressement en aval, permettent de tenir compte des situations personnelles des contribuables. Cela fournit un indicateur intéressant.

M. le rapporteur. Je persiste à penser que cela n’a pas à figurer dans l’annexe, mais sans doute pourriez-vous redéposer votre amendement en séance, en l’insérant ailleurs dans le texte.

M. le ministre. Sur le fond, je suis favorable à cet amendement, qui, d’ailleurs, pourrait parfaitement justifier une demande de rapport. Quant à savoir s’il doit figurer dans l’annexe, je m’en remets aux compétences du rapporteur en matière de légistique.

Les amendements CS72 et CS900 sont retirés.

Lamendement CS197 de M. Fabrice Brun est retiré.

Puis la commission en vient à lamendement CS902 de M. Éric Pauget.

M. Éric Pauget. Il s’agit d’insister sur le fait que les agents doivent avoir, dans le domaine fiscal, l’expérience nécessaire pour traiter des cas de plus en plus complexes ; en d’autres termes, nous demandons que ne soient pas envoyés dans les entreprises des agents sans expérience.

M. le rapporteur. Le ton de votre amendement me paraît quelque peu déplacé vis-à-vis des fonctionnaires. Avis défavorable.

M. le ministre. Je suis également totalement défavorable à cet amendement, d’abord parce qu’on pourrait discuter sur ce qu’est l’expérience, ensuite parce que, comme le dit Brassens, « le temps ne fait rien à l’affaire… quand on est con, on est con. »

Il me semble par ailleurs que le Président de la République et, si vous le permettez, votre modeste serviteur, sans compter le rapporteur et votre présidente, montrent qu’on peut, sans expérience, avoir un minimum de compétences. Il serait d’ailleurs assez étonnant de considérer que le ministre puisse être jeune mais que les agents de la DGFiP doivent être plus âgés : cela me rappelle mon directeur général des services qui m’expliquait, lorsque je suis devenu maire à trente et un ans, qu’il ne fallait pas nommer un directeur de la police municipale âgé de trente-cinq ans parce qu’il était trop jeune…

Je pourrais également vous renvoyer à Carambolages ce très bon film dialogué par Michel Audiard, avec Louis de Funès et Jean-Claude Brialy. De Funès y incarne le patron d’une firme, dont le bureau est au dernier étage, tandis que Jean-Claude Brialy joue le rôle d’un jeune ambitieux, intelligent, cantonné au rez-de-chaussée. Ayant soufflé à son patron l’idée d’un nouveau produit à lancer et ce dernier ayant trouvé l’idée formidable, Brialy en profite pour lui demander d’accélérer son avancement, la personne qu’il est censé remplacer ne partant à la retraite que deux ans plus tard. De Funès a alors une réplique formidable et explique qu’une société où l’on prend, lorsqu’il part à la retraite, la place de son supérieur hiérarchique direct, est une société merveilleuse puisqu’on n’y récompense guère le mérite – ce qui serait arbitraire – mais l’ancienneté – ce qui est objectif. Je pense pour ma part que le mérite peut parfois être une donnée objective et que l’expérience n’est pas ce qui fait un bon ou un mauvais agent, notamment à la DGFiP. Il y a sans doute de bons et de mauvais agents mais on ne saurait fonder la nomination des contrôleurs fiscaux sur le seul critère de l’expérience.

M. Éric Pauget. Louis de Funès m’ayant convaincu, je retire mon amendement.

Lamendement CS902 est retiré.

La Commission en vient ensuite à lexamen des amendements identiques CS218 de Mme Véronique Louwagie, CS235 de M. Fabrice Brun et CS552 de M. Jean-Luc Lagleize.

Mme Véronique Louwagie. Curieusement, la stratégie nationale d’orientation de l’action publique n’aborde pas une problématique pourtant centrale pour nos concitoyens qui est celle des délais administratifs. À titre d’exemple, j’ai reçu ce matin-même dans ma permanence des personnes qui attendent depuis bientôt six mois la finalisation de leur dossier de retraite. Il me paraît donc indispensable d’inscrire la réduction des délais administratifs comme un des objectifs de la stratégie nationale d’orientation de l’action publique. Les citoyens ne comprendraient pas qu’il en soit autrement.

M. Fabrice Brun. L’exemple des délais d’instruction des dossiers par les caisses de retraite est un très bon exemple, et je pense comme Véronique Louwagie que le projet de loi n’accorde pas une place suffisante à la réduction des délais, alors qu’il y a là une vraie piste pour mettre fin à la défiance de nos concitoyens envers leur administration. Pour rester dans les références cinématographiques, je souhaiterais que l’administration traite les demandes des usagers en quatrième vitesse, comme le suggérait Robert Aldrich en 1955.

Mme Florence Lasserre-David. L’amendement CS552 est défendu.

M. le rapporteur. C’est en effet un des éléments manquant dans la stratégie nationale d’orientation de l’action publique. Or, la question de la réduction des délais et de l’accélération du temps de traitement est essentielle, même si cela ne relève pas uniquement de dispositions législatives mais également de facteurs opérationnels et organisationnels. Néanmoins votre proposition mérite évidemment de figurer dans la stratégie nationale ; j’y suis donc extrêmement favorable.

M. le ministre. Même avis.

La commission adopte les amendements.

Elle en vient ensuite à lexamen de lamendement CS300 de M. Gaël Le Bohec.

M. Gaël Le Bohec. Cet amendement vise à instaurer un référent au sein de l’agence ou de l’antenne territoriale dont dépend l’administré, l’objectif étant de recréer le lien humain mis à mal par les procédures téléphoniques et numériques. Vous avez parlé tout à l’heure, monsieur ministre, de lien direct et facile : c’est tout l’esprit de cet amendement.

M. le rapporteur. S’il s’agit de garantir l’accessibilité universelle des services publics, votre amendement est satisfait par les alinéas 20 et 21 de l’annexe, qui disposent que « l’administration prend en considération les contraintes horaires du public dans ses horaires d’ouverture » et que « la proximité territoriale doit permettre à l’administration d’assurer le service public sur tout le territoire de la République. » Le cas plus particulier de l’accessibilité téléphonique fait l’objet d’amendements à d’autres articles du projet. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine lamendement 646 de M. Laurent Saint-Martin.

Mme Danièle Hérin. Les politiques de dématérialisation des démarches administratives menées récemment ont pu éloigner de l’administration les citoyens ne maîtrisant pas les outils numériques. Le baromètre du numérique 2017 souligne ainsi que 12 % des Français ne se connectent jamais à internet, tandis que 18 millions d’entre eux s’estiment peu ou pas compétents pour utiliser un ordinateur. Cette fracture numérique touche d’abord les zones rurales et périurbaines et concerne principalement les personnes âgées, non diplômées ou à bas salaire.

Dans ces conditions, l’État doit veiller à prévenir un tel écueil dans le cadre de sa stratégie nationale d’orientation de l’action publique et de son objectif de dématérialisation de l’ensemble des démarches administratives à l’horizon 2022. C’est l’objet du présent amendement, qui prévoit un dispositif d’accompagnement des citoyens géographiquement éloignés du numérique.

M. le rapporteur. La lutte contre la fracture numérique me paraît en effet un objectif essentiel, en particulier en ce qui concerne les relations des citoyens avec l’administration. Je suis donc favorable à ce que cela soit inscrit dans la charte de l’action publique.

M. le ministre. J’y suis également favorable, à ceci près que je ferai remarquer que cet amendement mériterait sans doute d’être précisé en séance, car cette fracture numérique n’est pas qu’une question géographique de zones blanches. Beaucoup de gens ont accès à internet et savent en faire un usage récréatif tout en ayant de grandes difficultés lorsqu’il s’agit d’accomplir des démarches administratives, difficultés qu’ils éprouvent d’ailleurs tout autant lorsque ces procédures ne sont pas dématérialisées. Maire de Tourcoing, j’ai voulu numériser les procédures d’inscription dans les cantines scolaires, mais je me suis rapidement aperçu que certains parents avaient besoin d’une médiation pour remplir les formulaires, soit qu’ils aient des difficultés de lecture et d’écriture, soit qu’ils souffrent de handicap, soit enfin qu’ils ne soient pas familiers du langage administratif.

Il me semble donc qu’il faudrait revoir la formulation de cet amendement, pour l’élargir à toutes les formes d’accès aux procédures administratives, y compris lorsqu’elles n’ont pas été dématérialisées. On sait notamment que, dans certains quartiers prioritaires de la politique de la ville, il est fréquent que les habitants n’ouvrent pas les courriers administratifs, non par phobie administrative, mais parce qu’ils craignent de ne pas comprendre leur contenu, potentiellement porteur de mauvaises nouvelles. Il ne s’agit donc pas uniquement d’une problématique géographique et, en la matière, la situation dans les quartiers prioritaires en politique de la ville est assez similaire à celle des campagnes.

M. Laurent Saint-Martin. J’acquiesce aux propos du ministre, car qui peut le plus peut le moins. La notion importante dans cet amendement est celle d’accompagnement, et le critère géographique n’était qu’une manière de cibler des besoins objectifs. Nous complèterons donc volontiers cet amendement avant son examen en séance, de manière à inclure dans ce principe d’accès universel non seulement les citoyens privés de bande passante mais également ceux qui ne maîtrisent pas les outils numériques.

M. Nicolas Turquois. Cet amendement me pose un problème car, en précisant qu’il concerne essentiellement, dans les zones rurales et périurbaines, les personnes âgées, non diplômées ou à bas salaire, il semble assimiler les zones rurales à des zones sous-développées intellectuellement.

M. Bruno Fuchs. Un tiers des personnes reçues dans les agences Pôle emploi ne sont pas capables d’aller au bout des procédures informatisées sans accompagnement, et une sur cinq en est purement et simplement incapable. Cela montre bien que toute une partie de la population n’est pas prête à passer à la dématérialisation des procédures que le Gouvernement envisage d’avoir achevée en 2022, soit parce qu’elle n’en a pas les moyens techniques, soit parce qu’elle n’en a pas les aptitudes.

M. le ministre. M. Turquois aborde une question récurrente lorsqu’on parle de politiques prioritaires : d’aucuns les jugent formidables, d’autres discriminantes. Je me garderai bien sur ce point de trancher à la place de la majorité.

Pour ce qui concerne l’amendement, si l’objectif est de définir un critère objectif, il me semble, par expérience, que le taux de pauvreté est un critère est pertinent.

M. Laurent Saint-Martin. La majorité a bien le souci de cibler les habitants des quartiers prioritaires de la ville et nous nous engageons à proposer pour la séance une formulation adaptée. Je tiens par ailleurs à rassurer Nicolas Turquois : l’idée n’est absolument pas de stigmatiser les zones rurales mais bien d’accompagner ceux qui en ont besoin pour accéder aux services publics dématérialisés.

M. le rapporteur. Je maintiens mon avis favorable, avec l’idée que l’amendement sera sous-amendé en séance.

M. le ministre. Il ne peut pas y avoir dans notre pays deux types d’administration, l’une pour les habitants des zones blanches et les citoyens ne sachant pas se servir d’internet, l’autre pour les gagnants ayant pris le train de la mondialisation, car la numérisation rend d’énormes services à tout le monde, notamment lorsqu’elle dispense d’avoir à prendre une demi-journée de congé pour effectuer une démarche administrative.

Par ailleurs, il y a fort à parier que, pour les responsables politiques qui nous auront succédé dans vingt ou trente ans, la problématique de la numérisation sera dépassée, car nous aurons probablement atteint le stade post-papier. L’objectif n’est donc pas de mettre en place une administration à deux vitesses mais d’imaginer des solutions transitoires permettant de compenser les distorsions qui existent actuellement entre les différents publics dans l’accès à internet. Cela étant, je suis favorable à l’amendement.

La commission adopte lamendement.

Elle est ensuite saisie de lamendement CS548 de M. Jean-Luc Lagleize.

Mme Florence Lasserre-David. Cet amendement vise à inscrire dans la stratégie nationale d’orientation de l’action publique l’objectif d’accélération des procédures et de réduction des délais administratifs.

M. le rapporteur. L’amendement est satisfait par l’amendement CS552 que nous venons d’adopter, puisque l’accélération des procédures va nécessairement de pair avec la réduction des délais.

M. le ministre. Même avis.

Lamendement CS548 est retiré.

La commission adopte larticle 1er et lannexe, modifiés.

*

*     *

Après l’article 1er

La commission examine lamendement CS560 de M. Mohamed Laqhila.

M. Mohamed Laqhila. Nous parlons de confiance entre l’administration et les citoyens, mais il conviendrait de parler également de réciprocité. Cet amendement vise donc à fixer à l’administration les mêmes règles que celles qui s’appliquent aux citoyens et aux entreprises : puisqu’on leur impose des délais de réponse, il serait juste que l’administration soit soumise aux mêmes délais. Dans les cas où, pour telle ou telle raison, elle ne parviendrait pas à répondre dans ces délais, s’appliquerait alors le principe du silence valant acceptation.

M. le rapporteur. Il s’agit d’un objectif louable, cependant la mesure que vous vous proposez a une portée normative qui, compte tenu de la diversité des administrations à laquelle elle pourrait s’appliquer et de la diversité des sollicitations qui leur parviennent de la part des administrés, emporte une très forte insécurité juridique. Avis défavorable.

M. le ministre. Adopter ce principe de la réciprocité et du silence valant acceptation va immanquablement donner lieu à des centaines de cas dérogatoires, en particulier dans les domaines sensibles comme la sécurité alimentaire ou la sécurité nucléaire.

Ensuite, on ne peut prétendre conférer aux particuliers les mêmes droits qu’à l’administration. En effet, la supériorité de l’administration sur les particuliers tient au fait qu’elle est en charge de l’intérêt général, tandis que le particulier considère en l’occurrence – de manière tout à fait légitime – son intérêt particulier.

Cependant, je suis d’accord avec vous sur le fait qu’il n’est pas normal que l’administration ne soit pas tenue à des délais, et c’est en ce sens que ce que prévoit le Gouvernement n’est pas tout à fait satisfaisant. Je propose donc que nous tentions de trouver un compromis, sachant qu’il ne me paraît pas nécessairement opportun de demander à l’administration de se caler sur les mêmes délais que les particuliers. Dans le cas, par exemple, où le particulier se trompe…

M. Mohamed Laqhila. Comme cela arrive à l’administration !

M. le ministre. Vous avez raison, mais ce projet de loi a précisément pour ambition de faire en sorte qu’elle se trompe le moins possible. Pour en revenir au particulier, s’il écrit à la mauvaise administration, partez-vous du principe que le délai court à partir du moment où la première administration, c’est-à-dire la mauvaise, reçoit le courrier ? Cela me paraît parfaitement inadapté aux cas les plus complexes.

Je me tourne donc vers le rapporteur, pour qu’il nous indique s’il est possible d’inscrire dans le texte des mesures d’encadrement des délais et à quel endroit. Si cela convient à tout le monde, je me rangerai à son idée.

M. le rapporteur. Le directeur général des douanes, que nous avons auditionné, nous citait l’exemple de cas dans lesquels les services doivent prélever et analyser des échantillons de marchandise : or il tombe sous le sens que le temps nécessaire à ces procédures est supérieur au délai imposé à l’administré pour qu’il fournisse ces échantillons. Cela montre que la réciprocité n’est pas une idée opérante.

Quant à l’idée d’encadrer les délais, elle peut être abordée à l’article 10, qui traite de la question des rescrits, par lesquels les administrés sollicitent l’avis d’administration. Pour ce qui me concerne, il me semble qu’on ne peut pas fixer le même délai à l’ensemble des administrations, car c’est ainsi que l’on aboutit à une liste de 1 200 dérogations au principe du silence valant acceptation. Nous devons prendre en compte l’hétérogénéité des tâches administratives. Ce qui me semble essentiel en revanche, c’est que chaque administration s’impose des délais qui lui sont adaptés et qu’elle en fasse la publicité.

M. le ministre. Cet amendement induit un autre effet pervers, c’est qu’il va inciter l’administration à accorder des délais beaucoup plus importants aux particuliers et aux entreprises, avec cette idée que cela allongera d’autant ceux auxquels elle est elle-même soumise. Cette mesure produira donc l’effet inverse de ce pour quoi vous la proposez, à savoir accélérer les procédures administratives. Je vous recommande donc de vous appuyer sur l’article 10 pour bousculer le Gouvernement et l’inciter à modifier ses habitudes.

M. Mohamed Laqhila. Je ne suis pas entièrement convaincu par vos arguments concernant un texte censé organiser un État au service d’une société de confiance, car le rétablissement de la confiance ne peut, selon moi, s’envisager sans un principe de réciprocité, en tout cas pour ce qui concerne l’administration prise dans son acception générale.

Mais nous y reviendrons à l’article 10, et je retire mon amendement.

Lamendement CS560 est retiré.

La commission en vient à lexamen des amendements identiques CS219 de Mme Véronique Louwagie, CS236 de M. Fabrice Brun et CS556 de M. Jean-Luc Lagleize.

M. Fabrice Brun. Ces amendements proposent de restaurer et de pérenniser le Conseil de la simplification pour les entreprises, composé de membres bénévoles ne touchant aucune rémunération ou indemnités de la part de l’État. Il serait renommé Haut conseil de la simplification et de la réduction des délais administratifs, et son champ d’intervention serait élargi aux particuliers. Cela s’inscrit dans la logique des travaux réalisés par M. Mandon et M. Poitrinal, dont l’audition a été très éclairante sur les enjeux et les écueils de ce vaste et complexe chantier qu’est la simplification administrative.

Mme Florence Lasserre-David. Créé pour une durée de trois ans, ce conseil n’est plus actif. Comme il avait fait la preuve de son utilité, nous souhaitons le ré-instituer.

M. le rapporteur. Je vous remercie d’aborder ce sujet essentiel auquel nous avons tous réfléchi en amont de l’examen de ce texte. Ces amendements sont l’occasion de saluer le travail des premiers co-présidents du conseil de la simplification, Thierry Mandon et Guillaume Poitrinal, que nous avons auditionnés.

S’il importe que nous maintenions notre volonté politique de simplification tout au long du quinquennat, la création d’un haut conseil n’est pas la méthode qu’a choisie cette majorité pour atteindre cet objectif. La nomination d’un secrétaire d’État à la fonction publique, placé auprès de Gérald Darmanin, et d’un délégué interministériel à la transformation publique traduit la volonté du Gouvernement de « changer de braquet » et d’embrasser le sujet le plus largement possible, mais il faut aussi que le Parlement se dote des moyens de suivre ce sujet. Notre double dispositif de suivi sera ainsi aussi ambitieux que l’était le conseil de la simplification. En matière de simplification, notre capacité à obtenir des résultats tient moins à l’architecture institutionnelle qu’on crée qu’à la portée politique qu’on donne à ses objectifs. Le conseil pour la simplification a été très efficace au début car un secrétaire d’État s’y était directement investi, en lien avec le Président de la République. Il a moins bien fonctionné, dès lors qu’il a été moins soutenu politiquement. Avis défavorable.

M. le ministre. Je suis d’autant plus défavorable à ces amendements que si les co-présidents successifs du conseil de la simplification ont fait preuve de vraies qualités, le précédent gouvernement a aussi eu la volonté de diminuer le nombre de hauts conseils et de comités, qui sont passés, de mémoire, de 600 à 380. Il s’était en effet aperçu que c’étaient parfois ces instances mêmes qui créaient la norme. La simplification consiste aussi à éviter de créer des instances extérieures au processus législatif et administratif de droit commun. C’est aux parlementaires qu’il revient de contrôler le pouvoir exécutif et je ne suis pas certain que la création d’un haut conseil ad hoc simplifie grand-chose. Pour que la simplification soit efficace, il faut que les ministres et les parlementaires s’en chargent directement, sinon il y a fort à parier que ce haut conseil, que vous auditionnerez une à deux fois par an, se contentera de publier un rapport sans doute très intéressant mais sans réelle portée concrète.

M. Mohamed Laqhila. Il y a eu entre 600 et 700 simplifications sous la précédente législature, notamment grâce au choc de simplification voulu par Emmanuel Macron. Il est vrai que ce conseil n’avait pas le poids politique souhaité, c’est pourquoi nous retirons notre amendement.

Mme la présidente Sophie Errante. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Brun ?

M. Fabrice Brun. Oui.

Lamendement CS556 est retiré.

Puis la commission rejette les amendements CS219 et CS236.

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titre IER
une relation de confiance : VERS UNE ADMINISTRATION DE CONSEIL ET DE SERVICE

Chapitre Ier
Une administration qui accompagne

Article 2
(articles. L. 123-1, L. 124-1 et L ; 124-2 [nouveaux], L. 552-3, L. 562-3 et L. 572-1 du code des relations entre le public et ladministration)
Consécration au profit du public dun droit à lerreur et création
dun droit au contrôle

Le présent article consacre au profit du public, d’une part, un droit à l’erreur et, d’autre part, un droit au contrôle et à l’opposabilité des conclusions des contrôles administratifs.

Il modifie notamment l’intitulé du titre II du livre Ier du code des relations entre le public et l’administration, « Le droit de présenter des observations avant lintervention de certaines décisions », pour le renommer « Les procédures préalables à lintervention de certaines décisions », qui comprendra ces deux nouveaux dispositifs.

I.   lA CONSÉcration d’un droit À l’erreur

1.   L’état du droit

● L’administration dispose d’un pouvoir répressif propre qu’elle exerce aussi bien sur les personnes ou agents qui relèvent de son autorité directe que sur les tiers. Longtemps cantonné aux sanctions disciplinaires, à l’égard des fonctionnaires, et au domaine fiscal, le droit des sanctions administratives s’est considérablement enrichi au cours des vingt dernières années et concerne aujourd’hui un grand nombre de secteurs : impôts et cotisations sociales, santé publique, travail et formation professionnelle, culture, information et communication, secteur financier, transports, etc.

Si l’on exclut les sanctions disciplinaires, on peut distinguer deux principaux types de sanctions administratives, que Mattias Guyomar qualifie de sanctions « administrativo-professionnelles » ([6]) :

– les sanctions administratives proprement dites : elles recouvrent les sanctions infligées en cas de manquement à une réglementation de portée générale, et sont susceptibles de frapper la population toute entière. C’est le cas notamment des sanctions fiscales. Elles comprennent également des sanctions qui s’appliquent à une catégorie particulière de personnes, en matière économique ou sociale, par exemple ;

– les sanctions professionnelles : elles recouvrent les sanctions réprimant un manquement à une réglementation ayant un objet professionnel, qu’elle réglemente directement une profession ou l’exercice d’une activité professionnelle. Ce pouvoir de sanction peut relever directement de l’autorité administrative (le préfet pour les conducteurs de taxi) ou être confié à une autorité administrative indépendante en charge d’un secteur d’activité (Conseil supérieur de l’audiovisuel, Autorité des marchés financiers, etc.), à un ordre professionnel comme, par exemple, le Haut conseil des commissaires aux comptes.

● À la différence des sanctions pénales, les sanctions que peut prononcer l’administration ont un caractère objectif. Comme l’écrivait Jean-Marie Delarue, la sanction administrative « frappe le comportement qui nest pas celui du délinquant ou du criminel mais celui qui méconnaît les règles édictées par ladministration » ([7]).

Ce caractère objectif des fautes susceptibles d’être sanctionnées fait que lintention de lauteur nest généralement pas prise en compte : « lélément moral est, en principe, absent de la caractérisation de linfraction. Il nest pas nécessaire de rapporter la preuve de lintention coupable de lauteur du manquement. » ([8]) Aussi, de nombreux usagers peuvent, sans chercher à tromper l’administration, commettre une erreur dans leurs obligations déclaratives, en raison par exemple de la complexité du droit applicable à leur situation. Ils s’exposent alors au prononcé de sanctions, notamment pécuniaires, qui sont en outre immédiatement exécutoires.

Il n’existe donc pas aujourd’hui dans notre législation de disposition générale permettant à l’administration de prendre en compte l’intention d’une personne ayant commis une erreur de bonne foi et adopter ainsi à son égard une attitude bienveillante.

Seuls deux dispositifs permettent aux usagers de rectifier des erreurs commises dans leurs déclarations et d’éviter que des sanctions pécuniaires soient systématiquement prononcées à leur encontre :

– dans le domaine fiscal, une procédure de régularisation des erreurs est prévue par l’article L. 62 du livre des procédures fiscales. Cette procédure est mise en œuvre à la demande du contribuable et dans le cadre d’un contrôle. Elle permet au contribuable qui a déposé sa déclaration dans les délais impartis, de corriger les omissions ou inexactitudes relevées au cours du contrôle, et de payer les droits supplémentaires ainsi qu’un intérêt de retard minoré, sans se voir infliger de sanctions ;

– la procédure prévue par l’article R. 243-10 du code de la sécurité sociale, qui permet à l’employeur de rectifier les erreurs constatées dans ses déclarations de cotisations et de contributions sociales, sans avoir à payer les majorations de retard et les pénalités normalement encourues. Cependant, ce droit à l’erreur, s’il ne joue pas en cas d’inexactitudes répétées du montant des rémunérations déclarées, est restreint, tant par le champ de son application que par le montant de l’erreur régularisable, limité à 5 % du montant total des cotisations initiales.

2.   Le dispositif proposé

● Le nouvel article L. 123-1 reconnait un droit à l’erreur au bénéfice de l’usager de l’administration en cas de méconnaissance dune règle applicable à sa situation : il précise ainsi que l’usager ne pourra faire l’objet d’une sanction, s’il a régularisé sa situation, de sa propre initiative, ou après y avoir été invité par l’administration (alinéa 4).

Cette disposition signifie donc que :

– le droit à l’erreur s’appliquera en cas de première méconnaissance involontaire dune règle. Si la personne méconnaît une nouvelle fois cette même règle, elle s’exposera à la sanction administrative encourue ;

 seules les erreurs régularisables sont concernées, comme le précise l’étude d’impact du projet de loi. Les retards ou omissions de déclaration dans les délais prescrits par un texte, parce qu’elles ne sont pas régularisables, n’entrent donc pas dans le champ d’application du droit à l’erreur.

● L’alinéa 5 prévoit que la sanction pourra être cependant prononcée en cas de mauvaise foi ou de fraude, et ceci sans que la personne en cause ne soit invitée à régulariser sa situation. Il s’agit par-là d’écarter du bénéfice du droit à l’erreur les erreurs grossières ou qui témoignent d’une négligence grave.

Ainsi que le précise l’étude d’impact du projet de loi, ce dispositif « ne tend pas à accorder aux administrés un droit de commettre des erreurs. Il leur reconnaît un droit de régulariser une erreur commise de bonne foi. »

La notion de « bonne foi » n’est volontairement pas définie par le projet de loi. Interrogé sur ce point par votre rapporteur, le Gouvernement a expliqué ce choix par la volonté de maintenir pour les administrations une certaine souplesse dans lappréciation du comportement de lusager, compte tenu de la diversité des situations envisageables. Cette absence de définition ne signifie pas l’arbitraire, dès lors que, dans l’appréciation du droit à l’erreur, la mauvaise foi correspondra à la détection d’un élément intentionnel ou d’une négligence caractérisée, appréciée en fonction des circonstances propres à chaque manquement, qu’il appartiendra à l’administration d’établir et de justifier.

La bonne foi étant présumée, c’est en effet à l’administration qu’il appartiendra de motiver, en fait comme en droit, son refus de faire droit à la demande de prise en compte de la bonne foi de l’usager. En toutes hypothèses, l’appréciation de la bonne ou de la mauvaise foi interviendra sous le contrôle du juge, lequel précisera, par sa jurisprudence, les contours de cette notion, comme il le fait déjà de longue date en matière fiscale ([9]).

La bonne application du texte dépend grandement de l’usage qui sera fait de cette notion. Dans son avis sur l’avant-projet de loi, le Conseil économique social et environnemental (CESE) alerte « sur le risque dune mauvaise interprétation des termes « droit à lerreur » et « bonne foi » pour les activités de contrôle, nécessaires à laccomplissement des missions confiées à ladministration. Lénoncé de droits nouveaux est susceptible daugmenter les contentieux et la charge de travail induite, au détriment des fonctions de contrôle elles-mêmes. Il souligne la nécessité de définir des principes clairs sur les critères permettant dapprécier la bonne foi des personnes. » ([10])

Si l’objectif de ce projet de loi est bien de conférer une assise légale à certaines pratiques déjà bienveillantes de l’administration, il n’est naturellement pas question que celle-ci se soustraie au respect du principe de légalité. Votre rapporteur salue le choix pragmatique opéré par le Gouvernement mais attire également l’attention sur la nécessité de veiller à accompagner les fonctionnaires chargés de lapplication de cette disposition, en définissant peut-être des principes clairs sur ces critères afin d’harmoniser les pratiques entre les différentes administrations.

● Le champ dapplication de ce nouvel article L. 123-1 est très large puisqu’il comprend l’ensemble des hypothèses d’erreurs possibles, quelle que soit la règle de droit méconnue. Cela traduit la volonté de conférer au droit à l’erreur une portée générale, concrète et immédiate. À l’exception des autorités de régulation (cf. supra.) il sappliquera à lensemble de ladministration, au sens de l’article L. 100-3 du code des relations entre le public et l’administration, c’est à dire aux administrations de l’État, aux collectivités territoriales, leurs établissements publics administratifs et aux organismes et personnes de droit public et de droit privé chargés d’une mission de service public administratif, y compris les organismes de sécurité sociale.

Comme toutes les dispositions du code des relations entre le public et l’administration, il s’agit d’un droit supplétif, c’est-à-dire d’un droit qui ne s’applique qu’en « labsence de dispositions spéciales applicables » ([11]). Cela signifie que lorsque, dans un domaine déterminé, des dispositions législatives ou réglementaires organisent une procédure spéciale de régularisation des erreurs commises, ce sont ces dernières qui continueront à s’appliquer, notamment en matière fiscale ou douanière.

Les domaines entrant dans le champ du droit à l’erreur comprennent la fois le droit du travail, de la sécurité sociale et de la santé publique, la culture, le droit de la consommation, la métrologie ou encore le droit agricole, autant de domaines soumis à de nombreuses obligations déclaratives. Le terrain de prédilection pour lapplication du droit à lerreur sera en effet celui des obligations déclaratives qui pèsent sur les usagers : c’est à l’occasion des déclarations qu’ils sont amenés à effectuer ([12]) que les usagers peuvent le plus fréquemment commettre une erreur.

Exemples de dispositions entrant dans le champ du droit à lerreur

L’étude d’impact du projet de loi cite plusieurs exemples de dispositions entrant dans le champ du droit à l’erreur :

● Dans le domaine du travail, de la sécurité sociale et de la santé publique :

– déclarations en matière de prestations familiales, telles que les allocations familiales, l’allocation de logement et l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé, de pension de retraite et de prestations versées par les caisses d’assurance maladie (articles L. 114-17 et L. 114-17-1 du code de la sécurité sociale) ;

– déclarations d’activité des laboratoires de biologie médicale auprès de l’agence régionale de santé (articles L. 6211-19 et L. 6241-1 du code de santé publique) ;

– déclarations effectuées par les travailleurs indépendants non agricoles pour le calcul de leurs cotisations et contributions sociales (article L. 133-6-7-2 du code de la sécurité sociale) ;

– déclaration des rémunérations assujetties aux cotisations d’assurance chômage (article R. 133-14 du code de la sécurité sociale) ;

– déclarations d’activité par le demandeur d’emploi à l’occasion de son actualisation mensuelle (article L. 5426-1-1 du code du travail).

● Dans le domaine culturel :

– déclarations d’aliénation d’un immeuble ou d’un objet immobilier classé ou inscrit au titre des monuments historiques (articles L. 621-29-6 et L. 622-23 du code du patrimoine) ;

– déclarations de déplacement d’un objet mobilier classé ou inscrit au titre des monuments historiques (article L. 622-28 du code du patrimoine).

● Dans le domaine de la consommation :

– interdiction faite aux professionnels de démarcher téléphoniquement un consommateur inscrit sur la liste d’opposition au démarchage téléphonique (article L. 223-1 du code la consommation) ;

– obligation pour tout fournisseur d’un service téléphonique au public de proposer au consommateur une option gratuite permettant de bloquer les communications à destination des numéros surtaxés de certaines tranches de numéros à valeur ajoutée (article L. 224-24 du code de la consommation).

● Dans le domaine de la métrologie :

– surveillance du parc des instruments de mesure en service (balances, pompes à essence, taximètre…) pouvant donner lieu à une amende administrative en cas de retard de vérification des instruments (article 9 de la loi du 4 juillet 1837 relative aux poids et mesures).

● Dans le domaine agricole :

– en ce qui concerne les produits de la vigne, dispositions relatives aux régimes de plantation, aux déclarations de plantations et d’arrachage, à l’encépagement, à la plantation de vignes mères de porte-greffes et à la production de bois et plants de vigne (article L. 665‑5 du code rural et de la pêche maritime).

● Les alinéas 6 à 10 de l’article 2 excluent expressément du droit à l’erreur plusieurs cas :

– lorsque les sanctions sont requises pour la mise en œuvre du droit de l’Union européenne : il s’agit d’éviter que la mise en œuvre du droit à l’erreur puisse conduire l’administration à méconnaître une obligation qui lui incombe nécessairement en vertu du droit européen. C’est le cas, par exemple, en matière de politique agricole commune, où les États membres ne disposent d’aucune marge d’appréciation dans l’application de sanctions (alinéa 7) ;

– lorsqu’est en cause la protection de la santé publique, l’environnement ou la sécurité des personnes ou des biens, car il s’agit là d’intérêts fondamentaux (alinéa 8) ;

– lorsque les sanctions sont prévues par un contrat : il s’agit ici de tenir compte de la spécificité des relations contractuelles et de l’exigence de loyauté qu’elles impliquent (alinéa 9) ;

– lorsque les sanctions sont prononcées par les autorités de régulation à l’égard des professionnels soumis à leur contrôle – les sanctions professionnelles évoquées plus haut : il s’agit là d’exclure du bénéfice du droit à l’erreur les professionnels avertis lorsqu’ils agissent dans les champs spécifiques régulés par ces autorités, dès lors qu’ils sont réputés maîtriser les règles de droit applicables à leur situation ou qu’ils peuvent, à tout le moins, disposer de conseils juridiques pour ce faire (alinéa 10).

Exemples de dispositions nentrant pas dans le champ du droit à lerreur

L’étude d’impact du projet de loi cite quelques exemples de dispositions n’entrant pas dans le champ du droit à l’erreur :

● Procédures de déclaration et de signalement applicables aux dispositifs médicaux (DM) et aux DM de diagnostic in vitro (DMDIV). Motif de lexclusion : santé publique et sécurité des personnes (sécurité sanitaire) ;

● Obligation de déclaration de toute activité de courtage de médicaments effectuée par une personne située en France (article L. 5124-20 du code de la santé publique). Motif de lexclusion : santé publique et sécurité des personnes, ainsi qu’absence de sanction pécuniaire ou privation d’une prestation due ;

● Transmission par les praticiens des établissements de santé des données prévues à l’article L. 6113-7 du code de la santé publique. Motif de lexclusion : impossibilité de régulariser l’erreur, dès lors que l’obligation de transmission est assortie d’un délai

● Fausse déclaration ou omission délibérée de déclaration aboutissant à un versement indu du RSA (article L. 262-52 du code de l’action social et des familles). Motif de lexclusion : les faits intentionnels pour lesquels la sanction pécuniaire peut être prononcée sont exclusifs de la bonne foi.

● Recouvrement des indus de RSA par l’organisme payeur selon un plan de recouvrement personnalisé tenant compte des ressources du foyer
(article L. 262-46 du code de l’action sociale et des familles). Motif de lexclusion : la récupération d’indus ne constitue ni une sanction, ni une privation de prestation.

● Déclaration en matière douanière prévue par le règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2013 établissant le code des douanes de l’Union et ses règlements d’application, dont l’article 42 impose l’application de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives. Motif de lexclusion : la sanction est prononcée sans possibilité de faire jouer un droit à l’erreur, en vertu du droit européen.

● Respect des dispositions de l’article L. 441-6 du code de commerce sur les délais de paiement limités contractuellement à 60 jours. Motif de lexclusion : l’infraction donnant lieu à sanction administrative pécuniaire est grossière et donc exclusive de la bonne foi.

II.   la CrÉation d’un droit au contrÔle

A.   L’État du droit

● Les contrôles effectués par l’administration visent à s’assurer du respect, par les personnes physiques ou morales auxquelles elles s’appliquent, d’une législation ou d’une réglementation. Ils peuvent être effectués à son initiative, à l’occasion d’un événement particulier ou à intervalles réguliers lorsque la réglementation le prévoit et relever des services fiscaux, de la douane, des Urssaf, de la concurrence et de la consommation, de l’inspection du travail ou encore de l’inspection des installations classées.

Les entreprises sont ainsi susceptibles de faire l’objet de contrôles de nature très diverse portant, par exemple, sur :

– les produits ou objets fabriqués et/ou commercialisés : ces contrôles peuvent viser l’évaluation de la conformité des produits, avant leur mise sur le marché, ou la surveillance d’un marché, après la commercialisation des produits ;

– les processus de production : il s’agit de s’assurer du respect des obligations visant à la prévention des nuisances ou accidents provoqués par les installations ou produits utilisés ;

– les situations d’emploi ou de travail des salariés ;

– les procédures de gestion financière et comptable, afin d’assurer le respect de leurs obligations contributives en matière fiscale et sociale.

Les deux types de contrôle

Cette diversité des contrôles relève en fait de deux logiques différentes, identifiées par le rapport sur la stratégie d’organisation d’administration de l’État ([13]) :

«  les contrôles de de police générale : la réglementation fixe des objectifs aux acteurs et il leur appartient de sy conformer. Les services de lÉtat font des contrôles par sondage à leur propre initiative, les contrevenants sont passibles de poursuites pénales ou de sanctions administratives (retrait du marché, suspension dactivité) dans le cadre de réglementation spécifique (répression des fraudes, sécurité du travail, santé public, etc.) ;

 les contrôles avec point de passage obligé : le contrôle est ici à double détente. La mise sur le marché dun produit ou dun service et où éventuellement son usage ultérieur est subordonné à un contrôle réglementaire (homologation ou agrément préalable du produit ou service, contrôles périodiques en service) […] Des contrôles sur lusage et la commercialisation peuvent intervenir une fois le produit ou service mis sur le marché. Le premier contrôle est donc obligatoire ou systématique, le deuxième se fait comme dans le cas précédent, à linitiative des services de lÉtat. »

Ces contrôles peuvent enfin s’effectuer selon des modalités différentes :

– sur place : c’est le cas par exemple en matière de contrôle d’installation ou d’équipement de production (installations classés, inspection du travail) ou pour des opérations de contrôle de marchandise (douanes, concurrence et consommation) ;

– sur pièces : les personnes concernées adressent les documents et pièces nécessaires aux agents de contrôle, en se déplaçant, le cas échéant, dans les locaux de l’administration.

● Si la légitimité de la mission de contrôle de l’administration, parce qu’elle répond notamment à une demande sociétale d’accroissement des protections, n’est pas remise en cause, le rapport sur les contrôles administratifs exercés sur les entreprises individuelles ([14]) avait révélé une certaine défiance des entreprises à l’égard de l’administration.

Les contrôles sont ainsi parfois vécus avec une certaine forme de crainte : « la solennité de la procédure de contrôle, la puissance des pouvoirs publics mis en branle sont mal vécus dans une société qui a évolué dans son rapport à lordre public. Les contrôles sont vécus comme un rapport inégal. » ([15]) Aussi, l’administration s’est engagée, depuis quelques années déjà, dans une logique d’accompagnement et de conseil, à travers notamment le programme de simplification « Dites-le nous une fois », initié en 2014, ou la relation de confiance développée par la DGFiP.

Compte tenu des obligations juridiques complexes, instables et croissantes qui pèsent sur lui, le public est en effet en attente d’une approche de conseil et de dialogue dans le cadre des contrôles effectués par l’administration. Mais il se heurte souvent à l’absence de procédures ou de cadre juridique lui permettant d’initier ce dialogue, seule l’administration pouvant être à l’initiative de ces échanges.

Seuls certains dispositifs juridiques permettent aujourd’hui de répondre à cette demande. Il existe ainsi, par exemple, dans le domaine fiscal une procédure de contrôle à la demande des entreprises dont le chiffre d’affaires n’excède pas certains seuils ([16]). Le contrôle peut porter sur une ou plusieurs opérations. Lorsque l’administration, qui n’est pas tenue de satisfaire cette demande, effectue le contrôle, elle en communique les résultats au contribuable. Dans le cas où des anomalies ont été constatées, ce dernier peut régulariser sa situation en bénéficiant d’un taux réduit d’intérêts de retard. 38 contrôles ont été opérés dans ce cadre par la direction générale des finances publiques depuis 2014 selon l’étude d’impact du projet de loi.

B.   Le dispositif proposÉ

● Le du présent article vise à reconnaître le droit à chacun de bénéficier des contrôles qui peuvent lui être utiles. Il créé pour cela un nouvel article L. 124‑1 au sein du code des relations entre le public et l’administration afin de prévoir que « toute personne peut demander à faire lobjet de lun des contrôles prévus par la loi ou la réglementation » (alinéa 12).

Comme dans le cas du droit à l’erreur, cette inscription dans le code des relations entre le public et l’administration a pour objet de garantir au dispositif une effectivité maximale puisque aucun champ de l’action publique ne sera exclu du bénéfice du droit au contrôle. Tous les contrôles administratifs prévus par la loi ou le règlement entreront donc dans le champ de ces dispositions.

Le choix est ainsi fait, non pas de simplifier les modalités de contrôle, secteur par secteur, administration par administration, mais d’adopter une démarche beaucoup plus globale, afin de changer complétement de paradigme, selon les mots de l’étude d’impact du projet de loi.

Exemples de dispositions entrant dans le champ du droit au contrôle

L’étude d’impact du projet de loi cite plusieurs exemples de dispositions entrant dans le champ du droit au contrôle :

● Dans le domaine douanier :

Un entrepositaire agréé qui exploite un entrepôt fiscal de stockage de produits pétroliers (articles 158 A à 158 C du code des douanes) pourra solliciter un contrôle sur les conditions dans lesquelles il a mis en place un nouveau système de comptabilité des stocks et des mouvements de produits dans son entrepôt (les règles de tenue de la comptabilité étant fixées par décret). À l’issue du contrôle, soit l’administration valide le système, soit elle relève des anomalies qui devront être corrigées. En cas de conclusions défavorables, et si les conditions sont réunies, la personne concernée pourra faire jouer son droit à l’erreur. En cas de conclusions favorables, elle a la garantie de ne pas avoir à modifier son comportement jusqu’au prochain contrôle de l’administration, sauf si le droit applicable ou sa situation venaient à changer.

● Dans le domaine de la consommation :

Une agence immobilière pourra solliciter un contrôle de ses pratiques commerciales par la DGCCRF. En cas de détection de manquement, par exemple en ce qui concerne les obligations de publicité des prix prévues par l’arrêté du 29 juin 1990, l’agence pourra, si elle est de bonne foi, faire jouer son droit à l’erreur et ne pas se voir infliger de sanction administrative. En cas de conclusions favorables, elle conservera le document formalisée afin de pouvoir l’opposer, le cas échéant, à l’administration et se prémunir, à l’occasion d’un nouveau contrôle, de tout changement de position de celle-ci sur sa situation passée.

● Dans le domaine de la culture :

Un libraire pourra obtenir un contrôle portant sur la manière dont il applique la loi du 10 août 1981 relative au prix unique du livre. Si les agents habilités à cet effet du ministère de la culture concluent expressément à la validité des pratiques contrôlées, le libraire aura la garantie de pouvoir poursuivre ses pratiques sans être inquiété – quand bien même l’administration aurait commis une erreur lors de son contrôle – tant qu’il n’aura pas modifié sa façon d’appliquer cette loi.

L’administration est tenue de procéder à ce contrôle dans « un délai raisonnable ». L’étude d’impact précise que l’octroi d’une marge d’appréciation à l’administration compétente a été préféré à la fixation d’une durée uniforme par la loi. Il s’agit en effet de tenir compte à la fois des réalités de l’action administrative, notamment en termes de moyens, mais aussi de la diversité des opérations contrôles envisagées et des acteurs concernés. Ce « délai raisonnable » précise également l’étude d’impact, ne devrait cependant conduire l’administration à différer au-delà d’une année le contrôle envisagé (alinéa 13).

Le nouvel article L. 124-1 précise en outre que ce droit au contrôle ne s’appliquera pas en cas de « mauvaise foi du demandeur », de « demande abusive » ou dans le but de « compromettre le fonctionnement du service ». Il s’agit par-là de concilier ce droit avec les impératifs de bonne administration et d’utilisation optimale des moyens publics.

● Le présent article 2 crée ensuite un nouvel article L. 124-2 qui rend opposables les conclusions expresses d’un contrôle administratif. Cela permettra d’accorder une sécurité juridique à la personne contrôlée (alinéa 14).

Ces conclusions ne seront toutefois pas opposables lorsqu’elles auraient pour conséquence une méconnaissance des règles visant à « assurer la sécurité des biens et des personnes et la préservation de la santé et de lenvironnement » (alinéa 18).

Ce droit à l’opposabilité des conclusions expresses d’un contrôle prévoit en outre que la personne concernée ne pourra se prévaloir de telles conclusions dans deux cas de figure :

– en cas de « changement de circonstances de droit ou de fait postérieures » au contrôle, c’est-à-dire lorsque la réglementation applicable a changé et rendrait caduques les conclusions du contrôle ou lorsque la personne concernée ne se trouve plus dans une situation identique à celle qui a fait l’objet du contrôle (alinéa 16) ;

– lorsque l’administration procède à un nouveau contrôle donnant lieu à des nouvelles conclusions expresses (alinéa 17).

Enfin, l’alinéa 19 précise que si, à l’occasion de ce contrôle, l’administration constate des erreurs régularisables, la personne contrôlée pourra bénéficier du droit à l’erreur créé par le 1° du présent article. L’instauration du droit au contrôle ne pourrait en effet pas fonctionner si la personne ne pouvait se prévaloir, dans le même temps, du droit à l’erreur. Il s’agit par-là d’accompagner entreprises et particuliers vers un changement culturel pour les inciter à solliciter l’administration sans crainte d’être sanctionnés.

Cependant, ainsi que le rappelle l’étude d’impact, la demande de réalisation d’un contrôle n’aura « ni pour objet ni pour effet de permettre à la personne concernée de saffranchir du respect des obligations légales et réglementaires qui lui incombent par ailleurs ». Il ne s’agit en effet pas de permettre à celle-ci de se prévaloir d’une demande de contrôle pour ne pas respecter ses obligations ou pour les suspendre dans l’attente de ce contrôle.

● Les alinéas 20 à 24 procèdent aux coordinations nécessaires à l’application des dispositions de l’ensemble de l’article dans les collectivités d’outre-mer et précisent que les dispositions relatives au contrôle ne seront applicables qu’aux contrôles initiés à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi.

III.   LA POSITION DE LA COMMISSION SpÉciale

La commission spéciale a adopté un amendement de précision de M. Mohamed Laqhila et du groupe Mouvement démocrate et apparentés qui exclut expressement du champ du droit à lerreur les erreurs de forme commises par les usagers, à condition qu’elles ne portent pas atteinte au respect de la loi.

Après avoir discuté de plusieurs amendement qui avaient pour objet de revenir sur l’exclusion des sanctions prononcées en cas de méconnaissance des règles préservant l’environnement du champ du droit à l’erreur, la commission a adopté un amendement de votre rapporteur qui attenue sensiblement le champ des restrictions prévues par l’alinéa 7. La rédaction adoptée précise désormais que seule la méconnaissance des règles « portant atteinte » à la santé publique, à la sécurité des personnes et des biens ou à l’environnement pourra faire l’objet de sanctions.

Enfin, à l’initiative du groupe La République en marche, la commission spéciale a adopté une définition de la mauvaise foi. Le nouvel article L. 123-2 du code des relations entre le public et l’administration précisera désormais qu’est de mauvaise foi « toute personne ayant délibérément méconnu une règle applicable à sa situation » et, qu’en cas de contestation, « la preuve de la mauvaise foi et de la fraude incombe à ladministration. »

Cette définition, sécurisante pour l’usager comme pour l’administration, s’appuie sur deux éléments : un élément matériel (le manquement) et un élément intentionnel. Elle transpose ainsi en droit général le concept fiscal de « manquement délibéré » qui  figure à l’article 1729 du code général des impôts.

*

*     *

La commission examine lamendement CS563 de M. Mohamed Laqhila.

M. Mohamed Laqhila. Cet amendement vise à supprimer les sanctions financières applicables aux contribuables qui commettent une erreur de forme tout en respectant la loi sur le fond.

M. le rapporteur. L’objectif poursuivi par le Gouvernement dans cet article est évidemment de prendre en compte les erreurs de forme, consistant par exemple pour un administré à cocher la mauvaise case sur sa déclaration, la question étant de savoir si une erreur de forme peut constituer une méconnaissance implicite de la règle. Il me semble que l’article 2 satisfait à votre demande mais pour que les choses soient claires, j’émets un avis favorable à cet amendement, ce qui nous permettra d’avoir l’avis du ministre en séance publique.

M. le ministre. Est-il possible de définir la notion d’erreur de forme ?

M. Mohamed Laqhila. On peut en donner des exemples vécus. On retrouve des erreurs de forme dans de nombreuses déclarations fiscales où l’administré oublie, une année, de cocher une case.

M. le ministre. Pourrait-on définir l’erreur de forme comme une erreur matérielle n’ayant aucune incidence financière ?

M. Mohamed Laqhila. Oui.

M. le ministre. Bien que cet amendement ait donné lieu à un arbitrage défavorable, j’émets un avis de sagesse car vos arguments sont de bon sens, monsieur Laqhila, et car cela nous permettra d’en débattre dans l’hémicycle et peut-être d’apporter une définition de l’erreur de forme. Pour retenir cette rédaction, il faudrait en tout cas que l’erreur de forme ne soit qu’une erreur matérielle n’ayant aucune incidence financière.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement très intéressant mérite d’être illustré par l’exemple. Je citerai le cas du pacte Dutreil, au sujet duquel j’avais déposé un amendement à la loi de finances : M. le ministre m’avait demandé de le retirer au motif que nous aurions l’occasion d’en discuter dans ce texte. Le pacte Dutreil présente des difficultés d’application : ses bénéficiaires doivent fournir chaque année de très nombreux documents à l’administration fiscale. S’ils oublient de fournir le moindre de ces documents au titre d’une année, le bénéfice de l’ensemble des avantages liés au pacte est remis en cause, avec des conséquences financières très importantes. Comme ces oublis résultent d’erreurs et qu’il ne s’agit pas du tout pour les contribuables de se soustraire au paiement de l’impôt, j’avais proposé de permettre la régularisation de la situation des contribuables et de ne remettre en cause le bénéfice de leurs avantages que s’ils ne répondaient pas à la demande de l’administration. C’est pourquoi je soutiens l’amendement de M. Laqhila.

M. le rapporteur. Nous examinerons ultérieurement des amendements spécifiquement consacrés au pacte Dutreil. J’avais moi aussi prévu d’émettre un avis défavorable à l’amendement de M. Laqhila mais je maintiens mon avis favorable. Nos discussions dans l’hémicycle présentent en effet un intérêt pour la jurisprudence et nous permettront de souligner l’ambition de l’article 2 : poser des principes généraux et faire évoluer les comportements de l’administration.

M. le ministre. Je maintiens quant à moi mon avis de sagesse, ce qui permettra à chacun de voter en son âme et conscience et, éventuellement, de suivre l’avis du rapporteur, mais ne soyez pas étonné si, dans l’hémicycle, je défends un amendement de suppression de cette disposition ou de précision de la notion d’erreur matérielle. Il faut en tout cas que vous forciez le Gouvernement à vous fournir des explications car c’est un amendement de bon sens.

M. Bruno Fuchs. Il conviendrait de préciser la portée de cet amendement afin qu’il n’incite pas les contribuables à glisser des erreurs dans leur déclaration pour bénéficier de la mansuétude de l’administration.

M. le ministre. Je ne vois pas quelles erreurs formelles pourraient ne pas être traitées avec bienveillance par l’administration dès lors qu’elles sont sans conséquences financières. Je vous propose néanmoins que nous en débattions dans l’hémicycle, quitte à ce que je revienne sur ma position à ce moment-là.

L’argument de Mme Louwagie me semble le plus percutant de tous mais toute demande de documents s’explique par des raisons précises – même s’il faut peut-être simplifier le pacte Dutreil par ailleurs.

M. Mohamed Laqhila. Mon amendement est assez clair. Quand l’administration s’aperçoit d’une erreur de forme, elle la notifie au contribuable. Nous proposons qu’elle demande à ce dernier de rectifier son erreur dans un certain délai.

M. le rapporteur. Ce débat a une vertu pédagogique puisqu’il nous permet de repréciser ce qu’est le droit à l’erreur prévu à l’article 2 : face à une erreur de bonne foi, en l’absence d’intention frauduleuse, l’administration demande au contribuable, d’une part, de corriger sa déclaration – il ne s’agit donc pas de faire abstraction des erreurs commises – d’autre part, de payer le prix de l’argent. Nous débattrons aux articles 3 et 4 de l’appréciation de ce prix de l’argent. La reconnaissance d’un droit à l’erreur permet de ne pas infliger de pénalités au contribuable et de ne pas lui faire perdre le bénéfice de ses droits.

La commission adopte lamendement CS563.

Puis elle étudie lamendement CS214 de Mme Jacqueline Dubois.

Mme Jacqueline Dubois. Cet amendement dispose qu’un citoyen ne peut être tenu pour responsable d’un retard de déclaration si ce dernier est imputable à une défaillance de l’administration, que cette défaillance soit liée à un problème de délivrance d’information ou de documents ou encore à un problème informatique. C’est un cas vécu par un agriculteur en Dordogne : ayant déplacé ses vaches en Gironde, il n’a pu obtenir le numéro lui permettant de faire sa déclaration dans les délais. Malgré diverses réclamations, dont la mienne, il n’a alors pu bénéficier de la subvention à laquelle il avait droit.

M. le rapporteur. La rédaction de votre amendement pose problème. En matière de droit à l’erreur, il faut à la fois de la clarté et de la souplesse. L’article 2 précise clairement que le non-respect des délais ne peut être pris en compte dans le cadre du droit à l’erreur. Il ne faut pas alourdir la rédaction de cet article en l’assortissant d’exceptions, mais en conserver la souplesse pour laisser des marges d’appréciation à l’administration. Dans le cas que vous citez, l’administration devrait déjà prendre en compte l’impossibilité pour l’administré de produire les pièces qui lui ont été demandées. Avis défavorable.

M. le ministre. Je suis sensible à l’idée que quand l’administration a commis une erreur, elle ne peut en imputer la responsabilité au contribuable mais vous évoquez dans votre exposé sommaire un cas précis : en avez-vous parlé au ministère de l’agriculture ?

Mme Jacqueline Dubois. Non mais d’autres personnes – commerçants, artisans, retraités – ne sont-elles pas susceptibles d’être confrontées à une telle situation ?

M. le ministre. Ne peut-on considérer que le principe général du droit à l’erreur s’appliquera à ce type de situations, sans qu’il soit nécessaire de viser des cas particuliers ? Tout contribuable, quel qu’il soit, est évidemment de bonne foi s’il arrive à démontrer que l’administration ne lui a pas fourni le document demandé dans les temps. Vous évoquez dans votre amendement des difficultés administratives liées à l’obtention des subventions de la politique agricole commune mais, comme vous le dites, le problème peut toucher tout le monde.

M. Yves Daniel. La loi actuelle ne permet pas aux éleveurs de résoudre dans le temps imparti les difficultés qu’ils rencontrent en cas de déplacement de leur cheptel. On ne peut donc faire autrement que de modifier la loi pour que l’administration puisse demain prendre en compte cette réalité.

M. le rapporteur. La loi va évoluer puisque nous allons voter l’article 2 qui y introduit la notion de bonne foi. Le but n’est évidemment pas de créer des contentieux ni d’obliger les contribuables à faire la démonstration qu’il ne leur était pas possible de produire un document donné ; mais rédiger trop précisément cet article – qui pose un principe très général de bonne foi – lui ferait perdre de sa force. Je rappelle que le principe du droit à l’erreur vaudra pour toutes les administrations, collectivités locales comprises, et dans tous les champs du droit.

M. Bruno Fuchs. Je comprends qu’il soit difficile de légiférer à partir d’un cas particulier mais nous avons de nombreux exemples où l’administration a pris une position hermétique, rigide, voire de mauvaise foi. Il s’agit par cet amendement de régler ce type de situations, notamment quand plusieurs administrations sont concernées – car dans ce cas, elles se renvoient souvent la balle.

M. le ministre. L’argument du rapporteur est d’or. Préciser un principe général risque d’en atténuer la force aux yeux de l’administration, voire du juge. Je m’engage, en introduction de la discussion de l’article 2 en séance publique, à préciser dans quel esprit cet article a été rédigé et à expliquer que si, du fait du manquement d’une administration, un chef d’entreprise ne peut répondre à une autre administration, ce dernier sera par définition de bonne foi.

M. le rapporteur. Nous discuterons un peu plus tard, à ce même article, de la définition de la mauvaise foi. Cela nous permettra de comprendre, en creux, ce qu’est la bonne foi.

M. le ministre. Avis défavorable, non pas à l’égard de l’exemple précis qu’évoque Mme la députée, mais à son amendement.

M. le rapporteur. Même avis.

Mme Jacqueline Dubois. Je retire mon amendement.

Lamendement CS214 est retiré.

La commission aborde lamendement CS561 de M. Mohamed Laqhila.

M. Mohamed Laqhila. La déclaration préalable à l’embauche vise à informer les services de l’État de l’entrée d’un nouveau salarié dans l’entreprise, ce, pour lutter contre le travail dissimulé. Toutefois, il arrive que des artisans, des commerçants ou de très petites entreprises (TPE) fassent cette déclaration avec retard et s’exposent à de très lourdes sanctions. Nous proposons que le droit à l’erreur s’applique dans cette hypothèse.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Nous en avons clairement discuté : les retards de déclaration sont exclus du champ du droit à l’erreur. Si on ouvre cette boîte de Pandore, on risque d’affaiblir la portée de l’article 2. Encore une fois, faisons confiance à l’administration pour faire preuve de discernement à l’égard des situations que vous évoquez.

M. le ministre. Je ne suis pas favorable non plus à cet amendement car le droit à l’erreur n’est pas le droit au retard. S’il existe des dates butoirs, c’est aussi parce qu’elles déclenchent des délais de recours. J’entends l’argument de M. Laqhila mais l’administration est en général assez à l’écoute, surtout lorsqu’il s’agit d’instruction fiscale, et il est bien connu que quand on doit payer ses impôts le 15 du mois, c’est ainsi et pas autrement. Vous évoquez un retard de cinq jours, monsieur Laqhila, mais vous pourriez le fixer à dix, voire à quinze jours. Il faut quand même que les règles soient simples sans quoi leur interprétation sera confuse.

M. Mohamed Laqhila. Vous voyez bien que le principe de réciprocité ne s’applique pas toujours. La déclaration préalable à l’embauche étant un document important pour lutter contre le travail dissimulé, les sanctions en cas de non déclaration dans les délais sont très lourdes pour les artisans et les commerçants. Nous n’exigeons pas de tels délais de réponse de l’administration. Cela étant dit, j’ai bien entendu vos arguments et je retire mon amendement.

Lamendement CS561 est retiré.

La commission est saisie de lamendement CS680 de M. Laurent SaintMartin.

M. Cédric Roussel. L’article 2 ne vise pas à accorder aux administrés un droit de commettre des erreurs mais reconnaît un droit à régulariser les erreurs commises de bonne foi. La crainte première de l’administration est que ce nouveau dispositif soit utilisé de manière frauduleuse. C’est pourquoi nous proposons de doubler la sanction initialement prévue, en cas de récidive du contribuable. En présence d’une erreur similaire dans le même domaine, l’administration doit avoir les moyens de dissuader mais surtout de sanctionner avec plus de fermeté. S’il convient certes que l’administration bascule vers une mission de conseil et d’accompagnement, elle doit également garder à l’esprit sa mission coercitive et dissuasive. L’instauration d’une sanction accrue permettra de rééquilibrer la relation entre l’administration et les usagers.

M. le rapporteur. Cet amendement est l’occasion de rappeler, comme vous venez de le faire, que le droit à l’erreur n’est pas une licence à l’erreur et que cette majorité est très attachée à la lutte contre la fraude fiscale. Un travail est d’ailleurs en cours à ce sujet – il a été confié à notre collègue Émilie Cariou – et un projet de loi est également en préparation. L’administration doit pouvoir marcher sur ses deux jambes, je suis entièrement d’accord avec vous, monsieur Roussel. J’ai moi-même défendu un amendement au projet de loi de finances qui visait à renforcer les sanctions applicables en cas de fraude fiscale avec circonstances aggravantes. Cela étant, je ne suis pas favorable à cet amendement. Instaurer des sanctions automatiques, deux fois plus importantes que celles prévues initialement, ne me semble pas tenable, juridiquement.

M. le ministre. Il convient de veiller à ce que la simplification administrative que nous souhaitons tous ne se traduise pas in fine par un renforcement des sanctions applicables. Je comprends que ce renforcement des sanctions soit selon vous le pendant du droit à l’erreur.

Si votre objectif est de lutter contre la fraude fiscale, les sanctions que l’administration fiscale inflige au contribuable sont quand même très élevées, entre 10 et 80 %. En ce qui concerne le « verrou de Bercy » et la fraude fiscale caractérisée, qui inquiètent votre commission spéciale, le Gouvernement est en train d’élaborer plusieurs dispositions législatives et réglementaires. Il est vrai que l’habitus de l’administration doit évoluer et que dès lors que l’on instaure un droit à l’erreur, il convient d’être encore plus dur en cas de récidive. Mais ces considérations relèvent plutôt de la circulaire que de la loi. Avis défavorable.

M. Laurent Saint-Martin. Permettez-moi de compléter les propos de mon collègue Roussel. Les Français ont une double attente à l’égard de ce texte, confirmée par notre expérience de terrain : que soit reconnue la bonne foi des contribuables – c’est le sens de l’article 2 – mais aussi que soit proprement sanctionnée la mauvaise foi. La modulation des sanctions est un sujet important et attendu. Vous avez peut-être raison de mettre en question la portée législative d’une telle disposition, monsieur le ministre, mais il importe que le sujet soit abordé en commission et que nous réfléchissions, d’ici à la séance publique, à une rédaction qui soit juridiquement valable.

M. le ministre. Vous avez raison, monsieur Saint-Martin, les Français aspirent à la fois à ce que l’administration lutte contre la fraude et à ce qu’elle fasse preuve de bienveillance à l’égard des contribuables qui commettent des erreurs de bonne foi. Sauf que les gens souhaitent le droit à l’erreur pour eux et la sanction, pour leur voisin. Reprenons l’exemple, évoqué tout à l’heure par M. Laqhila, du retard pris dans la déclaration préalable à l’embauche. Vous pourriez très bien, à l’inverse de votre collègue, vous faire le porte-parole de ceux qui estiment qu’on ne sanctionne pas assez rapidement les employeurs qui jouent avec les délais pour pouvoir recourir au travail dissimulé.

Je maintiens donc mon avis défavorable. Si le Gouvernement avance suffisamment en matière de lutte contre la fraude fiscale d’ici à l’examen du présent texte en séance publique, je donnerai quelques éléments à la représentation nationale. Cependant, il ne me semble pas que l’objet de cet amendement relève du domaine législatif mais plutôt du management de l’administration.

M. le rapporteur. Je maintiens mon avis défavorable pour la raison technique que j’ai déjà évoquée : l’automaticité du doublement des sanctions. Je vous propose de retirer votre amendement pour le redéposer en séance dans une autre rédaction.

M. Cédric Roussel. J’entends et retire cet amendement pour le réécrire d’ici à la séance publique.

Lamendement CS680 est retiré.

Puis la commission examine les amendements identiques CS148 de M. Fabrice Brun et CS759 de M. Stéphane Mazars.

M. Fabrice Brun. Si nul n’est censé ignorer la loi, les règles visant à la préservation de l’environnement sont très nombreuses. Le code de l’environnement contient à lui tout seul 2 623 pages. En 2015, il a été modifié cinquante-six fois, soit plus d’une fois par semaine et ces modifications ont concerné plus de 640 articles. En 2016, il a connu quatre-vingt-sept modifications portant sur près de 1 000 articles. Face à un tel constat, et bien que la préservation de l’environnement soit un enjeu majeur, il est difficile d’accepter que toutes les règles en la matière soient exclues du champ d’application du droit à l’erreur. Il est proposé de restreindre cette exclusion en permettant l’application de ce droit aux sanctions administratives prononcées en cas de méconnaissance des règles préservant l’environnement.

M. le rapporteur. Cette question a suscité de nombreux amendements. Je présenterai moi-même, juste après celui-ci, une nouvelle rédaction.

Le principe est que lorsque l’on porte vraiment atteinte à l’environnement, il faut prendre en compte cette exception. Plus généralement, il n’est pas question de transiger lorsque des intérêts fondamentaux sont en cause, qu’il s’agisse de l’environnement, de la sécurité ou de la santé.

En l’occurrence, l’introduction du mot « pénales » réduirait trop fortement les cas d’exception qui sont prévus dans cet article.

Vous avez cité le code de l’environnement, son article L. 171-7 prévoit une mise en demeure de l’intéressé par l’autorité administrative ; je ne vois pas pourquoi il faudrait faire disparaître une telle possibilité.

Je suis donc défavorable à ces amendements.

M. le ministre. Je suis d’accord avec le rapporteur. Le droit à l’erreur ne s’applique pas aux sanctions pénales, mais aux sanctions administratives, ne serait-ce que parce que c’est l’État qui prend des sanctions administratives.

La question posée est intéressante, mais elle va bien plus loin que le projet de loi. Mon avis sera donc défavorable.

M. Fabrice Brun. Je maintiens mon amendement.

M. Stéphane Mazars. Je vais m’en remettre à la version proposée par M. le rapporteur.

Lamendement CS759 est retiré.

La commission rejette lamendement CS148.

Elle examine alors lamendement CS753 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à remplacer le mot « préservant » par les mots « portant atteinte à » qui me semblent mieux préciser l’esprit de la loi.

Ce n’est pas parce que l’erreur commise, par exemple par un agriculteur, touche au domaine de l’environnement, qu’elle porte directement atteinte à l’environnement. Si tel n’est pas le cas, autant faire en sorte que les sanctions prononcées entrent dans le champ du droit à l’erreur.

M. le ministre. Favorable.

La commission adopte lamendement.

Elle est alors saisie des trois amendements identiques, CS233 de M. Fabrice Brun, CS283 de Mme Véronique Louwagie et CS327 de M. Christophe Naegelen.

M. Fabrice Brun. Il me semble que l’adoption de l’amendement précédent fait tomber ces amendements.

M. le rapporteur. Ils ne tombent pas : ils sont satisfaits.

Les amendements sont retirés.

La commission examine lamendement CS542 de M. Bruno Fuchs.

M. Bruno Fuchs. Cet amendement, qui est au cœur du principe de droit à l’erreur, vise à protéger prioritairement les personnes en difficulté, voire en très grande difficulté. Ces dernières ont du mal à remplir les documents administratifs, et lorsqu’elles commettent une erreur en les remplissant, il leur arrive de voir leurs allocations suspendues. Voilà pourquoi je suggère de faire bénéficier ces personnes d’un droit d’alerte : elles ne seraient pas mises devant le fait accompli, elles seraient informées que leurs allocations risquent d’être suspendues et disposeraient d’un délai pour mettre leur dossier à jour.

Il est très pénalisant, pour des publics qui gagnent 400 ou 500 euros par mois, de devoir attendre deux, voire trois mois, pour faire admettre leur erreur et toucher à nouveau leurs allocations.

M. le rapporteur. Je ne vois pas comment l’administration peut instruire correctement un dossier incomplet ou erroné. Je crains qu’en votant un tel amendement on limite la capacité de l’administration à bien traiter les dossiers. De nombreux droits reposent sur la déclaration des administrés. L’administration, qui doit être bienveillante, doit aussi pouvoir s’appuyer sur des dossiers renseignés dans les temps. Avis défavorable.

M. le ministre. Avis défavorable. Lorsqu’un dossier de demande de prestations est incomplet, l’administration concernée doit s’adresser dans un délai assez bref à l’administré, afin de pouvoir traiter son dossier.

Cela étant dit, monsieur le député, je veux bien regarder avec vous ce qu’il en est des prestations particulières.

Le problème de l’administration, notamment dans le domaine social, ne tient pas tant au fait que les dossiers soient incomplets – ce qui amène certaines allocataires à ne pas toucher ce qui leur est dû – qu’au délai de traitement de ces dossiers.

Pour les aides personnalisées au logement (APL) ou les allocations servies par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), lorsque l’administration met beaucoup de temps à répondre à l’administré, elle aggrave la situation de celui-ci. J’ai le souvenir d’APL versées trois mois après, alors que le dossier administratif était complet.

Pour l’allocation aux adultes handicapés (AAH), il faut des certificats médicaux et des éléments parfois assez difficiles à fournir.

Monsieur le député, votre amendement était assez général, avez-vous en tête des prestations particulières ?

M. Bruno Fuchs. Je peux vous donner l’exemple d’une jeune femme en grande précarité qui arrive à travailler, dix, quinze ou vingt heures par mois. Il se trouve qu’entre Pôle emploi et la caisse d’allocations familiales, les formulaires de déclaration de ces heures diffèrent. Un jour, cette jeune femme s’est trompée dans sa façon de remplir ces formulaires, ce qui lui a valu deux mois ou deux mois et demi de suspension de ses prestations.

J’ajoute qu’il faut beaucoup de temps pour recontacter ces publics en très grande précarité qui sont un peu « dans la nature », et pour leur faire comprendre où aller, qui voir, etc. Une fois l’erreur retrouvée, il est difficile de leur faire remplir leur dossier dans les formes et dans les délais. Voilà pourquoi nous nous intéressons à ces publics, qui se trouvent plus particulièrement pénalisés.

Peut-être aurais-je dû être plus précis ? Je comprends votre réflexion, monsieur le ministre, et je reconnais que mon amendement est assez général. Mais c’était le moyen d’engager la discussion en commission.

M. le ministre. Je suis très sensible à votre amendement, monsieur le député, même s’il est trop général, et même si je pense qu’il faut soit le retirer, soit le rédiger différemment.

De trop nombreuses personnes ne réclament pas et ne touchent pas certaines prestations parce qu’elles ignorent leurs droits. En même temps, il faut éviter les effets de bord qui permettent à d’autres de commettre des fraudes aux prestations sociales, ce qui est tout aussi scandaleux. On ne peut ignorer ces spécialistes de la récupération d’argent public : bien que peu nombreux, ils donnent un coup de canif au pacte républicain.

Je souhaiterais – et je me tourne vers les membres de mon cabinet – que l’on dresse la liste des prestations que nous pourrions évoquer dans ce cadre, qu’elles concernent ou non le handicap.

Comme vous l’avez fait remarquer, certaines personnes mettent du temps pour remplir les formulaires de Pôle emploi parce qu’elles ont un travail compliqué. De leur côté, les frontaliers – ma circonscription se trouve près de la Belgique – ont parfois du mal à récupérer un certain nombre de données.

Par ailleurs, il faut savoir que 95 % des allocataires des APL figurent dans les deux premiers déciles de revenu, et qu’il leur est donc difficile, en cas de retard, d’avancer l’argent qui leur est dû.

Nous allons dresser la liste de ces prestations. Je vous propose de le faire aussi. Et si madame la présidente en est d’accord, je reviendrai vers vous pour regarder quels sont les effets de bord. Sans doute pourrait-on apporter quelques précisions. Votre amendement est un peu trop général, mais il pose une question importante.

M. Bruno Fuchs. On pourrait, à ce stade, le retirer, puis le réintroduire…

M. le ministre. Je vous propose de le retirer et je m’engage, d’ici à la fin de la semaine, à organiser un rendez-vous avec mon cabinet, voire avec la ministre de la santé et des solidarités, ou en tout cas avec la direction de la sécurité sociale (DSS) qui pourrait nous éclairer et nous mettre d’accord. Et pourquoi ne pas mener des expérimentations sur une ou deux prestations, les plus marquantes et celles qui sont versées aux publics les plus en difficulté ? En effet, il s’agit de faire de la trésorerie, pour éviter que certains ne s’endettent pour avancer l’argent auquel ils ont légitimement droit.

M. Bruno Fuchs. Dans ces conditions, je retire mon amendement.

Lamendement CS542 est retiré.

La commission examine lamendement CS682 de M. Laurent Saint-Martin.

M. Cédric Roussel. Cet amendement définit la notion de mauvaise foi au regard de deux éléments : d’abord un élément matériel, le manquement, et un élément intentionnel. Il est motivé par les propos et les éléments recueillis lors des concertations, mais aussi par l’avis du Conseil économique, social et environnemental sur l’avant-projet de loi.

Cet amendement préserve également la portée de la jurisprudence passée. Il définit la notion de mauvaise foi en incluant le prononcé de la sanction administrative – c’est l’élément intentionnel.

M. le rapporteur. Je suis très favorable à cet amendement, qui apporte des précisions utiles.

Le droit à l’erreur existait déjà dans certains champs administratifs – notamment la fiscalité. Il est intéressant de constater que toute une jurisprudence s’est établie autour de ce droit à l’erreur, et que celle-ci a poussé l’administration fiscale à détailler ce qu’elle entendait par « mauvaise foi ».

Je citerai le commentaire sur l’article 3, qui figure dans le rapport : « Le manquement délibéré est établi lorsque ladministration peut démontrer que lintéressé a nécessairement eu connaissance des faits, lorsque le rehaussement porte sur une question de principe ayant déjà fait lobjet dune décision administrative non contestée par ladministration, lorsquune manœuvre frauduleuse donne lapparence de la sincérité à des déclarations inexactes. »

Ce détail contribue à la sécurité juridique que l’on veut par ailleurs renforcer en instituant le droit à l’erreur. Je suis donc très favorable à ce que l’on puisse, par amendement, définir la mauvaise foi.

M. le ministre. Favorable.

Lamendement est adopté.

La commission est saisie de lamendement CS654 du rapporteur.

M. le rapporteur. Amendement rédactionnel.

M. le ministre. À mon regret, avis défavorable. Le Gouvernement préfère s’en tenir à la notion de convention internationale, qui est plus « englobante »…

M. le rapporteur. Il faudra que nous nous concertions sur cette question de formulation, qui ne doit pas être nouvelle. Dans l’immédiat, je ferai œuvre d’humilité en m’en remettant à la sagesse du cabinet, qui a rédigé ce projet de loi, et je suis donc prêt à retirer mon amendement.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CS656 du rapporteur.

M. le rapporteur. Amendement rédactionnel.

M. le ministre. Avis favorable.

La commission adopte lamendement.

Elle est ensuite saisie de lamendement CS815 de Mme Cendra Motin et des trois amendements identiques CS5 de M. Julien Aubert, CS18 de M. Arnaud Viala, et CS252 de M. Éric Pauget, qui peuvent faire lobjet dune discussion commune.

Mme Cendra Motin. J’ai rédigé cet amendement avec mon collègue M. Romain Grau. Selon la jurisprudence, lorsqu’un administré ou une entreprise fait l’objet d’une notification de contrôle, ce contrôle doit intervenir dans un délai raisonnable. Et elle a jugé que quarante-huit heures constituaient un délai raisonnable.

Nous considérons, par exemple, qu’un chef d’entreprise ne peut pas se préparer en quarante-huit heures à un contrôle fiscal, ou même à un contrôle Urssaf. Nous proposons donc de lui accorder quatorze jours calendaires. Il pourra ainsi se préparer et recevoir les inspecteurs dans de bonnes conditions.

M. le rapporteur. Je comprends votre souci de précaution. Mais en l’occurrence, cette précaution n’a pas à figurer à cet endroit du texte. En effet, l’article 2 concerne le droit au contrôle. Dans ce cadre, c’est l’administré qui fait lui-même la demande de contrôle – dont les conclusions seront opposables à l’administration.

Dès lors que l’administré fait une demande de contrôle, on peut présumer qu’il est prêt à le recevoir. Sinon, il n’a qu’à décaler la date de sa demande pour que l’administration fiscale vienne au moment qu’il jugera bon. Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. le ministre. Je n’ai pas d’autre argumentation que celle du rapporteur

Mme Cendra Motin. Je comprends que notre amendement n’est pas au bon endroit. L’idée n’était pas de le positionner dans le cadre du droit au contrôle, mais dans le cadre d’un contrôle subi. En attendant, je le retire.

Lamendement CS815 est retiré.

Mme la présidente Sophie Errante. Les amendements identiques, CS5, CS18 et CS252 sont défendus.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Je considère qu’en matière de droit au contrôle, il faut ménager à l’administration une certaine marge pour qu’elle puisse s’organiser. Le projet de loi prévoit d’ailleurs que ce droit peut être refusé si jamais cela pose des problèmes d’organisation à l’administration. C’est une mesure assez forte qui est introduite dans ce texte. Il faut laisser à l’administration le temps de vivre !

Pour ma part, je suis défavorable à ce que l’on fixe un délai uniforme pour toutes les demandes de contrôle sachant que, comme dans la première partie de l’article 2, on introduit un droit général qui concerne toutes les administrations.

M. le ministre. Même avis.

La commission rejette les trois amendements.

Elle examine lamendement CS775 de Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. L’objet de cet amendement est d’institutionnaliser et de retranscrire par écrit la réunion de synthèse de fin de contrôle, au cours de laquelle le vérificateur informe oralement la personne contrôlée de la fin de ses interventions, de l’existence ou non de points litigieux, ou d’une date approximative de l’envoi de propositions de rectification.

Je crains toutefois que cet amendement, qui a une portée générale, ne soit pas à la bonne place.

M. le rapporteur. Je salue l’arrivée de notre collègue Warsmann, qui arrive un peu trop tard pour pouvoir défendre son amendement CS414. S’il le redépose en séance, j’émettrai un avis favorable.

J’en viens à l’amendement CS775. Madame Dubié, je ne crois pas à la nature législative de la disposition que vous proposez : selon moi, elle a un caractère réglementaire. En revanche, sur le fond, une telle disposition tombe sous le sens. Voilà pourquoi je proposerai d’introduire à l’article 16 – qui vise à encadrer de manière expérimentale les durées de contrôle – des amendements qui vont exactement dans votre sens. L’idée est de définir le cadre de cette expérimentation – contenu, durée, modalités de début et de fin de contrôle.

À ce stade du débat, mon avis sera donc défavorable à l’amendement CS775.

M. le ministre. Même avis. Sur le fond, madame Dubié, vous avez tout à fait raison. Mais il me semble plus cohérent de traiter de cette question dans le cadre de l’expérimentation des durées de contrôle.

Mme Jeanine Dubié. Sensible aux arguments de M. le rapporteur et de M. le ministre, je retire mon amendement.

Lamendement CS775 est retiré.

La commission examine lamendement CS657 du rapporteur.

M. le rapporteur. Amendement rédactionnel.

M. le ministre. Avis favorable.

La commission adopte lamendement.

Puis elle examine lamendement CS232 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. C’est un amendement de cohérence. L’alinéa 14 semble indiquer qu’une même situation pourrait faire l’objet de conclusions divergentes selon les corps de l’État qui en sont saisis, et propose dès lors de ne les rendre opposables qu’au corps les ayant produites. Il serait difficile, dans ces conditions, d’établir la relation de confiance souhaitée.

En matière fiscale notamment, on constate dès à présent combien ces divergences entre corps de contrôle nuisent à l’atteinte de cet objectif. Il est donc proposé de rendre les conclusions expresses mentionnées au présent article opposables non pas à la seule administration les ayant produites, mais à l’ensemble des corps de contrôle de l’État.

M. le rapporteur. J’y suis défavorable pour deux raisons différentes.

La première est que les champs de contrôle des grandes administrations
– comme le fisc, les douanes ou l’Urssaf – sont bien définis, donc que l’esprit de cet article n’est pas dénaturé dès lors qu’elles rendent des conclusions sur leur propre champ de contrôle.

La seconde est que le problème ne peut plus intervenir quand on descend dans une « granularité » un peu plus fine : par exemple, il serait ennuyeux que la DGCCRF, qui a des moyens de contrôle plus importants, soit tenue par un contrôle qui a été effectué préalablement par les services d’hygiène d’une mairie. Dans ce cas, je crois que chacune des administrations doit garder la responsabilité de ce qu’elle peut faire.

Voilà pourquoi je pense que l’adoption de votre amendement conduirait à amoindrir la portée du droit au contrôle que l’on souhaite introduire.

M. Fabrice Brun. Je maintiens mon amendement au motif que j’ai en tête, par exemple, un certain nombre de contrôles communs entre la DGCCRF et les douanes, pour lesquels un tel amendement serait le bienvenu.

M. le ministre. Je donnerai un avis défavorable, mais je suis preneur de ce contre-exemple qui concerne deux administrations qui sont dans un même ministère, même si elles ne sont pas sous l’autorité du même ministre. Je suis également intéressé par tout autre exemple.

M. Fabrice Brun. Sans entrer dans le détail, je me permettrai de vous soumettre un cas assez récent.

M. le ministre. S’il s’agit d’une « bêtise administrative », d’administrations qui ne se parlent pas et qui portent des jugements différents, je suis intéressé.

Maintenant, il ne faut pas oublier que l’administration a un pouvoir qu’elle utilise assez peu : celui de contrôler, voire d’être très tatillonne vis-à-vis de personnes qui, manifestement, ne sont pas du côté de la bonne foi, mais de l’utilisation des effets de bord pour faire n’importe quoi. Ceux qui connaissent bien la vie locale savent qu’il est utile d’avoir, par exemple dans les commissions de sécurité, plusieurs administrations différentes pour pouvoir intervenir là où c’est difficile, du fait de troubles à l’ordre public qui ne sont pas caractérisés.

Il ne faut tout de même pas que le pouvoir public se coupe une main. Il faut qu’il sache qui doit vraiment être aidé. Il faut sans doute aussi faire passer quelques consignes bien claires. En même temps, il faut conserver un pouvoir de contrainte qui permette tout de même de s’appuyer sur la puissance publique si la loi n’est pas extrêmement claire et si des problèmes administratifs d’ordre public se posent. Le maire et le préfet disposent de compétences tatillonnes, qu’ils peuvent utiliser à bon escient pour le bien-être de chacune et de chacun.

La commission rejette lamendement CS232.

Elle est alors saisie de lamendement CS659 du rapporteur.

M. le rapporteur. Amendement rédactionnel.

M. le ministre. Favorable.

La commission adopte lamendement.

Elle examine les amendements de suppression CS231 de M. Fabrice Brun, et CS282 de Mme Véronique Louwagie.

M. Fabrice Brun. L’alinéa 17 prévoit que l’administration pourra, à la faveur d’un nouveau contrôle, changer d’avis et revenir sur les conclusions expresses auxquelles avait donné lieu un précédent contrôle, et ce sans que des circonstances de droit ou de fait nouvelles ne le justifient. Une telle éventualité heurte l’objectif de confiance poursuivi par le présent projet de loi. Voilà pourquoi, en cohérence, l’amendement CS231 propose de supprimer cet alinéa.

Mme Véronique Louwagie. On peut se réjouir que l’article 2 définisse un droit d’opposition de toute personne contrôlée, pour que cette personne puisse s’appuyer sur des conclusions expresses – et non tacites – d’un contrôle réalisé précédemment par l’administration. Je pense que c’est un droit fort, qu’il faut maintenir au profit des contribuables, particuliers ou entreprises.

Franchement, je ne comprends pas le dispositif du projet de loi. Pour moi, il est important que les conclusions restent opposables lorsqu’il y a un nouveau contrôle. À défaut, quel intérêt y a-t-il à instituer un droit d’opposition, qui est légitime, au profit des contribuables ?

M. le rapporteur. Ces amendements m’ont beaucoup fait réfléchir. Je partage entièrement le fond de vous propos. Il faudrait, notamment, que les conclusions d’un contrôle fiscal soient opposables. Ce que vous dites en matière fiscale est donc incontestable. C’est d’ailleurs pourquoi je défendrai un peu plus tard, à l’article 3 ou à l’article 4, un amendement dans ce sens.

Cela étant, je pense que l’esprit de cet alinéa est qu’il s’applique à des contrôles de toute nature. C’est le corollaire du choix que nous avons fait en faveur d’un principe général, avec le moins d’exceptions possible.

Imaginez, en matière de sécurité, des contrôles prévus tous les ans pour tester la robustesse des cordes ou évaluer des points très précis de l’environnement. Il peut y avoir des « angles morts ». Dans certains cas, il peut être nécessaire que l’organisme qui vient faire le contrôle puisse rendre des conclusions différentes de celles qui ont été rendues précédemment – ne serait-ce que parce que l’objet de son contrôle, qui est différent, vise à corriger telle ou telle situation.

Je vous donne rendez-vous un peu plus tard pour que l’on encadre, par amendement, la possibilité, pour l’administration fiscale, de changer d’avis – si le droit fiscal n’a évidemment pas été modifié. Mais puisque ce droit d’opposition est un droit général, je ne peux que donner un avis défavorable à ces amendements de suppression.

M. le ministre. Madame Louwagie, monsieur Brun, ce que vous disiez relève du bon sens. Mais il peut y avoir des effets de bord. Et puis il y a la question fiscale, qui nous interpellera tout à l’heure. Je proposerais volontiers à monsieur le rapporteur et à vous-mêmes de mettre en place une expérimentation – quitte à ce que le Gouvernement vous prête son savoir-faire pour que vous puissiez porter des amendements en dehors de tout jeu politique.

On pourrait se mettre d’accord pour choisir un ou deux départements, cibler quatre ou cinq administrations parmi celles qui contrôlent le plus – en mettant toutefois de côté le domaine de la sécurité. On mènerait une expérimentation de deux ans. Et l’on verrait, à l’issue de ces deux ans, ce que donne un contrôle opposable. Si l’expérimentation est concluante, on la généralisera, sinon, on ne la généralisera pas.

En conclusion, j’adopterai une position d’ouverture : je propose que vous retiriez vos amendements et, qu’en lien avec mon cabinet et le rapporteur, vous en redéposiez un de nature plus « expérimentale ».

M. Nicolas Turquois. Je me souviens, en tant qu’ancien maire, avoir demandé conseil à l’architecte des bâtiments de France (ABF), pour qu’il donne son avis sur un certain nombre d’aménagements, dans le cadre d’un projet de construction, dans un périmètre de bâtiments classés.

On connaît la variabilité dans le temps des architectes des bâtiments de France. Et s’il est possible de revenir sur un avis – entre l’avis qui a été demandé et l’autorisation de permis de construire qui sera accordée par le successeur – on peut s’attendre à des soucis importants.

Mme Véronique Louwagie. Il ressort de cet article 2 que, finalement, le droit d’opposition accordé au contribuable n’existe pas.

Le contribuable a intérêt à opposer les conclusions d’un contrôle lorsqu’il est soumis à un nouveau contrôle ; en dehors d’un nouveau contrôle, il n’a pas l’occasion de le faire. Mais avec l’alinéa 17, si l’administration change d’avis à la faveur d’un nouveau contrôle, il ne peut plus opposer les conclusions du précédent.

La manière dont ce texte est rédigé pose un vrai problème. Dites directement à tous les Français, à toutes les entreprises et à tous les particuliers qu’ils ne pourront jamais opposer les conclusions d’un précédent contrôle. Très sincèrement, je ne voterai pas l’article 2 dans cette rédaction qui leurre les Français.

M. le ministre. Je reconnais que les architectes des bâtiments de France, qui font un travail formidable de préservation du patrimoine, ne sont toutefois pas toujours faciles à suivre ; et je préfère passer sur la couleur rouge ou blanche des joints des briques des bâtiments des communes du Nord… Je serais assez favorable à un rescrit des ABF. Cela règlerait bien des problèmes. Mais c’est la position de l’élu local que je porte, si un parlementaire souhaite la reprendre un jour…

Madame Louwagie, je l’ai déjà dit, vos propos relèvent du bon sens. Pour autant, il ne faut pas verser dans la caricature. Si notre texte ne comprenait que l’article 2, vous seriez fondée à dire qu’il ne sert pas à grand-chose. Mais cet article 2 fait partie d’un ensemble, d’un texte qui consacre un principe général de bonne foi.

Une entreprise, par exemple, pourra plaider la bonne foi en disant qu’elle a demandé un contrôle, que ce contrôle ait été ou non effectué. Elle pourra éventuellement mettre en avant le satisfecit ou les réserves de l’administration, et les modifications qu’elle aura faites en conséquence. Peut-être même que ces modifications et ces changements ne seront pas considérés comme étant appropriés. Mais l’entreprise bénéficiera d’une présomption de bonne foi.

Vous sous-estimez la force de la demande de contrôle par l’entreprise, de la délivrance de conclusions par l’administration, lorsque le contrôle « pour de vrai » aura lieu. Il n’est pas totalement illégitime de penser que ce que dit le rapporteur se vérifiera en de nombreuses occasions et dans de nombreux domaines, comme la sécurité, les conditions de travail, la sécurité alimentaire, etc. Il peut tout à fait arriver, sans qu’un changement de législation soit intervenu, que le deuxième contrôle permette de voir ce qui n’était pas apparu lors du premier.

Maintenant, vous avez fait preuve de bon sens, au point que je vous propose une expérimentation. Il ne faut pas généraliser ce qui pourrait avoir des effets de bord. Prenons un an ou deux, procédons à des vérifications concrètes et pragmatiques, en évitant toute position idéologique. À l’issue de cette période, nous pourrons tirer des conclusions et éventuellement généraliser cette expérimentation. C’est de cette façon que l’ancien gouvernement a procédé avant de mettre en place, au bout de deux ou trois ans, une médiation pour l’Urssaf en Ile-de-France.

Pour résumer, madame Louwagie, ce que vous dites me paraît un peu caricatural dans le sens où le droit au contrôle servira à établir la bonne foi du contribuable ou de l’entreprise. Mais je vous ai entendue et je vous propose d’aller jusqu’au bout de votre idée – qui n’est pas aujourd’hui celle du Gouvernement – en choisissant deux ou trois terrains d’expérimentation, dont on pourrait tirer les conclusions d’ici à la fin du quinquennat.

M. Nicolas Turquois. Juste pour l’anecdote : certains bâtiments du Nord sont en brique, mais il y a aussi, dans ma circonscription, le village des bâtiments en terre – même si on n’est pas en Afrique de l’Ouest.

M. le rapporteur. Monsieur le ministre, ne nous tentez pas trop avec le rescrit ABF ! Nous en avons discuté au sein de notre groupe politique, et j’ai considéré qu’il était préférable d’inscrire ce type de dispositif, que j’ai qualifié de « dispositif de simplification », dans le cadre de la future loi sur le logement.

Je suis très favorable à votre proposition d’ouverture visant à mettre en place une expérimentation. Laisser l’alinéa 17 en l’état aurait pu avoir un caractère frustrant, et je comprends le sentiment de Mme Véronique Louwagie. Le bon sens voudrait que nous testions les deux dispositifs – les développeurs parlent d’A/B testing. On verra lequel incite les entreprises à faire usage du droit au contrôle et à tisser une relation de confiance avec l’administration.

Madame Louwagie, je vous invite à retirer votre amendement afin que nous puissions en rédiger ensemble un autre qui prévoira un dispositif expérimental.

Mme Véronique Louwagie. J’accepte de retirer l’amendement, mais je maintiens que cette disposition ne crée pas la confiance : quel est l’intérêt de demander un contrôle si ce dernier n’est pas opposable en cas de nouveau contrôle ?

M. le ministre. Madame la députée, l’étudiant qui passe un examen blanc et obtient 17/20 n’est pas reçu à son examen. En revanche, il sait qu’il est plutôt dans les clous qu’en dehors. C’est aussi comme cela qu’il faut prendre les choses. Initialement, nous avions même pensé organiser des contrôles à blanc…

Peut-être l’alinéa est-il un peu mal rédigé… Il faut réfléchir, je ne voudrais pas m’engager, mais, peut-être peut-on compléter cette rédaction afin de préciser que la demande d’un contrôle fait partie des arguments qui entrent en compte dans l’appréciation de la bonne foi. Cela dit, je ne veux pas qu’un contrôle empêche des vérifications lors d’un contrôle ultérieur, car un second contrôleur peut faire des constats qui n’ont pas été faits par le premier – d’une part, il s’agit d’une activité humaine, d’autre part, des changements peuvent avoir eu lieu.

Vous pourriez réfléchir avec le rapporteur à quatre lieux où une expérimentation serait menée avec quatre administrations de contrôle – en excluant l’administration fiscale qui fait l’objet d’une autre discussion. Cela n’empêche pas, par ailleurs de clarifier la rédaction de l’alinéa.

M. Dominique Da Silva. Après l’alinéa 17, il est immédiatement précisé que : « Les dispositions qui précèdent ne peuvent faire obstacle à lapplication des dispositions législatives ou réglementaires visant à assurer la sécurité des biens et des personnes et la préservation de la santé et de lenvironnement. » Cette mention limite à la fois la portée de l’alinéa 17, et celle des arguments du rapporteur et du ministre qui souhaitent le maintenir. On peut vraiment s’interroger sur la pertinence de l’alinéa 17.

M. le rapporteur. Je m’engage, d’une part, à ce que nous rédigions ensemble un amendement qui mette en place une expérimentation, d’autre part, à travailler avec le cabinet du ministre afin de voir s’il n’y a pas matière à modifier la rédaction relative à cette disposition d’ici à la séance publique.

Les amendements CS282 et CS231 sont retirés.

La commission examine lamendement CS328 de M. Christophe Naegelen.

M. Christophe Naegelen. L’alinéa 17 est contradictoire avec l’objectif affiché du projet de loi en matière de confiance. Il est proposé de le modifier afin d’exclure tout changement d’avis de l’administration lors d’un contrôle ultérieur si les conclusions sont moins favorables pour le tiers concerné. À l’inverse, l’administration doit pouvoir changer d’avis en faveur de la personne contrôlée.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Par principe, on ne peut pas considérer que la loi doit s’appliquer ou non selon qu’elle est favorable ou défavorable à l’usager.

M. le ministre. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement CS328.

Elle adopte ensuite lamendement rédactionnel CS755 du rapporteur.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, elle rejette lamendement CS371 de M. Julien Aubert.

Puis elle adopte lamendement CS660 du rapporteur.

La commission adopte larticle 2 modifié.

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*     *

Après l’article 2

La commission est saisie de lamendement CS2 de M. Vincent Ledoux.

M. Christophe Naegelen. Il vise à encourager l’administration à appliquer le droit à l’erreur dans le domaine de la politique agricole commune (PAC) en utilisant les marges de manœuvre françaises généralement régies par des instructions techniques ou des circulaires. Il s’agit donc de consacrer et de généraliser la notion de correction d’erreurs manifestes prévue par les règlements européens, en l’appliquant aux démarches nationales.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Nous aurions un problème juridique si nous voulions nous soustraire à un règlement européen. Je ne peux pas être favorable à une telle disposition.

M. le ministre. Défavorable. Un règlement européen n’entre pas dans le champ du droit à l’erreur. Le dispositif proposé ne résoudra pas le problème intrinsèque de la PAC. Je rappelle que, lorsque l’Union réclame de l’argent des années après l’avoir indûment versé aux agriculteurs, c’est souvent le ministère de l’agriculture qui paie, ce qui ne l’aide pas à équilibrer son budget. Votre assemblée devrait s’intéresser à ce problème.

M. Nicolas Turquois. La réponse du rapporteur et du ministre me surprend car, si les objectifs d’un règlement sont européens, s’agissant d’un certain nombre des dispositifs de la PAC, les déclinaisons sont strictement françaises !

M. Jean-Luc Warsmann. Selon le paragraphe 6 de l’article 59 du règlement de l’Union européenne n° 1306/2013, « dans des cas à prévoir par la Commission sur la base de larticle 62, paragraphe 2, point h, les demandes daide et les demandes de paiement ou toutes autres communications, demandes ou requêtes peuvent être corrigées et ajustées après leur présentation en cas derreurs manifestes reconnues par lautorité compétente ». On peut également lire à larticle 4 du règlement dexécution européen n° 809/2014, au sujet des autorités nationales désignées par les termes « lautorité compétente » : « Lautorité compétente ne peut reconnaître des erreurs manifestes que si elles peuvent être constatées immédiatement lors dun contrôle matériel des informations figurant dans les documents visés au premier alinéa. » Autrement dit, les règlements européens comportent déjà les éléments qui permettent la reconnaissance de l’erreur manifeste et la réparation. Pourtant, très objectivement, je peux vous dire que, dans nos départements, ces dispositions ne sont pas du tout appliquées.

Même s’il doit le faire dans un autre cadre, il faut vraiment que le Parlement se saisisse du sujet. Je crains qu’il ne s’agisse d’un cas de « surtransposition ». Nous nous sommes interdit d’utiliser le droit de rectification : l’agriculteur qui, en remplissant un formulaire, a oublié de cocher la case « demande de subventions » ne peut plus en recevoir alors que nous pourrions admettre qu’il s’agit d’une erreur manifeste.

M. Jean-Baptiste Moreau. S’il est évident que nous ne pouvons pas contrevenir à un règlement européen, l’administration française dispose de marges de manœuvre pour l’appliquer. Cela dit, je ne suis pas certain que cette question doive être abordée à l’occasion de l’examen de ce projet de loi.

M. le rapporteur. De deux choses l’une : soit le règlement européen prévoit un dispositif proche de celui du droit à l’erreur, tel que M. Jean-Luc Warsmann vient de le décrire, et alors nous avons un problème d’application et de pratiques, et dans ce cas, l’amendement ne règle rien, soit nous avons transposé le droit européen et, dans ce cas, je confirme que le droit à l’erreur s’appliquera aux dispositions transposées dans la loi française. Il me semble en conséquence que votre amendement est satisfait.

M. le ministre. N’oublions pas que le droit à l’erreur aura une portée générale et qu’il s’appliquera à toutes les lois et à tous les règlements français ! Demain, il sera généralisé, ce qui répondra au souci de M. Warsmann.

S’il est nécessaire de préciser dans le débat que le droit à l’erreur concerne tous les champs, champ agricole compris, si je puis dire, sauf ce qui relève des textes européens d’application directe, nous le répéterons.

M. Christophe Naegelen. L’amendement visait à ce que l’ensemble des obligations déclaratives de la PAC bénéficient du droit à l’erreur, mais je le retire.

Lamendement CS2 est retiré.

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Article 3
Droit à lerreur en matière fiscale – Réduction de moitié des intérêts de retard en cas de rectification spontanée

Le présent article permet aux contribuables de  bonne foi qui rectifient leurs erreurs de déclaration spontanément de bénéficier d’une réduction de moitié des intérêts de retard.

A.   le « droit À l’erreur » applicable en matiÈre fiscale

1.   Le contribuable est présumé de bonne foi

La philosophie du droit à l’erreur dans le domaine fiscal n’est pas nouvelle. L’impôt est généralement assis sur des bases d’imposition déclarées par les redevables eux-mêmes. Les actes ou déclarations déposées par les contribuables bénéficient d’une présomption d’exactitude et de sincérité.

En contrepartie de la présomption de bonne foi du contribuable, lorsque l’administration fiscale estime qu’une déclaration est incomplète ou inexacte, c’est à elle qu’il appartient de le démontrer et de motiver les propositions de rectification qu’elle adresse au contribuable.

Ainsi, les sanctions pour manquement délibéré – notion qui a remplacé celle de « mauvaise foi » dans le code général des impôts depuis le
1er janvier 2006 – ne peuvent être appliquées que si l’administration établit le caractère intentionnel de l’infraction constatée.

2.   Les droits au doute et à l’erreur sont reconnus par l’administration fiscale

a.   La mention expresse en cas de doute

Afin de ne pas pénaliser les contribuables de bonne foi qui ne disposent pas, à l’expiration du délai de dépôt de leur déclaration, de tous les éléments d’interprétation nécessaires pour remplir leurs obligations déclaratives, le législateur a ouvert la possibilité de faire figurer une « mention expresse » sur leur déclaration ou dans une note annexée.

Cette mention expresse doit faire état des motifs de droit ou de fait conduisant le contribuable à ne pas mentionner en totalité ou en partie certains éléments d’imposition.

Elle ne fait pas obstacle à l’application de  rehaussements d’imposition mais, dès lors que la situation est évoquée de manière complète et sincère et que la demande est sérieusement motivée, les rehaussements éventuels d’imposition ne seront assortis d’aucune pénalité ou intérêt de retard.

La bonne foi du contribuable étant présumée, il appartient à l’administration d’établir l’absence de bonne foi pour faire échec à l’application de l’exonération pour mention expresse.

Pour que cette procédure ne soit pas détournée de son objet et utilisée abusivement pour échapper à l’impôt, la demande ne doit pas envisager une solution manifestement contraire au texte en cause ou porter sur un point qui ne présente manifestement aucune difficulté. De même, la demande ne doit pas porter sur un sujet sur lequel l’administration a déjà pris position à l’occasion d’une précédente demande du contribuable.

b.   Le droit à l’erreur en cas d’insuffisance de déclaration

L’article 1729 du code général des impôts prévoit des sanctions fiscales en cas d’inexactitudes ou omissions relevées dans une déclaration d’impôt : une majoration de 40 % en cas de manquement délibéré, de 80 % en cas d’abus de droit ou de manœuvre frauduleuse.

Les omissions ou inexactitudes que peuvent commettre les contribuables dans leur déclaration sont présumées involontaires. Dès lors, quelle que soit la créance en cause, ces majorations ne peuvent être appliquées que si l’administration établit le caractère délibéré de l’omission ou de l’inexactitude.

Il appartient à l’administration fiscale, en fonction des circonstances propres à chaque affaire, d’établir le caractère délibéré du manquement – ce qui revient à prouver que les erreurs, inexactitudes ou omissions commises par le contribuable n’ont pu l’être de bonne foi.

Cette question a fait l’objet de nombreux contentieux. La jurisprudence considère que de multiples indices, liés à l’attitude ou aux compétences professionnelles du contribuable, sont de nature à prouver l’intentionnalité de l’infraction.

Exemples d’application du « manquement délibéré »

Le manquement délibéré est établi :

– lorsque l’administration peut démontrer que l’intéressé a nécessairement eu connaissance des faits ou situations qui motivent le rehaussement. À l’inverse, la complexité d’une problématique fiscale peut conforter la présomption de bonne foi ;

–lorsque le rehaussement porte sur une question de principe ayant déjà fait l’objet d’une décision administrative non contestée par l’intéressé ;

– lorsqu’une manœuvre frauduleuse donne l’apparence de la sincérité à des déclarations inexactes (fausse facture, double comptabilité, fausses écritures…).

c.   Le champ du droit à l’erreur ne couvre pas les retards de déclaration.

Sur le fondement de l’article 1728 du code général des impôts, le défaut de production dans les délais prescrits d’une déclaration ou d’un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt donne lieu à une majoration des droits mis à la charge du contribuable, d’un taux de 10 % (en cas de déclaration spontanée ou dans les trente jours suivant une mise en demeure), de 40 % (lorsque la déclaration n’a pas été déposée dans les trente jours suivant mise en demeure) ou de 80 % (en cas de découverte d’une activité occulte).  

S’agissant de l’impôt sur le revenu, l’article 1758 A du CGI définit des règles spécifiques, avec des majorations prévues dans les cas suivants :

– une majoration de 10 % en cas de défaut ou de retard de souscription des déclarations servant à l’établissement de l’impôt sur le revenu ; elle ne s’applique pas en cas de correction spontanée ou dans un délai de trente jours à la suite d’une demande de l’administration, ou lorsque les majorations de 40 % ou 80 % prévues par l’article 1728 s’appliquent ;

– cette majoration est portée à 20 % en cas de dépôt tardif effectué dans les trente jours d’une mise en demeure.

Le tableau ci-après retrace les différents cas d’application des majorations prévues par les articles 1728, 1729 et 1758 A.

Situation

Sanctions fiscales applicables de droit commun

(articles 1728 et 1729)

Sanctions fiscales applicables en matière dimpôt sur le revenu

(articles 1728 et 1729, article 1758 A)

Insuffisances déclaratives (inexactitudes ou omissions – article 1729)

Insuffisance réparée spontanément (hors toute procédure) ou dans les trente jours de la demande de ladministration (relance amiable)

Champ du droit à l’erreur

Champ du droit à l’erreur

Insuffisance

hors réparation spontanée ou hors réparation dans les trente jours de la demande de ladministration (relance amiable)

Bonne foi

-

10 % (I de l’article 1758 A)

Manquement délibéré – mauvaise foi

40 % (a de l’article 1729)

40 % (a de l’article 1729)

Abus de droit ou manœuvres frauduleuses

80 % (b et c de l’article 1729)

80 % (b et c de l’article 1729)

Défaut ou retard de déclaration (majorations portant sur les droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration tardive – article 1728)

Déclaration tardive spontanée (avant mise en demeure)

10 % (a du 1 de l’article 1728)

10 % (a du 1 de l’article 1728)

Déclaration tardive dans les trente jours suivant la mise en demeure

10 % (a du 1 de l’article 1728)

20 % (2e alinéa du I de l’article 1758 A)

Déclaration non déposée dans les trente jours suivant la mise en demeure (dépôt tardif ou défaut de déclaration)

40 % (b du 1 de l’article 1728)

40 % (b du 1 de l’article 1728)

Découverte dune activité occulte

80 % (c du 1 de l’article 1728)

80 % (c du 1 de l’article 1728)

3.   La prise en compte de la situation du contribuable

L’administration fiscale est compétente pour l’examen de demandes présentées en vue d’obtenir une mesure de bienveillance portant abandon ou atténuation des impositions ou des pénalités mises à leur charge.

a.   Le recours gracieux et la transaction

L’article L. 247 du livre des procédures fiscales prévoit que l’administration peut accorder, sur la demande du contribuable : des remises d’impôts en cas de gêne ou d’indigence du contribuable, des remises totales ou partielles d’amendes fiscales ou de majorations d’impôts lorsque les impositions auxquelles elles s’ajoutent sont définitives. Par voie de transaction, le contribuable peut également obtenir une atténuation d’amendes fiscales ou de majorations d’impôts lorsque les impositions auxquelles elles s’ajoutent ne sont pas définitives.

L’administration fiscale traite plus d’un million de recours gracieux chaque année, comme le montre le tableau suivant.

nombre de recours gracieux adressÉs À la DGFIP entre 2012 et 2016

Source : DGFiP

b.   L’allongement des délais de paiement

Des dispositions spécifiques permettent également à l’administration de prendre en considération la situation du contribuable. En matière d’impôt sur le revenu, l’article 357 H du code général des impôts prévoit que les contribuables dont les revenus salariaux et assimilés baissent de plus de 30 % ont droit à des délais pour le paiement de leur impôt sur le revenu (allant jusqu’au 31 mars de l’année suivant celle de la mise en recouvrement du rôle), quelle que soit la cause de la baisse de revenu (chômage, maladie, divorce, départ en retraite).

Pour les autres créances, en cas de difficulté ponctuelle et à la demande expresse du débiteur, lorsque celui-ci se trouve dans l’incapacité de s’acquitter en une fois de la totalité de sa dette, le comptable public peut accorder des délais de paiement.

L’octroi de délais supplémentaires relève du pouvoir discrétionnaire du comptable chargé du recouvrement de l’impôt, qui engage alors sa responsabilité personnelle et pécuniaire. Il peut renoncer temporairement au recouvrement forcé des créances, ou accepter d’en suspendre momentanément les effets, en contrepartie de l’engagement du reliquataire de se libérer de sa dette moyennant un plan de règlement échelonné.

Ce plan de règlement peut aussi bien bénéficier à un particulier qu’à une entreprise, qui rencontre des difficultés passagères exceptionnelles et imprévisibles. Il suspend les poursuites.

B.   l’intÉrÊt de retard vise À compenser le « prix du temps »

1.   L’intérêt de retard ne constitue pas une sanction

En application du I de l’article 1727 du CGI, toute créance fiscale qui n’a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d’un intérêt de retard, auquel peuvent s’ajouter des majorations.

L’intérêt de retard s’applique à tous les impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des finances publiques (DGFiP), dès lors que la somme due n’est pas acquittée en totalité dans le délai légal.

Cependant, et contrairement à ce qui pourrait sembler de prime abord, l’intérêt de retard n’est pas, juridiquement, une sanction « dès lors que son niveau nest pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié » ([17]).

Suivant la même logique, la Cour de cassation a ainsi pu juger, en 2004, que « les intérêts de retard ne constituent pas des pénalités » et, de façon plus précise, que « les intérêts de retard prévus par larticle 1727 du code général des impôts sont appliqués en réparation du préjudice financier subi par le Trésor public du fait de lencaissement tardif de sa créance et ne constituent pas des sanctions ».

Les intérêts de retard visent à réparer le préjudice subi par l’État en raison du non-respect par les contribuables de leur obligation de déclarer et payer l’impôt aux dates légales. C’est, comme le note l’étude d’impact, « le prix du temps ».

Par conséquent, son application est indépendante de toute appréciation portée sur le comportement du contribuable et n’a pas à être motivée.

2.   Son champ d’application très large comprend cependant plusieurs exemptions

a.   Un champ d’application très large

L’intérêt de retard a un champ d’application très large. Il est applicable :

– à tous les impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par les services de la direction générale des finances publiques ou de la direction générale des douanes et des droits indirectes pour les contributions indirectes ;

– dès lors que la somme due n’a pas été acquittée en totalité dans le délai légal, qu’il s’agisse d’un défaut de paiement, d’un paiement insuffisant ou d’un paiement tardif.

En application du premier alinéa du 1 du IV de l’article 1727 du CGI, le point de départ de l’intérêt de retard est le premier jour du mois suivant celui au cours duquel l’impôt doit être acquitté, et son terme le dernier jour du mois du paiement effectif ([18]).

La loi de finances rectificative pour 2016 a élargi le champ de l’intérêt de retard aux taxes prévues par le code des douanes en insérant un article 440 bis dans ce code. Le taux et les modalités de calcul sont les mêmes que celles de l’intérêt de retard prévu à l’article 1727 du CGI : le point de départ est le premier jour du mois suivant celui de la date légale du paiement, le terme le dernier jour du mois du paiement effectif.

b.   Les exceptions à son application

Par exception, l’intérêt de retard ne s’applique pas :

– en cas de mention expresse justifiée ;

– en cas de demande de renseignements restée sans réponse ;

– en cas d’application de la tolérance légale – l’intérêt de retard ne s’applique donc qu’au-delà d’un certain seuil qui varie en fonction de l’impôt ;

– en cas d’application de la majoration pour paiement tardif ;

– en cas d’erreur commise par le service dans la liquidation des impôts.

3.   La réduction de moitié du taux d’intérêt de retard au 1er janvier 2018

Lors de son instauration par la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 modifiant les procédures fiscales et douanières, le taux de l’intérêt de retard s’établissait à 0,75 % par mois, soit 9 % par an.

Depuis la loi de finances pour 2006, ce taux a été abaissé à 0,4 % par mois, soit 4,8 % par an.

La loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017 réduit de moitié le taux des intérêts de retard (0,2 % par mois soit 2,4 % par an) pour les intérêts courants à compter du 1er janvier 2018 afin de mieux les mettre en adéquation avec le contexte actuel de taux bas, qu’il s’agisse du taux d’inflation ou des taux d’intérêt du marché.

L’article adopté en loi de finances rectificative pour 2017 prévoit cependant que la baisse du taux d’intérêt de retard s’applique jusqu’au 31 décembre 2020, ayant pour effet d’introduire une clause de rendez-vous consistant à réévaluer le niveau du taux au plus tard dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, afin, le cas échéant, d’ajuster ce taux aux évolutions économiques qui seront alors constatées.

La base de calcul est constituée par le montant des droits en principal qui n’ont pas été acquittés par le contribuable dans les délais.

Le montant annuel des intérêts de retard notifiés dans le cadre des contrôles fiscaux s’élève à environ 800 millions d’euros.

4.   L’exercice du droit de reprise

Le droit de reprise est la faculté donnée à l’administration de réparer les omissions, insuffisances ou erreurs commises dans l’établissement de l’impôt. Cette rectification aboutit à un nouvel acte d’imposition qui vient se substituer à celui qui était entaché d’irrégularité.

Ce droit de reprise est enfermé dans un délai à l’expiration duquel l’administration ne peut plus établir d’imposition primitive ou supplémentaire.

Si l’article L. 186 du livre des procédures fiscales fixe à six ans à partir du fait générateur de l’impôt la durée de prescription, le législateur a instauré des délais spécifiques pour certains types d’impôts. Ces délais spécifiques courent, essentiellement, jusqu’à la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due.

les délais de reprise de ladministration fiscale

Impôts

Délais de reprise

Impôt sur le revenu

Impôt sur les sociétés

L’administration peut exercer son droit de reprise jusqu’au 31 décembre de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l’imposition est due

TVA

Jusqu’à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible

Les impôts directs locaux

Jusqu’à la fin de l’année suivant celle au titre de laquelle l’imposition est due

Contribution économique territoriale

Jusqu’au 31 décembre de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l’imposition est due

Les droits denregistrement et lISF/IFI

Jusqu’à l’expiration de la troisième année suivant celle au cours de laquelle l’exigibilité des droits a été suffisamment révélée par l’enregistrement d’un acte ou d’une déclaration

Les pénalités fiscales

À l’expiration de la quatrième année suivant celle au cours de laquelle l’infraction a été commise

 

II.   le dispositif proposÉ : « faute avouÉe À moitiÉ pardonnÉe »

1.   Le champ fiscal bénéficie d’un régime spécifique en matière de droit à l’erreur

Le « droit à l’erreur », tel que prévu par l’article 2 du présent projet de loi concerne l’ensemble des champs des politiques publiques qui ne bénéficient pas déjà d’un régime juridique propre de rectification des erreurs.

Le droit à l’erreur qui doit être inscrit dans le code des relations entre le public et l’administration n’a cependant qu’une portée supplétive. L’article 100-1 de ce code précise que « le présent code régit les relations entre le public et ladministration en labsence de dispositions spéciales applicables ».

Or, comme décrit supra, la direction générale des finances publiques a été une administration pionnière qui présume d’ores et déjà la bonne foi du contribuable – dans le cas contraire, la charge de la preuve incombe à l’administration – et plusieurs dispositifs du code général des impôts et du livre des procédures fiscales permettent de régulariser des erreurs commises de bonne foi, sans qu’il soit fait application des sanctions.

Si le nouvel article L. 123-1 du code des relations entre le public et l’administration ne s’appliquera pas dans le domaine fiscal, le présent projet de loi prévoit d’ajouter de nouvelles dispositions dans le code général des impôts (article 3) et le livre des procédures fiscales (article 4) afin d’élargir le droit à l’erreur existant.

Comme pour le droit à l’erreur général, en matière fiscale, seules les erreurs susceptibles d’être régularisées sont concernées. Les retards ou omissions de déclaration dans les délais prescrits n’entrent pas dans son champ d’application. Aussi, les majorations prévues en cas de défaut ou retard de déclaration ([19]), ou défaut ou retard de paiement ([20]), continuent d’être appliquées quel que soit le comportement du contribuable.

2.   Encourager le contribuable à rectifier spontanément des erreurs ou omissions commises de bonne foi

Le 2° du paragraphe I du présent article vise à approfondir le droit à l’erreur dans le domaine fiscal, en incitant le contribuable à réparer ses erreurs de bonne foi. Il insère un V à l’article 1727 du code général des impôts.

Traduction juridique de l’adage populaire « faute avouée à moitié pardonnée », cet article prévoit de réduire de moitié le montant dû au titre de l’intérêt de retard en cas de dépôt spontané par le contribuable d’une déclaration rectificative.

En modifiant ainsi l’article 1727 du code général des impôts, cette réduction s’applique non seulement aux intérêts de retard dus sur les impôts, droits et taxes recouvrés par l’administration fiscale mais aussi sur les contributions indirectes recouvrées par l’administration des douanes.

Le bénéfice de cette réduction est subordonné à l’acquittement de la totalité de la dette fiscale du contribuable. La déclaration doit être accompagnée du paiement des droits simples ou, en cas d’imposition par voie de rôle, le paiement doit être effectué au plus tard à la date limite de paiement portée sur l’avis d’imposition.

Comme le note le Conseil d’État, « par cette mesure, le législateur poursuit un objectif dintérêt général visant à inciter les contribuables à régulariser leur situation fiscale spontanément, conformément à lobjectif constitutionnel de lutte contre lévasion fiscale ». En participant ainsi au consentement à l’impôt, cette mesure doit encourager le civisme fiscal et favoriser le recouvrement rapide des créances.

Cette réduction n’est cependant pas applicable si elle concerne une infraction exclusive de bonne foi, autrement dit les cas pour lesquels l’erreur est tellement grossière qu’elle ne peut être qu’intentionnelle. Il revient alors à l’administration fiscale de prouver la mauvaise foi du contribuable.

Le paragraphe II prévoit que la réduction des intérêts de retard s’applique aux déclarations rectificatives à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi. Dès lors, la réduction du montant dû au titre de l’intérêt de retard sera appliquée pour l’ensemble de la période couverte par la déclaration rectificative, et ce même si cette période est en partie avant l’entrée en vigueur de la loi.

3.   L’application des intérêts de retard en cas de sanction en matière de contributions indirectes

Le 1° du paragraphe I du présent article prévoit la suppression de l’une des exceptions à l’application de l’intérêt de retard, énumérées au II de l’article 1727 du code général des impôts.

Dans la rédaction actuelle de l’article, l’intérêt de retard n’est pas dû lorsque sont applicables les sanctions prévues aux articles 1791 à 1825 F du CGI (infractions à la législation propre aux contributions indirectes).

La rédaction, telle que proposée par l’article 3 du présent projet de loi, supprime cette disposition, ce qui est présenté par le Gouvernement  comme une « mesure de cohérence ». En effet, l’article 5 du présent projet de loi prévoit la non-application de sanctions en matière de contributions indirectes lorsque le redevable est reconnu de bonne foi. Rien ne justifie qu’un redevable de mauvaise foi bénéficie d’une réduction d’intérêt de retard, ce qui constituerait un enrichissement sans cause.

III.   la position de la commission spÉciale

Lors des auditions menées par le rapporteur, les personnes rencontrées ont approuvé cette disposition de bon sens, de nature à encourager le civisme fiscal.

Le Gouvernement souligne cependant la difficulté à chiffrer cette mesure, puisque son coût dépend de son impact sur le comportement des contribuables. L’étude d’impact estime à 800 millions d’euros le montant annuel des intérêts de retard. Compte tenu de la diminution de moitié du taux de l’intérêt de retard dans la loi de finances rectificative pour 2017 précitée, le montant total des intérêts de retard pour 2018 pourrait être estimé à 400 millions d’euros.

Si tous les contribuables venaient à régulariser spontanément leurs erreurs en 2018, cette mesure pourrait représenter un manque à gagner maximal de 200 millions d’euros pour l’État – en contrepartie d’un gain, non quantifiable, de facilité et de rapidité de recouvrement des créances fiscales pour l’administration fiscale.

L’article est adopté sans autre modification qu’un amendement rédactionnel du rapporteur.

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La commission est saisie de lamendement CS514 de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. L’article 3 propose d’appliquer l’adage « faute avouée à demi pardonnée » en divisant par deux le montant des intérêts de retard en cas de dépôt spontané d’une déclaration rectificative par le contribuable. Le Gouvernement entend créer un effet incitatif pour que les contribuables corrigent d’eux-mêmes leur erreur de déclaration, mais c’est déjà l’objet du droit à l’erreur. En effet, dans ce cadre, le contribuable de bonne foi n’est pas sanctionné ; il règle simplement ce qu’il doit à l’administration.

Les intérêts de retard relèvent d’une autre logique. Il ne s’agit pas de sanctionner mais de combler le manque à gagner pour l’administration en raison du « prix du temps ». Si le contribuable avait réglé en temps et en heure, l’État aurait pu tirer profit de cette somme. Ce retard de paiement représente donc un coût pour l’État.

Depuis 2006, le taux d’intérêt de retard applicable était fixé à 0,4 % par mois. Le PLFR 2017 a déjà réduit de moitié le taux des intérêts de retard pour le rapprocher des taux de marché.

Diviser à nouveau par deux le montant des intérêts de retard réduit donc les ressources de l’État de manière illégitime alors même qu’un mécanisme incitatif existe déjà. Nous demandons en conséquence la suppression de l’article 3.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Je constate que l’article 3 qui vise à réduire de moitié le montant dû au titre de l’intérêt de retard en cas de dépôt spontané par le contribuable d’une déclaration rectificative fait l’objet d’amendements opposés : certains, comme le vôtre, veulent maintenir le niveau de ce « prix du temps », d’autres tendent à le supprimer totalement. Cela m’amène à considérer que le projet de loi opte pour une position médiane.

Comme nous l’a parfaitement expliqué, mercredi dernier, le directeur général des finances publiques, M. Bruno Parent, lors de son audition, l’État ne peut pas être « la banque » des contribuables qui bénéficieraient du droit à l’erreur : il n’est pas possible de supprimer la totalité des intérêts de retard. Nous estimons toutefois que l’administration fiscale, qui applique déjà le droit à l’erreur, peut aller plus loin dans une logique incitative, et qu’en vertu de l’adage « darmanien » « faute avouée à moitié pardonnée », elle peut diviser le montant des intérêts par deux.

Cette disposition ne s’appliquerait évidemment qu’aux contribuables de bonne foi, seuls concernés par le droit à l’erreur. Elle assurerait une meilleure acceptation de l’impôt puisqu’elle est subordonnée au paiement des droits dus, et elle accélérerait le recouvrement des créances pour l’administration fiscale. L’État a donc un véritable intérêt financier à sa mise en œuvre.

La commission rejette lamendement.

Elle étudie lamendement CS564 de M. Mohamed Laqhila.

M. Mohamed Laqhila. Il convient de supprimer toutes les pénalités de retard qui s’appliquent au contribuable qui rencontre un problème de transmission informatique de sa déclaration au service des impôts – en cas de bug informatique ou de non-réception du document par le portail de l’administration. Cette situation est assez fréquente.

M. le rapporteur. Cela tombe sous le sens, si je puis dire, mais il ne me semble pas nécessaire de l’écrire dans la loi ! Une telle mesure relève du règlement, et, en l’espèce, il est d’ores et déjà possible de faire une demande de remise gracieuse. L’administration fiscale doit évidemment résoudre ce type de situation. Avis défavorable.

M. le ministre. Monsieur Laqhila, votre amendement relève du bon sens, mais dans la pratique, il semble satisfait. Mon administration m’a indiqué, que dans le cas que vous évoquez, il était procédé à une remise systématique. Connaissez-vous des cas de bugs informatiques pour lesquels l’administration n’aurait pas donné suite à une demande de remise gracieuse de la totalité des pénalités de retard ?

M. Nicolas Turquois. S’agissant du règlement de l’impôt, j’ai été sollicité par un habitant de ma circonscription qui avait réglé un premier tiers de façon dématérialisée – comme cela est prévu à partir d’un certain montant –, mais un deuxième tiers par chèque parce qu’il se trouvait dans un secteur non couvert par le réseau internet. Il a fallu que j’intervienne pour demander le remboursement de l’amende infligée en raison de l’utilisation d’un moyen de paiement inapproprié et que nous expliquions que la zone en question est mal desservie par le réseau numérique. Quelle perte de temps !

M. Mohamed Laqhila. Des pénalités sont appliquées de façon automatique, et elles sont parfois calculées comme si le contribuable était de mauvaise foi. Comme vient de l’indiquer mon collègue, il faut ensuite entrer dans une procédure assez lourde de saisine de l’administration et d’argumentation pour demander une remise… Nous pourrions simplifier tout cela ! Il suffirait que le lendemain de l’envoi, le contribuable qui constate le bug puisse en justifier pour éviter des allers-retours pénibles.

M. le ministre. Vous avez raison, monsieur Laqhila, mais il n’est pas si évident de prouver qu’il y a eu un bug ! Prouver que l’on n’a pas reçu d’accusé de réception, c’est assez compliqué.

M. Mohamed Laqhila. Il y a des rejets par le portail !

M. le ministre. Parfois, les choses sont claires, vous recevez un message d’erreur ou vous pouvez faire une capture d’écran, mais ce n’est pas toujours aussi évident. Je le répète, il sera difficile de prouver à l’administration que l’on n’a pas reçu un accusé de réception.

La direction générale des finances publiques m’a affirmé qu’elle prenait en compte le phénomène des zones blanches. Il faut aussi faire confiance à notre administration, qui applique la remise gracieuse comme un principe général dans les cas que vous évoquez, plutôt que d’inscrire dans la loi des dispositions qui risquent de susciter des démarches ubuesques pour démontrer l’existence de bugs informatiques.

Je suis défavorable à l’amendement, mais je suis très preneur d’exemples précis pour lesquels une remise gracieuse n’aurait pas été appliquée.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques CS6 de M. Julien Aubert, CS260 de M. Éric Pauget, CS291 de M. Gaël Le Bohec, ainsi que les amendements CS19 de M. Arnaud Viala, et CS127 de Mme Véronique Louwagie.

M. Frédéric Reiss. L’article 3, qui entend tirer les conséquences du nouveau droit à l’erreur en matière fiscale, prévoit que la sanction pécuniaire prévue au titre de l’intérêt de retard serait réduite de moitié pour le contribuable qui rectifie spontanément sa déclaration. En conséquence, même si elle est réduite, une sanction frappera bien des personnes qui sont pourtant de bonne foi. L’amendement vise à donner tout son sens au droit à l’erreur en supprimant toute sanction à leur égard. Il s’oppose en cela à la théorie « darmaniène » qui revient à créer un demi-droit à l’erreur.

M. Éric Pauget. Si nous voulons aller au bout de notre démarche en matière de droit à l’erreur, nous devons être cohérents et supprimer le montant dû au titre de l’intérêt de retard par les contribuables de bonne foi qui rectifient leur déclaration.

M. Gaël Le Bohec. Le projet de loi se fonde sur les notions de réciprocité et d’équilibre pour renforcer la confiance entre les citoyens et l’administration. Nous sommes dans le cas du « dépôt spontané par le contribuable, avant l’expiration du délai prévu pour l’exercice par l’administration de son droit de reprise, d’une déclaration rectificative ». Autrement dit, l’aveu d’une erreur de bonne foi a bien lieu dans un délai précis ce qui crée un certain équilibre. Dans ce cadre, l’amendement CS291 vise à supprimer les intérêts de retard.

Si nous parlons de réciprocité, je rappelle que ces intérêts ne sont pas nécessairement versés lorsque l’administration paie des entreprises ou des particuliers avec retard.

M. Laurent Saint-Martin. Le versement d’intérêts de retard ne constitue pas une sanction : ces amendements ne font malheureusement pas la différence. Je comprends que le contribuable qui paie des intérêts puisse avoir le sentiment d’être sanctionné puisqu’il paiera davantage que s’il n’avait fait aucune erreur, mais il faut s’efforcer de distinguer la sanction, qu’il s’agisse d’une amende ou de la privation de l’accès à un droit, de la simple prise en compte du délai de paiement accordé au contribuable qui se traduit par l’application d’intérêts de retard, considérée comme un « prix du temps ».

Si nous faisions totalement l’impasse sur ces intérêts, nous brouillerions le message du projet de loi en laissant penser que le retard et l’omission relèvent du droit à l’erreur, ce qui n’est pas le cas. La notion de « prix du temps » doit être prise en compte même si, comme le propose l’article 3, ce prix est réduit de moitié en cas de rectification d’une erreur de bonne foi. Il ne faut pas aller trop loin au risque de modifier l’équilibre et la philosophie du texte.

Mme Véronique Louwagie. Je défends mon amendement ainsi que l’amendement CS19 de M. Arnaud Viala. Si nous pouvons entendre qu’il faille maintenir un « prix du temps », nous estimons que le droit à l’erreur n’est pas assuré si l’on se contente de réduire de moitié le montant dû au titre de l’intérêt de retard, car on propose, en quelque sorte, un partage « équitable » entre l’administration et le contribuable. Le droit à l’erreur de ce dernier passe au contraire par un partage en sa faveur et une réduction des intérêts qu’il verse à l’administration de 70 %, ou même de 80 %, comme le proposent respectivement mon amendement et celui de M. Viala. Sur le plan symbolique, le passage du cap de 50 % permettrait une véritable reconnaissance du droit à l’erreur.

M. Laurent Saint-Martin. J’insiste sur la nécessité de maintenir les intérêts de retard pour conserver le prix du temps – je n’aurais rien contre le paiement de l’intégralité de ces intérêts –, et pour préserver la notion de droit à l’erreur. Il est faux d’affirmer que la logique du texte nécessite de les supprimer. Ils ne relèvent tout simplement pas du droit à l’erreur.

M. le rapporteur. Je suis défavorable à l’ensemble des amendements. Je conteste l’idée d’un demi-droit à l’erreur. Le droit à l’erreur, tel que nous l’avons adopté dans l’article 2, est plein et entier puisqu’en cas de rectification de bonne foi aucune pénalité ni aucune perte de droits ne s’appliquent – il n’y a pas de demi-pénalité. L’intérêt de retard est un sujet additionnel qui n’entre pas dans le champ du droit à l’erreur.

La question de la réciprocité a été posée. Nous devons veiller à ce que l’État verse des intérêts de retard lorsqu’il doit de l’argent au contribuable. Cela me semble juste. Nous avons évoqué ce point avec M. Parent lors de son audition : cette réciprocité est effective.

Nous proposons une division par deux des intérêts de retard, ce qui me semble raisonnable, même si on peut toujours discuter de la façon de placer le curseur. En tout état de cause, cette évolution nous permet de poursuivre celle déjà entreprise dans le projet de loi de finances rectificative pour 2017 puisque nous avions divisé par deux ces intérêts de retard qui étaient passés de 0,4 % par mois à 0,2 %. En conséquence, la réduction totale ne serait pas de 50 % mais de 75 %.

Je n’ajouterai rien aux arguments de M. Laurent Saint-Martin en faveur du maintien d’un prix de l’argent. S’agissant du niveau de réduction proposé, celui du projet de loi me paraît raisonnable compte tenu des dispositions déjà prises dans le collectif budgétaire.

M. le ministre. Je souscris totalement à la distinction entre la notion de sanction et celle de prix de l’argent. En conséquence, j’exclus de ramener à zéro le montant dû au titre de l’intérêt de retard.

Aujourd’hui, l’État emprunte sur dix ans à un taux situé entre 0,8 et 1 %. Pour les particuliers, ce taux se situe entre 1,2 et 1,4 %. Certes, faute avouée à moitié pardonnée, mais je ne vois pas pourquoi l’erreur des uns serait payée par les autres. Dans la période durant laquelle l’erreur est commise, l’État emprunte pour financer les services publics – on imagine bien qu’avec 2 200 milliards de dette, il ne dispose pas d’une trésorerie positive. Il emprunte donc à 1 %, sur les marchés financiers, un argent qui aurait dû entrer dans ses caisses si le contribuable n’avait pas commis d’erreur.

Autant, on comprend que le principe du droit à l’erreur permette de ne pas payer plus que le coût de l’argent suite à une déclaration rectificative de bonne foi, autant on ne comprendrait pas que l’erreur d’un contribuable, qui reste malgré tout une erreur, soit payée par un autre contribuable sur lequel pèserait le financement de l’emprunt de l’argent qui n’a pas été perçu à temps.

L’intérêt de retard d’environ 1,2 % n’est en aucun cas un vol de l’administré. Il lui fait réparer le coût de l’erreur qui a conduit l’État à emprunter sur les marchés financiers. Imaginez que 10 % des contribuables fassent jouer le droit à l’erreur : le montant des intérêts versés par l’État pour remplacer ce manque à gagner serait considérable. Il est logique que ce coût soit assumé par ceux qui sont à l’origine d’une erreur. Faute avouée à moitié pardonnée certes, mais il n’y a aucune raison que tous paient pour les erreurs de ceux qui ont été négligents. Si dans cinq ans l’argent vaut beaucoup moins ou beaucoup plus cher, il faudra rediscuter – une clause de revoyure a déjà été prévue à ce sujet.

Mme Véronique Louwagie. J’entends vos arguments, monsieur le ministre, mais je constate que, finalement, les intérêts de retards dus par le contribuable de mauvaise foi ne seront pas très différents de ceux payés par celui qui est de bonne foi. Symboliquement, les seconds devraient régler moins de la moitié de ce que les premiers paient, j’ai donc proposé une réduction de 70 % du montant dû au titre des intérêts par les contribuables qui ont fait jouer le droit à l’erreur.

M. le ministre. Il y a trois catégories : ceux qui sont à l’heure à l’école, qui doivent être une majorité de nos concitoyens ; ceux qui ont un retard de bonne foi, parce que le bus n’est pas arrivé à temps – il reste qu’ils sont en retard –, et ceux qui ne se lèvent jamais le matin pour prendre le bus à l’heure. Si le traitement de ceux qui arrivent en retard, même de bonne foi, est le même que celui de ceux qui arrivent à l’heure, plus personne n’a intérêt à arriver à l’heure.

En tant que citoyen arrivé à l’heure, je trouve assez choquant que l’on me demande de payer des intérêts pour celui qui est en retard. Je comprends aussi que celui qui arrive en retard et qui est de bonne foi estime scandaleux qu’on lui applique la même règle qu’à celui qui arrive en retard et qui est de mauvaise foi. C’est pour cela que nous proposons une gradation avec trois réponses possibles.

Mme Véronique Louwagie. Je ne défends pas la suppression des intérêts de retard. Sur le plan du symbole, il aurait suffi de réduire de 55 % le montant dû à ce titre pour mieux reconnaître le droit à l’erreur.

M. le rapporteur. La différence entre les intérêts payés par le contribuable de bonne foi et celui qui est de mauvaise foi vont tout de même du simple au double : la différence est loin d’être négligeable.

La commission rejette les amendements identiques.

Elle rejette ensuite successivement les amendements CS19 et CS127.

Puis elle adopte lamendement rédactionnel CS870 du rapporteur.

Elle est alors saisie de lamendement CS683 de M. Laurent Saint-Martin.

Mme Sophie Beaudouin-Hubière. Il vise à inscrire dans le texte les principes d’une évaluation de la loi dans la ligne des propositions du groupe de travail sur le contrôle et l’évaluation créé par le Bureau de l’Assemblée nationale.

Nous proposons que le droit à l’erreur fasse l’objet d’une évaluation comptable et financière par la Cour des comptes, instance légitime en la matière en raison de son indépendance et de son rôle dans le soutien aux missions de contrôle et d’évaluation du Parlement. Il semble important d’inscrire cette mesure dans la loi afin de ne pas solliciter le Gouvernement qui serait juge et partie s’il devait procéder à une évaluation.

M. le rapporteur. Je suis extrêmement favorable à cette disposition. Nous voulons que le contrôle et l’évaluation se fassent au sein du Parlement, et, pour que ces opérations soient efficaces, il faut qu’il soit doté des bons outils. L’expertise de la Cour des comptes sera particulièrement utile s’agissant de dispositions qui ont des conséquences financières.

Madame la députée, accepteriez-vous de retirer votre amendement afin de le déposer dans le titre III que je compte ajouter au projet de loi ? Ce titre mettra en place « un dispositif d’évaluation renouvelé » qui réunira l’ensemble des dispositions qui visent à un meilleur contrôle de la loi.

Lamendement CS683 est retiré.

Mme la présidente Sophie Errante. Mes chers collègues, nous allons procéder au vote de l’article 3.

La commission adopte larticle 3 modifié.

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Article 3 bis (nouveau)
Non-application en cas de première infraction de lamende prévue pour défaut de souscription ou inexactitudes dns les documents propres aux bénéfices industriels et commerciaux et à limpôt sur les sociétés

À l’initiative de Mme Louwagie, la commission spéciale a adopté un amendement afin d’inscrire un droit à l’erreur en cas de défaut de production ou de caractère inexact ou incomplet de certains documents transmis par les entreprises à l’administration fiscale.

Le code général des impôts prévoit la transmission à l’administration de nombreux documents afin de déterminer et de contrôler le résultat imposable des entreprises concernées (suivi des rectifications dans les groupes intégrés, suivi des plus-values latentes, tableau des provisions pour les contribuables soumis au régime de l’imposition d’après le bénéfice réel, état des provisions dans le cadre des bénéfices industriels et commerciaux, relevé détaillé de certaines catégories de dépenses utilisé pour déterminer le bénéfice imposable, etc.).

L’article 1763 du code général des impôts prévoit une amende fiscale proportionnelle, égale à 5 % des sommes omises, en cas de défaut de production ou le caractère inexact ou incomplet de ces documents.

Toutefois, l’amende s’applique au seul exercice au titre duquel l’infraction est mise en évidence.

Le taux de la pénalité est ramené à 1 % lorsque les sommes correspondantes sont réellement déductibles, pour les documents suivants :

– tableau des provisions prévu en application des dispositions de l’article 53 A du CGI ;

– relevé détaillé de certaines catégories de dépenses prévu à l’article 54 quater du CGI ;

– état prévu au premier alinéa de l’article 223 Q du CGI ou, pour les exercices clos antérieurement au 31 décembre 2009, état des abandons de créances et subventions prévu au cinquième alinéa de l’article 223 B du CGI.

Le présent article ajoute à l’article 1763 du code général des impôts que l’amende n’est pas applicable en cas de première infraction commise au cours de l’année civile lorsque les contribuables réparent leur omission spontanément ou à la demande de l’administration avant la fin de l’année qui suit celle au cours de laquelle le document devait être présenté.

Il vise à permettre aux contribuables de bonne foi de régulariser leur situation sans que l’amende ne soit appliquée.

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La commission est saisie de lamendement CS124 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Le code général des impôts comporte une série de pénalités proportionnelles liées au défaut de production d’une déclaration dans les délais. Sans remettre en cause leur légitimité sur le plan des principes, il convient de permettre aux contribuables de bonne foi de régulariser leur situation sans que cette pénalité soit appliquée, ce qui rejoint pleinement l’objectif du projet de loi.

Mon amendement CS124 vise à transposer à l’article 1763 du code général des impôts ce que le législateur a prévu à l’article 1736 du même code s’agissant de la pénalité proportionnelle concernant les infractions commises par les tiers déclarants : l’amende n’est pas applicable, en cas de première infraction commise au cours de l’année civile en cours et des trois années précédentes, lorsque les intéressés ont réparé leur omission, soit spontanément, soit à la première demande de l’administration, avant la fin de l’année qui suit celle au cours de laquelle le document devait être présenté. Or aucune disposition similaire n’est prévue pour l’amende fiscale visée à l’article 1763. Pourtant, ces deux articles sont par ailleurs rédigés de manière quasi similaire : on peut penser qu’il s’agit d’une omission, que je vous propose de corriger.

On remédiera ainsi à une situation qu’un certain nombre de spécialistes ont dénoncée à plusieurs reprises. Personne ne comprend d’ailleurs l’origine de cette différence, mais peut-être aurai-je ici une réponse…

M. le rapporteur. Vos arguments sont convaincants, en tout cas pour votre rapporteur. À la lecture de votre exposé des motifs, je me suis posé les mêmes questions que vous. Peut-être la discussion avec le gouvernement en séance éclairera-t-elle de manière différente nos échanges, mais, à ce stade, mon avis est favorable, d’autant plus que cet amendement est tout à fait conforme à la philosophie du présent texte.

Lamendement CS124 est adopté.

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Après l’article 3

La commission examine lamendement CS565 de M. Mohamed Laqhila.

M. Mohamed Laqhila. Les contribuables, particuliers et entreprises, ont besoin de connaître par avance la date à laquelle ils devront transmettre leur déclaration de revenus. Dès la fin du mois de décembre, l’administration connaît le calendrier ; elle devrait transmettre rapidement la date de déclaration. Or, pour l’instant, ce n’est pas le cas : il faut attendre février ou mars. La loi de finances étant votée en décembre, il serait souhaitable que la date limite du dépôt des déclarations soit rendue publique au plus tard le premier jour ouvré de l’année.

M. Stanislas Guerini, rapporteur. L’article 175 du code général des impôts prévoit que le contribuable fait parvenir sa déclaration à l’administration au plus tard le 1er mars de chaque année. La généralisation de la déclaration préremplie a entraîné un report de cette date limite. Pour les déclarations souscrites par voie électronique, les dates limites dépendent de la zone géographique dans laquelle l’usager est domicilié ; elles sont fixées par arrêté. Peut-être y a-t-il matière à en rediscuter avec le ministre ou directement avec l’administration, mais, sur le fond, je crains qu’en obligeant par la loi à publier la date de déclaration entre le 2 et le 4 janvier de chaque année, nous interdisions toute évolution de calendrier. L’objectif de prévisibilité est louable, mais fixer les délais par la loi serait un peu rigide. Je vous invite à retirer votre amendement ; vous pouvez éventuellement le représenter en séance et discuter avec le ministre des instructions données aux administrations.

M. Mohamed Laqhila. Cet amendement est le fruit d’auditions avec les contribuables, mais aussi de discussions avec les entreprises que nous avons rencontrées. Je suivrai malgré tout votre avis de sagesse et je reviendrai sur ce sujet en séance.

Lamendement CS565 est retiré.

Puis, suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette lamendement CS492 de M. Mohamed Laqhila.

La commission est saisie de cinq amendements identiques CS57 de M. Dino Cinieri, CS73 de Mme Véronique Louwagie, CS150 de M. Fabrice Brun, CS610 de M. Philippe Gosselin et CS776 de Mme Jeanine Dubié.

Mme Véronique Louwagie. Le défaut de production d’une pièce justificative entraîne ipso facto la remise en cause des exonérations et des réductions des droits d’enregistrement accordées dans le cadre du « pacte Dutreil », avec des conséquences très importantes.

Les amendements CS57, CS73 et CS610 s’inspirent du rapport sur la simplification de l’environnement réglementaire et fiscal des entreprises, dit rapport Mandon, qui, en juillet 2013, préconisait de substituer l’obligation déclarative par une obligation de transmission à première demande, tant pour la société au cours de l’engagement collectif que pour les bénéficiaires de la transmission au cours de la période de l’engagement individuel. Il ne s’agit pas de se soustraire à l’obligation de fournir ces documents, mais de laisser du temps aux personnes concernées et de leur permettre de fournir ces documents à première demande de l’administration.

M. Fabrice Brun. Il est excessif que le défaut de production d’une pièce justificative en application des obligations déclaratives prévues dans le dispositif Dutreil entraîne, sans mise en demeure préalable, la remise en cause pure et simple d’une exonération ou d’une réduction de droits d’enregistrement des héritiers, donateurs ou légataires.

Mon amendement CS150 vise à remédier à cette situation en prévoyant que le défaut de production d’une pièce justificative ne remettra pas en cause le bénéfice de ce régime de faveur si le contribuable la produit dans un délai d’un mois après réception de la mise en demeure de l’administration fiscale.

Mme Jeanine Dubié. Mon amendement CS776 s’inscrit également dans le cadre du pacte Dutreil. Les héritiers donataires ou légataires d’actions ou de parts de sociétés désireux de bénéficier du régime fiscal de faveur doivent remettre au service des impôts compétent une attestation individuelle annuelle certifiant que les conditions de l’engagement sont toujours respectées.

Cet amendement prévoit que le défaut de production d’une pièce justificative ne viendra pas remettre en cause le bénéfice de ce régime, si le contribuable la produit dans un délai d’un mois après réception de la mise en demeure de l’administration fiscale. Cette proposition découle directement des préconisations du rapport Mandon.

M. le rapporteur. Sur le fond de vos amendements, mon avis est positif, car ces amendements sont en lien avec le droit à l’erreur. Vous soulevez par ailleurs des faits avérés.

Madame Louwagie, vous aviez déjà abordé ce sujet lors du projet de loi de finances (PLF) pour 2018. Le ministre vous avait alors répondu que ce sujet serait traité dans le cadre du présent projet de loi. Ma réponse va vous sembler un peu frustrante… Des consultations sont en cours pour préparer le projet de loi portant Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE). Or un des axes forts de ce projet de loi – qui traitera entre autres de la simplification et de l’accès au financement – concernera la transmission d’entreprise. Au cours de nos discussions avec le Gouvernement, il est apparu qu’il valait mieux porter ce débat dans ce cadre. Je suis désolé de ce nouveau report, car, sur le fond, nous sommes d’accord.

Par ailleurs, il me semble que l’amendement que vous aviez défendu à l’occasion du PLF proposait une rédaction plus précise, que je trouve préférable : dans la rédaction que vous proposez ici, il incomberait à l’administration de demander les pièces justificatives à tous les contribuables et non uniquement à ceux qui n’auraient pas déclaré dans les délais.

Je vous propose donc de retirer ces amendements pour les redéposer en séance, afin que la réponse que je viens de faire puisse vous être confirmée par le Gouvernement et que des engagements définitifs soient pris.

Mme Véronique Louwagie. C’est effectivement un peu frustrant, car j’avais accepté de retirer mon amendement dans le cadre de l’examen du PLF afin précisément de le représenter dans le cadre de ce texte… Je ne vais pas en faire de même aujourd’hui, d’autant que plusieurs mes collègues ont cosigné ces amendements identiques. Cela nous permettra de discuter du sujet en séance.

M. Fabrice Brun. Je partage l’analyse de Mme Louwagie et maintiens mon amendement CS150.

Mme Jeanine Dubié. Je retire mon amendement CS776.

Lamendement CS776 est retiré.

Les amendements CS57, CS73, CS150 et CS610 sont rejetés.

La commission examine les amendements CS101, CS102 et CS103 de M. Patrick Hetzel.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement CS 101, comme les deux suivants, présentés par notre collègue Patrick Hetzel, concernent la définition des immobilisations industrielles, source de bien des incertitudes et de difficultés. Ils ont déjà été examinés et ont retenu l’attention dans le cadre du PLF. L’absence de clarté sur les critères de qualification ou de requalification a des conséquences particulièrement lourdes pour les entreprises : entre autres exemples, des entreprises se retrouvent parfois taxées en valeur locative de base de taxes foncières avec des réfrigérateurs ou autres objets de cette nature… La difficulté est donc réelle.

M. Fabrice Brun. Les amendements CS102 et CS103 sont défendus.

M. le rapporteur. Ces sujets avaient effectivement été discutés lors du débat budgétaire. Il me semble que l’article 103 du PLF, voté à l’unanimité à l’initiative du rapporteur général, avait apporté une réponse en excluant les entreprises artisanales de cette qualification et en prévoyant la remise d’un rapport exhaustif au plus tard le 30 juin prochain, analysant l’impact financier de toute évolution de définition de ces immobilisations. Ces amendements me paraissent donc satisfaits.

Mme Véronique Louwagie. Effectivement, ce rapport doit être rendu dans un délai relativement court.

Les amendements CS101, CS102 et CS103 sont retirés.

La commission examine, en discussion commune, les amendements CS93, CS157, CS158, CS159, CS160, CS161, CS162, CS163, CS 164, CS165, CS166, CS167, CS168, CS169, CS170, CS171, CS172, CS 173 et CS174 de M. Pierre Cordier.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement CS93 vise à permettre aux personnes de plus de soixante-dix ans et aux personnes en situation de handicap qui le souhaitent de continuer à déclarer leurs revenus au moyen des formulaires papier et à régler leurs impôts par chèque. Certaines contribuables éprouvent de réelles difficultés avec la dématérialisation. Si certains seniors sont à l’aise avec ces outils, d’autres ne le sont pas ou n’ont pas bénéficié d’une formation, même s’ils ont un accès à internet et du matériel. Cela concerne peu de monde et cette mesure de simplification permettrait de prendre en compte leurs difficultés. Ce sujet, récurrent, a déjà été évoqué à l’occasion des débats sur le prélèvement à la source.

Dans le même ordre d’idées, les amendements CS157 et suivants reportent l’obligation de dématérialisation à 2021 ou aux années suivantes afin que les contribuables de plus de soixante-dix ans puissent continuer à utiliser les formulaires papier et ne pas payer via le télépaiement.

M. le rapporteur. Je comprends bien évidemment votre préoccupation. Cela me donne l’occasion de rappeler que la dématérialisation génère des économies. C’est donc un objectif louable pour l’administration – mais je ne crois pas que vos amendements le remettent en cause. Un point de dématérialisation supplémentaire représente vingt-sept équivalents temps plein de moins à la charge de l’administration fiscale. Cela étant, vous avez parfaitement raison sur les difficultés liées à l’accès à internet et à la fracture numérique.

Au demeurant, il est déjà possible de continuer à déclarer ses revenus sur support papier, pour ceux dont la résidence principale n’est pas équipée d’un accès internet, selon les termes de l’article 1649 quater B quinquies du CGI, ainsi que pour ceux qui, même s’ils disposent d’un accès à internet, indiquent à l’administration fiscale qu’ils ne sont pas en mesure de souscrire à la déclaration en ligne : il suffit pour cela de cocher une case. Les publics visés par votre amendement ont donc déjà la possibilité de rester à la déclaration papier.

Enfin, un droit à l’erreur est prévu pour ceux qui n’auraient pas fait savoir à l’administration fiscale qu’ils ne sont pas en mesure de souscrire à la déclaration en ligne : l’amende de 15 euros en cas d’oubli de cette mention n’est applicable qu’à compter de la deuxième année. Au regard des informations dont je dispose, il me semble que ces amendements sont satisfaits.

Mme Véronique Louwagie. Si tel est le cas, il serait bon de le faire savoir ; pour l’heure, le message que reçoivent les contribuables, c’est que c’est obligatoire. J’entends vos propos, mais il faudrait communiquer sur ce sujet, peut-être à l’occasion de la séance publique.

Les amendements CS93, CS157, CS158, CS159, CS160, CS161, CS162, CS163, CS 164, CS165, CS166, CS167, CS168, CS169, CS170, CS171, CS172, CS 173 et CS174 sont retirés.

La commission est saisie de lamendement CS482 de M. Mohamed Laqhila.

M. Mohamed Laqhila. Les contrôles effectués par les organismes de gestion agréés (OGA) conduisent parfois à des rectifications des bases imposables pour de faibles montants. Le coût administratif du traitement de cette déclaration rectificative est important pour toute la chaîne, des émetteurs à la direction générale des finances publiques (DGFiP).

Mon amendement propose de permettre la rectification de la base imposable, lorsqu’elle est de faible montant, d’un exercice donné sur l’exercice suivant.

Un tel dispositif sera perçu comme une mesure de simplification, tant pour les entreprises que pour l’administration. À titre d’exemple, une déclaration de résultat de l’année 2016 est déposée en mai 2017. Le résultat est quant à lui déclaré dans la déclaration 2042 déposée en juin 2017 au titre des revenus de 2016. Le montant de l’impôt est recouvré en septembre 2017. Cette déclaration fait l’objet d’un examen, qui entraîne une déclaration rectificative déposée en novembre 2017, pour un montant de base de 1 000 euros.

Compte tenu des délais de traitement par les différents services de la DGFiP, le règlement du supplément d’impôt va intervenir au cours du premier semestre 2018. En cas de procédure de rectification décalée, comme le propose mon amendement, le montant de 1 000 euros serait ajouté au résultat de 2017, déclaré sur la déclaration 2042 déposée en juin 2018 et mis en recouvrement en septembre 2018. Les procédures étant longues, pour de faibles montants, on pourrait donc sans dommage décaler les déclarations rectificatives, comme on le fait déjà en matière de TVA.

M. le rapporteur. Sur le fond, votre amendement pourrait poser une question de constitutionnalité au regard du principe d’égalité devant l’impôt entre les contribuables appartenant à des OGA et ceux qui n’en font pas partie. Au-delà de cette question du fond, le Gouvernement s’est engagé à discuter de la fiscalité des entreprises dans le cadre du projet de loi PACTE. Je souhaiterais donc que vous retiriez votre amendement pour pouvoir en discuter de manière très circonstanciée dans ce cadre. Il me semble d’ailleurs que vous avez déposé plusieurs amendements sur les OGA.

M. Mohamed Laqhila. Mon sentiment, c’est qu’il ne fallait faire qu’une seule loi, mais j’ai entendu vos arguments…

Lamendement CS482 est retiré.

La commission examine ensuite les amendements identiques CS203 de M. Fabrice Brun, CS234 de Mme Véronique Louwagie, CS452 de M. Éric Pauget, CS583 de M. Mohamed Laqhila et CS847 de M. Éric Bothorel.

M. Fabrice Brun. Mon amendement CS203 propose de faire évoluer le comité consultatif du crédit d’impôt pour dépenses de recherche (CIR) en intégrant dans sa composition un représentant des entreprises, afin de renforcer l’analyse technique et comparative, notamment sur le département recherche et développement. Un certain nombre de litiges pourraient ainsi être anticipés ou réglés en amont, avec une expertise supérieure et un représentant des contribuables dans ce comité.

Mme Véronique Louwagie. Mon amendement CS204 a exactement le même objet. Il me paraît important d’inclure des personnes qui connaissent bien le sujet et maîtrisent des techniques assez particulières, qui peuvent être très différentes d’une entreprise à l’autre, en fonction de l’activité.

M. Éric Pauget. Mon amendement CS452 est identique. Ce comité consultatif n’est actuellement composé que de fonctionnaires de l’État. Intégrer une personne issue du monde de l’entreprise, et tout particulièrement du monde de la recherche et du développement, me semble une évidence, concernant un crédit d’impôt relatif à la recherche.

M. Mohamed Laqhila. L’amendement CS583 est défendu.

M. Éric Bothorel. La création du comité consultatif du crédit d’impôt pour dépenses de recherche a eu pour effet d’apporter une garantie supplémentaire aux entreprises en leur proposant un recours qui auparavant n’existait pas en cas de litiges relatifs au CIR dans le cadre de la procédure de contrôle. Cette instance formule un avis, notifié par l’administration au contribuable.

Dans sa composition actuelle, le comité, présidé par un conseiller d’État, ne comporte qu’un expert du ministère de la recherche ou du ministère de l’innovation et un agent de l’administration fiscale, qui peuvent faire appel à un expert indépendant pour éclairer les débats. Afin d’améliorer l’efficacité du dispositif, mon amendement CS847 propose de faire évoluer ce comité en intégrant un observateur représentant des entreprises, capable de donner une analyse technique et comparative sur le département R & D.

M. le rapporteur. Mon avis est défavorable pour deux raisons. Pour commencer, la composition actuelle de ce comité intègre des experts en R & D, certes issus des ministères compétents. Mais surtout, les membres peuvent se faire assister par toute personne susceptible d’apporter une expertise sur la qualification des dépenses. Ces amendements me semblent donc satisfaits, des experts pouvant déjà participer.

Par ailleurs, leur rédaction proposée pose question. La notion de représentant des contribuables ayant une compétence dans la R & D n’est pas assez précise. Elle ne saurait être inscrite comme telle dans la loi. Enfin, la nomination d’un représentant des contribuables soulève des difficultés au regard du secret des affaires.

M. Fabrice Brun. Je maintiens mon amendement CS203.

M. Éric Pauget. Moi aussi. On aurait également pu solliciter des organismes professionnels ou des chambres de commerce et d’industrie. Nous souhaitions que ce comité comprenne un membre issu du monde de l’entreprise. Actuellement, ce fameux comité est exclusivement composé de fonctionnaires d’État : c’est très bien, mais connaître la vision du monde de l’entreprise irait aussi dans le bon sens…

M. Éric Bothorel. Je retire mon amendement CS847.

Lamendement CS847 est retiré.

Les amendements CS203, CS234, CS452 et CS583 sont rejetés.

Puis, suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette lamendement CS488 de M. Mohamed Laqhila.

La commission examine lamendement CS490 de M. Mohamed Laqhila.

M. Mohamed Laqhila. L’article 37 de la loi du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 vise à soumettre les entreprises à un examen périodique de sincérité (EPS) de leur comptabilité, réalisé par les organismes de gestion agréés (OGA). Les modalités de cet examen et la nature des pièces justificatives à fournir ont été précisées par décret du 11 octobre 2016. Les dispositions en vigueur étaient largement suffisantes pour que les OGA puissent exercer leurs missions et en assurer l’efficacité. Ce nouveau dispositif entraîne une surcharge de travail et un coût supplémentaire pour les entreprises alors qu’à l’époque, aucune étude d’impact n’a été diligentée.

Une phase d’expérimentation des modalités de l’examen périodique de sincérité a été engagée par la DGFiP avec les parties prenantes, afin de mesurer l’efficacité du dispositif. Cette période de test apporte des conclusions éloquentes : les modalités de l’EPS sont trop lourdes, les résultats sont loin d’être à la hauteur des attentes de la DGFiP et disproportionnés par rapport au coût de mise en œuvre de cet examen. La majorité des OGA n’ont pas les moyens techniques et humains pour mettre en œuvre cet EPS. Dans un objectif de simplification pour les entreprises, cet amendement supprime l’examen périodique de sincérité (EPS).

M. le rapporteur. Vous l’avez rappelé, l’EPS a été mis en place à la suite d’une enquête de la Cour des comptes sur les OGA, à la suite des réflexions menées dans le cadre d’un groupe de travail réunissant les fédérations d’OGA et le Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables.

Une expérimentation a été lancée. En effet, les premières conclusions sur cette expérimentation semblent plaider pour un allégement des modalités de cet EPS, mais sans contester son utilité, d’autant plus qu’il a été mis en place de manière plutôt consensuelle. Sa suppression nette et sèche ne répondrait pas aux difficultés que vous avez légitimement soulevées.

Lamendement CS490 est rejeté.

*

*     *

Article 4
Réduction de 30 % des intérêts de retard en cas de rectification par le contribuable lors dun contrôle fiscal – Inscription dans la loi dune procédure de rescrit lors dun contrôle fiscal

L’article L. 62 du livre des procédures fiscales prévoit la réduction de 30 % des intérêts de retard lorsqu’une entreprise rectifie ses déclarations lors d’un examen ou d’une vérification de comptabilité. Le présent article vise à élargir le bénéfice de cette minoration à tous les contribuables faisant l’objet d’un contrôle fiscal, y compris d’un contrôle sur pièces.

I.   l’État du droit

A.   Le contrÔle fiscal

1.   Les moyens d’investigation de l’administration fiscale

Le contrôle fiscal constitue la garantie normale de l’obligation faite aux contribuables de produire des déclarations sincères et exactes de la matière imposable. Il garantit l’égalité des citoyens devant l’impôt et participe de l’objectif constitutionnel de lutte contre la fraude fiscale.

Il appartient à l’administration fiscale d’examiner les déclarations et d’en vérifier l’adéquation avec les éléments à sa disposition. Elle bénéficie pour ce faire d’un droit d’investigation en vue de contrôler l’établissement et le paiement de l’impôt et de procéder, le cas échéant, aux rectifications de bases d’imposition nécessaires.

a.   Les contrôles sur pièces

Environ 20 % des déclarations font l’objet de contrôles sur pièces. Il consiste essentiellement à confronter les éléments indiqués dans les déclarations aux autres documents et renseignements détenus par l’administration.

Pour obtenir de plus amples renseignements, l’administration fiscale peut procéder à :

– une demande dinformations (article L. 10 du livre des procédures fiscales) : sous la forme d’une simple lettre adressée au contribuable, l’administration fiscale « peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés » ;

– des demandes déclaircissements et de justifications (article L. 16 du livre des procédures fiscales pour l’impôt sur le revenu et L. 23 A pour l’impôt sur la fortune immobilière) : l’administration fiscale peut demander au contribuable des informations ou des justifications, qu’il s’agisse de sa situation et de ses charges de familles, des charges retranchées de son revenu net global ou des avoirs ou revenus d’avoirs à l’étranger.

b.   Les contrôles sur place

● Pour les entreprises

Outre un contrôle sur pièces consistant à demander au contribuable des documents complémentaires, le contrôle fiscal des entreprises ou des contribuables astreints à la tenue d’une comptabilité peut être effectué selon plusieurs modalités :

– la vérification de comptabilité est un contrôle sur place, dans les locaux du contribuable, prévu par l’article L. 13 du livre des procédures fiscales. Il est assorti de nombreuses garanties procédurales, notamment le débat oral et contradictoire entre le contribuable et le vérificateur. L’entreprise concernée doit être avisée dans un délai suffisant, envoyé par lettre recommandée, et cet avis doit mentionner les impôts et taxes vérifiés, les années ou périodes concernées et la date et l’heure de la première intervention. La vérification de comptabilité est limitée à trois mois (article L. 52 LPF) pour les entreprises ne dépassant pas un certain seuil de chiffre d’affaires.

– lexamen de comptabilité est une nouvelle procédure prévue à l’article L. 13 G du livre des procédures fiscales, créée par la loi de finances rectificative pour 2016. Il s’agit d’une forme de procédure intermédiaire entre le contrôle sur pièces (droit de documentation) et la vérification de comptabilité dont la procédure n’est pas adaptée aux petites entreprises pour lesquelles les risques fiscaux sont ciblés. Ses modalités sont fixées à l’article L. 47 AA du livre des procédures fiscales. Dans les quinze jours suivant l’avis d’examen de comptabilité, le contribuable doit adresser à l’administration, sous forme dématérialisée, une copie des fichiers des écritures comptables. Cette procédure permet pour la DGFIP de tirer avantage de la quasi généralisation des comptabilités dématérialisées et d’être beaucoup moins intrusive pour les entreprises.

● Pour les particuliers

Pour les personnes physiques, le contrôle fiscal peut prendre la forme d’un examen de la situation fiscale personnelle (ESFP) ([21]). Cette modalité de contrôle porte sur l’ensemble des revenus du foyer fiscal et a pour objet de vérifier la cohérence entre les revenus déclarés et la réalité du patrimoine et de la trésorerie du contribuable. Elle peut avoir lieu dans les locaux de l’administration afin de ne pas gêner le contribuable dans sa vie privée. La durée de l’opération est limitée à un an à compter de la première intervention.

2.   Les conséquences du contrôle fiscal

a.   La rectification des bases d’imposition

Lorsqu’un contrôle révèle des omissions, insuffisances ou inexactitudes, l’administration est tenue de procéder à la rectification des bases d’imposition dans la limite du droit de reprise dont elle dispose.

Dans sa rectification, l’administration doit appliquer non seulement les lois et règlements en vigueur, mais également la doctrine administrative publiée qui lui est opposable. Il en est ainsi des prises de position formelles
(article L. 80 A du livre des procédures fiscales) et des rescrits fiscaux (article L. 80 B du LPF). Ainsi, même si une imposition est régulière au regard des lois et règlements, un contribuable peut en obtenir la décharge s’il s’est conformé à la doctrine administrative ou à un rescrit dont il a bénéficié (cf. infra).

Lorsque l’administration fiscale procède à un rehaussement des bases d’imposition, il peut s’accompagner des majorations prévues aux articles 1730 et suivants du code général des impôts et des intérêts de retard. Le tableau suivant fait état des pénalités et intérêts de retard recouvrés suite à des contrôles sur place. En matière de contrôle sur pièces, la DGFiP n’est pas en mesure de distinguer le montant des intérêts de retard des pénalités.

rÉsultat du contrÔle fiscal sur place en 2016

(en millions deuros)

 

2012

2013

2014

2015

2016

Vérifications de comptabilité

Pénalités

2 932

2 886

2 724

3 487

2 488

Dont intérêts de retard

665

615

545

701

581

Examen de la situation fiscale personnelle (ESFP)

Pénalités

303

241

184

282

290

Dont intérêts de retard

64

54

39

59

63

Montant total des pénalités en contrôle sur place

Total des pénalités

3 235

3 127

2 908

3 769

2 778

Montant intérêts de retard

729

669

584

760

644

Source : DGFiP.

b.   Le droit à l’erreur des entreprises en cas de rectification spontanée

Dans sa rédaction actuelle, l’article L. 62 du livre des procédures fiscales prévoit la possibilité, pour les contribuables de bonne foi qui font l’objet d’un examen ou d’une vérification de comptabilité et qui corrigent leurs erreurs identifiées lors du contrôle par le dépôt d’une déclaration complémentaire accompagnée du paiement intégral des droits et intérêts de retard, de bénéficier d’une réduction de 30 % du montant des intérêts de retard.

En cas de vérification de comptabilité, la régularisation doit faire l’objet d’une demande écrite avant toute proposition de rectification. En cas d’examen de comptabilité, elle doit être effectuée dans les trente jours suivant la réception d’une proposition de rectification de l’administration fiscale.

Sur la période 2014-2016, environ 3 700 entreprises ont pu bénéficier chaque année de cette procédure de régularisation sur les 46 500 entreprises soumises à une vérification de comptabilité. Ce recours est stable et concerne 7,8 % des contrôles en 2016.

Cette possibilité de régularisation n’est actuellement ouverte qu’aux entreprises qui font l’objet d’un contrôle sur place, et non aux particuliers ou à la suite d’un contrôle sur pièces.

3.   Le droit au contrôle des TPE-PME

Depuis la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004, les entreprises dont le chiffre d’affaires n’excède pas 1,5 million d’euros, s’il s’agit d’entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement, ou 450 000 euros, s’il s’agit d’autres entreprises, sont autorisées à demander à l’administration d’effectuer un contrôle sur certaines opérations.

L’administration n’a pas l’obligation de satisfaire à cette demande. Lorsqu’elle y donne suite, elle doit informer l’entreprise des résultats de ce contrôle. Si des anomalies sont constatées, l’entreprise peut régulariser sa situation et bénéficier de la réduction de 30 % des intérêts de retard dans les conditions prévues à l’article L. 62 du livre des procédures fiscales.

B.   Le rescrit fiscal

1.   Définition

Dans un contexte de droit de plus en plus complexe et en évolution permanente, le rescrit vise à favoriser la sécurité juridique. Le rescrit est une réponse de l’administration à une question précise soumise par un contribuable, conférant à son destinataire le droit de se prévaloir de cette interprétation. Cette procédure s’est particulièrement développée dans le domaine fiscal.

Plusieurs rapports récents préconisent de développer ce mécanisme, qu’il s’agisse du rapport de M. Thierry Mandon Mieux simplifier, la simplification collaborative, au nom de la mission parlementaire de simplification de l’environnement réglementaire, administratif et fiscal des entreprises, remis au Premier ministre en juillet 2013, du rapport de la Cour des comptes intitulé Les relations de ladministration fiscale avec les particuliers et les entreprises (février 2012) ou de l’étude du Conseil d’État de novembre 2013 « Le rescrit : sécuriser les initiatives et les projets ».

C’est en 1987 ([22]) que la pratique ancienne des « lettres de confort » est formalisée et codifiée dans le livre des procédures fiscales.

Aujourd’hui, le Conseil d’État le définit comme « une prise de position formelle de ladministration, qui lui est opposable, sur lapplication dune norme à une situation de fait décrite loyalement dans la demande présentée par une personne et qui ne requiert aucune décision administrative ultérieure ».

La délivrance d’un rescrit est soumise à la présentation d’une demande exposant loyalement et précisément la situation sur laquelle une position de l’administration est attendue. L’usage de cet outil est laissé à la totale discrétion de l’usager, lorsque celui-ci est confronté à une réglementation insuffisamment claire.

Contrairement à un simple avis, le rescrit présente le caractère d’une garantie : la position que l’administration a prise sur une demande dont elle a été saisie lui devient opposable. L’administration qui délivre le rescrit est liée par sa réponse.

En revanche, cette position ne lie l’administration qu’à l’égard de l’auteur de la demande : le rescrit est un instrument individuel d’application de la norme à une situation particulière, et non un outil général d’interprétation de la norme. Il se distingue à cet égard des circulaires et des instructions générales de l’administration comme celles prises sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

Le rescrit fiscal peut cependant faire l’objet d’une abrogation unilatérale. La découverte d’éléments nouveaux ou la modification du cadre juridique libèrent l’administration de se conformer à la position qu’elle a prise.

2.   Les différents rescrits fiscaux

a.   Le rescrit général

Si la garantie instituée à l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales ne relève pas du rescrit, il en va différemment de celle prévue par le 1° de l’article L. 80 B du même livre qui prémunit le contribuable de tout risque de rehaussement de son imposition « lorsque ladministration a formellement pris position sur lappréciation [in concreto] dune situation de fait au regard dun texte fiscal ».

Ce rescrit est qualifié de « général » car il peut porter sur toute question concernant l’assiette, le taux ou la liquidation de l’ensemble des impositions régies par le code général des impôts. Ce rescrit général étend ainsi aux prises de position de l’administration sur la situation individuelle du contribuable la garantie contre les changements de doctrine, consacrée à l’article L. 80 A.

L’administration se prononce dans un délai de trois mois lorsqu’elle est saisie d’une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi.

Cependant, elle n’est pas tenue d’indiquer les raisons pour lesquelles elle refuse d’instruire une demande. Son silence ne vaut pas accord implicite et n’est pas susceptible de recours.

b.   Les rescrits spécifiques

À la différence du rescrit fiscal « général », les 2° à 8° de l’article L. 80 B du livre des procédures fiscales prévoient des rescrits fiscaux « spécifiques » pour lesquelles l’administration dispose d’un délai de trois mois pour adresser sa réponse expresse :

– sur l’application des régimes d’amortissements dérogatoires et d’allègements d’impôts en faveur des entreprises nouvelles et des entreprises implantées en zone franche urbaine (ZFU), en zone de redynamisation urbaine (ZRU) ou en zone de revitalisation rurale (ZRR) (2°) ;

– sur les dépenses éligibles au crédit d’impôt recherche (3°) ;

– sur l’application du régime dérogatoire propre aux jeunes entreprises innovantes (4°) ;

– pour que les entreprises multinationales s’assurent de l’absence d’établissement stable en France ou d’une base fixe au sens de la convention fiscale liant la France à l’État dans lequel ce contribuable est résident (6°) ;

– sur la détermination des prix de transfert d’entreprises, notamment en cas de transactions intragroupe (7°) ;

– sur la qualification fiscale de certains revenus d’activité ainsi que la nature de l’impôt auxquels ils sont soumis (8°).

Dans ces cas, le silence gardé par l’administration sur une demande pendant trois mois vaut accord implicite – à l’exception du rescrit relatif à la détermination des prix de transfert, qui n’est enserré dans aucun délai contraignant.

La loi de finances rectificative pour 2017 a ajouté un nouveau rescrit en matière de réalisation d’une opération de fusion, scission ou d’apport partiel d’actif (9°) pour lequel l’administration a un délai de six mois pour se prononcer.

D’autres articles du livre des procédures fiscales prévoient des rescrits spécifiques :

– un rescrit « mécénat » a été institué par la loi n° 2003-709 du
1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations à l’article L. 80 C du livre des procédures fiscales, pour le bénéfice de la réduction d’impôt réservée à leurs donateurs. Le silence gardé par l’administration pendant six mois sur leur demande interdit l’application des amendes prévues par l’article 1740 A du code général des impôts en cas de délivrance de certificats indus.

– un rescrit « abus de droit » prévu par l’article L. 64 B du livre des procédures fiscales : ce rescrit permet de demander à l’administration, avant la réalisation d’une opération, de prendre position sur qualification éventuelle d’abus de droit. Si le silence de l’administration ne vaut pas acceptation de l’opération, l’absence de réponse dans un délai de six mois fait toutefois obstacle à la mise en œuvre de la procédure d’abus de droit fiscal.

– un rescrit « valeur » prévu par l’article L. 18 du livre des procédures fiscales : ce rescrit permet au contribuable qui envisage de faire don de son entreprise individuelle ou des titres de la société non cotée dans laquelle il exerce des fonctions de direction de demander à l’administration de s’engager sur la valeur vénale de ces biens. En l’absence de réponse de l’administration dans un délai de six mois, celle-ci est réputée avoir approuvé la valeur proposée par le redevable.

II.   le dispositif proposÉ

1.   L’élargissement aux particuliers du bénéfice de la réduction du taux d’intérêt de retard lors d’un contrôle fiscal

a.   L’élargissement du champ des bénéficiaires de la procédure de régularisation

Le 1° du paragraphe I de l’article propose une nouvelle formulation de l’article L. 62 du livre des procédures fiscales qui vise à étendre à tous les contribuables la possibilité de bénéficier d’une réduction du montant de l’intérêt de retard s’ils régularisent leurs déclarations à la suite d’erreurs de bonne foi décelées lors d’un contrôle fiscal.

Le bénéfice de cette réduction s’applique ainsi non seulement aux entreprises qui régularisent leur situation dans le cadre d’une vérification de comptabilité ou d’un examen de comptabilité, comme c’est le cas actuellement,  mais également :

– à tout contribuable dans un délai de trente jours à compter de la réception d’une demande d’éclaircissements ou de justifications par l’administration fiscale (article L. 10 du LPF), y compris pour l’impôt sur le revenu (article L. 16 du LPF) ou l’impôt sur la fortune immobilière
(article L. 23 A du LPF),

 en dehors de tout contrôle fiscal, à tout contribuable dans un délai de trente jours à compter dune proposition de rectification ;

 aux particuliers, dans le cadre dun examen de situation fiscale personnelle, avant toute proposition de rectification de ladministration fiscale.

L’article établit une différence entre les contribuables soumis à un contrôle sur pièces, qui peuvent bénéficier la réduction des intérêts de retard même s’ils rectifient leurs erreurs après réception de la proposition de rectification de l’administration, et les contribuables soumis à un contrôle sur place qui doivent rectifier leurs erreurs avant la réception de la proposition de rectification pour en bénéficier.

Cette différence se justifie dans la mesure où le contribuable soumis à un contrôle sur pièces n’a généralement pas connaissance de ses erreurs, inexactitudes, omissions ou insuffisances avant recéption d’une proposition de rectification par le vérificateur. Sans cet aménagement, le contribuable serait dans l’impossibilité de demander l’application de cette procédure de régularisation.

b.   Des conditions d’application inchangées

Les conditions d’application ne sont pas modifiées :

– la régularisation ne peut pas porter sur une infraction exclusive de bonne foi ;

– les délais sont inchangés : le contribuable doit déposer une déclaration complémentaire dans les trente jours suivant la demande de régularisation, soit en cas de mise en recouvrement par voie de rôle, au plus tard à la date limite de paiement portée sur l’avis d’imposition ;

– la déclaration complémentaire doit s’accompagner du règlement de l’intégralité des suppléments de droits simples dus et de la part des intérêts de retard restant dus.

Le montant de la réduction des intérêts de retard dont peut bénéficier le redevable de bonne foi s’il régularise sa situation, soit 70 % du montant indiqué à l’article 1727 du code général des impôts, n’est pas non plus modifié. Le taux de 0,2 % en vigueur au 1er janvier 2018 serait ainsi réduit à 0,14 % par mois.

Le premier alinéa du paragraphe II précise que la réduction du taux des intérêts de retard s’applique, en cas de contrôle sur pièces, aux demandes envoyées ou aux propositions de rectifications adressées à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi et, en cas d’examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, aux contrôles engagés à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi.

c.   L’impact budgétaire

Comme pour l’article 3 du présent projet de loi, le manque à gagner pour l’État est difficile à évaluer, dans la mesure où l’impact de cette mesure sur le comportement du contribuable n’est pas prévisible.

Si en 2015, 38 600 contribuables ont fait l’objet de rectifications pour lesquelles la bonne foi a été reconnue, tous ne demanderaient pas le bénéfice de cette procédure de régularisation. En effet, cette procédure implique un paiement immédiat de l’impôt dû alors que certains contribuables peuvent préférer obtenir un délai de paiement, même si les intérêts de retard sont supérieurs.

L’extension de cette procédure aux impôts non professionnels ne constitue pas une charge de travail particulière pour les services de la DGFiP mais nécessite une adaptation des outils informatiques.

Toutefois, cette procédure de régularisation permettra d’accélérer le recouvrement des créances issues du contrôle fiscal.

2.   Une nouvelle forme de rescrit fiscal : la possibilité pour l’administration de se prononcer lors d’une vérification ou d’un examen de comptabilité

Le 2° du paragraphe I de l’article 4 ouvre aux entreprises faisant l’objet d’une vérification de comptabilité ou d’un examen de comptabilité la possibilité de solliciter une prise de position de l’administration sur un point examiné au cours de ce contrôle.

Cette prise de position formelle sur la licéité d’une pratique ayant donné lieu à un examen fiscal devient opposable à l’administration lors d’un contrôle ultérieur, quand bien même elle ne serait pas conforme aux lois et règlements en vigueur.

Ce rescrit contrôle n’a vocation à s’appliquer qu’aux seules vérifications sur place. Il existe déjà dans la pratique, mais n’est fondé que sur la doctrine administrative ([23]) et ne figure pas dans la partie législative du livre des procédures fiscales.

Le rescrit contrôle permet de conforter les entreprises dans leurs décisions de gestion sur des sujets pour lesquels aucun rehaussement n’est proposé dans le cadre du contrôle. La mise en place de ce dispositif est sans incidence sur le déroulement du contrôle.

La demande doit être formulée par écrit sur une annexe jointe à la proposition de rectification (ou à l’avis d’absence de rectification) ou, le cas échéant, par courrier distinct ([24]). Ne peuvent être concernés que les sujets qui font l’objet d’examen en cours de vérification et qui ne donnent pas lieu à rectification. C’est au vérificateur qu’il appartient d’apprécier les points sur lesquels il peut prendre position.

Les conditions dans lesquelles cette prise de position intervient sont similaires à celles applicables en cas de rehaussement. Ainsi :

– la prise de position sans rehaussement est formalisée par un agent qualifié pour engager l’administration ;

– elle ne peut intervenir qu’à la condition que le vérificateur ait examiné de manière suffisamment approfondie les éléments nécessaires à une appréciation complète et correcte de la situation ;

– elle engage l’administration à l’égard de l’entreprise qui l’a sollicitée, tant qu’elle n’est pas rapportée.

Le deuxième alinéa du paragraphe II précise que ces dispositions sont applicables aux contrôles dont les avis sont adressés à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi.

III.   La position de la commission spÉciale

Votre rapporteur est très favorable à l’élargissement du bénéfice de la réduction des intérêts de retard lors d’une rectification en cas de contrôle sur pièces et pour les particuliers. Cette mesure doit contribuer à l’amélioration des relations entre l’administration fiscale et les contribuables et s’inscrit pleinement dans la philosophie du droit à l’erreur promu par ce projet de loi.

L’inscription du rescrit contrôle à l’article L. 80 B du livre des procédures fiscales est de nature à renforcer la sécurité juridique de cette procédure et à donner plus de visibilité au rescrit au cours du contrôle fiscal pour les entreprises qui souhaiteraient en bénéficier. L’application de la garantie que constitue le rescrit conduit à faire prévaloir le principe de sécurité sur le principe de légalité, puisque le contribuable peut ensuite se prévaloir de l’interprétation donnée par l’administration quand bien même elle ne serait pas conforme à la loi.

Si les procédures de rescrit permettent d’aller dans le sens d’une plus grande sécurité juridique pour les entreprises, votre rapporteur considère que le développement de ces procédures ne doit pas faire l’économie d’un travail de fond sur la simplification du droit applicable, aussi bien sur le flux (édiction de nouvelles normes) que sur le stock, déjà trop complexe.

À l’initiative du rapporteur, la commission spéciale a adopté un amendement visant à rendre opposables les conclusions d’un contrôle fiscal, y compris tacitement, lorsque l’administration ne propose pas de rectification.

Cette nouvelle garantie fiscale s’inscrit à l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales relatif aux prises de position formelles. Elle s’applique aussi bien aux entreprises à l’issue d’un examen ou d’une vérification de comptabilité, qu’aux particuliers, après un examen de la situation fiscale personnelle, dès lors que les vérificateurs ont eu accès à l’information nécessaire pour se prononcer en toute connaissance de cause. Comme le prévoit le premier alinéa de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, cette garantie n’est applicable qu’en cas de bonne foi du contribuable.

 Cette garantie a pour but de renforcer la sécurité juridique des contribuables : un changement de position de l’administration ne pourra pas donner lieu à rectification lors d’un contrôle ultérieur dès lors que le contribuable s’est conformé à la position antérieurement tenue.

Cette disposition ne sera applicable qu’aux contrôles engagés à compter du 1er janvier 2019 afin de permettre à l’administration fiscale de tirer les conséquences de cette nouvelle garantie du contribuable.

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La commission examine, en discussion commune, lamendement CS20 de M. Arnaud Viala, les amendements identiques CS7 de M. Julien Aubert, CS128 de Mme Véronique Louwagie et CS266 de M. Éric Pauget, et lamendement CS515 de M. Ugo Bernalicis.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement CS20, comme mon amendement CS128, vise à relever le niveau de prise en charge des intérêts de retard lorsque le contribuable est de bonne foi. Lorsqu’il corrige ses erreurs, le présent projet de loi prévoit qu’il reste redevable de 70 % des intérêts de retard, seuls 30 % donnant lieu à une remise.

Nous avons déjà eu la même discussion sur l’article 3 : je considérais alors qu’un pourcentage de 50 % de prise en charge ne traduisait pas une réelle prise en compte du droit à l’erreur. Là, c’est encore pire : on laisse à la charge du contribuable 70 % des intérêts de retard… Je propose de lui laisser 20 %. Il est important de maintenir un reste à charge – même si nous pouvons avoir une approche différente sur ce sujet –, mais il doit être raisonnable.

M. Frédéric Reiss. Dans le droit fil de ce que vient d’exposer Mme Louwagie, notre amendement CS30 propose de ramener la part des intérêts de retard restant à la charge du contribuable de 70 % par 30 % afin de donner tout son sens au droit à l’erreur et afin que la sanction pécuniaire prévue reste symbolique.

M. Éric Pauget. L’amendement CS266 est identique. Nous souhaitons également que la sanction n’ait qu’un caractère symbolique.

M. le rapporteur. Vous avez raison, ce débat ressemble à notre débat sur l’article 3. Mais je tiens à souligner la différence de situation entre les articles 3 et 4 : dans le cadre de l’article 3, le contribuable se rend compte de son erreur et fait une déclaration rectificative spontanée. Vous conviendrez qu’il est normal que le bénéfice de cette rectification spontanée – avant même que l’administration fiscale n’ait opéré un contrôle – soit supérieur à celui d’une rectification que l’administration fiscale invite l’administré à faire au cours d’un contrôle. Or, dans le cas de figure visé à l’article 4, c’est l’administration qui pointe l’erreur.

Les taux prévus – 50 % en cas de déclaration spontanée et 70 % dans le deuxième cas – ne font que reprendre les taux existants en cas de contrôle de la comptabilité d’une entreprise. Nous avons eu l’occasion d’interroger M. Bruno Parent sur ce sujet. Les entreprises ont la possibilité de corriger très rapidement leur situation ; ce dispositif fonctionnant très bien, nous souhaitons l’étendre aux particuliers. Les montants des intérêts de retard ont été fixés de manière cohérente. Je suis défavorable à leur réduction.

Mme Sabine Rubin. Nous sommes dans la même logique qu’à l’article 3. Les intérêts de retard ne sont pas une sanction : ils ont pour but de combler le manque à gagner pour l’administration, dû au prix du temps. Si le contribuable avait réglé en temps et en heure, l’État aurait pu tirer profit de la somme due. Ce retard de paiement représente donc un coût pour l’État. Depuis 2006, le taux d’intérêt de retard applicable était fixé à 0,4 % par mois. Le projet de loi de finances rectificative pour 2017 a déjà réduit de moitié le taux des intérêts de retard, pour le rapprocher des taux de marché, le but restant de compenser le manque à gagner lié au prix du temps. Un taux de 70 % réduit donc les ressources de l’État de manière illégitime. C’est pourquoi notre amendement CS515 propose de le porter à 100 %.

M. le rapporteur. Nous avons eu cette discussion sur l’article 3. Je vous ferai la même réponse : ce dispositif ne s’applique qu’aux contribuables de bonne foi, dans le cadre du droit à l’erreur. C’est un dispositif incitatif, dont le but précisément est d’accélérer les rentrées fiscales de l’État. Les administrés réglant leur situation plus rapidement, il est in fine favorable aux finances publiques. Je suis donc défavorable à la suppression de ce dispositif.

Lamendement CS20 est rejeté.

Les amendements CS20, CS7, CS128, CS266 sont rejetés.

Lamendement CS515 est également rejeté.

La commission adopte lamendement rédactionnel CS872 du rapporteur.

Puis elle passe à lexamen de lamendement CS917 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement, dont nous avons discuté tout à l’heure, vise à rétablir une situation conforme à la philosophie de ce projet de loi, c’est-à-dire à faire en sorte que les conclusions données dans le cadre d’un contrôle fiscal soient opposables. Un administré de bonne foi pourrait imaginer que ces conclusions – portant sur des aspects validés par l’administration fiscale ou corrigés à la demande de cette dernière – puissent valoir en cas d’un futur contrôle fiscal si la législation n’a pas changé entre-temps. Cet amendement tend à rendre opposables les conclusions d’une vérification de comptabilité ou d’un examen contradictoire de la situation fiscale des entreprises ou des particuliers entre deux contrôles fiscaux.

La commission adopte lamendement CS917.

Puis elle en vient à lamendement CS566 de M. Mohamed Laqhila.

M. Bruno Fuchs. Ce projet de loi tend à faire en sorte que l’administration puisse développer ses fonctions de conseil. Avec cet amendement, nous proposons d’appliquer ce principe à la lettre lorsqu’un chef d’entreprise reprend ou crée une activité. Des erreurs peuvent être constatées lors d’un contrôle. Si ce contrôle a lieu dans les six premiers mois après la reprise ou la création d’une activité, il pourrait donner lieu à un rescrit dans lequel l’administration prendrait position et sécuriserait l’entrepreneur.

M. le rapporteur. Mon amendement CS917 propose une rédaction plus large concernant la garantie fiscale des contribuables contrôlés puisque les conclusions du contrôle d’une entreprise restent éminemment valables dans le cas où elle est cédée. Votre amendement est donc satisfait.

M. Bruno Fuchs. Même en cas de création d’entreprise ?

M. le rapporteur. Il faut que l’entreprise ait fait l’objet d’un premier contrôle. Cela donne tout son sens au texte de loi qui crée un droit au contrôle valable également pour les petites entreprises. Les conclusions de ce contrôle seront opposables.

Lamendement est retiré.

La commission adopte lamendement rédactionnel CS871 du rapporteur.

Puis elle examine lamendement CS685 de M. Laurent Saint-Martin.

M. Laurent Saint-Martin. Il est retiré pour les raisons présentées par Sophie Beaudouin-Hubière.

Lamendement est retiré.

La commission adopte larticle 4 modifié.

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Article 4 bis (nouveau)
Élargissement des voies de recours pour les contribuables

L’article 4 bis, issu de deux amendements adoptés par la commission spéciale, vise à ouvrir de nouvelles possibilités de recours pour les contribuables.

Le paragraphe I est issu d’un amendement d’appel du rapporteur, visant à ouvrir une voie de recours hiérarchique contre une proposition de rectification notifiée au contribuable.

Une proposition de rectification comporte trois effets :

– elle interrompt le cours de la prescription applicable au droit de reprise de l’administration ;

– elle ouvre un délai de réponse de trente jours, prorogé sur demande du contribuable de trente jours, qui s’impose en principe tant au contribuable qu’à l’administration ;

– elle fixe les limites de l’imposition à établir à l’issue de la procédure.

Dans le cadre de la procédure de redressement contradictoire, aux termes de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales, la proposition de rectification que l’administration adresse au contribuable doit être motivée de manière à lui permettre de formuler des observations ou de faire connaître son acceptation.

En cas de désaccord, le contribuable dispose d’un délai de trente jours pour formuler des observations. Ce délai peut être prorogé de trente jours si le contribuable en formule la demande dans le délai. À défaut de réponse dans le délai, le contribuable est réputé avoir accepté.

Ce délai de réponse bénéficie à tous les contribuables, quelle que soit la nature du contrôle mis en œuvre, contrôle sur pièces ou contrôle externe.

Lorsque le désaccord persiste entre le service et le contribuable à la suite de la proposition des rectifications envisagées, il peut être soumis à l’avis, soit de la commission départementale ou nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires, soit du comité consultatif du crédit d’impôt pour dépenses de recherche, soit de la commission départementale de conciliation, selon les règles de compétence propres à chacun de ces organismes.

En cas de vérification de comptabilité ou d’examen de comptabilité, l’article 57 A du livre des procédures fiscales prévoit une obligation pour l’administration de répondre dans un délai de soixante jours aux observations du contribuable.

Cette procédure d’observation ne permet cependant pas de saisir un autre agent que celui qui est à l’origine de la proposition de rectification. L’amendement du rapporteur vise à ouvrir la possibilité de s’adresser aux supérieurs hiérarchiques des agents vérificateurs et de faire du délai de deux mois le délai légal de recours contre une proposition de rectification.

Le paragraphe II est issu de plusieurs amendements identiques de Mme Louwagie, MM. Brun, Pauget et Laqhila, et du rapporteur.

Il ouvre la possibilité pour le contribuable de saisir le collège de second examen de toute position formelle à caractère général et impersonnel de l’administration fiscale.

Le collège de second examen, prévu par l’article L. 80 CB du livre des procédures fiscales offre la garantie d’une seconde prise de position formelle de l’administration, si le contribuable estime qu’elle n’a pas initialement correctement apprécié sa situation de fait au regard de l’application d’un texte fiscal. Il peut être saisi par le contribuable dans un délai de deux mois à partir de la date de réception de la réponse de l’administration à la demande initiale, à condition qu’il n’invoque pas d’éléments nouveaux. A sa demande, le contribuable ou son représentant peut être entendu par le collège.

En l’état du droit, le champ de l’examen collégial est ouvert :

– au rescrit général de l’administration (LPF, art. L. 80 B, 1°) ;

– aux rescrits spécifiques prévus aux 2° à 6° et au 8° de l’article L. 80 B du LPF ;

– au rescrit valeur prévu à l’article L. 18 du LPF ;

– au rescrit codifié à l’article L. 80 C du LPF, portant sur l’amende fiscale prévue en cas de délivrance irrégulière de document.

Le collège de second examen est composé de six membres, selon le cas, de la direction générale des finances publiques ou de la direction générale des douanes et droits indirects. Comme le note le rapport de M. Olivier Fouquet de juin 2008 ([25]) « la collégialité de la formation, lindépendance intellectuelle de ses membres et leur expérience [doivent être] de nature à garantir au contribuable une vision moins engagée que celle du service ».

Le rapport précité préconisait la création de ce collège de second examen afin de tirer les conséquences du refus du Conseil d’Etat d’examiner un recours pour excès de pouvoir contre les rescrits compte tenu de la possibilité pour le contribuable de contester les impositions mises à sa charge.

Depuis la décision « Ministre de l’Économie et des Finances c/ Société Export Press » du 2 décembre 2016, le Conseil d’État a posé une exception à ce principe lorsque l’application de la position prise par l’administration entraînerait des effets notables autres que fiscaux et qu’ainsi, aucune autre voie de recours ne lui permettrait pas d’obtenir un résultat équivalent. L’ouverture du recours pour excès de pouvoir contre un rescrit reste donc limitée à des cas spécifiques.

En outre, cette décision précise que lorsque le contribuable entend contester une prise de position de l’administration en réponse à sa demande de rescrit, il doit préalablement la saisir d’une demande de second examen de cette demande sur le fondement de l’article L. 80 CB du livre des procédures fiscales.

Le présent article vise à élargir la saisine de ce collège de second examen à toutes les positions de l’administration fiscale opposées au contribuable, y compris sous forme de lettre individuelle. Ce point a été notamment soulevé lors des Assises de la fiscalité en 2014.

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La commission en vient à lamendement CS916 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à ouvrir une voie de recours hiérarchique contre toute proposition de rectification notifiée au contribuable, ce qui permet à ce dernier de bénéficier d’un deuxième examen de sa situation lorsqu’il n’est pas satisfait du premier. Ce recours est prévu par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, dans le cas d’un contrôle sur place, mais il n’est pour l’instant pas ouvert en cas de contrôle sur pièces. Or le contribuable peut ne pas être satisfait de l’examen des pièces comptables qui a été effectué. Il pourra alors demander que le contrôle soit revu par le supérieur hiérarchique de l’agent ayant notifié la rectification. C’est une disposition de bon sens.

La commission adopte lamendement CS916.

Puis elle en vient aux amendements identiques CS919 du rapporteur, CS88 de Mme Véronique Louwagie, CS207 de M. Fabrice Brun, CS469 de M. Éric Pauget et CS526 de M. Mohamed Laqhila.

M. le rapporteur. Comme mon précédent amendement, celui-ci vise à élargir les possibilités de recours du contribuable. En l’état actuel des choses, l’administré ne dispose d’une voie de recours que lorsque l’administration fiscale utilise des instructions ou des circulaires. Ce cadre me semble trop restrictif. L’amendement CS919 ouvre la possibilité d’un second examen « à tout contribuable auquel est opposée toute position formelle à caractère général et impersonnel, quel quen soit le support. » C’est une manière de renforcer le dialogue avec l’administration fiscale.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement CS88 est défendu.

M. Fabrice Brun. Même objet pour l’amendement CS207. Ne perdons pas de vue que l’objectif du projet de loi est de renforcer la sécurité juridique par le développement des rescrits. Cela relève du bon sens de demander à l’administration de prendre position par écrit, afin de permettre au contribuable de ne pas faire d’erreur ou d’en faire le moins possible.

M. Éric Pauget. L’amendement CS469 est défendu. Cette mesure avait été fortement demandée lors des Assises de la fiscalité.

M. Mohamed Laqhila. L’amendement CS526 est défendu.

La commission adopte les amendements CS919, CS88, CS207, CS469 et CS526.

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Article 4 ter (nouveau)
Accessibilité des données de ladministration fiscale relatives aux valeurs foncières déclarées à loccasion des mutations

Cet article a été inséré lors de l’examen de la commission spéciale par l’adoption d’un amendement de M. Mohamed Laqhila.

En vertu de l’article 135 B du livre de procédures fiscales, l’administration fiscale doit transmettre, directement ou par l’intermédiaire d’un opérateur, « des éléments dinformation quelle détient au sujet des valeurs foncières déclarées à loccasion des mutations intervenues dans les cinq dernières années » et qui sont nécessaires à un certain nombre de personnes, dans « lexercice de leurs compétences en matière de politiques foncière, durbanisme et daménagement et de transparence des marchés fonciers et immobiliers ».

Le champ des bénéficiaires de ce droit de transmission a été élargi par la loi de 2016 pour une République numérique ([26]). Il peut s’agir des chercheurs, des services de l’Etat, des collectivités territoriales ou d’établissements publics, des sociétés d’aménagement foncier, des agences d’urbanismes mais également des professionnels de l’immobilier.

La transmission, est effectuée à titre gratuit, sous forme dématérialisée dans le cadre d’une procédure en ligne. Toutefois, les informations transmises excluent toute identification nominative du propriétaire d’un bien et les bénéficiaires de la transmission ne doivent à aucun moment pouvoir reconstituer des listes de biens appartenant à des propriétaires désignés.

Pour les particuliers, l’article 107 B du livre des procédures fiscales prévoit que toute personne physique peut obtenir également « communication des éléments dinformation relatifs aux mutations à titre onéreux de biens immobiliers comparables intervenues dans un périmètre et pendant une période déterminés et qui sont utiles à la seule appréciation de la valeur vénale du bien concerné ».

Ce service est accessible à toute personne physique qui fait, soit « lobjet dune expropriation ou dune procédure de contrôle portant sur la valeur dun bien immobilier », soit « état de la nécessité dévaluer la valeur vénale dun bien immobilier en tant que vendeur ou acquéreur potentiel de ce bien, ou pour la détermination de lassiette de limpôt de solidarité sur la fortune ou des droits de mutation à titre gratuit ».

Les informations communicables sont les références cadastrales et l’adresse, ainsi que la superficie, le type et les caractéristiques du bien immobilier, la nature et la date de mutation ainsi que la valeur foncière déclarée à cette occasion et les références de publication au fichier immobilier.

Ces données sont inscrites dans l’application Patrim qui permet de consulter le prix par mètre carré des cessions intervenues récemment dans une zone donnée.

L’amendement adopté par la commission spéciale, ayant reçu un avis favorable du rapporteur, prévoit l’insertion dans le LPF d’un nouvel article L. 112 A, prévoyant qu’afin de « concourir à la transparence des marchés fonciers et immobiliers, ladministration fiscale rend librement accessibles au public, par voie électronique, les éléments dinformation quelle détient au sujet des valeurs foncières déclarées à loccasion des mutations intervenues dans les cinq dernières années ». Un décret en Conseil d’État précisera les modalités d’application de ce nouvel article.

Par conséquent, les dispositions de l’article L. 135 B du livre des procédures fiscales visant spécifiquement les bénéficiaires du droit à transmission sont supprimées.

Cette disposition permet de donner une assise législative à l’application Patrim, accessible par le biais du site impots.gouv.fr.

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Puis la commission passe à lamendement CS586 de M. Mohamed Laqhila.

M. Mohamed Laqhila. Depuis le 1er mai 2017, à la suite de l’adoption de la loi pour une République numérique, l’aide à l’évaluation d’un bien immobilier est facilitée par l’utilisation du site impots.gouv.fr et le service Patrim. Tout potentiel acheteur ou vendeur d’un bien immobilier peut désormais utiliser ce service, et les restitutions des ventes récentes comparables se font jusqu’au numéro de rue.

Par cohérence, les mêmes données foncières et immobilières, très largement consultables par les particuliers au travers de Patrim, seraient rendues librement accessibles en ligne sous forme d’un fichier au profit de tous, notamment des acteurs de l’urbanisme, de l’aménagement et de l’immobilier. Tel est l’objet de l’amendement CS586 qui reprend, dans les mêmes termes, une disposition adoptée par l’Assemblée nationale avant d’être considérée comme un cavalier par le Conseil constitutionnel.

M. le rapporteur. Une telle mesure relève du bon sens. Comme vous l’avez rappelé, nous avions adopté ce dispositif dans le cadre du projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2017 mais il avait été censuré par le Conseil constitutionnel. Je pense qu’il coure moins de risque d’être considéré comme un cavalier dans le cadre du présent texte. Avis favorable.

La commission adopte lamendement CS586.

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Article 4 quater (nouveau)
Réduction des intérêts de retard en cas de régularisation pour les droits et taxes prévus par le code des douanes

Cet article a été adopté à l’initiative du rapporteur, afin que le bénéfice de la réduction de l’intérêt de retard, tel que prévue aux articles 3 et 4 du présent projet de loi, s’applique également aux droits et taxes prévus par le code des douanes.

En effet, depuis la loi de finances rectificative pour 2016, l’article 440 bis du code des douanes prévoit également l’application d’un intérêt de retard à tout impôt, droit ou taxe prévu par le code des douanes qui n’a pas été acquitté dans le délai légal , hors ressources propres de l’Union européenne.

Comme pour l’intérêt de retard prévu à l’article 1727 du code général des impôts, il s’applique à compter du premier jour du mois suivant celui au cours duquel l’impôt devait être acquitté jusqu’au dernier jour du mois du paiement. Son taux est de 0,20 % par mois (2,4 % par an) depuis le 1er janvier 2018. 

Cet intérêt de retard est notamment applicable à la TVA, à l’octroi de mer, à l’octroi de mer régional, à la taxe générale sur les activités polluantes, aux taxes intérieures de consommation sur les produits énergétiques. L’intérêt prévu par l’article 114 du code des douanes de l’Union s’applique exclusivement aux droits à l’importation définis à l’article 5 du même code (droits de douane, y compris les droits antidumping). 

Le présent article a donc pour objet de réduire :

– de moitié le montant dû au titre des intérêts de retard sur les taxes recouvrées par l’administration des douanes en cas de régularisation spontanée d’une déclaration, avant tout contrôle effectué par l’administration ;

– de 30 % ce même montant, lorsque la régularisation est acceptée par le redevable alors qu’un contrôle a été initié par l’administration des douanes. Le redevable peut demander la régularisation, soit jusqu’à la notification d’une proposition de taxation, soit après cette notification. Dans ce dernier cas, le redevable disposera de 30 jours pour effectuer sa demande.

Comme pour les minorations prévues aux articles 3 et 4 du présent projet de loi, ces réductions ne peuvent pas être appliquées en cas d’infraction exclusive de bonne foi. Son bénéfice est lié au paiement des l’intégralité des droits, taxes et intérêts exigibles, soit immédiat, soit dans un délai fixé par l’administration.

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Puis elle passe à lamendement CS909 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement résulte de notre audition du directeur général des douanes et des droits indirects. Au cours de cet échange, nous nous sommes rendu compte qu’il n’y avait aucune raison de ne pas reprendre les articles 3 et 4 – qui visent à diminuer les intérêts de retard de 50 % quand il s’agit d’une déclaration spontanée de la part de l’entreprise, ou de 30 % quand il s’agit d’une rectification en cours de contrôle – dans le code des douanes.

Depuis 2016, le code des douanes prévoit l’application d’un intérêt de retard à tout impôt. En discutant avec le directeur des douanes, il nous a semblé que le bon sens commandait d’harmoniser les mesures prises par la direction générale des finances publiques (DGFiP) et la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI). C’est d’autant plus important pour les entreprises que nombre d’impôts sont collectés par l’une ou l’autre de ces administrations. L’amendement CS909 vise donc à reprendre l’article 3 et l’article 4 dans le code des douanes.

La commission adopte lamendement CS909.

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Après l’article 4

La commission est saisie des amendements identiques CS86 de Mme Véronique Louwagie, CS201 de M. Fabrice Brun, CS428 de M. Éric Pauget et CS581 de M. Mohamed Laqhila.

Mme Véronique Louwagie. Lorsqu’un contrôle fiscal est terminé, il y a un échange contradictoire et oral entre le contribuable et le vérificateur, qui ne donne lieu à aucune remise de documents. À l’issue de cette réunion, il ne reste donc aucune trace écrite. Je pense qu’il serait intéressant que soit établi un document, sommaire – il ne s’agit pas de la notification de redressement –, relatant les points évoqués et leur incidence financière. Tel est l’objet de mon amendement CS86.

M. Fabrice Brun. Très souvent, le principe du contradictoire gouvernant la procédure de contrôle ne donne lieu qu’à une application théorique. Dans le cadre d’un contrôle, la dernière intervention sur place est, en principe, une réunion de synthèse au cours de laquelle le vérificateur informe oralement le dirigeant de la fin de ses interventions, de l’existence ou non de points litigieux et d’une date approximative de l’envoi de proposition de rectification.

Cette réunion de fin de contrôle n’est pas prévue ou organisée en tant que telle par un texte. Pour homogénéiser le contrôle, je propose par mon amendement CS201 de systématiser cette réunion de synthèse.

M. Éric Pauget. Même explication pour l’amendement CS428 : il s’agit d’organiser et de formaliser cette réunion de fin de contrôle pour éviter d’éventuelles difficultés ultérieures.

M. Mohamed Laqhila. Les réunions de fin de contrôle ne sont pas systématiques. Il arrive que le vérificateur quitte l’entreprise dès qu’il a terminé ses opérations. L’amendement CS581 vise également à systématiser cette réunion de synthèse.

M. le rapporteur. Si l’on se place sur le plan du principe, autrement dit s’il s’agit de donner des conclusions, il me semble que votre proposition est satisfaite par un de mes amendements sur le caractère opposable des conclusions d’un contrôle fiscal. Si l’on se place sur le plan pratique, il me semble que l’organisation du contrôle relève moins du domaine législatif.

Il existe un document intitulé Dix engagements pour un contrôle serein et efficace, qui inclut la tenue de cette réunion de synthèse. Peut-être n’est-ce pas suffisamment appliqué ? L’expérimentation sur les durées de contrôle, prévue à l’article 16, nous offre l’opportunité d’améliorer l’application de ce dispositif. Lorsque nous aborderons l’examen de cet article, je proposerai des amendements visant à inclure des éléments qualitatifs concernant la formalisation du début et de la fin du contrôle.

Je vous propose donc d’utiliser le cadre expérimental prévu à l’article 16 pour avancer dans le domaine des bonnes pratiques. Sur le plan des principes, il me paraît difficile d’aller beaucoup plus loin que le caractère opposable des conclusions rendues. Avis défavorable.

M. Nicolas Turquois. Dans le cadre de la politique agricole commune (PAC), le contrôleur doit établir un rapport écrit consignant au moins les éléments qui lui posent question. Au cours des jours suivants, l’agriculteur contrôlé peut faire des remarques et même apporter des réponses concernant d’éventuels éléments manquants. Cette possibilité est très appréciée.

Les amendements sont retirés.

Puis elle examine les amendements identiques CS448 de M. Éric Pauget, CS510 de M. Mohamed Laqhila et CS801 de Mme Véronique Louwagie.

M. Éric Pauget. L’amendement CS448 vise à étendre les compétences de la commission des impôts directs aux majorations découlant des rectifications. Cette démarche permettrait de gagner du temps puisque la commission est obligée de se réunir ensuite pour délibérer sur les majorations.

M. Mohamed Laqhila. Même argumentation pour l’amendement CS510.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement CS801 est identique.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Les majorations prévues à l’article cité s’appliquent en cas de manquements délibérés ou de manœuvres frauduleuses, alors que nous parlons d’erreurs et d’un droit à l’erreur. Les personnes visées par ces majorations ont déjà la possibilité de saisir la commission pour obtenir un avis. Vous voulez leur offrir une possibilité supplémentaire : contester ces majorations devant la commission des impôts directs. Cette extension du droit existant est d’autant moins opportune qu’elle concerne des manquements délibérés qui n’entrent pas dans le champ qui nous préoccupe.

La commission rejette les amendements.

Puis elle en vient aux amendements identiques CS87 de Mme Véronique Louwagie, CS202 de M. Fabrice Brun, CS582 de M. Mohamed Laqhila et CS773 de M. Laurent Saint-Martin.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement CS87 a pour but d’étendre les compétences des commissions départementales des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires. Ces institutions présentent un réel intérêt car elles portent un regard nouveau sur les contrôles fiscaux en raison de leur composition mixte et de la présence d’un magistrat administratif ou judiciaire à leur tête. En général, leurs interventions sont très appréciées.

Ces commissions ont un rôle de prévention des litiges et elles représentent une vraie chance d’éviter des procédures contentieuses qui sont souvent longues et aléatoires. Elles ont toutefois un périmètre limitativement défini et ne peuvent trancher que des questions de fait, ce qui inclut la possibilité de se prononcer sur les faits pris en compte pour l’examen d’une question de droit à l’exclusion des questions de droit, sauf exceptions. J’ai pu observer que, lors de certaines réunions, toutes les personnes autour de la table regrettaient de ne pas pouvoir intervenir sur les questions de droit qui se posaient et avaient fait l’objet de la saisie de la commission.

L’extension des compétences de ces commissions permettrait d’éviter des procédures contentieuses, de prendre en compte des situations particulières, de tenir compte des circonstances.

M. Fabrice Brun. Mon amendement CS202 a exactement le même objet. Que dire de plus après ce magnifique plaidoyer, si ce n’est qu’il est important d’étendre le champ de compétences de ces commissions pour couvrir les questions de fait, les questions de qualification et leurs conséquences sur les rectifications proposées ? Cette mesure est très attendue sur le terrain.

M. Mohamed Laqhila. Ma collègue Louwagie a bien défendu mon amendement CS582… Comme moi, elle connaît bien ces commissions et leur rôle en matière de prévention de litiges. Pour éviter des procédures contentieuses longues, lourdes et aléatoires, il est primordial d’étendre leur champ de compétences.

M. Laurent Saint-Martin. Mes arguments à l’appui de mon amendement CS773 sont les mêmes que ceux qui ont été très bien développés.

M. le rapporteur. A priori, j’étais assez favorable à ces amendements : ils proposent une sorte de médiation, qui est précisément le genre de démarche que le texte essaie de promouvoir. Cependant, le Gouvernement soulève des objections juridiques liées aux frontières de compétences entre les commissions et les juridictions. Je vous propose donc de retirer vos amendements et de les redéposer en séance pour en discuter avec le ministre qui pourra exposer ses réserves juridiques et celles de son administration.

Mme Véronique Louwagie. Merci, monsieur le rapporteur, de votre proposition. Je ne suis pas très étonnée et je comprends que l’administration ne soit pas favorable à cette prise de position, mais je pense qu’il est important de donner la parole à ceux qui peuvent discerner les situations sur le terrain. Plutôt que d’aller vers une procédure contentieuse, il est possible de résoudre les problèmes en donnant la parole à des personnes qui vont apprécier les dossiers en petit comité. À regret, je vais tout de même retirer mon amendement CS202.

M. Fabrice Brun. Monsieur le rapporteur, vous aviez très bien commencé mais vous avez fini un peu plus mal. Dans le cadre de ces commissions, nous pouvons faire beaucoup mieux en termes de concertation fiscale. Je maintiens mon amendement.

M. Mohamed Laqhila. L’argument développé par le rapporteur me dérange un peu car c’est celui de l’administration. Les commissions départementales jouent un rôle de conciliation entre l’administration et le contribuable. Cet amendement peut permettre d’éviter des contentieux trop lourds aussi bien pour l’administration que pour le contribuable. C’est pourquoi je maintiens mon amendement CS582 et j’invite mes collègues à l’adopter.

M. Laurent Saint-Martin. Avant que Mohamed Laqhila ne prenne la parole, j’allais saluer un consensus permanent ! En ce qui me concerne, je retire mon amendement CS773.

Les amendements CS87 et CS773 sont retirés.

La commission rejette les amendements CS202 et CS582.

Puis elle examine les amendements identiques CS437 de M. Éric Pauget, CS499 de M. Mohamed Laqhila et CS772 de Mme Véronique Louwagie.

M. Éric Pauget. Mon amendement CS437 propose de modifier la rédaction actuelle du livre des procédures fiscales qui prévoit que « la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires peut, sans trancher une question de droit, se prononcer sur les faits susceptibles d’être pris en compte pour l’examen de cette question de droit ». Nous proposons de remplacer « peut » par « doit » pour que la commission soit systématiquement compétente. En effet, la rédaction actuelle du texte conduit certaines commissions à ne pas examiner les faits entourant une question de droit lorsqu’ils portent, par exemple, sur le caractère lucratif de l’activité d’une association, sur la qualification de titres de participation ou de placements.

M. Mohamed Laqhila. Même argumentation pour l’amendement CS499.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement CS772 est défendu.

M. le rapporteur. Comme dans le cas précédent, je vous propose de retirer vos amendements dans l’attente d’une discussion avec le ministre dans l’hémicycle sur ce sujet de l’élargissement des compétences des commissions départementales.

M. Éric Pauget. Je maintiens mon amendement, ne serait-ce que pour marquer le besoin que nous avons de nous émanciper un peu des administrations centrales.

M. Mohamed Laqhila. L’absence du ministre, qui nous obligerait à reporter la discussion en séance, me gêne. Je maintiens mon amendement.

Mme Véronique Louwagie. Moi aussi.

M. le rapporteur. Je suis sensible aux arguments de fond mais je souhaite privilégier l’échange, y compris sur des points techniques, avec le ministre et son administration. En début de séance, le ministre a indiqué qu’il n’hésiterait pas à s’émanciper de l’avis de son administration si une argumentation l’incite à le faire. C’est ce qui me conduit à demander le retrait de vos amendements pour que tous les arguments techniques soient sur la table.

La commission rejette les amendements.

Puis elle examine les amendements identiques CS442 de M. Éric Pauget, CS508 de M. Mohamed Laqhila et CS789 de Mme Véronique Louwagie.

M. Éric Pauget. L’amendement CS442 tend à modifier la rédaction actuelle du livre des procédures fiscales pour étendre aux immobilisations les compétences de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires.

M. Mohamed Laqhila. L’amendement CS508 est défendu.

Mme Véronique Louwagie. En améliorant la rédaction actuelle pour étendre ainsi les compétences de la commission, nous couvririons tout le spectre des dispositifs qu’elle peut retenir. Il nous semble pertinent que la commission soit compétente sur tous les éléments, qu’il s’agisse de charges ou d’immobilisations, car il est important d’avoir une vision globale des dépenses engagées par l’entreprise. C’est l’objet de mon amendement CS789.

M. le rapporteur. Je suis défavorable à ces amendements. Vous proposez de remplacer le qualificatif « déductibles » qui s’applique aux charges par « ou d’immobilisation ». La notion de charges d’immobilisation qui apparaîtrait ainsi dans le texte n’a pas lieu d’être. Dans un compte de résultat, les immobilisations ne sont pas des charges. Cette rédaction ne tient pas sur le plan juridique.

La commission rejette les amendements.

Puis elle examine lamendement CS123 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Le code général des impôts comporte nombre de pénalités proportionnelles liées au défaut de production d’une déclaration dans les délais. C’est en particulier le cas aux articles 1736 et 1763 du code général des impôts dont nous avons parlé à l’occasion de l’examen d’un amendement précédent.

Sans remettre en cause leur légitimité sur le plan des principes, je signale que ces pénalités peuvent se révéler très lourdes sur un plan financier pour les contribuables. Dans le cadre de la reconnaissance du droit à l’erreur, mon amendement CS123 propose de permettre à l’administration fiscale d’élargir son pouvoir gracieux de remise des pénalités en simplifiant le cadre des remises, notamment lorsque la pénalité n’est pas définitive, ou en n’imposant pas, lorsque le montant relève de la compétence du ministre du budget, de demander l’avis du comité du contentieux fiscal, douanier et des changes. Les procédures actuelles sont relativement lourdes.

Il existe un lien entre cet amendement et celui que j’ai présenté en fin d’après-midi, avant que la séance soit levée. Je demandais que soit publié l’écart entre les pénalités qui faisaient l’objet de propositions de rectification ou de taxations d’office et les pénalités qui étaient retenues à l’issue de la procédure. Puisque nous créons des dispositifs qui permettent la discussion et des remises gracieuses, il est important que nous puissions disposer d’éléments de comparaison.

Le présent amendement vise à donner plus de pouvoir à l’administration et à éviter des procédures très lourdes.

M. le rapporteur. Votre amendement vise à écarter l’avis du comité du contentieux fiscal, douanier et des changes. Je n’y suis pas favorable. L’avis du comité est une garantie de procédure pour le contribuable qui peut présenter des observations écrites en amont et des observations orales lors de la séance. Ce genre de procédure, qui permet un dialogue, me semble de bon aloi.

Quelle est l’efficacité de ce comité ? Dans son dernier rapport annuel, il indique que plus de 96 % des affaires sont traitées dans un délai de trois mois et 72 % dans un délai d’un mois, ce qui semble plutôt efficace. Dans plus de 60 % des cas, la décision est favorable à l’usager.

Pour ces raisons, je ne suis défavorable à votre amendement.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine les amendements identiques CS89 de Mme Véronique Louwagie, CS456 de M. Éric Pauget et CS584 de M. Mohamed Laqhila.

Mme Véronique Louwagie. Mon amendement CS89 porte sur les garanties demandées au contribuable. Les dispositions actuelles n’imposent aucun délai au comptable du Trésor pour inviter le contribuable – qui a demandé le bénéfice du sursis de paiement – à constituer des garanties. En cas de demande du comptable du Trésor, le réclamant doit constituer des garanties propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor.

Ces garanties sont très coûteuses pour les PME, elles obèrent leur capacité de financement et peuvent les mettre en difficulté. Cette situation conduit parfois certaines entreprises à devoir choisir entre la poursuite d’un contentieux ou le développement de leur activité.

Cet amendement propose, pendant la phase non contentieuse, une dispense totale de constitution de garantie en cas de sursis de paiement. Cette disposition peut entrer dans le cadre du droit à l’erreur. Alors que cette phase non contentieuse peut être assez brève, elle peut mettre certaines entreprises en difficulté, ce qui est dommageable.

M. Éric Pauget. Pour les entreprises qui demandent à bénéficier d’un sursis de paiement, ces garanties sont coûteuses. La constitution de ces garanties peut mettre certaines PME et TPE dans des situations compliquées voire dramatiques. L’idée de mon amendement CS456 est d’accorder une dispense de constitution de garanties dans la phase non contentieuse de la procédure.

M. Mohamed Laqhila. L’amendement CS584 a le même objet.

M. le rapporteur. Nous sommes déjà dans le cadre d’un sursis,
c’est-à-dire d’une dérogation au droit commun qui est accordée à ces entreprises pendant une phase non contentieuse. La présentation de réclamation est sans effet sur le recouvrement.

Autre précision : la garantie n’est demandée que lorsque le montant des droits appelés est supérieur à 4 500 euros, c’est-à-dire relativement important.

Enfin, il faut souligner que l’administration ne peut pas faire perdre le bénéfice du sursis à une entreprise qui serait incapable de produire cette garantie. Le sursis ne peut pas être refusé au contribuable pour ce seul motif.

Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à ces amendements : la procédure, déjà dérogatoire au droit commun, est plutôt favorable aux entreprises.

Mme Véronique Louwagie. Je ne partage pas votre vision des choses, monsieur le rapporteur. Si le sursis de paiement peut être considéré comme dérogatoire, la décision n’est pas définitive à ce stade : certaines entreprises qui s’engageront ensuite dans des procédures contentieuses pourront obtenir gain de cause. L’administration pourra être déboutée à l’issue d’une procédure contentieuse. Mais même si elle est gagnante en fin de parcours, l’entreprise aura pu être mise en difficulté par l’obligation de constituer ces garanties.

M. le rapporteur. Partant de bonnes intentions à l’égard des entreprises, vous pourriez aboutir à faire baisser le nombre des cas où l’administration fiscale leur accorde un sursis de paiement, ce qui serait regrettable. La garantie demandée aux entreprises est une sorte de contrepartie pour l’administration fiscale, l’assurance d’obtenir in fine le recouvrement de la somme due. Si nous supprimions cette contrepartie, l’administration fiscale pourrait être tentée d’accorder moins de sursis. Je maintiens mon avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Puis elle examine les amendements CS805 et CS808 de Mme Cendra Motin.

Mme Cendra Motin. Chacun de ces deux amendements demande la remise dun rapport par le Gouvernement : le premier sur le nombre et le volume de redressements réellement effectués à la suite dune perquisition diligentée par les administrations disposant de cette prérogative ; le deuxième sur le nombre et le volume des contrôles sétant soldés par un redressement au titre dune manœuvre frauduleuse, un abus de droit ou une mauvaise foi avérée.

Que ce soit dans leur libellé ou dans les actions auxquelles elles donnent lieu, ces procédures peuvent être extrêmement violentes sur le plan psychologique  pour les gens qui les subissent. Or il se trouve quelles naboutissent pas nécessairement aux redressements pour lesquels elles sont diligentées. Ces amendements visaient à faire en sorte que nous fussions mieux informés sur les résultats de ces procédures. Me rangeant à une précédente proposition du rapporteur, je vais cependant les retirer pour les raccrocher au titre III sur lévaluation.

M. le rapporteur. En réalité, les données en question sont déjà publiques. Elles figurent dans le rapport dactivité de la DGFiP, en annexe du tome I de lévaluation des voies et moyens de chaque projet de loi de finances et dans le document de politique transversale Lutte contre lévasion et la fraude fiscales, où lon trouve, par exemple, toutes les données les perquisitions fiscales : 210 en 2015, 204 en 2016 ; plus de la moitié des affaires concernaient lexercice en France dactivités occultes sous couvert de sociétés étrangères, et le montant des droits et pénalités est également précisé. Vos amendements sont donc satisfaits, chère collègue.

Les amendements CS805 et CS808 sont retirés.

*

*     *

Articles 5 et 6
Droit à lerreur en matière de contributions indirectes et droits douaniers

Les articles 5 et 6 instaurent un droit à l’erreur pour les droits et taxes recouvrés par l’administration des douanes.

I.   l’État du droit

A.   les droits et taxes recouvrÉs par les douanes

La direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) assure trois missions distinctes : une mission de lutte contre la fraude et les grands trafics internationaux, une mission économique de contrôle des flux commerciaux, et une mission fiscale.

La mission fiscale de l’administration des douanes comprend ses activités traditionnelles (droits et taxes perçues aux contrôles aux frontières) et des missions en matière de fiscalité indirecte, transférées de la direction générale des impôts à celle des douanes afin de compenser la perte d’une partie de son cœur de métier lors de l’entrée en vigueur du grand marché intérieur européen en 1993. Ainsi, la DGDDI gère, outre les droits de douanes et la TVA à l’importation, un grand nombre de taxes indirectes, portant principalement sur des marchandises (les accises sur les tabacs et les alcools, les produits pétroliers et l’énergie, les déchets et les substances polluantes) et sur les moyens de transport.

Par conséquent, en fonction des taxes recouvrées et contrôlées, l’administration des douanes doit appliquer le code des douanes ou le code général des impôts et le livre des procédures fiscales.

En outre, les principaux produits fiscaux relèvent du champ communautaire (TVA à l’importation, taxes intérieures de consommation sur les produits énergétiques, accises sur les tabacs et les alcools) sur lequel s’appliquent les règlements européens et le code des douanes de l’Union.

En 2016, la DGDDI a recouvré près de 76 milliards d’euros de droits et taxes.

Le niveau de civisme fiscal constaté sur les droits et taxes collectés par la DGDDI est particulièrement élevé (99,27 % des créances dues sont effectivement payées à l’échéance). Le développement de dispositifs dématérialisés pour déclarer et payer les droits et taxes constitue un levier fort d’amélioration de la performance dans ce domaine.

Le tableau suivant fait état des droits et taxes redressés par la DGDDI. En 2016, les rehaussements d’imposition ont atteint 415 millions d’euros et les pénalités infligés 10,9 millions d’euros.

DROITS ET TAXES REDRESSÉS PAR LA DGDDI, et pénalitÉs infligÉes

(en millions deuros)

 

2012

2013

2014

2015

2016

Fiscalité énergétique

48,1

40,0

69,4

75,8

114,4

TVA à limportation, droits de douane et assimilés

187,4

195,3

205,6

226,4

200,3

Fiscalité sur les tabacs

1,9

2,1

1,5

2,2

2,1

Fiscalité sur les boissons et les alcools

28,8

56,9

59,7

43,2

63,7

Fiscalité environnementale

11,0

13,7

6,2

12,8

16,3

Fiscalité sur les transports

6,7

4,7

4,6

6,8

4,9

Fiscalités diverses

10,2

10,0

10,0

10,2

13,5

Total général

294,2

322,7

356,9

377,4

415,1

Montant des pénalités infligées

11,1

16,9

14,7

11,8

10,9

Source : DGDDI.

B.   les sanctions applicables

1.   Les sanctions prévues en matière de contributions indirectes

L’article L. 235 du livre des procédures fiscales (LPF) donne compétence aux tribunaux correctionnels pour prononcer les condamnations qui sanctionnent les infractions en matière de contributions indirectes.

Aussi, les « sanctions fiscales » prévues par les articles 1791 à 1804 A du code général des impôts sont de nature mixte, mi-répressive, mi-indemnitaire, et sont considérées comme constitutives d’une variété particulière d’infractions pénales.

Le paragraphe I de l’article 1791 du code général des impôts prévoit qu’en matière d’infractions à la législation sur les contributions indirectes, et notamment de manœuvres frauduleuses visant à éviter le paiement des droits dus, les amendes fiscales encourues sont comprises entre 15 et 750 euros. Ces amendes, dont le montant peut être modeste et n’a pratiquement pas évolué depuis 1979, peuvent actuellement s’accompagner d’autres sanctions :

– la confiscation des biens saisis lors du contrôle, ainsi que des biens et avoirs qu’ils ont permis au contrevenant d’acquérir ;

– une pénalité fiscale, dont le montant est compris entre une et trois fois le montant des droits ou taxes fraudés, cette sanction paraissant en pratique plus dissuasive que la seule amende fiscale.

Les articles suivants établissent des sanctions aggravées en cas d’infractions spécifiques :

– une majoration de l’amende fiscale, fixée de 500 euros à 2 500 euros, en cas de fabrication, de détention, de vente ou de transport illicites de tabac (article 1791 ter du code général des impôts) ;

– en matière d’alambics, de compteurs de distillerie, de déclaration, production ou stock de produits vinicoles ou de métaux précieux, l’article 1794 remplace la pénalité prévue à l’article 1791 par une pénalité dont le montant est compris entre une fois et trois fois la valeur des appareils, objets, produits ou marchandises ;

– pour les infractions commises en matière d’impôts sur les cercles et maisons de jeu, l’article 1797 prévoit que la pénalité appliquée par le tribunal est de une à trois fois les droits d’après les éléments d’information fournis par l’administration, avec un minimum de 75 euros ;

– les manquements aux obligations prévues par l’Union européenne en ce qui concerne le casier viticole, les déclarations obligatoires et l’établissement des informations pour le suivi du marché sont sanctionnés par l’article 1798 ter.

En outre, l’article 1798 bis du code général des impôts prévoit des amendes de 15 à 750 euros en cas de défaut de présentation ou de tenue d’une comptabilité spécifique en matière d’alcools et tabacs, conformément à l’article 302 G du code général des impôts.

L’article 1804 du même code prévoit que toute infraction aux dispositions législatives et réglementaires relatives aux sorties des vins de la propriété et aux mesures prises pour l’amélioration de leur qualité est punie d’une amende fiscale de 15 à 750 euros et d’une pénalité dont le montant est compris entre une et trois fois (cinq fois actuellement) la valeur des vins sur lesquels a porté la fraude ainsi que de leur confiscation.

2.   Les sanctions prévues par le code des douanes

Les articles 410 à 412 du code des douanes fixent les contraventions douanières de première, deuxième et troisième classe :

– toute infraction aux dispositions des lois et règlements que l’administration des douanes est chargée d’appliquer, et notamment toute omission ou inexactitude dans les déclarations est passible d’une amende de 300 à 3 000 euros si elle n’est pas plus sévèrement réprimée par un autre article (article 410) ;

– toute irrégularité ayant pour but ou pour résultat d’éluder le recouvrement d’un droit ou d’une taxe est passible d’une amende comprise en une et deux fois le montant des droits et taxes éludés (article 411) ;

– la contrebande, l’absence de déclaration ou les fausses déclarations sont passibles de la confiscation des marchandises litigieuses et d’une amende de 150 à 1 500 euros (article 412).

C.   la transaction comme mode de rÈglement des infractions douaniÈres

1.   La généralisation de la transaction par l’administration des douanes

L’administration fiscale dispose du pouvoir de transiger avec les personnes poursuivies à raison d’une infraction douanière ou d’une infraction en matière de contributions indirectes.

Pour les infractions douanières, le droit de transiger, qui  existait déjà sous l’Ancien régime, a été confirmé à la Révolution ([27]). Le juge a posé dès 1820 que « la matière des douanes est régie par des lois spéciales [...] qui autorisent ladministration [...] à sengager par une convention avec les prévenus de contravention [...]; quil serait contraire à léquité dappliquer rigoureusement les peines de la fraude » ([28]). Ce droit est désormais inscrit à l’article 350 du code des douanes. 

Pour les infractions en matière de contributions indirectes, l’administration des douanes peut également accorder le bénéfice d’un arrangement transactionnel, conformément à l’article L. 247 du livre des procédures fiscales.

La transaction constitue un contrat entre les deux parties régi par les dispositions de droit commun des articles 2044 et suivants du code civil. En application de l’article 2052 du code civil, elle a l’autorité de la chose jugée en dernier ressort. Ses termes s’imposent aussi bien au contribuable qu’à l’administration.

L’administration des douanes recourt quasi-systématiquement à la transaction. L’étude d’impact souligne qu’en 2016, 99 % des contraventions notifiées sur le fondement du code des douanes en matière de fiscalité nationale (soit 6 500 transactions) et 98 % des infractions prévues par le code général des impôts en matière de contributions indirectes (soit 2 600 transactions) ont fait l’objet d’une transaction. Les poursuites devant les tribunaux répressifs sont ainsi réservés aux cas de fraudes avérées et intentionnelles.

La reconnaissance du droit à l’erreur dans le cadre d’un arrangement transactionnel

La transaction a pour effet d’éteindre l’action publique mais sa mise en œuvre est subordonnée au paiement des droits et taxes lorsqu’ils sont dus. En cas de non-respect des termes transactionnels, il appartient à l’administration de poursuivre le contribuable fautif devant le juge répressif.

La transaction conduit principalement à une réduction du montant des sanctions: l’administration applique le principe de proportionnalité des sanctions par rapport aux infractions et prend en considération l’ensemble des circonstances propres à chaque affaire, notamment le degré de bonne foi de l’opérateur.

Comme l’a indiqué à votre rapporteur M. Rodolphe Gintz, directeur général des douanes et des droits indirects, l’administration des douanes applique déjà un droit à l’erreur dans le cadre des transactions. Ainsi, lorsque la bonne foi du redevable est avérée, aucune pénalité n’est appliquée. D’après le Gouvernement, c’est le cas de 21 % des transactions en matière de contributions indirectes et de 19 % des transactions en matière de contravention douanière.

À défaut, il appartient aux agents de l’administration de démontrer l’absence de bonne foi (intentionnalité, voire seulement négligence). Plusieurs critères peuvent entrer en ligne de compte pour écarter ainsi la bonne foi :

– l’ampleur et la gravité de l’erreur ;

– la situation du redevable qui ne pouvait pas ne pas connaître ses obligations déclaratives ;

– le caractère répétitif de l’erreur, alors que l’opérateur a déjà fait l’objet d’un contrôle et d’un redressement pour les mêmes motifs.

II.   le dispositif proposÉ : l’approfondissement du droit À l’erreur en matiÈre douaniÈre

Comme en matière fiscale, l’article 2 du présent projet de loi ne s’applique pas dans les relations avec l’administration des douanes.

Les articles 5 et 6 du présent projet de loi visent donc à introduire des dispositifs spécifiques de droit à l’erreur en cas d’infractions en matière de cotisations indirectes ou en matière douanière.

En matière de contributions indirectes, l’article 5 propose d’établir un nouvel article L. 62 B au livre des procédures fiscales. En matière d’infractions douanières, l’article 6 propose d’insérer un chapitre VI bis au titre XII du code des douanes, composé d’un article L. 440-1 unique.

Ces deux articles prévoient de rendre inapplicables, sous certaines conditions, les sanctions en cas de rectification des déclarations par un redevable, soit spontanément, soit à la suite d’un contrôle.

Les sanctions dites « transactionnelles » sont fixées dans le cadre d’un barème qui tient déjà compte de la bonne foi de l’intéressé. Lorsque le dispositif du droit à l’erreur prévu par les articles L. 440-1 du code des douanes et L. 62 B du LPF sera applicable, ce barème devra être modifié. Puisque la bonne foi (ou l’absence de preuve de la mauvaise foi) du redevable empêche l’application des sanctions, si le redevable accepte de payer les droits redressés et les intérêts de retard, il n’y aura même plus lieu de proposer une transaction. Dès lors, le barème transactionnel portant sur les infractions concernées ne sera applicable en cas de bonne foi que si le redevable refuse de payer les droits redressés.

Si l’administration douanière peut déjà décider de la non-application de sanctions en cas d’infraction dans le cadre d’une transaction, le dispositif proposé permet d’écarter le principe même de la sanction, sans laisser à l’administration la liberté de l’appliquer ou non.

Ces dispositions doivent encourager les redevables à déclarer spontanément leurs erreurs, ce qui permet de faciliter et d’accélérer le recouvrement des créances.

Les deux articles prévoient des dispositions similaires en matière de délai laissé au redevable et de conditions d’application.

● Les délais

Le redevable peut rectifier ses erreurs, omissions ou inexactitudes spontanément avant l’expiration du droit de reprise de l’administration. Ce droit de reprise dure généralement trois ans. Il équivaut à un délai de prescription à la suite duquel aucune rectification d’imposition ne peut être imposée par l’administration.

Les articles 5 et 6 prévoient aussi la possibilité pour le redevable de rectifier sa déclaration suite à une demande de l’administration. Ainsi, suite à la découverte d’une infraction, l’administration pourra indiquer au redevable le délai au cours duquel il lui appartient de rectifier sa déclaration afin de pouvoir bénéficier de l’exemption de sanctions.

Les deux articles n’encadrent pas ce délai, laissant le soin à l’administration de le définir en fonction des circonstances de l’espèce. Cela présente l’avantage d’une certaine souplesse pour l’administration dans le choix de l’étendue du délai accordé.

● Les conditions d’application

Comme en matière fiscale, ce droit à l’erreur n’est pas applicable lorsqu’une infraction est exclusive de bonne foi. En outre, il appartient au redevable de payer immédiatement les droits et taxes dus ainsi que les intérêts de retard.

● L’exclusion de la fiscalité dans le champ exclusif de l’Union

Le code des douanes de l’Union (CDU) est entré en application le
1er mai 2016, accompagné de ses actes délégués et d’exécution. Aussi, les ressources propres de l’Union régies par ce code et prélevées par la DGDDI à l’importation sont exclues du droit à l’erreur (droits de douanes, droits antidumping, TVA et prélèvements agricoles).

La position de la commission spéciale

Sur proposition du rapporteur, la commission spéciale a adopté deux amendements afin que la réduction des intérêts de retard, telle que prévue par les articles 3 et 4 du présent projet de loi, s’applique également aux droits et taxes prévus par le code des douanes : un article additionnel (article 4 quater nouveau) et un amendement à l’article 5 pour les contributions indirectes.

En effet, un dispositif spécifique est nécessaire pour les contributions indirectes, prévues par le code général des impôts, mais recouvrées par la DGDDI selon ses procédures. Aussi, la réduction des intérêts de retard lors d’un contrôle, telle que prévue par l’article 4 du présent projet de loi, ne vise que les contrôles de la DGFiP, excluant de ce fait le bénéfice de la réduction des intérêts de retard en cas de contrôle de la DGDDI.

 L’article 5, ainsi amendé, prévoit désormais que l’intérêt de retard prévu par l’article 1727 du code général des impôts est réduit de 30 % lorsqu’un redevable demande à régulariser ses erreurs, inexactitudes, omissions ou insuffisances dans ses déclarations alors qu’un contrôle est en cours. Pour en bénéficier, la déclaration doit intervenir avant la proposition de taxation de l’administration, ou dans un délai de trente jours à compter de la notification de l’administration.

Comme en matière fiscale, cette réduction des intérêts de retard ne peut être appliquée en cas d’infraction exclusive de bonne foi ou si la demande de régularisation n’est pas accompagnée du paiement de l’intégralité de la créance.

La commission spéciale a adopté l’article 6 sans modification.

*

*     *

La commission examine lamendement CS516 à larticle 5 de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. L’article 5 permet à un redevable d’un droit ou d’une taxe recouvré par l’administration des douanes de rectifier ses erreurs sans sanctions. Aujourd’hui, la quasi-totalité des contraventions se concluent par une transaction entre l’administration et le contrevenant. Cela représente environ 9 000 cas en 2016. Le montant des pénalités tient compte du contexte, de la complexité de la réglementation en cause et du comportement du redevable dans la commission d’une infraction. En cas de bonne foi, l’administration peut accorder un « passer-outre », c’est-à-dire une pénalité égale à zéro euro – cela arrive dans 20 % des cas. Le droit à l’erreur est donc déjà pratiqué dès lors que les administrations estiment que le contrevenant est de bonne foi. Autrement dit, cet article n’ouvre pas de nouvelles possibilités à l’administration, mais il rend plus difficilement applicables des sanctions qu’elles auront jugées légitimes. C’est la raison pour laquelle notre amendement CS516 propose de le supprimer.

M. le rapporteur. Je suis défavorable à cet amendement. L’article 5 a précisément pour but de codifier le droit à l’erreur en matière douanière, déjà appliqué en pratique. Cette codification est aussi une mise en cohérence avec d’autres dispositions que nous prenons, notamment le droit supplétif instauré à l’article 2. Il en va de même pour l’article 6.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement CS910 à larticle 5 du rapporteur.

M. le rapporteur. C’est la suite logique de la reprise en matière douanière des dispositions qui sont l’objet des articles 3 et 4. L’amendement porte simplement sur le code général des impôts, puisque les recouvrements opérés par les douanes relèvent du code des douanes et du code général des impôts.

La commission adopte lamendement CS910.

Lamendement CS686 de M. Laurent Saint-Martin est retiré.

La commission adopte larticle 5 modifié.

Lamendement CS687 à larticle 6 de M. Laurent Saint-Martin est retiré.

La commission adopte larticle 6 sans modification.

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Article 7
Habilitation pour expérimenter une « relation de confiance »

I.   un dispositif expÉrimental pour amÉliorer les relations entre l’administration fiscale et les entreprises

A.   l’expÉrimentation de la relation de confiance

1.   Un processus encouragé de longue date et partagé au sein des pays de l’OCDE

Le souhait de l’administration fiscale de rendre moins conflictuel le contrôle a conduit à élaborer en 1975 une charte des droits et obligations du contribuable vérifié, annexée au livre des procédures fiscales. En cas de non-respect de cette charte par l’administration, le contribuable peut se prévaloir d’un manquement devant le juge.

Déjà en juin 2008, le rapport présenté par M. Olivier Fouquet, président de section au Conseil d’État, au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ([29]) proposait « [d’] aller plus loin dans le sens dune sécurisation des entreprises sur leur situation fiscale : il conviendrait de contractualiser la relation approfondie (« enhanced relationship ») avec les grandes entreprises désireuses de sengager dans une relation de transparence réciproque ».

L’OCDE note dans un rapport de 2013 ([30]) que sur les 26 États ayant contribué au rapport, 24 ont établi une forme de programme de coopération entre l’administration fiscale et les entreprises. En contrepartie d’un engagement de transparence, l’entreprise obtient plus rapidement des réponses de l’administration et ferait l’objet d’un contrôle a posteriori régulier, ciblé sur les zones de risque.

Cependant, la comparaison n’est pas toujours aisée. Comme le note le rapport Fouquet, « ladministration fiscale française dispose de prérogatives, tant en matière de contrôles sur pièces que de droit daccès à des informations détenues par des tiers, qui sont nettement plus étendues que celles de ses homologues britanniques ou hollandaises. Celles-ci sont donc, beaucoup plus que ladministration française, contraintes de faire le pari de la transparence réciproque avec les grandes entreprises pour avoir accès aux informations nécessaires ».

2.   Les modalités de l’expérimentation d’une « relation de confiance » engagée en 2013

a.   Le principe de la « relation de confiance »

La DGFIP a lancé en 2013 l’expérimentation d’une relation de confiance avec 14 entreprises volontaires ([31]) afin de développer avec elles une relation suivie, quasi-contractuelle, pour améliorer leur sécurité juridique en matière fiscale. Douze autres entreprises se sont jointes à l’expérimentation à compter du second appel à manifestation d’intérêt en 2014.

Cette expérimentation ne reposait sur aucun cadre législatif ou réglementaire mais sur une convention passée entre l’administration et l’entreprise décrivant les droits et obligations des deux parties. Ce protocole pouvait être résilié à tout moment par les signataires.

Le principe est que l’administration accompagne en amont l’entreprise dans ses processus déclaratifs pour l’ensemble des impositions relevant de la DGFiP :

– d’un côté, l’entreprise prend l’engagement de travailler à livres ouverts avec l’administration. Elle présente ses métiers, son organisation, son système d’information, son contrôle interne et met elle-même sur la table les problématiques fiscales qu’elle identifie ;

– de son côté, l’administration se donne comme objectif de valider l’exercice qui fait l’objet de la révision, renonçant ainsi à un contrôle fiscal ultérieur, et prend l’engagement de répondre de façon réactive à toutes les questions posées par l’entreprise en délivrant des rescrits dans un délai de trois mois.

Fondée sur le dialogue entre l’entreprise et l’administration, cette approche permet aux entreprises de faire valider par l’administration les options fiscales qu’elles entendent appliquer. L’administration et l’entreprise mènent ainsi une revue compète des options et obligations fiscales de l’entreprise, qui se conclut par un avis engageant l’administration.

D’après les données transmises par le Gouvernement, le nombre moyen d’axes révisés au titre de l’exercice d’entrée dans la relation de confiance a été de 7,25 par entreprise. Lors de l’envoi de la lettre de fin de mission, 128 de ces axes sur 174 ont été validés, soit une proportion de 73,56 % ([32]).

b.   Un premier bilan de cette expérimentation

Le rapporteur regrette qu’aucun rapport de bilan de cette expérimentation n’ait été publié avant l’examen du présent projet de loi. Un premier bilan est esquissé ici, sur la base des auditions qu’il a menées et des réponses au questionnaire envoyé au Gouvernement.

● Pour les entreprises

Les représentants d’entreprises ayant participé à la relation de confiance et organisations représentatives rencontrées par votre rapporteur sont dans l’ensemble satisfaits de cette expérimentation.

En validant en amont la conformité des opérations menées par les entreprises avec l’administration fiscale, les entreprises participantes ont pu mener leurs opérations en toute confiance et sans crainte des coûts d’un contrôle fiscal.

Les personnes auditionnées ont également souligné la meilleure qualité des échanges avec les équipes de révision que lors d’un contrôle fiscal, notamment l’implication de l’administration fiscale pour comprendre le point de vue de l’entreprise.

Bien que les entreprises soulignent le caractère chronophage des opérations de révision, il semble que, pour les plus grandes entreprises, le temps passé pour la validation a priori des procédures est compensé par l’absence de contrôles a posteriori. D’autant plus qu’un contrôle fiscal peut avoir lieu plusieurs années après le fait générateur, et la rotation des équipes d’une entreprise ne permet pas toujours de comprendre les choix fiscaux effectués deux ou trois ans plus tôt. Cependant, le gain de temps ne vaut que pour les plus grandes entreprises pour lesquelles les contrôles fiscaux sont fréquents.

● Pour l’administration fiscale

L’administration fiscale confirme également la meilleure qualité des échanges avec les entreprises. C’est également l’opportunité de mieux connaître les rouages de l’entreprise, les processus d’optimisation développés par les contribuables et les éventuelles lacunes du droit en la matière. Si les équipes de révision regrettent que « lesprit de coopération, voire la transparence, ont parfois manqué » ([33]), d’après un questionnaire envoyé par la DGFiP aux entreprises participantes, un tiers des entreprises indique avoir communiqué à l’équipe de révision des documents qu’elles n’auraient pas nécessairement transmis lors d’un contrôle fiscal.

Cependant, d’après les informations transmises par le Gouvernement, la relation de confiance demande plus de temps à l’administration fiscale – et donc de moyens humains, si l’expérimentation devait être généralisée – que les contrôles fiscaux.

Les équipes de révision ont néanmoins observé un gain de temps sensible d’année en année, dès lors qu’une meilleure connaissance des interlocuteurs et du fonctionnement de l’entreprise est acquise. Les opérations de révision se sont étalées sur 50 jours en moyenne au cours du premier exercice révisé puis sur 31 jours la deuxième année. Ce constat est toutefois tempéré s’agissant des très grandes entreprises, qui présentent une multiplicité de problématiques fiscales et réalisent chaque année d’importantes opérations exceptionnelles, nécessitant des investigations longues et spécifiques, a fortiori en cas de demande de rescrit.

II.   le dispositif proposÉ : une habilitation pour gÉnÉraliser ce dispositif

L’article 7 du présent projet de loi prévoit d’habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de neuf mois à compter de la publication de la loi, toute disposition relevant du domaine de la loi tendant à modifier le code général des impôts ou le livre des procédures fiscales en vue de renforcer la sécurité juridique des entreprises soumises à des impôts commerciaux.

La deuxième phrase du premier alinéa prévoit la création d’un régime permettant d’examiner sur demande des entreprises la conformité de leurs opérations à la loi fiscale, comme cela a été mis en place dans l’expérimentation de la relation de confiance. L’administration doit alors prendre formellement position sur l’application de la loi. Interrogé sur ce point, le directeur général des finances publiques, M. Bruno Parent, a évoqué la création d’un « rescrit dynamique ». Il s’agirait pour l’administration fiscale d’accompagner l’entreprise dans son projet selon une forme de « co-construction », en instaurant un dialogue sur les options fiscales qui s’offrent à elle.

La troisième phrase du premier alinéa introduit la possibilité de définir des critères déligibilité des entreprises à ce dispositif, en fonction de leur taille, du caractère innovant et complexe de leur activité ou des enjeux fiscaux.

La durée de neuf mois de l’habilitation doit permettre d’accorder du temps au Gouvernement pour concerter avec les organisations professionnelles, sur la base d’un bilan de l’expérimentation, afin de définir les contours d’une nouvelle offre de sécurité juridique pérenne plus ciblée aux besoins des entreprises et plus adaptée aux moyens de l’administration.

Plusieurs points restent en effet à définir :

– le nombre d’entreprises bénéficiaires : le Gouvernement envisage de définir un groupe d’entreprises se trouvant dans une situation différente des autres pour justifier le déploiement d’une offre de sécurité juridique à leur seule attention ;

– l’étendue de la sécurité juridique offerte, centrée sur des opérations et des axes spécifiques ;

– l’articulation entre la prise de position formelle de l’administration et le contrôle fiscal ;

– les conditions d’instruction des demandes de sécurité juridique.

III.   La position de la commission spéciale

L’élargissement de l’expérimentation menée en 2013 était prévu dès l’origine. Ainsi, le dossier de presse publié lors de la signature des premiers protocoles entre la DGFiP et les entreprises candidates souligne que « cette nouvelle procédure fait lobjet à compter doctobre 2013 dune expérimentation avec un échantillon dentreprises, avant denvisager son extension ».

Les retours positifs des différentes personnes auditionnées ayant participé à cette expérimentation confirment l’utilité de son extension.

L’administration souhaite avoir l’assurance que l’entreprise déclare et acquitte correctement l’impôt, tandis que l’entreprise recherche une sécurité juridique accrue.

Il s’agit d’un changement en profondeur du paradigme classique selon lequel le contribuable souscrit d’abord ses déclarations avant que l’administration, le cas échéant, opère un contrôle pour s’assurer du respect de la législation.

Cependant, la généralisation de ce dispositif ne peut être envisagée qu’en fonction des moyens dont dispose l’administration, ce qui implique, comme l’a souligné le directeur général des finances publiques, « daccepter lidée quon ne peut pas rendre le même service à tout le monde ». Pour autant, une trop grande restriction du champ des entreprises bénéficiaires ferait manquer le changement de paradigme que le Gouvernement entend opérer.

Les critères d’éligibilité des entreprises à la relation de confiance sont donc une question centrale.

D’après les réponses au questionnaire de votre rapporteur, le Gouvernement envisage de faire bénéficier de cette nouvelle offre de sécurisation juridique « les entreprises de taille moyenne, en phase de croissance et ayant un effet de levier important dun point de vue économique (notamment en terme de dépense de recherche) » ou « des entreprises de taille plus modeste ayant un fort potentiel de recherche (jeunes entreprises innovantes) ». Ce ciblage vise à concentrer l’action sur les enjeux les plus importants, en privilégiant les entreprises à fort potentiel de croissance pour l’économie de demain. Cette orintation paraît réaliste et judicieuse.

La commission spéciale a adopté à cet article trois amendements rédactionnels du rapporteur.

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La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CS875, CS874 et CS873 du rapporteur.

Lamendement CS688 de M. Laurent Saint-Martin est retiré.

La commission adopte larticle 7 sans modification.

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Après l’article 7

La commission se saisit des amendements identiques CS91 de Mme Véronique Louwagie, CS206 de M. Fabrice Brun, CS465 de M. Éric Pauget et CS525 de M. Mohamed Laqhila.

Mme Véronique Louwagie. Plutôt que d’avoir une action répressive et d’appliquer strictement la législation en vigueur, notre amendement CS91 vise à privilégier une méthode incitative de nature à susciter des déclarations spontanées, en contrepartie desquelles seraient proposées des modalités de règlement attractives. Nous proposons pour ce faire de nous appuyer sur l’expérience du service de traitement des déclarations rectificatives (STDR), créé au mois de juin 2013 et rattaché à la direction générale des finances publiques, qui permettait au contribuable ayant dissimulé à l’administration fiscale un compte à l’étranger de régulariser leur situation en acquittant l’ensemble des impositions éludées et non prescrites ainsi que les pénalités et amendes correspondantes. Cette cellule temporaire a été fermée à la fin de l’année 2017, après avoir connu un grand succès avec plus de 50 000 demandes déposées, qui portaient sur des avoirs d’un montant de 32 milliards d’euros et ont permis de recouvrer 7,8 milliards d’euros.

L’idée serait de prendre pour modèle cette cellule créée pour des personnes physiques en l’adaptant aux entreprises. Les entreprises qui ont eu des difficultés à appliquer certains textes complexes peuvent, lorsqu’elles s’en rendent compte, être tentées de ne pas régulariser leur situation, en raison des craintes qu’elles éprouvent alors. Incitons-les donc à le faire.

M. Fabrice Brun. Mon amendement CS206 est identique. Les chiffres de l’expérience du STDR parlent d’eux-mêmes et montrent l’intérêt d’une méthode incitant à la régularisation : 32 milliards d’euros d’avoirs régularisés et 7,8 milliards d’euros recouvrés. L’idée est bien de prendre pour modèle cette cellule créée pour les personnes physiques et de l’adapter aux entreprises. Tout le monde y a intérêt : les contribuables, qui peuvent régulariser leur situation plus sereinement, et l’État, qui recouvre des recettes. Tel est l’objet de mon amendement CS206.

M. Éric Pauget. L’idée est de donner la possibilité au monde de l’entreprise de bénéficier d’une cellule de régularisation du même type que le STDR, notamment pour régulariser les déclarations. On constate que les petites entreprises – TPE, commerçants et artisans – appliquent mal les textes fiscaux. Lorsqu’elles s’en rendent compte, elles craignent qu’une régularisation ne les expose à des sanctions fiscales trop lourdes. Le STDR a démontré son efficacité, l’expérience pourrait être renouvelée pour les entreprises. C’est ce que propose mon amendement CS465.

M. Mohamed Laqhila. Mon amendement CS525 est identique, et de bon sens.

M. le rapporteur. Le droit à l’erreur et le droit au contrôle, que nous avons adopté à l’article 2, vont dans votre sens, chers collègues, de même que les dispositions des articles 3 et 4 : les entreprises pourront se tourner plus facilement vers l’administration fiscale pour corriger des erreurs, soit leur faire part de celles qu’elles ont elles-mêmes relevées.

Sur le fond, je n’ai pas à me prononcer sur la création d’une cellule du type du STDR. Cela relève de la stratégie du Gouvernement en matière de lutte contre l’optimisation et la fraude fiscales.

Je me prononcerai seulement sur la forme : je ne suis pas sûr qu’il soit constitutionnel de demander au Gouvernement, par voie d’amendement, de créer par circulaire la cellule que vous souhaitez. Je vous invite à retirer vos amendements identiques, éventuellement pour le redéposer en vue de la séance si vous souhaitez une réponse du Gouvernement.

La commission rejette les amendements identiques.

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Article 8
(articles. L. 8115-1 et L. 8115-4 du code du travail)
Avertissement par le système d’inspection du travail

Le présent article constitue une déclinaison du principe général mis en place à l’article 2 du projet de loi d’un « droit à l’erreur » au bénéfice d’une personne, en cas de première méconnaissance involontaire d’une règle applicable à sa situation.

En l’espèce, il s’agit de reconnaître la possibilité pour l’employeur de régulariser sa situation préalablement à l’application d’une sanction administrative pécuniaire, en cas de méconnaissance de certaines règles relatives à la durée du travail, aux repos, à la détermination du salaire minimum ainsi qu’à l’hygiène et à l’hébergement des travailleurs.

I.   un dispositif d’amendes administratives mis en place dans le cadre de l’ordonnance du 7 avril 2016

L’ordonnance n° 2016-416 du 7 avril 2016 relative au contrôle de l’application du droit du travail, prise en vertu de l’habilitation votée à l’article 261 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, a profondément revu l’organisation et les pouvoirs de contrôle des agents de l’inspection du travail.

Rappelons que cet article a en particulier habilité le Gouvernement à légiférer pour « renforcer le rôle de surveillance et les prérogatives du système dinspection du travail, étendre et coordonner les différents modes de sanction et, en matière de santé et de sécurité au travail, réviser léchelle des peines ».

L’article 5 de l’ordonnance précitée a ainsi inséré un nouveau chapitre 5 au titre 1er du livre 1er de la huitième partie du code du travail, relatif aux compétences et aux moyens d’intervention de l’inspection du travail, pour créer un système d’amendes administratives destinées à réprimer certaines infractions ciblées, en l’occurrence certains manquements aux règles fondamentales du droit du travail ou certains refus de se conformer à des décisions prises en matière de sécurité au travail.

Ce nouveau chapitre 5 comporte huit articles, L. 8115-1 à L. 8115-8, qui définissent le champ et le régime des amendes administratives, ainsi que la procédure contradictoire à suivre.

● L’article L. 8115-1 délimite, tout d’abord, le champ des amendes administratives, qui s’appliquent aux infractions :

– aux dispositions relatives aux durées maximales du travail fixées aux articles L. 3121-34 à L. 3121-36 et aux mesures réglementaires prises pour leur application ;

– aux dispositions relatives aux repos fixées aux articles L. 3131-1, L. 3131-2 et L. 3132-2, et aux mesures réglementaires prises pour leur application ;

– à l’article L. 3171-2 relatif à l’établissement d’un décompte du temps de travail et aux dispositions réglementaires prises pour son application ;

– aux dispositions relatives à la détermination du salaire minimum de croissance prévues par les articles L. 3231-1 à L. 3231-11, et aux dispositions relatives au salaire minimum fixé par la convention collective ou l’accord étendu applicable à l’entreprise, et aux mesures réglementaires prises pour leur application ;

– aux dispositions prises pour l’application des obligations de l’employeur relatives aux installations sanitaires, à la restauration et à l’hébergement prévues au chapitre VIII du titre II du livre II de la quatrième partie du code du travail, dédiée à la santé et la sécurité au travail, ainsi qu’aux mesures relatives aux prescriptions techniques de protection durant l’exécution des travaux de bâtiment et génie civil prévues au chapitre IV du titre III du livre V de la même partie du code du travail pour ce qui concerne l’hygiène et l’hébergement.

La liste des infractions retenues a été établie en concertation avec des représentants des services déconcentrés de l’État et de la chancellerie, selon trois principaux critères : leur domaine, leur fréquence et la faible sensibilité actuelle des juridictions pénales.

Elles concernent, en effet, des éléments fondamentaux de la législation et du contrat de travail que constituent les temps de travail et de repos, le salaire et les conditions d’hygiène et d’hébergement, et qui se trouvent souvent en cause dans les procédures mises en œuvre aujourd’hui par les agents de contrôle : en 2011, 625 procès-verbaux traitent du repos hebdomadaire, 491 de l’hygiène, 383 de la durée maximale de travail, et 687 observations ont été adressées en matière de salaire minimum. Or, les poursuites pénales liées à ces procédures restent limitées et les délais de traitement judiciaire longs, alors même que les situations en cause relèvent parfois de l’urgence. Pour toutes ces matières, la possibilité d’infliger une amende administrative a donc semblé constituer un outil plus efficace.

L’article L. 8115-1 confie à l’autorité administrative compétente
– autrement dit, au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) – la prérogative de prononcer l’amende, « sur rapport motivé de lagent de contrôle de linspection du travail ». Cette procédure permet de garantir l’impartialité de la procédure, l’autorité responsable du prononcé n’étant pas celle procédant aux constatations, tout en préservant l’indépendance des agents de contrôle de l’inspection du travail, qui conservent l’initiative du déclenchement de celle-ci par leurs rapports motivés d’enquête.

Rappelons qu’aux termes de l’article L. 8112-1, les agents de contrôle de l’inspection du travail sont « libres dorganiser et de conduire des contrôles à leur initiative et décident des suites à leur apporter » : s’agissant des matières pouvant donner lieu à sanction administrative, en vertu du dernier alinéa de l’article L. 8113-7, les agents de contrôle doivent effectuer un choix entre la saisine du procureur de la République ou la saisine de l’autorité administrative. Dans l’hypothèse où c’est la DIRECCTE qui est saisie, l’article L. 8115-2 prévoit que celle‑ci informe par tout moyen le procureur de la République des suites données au rapport de l’inspection du travail, ce qui permet de garantir le droit d’intervention du ministère public comme des parties civiles.

● L’ensemble des infractions mentionnées à l’article L. 8115-1 peut ainsi donner lieu au prononcé d’une amende dont le montant maximal est fixé à 2 000 euros conformément à l’article L. 8115-3, cette amende pouvant être appliquée autant de fois qu’il y a de travailleurs concernés par l’infraction. En outre, ce montant plafond est doublé en cas de nouveau manquement constaté dans un délai d’un an à compter du jour de la notification de la précédente amende. L’article L. 8115-4 reconnaît à l’administration un pouvoir de modulation, puisque le DIRECCTE doit, pour fixer le montant de l’amende, tenir compte des circonstances et de la gravité du manquement, du comportement de son auteur ainsi que de ses ressources et de ses charges.

● En vertu des articles L. 8115-5 et L. 8115-7, le DIRECCTE doit, avant d’infliger une amende, respecter une procédure contradictoire, puisqu’il est tenu d’informer par écrit la personne mise en cause de la sanction envisagée, en portant à sa connaissance le manquement retenu à son encontre et en l’invitant à présenter ses observations dans un délai d’un mois. À l’expiration de ce délai, l’autorité administrative peut donc, par décision motivée, prononcer l’amende et émettre le titre de perception correspondant.

Elle doit alors informer de cette décision le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) lorsque le manquement a trait à des questions relevant de ses missions, le comité d’entreprise dans les autres cas et, à défaut, les délégués du personnel : à la faveur de la mise en place, par l’ordonnance n° 2017-1386 du 23 septembre 2017 d’une instance unique de représentation du personnel à travers le comité social et économique (CSE), à compter du 1er janvier 2018, cette information aura logiquement vocation à être adressée au CSE.

Le délai de prescription de l’action de l’administration pour la sanction du manquement par une amende est fixé à deux années révolues à compter du jour où le manquement a été commis.

L’employeur peut contester la décision de l’administration devant le tribunal administratif, à l’exclusion de tout autre recours administratif.

● Comme l’indique l’étude d’impact, au cours des quatorze mois écoulés depuis son entrée en vigueur le 1er juillet 2016 jusqu’à fin août 2017, 217 amendes administratives ont été notifiées dans les domaines relevant de l’article L. 8115-1.

II.   l’instauration d’un « rappel À la loi » prÉalable À une amende administrative

L’article 8 du présent projet de loi permet au DIRECCTE d’adresser à l’employeur un simple avertissement, en lieu et place d’une amende administrative en cas de manquement constaté par l’inspection du travail dans les matières énumérées à l’article L. 8115-1, autrement dit concernant les modalités de décompte du temps de travail, les durées maximales de travail, les repos, le salaires minima légaux ou conventionnels, ainsi que les règles applicables en matière d’hygiène, de restauration et d’hébergement des travailleurs.

Le 1° modifie l’article L. 8115-1 pour prévoir cette possibilité alternative à l’amende administrative, qui consiste donc pour le DIRECCTE à prononcer une sanction non pécuniaire, à vocation essentiellement pédagogique, de « rappel à la loi », afin de traiter les situations de méconnaissance de la part d’un employeur de bonne foi : ainsi, pour tous les manquements évoqués, au lieu de prononcer une amende administrative pouvant atteindre 2 000 euros par salarié concerné, le DIRECCTE pourra se borner à un avertissement dès lors que l’employeur est de bonne foi. En effet, le 2° modifie en conséquence l’article L. 8115-4 relatif au pouvoir de modulation de l’administration, pour préciser que celle-ci prend en compte « notamment la bonne foi », celle-ci relevant d’un élément plus général déjà pris en considération : le « comportement » de l’auteur du manquement.

D’après l’étude d’impact, dans le sillage du « droit à régularisation en cas derreur » mis en place à l’article 2 du présent projet de loi au sein du code des relations entre le public et l’administration, ce dispositif vise à consacrer un « droit à l’erreur » dans le champ du droit du travail et plus particulièrement dans les matières couvertes par l’article L. 8115-1, au bénéfice des employeurs en cas de première méconnaissance involontaire d’une règle relevant de cet article et applicable à sa situation.

Il convient de noter que la rédaction issue du présent article laisse à l’administration une latitude importante : en effet, cette rédaction n’établit pas de lien entre la bonne foi de l’employeur et l’avertissement adressé par l’autorité administrative ; elle permet simplement à l’administration, face à l’un des manquements énumérés, d’adresser un « rappel à la loi » au lieu d’infliger une amende, cette faculté n’étant pas limitée par la loi à une première méconnaissance, ni à un comportement particulier de l’employeur et, en tout état de cause, pas à sa bonne foi.

En outre, la rédaction proposée prévoit que les circonstances, la gravité du manquement, le comportement de l’employeur et notamment sa bonne foi, ainsi que ses ressources et ses charges sont prises en compte par l’administration « pour fixer le montant de lamende », mais non pas pour faire le départ entre un simple avertissement et une amende.

Tout en mettant en œuvre les principes du « droit à l’erreur » de l’article 2, le présent article respecte comme il se doit les obligations internationales de la France en matière d’inspection du travail : en effet, les articles 17 de la convention n° 81 et 22 de la convention n° 129 disposent que la loi nationale peut prévoir des exceptions au principe des poursuites légales immédiates, sans avertissement préalable pour le cas où un tel avertissement devra être donné afin qu’il soit remédié à la situation ou que des mesures préventives soient prises. Ces stipulations qui s’appliquent à « l’inspection du travail » doivent être entendues comme s’appliquant à l’ensemble du mécanisme d’inspection du travail français, lequel confie à la DIRRECTE le pouvoir de sanction, sur proposition des agents de contrôle.

Sous réserve des propositions tendant à préciser ses modalités d’application, le présent article étend donc utilement les principes fondateurs du projet de loi au champ de l’inspection du travail.

III.   La position de la commission speciale

La Commission spéciale a adopté deux amendements de précision à l’intiative du rapporteur, d’une part, et du groupe La République en Marche, d’autre part, qui tirent les conséquences de la création de l’avertissement respectivement en matière d’éléments à prendre en compte par l’administration dans le prononcé des sanctions (art. L. 8115-5 du code du travail) et quant aux recours juridictionnels applicables à celles-ci (art. L. 8115-6 du même code).

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La commission se saisit de lamendement CS517 de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. Si notre amendement CS517 propose de supprimer l’article 8, c’est qu’il ne nous plaît pas du tout : cet article vise à mettre en place un droit à l’erreur pour une entreprise qui aurait gravement enfreint le droit du travail. Actuellement, si une entreprise est reconnue coupable par l’inspection du travail d’un manquement aux dispositions qui encadrent le repos, le salaire minimum ou encore la durée du temps de travail, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) peut lui infliger une amende d’un montant maximal de 2 000 euros par travailleur concerné – mais sans montant minimum. Cela signifie que l’administration peut d’ores et déjà infliger une sanction modérée ou ne pas en infliger si elle estime que l’employeur est de bonne foi.

En plus de réduire les droits et la protection des salariés avec les ordonnances réformant le code du travail, le Gouvernement autorise, par cet article, qu’on les bafoue impunément sur des sujets essentiels comme la durée maximale de travail, le temps de repos, le salaire minimal ou les règles d’hygiène, de restauration et d’hébergement. En autorisant les entreprises à contrevenir aux règles essentielles du droit du travail, l’article 8 constitue une énième attaque contre la protection des salariés.

M. le rapporteur. Les arguments que vous avancez me paraissent contradictoires. Vous prétendez que cet article affaiblirait les possibilités de sanction offertes à l’inspection du travail… tout en affirmant que cela ne change rien, puisqu’elle peut déjà prononcer une sanction limitée ou ne pas en prononcer si elle estime que l’employeur est de bonne foi.

Je combats ces deux arguments. Tout d’abord, un avertissement ne signifie pas l’impunité. L’avertissement est une sanction administrative réelle, qui permet de prendre en compte les cas les plus bénins, normalement visés par l’article L. 8115-4 du code du travail. Ensuite, c’est bien une nouveauté, inspirée de ce qui existe par exemple dans le champ de la sécurité sociale. Elle permet à l’administration de signaler une méconnaissance réelle, mais qui ne justifie pas pour autant, notamment compte tenu de l’attitude de l’entreprise concernée, une sanction financière.

Cet article, qui repose sur le principe « un carton jaune avant le carton rouge » désormais bien connu, me paraît donc équilibré et permet des sanctions plus adaptées à la réalité.

Mme Sabine Rubin. Dans ces conditions, nous déposerons peut-être un amendement pour inscrire l’existence du carton rouge dans la loi !

M. le rapporteur. Ce carton rouge existe déjà, chère collègue.

La commission rejette lamendement.

Elle se saisit ensuite de lamendement CS595 de M. Yves Daniel.

M. Yves Daniel. Il s’agit de restreindre le champ d’application de la notion de modulation aux entreprises de moins de 300 salariés. Les entreprises de plus de 300 salariés, toujours dotées de conseils juridiques et fiscaux, sont en mesure d’appliquer les règles et lois en vigueur.

M. le rapporteur. C’est avant tout pour une raison de principe que je suis défavorable à cet amendement. Le dispositif instauré par l’article 8 vise à permettre aux DIRECCTE de prononcer une sanction administrative et aux entreprises de corriger des anomalies mineures. Je ne vois pas pourquoi des entreprises à l’effectif plus important seraient exclues de son champ. Même de grandes entreprises peuvent être concernées par de telles anomalies mineures, et le dispositif me paraît tout à fait vertueux, puisqu’il permet de leur délivrer un avertissement et de les inciter à corriger la situation. Je ne suis pas favorable à la distinction que vous introduisez.

Il appartient à l’administration d’évaluer précisément chaque situation et le contexte dans lequel des erreurs ont pu être commises. Bien sûr, elle peut prendre en compte cette meilleure connaissance du droit qui peut caractériser une grande entreprise, mais ne lui retirons pas le droit d’en juger.

M. Yves Daniel. Compte tenu des explications fournies, je retire mon amendement.

Lamendement CS595 est retiré.

La commission examine lamendement CS920 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement tire les conséquences de cette faculté de délivrer un avertissement dont nous dotons les DIRECCTE.

La commission adopte lamendement CS920.

Elle en vient à lamendement CS652 de M. Laurent Saint-Martin.

M. Laurent Pietraszewski. Il s’agit d’harmoniser les voies de recours prévues pour les deux niveaux de sanction prévus par l’article L. 8115-1 du code du travail : l’amende et l’avertissement, qui est aussi une sanction, sérieuse et réelle quoique non pécuniaire. Elle doit pouvoir donner lieu à recours.

M. le rapporteur. Je suis favorable à cet amendement, qui introduit une cohérence entre les textes en vigueur et les dispositions que nous venons d’adopter.

La commission adopte lamendement CS652.

Puis elle adopte larticle 8 modifié.

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Après l’article 8

La commission examine lamendement CS570 de M. Mohamed Laqhila.

M. Mohamed Laqhila. La déclaration sociale nominative (DSN) permet de transmettre les informations salariales de manière dématérialisée. En revanche, au moment où l’employeur décide d’embaucher, il est contraint d’envoyer sa déclaration préalable à l’embauche par voie postale. Cet amendement vise donc à faciliter la vie des entrepreneurs en leur permettant de transmettre ce document via la DSN.

M. le rapporteur. Lors de la conception de la DSN en 2011, il n’était effectivement pas prévu d’y inclure la déclaration préalable d’embauche. Le Gouvernement m’a indiqué que subsistaient des obstacles techniques mais que le groupement d’intérêt public qui conduit les travaux aura pour objectif cette inclusion à horizon 2020.

Je vous invite donc à retirer cet amendement, éventuellement pour le redéposer en vue de la séance ; le Gouvernement pourrait alors vous préciser la nature des travaux menés. En tout cas, vous partagez le même objectif d’inclusion à relativement court terme.

Lamendement est retiré.

La commission se saisit de lamendement CS568 de M. Mohamed Laqhila.

M. Mohamed Laqhila. La phase 3 de déploiement de la DSN a nécessité de lourds investissements pour les entreprises. La plupart des organismes complémentaires ont adapté leurs systèmes d’information mais certains d’entre eux, récalcitrants, n’appliquent pas la loi alors qu’ils sont tenus d’accepter les DSN ; du coup, les entreprises doivent continuer de leur envoyer des déclarations papier.

Mon amendement CS568 vise à contraindre les organismes concernés à se mettre en conformité avec la loi et à sanctionner toute infraction.

M. le rapporteur. Effectivement, certains organismes ne se sont pas encore mis en conformité avec la loi en matière de DSN. Le Gouvernement m’a indiqué qu’un bilan serait fait pour l’année 2017. Les conséquences en seront tirées. Des mesures réglementaires et même des sanctions pourront être prises.

Je propose, cher collègue, que nous nous en tenions là pour l’instant. Je vous invite à retirer votre amendement, mais vous pourrez le redéposer en vue de la séance, afin d’avoir un échange avec le Gouvernement.

M. Mohamed Laqhila. Je retire, à regret, cet amendement.

Mme Cendra Motin. Rappelons le temps qu’il a fallu à certains organismes pour passer des normes DADS-TDS et DADS-CRC à la norme DADS-U… Prévue par une loi de 1986, celle-ci n’a vu le jour que bien plus tard, au cours des années 2000 ! Un peu de contrainte pourrait nous aider à aller plus vite, à faire gagner de l’argent aux entreprises et à l’État.

Lamendement est retiré.

La commission se saisit de lamendement CS674 de M. Paul Molac.

M. Hervé Pellois. Cet amendement poursuit un triple objectif : faciliter la prise en charge des maladies professionnelles pour les victimes ; délier de la procédure en réparation les employeurs qui n’ont pas exposé leurs salariés aux risques ; réduire les risques de contentieux juridique induits par l’emploi des seniors ou des personnes ayant précédemment travaillé dans des activités à risque.

Actuellement, dans la pratique, seul le dernier employeur de la personne est visé par une instruction ouverte pour maladie professionnelle, qu’il ait ou non exposé cette personne au risque prédéterminé. Cette pratique heurte de prime abord la réglementation comme la jurisprudence, selon laquelle la maladie professionnelle est imputable non pas au dernier employeur mais au dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque.

Je propose donc de compléter l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale par un alinéa ainsi rédigé : « Lorsque la maladie est reconnue d’origine professionnelle, l’indemnisation complémentaire mentionnée dans les articles L. 452-1 à L. 452-3 est récupérée par la caisse auprès du dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque professionnel, avant sa constatation médicale, sauf à cet employeur à rapporter la preuve contraire. Les modalités de récupération des sommes redevables et d’obligation d’information de l’employeur concerné qui incombent à la caisse sont déterminées par décret. »

M. le rapporteur. Les constats que vous faites sont avérés. Si le lien entre l’amendement et l’objet du texte que nous examinons n’est pas assez fort pour que j’émette un avis favorable, la question n’en est pas moins importante. Le Gouvernement mène d’ailleurs une concertation avec les partenaires sociaux en vue d’aboutir à un texte. C’est en tout cas une affaire à suivre, peut-être dans le cadre de la commission des affaires sociales.

Je vous propose, cher collègue, de retirer votre amendement au profit d’une vigilance accrue sur les travaux conduits par le Gouvernement sur ce sujet important.

Lamendement est retiré.

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Chapitre II
Une administration qui sengage

Article 9
(articles L. 312-2, L. 312-2-1 [nouveau], L. 552-8, L. 562-8 et L. 572-8 du code des relations entre le public et l’administration)
Publication et opposabilité des circulaires et instructions

Le présent article a pour objet d’assurer la pleine effectivité de l’obligation de publier les circulaires et instructions administratives et de consacrer leur opposabilité au profit du public lorsqu’elles émanent de l’État.

I.   L’État du droit

● Pour organiser son bon fonctionnement, exposer les principes d’une politique ou appliquer des lois et règlements, l’administration peut prendre différents types de mesures :

– les instructions constituent des lignes de conduite dans la mise en œuvre d’une politique déterminée. Elles permettent à l’administration, « sans renoncer à exercer son pouvoir dappréciation, (…) et sans édicter aucune condition nouvelle (…), de définir des orientations générales en vue de diriger » son activité ([34]). Les orientations générales qu’elles énoncent lui sont opposables et un requérant peut en principe s’en prévaloir devant un juge, si elles sont publiées([35]) ;

– les circulaires sont des actes unilatéraux, internes à l’administration, et ne modifient pas l’ordonnancement juridique. Elles indiquent la manière d’appliquer certaines dispositions législatives et règlementaires. Conformément à une jurisprudence constante, les circulaires ne sont pas opposables lorsque qu’elles se contentent d’interpréter une loi ou un règlement et ne font pas grief ([36]). En revanche, lorsque les circulaires présentent un caractère impératif, un recours est recevable contre elles, à condition qu’elles aient été publiées.

Il est en outre possible pour un usager d’invoquer, sous certaines conditions, la doctrine de l’administration et d’être garanti contre ses changements. C’est ainsi le cas, de longue date, en matière fiscale. L’article L. 80 A du livre des procédures fiscales permet en effet à tout contribuable de se prévaloir des « instructions ou circulaires publiées ». Concrètement, l’administration explicite les textes fiscaux en publiant, au « Bulletin officiel des finances publics-Impôts (BOFiP-Impôts), des instructions, circulaires ou notes qui forment ainsi la « doctrine » fiscale, applicable à tous les contribuables.

● L’article L. 312-2 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA) prévoit une obligation de publier « les instructions, les circulaires ainsi que les notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives ».

Lorsque ces documents émanent des ministres, le pouvoir réglementaire a organisé une double publication, à la fois dans un bulletin officiel et sur le site internet www.circulaires.gouv.fr :

– l’article R. 312-3 du CRPA prévoit ainsi que les circulaires et instructions et autres documents administratifs mentionnés à l’article L. 312-2 « émanant des administrations centrales de lÉtat sont, (…), publiés dans des bulletins ayant une périodicité au moins trimestrielle et comportant dans leur titre la mention " Bulletin officiel " ». L’article R. 312-7 du CRPA précise en outre que cette publication intervient dans un délai de quatre mois maximum suivant la date du document ;

– l’article R. 312-8 du même code, introduit par le décret n° 2008-1281 du 8 décembre 2008, dispose que « les circulaires et instructions adressées par les ministres aux services et établissements de lÉtat sont tenues à la disposition du public sur un site internet relevant du Premier ministre. Elles sont classées et répertoriées de manière à faciliter leur consultation ». À défaut de publication sur ce site, les actes en question ne sont pas opposables aux usagers, précise en outre ce même article.

Selon l’étude d’impact du projet de loi, 1 173 circulaires et instructions ont été déposées entre le 1er janvier et le 31 décembre 2016 sur le site circulaires.gouv.fr, soit en moyenne 98 textes par mois. En revanche, interrogé par votre rapporteur, le Gouvernement n’est pas en mesure de fournir un chiffre précis sur le stock de circulaires et d’instructions non publiées.

Le décret n° 2008-1281 du 8 décembre 2008 a par ailleurs prévu que les circulaires et instructions déjà signées sont « réputées abrogées » si elles nont pas été reprises sur le site internet à la date du 1er mai 2009. Le Conseil d’État a tiré les conséquences de cette règle en l’appliquant de manière rigoureuse. Il a ainsi jugé qu’un recours dirigé contre une circulaire ministérielle qui n’a pas été publiée sur le site www.circulaire.gouv.fr à la date du 1er mai 2009 perd son objet car la circulaire « doit être regardée comme abrogée à compter du 1er mai 2009 » et la remise en ligne de ce texte n’a « pas eu pour effet de la remettre en vigueur » ([37]).

II.   Le dispositif proposÉ

● Le I du présent article complète l’article L. 312-2 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA) pour prévoir que les instructions et circulaires qui nont pas été publiées sont réputées abrogées. Cela signifie que cette disposition, prévue à l’article R. 312-8 du CRPA pour les seuls actes ministériels, sera désormais applicable à lensemble des actes de ladministration, que ce soit les administrations de l’État, les collectivités territoriales ou les organismes de sécurité sociale. Les modalités de cette publication seront précisées par décret.

● Le II insère, après l’article L. 312-2 du CRPA, un nouvel article L. 312‑2-1 aux termes duquel toute personne peut se prévaloir, sous réserve des droits des tiers, des instructions, circulaires et notes ministérielles mentionnés au premier alinéa de l’article L. 312-2 du CRPA, dès lors qu’elles ont été produits par les administrations centrales de l’État et publiés sur des sites internet désignés par décret (alinéa 5).

Il s’agit, par-là, de consacrer au profit des usagers l’opposabilité de ces documents, et d’étendre ainsi à l’ensemble des secteurs de l’administration ce qui existe aujourd’hui en matière fiscale, avec la doctrine fiscale. C’est la première fois que la loi consacre ainsi, de manière générale, lopposabilité au profit des administrés de la doctrine administrative. Elle ne concernera en revanche, contrairement au I du présent article, que la doctrine émanant de l’administration centrale, et non pas de l’ensemble de l’administration.

Ainsi, tout usager pourra se prévaloir de l’interprétation, même erronée, d’une règle, opérée par cette doctrine administrative ministérielle, pour son application à une situation qui n’affecte pas les tiers, tant que cette interprétation n’a pas été modifiée (alinéa 6). Cet article répond ainsi à une double exigence de cohérence de l’action de la puissance publique et de respect de ses propres énoncés, ce qui apporte aux usagers une sécurité dans l’application et l’interprétation des règles de droit positif.

Ce droit à se prévaloir des instructions et circulaires publiées sera cependant écarté dans le cas où il heurterait l’application de règles visant à assurer la sécurité des biens et des personnes ainsi que la préservation de la santé et de l’environnement (alinéa 7).

III.   la position de la commission spÉciale

Après avoir adopté quelques amendements rédactionnels de votre rapporteur, la commission spéciale a approuvé l’ensemble du dispositif prévu par cet article.

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La commission examine les amendements identiques CS8 de M. Julien Aubert et CS272 de M. Éric Pauget.

M. Frédéric Reiss. L’article L. 312-2 du code des relations entre le public et l’administration prévoit que les instructions, les circulaires ainsi que les notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives doivent faire l’objet d’une publication. Étant donné que cette obligation n’est pas ou peu respectée, l’article 9 prévoit que ces documents sont réputés abrogés s’ils ne sont pas publiés, ce qui est malheureusement souvent le cas.

L’amendement CS8 vise à préciser un délai, en rendant automatique l’abrogation des textes concernés s’ils n’ont pas été publiés dans un délai d’un mois.

M. Éric Pauget. L’amendement CS272 a le même objet.

M. le rapporteur. L’article 9 vise à abroger les instructions et circulaires qui ne sont pas publiées. Elles ne seront pas applicables, et l’administration ne pourra s’en prévaloir. Ce n’est pas la question des délais qui importe. En fait, nous posons un principe beaucoup plus fort : si l’instruction ou la circulaire n’est pas publiée, elle est réputée abrogée et n’entre donc pas en application. Je ne vois pas l’intérêt de fixer un délai. D’une certaine manière, le principe édicté est plus fort que cela. Je suis défavorable aux amendements qui visent à fixer un délai : en fait, ils constituent presque un affaiblissement du principe que nous posons.

M. Éric Pauget. À partir de quand la circulaire est-elle abrogée ?

M. le rapporteur. C’est encore plus simple que cela : tant qu’elle n’est pas publiée, elle n’est pas applicable. Si un ministre souhaite qu’une instruction ministérielle soit appliquée, à lui de faire en sorte qu’elle soit publiée dans les conditions prévues à l’article 9 ; alors seulement, elle sera opposable aux usagers. Tant qu’elle n’est pas publiée, elle ne l’est pas. Pour moi, il n’est pas nécessaire d’introduire un délai.

D’une certaine manière, l’article règle la question du stock d’instructions et de circulaires qui ne sont pas publiées : d’un coup, d’un seul, nous les rendons caduques si elles ne sont pas publiées. Une fois cette loi promulguée, les ministères qui voudront appliquer certaines circulaires ou instructions devront forcément les publier.

La commission rejette les amendements identiques CS8 et CS272.

Puis elle examine lamendement CS292 de M. Gaël Le Bohec.

M. Gaël Le Bohec. Cet amendement est dans la même logique que les deux précédents, mais, pour ma part, j’ai bien envie que les circulaires prises à la suite de l’adoption de cette loi et d’autres soient publiées. Albert Schweitzer, à qui fut décerné le prix Nobel en 1952, disait que l’exemplarité n’était pas une façon d’influencer, mais c’est bien la seule ! À l’administration, à son plus haut niveau, d’être exemplaire, de s’engager dans l’application des lois, et d’engager le citoyen à les appliquer. Quel sens peut avoir une loi qui n’est pas suivie de ses textes d’application ?

M. le rapporteur. Cet amendement ne diffère des amendements identiques CS8 et CS272 que par le délai qu’il instaure. J’y suis donc pareillement défavorable.

La commission rejette lamendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CS676 et CS679 du rapporteur.

Elle examine ensuite les amendements identiques CS151 de M. Fabrice Brun et CS777 de Mme Jeanine Dubié.

M. Fabrice Brun. La modification proposée par l’amendement CS151 a pour objet de rendre applicable le principe de l’opposabilité des circulaires à tous les domaines du droit. À quel titre, dans certains domaines du droit, l’administration aurait-elle la possibilité de ne pas s’engager ? Elle aurait donc le droit de se tromper, et ce serait à l’administré d’en supporter les éventuelles conséquences… Une telle insécurité juridique n’est pas supportable. C’est pourquoi nous proposons de supprimer l’alinéa 7 de l’article 9, qui crée tellement d’exceptions qu’il vide de son sens le texte que nous examinons.

Mme Jeanine Dubié. Je propose également par mon amendement CS777 de supprimer l’alinéa 7 afin de consacrer un droit des administrés à l’opposabilité des documents administratifs émanant des administrations centrales et publiés sur un site internet dédié.

M. le rapporteur. Je suis défavorable à ces amendements, qui témoignent sans doute d’une incompréhension. L’alinéa 7 dispose que les dispositions du présent article, relatives à la publication des instructions et des circulaires, « ne peuvent pas faire obstacle à lapplication des dispositions législatives ou réglementaires visant à préserver la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou lenvironnement ». Cela ne veut pas dire que les instructions et circulaires ne sont pas opposables en ces domaines : le principe de l’opposabilité s’applique bien à tous les domaines du droit. L’alinéa vise simplement à faire primer les dispositions visant à préserver la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l’environnement, sur les normes existantes. Il s’agit simplement d’une exception de précaution pour préserver des intérêts fondamentaux et indiscutables, il ne s’agit pas d’affaiblir le principe d’opposabilité des documents.

La commission rejette les amendements identiques.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CS749, CS684 et CS725 du rapporteur.

Elle adopte larticle 9 modifié.

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Article 10
(articles L. 141-1 [nouveau], L. 552-3, L. 562-3 et L. 572-1 du code des relations
entre le public et l’administration)
Généralisation de la pratique des prises de position formelles
par l’administration

Le présent article a pour objet de généraliser la pratique du rescrit administratif, c’est-à-dire des prises de position formelles par l’administration sur l’application d’une norme.

I. l’État du droit : UNE PRATIQUE QUI S’Étend À un nombre croissant de secteurs

1.   Un dispositif qui contribue à la sécurité juridique

Dans son étude de 2013, le Conseil d’État définit le rescrit comme « une prise de position formelle de ladministration, qui lui est opposable, sur lapplication dune norme à une situation de fait décrite loyalement dans la demande présentée par une personne et qui ne requiert aucune décision administrative ultérieure » ([38]).

S’il n’existe pas de définition juridique du rescrit dans les textes normatifs ou la jurisprudence, la définition ainsi faite par le Conseil d’État permet d’en préciser l’originalité :

– le rescrit présente la particularité de conférer un effet juridique à une simple prise de position de l’administration qui, en principe, est dépourvue d’un tel effet. La délivrance d’un rescrit constitue une garantie d’autant plus forte pour l’auteur d’une demande que, tant qu’il n’est pas remis en cause – notamment par une modification des normes sur le fondement desquelles il a été établi – il lie l’administration, même si la position adoptée par celle-ci méconnaît le droit en vigueur ;

– cette position ne lie cependant ladministration quà légard de lauteur de la demande : le rescrit est un instrument individuel d’application de la norme à une situation particulière, et non un outil général d’interprétation de la norme. Il se distingue à cet égard des circulaires et des instructions générales de l’administration ;

– le rescrit est enfin le fruit dun dialogue entre le demandeur et ladministration. Par essence, un rescrit est le résultat d’une demande, laissée à la totale discrétion de l’usager, à laquelle l’administration est ensuite tenue de répondre.

Ainsi que le résume le Conseil d’État : « Point de rencontre entre un engagement de ladministration et la demande de lusager, le rescrit, dont le principe cardinal repose sur une relation de confiance et de loyauté entre un demandeur de bonne foi et une administration à lécoute des besoins ressentis, apparaît comme une formule pertinente pour sécuriser des projets avant leur réalisation ». Il constitue en effet une réponse adaptée pour répondre au besoin de sécurité juridique exprimé par les porteurs de projet et les usagers de l’administration face à un environnement juridique de plus en plus complexe, foisonnant et mouvant.

Dans son étude, le Conseil d’État classait les rescrits selon trois catégories :

– le « rescrit créance », qui consiste à « prémunir son bénéficiaire dune action administrative ex post qui aurait pour effet de mettre à sa charge une somme dargent, que celle-ci prenne la forme dun rehaussement dimpositions ou de cotisations sociales » ;

 le « rescrit prévention de sanctions administratives », qui vise à « garantir au demandeur que, sil adopte le comportement décrit dans sa demande, il ne se verra pas infliger une sanction administrative à raison de son comportement » ;

– le « rescrit dispense de toute décision administrative », qui permet au porteur de projet de savoir, lorsque la réglementation ne lui semble pas claire, si son projet relève d’un régime d’autorisation ou de déclaration préalable ou s’il peut être mis en œuvre librement sans avoir à requérir une décision administrative.

2.   Un champ d’application qui touche désormais de nombreux secteurs

Initialement cantonné au domaine fiscal, le champ du rescrit sest considérablement accru au cours de ces dernières années, à la suite notamment de l’étude du Conseil d’État précitée mais aussi du rapport de M. Thierry Mandon ([39]). Il comprend désormais les trois types de rescrit recensés par l’étude du Conseil d’État.

● En matière fiscale, le rescrit « général » a été introduit au 1° de l’article L. 80 B du livre des procédures fiscales par la loi du 8 juillet 1987 ([40]) : il prémunit le contribuable contre tout risque de rehaussement de son imposition « lorsque ladministration a formellement pris position sur lappréciation [in concreto] dune situation de fait au regard dun texte fiscal ». Ce rescrit est qualifié de « général » car il peut porter sur toute question concernant l’assiette, le taux ou la liquidation de l’ensemble des impositions régies par le code général des impôts. Depuis le 1er  juillet 2009, l’administration doit en principe répondre dans un délai de trois mois suivant le dépôt d’une demande écrite et complète. Cependant, elle n’est pas tenue d’indiquer les raisons pour lesquelles elle refuse d’instruire une demande. Son silence ne vaut pas accord implicite et n’est pas susceptible de recours.

L’article L. 80 B du livre des procédures fiscales prévoit plusieurs types de rescrits, par exemple sur les dépenses éligibles au crédit d’impôt recherche (3°), sur l’application du régime dérogatoire propre aux jeunes entreprises innovantes (4°) ou encore sur la méthode de détermination des prix de transferts d’entreprises (7°). Sans citer tous les autres dispositifs prévus par le livre des procédures fiscales, on peut également mentionner le rescrit « mécénat » prévu par l’article L. 80 C, qui permet aux associations et fondations de s’assurer qu’elles relèvent de l’une des catégories leur permettant de faire bénéficier leurs donateurs d’une réduction d’impôts.

Les rescrits fiscaux sont plébiscités : 17 917 demandes ont ainsi été traités par l’administration en 2016, essentiellement pour le rescrit « général » et le rescrit « mécénat ».

● Le rescrit a été ensuite introduit en matière douanière par l’article 29 de l’ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale. L’article 345 bis du code des douanes étend en effet le mécanisme du rescrit « général », qui concerne les seules impositions régies par le code général des impôts, aux contributions indirectes recouvrées sur le fondement du code des douanes : taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), octroi de mer, taxe sur les véhicules routiers, etc. Environ 9 000 rescrits sont délivrés chaque année par les services douaniers.

● Le rescrit social a été introduit par l’ordonnance du 6 juin 2005 relative à la garantie des droits des cotisants ([41]). L’article L. 243-6-3 du code de la sécurité sociale prévoit ainsi un mécanisme de rescrit permettant à tout cotisant ou futur cotisant, en sa qualité d’employeur (mais aussi, depuis 2009, de travailleur indépendant) d’obtenir, dans un délai déterminé, de son organisme de recouvrement (Unions de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d’Allocations Familiales – URSSAF ; Caisse générale de sécurité sociale – CGSS – outre-mer), une prise de position explicite sur sa situation au regard de l’application d’une réglementation, qu’il pourra opposer ultérieurement à cet organisme.

En l’absence de réponse dans un délai de trois mois, l’organisme de recouvrement ne peut pas effectuer, au titre de la période de retard qui lui incombe, de redressement de cotisations et de contributions sociales fondé sur la législation au regard de laquelle la situation de fait exposée dans la demande a été tardivement appréciée. 590 réponses ont été adressées par les organismes sociaux en 2016.

● En matière de marchés financiers, les articles 121-1 à 121-3 du Règlement général de l’Autorité des marchés financiers (AMF) permettent à un opérateur, préalablement à la réalisation d’une opération, d’adresser une demande écrite à l’AMF sur l’interprétation dudit règlement général. L’AMF est alors tenue d’indiquer sous trente jours si l’opération envisagée est conforme à son règlement. Cet avis, qui est opposable à l’AMF, fait systématiquement l’objet d’une publicité dans la revue mensuelle de l’AMF et sur son site internet.

● Plus récemment, enfin, l’ordonnance du 10 décembre 2015 ([42]), prise en application d’une habilitation délivrée par la loi du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises ([43]), a introduit la pratique du rescrit administratif dans de nombreux nouveaux secteurs, notamment :

– dans le domaine de la consommation, l’article L. 113-3-3 du code de la consommation met en place un dispositif de prise de position formelle de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour les professionnels quant à l’information sur les prix qu’ils donnent au consommateur ;

– l’article L. 331-4-1 du code rural et de la pêche maritime institue une procédure de rescrit dans le cadre du contrôle des structures des exploitants agricoles, afin de permettre à une personne qui envisage une reprise de biens pour y exercer une activité agricole de demander à l’autorité compétente, en amont de la réalisation du projet, si celui-ci nécessite une autorisation d’exploiter, une simple déclaration préalable ou bien s’il peut être mis en œuvre librement ;

– en droit du travail, l’article L. 2242-5-2 du code du travail permet, par exemple, à une entreprise de demander à l’administration du travail une prise de position formelle quant à la conformité de son accord ou, à défaut d’accord, de son plan d’action relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Interrogé par votre rapporteur, le Gouvernement n’a pas été en mesure à ce stade de fournir d’éléments chiffrés sur la mise en œuvre de ces nouveaux types de rescrits.

II. le dispositif proposÉ : gÉnÉraliser la pratique du rescrit

Le présent article vise à généraliser la pratique du rescrit, aujourd’hui ciblée et sectorielle, à l’ensemble du champ d’intervention de l’administration.

● Il crée pour cela un nouvel article L. 141-1 au sein du code des relations entre le public et l’administration. Cela signifie que, comme pour l’ensemble des dispositions de ce code, qu’il s’agira d’un droit applicable à lensemble de ladministration. Il sera également supplétif, c’est-à-dire qu’il ne s’appliquera qu’en l’absence d’autre disposition expressément prévue par la loi, et que les rescrits en matière fiscale, douanière ou dans le secteur de la consommation continueront à s’appliquer dans les conditions actuellement en vigueur.

En faisant ce choix de la généralisation, le Gouvernement entend transformer en profondeur la relation des usagers avec l’administration, dans la lignée de la généralisation du droit à l’erreur introduit par l’article 2 du présent projet de loi. Le Conseil d’État avait adopté une position plus prudente en 2013, rappelée dans l’avis qu’il a rendu sur le projet de loi, en invitant à définir avec précision les nouveaux domaines dans lesquels pourrait s’appliquer le rescrit administratif. Le dispositif proposé s’inspire de plusieurs exemples étrangers, notamment des États-Unis, où la pratique des declaratory rulings est largement utilisée depuis 1969 ([44]).

La rédaction du nouvel article L. 141-1 reprend la définition inscrite dans l’article 9 de la loi du 20 décembre 2014 : il s’agit, pour l’administration de « prendre formellement position sur lapplication de règles de droit à une situation de fait ». Il est également précisé que ce dispositif ne s’appliquera qu’à ladministration de lÉtat ou à lun de ses établissements publics : les collectivités locales ne disposeront donc pas de cette faculté (alinéa 4).

● L’article renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de préciser le délai dans lequel l’administration sera tenue de répondre au demandeur. La question des délais de réponse est primordiale mais est fonction de la diversité des enjeux. Pour les porteurs de projet, par exemple, plus la procédure de rescrit est engagée en amont, plus cet instrument est précieux pour le demandeur mais moins il est précis – car le projet n’est pas encore engagé – et donc moins sécurisant. Le rescrit ne sera pas applicable dans le cadre d’une procédure de contrôle ou de contentieux, afin de ne pas entraver l’action de l’administration ou de la justice (alinéa 5).

● L’article précise également que la prise de position formelle cesse de produire ses effets en cas de changement des circonstances de fait ou de droit existantes à la date à laquelle elle a été émise (alinéas 7 à 9). Il s’agit par là d’inscrire dans la loi deux effets du rescrit, analysés par le Conseil d’État dans son étude précitée :

– le rescrit a un effet relatif : la garantie qu’il apporte ne vaut que tant qu’elle s’applique aux éléments décrits dans la demande de l’administré ;

– le rescrit offre une garantie limitée qui peut être remise en cause pour l’avenir, par notamment un changement de législation.

● Enfin, le présent article précise que les rescrits ne pourront pas faire obstacle à l’application de dispositions législatives ou réglementaires « visant à préserver la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou lenvironnement » (alinéa 10).

Le propre de la prise de position formelle étant, par la garantie qu’elle apporte, d’entraver la capacité d’action future de l’administration, il est notamment exclu d’instituer un rescrit en matière pénale, en raison des exigences constitutionnelles qui s’attachent à l’indépendance de la justice. Selon la même logique, il est n’est pas envisageable de créer des rescrits qui porteraient atteinte à des intérêts fondamentaux. Dans son étude, le Conseil d’État citait en exemple la sécurité nationale, la protection des libertés, la défense, la politique extérieure, la santé et la salubrité publique ou encore la protection des mineurs. La rédaction retenue par le projet de loi permet de s’assurer que les dispositions contenues dans les rescrits émis par l’administration ne viendront pas primer sur des dispositions visant à préserver la santé publique, la sécurité ou l’environnement.

III. la position de LA COMMISSION SpÉciale

La commission spéciale a adopté un amendement de votre rapporteur qui fixe dans la loi un délai maximal de délivrance du rescrit de six mois, le décret en Conseil d’État prévu par le présent article pouvant ensuite moduler cette durée selon les administrations et les secteurs concernés.

Les auditions ont en effet montré qu’il était difficile de fixer un délai uniforme pour l’ensemble des administrations, comme l’avaient souhaité plusieurs parlementaires, et qu’il était plus pertinent de fixer simplement dans la loi un délai « plafond », étant entendu qu’il serait souhaitable que la norme se situe plutôt autour de trois mois. Cette question des délais de réponse est, en tout état de cause, centrale, et les administrations devront faire connaître aux usagers leurs délais de réponse, selon des modalités de publicité adaptées. Cela fera l’objet d’un suivi attentif de la part des parlementaires lors de la mise en œuvre de la loi.

À l’intiative de Mme Alice Thourot et de plusieurs députés du groupe La République en marche, la commission spéciale a également adopté un amendement qui précise que labsence de réponse de ladministration dans le délai précisé par le décret en Conseil dÉtat vaut approbation de la prise de position formelle. Votre rapporteur estime cependant que cette disposition risque d’être peu opérante dans la mesure où les demandes de rescrit n’appellent pas forcément de réponse univoque de la part de l’administration.

C’est pour cela que l’article 11 du projet de loi prévoit, à titre expérimental et dans des domaines qui seront précisés, que les usagers pourraient joindre à leur demande un projet de prise de position formelle et que, dans ce cas, le silence de l’administration pendant un certain délai vaudrait approbation du projet de prise de position. Il aurait été probablement plus sécurisant de s’en tenir à cette seule disposition.

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La commission se saisit de lamendement CS572 de M. Mohamed Laqhila.

M. Mohamed Laqhila. L’usage individuel du rescrit est une très bonne manière de faciliter les relations entre l’administration et les usagers, mais, très souvent, ces derniers font appel à des structures collectives, associations ou syndicats, qui connaissent bien les situations des administrés et la complexité de certaines réponses. Elles interviennent régulièrement auprès des services de l’État, et leur donner la possibilité d’utiliser le rescrit permettrait d’apporter des réponses à un nombre plus grand d’usagers. C’est la raison pour laquelle mon amendement CS572 propose d’étendre l’usage du rescrit aux organisations ou groupements professionnels ou associatifs.

M. le rapporteur. Je ne suis pas favorable à cet amendement. Tout d’abord, je ne vois pas comment élargir le champ de l’article 10. Toute personne peut effectivement faire la demande d’un rescrit. Ensuite, par nature, le rescrit doit s’appliquer à une situation donnée. Il doit être circonstancié, c’est le principe même du rescrit. Le principe d’un « rescrit généralisé » reviendrait à en faire une circulaire, ou une ligne directrice ; ce n’est plus le même dispositif. Et qu’en serait-il de l’égalité ? Les membres d’une association ou d’un corps professionnel pourraient bénéficier du rescrit, tandis que ceux qui n’en sont pas membres n’en bénéficieraient pas.

La commission rejette lamendement.

Elle se saisit ensuite de lamendement CS571 de M. Mohamed Laqhila.

M. Mohamed Laqhila. Le rôle des autorités administratives indépendantes est d’assurer la régulation, c’est-à-dire le fonctionnement harmonieux d’un secteur précis dans lequel le Gouvernement ne veut pas intervenir directement.

Cette mission implique la prise d’actes organisant le secteur, soumettant les entreprises à des règles et les sanctionnant le cas échéant, mais aussi prenant en compte les demandes et les besoins des acteurs de ce secteur. C’est là une des particularités de ces autorités administratives indépendantes (AAI), qui, plus que l’administration « classique », doivent établir des relations de confiance avec les acteurs des domaines qu’elles ont la charge de réguler.

C’est pourquoi il semble opportun que les acteurs soumis à ces régulateurs puissent les interroger efficacement via le dispositif du rescrit. Tel est le sens de l’amendement CS571.

M. le rapporteur. La possibilité que vous proposez d’ouvrir, cher collègue, a été écartée du projet de loi, car l’expérience montre que le rescrit de l’Autorité des marchés financiers (AMF) est très peu utilisé par les professionnels du secteur, peut-être parce qu’ils disposent déjà de conseils et de services juridiques compétents. Par ailleurs, rien n’interdit aux autorités administratives indépendantes de proposer des consultations ou des avis aux professionnels du secteur qu’elles sont chargées de réguler. Je ne vois donc pas l’intérêt d’ouvrir cette nouvelle possibilité dans la loi.

La commission rejette lamendement.

La commission examine lamendement CS921 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit d’une question très importante. Cet amendement a trait, en effet, au délai dans lequel l’administration sera tenue de répondre aux demandes de rescrit. Le bon sens voudrait a priori que ce délai
– trois mois, six mois… – soit le même pour toutes les administrations. Or celles-ci sont confrontées à des questions de nature différente. Il me semble donc pertinent que chacune d’entre elles propose, en connaissance de cause, un délai adapté, qui sera fixé par décret, et assure auprès des administrés la publicité de ses rescrits. Néanmoins, l’amendement CS921 prévoit un délai plafond – six mois – que ces différents délais ne pourront excéder.

La commission adopte lamendement CS921.

Puis elle examine les amendements identiques CS221 de Mme Véronique Louwagie, CS237 de M. Fabrice Brun et CS553 de M. Jean-Luc Lagleize.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement CS221 propose que l’administration réponde dans un délai maximal de trois mois, soit celui prévu pour un rescrit fiscal, aux demandes de prise de position formelle qui lui sont adressées.

M. Fabrice Brun. Nous avons eu l’occasion de le dire à l’article 1er, le texte n’accorde pas une place suffisante à la réduction des délais imposés à l’administration. C’est pourquoi mon amendement CS237 vise à fixer à l’administration un délai maximal de trois mois pour répondre à une demande de prise de position formelle sur l’application des règles de droit prévue à l’article 10, ce délai correspondant à celui prévu pour le rescrit fiscal.

M. Mohamed Laqhila. Ce délai maximal de trois mois, actuellement applicable au rescrit fiscal, me paraît suffisant. D’où l’amendement CS553.

M. le rapporteur. Comme je l’ai indiqué, imposer un délai uniforme de trois mois à toutes les administrations ne me paraît pas réaliste ; je préfère que chaque administration s’engage à fixer ce délai. J’ajoute qu’il faut inciter les administrations à assurer la publicité de leurs rescrits car, actuellement, les administrés ne connaissent pas leur existence. Bruno Parent nous indiquait ainsi que l’administration fiscale n’était pas, selon lui, suffisamment sollicitée, bien qu’il s’agisse d’un véritable outil de sécurisation juridique. Il me semble que sa popularisation et sa généralisation feront véritablement avancer les choses. Avis défavorable.

La commission rejette ces amendements.

Elle est ensuite saisie de lamendement CS21 de M. Arnaud Viala.

Mme Véronique Louwagie. Lorsqu’un administré adresse une question précise sur sa situation à une administration, il ne reçoit fréquemment, en guise de réponse, que des éléments très généraux, souvent des circulaires, qui ne lui apportent aucune précision et laissent ses questions sans réponse. Il vous est donc proposé par l’amendement CS21 de préciser que la réponse de l’administration doit être personnalisée et circonstanciée.

M. le rapporteur. Avis défavorable. La réponse à une demande de rescrit est par nature circonstanciée. Au demeurant, il ne me paraît pas adapté d’inscrire dans la loi que cette réponse doit être « circonstanciée et personnalisée ». Ce serait un peu comme préciser que le Parlement doit voter sérieusement la loi…

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine lamendement CS22 de M. Arnaud Viala.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement CS22 propose de substituer à la notion de « délai raisonnable » un délai équivalent au maximum à celui dont dispose l’administré pour déclarer, compléter, répondre ou fournir des pièces justificatives. Cet amendement est donc analogue à celui que notre collègue Laqhila a défendu à ce sujet et que j’avais soutenu. La notion de « délai raisonnable » permet une appréciation subjective : je ne suis pas certaine que ce caractère raisonnable soit interprété de la même manière quelles que soient les circonstances.

M. le rapporteur. J’émettrai deux réserves. Tout d’abord, l’amendement n’a pas de lien direct avec l’article 10, puisqu’il porte sur toutes les procédures qui établissent un rapport direct entre l’administré et l’administration, et non la seule demande de prise de position formelle. Ensuite, la notion de réciprocité peut paraître relever du bon sens, mais la nature des charges qui incombent respectivement à l’administration et à l’administré n’est pas la même. Cette notion me semble donc dénuée de fondement juridique.

La commission rejette lamendement.

Elle est ensuite saisie de lamendement CS541 de Mme Alice Thourot.

Mme Alice Thourot. L’article 10 dispose que « l’administration répond, dans un délai fixé par décret en Conseil d’État », à toute demande de rescrit. Par cet amendement, nous proposons que si elle garde le silence pendant ce même délai, ce silence vaut décision d’acceptation. Il est en effet indispensable d’encadrer le délai dans lequel l’administration doit apporter une réponse à la demande formulée par toute personne physique ou morale sur sa situation personnelle car, en l’état actuel des choses, ses délais de réponse sont parfois incompatibles avec les exigences de la vie économique.

M. le rapporteur. De même que nous avons fait le choix, à l’article 2, d’instaurer un droit à l’erreur le plus général possible, il me paraît important que le principe du rescrit soit généralisé au maximum, comme cela est prévu à l’article 10. Or, à cet égard, il serait imprudent d’adopter cet amendement car il nous ferait manquer cet objectif. Avis défavorable.

La commission adopte lamendement CS541.

Puis elle examine les amendements identiques CS152 de M. Fabrice Brun et CS779 de Mme Jeanine Dubié.

M. Fabrice Brun. Je vous ferai grâce des arguments que j’ai déjà développés aux articles 2 et 9. Ce sont les mêmes qui me conduisent, par cet amendement CS152, à proposer la suppression de l’alinéa 10 de l’article 10.

Mme Jeanine Dubié. Mon amendement CS779 vise à rendre opposable toute prise de position formelle de l’administration, y compris celles qui concernent des règles destinées à assurer la sécurité des personnes et des biens ainsi que la préservation de la santé et de l’environnement.

M. le rapporteur. Comme à l’article 9, l’opposabilité des prises de position formelles s’appliquera à tous les domaines de l’administration, mais les dispositions qui concernent les domaines fondamentaux – l’environnement, la santé publique et la sécurité – primeront toujours sur un rescrit. Avis défavorable.

La commission rejette ces amendements.

Elle adopte ensuite lamendement rédactionnel CS763 du rapporteur.

Puis elle adopte larticle 10 modifié.

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Article 11
Expérimentation de l’approbation implicite des prises de position formelles

I.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article vise à permettre une expérimentation, pour une durée de trois ans, relative aux rescrits administratifs : la personne qui saisit l’administration pourra rédiger elle-même une prise de position formelle, qu’elle joint à sa demande et, en l’absence de réponse de cette dernière dans un délai de trois mois, ce projet de prise de position sera réputé approuvé.

Cette expérimentation ne s’appliquera qu’aux nouveaux rescrits introduits par l’article 10 du présent projet de loi, le régime des rescrits fiscaux, douaniers ou sociaux existants étant inchangé.

Il s’agit là d’un dispositif qui s’inspire du régime de deux rescrits fiscaux :

– le rescrit relatif aux jeunes entreprises innovantes, prévu au 4° de l’article L. 80 B du livre des procédures fiscales, où le silence de l’administration pendant trois mois vaut reconnaissance de ce statut ;

– le rescrit relatif à l’abus de droit fiscal, prévu à l’article L. 64 B du livre des procédures fiscales, où l’administration dispose de six mois pour répondre.

Comme le souligne l’étude d’impact du projet de loi, « labsence de prise de position expresse de ladministration est constitutive dinsécurité juridique pour ladministré ». La maîtrise des délais dinstruction constitue un enjeu majeur de lattractivité de la procédure du rescrit, soulignait le Conseil d’État dans son étude : si le temps d’examen est trop long, il peut remettre en question l’opération envisagée. À l’inverse, s’il est trop bref, il peut conduire l’administration à apporter une réponse négative, ou à demeurer silencieuse, et rejeter implicitement la demande.

En laissant trois mois à l’administration pour répondre à un projet de prise de position, sous peine de son approbation implicite, le présent article introduit une disposition particulièrement novatrice, qui renforce les garanties offertes aux usagers, particuliers et entreprises, et qui conduira l’administration à s’organiser pour instruire rapidement les demandes.

À cet égard, seule l’expérimentation permettra d’évaluer la pertinence du délai de trois mois, qui pourrait sembler bref dans des cas complexes. Elle fera l’objet d’une évaluation dont les résultats seront présentés au Parlement.

Un décret en Conseil d’État devra préciser les modalités d’application du présent article.

II.   La position de la commission spÉciale

L’expérimentation est une bonne solution, qui permettra d’évaluer la pertinence du principe selon lequel le silence de l’administration vaut approbation. La commission spéciale a adopté cet article moyennant un amendement rédactionnel de votre rapporteur.

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La commission examine lamendement CS518 de M. Ugo Bernalicis.

Mme Sabine Rubin. L’article 11 dispose que, pour certaines prises de position formelles prévues à l’article 10, le dispositif suivant sera expérimenté pendant trois ans. L’administré pourra joindre à sa demande de rescrit un projet de réponse ; l’absence de réponse de l’administration sous trois mois vaudra accord. Or cet article nous semble soulever des problèmes particulièrement graves.

Pour commencer, il remet en cause des principes énoncés pour le droit au contrôle et la généralisation de la pratique du rescrit bancaire. D’une part, l’administration est tenue de répondre si le demandeur est de bonne foi et, d’autre part, s’agissant du droit au contrôle, « les services ne sont pas tenus de donner suite aux demandes qui compromettraient leur fonctionnement ou les mettraient dans limpossibilité matérielle de mener à bien leur programme de contrôle. » Or toutes ces nouvelles missions confiées à l’administration se heurtent au problème central du manque de moyens. Ce problème est, du reste, soulevé par le Conseil d’État, qui estime, dans son avis, « que ce dispositif, dont le champ dapplication est extrêmement vaste, pourrait porter atteinte au bon fonctionnement de ladministration dès lors quil prévoit que celle-ci est tenue de faire droit à cette demande dans un délai raisonnable sans tenir suffisamment compte de ses moyens et de ses effectifs. » Il relève également « que les moyens des services de lÉtat ont souvent été fortement réduits et ne lui permettent pas toujours dassumer ses missions premières, au risque dexposer la responsabilité de lÉtat et la responsabilité pénale de ses agents. » Il y a donc un risque réel que le manque de moyens entraîne de fait des validations de projets inacceptables.

M. le rapporteur. L’article 11, dont vous ne remettez pas en cause la finalité, est très intéressant en ce qu’il permet d’aller plus loin que l’article 10, puisque l’auteur de la demande de rescrit pourra soumettre un projet de réponse à l’administration. Cette disposition est donc précisément de nature à alléger la charge cette dernière. Vous soulevez cependant la question des moyens de l’administration. Je rappelle à cet égard qu’il s’agit d’une expérimentation et qu’il faudra définir les champs dans lesquels cette possibilité sera offerte. Je crois donc que la sagesse de cette disposition est précisément de nature à répondre à votre interrogation. C’est la raison pour laquelle je suis défavorable à votre amendement.

La commission rejette lamendement.

Puis elle adopte lamendement rédactionnel CS764 du rapporteur.

Elle est ensuite saisie des amendements identiques CS238 de M. Fabrice Brun et CS555 de M. Jean-Luc Lagleize.

M. Fabrice Brun. L’amendement CS238 vise à préciser que l’évaluation de l’expérimentation comportera un volet consacré à l’impact du dispositif sur les délais administratifs. J’insiste en effet sur la nécessité d’accorder plus de place dans ce texte à la réduction des délais. Plus que jamais, le temps, c’est de l’argent !

M. Mohamed Laqhila. L’amendement CS555 est défendu.

M. le rapporteur. Ces amendements ont une finalité louable, qui est du reste partagée, mais leur nécessité ne me paraît pas évidente : une évaluation de l’expérimentation est prévue et, dans le cadre du conseil de la réforme, nous veillerons à ce qu’elle ait un contenu qualitatif, notamment s’agissant de l’impact du dispositif sur les délais administratifs. Je suis donc défavorable à ces amendements, même si j’en partage l’objectif.

La commission rejette ces amendements.

Elle examine ensuite lamendement CS597 de M. Yves Daniel.

M. Yves Daniel. Il s’agit d’un amendement de cohérence et de logique puisqu’il vise à associer le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques aux missions d’évaluation de la future loi.

M. le rapporteur. Rien n’empêchera le comité d’évaluation et de contrôle de se saisir de l’évaluation de l’application de la loi. Je ne crois donc pas nécessaire de l’inscrire dans la loi. Pour cette raison de pure forme, je suis défavorable à votre amendement.

La commission rejette lamendement.

Puis elle adopte larticle 11 modifié.

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Article 12

(articles L. 114-11 [nouveau], L. 552-3, L. 562-3 et L. 572-1 du code des relations
entre le public et l’administration)
Certificat d’information sur les normes applicables

Le présent article vise à permettre la délivrance, par l’administration, de certificats d’information sur les normes applicables, pour permettre aux porteurs de projet de connaître leur environnement normatif avant de lancer leur activité.

I.   l’État du droit

● « Qu’il s’agisse d’agrandir son exploitation agricole, de construire un bâtiment, de créer une société de service ou de rénover un site industriel, le porteur de projet est aujourd’hui confronté à des difficultés importantes pour identifier l’ensemble des normes qui lui sont applicables, comprendre quelles en sont les implications sur sa situation personnelle, prévoir les évolutions possibles des règles, évaluer la faisabilité de son projet. […] La complexité et linstabilité de la norme ralentissent la mise en œuvre des projets et nuisent à lattractivité économique de la France. Elles ont un coût économique diffus qui se traduit par les mille détours qu’elles font emprunter à l’entreprise : étude de la législation, recherche de conseil et d’expertise, procédures administratives et contentieuses, erreurs et régularisations […] Le développement d’instruments juridiques est nécessaire pour éviter que le porteur de projet ait le sentiment d’avoir été victime d’un changement d’appréciation imprévisible de l’administration, d’une modification trop brutale de la règle, d’une complexité inutile ou tout simplement de ne pas avoir obtenu de réponse. L’acceptation des complexités nécessaires passe par la simplification des complications inutiles et par une offre d’instruments de sécurité juridique permettant, dans la mesure du possible, au porteur de projet d’anticiper l’application de la norme ».

Cet extrait de l’étude du Conseil d’État de 2013 ([45]) résume parfaitement les témoignages des différents entrepreneurs, représentants d’associations ou usagers entendus par votre rapporteur sur cette question.

Ce constat est partagé de longue date et les nombreux rapports écrits sur ce sujet ont tous souligné le volume et la complexité des normes applicables aux entreprises. Pour n’en citer que quelques-uns, le rapport de la mission de lutte contre l’inflation normative ([46]), remis au Premier ministre le 26 mars 2013, avait ainsi évalué à 400 000 le stock total de normes applicables en France (normes législatives, règlementaires et techniques). Parmi celles-ci, on compte plus de 35 000 normes techniques publiées ([47]), lesquelles sont destinées à imposer des règles de conduites ou à fournir des bonnes pratiques dans des domaines extrêmement variés de l’activité des entreprises et des collectivités.

Mais, outre le stock de normes applicables, c’est aussi leur instabilité qui freine les porteurs de projet, qu’il s’agisse d’entreprises, de particuliers ou d’associations, pour démarrer une activité nouvelle.

● Pour permettre aux porteurs de projet de connaître leur environnement normatif, il a été mis en place très récemment un instrument juridique nouveau : le certificat de projet.

Introduit à l’article L. 181-6 du code de l’environnement par l’article 1er de l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale, ce dispositif, limité dans son champ d’application, ouvre la possibilité, pour le porteur d’un projet soumis à autorisation environnementale, de se voir délivrer un certificat de projet ayant pour objet de lui indiquer les régimes, décisions et procédures qui relèvent de l’autorité administrative compétente pour l’autorisation environnementale et qui sont applicables au projet à la date de sa demande, ainsi que la situation du projet au regard des dispositions relatives à l’archéologie préventive.

Si les indications figurant dans le certificat de projet ne peuvent être invoquées à l’appui d’un recours contre l’autorisation environnementale ultérieurement délivrée, elles engagent cependant la responsabilité de l’administration lorsque leur inexactitude a porté préjudice au bénéficiaire du certificat.

Interrogé par votre rapporteur, le Gouvernement n’a pas été en mesure de fournir d’éléments chiffrés sur la mise en œuvre du certificat de projet.

II.   lE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article vise à créer un nouvel instrument juridique au profit des porteurs de projet, proche du certificat de projet en matière environnementale : le certificat d’information.

● Il s’agit de permettre à tout usager d’obtenir, de la part de l’administration, une information préalable sur l’ensemble des règles applicables régissant l’exercice de l’activité qu’il entend exercer (alinéa 4).

L’administration saisie délivrera le certificat d’information, lequel mentionnera l’ensemble des règles qu’elle a mission d’appliquer et qui sont spécifiquement applicables à l’activité du demandeur à la date de son émission (alinéa 5).

Dans le cas où ce document comporterait des indications incomplètes ou erronées, le titulaire du certificat pourra rechercher la responsabilité de l’administration à raison des éventuels préjudices qui en résulteraient (alinéa 5).

En revanche, le certificat d’information ne sera pas opposable à l’administration et son titulaire ne pourra donc pas se dédouaner de l’application d’une règle obligatoire qui ne figurerait pas dans ce document ou dans l’hypothèse où ce document comporterait une erreur. Contrairement au certificat d’urbanisme, par exemple, qui permet de figer l’application de la réglementation pendant une durée déterminée ([48]), le certificat d’information a une ambition plus limitée et ne « cristallise » pas les normes applicables pendant la durée du projet. Comme le souligne l’étude d’impact, « les entreprises restent ainsi tenues de se conformer à lensemble des obligations légales, quand bien mêmes elles ne figureraient pas dans le certificat dinformation. »

Le dispositif a une vocation généraliste, ce qui justifie son introduction dans le code des relations entre le public et l’administration. Son champ d’application sera précisé par un décret en Conseil d’État, ainsi que les conditions et modalités de délivrance du certificat (alinéa 6). Une attention particulière devra être également être portée au choix des autorités compétentes pour délivrer ces certificats.

Ce choix, précise l’étude d’impact, « répond à la nécessité que le périmètre des activités concernées soit fixé de manière très concrète et quil évolue au plus près des besoins identifiés par ladministration et des attentes exprimées par les acteurs économiques. »

La même étude d’impact donne quelques pistes : « il est, par exemple, envisagé de proposer un certificat dinformation pour les demandes dhomologation de formation conduisant à des diplômes dans le champ du sport, un certificat pour lexercice de la profession darchitecte. Les règles attachées à la fabrication, lacquisition, la détention, limportation et lexportation du matériel de guerre pourraient, pareillement, donner lieu à lémission dun tel certificat. »

● Ainsi défini, le certificat d’information se veut un outil au service des porteurs de projet, afin que ces derniers ne consacrent pas un temps excessif à déterminer l’ensemble des normes nécessaires au lancement de leurs activités. Par rapport aux directives, circulaires ou lignes directrices, sa valeur ajoutée pour les usagers réside dans sa capacité à répondre précisément à un besoin circonstancié. Il leur permet également de ne plus porter seuls le poids de la complexité administrative et consacre le rôle d’accompagnement et de conseil de l’administration.

Mais s’il contribue à créer un environnement juridique plus sécurisant, il ne crée cependant pas de droit nouveau au profit du public, et ne le garantit pas contre un changement de la norme.

Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État estime que le certificat d’information, parce qu’il ne permet notamment pas de « cristalliser » la norme pendant la durée du projet, ne se distingue finalement pas d’autres outils existants, comme les circulaires. Les auditions de votre rapporteur, en présence de plusieurs de ses collègues, ont également permis d’entendre un point de vue inverse sur le risque inhérent à un processus de cristallisation du droit qui serait associé à ce certificat d’information.

III.   LA POSITION DE LA COMMISSION SPÉciale

Après avoir longuement débattu de l’opportunité de prévoir une « cristallisation » des normes recensées dans le certificat d’information, la commission spéciale a adopté l’article 12.

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La commission adopte lamendement rédactionnel CS771 du rapporteur.

Elle examine ensuite lamendement CS23 de M. Arnaud Viala.

Mme Véronique Louwagie. Il s’agit de définir les modalités de rédaction du certificat d’information. En effet, et on s’aperçoit que, dans les procédures pour lesquelles celui-ci existe déjà, l’administration opte pour une lecture maximaliste, en surinterprétant éventuellement la demande qui lui est adressée, et demande à l’administré de fournir des éléments qui ne lui seraient pas demandés s’il ne s’engageait pas dans une procédure déclarative antérieure au lancement de son activité. Ainsi, lorsque, dans le cadre d’une procédure environnementale, il est demandé à la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) un certificat de projet, celle-ci définit le cadre le plus contraignant pour disposer de toutes les marges de manœuvre lors de l’instruction. Nous vous proposons donc, par l’amendement CS23, de préciser que le certificat doit être rédigé par l’administration de manière suffisamment circonstanciée et adaptée au cas qui lui est soumis.

M. le rapporteur. Je comprends et je partage, sur le fond, votre préoccupation ; le retour d’expérience concernant les certificats de projet est, à cet égard, intéressant. Mais le Gouvernement fait montre de sagesse en renvoyant au décret la définition des modalités de délivrance du certificat d’information et des secteurs dans lesquels ce certificat pourra être demandé. Je crois donc que nous devrons plutôt être vigilants lors de la mise en œuvre du dispositif. Votre amendement relevant davantage du domaine réglementaire que du domaine législatif, j’y suis défavorable pour une raison de forme, mais je suis très favorable à ce que nous suivions de près la mise en œuvre de ces certificats d’information.

M. Gérald Darmanin, ministre de laction et des comptes publics. Défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite lamendement CS811 du rapporteur.

M. le rapporteur. Rédactionnel.

M. le ministre. Favorable.

La commission adopte lamendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques CS389 de M. Julien Aubert, CS613 de M. Philippe Gosselin et CS780 de Mme Jeanine Dubié, ainsi que les amendements CS781 de Mme Jeanine Dubié et CS768 de M. Stéphane Mazars.

M. Fabrice Brun. L’amendement CS389 est défendu.

M. Philippe Gosselin. L’amendement CS613 vise à renforcer la sécurité juridique du certificat d’information en précisant qu’il cristallise les règles qui lui sont applicables pendant un an. Chacun pourra ainsi s’y retrouver facilement.

Mme Jeanine Dubié. Si vous m’y autorisez, madame la présidente, je défendrai en même temps l’amendement CS780 et le CS781. Il s’agit, pour le premier, de préciser que le certificat d’information cristallise, à l’instar du certificat d’urbanisme, les règles applicables à la situation pendant un délai de douze mois. Le second a le même objet, à ceci près que nous proposons de limiter ce délai à six mois.

M. Jean Terlier. L’amendement CS768 a presque le même objet que les précédents, puisque je propose, quant à moi, de fixer à dix-huit mois la durée du délai durant lequel le certificat cristallise le droit.

M. le rapporteur. Ces amendements soulèvent une excellente question. Je dois dire que j’étais moi-même assez favorable à ce que le certificat d’information cristallise le droit pendant un certain délai. Mais les avis sont contradictoires sur ce point. L’ancien préfet M. Duport, par exemple, que nous avons auditionné, y est plutôt hostile, pour des raisons qui tiennent au respect du principe d’égalité devant la loi ; il jugerait préférable de retarder l’application d’un certain nombre de décrets. Néanmoins, c’est un sujet dont nous aurions tort de nous désintéresser. C’est la raison pour laquelle je présenterai plus loin un amendement proposant qu’une expérimentation soit menée en la matière. Je demanderai donc aux auteurs des amendements de les retirer au profit de celui que j’ai déposé.

M. le ministre. Même avis que le rapporteur.

M. Philippe Gosselin. Je ne crois pas que ce dispositif romprait le principe d’égalité dans la mesure où les pétitionnaires seront dans des situations juridiques différentes. Cependant, je saisis la perche que nous tend le rapporteur et je retire l’amendement CS613.

Lamendement CS613 est retiré.

M. Fabrice Brun. Je maintiens le CS389.

Mme Jeanine Dubié. Je retire les amendements CS780 et CS781, compte tenu des explications du rapporteur.

M. Jean Terlier. Je retire également l’amendement CS768.

Les amendements CS780, CS781 CS768 sont retirés.

La commission rejette lamendement CS389.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques CS222 de Mme Véronique Louwagie, CS239 de M. Fabrice Brun, CS600 de M. Philippe Gosselin, ainsi que lamendement CS557 de M. Jean-Luc Lagleize.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement CS222 a trait, comme beaucoup d’autres, à une question de délais. Ceux-ci font en effet l’objet d’une véritable préoccupation. Or, le texte intervient peu dans ce domaine, et on peut le regretter. En l’espèce, il vous est proposé de prévoir un délai maximal de deux mois après la réception de la demande de l’usager pour la délivrance du certificat d’information.

M. Fabrice Brun. Les délais, toujours les délais… L’amendement CS239 vise à fixer un délai maximal pour la délivrance du certificat d’information, délai qui ne pourra excéder deux mois si M. le rapporteur et M. le ministre veulent bien accorder quelque crédit à nos propositions.

M. Philippe Gosselin. La question des délais est en effet un élément très important de la simplification administrative. Nous ne savons pas calculer la durée des calendes grecques, mais nous proposons par l’amendement CS600 de fixer celle des calendes françaises à deux mois, soit un délai communément admis et largement usité.

M. le rapporteur. La question des délais est évidemment essentielle. Je défendrai, en séance publique, un amendement qui ressemble à celui que nous avons adopté concernant le rescrit. Dès lors que les certificats d’information seront délivrés dans des secteurs d’activité différents, je ne suis pas favorable à la fixation d’un délai uniforme qui s’appliquerait à l’ensemble d’entre eux. Je vous proposerai donc de fixer un plafond de six mois, afin d’éviter toute dérive, et de renvoyer au décret la fixation d’un délai adapté à chacun des domaines dans lesquels ils seront délivrés.

M. Nicolas Turquois. Nous sommes, quant à nous, beaucoup plus généreux, puisque, par l’amendement CS557, nous proposons de fixer ce délai à trois mois.

M. le rapporteur. Fixer un plafond ne signifie pas que ce délai maximal sera systématiquement retenu dans les décrets. Je propose en tout cas que nous veillions à ce qu’il n’en soit pas ainsi au moment de leur rédaction.

M. le ministre. La question des délais est évidemment importante – je n’y reviendrai pas. Je suis sensible au compromis proposé par le rapporteur. Je précise toutefois que cette question relève du domaine réglementaire ; si le Parlement fixait les délais de l’administration, nous ferions une mauvaise loi qui encourrait la censure du Conseil constitutionnel. Je vous propose donc de m’engager, lors de l’examen du texte en séance publique, sur la durée des délais qui seront fixés par décret. Nous respecterions ainsi la distinction entre les domaines de la loi et du règlement.

M. le rapporteur. C’est une bonne proposition. Dans ce cas, je déposerai un amendement fixant un plafond de six mois et je vous inviterai, monsieur le ministre, à nous indiquer les délais que vous envisagez de fixer par décret pour chaque administration.

M. Philippe Gosselin. Je remercie M. le ministre pour cette avancée. Toutefois, monsieur le rapporteur, un plafond de six mois me paraît assez élevé. Certes, qui peut le plus, peut le moins, mais, souvent, en matière réglementaire, qui peut le plus, peut le plus… Un délai de quatre mois – celui au terme duquel le silence de l’administration vaut rejet, même si les règles ont évolué récemment – me semblerait préférable. Tope là !

M. le rapporteur. Sans jouer au marchand de tapis, monsieur Gosselin, je ferai un pas vers vous, en vous proposant de fixer le plafond à cinq mois (Sourires) et de m’en remettre, pour le ou les mois suivants, aux engagements que prendra le ministre en séance publique.

La commission rejette les amendements identiques, de même que lamendement CS557.

Puis elle adopte larticle 12 modifié.

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Article 12 bis (nouveau)
Expérimentation de la « cristallisation » des normes comprises dans les certificats d’information

Issu d’un amendement de votre rapporteur, le présent article vise à permettre une expérimentation de la « cristallisation » des normes recensées dans les certificats d’information.

Si le certificat d’information créé par l’article 11 contribue à la sécurité juridique des porteurs de projet, il ne les garantit en effet pas contre un changement de la norme.

Cet article prévoit donc, sur le modèle du certificat d’urbanisme, que les règles applicables à l’exercice d’une activité ne pourront être remises en cause pendant une durée de douze mois à compter de l’emission du certificat d’information. Il s’agit ainsi de prémunir ceux qui veulent lancer une activité à la suite de cette demande d’information de tout changement de norme pendant ce délai.

Compte tenu de la variété des activités potentiellement concernées, il apparaît préférable de prévoir une simple expérimentation, pour une durée de trois ans, et qui fera l’objet d’une évaluation transmise au Parlement à son issue.

Un décret en Conseil dÉtat précisera les activités concernées par cette expérimentation.

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La commission examine lamendement CS922 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit, comme je l’ai indiqué tout à l’heure, de proposer, à titre expérimental, que le certificat d’information cristallise le droit.

M. le ministre. Je n’ai pas pu assister à l’ensemble de la discussion, mais j’ai entendu les explications de M. le rapporteur et je suis d’accord sur ce qu’il a dit. Si un problème se posait, j’y reviendrai en séance. J’émets donc pour l’heure un avis de sagesse positif…

La commission adopte lamendement CS922.

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Article 13
(article L. 423-2 [nouveau] du code des relations entre le public et l’administration)
Création de comités afin de favoriser le recours aux transactions

Le présent article vise à créer des comités afin de favoriser le recours par l’administration à la transaction.

I.   L’État du droit

● Depuis le début des années 1990 et une étude du Conseil d’État, l’administration s’efforce de développer les procédures amiables. Dans une circulaire du 6 février 1995, le Premier ministre avait rappelé que la transaction ([49]) permettait, d’une part, une gestion économe des deniers publics et, d’autre part, d’alléger la charge de travail des juridictions. Aussi, il était enjoint aux services de s’efforcer de « recourir à la transaction pour résoudre les conflits dans tous les cas où, compte tenu des circonstances de fait et de droit, il apparaît clairement que lÉtat a causé un préjudice et doit lindemniser. » Cette capacité à transiger est en effet de nature à renforcer la capacité de négociation de l’administration lorsqu’elle engage une démarche amiable.

● Le recours à ce mode de règlement des litiges n’a cependant pas connu le développement espéré : selon l’étude d’impact du projet de loi, l’agent judiciaire de l’État ([50]) a conclu, pour les années 2015 et 2016 seulement 295 transactions alors que, dans le même temps, il enregistrait 7 894 décisions de justice le concernant.

La circulaire du 7 septembre 2009 relative au recours à la transaction partage ce constat d’échec : « les conditions dans lesquelles il peut être envisagé de transiger semblent mal appréhendées par les personnes publiques. Le contenu souhaitable et la portée exacte des contrats de transaction paraissent également méconnus. Les transactions sont fréquemment perçues comme induisant des risques importants, notamment sur le plan pénal. Le comportement des comptables publics est présenté comme un obstacle à lexécution de ces contrats : des comptables exigeraient à tort leur homologation par le juge ou lémission dun ordre de réquisition par lordonnateur. »

II.   Le dispositif proposÉ

Le présent article vise à encourager le recours à la transaction par l’administration. Il s’attelle pour cela à lever un des obstacles au recours à cette pratique : la responsabilité personnelle du signataire de la transaction pour le compte de l’État.

À cette fin, il est introduit un nouvel article L. 432-2 au code des relations entre le public et l’administration afin de prévoir la mise en place, au sein de ladministration de lÉtat, de comités de transaction. Ces derniers auront la charge d’émettre un avis préalable sur le principe du recours à la transaction et le montant de celle-ci. S’il suit l’avis de ce comité, le signataire de la transaction sera déchargé de sa responsabilité personnelle.

Le dispositif ainsi proposé vise à sécuriser juridiquement le recours à la transaction et à rassurer le signataire de la convention, qui sera ainsi appuyé par un comité. Ce comité, précise l’étude d’impact, pourra comprendre des représentants de l’administration spécialisés dans le domaine de compétence concerné ou disposant d’une expertise juridique particulière, ainsi que des experts désignés en fonction de la nature du litige. Ainsi constitué, ce comité devrait permettre d’appréhender la probabilité que l’administration encourt une sanction pécuniaire.

Un décret en Conseil d’État précisera la composition des comités ainsi que le montant à partir duquel leur consultation sera obligatoire. Ce montant pourrait être très variable d’un service à l’autre, et sera fixé à l’issue d’une concertation interministérielle.

Ainsi défini, le recours à la transaction se limitera aux seuls cas où l’administration s’expose à un risque de sanction pécuniaire. Il serait probablement opportun d’élargir le recours à la transaction à d’autres cas de figure, afin de prendre notamment en compte la situation des usagers.

III.   La position de la commission spÉciale

La commission spéciale a adopté un amendement du groupe La République en marche qui a pour objet :

– d’une part, d’élargir les cas d’hypothèses permettant à l’administration de recourir à la transaction. Dans le projet de loi initial, seul était envisagé le cas où l’administration s’exposait à un risque de sanction pécuniaire. Désormais, elle pourra recourir à la transaction également dans le cas où elle serait créancière, ce qui doit contribuer à lui faire adopter une attitude bienveillante à l’égard des usagers, et qui correspond pleinement à la philosophie du projet de loi ;

– d’autre part, d’élargir les conditions de recours au comité afin qu’il puisse être consulté quel que soit le montant de la transaction envisagé. Cette saisine du comité sera toutefois facultative.

Ces deux dispositions répondent pleinement à la volonté de développer les procédures amiables affichée par ce projet de loi.

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La commission examine, en discussion commune, les amendements CS661 de M. Laurent Saint-Martin et CS911 du rapporteur.

Mme Stéphanie Kerbarh. L’amendement CS661 a pour objet, d’une part, d’élargir les cas dans lesquels le comité créé par l’article 13 peut intervenir, afin de couvrir toutes les hypothèses de transaction sans distinguer selon que l’administration serait créancière ou débitrice, et, d’autre part, de préciser que le comité peut intervenir quel que soit le seuil fixé par décret et non pas, comme le prévoit l’article, uniquement si la transaction litigieuse est supérieure à ce seuil.

M. le rapporteur. Je suis extrêmement favorable à cet amendement, au profit duquel je retirerai mon amendement CS911, qui est similaire. La transaction est la suite logique de la médiation, que nous aborderons ultérieurement. Pour tout ce qui relève des zones grises, c’est-à-dire les cas dans lesquels l’administration ignore quelle pourrait être la décision du juge, il peut être intéressant pour elle de recourir à la transaction. Or, la rédaction actuelle limite cette possibilité, ce qui est dommage. La suppression du risque d’une sanction pécuniaire de l’administration me semble donc vertueuse à cet égard.

Par ailleurs, il me semble également intéressant que, pour les petits montants, qui n’excèdent pas le seuil fixé par décret, l’agent administratif puisse saisir le conseil pour recueillir un avis collégial et, d’une certaine manière, engager sa responsabilité. Il s’agit, au fond, de privilégier le bon sens en encourageant les agents à prendre des initiatives, dès lors qu’elles sont en faveur de l’administration et de l’administré.

M. le ministre. Avis favorable à l’amendement CS661.

Lamendement CS911 est retiré.

La commission adopte lamendement CS661.

Lamendement CS912 du rapporteur est retiré.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette lamendement CS24 de M. Arnaud Viala.

Lamendement CS689 de M. Laurent Saint-Martin est retiré.

La commission adopte larticle 13 modifié.

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Article 14
Renforcement du rescrit douanier

L’article 14 du présent projet de loi renforce le rescrit en matière douanière, rapprochant la procédure de celle du rescrit fiscal.

I.   l’État du droit

1.   Le rescrit douanier prévu à l’article 345 bis du code des douanes

La possibilité d’interroger l’administration douanière a été ouverte dès 1923 par la Convention de Genève portant sur la simplification des formalités administratives. Afin de « libérer le commerce du fardeau des formalités douanières inutiles, excessives ou arbitraires » ([51]), les entreprises des États signataires pouvaient interroger, via leur représentation diplomatique, les services douaniers d’un autre État avec lequel elles projetaient de commercer.

Toutefois, ce dispositif n’organisait qu’une faculté de questionnement de l’administration des douanes, sans garanties pour l’entreprise puisque l’interprétation donnée n’était pas opposable.

Depuis 2005([52]), l’article 345 bis du code des douanes pose le principe de l’opposabilité à l’administration des douanes, par le redevable, de la doctrine et des décisions de cette dernière relatives à l’assiette des droits et taxes perçus selon les modalités de ce code. Il transpose la procédure du rescrit fiscal en matière douanière.

La garantie prévue par cet article interdit à l’administration des douanes de constater par voie d’avis de mise en recouvrement et de recouvrer des droits et taxes :

– lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l’interprétation que l’administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu’elle n’avait pas rapportées à la date des opérations constituant le fait générateur des droits et taxes (paragraphe I de l’article 345 bis) ;

– lorsque l’administration a formellement pris position sur l’appréciation d’une situation de fait au regard d’un texte fiscal (paragraphe II de l’article 345 bis).

La garantie prévue par le paragraphe I ne constitue pas un rescrit dans la mesure où l’administration ne se prononce pas sur une situation de fait mais in abstracto. L’interprétation de la règle de droit que l’administration douanière a fait connaître par voie d’instructions ou de circulaires publiées fait obstacle à des rehaussements d’imposition, au recouvrement de taxes et droits indirects.

La procédure de rescrit prévue par le paragraphe II permet aux redevables de solliciter l’administration douanière pour obtenir son point de vue sur les opérations qu’ils envisagent de réaliser. L’administration doit alors se conformer à son appréciation initiale si elle a pris formellement position sur une situation de droit ou de fait au regard d’un texte fiscal.

Ce « rescrit douanier » s’applique « aux droits et taxes perçus et recouvrés selon les modalités du code des douanes », à l’exclusion de l’octroi de la mainlevée des marchandises et de la dette douanière tels que définis par la réglementation européenne.

En matière de contributions indirectes prévues par le code général des impôts, la DGDDI met en œuvre la procédure de rescrit de l’article L. 80 B du livre des procédures fiscales.

2.   Le rescrit douanier est moins protecteur que les rescrits fiscaux

a.   Le délai de réponse de l’administration des douanes n’est pas fixé par une disposition législative

À la différence des rescrits fiscaux de l’article L. 80 B du livre des procédures fiscales, aucune disposition du code des douanes ne fixe de délai de réponse de l’administration à une demande de prise de position sur une situation de fait.

La charte des contrôles douaniers précise que la douane se fixe de répondre dans un délai de deux mois, « à défaut du respect de ce délai, la réponse est réputée être implicitement négative » (titre Ier de la charte des contrôles douaniers). Il est ajouté que « des délais de réponses spécifiques (30 jours, 60 jours, 4, 6 ou 9 mois) sont prévus, soit par la réglementation nationale, soit par la réglementation de lUnion européenne ».

La demande de rescrit doit être précise et complète, rédigée par écrit et envoyé par lettre recommandée. Elle doit être transmise directement aux services centraux de la DGDDI. Le redevable est informé du nom de l’inspecteur qui suit son dossier ainsi que de ses coordonnées.

b.   Le redevable ne bénéficie pas de possibilité de recours

Lorsque la réponse de l’administration ne convient pas au redevable, aucune disposition du code des douanes ne prévoit de possibilité de recours.

De manière générale, le Conseil d’État considère qu’il n’est pas possible de former un recours pour excès de pouvoir contre une réponse de l’administration sur une situation de fait compte tenu de la possibilité pour le contribuable de contester les impositions mises à sa charge. Comme le souligne le rapport de M. Olivier Fouquet, remis au ministre du budget en juin 2008 : « le recours pour excès de pouvoir contre les rescrits est traditionnellement refusé pour deux motifs. La décision de ladministration ne fait, dune part, pas nécessairement grief selon la manière dont on envisage ses conséquences : lappréciation fournie pourrait être remise en cause. Elle nest, dautre part, en principe pas détachable de la procédure dimposition susceptible dêtre contestée devant le juge de limpôt : lexception de recours parallèle fait alors obstacle à la recevabilité dun recours pour excès de pouvoir à lencontre de tels actes. Rares sont les cas où cette exception nest pas soulevée par la jurisprudence : il sagit essentiellement des décisions négatives prises à légard des demandes dagrément au motif principalement quun tel refus, à la différence en principe dautres prises de position, conditionne la décision finale. »

Depuis un arrêt du 2 décembre 2016 ([53]), le recours pour excès de pouvoir n’est ouvert que si la réponse de l’administration entraîne des effets notables autres que fiscaux et qu’ainsi aucune autre voie de recours ne permettrait au contribuable d’obtenir un résultat équivalent – ce qui ne constitue pas une possibilité de recours générale.

En revanche, pour les rescrits fiscaux, qui concernent également les contributions indirectes recouvrées par la DGDDI, une procédure de second examen a été instituée à l’article L. 80 CB du livre des procédures fiscales depuis 2008 ([54]). S’il ne s’agit pas d’un recours juridictionnel, ce recours administratif est instruit de manière collégiale et permet au contribuable de se faire entendre sur sa demande.

D’après le rapport annuel de la DGFiP sur l’activité en matière de rescrit, 410 avis ont été rendus par les collèges territoriaux de second examen en 2016. Il est à noter que près de 79 % des contribuables ont souhaité être entendus par le collège de second examen. Dans 18 % des cas, le collège a pris une position différente de celle retenue dans l’avis initialement délivré par l’administration.

c.   Le dispositif est peu utilisé

Selon l’étude d’impact du présent projet de loi, le nombre de rescrits délivrés sur la base de l’article 345 bis du code des douanes n’est pas connu « faute de dispositif de comptabilisation centralisé ».

Malgré l’absence de chiffrage, la DGDDI reconnaît que cette procédure est peu utilisée par les opérateurs. Par exemple, en matière de fiscalité énergétique et environnementale, le bureau compétent de la DGDDI a reçu, au cours de l’année 2017, 5 demandes de rescrit sur la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), 5 sur la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) et 6 sur la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE).

La DGDDI explique pour partie ce faible recours au rescrit par la mise en place, dans chaque direction régionale, d’un pôle d’action économique, ayant pour mission d’accompagner les opérateurs redevables des droits et taxes perçus par la DGDDI.

3.   Des procédures spécifiques dans le champ de compétence de l’Union européenne

Dans le champ de ses ressources propres, l’Union européenne est exclusivement compétente pour déterminer les modalités de recouvrement de ses droits et taxes.

Le code des douanes de l’Union prévoit des procédures spécifiques de prises de positions formelles de l’administration. Il s’agit du renseignement tarifaire contraignant (RCT) et du renseignement contraignant sur l’origine (RCO).

Un opérateur peut interroger l’administration sur le classement tarifaire d’une marchandise (RCT) ou sur l’origine de celle-ci (RCO). Ces informations sont nécessaires pour établir le taux de droits de douane ou de droit antidumping applicable. La réponse de l’administration douanière doit être adressée dans un délai maximal de trois mois et est valable pour une durée de trois ans à compter de la date à laquelle la décision prend effet. Elle peut être opposée à l’ensemble des services douaniers de l’Union afin d’éviter une notification de dette douanière supplémentaire (article 33 du CDU).

Ces deux procédures constituent une sécurisation importante pour les entreprises qui font le choix de se renseigner avant d’effectuer une opération douanière. Les résultats publiés par la DGDDI sur ce point sont significatifs : 7 983 renseignements tarifaires contraignants ont été délivrés par la DGDDI en 2016 ([55]).

En matière de dette douanière, un redevable de bonne foi peut opposer à l’administration une erreur qu’elle aurait commise dans l’interprétation d’un texte de l’Union européenne (article 119 du CDU). L’article 220 du code des douanes de l’Union permet d’invoquer des circonstances exceptionnelles afin que la dette douanière soit remise ou remboursée.

II.   le dispositif proposÉ

1.   De nouvelles garanties pour le redevable

Le présent article 14 vise à modifier les paragraphes II et III de l’article 345 bis du code des douanes pour compléter le dispositif de rescrit douanier.

Cette nouvelle rédaction apporte de nouvelles garanties au redevable :

– elle instaure un délai de réponse de trois mois de l’administration des douanes (alinéa 2), comme pour le rescrit fiscal général prévu au 1° de l’article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;

– elle crée une procédure de recours administratif, qualifié de « second examen » de la demande (alinéas 3 à 6).

L’ouverture d’un recours devant une instance collégiale

Le redevable qui ne s’estime pas satisfait de la réponse obtenue à sa demande peut, dans un délai de deux mois, solliciter un second examen, à la condition qu’il n’invoque pas d’éléments nouveaux (alinéa 3).

Ce second recours doit être examiné de manière collégiale dans un délai de trois mois, comme lors du rescrit initial (alinéa 4). La collégialité est une précision fondamentale pour que ce recours administratif ne se réduise pas à un simple recours gracieux, instruit par la même personne que la demande initiale. L’étude d’impact précise que les membres du collège de second examen seront désignés par arrêtés du ministre chargé des douanes.

Cette procédure de second examen est inspirée de celle mise en œuvre dans le domaine fiscal par l’article L. 80 CB du livre des procédures fiscales.

La DGDDI connaît donc déjà une instance collégiale de second examen lors des recours contre un rescrit portant sur les contributions indirectes prévues par le code général des impôts. Sous la présidence du directeur général ou de son représentant, le collège national de la direction des douanes et des droits indirectes est composé de sous-directeurs ou chefs de bureau ([56]).

Le redevable ou son représentant peut, à sa demande, être entendu par le collège (alinéa 5), ce qui doit contribuer à la qualité du dialogue et des réponses apportées.

Les modalités d’application de ce rescrit et du second recours, notamment le contenu, le lieu ainsi que les modalités de dépôt de la demande du redevable seront précisés par décret en Conseil d’Etat (alinéa 7).

2.   Le champ d’application du rescrit douanier

● Le champ matériel d’application

L’article prévoit deux exceptions à l’application de cette procédure :

– lorsque le redevable fait l’objet d’un contrôle ou d’une enquête (alinéa 6) ;

– lorsque la régularisation porte sur une déclaration prévue par le règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2013 établissant le code des douanes de l’Union et ses règlements d’application (alinéa 8) ;

– en outre, sans modification du paragraphe IV de l’article 345 bis du code des douanes, ces garanties ne sont pas non plus applicables à la dette douanière.

La procédure de rescrit n’est pas ouverte aux droits et taxes prévus par le code des douanes de l’Union européenne dans la mesure où il est de la compétence exclusive de l’Union.

● Le champ territorial d’application

Outre la métropole, le présent article s’applique dans les départements d’outre-mer, les collectivités d’outre-mer de Saint-Pierre et Miquelon (alinéa 9), Saint-Barthélemy et Saint-Martin (alinéas 12 et 13), et dans les îles Wallis et Futuna (alinéas 10 et 11).

Le paragraphe III de l’article 345 bis qui exclut l’application du rescrit dans le champ du code des douanes de l’Union, ne s’applique pas sur ces territoires dans la mesure où le code des douanes de l’Union n’y est pas applicable.

En revanche, le présent article ne s’applique ni en Polynésie française ni en Nouvelle-Calédonie puisqu’il s’agit du champ de compétence propre de ces collectivités.

III.   La position de la commission spÉciale

Le rapporteur est très favorable au renforcement du rescrit douanier prévu par le présent article, ouvrant notamment un recours pour les redevables ayant reçu une réponse défavorable de l’administration des douanes.

Dans le domaine fiscal, la procédure de second examen prévue par l’article L. 80 CB du livre des procédures fiscales a fait ses preuves et mérite d’être ouverte au redevable vis-à-vis de l’administration des douanes. D’ailleurs, l’administration douanière met déjà en œuvre cette procédure en matière de contributions indirectes. Rien ne justifie qu’elle ne soit pas également ouverte en matière dans le champ douanier non régi par le code des douanes de l’Union.

Le rapporteur note que l’article ne tranche pas la question du silence de l’administration à l’issue du délai de trois mois qui lui est laissé pour répondre. Interrogée sur ce point, l’administration douanière a fait savoir que « le dépassement du délai de 3 mois ne vaut ni acceptation ni rejet ». La plupart des demandes des redevables ne peuvent se conclure par une réponse binaire d’accord ou de rejet. Elles nécessitent des explications, des réserves ou modalités d’application de la norme. En matière fiscale également, le silence de l’administration à l’issue du délai de trois mois ne vaut ni accord ni rejet. Seuls les rescrits portant sur des questions spécifiques, du 2° au 9° de l’article L. 80 B du LPF, bénéficient du « silence vaut acceptation ».

Il appartient donc à l’administration elle-même de faire respecter le délai de trois mois inscrit dans la loi.

La commission spéciale a adopté cet article sans autre modification que cinq amendements rédactionnels du rapporteur.

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La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CS877, CS878, CS879, CS880 et CS876 du rapporteur.

Lamendement CS690 de M. Laurent Saint-Martin est retiré.

La commission adopte larticle 14 modifié.

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Chapitre III
Une administration qui dialogue

Article 15 A (nouveau)
Mise en place d’un numéro d’appel non surtaxé par les administrations

Le présent article résulte de l’adoption, par la commission spéciale, d’un amendement de M. Laurent Saint-Martin et des membres du groupe La République en marche ayant reçu un avis favorable de votre rapporteur et du Gouvernement.

Il prévoit que les services de l’État, les collectivités territoriales et les établissements publics qui en dépendent ainsi que les personnes publiques et les organismes délégataires d’une mission de service public mettent à la disposition du public un numéro d’appel téléphonique non géographique, fixe et non surtaxé.

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La commission examine, en discussion commune, les amendements CS783 de Mme Jeanine Dubié, CS539 de Mme Cendra Motin et CS662 de M. Laurent Saint-Martin.

Mme Jeanine Dubié. Favoriser la relation de confiance entre l’État et ses administrés passe nécessairement par une amélioration de l’accessibilité des citoyens aux plateformes téléphoniques des administrations.

Or force est de constater que nombre de services publics et organismes sociaux, comme les caisses d’allocations familiales, les caisses d’Assurance maladie, voire la préfecture de police de Paris, ont encore recours à des plateformes téléphoniques accessibles via des numéros surtaxés.

Or ces pratiques freinent l’accessibilité des citoyens aux services publics mais entraînent aussi une rupture d’égalité, dans la mesure où elles pénalisent ceux qui n’ont pas accès à internet et ne peuvent recourir gratuitement à ces services, comme les personnes âgées, les personnes vulnérables ou les habitants de zones blanches.

Aussi cet amendement propose-t-il de facturer les appels vers les plateformes d’accueil téléphonique des administrations au prix d’une communication locale, interdisant ainsi le recours à des numéros surtaxés.

Mme Cendra Motin. Tout un chacun doit avoir accès aux services de l’État ou aux services délégués. L’objectif de cet amendement est de permettre à tout utilisateur d’accéder gratuitement aux services publics, sans passer par un numéro surtaxé, dans un souci de parallélisme avec une disposition de la loi de modernisation de l’économie – LME –, qui prévoit que les services aux consommateurs ne doivent pas être surtaxés, mais facturés au prix d’un appel local.

M. Laurent Saint-Martin. Cet amendement, dont la rédaction diffère légèrement de celle des précédents, procède de la même philosophie. Lorsqu’un appel est facturé, l’attente peut produire chez l’appelant un stress supplémentaire et le placer dans une situation de défiance vis-à-vis de son interlocuteur.

M. Stanislas Guerini, rapporteur. Vous avez raison de rappeler que l’accès aux services publics doit pouvoir aussi se faire par téléphone, notamment pour ceux qui n’ont pas accès à l’internet, et de façon gratuite pour chacune des administrations. Je note que le 39 39, porte d’entrée téléphonique vers les services administratifs, est facturé 15 centimes d’euros la minute. Quant au numéro d’appel qui a été mis récemment à disposition de nos concitoyens pour qu’ils puissent se renseigner sur le prélèvement à la source, il est lui aussi payant !

Nous devons changer ces pratiques. L’amendement CS662 me semble rédigé de la façon la plus pertinente, l’amendement CS783 comportant une définition des administrations peut-être un peu trop large et manquant d’exhaustivité. Dans ces conditions, je vous demande de bien vouloir retirer les amendements CS783 et CS539, au bénéfice de l’amendement CS662.

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat chargé de la Fonction Publique. Je partage l’objectif des auteurs, avec la même réserve que le rapporteur sur la rédaction des deux premiers amendements. J’en demande le retrait au profit de l’amendement CS662, dont la rédaction me paraît plus opportune.

Mme Jeanine Dubié. Il me semble que l’amendement de M. Laurent Saint-Martin propose un accès téléphonique gratuit. Or j’ai déposé un amendement semblable, qui a été rejeté déclaré irrecevable. Pourquoi une telle différence de sort ?

Mme Laure de La Raudière. Je me félicite de cette avancée du Gouvernement sur un sujet que nous défendons depuis dix ans au moins.

M. Jean-Louis Bourlanges. Est-il possible de mesurer les effets pervers potentiels d’une telle disposition, comme une saturation des lignes, leur utilisation par de mauvais plaisants, ou un piratage systématique des services gratuits ?

M. le rapporteur. L’amendement de M. Laurent Saint-Martin prévoit un numéro non surtaxé, facturé au prix d’un appel local.

Nous votons un texte de loi pour un État au service d’une société de confiance. Il convient d’être confiants envers nos citoyens et de considérer que, pour l’immense majorité d’entre eux, ce ne sont pas des fraudeurs ou des personnes qui souhaitent profiter du système et appeler un numéro au motif qu’il n’est pas surtaxé.

Moi aussi, je serai fier de voter cette mesure.

M. le secrétaire dÉtat. Je rejoins les propos du rapporteur. L’exposé des motifs de l’amendement de M. Laurent Saint-Martin évoque une gratuité, mais sa rédaction prévoit bien que l’appel est facturé au prix d’un appel local.

Les amendements CS783 et CS589 sont retirés.

La commission adopte lamendement CS662.

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Avant l’article 15

Puis la commission est saisie de lamendement CS294 de M. Gaël Le Bohec.

M. Gaël Le Bohec. Cet amendement prévoit que les administrés peuvent joindre par téléphone un référent au sein de l’agence ou de l’antenne dont ils dépendent. Nous en avons discuté avec M. Gérald Darmanin hier. Il s’agit d’un amendement d’appel, destiné à obtenir plus d’informations quant aux liens de territoire qui doivent exister entre l’administré et son administration la plus proche.

M. le rapporteur. M. le secrétaire d’État pourra vous répondre sur ce point. Pour ma part, je vous inviterai à retirer cet amendement, dans la mesure où les termes d’« antenne » et d’« agence » manquent de précision.

M. le secrétaire dÉtat. Sur le fond, nous retenons les termes d’ « antenne » et de « territoire », pour laisser aux différentes administrations la capacité de s’organiser. Ce pourra être à l’échelle d’un groupement hospitalier de territoire en matière de santé, parfois d’un ou de deux départements dans certains territoires. L’objectif est que l’administration soit organisée d’une manière qui corresponde à la réalité et au vécu de chacun des habitants.

Rappeler le principe selon lequel un usager doit pouvoir joindre un référent unique correspond à l’objectif du texte. Aussi ne vous proposerai-je pas de retirer votre amendement, monsieur Le Bohec, mais de le sous-amender en supprimant la mention « par téléphone », car le contact peut s’établir physiquement ou par courriel.

M. Gaël Le Bohec. Je souhaite retirer l’amendement, qui sera rectifié en séance.

Lamendement CS294 est retiré.

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Article 15
Expérimentation de la mise en place dun référent unique

I.   État des lieux

Comme le relève l’étude d’impact, la multiplicité des acteurs au sein de l’organisation administrative des services publics est une source de complexité, de perte de temps pour l’usager et d’inefficacité pour l’administration. C’est pourquoi des référents privilégiés des usagers, dits « guichets uniques », ont été institués au sein des services publics. Les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) le sont ainsi devenues pour les entreprises. Dans le même esprit, l’article 2 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a créé un service d’accueil unique du justiciable, dont le déploiement est en cours ; ce service doit permettre à tout justiciable d’obtenir, depuis n’importe quel tribunal, des informations générales, des formulaires ou des précisions sur une procédure. L’objectif de ces mesures est de réduire le nombre de points d’entrée dans l’administration, qui nuit à la relation de confiance entre l’administration et les usagers.

II.   L’expÉrimentation proposÉe

Le projet de loi propose de procéder à une expérimentation de quatre ans pendant lesquels les administrations et les établissements publics administratifs de l’État dont la liste est fixée par décret, ainsi que les collectivités territoriales qui en font la demande pourront mettre en place, pour des procédures et des dispositifs déterminés, un référent unique à même de faire traiter des demandes qui lui sont adressées pour l’ensemble des services concernés (alinéa premier). Le caractère volontaire de la participation des collectivités territoriales à cette expérimentation est justifié par le principe de libre administration de celles-ci.

L’alinéa 2 précise que cette expérimentation fera l’objet d’une évaluation dont les résultats seront transmis au Parlement.

Selon les informations fournies à votre rapporteur, tout domaine de l’action publique s’y prêtant est susceptible de donner lieu à la création d’un référent unique. Le référent unique devrait accompagner l’usager dans l’ensemble de ses démarches administratives concernant une politique publique donnée. L’ensemble des procédures et des dispositifs afférents à cette politique publique auraient ainsi vocation à relever du référent unique, lequel renverra, au besoin, le traitement des demandes relatives à ces procédures et dispositifs au service qu’il identifiera comme étant compétent pour les traiter.

Le choix d’une expérimentation se justifie par la nécessité d’identifier les besoins réels en la matière ainsi que les possibilités ; la création d’un référent unique pourrait, en effet, n’être pas adaptée à certaines procédures.

L’étude d’impact mentionne les expérimentations envisagées à ce stade :

– en matière d’indemnisation des militaires blessés en service et des familles des militaires tués en service, le ministère des armées prévoit de faire des cellules d’aide aux blessés les référentes uniques des victimes et des familles, à charge pour ces cellules de faire le lien avec les différents services instructeurs concernés ;

– le ministère de l’agriculture envisage de mettre en place un référent unique au sein de la direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt des Hauts-de-France et dans la direction départementale des territoires du Puy-de-Dôme ;

– des pôles d’action économique, implantés dans chaque région douanière, pourraient être les référents uniques des entreprises afin de les orienter dans leurs demandes d’assistance réglementaire, de les conseiller à l’exportation et de les aider dans l’identification du service douanier le plus proche ;

– le référent unique doit faire l’objet d’une expérimentation au sein des directions régionales de l’action culturelle afin de délivrer des conseils aux pétitionnaires ;

– le ministère de l’éducation nationale compte expérimenter, dans le ressort de l’académie de Clermont-Ferrand, la mise en place d’un référent unique, lequel, en complément des équipes pédagogiques et administratives des établissements scolaires et des dispositifs de saisine par voie électronique déjà existants, serait à même de prendre en charge les demandes des usagers et d’en assurer le suivi, en assurant notamment le lien entre l’usager et le service compétent pour répondre à sa demande, dans l’ensemble du champ de l’éducation nationale.

Le rôle du référent unique consiste à faire traiter par les services concernés les demandes qui lui parviennent et à coordonner leur action. Selon le Gouvernement, il ne s’agit pas, pour le référent unique, de traiter ces demandes au fond et de prendre des décisions en lieu et place des administrations compétentes pour ce faire.

À la question de votre rapporteur sur la différence entre le référent unique et le dispositif de guichet unique, le Gouvernement a répondu que ces deux dispositifs, tout en visant l’un et l’autre la simplification administrative, relevaient de logiques différentes ; le guichet unique concerne la réalisation par les usagers de formalités dans un cadre unifié, et constitue une simple interface technique, tandis que le référent unique concerne la prise en charge par une seule et même personne d’un ensemble prédéterminé de demandes des usagers. Le dispositif de référent unique va donc plus loin que celui de guichet unique : alors que dans le guichet unique c’est le demandeur qui dispose d’outils plus simples pour accomplir ses démarches, le référent unique permet au demandeur de voir sa demande, et tout ou partie des formalités qui y sont liées, prise en charge par l’administration.

À la question de votre rapporteur sur les établissements publics de l’État qui seraient concernés par cette expérimentation, le Gouvernement a répondu que ceux-ci n’étaient pas encore déterminés.

III.   La position de votre rapporteur

Votre rapporteur salue cette mesure, qui permettra de faciliter les démarches administratives des citoyens comme des entreprises autant que le traitement de celles-ci par l’administration. Le recours à une expérimentation est justifié par la diversité des services publics et des changements que ce dispositif pourrait susciter dans l’organisation et le fonctionnement de ceux-ci.

Votre rapporteur souligne qu’il serait souhaitable que les référents uniques qui seront institués puissent accéder aux données faisant l’objet d’un traitement automatisé par les administrations.

IV.   la position de la commission spÉciale

Outre deux amendements rédactionnels de son rapporteur, la commission spéciale a adopté à cet article deux séries d’amendements identiques :

– Deux amendements déposés par M. Orphelin d’une part et M. Saint‑Martin et le groupe La République en Marche d’autre part, prévoyant d’inclure les établissements publics à caractère industriel et commercial dans cette expérimentation. Ces amendements ont reçu un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement ;

– Quatre amendements déposés par Mme Louwagie, M. Brun, M. Reiss et M. Gosselin, prévoyant que l’évaluation de l’expérimentation comporte un volet traitant de l’impact de celle-ci sur les délais administratifs. Ces amendements ont reçu un avis favorable du rapporteur et un avis de sagesse du Gouvernement.

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La commission adopte lamendement rédactionnel CS704 du rapporteur.

Puis elle est saisie de lamendement CS412 de Mme Laure de la Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Cet amendement vise à harmoniser à trois ans les durées des différentes expérimentations, afin de faciliter leur évaluation au cours du quinquennat. Nous pourrions ainsi prévoir un point unique de révision des expérimentations, pourquoi pas dans le cadre de cette commission spéciale.

Je défendrai plusieurs amendements en ce sens.

M. le rapporteur. Les expérimentations peuvent avoir des durées différentes. En l’occurrence, cet article prévoit une longue liste des services concernés – je pense à la cellule d’aide aux blessés, qui sera le référent unique pour les familles de militaires blessés et de victimes, aux rendez-vous des droits dans les CAF, qui permettront de traiter aussi les questions d’emploi et de santé, aux DRAC, ou encore aux services de l’éducation nationale. Il est justifié que ces expérimentations durent quatre ans.

Nous avons largement évoqué hier la question du suivi de ces expérimentations. Je rappelle que nous avons réuni le bureau de la commission spéciale pour monter un conseil de la réforme, qui suivra, dès le début, la mise en œuvre de ces expérimentations. Avis défavorable.

M. le secrétaire dÉtat. Certains secteurs auront besoin de quatre ans pour développer l’expérimentation. Par ailleurs, le conseil de la réforme et le suivi de l’application du projet de loi permettront de faire un point à intervalles réguliers, et bien avant le terme des trois ans.

M. Julien Aubert. Il ne s’agit pas d’un amendement anodin, car il permet de réfléchir à ce qu’est l’objectif d’une expérimentation. La durée n’est pas forcément liée à la nature de l’expérimentation. Celle-ci doit être suffisamment longue pour que l’on puisse en tirer des enseignements et, sur le plan législatif, confirmer ou infirmer ce qui a été voté.

J’ai été l’un des rapporteurs de la mission d’information sur l’application de la loi de transition énergétique, qui a siégé la dernière année de la précédente législature. Nous avons pu dresser le bilan de la loi, mais le mandat s’achevant au moment où nous publiions nos conclusions, il n’y a pas eu de portée pratique.

À moins d’une dissolution, nous serons toujours ici dans trois ans. Cela nous permettra de tirer les conclusions de ces expérimentations, de graver le projet dans le marbre ou d’infirmer certaines avancées. C’est en ce sens que je soutiens l’amendement de Mme de La Raudière, pratique et intelligent.

La commission rejette lamendement CS412.

Puis elle est saisie de deux amendements identiques CS114 de M. Matthieu Orphelin et CS653 de M. Laurent Saint-Martin.

M. Matthieu Orphelin. Cet amendement vise à ajouter à la liste des établissements pouvant bénéficier de l’expérimentation les établissements publics à caractère industriel et commercial – EPIC –, dont certains ont des compétences larges et des interlocuteurs multiples.

M. Laurent Saint-Martin. Il s’agit d’un amendement très pertinent, dans la mesure où certains EPIC, comme Bpifrance ou l’ADEME, sont très utiles aux entreprises.

M. le rapporteur. Je suis favorable à tout ce qui peut permettre d’allonger la liste des expérimentations sur le principe de référent unique, et invite les parlementaires à se mobiliser et à proposer de nouvelles expérimentations au Gouvernement. Le conseil de la réforme pourrait jouer ce rôle.

M. le secrétaire dÉtat. Avis favorable, sous réserve de modifier la rédaction des amendements. Le dispositif s’appliquant de manière facultative aux collectivités territoriales, il convient que l’amendement élargisse le dispositif aux établissements publics locaux de manière facultative également, et ce afin de respecter le principe de libre administration.

M. le rapporteur. Je suggère que nous adoptions ces amendements, de façon à les sous-amender en séance.

La commission adopte ces amendements CS114 et CS653.

Puis elle adopte lamendement rédactionnel CS703 du rapporteur.

La commission est saisie des amendements identiques CS318 de M. Emmanuel Maquet et CS594 de M. Julien Aubert.

M. Emmanuel Maquet. Plutôt qu’un simple guichet de diffusion des demandes au service, le référent unique doit pouvoir répondre à certaines demandes.

M. Julien Aubert. Le référent unique ne doit pas servir de vitrine au service, mais être un agent actif de la modification de la relation entre l’administration et le grand public. Ainsi que l’a préconisé le Conseil d’État, il convient de lui conférer un pouvoir de décision, ce qui donnera plus de substance à la réforme proposée.

M. le rapporteur. Vous avez raison de rappeler que le Conseil d’État a émis un avis incitant le Gouvernement à aller plus loin et à donner un pouvoir de décision au référent unique.

Pour certaines des administrations et des établissements publics visés par la liste, il n’est nul besoin de donner un pouvoir de décision au référent unique, qui n’est pas une vitrine mais un aiguillon. Sur la forme, vos amendements doivent prévoir que le référent unique peut prendre des décisions sur la délégation des autorités compétentes.

J’estime qu’il vaut mieux maintenir l’article 15 dans sa rédaction. Je proposerai un amendement visant à créer un référent unique doté d’un pouvoir de décision, sous forme expérimentale et dans certains cas de figure, notamment dans les maisons de services au public, afin de créer du lien entre les services existants et le référent. Avis défavorable.

M. le secrétaire dÉtat. Nous avons bien à l’esprit l’avis du Conseil d’État du 23 novembre. Sur le fond, il n’y a pas d’opposition de principe à doter le référent unique d’un pouvoir de décision, mais nous préférons procéder par étapes. La période expérimentale sera ainsi mise à profit pour mettre en place les référents uniques. Avis défavorable.

M. Julien Aubert. Pour un projet de loi qui vise essentiellement à simplifier et à améliorer la lisibilité de l’action de l’administration, n’y a-t-il pas une complexité supplémentaire dans le fait de prévoir que certains référents seront dotés d’un pouvoir de décision et pas les autres, et ce pour des durées d’expérimentation différentes ? Il sera compliqué d’expliquer aux citoyens que, selon l’administration ou le service auquel ils s’adressent, le référent aura des prérogatives variables et pourra leur apporter des solutions différentes. Cela ne me semble pas conciliable avec la philosophie du texte.

M. le rapporteur. Chaque expérimentation sera perçue comme telle par les Français. Je doute que nos concitoyens en viennent à mesurer, champ de politique publique par champ de politique publique, la complexité des dispositifs. Je ne partage pas votre raisonnement : la philosophie du projet de loi est de mener des expérimentations, de les valider et de les étendre lorsqu’elles fonctionnent, là où elles sont testées.

La commission rejette ces amendements.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques CS223 de Mme Véronique Louwagie, CS240 de M. Fabrice Brun, CS377 de M. Frédéric Reiss et CS601 de M. Philippe Gosselin, ainsi que l’amendement CS319 de M. Emmanuel Maquet

Mme Véronique Louwagie. Nous avons longuement parlé de la question des délais administratifs, qui suscite une grande attente chez nos concitoyens. Nous serons tous d’accord pour dire qu’il existe une forte marge de progression dans ce domaine. Le texte est assez pauvre sur ce point et fait peu référence aux délais.

Il serait important de mettre un accent particulier sur les délais à l’article 15 et de prévoir que l’évaluation doit porter sur les conséquences du dispositif sur les délais administratifs.

M. Fabrice Brun. J’ai formulé plusieurs propositions pour accorder davantage de place dans le texte à la réduction des délais. Quitte à paraître obsessionnel, je propose par cet amendement que l’évaluation comporte une partie sur l’impact du dispositif dans ce domaine.

M. Frédéric Reiss. L’article 15 constitue un progrès, qui devrait faciliter et fluidifier les démarches pour des procédures ou des dispositifs particuliers. C’est le sens de cet amendement, qui vise à réduire les délais administratifs.

M. Philippe Gosselin. Ce n’est pas que nous soyons monomaniaques, mais il me semble que les délais constituent un élément très important et immédiatement perceptible par nos concitoyens. Nous souhaitons pouvoir tirer les conséquences d’une expérimentation sur les délais administratifs. Cela semble être également la volonté du rapporteur et du Gouvernement. Nous devons donc l’inscrire dans le texte, afin d’éviter toute ambiguïté.

Emmanuel Maquet. Je dois, à mon tour, insister sur la nécessité de réduire les délais et répondre ainsi à l’attente de nos concitoyens.

M. le rapporteur. Hier, nous avons adopté un amendement de Mme Véronique Louwagie visant à inscrire l’objectif de réduction des délais dans la stratégie nationale et nous examinerons bientôt un amendement à l’article 16, très pertinent, qui vise à préciser la durée du contrôle dans les PME.

Le rôle du référent unique n’est pas de diminuer les délais, mais de faciliter et de rendre plus claire la relation avec l’administration, aussi l’avis devrait-il être défavorable. Pour autant, l’objectif de réduction des délais est tellement partagé qu’il me semble que nous aurions tort de nous priver d’un tel amendement. Avis favorable.

M. le secrétaire dÉtat. Pour les mêmes raisons que celles évoquées par le rapporteur, avis de sagesse sur les amendements identiques.

M. Philippe Gosselin. Mais une sagesse positive ! (Sourires.)

M. le secrétaire dÉtat. Je demande le retrait de l’amendement CS319 de M. Emmanuel Maquet, dont la rédaction est différente.

M. Jean-Louis Bourlanges. L’inspiration de ces amendements est excellente et je me félicite de voir que le rapporteur a changé d’avis. Mais ne serait-il pas judicieux d’inscrire cette disposition à un endroit plus central du texte, notamment lorsqu’il s’agit des évaluations ?

M. Julien Aubert. M. le rapporteur, qui est notre référent unique, se sera saisi, à l’égard de ses services, d’un pouvoir de décision ! J’en profite pour rappeler que cette réforme est déjà appliquée à l’administration fiscale et que la notion de délai y était incorporée dès le départ, avec des indicateurs de performance. Cela est essentiel à partir du moment où l’on modifie la chaîne de prise de décision en y rajoutant un maillon. Il est important de pouvoir accéder à l’information, mais si cela se fait au prix de la complexité et d’un cheminement plus long, on aura perdu d’un côté ce que l’on aura gagné de l’autre.

En inscrivant d’emblée la réduction des délais comme une priorité, nous indiquons qu’il est essentiel d’améliorer, non seulement la lisibilité, mais aussi le fonctionnement de l’administration à l’égard du grand public.

M. le rapporteur. Monsieur Bourlanges, je vous renvoie aux discussions que nous avons eues hier au cours desquelles nous avons prévu, dans la stratégie nationale d’orientation de l’action publique, une évaluation sur les délais administratifs, ce qui permet de fixer un cap. Quant au conseil de la réforme, il sera le garant des mesures que nous avons adoptées hier. Je crois que la notion de délai a retrouvé un caractère assez central dans le texte, et qu’elle n’est pas redondante si on la prévoit sur les expérimentations.

La commission adopte les amendements identiques CS223, CS240, CS377, CS601 et CS319.

En conséquence, lamendement CS319 tombe.

La commission en vient à lamendement CS25 de M. Arnaud Viala.

M. Arnaud Viala. Cet amendement vise à préciser que la notion d’expérimentation n’a de sens que si elle permet ensuite de mettre en place des procédures nouvelles qui, une fois que leur efficacité aura été évaluée positivement, pourront être généralisées. Il faut être précis dans la formulation : on fait une expérimentation qui a vocation à devenir ensuite la règle.

M. le rapporteur. Si je comprends l’esprit de votre amendement, je n’y suis pas favorable sur la forme. Il n’est pas utile d’apporter cette mention dans un article de loi qui concerne le lancement d’une expérimentation. Il faut laisser de la souplesse pour que cette expérimentation puisse améliorer le traitement général de l’administration.

M. le secrétaire dÉtat. Si nous comprenons l’objectif, nous pensons qu’il n’est pas nécessaire d’inscrire dans la loi que le référent unique serait chargé de telles dispositions. Le but d’une expérimentation, c’est bien de pouvoir tirer des conséquences.

Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émets un avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine lamendement CS691 de M. Laurent Saint-Martin.

M. Laurent Saint-Martin. Je souhaite apporter une précision à l’attention de M. le secrétaire d’État qui n’était pas présent hier.

Nous avons proposé pour l’ensemble des expérimentations une évaluation par la Cour des comptes au plus tard six mois avant l’échéance de la période d’expérimentation. Mais nous nous sommes mis d’accord hier, avec le rapporteur et le ministre, pour retirer ces amendements, ce qui permettra au rapporteur de proposer un pot commun d’expérimentations.

Aussi je retire cet amendement et les suivants qui ont le même objet.

M. le rapporteur. J’ai proposé hier la création d’un titre III intitulé « Un dispositif d’évaluation renouvelé » dans lequel s’inscriraient les amendements concernant l’évaluation des expérimentations par la Cour des comptes, ce qui permettrait de nourrir le Conseil de la réforme et de l’informer sans qu’il soit dépendant du Gouvernement, ainsi que des dispositions que je vous proposerai au cours de la discussion sur l’association des parties prenantes à la rédaction et à l’évaluation des ordonnances. C’est un point essentiel pour ce projet de loi qui prévoit beaucoup d’expérimentations et d’ordonnances.

M. Julien Aubert. On ne saisit pas la Cour des comptes par voie d’amendement. De mémoire, cela n’a été fait qu’une seule fois, il y a dix ans avec le texte relatif à La Banque postale. Si je vous dis cela, c’est que la programmation de cette instance de contrôle étant ce qu’elle est et ses moyens étant ce qu’ils sont, on risque de cannibaliser totalement son activité, alors qu’elle a par ailleurs des obligations en termes de préparation des lois de finances. Avant de créer un titre III, peut-être faudrait-il savoir quelle sera la charge de travail supplémentaire pour la Cour des comptes – cela pourrait mobiliser quatre ou cinq magistrats pendant six mois.

M. le rapporteur. Cette idée est défendue par certains de nos collègues qui travaillent avec notre Président sur la réforme de l’Assemblée nationale et de la « fabrique de la loi », si je puis dire. Cette étude a été faite – j’ai eu l’occasion d’en discuter avec notre collègue Jean-François Eliaou – en coordination avec les groupes de travail. Il faut veiller à ne pas entraver le travail structurel mené actuellement. Il me semble pertinent, puisque l’on parle d’une société de confiance, de prendre de premières mesures sur ces sujets qui en appelleront d’autres par la suite.

Lamendement est retiré.

La commission adopte larticle 15 modifié.

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Article 15 bis
Expérimentation dun référent unique doté dun pouvoir de décision dans les maisons de services au public

Cet article résulte de l’adoption, par la commission spéciale, d’un amendement de son rapporteur ayant reçu un avis favorable du Gouvernement. Il prévoit qu’à titre expérimental, pour une durée de quatre ans, le responsable d’une maison de services au public définie à l’article 27 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations peut être désigné, par certaines des personnes morales participantes, en tant que référent unique à même de traiter, pour des procédures et des dispositifs déterminés, les demandes qui lui sont adressées et de prendre, s’il y a lieu, les décisions correspondantes au nom des personnes morales concernées.

Les maisons de services au public ont pour objet d’améliorer l’accessibilité et la qualité des services, en milieu rural et urbain, pour tous les publics. Elles peuvent rassembler des services publics relevant de l’État, des collectivités territoriales et de leurs groupements, d’organismes nationaux ou locaux chargés d’une mission de service public ainsi que les services nécessaires à la satisfaction des besoins du public.

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La commission est saisie de lamendement CS905 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit de répondre à ce besoin dont je vous parlais tout à l’heure d’un pouvoir de décision unique. Il me paraît important que ce texte ne fasse pas tabula rasa. Pour construire une société de confiance, il est important de s’appuyer sur les dispositifs existants. Je pense notamment aux maisons de services au public qui ont été créées dans certains territoires et qui fonctionnent – plus ou moins bien. Il faut que le Gouvernement établisse une doctrine et une ligne d’action sur ces maisons de services au public. Je vous propose donc, à titre expérimental, de tester dans certains territoires des maisons de services au public dont le responsable aurait un pouvoir de décision sur les administrations qui y sont présentes, et de les emmener un cran plus loin.

Mme Laure de la Raudière. Tout en étant favorable à ce principe, je ferai deux remarques techniques.

Premièrement, les maisons de services au public ont-elles été créées par la loi ?

Deuxièmement, ces maisons sont souvent là pour pallier l’absence de l’État dans certains territoires. Il serait intéressant, lorsque l’on habite à dix ou quinze kilomètres d’une maison de services au public, que les secrétaires de mairie puissent accompagner le citoyen dans ses démarches administratives, c’est-à-dire qu’ils fassent ce que fait la maison de services au public.

Au vu de ces deux remarques, je me demande s’il est nécessaire d’inscrire dans la loi un dispositif qui risque de nous contraindre dans un schéma qu’il sera difficile de faire évoluer plus tard.

M. le rapporteur. Vos remarques sont intéressantes.

Les maisons de services au public ont été créées par la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. Aujourd’hui, nous proposons, sous une forme expérimentale, de modifier leur structure. Il appartiendra au Gouvernement de définir une doctrine, car ces maisons prennent déjà des formes différentes. Certaines assurent en effet des permanences dans les mairies, d’autres sont en partenariat avec La Poste. Je crois savoir que 1 000 bureaux de postes seraient volontaires pour accueillir des maisons de services au public, mais cela pose des problèmes de coûts.

Vous avez raison, il faut laisser de la souplesse au Gouvernement pour lui permettre de trouver les bonnes modalités d’existence de ces maisons de services au public qui doivent être aussi diverses que la diversité de nos territoires, notamment ruraux et de quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Mme Marietta Karamanli. Il faut s’appuyer sur des expériences qui ont déjà été faites et avoir un regard, non seulement sur le milieu rural – c’est souvent la première chose qui nous vient à l’esprit – mais également sur certains quartiers de politique de la ville où la population est vieillissante, et où un sentiment d’abandon se développe car les services disparaissent. Pourriez-vous préciser quels critères ont été retenus pour implanter ces maisons ?

M. Arnaud Viala. Monsieur le rapporteur, ce que vous avez dit me semble assez contradictoire. Si l’on fixe une doctrine pour les maisons de services au public, cela signifie que l’on n’admet pas qu’elles soient spécifiques à chaque territoire. Je considère que le dispositif de la maison de services au public, en particulier dans les territoires très ruraux comme ceux du département de l’Aveyron, est dérogatoire au principe général de la présence administrative puisqu’on y regroupe des institutions qui n’y sont pas habituellement rassemblées, avec des modes de fonctionnement collectif qui ne sont pas de rigueur dans les zones plus densément peuplées. Est-il nécessaire d’ajouter une couche législative à la dimension expérimentale de ces dispositifs eux-mêmes expérimentaux dont la création et le suivi se décident localement à travers les préfets de département, les acteurs locaux, les élus, etc. ?  C’est peut-être superfétatoire.

Mme Laure de La Raudière. Je souhaitais faire la même remarque que M. Viala.

En fait, il ne faut pas définir une doctrine. Peut-être faut-il simplement préciser dans la loi un objectif, comme la distance à l’organisation des services publics et à l’accompagnement de l’ensemble des démarches administratives, ainsi que l’obligation faite aux partenaires de déléguer des tâches à l’agent de l’administration qui assurera ce guichet unique sur le territoire, au sein d’une maison de services au public ou d’une petite commune rurale. Chaque territoire pourra ensuite s’organiser comme il le souhaite. Peut-être faudra-t-il compléter cet amendement en séance publique pour que cet objectif soit bien inscrit dans la loi.

M. Jean-Louis Bourlanges. Monsieur le rapporteur, il serait bon de préciser ce que vous entendez par « certaines des personnes morales participantes ». Qui sont ces personnes morales qui du coup sont un peu incertaines ?

Y a-t-il ou non unité du statut juridique des maisons de services au public définies par la loi du 12 avril 2000 ? Sont-elles toutes des personnes morales de droit public, des établissements publics, des associations, des associations de fait, des maisons au sens strict du terme ? Il est important de définir quelque chose de cohérent juridiquement.

M. Bruno Millienne. Mon groupe votera cet article additionnel car il faut aller plus loin dans l’expérimentation. Il est bien prévu que la convention-cadre définit les décisions que le référent sera à même de prendre sur délégation des autorités compétentes. Il faut favoriser cette expérimentation en milieu périurbain et rural. Du reste, je présenterai ultérieurement un amendement qui concerne plus spécifiquement les territoires ruraux.

M. Emmanuel Maquet. Ce dispositif est cohérent avec l’amendement que j’ai présenté tout à l’heure. Toutefois, je ne comprends pas comment il pourra fonctionner dans certaines maisons de services au public. En présence de différentes administrations, le référent unique ne sera pas nécessairement compétent sur les autres métiers et n’aura pas, de fait, de responsabilité hiérarchique sur les autres administrations. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?

M. Boris Vallaud. Je souhaite avoir des précisions sur la nature des décisions qui pourraient être prises par ce responsable. Cela ne risque-t-il pas d’entraver la possibilité d’engager des recours hiérarchiques ? Par ailleurs, comment est traitée la question du secret professionnel ou du secret partagé entre professionnels ?

M. Laurent Saint-Martin. Nous soutiendrons cet article additionnel.

Je ne comprends pas très bien pourquoi M. Viala pense que ce dispositif serait superfétatoire. Le meilleur moyen de ne pas mettre de côté les maisons de service au public alors que nous parlons du référent unique consiste à les prévoir dans cette expérimentation.

Mme Cendra Motin. Lors des auditions que j’ai menées dans les territoires sur le référent unique, certains intervenants m’ont dit craindre qu’une nouvelle couche d’administration ne s’ajoute à toutes celles déjà existantes. Or l’objet de cette expérimentation est de trouver des ressources parmi les agents du service public qui sont déjà à l’œuvre au sein des maisons de services au public et de leur permettre de manifester toutes leurs compétences pour prendre en charge ce type de coordination. Il est important de montrer toutes les compétences des agents du service public, mais aussi que nous ne sommes pas en train de créer un nouvel étage dans le millefeuille administratif.

M. Arnaud Viala. La réflexion qui a présidé à l’introduction de cet article est bonne. Mais sa rédaction suscite certaines interrogations. J’ai dit que le dispositif était peut-être superfétatoire car l’écosystème d’une maison de services au public existe déjà. Peut-être faudra-il revoir la rédaction de cet amendement d’ici à l’examen du texte en séance publique.

M. le rapporteur. Je vous remercie pour toutes vos remarques sur ce sujet important.

Monsieur Bourlanges, les personnes morales participantes sont les administrations. Le terme est par nature ouvert puisque des administrations variées peuvent participer à la maison de services au public. Je précise également que celles-ci ne sont pas des personnes morales, mais la résultante d’une convention-cadre entre différentes administrations qui ont fait le choix de créer cette structure.

Toutes vos questions montrent qu’il n’était pas aussi simple de donner un pouvoir de décision à l’article 15 sur le référent unique. C’est précisément la raison pour laquelle j’ai préféré, à titre personnel, m’en tenir à l’article 15 tel qu’il était rédigé, et travailler sur un dispositif plus concret, plus connu qui est la maison de services au public.

Bien évidemment, toutes les règles qui régissent les différentes administrations continuent d’exister, comme le pouvoir de recours hiérarchique. Nous avons retenu la formulation « s’il y a lieu » pour que la personne responsable de la maison de services au public qui a pu avoir étudié le dossier spécifique d’une personne puisse in fine donner un coup de pouce, débloquer le dossier en demandant aux deux administrations de se parler, d’accélérer les choses…

Je pense qu’il faut être modestes et garder un dispositif expérimental, car certaines choses devront être testées sur le terrain. Vous évoquez les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Je partage votre point de vue. D’ailleurs, je présenterai deux amendements qui vont dans ce sens.

Madame de La Raudière, je n’ai pas souhaité que mon amendement soit trop précis, ne serait-ce pour ne pas surlégiférer. J’indique seulement que l’on donne, à titre expérimental, au responsable d’une maison de services au public existante un pouvoir de décision sur les administrations qui y sont présentes. Cela permettra de choisir, en lien avec le Gouvernement, les maisons de services au public existantes où ce pouvoir nouveau sera donné à son décisionnaire, ni plus, ni moins.

M. le secrétaire dÉtat. S’il faut définir une doctrine pour les maisons de services au public, il faut le faire sur les moyens et les objectifs plus que sur les formes qui doivent pouvoir s’adapter aux territoires. Comme l’a rappelé M. Viala, ce modèle a été inventé pour apporter des réponses spécifiques à des territoires en fonction des services présents, des services qui veulent s’y impliquer au travers de cette forme nouvelle et avec des modalités d’organisation les plus souples possible. Le ministère de la cohésion des territoires comme le ministère de l’intérieur travaillent à développer les maisons de services au public et à mieux fixer les objectifs qui sont poursuivis, tout en ayant ce souci de répondre à la diversité.

La mesure proposée par le rapporteur nous intéresse, car elle vise à adosser le référent unique au modèle des maisons de services au public, et parce qu’elle permettra de répondre à certaines interrogations sur les territoires où il est opportun d’insérer un dispositif sur les conventions de délégation entre administrations participant aux maisons de services au public. D’ailleurs, l’amendement précise qu’il s’agit de certaines administrations puisqu’on peut effectivement imaginer que trois, quatre ou cinq administrations se mettront d’accord dans une maison de services au public autour de ce principe, mais qu’une administration pourra, pour des raisons particulières, ne pas s’inscrire dans ce schéma. L’essentiel, c’est la transparence dans son fonctionnement.

Enfin, des discussions sont en cours avec le ministère de la cohésion des territoires et le ministère de l’intérieur sur le rôle et les objectifs des maisons de services au public. À ce stade, le Gouvernement est favorable à cet amendement, mais il se réserve le droit de proposer des modifications en séance publique si, à la suite de ces discussions interministérielles, elles s’avéraient nécessaires.

La commission adopte lamendement CS905.

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Article 15 ter
Expérimentation dun dépôt unique dématérialisé de leurs demandes et dun référent unique pour les porteurs de projets dans les quartiers prioritaires
de la politique de la ville

Cet article résulte de l’adoption, par la commission spéciale, d’un amendement de son rapporteur ayant reçu un avis favorable du Gouvernement. Il prévoit qu’à titre expérimental, pour une durée de deux ans, dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) définis à l’article 5 de la loi n° 2014‑173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine dont la liste est fixée par décret, les porteurs de projets peuvent effectuer un dépôt unique dématérialisé des demandes de concours financiers qu’ils adressent aux signataires des contrats de ville. Il dispose également que ces derniers organisent une instruction partagée de ces demandes, statuent sur elles de manière collégiale et instituent un référent unique chargé du suivi des demandes et de la coordination des différents services instructeurs.

Il s’agit d’alléger les procédures pour les associations concernées et d’accélérer la prise des décisions d’attribution de subventions dans les QPV.

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La commission examine, en discussion commune, les amendements CS918 du rapporteur et CS655 de M. Laurent Saint-Martin.

M. le rapporteur. Cet amendement fait suite aux discussions que nous avons eues sur les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Il est très important de rappeler que ce texte de loi doit permettre la créativité, la prise de risque de ceux qui tiennent le fil d’Ariane, pour reprendre les mots du Défenseur des droits, et montrer la bienveillance de l’administration à l’égard de ceux qui sont les plus éloignés de l’administration, c’est-à-dire, pour reprendre l’exemple pris par le ministre Gérald Darmanin, ceux qui n’ouvrent pas les courriers qui leur sont envoyés par l’administration.

Il est essentiel d’essayer de trouver des points d’accroche sur la politique de la ville. Nous avons travaillé avec le ministère de la cohésion des territoires pour proposer de manière expérimentale un référent unique pour les associations relatives aux politiques de la ville. C’est un maquis inextricable par exemple pour une association de déposer un dossier de demande d’aides, car les contrats de ville concernent de nombreux signataires.

Nous proposons donc de tester un guichet numérique pour que les associations puissent remettre, à un point donné, un dossier d’aide et qu’un référent unique puisse aiguiller la demande de subventions parmi tous les signataires du contrat de ville.

M. le secrétaire dÉtat. Avis favorable.

Le dispositif proposé est intéressant. Il permettra à de nombreuses associations notamment et d’acteurs de la politique de la ville de voir leurs démarches simplifiées.

En revanche, je demande le retrait de l’amendement CS655, qui n’est pas compatible avec l’amendement du rapporteur, même s’il paraît aller dans le même sens.

Lamendement CS918 est adopté.

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Après l’article 15

Puis la commission examine lamendement CS587 de M. Bruno Millienne.

M. Bruno Millienne. Il est souvent compliqué pour les personnes âgées vivant en milieu rural de se rendre dans une maison de services au public. Dans les Yvelines, certaines mairies de ma circonscription ne sont pas toujours ouvertes, ce qui pose problème à la population pour avoir accès à l’administration.

Nous proposons donc, à titre expérimental, pendant cinq ans, de créer, dans cinq départements déterminés par décret, un poste d’agent référent itinérant qui irait de commune en commune pour faire le point avec les administrés de la commune.

M. le rapporteur. Votre amendement, dont nous partageons l’objectif, est satisfait puisque l’article 27 de la loi du 12 avril 2000 prévoit les conditions dans lesquelles les personnels exercent leurs fonctions au sein des MSAP. Elle précise clairement que l’offre de services peut être organisée de manière itinérante. Toutefois, si la loi répond déjà à votre préoccupation, cela ne signifie pas que votre amendement est satisfait dans la réalité. Les mesures à adopter ne sont donc pas d’ordre législatif, elles doivent être prises sur le terrain, en lien avec les préfets pour trouver les bonnes formules.

M. le secrétaire dÉtat. La rédaction proposée semble trop imprécise pour être tout à fait opérationnelle.

Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émets un avis défavorable pour les mêmes raisons que celles évoquées par le rapporteur.

M. Bruno Millienne. Effectivement, mon amendement est satisfait par la loi de 2000. Mais, comme vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, la mesure est rarement appliquée. Je veux bien retirer mon amendement, à condition que l’on travaille sur ce point précis.

Lamendement est retiré.

En conséquence, lamendement CS655 tombe.

Mme Sandrine Mörch. Bien que l’amendement CS655 n’ait plus d’objet, permettez-moi, madame la présidente, de présenter ses justifications.

Je considère que toutes les discussions que nous avons depuis hier sur les services publics trouvent un écho particulier dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Dans ces quartiers, il existe en effet un sentiment global d’abandon ou d’impossibilité de faire valoir ses droits, soit parce que tout est beaucoup trop complexe, soit en raison de difficultés concernant la langue française ou de discriminations. À quoi bon s’inscrire dans telle ou telle orientation scolaire quand on pense qu’on n’a pas d’avenir, dans une politique d’emploi ou de santé puisque, par ailleurs, on est dans l’insécurité, qu’on a dix interlocuteurs différents qui ne se parlent pas entre eux pour accompagner un citoyen ? C’est ce sentiment de délaissement que l’on doit combattre et c’est ce combat que nous avons engagé au mois de novembre dernier avec l’annonce d’un grand plan de mobilisation nationale en faveur des quartiers prioritaires et des habitants.

C’est à ce souci pour les quartiers prioritaires de la politique de la ville que répond cet amendement destiné à mettre en place un référent unique qui pourrait suivre les habitants et les associations dans leurs démarches. On a besoin de quelqu’un qui soit capable d’impulser une dynamique de mise en projet et de relier l’action et les financements. Ce référent aura un pouvoir de décision en lieu et place des administrations et collectivités concernées.

Lors des auditions, j’ai évoqué le problème de la cécité administrative qui empêche de trouver des solutions globales et plus efficaces pour les personnes. C’est l’objectif de cet amendement de trouver des solutions à ce problème. Je travaille à la rédaction d’un autre amendement qui permettrait d’expérimenter une mobilisation citoyenne dans ces quartiers de beaucoup plus grande ampleur.

Il me semblait donc que les amendements CS918 et CS655 étaient complémentaires.

Mme la présidente Sophie Errante. Madame Mörch, j’aurais dû proposer une discussion commune sur votre amendement et sur celui que nous venons d’adopter, avant de faire voter sur ce premier amendement, car il a fait tomber le vôtre. Sur la procédure, je vous prie de m’excuser. Mais, sur le fond, je pense que vous vous rejoignez amplement.

M. le rapporteur. Nous avons pour objectif commun de profiter du dispositif des référents uniques pour faire quelque chose en faveur des quartiers prioritaires de la politique de la ville. C’est très clair.

Plusieurs alternatives sont proposées. Nous avons ainsi parlé des expérimentations concernant les maisons de service au public. Un autre amendement que j’ai proposé vise à simplifier la vie des associations qui déposent des demandes de subventions : un référent unique sera mis en place.

Un autre travail reste en cours. Vous travaillez ainsi, Madame la députée, en lien avec le ministère de la cohésion des territoires, pour une bonne formule d’amendement visant les habitants des quartiers prioritaires de la ville qui serait déposé en séance publique. À cette fin votre amendement, tel qu’il est rédigé, ne peut être mis en œuvre en l’état. Il conviendrait de le retravailler.

Lamendement CS588 de M. Bruno Millienne est retiré.

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Article 16
Expérimentation dune limitation de la durée des contrôles pour les PME

Cet article prévoit, à titre expérimental et pour une durée de quatre ans, une limitation de la durée des contrôles administratifs pour les PME dans les régions Hauts-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes.

I.   les contrÔles administratifs exercÉs sur les petites et moyennes entreprises

A.   Les contrÔles administratifs des entreprises françaises

Les entreprises françaises peuvent faire l’objet d’un éventail étendu de contrôles visant à vérifier la bonne application des dispositions législatives et réglementaires les concernant. Ces contrôles peuvent être engagés par :

– L’administration fiscale ;

– L’administration des douanes ;

– L’inspection du travail ;

– Les Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf) ;

– Les services nationaux et territoriaux compétents en matière de concurrence et consommation ;

– L’inspection des installations classées.

En outre, les obligations réglementaires faites aux chefs d’entreprise se traduisent dans certains domaines par des vérifications périodiques réalisées en interne (auto surveillance) ou confiées à des organismes de contrôle indépendants. Lorsqu’ils interviennent dans le cadre de contrôles réglementaires, ces organismes doivent faire l’objet d’une accréditation.

Deux rapports relativement récents ont dressé un état des lieux des contrôles administratifs pesant sur les entreprises industrielles ; l’un, publié en septembre 2014, est le résultat des travaux de la mission d’évaluation conjointe confiée à l’Inspection générale des finances et à l’Inspection générale des affaires sociales ([57]) ; le second, publié en juillet 2014, émane des travaux du Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGEIET) et du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) ([58]). Le choix des entreprises industrielles se justifie par le fait qu’elles sont plus susceptibles que d’autres de faire l’objet de contrôles administratifs en raison notamment des éventuelles conséquences de leurs activités en matière de sécurité et en matière sanitaire et environnementale. Les diagnostics de ces rapports sont concordants et significatifs.

B.   La culture du contrÔle a d’ores et dÉjà ÉvoluÉ dans un sens positif

Ces rapports soulignent que la fréquence et l’intensité des contrôles répondent désormais à une logique de taille et d’enjeu. L’administration fait déjà en sorte d’affecter ses moyens affectés au contrôle de manière efficace, en ciblant de plus en plus ses contrôles sur les situations à risque. Une programmation des contrôles est prévue dans l’ensemble des administrations au niveau national, afin de fixer des finalités communes, qui sont ensuite adaptées au niveau régional afin de tenir compte des spécificités locales. Les situations susceptibles de provoquer un accident ou de générer une fraude sont contrôlées en priorité.

Le rapport précité de l’IGF et de l’IGAS souligne que la fréquence des contrôles est faible dans l’ensemble : la durée moyenne entre deux contrôles d’une même administration pour une entreprise se  situe entre sept et soixante-dix ans. La fréquence de contrôle varie toutefois selon la taille de l’entreprise : plus l’entreprise est importante, plus la fréquence de contrôle s’élève et plus la probabilité qu’elle fasse l’objet la même année de  contrôles d’administrations différentes est forte. La nature de l’activité de l’entreprise et les risques que son activité peut entraîner pour ses salariés ou l’environnement conduisent également à augmenter la fréquence des contrôles. C’est le cas des entreprises industrielles, soumises à une fréquence de contrôle plus élevé que les autres entreprises de la part de l’inspection du travail ou de l’inspection des installations classées.

Source : rapport IGF-IGAS

De manière générale, par rapport à ses voisins européens, la France ne se distinguerait ni par la complexité ni par le nombre de ses services de contrôles.

C.   Toutefois, des efforts restent À fournir

Si l’organisation et les méthodes de la France en matière de contrôles ne la distinguent pas de ses voisins, elle apparaît moins engagée dans des processus systématiques de réduction des charges.

Le rapport précité du CGEDD et du CGEIET souligne que les entreprises ne demandent que ponctuellement « moins » de contrôles : elles souhaitent surtout qu’ils soient plus efficaces et moins générateurs d’aléas.

Celui de l’IGF et de l’IGAS met l’accent sur la difficulté que représente le temps de « dirigeant » mobilisé par les contrôles. Dans la quasi-totalité des entreprises interrogées, les contrôles fiscaux subis avaient été gérés directement par le dirigeant, pour un nombre total des heures de dirigeant mobilisées très significatif. Le temps maximal passé à ces contrôles parmi les PME ayant répondu à l’enquête menée est de 1,7 ETP, atteint pour une entreprise industrielle d’un effectif d’environ 230 personnes. Mais près de la moitié du temps de travail interne consacré aux contrôles fiscaux dans les PME industrielles de l’échantillon était pris sur le temps de travail des cadres dirigeants.

De fait, si les entreprises intermédiaires et les grandes entreprises disposent d’équipes et de cadres spécialisés qui prennent les contrôles en charge, ce n’est pas le cas des PME. Comme le souligne le rapport, « pour une PME (encore plus pour une TPE), le contrôle est un événement qui revêt tout de suite une dimension plus lourde, accaparante pour le chef d’entreprise et son ou ses quelques cadres car les possibilités de délégation sont limitées. » Même si les administrations ne requièrent pas obligatoirement la présence du responsable de la société durant un contrôle, celui-ci tient le plus souvent à marquer sa présence « dans un double état de déférence et d’inquiétude ». L’enjeu que représente, pour une PME, un contrôle, qui peut faire basculer sa situation financière, ainsi que la proximité affective et matérielle entre le chef d’entreprise et sa société, peuvent rendre le contrôle particulièrement angoissant.

Ce rapport souligne également les préoccupations des entreprises s’agissant de l’incertitude sur le temps que prendra le contrôle, du caractère parfois intermittent de la présence des contrôleurs (avec la nécessité, pour contrôleurs et contrôlés de se remettre à la tâche à chaque fois) et de l’ignorance de ce qu’ils cherchent. La plupart des entreprises interrogées ont moins critiqué la durée de présence effective dans leurs murs des contrôleurs que la durée de procédures qui s’éternisent et leur aspect « perlé » ([59]).

De même, les entreprises souhaitent être informées plus rapidement des suites du contrôle. Si les PME et les plus grandes entreprises présentent un profil de réponse globalement similaire avec 35 % d’opinions « mauvaise à très mauvaise  », 35 % d’opinions « moyenne » et 30 % d’opinions « bonnes à très bonnes », les PME sont celles qui ont plus fréquemment déclaré des délais de réponse définitive « très mauvais ».

C’est notamment le cas pour ce qui concerne les contrôles relatifs au crédit d’impôt « recherche » qui met en jeu des sommes déterminantes pour la survie de la jeune entreprise innovante. Le délai de clôture des contrôles est jugé parfois insupportable.

Source : rapport IGF-IGAS

De manière générale, le principe et la nécessité des contrôles ne font pas l’objet de contestations de la part des entreprises.

II.   les dispositions du projet de loi

L’alinéa premier précise l’objet et le cadre de l’expérimentation proposée : d’une durée de quatre ans à compter de la publication du décret d’application prévu à l’alinéa 10, et limitée au territoire des régions
Hauts-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes, elle consisterait à prévoir que l’ensemble des contrôles opérés par les administrations mentionnées à l’article L. 100-3 du code des relations entre le public et l’administration à l’encontre d’une entreprise de moins de 250 salariés et dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 50 millions d’euros ne peut dépasser, pour un même établissement, une durée cumulée de neuf mois sur une période de trois ans.

Le champ des administrations mentionnées à l’article L. 100-3 du code des relations entre le public et l’administration est très large, puisqu’il inclut les administrations de l’État, les collectivités territoriales, leurs établissements publics administratifs et les organismes et personnes de droit public et de droit privé chargés d’une mission de service public administratif, y compris les organismes de sécurité sociale. Il couvre donc une très large part des contrôles dont les entreprises concernées sont susceptibles de faire l’objet. La principale exclusion concerne les contrôles réalisés par les organismes accrédités (laboratoires, organismes d’inspection ou organismes de certification) qui sont pour la plupart des personnes privées.

Les seuils retenus pour définir les entreprises concernées par cette expérimentation correspondent à ceux par lesquels le droit européen définit les PME, ainsi qu’à ceux fixés, dans le même but, par le décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d’appartenance d’une entreprise pour les besoins de l’analyse statistique et économique.

Comme le précise l’étude d’impact, le choix des régions Hauts-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes permettra de mener cette expérimentation sur un nombre très significatif d’entreprises, à savoir près de 830 000, soit environ un cinquième des PME françaises (270 657 pour la région Hauts-de-France et 549 980 pour la région Auvergne-Rhône-Alpes, au 31 décembre 2015).

Votre rapporteur a interrogé le Gouvernement sur les modalités de calcul de la durée de trois ans. Il lui a été répondu quelles seraient précisées par le décret dapplication de cet article, et que cette durée serait vraisemblablement calculée en glissement.

Sagissant des modalités de détermination de la durée des contrôles, il a été répondu à votre rapporteur quun travail interministériel devrait être mené pour définir précisément les dates de début et de clôture de la période de contrôle. Il conviendra notamment de déterminer si les jours pendant lesquels les contrôleurs seront absents de l’entreprise sans que le contrôle soit officiellement clos seront inclus ou non dans le calcul de la durée d’un contrôle.

Sagissant du choix de la durée de neuf mois, il a été indiqué à votre rapporteur qu’elle permettrait à la fois aux PME d’absorber la charge supplémentaire que les contrôles administratifs sont susceptibles d’entraîner et de permettre à l’administration de procéder à l’ensemble des contrôles nécessaires.

Les alinéas 2 à 8 prévoient des restrictions à cette expérimentation. La limitation de la durée des contrôles ne serait opposable que s’il existe des indices précis et concordants de manquement à une obligation légale ou réglementaire (alinéa 2). En outre, les contrôles opérés à la demande de l’entreprise concernée en vue de l’article L. 124-1 du code des relations entre le public et l’administration ne seraient pas pris en compte dans le calcul de cette durée (alinéa 3). La création de ce nouvel article L. 124-1 est prévue à l’article 2 du projet de loi ; il prévoirait que « sous réserve des obligations qui résultent d’une convention internationale et sans préjudice des obligations qui lui incombent, toute personne peut demander à faire l’objet de l’un des contrôles prévus par la loi ou la réglementation ».

Enfin, certains contrôles seraient exclus du champ de l’expérimentation, à savoir :

– Les contrôles destinés à s’assurer du respect des règles prévues par le droit de l’UE (alinéa 5) ;

– Les contrôles destinés à s’assurer du respect des règles préservant la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l’environnement (alinéa 6) ;

– Les contrôles résultant de l’exécution d’un contrat (alinéa 7) ;

– Les contrôles effectués par les autorités de régulation à l’égard des professionnels soumis à leur contrôle (alinéa 8).

Enfin, cet article prévoit que cette expérimentation fait l’objet d’une évaluation dont les résultats sont transmis au Parlement (alinéa 9) et renvoie à un décret en Conseil d’État la fixation de ses modalités d’application (alinéa 10).

III.   la position de votre rapporteur

Votre rapporteur estime que cette mesure permettra de passer du contrôle « sanction » au contrôle « conseil » dans le cadre d’une politique partenariale avec les entreprises désireuses de se conformer à leurs obligations.

Il la considère comme solidaire d’autres qui devraient être appliquées dans le domaine réglementaire. Le rapport du CGEDD et du CGEIET propose ainsi, à sa recommandation n° 4, d’ « indiquer systématiquement aux entreprises, et notamment aux PME, qu’elles ont la possibilité de décaler les contrôles sur place pour tenir compte de la disponibilité des équipes, et notamment des dirigeants de l’entreprise ». Votre rapporteur estime également qu’il faudra veiller à limiter les délais d’obtention des conclusions du contrôle, régulièrement critiqués par les entreprises interrogées par l’IGF et l’IGAS.

Votre rapporteur souhaite également souligner que la mise en œuvre de cette mesure devra impliquer un travail de coordination entre les administrations. Celles-ci devront en effet partager leurs programmes de contrôler et, le cas échéant, établir des priorités entre les contrôles envisagés, afin de garantir une bonne application de cette disposition.

Il estime également qu’il conviendra de veiller à ce que la durée de neuf mois prévue corresponde à une durée d’interaction effective entre les parties prenantes des contrôles.

IV.   la position de la commission spÉciale

Outre trois amendements rédactionnels de son rapporteur, la commission spéciale a adopté quatre amendements à cet article :

– le premier, déposé par son rapporteur, prévoit que dans le cadre de l’expérimentation, les administrations engageant un contrôle à l’encontre d’une entreprise informent celle-ci de la durée pressentie de ce contrôle et justifient auprès d’elle tout dépassement de la durée initialement prévue. Cet amendement a reçu un avis défavorable du Gouvernement ;

– le second, également déposé par son rapporteur, dispose que dans le cadre de l’expérimentation, une administration, lorsqu’elle a effectué un contrôle à l’encontre d’une entreprise, transmet à celle-ci les conclusions de ce contrôle et une attestation mentionnant le champ et la durée de celui-ci. Cet amendement a reçu un avis favorable du Gouvernement ;

– le troisième, déposé par Mme de La Raudière, prévoit que les résultats de l’évaluation sont remis au Parlement au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation. Il a reçu un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement.

– le dernier, déposé par Mme Louwagie, prévoit que l’évaluation de l’expérimentation comporte un volet traitant de son impact sur les délais administratifs. Il a reçu un avis favorable du rapporteur et un avis de sagesse du Gouvernement.

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La commission est saisie des amendements identiques CS519 de M. Ugo Bernalicis et CS530 de M. Alain Bruneel.

M. Ugo Bernalicis. Mon amendement tend à supprimer l’article 16, qui prévoit une expérimentation qui aurait lieu dans les régions Hauts-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes. Pourquoi avoir choisi ces deux régions ? Comme élu dans les Hauts-de-France, je ne me sens pas particulièrement honoré par ce choix. Il s’agirait de limiter la durée des contrôles effectués dans les entreprises de moins de 250 salariés à une durée de neuf mois cumulés sur trois ans. Je pense qu’il ne faut pas confondre la question de la bonne foi avec celle des difficultés qu’il y a à opérer des contrôles.

De quoi parle-t-on, en fait ? Au cours des quinze à vingt dernières années, les moyens des services de contrôle de l’État ont été diminués, conduisant à des contrôles seulement par échantillonnage ou aléatoires, car il n’était plus question d’y passer trop de temps. Soit. Mais, finalement, on se rend compte que les contrôles prennent plus de temps qu’avant. Pour résoudre ce problème, voici à présent qu’on propose de limiter dans le temps la période de contrôle. C’est une mauvaise réponse à une bonne question. Si vous mettez plus de fonctionnaires dans les administrations de contrôle, vous verrez que, mécaniquement, la durée de contrôle diminuera. Donnez les moyens nécessaires aux administrations et elles contrôleront beaucoup plus vite ! Que ce soit au sein de l’administration ou des entreprises, nul ne peut se satisfaire de voir les contrôles s’étaler sur des mois et des mois, mais la solution ne peut consister à arrêter ces contrôles.

La logique générale du texte laisse apparaître deux objectifs qui ne sont finalement pas réconciliables. On ne peut pas dire qu’on va supprimer 120 000 postes de fonctionnaires sur la législature et, en même temps, soutenir qu’on va améliorer le conseil et rendre le contrôle plus efficace. Ce n’est pas vrai ! C’est une contradiction qu’on ne peut pas résoudre. Il va falloir choisir entre l’un et l’autre.

Si vous supprimez 120 000 postes de fonctionnaires, la qualité des contrôles sera moins bonne. Et des comportements qui mériteraient d’être punis ne le seront plus. Mon groupe s’oppose donc fermement à cet article 16. D’où cet amendement de suppression.

M. Alain Bruneel. Notre groupe est favorable lui aussi à la suppression de cet article, pour les raisons invoquées par mon collègue du groupe de La France insoumise. J’ajouterai un argument s’agissant de l’administration du travail.

Une telle expérimentation entre en effet en contradiction avec les prérogatives de l’inspection du travail, garanties par la convention n° 81 de l’Organisation internationale du travail (OIT), et qui permettent à ses agents de contrôler, au moment qu’ils jugent opportun, les entreprises de leur ressort territorial.

M. le rapporteur. Je suis défavorable à ces amendements de suppression de l’article.

S’agissant d’abord du choix des régions, il faut bien en choisir quelques-unes dans le cadre de l’expérimentation. Il s’avère que celles-ci comptent un grand nombre de PME. C’est donc une expérimentation très ambitieuse, puisque ce sont 20 % des PME du pays qui entreront dans son champ.

Quant au fond, vos arguments marquent l’opposition fondamentale entre nous sur la vision proposée. Vous soutenez que, sans effectifs supplémentaires, les administrations ne pourront pas mieux faire. Nous ne partageons pas ce point de vue. Nous pensons que, notamment sur la question du contrôle dans les PME, on peut faire tout aussi bien, redresser les fraudes ou corriger les erreurs, en organisant mieux les choses. C’est le cœur de cette expérimentation. Nous avons retenu la forme expérimentale pour cette raison. Car il faudra travailler sur la coordination entre les administrations, au moment où elles vont faire des contrôles dans les PME. Il est certain que cela va chambouler les habitudes. Les administrations auront besoin de communiquer entre elles, parfois même de prioriser les contrôles.

À cet égard, les outils nouveaux permettent parfois de faire mieux avec moins de moyens humains, en s’appuyant sur des technologies comme celles du big data. Notre capacité à établir des présomptions de fraude s’en trouve améliorée. Sur la base d’une telle présomption, une administration pourra se déclarer prioritaire pour aller contrôler une entreprise. Pour qu’elle passe avant les autres, une coordination devra avoir lieu.

D’autres amendements de suppression ont été déposés, qui s’appuyaient sur l’argument opposé, à savoir que neuf mois représentaient une durée trop longue. Les uns nous disent ainsi qu’il faudrait limiter même à trois mois, tandis que vous voulez de votre côté supprimer cette limitation… Nous avons opté pour une solution intermédiaire, qui laisse la place à l’expérimentation. Il faut assumer cet article tel qu’il est.

J’insiste sur la dimension qualitative des contrôles. Un rapport conjoint de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’inspection générale des finances (IGF) met le doigt sur les difficultés que posent la durée et la répétition des contrôles. Pour une petite entreprise, il est difficile de faire face à des contrôles qui se répètent dans différents champs donnés. Parfois, l’aspect qualitatif du contrôle laisse à désirer : des contrôles perlés voient partir des inspecteurs en cours de contrôle et l’entreprise ne sait pas du tout quand elle va les voir revenir. Tel est aussi l’objet de cette expérimentation. Nous examinerons des amendements en ce sens.

Enfin, si vous le voulez bien, je vous répondrai sur l’OIT et l’inspection du travail quand nous examinerons ceux de vos amendements qui portent spécifiquement sur ce thème-là.

M. le secrétaire dÉtat. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements pour les mêmes raisons. J’ajoute deux points cependant.

D’abord, je souligne que ces dispositions impliquent la nécessité de coordonner l’action des administrations de contrôle. C’est l’un des objectifs poursuivis.

Ensuite, je précise que les dispositions relatives à la limitation dans le temps de la durée maximale et cumulée des contrôles sur une période de trois ans ne concerneront pas les contrôles destinés à s’assurer du respect des règles prévues par le droit de l’Union européenne, ou encore des règles préservant la santé publique ou la sécurité des personnes, des biens ou de l’environnement, ou encore les contrôles résultant de l’exécution d’un contrat ou, enfin, les contrôles effectués par les autorités de régulation à l’égard de professionnels soumis à leurs contrôles.

Cela montre que l’article 16 ne vise pas à interdire toute forme de contrôle ou à protéger contre eux. Des contrôles importants pourront être réalisés dans les entreprises en dehors du délai des neuf mois.

M. Laurent Saint-Martin. Je crois qu’il est important de faire un point d’étape. Monsieur Bernalicis, je ne crois pas que vos propos soient spécifiques à l’article 16, qui est plutôt favorable aux PME. Vous êtes sans doute d’accord pour leur permettre de bénéficier d’un certain nombre d’allégements. En fait, vous vous demandez comment mieux faire les contrôles tout en supprimant des postes de fonctionnaires.

C’est un sujet de fond, dont nous n’avions pas encore discuté : comment faire mieux sans avoir forcément plus de moyens en termes de crédits de rémunération du titre 2 de la loi de finances et en termes d’effectifs. Je rejoins tout à fait ce qu’a dit le secrétaire d’État sur la coordination entre les administrations.

Je suis rapporteur spécial de la commission des finances sur les douanes et la direction générale des finances publiques (DGFip), deux administrations qui ont une capacité et un rôle de contrôle importants. Elles partagent une zone d’activité commune, dans le domaine du dédouanement et sont précisément demandeuses d’une meilleure coordination, non pour avoir plus de fonctionnaires, mais pour être plus efficaces. Elles expliquent que, si leurs systèmes d’information convergeaient et que leurs personnels travaillaient mieux ensemble, ce délai de neuf mois ne serait pas compliqué à atteindre. S’il l’est aujourd’hui, c’est par manque d’efficacité. Nous avons donc entre nous une divergence de fond, car nous ne pensons pas que c’est forcément en embauchant plus que l’efficacité de ces contrôles s’en trouvera accrue.

En revanche, je me réjouis que vous abordiez ce sujet dont nous devrons discuter aussi quand nous débattrons de « Cap 22 ». C’est dans ce cadre que nous pourrons mener cette discussion. J’y participerai, comme Cendra Motin, et j’espère que vous aussi. Notre débat de fond sera alors beaucoup plus global que celui que nous avons aujourd’hui sur cet article 16.

M. Ugo Bernalicis. Le secrétaire d’État nous a rappelé un certain nombre de domaines dans lesquels cette expérimentation ne s’appliquerait pas... Encore heureux que cela n’aille pas jusque-là !

Quant à présenter la durée de neuf mois comme une position médiane parfaite entre ceux qui voudraient seulement trois mois ou six mois et ceux qui voudraient plus que neuf mois, je reconnais la petite musique habituelle. En réalité, la position médiane serait plutôt le maintien de la position actuelle, tandis que vous allez dans un certain sens.

Je parlerai ici d’un point de vue corporatiste, car je suis un ancien fonctionnaire et attaché d’administration. Nombre de mes collègues ont œuvré à des mutualisations et rationalisations qui font faire à l’administration des économies d’emplois à temps plein. Dans cette administration d’État, aucun fonctionnaire n’est réfractaire à l’amélioration du système. Je veux que cela soit entendu ici.

Quand les organisations syndicales sont venues devant nous, elles l’ont martelé, à juste titre, durant l’une des auditions à laquelle j’ai assisté. Moi-même j’ai conduit une expérimentation pour transférer une partie des activités dépendant du ministère de l’intérieur à la direction régionale des finances publiques. Il s’agissait du transfert direct à la direction régionale des finances publiques d’une partie des factures. Eh bien, on est finalement revenus en arrière ! L’activité a été réintégrée dans le champ d’action du ministère de l’intérieur.

C’est la première expérimentation sur laquelle on soit revenu précisément parce qu’il n’y avait pas les moyens humains à la hauteur des contrôles qui devaient être faits. Quand ils n’avaient pas lieu, chaque fois qu’une difficulté surgit, cela prend beaucoup plus de temps de la régler que si on avait mis les moyens dès le départ.

Monsieur Saint-Martin, vous m’avez finalement donné raison dans votre intervention, en rappelant que les administrations ne considèrent possible une mise en œuvre de l’expérimentation que si certaines conditions sont réunies. Quelles sont-elles ? Il ne s’agit pas de l’adoption d’un texte législatif. Les administrations d’État n’ont pas attendu en effet le présent texte pour travailler et collaborer ensemble.

La réorganisation de l’administration territoriale de l’État, ou RÉATE, ou le fait qu’il existe des directions départementales ou des directions régionales interministérielles créent déjà une collégialité dans les contrôles et dans les procédures. La limite est atteinte quand les administrations ne peuvent communiquer entre elles faute d’interlocuteurs… La communication ne pourra avoir lieu.

Dans la mise en œuvre de votre texte, la variable d’ajustement sera en pratique la gestion des flux. Nous ne pouvons gérer ni le flux entrant ni le flux sortant ? Eh bien, diminuons notre capacité à contrôler pour rentrer tout de même dans l’épure ! Il faut bien, en effet, supprimer 120 000 postes de fonctionnaires, pour respecter le critère de 3 % de déficit public maximal fixé par l’Union européenne. Nous sommes opposés à ce raisonnement. D’autant qu’il risque d’y avoir des conséquences concrètes et directes. Nous évoquions tout à l’heure le droit du travail : ce n’est pas anecdotique. Moi qui ai rencontré dès le début de mon mandat le responsable départemental « zone Nord » de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) du département du Nord, je l’ai entendu me dire que, avec les effectifs d’inspecteurs du travail dont il disposait, il ne pouvait mener à bien l’ensemble des contrôles voulus dans les délais impartis. Comme les autres missions des DIRECCTE vont être rehaussées, il va en outre connaître des difficultés pour maintenir le nombre d’inspecteurs du travail actuels.

Voilà ce que j’entends, à l’échelle locale, auprès des administrations d’État. On a beau faire tous les textes qu’on veut, on sait comment ils vont finalement se traduire dans la réalité. Voilà ce qui me pose problème.

M. Emmanuel Maquet. Je voterai contre ces amendements. Rappelons que la période de contrôle déstabilise et perturbe le fonctionnement de l’entreprise. Donc, plus courte est cette période, mieux c’est !

En outre, le texte que nous examinons se donne pour objectif une bienveillance de l’administration vis-à-vis de nos concitoyens. Il est important d’en avoir aussi vis-à-vis du monde de l’entreprise.

Mme Laure de La Raudière. J’avais déposé un amendement de suppression de cet article, mais pour des raisons totalement opposées à celles qui viennent d’être soutenues par des collègues de la gauche. À mes yeux, il y a tellement d’exceptions que cela enlève beaucoup au poids de cet article.

C’est pourquoi j’ai aussi déposé des amendements visant à ce qu’on soit plus ambitieux à l’égard des PME. En France, nos contrôles sont souvent bien supérieurs à ceux qui sont menés dans les pays étrangers, notamment s’agissant des dispositions qui découlent de directives ou de règlements européens. Ainsi, l’Espagne, l’Italie, voire l’Allemagne, ont des organismes de contrôle moins pointilleux et moins exigeants. Même si on ne surtranspose pas les directives européennes, les contrôles effectués en France sont tellement développés que nous nous trouvons en déficit de compétitivité en certains domaines, par rapport à d’autres pays étrangers, plus laxistes. Or tout ce qui touche au droit européen se trouve dans le champ d’exceptions prévu par l’article.

Tel était le sens de mon amendement de suppression, dont le propos était bien différent de ce que nous avons entendu. D’où cet éclaircissement de ma part.

M. le rapporteur. Comme rapporteur, j’ai mené des auditions ouvertes. Je peux vous confirmer que les directions d’administration centrale, du fisc ou des douanes que nous avons reçues sont extrêmement enclines à aller dans le sens de cette expérimentation. Elles l’envisagent comme un défi : sur ce point elles ont été totalement transparentes car l’expérimentation nécessitera un vrai travail de coordination dans leurs services, un travail qualitatif.

De nombreuses autres auditions ont été réalisées auprès d’administrations décentralisées, notamment par des collègues du groupe majoritaire. Je puis donc vous dire que, sur le terrain, beaucoup d’administrations sont très partantes pour tester des formats nouveaux qui favoriseraient la coopération.

Madame de La Raudière, nous n’avons pas eu, en effet, l’occasion d’examiner votre amendement de suppression. Mais le rapport de l’IGF et de l’IGAS sur la question des contrôles montrait, comme j’en fais état dans mon rapport, que la France ne se distingue pas forcément par la fréquence de ses contrôles auprès des entreprises. Les problèmes portent beaucoup plus sur le caractère qualitatif et perlé des contrôles, ainsi que sur la non-coordination des administrations qui a pour corollaire que la même entreprise peut subir des contrôles de plusieurs administrations différentes de manière simultanée ou successive. C’est plutôt cet aspect qui devait être amélioré.

L’expérimentation garde donc une vraie utilité pour améliorer la qualité des contrôles. Je porterai d’ailleurs des amendements dans ce sens.

M. Alain Bruneel. Je ne comprends pas très bien ce qui est dit ici. Si on veut qu’il y ait un rapport de confiance, il faut voir que les administrations ne font pas que gêner les entreprises : elles leur permettent aussi, lorsqu’elles ont fait des erreurs, par exemple au niveau de l’URSSAF, et qu’elles ont des pénalités à payer, de pouvoir mieux discuter avec l’administration, de sorte qu’elles savent mieux où elles vont.

Il est bon aussi pour l’entreprise qu’il y ait un contrôle, comme il est bon pour une municipalité que le Trésor public contrôle ses comptes. Le contrôle est bon pour tout le monde.

Sur l’OIT, je serais très heureux d’avoir une réponse dès maintenant.

M. le rapporteur. Vous avez parfaitement raison de rappeler qu’il est bon qu’il y ait des contrôles. C’est bon pour l’entreprise, notamment grâce à l’article 2, qui prévoit un droit à l’erreur et permet donc aux entreprises de corriger une situation à l’occasion d’un contrôle. On passe ainsi d’une notion de contrôle sanction à une notion de contrôle conseil.

C’est bon aussi pour la concurrence. L’argument est souvent avancé par les douanes, qui expliquent que les entreprises ne souhaiteraient pas qu’il y ait moins de contrôles, car cela permet aussi de récompenser les entreprises vertueuses qui respectent les règles.

Cet article n’a donc pas du tout pour objet de supprimer les contrôles. Mais convenez avec moi que neuf mois de contrôle, sur une période de trois ans, pour les entreprises de moins de 250 salariés et dont le chiffre d’affaires est inférieur à 50 millions d’euros, cela laisse tout de même des possibilités de vérification. La durée de neuf mois peut même paraître trop longue aux auteurs d’autres amendements. Certaines entreprises ne sont pas dotées, en effet, de services spécifiques pour traiter les points de contrôle. C’est le chef ou la cheffe d’entreprise qui se retrouve souvent en première ligne pendant le contrôle. Voilà le point sur lequel nous voulons travailler dans cet article.

Sur l’OIT, vous marquez effectivement un point. La convention n° 81 de l’organisation internationale du travail prévaut sur toutes les règles que nous pourrons adopter. Il n’est nullement question, à travers cet article, de remettre en cause les règles de l’OIT. L’inspection du travail restera souveraine. Les inspecteurs du travail pourront aller inspecter les entreprises. Il pourrait même être bon de préciser expressément que l’inspection du travail garde une possibilité souveraine de contrôle. Il reviendra alors aux autres administrations de s’adapter, si l’inspection du travail a déjà consommé une partie des neuf mois impartis pour les contrôles par les différentes administrations.

La commission rejette les amendements.

Elle examine ensuite lamendement CS489 de M. Mohamed Laqhila. 

M. Mohamed Laqhila. L’article 16 est un article important et nous le voterons.

Les contrôles réalisés aujourd’hui par l’ensemble des administrations dans les entreprises pèsent lourdement sur leurs ressources en interne, au détriment des forces productives. Cette expérimentation me semble donc utile. Il me semble aussi utile de la limiter dans le temps, pour en mener ensuite une évaluation qui, je vous le dis d’avance, sera certainement positive.

En revanche, mon amendement vise à ne pas limiter l’expérimentation à un territoire, mais à l’élargir à tout le territoire national.

M. le rapporteur. La discussion que nous venons d’avoir montre qu’un format expérimental a toute sa pertinence sur un nombre limité d’entreprises. Le choix retenu porte sur 20 % des entreprises du pays, ce qui correspond à un échantillon suffisamment représentatif.

Soyons honnêtes et humbles vis-à-vis de cette expérimentation : elle ne va pas être simple. Elle pose bien des questions. Les administrations que nous avons rencontrées disaient que certains points ne sont pas encore tout à fait réglés, telle la coordination entre les administrations. Ce sera un vrai travail pour ces dernières de définir cet ordre de priorité dans lequel elles pourraient contrôler une même entreprise.

Il me semble donc raisonnable de laisser cette expérimentation se dérouler sur cet échantillon de 20 % des PME du pays, avant de faire ensuite le choix de l’élargir. Je suis défavorable à un élargissement immédiat.

M. le secrétaire dÉtat. À la lumière des discussions sur les amendements précédents, et pour les mêmes raisons que le rapporteur, mon avis est défavorable.

M. Arnaud Viala. J’ai déposé un amendement quasiment identique.

Je souscris complètement à l’analyse qui est fait par notre collègue Mohamed Laqhila. Autant je comprends tout à fait que l’expérimentation soit limitée dans le temps, ce qui lui donne tout son sens et permet d’évaluer et, éventuellement, de revenir en arrière sur le dispositif, autant la limitation géographique de l’expérimentation pose à mon avis deux problèmes.

Premièrement, la compétitivité des territoires s’en trouve affectée. Nous sommes dans une phase où on espère que le regain économique, s’il se confirme, permettra aussi des implantations. Je ne voudrais pas que ces expérimentations deviennent un élément de choix discriminant d’un territoire à l’autre. Or, si vous pensez aux zones frontalières des régions concernées par l’expérimentation, cela sera bel et bien le cas.

Certes, cela ne changera rien pour une entreprise qui a décidé de s’implanter au milieu de la région des Hauts-de-France ou de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Mais, pour les zones périphériques de ces régions, ce sera un vrai problème.

Deuxièmement, nous légiférons par définition à un niveau national. Or si nous n’avons pas de regard national sur les répercussions induites, nous allons commettre une erreur.

M. le rapporteur. Quant à moi, je défends l’expérimentation localisée. Il est intéressant de pouvoir tester des choses. La démarche est peut-être un peu nouvelle, même si elle n’est pas totalement inédite. On crée trop souvent des droits formels qui ne se transforment pas en droits réels, parce que les dispositifs ne sont pas applicables ou pas appliqués. Je défends donc l’idée de pouvoir procéder par expérimentation. D’ailleurs, les différentes personnalités entendues par cette commission, y compris les agents de l’État, étaient vraiment très favorables à cette démarche.

S’agissant du caractère inégalitaire de ces expérimentations, du point de vue de la compétitivité, le problème se posera si l’expérimentation a vraiment très bien marché et qu’il faut se dépêcher de l’étendre. Le Gouvernement, pourra alors faire preuve de pragmatisme pour accélérer les choses.

En tout état de cause, toute expérimentation présente des inconvénients et avantages. Dans le territoire où une expérimentation a lieu, les entreprises vont vivre le début de sa mise en place, alors que certaines choses devront être calées au démarrage. Il est difficile de dire, a priori, s’il n’y aura que des avantages à se trouver dans les deux régions retenues pour bénéficier de l’expérimentation.

J’assume donc l’idée de maintenir le dispositif sur un échantillon de 20 % des PME du pays.

M. Jean-Paul Mattei.  L’article 16 envoie un signe de confiance aux PME, que vous définissez au sens européen du terme. La durée expérimentale de quatre ans me semble tout à fait cohérente. Mais je trouve dommage de cantonner l’expérimentation à un territoire.

Au-delà de l’expérimentation, c’est un signe politique fort de confiance qui est donné aux entrepreneurs. Il faut l’assumer – même si on n’est pas d’accord avec nos amis de La France insoumise. Cela répond à un vrai besoin. Tout comme il est nécessaire de mettre en cohérence nos administrations, pour rationaliser leurs contrôles et les organiser. On sait très bien que certains contrôles durent pour des raisons de commodité.

Encore une fois, il est dommage de limiter territorialement le champ de l’expérimentation, car nos PME ont besoin de signes d’espoir leur permettant d’envisager sereinement et tranquillement leurs perspectives de travail, tout en respectant les règles. Or on va créer deux catégories d’entreprises sur un même territoire.

Mme Véronique Louwagie. J’ai été attentive et séduite par l’argument qui consiste à prendre en compte le fait que, finalement, une rupture d’égalité s’observe entre les différentes entreprises au regard des différents territoires. Cet élément mérite d’être apprécié.

Par ailleurs, pourquoi et comment a-t-on arrêté le nombre de deux régions ? Pourquoi ces deux régions ? Comment le choix a-t-il été effectué ?

Mme Cendra Motin. Je soutiens le rapporteur sur la « géolocalisation » des expérimentations. Ce n’est pas la première fois que nous procédons ainsi. Je n’ai jamais entendu personne se plaindre de ce que, par exemple, les expérimentations sur les contrôles renforcés de Pôle emploi ne se faisaient que dans une région. Or, comme nous l’avons vu, cela a fonctionné.

La semaine dernière, je suis allée en Bretagne, où on m’a expliqué que la Bretagne était une terre d’expérimentation. Les gens en sont fiers. C’est une marque de confiance en un territoire que de lui demander d’être à la pointe d’un nouveau dispositif. Dans nos expérimentations, il s’agit de cela aussi.

Madame Louwagie, pour ce qui est des deux régions retenues, je n’ai pas concouru au choix. Mais il faut savoir que la région Auvergne-Rhône-Alpes est l’une de celles qui a le tissu d’entreprises le plus dense en France, ce qui la désigne assez logiquement. Quant aux Hauts-de-France, je suis heureuse que le choix se soit porté sur elle, car cette région a besoin d’être soutenue au niveau économique et de son tissu d’entreprises. Lui proposer ce type d’expérimentations, c’est aussi l’aider.

M. Éric Pauget. Je trouve dommage l’idée de se restreindre et qui est symptomatique de ce qui se passe en France. Nous examinons ici un texte attendu, qui va dans le bon sens ; or, concernant certains articles, on a l’impression que c’est un peu « ceinture et bretelles », autrement dit, qu’ils manquent d’audace. C’est pourquoi je souscris au présent amendement. En effet, pourquoi ne nous émancipons-nous pas de nos administrations, de notre administration centrale ? Si j’ose dire : lâchons-nous un peu !

M. le rapporteur. On peut toujours se dire qu’on peut faire plus. Seulement, je n’ai pas envie de m’émanciper d’une administration quand elle fait le choix de lancer une expérimentation que j’estime ambitieuse, en l’occurrence sur 830 000 entreprises – ce qui n’est pas rien. Limiter la durée de contrôle est un signal très fort. Encore une fois, l’application de cette expérimentation sera complexe. Je ne boude pas mon plaisir et suis plutôt fier de défendre ce texte.

M. le secrétaire dÉtat. Le choix d’un territoire d’expérimentation obéit à des critères objectifs et à des critères subjectifs.

Parmi les premiers figure la qualité de l’échantillon. Il doit être représentatif, ce qui est le cas dès lors que 830 000 entreprises sont concernées. De plus, non seulement les deux régions retenues concentrent 20 % du total des PME, mais elles présentent des caractéristiques économiques différentes ; le panel s’en trouve ainsi beaucoup plus représentatif.

Un critère plus subjectif, j’en conviens bien volontiers, a présidé à ce choix : le Gouvernement s’est efforcé de répartir au mieux, sur le territoire, l’ensemble des expérimentations prévues par le texte et donc de ne pas les concentrer sur telle ou telle région ou tel ou tel département.

La commission rejette lamendement.

 

Puis elle examine deux amendements identiques CS367 de M. Vincent Rolland et CS413 de Mme Laure de La Raudière.

M. Thibault Bazin. L’amendement CS367 vise à réduire l’expérimentation à un cycle de trois ans afin qu’elle puisse être rapidement généralisée à toutes les régions françaises. Les parlementaires pourraient ainsi, le cas échéant, jouer leur rôle d’évaluateurs avant la fin de la législature.

Mme Laure de La Raudière. Je me suis déjà prononcée pour une durée unique des différentes expérimentations afin que nous puissions en assurer plus facilement le suivi. J’ai bien entendu les arguments du rapporteur et je ne les partage pas complètement, trois ans me paraissant une durée suffisante pour la mise en œuvre des différents types de d’expérimentation. En outre, je suis assez favorable à ce que la commission spéciale évalue elle-même les expérimentations au bout de trois ans. Le droit à l’erreur va toucher tous les citoyens, toutes les entreprises. Or confier l’évaluation, en fonction des sujets, à des binômes de parlementaires, me paraît de nature à limiter grandement notre capacité de contrôle de l’action du Gouvernement, alors que la majorité donne une importance essentielle à cet aspect de la rénovation des relations avec l’administration. Il faut bien prendre conscience que, dans ce genre de texte, le diable se niche dans les détails : la résistance de l’administration sera considérable et, je le répète, confier l’évaluation de l’expérimentation à une petite dizaine de députés plutôt qu’à l’ensemble de la commission spéciale me paraît très dommageable.

Mme la présidente Sophie Errante. Nous avons déjà abordé le sujet hier, je suis navrée.

M. Ugo Bernalicis. L’intervention précédente était largement à charge contre la fonction publique, considérée comme un ennemi, un frein, un blocage, bref, un problème. (Protestations.)

Mme Laure de La Raudière. Pas du tout !

M. Ugo Bernalicis. Je tiens à rappeler que la masse des fonctionnaires est favorable à la diminution des délais de traitement de tout un tas de procédures. Ils vivent la prolongation d’une procédure comme une souffrance.

Mme Laure de La Raudière. Certes !

M. Ugo Bernalicis. Vous voulez faire mieux avec moins de fonctionnaires – ce qui est contradictoire – alors que ce processus est en cours depuis quinze ou vingt ans, surtout depuis le lancement de la révision générale des politiques publiques (RGPP), et qu’il aboutit à un désastre, numérique ou pas.

Je reviens sur l’expérimentation concernant le service facturier, sur la dématérialisation des factures, une dématérialisation « native » – je vais employer des gros mots… –, qui signifie que la facture n’est pas numérisée mais dématérialisée dès sa conception. Est-on allé plus vite pour autant ? Non, parce qu’on a supprimé des emplois avant de constater la réalisation de gains de productivité – pour employer un autre gros mot que vous aimez, pour votre part, utiliser. Faut-il réunir une commission spéciale pour contrôler tout cela ? Il est très compliqué pour nous, qui appartenons à un petit groupe parlementaire qui n’a pas les moyens de la questure – peut-être cela viendra-t-il un jour –, de nous organiser pour mener de front les auditions de la commission spéciale, celles, pour chacun de nous, de sa commission d’appartenance, l’examen des textes de loi, etc. J’en profite pour vous faire remarquer que c’est un argument contre la diminution à 400 du nombre de députés : comment voulez-vous que nous exercions un contrôle digne de ce nom avec moins de parlementaires ? Je ne m’écarte pas du sujet : il s’agit bien ici du contrôle parlementaire.

De plus, je ne suis pas favorable à l’expérimentation qui nous est proposée ici. Nous présenterons d’ailleurs un amendement de repli visant à supprimer l’implication de l’inspection du travail dans ce type de contrôle.

Il faut bien nous comprendre et je regrette d’avoir attendu l’examen de l’article 16 pour aborder les questions politiques – mais c’est bien le fond de l’affaire : il faudra plus de fonctionnaires, or le projet de loi de finances pour 2018 n’y pourvoit pas, bien au contraire.

M. Dominique Da Silva. L’expérimentation a une vertu : celle de la méthode et de la simplification. Pour que les contrôles soient moins chronophages et moins gourmands en personnels pour l’administration, il faudrait en effet que les règles soient plus simples et beaucoup plus compréhensibles. L’expérimentation dont il est ici question nous montrera où l’on pourra faire des gains de productivité.

M. le rapporteur. Pour tout vous dire, je me suis moi-même posé la question de la durée de l’expérimentation et j’ai échangé sur le sujet avec le Gouvernement. Je suis plutôt favorable à un prochain amendement de Mme de La Raudière, qui vise à avancer la date de l’évaluation. Il faudrait ainsi que l’expérimentation, concernant les PME, dure bien quatre ans, mais qu’on puisse procéder à son évaluation six mois avant la fin. Nous aurons ainsi le recul nécessaire.

Je prends chacune de vos interventions, madame de La Raudière, pour une preuve d’amour – et je m’empresse de préciser : pour ce texte. (Sourires.) Vous avez bien raison de vous montrer attentive à l’évaluation. Nous l’avons évoqué hier au cours d’une réunion du bureau de la commission : nous nous sommes contentés de fixer quelques grandes lignes concernant le futur conseil de la réforme, précisant qu’il y aura un principe de spécialisation – et il est bon qu’on puisse charger tels collègues, au sein de la commission spéciale, de tel ou tel sujet –, ce qui n’exclut pas du tout l’organisation d’une réunion plénière. Nous avons d’ailleurs fixé une réunion, la semaine prochaine, avant même que le texte ne soit examiné en séance, afin que, une fois consultés les groupes respectifs auxquels appartiennent les membres du bureau de la commission, nous allions au bout de la discussion sur l’application de la réforme. Reste, j’y insiste, que je partage tout à fait votre volonté que la commission organise régulièrement des réunions plénières.

M. le secrétaire dÉtat. Mon avis est le même que celui du rapporteur : il faut pouvoir évaluer l’expérimentation au bout d’une période de trois ans et, par conséquent, l’expérimentation sur quatre ans nous paraît utile. Enfin, de même, là aussi, que le rapporteur, je suis favorable au prochain amendement de Mme de La Raudière visant à avancer de six mois la date de remise du rapport.

M. Alain Bruneel. Le rapporteur, eu égard à la discussion que nous avons eue précédemment sur la non-conformité de la liste des administrations impliquées dans le contrôle avec les stipulations de l’OIT, a proposé de retirer l’inspection du travail de ladite liste. Faut-il à cet effet prévoir un amendement pour la discussion en séance ou bien pouvons-nous procéder à ce retrait dès à présent ?

M. Laurent Saint-Martin. Je tiens à rassurer M. Bernalicis : même avec 120 000 fonctionnaires de moins, la France restera le pays pourvu du plus grand nombre de fonctionnaires en Europe et restera, en termes de fonctionnaires par habitant, parmi les premiers. Il s’agit bien ici d’améliorer la qualité du service public et non de lancer une énième RGPP qui, je vous le rappelle, consistait en des coupes budgétaires, soit une démarche radicalement différente de la nôtre. Le comité d’action publique 2022 (CAP 22) sera le lieu de ce débat et je serai ravi de l’avoir avec vous.

M. le rapporteur. En ce qui concerne l’OIT, monsieur Bruneel, je vous propose d’en discuter au moment de l’examen de l’amendement des députés du groupe La France insoumise.

La commission rejette ces amendements.

 

Puis elle en vient à lamendement CS26 de M. Arnaud Viala.

M. Arnaud Viala. En écoutant le rapporteur et le secrétaire d’État, deux réflexions me viennent à l’esprit.

D’abord, du point de vue des attentes des entreprises, puisqu’il s’agit d’elles, le texte est loin d’être ambitieux. Quand on envisage de limiter la période des contrôles à neuf mois sur trois ans, cela représente en effet tout de même presque un tiers du total. Il faut en outre tenir compte du fait que pendant neuf mois l’entreprise en question a aussi des congés. J’ai très peur qu’en n’amendant pas le texte, nous donnions aux entreprises l’impression que nous aurons fait un tour pour rien.

Ensuite, les administrations dont il s’agit sont des administrations territoriales, régionales, et l’effort qu’on leur demande n’est donc pas national mais territorial. Rien ne nous empêche de demander le même effort à toutes les administrations de toutes les régions et ce ne sont pas les représentants nationaux de ces administrations qui peuvent contrevenir à cette volonté qu’exprimerait l’Assemblée nationale.

M. le rapporteur. Je ne suis pas sûr d’avoir compris votre second point, mon cher collègue. En attendant, nous allons avoir l’occasion d’évoquer le premier puisque vous allez défendre des amendements visant à réduire le délai de neuf mois. Celui-ci, je vous le rappelle, concerne les régions Hauts-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes.

M. Arnaud Viala. Qu’il s’agisse d’un contrôle de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE), d’un contrôle de n’importe quelle administration, je n’imagine pas que l’article tel qu’il est rédigé conduira à une surdotation en personnels dans les régions Hauts-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes. Aussi ces administrations régionales vont-elles procéder à cette expérimentation à moyens constants. Si elles le peuvent dans les deux régions citées, qu’est-ce qui empêche les mêmes administrations, à moyens constants, en Occitanie et dans les neuf ou dix autres régions de France, de faire la même chose ?

M. le rapporteur. Nous en avons déjà discuté. L’expérimentation va permettre de vérifier, précisément, si les administrations, à périmètre constant, à moyens constants, sont susceptibles ou non d’être déstabilisées, si la mise en place de la réforme cause des difficultés. Je le dis humblement – et je réponds par la même occasion à M. Bernalicis – : il faudra peut-être, ici ou là, renforcer les moyens de coordination. C’est bien pourquoi il est utile que nous votions ce texte parallèlement au CAP 22 : nous allons tâcher de savoir ce qui fonctionne, de savoir s’il faut plus de moyens ici et moins là du fait d’une meilleure réorganisation… Je maintiens donc fermement ma position : nous ne devons pas soumettre toutes les PME de France à l’expérimentation.

M. le secrétaire dÉtat. On sait que mettre en place une expérimentation et de nouveaux processus nécessite temps, énergie et réflexion. L’objectif que nous poursuivons avec la répartition sur le territoire des différentes expérimentations prévues par le texte consiste à veiller à ce qu’une même administration – vous avez cité la DIRECCTE – n’ait pas à mener sur son ressort territorial, vous avez raison de le rappeler, plusieurs expérimentations. Ainsi, dans les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Hauts-de-France, elle portera sur le contrôle des entreprises et, dans d’autres régions, ces mêmes administrations pourraient être conduites à mener d’autres expérimentations. Si, après évaluation, elles se révèlent pertinentes, opportunes, l’idée est de les dupliquer mais cette fois sans la masse de travail nécessaire à la création des processus d’expérimentation.

M. Bruno Millienne. Les députés du groupe MODEM vont voter en faveur de l’amendement puisqu’il rejoint le nôtre. Mais j’avoue avoir du mal à comprendre l’argumentation du rapporteur et du secrétaire d’État. L’article 16 est vraiment attendu par les entreprises depuis je ne sais combien d’années. Elles aspirent à être libérées de la contrainte administrative que sont les contrôles et qui représentent 25 % de leur temps d’activité de production.

J’ai été sensible à l’argumentation de M. Viala selon lequel nous allons créer une distorsion de concurrence entre deux entreprises du même type, l’une sise à Lyon, par exemple, soumise à l’expérimentation, et l’autre en Île-de-France, qui ne le sera pas. En outre, les contrôles étant régionalisés, les administrations étant régionalisées, je ne vois pas en quoi, si l’expérimentation échoue dans les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Hauts-de-France, elle réussirait en Île-de-France ou ailleurs. Pourquoi donc ne pas supprimer, tout simplement, la régionalisation de l’expérimentation et ne pas la prévoir pour l’ensemble du territoire national ?

La commission rejette lamendement.

 

Puis elle examine lamendement CS532 de M. Mohamed Laqhila.

M. Mohamed Laqhila. Dans l’article 16, il est question de la PME au sens européen du terme ; or on oublie qu’en France on a plutôt affaire à des entreprises de très petite taille, la majorité d’entre elles employant moins de trois salariés. Le présent amendement propose par conséquent que la durée cumulée des contrôles ne puisse dépasser un mois sur trois ans, afin d’adapter la durée des contrôles à la charge qu’elle représente pour les très petites entreprises (TPE), et afin d’établir une cohérence avec les dispositions en vigueur pour les entreprises admises au régime simplifié d’imposition, dispositions prévues par l’article L. 52 du livre des procédures fiscales.

M. le rapporteur. Vous aussi, monsieur Laqhila, vous aimez cette expérimentation et vous avez envie de la pousser à son maximum.

M. Mohamed Laqhila. Il ne faudrait pas, d’ailleurs, que ce ne soit qu’une expérimentation, il faudrait y aller carrément.

M. le rapporteur. Reste que proposer que la durée cumulée des contrôles ne puisse dépasser un mois sur trois ans serait à mon sens excessif.

M. Mohamed Laqhila. Cette mesure serait réservée aux TPE.

M. le rapporteur. J’entends bien, reste que cela me paraît excessif. J’en profite pour avancer un argument qui me semble pertinent sur la durée des contrôles et qui vaudra pour les amendements suivants qui visent à la réduire.

Ainsi, je comprends sincèrement qu’on considère que neuf mois, c’est déjà beaucoup. Nous en avons beaucoup discuté au cours des auditions. La définition de la durée de contrôle n’est pas évidente et c’est pourquoi une expérimentation est nécessaire. Le contrôle commence-t-il à partir du point de notification et s’achève-t-il avec la remise du rapport final ? S’agit-il de la durée effective de présence dans les entreprises ? Il va falloir le déterminer.

La durée d’un contrôle dépend de sa nature et peut se révéler très variable. Nos échanges avec les services des douanes sur le sujet ont été particulièrement intéressants. Je leur ai fait valoir qu’il ne faudrait pas prendre en compte le temps de présence effectif afin que l’on mesure bien de quoi l’on parle, mais le contrôle du début jusqu’à la fin, ce qui rend le délai de neuf mois raisonnable. À quoi ils m’ont répondu très justement qu’à vouloir trop réduire la durée du contrôle, on risque de priver les entreprises du temps qu’il est prévu de leur donner pour répondre – et l’administration tend en pratique à augmenter le temps octroyé aux entreprises pour répondre à un certain nombre d’informations, afin qu’elles puissent contester certains aspects d’un contrôle.

Il s’agit également pour l’administration de pouvoir engager telle ou telle procédure. Ainsi, les services des douanes doivent, de temps à autres, procéder à des prélèvements de matières afin ensuite de les faire analyser en laboratoire, ce qui prend un certain temps pendant lequel l’entreprise est certaine que les contrôleurs la laissent tranquille. Il nous revient par conséquent de bien clarifier le dispositif.

Il serait donc très difficile, de manière unilatérale, de limiter le contrôle – je rappelle que cette expérimentation est destinée à concerner toutes les administrations –, ce qui pourrait provoquer des effets préjudiciables aux entreprises elles-mêmes.

Je serai donc défavorable à tous les amendements visant à réduire le délai du contrôle. Je suis en revanche favorable à la fixation d’un cadre – de neuf mois, par exemple – qui serait un défi lancé aux administrations en vue d’une meilleure coordination entre elles.

M. le secrétaire dÉtat. Le Gouvernement est tout aussi défavorable à ce que la durée de contrôle soit diminuée et s’opposera donc à tous les amendements allant dans ce sens. Nous considérons, comme le rapporteur, que la durée de neuf mois, sur les trente-six de la période de référence, représente un bon équilibre. Je rappelle que nous nous situons ici dans un cadre expérimental et que nous gagnons en lisibilité en adoptant une référence unique quelle que soit la taille des entreprises concernées. En attendant les résultats de cette expérimentation, de pouvoir en mesurer les effets sur chaque territoire et sur le tissu économique, nous souhaitons garder cette lisibilité, maintenir ce que nous considérons comme, je le répète, un délai équilibré.

M. Arnaud Viala. Vous souhaitez, monsieur le rapporteur, maintenir une durée de contrôle suffisamment longue en contrepartie, en quelque sorte, d’une prolongation des délais de réponse de l’entreprise à l’administration. J’y vois un inconvénient majeur. D’abord, c’est faire preuve d’une bien faible ambition, j’y insiste. Ensuite, lorsqu’il y a contrôle – aucun des multiples exemples que je pourrais vous citer ne me vient à l’esprit –, un certain nombre d’opérations financières sont parfois suspendues ; or, allonger son délai de réponse, c’est aussi allonger la durée pendant laquelle elle ne perçoit pas les fonds qu’elle attend, elle ne perçoit pas l’aide qui lui a été destinée etc. Ce n’est en rien ce que nous souhaitons pour la compétitivité économique de nos entreprises. Aussi, méfions-nous d’une réforme censée améliorer leur sort et qui risque au contraire de l’aggraver : nous sommes ici en train de dériver.

M. Ugo Bernalicis. J’ai mal aux oreilles à chaque fois que j’entends qu’il faudrait lancer des défis aux administrations comme si on s’y ennuyait. (Protestations.) Elles sont donc sommées de se renouveler pour renouer avec l’envie de travailler… Ce que je constate, dans les administrations, c’est plutôt le contraire, et le défi à relever, c’est plutôt celui de la souffrance parce qu’elles n’ont pas les moyens d’accomplir une tâche qui pourrait être exaltante intellectuellement et humainement.

Or vous ne prenez pas cette dimension-là en compte dans le texte : vous agissez de manière dogmatique. L’incantation semble vous suffire : on va expérimenter de telle manière dans les Hauts-de-France en fixant tels seuils… Dans cette région, et je pense en particulier au département du Nord, qui est l’une des plus sous-administrées puisque le nombre de fonctionnaires par habitant y est inférieur à la moyenne nationale, j’imagine que vous allez renforcer les effectifs de fonctionnaires ! J’imagine que c’est ce que vous allez faire pour mener à bien cette expérimentation !

En fait, bien sûr que non, vous savez comme moi que ce n’est pas ce qui va arriver, que votre expérimentation va être menée à effectifs constants, voire avec des effectifs en baisse. Nous allons donc droit dans le mur. Il est problématique de vouloir, dans la précipitation, diminuer les contrôles : cela revient à vider de sens l’action des fonctionnaires qui tous ont le service de l’intérêt général chevillé au corps et qui se battent pour faire respecter la loi. Or vous êtes en train de leur faire un pied de nez.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite les amendements identiques CS225 de Mme Véronique Louwagie, CS242 de M. Fabrice Brun, CS359 de M. Thibault Bazin, CS558 de M. Jean-Luc Lagleize et CS603 de M. Philippe Gosselin.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement CS225 traite du sujet que nous venons d’évoquer et j’ai bien entendu les arguments du secrétaire d’État et du rapporteur. J’ajouterai qu’une entreprise de 250 employés et dont le chiffre d’affaires est de 50 millions d’euros, n’a rien à voir avec une entreprise de 10 employés et au chiffre d’affaires inférieur à 2 millions d’euros. Il importe de faire preuve de discernement. Le recours à l’expérimentation montre en tout cas que vous vous efforcez d’être pragmatiques. Reste qu’il serait opportun de prendre en compte la différence des situations et si un délai de neuf mois peut être considéré comme acceptable par des entreprises de 250 salariés et réalisant un chiffre d’affaires de 50 millions d’euros, il devient très long pour une micro-entreprise.

C’est pourquoi il est ici proposé de réduire le délai de neuf à six mois pour les entreprises de moins de 10 salariés.

M. Fabrice Brun. Il est très important de prendre en compte le cas des micro-entreprises, celles de moins de 10 salariés. Or, pour elles, une durée cumulée de contrôle égale à neuf mois est trop importante et, comme l’a souligné justement Emmanuel Maquet, le contrôle est source de fragilité et particulièrement dans les petites entreprises. Il est donc proposé de limiter cette durée à six mois sur une période de trois ans pour les TPE. Il nous faut nous adapter à ces entreprises de moins de 10 salariés tant il est vrai qu’elles constituent un gisement d’emplois, au cœur des territoires ; or desserrer un peu le garrot du contrôle aurait, à mon sens, quelque vertu car, dans les TPE, c’est très souvent le chef d’entreprise qui se trouve en première ligne et il faut trouver le bon équilibre entre la période où il doit rendre des comptes et celle où il peut travailler sereinement à la création de valeur ajoutée – cela ne fait pas de mal de le rappeler.

M. Thibault Bazin. J’ai bien compris que le rapporteur et le secrétaire d’État ne souhaitaient pas revenir sur la durée de contrôle. Nous devons néanmoins discuter du rapport à établir entre cette durée et la taille de l’entreprise et l’on pense en particulier, nos collègues Louwagie et Brun les ont évoquées, aux TPE. Les durées cumulées de contrôle doivent être adaptées à la taille des entreprises car de cette taille dépend leur capacité à répondre à ces contrôles. Il faut savoir que toutes les petites entreprises n’ont pas un contrôleur de gestion et leurs responsables nous font part de leur sentiment d’être tout le temps contrôlés, ce qui leur prend du temps au détriment de leur activité. Un grand quotidien national avait pris l’exemple d’une restauratrice ayant vécu, entre 2016 et 2017, un contrôle de l’administration fiscale, une visite de la répression des fraudes et une enquête de l’inspection du travail, soit sept mois de démarches au total. Dès lors, des contrôles, oui, mais pas au détriment du cœur de métier. Et l’on imagine assez bien que le poids d’un contrôle est plus important pour une entreprise de 9 salariés que pour une entreprise de 249 salariés ; c’est pourquoi je vous demande vraiment d’examiner cette question de la taille des entreprises.

Mme Florence Lasserre-David. Cet amendement vise lui aussi à limiter à six mois la durée cumulée des contrôles pour les TPE tout en la maintenant à neuf mois pour les PME.

M. Philippe Gosselin. Pour édifier une société de confiance, la confiance doit se diffuser à tous les niveaux, selon la méthode du ruissellement que prône le Président de la République, afin d’approcher au plus près des besoins des territoires. De ce point de vue, il faut distinguer entre les TPE et les PME : nombreuses sont les entreprises artisanales qui maillent les territoires, notamment ruraux, et qui ne disposent pas des mêmes services que les PME. Ce distingo est indispensable pour rendre la confiance et changer concrètement les choses ; il se traduit aussi par une différence de durée des contrôles. Fixer une durée de neuf mois pour les PME ne me gêne pas ; en revanche, la ramener à six mois pour les TPE permettrait de mieux convaincre en envoyant un signal fort.

M. le rapporteur. Je ne suis pas favorable à la modulation des durées de contrôle en fonction de la taille des entreprises. L’expérimentation porte sur une catégorie d’entreprises – les PME – et nous devons veiller à son caractère opérationnel et applicable. Gardons-nous de bâtir une usine à gaz : les administrations devront déjà relever un défi important en appliquant cette expérimentation, qui suscitera des difficultés de coordination entre elles. Songez à la complexité pratique auxquelles feraient face les administrations – car elles sont toutes concernées – s’il fallait appliquer une durée de neuf ou de six mois selon qu’il s’agit de PME ou de TPE ! Je suis donc très défavorable à une telle différenciation, ce qui ne signifie pas qu’il faille exclure toute idée de souplesse opérationnelle ou managériale. Je défendrai plus loin un amendement visant à encadrer cette expérimentation sur un plan qualitatif : en début de contrôle, l’administration quelle qu’elle soit pourra informer l’entreprise concernée de la durée pressentie du contrôle en fonction de sa taille et du domaine visé. Il me semble que cette solution est plus opérationnelle et plus souple qu’un encadrement de l’expérimentation dans la loi qui fixerait une durée différente de contrôle selon qu’il s’agit d’une TPE ou d’une PME.

M. le secrétaire dÉtat. Avis défavorable pour les mêmes raisons que celles que vient d’expliquer le rapporteur.

M. Arnaud Viala. Les arguments que vous exposez, monsieur le rapporteur, tendent à démontrer que le texte ne s’adresse pas tant aux entreprises qu’aux administrations ! Je n’ai rien contre l’administration, loin s’en faut – contrairement à ce que M. Bernalicis nous sert à chaque instant – mais traiter une très petite entreprise de la même manière qu’une entreprise de 250 salariés serait une hérésie alors même que l’on veut améliorer la condition des entreprises ! Considérer que l’on peut notifier un délai de contrôle à une TPE comme on le notifie à une PME revient à ignorer que le chef d’une très petite entreprise est tout à la fois dirigeant, ouvrier, secrétaire, homme de ménage, chauffeur, livreur, comptable et ainsi de suite. Comment lui notifier un contrôle de plusieurs mois pendant lesquels il devra produire des pièces, alors qu’il ne dispose pas d’un conseil juridique interne ? Le contrôle est une opération très complexe à appréhender pour une TPE. Je ne comprends donc pas votre argumentation, car elle aggrave le blocage existant. Mieux vaudrait simplement rejeter l’amendement, plutôt que d’exposer de tels arguments !

M. Philippe Gosselin. Les chiffres en jeu sont tout de même considérables : 250 salariés et 50 millions d’euros de chiffre d’affaires ! Chacun peut mesurer ce que cela représente dans son département ou sa circonscription. Les entreprises concernées in fine ne courront pas les rues : ce texte, que nous voterons ou non, exclut de fait la grande majorité des entreprises. J’entends bien l’argument du rapporteur selon lequel il ne faut pas compliquer les choses pour l’administration, que je respecte, mais s’agit-il ici de rendre la confiance à l’administration ou aux chefs d’entreprise ? La réponse va de soi : c’est aux chefs d’entreprise qu’il faut rendre confiance, et ce serait une manière de leur dire que nous les avons compris et que nous allons dans leur direction que de distinguer dans cet article les TPE, qui représentent la richesse de nos territoires, qui créent le plus grand nombre d’emplois et qui sont les plus réactives. Une entreprise de 250 salariés possède un service du personnel et différents services administratifs au sens large qui peuvent se mobiliser en cas de contrôle ; la situation est très différente dans une TPE, où le patron est en effet un mouton à cinq pattes qui se réjouit déjà beaucoup de pouvoir faire les choses du mieux qu’il peut. Je caricature sans doute, madame la présidente, puisque je vous vois dodeliner de la tête, mais peu d’entreprises de dix ou quinze salariés disposent de services complets de cette sorte.

Quoi qu’il en soit, si l’effet de seuil est érigé en argument, alors cosignons sur-le-champ quelques amendements pour supprimer les seuils applicables aux comités d’entreprise ou en matière fiscale : nous y verrons beaucoup plus clair, mais je crains que vous ne soyez pas d’accord sur ces sujets. En somme, j’entends l’argument de l’effet de seuil, mais il est à manier avec beaucoup de précaution et de discernement.

M. Julien Aubert. Au fond, monsieur le rapporteur, nos points de vue ne sont pas si éloignés. La première question qui se pose est assez simple : faut-il moduler la durée des contrôles en fonction de la taille des entreprises ? Peu nombreux seront ceux dans cette salle qui seront d’avis qu’il convient d’appliquer les mêmes règles à une entreprise de 250 salariés et à une entreprise de 3 salariés. Il faut néanmoins tenir compte de l’argument de l’opérationnalité soulevé par le rapporteur.

J’y apporterai deux réponses : d’une part, les services de l’État savent traiter la différence de taille des entreprises. Les services fiscaux, par exemple, ne traiteront pas de la même manière le dossier à fort enjeu d’un particulier assujetti à l’impôt sur la fortune et celui d’un contribuable ordinaire soumis à un contrôle de routine. De même, ils ne consacreront pas les mêmes moyens ni n’utiliseront les mêmes procédures selon qu’il s’agit d’une grande ou d’une petite entreprise. Ce qui vaut pour l’administration fiscale doit sans doute valoir pour d’autres administrations.

Ensuite, vous employez le terme « opérationnel » et vous avez raison, mais dans ce cas, à quoi sert l’expérimentation ? Dans mon esprit, une expérimentation sert précisément à vérifier le caractère opérationnel d’une mesure. Si elle ne l’est pas, il faut y renoncer ; de même, si elle ne l’est que partiellement, il sera toujours possible de réviser la loi. En revanche, il me semble incompatible de prôner une expérimentation pour tester une nouvelle mesure tout en s’interdisant dans le même temps son adoption au motif qu’elle ne serait pas opérationnelle. Les services de l’État ont montré depuis quinze ou vingt ans qu’ils savent faire preuve d’une plasticité suffisante pour s’adapter à une disposition qui n’est pas complètement nouvelle, puisque la notion de seuil figure déjà dans de nombreux codes.

M. Ugo Bernalicis. Je m’étonne d’entendre invoquer l’argument selon lequel l’administration fiscale est douée de la capacité de discernement, ses fonctionnaires sachant faire la différence entre le contrôle de particuliers selon qu’ils sont ou non assujettis à l’impôt sur la fortune ou d’entreprises selon leur taille. Est-il envisagé où que ce soit de faire confiance au discernement des fonctionnaires d’une administration d’État quelle qu’elle soit ? Croyez-vous vraiment que les fonctionnaires ne savent pas faire la différence entre une entreprise qui possède un service comptable, un service financier et des avocats, et une petite entreprise ? Bien sûr qu’ils savent faire cette différence ! Bien sûr que les administrations sont douées de discernement !

M. Philippe Gosselin. Ce n’est pas le sujet !

M. Ugo Bernalicis. De même, il va de soi que les administrations pratiquent déjà l’indulgence et ce que vous appelez le « droit à l’erreur ». Cessons donc de réinventer l’eau chaude à chaque occasion. En l’occurrence, vous souhaitez inscrire ce principe dans la loi, ce qui est tout à fait différent. Pourquoi ne pas inscrire le discernement dans la loi, en effet, mais pas avec les chiffres tels qu’ils sont proposés ! La loi distingue déjà entre les entreprises selon leur taille, et vous voudriez y ajouter des distinctions concernant le contrôle de l’application de la loi ? C’est aller très loin au point de marcher sur la tête !

M. Julien Aubert. Je constate que le souvenir du débat sur la Questure énerve profondément une partie de l’opposition… Permettez-moi néanmoins de répondre en deux points. Premièrement, il ne s’agit pas ici de discernement mais de procédures et d’organisation de l’État. En l’occurrence, l’administration fiscale répartit les contrôles en trois niveaux auxquels elle s’est naturellement adaptée ; encore une fois, il ne s’agit pas de discernement mais de procédures en vigueur.

D’autre part, le projet de loi emploie le terme « contrôles » au pluriel. Il ne vise donc pas seulement le cas où une seule administration martyriserait une pauvre TPE ; en pratique, la difficulté tient au fait qu’une même entreprise peut être simultanément ou successivement contrôlée par plusieurs administrations – toujours pour de bonnes raisons, mais le processus peut finir par s’apparenter à du harcèlement. Après un contrôle social, un contrôle fiscal, un contrôle d’hygiène puis un contrôle réglementaire de sécurité, peut-on encore vraiment travailler ? Il faut donc adopter le principe – d’une manière dont on peut discuter – selon lequel le contrôle est nécessaire mais ne doit pas dépasser un intérêt marginal. S’il empêchait une entreprise de fonctionner au point de la tuer, alors nous marcherions en effet sur la tête !

M. Jean-Charles Taugourdeau. Les administrations, monsieur Bernalicis, ne font preuve d’aucun discernement : songez aux inspecteurs du travail qui, à peine entrés dans un salon de coiffure, entreprennent de feuilleter le code du travail pour repérer tout ce qui pourrait clocher. Il s’agit pourtant de TPE !

M. Ugo Bernalicis. Ils ne sont tout de même pas des policiers !

M. Jean-Charles Taugourdeau. C’est dans le texte, cependant !

M. le rapporteur. Ne nous trompons pas de débat. La question des seuils, tout d’abord, n’est pas un tabou.

M. Philippe Gosselin. Nous en prenons bonne note !

M. le rapporteur. Vous le pouvez : Bruno Le Maire s’est exprimé en ces termes et nous examinerons une loi sur la croissance et la transformation des entreprises. Vos propos, monsieur Gosselin, sont quelque peu ambigus : vous laissez entendre que l’expérimentation est réservée aux entreprises de 250 salariés faisant 50 millions d’euros de chiffre d’affaires, alors qu’il s’agit de plafonds : toutes les entreprises se situant en-deçà de ces seuils sont concernées, y compris les TPE, cela va de soi. J’ai créé ma propre entreprise, passée de zéro à trente salariés, et je sais en quoi consiste l’emploi de comptable ou de commercial pour développer une entreprise.

Revenons néanmoins au débat sur le caractère opérationnel de l’expérimentation. Vous semblez faire croire qu’il est question de limiter à neuf mois la durée de contrôle d’une seule administration : ce serait décevant, je vous le confirme. La durée et la nature des procédures de contrôle varient déjà selon les administrations, qu’il s’agisse des URSSAF et de l’ACOSS ou de l’administration fiscale, et selon les entreprises concernées. L’expérimentation que nous proposons est plus ambitieuse que cela : elle vise la coordination entre toutes les administrations. C’est déjà très complexe. Pour les URSSAF, par exemple, la durée de contrôle ne dépassera pas un mois pour les petites entreprises, comme c’est déjà le cas ; il faudra coordonner cette durée avec l’intervention éventuelle d’une autre administration. Ne nous trompons donc pas : il ne s’agit pas de limiter les contrôles effectués par chaque administration mais par toutes les administrations. Ne boudons pas notre plaisir : une durée de neuf mois reste tout de même très ambitieuse !

La commission rejette les amendements identiques.

 

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements 320 de M. Emmanuel Maquet, CS487, CS486, CS484 et CS483 de M. Mohamed Laqhila, et CS349 de M. Julien Dive.

M. Emmanuel Maquet. Cet amendement vise également à revenir sur la durée maximale de contrôle. Rappelons tout de même que le principe de la limitation de la durée des contrôles va indéniablement dans le bon sens. Si le contrôle est considéré comme un exercice relativement habituel dans les grandes entreprises, il représente une contrainte matérielle plus importante dans les TPE. Le but de l’amendement est de ramener cette durée de neuf à trois mois. 

M. Mohamed Laqhila. Les amendements CS487, CS486, CS484 et CS483 sont défendus.

M. Julien Dive. Puisque vous marchez dans le bon sens, je vous propose d’aller plus loin. Loin de moi l’idée de me livrer avec vous à une surenchère consistant à chipoter sur un délai, mais je tiens à rappeler une réalité du monde de l’entreprise : les contrôles sont multiples, qu’ils concernent le chiffre d’affaires, la masse salariale, les équipements techniques ou encore les conditions de travail, et sont effectués par une multitude d’administrations, depuis l’URSSAF jusqu’à la DGCCRF, la DGFIP, l’inspection du travail et j’en passe. Autre élément de contexte : la préoccupation des chefs d’entreprise, qui ne sont pas toujours en mesure d’affecter un cadre ou un membre de leur équipe au suivi des contrôles. Vous proposez une durée de neuf mois qui va dans le bon sens, mais qui représente tout de même un quart du temps imparti, ce qui me semble excessif. Je vous propose donc par cet amendement de ramener cette durée à sept mois.

Suivant lavis défavorable du rapporteur et du Gouvernement, la commission rejette successivement les amendements.

 

Puis elle examine lamendement CS344 de M. Guy Bricout.

M. Guy Bricout. Comme les précédents, cet amendement vise à limiter à quatre mois la durée cumulée des contrôles sur une période de trois ans dans les entreprises de moins de dix salariés, quel que soit leur chiffre d’affaires. Les TPE, en effet, ont peu de moyens à mettre à la disposition des vérificateurs ; une durée de quatre mois sur trois ans semble conséquente.

Suivant lavis défavorable du rapporteur et du Gouvernement, la commission rejette lamendement.

Elle passe à lamendement CS520 de Mme Sabine Rubin.

M. Ugo Bernalicis. Cet amendement vise à exclure l’inspection du travail du champ du dispositif. Nous avons évoqué la possibilité que ce texte contrevienne à certaines dispositions des conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT). Pour éviter d’y contrevenir en prévoyant par exemple que l’inspection du travail est prioritaire, nous proposons tout simplement de l’exclure de la mesure. Ne prétendons tout de même pas, dans une commission comme celle-ci, que les contrôles représentent une souffrance superfétatoire ! J’ose espérer que le législateur se donne les moyens de contrôler l’application des lois qu’il adopte, et que les services de l’État y parviennent. Il est important que l’inspection du travail puisse faire son travail, précisément. L’actualité du droit du travail est suffisamment dense et complexe pour ne pas imposer une difficulté supplémentaire à l’inspection du travail, qui est déjà mal en point. Il aurait été merveilleux que le projet de loi de finances pour 2018 prévoie l’augmentation de ses moyens, mais tel n’a hélas pas été le cas, d’où ma proposition de la sortir du champ de la mesure.

M. le rapporteur. Je respecte vos interventions et m’emploie à y répondre sur le fond, monsieur Bernalicis ; en retour, respectez mes prises de position. Je me suis exprimé très clairement sur la nécessité des contrôles pour les entreprises mais aussi pour le respect de la concurrence. Nul ici n’en conteste l’intérêt.

Quant à l’inspection du travail, rassurez-vous : votre amendement est plus que satisfait puisque le projet de loi, dans sa version initiale, mentionnait l’obligation de respect des conventions internationales. C’est le Conseil d’État qui a conseillé au Gouvernement de supprimer ces mentions qui sont déjà satisfaites car les conventions internationales sont supérieures aux règles nationales. Il n’y a donc aucune remise en cause de l’action de l’inspection du travail. Soyons-y attentifs : même si je sais que telle n’est pas votre intention, je vous invite à participer au conseil de la simplification, qui met en place des expérimentations intéressantes au sujet desquelles nous devons être exigeants vis-à-vis du Gouvernement. D’un point de vue législatif, cependant, votre amendement est satisfait.

M. le secrétaire dÉtat. Je partage l’avis du rapporteur. L’inspection du travail est visée par les conventions liant la France à l’OIT et possède donc à ce titre un caractère particulier. Nous ne pensons pas qu’il soit nécessaire d’inscrire les dispositions que vous proposez dans la loi. En revanche, nous estimons que les contrôles effectués par l’inspection du travail occupent une place particulière et centrale, et que c’est autour d’eux que devront s’articuler un certain nombre d’autres contrôles. Nous veillerons à ce que les textes d’application tiennent compte de cette particularité. Je vous invite donc à retirer cet amendement ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine lamendement CS345 de M. Guy Bricout.

M. Guy Bricout. Cet amendement vise à compléter l’alinéa 2 par la phrase suivante : « Il incombe dès lors à ladministration qui ne respecte pas les délais susmentionnés de préciser par écrit les motifs de labsence dapplication de ces dispositions ». Il appartient incontestablement à l’administration de s’expliquer sur l’absence de respect de la limitation de la durée, faute de quoi ce texte n’aurait guère d’intérêt.

M. le rapporteur. Avis défavorable : cet amendement ôterait une partie de sa portée à l’expérimentation que nous souhaitons, puisqu’il faudrait que les administrations se justifient de ne pas en respecter le cadre. Mettons déjà ce cadre expérimental en place avant d’imposer d’emblée aux administrations de se justifier.

M. le secrétaire dÉtat. Le Gouvernement comprend la préoccupation qui inspire cet amendement mais préfère en reporter l’application éventuelle après l’évaluation qui sera faite de l’expérimentation. Le nouveau droit issu de l’article 16, s’il est adopté par l’Assemblée nationale, sera déjà lourd de contraintes pour les administrations, dont il convient à ce stade de ne pas alourdir davantage les obligations procédurales.

Mme Laure de La Raudière. Je ne comprends ni la position du rapporteur ni celle du secrétaire d’État. L’amendement de M. Bricout vise à compléter l’alinéa 2, monsieur le rapporteur. Il doit donc se lire après les mots : « Cette limitation de durée nest pas opposable sil existe des indices précis et concordants de manquement à une obligation légale ou réglementaire ». Ce n’est que dans ce cadre que M. Bricout propose que l’administration explique pourquoi elle n’a pas respecté la durée de contrôle, ce qui me semble justifié. Il n’y a là aucune charge supplémentaire pour l’administration ; elle se contentera, lorsqu’il existe des indices précis et concordants de manquement à une obligation légale, de le dire. Je soutiens donc résolument l’amendement de M. Bricout, qui s’inscrit dans l’esprit du texte.

M. Arnaud Viala. Je le soutiens de même, en ajoutant qu’à défaut d’avoir abouti à la réciprocité entre les délais exigibles de l’administré et les délais de réponse de l’administration, que je souhaitais par mes amendements, nous pourrions instaurer une réciprocité en termes d’état d’esprit. Un administré n’étant pas en mesure de répondre dans les délais qui lui sont impartis peut essayer de faire valoir son droit à l’erreur et de discuter avec l’administration pour obtenir grâce ; qu’au moins l’administration, si elle ne parvient pas à répondre à l’administré dans les délais pour une raison explicable, lui écrive et ne le laisse pas dans l’inconnu.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement me semble en effet très intéressant, parce qu’il n’y aurait rien de pire que de laisser la possibilité à des administrations de ne pas expliquer les motifs retenus pour ne pas appliquer les délais de contrôle en cas de manquement. Préciser que la durée de contrôle n’est pas opposable sans donner les motifs de son non-respect provoquerait la suspicion et le doute. Pour restaurer la confiance avec les entreprises, il faut de la transparence. Pour ce faire, il faut expliquer le comment et surtout le pourquoi d’un dépassement de durée. Cet amendement me paraît donc de nature à maintenir la confiance ; sans explication, il n’y a plus de confiance.

M. Julien Aubert. J’ajoute un argument supplémentaire en renfort de cet amendement : celui de sa valeur statistique. Il faudra à terme tirer les leçons de cette expérimentation et déterminer ce qui a fonctionné ou pas. En obligeant l’administration à expliquer pourquoi elle n’a pas respecté les délais de contrôle le cas échéant, on disposerait d’une typologie des motifs qui nous permettra peut-être de distinguer entre les réponses selon les administrations, les types de contrôle ou les régions, d’agglomérer les principales raisons de dépassement et de réorienter le diagnostic. En effet, le non-respect d’un délai peut être dû à de nombreux facteurs : manque de moyens, désorganisation, incompréhension des textes… Ce type d’informations est nécessaire pour faire vivre l’administration du XXIe siècle et la science administrative.

M. Jean-Paul Mattei. Cet amendement de bon sens me semble sécuriser l’article sur le plan juridique. Il est important que l’administration puisse expliquer pourquoi elle s’affranchit du délai. C’est une question de prudence : le texte pose en effet un problème d’application, et l’administration doit justifier le manquement à une obligation légale ou réglementaire. Loin de dénaturer le texte, l’amendement le renforce et le sécurise en donnant des explications, et donc de la visibilité, aux entreprises.

M. le rapporteur. Cet échange utile permet de clarifier les choses. J’entends l’argument statistique et les autres arguments présentés. Je crois néanmoins qu’il n’est pas opportun d’insérer cet amendement à cet endroit de la loi. Lorsqu’il existe des indices précis et concordants de manquement à une obligation légale, la procédure change de nature. Prenons l’exemple de la DGCCRF : il arrive qu’une entreprise fasse l’objet de signalements en cours de contrôle relatif à la concurrence, ce qui empêche l’administration de livrer en temps réel les éléments dont elle dispose pour engager telle ou telle procédure. Nous ouvririons donc un champ de jurisprudence qui pourrait complexifier les choses et affaiblir la capacité de l’administration à corriger les problèmes, ce qui serait contraire à l’esprit qui inspire la limitation de la durée des contrôles. Dans la pratique, néanmoins, il va de soi que le bon sens doit inciter les administrations à justifier des dépassements de délais lorsqu’ils sont bénins. En revanche, il serait dangereux d’inscrire dans la loi, même à titre expérimental, l’obligation pour les administrations dans leur ensemble de justifier de chacune des dérogations qui sont faites. C’est la prudence législative qui motive mon avis défavorable. 

M. Arnaud Viala. Le cas que vous citez, monsieur le rapporteur, ne sera pas soumis à l’expérimentation étant donné que l’alinéa 2 exclut les situations dans lesquelles il existe « des indices précis et concordants de manquement à une obligation légale ou réglementaire ». Il va de soi qu’il ne serait pas demandé à une administration tenue de se justifier sur un délai de communiquer l’ensemble des détails relatifs à un dossier, mais simplement d’expliquer à l’administré soumis à la vérification qu’une investigation complémentaire empêche de respecter le délai ; c’est faisable dans tous les cas de figure.

M. le rapporteur. C’est précisément l’alinéa 2 que l’amendement vise à compléter ; il vise donc exactement les situations dans lesquelles il existerait des « indices précis et concordants », sur lesquels l’administration aurait à se justifier. Sans doute pourrait-elle en effet expliquer dans un certain nombre de cas pourquoi les délais sont dépassés, mais pas dans d’autres. Je ne souhaite donc pas adopter une disposition systématique qui pourrait gêner l’administration.

M. Jean-Paul Mattei. Permettez-moi de vous demander une précision. Imaginons qu’un contrôle fasse apparaître un cas de non-respect des règles au sens de l’alinéa 2 : l’administration pourra alors prolonger les contrôles au-delà de la durée de neuf mois et s’affranchir des délais. Comment cela se passera-t-il concrètement ? Il me semble que vous allez mettre le feu – si j’ose dire – en matière de jurisprudence, car l’administration pourra être attaquée au sujet de l’application du texte. Il faut qu’elle puisse notifier les motifs de sa décision. J’entends beaucoup parler de contrôle, mais à la phase du contrôle s’ajoutent les notifications – une notion au sujet de laquelle le texte, en l’état, pose un problème rédactionnel. Il faudra bien que l’administration notifie à un moment ou à un autre que le délai de neuf mois n’est plus valable.

Mme Laure de La Raudière. Je rappelle en outre qu’il s’agit d’une expérimentation. Il serait donc plus équitable, réciproque et conforme à l’esprit du texte de prévoir cette explication. Si l’expérimentation révèle que cela présente une difficulté dans tel ou tel cas particulier, nous pourrons en modifier les termes lors de sa généralisation ; en attendant, nous avons intérêt à renouveler cette manière de fonctionner en imposant l’explication lors de l’expérimentation, afin que la mesure aille dans les deux sens. Il me semble donc judicieux d’adopter cet amendement.

M. Bruno Fuchs. L’une des causes de défiance entre les administrés et l’administration tient justement au fait que dans bien des cas, celle-ci se retranche dans son bon droit sans être obligée de s’expliquer. En l’état du texte, nous allons conforter ce réflexe initial, alors que l’on souhaite au contraire que l’administration s’exprime et maintienne des liens de communication aussi simples que possible avec les administrés. Cet amendement va donc dans le bon sens, surtout dans le cadre d’une expérimentation.

La commission rejette lamendement.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CS705 et CS706 du rapporteur.

Puis elle est saisie des amendements CS699 et CS700 du rapporteur, pouvant faire lobjet dune présentation commune.

M. le rapporteur. Ces amendements, qui visent à bien encadrer les conditions de l’expérimentation, portent sur la durée du contrôle mené par l’administration à l’encontre d’une entreprise et la qualité de ce contrôle.

Les rapports de l’IGF et de l’IGAS ont en effet pointé les faiblesses qualitatives des contrôles. L’amendement CS699 prévoit que l’administration doit informer l’entreprise concernée de la durée pressentie du contrôle et justifier tout dépassement de la durée initialement prévue. Il ne porte pas sur les contrôles visés à l’alinéa 2, dans les cas où existent des indices précis et concordants de manquement à une obligation légale ou réglementaire.

L’amendement CS700 prévoit que l’administration transmet à l’entreprise concernée les conclusions du contrôle et une attestation mentionnant le champ et la durée de celui-ci. Cela permettra, monsieur Aubert, de produire des statistiques.

M. le secrétaire dÉtat. En l’état, le Gouvernement n’est pas favorable à l’ajout d’obligations supplémentaires pour les administrations. Nous considérons que le dispositif de l’article 16 est suffisamment lourd pour les services départementaux concernés. Nous suggérons de réfléchir, d’ici à l’examen en séance publique, à une disposition plus limitée, qui prévoirait que l’administration informe l’entreprise de la durée indicative de chaque contrôle et, le cas échéant, de sa prolongation, sans qu’elle ait à motiver le dépassement de la durée initiale. Avis défavorable sur l’amendement CS699.

Mme Laure de La Raudière. Monsieur le rapporteur, qu’entendez-vous par « justifie » ? Le terme me semble faible, dans la mesure où l’administration peut se contenter d’indiquer qu’elle a simplement besoin de davantage de temps. Il conviendrait de modifier, en commission ou en séance publique, l’amendement, en prévoyant que l’administration « donne les raisons à lentreprise concernée des motifs du dépassement de la durée initiale prévue ».

Mme Jeanine Dubié. M. le rapporteur nous avait demandé de retirer nos amendements à l’article 2, qui prévoyaient que la réunion de fin de contrôle devait être formalisée par écrit, au bénéfice de l’amendement CS700.

Je regrette qu’une telle disposition ne soit prévue que dans le cadre de l’expérimentation. La réunion de synthèse a lieu uniquement sous forme orale, ce qui crée souvent de la confusion et de l’incompréhension, et entraîne la contestation des éléments lorsqu’ils parviennent à l’intéressé. Je ne comprends pas que cette réunion ne puisse pas faire simplement l’objet d’un écrit de portée générale.

Mme Véronique Louwagie. C’est un fait, nous débattons beaucoup des délais. Ces amendements apportent une ouverture intéressante puisqu’ils permettent au public de prendre connaissance de la procédure utilisée par l’administration et de ses justifications.

Pour autant, je m’interroge, avec Laure de La Raudière, sur les suites que peut donner l’entreprise à une telle information. Que se passe-t-il si elle n’est pas d’accord avec la justification fournie par l’administration ? Peut-il y avoir débat contradictoire, recours, contentieux ?

M. Mohamed Laqhila. L’administration informe l’entreprise de la durée pressentie du contrôle et doit justifier tout dépassement de la durée prévue. Nous voterons cet amendement de bon sens, qui répond à nos préoccupations.

M. Laurent Saint-Martin. Après avoir longuement parlé des délais, nous devons être cohérents et inscrire dans le dur cette mesure qui porte sur les contrôles. Le groupe REM votera pour.

M. le secrétaire dÉtat. La principale difficulté ne tient pas au fait d’informer l’entreprise de la durée pressentie de chaque contrôle – nous ne sommes plus dans la durée cumulative – mais de motiver le dépassement de la durée initialement prévue.

Il arrive en effet que les contrôles mettent à jour des éléments de nature à entraîner une procédure pénale. Si l’administration se trouve tenue de donner les raisons qui l’amènent à prolonger le contrôle, cela fournira à l’entreprise une indication sur le risque de procédure pénale qu’elle encourt. Or nous ne voudrions pas compromettre la possibilité, pour l’administration, d’ouvrir une procédure.

Sans aucun doute, cela fera débat dans l’hémicycle. Nous essaierons de faire d’autres propositions qui concilient l’objectif poursuivi par le rapporteur et l’impératif de nourrir certaines procédures pénales.

M. Laurent Saint-Martin. Merci pour ces précisions, monsieur le secrétaire d’État. Nous maintenons néanmoins notre position car il est important d’adopter un amendement sur l’obligation de l’administration à donner une durée indicative pour les entreprises qui subissent des contrôles. Peut-être faut-il trouver un juste milieu qui permettrait de ne pas divulguer la nature de la prolongation mais au moins que l’entreprise concernée puisse se préparer à cette durée pour qu’elle évalue le temps qu’elle devra consacrer à ce contrôle.

Mme Véronique Louwagie. Les députés Les Républicains voteront ces amendements.

M. Jean-Paul Mattei. Ces amendements sont intéressants. Il me semble qu’il peut y avoir des anomalies en amont qui entrent dans le cadre de l’alinéa 2 de l’article 16 et qui permettent à l’administration de s’affranchir des délais sans pour autant déboucher sur une procédure pénale. S’il doit y avoir procédure pénale, c’est un autre contentieux qui s’ouvre.

Mme Laure de La Raudière. Nous examinons un article qui prévoit une expérimentation. Si nous voulons faire correctement des expérimentations, il faut savoir quelles sont les limites de l’exercice. Si l’expérimentation ne porte que sur ce que l’on est certain d’accomplir, autant ne pas en faire, et appliquer tout de suite la mesure au niveau national.

J’aimerais que le rapporteur précise ce qu’il entend par le terme « justifie », car je trouve que sa prudence est extrême et en retrait par rapport aux annonces du Gouvernement et aux ambitions de ce texte.

Le groupe UDI, Agir et Indépendants votera ces amendements.

M. le rapporteur. Je souhaite le maintien de ces deux amendements, ce qui n’empêchera pas des discussions si le Gouvernement souhaite les sous-amender d’ici à leur examen en séance publique.

Madame de La Raudière, justifier, c’est bien donner les raisons. Cela dit, je suis ouvert à toute proposition de sous-amendement qui préciserait cette justification.

Il me semble que cet amendement est le bon point d’équilibre entre les discussions que nous venons d’avoir et la position du Gouvernement. Je respecte l’idée que les administrations puissent garder la main en cas d’indices précis et concordants de manquements. C’est pour cela que l’amendement qui visait à modifier l’alinéa 2 me gênait. L’alinéa que je vous propose d’ajouter permettra précisément de fixer le cadre général, c’est-à-dire que l’on doit justifier le dépassement, sans réduire la portée de l’alinéa 2.

M. le secrétaire dÉtat. Favorable à l’amendement CS700.

La commission adopte successivement les amendements CS699 et CS700.

 

Puis elle examine, en présentation commune, les amendements CS460 et CS463 de Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière.  L’amendement CS460 est un amendement de précision rédactionnelle.

Le projet de loi prévoit que cette limite ne s’applique pas aux contrôles destinés à s’assurer du respect des règles prévues par le droit de l’Union européenne. Le présent amendement propose de ne cantonner cette exception qu’aux contrôles obligatoires en application des règles prévues par le droit de l’Union européenne.

M. le rapporteur. La formulation choisie découle de nos engagements européens. Pour vérifier la bonne application du droit de l’Union européenne, il convient non seulement d’exclure les contrôles que la France doit obligatoirement réaliser en application d’une norme européenne, mais aussi ceux destinés à vérifier la bonne application des règles prévues par le droit de l’Union européenne.

Votre amendement n’est pas seulement rédactionnel ; il entraîne une vraie modification sur laquelle j’émets un avis défavorable.

M. le secrétaire dÉtat. Le Gouvernement considère également que la modification rédactionnelle est assez radicale. Il est donc défavorable à cet amendement, pour les mêmes raisons que celles évoquées par le rapporteur.

Mme Laure de La Raudière. J’avais bien compris le texte, mais j’avais l’espoir que les exclusions étaient seulement liées au contrôle obligatoire prévu par le droit européen. Donc, on restait dans un champ de neuf mois pour tous les textes applicables, notamment aux entreprises. Comme beaucoup de textes applicables aux entreprises sont issus du droit européen, cela réduit considérablement le champ de l’expérimentation. Là encore, comme il s’agit d’un champ expérimental, j’aurais aimé que les neuf mois comprennent les textes européens, sauf naturellement pour les contrôles obligatoires.

En excluant tous les textes européens et l’ensemble de la réglementation européenne applicable aux entreprises, on réduit complètement la portée de l’article 16, ce qui est dommage.

Mon amendement CS463 procède de la même philosophie. Le projet de loi prévoit que cette limite ne s’applique pas aux contrôles destinés à s’assurer du respect des règles préservant la santé publique, la sécurité́ des personnes et des biens ou l’environnement. Comme on exclut tous ces domaines ainsi que le droit européen et qu’on ne limite pas cette exclusion aux contrôles obligatoires, cela laisse un champ infini de dépasser les neuf mois. Les entreprises vont pouvoir subir trois ans de contrôles sur trois ans. Je le répète, comme on est dans un champ expérimental, faisons l’expérimentation jusqu’au bout.

M. le rapporteur. Il paraît justifié de maintenir dans ce champ d’exception les contrôles qui permettent de vérifier l’application des règles préservant la santé publique, la sécurité des personnes et de biens ou l’environnement. Vous dites que les entreprises pourront subir trois ans de contrôle sur trois ans ; c’est excessif. Tout le champ de l’URSSAF, du fisc, des douanes – à l’exception du champ européen en ce qui concerne ces dernières – rentrera dans l’expérimentation et aura un impact réel pour les PME.

M. le secrétaire dÉtat. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.

La commission rejette successivement les amendements CS460 et CS463.

La commission adopte lamendement rédactionnel CS758 du rapporteur.

Elle est ensuite saisie de lamendement CS224 de Mme Véronique Louwagie. 

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement va dans le même sens que celui que j’avais précédemment déposé à l’article 15. Il s’agit à nouveau de préciser que l’évaluation qui sera faite de l’expérimentation comportera une partie sur l’impact du dispositif sur les délais administratifs.

M. le rapporteur. Sur le fond, je suis favorable à cet amendement.

M. le secrétaire dÉtat. Avis de sagesse.

La commission adopte lamendement CS224.

 

Puis, suivant lavis favorable du rapporteur et du secrétaire dÉtat, elle adopte lamendement CS868 de Mme Laure de La Raudière. 

 

Lamendement CS692 de M. Laurent Saint-Martin est retiré.

 

La commission adopte larticle 16 modifié.

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*     *

Article 17
(article L. 243-6-7 [nouveau] du code du travail)
Création dun médiateur en matière de recouvrement des cotisations et contributions sociales

Cet article vise à mettre en place une procédure nouvelle de médiation en matière de recouvrement des cotisations et contributions sociales en vue de faciliter la résolution des différends en amont de toute procédure précontentieuse ou contentieuse.

V.   PrÉsent dans de nombreux champs de la protection sociale, le mÉdiateur fait dÉfaut en matiÈre de recouvrement

a.   La médiation est un mode courant de résolution des litiges dans le champ de la protection sociale

La médiation est entendue comme le mode de résolution des litiges par lequel les parties choisissent de s’en remettre à un tiers dont l’autorité repose uniquement sur capacité à produire des solutions qui emportent leur conviction.

Reconnue depuis longtemps comme un moyen efficace de traitement de situations très conflictuelles entre les usagers et l’administration (par exemple, lorsque la communication est rompue), la médiation s’est étendue à de nombreux champs (médiateur du cinéma ([60]), médiateur de la SNCF, du CNRS ([61]), …). Son institutionnalisation, souvent prévue par voie législative ou réglementaire, s’est systématisée avec la création du Médiateur de la République en 1973, devenu en 2011 le Défenseur des droits.

S’agissant du champ de la protection sociale, de nombreux régimes ou organismes se sont dotés d’un médiateur ou d’un conciliateur afin d’éviter les procédures contentieuses. Les modalités d’organisation de ces mécanismes de médiation sont synthétiquement retracées ci-dessous.

 

Régime ou organisme

Dénomination

Date de création

Échelon

Nombre de saisines

Assurance maladie des travailleurs salariés

Conciliateur

2005

Local (CPAM)

ND

Assurance vieillesse des travailleurs salariés

Médiateur

2013

National (avec des correspondants dans les CARSAT)

2 771 en 2016

Assurance famille

Médiation administrative

1991 (généralisation dans la COG État-CNAF 2005-2008 ([62])

Départemental

ND ([63])

Mutualité sociale agricole (MSA)

Médiateur

2000

National

447 en 2017

Régime social des indépendants (RSI)

Médiateur

2013 (national) 2016 (médiateurs départementaux)

National et départemental

5 000 en 2016

Pôle Emploi

Médiateur

2008

National et régional

31 278 en 2016

En ne disposant pas d’un médiateur institutionnalisé, la branche recouvrement apparaît donc comme relativement singulière.

b.   La procédure permettant de contester les contributions et cotisations dues à une URSSAF ou à une caisse ne laisse pas de place à la médiation

Le droit en vigueur prévoit pour la branche recouvrement l’application des seules règles du contentieux général de la sécurité sociale, lequel offre trois voies de contestation ou de réclamation, nécessairement successives :

– l’employeur dispose même sans texte de la possibilité de réaliser un recours gracieux contre une décision de l’URSSAF ou de la caisse de sécurité sociale chargée du recouvrement ([64]) ;

– si ce premier recours auprès des services de l’union ou de la caisse demeure infructueux, il doit préalablement à toute action judiciaire saisir la commission de recours amiable (CRA) prévue à l’article R. 142-1 du code de la sécurité sociale qui formule un avis repris par le conseil d’administration de l’union ou de la caisse ;

– si cette décision est défavorable ou qu’aucune décision n’est intervenue dans un délai d’un mois, l’employeur peut exercer un recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) contre cette décision de rejet explicite ou implicite (art. R. 142-4 et R. 142-6 du code de la sécurité sociale).

Ce dispositif qui existe pour l’ensemble des branches de la sécurité sociale demeure cependant mal calibré pour traiter de situations qui, sans poser de difficultés juridiques particulières, nécessitent l’intervention d’un tiers en raison de leur dimension personnelle. Par ailleurs, le contrôle de légalité très étroit exercé la mission nationale de contrôle (MNC) de la Direction de la sécurité sociale (DSS) sur les décisions des CRA ainsi que les délais de la procédure devant celles-ci ne leur permettent pas de jouer ce rôle de conciliation, invitant ainsi le législateur à compléter l’ensemble de la procédure par une structure nouvelle plus souple à mettre en œuvre.

La nécessité de créer un médiateur, soulignée par le rapport des députés Bernard Gérard et Marc Goua en 2015 ([65]), s’est concrétisée par une expérimentation réussie au sein de l’URSSAF de la région Île-de-France. Ainsi, sur les 500 demandes de médiation formulées, 262 se sont révélées recevables et 209 ont trouvé une issue favorable soit 80 % ([66]), réduisant d’autant les procédures précontentieuses et contentieuses.

C’est cette expérimentation que le présent article entend généraliser.

VI.   La crÉation d’un mÉdiateur doit permettre de rÉsoudre les diffÉrends en amont des procédures prÉcontentieuses et contentieuses

Le premier alinéa place le nouvel article L. 243-6-7 ainsi créé dans une section du code de la sécurité sociale consacrée aux droits des cotisants.

Le I de cet article expose les caractéristiques générales de cette nouvelle possibilité de recourir à la médiation.

Le deuxième alinéa détermine ainsi le champ de la médiation :

– elle doit concerner un différend entre l’employeur et l’URSSAF ou la caisse générale de sécurité sociale titulaire de la créance portant sur le recouvrement des contributions et sociales dues ; il peut s’agir d’une remise de majorations de retard, de l’engagement de frais d’huissiers liés à un dysfonctionnement au sein de l’URSSAF, d’une demande de délivrance d’attestation de vigilance ou de régularité, ou encore d’une remise dettes ([67]) ;

– ce mode de résolution spécifique du différend est exercé auprès d’un médiateur, lequel constitue dès lors un tiers par rapport à l’employeur et à l’organisme ; celui-ci a dès lors vocation à disposer de moyens spécifiques lui permettant d’être directement sollicité.

Le troisième alinéa précise le mode de nomination et le positionnement du médiateur. Celui-ci est nommé par le directeur de l’organisme concerné et il est « placé auprès de lui ». Cette formulation vise à assurer que le médiateur est soustrait dans le cadre de son activité à toute relation hiérarchique, à l’exception du directeur, au sein de l’union ou de la caisse lorsqu’il exerce son activité.

Ce mode de nomination correspond aux solutions retenues dans les deux expérimentations menées au sein de l’URSSAF Île-de-France et plus récemment au sein de l’URSSAF Bretagne. Celle-ci ne présage pas de la qualité de la personne nommée puisqu’un agent de l’union et un chef d’entreprise avaient été respectivement choisis. Le renvoi au directeur comme autorité de nomination de même que la nécessité d’une proximité fonctionnelle avec celui-ci sont justifiés par la fonction du médiateur, qui doit pouvoir dialoguer et convaincre les services.

Si cette liberté dans le choix du médiateur constitue une souplesse appréciable en l’absence de profil de médiateur unanimement reconnu comme incontournable, le rapporteur jugerait opportun de préciser dans la loi, a minima par renvoi à un dispositif réglementaire d’application, les garanties offertes par le médiateur en termes de formation, de compétence, d’impartialité ou encore de confidentialité.

Le quatrième alinéa fixe les missions du médiateur. Celui-ci est chargé de réexaminer la situation en vue de formuler des recommandations pour le traitement de la réclamation de l’employeur qui sont adressées au directeur ou aux services de l’organisme.

Le médiateur exerce ainsi un regard neuf et extérieur sur la demande en vue de proposer des conclusions pratiques. Ce nouvel examen, réalisé en partenariat avec l’employeur et les services, n’a pas vocation à donner au médiateur la possibilité de ré-instruire complètement le dossier mais d’en comprendre les principaux facteurs de blocage, par exemple lorsque ceux-ci sont de nature personnelle.

Le médiateur fait connaître à l’organisme les mesures qu’il préconise en vue d’obtenir une résolution rapide et non-contentieuse du différend. Dans l’expérimentation francilienne, 87 % de ces avis ont été suivis par l’organisme permettant d’éviter des procédures plus lourdes en 2016 ([68]).

Le II de ce nouvel article L. 243-6-7 annoncé au cinquième alinéa du présent article fixe les conditions d’engagement et les limites à la procédure de la médiation.

Le sixième alinéa prévoit en effet que la réclamation transmise au médiateur doit avoir été précédée d’une démarche de l’employeur auprès de l’organisme. La médiation présente dès lors comme toutes les autres procédures précontentieuses et contentieuses un caractère subsidiaire : le médiateur n’a pas vocation à traiter de difficultés qu’un simple échange avec l’organisme est susceptible de régler. À l’instar de ce qui avait été prévu dans l’expérience francilienne, il est souhaitable que cette notion de réclamation préalable soit entendue largement et qu’elle ne soit pas soumise à un formalisme particulier.

Le septième alinéa conditionne l’engagement de la médiation à l’absence de mise en œuvre préalable ou concomitante d’une procédure contentieuse, d’une demande de rescrit, d’une transaction ou d’un contrôle.

Le huitième alinéa précise enfin que si l’une de ces quatre démarches est entreprise postérieurement à la saisine du médiateur, elle met fin à la médiation.

Ces dispositions rappellent ainsi le positionnement spécifique de la médiation qui ne se substitue pas aux autres voies de règlement du litige (CRA, saisine du TASS, transaction) et perd son sens si l’employeur sollicite les services pour l’application des règles juridiques dans le cadre du rescrit. Lorsqu’une de ces démarches concurrentes est mise en œuvre, le réclamant est donc réputé avoir renoncé à la médiation.

L’instauration de la médiation constitue une solution particulièrement bienvenue pour compléter la palette de solutions à la disposition de l’employeur en vue d’obtenir une résolution satisfaisante de son litige avec la branche recouvrement.

Un tel changement aussi pragmatique qu’attendu participe de cette culture de l’accompagnement qui doit compléter et enrichir la culture régalienne du prélèvement social. En vue de sa pleine réussite, une vigilance particulière devra être portée à l’effort de sensibilisation et de formation des agents des services à cette nouvelle approche, à la souplesse de la procédure ainsi qu’au choix des médiateurs qui doivent recueillir la confiance des organismes ainsi que celle des employeurs.

VII.   La position de la commission spÉciale

Outre un amendement rédactionnel du rapporteur, la commission spéciale a adopté un amendement à l’initiative du groupe La République en Marche précisant que la procédure de médiation était suspensive des délais de recours du cotisant de même que des délais de prescription opposables à l’administration.

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*     *

La commission est saisie de lamendement CS887 du rapporteur.

M. Stanislas Guerini, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat chargé de la fonction publique. Avis favorable.

La commission adopte lamendement CS887.

Elle examine ensuite lamendement CS785 de Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Lors de son audition par la commission spéciale, mercredi dernier, le défenseur des droits s’est félicité de la mise en place d’un médiateur au sein de chacun des organismes de recouvrement du régime général de sécurité sociale, mais il a regretté que cette médiation ne soit pas ouverte en cas de procédure contentieuse ou de contrôle en cours. L’amendement vise à supprimer les alinéas 7 et 8 afin de permettre que des personnes ayant saisi les juridictions à titre conservatoire puissent bénéficier d’une médiation.

M. le rapporteur. Avis défavorable. La suppression pure et simple des alinéas 7 et 8, qui prévoient l’incompatibilité de la médiation avec les procédures de contrôle, de transaction, de contentieux et de rescrit, me semble excessive.

M. le secrétaire dÉtat. Avis défavorable. Il convient que l’usager choisisse entre le recours contentieux et la médiation. Il ne nous semble pas opportun que ces deux procédures puissent être utilisées simultanément.

Nous serons en revanche favorables aux amendements qui visent à suspendre le recours contentieux pour que le médiateur soit saisi.

Lamendement est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements CS812 de M. Laurent Saint-Martin, et CS464 Mme Laure de La Raudière.

Mme Stéphanie Kerbarh. L’amendement CS812 vise à suspendre les délais de recours en cas d’engagement d’une procédure de médiation au sein des organismes de recouvrement du régime général de sécurité sociale. Il s’agit de rendre la médiation plus attractive, car nous savons qu’elle permet de résoudre 90 % des litiges.

Les délais relatifs aux recours précontentieux et contentieux seraient suspendus, ainsi que les délais de prescription en matière de recouvrement en faveur de l’administration. Ce dispositif, déjà en vigueur dans le droit commun, s’appliquerait au médiateur au sein des URSSAF.

Les arguments qui pourraient nous être opposés s’agissant des risques de recours abusifs à la médiation ne sont pas fondés, car la suspension est prévue pour une période précise : si la médiation n’aboutit pas, la procédure se poursuit.

Mme Laure de La Raudière. Mon amendement a le même objet que celui que vient de défendre ma collègue et sur lequel je m’interroge toutefois : concerne-t-il bien tous les recours pouvant être exercés à l’encontre de décisions faisant l’objet de la saisine du médiateur concerné ?

M. le rapporteur. Je suis favorable à l’amendement CS812, et je rassure Laure de La Raudière : la rédaction de cet amendement est plus précise que celle du CS464, et elle vise bien à suspendre l’ensemble des délais de recours contentieux. L’amendement défendu par Mme Kerbarh permet de plus à l’administration de recouvrer des créances liées au contentieux en cours, ce qui permettra d’éviter les usages dilatoires de la médiation. En ce sens, il est particulièrement équilibré.

M. le secrétaire dÉtat. Pour les mêmes raisons, le Gouvernement est favorable à l’amendement CS812.

Lamendement CS464 est retiré.

La commission adopte lamendement CS812.

Elle en vient à lamendement CS829 de M. Laurent Saint-Martin.

Mme Stéphanie Kerbarh. Cet amendement permet de garantir une éthique dans la conduite de la mission du médiateur, alors même que ce dernier est désigné par le directeur de l’organisme de recouvrement et placé auprès de lui.

Des précisions devront être apportées par décret s’agissant des garanties encadrant l’exercice de la médiation, notamment en matière de formation préalable, de compétences requises, d’indépendance, d’impartialité et de confidentialité dans le traitement des réclamations et la formulation des recommandations.

M. le rapporteur. Sur le fond, je suis très favorable aux objectifs de l’amendement qui vise à encadrer l’activité et le fonctionnement du médiateur, mais nous avons un problème sur la forme, sachant il n’est pas prévu de publier un décret pour mettre en place le médiateur. En conséquence, je propose que vous retiriez l’amendement et que nous procédions à un travail de réécriture afin d’insérer directement dans la loi les garanties évoquées.

M. le secrétaire dÉtat. Je demande également le retrait de l’amendement pour que le travail dont parle le rapporteur puisse se faire. Cet échange pourrait aboutir soit au dépôt d’un nouvel amendement d’ici à la séance publique, soit à la rédaction d’un décret en Conseil d’État.

Lamendement est retiré.

La commission adopte larticle 17 modifié.

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Article 17 bis (nouveau)
Expérimentation dune médiation de dialogue entre entreprises et administrations

La commission spéciale a adopté à l’initiative du rapporteur un amendement portant article additionnel relatif à une médiation de dialogue généraliste entre entreprises et administrations.

Il s’agirait en effet de renforcer la résolution préventive des litiges au-delà des dispositifs spécifiques de médiation qui existent au sein des administrations et du dispositif de médiateur des entreprises qui a vocation à résoudre les différends entre entreprises. En vue de créer cette fonction « charnière », il est donc proposé une expérimentation qui permettra de déterminer les conditions dans lesquelles ce nouveau dispositif pourra être coordonné aux médiations pré-existantes ainsi que la structure la mieux à même de le porter. Un élargissement des fonctions actuelles du Médiateur des entreprises, service à compétence nationale du ministère de l’Economie, pourrait ainsi être envisagée.

L’expérimentation est prévue pour quatre ans et s’appliquera dans certaines régions et dans certains secteurs d’activités selon des modalités fixées par voie réglementaire.

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Puis elle est saisie de lamendement CS696 du rapporteur.

M. le rapporteur. La médiation fonctionne bien : dans neuf cas sur dix, elle permet de régler les conflits latents. Tout ce que nous pouvons faire pour développer la médiation partout où elle n’existe pas correspondra à l’esprit du projet de loi.

Mon amendement vise à instaurer, à titre expérimental, dans un territoire donné, pour un secteur économique précis, un médiateur généraliste, placé sous l’égide du médiateur des entreprises, qui interviendrait dans les relations entre les entreprises et les administrations.

Ce mécanisme est de nature à permettre un très fort développement de la transaction.

M. le secrétaire dÉtat. Avis favorable.

Mme Laure de La Raudière. Monsieur le rapporteur, je voterai l’amendement, mais il suscite plusieurs questions.

Avons-nous vraiment besoin d’inscrire ce dispositif dans la loi ? Il pourrait être adopté sans que nous lui donnions une existence juridique. Je me souviens que le médiateur bancaire a été créé sans assise juridique particulière.

Par ailleurs, si cette médiation est à ce point précieuse, pourquoi nous contenter d’une expérimentation et ne pas la généraliser, par exemple en élargissant les compétences du médiateur des entreprises qui n’intervient aujourd’hui que dans les relations entre les entreprises ?

M. le rapporteur. Il est un peu contradictoire de demander pourquoi nous passons par la loi tout en évoquant la possibilité de généraliser le dispositif.

Il me semble utile d’encadrer l’expérimentation en prenant une mesure législative. Je suis convaincu que l’intervention du médiateur des entreprises a du sens dans ce contexte – je l’évoque d’ailleurs dans l’exposé sommaire de l’amendement –, mais elle n’entre pas dans ses attributions actuelles, vous le précisiez vous-même. C’est la raison pour laquelle je propose d’avancer prudemment en choisissant un format expérimental : il n’est pas évident que ce dispositif fonctionne, je le dis avec une certaine humilité.

La commission adopte lamendement.

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*     *

Après l’article 17

La commission est saisie de lamendement CS658 de M. Laurent Saint-Martin.

Mme Stéphanie Kerbarh. Il vise à inscrire dans la loi la fonction de médiateur de la mutualité sociale agricole (MSA), qui existe depuis 1999. Le médiateur de la MSA est chargé de traiter les litiges avec les assurés, dès lors que ces litiges n’auraient pas été résolus par un recours amiable auprès de leur caisse d’affiliation.

Si ce médiateur existe bel et bien, son inscription dans la loi permettrait de conforter sa position et de pérenniser son existence. Le législateur affirmerait que la médiation devient la norme dans les relations entre administration et usagers.

M. le rapporteur. Comme pour l’amendement précédent, je suis très favorable sur le fond – je précise que la MSA est demandeuse, et que, pour ma part, je souhaite que la médiation se mette partout en place. En revanche, s’agissant de la forme, on m’indique que l’amendement risque de tomber sous le coup de l’article 40 de la Constitution. Je suggère en conséquence de le retirer à ce stade, et d’en discuter avec le Gouvernement qui pourrait le reprendre à son compte.

M. le secrétaire dÉtat. Je demande le retrait de l’amendement. Notre position comporte peut-être une nuance par rapport à celle du rapporteur, car nous nous interrogeons sur l’opportunité de donner une base légale à l’existence du médiateur dès maintenant. N’est-il pas préférable de poursuivre l’expérimentation afin d’approfondir l’expertise en cours ? J’espère que nos échanges nous permettront d’avancer sur ce sujet.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CS346 de M. Guy Bricout.

M. Guy Bricout. Il vise à compléter le deuxième alinéa de l’article L. 1331- 1 du code de la sécurité sociale par les mots : « et contresigné par le directeur de l’organisme ». Maints chefs d’entreprise ignorent, parfois en toute bonne foi, que leurs pratiques relèvent du travail dissimulé. Il convient donc de leur accorder certaines garanties procédurales évidentes.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Votre intention est bonne En proposant un contreseing qui permet d’accroître la collégialité de la décision, votre intention est bonne, mais la décision peut d’ores et déjà faire l’objet d’un recours hiérarchique auprès du directeur visé dans l’amendement. Vous risquez de créer une obligation qui se transformera en une opération formelle : le directeur de l’URSSAF signera, à la chaîne, des décisions classées dans un parapheur.

M. le secrétaire dÉtat. Si l’amendement n’est pas retiré, le Gouvernement y sera défavorable. Je complète le propos du rapporteur en précisant que le texte que vous mentionnez, en ouvrant la possibilité d’opérer des saisies conservatoires, vise à sécuriser le recouvrement des cotisations dues par les fraudeurs qui organisent leur insolvabilité. Il resterait sans effet sur les cotisants de bonne foi que l’amendement semble défendre, mais qui, de fait, ne sont pas en situation de se voir appliquer des mesures de saisies dès lors qu’ils n’ont pas contrevenu gravement à la loi.

Lamendement est retiré.

La commission en vient à lamendement CS321 de M. Emmanuel Maquet.

M. Emmanuel Maquet. Il s’agit de donner aux URSSAF la possibilité de moduler, dans certains cas bien identifiés et sous certaines conditions, les sanctions prévues en matière de travail dissimulé.

Lorsque le redressement concerne la requalification d’une situation de travail indépendant en travail salarié, et dès lors que toutes les cotisations et contributions sociales dont est redevable le travailleur indépendant ont été versées au régime, l’URSSAF n’appliquerait pas l’annulation rétroactive sur cinq ans des réductions ou exonérations de cotisations dont l’employeur a bénéficié pour ses propres salariés, sauf intention frauduleuse manifeste ou récidive.

M. le rapporteur. Je comprends l’intention, mais le dispositif va trop loin. Nous devons nous montrer extrêmement prudents en matière de travail dissimulé et préserver des équilibres. Ce texte ne doit en aucun cas marquer le moindre recul dans la lutte engagée dans ce domaine.

Il est vrai que des sanctions parfois excessives peuvent être prononcées, mais votre solution l’est aussi, car elle reviendrait à ne plus appliquer aucune des sanctions prévues.

Peut-être cet amendement pourrait-il être retravaillé d’ici à la séance publique ? En l’état, j’y suis, en tout cas, défavorable.

M. le secrétaire dÉtat. Je demande le retrait de l’amendement. À défaut, mon avis serait défavorable. Monsieur le député, votre solution est trop radicale : en voulant mettre fin à la disproportion de certaines sanctions, vous les supprimez totalement. Une telle disposition risquerait de laisser croire que le droit à l’erreur vaut autorisation de triche ou de fraude. Nous tenons à préserver un équilibre sur ce sujet.

Lamendement est retiré.

La commission passe à lamendement CS332 de M. Guy Bricout.

M. Guy Bricout. Je propose qu’en cas de litige portant sur des cotisations de sécurité sociale, des majorations de retard, ou encore sur la contribution sociale généralisée, le cotisant soit invité à se faire entendre, s’il en émet le souhait, devant la commission de recours amiable (CRA), suivant des modalités fixées par décret.

Une telle solution permettait de revaloriser le rôle de ces commissions, et de renforcer la procédure contradictoire. Dès lors que le dossier serait bien expliqué et débattu, on aboutirait à une solution rapide évitant aux URSSAF des procédures longues et inutiles.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Je rappelle que préalablement à tout contentieux devant les tribunaux des affaires de sécurité sociale, le cotisant doit saisir la commission de recours amiable dont les missions sont prévues par voie réglementaire, ce qui pose des problèmes formels s’agissant de l’amendement.

Sur le fond, la saisine constitue un recours administratif préalable obligatoire et non un pré-procès qui allongerait une procédure déjà parfois trop longue. Nous ne devons pas transformer ce dispositif de filtrage en un premier prétoire – d’autant que nous n’aurions pas la garantie que l’audition du cotisant par la commission ne modifierait pas la nature des décisions.

M. le secrétaire dÉtat. Même avis. Une disposition identique a été rejetée lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, il y a quelques semaines, en particulier parce qu’elle méconnaissait le rôle des CRA qui ne constituent pas des juridictions, mais des instances de recours administratifs. Comme le soulignait la Cour des comptes dans l’un de ces rapports annuels, l’intervention orale de la personne concernée devant ces commissions aurait pu modifier la nature ces dernières.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement CS333 de M. Guy Bricout.

M. Guy Bricout. En cas de litige portant sur des cotisations de sécurité sociale, des majorations de retard, ou encore sur la contribution sociale généralisée, la commission de recours amiable a la faculté de faire appel, afin de l’éclairer dans ses décisions, à des personnes extérieures choisies pour leurs compétences dans le domaine concerné.

Il est nécessaire que le citoyen ait confiance dans ses administrations en cas de contrôle. Il convient donc que la procédure contradictoire et le dialogue soient améliorés. Il apparaît nécessaire d’introduire au sein des commissions de recours amiables, des personnes qualifiées eu égard à leur connaissance de la matière : experts-comptables, avocats spécialisés en droit de la sécurité sociale…

M. le rapporteur. Avis défavorable. Je rappelle que la commission peut d’ores et déjà s’appuyer sur les services de l’URSSAF. De plus, l’ensemble des éléments transmis par le cotisant, y compris des éléments d’expertise juridique, sont examinés par la CRA.

M. le secrétaire dÉtat. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement CS338 du même auteur.

M. Guy Bricout. Il vise à assurer une transparence en faveur du cotisant qui a le droit de connaître le motif des décisions de refus le concernant.

M. le rapporteur. L’amendement est satisfait. La motivation des sanctions administratives est déjà prévue par voie réglementaire.

S’agissant par exemple des URSSAF, le décret du 8 juillet 2016 dit « droits des cotisants » prévoit que la lettre d’observations qui précède le redressement contient « les considérations de droit et de fait qui constituent leur fondement, et, le cas échéant, l’indication du montant des assiettes correspondant, ainsi que pour les cotisations ou contributions sociales l’indication du mode de calcul et du montant des redressements et des éventuelles majorations et pénalités ».

M. le secrétaire dÉtat. L’amendement est satisfait par les textes réglementaires relatifs au fonctionnement des CRA. Nous demandons son retrait.

La commission rejette lamendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CS316 et CS317 de M. Emmanuel Maquet.

M. Emmanuel Maquet. L’amendement CS316 vise à supprimer l’article L. 243‑6‑5 du code de la sécurité sociale qui formalise juridiquement le dispositif de transaction entre les organismes de recouvrement et les entreprises cotisantes, prévu dans le cadre de procédures de contrôle et de recouvrement des cotisations et contributions sociales.

Cette mesure allant l’encontre de la volonté de simplification du Gouvernement, est de nature à complexifier plutôt qu’à sécuriser les relations entre les URSSAF et les entreprises.

L’amendement CS317 est un amendement de repli qui propose de revisiter le dispositif de la transaction URSSAF.

M. le rapporteur. Je suis défavorable à l’amendement CS316. La seule suppression de l’article L. 243-6-5 du code de la sécurité sociale ne permet pas juridiquement à une URSSAF à procéder à la transaction sans procédure particulière. Il serait de toute façon inopportun qu’elle ne soit plus encadrée, car il est évident que les cotisations et contributions sociales occupent une place particulière due à la fois aux prestations qu’elles financent et à l’égalité des entreprises devant les charges publiques. La transaction ne peut avoir lieu dans les conditions de droit commun ; elle doit demeurer très encadrée.

Je suis également défavorable à l’amendement CS317. Je ne peux adhérer à la démarche consistant à élargir à l’excès le champ de la transaction – les cotisations et contributions légalement prévues sont dues par l’entreprise, et il ne serait pas bienvenu de laisser une URSSAF revenir sur ce point à partir de critères peu clairs. Je n’adhère pas davantage à la démarche consistant à confier le contrôle de ces décisions à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale : l’ACOSS est une « tête de réseau », mais il revient à l’État d’assurer la tutelle d’une mission « régalienne » ainsi que le contrôle de légalité des décisions.

M. le secrétaire dÉtat. Je suis défavorable à la suppression de l’encadrement des transactions proposé par le premier amendement. Je partage aussi l’avis du rapporteur sur l’amendement de repli, et j’ajoute que l’ACOSS étant la caisse nationale des URSSAF, elle serait juge et partie si on lui confiait le soin d’encadrer les transactions.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle est saisie de lamendement CS339 de M. Guy Bricout.

M. Guy Bricout. Il vise à prévoir qu’en cas de difficultés rencontrées au cours de la vérification, le cotisant a la faculté de s’adresser « à l’interlocuteur désigné par le directeur de l’organisme ». Aujourd’hui, en cas de contrôle, le cotisant ne peut s’adresser qu’à l’inspecteur chargé de la vérification. Certes, une procédure contradictoire a été prévue, mais devant le même inspecteur, qui changera donc rarement d’avis. Il serait judicieux d’améliorer le dialogue en faisant intervenir une tierce personne.

M. le rapporteur. Avis défavorable. « En cas de difficultés », le cotisant peut présenter un recours hiérarchique, et bénéficier, si cette étape n’a pas été fructueuse, d’un dispositif de médiation avant un accès éventuel à la CRA. Sur le plan opérationnel, je vois mal comment on pourrait fonctionner avec un contrôleur et son « double ».

M. le secrétaire dÉtat. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Elle passe à lamendement CS334 du même auteur.

M. Guy Bricout. Il faut prévoir que, lorsque le contrôle est effectué au sein de l’entreprise, les documents ou supports d’information ne peuvent être emportés par l’inspecteur qu’après autorisation du cotisant.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de légiférer sur ce sujet qui est sans doute de nature réglementaire.

Les documents ne doivent évidemment être emportés qu’avec le consentement du cotisant. Dans la pratique, les contrôleurs photocopient les documents qui les intéressent afin de pouvoir les traiter efficacement. Si certains documents sont soustraits à une entreprise, nous avons affaire à un dysfonctionnement administratif, et il doit exister des sanctions spécifiques en la matière. Je suis opposé à un dispositif qui pourrait créer du contentieux sur des points formels relatifs à la soustraction de documents.

L’amendement entend également donner la possibilité d’un débat oral et contradictoire avec l’inspecteur du recouvrement. Je rappelle que le droit existant prévoit une période contradictoire de trente jours, à la suite de l’envoi de la lettre d’observations, durant laquelle le cotisant peut répondre point par point, par écrit.

M. le secrétaire dÉtat. Avis défavorable. Nous sommes totalement en accord avec les arguments du rapporteur.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement CS336 de M. Guy Bricout.

M. Guy Bricout. Actuellement, les contrôles visant les entreprises versant des rémunérations à moins de dix salariés ou les travailleurs indépendants ne peuvent dépasser une période supérieure à trois mois, comprise entre le début effectif du contrôle et la lettre d’observations. Ce principe est entouré de beaucoup d’exceptions. Alors que l’on cherche à valoriser la PME, cette disposition devrait être élargie aux entreprises de moins de cinquante salariés.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Ce n’est pas sans raison que le délai de trois mois s’applique uniquement aux plus petites entreprises. Modifier les seuils reviendrait à presser les autres, en réduisant le temps de contrôle, ce qui pourrait créer des effets de bord. Par ailleurs, je vous renvoie à l’expérimentation prévue à l’article 16.

M. le secrétaire dÉtat. Défavorable. Le délai de trois mois est parfois trop bref pour permettre le respect des principes de la procédure contradictoire. Nous sommes attachés au maintien de l’équilibre qui nous semble avoir été trouvé à l’article 16.

La commission rejette lamendement.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, elle rejette également lamendement CS335 de M. Guy Bricout.

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Article 18
Habilitation du Gouvernement à préciser et à harmoniser la rectification des déclarations en matière de prestations sociales

I.   Le dispositif proposÉ

Cet article vise à habiliter le Gouvernement à procéder à une revue complète des procédures de rectification en cas de notifications d’indus en vue de limiter les procédures de récupération.

Constituent des sommes indûment perçues les prestations versées en méconnaissance des règles de niveau législatif ou réglementaire qui prévoient leurs conditions d’attribution. Or, les « indus » résultent souvent d’erreurs déclaratives des bénéficiaires ou de l’omission involontaire d’un changement de situation ayant une incidence sur le versement de la prestation.

Les procédures de récupération de ces sommes indûment perçues mobilisent d’importants moyens de gestion pour les organismes et sont vécues très difficilement par les bénéficiaires, qui sont parfois dans des situations financières difficiles. La récupération consiste ainsi souvent à prélever sur les versements ultérieurs la somme en cause ([69]) dans la limite d’une fraction insaisissable correspondant au montant du revenu de solidarité active (RSA).

Il paraît donc doublement préférable de favoriser la rectification de ces erreurs déclaratives, comme le propose le présent article.

Son premier alinéa fixe ainsi la durée de l’habilitation à 18 mois qui correspond au champ très large des procédures à modifier.

Les trois alinéas suivants précisent le champ de l’habilitation :

● Le deuxième alinéa autorise le Gouvernement à créer par voie d’ordonnance un droit à la rectification pour les bénéficiaires de prestations et minima sociaux lorsque celui-ci n’existe pas encore.

Ce droit a donc vocation à s’exercer sur un champ très large qui concerne à la fois les prestations versées par les organismes de sécurité sociale et les prestations relevant de la solidarité nationale financées par l’État ou les départements.

La rectification doit cependant avoir lieu avant qu’un recouvrement ou qu’un recours gracieux soit engagé.

● Le troisième alinéa autorise le Gouvernement à harmoniser et, le cas échéant, modifier par voie d’ordonnance les règles fixant le contenu des notifications d’indus afin que celles-ci indiquent la possibilité d’exercer le droit à la rectification.

Les disparités des règles en la matière contribuent à une faible lisibilité des dispositifs et à des inégalités en fonction des prestations perçues.

● Le quatrième alinéa précise que l’exercice du droit de rectification n’a pas pour effet de priver l’administration compétente de son droit de recouvrer les sommes indûment perçues. Celle-ci doit seulement tenir compte des nouveaux éléments mis à sa disposition par le bénéficiaire de la prestation.

Le cinquième alinéa prévoit un délai de dépôt du projet de loi de ratification de trois mois après la publication de l’ordonnance.

Le rapporteur soutient cette évolution qui répond au souci partagé par le Défenseur des droits dans son dernier rapport d’une meilleure lisibilité des règles de recouvrement de ces prestations sociales indûment versées. L’existence d’une juxtaposition de règles applicables en matière de rectification et de notification des indus et des facultés de rectification est en effet préjudiciable par elle-même à l’effectivité de ces droits et garanties pour les administrés.

Le lancement de ce considérable chantier technique qui a vocation à embrasser l’ensemble du champ de la protection sociale et modifie des dispositions de niveaux tant législatifs que réglementaires ne pourra que profitablement incomber au Gouvernement, dans l’intérêt de l’ensemble des bénéficiaires de prestations sociales.

II.   La position de la commission spÉciale

La Commission spéciale a adopté cet article modifié par trois amendements rédactionnels du rapporteur.

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La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CS888, CS889, CS890 du rapporteur.

Lamendement CS693 de M. Laurent Saint-Martin est retiré.

La commission adopte larticle 18 modifié.

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Après l’article 18

La commission examine lamendement CS562 de M. Mohamed Laqhila.

M. Mohamed Laqhila. Il vise à supprimer une disposition du code des relations entre le public et l’administration, qui exclut les organismes de sécurité sociale et Pôle emploi de l’obligation de respecter une procédure contradictoire préalable lorsqu’une erreur est constatée par l’administration – dans de telles conditions, l’administré n’a pas la possibilité de formuler des observations qui permettraient d’éviter un contentieux.

M. le rapporteur. Je demande le retrait de l’amendement, monsieur Laqhila, car je crains qu’il n’ait pas la portée que vous souhaitez lui donner, notamment parce que vous surestimez la spécificité de la situation des organismes de sécurité sociale et de Pôle Emploi.

La disposition que vous visez exclut les cas où il est statué sur une demande. or il s’agit du « cœur de métier » des organismes de prestations sociales. Elle exclut également les entités que vous avez citées pour les autres demandes, à l’exception des sanctions administratives.

Il me semble en conséquence que, s’agissant des prestations servies, les organismes sont hors champ, même avec cet amendement, au même titre que d’autres administrations qui statuent sur des demandes. S’agissant des sanctions administratives, les entités visées ont toujours été dans le champ de l’obligation de motivation.

L’amendement est satisfait au regard du droit effectivement applicable aux organismes du champ de la protection sociale.

M. le secrétaire dÉtat. À défaut d’un retrait, nous serons défavorables à l’amendement pour les mêmes raisons que celles présentées par le rapporteur.

Le code de la sécurité sociale prévoit, bien évidemment, une procédure contradictoire en cas de correction contestée. Mettre en place cette procédure avant que le montant de la correction soit établi, ne nous semble pas opérationnel pour des corrections mineures que l’on compte en milliers. Pour les cas les plus complexes, l’amendement est satisfait.

Lamendement est retiré.

La commission en vient à lamendement CS592 de M. Bruno Fuchs.

M. Bruno Fuchs. Les personnes fragilisées à un moment de leur vie peuvent devenir particulièrement vulnérables au point d’être mises en danger et d’entraîner parfois leurs propres enfants avec elles.

Lors de changements de situations personnelles, un certain nombre de prestations sociales sont suspendues le temps que l’administration instruise le dossier et calcule le montant des nouveaux droits. Une telle interruption, même temporaire, représente un réel danger de précarité pour ces personnes et bien souvent pour leurs enfants. C’est le cas, par exemple, lors d’un divorce, lorsque l’un des conjoints se retrouve seul avec des enfants à charge.

Afin d’éviter la précarisation des bénéficiaires, nous proposons que le Gouvernement nous présente un rapport sur la possibilité d’une avance sur droits des prestations sociales en cas de changement de situation personnelle.

M. le rapporteur. Je salue l’intention généreuse et louable qui motive l’amendement, mais l’article 18 du projet de loi, qui facilite d’ores et déjà la rectification des informations dont dispose l’administration, permettra d’éviter le recouvrement ultérieur d’indus. Il me semble que cela va assez loin en la matière.

Vous proposez que l’administration assume, en quelque sorte, le rôle d’une banque auprès des personnes en situation difficile. Même si l’intention est louable, je le répète, une telle disposition irait trop loin par rapport à l’objet du projet pour un État au service d’une société de confiance. Je demande le retrait de l’amendement.

M. le secrétaire dÉtat. Pour les mêmes raisons, je demande le retrait de l’amendement. Un certain nombre d’efforts sont consentis pour permettre une meilleure réactivité des administrations qui calculent les prestations, tant en ce qui concerne les aides personnalisées au logement (APL) – grâce à la prise en compte des revenus sur douze mois avec la déclaration sociale nominative –, que dans le cadre de ce que nous avons appelé « dites-le nous une fois », dispositif qui permet aux administrations et aux organismes de prestations sociales de partager des informations et d’actualiser plus rapidement le calcul des prestations.

M. Bruno Fuchs. Le problème n’est pas tant lié à la réactivité de l’administration qu’au temps incompressible nécessaire pour que la personne concernée réunisse les pièces justifiant de sa nouvelle situation. L’article 18 ne couvre pas la totalité des cas en question. Il faut parfois quinze jours, ou même un ou deux mois avant de réunir toutes ces pièces.

M. le rapporteur. Je ne suis pas favorable à la pratique d’avances que vous proposez. Je suis en conséquence défavorable à la demande de rapport sur le sujet et à l’amendement.

La commission rejette lamendement.

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Article 19
Habilitation du Gouvernement à prendre des dispositions expérimentales relatives aux chambres dagriculture

I.   État des lieux

A.   L’appui aux exploitants agricoles en matiÈre réglementaire

En raison du poids considérable et croissant des réglementations applicables aux activités agricoles, en matière sanitaire et environnementale notamment, le droit européen a prévu que les États membres mettent en place un système de conseil agricole (SCA) visant à conseiller ses bénéficiaires en matière de gestion des terres et des exploitations et portant au moins sur certaines des obligations réglementaires qui y sont relatives. Cette obligation est prévue à l’article 12 du règlement (UE) n° 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CEE) n° 352/78, (CE) n° 165/94, (CE) n° 2799/98, (CE) n° 814/2000, (CE) n° 1200/2005 et n° 485/2008 du Conseil.

Lobjectif du SCA est de mieux sensibiliser les bénéficiaires, d’une part, au lien entre les pratiques agricoles et la gestion des exploitations et, d’autre part, aux normes environnementales, au changement climatique, aux bonnes conditions agricoles des terres, à la sécurité des aliments, à la santé humaine, animale et végétale et au bien-être animal.

S’agissant de la France, un tel système a été institué par une instruction ministérielle du 25 septembre 2015 ([70]). L’étude d’impact précise qu’à la fin de l’année 2016, cinq chambres d’agriculture participaient aux réseaux habilités à cet effet par les préfets de région. Selon les informations transmises à votre rapporteur, elles comprennent les chambres régionales des régions Auvergne‑Rhône-Alpes et Occitanie et les chambres départementales du Cher et du Calvados.

La multiplication des normes, qui deviennent, de surcroît, de plus en plus complexes et changeantes, applicables au secteur agricole, a été notamment établie par le rapport « Normes agricoles : retrouver le chemin du bon sens » du sénateur Daniel Dubois au nom de la commission des affaires économiques du Sénat, en date du 29 juin 2016 ([71]). Il indiquait que les agriculteurs étaient aujourd’hui « au bord de l’overdose normatif ». Interrogé par votre rapporteur sur ce point, le Gouvernement a quant à lui indiqué que « la conduite d’une exploitation agricole s’est beaucoup complexifiée au cours des dernières années », que « les règles spécifiques liées à la politique agricole commune notamment se sont multipliées », et que « le respect de la conditionnalité des aides, la mise en œuvre du verdissement, le respect des bonnes conditions agri-environnementales, les conditions d’accès ou d’éligibilité aux aides nécessitent de maîtriser les différentes procédures ».

B.   la rÉgionalisation du rÉseau des chambres d’agriculture

À l’instar des autres réseaux consulaires que sont celui des chambres de commerce et d’industrie et celui des chambres de métiers et de l’artisanat, les chambres dagriculture ont été historiquement organisées au niveau départemental. L’organisation et les missions du réseau des chambres d’agriculture sont fixées au titre Ier du livre V de la partie législative du code rural et de la pêche maritime.

Le réseau des chambres d’agriculture se compose des chambres départementales d’agriculture, des chambres régionales d’agriculture et de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture.

Larticle L. 511-3 du code rural et de la pêche maritime dresse la liste des compétences des chambres départementales :

– elles assurent l’élaboration de la partie départementale du programme régional de développement agricole et rural ;

– elles contribuent à l’animation et au développement des territoires ruraux ;

– elles participent à la définition du projet agricole élaboré par le représentant de l’État dans le département mentionné à l’article L. 313-1 ;

– elles sont associées à l’élaboration des schémas de cohérence territoriale, des schémas de secteur et des plans locaux d’urbanisme ;

– elles peuvent être consultées, dans leur champ de compétences, par les collectivités territoriales, au cours de l’élaboration de leurs projets de développement économique.

Larticle L. 512-1 du même code dresse la liste des compétences des chambres régionales :

– elles assurent l’élaboration et la coordination dans les régions des programmes régionaux de développement agricole et rural ;

– elles assurent l’harmonisation des conditions d’emploi des personnels des chambres d’agriculture de la région, dans le respect des dispositions statutaires et dans un cadre négocié avec les organisations représentatives du personnel ;

– elles orientent, structurent et coordonnent les actions des chambres départementales d’agriculture, en définissant une stratégie régionale, dans le respect des orientations nationales, et en adoptant le budget nécessaire à la mise en œuvre de cette stratégie, et assurent à leur bénéfice, dans des conditions définies par décret, des missions juridiques, administratives et comptables ainsi que des actions de communication ;

– elles contribuent à l’élaboration des orientations de la politique contractuelle entre l’État et les régions, des schémas d’aménagement du territoire et de gestion des ressources naturelles intéressant les régions ;

– elles sont consultées lors de l’établissement des contrats de plans régionaux de développement des formations et de l’orientation professionnelles des jeunes et des adultes ;

– elles contribuent, dans leur champ de compétences, à l’élaboration des programmes régionaux européens et de la politique des régions dans le domaine économique.

Le texte actuel de cet article résulte de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 davenir pour lagriculture, lalimentation et la forêt, qui a amorcé un mouvement de régionalisation du réseau des chambres dagriculture. L’article 89 de cette loi a, en effet, ajouté  parmi les missions des chambres régionales celle d’harmoniser les conditions des personnels des chambres de la région et celle de définir une stratégie régionale. Il a également transféré aux chambres régionales des missions juridiques, administratives et comptables et des actions de communication.

En outre, les articles L. 511-4 et L. 512-2 du même code confient aux chambres régionales et départementales des missions en matière d’animation et de développement des territoires ruraux.

L’étude d’impact indique que certains groupes de chambres d’agriculture, notamment celles des régions Bretagne, Pays-de-la-Loire et Normandie envisagent de poursuivre ce mouvement de régionalisation en transférant à leur chambre régionale des compétences aujourd’hui exercées par les chambres départementales.

Les réseaux des CCI et des CMA sont également touchés par ce mouvement de régionalisation, qui a été amorcé, les concernant, par la loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services, et approfondi par la loi n° 2016-298 du 14 mars 2016 relative aux réseaux des chambres de commerce et d’industrie et des chambres de métiers et de l’artisanat.

C.   la situation financiÈre des chambres d’agriculture

Selon le rapport de la mission d’évaluation et de contrôle sur les chambres consulaires, leurs missions et leur financement, publié le 16 septembre 2015 ([72]), les ressources des chambres d’agriculture sont réparties de la façon suivante :

– la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti (TATFNB) : 292 millions d’euros en 2014, soit 42 % des recettes des chambres. Cette taxe couvre près de 80 % des dépenses de personnel ;

– les prestations assurées auprès des agriculteurs, des entreprises agroalimentaires, des collectivités..., à hauteur de 25 % des ressources ;

– les contrats et conventions, subventions (État, collectivités territoriales, Union européenne), à hauteur de 21 % des ressources ;

– les autres ressources représentent 9 % des ressources totales.

La Cour des comptes a consacré des développements, dans son rapport public annuel publié en février 2017, aux chambres d’agriculture ([73]). Elle y indiquait qu’ « alors qu’elles ont longtemps bénéficié d’une situation financière confortable, les chambres d’agriculture sont entrées dans une période d’instabilité, entraînant une dégradation de leur équilibre financier global. » Les résultats nets cumulés des chambres sont devenus déficitaires à partir de 2013 ; en 2014, près d’une chambre sur deux affichait un déficit. De 2009 à 2013, les charges ont augmenté de 14,9 % tandis que les produits de fonctionnement ne progressaient que de 13,7 %. Les charges de personnel pèsent lourdement sur le budget des chambres ; entre 2006 et 2013, la masse salariale s’est accrue de 30 % en raison de recrutements intervenus sans source de financement durable. Les fonds de roulement et la trésorerie des chambres, encore suffisants en 2014, ont été fortement réduits à la suite de la loi de finances pour 2015, qui a décidé un prélèvement sur les fonds de roulement des chambres d’agriculture supérieurs à 90 jours. Au total, la Cour des comptes a relevé que les chambres d’agriculture constituaient « un réseau coûteux nécessitant une meilleure maîtrise des dépenses », en raison d’une gestion du personnel dispendieuse, d’une insuffisante maîtrise des moyens matériels, de subventions et de prises de participations non maîtrisées, et d’outils de gestion insuffisants.

En outre, la Cour des comptes a souligné, dans ce rapport, que les chambres d’agriculture manquaient d’outils stratégiques et que la réforme de l’organisation de leur réseau devait être poursuivie dans le sens d’une plus forte mutualisation de leurs moyens au niveau régional.

II.   les dispositions du projet de loi

L’alinéa premier prévoit d’habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la publication de la loi, toute mesure relevant du domaine de la loi nécessaire pour mener une expérimentation d’une durée de trois ans relative aux chambres d’agriculture.

Les alinéas 2 à 4 précisent les trois domaines dans lesquels cette expérimentation est proposée. Il s’agit de prévoir :

– Pour les établissements du réseau des chambres d’agriculture, une mission d’information, au bénéfice des exploitants agricoles, sur la réglementation nationale et européenne applicable à ceux-ci et sur les contrôles susceptibles d’être réalisés à ce titre, d’appui au dépôt des demandes d’aides et d’assistance à la mise en conformité avec la réglementation (alinéa 2) ;

– L’exercice à titre exclusif, par les chambres régionales, de tout ou partie des missions attribuées aux autres établissements du réseau de leur circonscription (alinéa 3) ;

– Le transfert aux chambres régionales, ou la mise à disposition de celles-ci, de personnels employés par d’autres établissements du réseau de leur circonscription (alinéa 4).

L’alinéa 5 dispose que cette expérimentation peut être restreinte à certaines régions ou à certains départements.

L’alinéa 6 prévoit un dépôt du projet de loi de ratification dans un délai de six mois à compter de la publication de l’ordonnance.

III.   la position de votre rapporteur

Le rapporteur a entendu les deux points de vigilance émis par l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture qui sont les suivants :

– après échange avec le Gouvernement il est convaincu que la nature de l’expérimentation vise à mesurer la bonne répartition de compétence entre les chambres départementales, qui doivent absolument conserver un rôle de proximité notamment pour assurer leur mission de conseil portée dans l’expérimentation ;

– l’expérimentation doit également permettre de mesurer les impacts financiers sur le schéma régional de chambres mais la question des moyens ne peut être un préalable à la mise en place de cette expérimentation. Le bilan de l’expérimentation doit absolument permettre une évaluation fine de ces enjeux.

IV.   la position de la commission spÉciale

La commission spéciale a approuvé le texte du Gouvernement, n’adoptant que sept amendements rédactionnels déposés par son rapporteur.

*

*     *

La commission est saisie de lamendement CS348 de M. Julien Dive.

M. Julien Dive. S’il est pertinent, pour venir en aide à l’agriculture française, de réformer les missions des chambres d’agriculture et d’assurer une meilleure répartition des compétences entre les chambres départementales et régionales, rien ne justifie que ce travail se fasse par voie d’ordonnance. Les parlementaires que nous sommes ont une expérience certaine au plus près des agriculteurs, quels que soient nos territoires. Certains d’entre nous ont été – ou sont encore – acteurs du milieu agricole. Des travaux sont en cours au sein des ateliers des états généraux de l’alimentation dont les rapporteurs seront auditionnés par la commission des affaires économiques le 25 janvier prochain. Une mission parlementaire sur le foncier agricole est actuellement menée par notre collègue Potier. Enfin, notre collègue Viala a déposé une proposition de loi qui a certes été rejetée mais dans laquelle la majorité a relevé de nombreux points positifs. La réforme des chambres d’agriculture pourrait donc très bien se faire au sein du Parlement. C’est pourquoi je propose de supprimer cet article.

M. le rapporteur. Je vois que nous sommes d’accord sur le fond pour revoir les missions des chambres d’agriculture. Il s’est dégagé de l’audition que j’ai menée auprès des représentants du réseau des chambres un consensus quant à la nécessité de repenser, dans le cadre d’une expérimentation, les missions de celles-ci et de transférer certaines de leurs compétences du niveau départemental au niveau régional – mouvement qui est en cours dans certaines régions.

Je défendrai des amendements visant à assurer que les parties prenantes seront bien associées à la rédaction des ordonnances et à la définition des conditions de l’expérimentation, préalable à la prise de décisions plus pérennes. Les projets de loi que vous avez cités serviront de véhicules législatifs pour pérenniser par la suite ce dispositif expérimental.

Je suis donc défavorable à la suppression de cet article.

M. le secrétaire dÉtat. Même avis. Le Gouvernement s’est engagé à ce que le conseil de la réforme imaginé par le rapporteur et les membres de cette commission spéciale soit informé et associé à toutes les étapes de la préparation des décrets d’application comme des ordonnances prévus par ce texte de loi.

M. Julien Aubert. Le pouvoir exécutif en place aime les ordonnances mais nous sortons d’un débat budgétaire où, lorsque nous essayions de parler d’agriculture, le Gouvernement nous répondait que ce n’était pas le moment, que des états généraux de l’agriculture allaient avoir lieu et qu’ensuite, nous pourrions en reparler. Et voilà que ce soir, nous discutons d’un élément important de notre système agricole, qu’on nous dit qu’il est trop tard et que nous devons donner au Gouvernement les clefs du tracteur pour qu’il légifère à notre place. Ce serait la première fois qu’on recourrait aux ordonnances, je dirais « pourquoi pas ? ». Mais ce n’est pas le cas.

Le recours à une ordonnance est-il justifié ? Normalement, les ordonnances servent à aller vite et à éviter les longs débats parlementaires. Mais l’agriculture joue dans notre pays un rôle essentiel dans l’organisation des territoires et est un sujet politique sensible. Le Parlement français a donc besoin d’en parler et ne le fait d’ailleurs pas assez. Laisser le Gouvernement s’occuper de cette réforme reviendrait à nous dessaisir de nos prérogatives, ce qui ne se justifie par aucune urgence. Qu’après les élections, vous ayez voulu aller vite pour obtenir des résultats économiques rapides en réformant par ordonnances le code du travail, je pouvais le comprendre et je ne l’ai pas critiqué. Mais là, je ne vois pas pourquoi. Je mets en garde mes collègues de la majorité : en tant qu’élus du peuple, nous avons la responsabilité de débattre de ces sujets politiques. On ne peut pas tout confier à l’exécutif, et certainement pas une réforme dont l’application aura des répercussions fortes dans les territoires. Alors, ce ne sera pas vers le Gouvernement mais vers leurs députés que se tourneront les administrés.

Je ne comprends pas cette méthode et les éléments explicatifs que vous nous avez donnés ne sont pas très convaincants. Si le Gouvernement a choisi de procéder par ordonnance, le Parlement est libre de s’y opposer et de préférer débattre de ce sujet ici, dans la maison du peuple.

M. Hervé Pellois. Je ne reviendrai pas sur cette question de méthode. Dans le futur projet de loi agricole, on recourra peut-être aussi aux ordonnances sur certains sujets. Le débat n’est donc pas là.

L’article 19 vise à rendre un meilleur service aux exploitants agricoles. Des expérimentations ont déjà été menées avant cette loi et les chambres d’agriculture réfléchissent aussi au niveau national à l’efficacité de leurs services et à l’opportunité de les regrouper. Il importe de clarifier les relations entre les chambres départementales et les chambres régionales tout en veillant à ce que les personnels de ces chambres conservent un statut favorable sans relever à moitié du niveau départemental et à moitié du niveau régional. Cette expérimentation va dans le bon sens dès lors que les chambres d’agriculture souhaitent aller de l’avant.

Mme Véronique Louwagie. L’article 19 poursuit un double objectif : favoriser la régionalisation des chambres d’agriculture et leur confier une mission d’information juridique auprès des agriculteurs. Il me semble que c’est prendre le problème à l’envers. On constate que sur de nombreux sujets, les agriculteurs sont perdus dans le maquis d’une réglementation complexe et, au lieu de la rendre plus lisible et de l’adapter, on confie aux chambres d’agriculture une mission d’information sur cette réglementation. Les agriculteurs ont certes besoin d’aide mais je crains qu’en procédant ainsi, on n’apporte aucune solution au problème et qu’on considère qu’on n’a pas à faire d’efforts pour simplifier la norme. Or, il en va de la compétitivité de notre agriculture vis-à-vis de l’agriculture européenne. Par ailleurs, je ne suis pas sûre qu’un texte de cette nature soit très adapté au traitement de ce sujet.

M. Julien Dive. Le rapporteur nous explique qu’il faut agir vite pour nos agriculteurs – nous sommes tous d’accord avec ce constat – mais dans ce cas, il aurait fallu voter la proposition de loi du groupe Les Républicains défendue par Arnaud Viala il y a quelques mois.

Souvenez-vous de la fusion des chambres de commerce et d’industrie : il ne faudrait pas que nous subissions les mêmes difficultés dans le secteur agricole. Si l’on veut changer le quotidien des agriculteurs, il est nécessaire de les faire bénéficier de services efficaces répondant précisément à leurs besoins. Je ne vois pas l’intérêt de procéder aussi brutalement par ordonnance alors que nous, députés, connaissons les agriculteurs et leurs expériences propres.

Mme Cendra Motin. Nous avons étudié jusqu’ici des articles qui posaient de grands principes dont nous essayons maintenant de définir l’application pratique dans certains domaines. Les agriculteurs attendent énormément de nous et nous pourrions leur faire signe que nous avons compris leurs besoins de simplification des procédures. Des agriculteurs m’ont raconté pas plus tard que la semaine dernière qu’après avoir rempli moult dossiers de demande de subventions européennes, ils s’étaient vu exiger des remboursements parce que ces aides avaient été mal calculées. Si la chambre d’agriculture les avait accompagnés de manière plus structurée, cela aurait pu les aider. Le problème agricole ne sera traité que dans la future loi agricole mais nous pouvons dès à présent faire savoir aux agriculteurs, dans un texte de simplification, que nous pensons à eux et que nous voulons aussi les aider en simplifiant les procédures administratives.

M. Arnaud Viala. Cet article est le point dur du texte. Contrairement à ce que dit Mme Motin, il n’est pas du tout de nature à simplifier la vie des agriculteurs. Il modifie un système auquel personne, dans le monde agricole, ne souhaite qu’on touche – surtout pas le réseau des chambres d’agriculture départementales qui assure un service de proximité ne pouvant être assumé de la même manière par l’échelon régional. Nous entrons dans un domaine qui n’a rien à voir avec l’objet de ce projet de loi. Si l’on veut envoyer aux agriculteurs le signal que nous voulons simplifier les procédures, abordons plutôt la question de la mise en paiement des aides de la politique agricole commune (PAC) qui prend des mois, voire des années – les crédits arrivant dans les caisses de l’État français mais n’étant pas mis en paiement en raison de problèmes informatiques ou de traitement des dossiers ou encore de prélèvement des fonds à d’autres fins par certaines équipes gouvernementales. L’article 19, dans sa rédaction actuelle, n’apporte rien que des problèmes supplémentaires.

M. le rapporteur. Vous soulevez essentiellement un problème de méthode. À l’exception de la dernière intervention, à laquelle j’essaierai de répondre, je ne vous ai pas entendu débattre de l’orientation politique de cet article.

Je ne suis pas d’accord avec vous lorsque vous dites que les ordonnances ne servent qu’à aller vite. Elles permettent de discuter des orientations politiques que l’on souhaite prendre, même lorsqu’il s’agit d’expérimentations. Il me semble que ces dernières font plutôt consensus. Les chambres d’agriculture, que j’ai auditionnées, semblent plutôt favorables à ce que l’on revoie le contenu de leurs missions et la répartition des compétences entre chambres départementales et régionales. Une fois que nous aurons eu cette discussion politique, il reviendra au Gouvernement de mener un travail plus fin, auquel il associera les acteurs concernés, sous le contrôle du Parlement qui ratifiera l’ordonnance. Et encore une fois, je défendrai un amendement prévoyant d’associer les parties prenantes à la rédaction de celle-ci.

Quant à savoir quel est le véhicule législatif approprié, ce n’était pas dans le projet de loi de finances qu’il fallait discuter de la manière de régler les problèmes de l’agriculture française. Vous l’avez rappelé, un projet de loi sur le sujet sera déposé à la suite des états généraux de l’alimentation. La majorité a exprimé sa volonté d’adjoindre à ce texte des pactes de simplification dans certains domaines politiques.

Enfin, madame Louwagie, il importe que certains articles de ce projet de loi soient consacrés à l’agriculture mais ce n’est pas un texte de simplification pur et dur. Le projet de loi vise à prendre en compte la complexité des règles telle qu’elle est et d’instaurer des mécanismes permettant de mieux vivre avec cette complexité. C’est pourquoi il est proposé de confier aux chambres d’agriculture une mission d’accompagnement juridique des agriculteurs.

M. le secrétaire dÉtat. D’autres mesures seront prises en matière d’agriculture. Après les états généraux de l’agriculture, un texte, actuellement en cours d’élaboration, vous sera présenté qui fera l’objet, j’imagine, de débats nourris au sein de cette Assemblée. Nous agirons aussi en matière de simplification puisque dans le cadre de la réforme de la PAC et des discussions avec la Commission européenne, la France a pris l’initiative de travailler à la simplification des procédures.

Quant à l’article 19, il prévoit d’habiliter le Gouvernement à procéder par ordonnance à des expérimentations fondées sur le volontariat. Il s’agit ainsi de répondre à la demande de plusieurs chambres d’agriculture qui souhaitent régionaliser certaines de leurs missions. Vous aurez noté que, dans le cadre de cette expérimentation, les missions de conseil de proximité resteront à l’échelon départemental. Si nous souhaitons procéder par ordonnance, c’est qu’elles nous semblent permettre au Parlement de se prononcer quant à l’objectif et ensuite de travailler en concertation étroite avec les acteurs concernés, notamment avec les chambres d’agriculture volontaires pour mener cette expérimentation, de manière à préciser les dispositions de l’ordonnance. J’ajoute que dans le cadre du suivi de l’application du texte, le conseil de la réforme sera lui aussi associé à la rédaction de l’ordonnance.

M. Arnaud Viala. Monsieur le secrétaire d’État, les députés du groupe Les Républicains ne partagent pas les objectifs de l’article 19 et ne le voteront donc pas. Si certains d’entre nous ont voté le projet de loi d’habilitation à légiférer par ordonnance pour réformer le code du travail, c’est que les objectifs de ces ordonnances étaient clairement énoncés. Que l’on en fasse autant à cet article. Je ne vois pas en quoi la régionalisation des missions des chambres d’agriculture et le fait de confier dans la loi à ces chambres des missions d’accompagnement qu’elles exercent déjà vont simplifier la vie des exploitants. Je ne vois pas non plus pourquoi on a besoin d’une ordonnance pour faire une expérimentation qui ne concernera que les agriculteurs. Je demande donc, madame la présidente, que des explications nous soient fournies, séance tenante, à ces sujets.

M. Julien Aubert. Nous nous sommes mal compris, monsieur le rapporteur. Nous soutenons un amendement qui remet en cause le recours à une ordonnance et, en députés méthodiques, nous souhaitions ensuite engager un débat sur le fond, au cas où la majorité persisterait à vouloir légiférer par ordonnance. Ne déduisez pas de nos propos précédents que nous partageons vos objectifs.

Tout d’abord, je serais curieux de savoir quelles régions souhaitent expérimenter cette régionalisation. Les agriculteurs ont avant tout besoin de proximité. On devrait donc toujours se poser la question de la subsidiarité. Ce n’est pas la première fois qu’on essaie d’asphyxier l’échelon départemental au profit de l’échelon régional. On dit que Big is beautiful mais ce type de réformes est susceptible d’éloigner des agriculteurs les services des chambres d’agriculture. Qui plus est, les régions, depuis qu’elles ont fusionné, couvrent des bassins agricoles très hétérogènes. Je ne suis pas donc certain que l’on gagne à faire gérer depuis une capitale régionale située à 200 kilomètres des problèmes agricoles très localisés. J’aimerais connaître la liste des régions souhaitant mener ces expérimentations car je n’ai pas l’impression que la région Provence-Alpes-Côte d’Azur en fasse partie.

Ensuite, à quoi sert cet article ? Premièrement, les chambres d’agriculture m’ont dit avoir des problèmes financiers puisque depuis plusieurs années, l’État ponctionne leurs réserves – à hauteur de 100 millions d’euros dans la loi de finances pour 2018. Deuxièmement, elles exercent déjà ces missions d’accompagnement, avec les moyens qu’on leur donne. Dès lors qu’apporte cet article et pourquoi ces missions devraient-elles être exercées au niveau régional et pas au niveau départemental ? Enfin, jusqu’à quel point va-t-on régionaliser ? Je crains que cette ordonnance ne permette de vider de leur substance les chambres départementales, ce à quoi je suis très opposé. Cela fait des années qu’on essaie de les asphyxier : ayons un débat franc et direct mais arrêtons d’étouffer ces structures jusqu’à ce qu’elles meurent d’une lente agonie.

M. Hervé Pellois. Nous n’avons pas dû rencontrer les mêmes agriculteurs ni les mêmes représentants de chambres. J’ai en entendu beaucoup, ce midi encore à l’Assemblée nationale. La régionalisation permet quand même de renforcer les compétences des chambres : lorsqu’on regroupe quelques ingénieurs, ils sont plus performants que lorsqu’ils sont seuls dans leur coin à essayer de traiter un problème.

Quant aux regroupements, ils sont sans doute davantage pratiqués dans l’Ouest de la France, en Bretagne et dans les Pays de la Loire, que dans le Midi. Le projet de loi prévoit une expérimentation et vous ne pourrez pas vous opposer à ceux qui veulent aller de l’avant. Il faut au contraire les encourager et ainsi obtenir le meilleur service possible au profit des exploitants.

Mme Anne Laure Cattelot. Si cet article soulève la question du regroupement des chambres d’agriculture, il faudra également, dans la perspective des états généraux de l’agriculture, se poser la question de la place et des missions des services de l’État car dans le monde agricole, les différents acteurs – chambres d’agriculture, services de l’État et syndicats agricoles – ont tendance à marcher sur les plates-bandes des uns et des autres

M. le rapporteur. L’étude d’impact répond à certaines de vos questions, monsieur Aubert. Les régions ayant déjà engagé ce mouvement de regroupement de façon volontaire sont la Bretagne, les Pays de la Loire et la Normandie. J’en profite pour commenter un amendement à venir qui précise que les expérimentations ne pourront être menées que dans les seules chambres d’agriculture absolument volontaires. Cela me semble une contrainte trop forte. Il faut aussi pouvoir inciter les chambres d’agriculture à se regrouper et ne pas conduire ces expérimentations uniquement là où la régionalisation est déjà en cours. Enfin, pour assurer une meilleure organisation du schéma régional des chambres d’agriculture, il peut être pertinent de mutualiser certaines fonctions – fonctions supports, fonctions métiers, fonctions de veille législative, d’appui juridique, d’appui administratif ou d’analyse des marchés agricoles – au niveau régional pour maintenir la chambre départementale dans un rôle de conseil de proximité. C’est pourquoi les deux volets de l’expérimentation sont complémentaires, l’objectif étant de faire de la chambre départementale le premier lieu de conseil sur la législation, au contact direct avec les agriculteurs, et de confier à la chambre régionale la mission de traiter des sujets qui nécessitent des équipes plus fournies et d’assurer les fonctions précitées. L’objectif de cette expérimentation est donc assez clair.

M. le secrétaire dÉtat. Le rapporteur vient de citer les trois régions d’où proviennent les principales demandes d’expérimentation : les Pays de la Loire, la Normandie et la Bretagne – toutes trois situées dans l’Ouest de la France. Cela explique peut-être les différences d’approche et de perception des uns et des autres.

Pourquoi légiférer par ordonnance et pourquoi faut-il une base législative pour pouvoir procéder à cette expérimentation et à la régionalisation de certaines fonctions ? Comme le dit le rapporteur, l’objectif est de permettre la régionalisation de fonctions supports, de fonctions de gestion des ressources humaines et de fonctions d’expertise et de maintenir l’accueil et le conseil de proximité au niveau départemental. S’il faut une base législative, c’est que certaines des missions des chambres d’agriculture sont encadrées par la loi.

La commission rejette lamendement CS348.

Puis elle adopte lamendement rédactionnel CS707 du rapporteur.

Elle examine ensuite en discussion commune les amendements identiques CS190 de M. Fabrice Brun, CS209 de Mme Véronique Louwagie, CS379 de M. Julien Aubert et CS786 de Mme Jeanine Dubié, ainsi que lamendement CS579 de M. Nicolas Turquois.

M. Fabrice Brun. Nos débats m’inspirent une réflexion générale de bon sens : que l’État cesse de se décharger de ses missions sur les chambres d’agriculture sans leur donner de moyens supplémentaires et il sera bien plus facile aux chambres d’être à l’équilibre financier. De nos discussions avec elles, il ressort deux éléments. D’une part, elles ne demandent rien en matière d’organisation. Elles ont démontré leur capacité à organiser la profession au sein du réseau consulaire mais aussi en coopérant avec les organisations syndicales. Je souhaite à toutes les professions relevant de l’économie de proximité d’avoir demain la même organisation que nos agriculteurs. D’autre part, les chambres d’agriculture nous disent que le périmètre des missions défini dans le projet de loi est trop large et que le financement de ces nouvelles missions et l’impact de cette réforme sur l’équilibre du modèle économique des chambres d’agriculture ne sont pas abordés.

C’est pourquoi l’amendement CS190 tend à viser explicitement les conditions financières et opérationnelles dans lesquelles les chambres d’agriculture assureront leur mission d’information auprès des agriculteurs. La défense de cet amendement me donne l’occasion de souligner l’importance des chambres d’agriculture et des chambres consulaires en général. Nous avons besoin de ces corps intermédiaires puissants qui jouent pleinement leur rôle de conseil légal des pouvoirs publics. M. le secrétaire d’État a rappelé dans quel cadre légal les chambres effectuaient leurs missions. Attention à ne pas dessaisir le Parlement de ces questions en légiférant par ordonnance et à ne pas rompre le lien privilégié entre ces corps intermédiaires et les terroirs de France.

Mme Véronique Louwagie. Dans la mesure où on confie de nouvelles missions aux chambres d’agriculture, il est important de définir quels seront les moyens financiers correspondants. Sans ressources, les chambres seront dans l’impossibilité d’agir.

Je voudrais, à l’occasion de cette discussion, dire à quel point la proximité est importante, notamment pour les publics les plus fragiles et pour les agriculteurs en difficulté qui sont plus éloignés que les autres de ces structures. Cette proximité a un coût. C’est pourquoi il convient de définir les conditions financières dans lesquelles les chambres assureront leurs missions.

M. Julien Aubert. Je ferai tout d’abord un point de méthode. Cet article me semble être un cavalier législatif, sans rapport avec l’objet de ce texte qui est de favoriser une relation de confiance entre l’administration et le citoyen – sauf à considérer les chambres régionales d’agriculture comme une administration. En réalité, cette future ordonnance vise à réformer l’organisation du réseau consulaire, ce qui est assez éloigné de l’objet du projet de loi.

Ensuite, j’ai bien entendu M. le rapporteur parler de veille législative ou de fonctions supports, mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit dans cet article. L’étude d’impact nous apprend en effet qu’un décret de 2016 permet déjà le transfert des compétences supports. En revanche, cet article enclenche un processus de régionalisation des chambres d’agriculture qui pose un double problème. Premièrement, normalement, nous définissons ce que nous considérons comme une bonne organisation et tous les Français sont traités de la même manière. Ce texte introduit une sorte de modèle à la carte puisqu’il permet à chaque région de s’organiser comme elle l’entend. Si cette méthode devait être reprise dans d’autres domaines, on risquerait de créer un « jardin à l’anglaise », c’est-à-dire des organisations totalement dissemblables selon les régions, en fonction des expérimentations et des souhaits des unes et des autres. Dans une République une et indivisible, c’est quand même un peu compliqué. Deuxièmement, on confie aux chambres d’agriculture une nouvelle mission mais à aucun moment, on ne précise quels moyens on va leur donner pour la remplir. Or, ces dernières années, l’État a plutôt eu tendance à prendre sur les réserves de ces chambres qu’à accroître leurs moyens. D’où ces amendements qui visent explicitement les conditions financières et organisationnelles dans lesquelles les chambres exerceront leur nouvelle mission – même si, à titre personnel, je suis contre l’idée de faire disparaître les chambres départementales.

Au fond, ce que nous critiquons, c’est qu’au détour d’une ordonnance et dans un projet de loi sans aucun rapport avec l’agriculture, on permette, dans certaines régions, aux chambres régionales d’aspirer les compétences des chambres départementales. Je mets en garde les collègues qui disent que quand on regroupe plusieurs structures, elles deviennent plus compétentes. Ce processus de fusion de grands organismes administratifs a parfois conduit à de grands loupés dans l’histoire de l’administration. Je rappelle que le régime social des indépendants, censé mieux fonctionner que la multiplicité des régimes antérieurs, a été qualifié par la Cour des comptes d’accident industriel et que Pôle emploi est toujours sévèrement critiqué. Il faut parfois se méfier des grands organismes administratifs et faire confiance aux organismes de proximité.

Mme Jeanine Dubié. Je m’interroge moi aussi quant au sens de cet article. Bien qu’ayant assisté à l’audition du cabinet du ministre de l’agriculture par notre rapporteur, je n’ai toujours pas compris pourquoi il faut passer par la loi pour définir les conditions dans lesquelles les chambres d’agriculture assureront une mission d’information sur la réglementation car, si j’en crois mon expérience auprès de la chambre d’agriculture des Hautes-Pyrénées, c’est exactement ce que font les chambres au quotidien. À qui profite le crime ? S’il s’agit d’accélérer la régionalisation du réseau des chambres, qu’adviendra-t-il du rôle d’accompagnement que jouent les chambres départementales au plus près des agriculteurs ? Et s’il faut absolument faire figurer cette mission d’information dans la loi, cette disposition doit s’accompagner de mesures financières car comme cela a été dit, les réserves des chambres d’agriculture ont déjà subi des ponctions sous la précédente législature.

M. Arnaud Viala. Je pense comme Julien Aubert que cet article est un cavalier législatif, car je ne vois pas pourquoi, dans un texte sur les rapports entre l’administration et les administrés, il faudrait s’intéresser à l’organisation des structures agricoles, alors qu’il n’a jamais été question, depuis le début de nos discussions, d’intervenir sur les moyens ou les structures de l’administration d’État, mais uniquement sur la façon dont elle exerçait ses missions.

D’où mon pressentiment que ce cavalier législatif sera bientôt suivi, à la faveur d’un prochain projet de loi, d’autres articles du même type concernant les chambres de commerce et d’industrie puis les chambres de métiers et de l’artisanat, car je ne vois pas pourquoi l’ensemble des chambres consulaires ne seraient pas progressivement régionalisées.

Sur le fond, vous n’avez pas répondu à ma question, je ne comprends toujours pas ce que cette mesure va concrètement apporter aux exploitants agricoles.

M. le rapporteur. Je conteste formellement que cet article soit un cavalier législatif. Certes les chambres d’agriculture ne sont pas des administrations, mais elles sont financées pour 20 % par des fonds publics. Ce qui donne du sens à la présence de cet article dans le projet, c’est qu’il contribue à améliorer l’information des agriculteurs dans un monde normatif de plus en plus complexe. Je ne pense pas qu’il pose de problème constitutionnel, et le Conseil d’État n’a d’ailleurs rien trouvé à y redire.

Je ne pense pas, monsieur Aubert, que l’expérimentation remette en cause le principe de l’égalité devant la loi, puisqu’elle est précisément inscrite dans la loi. Quant au risque d’accident industriel, c’est bien pour y parer qu’on instaure des expérimentations.

Vos amendements proposent que la loi renvoie explicitement aux aspects financiers et organisationnels de la réorganisation du réseau des chambres d’agriculture. Mais soit l’on considère que c’est précisément à l’issue de l’expérimentation que l’on pourra tirer les conséquences financières et organisationnelles de la nouvelle répartition des compétences, et en ce sens les amendements sont satisfaits, soit l’on pose que l’octroi de ressources financières supplémentaires est un préalable à l’expérimentation, ce à quoi je m’oppose, car nous ne sommes pas ici dans un débat budgétaire, ce qui ne veut pas dire que les changements organisationnels, lorsqu’ils seront actés, ne doivent pas s’accompagner des ressources nécessaires.

Le but de cet article enfin, est d’améliorer le conseil fourni aux agriculteurs, en permettant aux conseillers départementaux de dégager du temps pour leurs missions de proximité et en améliorant l’efficacité des fonctions support au niveau régional.

M. Arnaud Viala. Je suis désolé, mais je ne comprends toujours pas le but de cet article. Je suis élu dans un département où l’agriculture est très diversifiée selon les endroits. La chambre départementale d’agriculture y est organisée de telle sorte que ses services répondent et conseillent les agriculteurs en fonction des spécificités de leur production. Or l’Aveyron appartient à une région composée de treize départements, qui vont de la mer à la haute montagne, et je ne vois pas en quoi une chambre régionale, qui sera nécessairement très distante géographiquement de la quasi-totalité des exploitants agricoles dont elle aura la charge, sera mieux armée que les chambres départementales pour les conseiller sur des problématiques forcément très éloignées les unes des autres.

Mme la présidente Sophie Errante. Monsieur Viala, il se trouve que je suis élue d’un territoire qui participe à cette expérimentation. Je propose que nous échangions, d’ici nos débats en séance, pour que je vous explique ce que cela nous apporte.

M. Julien Aubert. Je n’ai pas voulu dire que l’expérimentation était contraire au principe d’égalité devant la loi ; il s’agissait plutôt de vous appeler à une forme de prudence. D’abord, toute expérimentation n’est pas nécessairement concluante : je pense en particulier à certaine expérimentation sur la limitation de vitesse dont nous n’avons jamais eu les résultats…

Ensuite, une expérimentation est généralement un moyen pour l’État d’évaluer et d’éprouver l’intérêt d’une mesure pour la généraliser, le cas échéant, à l’ensemble du territoire ; c’est en quelque sorte un prélude. Or, dans le cas d’espèce, vous semblez nous dire que l’expérimentation ne concernera que les régions volontaires, ce qui n’est pas nécessairement le cas de ma région, où nous n’avons pas le même type d’agriculture que dans l’ouest. N’est-ce pas une façon d’instituer une organisation à la carte, avec des régions où les missions seront organisées au niveau régional et d’autres où elles seront organisées au niveau départemental ?

Vous dites qu’il ne s’agit pas d’une question de moyens mais, si les moyens des chambres départementales étaient doublés, si elles disposaient des techniciens compétents, elles seraient parfaitement en mesure de prodiguer aux agriculteurs une aide de proximité. Or, il me semble qu’il y a une contradiction entre cette régionalisation des missions et la tendance actuelle qui consiste à restreindre les moyens des chambres régionales, a fortiori si vous refusez que nous ayons un débat sur les implications budgétaires de la nouvelle organisation. Plus largement d’ailleurs, au lieu d’intégrer ces dispositions dans un texte dévolu à une commission spéciale, il aurait fallu les inscrire dans un texte plus générique confié à la commission des affaires économiques où siègent de vrais spécialistes des questions agricoles. Cela aurait permis un vrai débat sur l’organisation de chambres consulaires qui renvoie à des problématiques multiples lorsqu’il s’agit de les intégrer dans l’écosystème agricole.

Quoi qu’en pense le Conseil d’État, je persiste donc à penser que cet article est un cavalier.

M. Jean-Paul Mattei. Cet article propose selon moi une expérimentation intéressante. Par ailleurs, il ne s’agit nullement de supprimer toutes les prérogatives des chambres d’agriculture départementales mais de procéder à une nouvelle répartition des compétences entre chambres départementales et chambres régionales. Quant au fait de procéder par ordonnances, cela permet – on l’a vu avec les ordonnances sur le droit du travail – d’obtenir des lois bien mieux rédigées. Il faut donc avancer, car si l’on refuse de toucher à quoi que ce soit, nous allons finir par stagner. Je soutiens donc cette idée d’une expérimentation, d’autant que les régions concernées ne sont pas désignées d’office.

M. Paul Molac. Je pense également que l’expérimentation est une bonne chose, et je regrette d’ailleurs que la Constitution limite à cinq ans cette expérimentation. À titre d’exemple pour le cas qui nous concerne, je citerai la Bretagne où les chambres départementales collaborent avec la chambre régionale : c’est ainsi que la conseillère chargée des questions de méthanisation est physiquement installée à Ploërmel, dans le Morbihan, mais travaille à la fois pour la chambre régionale et la chambre départementale. Je ne vois dès lors pas l’intérêt de notre discussion dans la mesure où, sur le terrain, existe déjà une forme de mutualisation. Que cette mutualisation soit plus compliquée dans les régions très vastes, c’est un fait, mais rien n’empêche de l’organiser à l’échelle de deux ou trois départements, sous l’égide de la chambre régionale.

M. le rapporteur. L’intervention de Julien Aubert me fournit des arguments pour repousser la série d’amendements que vont défendre Mme Dubié, Mme Louwagie et M. Brun et qui proposent de limiter les expérimentations aux régions volontaires : il me semble que ces expérimentations doivent concerner des territoires aussi divers que possible.

Quant à savoir s’il aurait été préférable de faire examiner cette disposition par une commission plus spécialisée, c’est possible, et c’est la raison pour laquelle je souhaite limiter autant que faire se peut dans ce projet de loi les mesures de simplification. Mais il se trouve qu’en l’occurrence ce que nous proposons y a toute sa place, dans la mesure où il s’agit d’améliorer le dialogue avec les agriculteurs et de leur fournir de meilleurs outils pour se repérer dans une réglementation de plus en plus complexe. Pour le reste, je prends le parti de renvoyer à des textes plus spécifiquement dédiés toutes les dispositions de simplification qui n’auraient pas de rapport direct avec le présent projet.

M. le secrétaire dÉtat. Je rappelle à ceux qui s’étonnent de voir figurer de telles dispositions dans ce projet qui pose la confiance comme nouveau mode de relations entre l’usager et l’administration, qu’elles participent de ces mesures de simplification dont on cherche à savoir si elles pourront être généralisées et qui répondent pour certaines à une véritable urgence – vous êtes d’ailleurs nombreux à dire souvent que la réglementation agricole est l’une des plus complexes et qu’elle exige des simplifications.

M. Molac a fort bien rappelé qu’il s’agissait de donner davantage de souplesse aux chambres d’agriculture départementales et régionales. À partir de l’exemple qu’il a donné, il est possible d’imaginer bien d’autres modes de mutualisation et, bien que cette mutualisation ait déjà été effectuée spontanément par certaines chambres d’agriculture, les missions des chambres étant pour l’essentiel définies par la loi, aller plus loin en matière d’expérimentation nous oblige à passer par la loi.

Il ne s’agit pas de mettre à mal les chambres départementales et il y a un certain paradoxe à reprocher au Gouvernement de confier aux chambres des missions pour lesquelles elles n’ont pas les moyens, tout en dénonçant un texte qui aurait pour but de vider de leur substance ces mêmes chambres. Ce que nous souhaitons, c’est la régionalisation des fonctions pouvant l’être. Les missions de proximité et les fonctions d’accueil doivent rester au niveau départemental, mais un certain nombre de missions supports peuvent être régionalisées, ce que ce texte veut juridiquement entériner.

Ces amendements entendent préciser que les ordonnances doivent également porter sur les questions financières et organisationnelles. Dès lors que le texte d’habilitation prévoit qu’elles définissent les conditions générales de l’expérimentation, ils sont satisfaits, car il est évident que ces deux aspects seront abordés soit dans la loi d’habilitation, soit dans les textes d’application réglementaires.

M. Nicolas Turquois. L’amendement CS579 est défendu.

M. Jean-Baptiste Moreau. Le président de l’assemblée permanente des chambres d’agriculture M. Cochonneau, me disait ce matin que la régionalisation et la mutualisation des moyens avaient déjà cours dans certains territoires : les chambres ayant des moyens budgétaires très limités, cela les a poussées à mutualiser leurs compétences depuis déjà une dizaine d’années.

Je ne nie pas que, dans quelques régions, cela peut causer des soucis, et l’on peut envisager pour ces régions des procédures optionnelles. Globalement, je pense cependant que cette expérimentation est nécessaire et qu’il faut pousser plus avant les mutualisations entre les chambres départementales et régionales, pas uniquement par souci d’économies mais également parce que plus vous aurez de moyens, plus vous pourrez embaucher de techniciens compétents, capables d’accompagner les producteurs et les agriculteurs.

La commission rejette successivement les amendements identiques CS190, CS209, CS379 et CS786, puis lamendement CS579.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CS708 et CS709 du rapporteur.

Elle en vient ensuite aux amendements identiques CS9 de M. Julien Aubert, CS27 de M. Arnaud Viala et CS276 de M. Éric Pauget.

M. Julien Aubert. Nous sommes défavorables au recentrage régional des chambres d’agriculture, qui ne résulte en aucun cas d’un diagnostic faisant apparaître qu’on traite mieux les choses de loin que de près. J’en veux pour preuve que l’idée dominante est aujourd’hui qu’il faut rapprocher les services publics du citoyen, ce qui est l’exact contraire de la régionalisation. Celle-ci n’est rien d’autre en effet que la conséquence comptable de choix budgétaires qui ont progressivement asséché les ressources des départements, de la même façon que l’on tue actuellement les communes, pour constater ensuite que les intercommunalités ont pris du poids. Cet amendement de repli concerne notamment le transfert des personnels.

M. Arnaud Viala. Monsieur le ministre, il faut être clair et sincère : vous prétendez qu’il ne s’agit pas de mettre à mal les chambres départementales, mais je me permets de vous renvoyer à l’alinéa 3 de l’article 19, qui précise que l’ordonnance définira « les conditions dans lesquelles les chambres régionales exercent à titre exclusif, en lieu et place des autres établissements du réseau de leur circonscription, tout ou partie des missions attribuées à ceux-ci ».

Ne nous faites donc pas croire qu’il ne s’agit pas de priver de leurs compétences les chambres départementales. Or, je soutiens que ces établissements sont des établissements publics, certes dotés d’une forme de gouvernance particulière puisqu’ils sont gouvernés par des élus et des professionnels. De plus, outre les missions qu’ils accomplissent pour le compte de l’État, ils ont un rôle absolument central dans la représentation des particularismes agricoles de leur zone de compétence.

Il est donc inimaginable qu’on puisse, au sein de cette commission spéciale, valider des arguments selon lesquels on va améliorer la situation des exploitants agricoles en régionalisant l’essentiel des missions, au détriment des chambres départementales, qui n’auront plus d’autre vocation que d’être des guichets d’accueil pour les exploitants.

M. Éric Pauget. Je suis opposé à tout ce qui remet en cause la proximité, d’autant qu’il s’agit, dans tous les domaines mais particulièrement dans l’agriculture, d’une forte demande de nos concitoyens. Par ailleurs, il y a un problème de taille des régions, et selon qu’elles sont composées de quelques départements seulement ou d’une grosse dizaine, la problématique n’est pas la même.

M. le rapporteur. Je voudrais préciser une dernière fois que, selon les dires du cabinet du ministre, il n’est pas question de faire mourir les chambres départementales d’agriculture. L’idée, c’est de permettre à chacun des échelons d’assurer au mieux les missions qui sont les siennes, celles de proximité pour les chambres départementales, celles pouvant être mutualisées pour les chambres régionales. Si cela doit passer par le transfert de certaines compétences des unes aux autres, il en sera ainsi. Telle est en tout cas l’intention que poursuit le Gouvernement en organisant cette expérimentation. Si celle-ci n’est pas concluante et qu’elle contrevient à la proximité des services, alors il n’y aura pas de généralisation. Avis défavorable.

M. le secrétaire dÉtat. Avis défavorable pour les mêmes raisons.

La commission rejette les amendements.

Puis elle examine les amendements identiques CS189 de M. Fabrice Brun, CS208 de Mme Véronique Louwagie et CS787 de Mme Jeanine Dubié, ainsi que lamendement CS670 de Mme Josiane Corneloup, qui peuvent faire lobjet dune discussion commune.

M. Fabrice Brun. Nous défendons un amendement de repli qui permet de sauver les meubles en proposant que le dispositif ne s’applique qu’aux chambres d’agriculture volontaires.

Mme Véronique Louwagie. Je voudrais insister sur le fait que les régions n’ont pas toutes la même taille. Si les trois régions que vous avez retenues n’ont pas plus de cinq départements – quatre pour la Bretagne, cinq pour la Normandie et les Pays de la Loire –, certaines en comptent bien davantage : douze en Auvergne-Rhône-Alpes ou en Nouvelle-Aquitaine. Cela accroît les risques d’éloignement. C’est la raison pour laquelle nous proposons que l’expérimentation se fasse sur la base du volontariat des chambres.

Mme Jeanine Dubié. Je ne suis pas sûre que l’État crée de la confiance en imposant de façon unilatérale ce type d’organisation au réseau consulaire.

M. Bruno Millienne. Certains d’entre vous sont défavorables à la régionalisation des chambres d’agriculture, mais il ne me semble pas que cela soit l’objectif de cet article. Il n’est question ici que d’expérimentation, sachant que, dans certaines régions, les relations entre les chambres départementales et les chambres régionales ne sont pas bonnes. On doit néanmoins essayer de rationaliser la répartition des missions entre les chambres départementales et les chambre régionales, ne serait-ce que pour permettre aux agriculteurs de mieux s’y retrouver. En outre, c’est précisément dans les grandes régions comme la Nouvelle-Aquitaine que les questions de proximité sont le plus sensibles, d’où l’intérêt d’une expérimentation. Si ce n’est pas concluant, on ne continuera pas.

M. le rapporteur. Curieusement, j’aurais tendance à être davantage d’accord avec vos argumentaires qu’avec vos amendements. Quoi qu’il en soit, madame Louwagie, je précise que les régions que vous avez mentionnées ne sont pas celles qui ont d’ores et déjà été choisies pour l’expérimentation mais celles qui, de leur propre chef, ont déjà entamé un mouvement de régionalisation ; ce sont en quelque sorte des régions volontaires. Or, je pense que, pour être efficace, le dispositif d’expérimentation ne doit pas se limiter aux régions volontaires. L’idée n’est évidemment pas de désigner au premier chef les régions totalement réfractaires, mais ne retenir que des régions qui ont déjà amorcé un mouvement de régionalisation des chambres serait céder à la facilité. Avis défavorable.

M. le secrétaire dÉtat. Je partage largement les arguments du rapporteur sur la nécessité que les régions qui feront l’objet d’une expérimentation soient aussi diverses que possible, sans se limiter à celles qui ont d’ores et déjà manifesté leur intérêt pour la régionalisation. Je précise en revanche que l’engagement a été pris par le Gouvernement de procéder par la concertation avec l’ensemble du réseau consulaire.

M. Arnaud Viala. J’aimerais que nous rembobinions la bande et que nous réécoutions ce que me répondait le rapporteur sur l’expérimentation régionalisée du contrôle des entreprises. Nous sommes en effet en pleine contradiction, puisque vous retournez l’argument que vous m’aviez servi, selon lequel les contrôles raccourcis ne devaient être expérimentés que dans les Hauts-de-France et en Auvergne-Rhône-Alpes, parce qu’il n’était pas possible d’étendre une expérimentation à l’intégralité du territoire national. Or voici qu’à présent vous nous expliquez qu’on ne peut pas la restreindre aux régions volontaires !

M. le rapporteur. Je me prononçais tout à l’heure sur la pertinence de généraliser l’expérimentation prévue à l’article 16 sur l’ensemble du territoire. Il n’était pas du tout question de volontariat mais de disposer d’un échantillon représentatif de PME dans ces deux régions, qui concentrent 20 % des PME, soit 830 000 entreprises, ce qui me semblait suffisant.

Je tiens ici le même raisonnement et ne souhaite nullement que l’expérimentation sur les chambres d’agriculture concerne l’ensemble du territoire. Je dis simplement qu’elle doit se dérouler dans des territoires aux problématiques variées pour être convaincante. Vous avez vous-même fait valoir qu’en matière d’agriculture il existait, selon les départements, une grande hétérogénéité de situations. La diversité n’est pas la totalité, et ma position demeure parfaitement cohérente. Je persiste et signe, sans aucune schizophrénie.

M. Paul Molac. Puisqu’il s’agit d’une d’expérimentation, il me semble que seules les chambres d’agriculture volontaires peuvent être concernées.

Mme Jeanine Dubié. Ce que j’ai pour ma part du mal à comprendre, c’est que la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, adoptée en 2014, a organisé le processus de régionalisation des réseaux de chambres d’agriculture, notamment en son article 89. Pourquoi, dans ces conditions, aller expérimenter un dispositif déjà inscrit dans la loi de 2014 et qui s’applique donc à tout le territoire ?

La commission rejette successivement les amendements identiques puis lamendement CS670.

Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels CS710, CS711, CS712 et CS713 du rapporteur.

Elle en vient à lamendement CS286 de M. Hervé Pellois.

M. Hervé Pellois. Si l’objectif d’une régionalisation plus poussée est louable, il convient cependant de sécuriser ce dispositif d’expérimentation en prévoyant la consultation des partenaires sociaux, que ce soit les employeurs ou les salariés. De la même façon il convient de s’assurer que l’ordonnance permettra de sécuriser le financement des chambres régionales auxquelles les chambres départementales ont actuellement pour seule obligation de verser 10 % de la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti aux chambres régionales, les autres financements dépendant de leur bon vouloir.

M. le rapporteur. Je suis favorable à l’idée de pouvoir associer les parties prenantes à l’expérimentation ainsi qu’à la rédaction des ordonnances et à leur évaluation, et j’ai déposé un amendement en ce sens, qui concerne l’ensemble des ordonnances pour lesquelles nous donnerons habilitation au Gouvernement dans ce projet de loi.

Je suis en revanche tout à fait défavorable, pour des raisons que j’ai déjà évoquées, au fait d’anticiper sur les questions financières. J’émets donc un avis défavorable.

M. le secrétaire dÉtat. Je demande le retrait de cet amendement, car il ne nous paraît pas opportun de faire figurer ces dispositions dans la loi.

Lamendement CS286 est retiré, de même que lamendement CS28.

La Commission adopte larticle 19 modifié.

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Après l’article 19

La commission examine lamendement CS818 de Mme Valérie Rabault.

M. Boris Vallaud. La Commission européenne a décidé de revoir la carte des zones défavorisées simples, c’est-à-dire celles qui ont un « handicap naturel ». Cette classification permet aux agriculteurs, notamment aux éleveurs, de percevoir l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) qui fait partie de la PAC. La Commission européenne souhaite en effet recentrer l’ICHN sur les territoires qui en ont le plus besoin du fait de leurs caractéristiques biophysiques : qualité des sols, pente… Nous ne contestons pas cet objectif ; cependant, le ministère de l’agriculture s’est appuyé sur des données fausses concernant certains sols pour constituer ce nouveau zonage et a refusé de corriger sa carte en intégrant les données justes qui lui ont été transmises, ce qui paraît inconcevable. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons saisi le Conseil d’État au printemps 2017, et la saisine est toujours en cours.

Depuis, le ministère de l’agriculture a organisé de nouvelles réunions. La dernière date du 20 décembre 2017, et c’est au cours de cette réunion qu’il a diffusé une nouvelle carte, faisant craindre que des communes aujourd’hui classées ICHN ne le soient plus. La demande de rapport, objet du présent amendement, vise à inciter le Gouvernement à établir un nouveau zonage en se basant sur les données corrigées qui lui ont été transmises.

M. Arnaud Viala. Les députés républicains voteront cet amendement, qui nous paraît empreint de bon sens. Cela nous permettra d’avoir une vision claire de la diversité des situations.

M. le rapporteur. Je comprends l’objectif de la demande mais je renverrai au projet de loi qui suivra les états généraux de l’alimentation. Un texte sur l’agriculture est en effet en préparation : il serait plus opportun de présenter cette demande dans ce cadre.

M. Boris Vallaud. Une réflexion est également en cours sur l’évolution des missions de l’État et cela ne nous empêche pas de présenter aujourd’hui, dans une procédure d’urgence, un texte qui sera très structurant pour la pratique de l’administration. N’ayez pas ainsi un calendrier à géométrie variable ! Il s’agit d’une préoccupation immédiate des agriculteurs et de certains élus locaux, et une demande de rapport n’est pas quelque chose d’exorbitant.

M. le secrétaire dÉtat. Outre le fait qu’un texte se prépare sur l’agriculture, l’amendement nous semble un cavalier budgétaire. Avis défavorable.

La commission rejette cet amendement.

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Article 20
(articles L. 172-16, L. 521-16 et L. 571-20 du code de lenvironnement ; article L. 161-12 du code forestier)
Transmission systématique à lintéressé du procès-verbal constatant les infractions au code de lenvironnement et au code forestier

I.   l’État du droit

Larticle 11 du code de procédure pénale prévoit que « sauf dans le cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de lenquête et de linstruction est secrète. » En application de cette règle, le droit en vigueur ne prévoit pas quune copie du procès-verbal soit transmise à la personne mise en cause en cas dinfraction à la plupart des règles du code de lenvironnement ou à celles du code forestier.

La possibilité de déroger par la loi à cette règle a toutefois été utilisée pour un certain nombre dinfractions.

Larticle L. 521-16 du code de lenvironnement, qui concerne le régime des infractions aux règles dudit code en matière de produits chimiques, prévoit ainsi que les infractions à ces règles et aux textes pris pour son application sont constatées par des procès-verbaux qui font foi jusqu’à preuve du contraire et que les procès-verbaux sont adressés, sous peine de nullité, dans les cinq jours qui suivent leur clôture, au procureur de la République. Il précise en outre qu’une copie en est remise dans le même délai à l’intéressé.

De même, larticle L. 571-20 du même code, qui concerne le régime des infractions aux règles dudit code en matière de lutte contre le bruit et aux textes pris pour son application, prévoit que ces infractions sont constatées par des procès-verbaux qui font foi jusqu’à preuve contraire et que ceux-ci doivent, sous peine de nullité, être adressés, dans les cinq jours qui suivent leur clôture, au procureur de la République. Il ajoute qu’une copie en est également remise, dans le même délai, à l’intéressé.

Cette transmission systématique du procès-verbal au contrevenant nest toutefois pas prévue pour lensemble des infractions au code de lenvironnement. Larticle L. 172-16 du code de lenvironnement dispose ainsi que l’ensemble des infractions aux dispositions dudit code et des textes pris pour son application sont constatées par des procès-verbaux qui font foi jusqu’à preuve contraire. Il précise que les procès-verbaux sont adressés dans les cinq jours qui suivent leur clôture au procureur de la République et qu’une copie du procès‑verbal est transmise, dans le même délai, à l’autorité administrative compétente.

Il en est de même des infractions au code forestier. Larticle L. 161-12 du code forestier dispose que l’original du procès-verbal dressé pour constater des infractions forestières est transmis, dans les cinq jours ouvrés à dater de sa clôture, par les agents habilités à cet effet, au procureur de la République lorsque l’infraction est constitutive d’un délit, ou au directeur régional de l’administration chargée des forêts lorsque l’infraction est constitutive d’une contravention. Il prévoit, dans tous les cas, qu’une copie du procès-verbal est adressée simultanément à l’autorité qui n’est pas destinataire de l’original.

II.   les dispositions du projet de loi

Cet article introduit un droit à linformation pour la personne mise en cause au stade de lenquête en cas dinfraction au code de lenvironnement ou au code forestier. Ce droit existe déjà s’agissant des principales infractions aux règles du code rural et de la pêche maritime et du code des douanes.

Le I (alinéas 1 à 4) modifie des dispositions du code de l’environnement afin de prévoir la transmission systématique à l’intéressé d’une copie du procès‑verbal en cas d’infraction aux règles dudit code. L’alinéa 2 complète ainsi l’article L. 172-16 de ce code afin de prévoir que, sauf instruction contraire du procureur de la République, une copie du procès-verbal de constatation de l’infraction est transmise à l’intéressé, lorsqu’il est connu, dans un délai fixé par décret en Conseil d’État. Les alinéas 3 et 4 tirent la conséquence de cet ajout en supprimant le premier alinéa de l’article L. 521-16 et en abrogeant l’article L. 571‑20 du même code.

Le II (alinéas 4 et 5) complète l’article L. 161-12 du code forestier afin de prévoir la transmission du procès-verbal à l’intéressé, lorsqu’il est connu, dans le cas des infractions aux règles du code forestier. Comme dans le code de l’environnement, cette règle s’appliquerait sauf instruction contraire du procureur de la République et la transmission serait effectuée dans un délai fixé par décret en Conseil d’État.

III.   La position de votre rapporteur

Votre rapporteur estime que la complexité de la législation environnementale justifie pleinement la mesure proposée. Elle permettra aux entreprises agricoles et industrielles, notamment, d’être mieux informées des infractions qu’elles auraient pu commettre, en particulier en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement, de gestion des déchets et de pollution des eaux. S’agissant des infractions au code forestier, comme le précise l’étude d’impact, cette mesure permettra de mieux informer les exploitants agricoles et forestiers sur leurs éventuelles infractions aux règles en matière de défrichement illicite, notamment.

En effet, les contrevenants n’ont pas systématiquement conscience de commettre une infraction. Quand bien même la transmission du procès-verbal au procureur de la République ne se traduirait pas ensuite par des poursuites – pour des questions d’opportunité, ou en raison d’une mauvaise caractérisation des infractions par exemple –, la simple transmission du procès-verbal à l’intéressé revêt néanmoins une valeur pédagogique puisque celui-ci reçoit une notification lui indiquant que les faits constatés constituent une infraction, précisant la qualification pénale de ceux-ci, et la peine encourue.

Votre rapporteur rappelle également que la sanction pénale n’est pas la seule réponse possible. Ainsi, dans des cas où l’infraction aurait pu être poursuivie, il existe des classements sans suite dont la finalité est expressément pédagogique. Les parquets peuvent également utiliser le classement sans suite avec rappel à la loi, qui constitue un avertissement solennel adressé au contrevenant avec mention des peines encourues.

Dans tous les cas, aux termes du texte du Gouvernement, le procureur de la République resterait libre de décider si le procès-verbal doit ou non être transmis à l’intéressé.

S’agissant du délai dans lequel les procès-verbaux concernés seraient transmis aux intéressés, il pourrait être compris entre cinq et huit jours, selon les informations transmises à votre rapporteur.

IV.   la position de la commission spÉciale

La commission spéciale a approuvé le texte du Gouvernement, n’adoptant que quatre amendements rédactionnels déposés par son rapporteur.

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La commission examine les amendements de suppression de larticle CS423 de M. Ugo Bernalicis et CS819 de M. Boris Vallaud.

M. Ugo Bernalicis. En ce qui concerne le code de l’environnement et le code forestier, le droit à l’erreur prend une tournure particulière. La transmission à l’intéressé de l’infraction qu’il a commise au stade même de l’enquête indique une volonté de permettre d’abandonner plus tôt les poursuites. Les infractions environnementales peuvent être des contraventions ou des délits, et il n’y a point de délit sans intention de le commettre, sauf à ce qu’une loi en dispose autrement. Selon le droit actuel, suite au dressé du procès-verbal, c’est le procureur qui décide de la suite à donner à l’infraction, à savoir de poursuivre ou non son auteur. Nous ne comprenons pas bien l’intérêt de cet article mais je suis sûr que nous recevrons des éclaircissements du rapporteur ou du secrétaire d’État.

M. Boris Vallaud. L’article 20 prévoit une transmission systématique à l’intéressé du procès-verbal constatant les infractions au code de l’environnement et au code forestier, sauf opposition du parquet dans un délai déterminé. Or ce droit d’accès est déjà organisé de manière générale et équilibrée par le code de procédure pénale – aux articles 11 et R. 155 –, sans qu’aucun motif d’intérêt général ne justifie des dispositions particulières dans le domaine de l’environnement. Les services des parquets et des polices environnementales sont débordés et n’arrivent plus à mettre en œuvre leurs prérogatives avec efficacité à cause des formalités sans cesse croissantes et complexes qu’ils doivent assumer. Rien ne justifie cette disposition non conforme à nos engagements européens dans le domaine de l’environnement, qui peut conduire à renforcer le droit des délinquants environnementaux au détriment du droit des victimes.

M. le rapporteur. La transmission automatique du procès-verbal est déjà prévue dans certains codes, le code rural et de la pêche, le code des douanes, d’autres encore. L’article R. 155 du code de procédure pénale prévoit certes que les parties peuvent obtenir certaines pièces de la procédure alors que les poursuites ont été engagées mais il ne prévoit pas leur envoi systématique. C’est la nouveauté introduite par le présent article. Cependant, dans certaines enquêtes, il peut être nécessaire pour le procureur de la République, dans la voie pénale, de ne pas transmettre le procès-verbal, dans le cadre d’une enquête approfondie. L’article prévoit donc aussi ce cas de figure. C’est un texte équilibré. Avis défavorable.

M. Jean Terlier. Je suis surpris que la France insoumise défende un tel amendement car l’article renforce les droits de la défense. L’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA) dresse procès-verbal, qui est transmis au service enquêteur qui le transmettra ensuite au parquet. Lors de son audition, l’agriculteur concerné ne peut se voir transmettre les éléments de l’ONEMA. Grâce à l’article, il aura la possibilité de connaître les faits qui lui sont reprochés, ce qui va bien dans le sens du renforcement des droits de la défense.

M. Ugo Bernalicis. Dès lors que la procédure est lancée avec le parquet, la personne peut avoir communication de ces éléments si elle en fait la demande. C’est dans l’automaticité qu’est le changement. Si vous nous disiez que vous allez augmenter les moyens des parquets pour que, suite à l’automaticité de l’envoi, le magistrat puisse porter une appréciation de l’opportunité, ce serait magnifique, mais ce n’est pas le cas de figure dans lequel on se trouve. Le droit à l’erreur, dans le cadre de cet article 20, diminue la capacité de sanctionner des atteintes à l’environnement.

M. le rapporteur. Vous prêtez de bien mauvaises intentions à la justice de notre pays. L’article 20 répond à une situation existante, où le contrevenant n’est parfois même pas conscient qu’il est en infraction, et permettra éventuellement à ce dernier de corriger plus rapidement des circonstances néfastes à l’environnement.

M. le secrétaire dÉtat. Je ne vois pas en quoi la transmission d’un procès-verbal serait de nature à empêcher la justice de faire son travail. Cela permettra à l’intéressé soit de rectifier rapidement le tir soit d’envisager avec l’administration une transaction ou une médiation. Et si la justice considère qu’il doit y avoir des poursuites, rien ne l’empêchera.

La commission rejette ces amendements.

Elle adopte ensuite lamendement rédactionnel CS715 du rapporteur.

Puis elle examine les amendements identiques CS10 de M. Julien Aubert et CS277 de M. Éric Pauget.

M. Julien Aubert. Je ne suis pas choqué par l’article 20, mais on se demande pourquoi le délai est fixé par le Conseil d’État. Le législateur pourrait aller jusqu’à le fixer lui-même.

M. Éric Pauget. Je suis favorable à cet article mais je ne comprends pas non plus pourquoi il faut un décret en Conseil d’État ; c’est un peu l’arme nucléaire pour fixer un délai.

M. le rapporteur. En toute humilité, je dois m’en tenir aux informations juridiques que l’on m’a communiquées. Il est essentiel de prévoir un tel délai pour garantir que l’intéressé dispose d’une copie du procès-verbal. C’est de nature réglementaire et il faut fixer ce délai en Conseil d’État. L’essentiel à mes yeux est qu’il y ait in fine un délai.

M. le secrétaire dÉtat. Il faut en effet conserver le renvoi à un décret en Conseil d’État pour que le texte réglementaire soit conforme, c’est même une procédure plus légère car un décret est plus facile à modifier qu’une loi.

M. Frédéric Reiss. Je suis cosignataire de l’amendement CS10 et j’en profite pour dire tout le bien que je pense de cet article. En revanche, nous avons déjà beaucoup parlé de délais précédemment dans la discussion et nous pourrions là aussi aller plus loin sans passer par un décret en Conseil d’État.

M. le rapporteur. Je suis sensible à l’argument du secrétaire d’État sur la capacité à modifier plus facilement le délai, par un décret, si cela se révèle nécessaire.

La commission rejette ces amendements.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CS717, CS714 et CS716 du rapporteur.

Elle examine ensuite les amendements identiques CS11 de M. Julien Aubert et CS278 de M. Éric Pauget.

M. Julien Aubert. La distinction entre l’article 34 et l’article 37 de la Constitution m’apparaît un argument assez fallacieux, étant donné que, selon l’article 34, la protection de l’environnement fait partie du domaine de la loi ; par extension, le délai en fait selon moi également partie. Quant au fait qu’il serait plus facile de changer un décret qu’une loi, c’était vrai avant ; mais je laisse au ministre la responsabilité de ses propos.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette ces amendements.

Elle adopte ensuite larticle 20 modifié.

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Après l’article 20

La commission examine en discussion commune lamendement CS807 de M. Stéphane Mazars ainsi que les amendements identiques CS64 de M. Dino Cinieri, CS77 de Mme Véronique Louwagie, CS475 de Mme Laure de La Raudière et CS788 de Mme Jeanine Dubié.

M. Jean Terlier. Il s’agit d’introduire un nouvel article en vue de dépénaliser des sanctions relatives au manquement à une obligation de déclaration. Il n’est plus acceptable, en 2018, qu’un agriculteur encoure des sanctions pénales, des peines d’emprisonnement pour un tel manquement.

M. Dino Cinieri. Cet amendement propose la dépénalisation de certaines infractions au titre de la loi sur l’eau et de permettre à l’administration de sanctionner avec une amende suffisamment élevée pour dissuader les opérateurs, notamment les agriculteurs, de réaliser ces travaux sans autorisation. Cela permettrait de ne plus « judiciariser » ces activités, qui ne sont parfois que des erreurs d’appréciation du porteur sur la situation juridique de son projet. Ainsi, nous proposons que le montant de l’amende reste identique – 75 000 euros –, tout en supprimant la peine privative de liberté de deux ans ainsi que la qualification pénale de l’amende.

Mme Véronique Louwagie. Il faut adapter les sanctions à l’infraction et prendre en considération la situation d’agriculteurs confrontés à des difficultés juridiques, par exemple pour les drainages. Il existe aujourd’hui une certaine disproportion. Dépénaliser la sanction serait du pragmatisme.

Mme Jeanine Dubié. L’objet est de dépénaliser certaines infractions, d’éviter les peines privatives de liberté, tout en conservant une amende à hauteur de 75 000 euros.

M. Arnaud Viala. La sanction, dans le cadre de la loi sur l’eau, est très souvent sans commune mesure avec la nature de l’infraction. Il ne faut pas minimiser la gravité des atteintes à l’environnement mais la dimension pénale pose ici un vrai problème.

M. le rapporteur. Je comprends le souhait de peines proportionnées mais il existe un problème de fond avec ces amendements, à savoir qu’ils contreviennent au droit européen. Il s’agit en effet de transposer une directive qui prévoit que les États membres appliquent des sanctions pénales effectives et dissuasives.

M. le secrétaire dÉtat. Il s’agit en effet de la directive du 19 novembre 2008 transposée par l’ordonnance du 11 janvier 2012 portant simplification, réforme et harmonisation des dispositions judiciaires et administratives du code de l’environnement.

M. Laurent Saint-Martin. Le groupe majoritaire votera contre ces amendements.

La commission rejette successivement ces amendements.

Elle examine ensuite en discussion commune les amendements CS66 de M. Dino Cinieri et CS79 de Mme Véronique Louwagie.

M. Dino Cinieri. Cet amendement propose de remplacer les sanctions pénales prévues en cas de destruction d’une espèce protégée ou de son habitat, par une sanction administrative. Cela devrait permettre de maintenir le caractère dissuasif de l’infraction, tout en enlevant le caractère pénal, qui peut paraître disproportionné au regard de certains actes susceptibles d’être qualifiés d’infraction par cet article. Il s’agit de supprimer la peine privative de liberté de deux ans, de transformer l’amende pénale en amende administrative et d’en réduire le montant de 75 000 à 15 000 euros.

Mme Véronique Louwagie. Il vous est proposé de dépénaliser une infraction, notamment en cas de destruction d’une espèce protégée ou de son habitat, et de remplacer la sanction pénale par une sanction administrative. Cela maintiendrait le caractère dissuasif de la sanction tout en supprimant le caractère pénal, disproportionné.

M. le rapporteur. L’avis est identique à celui que j’ai donné sur les amendements précédents car la transposition du droit européen nous impose d’appliquer des sanctions pénales. J’ajoute que les montants et la durée d’emprisonnement indiqués sont des peines plafond.

La commission rejette ces amendements.

Elle examine ensuite, en discussion commune, lamendement CS813 de M. Stéphane Mazars ainsi que les amendements identiques CS65 de M. Dino Cinieri, CS78 de Mme Véronique Louwagie et CS476 de Mme Laure de La Raudière.

M. Jean Terlier. J’ai entendu la contrainte que représente la directive de novembre 2008 et je retire donc l’amendement.

Lamendement CS813 est retiré.

M. Dino Cinieri. Mon amendement propose de remplacer par une sanction administrative les sanctions pénales prévues en cas de non-respect de la procédure d’évaluation Natura 2000. Cela devrait permettre de maintenir le caractère dissuasif de l’infraction, tout en enlevant le caractère pénal, qui peut paraître disproportionné au regard de l’acte visé, à savoir une absence de déclaration. Je propose donc de supprimer la peine privative de liberté de six mois, de transformer l’amende pénale en amende administrative et d’en réduire le montant de 30 000 à 15 000 euros.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette ces amendements.

Puis elle examine de lamendement CS370 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Ce texte prévoit à l’article 40 une expérimentation qui accorde la possibilité aux préfets et aux directeurs des agences régionales de santé (ARS) de déroger à certaines normes réglementaires, avec néanmoins peu d’indications sur cette exemption. Ce que propose cet amendement, c’est d’introduire à titre dérogatoire la possibilité pour les préfets ou sous-préfets d’écarter des normes réglementaires qui paraîtraient contraires au bon sens, manifestement inapplicables. Combien de fois ai-je vu, dans le cadre de la loi « Accessibilité », chercher à appliquer des normes à des bâtiments du Moyen-Âge ou du XVIIe siècle, alors que c’est manifestement impossible : cela prend du temps, remonte à Paris, avant que l’on décide finalement d’assouplir. Il peut s’agir également d’un coût économique disproportionné pour l’entreprise ou la collectivité : je pense au cas d’une école que l’on oblige à installer pour un coût de 200 000 euros un ascenseur qui ne sera jamais utilisé, alors qu’une classe au rez-de-chaussée pourrait très bien accueillir un élève avec un handicap. Il faut profiter de ce que nous ayons une fonction publique de qualité, notamment dans la préfectorale, et donner aux fonctionnaires une capacité de discernement.

M. le rapporteur. L’amendement est intéressant au fond mais vous proposez une expérimentation dans un domaine réglementaire et je ne pense donc pas que ce soit possible dans cet article. La finalité que vous poursuivez est proche de ce que vise le présent texte : l’article 40, à son deuxième alinéa, indique que le Gouvernement présentera un rapport au Parlement sur l’expérimentation de la possibilité pour les préfets et directeurs des ARS de déroger à des normes réglementaires. Je demande le retrait de l’amendement mais il faudra poursuivre la discussion pour voir si ce que vous demandez ne pourrait faire partie de ce que va tester le Gouvernement.

M. Gérald Darmanin, ministre de laction et des comptes publics. Ce qui est gênant dans cet amendement, indépendamment du fait qu’il faut laisser l’expérimentation avoir lieu, c’est qu’il considère que c’est par la loi que l’on peut permettre à des directeurs d’administration centrale et à des préfets de déroger à la norme réglementaire. C’est le règlement qui permet de déroger à la norme réglementaire. Le Conseil d’État s’est exprimé à plusieurs reprises sur le sujet, notamment en 2017.

Mme Laure de La Raudière. Il faut écrire quelque chose dans la loi pour permettre des dérogations à la loi. Sinon, c’est le serpent qui se mord la queue, car comment allez-vous autoriser des dérogations si la loi d’origine ne le permet pas ? De manière générale, il vaut parfois mieux adopter un amendement, même s’il n’est pas parfait du point de vue juridique, pour permettre aux équipes ministérielles de réfléchir, d’ici à la séance, à une solution qui soit pleinement satisfaisante.

M. le ministre. C’est la méthode que j’ai proposée à votre commission dans les deux premiers jours de travail, en indiquant que j’acceptais volontiers les amendements sur lesquels je savais que je présenterais des modifications, voire des annulations. Mais je ne comprends pas bien votre remarque car il me semble qu’il s’agit de déroger non à la loi mais au règlement. Je cite l’amendement : « Les préfets et sous-préfets ont la possibilité, à titre dérogatoire, d’exempter des sociétés ou collectivités territoriales de l’application de normes réglementaires dans les cas suivants… »

M. Julien Aubert. M. le ministre a tout à fait raison mais, dans l’exposé sommaire, j’évoque aussi des exemples relevant du domaine de la loi. En réalité, la distinction entre la loi et le règlement était bien plus respectée auparavant, alors qu’aujourd’hui la loi a tendance à se mêler de détails du domaine réglementaire. L’amendement est sans doute mal rédigé car il est en fait question de « normes » plutôt que de « normes réglementaires ». M. le ministre pourrait le corriger. Plutôt qu’une démarche générale basée sur une expérimentation, je propose de basculer immédiatement vers un système ad hoc où le préfet se prononce au cas par cas. Bien souvent, des situations telles que celles que j’évoque ici sont présentées au public dans un discours critique contre une administration kafkaïenne et un législateur éloigné du terrain. Combien de lois de portée générale, pavées de bonnes intentions, se révèlent ici ou là inapplicables ?

M. le ministre. Si l’amendement est présenté dans l’hémicycle, je pourrai vous lire le décret pris en Conseil d’État, avec les domaines où il est permis au règlement de déroger au règlement. Je suis assez d’accord avec la philosophie de cet amendement. Pour les fondateurs de la Ve République, le Parlement ne devait pas aller sur le terrain de l’exécutif, et le juge constitutionnel censure parfois des dispositions législatives sur cette base, mais les deux domaines ont tout de même tendance à se mêler.

Mais je pense que M. Aubert s’y prend mal si le but est de s’adapter aux territoires. Il est vrai que le législateur peut connaître des difficultés. Je ne me permettrai pas de dire qu’il peut être bavard ou incomplet, mais prenons l’exemple du département des Hautes-Alpes, qui abrite le plus grand lac d’Europe. La préfète des Hautes-Alpes a des difficultés pour appliquer la loi montagne et la loi littoral, complètement contradictoires s’agissant de ce lac qui est totalement original. On pourrait imaginer que la préfète ait le bon sens d’appliquer ce qui convient le mieux pour le développement du tourisme, tout en comprenant l’intention du législateur.

Mais je ne crois pas que ce soit en lui permettant de déroger à la loi sans encadrer ni expérimenter que nous y arriverons. Tout d’abord, la loi est de portée générale et il nous appartient tous – Gouvernement et Parlement – de nous conformer à l’idée que c’est une volonté générale, et pas des volontés particulières.

En second lieu, la solution que nous avons retenue dans ce texte consiste à dire qu’il y a un droit à l’erreur, que des expérimentations nous permettront peut-être de généraliser un certain nombre de dérogations, et surtout que notre démocratie moderne doit s’adapter aux territoires tout en comprenant que la loi de la République est commune : nous ne sommes pas dans un système fédéral où chacun légifère. Peut-être que certains le souhaiteraient, mais je sais très bien que M. Aubert n’est pas de cette famille politique.

Le résultat, c’est que nous devons avoir des lois qui fixent les buts, pas les moyens pour les atteindre. C’est tout l’intérêt du permis de faire. Par exemple, dans la construction, beaucoup de normes alourdissent le coût de construction. Elles définissent des buts tout à fait louables, mais en imposant des moyens tellement difficiles que des lobbies se cachent parfois derrière ces normes réglementaires et législatives qui alourdissent le coût de la construction et la rendent plus difficile.

Le permis de faire est prévu dans le projet de loi dont nous discutons, mais aussi dans la loi logement que présenteront MM. Mézard et Denormandie. Si notre but est qu’il n’y ait pas de particules fines dans cette pièce, ou au contraire qu’elle ait une ventilation normale, ou qu’elle soit accessible aux personnes handicapées, il n’appartiendra plus à la loi ou au règlement de définir les moyens d’y arriver. Si le but fixé par la loi est un seuil de particules fines, qu’importe la manière dont la pièce sera construite. Cela permettra l’innovation, et des entreprises pourront sortir d’un carcan administratif certes légitime, bien que parfois poussé par des lobbies, mais qui a abouti à augmenter le coût de construction.

Il me semble que la finalité poursuivie par M. Aubert sera mieux atteinte avec le permis de faire, qui fixe des buts et non des moyens, qu’en permettant des dérogations à des lois bavardes, incomplètes ou difficiles. Nous pourrons en débattre dans l’hémicycle, et je pourrai préciser les domaines dans lesquels le règlement ferait exception au règlement, et pour lesquels le décret en Conseil d’État prévoit un certain nombre de dispositions exceptionnelles permettant ces dérogations et ces expérimentations. Mais notre objectif général doit plutôt être le permis de faire.

M. Julien Aubert. Je vais retirer cet amendement, j’ai bien compris que tout en étant d’accord sur le fond, vous ne l’êtes pas sur la méthode. Néanmoins, il faut prendre la situation telle qu’elle est. Nous avons vu des projets de loi de 60 articles au départ se transformer au terme de la discussion parlementaire en sumos législatifs de 200 à 250 articles, entrant dans le détail.

Nous pouvons le regretter, mais à la fin, cette loi s’applique. Pour le permis de faire, vous allez définir ex ante des domaines. Vous ferez peut-être bien les choses pour le passé, car vous aurez repéré les domaines pour lesquels la question se pose. Mais pour le futur, nous n’en savons rien et il y aura sans doute des domaines pour lesquels la loi ne sera pas applicable, car le législateur ne l’aura pas prévu, alors que la solution ad hoc, qui prévoit une habilitation générale, le permet.

Enfin, de la même manière que les directives européennes sont de plus en plus précises et empiètent sur le règlement européen, le législateur français empiète sur le domaine réglementaire. Il arrive même, au travers d’ordonnances, que l’exécutif empiète sur le domaine législatif, mais je referme la parenthèse.

Je retire donc l’amendement que je réécrirai en retirant la mention du pouvoir réglementaire. Mais je maintiens que ce n’est pas la même chose, parce que l’idée est bel et bien de parfois écarter la loi, et il faut prendre en compte la situation actuelle, dans laquelle la loi est de plus en plus précise.

Lamendement est retiré.

titre ii
VERS UNE ACTION PUBLIQUE MODERNISÉE, simple et efficace

Chapitre Ier
Une administration engagée dans la dématérialisation

Article 21
Introduction, à titre expérimental, dune faculté, pour les entreprises, de ne pas communiquer à une administration des informations déjà détenues par celle-ci dans le cadre dun traitement automatisé

I.   l’État du droit

La lourdeur et la complexité des démarches administratives à accomplir pour les entreprises pèsent depuis longtemps sur leur développement. La première cause de cette difficulté est la profusion de normes, tant législatives que réglementaires, encadrant l’activité des entreprises, à laquelle le présent projet de loi entend, pour partie, remédier. Au-delà des complexités engendrées tant pour connaître la loi que pour bien l’appliquer, cette abondance de normes implique, de la part des entreprises, des démarches longues, coûteuses et trop complexes auprès des administrations, au point que l’expression d’ « impôt papier » est désormais devenue courante pour désigner la charge administrative et financière qu’elles induisent.

Le souci dalléger cet « impôt papier » est devenu une préoccupation des pouvoirs publics, à une échelle dailleurs internationale, depuis le début des années 2000. Un rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), fondateur sur cette question, publié en 2003, et intitulé « Éliminer la paperasserie : la simplification administrative dans les pays de l’OCDE » ([74]) dressait le constat suivant, malheureusement encore largement vérifié aujourd’hui : « Les formalités administratives, lorsqu’elles sont excessivement nombreuses et complexes, peuvent entraver l’innovation, créer des barrières inutiles au commerce, à l’investissement et à l’efficience économique, voire compromettre la légitimité de la réglementation et de la règle de droit ».

Sagissant de la France, le principe de non-redondance des informations demandées aux usagers a été introduit dans notre droit par le décret n° 2011-452 du 25 mai 2001 relatif aux simplifications des démarches et formulaires administratifs, sous une forme encore timide puisqu’il prévoyait qu’une commission pour les simplifications administratives veille à ce que « l’administration émettrice d’un formulaire ne réclame pas aux usagers des informations déjà détenues ou susceptibles de lui être régulièrement communiquées par une autre administration ».

Ce principe a été confirmé et renforcé par les majorités successives, à travers les lois n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit et n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives, et par le lancement du programme « Dites-le nous une fois » en décembre 2012. Les dispositions législatives en vigueur ont été fixées par l’ordonnance n° 2015-507 du 7 mai 2015 relative à l’adaptation du secret professionnel dans les échanges d’informations entre autorités administratives et à la suppression de la production de pièces justificatives et par la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique. Elles sont codifiées dans le code des relations entre le public et l’administration.

Larticle L. 113-12 de ce code prévoit qu’une personne présentant une demande ou produisant une déclaration dans le cadre d’une procédure mentionnée par le décret prévu à l’article L. 114-9 du même code ne peut être tenue de produire des informations ou données qu’elle a déjà produites auprès de la même administration ou d’une autre administration participant au même système d’échanges de données tel que défini à l’article L. 114-8. Il prévoit, en outre, que cette personne informe par tout moyen l’administration du lieu et de la période de la première production du document.

Son article L. 113-13 dispose que lorsque les informations ou données nécessaires pour traiter la demande présentée par une personne ou la déclaration transmise par celle-ci peuvent être obtenues directement auprès d’une autre administration, dans les conditions prévues aux articles L. 114-8 et L. 114-9 du même code, la personne ou son représentant atteste sur l’honneur de l’exactitude des informations déclarées. Il précise que cette attestation se substitue à la production de pièces justificatives et qu’un décret fixe la liste des pièces que les personnes n’ont plus à produire.

Larticle L. 114-8 du même code prévoit que les administrations échangent entre elles toutes les informations ou données strictement nécessaires pour traiter une demande présentée par le public ou une déclaration transmise par celui-ci en application d’un texte législatif ou réglementaire, et que les administrations destinataires de ces informations ou données ne peuvent se voir opposer le secret professionnel dès lors qu’elles sont, dans le cadre de leurs missions légales, habilitées à connaître des informations ou des données ainsi échangées. Il prévoit également qu’une administration chargée de traiter telle une demande ou déclaration fait connaître à la personne concernée les informations ou données qui sont nécessaires à cette fin et celles qu’elle se procure directement auprès d’autres administrations françaises, qui en sont à l’origine ou qui les détiennent en vertu de leur mission.

Larticle L. 114-9 renvoie à un décret en Conseil d’État les modalités des échanges d’informations ou de données entre administrations, notamment les domaines et les procédures concernés par les échanges d’informations ou de données.

Enfin, larticle L. 114-10 prescrit que lorsque les informations ou données nécessaires pour traiter la demande ou la déclaration ne peuvent être obtenues directement par une administration auprès d’une autre dans les conditions prévues aux articles L. 114-8 ou L. 114-9, il revient à la personne concernée de les communiquer à l’administration.

II.   les dispositions du projet de loi

Le projet de loi vise à mettre enfin en œuvre le principe « Dites-le nous une fois », pour lheure vidé de toute effectivité en raison de difficultés rédactionnelles dans le dispositif législatif actuel. En effet, la disposition de l’article L. 113-12 prévoyant que l’usager doit informer l’administration des circonstances dans lesquelles il a déjà fourni une information ou un document est très difficile à mettre en œuvre ; outre la difficulté pour l’usager de retrouver ces circonstances, les informations ainsi fournies ne permettent que très difficilement à une autre administration de retrouver l’information ou le document concerné. Surtout, l’enjeu est moins de retrouver un document déjà fourni, qui peut être, dans bien des cas, obsolète, que d’obtenir l’information certifiée à jour. En outre, comme le souligne l’étude d’impact, l’article L. 113-13 prévoit qu’une attestation sur l’honneur de l’exactitude des informations déclarées doit être fournie à chaque fois qu’une administration se procure des données auprès d’une autre administration, ce qui constitue une procédure lourde, sans rapport avec la simplification attendue et avec les possibilités offertes par les systèmes d’information actuels. Enfin, la rédaction de l’article L. 114-10 offre des possibilités trop larges à l’administration de se soustraire au régime prévu. L’ensemble de ces difficultés explique d’ailleurs que les décrets prévus aux articles L. 113-13 et L. 114-9 du code des relations entre le public et l’administration n’aient pas été publiés.

De manière générale, lessentiel du dispositif actuel en la matière figurant dans le code des relations entre le public et ladministration découle des lois n° 2011-525 et n° 2012-387 précitées. Lors de ladoption de ces lois, était envisagé un échange de pièces justificatives entre administrations, par lintermédiaire de lespace de stockage personnel dont disposait tout usager sur le site mon.service-public.fr. Depuis lors, les échanges directs entre systèmes dinformation se sont généralisés et seffectuent désormais par des interfaces qui assurent une plus grande fluidité des échanges grâce à une mise à jour régulière des données, tout en garantissant une plus grande protection des données de l’usager, puisque seules les informations nécessaires sont adressées aux administrations et non toutes celles pouvant figurer dans un document.

Afin d’alléger effectivement la charge administrative pesant sur les entreprises, le projet de loi propose une expérimentation, dont le cadre est fixé aux alinéas 1 et 2 : d’une durée de quatre ans à compter de la publication du décret prévu à l’alinéa 3, elle permettra aux personnes morales inscrites au répertoire des entreprises et de leurs établissements (dit répertoire « SIRENE ») qui y consentent de ne pas communiquer à une administration des informations que celle-ci détient déjà dans un traitement automatisé ou qui peuvent être obtenues d’une autre administration par un tel traitement. Il est précisé que lorsque l’administration obtiendra des informations par un traitement automatisé, elle devra en informer la personne concernée. Cette expérimentation se déroulera sans préjudice de l’article L. 114-8 du code des relations entre le public et l’administration.

L’alinéa 3 renvoie à un décret en Conseil d’État la définition des modalités d’application de cet article, notamment la liste des traitements automatisés entrant dans le champ de l’expérimentation ainsi que, pour chaque traitement, la liste des données disponibles.

L’alinéa 4 prévoit que cette expérimentation fasse l’objet d’une évaluation dont les résultats seront transmis au Parlement.

Comme la confirmé le Gouvernement à votre rapporteur, lexpérimentation porterait sur linterface de programmation dite « API entreprise », qui est mise en œuvre par la direction interministérielle du numérique et des systèmes dinformation et de communication de lÉtat (DINSIC). Cette interface agrège des informations émanant de plusieurs administrations et de divers organismes chargés d’une mission de service public.

Les informations qui y sont disponibles à ce jour sont :

– les données de la base SIRENE et du répertoire national des associations ;

– les extraits de données du registre du commerce et des sociétés, issus d’Infogreffe ;

– les dernières attestations émises par l’association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH) pour les entreprises ;

– les attestations fiscales (régularité de la situation fiscale) ;

– les attestations de vigilance (ACOSS) ;

– les attestations de la mutualité sociale agricole en matière de régularité du versement des cotisations sociales) ;

– les liasses fiscales, transmises par la direction générale des finances publiques ;

– des extraits de la base brevets, modèles et marques de l’institut national de la propriété industrielle ;

– l’éligibilité à l’attestation de cotisation retraite et, le cas échéant, les attestations, fournies par le groupe de protection sociale PROBTP ;

– les certificats émis par l’organisme de qualification et de certification Qualibat ;

– les cartes professionnelles d’entrepreneur de travaux publics émises par la fédération nationale des travaux publics ;

– les attestations de cotisation pour les congés payés et le chômage intempéries émis par la caisse nationale des entrepreneurs de travaux Publics de France ;

– les qualifications en matière d’ingénierie émises par l’organisme de qualification en matière d’ingénierie OPQIBI.

Le Gouvernement prévoit détendre le nombre de ces informations au fur et à mesure que lexpérimentation sera déployée.

III.   La position de votre rapporteur

Létude dimpact indique que le nombre de pièces justificatives sollicitées par ladministration auprès des entreprises atteint 10,7 millions, pour 4,1 millions de démarches effectuées par an. La compétence acquise par la direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État (DINSIC) sur l’interface de programmation applicative « Entreprises », sur laquelle repose le dispositif « marchés publics simplifiés » qui permet aux candidats à un marché public de s’affranchir de la constitution d’un dossier administratif à l’appui de leur offre, doit permettre une mise en œuvre rapide de cette expérimentation. Les bénéfices en termes de simplification devraient se doubler d’importants gains de productivité pour les entreprises, mais aussi d’une plus grande efficacité de la lutte contre la fraude.

IV.   la position de la commission spÉciale

La commission spéciale a adopté cinq amendements à cet article :

– Un amendement déposé par Mme de La Raudière et ayant reçu un avis favorable du rapporteur et un avis de sagesse du Gouvernement, réduisant la durée de l’expérimentation de quatre à trois ans ;

– Une série de trois amendements identiques ayant reçu un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, déposés par M. Dive, Mme Louwagie et M. Laqhila ; ces amendements prévoient d’inclure l’ensemble des entreprises, y compris les personnes physiques, dans l’expérimentation ;

– Un amendement de M. Vallaud ayant reçu un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, et prévoyant que l’administration assure la confidentialité, la protection et le non-partage des informations obtenues par un traitement automatisé.

*

*     *

La commission examine lamendement CS420 de Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Cet amendement s’inscrit dans la lignée de ceux que j’ai déposés aux articles précédents afin d’harmoniser les durées des différentes expérimentations et permettre ainsi de réaliser une évaluation commune de l’ensemble de celles prévues dans de ce texte, qui serait un atout pour le Parlement, et donnerait au Gouvernement une vision globale de ces expérimentations.

M. le rapporteur. Je ne suis pas favorable à une modification de la durée de l’expérimentation. Ce sont des sujets techniques, et la direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État (DINSIC) a déterminé la durée nécessaire pour mener à bien cette expérimentation. Si elle ne fait qu’étendre un dispositif existant, elle implique néanmoins de nombreux chamboulements pour les organisations administratives.

Je préfère m’en tenir au temps d’expérimentation que suggère l’organisation compétente, qui va mener opérationnellement cette réforme.

M. le ministre. Je suis gêné d’être en discordance avec le rapporteur, ce qui ne nous était pas encore arrivé, mais je suis plutôt favorable à la proposition de Mme la députée. J’entends ses arguments, et je m’en remettrai à la sagesse de la commission.

M. le rapporteur. Ce qui compte à mes yeux est que l’administration compétente pour mener cette expérimentation, en l’occurrence la DINSIC, dispose du temps nécessaire pour le faire. Je suis rassuré par l’avis favorable du ministre, ce texte a fait l’objet de beaucoup de coordination interministérielle et j’imagine qu’on n’insécurise par la DINSIC en s’engageant sur trois ans. Dès lors que le Gouvernement prend cette position, je suis prêt à me rallier à son avis favorable.

La commission adopte lamendement.

Mme Laure de La Raudière. Je présente un amendement de cette nature sur l’ensemble des expérimentations, mais les autres n’ont malheureusement pas été adoptés. J’espère que l’oreille attentive du ministre le sera tout autant lors de l’examen des autres amendements que j’ai déposés sur le texte pour harmoniser l’ensemble des durées d’expérimentation.

La commission étudie les amendements identiques CS356 de M. Julien Dive, CS391 de Mme Véronique Louwagie et CS533 de M. Mohamed Laqhila.

M. Arnaud Viala. Cet article prévoit des expérimentations qui s’adressent aux entreprises, notamment lorsqu’elles sont tenues de fournir à une administration des éléments que d’autres administrations ont déjà. Nous souhaitons étendre la portée de ce texte aux personnes physiques, pour inclure les entreprises qui n’ont pas la forme sociétaire.

Mme Véronique Louwagie. Il faut effectivement ouvrir l’expérimentation à toutes les entreprises, quel que soit leur statut juridique, et non aux seules personnes morales.

M. Mohamed Laqhila. Il doit s’agir simplement d’un oubli : lorsque l’on mentionne les personnes morales, on oublie les entrepreneurs individuels.

M. le rapporteur. Je suis favorable à ces amendements sur le fond, et je souhaite que nous puissions aboutir à la bonne rédaction. L’idée du Gouvernement serait de supprimer le mot « morale » pour inclure les personnes physiques. Je serais d’accord avec une telle rédaction.

Je vous propose de rendre un avis favorable, et de prévoir que l’amendement soit sous-amendé en séance.

M. le ministre. C’est exactement l’esprit du Gouvernement. Si le sous-amendement est accepté, nous trouverons un accord sur la rédaction.

M. le rapporteur. J’en profite pour exprimer un satisfecit sur le fond de cet article. En discutant de manière trop technique, nous risquons de passer à côté du fait qu’il est souhaitable d’étendre ce dispositif au plus grand nombre d’entreprises possible.

C’est un dispositif très favorable aux entreprises, je ne sais pas si la notion d’API – acronyme anglais pour « interface de programmation applicative » – parle à tout le monde. Elle dépasse largement celle d’un coffre-fort numérique, où l’information est statique, pour passer à une information dynamique. C’est ce qui va nous permettre de passer du principe « Dites-le nous une fois » à celui de « Dites-le nous une fois pour toutes ». Quand l’administration tiendra le bon flux d’information, après s’être branchée sur cette base de données centrale, et que l’information circulera, ce sera une avancée très importante pour les entreprises de ce pays.

Je suis donc évidemment favorable à l’extension de cette mesure au plus grand nombre d’entreprises possible. Dans un premier temps, cette expérimentation concerne API Entreprise, mais ensuite, les enjeux sont colossaux puisqu’il s’agit des API pour les particuliers, ce qui changera durablement la vie des Français. Pour en avoir discuté avec la DINSIC, le sujet n’est pas assez mûr d’un point de vue technique, et je pense qu’il vaut mieux ne pas lancer les opérations pour être déceptifs par la suite et ne pas aboutir. Mais puisque treize bases de données sont connectées sur API Entreprise, faisons-le pour le plus grand nombre d’entreprises de ce pays.

M. Jean-Paul Mattei. Je pense que la rédaction doit laisser la référence aux personnes physiques et aux personnes morales. Du point de vue du droit, c’est une précision importante. Le mot « personne » est trop générique en matière d’entreprises.

M. le rapporteur. Visiblement, la question fait débat entre les experts du Gouvernement et ceux de notre commission, je propose de trouver la bonne rédaction d’ici à la séance publique.

M. Laurent Saint-Martin. Pour faire un parallèle avec nos échanges en début de séance, il faut insister sur l’importance de la coopération entre les administrations, que ce soit auprès des entreprises ou des particuliers. Dans mon rapport spécial sur le projet de loi de finances, j’avais insisté très lourdement sur la nécessité des flux dans les systèmes d’information pour que les administrations
– je mentionnais les douanes et la DGFiP – gagnent en efficacité.

C’est le débat que nous avions commencé à avoir avec M. Bernalicis. Il est très important de repenser l’efficacité des services publics de manière générale par ce biais, et pas uniquement par les titres II et les effectifs.

La commission adopte les amendements.

Elle examine lamendement CS287 de M. Hervé Pellois. 

M. Hervé Pellois. L’article 21 prévoit la simplification des démarches administratives via l’expérimentation des échanges d’informations.

Le présent amendement propose d’étendre cette expérimentation aux contrôles en exploitation agricole afin qu’un traitement automatisé commun des données soit instauré. Cela aura le double avantage de regrouper les informations entre administrations et de limiter le nombre de visites annuelles dans une même exploitation agricole.

Dans des territoires, dont le Morbihan, certains services administratifs ont déjà entrepris des contrôles communs en exploitation agricole via un logiciel idoine. Cela concerne notamment les directions départementales des territoires, l’agence de services et de paiement, les agences de l’eau, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi ou encore les directions régionales de l’agriculture et de la forêt. Cette initiative est très intéressante et mérite d’être étendue et expérimentée de façon plus large.

M. le rapporteur. Je comprends évidemment la finalité, qui est de prendre en compte la spécificité des exploitations agricoles, mais je pense que cela ne relève pas du domaine de la loi mais est plutôt d’ordre réglementaire.

De plus, le traitement automatisé prévu par l’article ne relève pas de l’expérimentation, il sera fait de manière pérenne. C’est la transmission du « Dites-le nous une fois pour toutes » qui relève de l’expérimentation, et je crois que l’amendement passerait à côté de cette idée. Je vous suggère de le retirer.

M. le ministre. La question soulevée par M. Pellois est pertinente, même s’il est vrai que, s’agissant d’un domaine totalement réglementaire, il est compliqué pour le Gouvernement de donner un avis favorable.

Même si les propos du rapporteur sur le « Dites-le nous une fois » sont justes, vous pourriez peut-être, monsieur Pellois, nous interroger en séance publique pour qu’en lien avec le ministère de l’agriculture, nous vous fassions une proposition sanctionnée par une prise de parole officielle. Notamment, les start-up d’État qui permettent l’application des data et des fichiers doivent être au service du monde agricole tel que vous l’évoquez.

Sur le fond, avis défavorable car la matière est réglementaire, mais je pense que nous devrions vraiment prendre cet engagement en séance.

M. Hervé Pellois. Je retire donc l’amendement.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CS29 de M. Arnaud Viala.

M. Arnaud Viala. Monsieur le rapporteur, vous venez de me confirmer que cet amendement a du sens, puisque l’article 21 tel qu’il est rédigé prévoit que les administrations se transmettent les pièces constitutives du dossier de l’entreprise dont elles ont la charge, mais il ne prévoit pas explicitement un système unique de gestion du dossier informatique. La question de la mise à jour du dossier se pose donc, puisqu’il n’y a pas un système unique dans lequel l’administration va puiser, et que le dossier circule entre les différentes administrations.

Je pense qu’il faut préciser que lorsque l’administré est informé par une administration qu’elle a obtenu son dossier d’une autre administration, il peut vérifier la validité des éléments qui le constituent, et apporter les modifications nécessaires. Il faut aussi que l’administration qui reçoit ces modifications les transmette à celle qui lui a transmis le dossier au départ. Je ne sais pas si je me fais bien comprendre…

M. le rapporteur. Je comprends ce que vous voulez dire, mais je crois que vos propos traduisent une mauvaise compréhension de la manière dont API Entreprise fonctionne. L’idée de ce système informatique est que l’administré transmet les informations à de nombreuses administrations, et même à des organismes qui ne sont pas des administrations, comme le centre de gestion des entreprises. Ces administrations mutualisent ensuite cette information dans un système qui garde l’information vivante. Pour reprendre l’exemple du centre de gestion des entreprises, l’entreprise va modifier son compte de résultat chaque année, et l’information sera automatiquement modifiée. Il n’y a pas à prévoir de possibilité de modifier le dossier, puisque le lien avec l’administration restera le même.

Le dispositif de l’article 21 concerne plus les rapports entre les administrations, et la transmission automatique de données entre elles, que la porte d’entrée pour les données que va transmettre l’entreprise à l’administration. Ça ne signifie pas que cela ne bénéficiera pas aux entreprises, puisque le fait que les administrations se partagent les informations en temps réel améliore le service pour l’entreprise : une fois qu’elle a transmis une information par une porte d’entrée donnée, elle n’a plus à la transmettre du tout, c’est le principe du « Dites-le nous une fois pour toutes ».

Je crois donc que votre amendement passe à côté d’un système qui répond exactement à votre préoccupation. Puisque par nature, l’information transmise selon une fréquence donnée sera mise à jour, je pense que votre amendement est satisfait par la manière dont API Entreprise fonctionne.

M. le ministre. Je comprends aussi ce que vous voulez dire, monsieur Viala.

On pourrait imaginer cette démarche pour les dossiers administratifs des entreprises, des collectivités locales ou des particuliers, qui pourraient être échangés à la manière d’une espèce de coffre-fort numérique dont le Premier ministre a souhaité la création dans son discours de politique générale. Ce n’est pas l’objet de ce texte, mais dans ce cas, sans doute faudrait-il imaginer, en respectant les processus de modification, un moment où l’usager pourra intervenir pour modifier lui-même les informations contenues dans ce coffre-fort numérique. Cela pose plusieurs questions, il faut notamment se mettre d’accord sur ce coffre-fort numérique, et aujourd’hui il existe au moins trois identifiants nationaux. Dans ce cas, la démarche de M. Viala serait sans doute très cohérente, bien que compliquée à mettre en place.

Mais le texte que nous examinons ce soir prévoit un échange de données. Ce n’est pas un dossier que l’on vient consulter. Il ne peut pas y avoir d’interventions pour modifier les données dans ce cadre, car il ne s’agit pas d’un dossier que se partagent les administrations. Un tel dossier constituera l’acte II de la numérisation, et il est sans doute nécessaire de le faire assez vite. C’est M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État chargé du numérique, qui s’en chargera. Mais dans le cadre d’un échange de données, il n’y a pas de modifications à prévoir.

M. Arnaud Viala. Une entreprise vit. Prenons l’exemple d’une entreprise sous forme sociétaire ; des associés entrent ou sortent à des moments donnés de l’année civile. Cette information peut être transmise à une administration à un moment, puis transférée à d’autres administrations. Mais lorsque l’autre administration va utiliser cette information, il est possible que des modifications soient intervenues entre-temps et qu’elles n’aient pas été transmises à la première administration, car elles n’avaient pas d’incidence dans son domaine, alors qu’elles en ont dans le domaine de la seconde.

M. le rapporteur. Tout l’avantage des API est que la transmission des informations est immédiate. Les administrations sont branchées sur la base de données commune, et dès qu’une information nouvelle est donnée, cette dernière est immédiatement partagée.

Mme Laure de La Raudière. Le point de vue de M. Viala est tout à fait juste, mais je pense que ce n’est pas un problème de rédaction du texte. Il serait intéressant de rencontrer Henri Verdier, directeur interministériel du numérique et du système d’information de l’État français et administrateur général des données, pour soulever ce point sous un angle technique.

S’il n’y a pas eu de modification apportée dans la base de données, une administration peut s’appuyer sur une information fausse à cet instant, alors que la bonne information est disponible.

M. le rapporteur. Ce sont des sujets assez techniques, et il a été intéressant de rencontrer Henri Verdier pour bien les comprendre, car il y a de nombreuses confusions sur ce sujet entre France Connect – bouton de connexion avec un identifiant universel –, ce que l’on met dans API Entreprise ou même l’idée du coffre-fort numérique.

La stratégie de la DINSIC est de développer l’idée la plus moderne, celle des API. L’étude d’impact explique bien que treize bases de données sont déjà mises en commun dans API Entreprises, et dès lors que le branchement a été établi, il n’est pas possible que dans ce système, une information soit mise à jour sans que toutes les administrations connectées n’en connaissent.

M. Arnaud Viala. Mais selon les administrations, les échéances au cours de l’année sont différentes. Si la base de données n’a pas été mise à jour au moment où l’administration va chercher l’information dont elle a besoin, elle va raisonner sur une donnée fausse au moment où elle l’utilise, alors que l’entreprise n’était pas obligée à l’égard l’administration de mettre cette information à jour à cette date.

M. le rapporteur. Prenons le résultat fiscal d’une entreprise. C’est une information dynamique, modifiée chaque année, qui peut alimenter un certain nombre d’autres dossiers : un certain nombre d’autres administrations ont besoin du résultat fiscal de l’entreprise. Dès qu’il aura été mis à jour, après la clôture des comptes de l’entreprise, elle transmettra ses comptes comme c’est déjà le cas. L’administration qui recevra cette information la mettra à jour dans le système. L’information sera actualisée.

M. Arnaud Viala. Mais prenons un exemple récent, qui relève des particuliers et pas des entreprises. Un changement a été apporté à propos des allocations CAF, qui sont dorénavant indexées sur le revenu, même pour le premier plancher. Si l’administration va chercher le revenu d’un contribuable à l’instant où la loi est changée, alors que ce contribuable – dans le cas des entreprises – clôture son bilan au 31 août, après cette date, le chiffre sera entré dans la base de données. Mais ce n’est pas le résultat correspondant à l’année d’assiette pour la CAF.

Ça va poser un problème s’il n’y a pas de navette.

Mme la présidente Sophie Errante. Les documents portent tous des dates.

M. Arnaud Viala. À l’heure actuelle, la plupart des administrations fonctionnent sous un régime déclaratif. Le déclarant est responsable de la déclaration qu’il fait au moment où l’administration la lui demande. Si l’administration va chercher des données dans les bases d’une autre administration, la déclaration peut avoir été faite à une date différente, parce que l’administration concernée l’exigeait à une date différente, et les chiffres ne correspondront pas.

M. le rapporteur. C’est déjà la situation actuelle.

M. Arnaud Viala. La situation actuelle est que je déclare à l’administration « A » à la date où elle me le demande, à l’administration « B » à la date où elle me le demande, et ainsi de suite. Et l’administration « B » n’utilise pas les informations données à l’administration « A ».

M. le rapporteur. Les informations données à l’administration « B » sont les plus à jour au moment où je les donne. C’est ainsi que fonctionnera le système informatique. Cela ne réglera pas les problèmes lorsqu’une administration aura besoin d’une information plus à jour, mais on ne peut pas faire mieux que ce que propose API Entreprise, car l’information sera toujours la plus à jour possible en fonction de la déclaration du contribuable.

Je ne crois pas que l’amendement que vous proposez apporte une amélioration à ce que propose API Entreprise.

Mme la présidente Sophie Errante. Nous pourrons échanger d’ici à la séance, et décider s’il convient de redéposer un amendement.

M. Arnaud Viala. C’est d’accord, je retire l’amendement.

Lamendement est retiré.

La commission examine ensuite lamendement CS820 de M. Boris Vallaud.

M. Boris Vallaud. L’article 21 a pour but de renforcer le « Dites-le nous une fois » du précédent quinquennat pour alléger les formalités administratives des entreprises, en instaurant une sorte de coffre-fort numérique. Il recensera les informations qui sont régulièrement demandées aux entreprises, l’objectif étant de dispenser ces entreprises de reproduire des informations que l’administration détient déjà.

L’ensemble des entreprises y est plutôt favorable. Elles demandent cependant des garanties pour que ces données stockées par l’administration restent confidentielles : qu’on leur assure qu’elles seront protégées, et non partagées avec un tiers. C’est tout l’objet de cet amendement.

M. le rapporteur. Je suis favorable à votre amendement : la sécurisation des données relève en quelque sorte du principe de précaution. Mais peut-être présenterai-je un sous-amendement en séance publique car la notion de non-partage des informations me paraît insuffisamment précise.

M. le ministre. L’amendement me semble satisfait par le droit actuel, mais j’y suis favorable car l’objectif de M. Vallaud me paraît tout à fait légitime.

La commission adopte lamendement.

Elle est ensuite saisie des amendements identiques CS605 de M. Philippe Gosselin et CS842 de M. Éric Bothorel.

M. Philippe Gosselin. Encore et toujours, les délais ! En l’espèce, nous proposons de préciser que les délais d’instruction courent à compter de la date d’obtention des informations. Cela paraît de bon sens, mais il est nécessaire de le rappeler.

M. Éric Bothorel. Il s’agit d’un amendement de clarification qui précise le point de départ des délais d’instruction des dossiers.

M. le rapporteur. Je ne veux pas relancer le débat sur l’API Entreprise, mais retenir, comme point de départ des délais d’instruction, la date d’obtention des informations ne me semble pas correspondre à l’objectif du dispositif, qui est précisément de rendre l’information vivante et évolutive. Je suggère donc aux auteurs de ces amendements de les retirer ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le ministre. Même avis que le rapporteur.

La commission rejette ces amendements.

Puis elle examine les amendements identiques CS226 de Mme Véronique Louwagie, CS243 de M. Fabrice Brun et CS604 de M. Philippe Gosselin.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement, similaire à ceux que j’ai défendus aux articles 15 et 16, vise à préciser que l’évaluation de l’expérimentation comporte un volet consacré à l’impact du dispositif sur les délais administratifs. Cette question est en effet essentielle pour nos concitoyens.

M. Philippe Gosselin. Un amendement analogue, le CS601, a été adopté à l’article 15 avec l’avis favorable du Gouvernement et du rapporteur. Celui-ci pourrait donc connaître le même sort. Mais je ne veux pas anticiper…

M. le rapporteur. Sur ces amendements-là, j’émettrai un avis défavorable, car l’objectif de l’API Entreprise n’est pas tant de gagner du temps et de réduire les délais de traitement administratif que de permettre aux entreprises de transmettre leurs informations aux administrations une fois pour toutes.

M. le ministre. Même avis que le rapporteur.

La commission rejette ces amendements.

Puis elle adopte larticle 21 modifié.

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Article 21 bis (nouveau)
Suppression de lobligation dinformer ladministration du lieu et de la période de la première production dun document dans le cadre du dispositif « Dites-le nous une fois »

Cet article résulte de l’adoption, par la commission spéciale, d’un amendement de Mme de La Raudière ayant reçu un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement. Il supprime le second alinéa de l’article L. 113-12 du code des relations entre le public et l’administration, qui prévoit que lorsqu’une personne présentant une demande ou produisant une déclaration dans le cadre d’une procédure à laquelle le principe « Dites-le nous une fois » est applicable, ne produit pas les informations ou données qu’elle a déjà produites auprès de l’administration, cette personne informe par tout moyen l’administration du lieu et de la période de la première production du document.

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La commission examine lamendement AS451 de Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Dans la stratégie annexée au projet de loi, figure, parmi les objectifs que se fixe le Gouvernement, « linstitution du droit pour toute personne de ne pas être tenue de produire à ladministration une information déjà détenue ou susceptible dêtre obtenue automatiquement auprès dune autre administration ». Ainsi il convient, sans attendre les résultats de l’expérimentation de l’API Entreprise, de supprimer les obstacles à une généralisation du principe « Dites-le nous une fois » à tous les usagers, particuliers compris. Cet amendement vise donc à modifier l’article L. 113‑12 du code des relations entre le public et l’administration, en supprimant l’alinéa qui précise que l’usager « informe par tout moyen l’administration du lieu et de la période de la première production du document », car cette obligation lui impose une démarche supplémentaire.

M. le rapporteur. Avis très favorable. Cet amendement me permet de rappeler qu’il ne faut surtout pas que nous fassions table rase du passé. Du reste, le principe « Dites-le nous une fois » aurait pu figurer dans ce texte, dès lors qu’il vise à modifier la nature des relations entre l’administration et les entreprises. Au demeurant, chacun sait combien nos concitoyens ont été déçus par les exceptions prévues à ce principe. Reprendre le flambeau et améliorer le dispositif en s’efforçant de supprimer tout ce qui en entravait le fonctionnement va donc dans le bon sens.

M. le ministre. Avis favorable.

La commission adopte lamendement.

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Après l’article 21

Puis elle examine lamendement CS450 de Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Dans le cas où l’expérimentation prévue à l’article 21 serait satisfaisante, ce qui est plus que souhaitable, le programme « Dites-le nous une fois » devra être rapidement rendu opérant pour les particuliers. En attendant, il n’est pas acceptable que le décret d’application de l’article 90 de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, dite loi « Lemaire », qui dresse la liste des pièces entrant dans le périmètre de ce programme pour les particuliers n’ait pas encore été pris à ce jour, alors que la date de janvier 2017 figurait dans l’échéancier de Légifrance. L’amendement CS450 a donc pour objet de fixer une date limite pour la publication de ce décret.

M. le rapporteur. Je comprends votre volonté d’accélérer la publication de ce décret, mais je suis défavorable à la méthode. Vous avez indiqué que, lors de son audition par la commission des affaires économiques, Mounir Mahjoubi avait déclaré qu’il s’efforçait de hâter cette publication. Il est donc préférable de ne pas mélanger les textes et de laisser le secrétaire d’État au numérique poursuivre ses travaux en lui demandant éventuellement de nous tenir informés de leur avancée. En tout état de cause, je ne suis pas favorable à ce que l’on insère une telle disposition dans le projet de loi.

M. le ministre. Je comprends la préoccupation de Mme de La Raudière car la publication de ce décret est attendue depuis un an. Toutefois, on me dit qu’il a fait l’objet d’une réunion interministérielle (RIM) le 19 décembre dernier, de sorte qu’il est tout à fait vraisemblable qu’il sera pris avant l’adoption définitive du projet de loi. Je propose donc à Mme de La Raudière de m’interroger sur ce point en séance publique, afin que je puisse lui préciser la date approximative de la publication, qui interviendra au cours du premier trimestre de 2018. En tout état de cause, je suis défavorable à l’amendement, car il serait absurde de mentionner une deuxième fois ce décret dans un texte de loi ; s’il n’a pas été publié, c’est la faute de l’exécutif.

Mme Laure de La Raudière. Je retire donc l’amendement, et je le redéposerai en séance publique pour pouvoir vous interroger à nouveau à ce sujet.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CS176 de M. Patrick Hetzel.

Mme Véronique Louwagie. Le principal objectif de cet amendement est de faire en sorte que les Centres de formalités des entreprises (CFE) des Chambres de métiers et de l’artisanat (CMA), qui sont l’interlocuteur unique pour les déclarations des entreprises, participent à la coopération administrative et contribuent à limiter les demandes d’informations que reçoivent leurs ressortissants. Nous proposons en effet que, pour recueillir les informations dont elles ont besoin, les administrations s’adressent en priorité aux centres de formalités des entreprises – ceux-ci ne deviendraient donc pas pour autant des mandataires exclusifs – et non aux entreprises.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Les CFE ne sont pas forcément les structures les mieux à même de fournir des informations actualisées aux administrations car les dossiers qu’ils reçoivent des entreprises sont limités aux déclarations et aux demandes d’autorisation nécessaires à la création d’entreprise. En outre, ils sont tenus de supprimer certaines des informations qui leur sont transmises. Le dispositif proposé ne serait donc guère efficace d’un point de vue opérationnel.

M. le ministre. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Lamendement CS574 de M. Mohamed Laqhila est retiré.

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Article 22
(articles L. 212-2, L. 552-6, L. 562-6 et L. 572-6 du code des relations entre le public et ladministration)
Dispense de signature électronique des décisions dématérialisées
relatives à la gestion des agents publics

Le présent article vise à supprimer l’obligation, pour l’administration, de signer les décisions administratives produites sous forme électronique pour la gestion de leurs agents.

I.   L’État du droit

L’article L. 212-1 du code des relations entre le public et l’administration dispose que, sauf le cas de décisions prises dans le cadre de la prévention du terrorisme, « toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. »

Si cette disposition témoigne d’un louable souci de transparence dans la relation avec les usagers, elle s’avère difficile à mettre en œuvre pour la gestion des agents publics.

En effet, parce qu’elles peuvent faire l’objet d’une signature électronique, à l’aide d’un certificat électronique, les décisions prises par l’administration supposent la mise en place de dispositifs couteux et complexes à gérer. Cela nécessite ainsi de doter chaque gestionnaire de ressources humaines et chaque agent géré d’un certificat électronique dont les coûts et les modalités de mise en œuvre peuvent s’avérer disproportionnés par rapport aux objectifs poursuivis.

Selon l’étude d’impact du projet de loi, le coût total de possession d’un certificat de signature électronique (achat, modalités de mise en œuvre, distribution sécurisée jusqu’à l’agent et gestion des renouvellements) est de l’ordre de 100 euros, sachant que les certificats sont renouvelés tous les trois ans. Cela représente une dépense de 3,7 millions d’euros pour un ministère disposant de 37 000 agents. En outre, de nombreux agents, au premier rang desquels les enseignants, éloignés des sites principaux des administrations, n’arrivent pas à entrer dans le processus de distribution des certificats.

On aboutit alors à l’effet inverse de celui recherché et l’administration est souvent contrainte de dématérialiser les décisions afin d’y apposer leur signature avant de les envoyer aux agents concernés. Cela constitue un frein au développement de processus entièrement dématérialisés, comme les dispositifs de signature « applicative » qui permettent par exemple d’assurer l’authentification de l’acte sans passer par un certificat électronique.

II.   Le dispositif proposÉ

Le I du présent article complète l’article L. 212-2 du code des relations entre le public et l’administration afin de dispenser de signature les décisions relatives à la gestion des agents publics.

● L’article L. 212-2 dispense aujourd’hui de signature, dès lors qu’ils comportent ses prénom, nom et qualité ainsi que la mention du service auquel celui-ci appartient, les actes concernant :

– les décisions administratives qui sont notifiées au public par l’intermédiaire d’un téléservice ;

– un certain nombre d’actes pris par l’administration fiscale (avis à tiers détenteur, oppositions à tiers détenteur, oppositions administratives, saisies à tiers détenteur, etc.).

● La création de cette nouvelle dispense, au profit des actes de gestion des agents publics, devrait permettre de généraliser la signature « applicative », qui permettra de s’assurer de l’authenticité de l’acte tout en permettant de fluidifier considérablement les processus de gestion dématérialisée des agents publics. L’économie réalisée par l’abandon de la signature électronique pourrait permettre, selon l’étude d’impact, d’économiser 545 millions deuros de dépenses publiques, si l’on prend en compte les trois fonctions publiques.

III.   la position de la commission spÉciale

La commission a adopté un amendement de MM. Christophe Naegelen et Jean-Luc Warsmann qui étend le dispositif de larticle 12 aux fonctionnaires de La Poste, leur établissement n’entrant pas dans le champ d’application de l’article L. 212-2, qui ne comprend pas les services publics industriels et commerciaux.

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La commission est saisie des amendements identiques CS417 de Mme Jeanine Dubié et CS419 de M. Christophe Naegelen.

Mme Jeanine Dubié. Mon amendement vise à étendre la dispense de signature électronique aux fonctionnaires d’État travaillant dans des entreprises publiques. En effet, un certain nombre de fonctionnaires travaillent encore dans ces entreprises – plus de 100 000 à La Poste par exemple.

M. Christophe Naegelen. L’article 22 modifie l’article L. 212-2 du code des relations entre le public et l’administration, qui dispose que certains actes administratifs sont dispensés de la signature de leur auteur, dès lors qu’ils comportent ses prénom, nom et qualité ainsi que la mention du service auquel celui-ci appartient. Je propose également d’étendre ces dispositions aux personnels fonctionnaires de La Poste.

M. Stanislas Guerini, rapporteur. Je suis très favorable à vos amendements. Je dirai en préalable un mot sur l’article 22, qui va permettre de réaliser des économies, mais également de fluidifier les relations entre l’administration et les usagers. Il ne s’agit pas de dématérialiser un processus : on reste dans le cadre de l’existant : un système d’information de gestion des ressources humaines (SI-RH), c’est-à-dire de transmission d’informations par des processus électroniques. Cet article vise à dispenser les fonctionnaires de signature électronique, dès lors que le décisionnaire est bien identifié par son nom et son prénom. C’est une mesure tout à fait positive pour l’administration.

Vos amendements étendent cette procédure à La Poste. Nous en avons discuté, et je proposerai probablement un sous-amendement en séance pour appliquer aussi ce dispositif aux autres entreprises publiques employant des fonctionnaires.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. L’avis du Gouvernement est favorable à cette extension.

La commission adopte les amendements.

Elle adopte ensuite l’article 22 modifié.

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Article 22 bis (nouveau)
Report de lentrée en vigueur de la déclaration sociale nominative pour la fonction publique

Issu d’un amendement gouvernemental, le présent article a pour objet de reporter l’entrée en vigueur de la déclaration sociale nominative (DSN) pour la fonction publique de deux ans, soit au plus tard au 1er janvier 2022.

Dans une logique de simplification administrative, la DSN se substituera dans un premier temps à la déclaration unifiée de cotisations sociales (DUCS) et à la déclaration automatisée des données sociales unifiée (DADS-U).

Plusieurs raisons conduisent à repousser son entrée en vigueur :

– empêcher les employeurs publics de démarrer la DSN dès janvier 2019 afin d’en assurer la sécurisation ainsi que celle de la mise en œuvre au, 1er janvier 2019, du prélèvement à la source ;

– redonner une fenêtre de transition crédible pour l’entrée de l’ensemble de la fonction publique dans le dispositif DSN.

Le chantier de simplification, dont relève le passage à la DSN, s’inscrit pleinement dans le contexte Action publique 2022 pour la fonction publique. Sa mise en œuvre viendra en effet conforter le chantier structurant de modernisation de la gestion des ressources humaines de la fonction publique, qui s’appuie notamment sur la DSN comme source de simplification de la chaîne de ressources humaines.

Ce nouvel horizon temporel conforte la crédibilité du déploiement du dispositif, déjà engagé pour l’État, auprès des employeurs territoriaux et hospitaliers. Il permet de se recaler sur un calendrier plus réaliste et de donner deux ans supplémentaires pour enchaîner les phases pilotes, le déploiement, et la généralisation auprès des 60 000 établissements de la fonction publique, tout en confortant les projets les plus avancés.

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La commission examine l’amendement CS908 du Gouvernement.

M. le secrétaire d’État. Cet amendement modifie le III de l’article 13 de l’ordonnance du 18 juin 2015 relative à la simplification des déclarations sociales des employeurs. Il concerne uniquement la partie relative à la fonction publique, et non pas l’ensemble des régimes mentionnés à l’article L. 711-1 du code de la sécurité sociale.

Il porte sur l’entrée en vigueur de la déclaration sociale nominative (DSN) pour la fonction publique qui, dans une logique de simplification administrative, se substituera dans un premier temps à la déclaration unifiée de cotisations sociales (DUCS) pour le paiement des cotisations sociales en cours d’année et à la déclaration automatisée des données sociales unifiée (DADS-U) – déclaration relative à chaque salarié pour l’ouverture des droits et le contrôle des cotisations.

Plusieurs raisons conduisent à reporter l’échéance à une date qui sera fixée par décret. Il faut d’abord sécuriser le dispositif qui, aujourd’hui, ne l’est pas complètement : nous ne souhaitons pas prendre le risque d’erreurs dans ces déclarations. Par ailleurs, nous souhaitons donner une fenêtre de démarrage crédible à la mise en place de la DSN dans l’ensemble de la fonction publique.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

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Article 23
Expérimentation de la suppression des justificatifs de domicile pour la délivrance de titres

Cet article ouvre la voie à une expérimentation, pour une durée de dix-huit mois, dans quatre départements, de la simplification des démarches de délivrance des cartes nationales d’identité, des passeports, des permis de conduire et des certificats d’immatriculation des véhicules.

I.   L’État du droit

Pour la constitution du dossier d’obtention d’une carte d’identité, d’un passeport, d’un permis de conduire ou d’un certificat d’immatriculation, l’usager est tenu de fournir un pièce justifiant de son domicile.

Les pièces acceptées sont, pour ceux qui disposent d’un domicile à leur nom ([75]), les factures d’eau, d’électricité, de gaz ou de téléphone (y compris de téléphone mobile), les avis d’imposition ou certificats de non-imposition, les justificatifs de taxe d’habitation, les attestations ou factures d’assurance du logement, les quittances de loyer ou titres de propriété ainsi que les relevés de la caisse d’allocation familiale mentionnant les aides liées au logement ([76]).

Comme le souligne l’étude d’impact, les justificatifs de domicile sont actuellement hétérogènes et insuffisamment sécurisés. Alors que 25 millions de titres sont délivrés chaque année par les services de l’État, dont notamment 4,4 millions de cartes nationales d’identité et 3,5 millions de passeports, 1 157 tentatives d’obtention indue de cartes nationales d’identité et de passeports ont été présentées sur la base de faux justificatifs de domicile.

La procédure actuelle est en outre à la fois contraignante pour lusager, qui doit produire les justificatifs à chacune de ses demandes, et pour l’administration, qui doit vérifier les pièces, les numériser, puis les stocker.

II.   lE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article prévoit la mise en œuvre d’une expérimentation pour simplifier les démarches d’obtention des quatre titres en supprimant la fourniture de pièces justificatives du domicile.

● Cette simplification ne concernera que les usagers qui le souhaitent, et ne sera appliquée qu’à ceux qui effectuent leur pré-demande de titre en ligne.

Les usagers pourront ainsi, en remplissant leur formulaire de pré-demande, indiquer le numéro d’un contrat d’électricité ou de téléphone, par exemple, attaché à leur domicile. L’administration pourra alors, par le biais d’une API ([77]), interroger le prestataire de service du demandeur, fournisseur d’électricité ou opérateur de téléphonie, celui-ci étant tenu de répondre. D’après les informations communiquées à votre rapporteur, cette interrogation se fera en temps réel et le demandeur pourra voir sur son formulaire en ligne, quelques instants après sa saisie, le résultat de cette interrogation.

Il s’agit pour l’usager d’une incontestable simplification car il n’aura plus à produire de justificatifs papiers. Il s’agit aussi pour l’administration d’un véritable gain de temps, la vérification des justificatifs se faisant de manière quasi-instantanée, par le biais d’une application informatique, plutôt que par une vérification physique qui prend, selon l’étude d’impact, trois minutes par document, quinze minutes en cas de doute. En outre, cette automatisation est de nature à améliorer significativement la lutte contre la fraude.

● Si l’étude d’impact ne chiffre pas le coût du développement de la plate-forme informatique d’échanges de données entre les services de l’État et les prestataires de services, celui-ci devrait être très modique, les API à développer étant simples à mettre en œuvre, selon les informations recueillies par votre rapporteur. Les informations à caractère personnel transmises par les opérateurs ne seront en outre pas stockées et conservées par les services de l’État : leur transmission étant instantanée et automatisée, les données seront immédiatement détruites après la validation du justificatif de domicile. En cela, le dispositif sera moins intrusif que la procédure aujourdhui en vigueur, où les usagers fournissent des documents comprenant, par exemple, leurs références bancaires.

Cette expérimentation sera menée dans quatre départements, l’Aube, le Nord, les Yvelines et le Val-d’Oise, ce qui permettra de tenir compte de la diversité des situations rencontrées : territoires ruraux et urbains. Une évaluation sera faite par les préfets des départements concernés au bout d’un an d’expérimentation. Un décret en Conseil d’État fixera les modalités d’application de cet article (III).

III.   LA POSITION DE LA COMMISSION SPÉciale

La commission spéciale a adopté un amendement de M. Boris Vallaud et du groupe Nouvelle Gauche qui précise que l’administration assurera la confidentialité et la protection des informations échangées par la plate-forme informatique prévue pour la mise en œuvre de l’expérimentation. Elle a également adopté un amendement du rapporteur qui supprime le III, les conditions de mise en œuvre de l’expérimentation étant suffisament précises dans la loi.

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La commission est saisie des amendements identiques CS12 de M. Julien Aubert, CS31 de M. Arnaud Viala et CS279 de M. Éric Pauget.

M. Frédéric Reiss. Vous souhaitez dispenser les demandeurs de carte nationale d’identité, de passeport, de permis de conduire ou de certificat d’immatriculation de véhicule de fournir une pièce justificative de domicile. Ils devront, en revanche, fournir une donnée permettant leur identification auprès du fournisseur d’un bien ou d’un service attaché à leur domicile. Cet article crée une obligation nouvelle pour les entreprises sans pour autant alléger véritablement la procédure pour les usagers. C’est pourquoi nous souhaitons sa suppression. Nous vous proposerons, le cas échéant, des amendements de repli.

M. Arnaud Viala. Outre les raisons que vient d’évoquer mon collègue, je ne vois pas comment les prestataires de services – notamment de téléphonie – pourront accéder à ces demandes dans les délais impartis, ni comment les informations pourront être fiabilisées – on peut déclarer l’adresse que l’on souhaite sur un contrat de téléphonie. Or, il est important disposer d’informations fiables pour la délivrance de titres aussi important qu’une carte nationale d’identité ou une carte de séjour. Enfin, je ne trouve pas sain de déresponsabiliser nos concitoyens quant à la fourniture de la preuve de résidence.

L’expérience actuelle de la dématérialisation des cartes grises montre qu’il faut avancer prudemment sur ces sujets. Actuellement, près de 120 000 véhicules sont en attente d’immatriculation, ce qui pose notamment de sérieux problèmes pour les véhicules de société, que les garagistes ne peuvent pas livrer…

M. Éric Pauget. Bien que l’intention soit louable et que nous la partagions, nous demandons également la suppression de ce qui n’est qu’une demi-mesure : on supprime l’obligation de produire une attestation de domicile, tout en imposant une charge nouvelle aux entreprises qui devont fournir cette information.

M. le rapporteur. Suite aux auditions que nous avons menées, je vais vous expliquer ce que je comprends de ce dispositif. Les arguments que vous mettez en avant traduisent peut-être un manque d’explication et, partant, de compréhension du dispositif. Comment cela se passe-t-il actuellement ? Le justificatif de domicile est une photocopie ou un scan de facture – le plus souvent de téléphone, d’électricité ou de gaz. Le nouveau dispositif ne sera donc pas moins sécurisé, puisque les données seront toujours celles dont disposeront les entreprises concernées.

Par ailleurs, la numérisation du processus est une vraie avancée pour l’usager : l’État va identifier un certain nombre d’entreprises avec lesquelles elle se connectera par le biais d’une interface de programmation applicative – ou API pour application programming interface. Puis l’usager, dans le cadre d’une télédéclaration – à laquelle il ne sera pas contraint –saisira son numéro de contrat avec la société dont il est client. La transmission des informations sera alors automatique, c’est-à-dire que le système informatique de télédéclaration ira chercher les informations directement dans la base de données de ces entreprises. Aucune charge supplémentaire ne pèsera donc sur elles, si ce n’est celle de la mise en place initiale du système.

D’une part, le système sera plus fluide pour les usagers qui saisiront simplement leur numéro de client au lieu de scanner ou de photocopier une pièce. Ce sera d’ailleurs – je le signale au passage – moins intrusif que le système actuel : quand on photocopie certains contrats, on livre à l’administration, par exemple, des références bancaires. Dans ce nouveau cadre, la seule information fournie sera le numéro de client du service de son choix.

D’autre part, ce sera plus rapide car la transmission sera automatique. Nous avons interrogé à ce sujet le ministère de l’intérieur et la direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication de l'État (la DINSIC) sur ce dispositif. Il s’agit d’une avancée réelle.

Enfin, le dispositif sera expérimenté uniquement sur quatre départements, et les conditions d’habilitation de l’ordonnance prévoient également une procédure de retour à la version papier s’il ne s’avère pas efficace. La prise de risque est donc plus que limitée, et rien ne s’oppose à ce que l’on puisse tester ce système, qui va dans le bon sens pour l’usager et l’administration. Je suis donc défavorable à ces amendements de suppression.

M. le secrétaire d’État. Mon avis est défavorable pour les mêmes raisons. Comme le rapporteur l’a indiqué, il s’agit d’une simplification pour l’usager, qui n’aura plus à photocopier ou scanner les documents demandés ni à les apporter ou à les envoyer à tel ou tel service. D’autre part, les justificatifs de domicile sont parmi les pièces le plus souvent falsifiées pour les demandes de pièces d’identité ou de titres de séjour. Le recours au numéro d’abonné et à cette interface d’application permettra aux entreprises de transmettre automatiquement un certain nombre de données fiables identifiant l’usager.

Par ailleurs, dans son avis, le Conseil d’État a considéré que les charges étaient extrêmement minimes et qu’il n’y avait pas de méconnaissance du principe d’égalité devant les charges publiques pour les entreprises concernées. Nous tenons à cette simplification, avec l’espoir que l’expérimentation puisse rapidement être généralisée, si elle fonctionne bien.

M. Arnaud Viala. Sur la forme, monsieur le rapporteur, vous estimez que nous comprenons mal ce texte. Si nous le comprenons mal – alors que je l’ai lu mot à mot et ligne à ligne –, c’est qu’il est mal écrit ! Hier déjà, à plusieurs reprises, vous nous avez fait la même remarque ; En l’espèce, sur cet article, si nous amendons de la manière dont nous amendons, c’est que le texte n’est pas suffisamment précis dans sa rédaction ! Ce ne sont pas des amendements rédigés par d’autres que nous défendons. J’ai écrit moi-même mon amendement.

Monsieur le ministre, s’agissant des justificatifs de domicile, je ne prendrai qu’un exemple : une femme qui divorce et change d’état civil a-t-elle l’obligation de déclarer à EDF qu’elle n’a plus le même nom ? Non. Son véhicule risque donc d’être immatriculé au nom de son ex-mari, et elle-même de conduire avec un permis délivré à son nom d’épouse, même si la préfecture sollicite EDF pour vérifier ces informations. Elle va conduire avec une carte d’identité délivrée à son nom d’épouse, sans aucune vérification possible. Arrêtons de dire que ce dispositif est sécurisé !

M. Julien Aubert. Monsieur le ministre, je n’ai pas bien compris vos explications sur le gain de temps : en quoi est-il plus rapide de demander à un tiers de vérifier une domiciliation, sur la base d’un numéro de contrat, que de disposer directement de cette information par le biais d’un document ? J’ajoute que la possibilité de recourir à cette proécure risque d’être plus théorique que pratique dans certaines zones où l’accès à internet est lent ou défaillant. Que se passera-t-il en cas de non-réception de courriels ?

Je souhaite que vous nous répondiez précisément. Ce n’est pas la première fois, en effet, que l’on souhaite dématérialiser certaines procédures pour des raisons d’efficacité, mais les administrations ont souvent, par la suite, à gérer des doublons : comme on ne peut basculer d’un système à l’autre du jour au lendemain, on a tendance à conserver les deux, ce qui accroît in fine la charge de travail des personnels

M. le rapporteur. Monsieur Viala, je n’avais pas l’intention de signifier que vous aviez péché par mauvaise compréhension – je connais votre très forte implication sur ces sujets et sur ce texte – mais simplement que nous-mêmes n’avions sans doute pas fait preuve de suffisamment de pédagogie.

Concernant les changements de situation que vous mentionnez, il n’y aura aucun recul par rapport à ce qui se passe actuellement, où l’on doit photocopier ou scanner la facture d’un fournisseur ou prestataire de services, sur laquelle figurent des informations qui ne sont pas forcément actualisées – et qui le seront sans doute mieux avec la nouvelle procédure, puisque le changement de situation figurera instantanément dans le système informatique du fournisseur ou du prestataire dès qu’il en aura été avisé.

Par ailleurs, je vous rappelle que le dispositif est facultatif. Il ne concernera que les usagers qui accepteront d’y recourir.

Enfin, il s’agira d’un dispositif plus rapide pour l’usager et pour l’administration, y compris si le débit internet est problématique. Dans la situation actuelle, lorsque les usagers veulent faire une déclaration en ligne, ils doivent scanner un document puis l’envoyer en pièce jointe. Il est plus facile et plus rapide – même avec une connexion plus faible – de remplir un simple formulaire en saisissant un numéro de contrat que d’envoyer une pièce jointe.

C’est également plus rapide pour l’administration, car dès que le numéro de contrat est renseigné, le remplissage des informations est automatique. A l’heure actuelle, l’agent administratif doit traiter l’information en imprimant le document et en insérant manuellement les données.

M. le secrétaire d’État. Ce dispositif sera déployé à titre expérimental dans quatre départements, et pour une liste limitée de fournisseurs ou prestataires. Par le biais d’une interface applicative, l’agent de l’administration pourra vérifier directement si l’abonnement correspond bien à l’usager, sans avoir à réaliser de manipulation spécifique puisque les entreprises sélectionnées seront connectées à cette interface. Quant à l’exemple cité par M. Viala, le risque existe déjà avec une déclaration papier. Le nouveau dispositif n’est pas garanti « zéro défaut », mais il permettra aux usagers et aux agents de gagner du temps, sans entraîner de complications pour les entreprises concernées.

L’amendement CS12 est retiré.

La commission rejette les amendements CS31 et CS279.

 

La commission examine ensuite l’amendement CS105 de M. Patrick Hetzel.

M. Arnaud Viala. Il s’agit d’un amendement de repli, qui exige des services de l’État qu’ils vérifient la déclaration de domicile.

M. le rapporteur. J’y suis défavorable, pour les raisons précédemment évoquées. La mise en place de ce dispositif implique déjà que l’État définisse et mette en œuvre le système informatique qui permettra de vérifier les déclarations de domicile. La précision que vous proposez n’est donc pas utile.

M. le secrétaire d’État. À droit constant, seuls les services de l’État sont compétents pour instruire les demandes de titres. Ces demandes sont actuellement instruites par des centres d'expertise et de ressources titres (CERT) qui dépendent du ministre de l’intérieur. La demande portée par cet amendement est satisfaite.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle est ensuite saisie des amendements identiques CS227 de Mme Véronique Louwagie, CS245 de M. Fabrice Brun, CS378 de M. Frédéric Reiss, CS559 de M. Jean-Luc Lagleize et CS606 de M. Philippe Gosselin.

Mme Véronique Louwagie. Notre amendement a trait aux délais - vous aurez noté que je suis attentive à ce sujet ! Certes, vous indiquez que la délivrance des titres par l’administration ne peut excéder un délai « raisonnable », mais aucun délai maximal n’est inscrit dans la rédaction actuelle de l’article. Or, nos concitoyens ont des grandes attentes en la matière. Si votre mécanisme est louable, nous devons rester prudents et éviter toute complexification.

Un changement de procédure est intervenu l’an passé dans la délivrance des cartes nationales d’identité. Un certain nombre de mairies ne peuvent plus délivrer ces titres et la charge a été reportée sur les mairies de villes-pôles ou de centres-bourgs. Les conséquences sont claires : les délais d’attente et de délivrance sont très allongés – ils peuvent aller jusqu’à deux mois dans certaines communes – car, en règle générale, ces mairies n’ont pas été dotées de moyens matériels supplémentaires.

Ces délais ne sont pas admissibles. Je vous propose de définir des délais maxima dans la loi, car le terme « raisonnable » ne me paraît pas suffisant. Nous suggérons un délai maximal de vingt jours pour les cartes nationales d’identité et les passeports – contre deux à cinq semaines actuellement, voire plus –, de sept jours pour un certificat d’immatriculation – soit la durée annoncée par l’administration – et de trente jours pour les permis de conduire – dont la fabrication prend vingt jours en moyenne, mais dont la délivrance prend souvent plus de deux mois. Ces documents sont importants et d’usage courant pour nos concitoyens. Leur délai de délivrance doit être conforme aux attentes de nos concitoyens.

M. Fabrice Brun. Notre amendement est identique. J’en profiterai pour évoquer le bogue informatique récent de la carte grise « à portée de clic » qui s’est traduite par un grand « flop », mettant en difficulté les acheteurs de véhicules, mais également les acteurs de la filière automobile. Certes, il est bon que l’État simplifie les démarches, mais ce qu’il s’est passé est l’exemple de ce qu’il ne faut pas faire. Un bogue informatique peut être compris et accepté par les usagers – ce ne sera ni le premier, ni le dernier. Mais quand les usagers ont cherché à faire immatriculer leur voiture en fin d’année, les personnels qui assuraient ce service en préfecture étaient partis alors que le système informatique est resté hors service pendant plusieurs semaines ! L’administration de l’État avait estimé que le tuilage entre les deux systèmes n’était pas nécessaire… Notre débat doit être l’occasion de mettre en lumière les raisons de ce dysfonctionnement. Lorsqu’un service est numérisé ou dématérialisé, il faut veiller à assurer le fonctionnement en parallèle de l’ancien et du nouveau système pendant un certain temps.

M. Frédéric Reiss. En matière de délivrance de cartes d’identité, de passeports et, surtout, de cartes grises, les demandeurs sont confrontés à un véritable parcours du combattant. Pour obtenir un rendez-vous dans les mairies habilitées, il faut parfois attendre trois mois. Comme l’a souligné Mme Louwagie, ce ne sont pas seulement les moyens matériels qui font défaut, mais également les moyens humains, car l’État compense très mal les charges supplémentaires imposées à ces collectivités. Si vous voulez simplifier le dispositif, il serait bon que des délais maximaux figurent dans la loi, afin que les demandeurs disposent d’une information et d’un engagement clairs. C’est l’objet de notre amendement.

Mme Florence Lasserre-David. Nous souhaitons illustrer la notion de délai raisonnable qui figure à l’article 23 en la transformant en un nombre maximal de jours. Cela permettrait aux administrés de savoir en combien de temps ils obtiendront leurs documents.

M. Julien Aubert. Je développerai le même raisonnement que mes collègues, d’autant que nos concitoyens nous ont fait part d’une certaine désorganisation dans la délivrance des permis de conduire. Par ailleurs, pour certains titres, notamment les passeports, le délai n’est pas exactement le même selon que l’on est puissant ou misérable : par le biais de réseaux, sans passer par le guichet, certains obtiennent un passeport en moins de vingt-quatre heure…! Je ne dis pas que les passe-droits doivent être la règle, mais si l’on est capable de faire un passeport en vingt-quatre heures, on doit être capable de le faire en vingt jours !

M. Christophe Naegelen. N’oublions pas que ce n’est pas uniquement l’administration qui délivre les titres, mais que ce sont aussi les communes. Fixer un délai raisonnable n’est pas suffisant. Je partage l’analyse de Mme Louwagie : il faut fixer des objectifs aux communes comme à l’administration, afin de pouvoir dire à nos concitoyens que la réponse interviendra dans un délai maximal lorsqu’ils demandent un titre.

Mme Laure de La Raudière. Vous avez raison, il est très utile que les usagers sachent combien de temps cela prend. L’État et les collectivités doivent s’engager en termes de délais de délivrance de la carte nationale d’identité et du passeport. Nos concitoyens ne savent actuellement pas si cela prendra vingt jours, deux mois ou trois mois… Or, la carte d’identité est un titre précieux. Si vous la perdez alors que vous devez passer votre baccalauréat, vous serez vraiment en difficulté, et il peut arriver qu’un jeune de dix-huit ans perde ses papiers… Il faut rassurer les Français sur ces délais. Par ailleurs, le texte doit préciser non seulement le délai pour l’État, mais aussi le délai pour les communes.

M. le rapporteur. Nous partageons ce même souci de réduire les délais et l’avons même inscrit dans la stratégie nationale. Reste que ne peux être favorable à cet amendement, notamment pour une raison de forme : on ne peut pas fixer dans la loi un délai pour chacun des titres considérés. En l’absence de sanction prévue, en effet, que se passera-il si l’administration ne respecte pas le délai ?

Je vous rappelle que l’indicateur de performance de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » comprend déjà un indicateur sur les délais moyens de délivrance des titres. L’administration rend donc compte devant le Parlement, chaque année, de son action en la matière : en 2016, par exemple, 75,8 % des passeports ont été délivrés en moins de 15 jours et 97,7 % des permis de conduire en moins de 19 jours.

Certes, derrière ces moyennes, certaines situations particulières créent une irritation plus que compréhensible, mais fixer par la loi un délai moyen serait inopérant dans certains cas compliqués, pour lesquels des vérifications plus approfondies doivent être opérées. Nous souhaitons certes rétablir la confiance, mais la fraude et la falsification d’identité sont des sujets d’importance pour notre société. Dans certains cas précis, l’administration doit pouvoir examiner plus longuement les dossiers.

Votre objectif est donc partagé, y compris en termes d’objectif managérial – le ministre pourra sans doute le confirmer – mais la forme que vous proposez n’est pas adaptée.

M. le secrétaire d’État. Comme le rapporteur, le Gouvernement est défavorable à ces amendements. Évidemment, la réduction des délais est un objectif majeur, et nous avons la volonté de servir les usagers le plus rapidement possible. C’est d’ailleurs aujourd’hui majoritairement le cas et c’est heureux.

Il faut néanmoins améliorer encore ces performances. Des travaux sont en cours dans le cadre du programme « Action publique 2022 », afin par exemple que les indicateurs de performance des services et les indicateurs de qualité du service rendu aux usagers soient plus transparents et que chacun sache quels sont les délais ou les procédures pour obtenir tel ou tel titre.

Je partage également la remarque du rapporteur sur la rédaction proposée, qui fixe une obligation formelle sans qu’une sanction soit prévue. Cela signifie que l’usager devra engager une procédure pour démontrer que le non-respect du délai a entraîné un préjudice justifiant un dédommagement.

Enfin, pour répondre aux observations de M. Aubert sur la délivrance en urgence de passeports, une procédure existe effectivement. Elle est strictement encadrée. Ces passeports temporaires ont une durée de validité plus réduite que les passeports classiques – un an en général – et sont délivrés uniquement lorsque la nécessité est démontrée par le demandeur. Ce sont les représentants de l’État – préfet ou sous-préfet – qui jugent de cette nécessité. Ainsi, un voyage personnel ne rentre pas dans les critères, contrairement à des voyages professionnels ou pour raisons médicales. La délivrance d’un tel titre dépend également des relations entretenues par la France avec les pays concernés, et du niveau de protection ou d’encadrement de l’entrée sur le territoire de ces pays – notamment du déploiement des titres de séjour numériques.

M. Christophe Naegelen. J’entends tout à fait vos explications. Loin de moi l’idée de « privatiser » l’administration, mais quand on parle de management dans le secteur privé, on ne demande pas aux équipes de réaliser un chiffre d’affaires « raisonnable » : on leur fixe des objectifs précis. Dans le cas contraire, le flou prête à interprétation. L’amendement tel que rédigé n’est peut-être pas acceptable, mais ne serait-il pas intéressant d’améliorer la rédaction de l’article, afin que nos concitoyens constatent une véritable évolution en la matière, comme le Gouvernement l’avait souhaité en préambule, en évoquant un texte transpartisan ?

M. Julien Aubert. Je vous rassure, monsieur le secrétaire d’État : si vous demandez le renouvellement de votre passeport, vous constaterez que, sans passer par le guichet, les délais sont beaucoup plus courts que pour le commun des mortels – preuve qu’il est possible de fabriquer un passeport en vingt-quatre heures…

D’autre part, j’ai bien retenu de nos échanges avec le rapporteur que la nouvelle majorité est très attachée à faire la distinction entre ce qui relève du domaine réglementaire et ce qui relève du domaine législatif, et il a invoqué les indicateurs de la LOLF en guise d’exemple. Je ne saurais faire l’économie de cette remarque au rapporteur : par définition, les indicateurs de la LOLF sont élaborés par l’administration et, s’ils sont en effet soumis au Parlement, notre marge d’influence est faible. Nous débattons des objectifs fixés mais pas de la construction des indicateurs, qui résulte d’une réflexion de l’administration. En inscrivant ces objectifs dans la loi, c’est bien le législateur qui impose des délais à l’administration ; il ne s’agit donc plus du même degré de contrainte. Un indicateur de la LOLF peut se modifier – ce qui n’a cessé d’être fait dans les premiers temps, les indicateurs changeant parfois d’une année sur l’autre et variant selon les administrations – alors que les délais, une fois gravés dans le marbre de la loi, auront un effet rétroactif sur les indicateurs de performance des administrations. Encore une fois, le niveau n’est pas le même et je suis sûr que s’il avait été présent, le ministre Darmanin aurait abondé dans mon sens… (Sourires.)

Mme Véronique Louwagie. S’agissant des cartes grises, tous les départements sont concernés par la situation qu’évoquait M. Brun. Une expérimentation avait pourtant été conduite dans vingt départements, et c’est bien ce qui doit nous alerter : l’expérimentation en question s’est bien passée, mais il y a été mis fin pour la généraliser à l’échelle nationale, et c’est cette généralisation qui a provoqué des difficultés. Au moment où nous prévoyons plusieurs expérimentations dans ce projet de loi, il est très important que nous disposions d’évaluations précises de ces expérimentations, notamment en termes de délais, car il serait impensable que la situation actuelle concernant les cartes grises se reproduise aussi pour d’autres documents.

J’en reviens à l’amendement : j’ai bien compris que la réduction des délais était un objectif majeur du Gouvernement. Il est tout aussi important, cependant, de donner des délais à nos concitoyens. J’entends qu’ils ne peuvent pas figurer dans la loi, mais il me semblerait utile que le Gouvernement s’engage en séance à respecter un objectif fixé aux collectivités puis lors de la procédure instruite par l’État, et que cet objectif porte sur un délai acceptable, et non sur un délai moyen. Vous indiquiez en effet, monsieur le rapporteur, que 76 % des passeports sont délivrés en moins de quinze jours, mais pourrez-vous nous préciser en séance dans quels délais sont délivrés les 24 % restants, et nous donner aussi les chiffres pour les permis de conduire ? Quoi qu’il en soit, on ne saurait achever l’examen de ce texte sans se donner d’objectifs : ce serait faire un petit pas en avant pour finalement renoncer à aller jusqu’au bout. Le délai est un élément important, et il serait regrettable pour nos concitoyens que nous nous arrêtions ainsi au milieu du gué.

M. Laurent Saint-Martin. Sur le fond, il me semble important d’entendre les arguments qui sont exposés. Qu’il soit impossible d’inscrire la disposition dans la loi, soit ; cela étant, le sujet est important, et il faudra aborder en séance publique la question des délais applicables aux particuliers, notamment pour les cartes grises. Nous déposerons d’ailleurs un amendement visant à remédier aux dysfonctionnements qui caractérisent leur délivrance. Il ne faut pas minimiser l’importance que revêt la question des délais pour nos concitoyens.

M. Bruno Fuchs. Je pense de même : l’intérêt de ce débat est d’intensifier la communication entre l’administration et le citoyen. Je conviens qu’il n’est pas judicieux d’imposer des délais dans la loi, mais, en s’interrogeant sur le type d’information qu’elle donne aux demandeurs de documents, l’administration pourra s’interroger du même coup sur la nature des processus qu’elle emploie et de sa relation avec les administrés. Aller dans cette direction constituerait donc une avancée intéressante.

M. Boris Vallaud. Un certain nombre de titres ont une durée de validité de dix ans, et chacun peut s’organiser sans attendre la date d’expiration de son passeport ou de sa carte d’identité pour entamer les démarches ; cela relativise les délais d’attente liée à la fabrication de certains titres.

Ensuite, la notion de « délai raisonnable » a bien une valeur juridique, car elle permet, en cas de contentieux, d’apprécier le préjudice au regard du délai de délivrance des titres – appréciation que figerait l’inscription dans la loi de délais de délivrance, dont je ne suis pas sûr qu’elle protégerait davantage les administrés.

Enfin, cette mesure ne me semble pas relever du domaine législatif, mais plutôt réglementaire. Quant à l’efficacité de l’administration, elle tient aussi aux moyens qui lui sont accordés pour exercer ses missions. C’est pourquoi il aurait sans doute été opportun d’attendre les conclusions d’autres chantiers engagés par le Gouvernement – je pense à Cap 2022 – pour présenter ce projet de loi, dont je ne nie pas l’intérêt.

M. Julien Aubert. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec M. Vallaud. Tout d’abord, les renouvellements de pièces d’identité ne se font pas forcément à leur expiration : les personnes dont le portefeuille contenant la carte d’identité et le permis de conduire a été volé sont généralement pressées de retrouver leurs titres !

Autre exemple : en cas d’erreur de l’administration – cela arrive – concernant le nom d’un administré, l’ensemble de la procédure est à recommencer. Nous parlons de confiance en l’administration : voilà un cas de figure qui énerve profondément nos concitoyens. Le fait de fixer un délai dans la loi le rend opposable et oblige l’administration, si elle a commis une erreur, à ne pas recommencer la procédure depuis le début en l’allongeant de plusieurs dizaines de jours, mais à respecter le délai législatif. C’est pourquoi il me semble utile d’aborder les dispositions de ce projet de loi sous l’angle des dysfonctionnements de l’administration et des cas qui sortent de son fonctionnement ordinaire.

M. Laurent Saint-Martin. Je précise en effet que la grande majorité des renouvellements de titres est liée à des pertes et des vols pour lesquels il n’existe évidemment pas de possibilité d’anticipation. Dans ce cas, il est prévu une procédure de déclaration de vol ou de perte faisant foi. Autrement dit, la communication d’une bonne information aux citoyens prime sur l’établissement de délais précis.

M. Boris Vallaud. Quelles sont les données statistiques qui vous permettent d’affirmer que la grande majorité des renouvellements est liée à des pertes ou à des vols ? En volume, le renouvellement naturel me semble plus important.

M. le rapporteur. Il serait utile que, comme le demandait Mme Louwagie, nous ayons en séance ce débat sur les délais précis, notamment résiduels, et je m’engage à obtenir du Gouvernement ces informations importantes.

Quant aux erreurs qui peuvent être commises par l’administration – je vous remercie à cet égard, monsieur Aubert, d’avoir retiré votre amendement –, l’objet de l’article 23 est précisément de diminuer le risque d’erreur, par exemple en remplaçant la copie d’un document par un système automatisé.

Ensuite, le débat que nous avons sur cet amendement vise à distinguer entre ce qui relève du domaine législatif et ce qui relève du domaine réglementaire, voire managérial. M. Naegelen évoquait un chef d’équipe commerciale fixant des objectifs : il m’est arrivé aussi d’assigner des objectifs à une équipe commerciale, à ceci près que ces objectifs n’étaient pas gravés dans la loi ! Il va de soi que des objectifs sont nécessaires, et je répète qu’ils figurent dans les indicateurs de performance que le Parlement peut suivre. C’est aux rapporteurs spéciaux qu’il appartient de vérifier comment sont construits ces indicateurs de performance en lien avec les administrations de leur ressort et le Gouvernement.

Le ministre, faisant en quelque sorte office de manageur en chef, a fixé les objectifs suivants à son administration : un délai de quinze jours pour les passeports, de dix-neuf jours pour les permis de conduire et de quinze jours pour les cartes d’identité, délais qui sont à respecter dans au moins 90 % des cas – sachant qu’ils le sont actuellement dans 85 % des cas pour ce qui concerne le permis de conduire. Autrement dit, les objectifs existent et il est sain qu’il appartienne au ministre de les imposer à son administration, le Parlement en assurant le suivi. Cela étant, je vous propose de poursuivre ce débat en séance publique de sorte que des engagements soient pris et que nous puissions disposer de toutes les statistiques, notamment sur les délais résiduels.

M. Mohamed Laqhila. Je viens de prendre connaissance d’un excellent rapport de M. Marc Le Fur sur le temps d’attente pour obtenir une carte d’identité. Il est d’un jour et demi dans le Territoire de Belfort et de 1,6 jour dans les Landes, contre 28 jours dans le Gard, 30 jours en Seine-Saint-Denis et 51 jours dans les Bouches-du-Rhône – mon département. Il se pose donc un problème de délai, celui-ci ne dépassant que rarement dix jours dans la plupart des départements. Ne faut-il pas concentrer les efforts là où les délais sont les plus longs plutôt que de généraliser des durées aussi longues que vingt jours ?

M. le secrétaire d’État. Les éléments que vient de rappeler M. Laqhila montrent que l’établissement de délais uniformes dans tous les départements ne permettrait pas d’atteindre l’objectif recherché. En revanche, notre objectif vise naturellement à concentrer nos efforts sur les départements qui accusent les retards les plus importants. Nous pourrons communiquer en séance publique des données statistiques sur la répartition des causes de renouvellement et les délais moyens afin que la représentation nationale soit pleinement informée.

M. Julien Aubert. Je pense au contraire que cet argument plaide résolument en faveur de notre amendement ! Les indicateurs de performance ne se déclinent pas forcément par département, mais sont parfois agrégés à l’échelle nationale. Il est inadmissible que le délai d’obtention d’un titre par les habitants des Bouches-du-Rhône soit cinq fois plus long que dans d’autres départements ! Le fait que le législateur fixe un délai national et demande aux administrations de s’organiser en conséquence me semble pleinement correspondre aux objectifs que nous nous donnons. En effet, il n’existe aucune raison objective justifiant que dans un pays bénéficiant d’une administration de bonne qualité, le même service soit rendu de manière extrêmement hétérogène. Les Français ont droit à l’égalité devant le service public, qu’ils habitent à Marseille, à La Roche-sur-Yon ou à Paris.

La commission rejette les amendements identiques CS227, CS245, CS378, CS559 et CS606.

 

Puis elle examine l’amendement CS821 de M. Boris Vallaud.

M. Boris Vallaud. L’article 23 vise à supprimer les justificatifs de domicile pour la délivrance des cartes nationales d’identité, passeports, permis de conduire et cartes grises. L’usager pourra se contenter de fournir un avis d’imposition ou un contrat d’abonnement pour une prestation attachée à son domicile. Il appartiendra ensuite à l’administration de procéder aux vérifications, en sollicitant les prestataires concernés qui lui communiqueront les données permettant de vérifier le domicile déclaré par le demandeur.

Les transmissions de données personnelles d’un opérateur à l’administration doivent selon nous rester confidentielles. C’est pourquoi l’amendement vise à assurer aux citoyens que les informations les concernant sont protégées et non partagées avec un tiers.

Mme Laure de La Raudière. Je partage naturellement l’objectif qui sous-tend cet amendement, mais j’espère qu’est prévu un article-balai couvrant la responsabilité de l’administration en matière de données personnelles, car elle ne saurait être précisée article par article.

M. le rapporteur. J’émets un avis favorable, tout comme j’étais favorable à un amendement similaire qui a été présenté hier. Je ferai une simple remarque de forme : il faudrait rédiger un sous-amendement, que nous pourrions préparer ensemble d’ici à la séance, afin de préciser la notion de non-partage.

M. le secrétaire d’État. Toutes les dispositions du texte relatives à la création de fichiers ou à l’échange d’informations sont évidemment assujetties à la loi du 6 janvier 1978, et c’est dans cette logique que nous nous inscrivons. Dès lors, la proposition de M. Vallaud est satisfaite, mais il n’est jamais inutile de rappeler certains principes. Je m’en remets donc à la sagesse de la commission.

M. Arnaud Viala. Les membres du groupe Les Républicains voteront cet amendement, monsieur Vallaud, comme nous l’avons déjà fait pour plusieurs autres. J’espère que vous saurez vous en souvenir à l’occasion de l’examen de certains de nos amendements !

La commission adopte l’amendement.

 

Elle en vient à l’amendement CS51 de M. Éric Straumann.

M. Éric Straumann. L’expérimentation de la simplification de la délivrance des titres d’identité est judicieuse. Le Haut-Rhin a toujours été une terre d’expérimentation, pour ce qui concerne la fermeture des préfectures par exemple. Si vous englobez le Haut-Rhin dans cette expérimentation, je m’engage personnellement à en suivre le déroulement auprès des services de la préfecture et des sous-préfectures.

M. le rapporteur. Je me réjouis de l’enthousiasme que suscite cette expérimentation : voilà une bonne conclusion à l’examen de cet article. En tant que rapporteur, je ne peux émettre un avis favorable à votre amendement car je ne saurais imposer le choix des départements concernés par l’expérimentation ; il appartient plutôt au secrétaire d’État de vous répondre. En l’état, avis défavorable. Étant donné votre enthousiasme, le ministère de l’intérieur choisira peut-être d’ajouter des départements…

M. le secrétaire d’État. À ce stade, je ne suis pas en mesure de vous indiquer comment le ministère de l’intérieur a désigné les quatre départements pilotes. Je ne peux donc donner un avis favorable à votre amendement, car je ne saurais m’engager au nom du ministère de l’intérieur. Je le solliciterai néanmoins pour savoir s’il est possible d’ajouter un cinquième département à l’expérimentation.

M. Éric Pauget. De nombreuses collectivités – régions ou départements – ont été retenues dans ce texte ; il serait bon qu’il nous soit indiqué en séance selon quelle méthode et quelle analyse ces choix ont été effectués.

M. Éric Straumann. Sur la forme, les départements visés par l’expérimentation sont inscrits dans le projet de loi sur lequel les parlementaires sont appelés à se prononcer, mais c’est en fait au ministre que revient la décision ! De deux choses l’une : soit la décision relève du pouvoir réglementaire, donc du ministre, soit elle est soumise aux parlementaires qui se prononcent souverainement.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CS869 du rapporteur.

Puis elle examine l’amendement CS129 de M. Sébastien Leclerc.

M. Fabrice Brun. Nous proposons par cet amendement d’améliorer la procédure de retrait des cartes nationales d’identité. La demande doit bien être déposée à la mairie équipée du dispositif de recueil, mais le retour du titre pourrait, par commodité, se faire dans la commune du domicile du demandeur. Il n’est pas rare en effet qu’il faille parcourir une trentaine de kilomètres aller-retour pour obtenir sa carte d’identité. Si l’on peut comprendre que la demande soit déposée dans une mairie équipée du dispositif numérique sécurisé, le retour dans la commune de résidence ne complique en rien le travail de l’administration et facilite en revanche la vie des usagers.

M. le rapporteur. Cette proposition soulève des questions de sécurité. Les titres sont toujours remis à la mairie où la demande a été déposée afin de permettre la vérification sur les recueils que la personne qui se présente est bien celle qui a fait la demande. Ces raisons organisationnelles visent à sécuriser le processus. Avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. Même avis, pour les mêmes raisons. Lorsque la pièce est remise au demandeur, un enregistrement est effectué sur le dispositif de recueil, dont ne dispose pas forcément la mairie de la commune où réside l’intéressé, ce qui ne permet pas d’enregistrer la remise et d’activer le titre. Si votre amendement part d’un bon sentiment et vise à réduire les distances parcourues, surtout dans des régions que vous et moi connaissons bien, il est néanmoins nécessaire de sécuriser la remise du titre au bon demandeur.

M. Nicolas Turquois. En tant qu’ancien maire, je peux témoigner que certaines personnes doivent parcourir jusqu’à cent vingt kilomètres, soit deux allers-retours. Je comprends qu’il n’est pas possible de généraliser les équipements dans toutes les communes mais, en milieu rural, la mise en place du nouveau dispositif est une catastrophe, notamment pour les personnes âgées.

M. Arnaud Viala. J’ai déposé un amendement, que j’avais déjà présenté à l’occasion d’un précédent texte, pour revenir sur le décret du printemps 2017 supprimant la capacité des mairies de délivrer les titres au motif que certains équipements numériques étaient nécessaires. J’y proposais de rouvrir cette possibilité pour les mairies qui le souhaitent à condition qu’elles financent 50 % de l’équipement. Si mon amendement ne figure pas dans la liasse, c’est sans doute parce que la commission des finances l’a déclaré irrecevable, mais je le redéposerai en séance. En zone rurale, en effet, la procédure actuelle présente de graves difficultés, en particulier pour des populations souvent peu mobiles et nullement aguerries au numérique. Dans un texte relatif à la confiance, nous devrions vraiment nous interroger sur ce point.

Mme Véronique Louwagie. Il est vrai que la situation existante entraîne de nombreuses difficultés. La sous-préfecture de ma circonscription, Mortagne-au-Perche, a délivré 185 cartes nationales d’identité en 2015, mais 841 en 2017 ! Autrement dit, 656 personnes vivant dans un territoire rural ont dû se déplacer au moins deux fois, parfois davantage en cas de dossier incomplet, cas fréquent pour les gens qui ne disposent pas d’un accès à internet d’une qualité suffisante. C’est donc un gros désagrément pour nos concitoyens.

D’autre part, les maires regrettent l’occasion qu’ils avaient auparavant d’échanger avec les citoyens de leur commune et de connaître leur situation. Ils ont perdu le lien social qui existait avec leurs administrés.

Enfin, je souscris pleinement à la proposition de M. Viala de permettre à certaines communes de revenir en arrière, sur la base du volontariat. Le dispositif actuel mécontente tout le monde et éloigne les citoyens de leurs élus. Ayons le courage de revenir sur certaines mesures lorsque l’on s’aperçoit qu’elles provoquent des désagréments.

Mme Cendra Motin. L’incapacité à se déplacer en mairie ne concerne pas seulement des personnes âgées ou ayant des problèmes de mobilité, mais aussi des actifs qui travaillent toute la semaine et ne peuvent pas toujours se libérer. Je comprends les arguments concernant la sécurisation de la remise des titres, mais ils doivent nous inciter à réfléchir, dans le cadre du programme « Action publique 2022 », à l’accessibilité des services publics – qui doit les rendre et de quelle manière ? – et à leur adaptation à nos nouveaux modes de vie. Aujourd’hui, c’est à la mairie que l’on retire un certain nombre de documents ; demain, ce sera peut-être ailleurs. Cela doit constituer un élément de notre réflexion sur la modernisation des services publics ; c’est ainsi que nous parviendrons à répondre aux attentes des citoyens où qu’ils habitent, en milieu rural comme en ville. Il est vrai qu’il serait parfois plus pratique de pouvoir récupérer des documents plus près de son domicile, mais, étant donné les problèmes d’usurpation d’identité que l’on constate malheureusement, l’argument de la sécurité me paraît essentiel.

M. Éric Straumann. Une mesure de simplification pour revenir à la situation antérieure pourrait en effet être adoptée. Aujourd’hui, un demandeur de carte d’identité doit se présenter dans le lieu où l’enregistrement a été effectué pour la retirer en donnant ses empreintes digitales. Objectivement, quel est le risque ? Autoriser un tiers à retirer la pièce, comme c’était le cas autrefois, serait une importante mesure de simplification. Les étudiants et salariés, par exemple, sont contraints de se déplacer en prenant parfois une journée de congé pour retirer une pièce d’identité, rien de plus ! Si le système est bien organisé avec des mandats, comme auparavant, je n’y vois aucun risque, au contraire ; ce serait une belle mesure de simplification.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Je vous suggère, monsieur le secrétaire d’État, de vous rapprocher du PDG de La Poste qui recherche de nouvelles activités parallèles à la distribution de courrier, comme la livraison de médicaments par exemple. Les facteurs sont assermentés, et les technologies actuelles permettraient certainement de vérifier les empreintes digitales des demandeurs sur un lecteur portable.

Mme Laure de La Raudière. Je ne suis pas du tout d’accord avec cet amendement. Dans les petites communes rurales, la mairie est généralement ouverte au public pendant quelques heures par semaine seulement ; si elle est accessible en termes de distance, elle ne l’est donc pas toujours en termes d’horaires. De plus, la ville équipée des appareils sécurisés est souvent celle où les habitants des villages vont faire leurs courses ou se faire soigner.

Mieux vaudrait réfléchir à réserver au moins un créneau horaire en dehors des heures classiques d’ouverture, le samedi matin ou le soir par exemple, afin que les étudiants et les actifs puissent récupérer plus facilement leurs titres d’identité. En tout état de cause, l’amendement tel qu’il est proposé ne résout pas les problèmes de nos concitoyens.

La commission rejette l’amendement CS129.

 

Elle en vient à l’amendement CS104 de M. Patrick Hetzel.

Mme Véronique Louwagie. Il pourrait être intéressant de faire figurer sur la carte nationale d’identité le numéro d’identification national, qui est unique. Il est important que les citoyens aient connaissance de ce numéro attribué une fois pour toutes à la naissance par l’INSEE, parfois demandé pour certaines démarches. Cet amendement vise à ce qu’il apparaisse obligatoirement sur la carte d’identité.

M. le rapporteur. Il serait pratique, en effet, de réunir toutes ces informations pour minimiser le nombre de documents à transporter. Cette proposition soulève la question de la numérisation de certains documents. M. Mahjoubi a déjà fait des annonces en la matière et le Gouvernement est déterminé à examiner l’élaboration d’un support numérique destiné à centraliser certaines informations. À ce stade, il n’est pas encore établi si ce support prendra la forme d’une carte physique ou non.

Néanmoins, il ne me semble pas opportun de faire figurer le numéro de sécurité sociale sur la carte d’identité, car cette information est confidentielle. En cas de perte, mieux vaut que la carte d’identité ne comporte que les informations nécessaires pour prouver l’identité ! En outre, l’ajout du numéro de sécurité sociale sur la carte d’identité représenterait un énorme chantier, alors que la numérisation de ces informations est justement en cours. J’émets donc un avis défavorable à cet amendement, même si j’en comprends le caractère pratique.

M. le secrétaire d’État. La même prudence me conduit à émettre un avis défavorable. Nous avons évoqué le respect de la loi du 6 janvier 1978 sur la protection des données personnelles : il se trouve que le numéro de sécurité sociale fait l’objet dans cette loi d’une protection particulière, plus forte que d’autres informations. Son inscription sur un support physique présenterait trop de risques de diffusion et d’utilisation par usurpation.

M. Julien Aubert. Ce débat extrêmement intéressant devrait être au cœur de l’examen de ce texte. La simplification des relations entre l’administration et les citoyens passe naturellement par les nouvelles technologies, par une meilleure coordination entre les administrations et, de ce fait, par une identification unique. Je comprends les arguments du secrétaire d’État : la tradition, incarnée par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), consiste en effet à diviser et à éviter de ne disposer que d’un seul numéro pour se prémunir contre un problème d’ordre systémique en cas de capture des informations.

Dans le même temps, l’essor des réseaux sociaux depuis une quinzaine d’années a bouleversé la protection des données personnelles. Les « GAFA » possèdent beaucoup plus d’informations sur chacun d’entre nous que l’État ou tel ministère, et personne ne s’en soucie. Je me demande s’il ne serait pas judicieux de vérifier si les arguments traditionnels donnés par le secrétaire d’État ne sont pas quelque peu dépassés et si, compte tenu de l’évolution des technologies, il n’est pas illusoire de s’accrocher à l’idée selon laquelle chaque citoyen ne doit pas se contenter d’un seul numéro d’identification puisque nous sommes entrés dans une nouvelle ère de relations cybercitoyennes.

Mme Véronique Louwagie. Les arguments du secrétaire d’État et du rapporteur ne me semblent pas recevables. Le numéro national d’identification figure déjà sur la carte Vitale, qui est souvent rangée à proximité de la carte d’identité et qui peut être volée tout aussi facilement. Le risque existe de toute façon ; faire figurer ce numéro sur la carte d’identité rendrait vraiment service aux citoyens.

M. le rapporteur. Il serait utile d’avoir ce débat en séance, afin que des précisions soient apportées quant à la stratégie de numérisation des documents du Gouvernement, sur laquelle M. Mahjoubi a ouvert des chantiers concrets. La question de l’identification fait référence au portail France Connect qui vise à réduire le nombre de clés d’accès aux administrations. La tendance est en effet à l’harmonisation des noms d’utilisateur et des mots de passe demandés sur les sites des administrations.

Se posent également des questions relatives à la protection des données personnelles, monsieur Aubert. Il se trouve que l’Assemblée sera prochainement saisie d’un projet de loi d’envergure européenne – et donc française – sur la protection des données personnelles. Ce sera l’occasion d’avoir ce débat – je le dis en anticipant sur vos amendements suivants. Le problème existe, même si l’on ne peut prétendre que nul ne se préoccupe de la gestion des données personnelles, des « cookies » et de l’identification par les « GAFA ». Encore une fois, le projet de loi sur la protection des données personnelles sera le véhicule idoine pour prolonger ce débat.

M. le secrétaire d’État. Je partage pleinement les propos du rapporteur tout en ajoutant qu’il faut conduire un travail approfondi de réforme de l’administration de l’État et de ses systèmes informatiques. M. Mahjoubi et ses services ont en effet établi que les agents de l’État disposent de plusieurs dizaines d’applicatifs différents qui ne communiquent pas entre eux et ne s’appuient pas sur les mêmes modalités d’identification ; a fortiori, l’identification est encore plus complexe pour les usagers. L’objectif est de numériser certains documents dans le respect de la protection des données personnelles tout en uniformisant les modes de connexion et d’accès afin que ni les usagers ni les agents ne soient tenus de suivre des procédures différentes pour accéder à des informations du même ordre.

La commission rejette l’amendement CS104.

Elle adopte l’article 23 modifié.

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Après l’article 23

La commission est saisie de l’amendement CS179 de M. Patrick Hetzel.

M. Frédéric Reiss. Cet amendement, qui ressemble à une petite proposition de loi, a trait à l’authenticité et à la sécurisation des pièces d’identité.

Aujourd’hui, la biométrie fait l’objet d’un encadrement strict, exigence qui s’impose aux pouvoirs publics comme aux entreprises privées. Cet encadrement est toutefois plus exigeant pour l’État que pour les sociétés commerciales. Cette situation est préjudiciable à l’État qui ne peut pleinement assumer ses obligations d’ordre public. Elle est également préjudiciable aux individus dont les données biométriques sont désormais à la libre disposition des entreprises privées.

Paradoxalement, si nos concitoyens sont protégés par le juge constitutionnel des dérives potentielles de l’État, ils ne le sont pas des dérives des sociétés commerciales. Celles-ci sont en mesure de collecter des informations biométriques dont l’utilisation n’est en réalité soumise qu’au contrat les liant à leurs clients. Ces sociétés et leurs contrats échappent d’ailleurs le plus souvent aux prescriptions constitutionnelles ou réglementaires françaises, pour motif d’extraterritorialité.

Ce déséquilibre n’a pas lieu d’être.

Cet amendement entend rétablir la création d’une carte nationale d’identité électronique et d’un passeport électronique utilisant des procédés d’identification biométrique. Le dispositif tient compte de la décision du Conseil constitutionnel au sujet de la loi du 27 mars 2012 relative à la protection de l’identité.

M. le rapporteur. Cet amendement ne se contente pas de ressembler à une proposition de loi, il reprend tout bonnement une proposition de loi déposée en 2014. Nous considérons qu’il traite de sujets qui trouveront mieux leur place dans le cadre de la discussion de la loi relative à la protection des données personnelles qui procédera notamment à la transposition du droit européen.

Par ailleurs, depuis 2014, le contexte réglementaire a évolué. Je citerai notamment le décret du 28 octobre 2016, qui nécessite de réactualiser votre argumentaire.

J’émets donc un avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. Ce décret encadre en effet les conditions de conservation et d'accès aux données biométriques des titulaires d'un passeport ou d'une carte nationale d’identité aux fins d'authentification. L’authentification du titulaire du titre vise à confirmer le lien entre l’identité déclarée et mentionnée sur le titre et le porteur du document au moyen de la comparaison de données biométriques. Cette finalité est conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Le décret énumère aussi les personnes autorisées à accéder aux données enregistrées. Cette liste relève du pouvoir réglementaire conformément à l’article 27 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

Nous aurons l’occasion lors des débats sur le projet de loi relatif à la protection des données personnelles d’aller plus loin dans nos échanges

Avis défavorable également.

M. Frédéric Reiss. Compte tenu des explications qui viennent d’être présentées par le rapporteur et le ministre, je retire l’amendement.

L’amendement CS179 est retiré.

 

La commission examine l’amendement CS803 de M. Laurent Saint-Martin.

M. Laurent Saint-Martin. Cet amendement concerne les Français de l’étranger qui ont des difficultés à présenter des justificatifs de domicile. Je veux parler entre autres des « nomades digitaux » ou des étudiants en césure qui vivent dans plusieurs pays différents au cours d’une même année. Il vise à les dispenser de présenter un tel justificatif lorsqu’ils déposent une demande de renouvellement de carte d’identité ou de passeport. Il leur serait demandé une simple déclaration sur l’honneur.

M. le rapporteur. Vos intentions sont louables. Reste que les discussions en cours à ce sujet n’ont pas encore abouti. Je vous suggère de retirer votre amendement pour le redéposer en séance.

M. le secrétaire d’État. Le Gouvernement s’engage à continuer à travailler pour trouver un dispositif sécurisé d’ici à la séance.

Mme Cendra Motin. Dans ma vie professionnelle, j’ai eu à traiter de cas de retours d’expatriation. Après dix ans de séjour à l’étranger, certaines personnes ne disposent plus forcément d’une adresse en France. La réinscription à la caisse primaire d’assurance maladie peut prendre plus de six mois, ce qui pénalise des familles entières. Il est important de trouver une solution.

M. Laurent Saint-Martin. Je retire mon amendement, espérant que nous nous accorderons sur un dispositif en séance.

L’amendement CS803 est retiré.

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Article 24
Habilitation à prendre par ordonnance des mesures permettant une expérimentation de la dématérialisation des actes détat civil établis par le ministère des affaires étrangères

Le présent article vise à habiliter le Gouvernement à prendre, par ordonnance, différentes mesures permettant la mise en œuvre d’une expérimentation de la dématérialisation des actes d’état civil établis par le ministère des affaires étrangères.

I.   L’État du droit

● Confiées sur le territoire national aux maires et à leurs adjoints ([78]), les fonctions d’état civil sont exercées, au sein du ministère des affaires étrangères, d’une part, par les chefs de mission diplomatique et chefs de poste de consulaire ([79]) et, d’autre part, par le service central d’état civil (SCEC) de Nantes. Ils exercent leurs missions sous le contrôle du procureur de la République près le tribunal de grande Instance de Nantes.

À l’étranger, les officiers d’état-civil des postes consulaires peuvent dresser les actes d’état-civil des ressortissants français ou procéder à la transcription des actes d’état-civil étrangers dans les registres d’état-civil français, cette dernière activité représentant 90 % des 100 000 actes générés par les postes consulaires chaque année.

Le SCEC de Nantes assure, pour sa part, la conservation et l’exploitation des quinze millions dacte état-civil dont il est le dépositaire. Il conserve en effet la totalité des actes d’état-civil établis par les postes consulaires ainsi que l’état-civil des Français issus des anciennes colonies. Il établit également les actes d’état-civil des personnes nées à l’étranger et qui acquièrent la nationalité française, soit environ 90 000 actes par an.

● Les règles applicables à l’établissement des actes et à la constitution des registres d’état-civil gérés par le ministère des affaires étrangères sont celles prévues pour les actes établis par les communes et sont précisées par le code civil.

L’acte d’état-civil n’est pas un document administratif : c’est un acte authentique, au même titre qu’un acte notarié ou qu’un jugement. Il doit sa valeur authentique au seul support papier dans lequel l’officier d’état-civil le consigne, en double exemplaire.

La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a toutefois  introduit, à l’article 40 du code civil, une dispense à la tenue de ce double registre à condition que la commune, ou le ministère des affaires étrangères, utilise un traitement automatisé des données répondant à des conditions de sécurité précisées par voie réglementaire.

La délivrance des copies ou actes d’état-civil ne peut, pour sa part, être assurée que sur support papier pour leur conférer valeur authentique : l’article 5 du décret n° 2017-890 du 6 mai 2017 relatif à l’état-civil précise en effet que « les actes de létat civil sont établis selon des procédés manuels ou informatisés. Toutefois, la signature de ces actes est toujours manuscrite. »

II.   le champ de l’habilitation

Le présent article propose de franchir une étape supplémentaire vers la dématérialisation de létat civil en mettant en œuvre une expérimentation, limitée au ministère des affaires étrangères, qui permette de dématérialiser l’établissement, la conservation, la gestion ainsi que la délivrance des actes d’état civil.

Cette habilitation doit permettre au Gouvernement de prendre différentes mesures d’ordre législatif pour adapter le droit civil afin que soient reconnus, en leur principe, l’acte de l’état civil électronique, le registre d’état civil électronique et, corrélativement, autorisée la délivrance de copies et extraits authentiques par voie dématérialisée. Il faudra donc créer un dispositif ad hoc, à la fois législatif et réglementaire, qui fonctionnera parallèlement au dispositif existant.

Cette expérimentation sera conduite pour une durée maximale de quatre années et permettra de préfigurer son extension aux communes du territoire national. Le déploiement de la dématérialisation sera progressif, le coût de la solution technique étant estimé au total à 8 millions d’euros, selon l’étude d’impact du projet de loi.

Pendant toute la durée de l’expérimentation, les officiers d’état civil continueront à assurer l’établissement, la conservation, la gestion et la délivrance des actes sur support papier. L’alinéa 2 du présent article précise en outre que lordonnance devra prévoir les conditions dun éventuel retour aux seules modalités actuelles, c’est-à-dire sur support papier.

Tel qu’il est défini par le présent article, le recours à une ordonnance paraît donc pleinement justifié et s’inscrit dans la démarche du Gouvernement visant à la fois à simplifier les démarches des usagers et à garantir une plus grande sécurité à ces différentes démarches.

III.   La position de la commission spÉciale

La commission spéciale a adopté l’article mais a réduit, à l’initiative de Mme Laure de la Raudière, la durée de l’expérimentation de quatre à trois ans, afin de l’aligner sur les durées des autres expérimentations prévues par le texte.

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La commission est saisie d’un amendement CS422 de Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Je demande à nouveau que la durée des expérimentations soit portée de trois à quatre ans afin de faciliter leur suivi, que ce soit par le Gouvernement ou par le Parlement. M. Darmanin, hier, a trouvé cette démarche très intéressante… (Sourires.)

M. le rapporteur. Je ne suis pas favorable à ce que l’on fixe une durée uniforme pour toutes les expérimentations. Elle doit varier, à mon sens, selon chaque type d’expérimentation. En l’occurrence, je suis favorable à une durée de quatre ans en matière d’actes d’état civil établis par le ministère des affaires étrangères.

M. le secrétaire d’État. Il s’agit d’un amendement frappé au coin du bon sens : avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle est saisie de l’amendement CS438 de Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Mon amendement vise à permettre de tester, dans le cadre de cette expérimentation, la technologie des chaînes de bloc – dite blockchain – qui repose sur l’enregistrement électronique des données dans un registre partagé permettant l’authentification des actes d’état civil. S’il paraît important de le préciser dans la loi, c’est que la législation actuelle peut comporter des dispositions qui empêchent l’utilisation de cette technologie intéressante pour réduire les coûts et rendre plus efficace l’utilisation des registres.

M. le rapporteur. Je ne nie pas l’intérêt des chaînes de bloc, technologie qui porte en elle des solutions d’avenir pour le partage des informations. Je considère toutefois qu’il n’est pas pertinent d’inscrire cette possibilité dans la loi. Il revient au Gouvernement de choisir les solutions techniques les plus adaptées. Avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. Pour le Gouvernement, il s’agit d’un problème de niveau réglementaire. Ce dispositif n’a pas à figurer dans la loi d’habilitation.

Sur le fond, une telle innovation rompant avec l’organisation actuelle de l’état civil français, il apparaît peu approprié pour le Gouvernement de s’engager dans cette voie sans une étude technique préalable et sans une consultation portant sur les incidences d’une décentralisation de l’enregistrement des actes de l’état civil.

De plus, les chaînes de bloc constituent un système de sécurisation des transactions qui nous paraît éloigné de la création d’actes authentiques. L’État dispose déjà d’un système de gestion de la délivrance sécurisée des données de l’état civil reposant sur une signature électronique.

Enfin, il convient de souligner qu’aucun pays européen n’envisage aujourd’hui l’utilisation des chaînes de bloc pour la gestion de l’état civil. Compte tenu des principes régissant la circulation des actes d’état civil en Europe, il nous paraît difficile que la France s’engage seule dans cette voie.

Mme Laure de La Raudière. Les avis du rapporteur et du secrétaire d’État me laissent perplexe. Mon amendement vise à ouvrir une simple possibilité, non à instaurer une quelconque obligation. Et je suis certaine que les freins de la législation actuelle empêcheront de procéder à l’expérimentation des chaînes de bloc en matière d’état civil dans les quatre ans qui viennent. Or, l’évolution des technologies est si rapide qu’il serait dommage de se priver d’expérimenter une innovation qui permet d’authentifier des actes.

La réponse qui vous a été fournie n’est pas juste, monsieur le secrétaire d’État. Je vous en apporterai la démonstration en séance. Je conçois que ce dispositif n’ait pas été suffisamment expertisé par le Chancellerie mais vous ne pouvez pas me dire qu’il s’agit d’une mesure d’ordre réglementaire. C’est bien par la loi qu’une telle expérimentation doit passer. On ne peut opposer un « Circulez, il n’y a rien à voir ».

M. Philippe Gosselin. Au moment même où nous discutons de l’amendement de notre collègue, la commission des lois se penche sur la création d’une mission d’information sur les chaînes de bloc. Le sujet ne me semble pas devoir être écarté.

M. le rapporteur. Par prudence, je vous demande de retirer votre amendement pour le redéposer en séance, madame de La Raudière. Les chaînes de bloc n’ont rien d’un petit sujet : elles réclament de l’expertise.

M. le secrétaire d’État. Il est bien évidemment impensable pour nous de considérer qu’il nous suffirait de dire : « Circulez, il n’y a rien à voir ». La mission évoquée par Philippe Gosselin nous apportera des éléments utiles tout comme les arguments que présentera Mme de La Raudière en séance. Nous connaissons votre engagement dans ce domaine, madame la députée, et je ne peux pas prétendre avoir la même maîtrise que vous de ces sujets – vous avez eu raison de souligner que ma réponse se fondait sur un argumentaire qui m’avait été transmis.

M. Arnaud Viala. Les travaux de cette commission sont assez longs et fastidieux pour qu’on ne leur enlève pas, article après article, toute substance en renvoyant toutes les discussions à la séance. La commission doit pouvoir apporter sa pierre en enrichissant le texte. J’ai l’impression que le bilan des amendements adoptés n’est pas bien épais.

Mme Alice Thourot. Les chaînes de bloc constituent une technologie passionnante qui mérite qu’on s’y intéresse, mais cet amendement me paraît davantage relever du domaine réglementaire.

M. Julien Aubert. Méfions-nous de la démocratie des experts. Pourquoi renvoyer systématiquement les sujets abordés à des analyses supplémentaires ? Le Parlement est composé d’hommes et de femmes qui ont leurs compétences et qui sont appelés à se prononcer sur des principes. C’est le cas ici. Il s’agit de savoir si nous pouvons expérimenter un dispositif d’enregistrement électronique issu d’une innovation technologique. Pour ma part, j’y suis favorable car j’y vois une avancée sociale : il améliore l’authentification des actes. Si cet amendement est voté, il reviendra au Gouvernement d’en déterminer les modalités pratiques. Il ne s’agit même pas d’une obligation mais d’une simple possibilité. Si nous commençons à reculer face à de simples possibilités, ce sera le règne du droit mou !

M. Philippe Gosselin. Il faut bien voir que la possibilité de recourir à cette technologie se ferait à travers une expérimentation, c’est-à-dire de façon extrêmement encadrée. Elle ne comporte aucun risque. L’adoption de cet amendement ne mettrait personne dans l’embarras et ne créerait aucun précédent. Libre au Gouvernement, une fois cette expérimentation faite, de la généraliser ou pas.

Mme Jeanine Dubié. Je voudrais soutenir cet amendement. Il est de plus en plus question des chaînes de bloc. Il est certain que le développement de cette technologie aura un impact d’une manière ou d’une autre sur l’organisation de l’administration. Elle verra émerger de nouvelles compétences et aura des incidences sur la nature des emplois. Il n’y a rien d’illégitime à ce que le Parlement s’empare de cette question. Elle ne doit pas être réduite au domaine réglementaire car elle n’est pas seulement technique.

M. Éric Bothorel. Je souscris, à titre personnel, à l’amendement de Laure de La Raudière qui, en offrant la possibilité de tester cette technologie, ouvre des perspectives.

M. le rapporteur. Monsieur Viala, une petite précision : nous avons déjà adopté quatre-vingt-seize amendements, ce qui n’est pas mince.

Cet amendement pourrait être suivi par toute une série d’amendements demandant que l’expérimentation puisse porter sur le format HTML5 ou sur le code Python. En séance, il faudra apporter la démonstration que la législation actuelle empêche d’expérimenter les chaînes de bloc. Si vous le prouvez, alors j’émettrai un avis favorable à votre amendement, madame de La Raudière. À ce stade de nos débats, je ne suis pas convaincu que le droit actuel soit un obstacle.

Mme Laure de La Raudière. Je retire cet amendement et je vous remercie de cette discussion.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 24 modifié.

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Après l’article 24

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CS13 de M. Julien Aubert et CS125 de Mme Véronique Louwagie et l’amendement CS288 de M. Hervé Pellois.

M. Julien Aubert. Le processus de dématérialisation de la délivrance des cartes grises connaît de multiples dysfonctionnements. Des milliers de dossiers sont aujourd’hui bloqués. Je propose que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur ce fiasco. Certes, les conséquences sont moins graves que pour les permis de conduire ou les passeports. Reste que cette expérience est riche d’enseignements. Nous avons trop tendance à considérer que la dématérialisation est synonyme d’efficacité administrative. C’est totalement faux. Les échecs des applications LOUVOIS ou Chorus nous l’ont déjà montré. Ces progiciels sont généralement d’abord conçus pour des entreprises. Or l’État, n’en déplaise à certains, n’est pas une entreprise. De surcroît, même s’ils ont été élaborés pour de très grandes entreprises comptant 200 000 à 300 000 salariés, le passage à une administration gérant des millions de dossiers ne va pas sans mal. Toute personne qui a manié un jour un tableau Excel sait que le nombre peut tuer la technologie.

Cela doit nous amener à réfléchir sur la philosophie de ce texte qui manifeste une confiance sans faille dans la technologie appliquée à l’administration. De manière très pragmatique, cet amendement nous permettra de corriger le tir en nous permettant de savoir les raisons des problèmes rencontrés dans la dématérialisation des cartes grises.

Mme Véronique Louwagie. Mon amendement est identique. Nous demandons un rapport sur les dysfonctionnements constatés lors du processus de dématérialisation, sur les moyens mis en œuvre pour y remédier et le manque d’accompagnement des usagers par l’administration.

L’un des points à élucider est aussi de savoir pourquoi la généralisation a abouti à cet échec alors que l’expérimentation, menée dans vingt départements, a donné des résultats concluants. À l’heure où nous nous penchons sur la mise en œuvre de nouvelles expérimentations – et je suis tout à fait favorable au principe de l’expérimentation –, il serait bon d’avoir des éclaircissements à ce sujet. Cela nous permettrait d’éviter à l’avenir certains écueils.

M. Hervé Pellois. Mon amendement vise aussi à demander un rapport pour mettre au jour les causes de la saturation de la plateforme et tirer les enseignements en vue de l’extension de la dématérialisation à d’autres documents administratifs. La date que j’ai retenue pour la remise du rapport me paraît toutefois moins heureuse que celle choisie par mes collègues.

M. le rapporteur. Beaucoup de personnes sont concernées par ces problèmes et le point le plus important est que le ministère de l’intérieur le règle en se mobilisant sur le terrain.

Cela dit, je suis très sensible à vos remarques sur l’expérimentation. C’est vrai que cette généralisation pose question. Il faut trouver où se situent les dysfonctionnements, qui sont indéniables, mais aussi, dans une approche globale, mettre en avant les points positifs. Pour ce faire, il serait bon de disposer de chiffres.

Je vous demanderai à ce stade de retirer vos amendements.

M. le secrétaire d’État. La dématérialisation de la délivrance des cartes grises est entrée dans sa phase active le 6 novembre 2017, et plus d’un million de cartes grises ont déjà été délivrées aux demandeurs dans ce cadre. Cependant des dysfonctionnements sérieux ont obéré l’efficacité des téléprocédures, ralenti le traitement de certaines demandes et entraîné des nuisances pour des usagers spécifiques, entreprises et professionnels de l’automobile. Le Gouvernement le reconnaît.

Le ministère de l’intérieur a immédiatement pris la mesure de ces difficultés et l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) a été chargée, dans le cadre de ses missions, de livrer des correctifs en relation avec les prestataires de services informatiques qui assurent la maintenance des applications. Ces corrections sont en cours et se poursuivront jusqu’à la fin du mois de mars 2018. Au-delà des corrections techniques, la mise en place d’un site internet plus ergonomique en février 2018 contribuera aussi à améliorer la situation.

Par ailleurs, nous avons mis en place deux types de soutien aux usagers : des tutoriels portant sur chacune des téléprocédures sont consultables sur le site de l’ANTS ; trois cents points numériques ont été installés dans les préfectures ou sous-préfectures pour permettre à ceux de nos concitoyens qui ne disposent pas de moyens informatiques d’avoir accès aux services et de bénéficier d’un accompagnement de la part de médiateurs numériques.

Par ailleurs, si une téléprocédure réalisée à domicile n’aboutit pas, elle est désormais automatiquement orientée vers l’une des neuf plateformes où des agents traitent les dossiers et demandent le cas échéant des informations complémentaires. Pour les professionnels, le ministère a un contact régulier avec l’ensemble des organisations représentatives.

L’Agence a, en outre, considérablement renforcé l’effectif des téléconseillers. Ils étaient 48 au début de l’année 2017, 93 en octobre 2017, et seront 170 à la fin du mois de janvier 2018.

Le travail de résolution des difficultés est donc largement engagé. Sur le plan technique, il doit aboutir en mars prochain.

Les amendements proposés prévoient la remise d’un rapport après la promulgation de la loi. Or, d’ici là, les mesures correctives auront produit leurs effets, ce qui ôte à ce document une grande part de son utilité pratique. Compte tenu des impératifs de la navette, cette promulgation ne pourra en effet intervenir avant la fin du mois de mars.

Le Gouvernement tirera les enseignements de la dématérialisation des demandes de cartes de grise dans la mise en œuvre de toutes les mesures de dématérialisation des procédures administratives à venir.

Je vous demanderai de bien vouloir retirer vos amendements.

M. Philippe Gosselin. Les très nombreux articles que la presse quotidienne régionale consacre à ce fiasco montrent que les difficultés concernent l’ensemble du territoire. Des comités d’usagers se sont organisés. Ils sont très en colère. Les cartes grises ne peuvent pas être délivrées. À cet égard, la question ne saurait être de faciliter l’accès au numérique puisque la plateforme générale elle-même ne fonctionne pas. À cela s’ajoute le fait qu’il faut avoir noté un numéro pour réussir à accéder à son dossier. Les particuliers sont obligés d’avoir recours aux professionnels, les garagistes pour dire les choses clairement, qui leur facturent la demande de carte grise à des tarifs allant de 30 euros à 200 euros.

Quand l’usager arrive enfin à obtenir son document, c’est souvent hors délai. Certains automobilistes se sont vu appliquer des amendes pour non-présentation de carte grise dans les délais impartis.

Je prends acte de la volonté du Gouvernement d’améliorer rapidement les choses. C’est une nécessité. Mais il faut tirer de cet échec d’autres conclusions.

Premièrement, les expérimentations doivent être particulièrement bien encadrées et menées sérieusement avant qu’une généralisation puisse être envisagée. La simplification doit être efficace dans la durée.

Deuxièmement, la simplification n’est pas synonyme de dématérialisation à tout-va. Les téléprocédures ne sont pas l’alpha et l’oméga de l’action publique, qu’il s’agisse de l’État ou des collectivités. Il faut trouver un bon équilibre en maintenant des points d’accès physiques.

M. Julien Dive. Le texte vise à renforcer la confiance entre l’État et les citoyens. Et cette dématérialisation des cartes grises illustre parfaitement ce qu’il ne faut pas faire : généraliser une procédure à partir d’une expérimentation qui a connu quelques échecs et mener ce processus brutalement sans passer par une phase transitoire.

Dans ma circonscription, à Saint-Quentin, un commerçant m’a expliqué n’avoir tout simplement pas pu procéder au transfert de la carte grise belge du véhicule qu’il avait acheté de l’autre côté de la frontière. Aucune rubrique de la téléprocédure ne le prévoyait. Auparavant, il pouvait s’adresser à des fonctionnaires de l’administration et expliquer son cas. Désormais, il est face à un écran d’ordinateur qui ne propose pas d’options adéquates.

Dans ces conditions, l’idée de demander un rapport ne me paraît pas dénuée de sens.

M. Julien Aubert. Je vais retirer mon amendement, et ce sera une preuve de la confiance que nous acceptons de faire au Gouvernement – ce qui n’est jamais facile quand on est dans l’opposition… (Sourires.) Si les mesures correctives n’ont pas l’effet désiré, nous pourrons nous retourner vers vous et en tirer les conséquences pour la suite.

Mme Véronique Louwagie. Monsieur le rapporteur, je suis d’accord avec vous quand vous dites que la priorité est de régler les difficultés. À cet égard, je salue les actions engagées par le Gouvernement en ce sens.

Toutefois, je le répète, mon propos est avant tout de chercher à comprendre pourquoi la généralisation d’une expérimentation ayant recueilli de bons résultats a entrainé un bogue de cette nature. Il faut en tirer les enseignements qui s’imposent alors que le Gouvernement s’apprête à lancer un grand nombre d’expérimentations. Cela permettrait d’éviter que des situations de même nature ne se reproduisent. Faut-il mettre en place une phase transitoire, prévoir un tuilage, faire fonctionner en même temps des dispositifs dématérialisés et non dématérialisés ? C’est sur cela que porte mon rapport.

M. Hervé Pellois. Je vais à mon tour retirer mon amendement.

Les amendements CS13 et CS 288 sont retirés.

La commission rejette l’amendement CS125.

 

Elle en vient à l’amendement CS106 de M. Arnaud Viala.

M. Arnaud Viala. Cet amendement vise à demander un rapport sur la mise en place systématique de la dématérialisation des inscriptions sur les listes électorales. Près de 6,5 millions d’électeurs sont inscrits dans un bureau ne correspondant pas à leur lieu de résidence effective et 3 millions ne sont pas inscrits du tout. Même si des dispositions ont été adoptées pour réformer les règles d’inscription sur les listes électorales, une mesure s’impose : la mise en place systématique de la dématérialisation des inscriptions sur les listes électorales. C’est une demande formulée par un grand nombre de maires.

M. le rapporteur. Je ne suis pas favorable à ce que ce sujet figure dans le projet de loi. Lorsqu’il a été question, dans la phase préparatoire du texte, de l’intégrer, j’ai fait part de mes réticences. La dématérialisation totale pose plusieurs problèmes, notamment l’accès des personnes âgées.

M. le secrétaire d’État. Nous considérons que cet amendement est largement satisfait. La mise en place systématique de la dématérialisation des inscriptions sur les listes électorales a été introduite par l’ordonnance du 6 novembre 2014 relative au droit des usagers de saisir l’administration par voie électronique, une ordonnance devenue effective depuis le 7 novembre 2016 pour les collectivités territoriales, leurs établissements publics et les EPCI. La première des obligations imposées aux collectivités territoriales par cette ordonnance concerne la mise en place d’un téléservice permettant aux usagers de procéder par voie électronique à certaines démarches, dont celles relatives à l’inscription sur les listes électorales. À cet égard, il incombe à chaque collectivité d’informer le public des téléservices mis en place ; une fois informé, le public ne peut recourir à d’autres modalités de saisine par voie électronique. Toutefois, à défaut d’information du public, tout type d’envoi électronique est admis, et la commune ne peut refuser de traiter la demande d’inscription, quel que soit le format de la saisine électronique. Dans la mesure où l’objectif de dématérialisation des inscriptions est largement satisfait, je souhaite le retrait de cet amendement.

M. Thibault Bazin. Pour ma part, je ne pense pas que cet amendement soit satisfait, car les communes rurales n’ont pas toutes les moyens d’inciter les usagers à recourir aux téléservices et, dès lors, c’est à l’État qu’il appartient de mettre en place les possibilités de dématérialisation. Nous savons tous qu’il y a des trous dans la raquette et qu’il convient d’y remédier.

La commission rejette l’amendement.

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Article 25
(article L. 521-3-1 du code monétaire et financier et article 21 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de lÉtat)
Dons par SMS aux associations cultuelles

Le présent article complète la transposition qui avait été faite, en 2016, de la directive 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 pour permettre aux associations cultuelles de bénéficier de la possibilité, comme en disposent déjà les organismes faisant appel à la générosité du public, de dons par SMS.

I.   l’État du droit

● Les associations cultuelles sont, selon les dispositions de l’article 18 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, « formées pour subvenir aux frais, à lentretien et lexercice public dun culte ». Pour bénéficier de ce statut, elles doivent satisfaire plusieurs conditions, notamment celles d’être déclarées comme association loi 1901, comprendre un certain nombre de membres, tenir une assemblée générale annuelle et avoir pour objet exclusif l’exercice public d’un culte et respecter l’ordre public.

Leur caractère cultuel leur interdisant de recevoir des subventions publiques, leurs ressources proviennent des cotisations de leurs membres, du produit des quêtes et collectes, libéralités ou encore d’apports en numéraires ou en biens meubles et immeubles. Elles bénéficient par ailleurs de certains avantages fiscaux.

● La loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique a transposé en droit interne plusieurs dispositions de la directive 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement dans le marché intérieur.

Les articles L. 521-3-1 et L. 525-6-1 du code monétaire et financier, introduits par la loi du 7 octobre 2016, permettent ainsi aux opérateurs de télécommunications électroniques de collecter des promesses de dons pour le compte dorganismes faisant appel à la générosité du public au sens de la loi n° 91-772 du 7 août 1991, c’est-à-dire ceux qui soutiennent « une cause scientifique, sociale, familiale, humanitaire, philanthropique, éducative, sportive, culturelle ou concourant à la défense de lenvironnement » ([80]).

Les opérateurs peuvent proposer ce service dans le cadre de collectes de dons par ces organismes, dans la limite de 50 euros par opération et de 300 euros par abonné, après déclaration auprès de l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).

Les associations cultuelles sont en revanche exclues du bénéfice de ce mode de collecte puisque l’exercice d’un culte n’est pas mentionné dans la liste des causes défendues par les organismes faisant appel à la générosité du public énoncées à l’article 3 de la loi du 7 août 1991. Si le 1) de l’article 3 de la directive européenne faisait mention « d’activités caritatives », laissant ensuite le soin aux États membres de déterminer les organismes et activités concernées, le législateur français a, en 2016, choisi de limiter le champ de ce dispositif aux seuls organismes de la loi du 7 août 1991.

II.   lE dispositif PROPOSÉ

● Le I du présent article complète les articles L. 521-3-1 et L. 525-6-1 du code monétaire et financier pour inclure dans leur champ les associations cultuelles ainsi que les établissements publics des cultes reconnues d’Alsace‑Moselle. Tous pourront ainsi désormais recevoir des dons par SMS, collectés pour leur compte par les opérateurs de télécommunications, comme c’est le cas pour les organismes faisant appel à la générosité du public.

En facilitant pour les cultes le développement de leurs ressources propres, ce dispositif s’inscrit pleinement dans l’esprit de la loi de 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État. Il s’agit de promouvoir l’équilibre financier des associations cultuelles, et ainsi de rendre superflu un subventionnement public.

La rédaction proposée permet d’inclure toutes les associations dont l’objet exclusif est l’exercice d’un culte, quelle que soit la religion concernée.

● Le II du présent article complète la loi du 9 décembre 1905 pour étendre aux associations cultuelles l’obligation, prévue par l’article 3 de la loi du 7 août 1991 pour les organismes faisant appel à la générosité du public, de faire une déclaration préalable au représentant de l’État.

III.   LA POSITION DE LA COMMISSION SPÉCIALE

La commission spéciale a adopté un amendement de votre rapporteur qui inscrit dans cet article lobligation pour les associations cultuelles détablir des comptes annuels, initialement prévue par l’article 38 du projet de loi, mais qui trouve mieux sa place ici.

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La commission examine l’amendement CS347 de M. Julien Dive.

M. Julien Dive. L’article 25 offre un nouveau moyen d’effectuer des dons aux associations cultuelles, en permettant de donner par SMS. Si nous ne contestons pas la pertinence de cette disposition, nous estimons qu’elle constitue un véritable cavalier législatif. Par ailleurs, les dons aux associations donnant lieu à une déduction fiscale s’élevant à 66 %, il me semble qu’une telle proposition devrait être assortie, si ce n’est d’une étude d’impact, au moins d’une estimation de son coût réel.

M. le rapporteur. Pour ce qui est de la notion de votre remarque sur la notion de cavalier législatif, comme vous le savez, cette notion s’applique aux amendements déposés en première lecture, et non aux articles initiaux d’un projet de loi, et je suis persuadé que, si le Conseil constitutionnel est amené à se prononcer sur cette question, il jugera qu’il ne s’agit pas d’un cavalier.

Sur le fond, je reconnais qu’il est permis de se demander si cet article a un rapport direct avec le reste du texte. En l’état actuel du droit, il est déjà permis de faire des dons aux associations cultuelles, et l’article 25, qui permet de le faire par SMS, constitue une mesure de modernisation et de simplification par rapport au dispositif existant.

J’ajoute qu’il s’agit là de la concrétisation d’un engagement pris par la majorité précédente auprès des associations cultuelles, et renouvelé par la majorité actuelle. Au moment de transposer une directive européenne de 2015 dans le cadre de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, le législateur s’est demandé si le terme anglais charities pouvait inclure les dons aux œuvres et aux associations cultuelles ; cela avait donné lieu à des discussions, à l’issue desquelles le choix avait été fait de ne pas inclure le don aux cultes.

Ainsi, toutes les autres organisations type « loi de 1901 » pouvaient bénéficier du don par SMS – selon des modalités très encadrées, impliquant que les opérateurs concernés fassent des déclarations très précises, que les dons soient inférieurs à 50 euros et que leur total n’excède pas 300 euros par personne et par mois –, à l’exception des associations cultuelles. Il s’agit donc ici de permettre une transposition complète de la directive européenne de 2015.

Cette mesure de modernisation peut soulever deux questions. Premièrement, les associations cultuelles, qui peuvent déjà recevoir des dons, doivent-elles pouvoir le faire par SMS, comme toutes les autres associations ? Pour ma part, je ne vois pas pourquoi elles ne le devraient pas. Deuxièmement, quel est véhicule législatif adéquat pour cette disposition ? Je vous le dis très honnêtement : si nous ne l’intégrons pas à ce texte, nous n’aurons pas d’autre occasion de l’adopter au cours du quinquennat, car aucun autre texte ne permettra de le faire.

En tant que rapporteur, je suis favorable à cette disposition, et je proposerai d’ailleurs un amendement à l’article 25 visant à imposer aux associations cultuelles de déposer des comptes annuels, ce qui n’est pas le cas actuellement – elles n’ont cette obligation que dans certains cas. Je suis donc défavorable à l’amendement de suppression de l’article 25.

M. le secrétaire d’État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, pour les mêmes raisons que celles qui viennent d’être exposées par M. le rapporteur. Premièrement, nous ne considérons pas qu’il s’agisse d’un cavalier, conformément à ce qu’il ressort de l’avis du Conseil d’État. Deuxièmement, nous estimons que la disposition en question a tout à fait vocation à s’intégrer au présent texte, puisqu’il s’agit d’une mesure d’égalité, visant à ce que les associations cultuelles bénéficient du même régime que les autres associations pour ce qui est des dons par SMS.

Sur le fond, comme cela a été dit, cette mesure de modernisation vient concrétiser des engagements pris précédemment, tout en étant assortie de limites protectrices pour les personnes ayant recours à cette nouvelle possibilité.

Le Gouvernement sera également favorable à l’amendement proposé par M le rapporteur au présent article, visant à ce que le nouveau moyen technique de recueillir des dons, dont vont bénéficier les associations cultuelles, soit assorti d’une obligation nouvelle consistant à déposer des comptes annuels certifiés.

M. Arnaud Viala. Je suis cosignataire de l’amendement présenté par M. Dive, et j’adhère totalement à l’argumentaire qu’il a exposé. Sur l’amendement précédent, le rapporteur nous avait dit que la dématérialisation des listes électorales n’entrait pas vraiment dans le périmètre du texte, tandis que le ministre affirmait que l’amendement était satisfait. Pour ce qui est du présent amendement, par contre, il nous entraîne dans un débat de fond sur les cultes qui n’a pas du tout lieu d’être dans le cadre de l’examen d’un texte sur la société de confiance. Il nous dit vouloir faire bénéficier les associations cultuelles des dispositions existant pour d’autres associations, fort bien, mais cela n’a rien à voir avec le périmètre du texte qui nous a été présenté par le ministre Darmanin.

M. le rapporteur. Certes, en tant que rapporteur, j’aurais préféré vous présenter un texte pur et parfait sur la société de confiance. Cela étant, je maintiens que la notion de cavalier législatif est réservée aux amendements et que le Gouvernement est maître d’intégrer à un projet de loi les dispositions qu’il souhaite y voir figurer. Considérant qu’il n’y aura pas d’autre occasion d’intégrer cette disposition, il a été décidé, dans un souci de réalisme, de l’intégrer au présent texte. Cela ne justifie pas pour autant d’ouvrir de grands débats sur la loi de 1905. Il se trouve qu’en 1905, les SMS n’existaient pas, et qu’il est aujourd’hui nécessaire de moderniser la loi sur ce point. En résumé, j’assume le bien-fondé de la mesure proposée sur le fond et, pour ce qui est de son lien avec le texte, je vous ai dit ce qui justifie qu’elle y figure.

M. Éric Pauget. Pour ma part, je regrette que l’examen de ce projet de loi sur la société de confiance soit l’occasion de remettre en cause l’un des grands textes fondant notre République. La disposition proposée appelle un débat de fond, qui n’a assurément pas sa place ici : si l’on souhaite faire évoluer la loi de 1905, il faut le faire d’une autre manière.

M. Laurent Saint-Martin. Si je comprends l’émoi que l’article 25 peut susciter, il me semble qu’il ne faut pas surestimer sa portée : il ne modifie pas véritablement la loi de 1905, qu’il met simplement à jour, en permettant que les SMS, qui n’existaient pas en 1905, puissent être utilisés pour faire des dons aux associations cultuelles, comme c’est déjà le cas pour les autres associations. Voyons cet amendement pour ce qu’il est, à savoir une mesure de simplification.

M. Julien Dive. C’est vrai, les SMS n’existaient pas en 1905. Cependant, les messageries privées du type WhatsApp ou Telegram, ou encore celles passant par les réseaux sociaux, n’existaient pas non plus il y a quelques années. Dès lors, si vous voulez moderniser la loi, pourquoi ne prenez-vous pas en compte toutes ces nouvelles messageries ?

M. le rapporteur. Savez-vous que, si elle est adoptée, la mesure proposée constituera la cinquante-deuxième modification de la loi de 1905 ? Or, il n’y a pas eu cinquante-deux grands textes sur la laïcité depuis 1905… En réalité, cette loi a été régulièrement toilettée au fil du temps.

Pour ce qui est des modalités de don, il me paraît raisonnable que nous nous en tenions à la réflexion en profondeur qui avait été faite dans le cadre de l’examen de la loi pour une République numérique en 2016, et que nous nous alignions sur ce qui avait alors été envisagé au sujet des modalités de don, à savoir un élargissement limité aux dons par SMS.

La commission rejette l'amendement.

 

Elle est saisie de l’amendement CS914 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’amendement CS914 a pour objet d’inscrire dans l’article 25 l’obligation pour les associations cultuelles d’établir des comptes annuels. Cette obligation, initialement inscrite à l’article 38 du projet de loi, trouve en effet mieux sa place ici, où elle vient assortir la possibilité nouvelle de faire des dons par SMS.

M. le secrétaire d’État. Je suis favorable à cet amendement.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Pouvez-vous me préciser si les dons par SMS sont limités, pour les associations cultuelles, aux activités caritatives ?

M. le rapporteur. Les associations cultuelles ont un objet très strictement défini. Ainsi, alors qu’une association paroissiale, de type « loi de 1901 », peut avoir un objet plus ouvert, une association cultuelle, définie par la loi de 1905, doit avoir pour seul objet que l’exercice du culte. Les ressources dont bénéficient les associations de type « loi de 1905 » doivent donc être strictement dédiées à l’exercice du culte. En ce sens, l’obligation d’établir des comptes annuels est un exercice de transparence totale.

M. Mohamed Laqhila. Aujourd’hui, toutes les associations établissent des comptes – qui, pour certaines d’entre elles, doivent être certifiés. Nous ne pouvons que souscrire à cet amendement visant à davantage de transparence.

La commission adopte l'amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CS867 du rapporteur.

L’amendement CS694 de M. Laurent Saint-Martin est retiré.

La commission adopte l’article 25 modifié.

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Article 25 bis (nouveau)
Remise au Parlement dun rapport du Gouvernement sur les obligations comptables des associations cultuelles

Issu d’un amendement de M. Boris Vallaud et du groupe Nouvelle Gauche, le présent article a pour objet de demander au Gouvernement la remise au Parlement d’un rapport précisant les obligations comptables des associations cultuelles.

Les obligations comptables des associations cultuelles régies par la loi du 9 décembre 1905 sont aujourd’hui soumises à la tenue d’une comptabilité dont le degré et la nature dépendent de leur taille, de leurs sources de financement ou encore de leur activité. Or, depuis les modifications apportées par l’ordonnance n° 2015904 du 23 juillet 2015 portant simplification du régime des associations et des fondations, elles ne sont plus tenues d’établir un état des recettes et des dépenses ainsi qu’un compte financier.

Il s’agit donc de demander au Gouvernement de préciser les raisons pour lesquelles les associations cultuelles bénéficient d’un régime dérogatoire par rapport aux autres associations, qui sont elles soumises à l’obligation de tenir une comptabilité.

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La commission est saisie de l’amendement CS823 de M. Boris Vallaud.

M. Boris Vallaud. Je crains que l’amendement CS823 ne soit devenu sans objet, puisque l’obligation d’établir des comptes pour les associations cultuelles est rétablie.

M. le rapporteur. En fait, je m’apprêtais à donner un avis favorable à cet amendement, afin que nous allions au bout de notre démarche en ce qui concerne les obligations comptables des associations cultuelles. L’amendement visant à ce que soit établi un bilan général de ces obligations, je suis favorable à une disposition visant à sécuriser les mesures que nous allons prendre.

M. Boris Vallaud. Face à la bienveillance du rapporteur, je maintiens mon amendement… (Sourires.)

M. le secrétaire d’État. Je me range à l’avis du rapporteur, et émets un avis de sagesse plutôt favorable.

La commission adopte l'amendement.

Chapitre II
Une administration moins complexe

Article 26
Habilitation du Gouvernement à instituer, par ordonnances, un « permis de faire » dans la construction

I.   l’État du droit

Les règles applicables au secteur du bâtiment sont fixées par le code de la construction et de lhabitation, en particulier par son titre premier, qui concerne la construction des bâtiments, et par son titre II, qui concerne la sécurité et la protection des immeubles. En nombre considérable, ces règles touchent aussi bien à la performance énergétique et environnementale des bâtiments quà leurs caractéristiques acoustiques, à leur accessibilité pour les personnes handicapées ou à mobilité réduite ou à leur protection contre le feu.

La complexité croissante de ces règles, corrélative d’une difficulté également croissante, pour l’administration, à contrôler leur application, mais aussi d’une activité empêchée de l’ensemble de ce secteur, a conduit le législateur à substituer, à titre expérimental, à lobligation de les respecter strictement, soit une obligation de moyens, une obligation de résultat, devant permettre de maintenir un niveau suffisant de conformité des bâtiments tout en diversifiant les moyens dy parvenir.

Larticle 88 de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à larchitecture et au patrimoine a ainsi prévu le dispositif suivant : « à titre expérimental et pour une durée de sept ans à compter de la promulgation de la présente loi, l’État, les collectivités territoriales ainsi que leurs groupements et les organismes d’habitations à loyer modéré mentionnés à l’article L. 411-2 du code de la construction et de l’habitation peuvent, pour la réalisation d’équipements publics et de logements sociaux, déroger à certaines règles en vigueur en matière de construction dès lors que leur sont substitués des résultats à atteindre similaires aux objectifs sous-jacents auxdites règles. Un décret en Conseil d’État fixe les règles qui peuvent faire l’objet de cette expérimentation, notamment en ce qui concerne les matériaux et leur réemploi, ainsi que les résultats à atteindre qui s’y substituent. Il détermine également les conditions dans lesquelles l’atteinte de ces résultats est contrôlée tout au long de l’élaboration du projet de construction et de sa réalisation. ».

Le décret n° 2017-1044 du 10 mai 2017 portant expérimentation en matière de construction a précisé les modalités de cette expérimentation ; il a, en particulier, limité la possibilité de substituer aux obligations de moyens, des obligations de résultats à deux champs : celui de la protection contre les risques d’incendie et de panique, et celui de l’accessibilité des bâtiments neufs aux personnes handicapées ou à mobilité réduite.

Votre rapporteur a interrogé le Gouvernement sur la mise en application de cette disposition. Il lui a été indiqué qu’aucune demande de dérogation n’avait été déposée sur son fondement.

II.   les dispositions du projet de loi

Cet article prévoit deux habilitations du Gouvernement à prendre par  ordonnance des mesures relevant du domaine de la loi.

La première habilitation, prévue au I (alinéas 1 à 4), autorise le Gouvernement à prendre, dans un délai de trois mois suivant la publication de la loi, toute mesure visant à faciliter la réalisation de projets de construction et à favoriser l’innovation dans ce secteur.

Son (alinéa 2) prévoit que cette ordonnance fixe les conditions dans lesquelles le maître d’ouvrage de bâtiments peut être autorisé, dans l’attente de l’entrée en vigueur de l’ordonnance prévue au II, à déroger à certaines règles de construction sous réserve qu’il apporte la preuve qu’il parvient, par les moyens qu’il entend mettre en œuvre, à des résultats équivalents à ceux découlant de l’application des règles auxquelles il est dérogé et que ces moyens présentent un caractère innovant. Le Gouvernement a indiqué à votre rapporteur que cette preuve serait fournie par une tierce partie indépendante préalablement agréée par l’État.

Son (alinéa 3) dispose qu’elle prévoira également les conditions dans lesquelles l’atteinte de ces résultats est contrôlée.

Tirant la conséquence de ces dispositions, qui devraient rendre superfétatoire l’article 88 de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, l’alinéa 4 prévoit que cette ordonnance peut abroger cet article. En effet, le champ de cette ordonnance, qui couvre l’ensemble des maîtres d’ouvrage, est beaucoup plus large que celui de l’article 88 de la loi n° 2016-925 précitée, qui ne concerne que l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements et les organismes d’habitations à loyer modéré. S’agissant des règles de construction qui seront concernées par cette ordonnance, elles devraient également être beaucoup plus nombreuses puisque le décret n° 2017-1044 précité avait limité la possibilité de substituer une obligation de résultats à une obligation de moyens à la protection contre les risques d’incendie et de panique et à l’accessibilité des bâtiments neufs aux personnes handicapées ou à mobilité réduite.

La seconde habilitation, prévue au II (alinéas 5 à 7), autorise le Gouvernement à prendre, dans un délai de dix-huit mois suivant la promulgation de la loi, toute mesure visant à faciliter la réalisation de projets de construction.

Son (alinéa 6) dispose que cette ordonnance prévoira la possibilité de plein droit, pour le maître d’ouvrage de bâtiments, de satisfaire à ses obligations en matière de construction soit en faisant application de normes de référence, soit en apportant la preuve qu’il parvient, par les moyens qu’il entend mettre en œuvre, à des résultats équivalents à ceux découlant de l’application des normes de référence. Il prévoit également que cette ordonnance fixe les modalités selon lesquelles cette preuve est apportée et les résultats atteints contrôlés.

Le (alinéa 7) prévoit que cette ordonnance adopte une rédaction des règles de construction applicables propre à éclairer, notamment par l’identification des objectifs poursuivis, le maître d’ouvrage sur les obligations qui lui incombent et qu’il respecte selon l’une des modalités prévues au 1°.

Enfin, le III (alinéa 8) dispose que le projet de loi de ratification de chacune de ces deux ordonnances est déposé dans un délai de trois mois à compter de la publication de celles-ci.

III.   La position de votre rapporteur

La profusion de normes applicables secteur du bâtiment constitue un frein à la construction de nouveaux logements, alors même que les besoins demeurent criants en ce domaine. La « Stratégie logement » du Gouvernement vise à remédier à cette situation de blocage en libérant, notamment, le potentiel du secteur de la construction. Si cette stratégie sera, pour l’essentiel, inscrite dans le projet de loi relatif au logement et aux mobilités dont le dépôt est attendu au premier trimestre 2018, la disposition proposée s’inscrit également dans cette stratégie.

L’étude d’impact évalue à 700 millions d’euros par an le gain pour le secteur induit par la première ordonnance, et à 1,4 milliard d’euros par an celui induit par la seconde ordonnance.

Au cours des auditions qu’il a conduites, votre rapporteur a constaté le fort soutien de la profession à ces nouvelles dispositions. Il relève toutefois certains points d’attention, qui devront être étudiés avec soin lors de la rédaction de l’ordonnance et des mesures d’application de celle-ci. Tout d’abord, la réalisation de mesures est difficile s’agissant de certaines contraintes imposées par la réglementation ; c’est le cas des mesures de sécurité contre le risque d’incendie ou contre le risque sismique, ainsi que des règles en matière de performance énergétique des bâtiments. Votre rapporteur relève, ensuite, qu’il faudra veiller à l’assurabilité des opérations réalisées sous ce nouveau régime. De plus, il conviendra de fournir à la profession des méthodologies simples, incluant des indications de moyens, afin de guider les maîtres d’ouvrage. Enfin, le régime de preuve permettant de démontrer que les moyens utilisés permettent bien de parvenir à des résultats équivalents à ceux découlant des normes de référence, et les modalités de contrôle des résultats atteints, devront être précisément définis. La rédaction des ordonnances devrait également donner lieu à une réflexion approfondie sur les méthodes de qualification et de certification.

Pour ce faire, votre rapporteur estime que les ordonnances prévues à cet article devront être rédigées en étroite concertation avec les représentants des professions concernées. Interrogé sur ce point, le Gouvernement lui a indiqué que la rédaction de ces ordonnances donnerait lieu à une concertation avec l’ensemble des acteurs de la construction à travers plusieurs groupes de travail.

Enfin, votre rapporteur estime que la méthode consistant à substituer, à des obligations de moyens, des obligations de résultats, devrait être transposée à d’autres champs de notre droit, en particulier aux règles en matière d’habitation et d’urbanisme.

IV.   la position de la commission spÉciale

Outre six amendements rédactionnels de son rapporteur, la commission spéciale a adopté dix amendements à cet article :

– Deux amendements, déposés par M. Millienne et le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés et ayant reçu un avis favorable du rapporteur et un avis défavorable du Gouvernement, qui en a demandé le retrait en vue d’une nouvelle rédaction en séance publique, précisent que la première ordonnance prévoira que la preuve est apportée avant le dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme puis à l’achèvement du bâtiment, et que la seconde ordonnance prévoira que la preuve est apportée avant le dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme et que les résultats sont contrôlés après l’achèvement du bâtiment ;

– Quatre amendements déposés, pour deux d’entre eux, par M. Saint‑Martin et le groupe La République en Marche, et par M. Da Silva pour les deux autres, et ayant reçu un avis favorable du rapporteur, disposent que les deux ordonnances prévoiront que les résultats seront contrôlés avec le concours d’une expertise professionnelle de la construction. Le Gouvernement a émis un avis favorable aux deux amendements apportant cette précision s’agissant de la première ordonnance, et un avis défavorable à ceux concernant la seconde ordonnance ;

– Quatre amendements déposés, pour deux d’entre eux, par M. Saint‑Martin et le groupe La République en Marche, et par M. Da Silva pour les deux autres, et ayant reçu un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, prévoient que les deux ordonnances fixeront les conditions dans lesquelles la responsabilité des acteurs est établie conformément au titre IV du livre II du code des assurances.

*

*     *

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS718 du rapporteur.

 

Puis elle examine l’amendement CS116 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. L’article 26 du projet de loi est important, puisqu’en matière de construction neuve et de rénovation énergétique, il substitue des obligations de résultat à des obligations de moyens. Par l’amendement CS116, nous proposons de bien spécifier que les nouvelles obligations seront mises en place tout en maintenant le niveau d’exigence global – cet adjectif est important – de performance énergétique et environnementale des bâtiments. Les enjeux sont énormes, en construction neuve comme en rénovation énergétique, et il est important de préciser que les innovations seront apportées en maintenant un niveau d’exigence global.

M. le rapporteur. Je remercie M. Orphelin, car l’examen de son amendement nous permet de poser le débat et de bien préciser l’objet de l’article 26 – en l’occurrence, de préciser qu’il ne saurait y avoir un recul en termes de niveau de performance environnementale, de sécurité, ou encore de protection et de santé des personnes. Ces précisions étant apportées, il me semble que l’amendement est satisfait par l’esprit même de l’article, qui vise à passer d’une obligation de moyens à une obligation de résultat. Le législateur n’a pas vocation à fixer le diamètre des tuyaux ou l’épaisseur des murs, mais à définir les objectifs à atteindre – en l’occurrence, celui d’une meilleure performance, que les innovations dans le domaine de la construction peuvent permettre d’obtenir, au-delà même des normes fixées par le législateur. Je souhaite donc le retrait de cet amendement, et j’émettrai à défaut un avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. Le Gouvernement souhaite également le retrait de cet amendement qui se trouve satisfait, dans la mesure où l’article 26 prévoit la possibilité de déroger de plein droit aux normes existantes, sous réserve d’apporter la preuve de l’atteinte d’un résultat équivalent. L’écriture de l’article n’autorise, en aucun cas, à minorer les objectifs à atteindre, notamment en matière de performance énergétique et environnementale.

M. Boris Vallaud. Dans l’hypothèse où cet amendement serait retiré, pourrais-je le reprendre ?

Mme la présidente Sophie Errante. En séance publique, oui, mais pas ici.

M. Matthieu Orphelin. Je m’intéresse à cette question depuis fort longtemps, à savoir depuis le Grenelle de l’environnement, dont j’avais été chargé de rédiger le volet « rénovation énergétique ». Il me semble que l’amendement que je propose apporte une précision très utile et je crains qu’à défaut, l’esprit de la loi ne soit très rapidement contourné – les promoteurs de certaines technologies ont déjà fait des tentatives en ce sens.

Je retire cet amendement afin qu’on ait le temps d’en discuter et qu’il puisse éventuellement inspirer d’autres rédacteurs, mais j’insiste sur son importance : il s’agit d’éviter que d’ici quatre ou cinq ans, on ne voie s’engouffrer dans la brèche des gens qui auraient une autre vision que nous des enjeux de rénovation énergétique.

M. le rapporteur. Je vous remercie pour ce retrait, qui va nous permettre de continuer à réfléchir sur le sujet dont il est ici question. Cela me donne l’occasion de préciser que l’article 26 prévoit deux habilitations à légiférer par ordonnance. La première habilitation, qui vise à fixer un principe général, porte sur une ordonnance « d’attente ». La deuxième habilitation prévoit qu’une ordonnance sera prise dans un délai de dix-huit mois, qui sera mis à profit pour réécrire le code de la construction et de l’habitation selon des critères « performantiels » – c’est-à-dire en précisant les performances visées et les moyens mis en œuvre pour les atteindre. J’insiste sur le fait que ce travail de réécriture, visant à sécuriser l’atteinte des objectifs en prévoyant des évaluations a priori et a posteriori, notamment en matière d’assurance, devra impliquer l’ensemble des parties prenantes, et il faudra que nous soyons très vigilants sur ce point.

M. Matthieu Orphelin. Ce que vient d’exposer M. le rapporteur constitue une autre piste de réflexion en vue d’obtenir la réassurance visée par mon amendement. En tout état de cause, il me paraît très important que cela soit inscrit dans la loi, d’une manière ou d’une autre.

M. le rapporteur. La deuxième habilitation prévue par l’article 26 prévoit expressément la réécriture du code de la construction et de l’habitation, et tous les champs de ce code – les normes en matière acoustique, sismique, environnementale, de risque incendie, de santé ou d’accessibilité – seront repris dans le cadre de cette réécriture.

Mme Véronique Louwagie. Si l’on peut se féliciter de la substitution des obligations de moyens aux obligations de résultat, cette évolution n’est pas sans poser un certain nombre de questions, notamment quant aux moyens mis en œuvre et quant à l’ensemble des guides d’ordre réglementaire qui devront être mis à la disposition des entreprises : cette démarche représente tout de même une révolution culturelle !

Les risques de diminution de la qualité de l’ouvrage ne doivent pas être négligés, et pour les écarter, il nous faut maintenir un niveau d’exigence élevé. Enfin, il faut prévoir les questions de responsabilité des différents acteurs qui ne manqueront pas de se poser, et des incidences que cela peut avoir en matière d’assurance. Il est un peu frustrant pour nous que toutes ces questions soient réglées par voie d’ordonnances, car leur nombre et leur importance mériteraient sans doute un débat.

M. le rapporteur. La deuxième ordonnance prévoit deux possibilités pour le maître d’ouvrage de bâtiments : il pourra soit faire application des normes de référence, soit déroger à ces normes, s’il apporte la preuve qu’il parvient, par les moyens qu’il entend mettre en œuvre, à des résultats équivalents à ceux découlant de l’application des règles auxquelles il est dérogé et que ces moyens présentent un caractère innovant – l’ordonnance fixera également les modalités selon lesquelles cette preuve est apportée et les résultats atteints contrôlés. Si l’ordonnance prévoit des dispositions très précises, il faut reconnaître que certaines questions restent posées, notamment en matière assurantielle. Des amendements visant à encadrer cette ordonnance seront donc sans doute nécessaires.

M. Philippe Gosselin. Effectivement, les simplifications souhaitées vont se traduire par des questions de responsabilité. Il n’est pas question de faire de la construction à moindre coût, ou selon des normes insuffisamment protectrices, et je comprends bien l’intention de l’amendement de notre collègue Orphelin. Cela dit, au-delà des aspects environnementaux ou architecturaux, il y a des aspects relatifs aux responsabilités, qui devront impérativement être pris en compte par les ordonnances, afin d’éviter de créer des situations où les architectes, les constructeurs et les clients en viendraient à se renvoyer la balle.

M. Paul Molac. Si les travaux de construction bénéficient d’une garantie décennale, chacun sait qu’il existe des entreprises plus ou moins sérieuses qui proposent des conditions alléchantes, mais livrent à leurs clients des constructions défectueuses et trouvent ensuite le moyen de se soustraire à leurs responsabilités, souvent en faisant faillite – ce qui ne les empêche pas de créer une autre entreprise juste après. C’est là un problème récurrent, dont nous devons tenir compte.

M. Jean Terlier. Je voudrais rassurer nos collègues sur la bonne application des dispositions dont nous débattons : nous pouvons être confiants sur ce point, dans la mesure où l’article 26 précise bien que s’il entend déroger aux règles de construction en vigueur, le maître d’ouvrage de bâtiments devra apporter la preuve qu’il parvient, par les moyens qu’il entend mettre en œuvre, à des résultats équivalents à ceux découlant de l’application des règles auxquelles il est dérogé et que ces moyens présentent un caractère innovant. Cette double condition constitue, à mon sens, une réelle sécurité juridique.

M. Philippe Gosselin. La confiance n’exclut pas le contrôle !

L’amendement CS116 est retiré.

 

La commission est saisie de l’amendement CS793 de Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Dans la continuité de ce qui vient d’être dit, l’amendement CS793 vise à encadrer les dispositions de l’article 26, pour des raisons de responsabilités et de sécurité. Il propose la mise en place d’une instance collégiale, formée sur le modèle de la commission chargée de formuler les avis techniques et ayant pour objet de contrôler l’atteinte des résultats par le maître d’ouvrage de bâtiments ayant fait le choix de déroger à certaines règles de construction.

M. le rapporteur. Si je comprends l’intention de cet amendement, consistant à sécuriser les conditions dans lesquelles sera effectuée l’évaluation des résultats, j’émettrai cependant un avis défavorable, estimant qu’il est à la fois trop précis et pas assez. Il est trop précis en ce qu’il indique par quel moyen l’évaluation sera faite, et pas assez en ce que la mention d’une « instance collégiale » ne donne aucune indication sur la composition de cette instance.

M. le secrétaire d’État. Je suis défavorable à cet amendement, pour les raisons que vient d’évoquer M. le rapporteur. Par ailleurs, le Gouvernement a pris l’engagement de préciser dans l’ordonnance toutes les conditions d’expertise, d’impartialité et d’indépendance que devra respecter l’entité en charge du contrôle de l’application du texte.

Mme Jeanine Dubié. J’ai bien précisé, dans l’exposé des motifs, que cette instance collégiale pourrait être créée sur le modèle de la commission chargée de formuler les avis techniques, constituée par l’arrêté du 21 mars 2012 relatif à la commission chargée de formuler des avis techniques et des documents techniques d’application sur des procédés, matériaux, éléments ou équipements utilisés dans la construction, et dont l’article 8 définit la composition.

J’entends bien ce que disent M. le rapporteur et M. le secrétaire d’État et je vais donc retirer mon amendement. Cependant, j’insiste sur le fait que la simplification recherchée ne doit pas se faire au détriment du consommateur. Aujourd’hui, en dépit des assurances décennale et de parfait achèvement, le client final se trouve très fréquemment confronté à de grandes difficultés lorsqu’il constate des malfaçons ou des erreurs de conception : il ne faudrait pas que la simplification dont il est censé profiter se traduise par des complications supplémentaires !

L’amendement est retiré.

 

La commission examine les amendements identiques CS663 de M. Laurent SaintMartin et CS856 de M. Dominique Da Silva.

M. Dominique Da Silva. De l’avis général des acteurs concernés par le permis de déroger introduit par l’article 26, le principe consistant à substituer des obligations de moyens à des obligations de résultat représente une excellente mesure pour libérer l’innovation dans le secteur de la construction, avec à la clé un regain d’efficience et d’activité. Cependant, les objectifs poursuivis sont soumis à deux conditions essentielles qu’il convient d’introduire dans le texte que nous propose le Gouvernement.

Répondant à l’une de ces conditions, l’amendement CS856 vise à préciser la responsabilité, la qualification et l’impartialité des contrôleurs techniques agréés pour évaluer et contrôler la réalisation de projets de construction, en complétant l’alinéa 3 par les mots suivants : « avec le concours d’une expertise professionnelle de la construction. »

Au-delà de cette rédaction, il est crucial que les acteurs de la construction, notamment ceux qui œuvrent pour le compte des maîtres d’ouvrage, soient associés à l’écriture des ordonnances sur ce point particulier qu’est le contrôle.

J’ajoute que l’instance d’évaluation et de contrôle doit être facilement accessible et proportionnée à la nature du projet et à l’importance de la dérogation envisagée. En effet, il ne faudrait pas que cette instance de contrôle constitue un frein aux projets innovants de moindre portée qui ne dérogent pas aux règles de sécurité fondamentales.

M. le rapporteur. Ces amendements, qui posent le principe d’une « expertise professionnelle de la construction » vont dans le sens de la sécurisation souhaitée par Mme Dubié, et leur rédaction me convient. J’y suis donc favorable.

M. le secrétaire d’État. Je suis également favorable à ces amendements, dans la mesure où ils portent sur la première ordonnance. Je serai en revanche défavorable, par voie de conséquence, à ceux, identiquement rédigés, qui portent sur la seconde ordonnance.

La commission adopte les amendements.

 

La commission se saisit de l’amendement CS551 de M. Bruno Millienne.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Afin de garantir la sécurité des usagers des bâtiments et de permettre l’assurabilité des projets, il est nécessaire d’encadrer plus strictement le champ de l’habilitation déterminé par l’article 26 pour les deux ordonnances.

À cette fin, il convient d’imposer la fixation d’étapes de contrôles, avant le dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme et après l’achèvement du bâtiment.

M. le rapporteur. Cet amendement, à l’esprit duquel je suis favorable, propose l’exercice d’un contrôle en amont et en aval, ce qui ne peut que sécuriser l’encadrement de l’habilitation à légiférer par ordonnance que nous allons adopter.

L’encadrement du contrôle en amont avant le dépôt de l’autorisation d’urbanisme, tel que vous le proposez, couvre toutes les situations, notamment celles des permis de construire.

En revanche, la seconde partie de l’amendement, relative au contrôle exercé après l’achèvement des travaux, est déjà satisfaite par le code de la construction et de l’habitation, qui dispose qu’un nouveau contrôle est requis à l’achèvement du bâtiment.

Je vous propose donc de retirer l’amendement afin de le représenter en séance avec une nouvelle rédaction tenant compte de cette remarque.

M. le secrétaire d’État. Nous avons les mêmes réserves que le rapporteur ; prévoir un contrôle en amont est parfaitement judicieux, alors que le contrôle en aval nous semble devoir être discuté au moment de la rédaction de l’ordonnance avec les professionnels du secteur, afin d’en préciser les conditions et le calendrier.

Nous demandons donc le retrait de l’amendement au profit de la présentation d’une nouvelle rédaction à l’occasion du débat en séance publique.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Un tiens valant mieux que deux tu l’auras, je préfère maintenir l’amendement, quitte à ce que la rédaction en soit modifiée en séance pour tenir compte des observations du rapporteur et du Gouvernement.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle examine ensuite les amendements identiques CS664 de M. Laurent Saint-Martin et CS855 de M. Dominique Da Silva.

M. Dominique Da Silva. Il s’agit là d’une autre condition essentielle : la responsabilité et l’assurance des acteurs de l’innovation en matière de construction.

En effet, sans assurance, il ne saurait y avoir d’innovation. Il paraît évident qu’aucune entreprise du bâtiment, a fortiori aucun maître d’ouvrage en charge d’un projet innovant, ne dérogera à une règle de construction s’il n’est pas pleinement assuré dans les conditions légales déterminées par le code des assurances, et à un tarif qui ne soit pas prohibitif. Au demeurant, quand bien même ce serait le cas, aucun notaire n’accepterait de signer un acte de vente en l’absence d’une assurance de dommage-ouvrage ainsi que d’une garantie décennale reconnue.

Il est donc primordial que le Gouvernement prenne en compte l’assurabilité des projets innovants à la hauteur de l’ambition que l’on souhaite conférer au permis de faire.

M. le rapporteur. Cet amendement nous ramène à l’échange que nous avons eu avec Philippe Gosselin. Prendre en compte le code des assurances me paraît constituer un moyen de sécurisation nécessaire et très bien venu ; c’est pourquoi mon avis est favorable.

M. le secrétaire d’État. Même avis.

La commission adopte les amendements.

 

Elle se penche ensuite sur les amendements identiques CS399 de Mme Véronique Louwagie et CS622 de M. Philippe Gosselin.

Mme Véronique Louwagie. Les mots « construction » et « habitat » reviennent souvent au cours des discussions, mais il est important de s’assurer que les bâtiments d’activité, y compris les bâtiments logistiques, soient également concernés par l’article 26, car le secteur exprime à ce sujet une forte attente. Il est important de mettre tout le monde sur un pied d’égalité, et c’est l’objet de notre amendement.

M. Philippe Gosselin. Il convient en effet de ne pas établir un distinguo subtil qui serait facteur de complexité alors que la volonté affichée est celle de simplifier. L’amendement est donc, en quelque sorte, de précision plus que d’extension.

M. le rapporteur. Je partage pleinement votre préoccupation qui, au demeurant, est déjà satisfaite par les dispositions du code de la construction et de l’habitation. À cet égard, l’étude d’impact est sans ambiguïté, et indique clairement que les règles qui doivent évoluer se trouvent pour l’essentiel dans le livre premier de ce code, qui vise tous les types de construction.

Pour cette raison, je souhaite le retrait de ces amendements.

Les amendements sont retirés.

 

La commission en vient à l’amendement CS833 de Mme Marie Guévenoux.

Mme Marie Guévenoux. En France, les exigences en termes de protection contre les risques d’incendie et de panique sont fondées sur les enseignements tirés d’incendies qui ont malheureusement fait de nombreuses victimes.

En matière d’incendie, normes réglementaires et normes métiers ont su évoluer de concert au service de la sécurité de tous. Le résultat est qu’il existe une filière industrielle française d’excellence dans ce domaine, et que très peu de décès par incendie sont à déplorer. Le nombre de victimes baisse en effet de manière continue depuis la fin des années 1970. Si près de 600 victimes sont toujours à déplorer chaque année, c’est essentiellement dans les habitations anciennes, pour lesquelles la réglementation est la moins exigeante. C’est la définition précise des moyens de sécurité à mettre en œuvre qui a permis de diviser par deux le nombre de victimes en trente ans.

Bouleverser un schéma réglementaire éprouvé pour des raisons économiques conjoncturelles ne doit pas hypothéquer la sécurité des Français. L’incendie récent de la tour Grenfell à Londres a malheureusement récemment rappelé que laxisme réglementaire et sécurité ne faisaient pas bon ménage. La sécurité incendie doit donc être exclue des dispositions dérogatoires proposées à l’article 26.

M. le rapporteur. Je suis défavorable à cet amendement. Il n’est certes pas question de sous-estimer le risque incendie et son cortège de catastrophes humaines ; j’ai rencontré la Fédération française des métiers de l’incendie ainsi que le procureur en charge des sapeurs-pompiers, qui ont salué la richesse de la norme créée en ce domaine.

Je rappelle que la deuxième ordonnance prévoit expressément que, en matière de construction, soit les normes de référence s’appliquent, soit on peut y déroger à condition d’apporter des justifications a priori et a posteriori. À cet égard, les amendements que nous avons adoptés encadrent les choses de façon très précise.

Enfin, un amendement déposé après le titre III demandera au Gouvernement de rendre compte de l’association des parties prenantes à la rédaction des ordonnances. La Fédération française des métiers de l’incendie devra mettre cette occasion à profit pour participer à la réécriture « performantielle » des dispositions correspondantes du code de la construction et de l’habitation.

Mon avis est donc défavorable.

M. le secrétaire d’État. Je rappelle que la possibilité de satisfaire aux exigences de sécurité incendie par des solutions applicables à des événements comparables est déjà rendue possible par l’article 105 de l’arrêté du 31 janvier 1986 modifié relatif à la protection contre l’incendie des bâtiments d’habitation. L’habilitation proposée dans le texte présenté aujourd’hui complète le dispositif en le généralisant, dans la mesure où la rédaction proposée par l’article 26 n’autorise en aucun cas à minorer les objectifs, notamment quant à la sécurité des biens et des personnes.

Il n’y a donc pas de raison d’exclure ce thème du champ d’application de la mesure, et nous considérons même que l’adoption de cet amendement aurait pour effet de faire régresser le droit en vigueur.

Pour ces raisons, l’avis du Gouvernement est défavorable.

Mme Marie Guévenoux. Je retire volontiers mon amendement, ainsi que l’amendement CS832, identique mais portant sur la seconde ordonnance. Vous avez toutefois évoqué la participation de la Fédération française des métiers de l’incendie à l’élaboration des modifications du code de la construction et de l’habitation. J’appelle votre attention sur le fait que ces fédérations ne font pas partie du Conseil supérieur de la construction ; je mets à profit la présence du ministre pour m’assurer que cette association sera bien effective.

M. le rapporteur. Je partage votre préoccupation, peut-être pourriez-vous représenter votre amendement à l’occasion de l’examen du texte en séance publique afin que nous puissions interroger le Gouvernement à ce sujet ; car il me semble important que les intéressés soient associés à la rédaction de ces ordonnances.

Les amendements CS833 et CS832 sont retirés.

 

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CS719 et CS721 du rapporteur.

 

Puis elle est saisie de l’amendement CS886 de M. Bruno Millienne.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Cet amendement se place dans la continuité de l’amendement CS551 que j’ai défendu voici un instant.

M. le rapporteur. Il prévoit en effet l’encadrement du champ de l’habilitation prévu par l’article 26, mais cette fois pour la seconde ordonnance. J’émets donc le même avis favorable, quitte à ce que sa rédaction doive être modifiée en séance.

M. le secrétaire d’État. Je maintiens mon avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.

La commission adopte l’amendement.

 

Puis elle examine les amendements identiques CS884 de M. Dominique Da Silva et CS897 de M. Laurent Saint-Martin.

M. Dominique Da Silva. Cet amendement vise à transposer dans la deuxième ordonnance ce que nous demandions pour la première.

M. le rapporteur. Avis favorable.

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable avec les mêmes réserves.

La commission adopte les amendements.

 

Elle se saisit ensuite des amendements identiques CS885 de M. Dominique Da Silva et CS895 de M. Laurent Saint-Martin.

M. Dominique Da Silva. Toujours l’effet miroir…

M. le rapporteur. Avis toujours favorable.

M. le secrétaire d’État. Même position « miroir » du Gouvernement…

La commission adopte les amendements.

 

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CS720, CS722 et CS723 du rapporteur.

 

Elle adopte enfin l’article 26 modifié.

*

*     *

Après l’article 26

La Commission examine lamendement CS416 de M. Jean-Marie Sermier.

M. Jean-Marie Sermier. Cet amendement vise à préciser certaines dispositions implicites de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, et de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR.

La loi NOTRe permet aux collectivités locales et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de garantir tout ou partie des emprunts contractés par les organismes HLM pour réaliser des casernes de gendarmerie ou de sapeurs-pompiers. Le présent amendement vise à étendre explicitement le champ du dispositif de garantie d’emprunts à l’ensemble des sociétés d’économie mixte (SEM), afin de leur ouvrir les mêmes possibilités de garantie de ces opérations. Cet amendement permettra de clarifier la situation.

M. Stanislas Guerini, rapporteur de la commission spéciale chargée dexaminer le projet de loi pour un État au service dune société de confiance. Vous soulevez un sujet intéressant, mais je vous propose de l’aborder lors de l’examen du projet de loi sur le logement qui me paraît bien plus adapté. Pour l’heure, avis défavorable.

M. Gérald Darmanin, ministre de laction et des comptes publics. Avis défavorable. Même si le sujet est intéressant, ce n’est pas un texte de simplification. Je vous propose de l’aborder dans le cadre du projet de loi sur le logement qui vous sera bientôt présenté.

M. Jean-Marie Sermier. Le ministre me proposant de discuter de cet amendement, qui visait à simplifier les choses, avec ses collègues lors de la discussion du projet de loi sur le logement, nous le redéposerons à cette occasion.

Lamendement est retiré.

La Commission est saisie de lamendement CS415 de M. Jean-Marie Sermier.

M. Jean-Marie Sermier. Cet amendement permet à une société d’économie mixte de ne pas avoir à solliciter le service des domaines quand elle reprend des logements. C’est déjà le cas pour un organisme social, mais pas pour une SEM, alors que la loi ALUR a établi une parfaite équivalence entre les organismes de logements sociaux. Cette solution permettrait, là aussi, de simplifier les choses.

M. le rapporteur. Même avis que précédemment, pour les mêmes raisons. J’invite M. Sermier à aborder cette question lors de l’examen du projet de loi sur le logement.

J’en profite pour rappeler la ligne fixée au début de l’examen de ce projet de loi : même si certaines mesures de simplification sont tentantes, nous ne souhaitons pas aboutir à un texte qui comprendrait 300 articles de simplification sur tous les sujets. J’essaie de m’en tenir à cette ligne, malgré ma tentation de donner parfois des avis favorables sur des amendements qui semblent de bon sens…

M. le ministre. Même avis.

M. Jean-Marie Sermier. Je note que M. le rapporteur juge que c’est un amendement de bon sens, mais qu’il doit être examiné dans le cadre du projet de loi sur le logement ; je le retire donc.

Lamendement est retiré.

La commission en vient à lamendement CS107 de M. Patrick Hetzel.

M. Frédéric Reiss. Cet amendement, proposé par M. Patrick Hetzel, est très intéressant, les occupations illicites de domicile ne pouvant nous laisser indifférents.

Comme de nombreux collègues parlementaires, j’ai été saisi par des personnes qui, au retour d’un séjour à l’étranger ou à l’hôpital, ne peuvent plus rentrer chez elles et n’ont plus aucun moyen pour expulser les squatters arrivés entre-temps. Malgré l’illégalité de l’occupation, une personne installée dans un local d’habitation sans l’autorisation du propriétaire a paradoxalement des droits : l’expulsion n’est pas possible sans l’intervention d’un juge.

La notion de flagrant délit est difficilement caractérisable car le délai de quarante-huit heures suivant l’intrusion illicite est souvent dépassé. D’où une procédure qui peut être longue. Seul l’article 38 de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, dite loi DALO, peu connu de nos concitoyens, permet une procédure d’expulsion accélérée par voie de décision administrative sans passer par une décision de justice. Cet article permet au préfet, sur saisine du propriétaire ou du locataire qui constate l’occupation illégale de son logement, de demander à l’occupant sans titre de quitter les lieux.

Cet amendement vise à faciliter les expulsions d’occupants illégaux en allongeant de quarante-huit à quatre-vingt-seize heures la durée pendant laquelle le flagrant délit d’occupation sans titre d’un logement peut être constaté. Il permet également au maire qui aura cherché par tout moyen à contacter le propriétaire ou le locataire du logement occupé illégalement dans le cadre de l’application de l’article 38 de la loi DALO de demander au préfet de mettre en demeure l’occupant de quitter les lieux.

M. le rapporteur. Même si je suis persuadé que le problème que vous évoquez mérite que des décisions soient prises pour modifier le droit pénal, le lien avec le présent texte est trop ténu et ne va pas dans le sens de l’esprit du projet de loi pour une société de confiance. À ce stade, j’émets donc un avis défavorable.

M. le ministre. Même avis.

Je précise que le Premier ministre a signé une circulaire qui vise à insérer dans chaque projet de loi un volet sur la simplification.

Il ne s’agit pas ici d’un texte de simplification. C’est d’ailleurs une des critiques que vous avez formulées lors de la première audition du ministre en disant que plusieurs dispositions n’étaient pas cohérentes les unes avec les autres. Essayons de ne pas tomber dans le défaut que vous avez souligné.

M. Frédéric Reiss. Je suis d’accord avec les arguments qui viennent d’être développés. On a beaucoup parlé de délais dans ce projet de loi. En général, on cherche à raccourcir les délais tandis qu’ici le temps joue contre ces occupations illégales. Je pensais donc que cet amendement avait sa place dans le présent texte.

La commission rejette lamendement.

Puis elle étudie lamendement CS322 de M. Emmanuel Maquet.

M. Emmanuel Maquet. La loi ALUR du 24 mars 2014 a remplacé nos anciens plans d’occupation des sols (POS) par les plans locaux d’urbanisme (PLU) et elle a octroyé un délai de trois ans aux communes pour procéder à cette révision au terme duquel en l’absence de PLU, c’est le règlement général d’urbanisme qui s’applique. Mais l’extension des périmètres des intercommunalités intervenue entre-temps, les problèmes de disponibilité des cabinets spécialisés et la nécessité de mettre en place les plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUI) nécessitent d’adapter le calendrier de la phase transitoire. Le présent amendement vise donc à supprimer le délai de trois ans, jugé à mon sens trop contraignant.

M. le rapporteur. Mon avis est à peu près similaire sur le lien direct avec le texte de loi.

Votre amendement pose des problèmes de recevabilité et de fond. La loi ALUR a octroyé un délai de trois ans aux communes pour procéder à cette révision, au-delà duquel, en l’absence de PLU, c’est le règlement national qui s’applique ; je rappelle que c’est la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain, dite SRU, et non la loi ALUR qui a créé le PLU… Il est vrai que tous les PLU n’ont pas encore été approuvés et qu’un délai supplémentaire pourrait être envisagé pour les communes concernées. Toutefois, votre amendement supprime toute condition de délai, ce qui fait disparaître l’incitation à adopter un PLU. Les POS prennent en compte dans une moindre mesure les principes de développement durable et de protection des espaces naturels. Ils se limitent en effet à préciser le droit des sols et appliquent souvent des règles de densité et de taille de terrain contradictoires avec l’objectif d’utilisation économe du sol. Les PLU, à la différence des plans d’occupation des sols, comportent un projet d’aménagement et de développement durable. Ils ne constituent donc pas des documents équivalents.

Votre amendement propose de remettre en vigueur les plans d’occupation des sols déclarés caducs sans préciser si cette disposition ne concernerait que ceux qui n’ont pas encore été remplacés par un PLU. Cela reviendrait à revenir sur certains PLU qui ont été approuvés au-delà des délais prévus par la loi ALUR.

Pour ces raisons de fond, je suis donc défavorable à cet amendement.

M. le ministre. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient ensuite à lamendement CS373 de M. Julien Aubert.

M. Arnaud Viala. Cet amendement concerne les délais de validité des permis de construire et les surcoûts engendrés par les modifications demandées par l’administration sur ces permis de construire. Il propose l’instauration d’un délai raisonnable par décret et d’une dépense raisonnable pour éviter d’engendrer pour le pétitionnaire de graves déconvenues lorsqu’il modifie à plusieurs reprises sa demande de permis avec des surcoûts et que, une fois l’autorisation obtenue, les délais sont échus.

M. le rapporteur. Ce sujet devra lui aussi être discuté lors de l’examen du projet de loi sur le logement qui fait actuellement l’objet d’une conférence de consensus au Sénat.

Le droit prévoit déjà pour les pétitionnaires un délai de trois ans renouvelable deux fois pour un an. Ce que vous appelez un « délai raisonnable » existe donc déjà.

M. le ministre. Même avis.

M. Arnaud Viala. Je retire l’amendement.

Lamendement est retiré.

La commission étudie lamendement CS126 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Cet amendement d’appel qui vise à remplacer l’avis conforme de l’architecte des bâtiments de France (ABF) en avis simple dans le cas de travaux d’économie d’énergie, à titre expérimental dans trois départements volontaires. Bien sûr, il ne s’agit pas d’opposer et de faire n’importe quoi en matière de travaux de rénovation énergétique, notamment sur les éléments de façade et autres, mais de voir comment on pourrait simplifier cette relation entre travaux de rénovation énergétique et contraintes liées au périmètre des bâtiments de France.

M. le rapporteur. J’ai compris qu’il s’agissait d’un amendement d’appel sur un sujet que je sais très sensible, pour avoir moi-même installé des panneaux solaires à proximité d’un ouvrage couvert par la réglementation des architectes des bâtiments de France (ABF)… Le plan des ABF fera d’ailleurs l’objet de discussions lors de l’examen du projet de loi sur le logement et je crois savoir qu’un groupe de travail a été créé sur ce sujet spécifique. Il fera très certainement des propositions concrètes. Je vous invite donc à retirer votre amendement d’appel.

M. le ministre. Même avis.

M. Jean-Charles Colas-Roy. Je remercie notre rapporteur pour sa réponse précise. Il ne s’agit pas ici d’ôter tout pouvoir aux ABF, mais de mettre leur avis au même niveau que ceux, par exemple des commissions de sécurité incendie ou d’accessibilité des personnes en situation de handicap, et donc d’éclairer la décision du pouvoir administratif. Je crois que M. Orphelin sera d’accord pour entendre votre ouverture et retirer son amendement.

M. Matthieu Orphelin. Je retire mon amendement avec grand plaisir.

Mme la présidente Sophie Errante. Merci, monsieur Orphelin !

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement CS400 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Je le retire.

Lamendement est retiré.

La commission en vient à lamendement CS401 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Je propose de mettre en place une expérimentation d’une durée de cinq ans pour tenir compte de certaines difficultés, notamment lorsque les bâtiments accueillent une mixité programmatique.

Dans un contexte de besoin d’intensification de l’usage du foncier, de préservation des terres agricoles et de limitation de l’imperméabilisation des sols, il est important de permettre la conception de bâtiments qui accueillent des activités mixtes diverses : logistique, activités productives, artisanales, tertiaires, équipements. Du fait de la nature mixte de leurs activités, ces bâtiments relèvent souvent de réglementations différentes, ce qui entraîne des difficultés lors de l’instruction par des services différents chargés de la police de l’urbanisme et de l’environnement.

Il s’agit donc d’expérimenter, sur une période de cinq ans, la conception et la construction de bâtiments mixtes avec une instruction bornée dans le temps qui permettra d’affiner le cadre pour aller vers une procédure définitive et de gagner du temps : le temps est à chaque fois un élément important et l’attente de nos concitoyens est forte sur ce sujet.

M. le rapporteur. Le permis de construire permet déjà d’autoriser des projets mixtes. Les autorisations relevant du code de l’environnement ont quant à elles été regroupées en une autorisation unique, dite autorisation environnementale. En fait, votre amendement viserait à fusionner d’une certaine manière le permis de construire et l’autorisation environnementale. Cela étant, pour intéressante que soit cette réflexion, votre amendement ne saurait être retenu en l’état : vous proposez que le contenu soit défini par ordonnance alors qu’il serait préférable de le faire par décret. Le Gouvernement souhaite procéder à un choc de simplification en matière de construction ; il sera donc très intéressant de discuter de cette question, mais dans le cadre de l’examen du projet de loi sur le logement.

M. le ministre. Même avis.

La commission rejette lamendement.

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Article 27
(article 70 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et damélioration
de la qualité du droit)
Abrogation de larticle 70 de la loi du 17 mai 2011

Le présent article a pour objet de tenir compte de la jurisprudence administrative et d’abroger l’article 70 de la loi du 17 mai 2011, relative à l’annulation de certaines décisions administratives.

● L’article 70 de la loi n°2011-525 du 11 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit tendait à renforcer la sécurité juridique des actes pris par les autorités administratives, en limitant les cas d’annulation des décisions prises après avis d’un organisme. Il dispose ainsi que : « lorsque lautorité administrative, avant de prendre une décision, procède à la consultation dun organisme, seules les irrégularités susceptibles davoir exercé une influence sur le sens de la décision prise au vu de lavis rendu peuvent, le cas échéant, être invoquées à lencontre de la décision ».

Or, avec sa décision dite Danthony du 23 décembre 2011, le Conseil d’État a clarifié la grille d’analyse du juge administratif pour apprécier les conséquences d’un vice de procédure sur un acte administratif. Il a ainsi jugé que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie. Le Conseil d’État a, en outre, précisé que l’application de ce principe n’est pas exclue en cas d’omission d’une procédure obligatoire, à condition que cette omission n’ait pas eu pour effet d’affecter la compétence de l’auteur de l’acte.

Limité par l’article 70 de la loi du 17 mai 2011 aux seules irrégularités commises lors de la consultation d’un organisme, le principe dégagé par la jurisprudence Danthony concerne désormais lensemble des vices pouvant affecter le déroulement dune procédure administrative préalable à une décision. Ces vices de procédure sont, selon le juge administratif, l’omission ou l’accomplissement incomplet ou irrégulier des formalités auxquelles un acte administratif est assujetti. Ces formalités peuvent être diverses : consultations préalables, principe du contradictoire, enquêtes, obligations de publicité, d’information ou encore délais, sans que cette liste soit limitative

● Compte tenu de l’évolution du contrôle opéré par le juge administratif, depuis la jurisprudence Danthony, l’article 70 de la loi du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit limitant le principe de l’absence d’annulation des actes administratifs aux seules irrégularités commises lors de la consultation d’un organisme est désormais dépourvu de véritable portée juridique. C’est pourquoi le présent article tire les conséquences de la jurisprudence de principe du Conseil d’État et abroge l’article 70.

Suivant l’avis du Conseil d’État sur cet article, il n’est en revanche pas procédé à une codification de la jurisprudence Danthony, car cela priverait le juge administratif de la possibilité de lui apporter des amendements nécessaires, ainsi qu’il l’a déjà fait, par la décision, par exemple du 19 juillet 2017 Association citoyenne Pour Occitanie Pays catalan, afin de prendre en compte la spécificité de certaines procédures préalables sectorielles.

● La commission spéciale a adopté cet article sans modification.

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La commission adopte larticle 27 sans modification.

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Article 28
Regroupement des établissements denseignement supérieur

I.   État des lieux

A.   État du droit

Afin de remédier à la forte fragmentation de notre tissu détablissements denseignement supérieur et de recherche, et au relatif échec des pôles de recherche et denseignement supérieur (PRES) mis en place à cette fin par la loi n° 2006-450 du 18 avril 2006 de programme pour la recherche, la loi  2013-660 du 22 juillet 2013 relative à lenseignement supérieur et à la recherche a introduit, dans le code de léducation, de nouvelles formules de coopération et de regroupement entre établissements, figurant aux articles L. 718-2 à L. 718-16 du code de l’éducation.

Un principe du regroupement sur une base territoriale a été posé à larticle L. 718-2, qui prévoit que les établissements d’enseignement supérieur relevant du seul ministère chargé de l’enseignement supérieur et les organismes de recherche partenaires, situés sur un territoire donné, coordonnent leur offre de formation et leur stratégie de recherche et de transfert, sur la base d’un projet partagé. Le périmètre territorial retenu peut être académique ou interacadémique. Les établissements d’enseignement supérieur relevant d’autres autorités de tutelle peuvent participer à cette coordination et à ces regroupements.

Cette obligation de rapprochement peut seffectuer selon trois modalités, précisées à larticle L. 718-3 :

 la fusion ;

 le regroupement au sein dune communauté duniversités et détablissements (COMUE) ;

 lassociation à un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP).

Quelle que soit la formule retenue, un établissement d’enseignement supérieur « chef de file » est chargé d’organiser la coordination territoriale, et un seul contrat pluriannuel d’établissement est conclu entre le ministère de l’enseignement supérieur et les établissements regroupés.

L’étude d’impact indique que 26 regroupements ont été réalisés depuis lors, dont 21 COMUE et 5 associations, principalement autour d’universités elles‑mêmes fusionnées.

B.   Les difficultÉs rencontrÉes

En raison de sa souplesse, la COMUE a été la formule le plus souvent retenue par les établissements. Mais, dans la plupart des cas, les COMUE constituées ne présentent quun faible degré dintégration et une visibilité quasi nulle à linternational.

Comme le souligne l’étude d’impact, ce défaut a été pris au sérieux par les jurys internationaux chargés dévaluer les projets des établissements en vue de lattribution des fonds des différentes vagues du programme dinvestissements davenir (PIA). Ils ont relevé la complexité du cadre juridique des regroupements, et accordé une importance particulière au degré d’intégration des établissements et aux modalités de gouvernance proposées.

En conséquence, la plupart des groupements ont proposé de nouvelles formes juridiques d’établissement plus adaptées à ces attentes, qui demandent toutefois, pour être mises en œuvre, une adaptation du cadre législatif en vigueur.

Indépendamment du PIA, le souhait de pouvoir expérimenter de nouvelles formules de rapprochement aurait également été exprimé par les établissements dans le cadre de leur dialogue contractuel avec le ministère.

Le rapport n° 2016-072 de linspection générale de ladministration de léducation nationale et de la recherche (IGAENR), intitulé « Simplification des instruments de coordination territoriale et articulation avec les initiatives dexcellence » ([81]), remis en novembre 2016, a proposé des modifications législatives visant à remédier à cette situation :

– tout d’abord, afin de donner aux regroupements un degré d’intégration conforme aux attentes du jury du PIA dans le respect du principe de coordination territoriale posé par la loi n° 2013-660 précitée, il propose de favoriser lintégration des regroupements tout en maintenant la personnalité morale à certaines de leurs composantes, notamment en autorisant la création de structures de formation communes à plusieurs membres d’une COMUE, sur le modèle des unités mixtes de recherche (UMR), et en assouplissant les conditions de création des EPSCP que sont les grands établissements ; il s’agit, dans ce dernier cas, de permettre des associations d’établissements à un EPSCP tout en préservant la personnalité morale et des marges suffisantes d’autonomie à certains d’entre eux, comme le permet le statut de grand établissement, qui ne peut actuellement être accordé qu’à « des établissements de fondation ancienne et présentant des spécificités liées à leur histoire » et à « des établissements dont l’offre de formation ne comporte pas la délivrance de diplômes pour les trois cycles de l’enseignement supérieur », comme le prévoit l’article L. 717-1 du code de l’éducation ;

– ensuite, il propose de simplifier les règles de gouvernance des COMUE afin de faciliter le fonctionnement de ceux-ci. Il s’agit notamment de supprimer le seuil de dix membres pour recourir au suffrage indirect lors des élections aux conseils des COMUE, prévu à l’article L. 718-11 du code de l’éducation, alors que l’organisation d’un suffrage direct est une opération très lourde à gérer pour les personnels ; de clarifier le mode de composition des conseils d’administration des COMUE, prévu au même article ; et de supprimer le recours au décret pour modifier les statuts d’une COMUE, recours aujourd’hui obligatoire aux termes de l’article L. 718-8 du même code.

Létude dimpact précise les projets de rapprochement proposés dans le cadre du PIA qui nécessiteraient les adaptations législatives décrites. Il s’agit notamment de certains projets sélectionnés en février 2017 lors de la deuxième vague de l’appel à projets IDEX ([82]) / I-SITE ([83]), qui décrivent, conformément aux prescriptions de cet appel à projets, une université cible, qui ne correspond toutefois pas à une COMUE existante, et qui prévoient d’inclure au sein d’un établissement des composantes dotées de la personnalité morale ou disposant de compétences qui vont au-delà de ce que permettent les dispositions en vigueur ; c’est le cas de l’IDEX Lyon, de l’I-SITE Lille et de l’I-SITE Paris‑Est.

Hors du cadre du PIA, l’étude d’impact indique que l’université de Valenciennes a préparé un projet de restructuration de son organisation, qui prévoit la création de composantes à l’autonomie renforcée bénéficiant de délégations de compétences excédant la portée des délégations autorisées par le code de l’éducation.

II.   Les dispositions du projet de loi

Le projet de loi propose, à son I (alinéa 1 à 5) d’autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi destinées à expérimenter de nouvelles formes de rapprochement, de regroupement ou de fusion d’établissements d’enseignement supérieur (alinéa 1).

Ces mesures viseraient à expérimenter :

– de nouveaux modes d’organisation et de fonctionnement des établissements d’enseignement supérieur et de recherche et de leur regroupement, ce dernier pouvant prendre la forme d’une COMUE ou d’une association à un EPSCP (alinéa 2) ;

– de nouveaux modes de coordination territoriale dérogeant au principe, prévu au dernier alinéa de l’article L. 718-3 du code de l’éducation, selon lequel la coordination territoriale est organisée par un seul établissement d’enseignement supérieur pour un territoire donné (alinéa 3) ;

– et de nouveaux modes d’intégration, sous la forme d’un EPSCP regroupant plusieurs établissements d’enseignement supérieur et de recherche qui pourraient conserver ou non leur personnalité morale pendant tout ou partie de l’expérimentation (alinéa 4).

L’ordonnance prévoirait également les conditions d’application de ces mesures, le cas échéant avec les adaptations nécessaires, à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française (alinéa 5).

Le II (alinéa 6) précise que cette expérimentation serait menée pour une durée maximale de dix ans à compter de la date de publication de l’ordonnance, et qu’elle ferait l’objet d’une évaluation par le Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur au plus tard un an avant son terme.

Le III (alinéa 7 et 8) prévoit que l’ordonnance est publiée dans un délai d’un an à compter de la publication de la loi, et que le projet de loi tendant à sa ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois après sa publication.

Interrogé par votre rapporteur, le Gouvernement a indiqué que, sous réserve de la concertation avec les établissements prévue en vue de la rédaction de lordonnance, les projets suivants pourraient être rendus possibles par lordonnance prévue à cet article :

– Communauté d’universités et établissements d’Aquitaine ;

L’université de Bordeaux envisage d’assumer le rôle de chef de file de la politique de coordination territoriale de la métropole bordelaise par association avec les autres établissements d’enseignement supérieur du site (université Bordeaux Montaigne et Bordeaux Sciences Agro, en complément des conventions déjà contractées avec Sciences Po Bordeaux et Bordeaux INP). Ce projet envisage un mode de regroupement infra-académique qui coexisterait avec le regroupement existant organisé par la COMUE.

– Communauté d’universités et établissements Lille Nord de France ;

L’université cible serait créée avec une autonomie forte de chacune de ses composantes et donc le maintien de leur personnalité morale.

– Communauté d’université et établissements « Université de Lyon » ;

L’université cible intégrerait l’ensemble des universités actuelles et des écoles, ce qui requiert une pleine autonomie des composantes. L’université cible aurait une gouvernance forte et un pilotage central qui définirait la stratégie académique et procéderait à l’allocation des moyens en ressources humaines et financier.

– Communauté d’universités et établissements « Université de Paris Saclay » ;

Paris Saclay envisage la dissolution de l’actuelle COMUE et son remplacement par deux nouveaux établissements expérimentaux dérogeant aux dispositions du code de l’éducation et regroupant les établissements membres dont certains pourraient constituer des composantes qui conserveraient leur personnalité morale.

– Communauté d’universités et établissements « Universités Paris-Est » ;

L’université cible nécessiterait la création d’un nouveau statut juridique ou l’adaptation du statut de grand établissement.

– Communauté d’universités et établissements « Université fédérale de Toulouse Midi-Pyrénées » ;

L’Université fédérale de Toulouse Midi-Pyrénées envisage une gouvernance permettant de rapprocher une partie des établissements du site (universités Toulouse II, Toulouse III, Institut national des sciences appliquées, Institut national polytechnique) avec maintien de la personnalité juridique des écoles qui dépasse le projet de fusion des universités Toulouse II et Toulouse III.

– Communauté d’universités et établissements « Université Bretagne-Loire » ;

Sur le site de Nantes, l’université cible pourrait intégrer l’École centrale de Nantes comme composante scientifique, dotée du statut d’EPSCP, regroupant également les 3 instituts universitaires de technologie, l’UFR de science et l’école d’ingénieur interne pour constituer la 4ème faculté de l’université de Nantes. Sur le site de Rennes, l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur (universités Rennes I et Rennes II, l’institut national des sciences appliquées, l’École normale supérieure de Rennes) se regrouperaient avec maintien de la personnalité juridique pour les écoles.

– Communauté d’universités et établissements « Université Paris Seine » ;

Il s’agirait de créer un grand établissement issu de la fusion de l’université de Cergy-Pontoise et de l’école nationale supérieure de l’électronique et de ses applications auquel seraient associées des structures privées pour la formation de niveaux master et doctorat, y compris les titres d’ingénieur. La COMUE, ou un autre établissement qui s’y substituerait, porterait les formations de licence pour assurer les passerelles entre le premier et le deuxième cycle. Le projet prévoit une structure en charge du premier cycle, un grand établissement dont le conseil délèguerait ses prérogatives en termes de stratégie à un directoire incluant une majorité d’autres établissements, publics et privés. Le conseil du grand établissement serait composé d’un tiers d’élus, un tiers de parties prenantes publiques et privées et un tiers de personnalités extérieures.

– Association Université Clermont Auvergne ;

Aujourd’hui cette université est le pivot de l’association des établissements auvergnats. Il est envisagé la constitution d’un établissement plus intégré que la simple association mais moins qu’une communauté d’universités et établissements. L’université adapterait son statut pour créer et intégrer un institut national polytechnique (INP) qui regrouperait les écoles d’ingénieurs du site, qui sont actuellement soit internes à l’université soit associées. L’INP bénéficierait d’un statut au sein de l’université lui garantissant une autonomie dans la gestion de ses ressources et le fonctionnement de ses instances.

III.   La position de votre rapporteur

Les auditions conduites par votre rapporteur ont confirmé la nécessité d’une intervention rapide du législateur pour offrir un cadre juridique mieux adapté aux attentes du jury du PIA. Le ministère a indiqué à votre rapporteur n’avoir aucun doute sur le fait que le jury IDEX se satisfera d’une gouvernance sur mesure et stable sur les dix prochaines années. De plus, une expérimentation semble plus appropriée qu’une disposition « en dur », pour laquelle on ne saurait pas combien de statuts différents il faudrait définir. L’expérimentation permettra de voir quelles sont les formes de gouvernance qui émergent et de leur donner une assise légale à son issue. Ceci permettra la pérennisation à terme de ce qui aura réussi.

IV.   la position de la commission spÉciale

Outre deux amendements rédactionnels déposés l’un, par votre rapporteur, l’autre par M. Berta et le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés, la commission spéciale a adopté, avec l’avis favorable de son rapporteur et du Gouvernement, deux amendements déposés par M. Saint-Martin et le groupe La République en Marche.

Le premier prescrit que l’État et chacun des établissements créés dans le cadre de l’expérimentation organisée par cet article fixent d’un commun accord les objectifs singuliers qui y président ainsi que le calendrier et les critères d’évaluation associés.

Le second prévoit, dans un délai de trois ans à compter de la publication de l’ordonnance, la remise au Parlement, par le Gouvernement, d’un rapport présentant un premier bilan des expérimentations engagées, recensant les différentes formes juridiques adoptées par les établissements et identifiant les voies adaptées afin de les pérenniser à terme, le cas échéant.

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*     *

La commission examine lamendement CS52 de M. Éric Straumann.

M. Éric Straumann. L’amendement est défendu.

M. le rapporteur. Défavorable.

M. le ministre. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Puis elle est saisie de lamendement CS543 de M. Philippe Berta.

M. Philippe Berta. Amendement rédactionnel.

M. le rapporteur. Favorable.

M. le ministre. Même avis.

La commission adopte lamendement.

Elle en vient à lamendement CS545 de M. Philippe Berta.

M. Philippe Berta. Cet amendement vise à assurer une visibilité de long terme des expérimentations de rapprochement, regroupement et fusions qui seront menées dans le cadre de l’enseignement supérieur. Comme vous le savez, cela concerne le regroupement des universités et de toute autre école d’ingénieur.

Il s’agit de clarifier le degré d’engagement des établissements, les conditions de prolongation des dérogations à terme – en les limitant aux bénéficiaires existants ou en les généralisant – et d’assurer la stabilité nécessaire à une structuration pérenne du paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche français.

M. le rapporteur. Je comprends l’objectif de cet amendement qui est au cœur des questions sur cet article, puisqu’il concerne à la fois les conditions d’expérimentation et de sortie de cette expérimentation.

Le groupe la République en marche vous présentera dans un instant deux amendements qui semblent plus complets que le vôtre. Ces amendements seront défendus par Mme Amélie de Montchalin, qui a travaillé sur ce sujet en liaison avec le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche afin d’aboutir à la rédaction la plus pointue possible.

Il faut permettre aux enseignants dans les établissements d’enseignement supérieur d’expérimenter de nouvelles formes d’intégration – ce reproche avait été fait notamment devant le jury des initiatives d’excellence –, mais aussi de pouvoir fixer les conditions de sortie.

Je demande donc le retrait de cet amendement tout en précisant que votre objectif sera atteint par les amendements CS747 et CS746.

M. le ministre. Même avis.

M. Philippe Berta. Je retire mon amendement.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement CS544 de M. Philippe Berta.

M. Philippe Berta. Cet amendement a pour objectif une mise en cohérence des modalités d’évaluation des expérimentations visées par cet article avec les modalités d’évaluation des autres expérimentations ouvertes aux établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, telles qu’elles ont été arrêtées à l’article L.711-4 du code de l’éducation.

M. le rapporteur. De la même manière, je pense que cette demande sera satisfaite par les amendements CS747 et CS746 qui font aussi l’objet d’une demande de rapport dans un délai de trois ans pour dresser un premier bilan des expérimentations engagées pour recenser les différentes formes juridiques adoptées.

Je vous propose donc de retirer cet amendement.

M. le ministre. Même avis.

M. Philippe Berta. Je le retire.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CS727 du rapporteur.

M. le rapporteur. Amendement rédactionnel.

M. le ministre. Favorable.

La commission adopte lamendement.

Puis elle en vient à lamendement CS747 de M. Laurent Saint-Martin.

Mme Amélie de Montchalin. Cet amendement permet à l’État et aux organismes qui se lanceront dans un regroupement de fixer le calendrier et les critères d’évaluation.

Si l’on entre dans une expérimentation, il est important de définir clairement les critères d’évaluation qui permettront d’en sortir, en figeant ce qui aura été mis en place de façon expérimentale si c’est pertinent, ou à l’inverse en procédant aux aménagements qui s’imposent pour remettre le projet sur de bons rails.

Il s’agit d’une demande assez forte des acteurs du monde universitaire avec qui je suis en lien en tant que rapporteure spéciale du budget de la recherche. Ils veulent savoir comment leur projet d’enseignement, de recherche technologique entrepreneuriale et de rayonnement pourra être évalué pour que l’expérimentation, si elle est concluante, aboutisse à une forme juridique à même de la pérenniser.

M. le rapporteur. Comme je l’ai annoncé précédemment, je suis favorable à cet amendement qui fait aussi consensus parmi les acteurs que j’ai pu auditionner dans le cadre de cette commission spéciale, notamment la conférence des présidents d’université. Sur une telle expérimentation, le consensus est indispensable.

M. le ministre. Favorable.

La commission adopte lamendement.

Elle étudie lamendement CS746 de M. Laurent Saint-Martin.

Mme Amélie de Montchalin. Cet amendement, complémentaire du précédent, propose que le Gouvernement remette un rapport, dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de l’ordonnance qui permettra l’expérimentation, sur un premier bilan de ce qui s’est passé, en recensant les différentes formes juridiques qui auront été retenues par les établissements – l’Université Paris Saclay, l’Université Paris Sciences & lettres, l’École Polytechnique et ses nouveaux partenaires, l’université Paris Seine – et en identifiant les voies et moyens propres à pérenniser ces expérimentations dès lors qu’elles auront atteint leurs objectifs initiaux.

C’est aussi une demande très importante, puisque le délai de dix ans pour certains acteurs semble très long. À mon avis, il est très sain, en termes de méthode, qu’en cas d’expérimentation il y ait des clauses de rendez-vous régulières, non sur le texte lui-même, mais pour bien s’assurer que les acteurs se sont saisis de l’opportunité, que cela fonctionne et qu’il est possible de sortir de l’expérimentation. Sur le plan de la méthode, il est important de laisser de la liberté, et de permettre aux acteurs qui ont fait leurs preuves de figer les choses.

M. le rapporteur. Favorable.

M. le ministre. Même avis.

La commission adopte lamendement.

Puis elle adopte larticle 28 modifié.

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Après l’article 28

La commission examine les amendements CS547 et CS546 de M. Philippe Berta.

M. Philippe Berta. Ces amendements proposent deux rédactions différentes, mais traitent de la même problématique.

Dans le développement des médicaments, les essais cliniques sont une phase essentielle très longue et très coûteuse – plusieurs centaines de millions d’euros pour chaque molécule. Or on observe ces dernières années une fuite de nos essais cliniques puisque 68 % des essais cliniques en 2017 auront été effectués à l’étranger, dans des pays limitrophes comme la Belgique et l’Allemagne, voire l’Angleterre.

En cause, une lourdeur administrative, en particulier sur ce que l’on appelait les comités consultatifs de protection des personnes dont les membres, tirés au sort, sont le plus souvent totalement incompétents par rapport à la problématique ou la pathologie traitée.

Ces deux amendements visent à essayer de mieux rationaliser ces essais cliniques, afin que ces centaines de millions d’euros chaque année puissent revenir là où ils n’auraient jamais dû partir, c’est-à-dire au profit de la recherche clinique et de nos hôpitaux, en particulier de nos centres hospitaliers universitaires (CHU).

M. le rapporteur. Un sujet aussi lourd que celui de la recherche sur les personnes mériterait des discussions bien plus approfondies. Je ne pense pas que l’on puisse le traiter dans le cadre de ce projet de loi. Je demande donc le retrait de ces amendements.

M. Philippe Berta. Je ne vous propose pas une révolution éthique ou bioéthique, mais juste de transformer les modalités de mise en place des comités ad hoc. Je rappelle que le coût des essais cliniques représente de 500 000 à 600 000 euros par molécule, à multiplier par le nombre de molécules qui sont testées. C’est un peu dommage pour le pays…

M. le rapporteur. J’entends qu’il ne s’agit pas d’un petit sujet, notamment sur le plan financier. Mais je rappelle la ligne que j’ai fixée : ce n’est pas à travers le projet de loi pour un État au service d’une société de confiance que l’on va revoir la composition de tous les comités.

M. Philippe Berta. Ce n’est qu’une simplification administrative, rien de plus !

M. Nicolas Turquois. Je m’oppose aux arguments défendus par le rapporteur. Le caractère aléatoire est aussi juste que le tirage au sort dans le système ancien de l’admission post-bac (APB)…  Le bon sens premier commande que les gens soient désignés au vu de leurs compétences. Je ne vois pas en quoi cela remet en cause la procédure générale. Le caractère aléatoire est totalement contre-productif.

La commission rejette successivement les amendements CS547 et CS546.

Puis elle examine lamendement CS429 de Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Choc de simplification après loi de simplification, les collectivités, les Français, les entreprises ne perçoivent aucun allégement de la charge administrative les concernant. En fait, la politique de simplification manque d’un outil de pilotage, d’un point de vue tant législatif que réglementaire. J’insiste sur le point réglementaire, parce que beaucoup de charges administratives sont créées par décret et non pas directement par la loi. Il semblerait utile que la France se dote d’un outil de pilotage de la charge administrative, comme l’ont déjà fait le Royaume-Uni, les États-Unis, les Pays-Bas et l’Allemagne.

Je propose donc, à titre expérimental, un affichage – idéalement sur un seul et même site internet pour l’ensemble des ministères –, du flux des normes qui s’appliquent aux Français. Ces informations seraient réactualisées régulièrement.

Au-delà du simple nombre de normes, l’utilisation du terme « charge normative » incite le Gouvernement à qualifier ces normes en termes de coût, comme le font nos voisins européens ou en termes de temps passé à réaliser une démarche, notamment pour les particuliers. Je souhaite assurer la transparence sur l’évolution de la charge normative, en quantifiant non pas toute la charge existante, mais bien son évolution : en fait, on partirait d’une base 100 et on regarderait si elle diminue à 90 ou si elle augmente à 110 en fonction des textes adoptés au Parlement ou des décrets publiés par chaque ministère.

Une fois cet outil entré en vigueur, chaque ministère pourra se fixer un objectif de réduction de la charge normative. Notre pays disposera enfin d’un outil de pilotage réel du flux de la charge administrative, à l’exemple de ce que font nos voisins européens les plus en avance dans ce domaine.

M. le rapporteur. Je sais que ce sujet vous tient à cœur, et à juste raison, car la charge normative est importante pour le pays.

En réalité, les flux de charge sont à la fois d’origine réglementaire et la conséquence de notre travail législatif. Ce sujet devra être évoqué en présence du ministre car il doit être intégré dans le programme Action publique 2022. Le Gouvernement et la majorité doivent élaborer une stratégie sur ce sujet. Une circulaire du Premier ministre prévoit que toute nouvelle norme doit être compensée par la suppression de deux autres, ce qui a considérablement réduit le flux de normes créées en dehors des textes législatifs adoptés ici. Mais il doit être abordé dans un cadre plus large et ne pas se limiter à une approche strictement comptable : ce qui fait mal parfois, c’est moins le volume – il peut arriver d’avoir à créer de nouvelles normes, légitimes et soutenues par le Parlement – que la petite norme bien compliquée qui empoisonne la vie des Français.

Voilà pourquoi je suis défavorable à cet amendement, même si, tout comme vous, j’accorde beaucoup d’importance à la lutte contre l’inflation normative.

Mme Laure de La Raudière. Monsieur le rapporteur, vous parlez d’une circulaire très intéressante signée par le Premier ministre au mois de juillet dernier, qui aurait considérablement réduit le nombre de normes créées. Pour ma part, je n’en sais rien, et je ne suis pas sûre que vous le sachiez, ni même le Gouvernement. S’agit-il d’une réduction par rapport à l’année précédente de 10 % ? Je n’en sais rien. En fait, personne ne le sait, et c’est bien le problème : il n’y a pas aujourd’hui de pilotage de la charge administrative. On ne sait donc pas si on va dans le bon sens ou non.

Il faut bien piloter à la fois ce qui est fait par voie législative et par voie réglementaire. Si en première lecture d’un texte, on accroît par hasard la charge administrative, rien n’empêche le Gouvernement, à l’occasion de la navette parlementaire, de procéder à une nouvelle évaluation de l’étude d’impact – cela devrait d’ailleurs être fait systématiquement par le Gouvernement en fonction du texte adopté par l’Assemblée nationale – et de proposer ensuite au Sénat une réduction de la charge administrative pour compenser l’effet des amendements adoptés par la représentation nationale. D’autant que la plupart des amendements adoptés dans l’hémicycle le sont sur avis favorable du Gouvernement, ce qui suppose que celui-ci a une maîtrise, en partie du moins, sur ce qui est produit ici.

J’insiste sur le fait que l’outil de pilotage est absolument nécessaire et qu’il doit inclure à la fois ce qui est réglementaire et ce qui est législatif. Je veux bien vous croire lorsque vous dites qu’il y a réduction de la charge administrative, mais je n’en sais rien, car les moyens dont nous disposons actuellement ne nous permettent pas de contrôler l’action du Gouvernement. Si nous avions la visibilité nécessaire, nous l’aurions déjà fait.

M. le rapporteur. Il sera nécessaire que cette discussion ait lieu avec le ministre dans l’hémicycle.

Mme Laure de La Raudière. Il a quitté la salle il y a quelques minutes !

M. le rapporteur. Ce n’est pas de chance !

Le secrétaire général du Gouvernement a pris des dispositions pour centraliser et avoir un suivi trimestriel sur ce sujet. Votre amendement permettra de demander au Gouvernement quelle communication il compte faire sur le suivi. À chaque projet de loi, des fiches d’impact sont transmises au secrétariat général du Gouvernement, qui doivent lui permettre de suivre la charge normative liée à ces projets de loi. Il y a donc, je crois, une vraie stratégie de la part du Gouvernement pour suivre ce sujet.

Mme Laure de La Raudière. N’y voyez aucune arrogance si je prends ma casquette de vieille députée : en 2010 une circulaire du Premier ministre a été prise et que le secrétariat général du Gouvernement s’était engagé exactement à la même chose ; de nouveau, en 2014 une circulaire du Premier ministre a été prise en 2014, exactement dans le même sens que celle du Premier ministre actuel, et de nouveau le secrétariat général du Gouvernement a pris le même engagement… Je suis convaincue que si l’on ne se dote pas d’outils de pilotage, on aboutira à la même dérive, malgré toute la bonne volonté et la bonne foi, dont je ne doute pas, du gouvernement actuel.

La commission rejette lamendement.

Puis elle en vient à lamendement CS538 de Mme Cendra Motin.

Mme Cendra Motin. Cet amendement d’appel vise à remettre à tous les étudiants qui sortent de l’enseignement supérieur un diplôme rédigé à la fois en langue française et en langue anglaise, de manière à leur permettre d’aller plus facilement étudier à l’étranger et donc faire reconnaître leurs diplômes lorsqu’ils poursuivent leurs études à l’étranger ou lorsqu’ils sont embauchés dans un autre pays que la France.

Cette traduction systématique permettrait aussi une unité de traduction puisque si les établissements valident le titre une fois qu’il est traduit, une personne de l’administration peut très bien valider deux traductions qui ne seraient pas exactement similaires, ce qui peut poser problème sur la façon dont sont perçus les diplômes à l’étranger.

Cette disposition éviterait par ailleurs aux étudiants d’avoir à supporter la charge des frais de traduction ainsi que les délais liés à cette opération, ce qui décourage beaucoup d’étudiants. Je pense notamment à mes amis strasbourgeois dont les jeunes traversent très souvent la frontière pour une première embauche, voire pour un stage et qui sont fortement pénalisés par ce manque sur leur diplôme, ce qui n’est pas le cas dans d’autres pays européens qui traduisent systématiquement leurs diplômes en anglais.

M. le rapporteur. Madame Motin, vous le savez, je suis sensible aux arguments que vous avez développés. L’évolution que vous proposez est intéressante, mais je ne respecterais pas la ligne que je me suis fixée si je donnais un avis favorable à votre amendement. Je vous demande donc de le retirer, tout en vous remerciant d’avoir soulevé ce sujet important.

Mme Cendra Motin. Je le retire.

Lamendement est retiré.

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Chapitre III
Des règles plus simples pour le public

Article 29
Expérimentation du « relayage »

Cet article vise à expérimenter le « relayage » au domicile qui permet d’assurer la continuité de l’accompagnement d’une personne âgée en perte d’autonomie à son domicile pendant plusieurs jours successifs. Cette formule inspirée d’expériences québécoises et belges permettrait notamment de compléter les modes de prise en charge permettant aux proches aidants d’exercer leur droit au répit.

I.   Les enjeux du vieillissement et de la prise en charge des personnes en situation de handicap appellent de nouvelles solutions pour prendre en charge l’absence ou la perte d’autonomie

A.   La prise en charge des personnes dÉpendantes repose lourdement sur des proches aidants qui recherchent des solutions de rÉpit

D’après la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), la France compte 1,26 million de bénéficiaires de l’aide personnalisée pour l’autonomie (APA) et 730 000 personnes qui cumulent les trois formes de handicap ([84]).

La prise de conscience de l’importance des 8,3 millions d’aidants qui apportent leur concours à la prise en charge des personnes en situation de handicap ou des personnes âgées en perte d’autonomie a conduit le législateur à définir un statut du proche aidant dans la loi relative à la société au vieillissement (ASV) du 28 décembre 2015, à créer un congé de proche aidant ainsi qu’un droit au répit au bénéfice des seuls aidants de personnes âgées en perte d’autonomie dans le cadre des plans de financement de l’APA.

Le « droit au répit » est désormais une composante essentielle de ce qu’on appelle « l’aide aux aidants », elle-même rendue indispensable par les études nombreuses qui montrent que la moitié des aidants connaissent des problèmes de santé liés à ce rôle et que 70 % d’entre eux déclarent ne pas s’accorder de temps pour les loisirs, mettant ainsi en péril leur vie personnelle et familiale ([85]).

Les solutions disponibles pour la mise en œuvre de ce droit au répit demeurent toutefois insatisfaisantes dans la mesure où l’offre d’accueil de jour ou d’accueil temporaire des établissements s’avère mal construite, et par ailleurs souvent rédhibitoire pour des aidants qui ont précisément fait le choix de s’investir pour éviter à leur proche une prise en charge en établissement.

Par ailleurs, le recours à des professionnels 24h/24 au domicile se révèle difficile à organiser pour l’aidant en l’absence d’offre spécifique susceptible d’offrir un intervenant complet et permanent pour le remplacer.

B.   Les expériences quÉbécoises et belges ont témoignÉ de l’utilitÉ du relayage, qui ne pourrait pleinement être mis en place sans modification lÉgislative

Le « relayage », aussi appelé « baluchonnage » par référence au Baluchon Alzheimer® ([86]) mis en place en 1999 au Québec par Marie Gendron, docteur en gérontologie de l’Université de Liège, est une innovation organisationnelle destinée à répondre aux besoins de ces aidants qui souhaitent pouvoir prendre quelques jours de repos.

Le « relayage » se caractérise ainsi dans cette expérience canadienne comme dans celle menée par Baluchon Alzheimer Belgique :

– par son objectif lequel consiste à permettre à l’aidant de bénéficier d’un répit de plusieurs jours consécutifs ; la solution est donc nécessairement temporaire ;

– par ses modalités de mise en œuvre lesquelles consiste à placer un intervenant de manière continue au domicile de la personne en perte d’autonomie afin qu’elle remplace en tous points l’aidant remplacé ; aussi, le relayage va plus loin que la simple surveillance mais suppose une véritable action positive de la personne qui doit assurer toutes les tâches quotidiennes nécessaires à la prise en charge de la personne aidée et qui étaient réalisées par l’aidant ([87]).

Des tentatives de répliquer ce modèle ont été entreprises depuis 2012 à mesure que l’enjeu du droit au répit des aidants a été érigé en priorité par certaines associations, collectivités et services déconcentrés de l’État.

Toutefois, comme l’a indiqué le rapport remis par Joëlle Huillier en mars dernier ([88]), ces expériences demeurent clairsemées, difficiles à mettre en place sur le plan financier ainsi que sur le plan juridique à législation constante sur le temps de travail. En l’état du droit, les relayeurs se succèdent nécessairement au domicile, ce qui peut être mal vécu par les personnes en perte d’autonomie. Le rapport précité estimait qu’un consensus était établi sur la nécessité de ne limiter le relayage à l’intervention d’une personne toutes les 36 heures ce qui se révèle contraire aux normes législatives et conventionnelles du droit du travail.

L’expérimentation proposée par le présent article s’essaie donc à dessiner une meilleure articulation entre ces règles en vue de faciliter le recours au relayage.

1.   L’expérimentation du « relayage » proposée en France

Le premier alinéa détermine le champ de l’expérimentation :

● L’expérimentation durera trois ans à compter de la publication du décret d’application, ce qui permettra un suivi approfondi des différentes implications de la mise en place tant au plan juridique que financier.

● Elle concernera les établissements ou services médico-sociaux définis comme tels au I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles deux catégories de structures, seuls susceptibles d’émettre des « relayeurs » :

– Les établissements éducatifs à destination des mineurs ou de jeunes adultes handicapés (2°) ;

– les établissements ou services accueillant ou assistant des personnes âgées (6°) ;

– les établissements accueillant ou accompagnant des personnes adultes handicapées ou des personnes atteintes de maladie chronique (7°).

Il s’agit de s’assurer que les services du « relayage » seront organisés par des établissements ou services qui ont développé une certaine expertise de la prise en charge des personnes concernées.

La loi pourrait utilement fixer un champ géographique, dès lors que l’expérimentation ne nécessite pas une mise en œuvre au niveau national.

● Elle est réservée au remplacement de proche aidant de personnes nécessitant une surveillance permanente. Il pourra donc s’agir de personnes âgées en perte d’autonomie ou de personnes en situation de handicap.

Les deuxième et troisième alinéas précisent les conditions dans lesquelles les relayeurs peuvent être choisis et envoyés au domicile :

● Le principe est celui du volontariat du « relayeur » ; ces conditions de détermination du volontariat auront à être précisées par le décret d’application.

● Deux modalités de mise en œuvre sont envisageables : le salarié peut être détaché de l’établissement et de la structure qui l’emploie, ou être rémunéré directement par l’aidé comme employé à domicile tout en relevant de l’établissement ou du service qui le place sans qu’il n’existe de relation de travail avec celui-ci. S’agissant d’un travail particulièrement exigeant qui repose sur la confiance de l’aidant, il semble important que le salarié puisse dans tous les cas se rattacher à une structure susceptible de le former à cette tâche spécifique.

Le quatrième alinéa crée un système de déclaration de la mise en œuvre du relayage auprès de la personne qui a autorisé l’établissement ou le service médico-social « émetteur » lorsqu’il s’agit de ses salariés et auprès de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) compétente.

Le cinquième alinéa soumet l’exercice du « relayage » à une autorisation ou un agrément préalable lorsque celui-ci dépasse le champ des autorisations préexistantes.

Le sixième alinéa précise à quelles dispositions du code du travail, qu’elles soient d’ordre public, renvoyées à la négociation d’entreprise ou supplétives, le relayage mis en œuvre par des salariés volontaires des établissements ou services pourra déroger :

– le régime d’équivalence au temps de travail effectif (art. L. 3121-13 à L. 3121-15) ;

– les règles relatives au temps de pause minimal (art. L. 3121-16 et L. 3121‑17) ;

– les règles relatives à la durée quotidienne maximale (art. L. 3121-18) ;

– les règles relatives à la durée hebdomadaire maximale (art. L. 3121-20 à L. 3121-26, L. 3122-24) ;

– les règles relatives à limitation du temps de travail de nuit (art. L. 3122‑7, L. 3122-17 et L. 3122-18) ;

– les règles relatives au repos quotidien (art. L. 3131-1 à L. 3131-3).

Le septième alinéa prévoit des dérogations aux stipulations de la convention collective des salariés du particulier employeur dans les mêmes domaines lorsqu’il s’agira d’un salarié placé au domicile.

Ces dérogations, s’appliquent ainsi au strict nécessaire en vue de mettre en place le « relayage », sans préjudice d’un encadrement spécifique.

Les huitième à douzième alinéas prévoient des plafonnements spécifiques à l’activité de relayage :

– la durée de l’intervention ne pourra dépasser six jours successifs et 48 heures par semaine en moyenne calculées sur quatre mois consécutifs ; le premier plafond de jours consécutifs est inférieur à ce qui est possible dans les expériences québécoises et belges ;

– elle ouvre droit à onze heures de repos consécutifs par période de 24 heures par défaut, et à 8 heures au minimum s’il est choisi de la réduire ; l’intérêt du relayage étant précisément d’éviter la multiplication des intervenants, il convenait de prévoir un temps de repos réduit pendant l’intervention si la situation de la personne l’exige ;

– elle ouvre également droit en tout état de cause à un repos compensateur des périodes de repos et de pause qui n’auront pas pu être prises lors de l’intervention.

Ces dispositions sont compatibles avec le droit de l’Union européenne dès lors que l’article 17§3 de la directive 2003/88/CE prévoit qu’il peut être dérogé aux prescriptions minimales en matière de temps de travail lorsqu’il s’agit d’une activité de garde, de surveillance et de permanence caractérisées par la nécessité d’assurer la sécurité des biens et des personnes. Le régime du « relayage » peut ainsi être comparé à l’accueil collectif des mineurs à caractère éducatif organisé à l’occasion de vacances.

Le treizième alinéa renvoie au pouvoir réglementaire le soin d’encadrer les dispositions d’application encadrant l’effectivité des règles de repos.

Les quatorzième et quinzième alinéas déterminent les conditions dans lesquelles l’évaluation de l’expérimentation sera conduite.

Les informations collectées par les autorités sur la base des déclarations prévues au quatrième alinéa donneront lieu à un rapport douze mois avant la fin de l’expérimentation. Un rapport d’évaluation sera remis au Parlement six mois avant la fin de l’expérimentation sur cette base.

Le seizième alinéa renvoie à un décret simple les conditions d’application de cet article.

Le rapporteur souligne l’équilibre qui a été trouvé entre l’intérêt de ce dispositif qui justifie que l’on aille beaucoup plus loin en donnant au « relayage » le droit spécifique dont il a besoin tout en procédant avec prudence, d’une part par le choix d’une expérimentation longue et approfondie et, d’autre part, en encadrant dans la loi les conditions dans lesquelles le « relayeur » sera appelé à exercer.

II.   La position de la commission spÉciale

Outre quatre amendements rédactionnels, la Commission spéciale a adopté :

– un amendement du groupe La République en Marche en vue que l’expérimentation du « relayage » puisse avoir lieu au domicile mais aussi sur le lieu de vacances lorsque le binôme aidant/aidé bénéficie d’un séjour répit ;

– un amendement du rapporteur tendant à supprimer la mention inutile d’un plancher en cas de réduction du temps de repos, dès lors que l’expérimentation permet par ailleurs sa suppression complète.

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*     *

La commission examine, en discussion commune, lamendement CS925 du rapporteur, et lamendement CS673 de M. Laurent Saint-Martin.

M. le rapporteur. Mon amendement CS925 est rédactionnel, et je m’engage à le sous-amender, afin qu’il soit compatible avec l’amendement du groupe de La République En Marche.

Mme Véronique Hammerer. Mon amendement CS673 vise à élargir les dispositions de l’article 29 à la suppléance du proche aidant, non pas seulement quand les prestations sont réalisées à domicile de l’aidé, mais en dehors de son domicile, c’est-à-dire dans le cadre du dispositif dit de « séjour répit aidants-aidés », dispositif expérimental mis en place en Haute-Gironde depuis 2013, qui fonctionne très bien et permet à l’aidant et à l’aidé de partir ensemble au même endroit dans les moments de répit.

Ce projet est cofinancé par l’Agence régionale de santé (ARS), soutenu par la Mutualité sociale agricole (MSA) en Gironde, mais également par le département et plusieurs partenaires comme des associations d’aide à domicile, France Parkinson ou France Alzheimer. L’aidé part avec l’aidant pendant quelques jours pour se détendre dans un hôtel avec spa. Ils sont accompagnés par du personnel d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), mobilisé vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Cet amendement vise à permettre aux salariés détachés par l’établissement médico-social de bénéficier des mêmes conditions et autorisations de travail que les salariés qui interviennent au domicile de l’aidé.

M. le rapporteur. Le dispositif proposé est tout à fait louable et en lien très direct avec l’article 29 puisqu’il prévoit, d’une certaine manière, l’extension du baluchonnage mais dans le cadre d’un séjour de répit. Des discussions ont cours avec le Gouvernement sur le sujet. J’approuve pour ma part le principe et je donnerai un avis favorable à votre amendement pour peu que M. Saint-Martin, son premier signataire, accepte d’intégrer dans son 1° le contenu de mon amendement rédactionnel CS925 que j’aurai dès lors retiré.

M. le ministre. Je sais que ma collègue chargée des solidarités et de la santé y travaille avec ses services. Je m’en remets donc pour ma part à la sagesse de la commission en attendant de poursuivre et d’approfondir le débat en séance.

M. Adrien Taquet. Si j’approuve l’amendement sur le fond, sans vouloir mettre une pierre dans le jardin de Mme Hammerer, il faut bien admettre qu’il n’est pas complètement en lien avec l’article : le principe du baluchonnage consiste à faire venir une aide à domicile pour permettre aux personnes en situation de handicap, notamment de handicap cognitif, très sensibles aux perturbations de leur environnement, qu’il soit humain ou physique, de rester chez elles. Or, si j’ai bien compris, il s’agit ici de les faire sortir du domicile. Prenons garde à ne pas délayer le principe que nous sommes sur le point d’instaurer le dispositif en lui adjoignant une autre disposition, certes excellente sur le fond, mais qui n’a rien à voir avec le baluchonnage.

Par ailleurs, une mission sur le statut des aidants a été confiée à Dominique Gillot, présidente du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH). Elle abordera probablement le répit de façon plus large et donc la question qui nous occupe ici. Il sera tout à fait intéressant d’en débattre dans l’hémicycle.

M. le rapporteur. Il faut en effet veiller à ce que l’amendement procède du même esprit que l’article qui instaure, vous l’avez dit, le principe du baluchonnage consistant à relayer l’aidant dans sa mission difficile – 70 % d’entre eux estiment qu’ils n’ont plus le temps d’organiser leur vie personnelle. Or si l’amendement CS673 concerne un lieu de vie hors du domicile, le temps d’une semaine, un lieu de vacances, il vise comme l’article 29 à soulager l’aidant. C’est ce qui rend acceptable le caractère dérogatoire au code du travail nécessaire pour expérimenter un dispositif déjà en vigueur en Belgique ou au Canada. Donc, encore une fois, j’émets un avis favorable sous réserve qu’il n’y ait aucun biais technique et que l’on ne s’écarte pas de l’esprit de l’article.

M. Laurent Saint-Martin. Le débat est vraiment intéressant. Il faut se demander si les mots « à domicile » forment le cœur de l’article – ce qui vous donnerait raison – ou bien si c’est le fait de déroger au code du travail alors qu’on est déjà dans une situation dérogatoire. Si je comprends bien Véronique Hammerer, c’est plutôt le second terme de l’alternative qui prévaut et, de ce point de vue, l’amendement correspond très bien à l’article. Reste que j’entends la difficulté qu’on peut avoir à sortir de la notion de baluchonnage dès lors qu’on n’est plus à domicile mais dans un autre lieu. En attendant une excellente discussion en séance, il me semble que les députés du groupe REM sont d’accord avec Mme Hammerer.

Mme Jeanine Dubié. Nous devons rester attentifs et, M. Saint-Martin a abordé le sujet, il ne faudrait pas que des amendements soient l’occasion de déroger au droit du travail. Pour avoir été directrice d’EHPAD, j’ai en effet organisé des séjours de résidents à l’extérieur de l’établissement pendant deux jours, mais il fallait ensuite accorder aux salariés des jours de récupération et les payer en heures supplémentaires.

Le baluchonnage a du sens s’il a pour objet l’appui aux aidants et s’il permet à une personne âgée de rester chez elle. Mais la question des salariés de l’établissement, qu’il soit privé, public ou associatif, ne saurait être traitée par le biais d’un amendement.

M. Adrien Taquet. L’article 29 prévoit en effet des dérogations au droit du travail – les modalités de récupération découlant directement du droit européen – et prévoit déjà, tel qu’il est rédigé, que les établissements médico-sociaux et leurs personnels bénéficient du dispositif proposé par l’amendement alors que ce n’est pas le cas, par exemple, au Canada où des structures spécifiques ont dû être créées pour assurer ce service. Autrement dit, tout cela est déjà prévu et bien cadré dans le dispositif de base.

M. le rapporteur. C’est effectivement exactement ce qui est écrit dans l’étude d’impact : il s’agit de « réserver la possibilité d’expérimenter le dispositif à des établissements et services sociaux et médico-sociaux accompagnant les personnes âgées, les enfants et les adultes handicapés : cet adossement permet de garantir un encadrement professionnel et compétent dans l’accompagnement de ces personnes vulnérables. » Un cadre précis a donc été prévu.

Je confirme en outre que même s’il s’agit d’un régime dérogatoire, il est conforme au droit européen ; c’est d’ailleurs la raison pour laquelle il est un peu moins-disant, au passage, que l’expérimentation du baluchonnage canadienne. Nous avons donc choisi la prudence.

Enfin, tous les temps de pause qui ne sont pas pris dans les six jours prévus pour accompagner la personne handicapée ou âgée sont intégralement récupérés.

Lamendement CS925 est retiré.

La commission adopte lamendement CS973 tel quil vient dêtre rectifié.

En conséquence, lamendement CS891 du rapporteur tombe.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels du rapporteur CS896, CS892 et CS893.

Puis elle en vient à lamendement CS926 du rapporteur.

M. le rapporteur. Le présent amendement vise à clarifier la rédaction de l’alinéa 11 sur la possibilité de supprimer la période minimale de repos sur vingt-quatre heures. Je propose de supprimer la fin de la phrase après le mot : « réduite ».

M. le ministre. Je suis favorable à cet amendement.

La commission adopte lamendement.

Elle adopte lamendement rédactionnel CS894 du rapporteur.

Lamendement CS695 de M. Laurent Saint-Martin est retiré.

La commission adopte larticle 29 modifié.

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Article 30
Habilitation du Gouvernement à alléger, par ordonnance et à titre expérimental, le contrôle des structures des exploitations agricoles

I.   l’État du droit

Le contrôle des structures des exploitations agricoles est régi par le chapitre Ier du titre III du libre III du code rural et de la pêche maritime. Cette réglementation, qui n’existe pas dans les autres États membres de l’UE, a été instituée par la loi du 8 août 1962, qui a introduit un contrôle des « cumuls et réunions d’exploitation », et par celle du 4 juillet 1980, qui a créé le contrôle des structures proprement dit.

Le contrôle des structures vise la mise en valeur du sol. Son objectif principal est de favoriser linstallation des jeunes agriculteurs. Il vise également à consolider ou maintenir les exploitations afin de permettre à celles-ci d’atteindre ou de conserver une dimension économique viable, à promouvoir le développement des systèmes de production permettant de combiner performance économique et performance environnementale, et à maintenir une agriculture diversifiée, riche en emplois et génératrice de valeur ajoutée, notamment en limitant les agrandissements et les concentrations d’exploitations excessifs au bénéfice d’une même personne.

Les conditions locales d’application du contrôle des structures sont mises en œuvre dans chaque région par un schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA), qui fixe les surfaces minimales d’installation notamment. Sont seules soumises au contrôle les opérations définies par la loi. Certaines relèvent du régime de lautorisation, dautres de celui de la déclaration préalable.

La liste des opérations soumises à autorisation préalable est fixée à larticle L. 331-2 du même code. Elle inclut les agrandissements et réunions d’exploitation lorsque ceux-ci conduiraient à excéder les seuils de surface prévus dans le SDREA, et, quelle que soit la superficie en cause, les installations, agrandissements et réunions d’exploitations ayant pour conséquence de supprimer une exploitation agricole dont la superficie excède ledit seuil, de ramener celle-ci en deçà de ce seuil ou de priver une exploitation d’un bâtiment essentiel à son fonctionnement. Y figurent également les créations ou extensions de capacité des ateliers de production hors sol au-delà d’un seuil de production fixé par le SDREA. Ces opérations ne donnent lieu qu’à une déclaration préalable lorsque le bien agricole à mettre en valeur est reçu par donation, location, vente ou succession d’un parent ou allié jusqu’au troisième degré inclus, sous certaines conditions.

Les dispositions relatives au contrôle des structures ont été modifiées en dernier lieu par larticle 32 de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 davenir pour lagriculture, lalimentation et la forêt. Celle-ci a, notamment, accru le nombre dopérations soumises à autorisation en diminuant, de moitié environ, le seuil de surface à partir duquel les opérations doivent être autorisées, et en ajoutant un critère, particulièrement strict, pour qu’une opération puisse bénéficier du régime de la déclaration préalable, à savoir que les biens qu’elle concerne soient destinés à l’installation d’un nouvel agriculteur ou à la consolidation de l’exploitation du déclarant, dès lors que la surface totale après opération n’excède pas le seuil de surface mentionné.

II.   les dispositions du projet de loi

L’étude d’impact souligne que le contrôle des structures n’a pas permis d’enrayer la concentration du foncier et la baisse du nombre d’installations. La superficie moyenne des exploitations est ainsi passée de 56 en 2010 à 61 hectares en 2013. Le contrôle des structures mobiliserait, en outre, les exploitants comme l’administration de manière excessive, puisque 90 % des demandes d’autorisation déposées feraient l’objet d’un avis favorable, quand 2 000 demandes par an seulement feraient l’objet d’un refus. L’efficience du contrôle des structures serait, par ailleurs, réduite par une forte hétérogénéité des critères retenus dans les SDREA selon les régions.

Afin de mieux apprécier l’impact du contrôle des structures au regard de ses objectifs, le projet de loi autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la publication de la loi, toute mesure relevant du domaine de la loi nécessaire pour mener une expérimentation d’une durée de trois ans (alinéa premier).

Cette expérimentation comprendrait deux aspects :

– tout d’abord, elle suspendrait l’application du contrôle des structures dans certaines régions ou certains départements (alinéa 2) ;

– ensuite, elle dispenserait d’autorisation ou de déclaration préalable dans certaines régions ou certains départements certaines catégories d’opérations mentionnées à l’article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime (alinéa 3).

Comme le Gouvernement l’a confirmé à votre rapporteur, le premier volet de l’expérimentation doit permettre une suspension totale de l’application de la législation relative au contrôle des structures, tandis que son second volet permettrait un allégement de ce contrôle. Les deux volets nauraient pas vocation à sappliquer dans les mêmes régions ou départements. S’agissant des régions et des départements qui seraient concernés par chacun des volets de cette expérimentation, il a été indiqué à votre rapporteur qu’elles n’avaient pas encore été déterminées.

L’alinéa 4 prévoit que le projet de loi de ratification de cette ordonnance soit déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de celle-ci.

III.   La position de votre rapporteur

Plusieurs des personnes entendues par votre rapporteur lui ont fait part de leurs fortes réserves sur l’expérimentation proposée. Elles ont en particulier mis l’accent sur la spéculation montante touchant le marché du foncier agricole depuis une dizaine d’années, que le contrôle des structures, conjointement à l’intervention des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER), permettait d’enrayer.

En outre, les conclusions des États généraux de l’alimentation indiquent qu’une « grande loi foncière doit apporter des solutions nouvelles à l’artificialisation des sols, à l’accaparement des terres, à la transparence des sociétés [et] aux prérogatives des SAFER ». Elles précisent également qu’une « politique des structures responsable doit privilégier le facteur humain au spéculatif, favoriser la diversité au détriment des monopoles. ». De plus, une mission d’information sur le foncier agricole devrait être créée à l’Assemblée nationale dans les prochaines semaines.

Si l’objectif de simplification de l’article 30 est louable, votre rapporteur estime qu’une réflexion plus approfondie sur la question du foncier doit être menée et qu’il convient donc de supprimer cet article.

IV.   la position de la commission spÉciale

La commission spéciale a adopté quinze amendements identiques portant suppression de cet article, déposés par M. Aubert, M. Viala, M. Cinieri, M. Dive, M. Brun, M. Pancher, M. Pellois, M. Le Bohec, M. Millienne et les membres du groupe du Mouvement Démocrate et apparentés, M. Daniel, Mme Corneloup, M. Saint-Martin et le groupe La République en Marche, Mme Dubié, M. Potier et le groupe Nouvelle Gauche. Ces amendements ont reçu un avis favorable du rapporteur.

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M. Charles de Courson. J’arrive tout droit de la commission des finances, où se tenait une audition passionnante sur la société du Grand Paris, pour intervenir sur l’article 30 du présent texte. Même si le Conseil d’État l’a déjà fait, il convient de souligner la faiblesse de l’exposé des motifs et de l’analyse qu’on peut lire pages 183 à 185 du projet de loi, qui fondent cette idée d’expérimenter, dans un certain nombre de régions, un assouplissement du contrôle des structures des exploitations agricoles, et qui plus est dans des conditions absolument pas encadrées.

On nous explique qu’il faut mettre un terme aux phénomènes de concentration du foncier et à la baisse sensible, au cours des deux dernières décennies, du nombre d’installations bénéficiaires d’aides, en faisant valoir que le système de contrôle des structures a échoué. Sauf que, mes chers collègues, le contrôle n’avait pas pour objet d’empêcher l’augmentation de la taille des structures mais éventuellement de la limiter, l’encadrer. Quant à la baisse sensible du nombre d’installations bénéficiaires d’aides, elle est avant tout liée à l’évolution du revenu agricole.

Je note par conséquent une défaillance complète de l’analyse proposée. Dès lors, la sagesse ne consiste pas du tout à procéder à une expérimentation sans aucun encadrement ; il faut au contraire départementaliser les structures – ou les régionaliser puisque les schémas directeurs des exploitations agricoles sont désormais régionaux – non par le biais d’un dispositif national qu’on essaierait ensuite d’appliquer localement, mais en leur donnant plus de liberté dans la réalisation des nouveaux schémas directeurs.

J’ajoute que rien n’est dit sur le droit de préemption, notamment celui des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) : est-il maintenu ?

L’article 30 s’apparente totalement à un chèque en blanc ; il serait tout à fait déraisonnable de l’adopter.

Je propose une tout autre approche : faire confiance aux acteurs locaux pour élaborer les schémas.

Enfin, le choix de l’échelon régional est une catastrophe. Je suis élu dans la région Grand Est, dans la Marne ; autant vous dire que l’agriculture marnaise n’a rien à voir avec celle du Bas-Rhin… L’idée serait donc de revenir à l’échelon départemental et de faire confiance aux acteurs locaux pour élaborer des schémas directeurs des exploitations agricoles sans chercher à les corseter. En tout état de cause, on ne saurait voter cet article en l’état.

M. Dominique Potier. Madame la présidente, je vous remercie de m’accueillir au sein de la commission spéciale. Je ne faisais que passer et le hasard a voulu que vous en arriviez précisément à l’article 30… (Sourires). Il est vrai que cet article a suscité un émoi certain dans l’hémicycle lorsque nous avons interrogé le ministre de l’agriculture pour dire notre stupéfaction. Le dispositif proposé est en effet contraire à la majorité d’idées qui semble s’être dessinée, nous allons bientôt le vérifier. La politique des structures des exploitations agricoles doit être repensée, réparée mais en aucun cas être abandonnée car nous ne tirerions alors pas les leçons de toute la décennie passée.

Qu’avons-nous observé ? Le désordre, la démesure, qui ne servent pas l’économie réelle, mais la spéculation. On a vu à l’œuvre, de la part tant de Gaulois que de Chinois – ces derniers étant plutôt les arbres qui révèlent la forêt –, des pratiques de concentration, j’y insiste, démesurée, des agrandissements sans limites, bref, l’abandon de tout ce qui, depuis Tanguy-Prigent et Pisani, avait été repris par la grande tradition de l’économie réelle, de l’économie sociale de marché, et qui a constitué une des forces de la France. Le prix relativement faible du foncier français est un élément de compétitivité que de nombreux pays européens nous envient ; il est une de nos chances de renouveler les générations d’agriculteurs. Lorsque j’ai présidé l’un des ateliers des états généraux de l’agriculture, une des résolutions adoptées à l’unanimité de toutes les parties prenantes – des environnementalistes à toutes les formes de la profession organisée – affirmait qu’il ne saurait y avoir d’agro-écologie sans installations, sans renouvellement des générations et qu’il n’y aurait pas de renouvellement des générations sans politique foncière juste.

Cela ne marche plus parce que, à l’époque, on a appliqué une dérégulation un peu du même tonneau que ces lois de simplification dont on découvre les effets pervers après coup – la commission spéciale doit pour cette raison rester très vigilante –, mais aussi à cause d’une dérive individualiste dans le monde paysan, et enfin, après la crise des subprimes, de l’arrivée de fonds spéculatifs qui ont pris le monde rural pour une sorte de supermarché.

Nous avons, au cours de la dernière législature, pris diverses mesures…

Mme la présidente Sophie Errante. Je vous prie de bien vouloir conclure, monsieur Potier, nous n’avons pas encore entamé l’examen des quinze amendements de suppression de l’article…

M. Dominique Potier. Permettez, madame la présidente, mais c’est un combat de cinq ans que je ne voudrais pas voir ruiné par l’adoption d’un article délétère et inapproprié. Cinq ans de combat déjà bien entamés par le Conseil constitutionnel qui a partiellement invalidé la loi relative à la lutte contre l’accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle. Nous avons alors obtenu des membres de tous les groupes, depuis Les Républicains jusqu’à la France insoumise en passant par le Mouvement démocrate et apparentés, La République en marche et Nouvelle gauche, que soit constituée une mission d’information – elle sera installée la semaine prochaine – visant à repenser la politique des structures dans la modernité. Aussi cet article, je le répète, est-il totalement inopportun.

Dernier argument : d’ordinaire, une expérimentation est réversible. Ici, une fois qu’on aura introduit le renard dans le poulailler, on sait ce qui se passera et il sera trop tard pour compter les poules, si ce n’est les mortes. Ou le loup dans la bergerie… Je veux dire par là qu’on n’expérimente pas sur de l’irréversible : c’est insensé. Il faut supprimer l’article 30 et nous concerter pour bâtir des solutions modernes.

La commission examine les amendements de suppression de larticle CS14 de M. Julien Aubert, CS33 de M. Arnaud Viala, CS67 de M. Dino Cinieri, CS143 de M. Julien Dive, CS193 de M. Fabrice Brun, CS381 de M. Julien Aubert, CS671 de Mme Josiane Corneloup, CS230 de M. Bertrand Pancher, CS289 de M. Hervé Pellois, CS296 de M. Gaël Le Bohec, CS635 de M. Yves Daniel, CS760 de M. Laurent Saint-Martin, CS589 de M. Bruno Millienne, CS791 de Mme Jeanine Dubié et CS824 de M. Dominique Potier.

M. Éric Straumann. L’amendement CS14 est défendu.

M. Arnaud Viala. En ce qui concerne la transmission des exploitations agricoles, puisque c’est de cela qu’il s’agit, je souscris en grande partie aux propos de notre collègue Potier. On ne peut pas imaginer supprimer tout contrôle, faute de quoi on courra tout droit vers des situations dont personne ne veut. Nous souhaitons pour notre part permettre à l’agriculture française d’évoluer, de se moderniser – et nous souhaitons évidemment que les structures s’agrandissent – mais à condition que son histoire soit préservée et son modèle familial, si particulier, conservé.

Le contrôle reste, d’une manière ou d’une autre, indispensable et s’il doit évoluer, ce ne peut être de la manière dont l’article le prévoit. C’est pourquoi, par le biais des amendements CS33, CS67, CS143, CS193, CS381 et CS671, nous demandons sa suppression.

Enfin, il est indispensable que le Parlement tout entier, pour pouvoir procéder à des modifications des organes de contrôle, soit éclairé par les conclusions de la mission d’information sur le foncier agricole que Dominique Potier est sur le point de lancer dans le cadre de la commission des affaires économiques.

Mme la présidente Sophie Errante. Je constate que l’amendement CS230 est défendu.

Mme Véronique Louwagie. La politique agricole française distingue le droit de propriété et le droit d’exploiter, ce dernier étant soumis à un outil de régulation – à savoir le contrôle des structures des exploitations agricoles. Si l’on doit modifier cet outil, il faut le faire avec une grande prudence et en fonction d’une fine analyse.

Ce contrôle a répondu à un certain nombre d’objectifs, à commencer par celui de favoriser l’installation des jeunes agriculteurs, qui reste une priorité : il nous faut de jeunes agriculteurs et il nous faut les soutenir. Ensuite, il visait à limiter, voire à contrer la concentration des exploitations, non pas pour les opposer en fonction de leur taille, mais pour préserver leur diversité – pour peu, en particulier, que nous voulions garder des exploitations de type familial. Enfin, il a permis de favoriser, de consolider les petites exploitations en les aidant par le biais d’augmentations de superficie ou d’augmentations de moyens.

S’il est vrai que le contrôle des structures doit évoluer, plusieurs points sont à prendre en compte. En outre, expérimenter cette évolution dans telle région, tels départements est relativement risqué puisque nos territoires sont très différents les uns des autres. Il vaut mieux travailler avec les professionnels et réaffirmer le rôle de l’État, celui par lequel il confie aux acteurs locaux la possibilité de prendre des décisions, d’intervenir. C’est pourquoi la suppression de l’article 30 serait de bon augure.

M. Hervé Pellois. Les conclusions des états généraux de l’alimentation appellent à une grande loi foncière qui apportera des solutions nouvelles à la spécialisation des sols, à l’accaparement des terres, à la transparence des sociétés, aux prérogatives des SAFER et aux dérives du travail à façon, permettra de clarifier le statut des actifs agricoles et garantira un contrôle efficient de l’État. Il est également précisé dans ces conclusions qu’une politique de structure responsable doit privilégier le facteur humain plutôt que l’activité spéculative, favoriser la diversité au détriment des monopoles. Une mission d’information sur le foncier agricole va prochainement être lancée à l’Assemblée, on l’a dit. Enfin, dans le cadre des dix-sept auditions que j’ai menées avec Émilie Cariou sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » du projet de loi de finances pour 2018, nos interlocuteurs ont été unanimes sur la nécessité de repenser la globalité du contrôle des structures et sur la nécessité de le renforcer.

Si l’objectif de simplification de l’article 30 est louable, il convient d’entamer une réflexion plus approfondie sur le foncier et donc, par le biais de l’amendement CS289, de supprimer cet article en décalage profond avec les attentes du terrain. Simplifier le contrôle, oui ; l’améliorer, oui ; le supprimer, non.

M. Gaël Le Bohec. Avec cet article, il y va de la pérennité de notre agriculture, d’un certain type d’agriculture cher à nos territoires et à nos terroirs. Les nouvelles générations doivent pouvoir accéder aux exploitations et les maîtriser. Il est donc important de ne pas surréagir, et si tout le monde a bien conscience qu’à certains endroits le contrôle des structures est perfectible, avant de chercher à le supprimer, il importe de discuter. C’est pourquoi l’amendement CS296 vise à supprimer l’article 30.

M. Yves Daniel. Au moment où nous nous posons beaucoup de questions sur le renouvellement des générations, sur l’installation des jeunes agriculteurs, éléments grâce auxquels nous devons pouvoir répondre aux enjeux de société, comme, par ailleurs, l’ont montré les états généraux de l’agriculture, ce n’est pas le moment de supprimer le contrôle des structures des exploitations – un outil qui peut accompagner le projet agricole du futur. C’est pourquoi mon amendement CS635 vise lui aussi à supprimer l’article 30.

M. Jean-Baptiste Moreau. Le groupe La République en marche a déposé l’amendement CS760 visant à supprimer l’article 30, dans un contexte d’accaparement des terres et de spéculation par des intérêts financiers français et étrangers. Même si le contrôle des structures des exploitations agricoles n’y mettra pas un terme, le supprimer ne donne pas un bon signal. Ce système est certes perfectible : il fonctionne bien dans certains départements et dans certaines régions, mais très mal dans d’autres. Il faut donc sans doute le modifier et, comme l’a suggéré Dominique Potier, il reviendra à la mission d’information sur le foncier agricole de faire des préconisations. Mais le présent projet de loi pour un État au service d’une société de confiance, principalement relatif au droit à l’erreur, n’est pas le bon cadre pour cette simplification à bien des aspects dangereuse.

M. Nicolas Turquois. Je commencerai par la forme. Pour justifier votre rejet de certains amendements, monsieur le ministre, vous nous renvoyez à d’autres textes de loi. Or, dans la même logique, en pleine préparation d’un projet de loi sur l’agriculture, je ne vois vraiment pas ce que le dispositif prévu à l’article 30, qui concerne un aspect très spécifique de la politique agricole, fait dans ce texte-ci.

Pour le fond, je reviens un instant, pour ceux qui ne le sauraient pas, sur le contrôle des structures des exploitations agricoles. Quand des terres sont libérées, on cherche à qui les affecter. Elles le sont en priorité aux jeunes agriculteurs, et ensuite en fonction de critères liés à la main-d’œuvre, à la valeur ajoutée créée sur les exploitations, à la diversité de ces exploitations, à la proximité et à la taille du repreneur, autrement dit de critères d’équité, de bon sens. Or même si le contrôle des structures présente de réels dysfonctionnements, une complexité administrative certaine, il a largement contribué au maintien de la richesse de notre agriculture, et en particulier de sa diversité.

J’en viens enfin au principe même de l’expérimentation. Toute expérimentation a vocation à être réversible : si, au bout de trois ans, on l’a vu pour l’enseignement tout à l’heure, l’évaluation n’est pas satisfaisante, on peut revenir en arrière. Mais une fois qu’on aura accordé des droits d’exploitation, on sera dans l’incapacité de revenir en arrière : aussi n’est-ce plus une expérimentation mais, dans plusieurs situations, une forme de suicide de l’agriculture.

Les députés du groupe MODEM, en défendant l’amendement CS589, entendent donc supprimer l’article 30.

Mme Jeanine Dubié. Il est en effet important de rappeler l’objectif du contrôle des structures, outil de régulation destiné à moderniser les exploitations agricoles mais aussi à préserver notre modèle agricole de type familial. Il s’agissait, en l’instaurant, de stimuler l’installation des jeunes agriculteurs, d’éviter des concentrations, l’agrandissement excessif des exploitations et de favoriser la consolidation de petites exploitations.

La mise en œuvre du dispositif expérimental envisagé, prévoyant la suppression du contrôle des structures, pourrait donc avoir des conséquences très dommageables pour la pérennité de notre modèle agricole. Au-delà, l’idée même d’une expérimentation sur certains territoires seulement entraînerait une inégalité de traitement.

Je fais partie de ceux qui pensent qu’il faut renforcer ce contrôle plutôt que le supprimer. Lors de la précédente législature, notre collègue Potier l’a rappelé, nous avons eu à plusieurs reprises l’occasion – la loi d’avenir pour l’agriculture, la loi Sapin 2 – de discuter de ce sujet important. Maintenir l’agriculture sur notre territoire est également la préoccupation de la nouvelle majorité. Il est donc vraiment nécessaire de supprimer l’article 30 – c’est l’objet de mon amendement CS791 – et d’attendre que les travaux engagés aboutissent. Surtout, il faut appréhender la question de façon plus globale.

Mme la présidente Sophie Errante. Je suppose, monsieur Potier, que votre amendement CS824 est défendu ?

M. Dominique Potier. En effet, mais permettez-moi d’ajouter un élément : la politique des structures, bien faite, modernisée, telle que nous allons essayer de la penser dans le cadre des travaux de la mission d’information sur le foncier agricole et lors de la discussion du projet de loi sur l’agriculture, garantira une authentique liberté d’entreprise face à la concentration et au monopole ; ce sera un gage de valeur ajoutée et de biodiversité. Nous devons inscrire notre action dans le temps long et ne pas nous contenter d’expérimentations sur lesquelles nous ne pourrons pas revenir.

M. Jean Terlier. Ma voix sera un peu dissonante par rapport à celles qu’on vient d’entendre même si, à titre personnel, je ne suis pas favorable à la suppression totale du contrôle des structures des exploitations agricoles, qui a ses avantages et en premier lieu celui de lutter contre l’ultra-concentration du foncier agricole.

Malgré tout, on doit bien constater que sur les 20 000 demandes d’autorisation d’exploiter annuelles, 90 % reçoivent une réponse positive. Autrement dit, dans 90 % des cas, la demande est inutile. De quoi s’agit-il ? Quand un agriculteur veut créer une société et s’installer pour exploiter du foncier, ou s’agrandir, il dépose un dossier – soit une formalité supplémentaire. Ensuite, une commission examine la demande. Puis un arrêté préfectoral est pris. Bref, ces formalités demandent beaucoup de temps et d’énergie à l’agriculteur et à l’administration.

Aussi, si cela ne sert à rien dans 90 % des cas, faudrait-il envisager non pas une suppression totale du contrôle des structures, mais au moins appréhender les cas dans lesquels il ne sert à rien, pour ensuite lancer une expérimentation. J’ai déposé un amendement allant dans ce sens mais qui tombera si les amendements de suppression sont adoptés. J’estime que, dans le cadre d’une exploitation familiale, on pourrait se dispenser de solliciter une demande d’autorisation d’exploiter. On pourrait également envisager de relever le seuil en deçà duquel le contrôle d’autorisation d’exploiter ne serait pas déclenché. Il conviendrait donc non de supprimer, je le répète, mais d’aménager un contrôle dont force est d’admettre qu’il ne fonctionne pas.

M. le rapporteur. Je donne un avis favorable à ces amendements de suppression de l’article 30. Les différents intervenants se sont trouvés d’accord pour considérer que l’expérimentation telle qu’elle est prévue par le texte n’est pas opportune.

En tant que rapporteur, j’ai auditionné les représentants du cabinet du ministre de l’agriculture et de l’alimentation. L’idée du Gouvernement n’est pas de supprimer purement et simplement le contrôle des structures ; les membres du cabinet que j’ai rencontrés ont tenu à nous rassurer sur ce point. Reste que la rédaction de l’article est sans doute malheureuse puisqu’elle laisse entendre que l’objectif poursuivi est bien sa suppression totale. L’intention du Gouvernement rejoint celle exprimée ici, consistant à préparer la refonte, la modernisation du contrôle des structures d’exploitation, tout en restant fidèle à ses objectifs : favoriser l’installation des jeunes agriculteurs, maintenir l’agriculture familiale, valoriser le foncier agricole…

L’intention du Gouvernement était de bénéficier d’une expérimentation pour préparer des modifications législatives concernant le contrôle des structures. Cela étant, vous avez rappelé que les conclusions des états généraux de l’agriculture étaient assez claires sur le fait que des dispositions législatives sur le foncier agricole étaient en préparation ; vous avez également rappelé qu’une mission d’information sur le foncier agricole avait été instituée. C’est dans ce cadre que, de manière constructive, consensuelle, doit se préparer la refonte de notre politique de contrôle du foncier agricole.

M. le ministre. Très courageusement, le ministre va s’en remettre à la sagesse de la commission… (Sourires.) Je me suis renseigné auprès du cabinet du ministre de l’agriculture et de l’alimentation et j’ai confronté les intentions du Gouvernement avec le texte tel qu’il est rédigé. Certains ont souligné qu’un projet de loi sur l’agriculture allait bientôt être soumis à l’examen du Parlement, mais il faut savoir que la première version du texte instituant le droit à l’erreur date de la veille des dernières élections législatives et que, pour les nombreuses raisons que vous savez – ou pas, d’ailleurs –, vous n’en discutez que maintenant. Il ne s’agit donc pas d’une mauvaise manière faite au Parlement ni aux syndicats agricoles ou encore aux agriculteurs eux-mêmes.

J’avoue bien volontiers ne pas être aussi spécialiste que plusieurs d’entre vous en matière agricole. Reste qu’un certain nombre de professionnels de la profession, comme dirait Godard, sont venus me voir pour présenter des arguments que je peux tout à fait entendre également.

J’appellerai votre attention sur un point, puisqu’il m’est permis de temps en temps de faire un peu de provocation. J’ai entendu la litanie des arguments des syndicats de la profession ; or je constate que le monde de l’agriculture, et à juste raison si j’en juge par mon expérience d’élu d’une circonscription en partie agricole péri-urbaine, et qui par-là subit d’autres contraintes que certaines de vos circonscriptions, se plaint sans cesse de la surtransposition des normes européennes. En outre, je relève que, sur ce texte, les mesures de simplification concernant l’agriculture ne sont pas si nombreuses. Je constate également qu’à chaque fois que nous proposons des simplifications ou des suppressions de normes, quelqu’un trouve souvent une bonne raison pour ne pas l’accepter. Il est vrai que, derrière chaque norme il y a un intérêt – le but visé n’a rien de négatif en soi. Ces intérêts étant très divers, dans un monde agricole qui l’est tout autant, il se trouve toujours quelqu’un pour manifester son opposition.

C’est donc avec une certaine résignation que le Gouvernement va voir son article supprimé. Ce n’est pas grave en soi et c’est même tant mieux si cette suppression répare une erreur – et c’est du reste l’objet du travail en commission – ; mais je constate ici, comme c’est le cas dans le secteur du logement, que la simplification est souvent demandée et assez peu appliquée… J’ai déjà dit, pour finir, que je voulais bien supprimer des normes qui me paraissaient idiotes à condition qu’on me fasse des propositions, cela dans le cadre d’un échange avec vous ; or je n’ai pas eu de votre part beaucoup de ces propositions unanimes de simplification. Je me contente de le constater avec malice…

La commission adopte ces amendements.

En conséquence, larticle 30 est supprimé.

Et les amendements CS34 de M. Arnaud Viala, CS728 et CS730 du rapporteur, les amendements identiques CS15 de M. Julien Aubert et CS280 de M. Éric Pauget, ainsi que les amendements CS590 de M. Bruno Millienne – faisant lobjet dun sous-amendement CS927 de M. Jean Terlier – et CS729 du rapporteur, tombent.

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*     *

Après l’article 30

M. Richard Ramos. Le présent amendement vise à aider les industries agroalimentaires, telles que Bigard et Lactalis, qui ne communiquent pas leurs comptes, à trouver le chemin de la transparence et de la sincérité. Le but est de confier au juge les responsabilités que la loi Sapin II attribue au président de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires.

Nous devons aider nos amis Lactalis et Bigard à devenir bienveillants, sincères et, j’y insiste, transparents…

M. le rapporteur. La question que vous posez, mon cher collègue, sera au cœur des discussions qui font suite aux états généraux de l’agriculture et donc au cœur de la discussion – où votre amendement aura ainsi toute sa place – du projet de loi en préparation sur l’agriculture et qui traitera plus précisément des relations commerciales au sein de la filière agroalimentaire. Je vous invite donc à retirer votre amendement.

M. Richard Ramos. Alors Lactalis peut continuer à boire du petit-lait. Je vous fais remarquer, au passage, que mon amendement est cosigné par des députés de toutes les tendances politiques. Lactalis va donc pouvoir continuer à mépriser la représentation nationale !

M. le ministre. Vous me mettez en cause, monsieur le député, puisque mon avis sur votre amendement est également défavorable… Je ne vous ai pas beaucoup vu depuis le début des débats ; j’imagine donc que vous êtes venu dans le seul but de défendre cet amendement en tenant les propos que nous venons d’entendre. Je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure manière de faire de la bonne légistique et votre intervention ne correspond pas à l’atmosphère qui a jusqu’à présent présidé à nos travaux. Vouloir faire un coup politique ou de communication au terme de trois jours et trois nuits de débats ne vous servira pas beaucoup, si vous me permettez. Je me rallie en tout cas à l’excellente proposition du rapporteur.

La commission rejette lamendement.

La commission examine lamendement CS249 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. J’ai déposé une quinzaine d’amendements portant articles additionnels après l’article 30, qui tous tendent à simplifier la loi ou à remédier à une surtransposition.

L’amendement CS249 vise à supprimer un alinéa de l’article L. 142‑6 du code rural relatif aux conventions de mise à disposition des SAFER. Celui-ci fait doublon avec l’alinéa qui le précède depuis que la durée des conventions de mise à disposition a été allongée dans la loi d’avenir pour l’agriculture en 2014.

M. le rapporteur. S’il est vrai qu’il convient de procéder au toilettage ou à la remise à niveau des différents codes, je m’en tiendrai à la ligne que nous nous sommes fixée dans cette commission. Il nous faudra discuter de ces sujets techniques de la façon la plus éclairée possible. Je suggère donc que ces amendements soient débattus dans le cadre du projet de loi sur le foncier agricole, qui est en préparation. Je reconnais le caractère frustrant que peut revêtir cette réponse, car bon nombre de ces amendements pourraient constituer un toilettage ou une remise à niveau utiles des différents codes, mais c’est bien celle que j’apporterai à l’ensemble des amendements portant articles additionnels après l’article 30, dont je demanderai le retrait.

M. le ministre. Même avis.

Mme Véronique Louwagie. J’ai cru comprendre que le projet de loi sur le foncier agricole prendrait la forme d’un projet de loi d’habilitation à légiférer par ordonnances, ce qui ne laissera pas aux parlementaires la possibilité d’intervenir de la même façon sur le texte. J’aimerais vous entendre sur ce point, monsieur le rapporteur, car de votre réponse dépendra ma décision de retirer ou non cette vingtaine d’amendements.

M. Jean-Baptiste Moreau. Une partie de vos amendements, madame Louwagie, pourrait être parfaitement intégrée au texte qui sera présenté à l’issue des États généraux de l’alimentation, fin mars début avril, dont une partie ne sera pas constituée d’ordonnances. Comme l’a dit Mme la présidente, les projets de loi à venir contiendront tous un volet de simplification.

M. le rapporteur. Et rien ne vous empêchera, madame la députée, de déposer des amendements à un projet de loi d’habilitation. Vos amendements pourront donc faire l’objet d’un débat.

Mme Véronique Louwagie. Si j’ai la possibilité de déposer à nouveau cet amendement dans les mois qui viennent, je le retire.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement CS675 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Il s’agit là aussi de procéder à une simplification du droit, en sortant du statut de déchet les effluents d’élevage. Ainsi, le fumier ou les digestats ne sont pas des déchets, et doivent être considérés comme des amendements organiques, des engrais. J’ai compris que cet amendement pourrait trouver sa place dans un autre projet de loi et je le retirerai.

Je saisis cette occasion pour rappeler à M. le ministre que lorsque l’on touche à la terre – le cœur du réacteur –, c’est toute la profession agricole qui est concernée. D’ailleurs, si je ne suis pas agriculteur aujourd’hui, c’est que je n’ai pu obtenir les terres sur lesquelles je voulais m’installer ; j’ai mal tourné, et je suis devenu fonctionnaire de l’éducation nationale ! (Sourires.)

Lamendement est retiré.

Puis la commission examine les amendements CS250, CS251, CS253, CS254 et CS255 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement CS250 vise à abroger l’article L. 311-2-2 du code rural et de la pêche maritime relatif à la création de l’inventaire des vergers, lequel relève désormais du cadre réglementaire.

L’amendement CS251 vise à abroger l’article L. 341-1 relatif au fonds agricole. Créé en 2006, ce fonds avait pour objectif de faciliter la transmission en bloc des exploitations agricoles. Son usage demeurant confidentiel, sa suppression est vivement demandée par une partie des organisations agricoles, avec une mesure transitoire pour les fonds existants.

Avec l’amendement CS253, il est proposé de ne plus avoir recours à un décret pour la publication du barème annuel de la valeur des terres agricoles. Il s’agit de revenir à la situation antérieure à 2017 et de maintenir la pratique actuelle.

L’amendement CS254 prévoit l’abrogation du chapitre IV du titre premier relatif à certaines collectivités : l’article L. 314‑1 articulant les compétences de l’ODARC et de l’ASP en Corse est transféré au chapitre précédent, avec une clarification rédactionnelle qui maintient et sécurise le droit constant. L’article L. 314‑1‑1 relatif à l’exercice des compétences des commissions départementales d’orientation de l’agriculture en Corse est abrogé. La disposition figurant déjà à l’article R. 313‑4 du code rural, le droit constant est maintenu.

L’amendement CS255 a pour objet de fermer aux nouveaux entrants le statut d’associé d’exploitation – qu’il convient de ne pas confondre avec l’associé en société d’exploitation ou avec le collaborateur d’exploitation. Ce statut est complexe et désormais confidentiel. Il n’en est fait usage que pour pallier la durée limitée de la qualité d’aide familial depuis 2006, statut lui aussi en forte perte de vitesse. En contrepartie, il est proposé d’allonger la durée possible du statut d’aide familial de cinq à sept ans. Ces deux statuts rassemblaient moins de 3 000 personnes en 2016.

M. le rapporteur. Je remercie Mme Louwagie d’avoir présenté ces amendements et d’avoir ainsi posé le débat. Pour les raisons précédemment exposées, je la prie de bien vouloir les retirer.

M. le ministre. Même avis.

Mme Véronique Louwagie. Je retire ces amendements.

Les amendements CS250, CS251, CS253, CS254 et CS255 sont retirés.

La commission est saisie de lamendement CS792 de Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Je retire cet amendement de repli, devenu sans objet depuis la suppression de l’article 30.

Lamendement est retiré.

Puis la commission examine les amendements identiques CS256 de Mme Véronique Louwagie et CS903 de Mme Jeanine Dubié.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement CS256 prévoit d’étendre à la France entière un cas de refus d’autorisation d’exploiter applicable spécifiquement à l’outre-mer.

Mme Jeanine Dubié. L’amendement CS903 est défendu.

M. le rapporteur. Je demande le retrait de ces amendements.

M. le ministre. Même avis.

Les amendements identiques sont retirés.

La commission examine les amendements identiques CS257 de Mme Véronique Louwagie et CS904 de Mme Jeanine Dubié.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement CS257 vise à renforcer la sanction pécuniaire prévue par le code rural, afin de mieux dissuader toute fraude au contrôle des structures. Cela faciliterait la mobilisation des directions départementales des territoires quant au suivi des dossiers concernés.

Mme Jeanine Dubié. L’amendement CS904 est défendu.

M. le rapporteur. Je demande le retrait de ces amendements.

M. le ministre. Même avis.

Les amendements identiques sont retirés.

Puis la commission examine les amendements CS258, CS259, CS262, CS261, CS263, CS264, CS265, CS267, CS268, CS269, CS270, et CS273 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement CS258 vise à transférer un article relatif au conditionnement des paiements de base de la PAC du chapitre relatif aux limitations au droit de produire, supprimé, vers le chapitre relatif au financement des exploitations agricoles.

Il est proposé, avec l’amendement CS259, de réécrire l’article L. 341‑1 relatif au financement des exploitations agricoles, pour tenir compte notamment de la disparition des contrats d’agriculture durable et des contrats territoriaux d’exploitation.

L’amendement CS262 a pour objet de supprimer les locations annuelles renouvelables, trop complexes et qui ne sont plus utilisées. Créées par la loi d’orientation du 4 juillet 1980, elles sont devenues inutiles du fait de certaines évolutions législatives. Le régime déclaratif du contrôle des structures couplé au droit de non-renouvellement conféré au bailleur pour l’installation d’un descendant répond à la problématique. De plus, tout propriétaire peut désormais conclure une convention de mise à disposition avec une SAFER, pour une durée maximale de six ans, renouvelable une fois, ce qui constitue un doublon.

L’amendement CS261 vise à supprimer, à l’article L. 411‑11 du code rural, la base légale de la commission paritaire nationale des baux ruraux créée en 1976. Cette commission n’est aujourd’hui plus constituée, et ce, depuis plusieurs années.

L’amendement CS263 est plus qu’un amendement de simplification, puisqu’il vise à faciliter la résiliation du bail par le preneur. Sauf cas particuliers, qui sont maintenus, un préavis d’un an au moins était prévu si le fermier avait atteint l’âge de la retraite. Ce préavis est généralisé pour tous les fermiers, afin de fluidifier les relations entre fermiers et bailleurs. Il s’agit d’éviter qu’un exploitant ne soit forcé d’exploiter un terrain dont il ne peut ou ne veut plus assumer la charge, comme cela peut survenir en cas de difficultés économiques graves. Un délai de préavis suffisant est maintenu afin que le bailleur trouve dans de bonnes conditions un nouveau fermier pour l’année culturale suivante. Ainsi, le fermier qui ne souhaite pas renouveler son bail pourra notifier sa décision à son propriétaire non plus dix-huit mois, mais un an au moins à l’avance.

L’amendement CS264 a pour objet de supprimer les baux cessibles hors du cadre familial, qui ne répondent plus aux problématiques actuelles – les baux cessibles en cours perdurent. Il est prévu d’y substituer un mécanisme de cession au bénéfice des jeunes hors du cadre familial dans tous les nouveaux contrats, plus judicieux et respectueux des droits du bailleur : celui-ci agréera la cession au moment où elle est effectivement envisagée, ce qui est plus logique et pratique. À défaut d’accord du bailleur, aucun recours au tribunal paritaire ne pourra être effectué ; la transmission du bail au cessionnaire envisagé, ou à un autre agriculteur, nécessitera donc un nouveau contrat.

Avec l’amendement CS265, il est proposé de répondre à une demande récurrente de nos concitoyens en prévoyant qu’un arrêté du ministre de l’agriculture – et non plus par une centaine d’arrêtés préfectoraux – fixe la surface maximale reprise par le bailleur en vue de construire une maison. Cela permettra d’unifier cette surface au niveau national.

L’amendement CS267 prévoit que, pour les exploitants atteignant l’âge de la retraite à compter du 1er janvier 2019, la conservation de nouvelles parcelles de subsistance ne sera plus opposable au bailleur. Privilégier la détention de parcelles de subsistance en propriété permettra de faciliter les transmissions complètes d’exploitations agricoles.

L’amendement CS268 vise à simplifier la procédure en supprimant l’obligation de consulter le comité technique départemental – rarement constitué – pour réaliser des travaux d’amélioration. Ceux-ci s’en trouveront juridiquement sécurisés.

L’amendement CS269 procède à la suppression d’un article sur l’application des dispositions transitoires relatives aux modalités d’indemnisation du preneur sortant ayant procédé à des améliorations antérieures au 13 juillet 1967. La durée d’amortissement, supérieure à cinquante ans, dépasse généralement les durées maximales d’amortissement autorisées par le statut du fermage en vue de donner lieu à indemnisation.

L’amendement CS270 a pour objet de supprimer les baux à domaine congéable et à complant, des contrats qui ne sont plus guère utilisés.

Enfin, l’amendement CS273 prévoit que sont ratifiées quatre ordonnances issues de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt du 13 octobre 2014.

M. Le rapporteur. Je vous félicite pour le travail que vous avez effectué, madame la députée. Je regrette de devoir vous demander de retirer l’ensemble de ces amendements, pour les raisons que j’ai exposées précédemment.

M. le ministre. Même avis.

Mme Véronique Louwagie. Je retire ces amendements.

Les amendements CS258, CS259, CS262, CS261, CS263, CS264, CS265, CS267, CS268, CS269, CS270, et CS273 sont retirés.

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Article 31
Expérimentation des demandes en appréciation de régularité
dune décision administrative

Le présent article a pour objet la création, à titre expérimental, d’un mécanisme de « rescrit juridictionnel », c’est-à-dire d’une appréciation en régularité, par un juge, d’une décision administrative, qui limite ensuite les possibilités de recours contre cette décision.

I.   l’État du droit

● L’instabilité et la complexité de la norme constituent un frein pour l’activité des porteurs de projet. Plusieurs articles du présent projet de loi créent de nouveaux instruments juridiques à disposition de l’administration pour sécuriser l’environnement normatif des usagers : l’opposabilité des contrôle (article 2), les rescrits administratifs (article 10) ou encore les certificats d’information (article 12).

La sécurité juridique peut être complétée par l’institution de mécanismes supplémentaires, de type juridictionnel : il s’agit alors de saisir un juge sur une décision administrative afin qu’il se prononce sur la régularité de la procédure suivie. Le Conseil d’État, dans son étude de 2013 ([89]), nomme ce mécanisme « purge juridictionnelle » : une fois que le juge sest prononcé sur la régularité de la décision, celle-ci est « purgée » dune éventuelle irrégularité, et ce moyen ne peut être plus soulevé lors d’un futur contentieux. Cela peut donc s’avérer être un outil particulièrement précieux pour les porteurs de projets longs et complexes.

● Plusieurs dispositifs limitent aujourd’hui les facultés de recours contre certaines décisions de l’administration, une fois qu’un juge s’est prononcé.

L’article L. 600-1 du code l’urbanisme, tout d’abord, prive les requérants de la faculté d’invoquer par voie d’exception devant les juridictions administratives l’illégalité pour vice de forme ou de procédure de différents documents d’urbanisme (schéma de cohérence territoriale, plan local d’urbanisme, plan communal) après expiration d’un délai de six mois à compter de la date d’effet du document en cause.

Cette limitation du droit au recours a été validée par le Conseil constitutionnel. Dans sa décision du 21 janvier 1994 ([90]), il a ainsi estimé que cette limitation était justifiée « eu égard à la multiplicité des contestations de la légalité externe de ces actes » et qu’il importait de « prendre en compte le risque dinstabilité juridique en résultant, qui est particulièrement marqué en matière durbanisme, sagissant des décisions prises sur la base de ces actes ».

Un dispositif similaire a été créé, en matière de santé publique, pour la création des projets régionaux de santé. Introduit par l’article 4 de la loi du 10 août 2011 ([91]), l’article L. 1434-3-1 du code de la santé publique précise ainsi que l’illégalité pour vice de forme ou de procédure d’un projet régional de santé ne peut être invoquée par voie d’exception après l’expiration d’un délai de six mois à compter de la prise d’effet du document concerné.

De manière sensiblement différente, parce qu’il n’y a pas, dans ce cas, de tiers intéressé, en matière de contentieux des étrangers, les articles L. 222-3 et L. 552-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, introduits par la loi du 16 juin 2011 ([92]), limitent également le droit le recours : sont ainsi irrecevables, lors de l’audience relative à une seconde prolongation de rétention administrative, les moyens tirés d’irrégularités de procédure commises antérieurement à l’audience relative à la première prolongation.

Le code de lenvironnement comprend, enfin, une disposition assez voisine à celle du code des étrangers. À propos des débats publics et concertations préalables organisées par la Commission nationale du débat public, l’article L. 121-15 prévoit qu’aucune irrégularité ne peut être invoquée lorsque l’acte par lequel la Commission a renoncé à organiser un débat public est devenu définitif.

● Les dispositifs de limitation du droit au recours demeurent donc aujourd’hui sectoriels et limités aux irrégularités de faible portée. Dans son étude précitée de 2013, le Conseil d’État réfléchissait à la création « dune forme étendue dautorité de la chose jugée » dès lors qu’un recours a été exercé contre la décision et qu’un moyen a été soulevé.

Il proposait notamment d’imaginer un « système dans lequel, sous réserve dune publicité suffisante, toute personne intéressée, y compris le bénéficiaire de la pré-décision, pourrait saisir un juge administratif qui se prononcerait en premier et dernier ressort dans un délai rapide. Le législateur pourrait alors prévoir, en veillant à ne pas porter une atteinte excessive au droit au recours, quune fois mise en œuvre cette procédure et si le juge conclut à la légalité de la pré-décision, celle-ci ne pourrait plus être critiquée, y compris par voie dexception à loccasion dun recours dirigé contre la décision finale. Ce mécanisme complexe pourrait, en particulier, présenter un intérêt pour les projets les plus importants. » ([93]) C’est précisément ce dispositif que le présent article propose de créer, à titre expérimental.

II.   le dispositif proposÉ

● Le I du présent article précise le périmètre et le champ dapplication de l’appréciation en régularité. Le bénéficiaire mais aussi la collectivité à l’origine d’une décision administrative pourront saisir le tribunal administratif d’une telle appréciation, qui ne concernera que la légalité externe de l’acte, c’est-à-dire la compétence de l’auteur de l’acte, la forme de l’acte, ainsi que les différentes formalités prévues par sa procédure d’édiction.

Le champ du dispositif comprend les décisions non réglementaires prises sur le fondement du code de lexpropriation pour cause dutilité publique, du code lurbanisme et du code de la santé publique. Ce champ devra être défini avec précision dans le décret en Conseil d’État prévu pour l’application de cet article.

À titre d’exemple, l’étude d’impact cite le cas d’une « opération daménagement urbain engagée par une collectivité publique et donnant lieu à une procédure dexpropriation. La collectivité pourrait ainsi sécuriser lacte déclaratif dutilité publique en demandant au juge administratif den apprécier la régularité. De même, dans le cas dun immeuble déclaré insalubre à titre irrémédiable par le préfet, le préfet ou lentreprise qui a un projet dacquisition de limmeuble pourrait demander au juge administratif de se prononcer sur la régularité de larrêté portant déclaration dinsalubrité irrémédiable, dans le but de prévenir une remise en cause ultérieure de la déclaration dutilité publique de lacquisition de limmeuble insalubre. »

● Le II précise les modalités dorganisation du débat contentieux. La demande devra être présentée dans un délai de trois mois suivant la décision. Afin que les tiers intéressés soient en mesure de faire valoir leurs observations, il est précisé que la décision doit être rendue publique, selon des modalités qui seront précisées par décret en Conseil d’État.

La saisine du juge a pour effet de suspendre lexamen des recours au fond dirigés contre la décision en cause et dans lesquels sont soulevés des moyens de légalité externe, sauf s’il s’agit des procédures de référé prévues au livre V des procédures administratives.

● Afin de ne pas allonger la procédure, la décision du juge ne se sera pas susceptible d’appel (III). S’il constate la régularité de la décision, aucun moyen d’illégalité externe ne pourra plus être invoqué à l’encontre de cette décision. Cette purge, souligne l’étude d’impact, « permettra laccélération des procédures au fond éventuellement pendants devant les tribunaux à lencontre de ces décisions puisque ne pourront être soulevées que des moyens de légalité interne ».

En cas d’irrégularité, le juge ne pourra en revanche pas abroger l’acte en question. Il appartiendra alors à l’administration de retirer l’acte, soit au cours de la procédure, soit dans un délai de deux mois à l’issue de la décision du juge.

Le tribunal statuera dans un délai fixé par voie réglementaire. La célérité de la procédure juridictionnelle étant naturellement un élément clé de l’efficacité de ce dispositif, votre rapporteur ne peut qu’être favorable à des délais brefs, qui ne nuisent cependant pas à la qualité des décisions rendues.

● Les IV et V du présent article prévoient que l’expérimentation sera menée pour une durée de trois ans, dans le ressort de quatre tribunaux administratifs.

Un décret en Conseil d’État précisera, outre les décisions entrant dans le champ d’application de l’article, les modalités de publicité des décisions en question ainsi que les réponses qui leur auront été apportées par les tribunaux.

III.   lA POSITION DE LA COMMISSION SPÉCIALE

La commission spéciale a adopté cet article sans modification.

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La commission émet un avis favorable à ladoption de larticle 31 sans modification.

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Article 32
Habilitation pour la simplification des règles de mention et de sanction du taux effectif global – Habilitation pour la simplification du régime de responsabilité des agences de notation de crédit – Suppression du rapport de gestion pour les petites entreprise

Le présent article prévoit deux habilitations du Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures relevant du domaine de la loi en matière de mention du taux effectif global dans les contrats de crédit aux entreprises d’une part (I), et en matière de régime de responsabilité des agences de notation de crédit d’autre part (II). Il prévoit également de modifier le code du commerce pour dispenser les petites entreprises de l’établissement d’un rapport de gestion (III).

Ces trois mesures visent à aligner le droit français sur les règles européennes, en mettant fin aux surtranspositions.

I.   habilitation en matiÈre de taux effectif global

A.   l’État du droit

1.   Le taux effectif global

Le taux effectif global se définit comme le coût total du crédit pour l’emprunteur, exprimé en pourcentage annuel du montant total du crédit.

Comme le note Emmanuel Constans, ancien Président du comité consultatif du secteur financier, dans son rapport au ministre de l’économie remis en juillet 2017, « lobjectif du TEG est double. Il vise, dune part, à faciliter pour les emprunteurs la comparaison des offres de crédit qui leur sont soumises. Il permet, dautre part, de vérifier le respect par le crédit concerné du taux de lusure ».

Afin de mieux comparer les offres de crédits, le TEG synthétise en un chiffre l’ensemble du coût. L’article L. 314-1 du code de la consommation précise que, « pour la détermination du taux effectif global du prêt […], sont ajoutés aux intérêts les frais, les taxes, les commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, supportés par lemprunteur et connus du prêteur à la date démission de loffre de crédit ou de lavenant au contrat de crédit, ou dont le montant peut être déterminé à ces mêmes dates, et qui constituent une condition pour obtenir le crédit ou pour lobtenir aux conditions annoncées ».

Les frais couverts par le TEG

Aux termes de l’article R. 314-4 du code de la consommation, sont compris dans le taux annuel effectif global du prêt, lorsqu’ils sont nécessaires pour obtenir le crédit ou pour l’obtenir aux conditions annoncées, notamment :

–  les frais de dossier ;

– les frais payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l’octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels ;

– les coûts d’assurance et de garanties obligatoires ;

– les frais d’ouverture et de tenue d’un compte donné, d’utilisation d’un moyen de paiement permettant d’effectuer à la fois des opérations et des prélèvements à partir de ce compte ainsi que les autres frais liés aux opérations de paiement ;

– le coût de l’évaluation du bien immobilier, hors frais d’enregistrement liés au transfert de propriété du bien immobilier.

Le TEG ne comprend en revanche pas les frais dont l’emprunteur est redevable en cas d’inexécution de l’une de ses obligations prévue au contrat de crédit.

Conçu pour protéger les consommateurs, le taux de l’usure est, pour chaque grande catégorie de crédit, le taux maximum auquel une banque peut prêter. Un TEG excédant de plus du tiers le taux effectif moyen pratiqué au trimestre précédent, tel que calculé par la Banque de France, est considéré comme usuraire ([94]). Aux termes de l’article L. 341-50 du code de la consommation, le fait de consentir à autrui un prêt usuraire est passible de sanctions pénales (deux ans de prison et 300 000 euros d’amende), avec éventuellement des mesures complémentaires comme la fermeture de l’entreprise.

En application des articles L. 314-5 du code de la consommation et L. 314-1 du code monétaire et financier, le taux effectif global doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt, qu’il s’agisse d’un crédit aux particuliers, aux entreprises ou aux personnes morales non professionnelles.

2.   La mention obligatoire du taux effectif global dans les contrats de crédit aux entreprises

a.   Les contrats de crédits aux entreprises ne sont pas dans le champ de l’harmonisation européenne

On dénomme TAEG (taux annuel effectif global) le TEG calculé pour les crédits régis par le code de la consommation (crédit à la consommation et crédit immobilier lorsqu’il n’est pas destiné à financer une activité professionnelle). Le calcul du TAEG est harmonisé au niveau européen pour les crédits à la consommation ([95]) et les crédits immobiliers ([96]).

Les taux se distinguent par la méthode de calcul applicable : le TAEG est calculé selon la méthode dite « équivalente » (calcul d’actualisation à compter de la date de déblocage des fonds) alors que le TEG est calculé selon la méthode proportionnelle (calcul par périodes de temps égales à compter du déblocage des fonds).

En ce qui concerne le TAEG, le droit européen en impose la mention au sein des documents précontractuels et contractuels et en harmonise la définition, les modalités de calcul et le champ d’application.

Or, ces règles applicables aux seuls crédits souscrits par les ménages dans le droit de l’Union européenne ont été étendues en droit français à l’ensemble des crédits consentis aux entreprises, aux associations et aux collectivités locales.

b.   Les objectifs du TEG ne sont pas nécessairement remplis en matière de contrat de crédit aux entreprises

Concernant les crédits aux entreprises, les deux objectifs du TEG – lisibilité et détermination par rapport au taux d’usure – ne sont pas nécessairement remplis.

D’une part, la réglementation relative à l’usure ne s’applique plus aux prêts accordés à des personnes morales agissant à des fins professionnelles depuis des lois de 2003 et 2005 ([97]), à l’exception des découverts en compte. Cette réforme avait pour objectif de permettre aux entreprises ayant peu de fonds propres et de garanties à offrir en contrepartie d’un emprunt d’obtenir les fonds nécessaires, tout en assurant aux banques prêteuses la juste rémunération de leur prise de risque.

D’autre part, le TEG ne permet pas toujours une bonne comparaison des offres aux entreprises ou de lisibilité sur le coût total du crédit que l’entreprise supportera réellement.  

S’agissant de produits financiers complexes, tels que des prêts à taux variable ou des prêts structurés, le calcul du TEG lors de la signature du contrat de crédit est basé sur des hypothèses de long terme (inflation, variation des taux) difficilement prévisibles. Aussi, le coût du crédit effectivement constaté a posteriori diffère généralement du TEG.

Pour les produits financiers de court terme, tels que la facilité de caisse, le découvert ou l’affacturage, le taux effectif global ne permet pas à un entrepreneur d’appréhender le coût global de son contrat. Lors de l’ouverture d’une ligne de crédit de court terme, le TEG est calculé sur la totalité des droits de tirage. Or, il n’est pas certain que l’entreprise utilise la totalité du crédit ainsi consenti. Il en résulte que le TEG effectivement appliqué par l’établissement de crédit va différer de celui initialement mentionné, puisque variant en fonction de l’utilisation de la ligne de crédit.  

Dans son rapport sur la lisibilité des tarifs des produits de financement utilisés par les TPE, l’Observatoire de financement des entreprises souligne que le TEG « nest toutefois quasiment pas utilisé par les banquiers et affactureurs pour présenter le coût de leurs produits. En effet, hormis le crédit échéancé (qui comprend un tableau damortissement), le TEG peut difficilement intégrer la part d’aléa parfois assez forte concernant les autres produits de financement (par exemple, il peut être assez difficile de prévoir dans quelle mesure un découvert sera utilisé ou encore de savoir dans quelle mesure on fera usage du contrat d’affacturage : nouveaux clients et donc nouvelles factures arrivant en cours d’exécution du contrat ...) »  ([98]).

3.   Les sanctions applicables au prêteur en cas d’erreur ou défaut de TEG

En matière de sanction du défaut ou de l’erreur de TEG, le droit de l’Union européenne renvoie aux États membres le soin d’en définir les modalités, à condition que la sanction soit effective, dissuasive et proportionnée.

En droit français, les sanctions en cas de défaut ou d’erreur de TEG/TAEG sont très diverses, selon la nature de la procédure engagée : sanctions pénales ou civiles. S’y ajoutent, éventuellement, les sanctions administratives prononcées par l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).

En matière de sanctions pénales, les sanctions peuvent aller de la contravention de 5ème  classe (pour une absence de la mention de TAEG dans la fiche d’information précontractuelle européenne normalisée) à l’amende délictuelle de 150 000 euros (pour une remise d’une offre de crédit ne comportant les mentions prescrites, dont le TEG).

Le tableau ci-dessous recense les différentes sanctions selon la nature du contrat de prêt.

sanctions encourues en cas derreur ou de dÉfaut de mention du TEG

Pénale/civile

Intitulé de la sanction

Type de crédit concerné

Objet de la sanction

Civile

Déchéance totale du droit aux intérêts

Crédit à la consommation

Absence ou erreur de TEG dans l’information précontractuelle (FIPEN) ou dans le contrat écrit de crédit

Civile

Déchéance totale ou partielle du droit aux intérêts à l’appréciation du juge

Crédit immobilier

Non-remise de la FISE et donc absence d’information pour l’emprunteur sur le TAEG

Non-respect par le prêteur de l’obligation de fournir une offre écrite, ou remise de l’offre écrite mais non-respect des mentions prescrites, dont le TAEG (ou avec un TAEG erroné)

Civile

Déchéance proportionnée et plafonnée du droit aux intérêts

Crédit immobilier

Remise d’une FISE qui n’est pas dans les formes ou ne comporte pas les mentions prescrites dont le TAEG (ou avec un TAEG erroné)

Civile

Nullité de la clause d’intérêt avec application du TIL

Opération de crédit

Absence ou erreur de TEG/TAEG dans le contrat de crédit

Pénale

Amende contraventionnelle (contravention 5ème classe)

Crédit à la consommation

Non-remise de la FIPEN, ou remise de la FIPEN mais non-respect de la forme ou des mentions prescrites dont le TAEG (ou avec un TAEG erroné)

Non-respect par le prêteur de l’obligation de fournir un contrat de crédit à la consommation écrit, ou remise d’un contrat mais non-respect de la forme ou des mentions prescrites, dont le TAEG (ou avec un TAEG erroné)

Crédit immobilier

Non-remise de la FISE ou remise de la FISE mais non-respect des formes et des mentions prescrites, dont le TAEG (ou avec un TAEG erroné)

Pénale

Amende délictuelle (150 000 €)

Crédit immobilier

Non-respect par le prêteur de l’obligation de fournir un offre de crédit, ou remise d’une offre écrite mais non-respect des mentions prescrites, dont le TAEG (ou avec un TAEG erroné)

Tout crédit

Absence ou erreur de TEG dans un contrat de crédit

Source : rapport dEmmanuel Constans au ministre de léconomie sur le taux effectif global, annexe 5 (juillet 2017).

Ainsi, en cas d’absence ou l’erreur de TEG ou de TAEG dans le contrat de crédit, le juge prononce la nullité de la clause contractuelle relative au taux d’intérêt conventionnel et lui substitue le taux d’intérêt légal. Par conséquent, le prêteur est tenu de rembourser à l’emprunteur le trop-perçu d’intérêt.

Pour les crédits à la consommation, l’absence ou l’erreur de TAEG au sein des documents de nature précontractuelle et contractuelle entraîne la déchéance totale des droits aux intérêts, sans pouvoir d’appréciation du juge. Pour les crédits immobiliers, le code de la consommation prévoit une déchéance totale ou partielle, laissée à l’appréciation du juge.

Il apparaît que les sanctions civiles manquent de cohérence et de lisibilité. Pour les crédits aux entreprises, la seule sanction applicable est la nullité des clauses d’intérêts alors que les crédits aux consommateurs peuvent faire l’objet d’une déchéance partielle ou totale des droits aux intérêts.

En outre, certaines sanctions civiles soulèvent des interrogations quant à leur conformité au principe de proportionnalité, imposé par l’Union européenne. Ces sanctions ne sont en effet pas modulables et s’appliquent de la même manière lorsqu’elles sanctionnent l’absence de TEG, une erreur grossière ou une erreur minime ([99]).

B.   le dispositif proposÉ

L’article prévoit d’habiliter le Gouvernement à prendre, dans un délai de douze mois suivant la publication de la loi, toute mesure visant à modifier les dispositions législatives du code de la consommation et du code monétaire et financier relatives au taux effectif global.

1.   La suppression de la mention obligatoire du TEG dans les contrats de crédit aux entreprises

Le a) du 1° du I (alinéa 3) prévoit la suppression de la mention obligatoire du taux effectif global dans les contrats de crédit aux entreprises, lorsque cette mention est inappropriée à ces contrats.

D’après les informations transmises par le Gouvernement au rapporteur, « il sagit de développer des outils permettant aux entreprises, dont les plus petites, dinformations claires, fiables et compréhensibles, base dune meilleure connaissance du coût réel du crédit et de la comparabilité entre établissements ».

Certains outils font déjà l’objet de développement, sous l’impulsion des pouvoirs publics et des professionnels, comme les glossaires des frais liés aux financements de court terme pour les TPE ou encore les récapitulatifs annuels de frais bancaires ex post. D’autres outils pourraient être envisagés, tels que des comparateurs de crédit (sur la base d’une terminologie commune).  

2.   L’harmonisation du régime de sanction applicable en cas de défaut ou d’erreur de TEG ou de TAEG

Le b) du 1° du I (alinéa 4) prévoit de clarifier et d’harmoniser le régime des sanctions civiles applicables en cas d’erreur ou de défaut de ce taux. Cette habilitation doit permettre de clarifier le régime de sanctions applicables et d’instaurer une plus grande proportionnalité des sanctions au regard des préjudices effectivement subis en cas d’erreur ou de défaut de TEG/TAEG.

Si seules les sanctions civiles sont visées par l’habilitation, cette harmonisation du régime de sanction vise aussi les contrats de crédit aux particuliers qu’aux entreprises. Il s’agit, selon le Gouvernement, « de prendre en compte le préjudice réel subi par lemprunteur » en modulant les sanctions selon la gravité de l’erreur.

C.   la position de la commission spÉciale

Certains acteurs économiques, notamment les représentants de petites et moyennes entreprises, rencontrés par votre rapporteur ont soulevé des craintes quant à la suppression de la mention obligatoire du TEG dans les contrats de prêts aux entreprises.

Plusieurs parlementaires de la commission spéciale ont relayé ces craintes. Votre rapporteur souligne donc ici qu’il n’est pas envisagé de supprimer l’obligation de mention du TEG dans tous les contrats de prêts aux entreprises, mais seulement pour les prêts pour lesquels la pertinence informative du TEG n’est pas avérée.

L’étude d’impact précise ainsi qu’une large consultation auprès des établissements prêteurs et des emprunteurs sera menée afin d’estimer précisément dans quels cas le TEG ne s’avère pas nécessaire et par quelle information plus utile il pourrait être remplacé, selon les préconisations de l’Observatoire de financement des entreprises. C’est ainsi que se justifie un délai d’habilitation relativement long – de douze mois.

Le Gouvernement prévoit d’aboutir à un « accord de place » ([100]) afin de définir de nouvelles modalités d’information sur les offres de crédits, plus adaptées aux besoins des entreprises.

Il s’agit cependant de veiller à ce que la mention du TEG dans les contrats de crédits aux entreprises ne soit plus obligatoire uniquement lorsqu’elle n’est pas pertinente et à ce qu’un dispositif plus adéquat soit mis en place, afin que les petites et moyennes entreprises ne perdent pas en lisibilité et en transparence de leurs offres de crédits. Il conviendrait également de maintenir l’obligation pour le prêteur de mentionner le TEG lorsque l’emprunteur le demande.

II.   Le rÉgime de responsabilitÉ des agences de notation

A.   l’État du droit

1.   Le régime de responsabilité européen des agences de notation de crédit

Avant la crise financière de 2008, l’activité des agences de notation ne faisait l’objet que d’un encadrement minimal.

Le règlement européen no 1060/2009 sur les agences de notation, entré en vigueur le 7 décembre 2009, a instauré un premier dispositif d’encadrement des agences de notation dans l’Union européenne. Les agences de notation de crédit sur le territoire européen doivent être enregistrées et se soumettre à l’ensemble des règles relatives aux conflits d’intérêt, à la transparence, à l’émission et à la qualité des notations.

La compétence des autorités nationales de régulation en matière d’enregistrement et de contrôle des agences de notation, dévolue initialement à l’Autorité des marchés en France, a été transféré à l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF ou ESMA ([101]) en anglais) depuis le 1er juillet 2011.

En matière de responsabilité, le régime européen a été renforcé, notamment par l’article 35 bis du règlement (UE) no 462/2013 du 21 mai 2013, dit « CRA 3 » (pour Credit Rating Agencies 3), modifiant le règlement (CE) n° 1060/2009, règlement « CRA 1 ».

En matière de responsabilité à l’égard des tiers, il prévoit que lorsqu’une agence de notation de crédit, de manière intentionnelle ou par négligence grave, a commis une infraction aux règles européennes, un investisseur ou un émetteur peut demander réparation à cette agence de notation pour le préjudice subi du fait de cette infraction. La charge de la preuve incombe au requérant. Le droit européen reconnaît donc une responsabilité des agences à l’égard des tiers et non seulement une responsabilité contractuelle entre l’agence et ses clients.

En matière de responsabilité contractuelle qui lie l’agence de notation à l’émetteur, seules les clauses d’exonération totale de responsabilité sont prohibées: les clauses limitatives de responsabilité, courantes dans les relations contractuelles des agences de notation, demeurent licites et ont pour but de préserver l’indépendance des agences de notation dans leurs relations contractuelles avec leurs clients.

Le règlement (UE) no 462/2013 prévoit que la responsabilité civile de l’agence de notation de crédit ne peut être limitée a priori que lorsque cette limitation est raisonnable et proportionnée et qu’elle est autorisée par le droit national applicable.

2.   Le régime français de responsabilité des agences de notation

La France se distingue au sein de l’Union européenne en raison de son régime de responsabilité civile des agences de notation de crédit plus contraignant.

Le régime français de responsabilité civile des agences de notation de crédit a été créé par les articles 10 et 11 de la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 sur la régulation bancaire et financière, codifiés aux articles L. 544-5 et L. 544-6 du code monétaire et financier.

L’article L. 544-5, alinéa 1er, reconnaît la responsabilité, y compris délictuelle, d’une agence de notation tant à l’égard de ses clients que des tiers, si des fautes ou manquement qu’elle commet ont des conséquences dommageables.

Le droit français impose aux agences de notation de crédit un engagement de leur responsabilité civile plus extensif que celui du règlement européen « CRA3 », notamment sur la nature de la responsabilité engagée – civile et délictuelle en France. Le requérant peut donc choisir d’avoir recours à la responsabilité délictuelle de l’agence malgré l’existence d’un contrat. La loi française, contrairement au droit européen, n’implique pas la nécessité pour le requérant d’apporter la preuve de l’impact de la notation.

 Au plan de la culture juridique, l’approche du droit français est différente de celle du droit européen, puisque le régime français ouvre une responsabilité large qui sera qualifiée par le juge saisi de la question alors que le droit européen se base sur une approche casuistique, l’annexe III du règlement « CRA 2 » tel que modifié par le règlement « CRA 3 » recense 95 cas de fautes de nature à engager la responsabilité civile des agences de notation de crédit.

Le deuxième alinéa de l’article L. 544-5 prohibe tout accord ayant pour effet de soumettre un différend, par avance et exclusivement, à un État tiers à l’Union européenne. Ce régime n’a jamais donné lieu à un contentieux.

L’article L. 544-6 prohibe les clauses exclusives de responsabilité. Cette disposition existe également en droit européen (dernier alinéa du 3. de l’article 35 bis du règlement CRA 3).

Les articles du code monétaire et financier s’appliquent aux agences de notation de crédit dont le siège social (des filiales en général) est situé en France, quelle que soit la localisation de la personne morale ou physique qui entend engager leur responsabilité civile.

B.   le dispositif proposÉ

Le présent article autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de douze mois, toute mesure du domaine de la loi visant à modifier les dispositions du code monétaire et financier en vue de simplifier le régime de responsabilité des agences de notation de crédit (alinéa 5).

D’après les éléments transmis à votre rapporteur, le Gouvernement envisage d’abroger les articles L. 544-4, L. 544-5 et L. 544-6 du code monétaire et financier :

– l’article L. 544-4 désignant l’Autorité des marchés financiers comme compétente au sens du droit européen sur les agences de notation de crédit est sans effet depuis le transfert de la compétence à l’AEMF le 1er juillet 2011 ;

– l’article L. 544-5 définit le régime français de responsabilité des agences de notation de crédit et prohibe les clauses contractuelles soumettant un contrat d’une agence de notation aux juridictions d’un État tiers à l’Union ;

– l’article L. 544-6 prohibe les clauses exclusives de responsabilité, réputées non écrites.

C.   la position de la commission spÉciale

La commission spéciale a adopté un amendement du Gouvernement visant à supprimer cette mesure d’habilitation (suppression de l’alinéa 5) pour la remplacer par la suppression des articles L. 544-4, L. 544-5 et L. 544-6 du code monétaire et financier.

Le rapporteur a émis un avis favorable sur cet amendement, considérant que cette option est plus claire et plus lisible pour le Parlement qu’une habilitation à légiférer par ordonnance.

Cette simplification doit être un signal favorable pour les agences de notation de crédit, afin de rendre leur régime de responsabilité davantage lisible et stable. D’autant plus que, dans le contexte du Brexit, une telle surtransposition pourrait faire obstacle à la relocalisation d’agences de notation à Paris.

III.   la suppression du rapport de gestion pour les petites entreprises

A.   l’État du droit

1.   Un document obligatoire en vue d’informer les associés

Les obligations comptables de sociétés commerciales comprennent la rédaction annuelle d’un rapport de gestion. Les sociétés commerciales regroupent en droit français : les sociétés anonymes (SA), les sociétés à responsabilité limitée (SARL), les sociétés par action simplifiées (SAS), les sociétés en commandite, les sociétés en nom collectif et les sociétés européennes.

Le rapport de gestion comporte les commentaires de l’équipe de direction d’une entreprise sur les comptes de l’année. D’après l’article L. 232-1 précité, il « expose la situation de la société durant lexercice écoulé, son évolution prévisible, les événements importants survenus entre la date de la clôture de lexercice et la date à laquelle il est établi, ses activités en matière de recherche et de développement. Il y est fait mention des succursales existantes ». Il est destiné à être présenté aux associés qui approuvent les comptes sociaux sur de l’assemblée annuelle.

L’article L. 225-100 du code de commerce indique que le rapport de gestion doit également contenir les informations suivantes :

– une analyse objective et exhaustive de l’évolution des affaires, des résultats et de la situation financière de la société, notamment de sa situation d’endettement, au regard du volume et de la complexité des affaires ;

– dans la mesure nécessaire à la compréhension de l’évolution des affaires, des résultats ou de la situation de la société, des indicateurs clefs de performance de nature financière ;

– une description des principaux risques et incertitudes auxquels la société est confrontée.

Le fait de ne pas établir de rapport de gestion est sanctionné par une amende de 9 000 euros (articles L. 241-4 et L. 242-8 du code de commerce).

2.   Les dispositions spécifiques pour les petites entreprises

Le contenu du rapport de gestion diffère selon la taille et la nature juridique de l’entreprise.

Depuis 2009, certaines sociétés unipersonnelles sont exonérées de l’obligation d’établir un rapport de gestion dès lors qu’elles ne dépassent pas à la clôture d’un exercice deux des trois seuils fixés par décret en Conseil d’État et qui sont le total de leur bilan, le montant de leur chiffre d’affaires hors taxe et le nombre moyen de leurs salariés au cours de l’exercice. Seules les sociétés à responsabilité limitée (SARL) et les sociétés par action simplifiée (SAS) dont la gérance ou la présidence est assumée personnellement par un associé unique, personne physique, sont dispensées de l’établissement de ce document.

La fixation des seuils est inscrite à l’article D. 123-200 du code de commerce, à savoir en ce qui concerne les petites entreprises :

– le total du bilan est fixé à 4 millions d’euros ;

– le montant net du chiffre d’affaires à 8 millions d’euros ;

– le nombre moyen de salariés employés au cours de l’exercice à 50.

Pour toutes les petites entreprises, y compris les sociétés par actions simplifiées, qui ne dépassent pas deux de ces trois seuils – mais qui ne sont pas des sociétés unipersonnelles – le rapport de gestion a été récemment simplifié par l’ordonnance n° 2017-1162 du 12 juillet 2017. Aux termes de l’article L. 232-1 du code du commerce, ce rapport expose la situation de la société durant l’exercice écoulé, son évolution prévisible, ainsi que les événements importants survenus entre la date de la clôture de l’exercice et la date à laquelle il est établi.

3.   Les règles européennes

La directive 2013/34/UE du 26 juin 2013 permet aux États membres d’exempter les petites entreprises de l’établissement d’un rapport de gestion, à condition que certaines informations relatives à l’acquisition des actions propres figurant dans l’annexe (article 19.3).

Or, les comptes annuels présentent :

– le bilan (actif, passif, capitaux propres),

– le compte de résultats (récapitule les produits et les charges de l’exercice, fait apparaître le bénéfice ou la perte),

– et l’annexe : montant des engagements de l’entreprise en matière de pension, de compléments de retraite, d’indemnités et d’allocations en raison du départ à la retraite ou avantages similaires des membres ou associés de son personnel et de ses mandataires sociaux, ainsi que les évènements importants survenus depuis la date de clôture de l’exercice. Seules les micro-entreprises ([102]) sont dispensées d’établir une annexe (L. 123-16-1 du code de commerce).

Ils permettent d’accéder aux mêmes informations que celles contenues dans le rapport de gestion pour les petites entreprises, à l’exception des indicateurs clés de performance de nature non financière et de la description des principaux risques et incertitudes auxquels la société est confrontée. Or, les petites entreprises ne sont déjà plus tenues de présenter ces éléments depuis l’ordonnance du 12 juillet 2017.

Cependant, si un rapport de gestion doit être tenu à  la disposition de toute personne qui en fait la demande, seules les sociétés cotées doivent le déposer au greffe du tribunal. Les comptes annuels doivent être déposés au greffe, mais il possible de demander la confidentialité du compte de résultat et de ne pas le publier afin de garantir la confidentialité d’informations stratégiques pour l’entreprise. Seules les autorités judiciaires et administratives, ainsi que les pourvoyeurs de fonds peuvent avoir accès à ces documents confidentiels.

B.   le dispositif proposÉ

Le présent article, à lalinéa 9, élargit l’exemption de rapport de gestion à toutes les petites entreprises qui correspondent aux critères définis à l’article L. 123-16 du code du commerce, à savoir celles qui ne dépassent pas, à la clôture d’un exercice, deux des trois seuils fixés par décret en Conseil d’État :

– un total du bilan est fixé de 4 millions d’euros ;

– un montant net du chiffre d’affaires de 8 millions d’euros ;

– un nombre moyen de salariés employés au cours de l’exercice de 50.

Par cohérence, des mesures de coordination suppriment les dispositifs allégés de rapport de gestion pour les petites entreprises :

– l’exonération, à l’article L. 225-100-1 du code du commerce, de présentation des indicateurs clefs de performance de nature non financière (notamment des informations relatives aux questions d’environnement et de personnel) ainsi que des indications sur les objectifs et la politique de couverture des transactions de l’entreprises (alinéa 8) ;

– le rapport de gestion simplifié pour les petites entreprises, défini au paragraphe V de l’article L. 232-1 du code du commerce (alinéa 10).

Les alinéas 11 à 14 modifient l’article L. 950-1 du code du commerce relatif aux dispositions applicables dans les îles Wallis et Futuna, afin que les articles L. 225-100-1 et L. 232-1 soient applicables dans leur version issue de la présente loi.

C.   la position de la commission spÉciale

Votre rapporteur considère que la suppression du rapport de gestion pour les petites entreprises ne devrait pas porter préjudice à l’information des tiers, qui devrait être satisfaite par la présentation du bilan et du compte de résultat.

D’après les chiffres transmis par le Gouvernement, la suppression de cette charge administrative devrait bénéficier à 1,3 million de petites sociétés. Estimant le coût moyen d’établissement d’un rapport de gestion à 209,3 euros (7 heures de travail à 29,9 euros brut de l’heure), le Gouvernement considère que cette mesure devrait entraîner une économie de 270 millions d’euros pour les petites entreprises françaises.

La commission a adopté les dispositions relatives au rapport de gestion sans modification.

*

*     *

La commission est saisie de deux amendements de suppression, CS54 de M. Éric Straumann et CS374 de M. Julien Aubert.

M. Éric Straumann. L’article 32 prévoit de supprimer le taux effectif global. Le TEG fait pourtant apparaître en toute transparence le coût réel d’un emprunt bancaire en affichant notamment le coût de l’assurance emprunteur, ce qui est très utile pour parfaire l’avis du chef d’entreprise.

La Confédération des PME, notamment, considère que ce recul en matière de transparence bancaire est inadmissible. Alors que la tarification bancaire demeure complexe pour beaucoup de chefs d’entreprise, la suppression du TEG leur retirerait un élément de comparaison fort utile. La CPME a mené une enquête auprès de 405 chefs d’entreprise, dont il ressort que 85 % des dirigeants prennent en compte le TEG quand ils empruntent, que le TEG permet de comparer les offres pour 78 % des entreprises et qu’il est source de négociation pour 60 % des répondants.

À l’heure où l’on souhaite faciliter la vie des entreprises et leur accès aux financements, l’incompréhensible suppression du TEG est un mauvais service rendu aux TPE-PME. Lorsque le TEG est mal calculé ou absent, c’est le taux d’intérêt légal qui s’applique, et la perte pour les banques est relativement faible. Par ailleurs, on comprend mal pourquoi ce qui est possible pour les particuliers ne le serait plus pour les professionnels.

Une telle mesure encouragera les crédits structurés, avec des montages souvent incompréhensibles des chefs d’entreprise : on a vu ce que cela a coûté aux collectivités locales… Restons simples et clairs, revenons sur la suppression du TEG dans les contrats des entreprises – un cadeau manifeste fait aux banques !

M. Julien Dive. La réforme du taux effectif global a deux objectifs : supprimer la mention obligatoire du TEG dans les contrats de crédit aux entreprises lorsque cette mention est inappropriée à ces contrats ; clarifier et harmoniser le régime des sanctions civiles applicables en cas d’erreur ou de défaut de ce taux, en veillant particulièrement à leur caractère proportionné au regard des préjudices effectivement subis par les emprunteurs.

Lorsque le TEG n’est pas mentionné dans les contrats de crédit ou qu’il est mentionné de manière inexacte, le prêteur peut être condamné à restituer tout ou partie des intérêts déjà payés à l’emprunteur. Cela fait l’objet d’un large contentieux devant les juridictions civiles et les services contentieux des établissements de crédits.

Cela étant, l’apparence contraignante de cette obligation masque son caractère essentiellement dissuasif.

D’autre part, la discussion relative au TEG s’inscrit plus globalement dans la problématique de la rémunération des établissements de crédit, qui pourrait être l’objet d’un débat démocratique plutôt que d’une décision prise par ordonnance.

Pour l’ensemble de ces raisons, je vous propose, avec Julien Aubert, de supprimer l’article 32.

M. le rapporteur. Vous sortez l’arme lourde ! L’article 32 comporte deux autres mesures, plus consensuelles, relatives à la responsabilité des agences de notation de crédit et à l’obligation pour les petites entreprises d’établir un rapport de gestion. Celles-ci disparaîtraient du texte si vos amendements de suppression venaient à être adoptés.

Je vous propose de débattre de cette question à l’occasion de l’examen des amendements qui ne portent que sur les dispositions relatives au TEG. Avis défavorable.

M. le ministre. Il aurait été honnête, dans la présentation que vous avez faite de l’article 32, de dire qu’il visait à supprimer non pas le TEG, mais seulement sa mention obligatoire dans les contrats de crédit aux entreprises. Ce n’est pas tout à fait la même chose…

Il convient aussi de noter que le TEG découle d’une surtransposition du droit de l’Union européenne dans le champ économique et financier. Or il m’a semblé que c’est ce que nous souhaitions précisément tous combattre, dans l’intérêt des TPE et des PME françaises – je vous renvoie au rapport de M. Warsmann.

Je ne sous-estime pas les arguments que vous avez employés, et qui reprennent ceux de la CPME, mais il faut souligner aussi qu’il existe des prêts aux entreprises pour lesquels le TEG n’est pas adapté. Sur la forme comme sur le fond, avis défavorable.

La commission rejette ces amendements.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques CS80 de Mme Véronique Louwagie, CS200 de M. Brun, CS331 de M. Pauget, CS495 de M. Laquhila, CS766 de M. Laurent Saint-Martin et CS790 de Mme Jeanine Dubié, et les amendements CS297 de M. Gaël Le Bohec et CS883 de M. le rapporteur.

Mme Véronique Louwagie. L’article 32 propose d’habiliter le Gouvernement à harmoniser, en veillant à leur proportionnalité, les sanctions civiles en cas d’erreur ou de défaut de la mention du TEG et à exclure l’application du TEG, non pertinent, aux clientèles professionnelles. Il s’agit de limiter, conformément à ce qu’impose l’Europe, l’application du TEG aux seuls particuliers.

Un certain nombre de dirigeants de TPE et de PME restent pourtant attachés au TEG. La disparition de sa mention rendrait moins facile la comparaison entre les offres bancaires, souvent complexes à analyser. Si les PME ont la possibilité de procéder à ces comparaisons sans disposer du TEG, les TPE ou les micro-entreprises n’ont pas forcément la même facilité.

L’enquête menée par la Confédération des PME constate que sur 405 réponses, 85 % des dirigeants prennent en compte le TEG quand ils empruntent, que le TEG permet de comparer plus facilement les offres pour 78 % des entreprises et qu’il est source de négociation pour près de 60 % des répondants.

En conséquence, mon amendement CS80 vous propose de compléter l’alinéa 2 et de supprimer en conséquence les alinéas 3 et 4.

M. Philippe Gosselin. Comme suggéré par le rapporteur, l’amendement CS200 vise à supprimer en finesse les dispositions relatives au TEG. Contrairement à M. le ministre, je ne pense pas que ce soit la surtransposition qui soit en cause. D’ailleurs, pour paraphraser un film, je ne crois pas qu’il y ait de bonnes ou de mauvaises surtranspositions…

Plus sérieusement, les entreprises sont attachées à ce TEG, non parce que ce serait la formule magique, mais parce qu’il permet, en intégrant un certain nombre de frais, des comparaisons simples et rapides.

M. Éric Pauget. Nous ne sommes pas opposés à l’article 32, mais aux alinéas 3 et 4 qui ciblent le TEG. Mon amendement CS331 vise à les supprimer. Les remontées de terrain montrent que le TEG est un élément d’analyse et de décision majeur. Prenez le cas d’un médecin libéral, d’un artisan ou d’un commerçant à la tête d’une toute petite structure : ils ne bénéficient d’aucune aide, hormis celle, a posteriori, de leur cabinet comptable, et feront leur choix comme un ménage lorsqu’il achète sa maison.

M. Mohamed Laqhila. Qu’ajouter aux arguments de mes collègues ? Le TEG intègre tous les coûts d’un crédit, et permet aux entreprises, notamment les TPE, de comparer les différentes offres de leur banquier. Pour cette raison, l’amendement CS495 vise à supprimer les alinéas 3 et 4.

M. Grégory Besson-Moreau. Les dirigeants des TPE et des PME sont très attachés à la mention du TEG, qui éclaire fort utilement leur décision. La supprimer reviendrait à leur éteindre la lumière… J’entends, monsieur le ministre, que certaines offres bancaires ne permettent pas d’utiliser le TEG, mais certains crédits sont complexes à analyser et comprennent bien trop souvent des frais cachés.

Les résultats de l’enquête menée par la CPME sont sans appel. Ces données démontrent tout l’intérêt que les entreprises portent au TEG et l’usage qu’elles en font. L’amendement CS766 vise uniquement – et en toute légèreté – à supprimer les alinéas 3 et 4.

Mme Jeanine Dubié. Il est vrai que ce n’est pas le TEG que l’article 32 vise à supprimer, mais sa mention obligatoire, lorsqu’elle est inappropriée au contrat. Mais qui va apprécier le fait qu’elle est inappropriée ? Cela crée du doute.

Par ailleurs, je ne vois pas en quoi ce texte, qui entend simplifier la vie des gens, la compliquerait pour les artisans ou les chefs de TPE pour qui le TEG est un indicateur. Qui bénéficiera de cette simplification ? L’amendement CS790 vise donc à compléter l’alinéa 2 et à supprimer les alinéas 3 et 4.

M. Gaël Le Bohec. Les chiffres donnés par la CPME montrent que les TPE et les PME, et plus encore les experts-comptables avec lesquelles elles travaillent, sont attachées à la mention du TEG. C’est précisément pour elles un élément de confiance et de simplification dans la prise de décision. Pour ces raisons, mon amendement CS297 vise à supprimer l’alinéa 3.

M. le rapporteur. L’amendement CS883 est rédactionnel.

La série d’amendements identiques ainsi que l’amendement CS297 portent bien sur les dispositions relatives au TEG. J’entends les arguments développés par les députés, y compris ceux de mon groupe. Mais je dois, en tant que rapporteur, prendre mes responsabilités.

Nous avons auditionné le Comité consultatif du secteur financier
– CCSF – qui a mené pendant plusieurs mois une réflexion sans a priori sur cette question. Les dispositions de l’article 32 en sont la résultante. Nous avons aussi rencontré la Confédération des PME : ses arguments, repris par plusieurs d’entre vous, m’ont moins convaincu, d’autant que la tournure des questions posées dans le sondage appelait certainement la forme des réponses apportées : lorsqu’on vous demande si c’est bien d’avoir le TEG, on a naturellement tendance à répondre oui…

Je tiens à dire que je ne suis pas opposé par principe à la surtransposition. Il peut arriver de devoir surtransposer en raison d’une spécificité française, et sans affaiblir notre droit pour autant. Mais il ne s’agit pas pour autant de surtransposer pour surtransposer. Autrement dit, je n’en fais pas un argument absolu.

L’article 32 porte à la fois sur le caractère obligatoire de l’affichage du TEG pour les crédits aux entreprises et sur les sanctions en cas de TEG absent ou erroné, la directive européenne exigeant que les sanctions soient proportionnées et progressives.

M. le ministre l’a rappelé : il ne s’agit pas de supprimer le TEG, mais seulement l’obligation d’affichage. Autrement dit, si les emprunteurs en font la demande, ils pourront se faire communiquer le TEG qui leur est applicable par leur établissement bancaire. Il est vrai que pour des crédits simples, semblables à ceux que contractent les particuliers, connaître le TEG peut avoir son intérêt. Et encore : le CCSF a montré que cela pouvait conduire l’entreprise à ne pas chercher à négocier sur les bonnes lignes et à acheter le package, sans penser, par exemple, à obtenir une réduction des frais de dossier. Dans certains cas, la mention du TEG peut être néfaste.

Il arrive aussi qu’elle ne soit pas pertinente. Ainsi, le TEG n’est pas effectif lorsque les taux sont variables, ce qui est souvent le cas dans les crédits aux entreprises. L’entreprise pourra aussi négocier des lignes de crédit avec sa banque, ce qui fera varier le TEG. Dans un grand nombre de cas, le TEG réel ne sera pas le TEG affiché au démarrage.

Or, dès lors que le TEG n’est pas exactement celui qui a été affiché, l’emprunteur est en droit d’attaquer, y compris lorsqu’il lui est plus favorable… Les contentieux sont donc nombreux, d’autant que les sanctions n’ont pas de caractère progressif. Certains n’hésitent pas à attaquer pour un écart de quelques dixièmes ou centièmes derrière la virgule, en plus ou en moins, dans l’espoir de perdre tous les intérêts. Le plus souvent, ils perdent. Mais cela fait perdre aussi beaucoup de temps à tout le monde et contribue à engorger les tribunaux.

Encore une fois, il ne s’agit pas de supprimer le TEG, mais son affichage obligatoire, dans un certain nombre de cas. Avec le développement des technologies financières, les chefs d’entreprise peuvent obtenir, grâce à une application sur leur smart phone, une simulation de l’évolution des lignes de crédits. Je vous invite donc à ne pas vous en tenir à cette convergence de vues sur la nécessité de disposer d’éléments de comparaison qui soient simples et lisibles, en particulier pour nos PME et TPE. Mais le TEG, tel qu’il existe aujourd’hui, ne sert pas toujours leurs intérêts. C’est la raison pour laquelle j’ai été convaincu par l’idée de proposer, dans le délai de douze mois prévu par l’article 32, un dispositif de remplacement par voie d’ordonnance. Le CCSF recommande de mettre l’ensemble des acteurs autour de la table ; je vous invite à lire son rapport, que je me propose de vous transmettre.

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*     *

Après l’article 32

La commission est saisie de l’amendement CS577 de M. Mohamed Laqhila.

M. Mohamed Laqhila. Cet amendement, présenté au cours des débats parlementaires relatifs au projet de loi de finances pour 2018, avait été adopté avec le soutien du Gouvernement. Mais le Conseil constitutionnel l’a censuré au motif que le dispositif était étranger au domaine des lois des finances. Je profite de ce véhicule législatif pour le présenter.

M. le rapporteur. Avis défavorable : le lien avec le projet de loi ne me paraît pas suffisant.

M. le ministre. J’entends l’argument de M. Laqhila, mais j’émettrai également un avis défavorable. Même si le texte est assez large, votre amendement est tout de même un parfait cavalier… Et même si le Gouvernement partage l’objectif d’harmoniser les conditions de sortie que vous évoquez, une consultation publique est engagée depuis le 15 janvier dernier sur le principe de l’harmonisation des régimes de retraite. On ne saurait préjuger des résultats du travail engagé par Mme la ministre des solidarités et de la santé.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CS591 de M. Marc Fesneau.

M. Mohamed Laqhila. Pour les sociétés tenues de s’immatriculer au registre du commerce et des sociétés, cet amendement propose de supprimer l’obligation de déposer au greffe du tribunal de commerce un document relatif à leurs bénéficiaires effectifs, dans la mesure où les informations concernées lui ont déjà été déclarées.

On entend par bénéficiaire effectif la ou les personnes physiques qui détiennent, directement ou indirectement, plus de 25 % du capital ou de droits de vote de la société. Or devaient déjà être déclarés au registre du commerce et des sociétés les nom, nom d’usage, pseudonyme, prénoms et domicile personnel des associés tenus indéfiniment ou tenus indéfiniment et solidairement des dettes sociales.

Pour les sociétés concernées, l’obligation de déclaration des bénéficiaires effectifs est donc redondante des obligations préexistantes, tout du moins pour les sociétés dont les associés ne sont que des personnes physiques – depuis la loi Sapin 2, me semble-t-il. Il est inutile de maintenir ce dispositif qui est lourd, et qui génère pour elles des frais supplémentaires.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Les informations renseignées dans la déclaration effectuée lors de l’immatriculation sont moins larges que les informations demandées dans les dépôts au registre, où seuls les noms et adresse sont transmis. Les modalités de contrôle seraient donc amoindries par rapport aux obligations de déclaration qui sont plus complètes. Par ailleurs, le dispositif que vous proposez ferait reposer sur les greffiers la charge de mener ce travail de recherche et d’extraction d’informations inscrites au registre du commerce. Enfin, cela pourrait poser problème, m’a-t-on dit, au regard de la directive anti-blanchiment.

M. le ministre. En effet, l’article 30 de la quatrième directive anti-blanchiment prévoit expressément que l’obligation de faire ces diligences est à la charge des sociétés et non des greffiers. Par ailleurs, monsieur Laqhila, la loi PACTE (plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) s’annonçant, il me semble que ce volet de simplification relève plutôt du champ de compétences de M. Le Maire.

M. Mohamed Laqhila. Chaque fois qu’il y a une modification, qu’il s’agisse d’une cession de parts ou d’une modification statutaire, l’information arrive au greffier. Je ne parle pas de toutes les sociétés, mais bien des sociétés de personnes. Pourquoi maintenir cette déclaration, source de lourdeur et de coûts supplémentaires pour les petites sociétés, dans la mesure où l’information existe auprès des greffes ?

La commission rejette l’amendement CS591.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CS390 de M. Sébastien Leclerc.

M. Philippe Gosselin. La création du registre des bénéficiaires effectifs est une nouvelle obligation déclarative imposée aux sociétés. Cela représente pour elles un alourdissement des formalités obligatoires et un coût supplémentaire.

Pour éviter qu’un certain nombre d’entreprises se retrouvent dans une situation d’illégalité pour ne pas avoir déposé cette déclaration pour la fin mars 2018, nous proposons de laisser un peu de temps à ces sociétés pour se mettre en conformité avec la nouvelle réglementation, et donc de repousser de deux ans la date de déclaration au 1er avril 2020.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Les entreprises ont déjà bénéficié d’un délai plus long par rapport à celles qui n’étaient pas encore immatriculées, qui devaient déposer cette déclaration pour le 2 août 2017. Les entreprises savent depuis plus de deux ans qu’elles seront assujetties à cette obligation de déclaration. Ce délai nous a semblé suffisant.

M. le ministre. Même avis.

La commission rejette l’amendement CS390.

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Article 33
Simplification, à titre expérimental, des modalités de consultation du public concernant des projets dICPE ou soumis à la législation IOTA nécessaires à lexercice dune activité agricole

I.   l’État du droit

A.   La consultation du public sur les projets ayant une incidence sur l’environnement

La consultation du public préalable au lancement de travaux ayant une incidence sur lenvironnement fait lobjet dun dispositif étendu et précis dans notre droit. Elle est soumise à des modalités différentes selon quelle a lieu pendant lélaboration du projet ou après le dépôt de la demande dautorisation de celui-ci.

1.   La consultation du public pendant l’élaboration du projet

Cette consultation est régie par le chapitre Ier du titre II du livre Ier de la partie législative du code de l’environnement. Elle se déroule selon deux modalités, le débat public et la concertation préalable, et fait intervenir, dans certains cas, une autorité administrative indépendante, la Commission nationale du débat public (CNDP).

Sagissant de la concertation préalable, larticle L. 121-15-1 du code de lenvironnement prévoit quelle peut être déclenchée soit par la CNDP lorsquelle est saisie en ce sens, soit par le maître douvrage. La CNDP est saisie de droit des projets qui, par leur nature, leurs caractéristiques techniques ou leur coût prévisionnel répondent aux critères ou excèdent les seuils fixés à l’article R. 121-2 du code de l’environnement, mais aussi de projets de moindre importance, sur décision du maître d’ouvrage ou en cas de demande en ce sens émanant de 10 000 ressortissants de l’UE résidant en France, de dix parlementaires, d’un conseil régional, départemental ou municipal, d’un établissement public de coopération intercommunale territorialement intéressé ou d’une association agréée de protection de l’environnement. Le maître d’ouvrage peut, dans tous les cas, décider de soumettre un projet à concertation préalable pour autant que celui-ci soit assujetti à une évaluation environnementale en vertu des articles L. 122-1 et L. 122-4 du code de l’environnement.

En outre, un droit dinitiative permet de demander au représentant de lÉtat concerné lorganisation dune concertation préalable sur les projets assujettis à une évaluation environnementale en application de l’article L. 122-1 et dont le montant total ou le montant des subventions publiques dont ils bénéficient dépasse un seuil fixé par décret en Conseil d’État.

La durée dune consultation préalable est comprise entre 15 jours et trois mois. Le public est informé de ses modalités et de sa durée au moins 15 jours avant qu’elle débute, par voie d’affichage et par voie dématérialisée. Le bilan de la concertation est rendu public, et le maître d’ouvrage doit indiquer les mesures qu’il juge nécessaires pour répondre aux enseignements de celle-ci. Le coût de la concertation est supporté par le maître d’ouvrage.

Larticle L. 121-16-1 prévoit que la concertation peut être organisée sous légide dun garant à la demande de la personne publique responsable ou du maître d’ouvrage. Ce garant est désigné par la CNDP. Il peut demander à la CNDP, qui en supporte le coût, une étude technique ou une expertise complémentaire. Il statue sur l’opportunité de donner suite aux demandes de communication adressées, soit à la personne ayant la qualité de maître d’ouvrage, soit à l’autorité publique compétente pour autoriser le projet. Il peut adresser toute demande au maître d’ouvrage pour assurer l’information et la participation du public et reçoit les observations et propositions émanant de celui-ci. Au terme de la concertation, il établit, sous un mois, un bilan de celle-ci, qui comporte une synthèse des observations et propositions présentées et est rendu public.

La procédure de concertation préalable a été très largement refondue par lordonnance n° 2016-1060 du 3 août 2016 portant réforme des procédures destinées à assurer linformation et la participation du public à lélaboration de certaines décisions susceptibles davoir une incidence sur lenvironnement, dont le projet de loi de ratification est en cours dexamen par le Parlement.

2.   La consultation du public après le dépôt de la demande d’autorisation

Cette consultation est régie par le chapitre III du titre II du livre Ier de la partie législative du code de l’environnement. Comme le prévoient les articles L. 122-1 et L. 123-1-A de ce code, ce dispositif sapplique, après le dépôt de la demande dautorisation, à lensemble des projets qui, par leur nature, leur dimension ou leur localisation, sont susceptibles davoir des incidences notables sur lenvironnement ou la santé humaine et qui, à ce titre, doivent faire lobjet dune évaluation environnementale.

Cette participation peut prendre la forme :

– d’une enquête publique ;

– d’une participation du public par voie électronique ;

– d’une participation du public hors procédure particulière.

 

 

 

Lenquête publique

Le régime de l’enquête publique est prévu aux articles L. 123-1 à L. 123‑18 du code de l’environnement. Elle a pour objet dassurer linformation et la participation du public ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers lors de lélaboration de certaines décisions susceptibles daffecter lenvironnement.

L’article L. 123-2 dresse la liste de ces décisions. Y figurent notamment les projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements exécutés par des personnes publiques ou privées devant comporter une évaluation environnementale. Par ailleurs, les articles L. 181-9 à L. 181-11 du même code prévoient que l’ensemble des projets soumis à autorisation environnementale font l’objet d’une enquête publique.

Lenquête publique est ouverte et organisée par lautorité compétente pour prendre la décision en vue de laquelle lenquête est requise. Elle est conduite, selon la nature et limportance des opérations, par un commissaire enquêteur choisi par le président du tribunal administratif. Le commissaire enquêteur choisi doit figurer sur une liste d’aptitude établie par le président du tribunal administratif, qui est rendue publique et qui est révisée annuellement.

La durée de lenquête est fixée par lautorité compétente et peut être prolongée par le commissaire enquêteur pour une durée maximale de 15 jours. Elle ne peut être inférieure à 30 jours pour les projets faisant lobjet dune évaluation environnementale.

Le public est informé de l’ouverture de l’enquête par l’autorité compétente au moins 15 jours avant l’ouverture de celle-ci, par voie dématérialisée et d’affichage et, éventuellement, par voie de publication locale. L’avis précise l’objet de l’enquête, le nom du commissaire enquêteur, la durée et les modalités de l’enquête et les modalités de consultation, par le public, du dossier d’enquête, en ligne et sur support papier, ainsi que l’adresse à laquelle le public peut transmettre ses observations.

Le commissaire enquêteur conduit lenquête de manière à permettre au public de disposer dune information complète sur le projet et de participer effectivement au processus de décision. Il peut demander au maître d’ouvrage de communiquer des documents au public, visiter les lieux concernés, entendre toute personne concernée par le projet et organiser toute réunion d’information et d’échange avec le public en présence du maître d’ouvrage. Il rend son rapport dans un délai de 30 jours après la fin de l’enquête. Celui-ci fait état des observations et propositions produites et des réponses éventuelles du maître d’ouvrage. Les frais de l’enquête, y compris l’indemnisation du commissaire, sont pris en charge par le responsable du projet.

Larticle L. 123-16 prévoit que le juge administratif des référés, saisi d’une demande de suspension d’une décision prise après des conclusions défavorables du commissaire enquêteur, fait droit à cette demande si elle comporte un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de celle-ci, ainsi qu’à toute demande de suspension d’une décision prise sans qu’une enquête publique requise ait eu lieu.

 

 

 

La participation du public par voie électronique

Prévue à l’article L. 123-19 du code de l’environnement, elle constitue une forme alternative de participation du public pour les projets faisant lobjet dune évaluation environnementale mais exemptés denquête publique.

Ces projets sont mentionnés à l’article L. 123-2. Il s’agit des projets de création d’une zone d’aménagement concerté, des projets de caractère temporaire ou de faible importance, des demandes de permis de construire ou d’aménager portant sur des projets de travaux donnant lieu à la réalisation d’une évaluation environnementale après un examen au cas par cas effectué par l’autorité environnementale et des projets envisagés sur le plateau continental ou dans la zone économique exclusive.

La participation du public par voie électronique est ouverte et organisée par lautorité compétente pour autoriser ces projets. Le dossier, qui comprend les mêmes pièces que pour l’enquête publique, est mis à la disposition du public par voie électronique, et éventuellement sur support papier. Le public est informé de l’ouverture de cette procédure en ligne et par voie d’affichage, dans des conditions comparables à celles de l’enquête publique. La consultation dure au minimum 30 jours.

Le projet de décision ne peut être définitivement adopté avant lexpiration dun délai permettant la prise en considération des observations et propositions déposées par le public et la rédaction dune synthèse de ces observations et propositions. Sauf en cas dabsence dobservations et propositions, ce délai ne peut être inférieur à quatre jours à compter de la date de la clôture de la consultation. Au plus tard à la date de la publication de la décision et pendant une durée minimale de trois mois, l’autorité administrative qui a pris la décision rend publics, par voie électronique, la synthèse des observations et propositions du public avec l’indication de celles dont il a été tenu compte, les observations et propositions déposées par voie électronique ainsi que, dans un document séparé, les motifs de la décision.

Le troisième alinéa de larticle L. 123-16 précité prévoit que ses dispositions s’appliquent également en cas d’absence de participation du public par voie électronique, pour les documents soumis à consultation du public par voie électronique.

II.   Les types de projets visÉs par le projet de loi

Les installations classées pour la protection de lenvironnement sont définies aux articles L. 511-1 et L. 511-2 du code de lenvironnement. Leur champ excède la protection de lenvironnement au sens strict. Il s’agit des usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d’une manière générale, des installations pouvant présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l’agriculture, soit pour la protection de la nature, de l’environnement et des paysages, soit pour l’utilisation rationnelle de l’énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. Elles sont soumises à autorisation, à enregistrement ou à déclaration suivant la gravité des dangers ou des inconvénients que peut présenter leur exploitation.

Par ailleurs, larticle L. 214-3 du même code soumet à une autorisation environnementale les installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d’accroître notablement le risque d’inondation ou de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique.

III.   les dispositions du projet de loi

Le projet de loi propose de substituer, à titre expérimental, pour certains projets nécessaires à lexercice dune activité agricole, une consultation du public par voie électronique à lenquête publique lorsque ces projets ont donné lieu à une concertation préalable sous légide dun garant.

Dune durée de trois ans, cette expérimentation se déroulerait dans des régions désignées par décret. Les projets concernés sont ceux dinstallations classées pour la protection de lenvironnement mentionnés à l’article L. 511-2 du code de lenvironnement et ceux dinstallations, ouvrages, travaux et activités mentionnés à larticle L. 214-3 du même code, nécessaires à lexercice dune activité agricole et figurant sur une liste établie par décret en Conseil dÉtat. Ces projets feraient l’objet, en lieu et place de l’enquête publique prévue par le I de l’article L. 123-2 du même code et par dérogation à ses articles L. 181-9 à L. 181‑11, de la participation du public par voie électronique mentionnée à l’article L. 123-19 lorsqu’ils ont donné lieu à la concertation préalable prévue à l’article L. 121-15-1, sous réserve que celle-ci ait été organisée sous l’égide d’un garant dans les conditions prévues à l’article L. 121-16-1. Les dispositions du troisième alinéa de l’article L. 123-16 seraient applicables.

Le projet de loi prévoit qu’une évaluation de cette expérimentation est effectuée et remise au Parlement six mois avant son terme.

Selon les informations transmises par le Gouvernement à votre rapporteur, la liste des projets concernés et les critères qui présideront à son établissement ne seraient pas arrêtés à ce stade. Le Gouvernement envisage de mener cette expérimentation pourrait dans trois ou quatre régions.

Sagissant de la procédure de concertation préalable, le Gouvernement a indiqué à votre rapporteur quaucune procédure de ce type navait été menée, à ce stade, dans le cadre dun projet nécessaire à lexercice dune activité agricole, à la connaissance des services concernés.

Sagissant du garant désigné dans le cadre dune concertation préalable, il a indiqué à votre rapporteur qu’il bénéficierait de formations adaptées, et que la liste nationale des garants, disponible sur le site internet de la commission nationale du débat public, comprenait, au 27 décembre 2017, 251 garants, dont 154 sont des commissaires enquêteurs, 70 sont des médiateurs et 33 sont des conciliateurs. Ces garants devraient donc présenter des qualifications professionnelles suffisantes pour mener des concertations préalables dans de bonnes conditions.

Sagissant de lobjectif de cette expérimentation, le Gouvernement a indiqué à votre rapporteur quelle visait notamment à inciter à lutilisation de la procédure de concertation préalable, qui devrait permettre de recueillir les observations du public à un stade plus précoce que dans le cadre d’une enquête publique, ce qui permettrait d’intégrer plus facilement celles-ci au projet concerné.

IV.   la position de la commission spÉciale

Outre cinq amendements rédactionnels déposés par son rapporteur, la commission spéciale a adopté, avec l’avis favorable de son rapporteur et du Gouvernement, deux amendements identiques, déposés l’un par M. Orphelin, l’autre par M. Saint-Martin et le groupe La République en Marche, disposant que la participation du public par voie électronique prévoit des dispositifs pour intégrer des citoyens éloignés du numérique.

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La commission examine lamendement CS108 de M. Patrick Hetzel.

M. Frédéric Reiss. Cet amendement de suppression concerne l’expérimentation pendant trois ans d’une nouvelle procédure de participation du public applicable à certains projets soumis aux législations sur l’eau et sur les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) nécessaires à l’exercice d’une activité agricole. Cette expérimentation concerne un nombre restreint de projets et de régions mais nous pensons que le remplacement de l’enquête publique par une participation du public par voie électronique pose certains problèmes.

En premier lieu, la couverture numérique n’est pas parfaitement assurée dans le monde rural. Deuxièmement, il n’y aura plus de possibilité de débattre autour d’une table, comme cela se fait en général, des projets en phase de finalisation. Troisièmement, certains riverains ne sont pas équipés en outils informatiques et seront exclus de cette consultation, à commencer par des personnes âgées qui seraient pourtant à même d’apporter un avis autorisé sur le sujet. Enfin, je pense aux élus locaux qui doivent répondre au mécontentement des râleurs de service qui se manifestent dans ces cas-là. Pour tous ces inconvénients, nous demandons la suppression de cet article.

M. le rapporteur. Vous vous focalisez sur le remplacement de l’enquête publique par une consultation numérique en omettant de préciser que c’est uniquement dans le cas où il y a eu un processus de concertation préalable qui apporte des garanties. Cette concertation préalable se déroule sous l’égide d’un garant qui joue un rôle assez similaire à celui du commissaire enquêteur de l’enquête publique tout en étant dispensé de quelques lourdeurs administratives, et elle dure entre quinze jours et trois mois selon la complexité des projets. Le dispositif me semble donc assez opérant : dès lors qu’il y a eu une concertation préalable, on remplace l’enquête publique par une consultation numérique.

Cela dit, je serai favorable à deux amendements identiques que nous allons examiner ultérieurement – les amendements CS118 et CS666 – et qui visent à s’assurer que personne ne soit laissé de côté au moment de cette consultation numérique. Vous avez raison de mentionner les gens qui sont éloignés du numérique dont il a déjà été question plusieurs fois dans cette commission. Nous devons nous assurer que les modalités de participation et la publicité faite autour de la concertation sont bien accessibles à tous. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques CS194 de M. Fabrice Brun et CS794 de Mme Jeanine Dubié, lamendement CS35 de M. Arnaud Viala et lamendement CS735 du rapporteur.

M. Philippe Gosselin. Je n’ai pas d’opposition de principe à la concertation préalable. Certes, il faudra s’assurer de la bonne couverture numérique du territoire et de certaines prescriptions, comme le précisait M. le rapporteur, afin que la participation soit effective. Cependant, compte tenu de la nouveauté et de l’intérêt de l’expérimentation, l’amendement CS194 propose de l’élargir à l’ensemble du territoire afin que les résultats soient plus probants.

Mme Jeanine Dubié. Mon amendement 794 tend également à élargir le champ d’application de cette expérimentation à l’ensemble du territoire français. La concertation en amont sur les projets d’ICPE et d’installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) nécessaires à une activité agricole est très récente. L’expérimentation est utile en ce qu’elle permettra d’objectiver les bénéfices attendus de cette concertation en amont, d’en évaluer les coûts et d’apprécier les contreparties de ces projets dans le domaine agricole. Cependant, elle doit être effectuée sur un échantillon suffisamment large pour que les retours soient significatifs. Il serait préférable de l’étendre à l’ensemble du territoire français afin de disposer d’une masse critique de projets pris en compte.

M. Arnaud Viala. Hier soir, nous avons eu le même genre de débat à propos d’une disposition sur les contrôles des entreprises, qui serait expérimentée dans les Hauts-de-France et en Auvergne-Rhône-Alpes. L’argument que je vous ai opposé hier soir me semble aussi adapté au cas présent : nous allons créer une discrimination entre les régions, qui aura des conséquences sur leur compétitivité économique, au moins durant la période d’expérimentation, si nous ne l’étendons pas à l’ensemble du territoire, comme le propose mon amendement CS35. L’ambition du texte est d’améliorer les rapports entre les administrés et l’administration, mais aussi d’améliorer l’environnement économique des entreprises, notamment des exploitations agricoles. Le caractère limité de l’expérimentation se justifie dans le temps, mais pas dans l’espace.

M. le rapporteur. Mon amendement CS735 est rédactionnel.

Pour le reste, je trouve que c’est plutôt bon signe que des amendements proposent un élargissement de l’expérimentation : cela tend à prouver que leurs auteurs sont convaincus de son utilité et satisfaits du contenu de l’article. Cela étant dit, je ne suis pas favorable à ces amendements. Sans refaire le débat d’hier sur l’égalité devant la loi, je dirais que la qualité de l’expérimentation dépendra de notre capacité à assurer un bon suivi de chacune des concertations préalables qui pourront être menées, sachant que les parlementaires vont s’impliquer dans ce processus. L’élargissement de l’expérimentation à l’ensemble du territoire pourrait amoindrir notre capacité à effectuer ce suivi effectif et précis.

Tel qu’il est rédigé, l’article renvoie à un décret et permet de choisir un nombre limité, mais suffisant, de régions pour obtenir un bon échantillon. Il existe une marge entre une ou deux régions et tout le territoire. Il faudra bien choisir les lieux d’expérimentation et être attentif au nombre de régions figurant dans le décret pour que l’échantillon soit raisonnable ; mais je ne suis pas favorable à étendre l’expérimentation à tout le territoire.

M. le ministre. Je suis défavorable aux amendements CS194, CS794 et CS35, et favorable à l’amendement rédactionnel CS735 du rapporteur.

J’entends défendre le principe même de la méthode choisie par le Gouvernement : l’expérimentation. Depuis le début de la discussion, j’entends tout et son contraire dans les arguments soulevés par des gens qui ne veulent pas simplifier ou qui ont peur de simplifier. On peut les comprendre. Je constate d’ailleurs avec facétie que, comme dans l’article 30, nous parlons de dispositifs législatifs et réglementaires applicables à l’agriculture et à l’environnement…

Si elle est bien conduite, autrement dit si l’échantillon est bon et si elle est bien encadrée, l’expérimentation est une méthode qui permet de savoir si l’on doit ou non généraliser une mesure. Jusqu’à présent, le législateur était condamné à ne rien faire ou à imposer d’un seul coup le même dispositif à tout le monde. Au risque de s’apercevoir qu’on est allé trop loin et de devoir rectifier dans le texte d’après en donnant un coup de balancier parfois un peu trop fort.

L’expérimentation comporte évidemment un risque – je ne sais si c’est celui d’une distorsion de concurrence –, mais il est assumé comme tel, précisément parce que c’est une expérimentation. Il faut prendre le risque inhérent à cette méthode qui diffère des pratiques des gouvernements précédents, quels qu’ils soient. C’est tout à fait pragmatique et c’est ce que nous souhaitons dans ce texte : expérimenter l’expérimentation.

M. Arnaud Viala. Monsieur le ministre, je ne suis pas du tout opposé à l’expérimentation en général ou sur ce sujet-là. Je souligne seulement qu’il s’agit de dossiers qui engagent la compétitivité économique d’un territoire, d’installation d’une structure qui va donner lieu à de la création de richesses. Un effet de périphérie peut déterminer une implantation de cette structure dans une zone où l’expérimentation est en cours ou, à l’inverse, juste à côté, dans la région voisine où elle n’est pas prévue. Cet effet me paraît préjudiciable à l’aménagement du territoire. À défaut de totalement généraliser l’expérimentation, on pourrait la conduire dans six régions sur treize pendant deux ans, puis dans les sept autres régions pendant les deux années suivantes. Il me semble qu’il y a moyen d’expérimenter de manière intelligente sans courir ce risque de distorsion.

M. Charles de Courson. Je trouve que l’expérimentation prévue par cet article 33 est une bonne idée. Tout le monde le reconnaît. L’étendre à toute la France serait un peu excessif. La vraie question porte sur le champ d’expérimentation choisi à l’intérieur des trois ou quatre régions sélectionnées. Le texte mentionne une liste fixée par décret. L’étude d’impact est assez précise sur les IOTA liés à des activités agricoles, mais les choses sont moins claires en ce qui concerne les ICPE. Dans l’esprit du Gouvernement, s’agit-il de toutes les ICPE ? Les éoliennes, classées parmi les ICPE, sont-elles concernées ? Les méthaniseurs, par exemple, sont dans les IOTA. Le Gouvernement pourrait-il nous éclairer sur le champ concerné ?

Mme Jeanine Dubié. La notion même d’expérimentation ne prête pas à débat ; toutefois, pour donner lieu à évaluation correcte, l’expérimentation doit porter sur une masse critique. La concertation en amont est une méthode récente et portait sur des activités agricoles. Le rapporteur nous indique que tout dépendra des régions choisies et de l’échantillon qui doit être suffisamment représentatif. En la conduisant sur tout le territoire national, nous serions sûrs d’avoir toutes les opérations concernées par cette concertation préalable.

M. le ministre. Mme Dubié développe un peu le même argumentaire que M. Viala dont je ne voudrais pas trahir les propos. Vous demandez de généraliser l’expérimentation dans un texte qui souhaite expérimenter. Même si vous demandez une généralisation dans la durée et non pas géographique, il y aura toujours des effets de bord, ne serait-ce que dans les zones frontalières. Prenons le principe de l’expérimentation comme un bon principe. Avant de généraliser l’expérimentation, tirons-en les conclusions.

Monsieur de Courson, j’ai indiqué lors de la première réunion que je donnerai les noms des lieux d’expérimentation lors de l’examen du texte dans l’hémicycle. Pour l’heure, c’est encore un peu tôt. Je n’ai pas toutes les réponses, je l’avoue bien volontiers, parce que de nombreuses décisions sont interministérielles. Le projet de décret ne sera pas sorti avant que vous n’ayez adopté la loi, et je vous prie de m’excuser par avance de n’avoir pas pu répondre à une demande de la commission sur ce point. Malgré cela, je ne veux pas que le législateur ait l’impression de ne pas savoir à quelle sauce il va être mangé. D’ailleurs, le Gouvernement veut que toutes les régions et tous les territoires de France puissent avoir une forme d’expérimentation. Nous ne voulons pas tout concentrer sur un même lieu. Lors de l’examen en séance, j’aurai une carte à vous proposer, je prendrai des engagements sur les régions concernées et je vous donnerai des précisions sur les installations visées. De mémoire, les éoliennes n’en font pas partie.

Notre démarche repose sur l’expérimentation mais aussi sur le suivi de la loi, notamment par le conseil de la réforme. Nous avons travaillé en amont sur ce texte qui sera très largement remanié par les parlementaires. J’ai proposé aux deux commissions compétentes – de l’Assemblée nationale et du Sénat – que les réunions se poursuivent après l’adoption de la loi, à un rythme dicté par la nécessité : tous les quinze jours, tous les mois ou tous les deux mois. L’idée est que des parlementaires choisis par l’Assemblée nationale et le Sénat puissent suivre l’application du texte et le déroulement des expérimentations. Nous voulons qu’ils puissent inviter les élus, les chefs d’entreprise, les agriculteurs, les directeurs d’administration centrale ou de services déconcentrés qui auront mis en place l’expérimentation. Il sera ainsi possible de mettre fin à une expérimentation qui se révélerait vraiment catastrophique ou au contraire d’en encourager une autre qui ralentirait.

Les décrets et textes réglementaires ne seront pas soumis à l’avis de la commission parce que chacun doit rester dans son rôle. Mais il faut que vous puissiez en prendre connaissance d’un œil éclairé, et exprimer un désaccord s’ils ne correspondent pas à ce que vous avez voulu faire. Nous devons élaborer une sorte de méthode commune. Il ne faut pas s’inquiéter du manque de précisions ni redouter d’éventuels effets de bord, au point de vouloir généraliser avant d’avoir expérimenté. J’entends vos inquiétudes, mais je crois que notre méthode est innovante et son suivi devrait vous rassurer.

La commission rejette successivement les amendements identiques CS194 et CS794, ainsi que lamendement CS35.

Elle adopte lamendement CS735.

Elle adopte successivement lamendement de précision CS731 et les amendements rédactionnels CS732 et CS733 du rapporteur.

Puis elle en vient aux amendements identiques CS118 de M. Matthieu Orphelin et CS666 de M. Laurent Saint-Martin.

M. Jean-Charles Colas-Roy. À l’ère du numérique, les inégalités restent fortes : 20 % de nos concitoyens n’utilisent toujours pas le numérique. Mon amendement CS118 vise à veiller à ce que les consultations par voie électronique soient inclusives et prennent en compte les citoyens les plus éloignés du numérique. Rédigé avec quelques collègues de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, cet amendement propose de compléter la première phrase de l’alinéa 1 par les mots suivants : « tout en veillant à ce que la participation du public par voie électronique prévoie des dispositifs pour intégrer des citoyens éloignés du numérique. »

M. Laurent Saint-Martin. L’amendement CS666 est défendu.

M. le rapporteur. J’émets un avis favorable à ces amendements que je mentionnais précédemment en recommandant d’être vigilant à l’égard de nos concitoyens les plus éloignés du numérique.

La commission adopte les amendements.

Puis elle adopte lamendement rédactionnel CS736 du rapporteur.

En conséquence, les amendements identiques CS228 de Mme Véronique Louwagie, CS246 de M. Fabrice Brun, CS375 de M. Frédéric Reiss et CS607 de M. Philippe Gosselin tombent.

La commission adopte larticle 33 modifié.

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Article 34
Habilitation à prendre par ordonnance des mesures de simplification pour favoriser notamment le développement des énergies renouvelables

I.   simplification des procÉdures administratives relatives aux projets d’exploitation des Énergies marines renouvelables

La limitation des émissions de gaz à effet de serre constitue aujourd’hui un impératif majeur en raison des modifications climatiques engendrées par leur augmentation continue, qui a des répercussions écologiques, politiques et sociales. Cette limitation impose une réduction importante de l’utilisation des énergies fossiles et le développement d’énergies renouvelables, et notamment des énergies renouvelables de la mer. La France s’est fixée, dans la lignée des perspectives tracées par la directive du 23 avril 2009 ([103]), des objectifs ambitieux en la matière. Elle prévoit notamment de porter la part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie finale à 23 % à l’horizon 2020 et à 32 % en 2030. Atteindre ces objectifs nécessitera un effort important car la part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie ([104]) était estimée à seulement 14,9 % en 2015 ([105]).

Le développement des énergies marines renouvelables (EMR) constitue un levier du développement des énergies renouvelables très prometteur. Il s’agit non seulement de l’énergie éolienne (éolien « posé » ou éolien « flottant ») mais aussi des énergies hydrolienne, marémotrice, houlomotrice, osmotique ou encore de l’énergie thermique des mers.

Les énergies marines renouvelables

La notion d’ « énergies renouvelables de la mer » désigne lensemble des technologies permettant de produire de lénergie à partir des différentes forces ou ressources du milieu marin. Elle recouvre les technologies suivantes :

– éolien marin : utilisation de la force des vents, grâce à une installation (appelée éolienne ou aérogénérateur) qui transforme l’énergie mécanique du vent en énergie électrique ;

– énergie thermique des mers : utilisation des différences de température entre la surface des mers et le fond pour produire de la chaleur ou du froid voire de l’électricité ;

– hydrolien : utilisation de la force mécanique des courants marins pour produire de l’électricité grâce à une turbine ;

– énergie marémotrice : utilisation du flux et du reflux de la marée pour alternativement remplir ou vider un bassin de retenue en actionnant des turbines incorporées dans un barrage, qui entraînent un générateur d’électricité ;

– énergie houlomotrice : utilisation de la force des vagues (la houle) pour produire de l’électricité ;

– énergie osmotique : installation d’une membrane semi-perméable en contact avec de l’eau douce sur une face et de l’eau de mer sur l’autre face, soumise à une pression dite osmotique ([106]).

En ce qui concerne l’éolien « posé », la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) instituée par la loi du 17 août 2015 de transition énergétique pour la croissance verte ([107]) fixe des objectifs de développement de la production d’électricité en France métropolitaine continentale de 500 MW de puissance installée au 31 décembre 2018 et de 3 000 MW de puissance installée au 31 décembre 2023.

En ce qui concerne les autres EMR, dont la technologie est moins mature, la PPE la fixe des objectifs de développement de la production d’électricité en France métropolitaine continentale de 100 MW de puissance installée au 31 décembre 2023 et prévoit en outre que les projets attribués et non encore réalisés devront représenter entre 200 et 2 000 MW ([108]).

Selon les informations communiquées à votre rapporteur, la réalisation d’un projet d’EMR prend dix ans, répartis comme suit :

Phases de réalisation dun projet dEMR

– Consultations et concertations locales menées par les préfets afin de déterminer les zones propices à l’implantation des projets (acceptabilité locale, conciliation avec les autres usages) : 6 mois ;

– Réalisation par l’État d’études préalables permettant de fournir les données de base sur la zone (vent, houle, profondeur...) aux candidats à la procédure de mise en concurrence et réalisation de la procédure de mise en concurrence : 20 mois ;

– Débat public, réalisation de l’état initial environnemental puis réalisation des études d’impact par le lauréat : 20 mois ;

– Phase d’obtention des autorisations par le lauréat : 18 mois ;

– Phase des recours contentieux : 2 ans (recours devant la cour administrative d’appel de Nantes, chargée du contentieux des EMR ([109]) puis recours en cassation devant Conseil d’État) ;

– Décision finale d’investissement, construction et mise en service du parc : 3 ans ([110]).

Comme l’indique l’étude d’impact, la procédure pour développer un projet d’EMR est donc « longue et risquée pour le lauréat, ce qui s’explique notamment par le fait que le lauréat de l’appel d’offres doit obtenir les autorisations nécessaires pour réaliser l’installation à l’issue de l’appel d’offres ([111]). C’est pourquoi les 1° et 2° de l’article 34 autorisent le Gouvernement à procéder par ordonnances à une réforme qui intègre la phase de délivrance des autorisations administratives à la phase préalable de mise en concurrence. (Le 3° de l’article 34 permet quant à lui de prendre les mesures d’adaptations rédactionnelles et de coordination rendues nécessaires par cette réforme). Ces ordonnances doivent être prises dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication la loi.

A.   État du droit

1.   La réalisation de la procédure de mise en concurrence

L’article L. 311-10 du code de l’énergie prévoit que, le cas où les capacités de production ne répondent pas aux objectifs de la PPE, l’autorité administrative peut décider de recourir à la procédure de mise en concurrence qui est soit un appel d’offres soit une procédure de dialogue concurrentiel.

La procédure d’appel d’offres ([112]) est une procédure par laquelle le ministre chargé de l’énergie choisit l’offre économiquement la plus avantageuse sans négociation, sur la base de critères objectifs préalablement portés à la connaissance des candidats ([113]).

La procédure de l’appel d’offres a été utilisée pour les appels à projets de d’éolien offshore « posé » de 2011 et 2013 qui doivent permettre la réalisation des parcs de Saint-Brieuc, Courseulles-sur-Mer, Saint-Nazaire, Fécamp, Dieppe – Le Tréport et des Îles d’Yeu et de Noirmoutier.

Inspirée de la procédure de dialogue compétitif prévue par le code des marchés publics, la procédure de dialogue concurrentiel ([114]), instaurée par une ordonnance du 3 août 2016 ([115]) permet au ministre chargé de l’énergie de dialoguer avec les candidats admis à participer à la procédure en vue de définir ou de développer les solutions de nature à répondre à ses besoins et sur la base desquelles ces candidats sont invités à remettre une offre ([116]).

C’est cette procédure qui est utilisée pour le troisième appel à projets d’éolien offshore posé qui doit permettre l’implantation de parcs au large de Dunkerque ([117]).

2.   La phase dobtention des autorisations administratives

a.   La procédure de demande de lautorisation environnementale

Pour l’ensemble des projets d’EMR, qu’ils soient situés sur le domaine public maritime, dans la zone économique exclusive ou sur le plateau continental, l’obtention d’une autorisation environnementale est nécessaire. Cette autorisation qui, depuis l’ordonnance du 26 janvier 2017 ([118]), regroupe une série d’autorisations ([119]) qui faisaient auparavant l’objet de procédures séparées comme l’autorisation requise pour les installations classées pour la protection de l’environnement, l’autorisation requise pour les projets d’installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) soumis à la législation sur l’eau ([120]), l’autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité ([121]) ou encore la dérogation aux interdictions édictées pour la conservation de sites d’intérêt géologique, d’habitats naturels, d’espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats prévue par le 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement ([122]).

En ce qui concerne les éoliennes, l’autorisation environnementale tient également lieu d’une série d’autorisations prévues par le code du patrimoine, le code des transports, le code des postes et des communications électroniques ou encore le code de la défense (dont l’article L. 5112-2 prévoit par exemple qu’ « aucune construction ne peut être réalisée sans lautorisation du ministre de la défense dans létendue du champ de vue des postes électro-sémaphoriques de la marine nationale et les postes militaires de défense des côtes et de sécurité de la navigation ») ([123])

Le demandeur d’une autorisation environnementale pour un projet d’EMR doit déposer en préfecture un dossier qui comprend, s’il y a lieu une étude d’impact environnementale (obligatoire pour les projets d’installations d’éoliennes en mer) ([124]).

Dossier déposé par le demandeur dune autorisation environnementale

Ce dossier comprend notamment :

– la mention du lieu où le projet doit être réalisé ainsi qu’un plan de situation du projet ;

– une description de la nature et du volume de lactivité, l’installation, l’ouvrage ou les travaux envisagés, de ses modalités d’exécution et de fonctionnement, des procédés mis en œuvre, des moyens de suivi et de surveillance, des moyens d’intervention en cas d’incident ou d’accident, des conditions de remise en état du site après exploitation et, le cas échéant, la nature, l’origine et le volume des eaux utilisées ou affectées ;

– les caractéristiques de linstallation de production délectricité et notamment sa capacité de production, les techniques utilisées, ses rendements énergétiques et les durées prévues de fonctionnement ;

– les pièces, documents et informations propres aux activités, installations, ouvrages et travaux prévus par le projet pour lequel l’autorisation est sollicitée ainsi qu’aux espaces et espèces faisant l’objet de mesures de protection auxquels il est susceptible de porter atteinte ([125]).

Il comprend également une étude dimpact environnementale qui comporte notamment ([126]) :

– une description du projet qui comprend une description de sa localisation, de ses caractéristiques physiques, des principales caractéristiques de la phase opérationnelle du projet ainsi qu’une estimation des types et des quantités de résidus et d’émissions attendus, tels que la pollution de l’eau, de l’air, du sol et du sous-sol, le bruit, la vibration, la lumière, la chaleur, la radiation, et des types et des quantités de déchets produits durant les phases de construction et de fonctionnement ;

– une description des aspects pertinents de létat actuel de lenvironnement, dénommée « scénario de référence », et de leur évolution en cas de mise en œuvre du projet ainsi qu’un aperçu de l’évolution probable de l’environnement en l’absence de mise en œuvre du projet ;

– une description des facteurs mentionnés au III de l’article L. 122-1 du code de l’environnement susceptibles d’être affectés de manière notable par le projet : la population, la santé humaine, la biodiversité, les terres, le sol, l’eau, l’air, le climat, les biens matériels, le patrimoine culturel, le paysage ;

– une description des incidences notables que le projet est susceptible d’avoir sur l’environnement résultant, entre autres de la construction et de l’existence du projet, de l’utilisation des ressources naturelles, de l’émission de polluants, du bruit, de la vibration, etc., des risques pour la santé humaine, pour le patrimoine culturel ou pour l’environnement, du cumul des incidences avec d’autres projets existants ou approuvés qui ont fait l’objet d’une étude d’incidence et d’une enquête publique, des incidences du projet sur le climat et de la vulnérabilité du projet au changement climatique, des technologies et des substances utilisées ;

– une description des incidences négatives notables attendues du projet sur l’environnement qui résultent de la vulnérabilité du projet à des risques daccidents ou de catastrophes majeurs en rapport avec le projet concerné ;

– une description des solutions de substitution raisonnables qui ont été examinées par le maître d’ouvrage et une indication des principales raisons du choix effectué ;

– une description des mesures dévitement, de réduction et de compensation des effets négatifs notables du projet sur l’environnement ou la santé humaine prévues par le maître de l’ouvrage (accompagnée notamment de l’estimation des dépenses correspondantes) et une description des modalités de suivi de ces mesures.

La demande d’autorisation environnementale est instruite par la direction départementale des territoires et de la mer et fait l’objet d’une enquête publique ([127]). Sa délivrance fait l’objet d’un arrêté préfectoral. Enfin, l’autorisation environnementale fixe une série de prescriptions ([128]), par exemple des prescriptions permettant la protection des eaux ou encore les prescriptions nécessaires à la conservation milieu naturel dans les réserves naturelles ([129]). De plus, l’autorisation doit garantir prise en compte critères définis par l’article L 311-5 du code de l’énergie qui prévoit que l’autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité est délivrée par l’autorité administrative en tenant compte de :

– l’impact de l’installation sur l’équilibre entre l’offre et la demande et sur la sécurité d’approvisionnement ;

– la nature et l’origine des sources d’énergie primaire ;

– l’efficacité énergétique de l’installation, comparée aux meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable ;

– les capacités techniques, économiques et financières du candidat ou du demandeur ;

– l’impact de l’installation sur les objectifs de lutte contre l’aggravation de l’effet de serre.

b.   La procédure de demande dautorisation doccupation du domaine public maritime

Pour les projets d’EMR sur le domaine public maritime (qui est compris dans les limites de la mer territoriale ([130])), l’obtention d’une concession d’utilisation du domaine public maritime est nécessaire, l’article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques prévoyant que « nul ne peut, sans disposer dun titre ly habilitant, occuper une dépendance du domaine public dune personne publique […] ou lutiliser dans des limites dépassant le droit dusage qui appartient à tous »,

La demande de concession est adressée au préfet et est accompagnée d’un dossier. Elle fait d’une enquête publique (qui est réalisée conjointement avec celle relative à l’autorisation environnementale). La concession est conclue pour une durée qui ne peut excéder quarante ans et implique de payer une redevance ([131]).

Dossier de demande dune concession dutilisation du domaine public maritime

L’article R. 2124-2 du code général de la propriété des personnes publiques prévoit que le dossier de demande de concession précise :

– la situation, la consistance et la superficie de l’emprise qui fait l’objet de la demande ;

– la destination, la nature et le coût des travaux et endigages projetés s’il y a lieu ;

– la cartographie du site d’implantation et les plans des installations à réaliser ;

– le calendrier de réalisation de la construction ou des travaux et la date prévue de mise en service ;

– les modalités de maintenance envisagées ;

– les modalités proposées, à partir de l’état initial des lieux, de suivi du projet et de l’installation et de leur impact sur l’environnement et les ressources naturelles ;

– le cas échéant, la nature des opérations nécessaires à la réversibilité des modifications apportées au milieu naturel et au site, ainsi qu’à la remise en état, la restauration ou la réhabilitation des lieux en fin de titre ou en fin d’utilisation ;

– s’il y a lieu, l’étude d’impact environnementale.

Les projets d’EMR dans la zone économique exclusive ou sur le plateau continental (espaces maritimes situés au-delà de la mer territoriale ([132])) ne nécessitent pas l’obtention d’une concession d’utilisation du domaine public maritime mais requièrent l’obtention de l’autorisation prévue par l’article 20 de l’ordonnance du 8 décembre 2016 relative aux espaces maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction de la République française ([133]).

S’il n’existe pas encore à ce jour de projet d’implantation dans ces zones, de tels projets sont envisageables. C’est pourquoi l’article 95 de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages ([134]) a défini le cadre législatif applicable en modifiant la loi du 16 juillet 1976, dont les dispositions ont été transférées à l’article 20 de l’ordonnance du 8 décembre 2016. Cet article prévoit que cette autorisation « tient lieu des autorisations, déclarations, approbations et dérogations nécessaires », que le projet est soumis à étude d’impact et mis à la disposition du public ([135]) et que les exploitants doivent payer une redevance annuelle au profit de l’Agence française pour la biodiversité ([136]).

II.   modifications prÉvues par l’ordonnance

Selon les informations communiquées à votre rapporteur par le Ministère de la transition écologique et solidaire, les modifications auxquelles l’ordonnance devrait procéder l’ordonnance visent à :

– réaliser le débat public immédiatement après la définition de la ou les zones propices à l’implantation du projet d’EMR pour solliciter le public sur l’opportunité même du projet (alors qu’actuellement le débat ne porte que sur une zone et un projet de parc « figés ») ;

– permettre à l’État, d’une part, de se délivrer à lui-même l’autorisation environnementale, la concession d’utilisation du domaine public maritime (pour les projets sur le domaine public maritime) et l’autorisation prévue par l’ordonnance du 8 décembre 2016 (pour les projets dans la ZEE ou sur le plateau continental) avant l’achèvement de la procédure de mise en concurrence et, d’autre part, de les transférer par arrêté ministériel au lauréat de la procédure de mise en concurrence une fois celle-ci arrivée à son terme ;

– réviser le déroulement des différentes consultations relatives à l’octroi de la concession d’utilisation du domaine public maritime pour prévoir que le recueil de l’avis du préfet maritime et du commandant de zone maritime et la consultation de la commission nautique et de la direction départementale des finances publiques seront réalisés à l’issue de la procédure de sélection, avant la désignation du lauréat, afin qu’une discussion puisse avoir lieu avec le lauréat pressenti (car des données précises sur le projet sont nécessaires pour ces consultations) ;

– réaliser la mutualisation de l’instruction de l’autorisation environnementale et de la concession d’utilisation du domaine public maritime et la mutualisation de l’enquête publique nécessaire pour l’octroi de l’autorisation environnementale et de la concession d’utilisation du domaine public maritime.

Comme le rappelle l’étude d’impact, l’objectif étant d’anticiper la délivrance des autorisations administratives, « lautorisation environnementale délivrée à lÉtat devrait pouvoir prendre en compte des variantes, sur la base de caractéristiques maximales en termes dimpact que linstallation qui sera in fine lauréate devra respecter » ([137]).

Le permis sera conçu comme une « enveloppe » qui n’imposera pas d’employer une technologie précise, ce qui est d’autant plus important que, du fait de la longueur des procédures, les technologies ont le temps d’évoluer fortement entre le dépôt de la demande et l’octroi de l’autorisation.

Selon les informations communiquées à votre rapporteur, le coût de l’étude d’impact à réaliser pour l’obtention de l’autorisation environnementale « enveloppe » est estimé à environ 15 millions d’euros, celui des études techniques (vent, analyse des fonds marins...) à 12 millions d’euros, celui de l’état initial de l’environnement, à 3 millions d’euros et celui du débat public à 2 millions d’euros ([138]).

La réforme prévue par l’ordonnance ne pourra pas s’appliquer au projet de Dunkerque mais elle devrait s’appliquer dès le prochain appel d’offres d’éolien « posé », en 2018, qui est celui prévu au large d’Oléron.

La réalisation de cette réforme devrait permettre une réduction des délais administratifs et réduire les coûts pour les investisseurs liés aux études initiales, ce qui devrait favoriser une baisse des coûts de l’électricité produite, baisse qui a été constatée dans les pays où des procédures proches de celle que la France prévoit de mettre en place ont été mises en place. Toutefois, cette baisse des coûts est multifactorielle et ne tient pas qu’à l’évolution du cadre législatif et réglementaire : elle s’explique également par les évolutions technologiques (comme la hausse de la puissance des turbines), la planification d’appels d’offres à long terme qui permet de donner de la visibilité aux industriels et de favoriser la structuration des filières ainsi que la prise en charge par le gestionnaire de réseau des coûts de raccordement (sur ce dernier point, si, en France, ce coût était jusqu’à présent à la charge du producteur, l’article 15 de la loi du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures ([139]) a prévu que le raccordement serait désormais réalisé par RTE sur ses propres fonds).

Toutefois, comme il l’a été indiqué à votre rapporteur au cours des auditions, à ce jour, le phasage des différentes étapes de la procédure fait encore l’objet de discussions entre l’administration et les professionnels du secteur et serait susceptible d’évoluer.

Il a été indiqué à votre rapporteur au cours des auditions que les autorisations qui seraient transférées au lauréat à l’issue de la procédure de mise en concurrence ne seraient pas « purgées de recours », ce qui imposerait aux lauréats, en cas de contentieux, de défendre devant les tribunaux des autorisations pour lesquelles ils n’ont pas eux-mêmes constitué les dossiers.

C’est pourquoi votre rapporteur considère qu’il serait nécessaire de réfléchir à un rééquilibrage du dispositif, par exemple en laissant aux lauréats de la procédure de mise en concurrence le soin de demander l’autorisation environnementale et la concession d’utilisation du domaine public maritime tout en faisant prendre en charge par l’État la réalisation d’une partie des études nécessaires à la demande de ces autorisations et la réalisation des procédures de consultation du public.

De ce fait, il est indispensable de poursuivre et d’approfondir la concertation entre toutes les parties prenantes pour aboutir à un texte consensuel et équilibré.

III.   Simplification de la procédure d’Élaboration et de rÉvision des schémas RÉGIONAUX DE RACCORDEMENT AU RÉSEAU DES INSTALLATIONS DE PRODUCTION D’ÉLECTRICITÉ USANT D’ÉNERGIES RENOUVELABLES

A.   État du droit

Les schémas régionaux de raccordement au réseau des installations de production d’électricité usant d’énergies renouvelables (S3REnr) ont été institués par la loi « Grenelle II » du 12 juillet 2010 ([140]). Ils décrivent les ouvrages à créer ou à renforcer pour atteindre les objectifs de production d’énergie renouvelable fixés par les schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie (SRCAE), localisés en fonction des intentions d’installation des producteurs et des gisements existants.

Ils doivent aussi favoriser la mutualisation du coût du raccordement entre les différents producteurs. Dans ce but, ils définissent un périmètre de mutualisation des postes du réseau public de transport ([141]), des postes de transformation entre les réseaux publics de distribution et le réseau public de transport et des liaisons de raccordement de ces postes au réseau public de transport ([142]).

Par ailleurs, les S3REnr mentionnent (pour chaque ouvrage existant ou à créer) les capacités réservées pour laccueil de la production permettant d’atteindre les objectifs définis par le SRCAE et le cas échéant le DSF (document stratégique de façade). Toutes les capacités d’accueil de la production prévues dans les S3REnr sont réservées pendant dix ans au bénéfice des installations de production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelable ([143]) .En contrepartie, les producteurs contribuent au financement des ouvrages de raccordement propres à leur installation mais aussi à celui des ouvrages prévus par le S3REnr ([144]).

On compte aujourd’hui un S3REnr par « ancienne » région. Avec la suppression des SRCAE, dont le contenu a été intégré au sein des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires par la loi NOTRe du 7 août 2015 ([145]), les S3REnr vont être révisés dans le cadre des nouvelles régions.

L’article L. 321-7 du code de l’énergie le prévoit que S3REnr est élaboré par le gestionnaire du réseau public de transport (c’est-à-dire RTE) qui doit consulter les services déconcentrés en charge de l’énergie, le conseil régional, l’autorité organisatrice de la distribution regroupant le plus d’habitants dans chaque département concerné et les autorités organisatrices de la distribution regroupant plus d’un million d’habitants, les organisations professionnelles de producteurs d’électricité et les chambres de commerce et d’industrie ([146]). Enfin, S3REnr arrêté par le préfet de région ([147]).

Lorsqu’il n’est pas possible de répondre aux demandes de raccordement en procédant à des transferts de capacité réservée entre postes, le S3REnr peut être adapté et, dans ce cas, l’adaptation est simplement notifiée au préfet et ne nécessite pas d’arrêté préfectoral ([148]) . L’adaptation est réalisée par le gestionnaire du réseau de transport, en accord avec les gestionnaires des réseaux publics de distribution concernés ([149]). Toutefois l’article D321-20-2 fixe des limites à ces possibilités d’adaptation en prévoyant que le S3REnr ne peut faire l’objet d’une adaptation lorsque celle-ci aurait pour effet :

– d’augmenter sa capacité d’accueil globale de plus de 100 MW ;

– ou d’augmenter la quote-part unitaire de plus de 4 000 €/MW ;

– ou d’augmenter le coût des investissements supplémentaires des gestionnaires de réseau de plus de 100 000 € par MW de capacité créée.

Le S3REnr peut aussi faire l’objet d’une révision. C’est le cas lorsque les transferts de capacité réservée ou l’adaptation du schéma ne permettent pas de satisfaire aux demandes de raccordement ou encore lorsque plus des deux tiers de la capacité d’accueil globale ont été attribués ([150]). Toutefois, contrairement à l’adaptation, la révision doit obéir à la même procédure que l’élaboration du S3REnr, comme le précise l’article D321-20-5 du code de l’environnement, ce qui implique notamment qu’il soit arrêté par le préfet de région.

B.   modifications prÉvues par l’ordonnance

Pour raccourcir les délais le raccordement, le 4° de l’article 4 habilite le gouvernement à simplifier par ordonnance la procédure d’élaboration et de révision des S3REnr.

Aujourd’hui, la procédure de modification du S3REnr est trop rigide et empêche le S3REnr d’atteindre les objectifs de mutualisation des coûts et d’anticipation dans la réalisation des ouvrages, selon les informations qui ont été communiquées à votre rapporteur.

En effet, certains producteurs sont susceptibles de demander un raccordement dans des zones qui n’avaient pas été prévues dans le S3REnr parce que le gisement n’avait pas été identifié ou parce que la zone avait été explicitement écartée lors de la concertation en raison des coûts. Il est alors de nécessaire de modifier le S3REnr. Or cette modification est aujourd’hui difficile du fait des concertations et des évaluations environnementales qu’il est nécessaire de mener et qui peuvent nécessiter dix-huit mois de procédure avant qu’un schéma modifié soit publié. Cette situation peut empêcher les producteurs qui souhaitent être raccordés sans attendre de bénéficier de la mutualisation voire les conduire à abandonner leur projet si les délais sont trop longs ou les coûts trop élevés.

IV.   Application aux ouvrages des rÉseaux publics d’Électricité de la procÉdure d’extrÊme urgence

Les gestionnaires de réseaux, qui doivent être propriétaires de leurs postes électriques ([151]), acquièrent les propriétés nécessaires de manière amiable et, en cas de besoin, ont recours à la procédure d’expropriation. Le passage des lignes ne nécessite en général que l’instauration de servitudes même si, dans de rares cas, il a été procédé à des expropriations pour l’emprise d’un ou deux pylônes, selon les informations qui ont été communiquées à votre rapporteur par le ministère de la transition écologique et solidaire.

Toutefois, la création de postes électriques peut être empêchée par la division du terrain identifié pour la création du poste entre une centaine de coindivisaires, stratégie employée par des opposants à l’installation du poste pour rendre plus compliquée la procédure d’expropriation. Selon les informations communiquées à votre rapporteur, une telle stratégie a été mise en œuvre par des opposants à l’éolien pour empêcher la construction du poste d’Ayres dans le sud de l’Aveyron, pour lequel l’enquête publique vient de se terminer. Cette stratégie retarde la construction du poste, ce qui peut freiner le raccordement des producteurs.

C’est pourquoi le 5° de larticle 34 autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures permettant de rendre applicable aux ouvrages des réseaux publics d’électricité la procédure dextrême urgence prévue par le chapitre II du titre II du livre V du code de l’expropriation.

Cette procédure permet d’accélérer la prise de possession du terrain pour des infrastructures linéaires avant l’ordonnance d’expropriation et même l’indemnisation du propriétaire, l’indemnisation étant mise sous séquestre en attendant le règlement. Elle permet notamment d’accélérer les expropriations lorsqu’il existe des troubles à l’ordre public.

Or, à ce jour, il n’est pas possible dutiliser cette procédure pour les ouvrages des réseaux publics d’électricité. En effet, les articles L 521-1 et L 522-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique prévoient qu’elle ne peut s’appliquer qu’à la réalisation de travaux intéressant la défense nationale dont l’utilité publique a été ou est régulièrement déclarée et dont la réalisation immédiate est nécessaire ou à l’exécution de travaux de construction d’autoroutes, de routes express, de routes nationales ou de sections nouvelles de routes nationales, de voies de chemins de fer, de voies de tramways ou de transport en commun en site propre et d’oléoducs régulièrement déclarés d’utilité publique, lorsque ceux-ci risquent d’être retardés par des difficultés tenant à la prise de possession d’un ou de plusieurs terrains non bâtis, situés dans les emprises de l’ouvrage.

V.   position de la commission

Outre trois amendements rédactionnels du rapporteur, la commission a adopté un amendement présenté par Mme Véronique Louwagie qui prévoit que le Gouvernement remette au Parlement dans un délai de quatre ans à compter de la publication des ordonnances réformant le régime de l’éolien en mer un rapport faisant le bilan de leur application qui comporte notamment une évaluation de leur impact sur les délais de réalisation des projets et propose éventuellement des mesures correctives pour l’amélioration de ces délais.

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*     *

La commission se saisit de l’amendement CS906 du Gouvernement.

M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. C’est quasiment un amendement rédactionnel : il s’agit de réécrire cet article 34 afin de préciser l’habilitation à prendre par ordonnance des mesures visant à simplifier les processus décisionnels en matière d’éolien en mer, tout en respectant les exigences de protection de l’environnement. Malheureusement, il s’écoule trop de temps entre le moment où la décision est prise de construire ce genre d’ouvrage et celui où le lauréat de l’appel d’offres peut effectivement le construire.

M. Stanislas Guerini, rapporteur. L’article 34 s’inscrit vraiment dans la philosophie du projet de loi. Il s’agit de mettre en place un « permis enveloppe » pour faciliter et accélérer la mise en place des projets d’éolien en mer. Nous avons largement discuté de son périmètre avec les différents acteurs impliqués. Le choix du Gouvernement me paraît vraiment aller dans le sens des préoccupations exprimées et de nature à apaiser les craintes des parties prenantes. Il aurait pu être trop large et finalement trop contraignant pour les lauréats des appels d’offres. La solution proposée avec cet amendement me semble très raisonnable. L’État réalisera les études préalables et laissera une certaine marge de manœuvre dans la réalisation des projets. J’y suis donc favorable.

M. Arnaud Viala. Je voudrais, monsieur le ministre, que vous me précisiez le sens du cinquième alinéa de l’article, en vertu duquel le Gouvernement serait habilité à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi visant à « simplifier la procédure d’élaboration et de révision des schémas régionaux de raccordement au réseau des installations de production d’électricité usant d’énergies renouvelables prévue par l’article L. 321-7 du code de l’énergie, afin d’accélérer leur entrée en vigueur, et mettre en cohérence les autres dispositions de ce code ».

Le champ de cet alinéa est-il strictement limité à l’éolien en mer ou bien est-il ouvert à l’éolien terrestre ?

M. le ministre. On me dit qu’il est limité à l’éolien en mer.

M. Arnaud Viala. Pardon, mais cette limitation à l’éolien en mer n’est pas spécifiée dans le texte de l’alinéa cité.

M. le rapporteur. Selon les réponses que nous a données le Gouvernement, le terrestre est concerné, non par la première partie de l’article mais par celle portant sur le raccordement électrique. Les schémas en question ne peuvent concerner que l’éolien terrestre – il n’en existe pas de tels pour l’éolien en mer.

M. Arnaud Viala. J’ai quelque difficulté à comprendre : l’article, y compris selon la présentation que vient d’en faire M. le ministre, vise à simplifier les procédures de raccordement de l’éolien en mer, mais l’alinéa 5 ne concerne que l’éolien terrestre… En fait, l’objectif visé par l’article n’est pas entièrement explicité.

M. le rapporteur. L’exposé des motifs du projet de loi l’indique : « Cet article permettra également au Gouvernement d’adopter rapidement les mesures nécessaires pour accélérer le développement des énergies renouvelables en simplifiant le raccordement au réseau des installations de production d’électricité renouvelable et le développement du réseau. » Il n’y a donc nulle intention cachée et le Gouvernement a répondu très clairement lorsque nous l’avons interrogé. Vous avez cependant raison : l’objet principal est ce « permis enveloppe » pour l’éolien en mer, et c’est un alinéa spécifique qui porte sur la simplification du raccordement de l’éolien terrestre.

M. Arnaud Viala. Pardonnez-moi, monsieur le rapporteur, mais j’insiste : que vient faire un alinéa consacré à l’éolien terrestre dans un article supposé concerner les projets d’éolien en mer ? Cela me paraît vraiment déplacé et témoigner d’une mauvaise foi. Faites un article sur l’éolien terrestre et nous en débattrons, mais nous ne pouvons pas laisser cela en l’état.

M. le rapporteur. Nous ne le pouvons, car c’est le Gouvernement qui est maître de réécrire cet article d’habilitation. Certes, il aurait pu faire le choix d’écrire deux articles, mais je ne crois pas qu’il ait caché ses intentions. Tant l’exposé des motifs que l’étude d’impact sont très clairs, et je commente moi-même cet alinéa dans mon rapport. En audition, nous avons eu des échanges sur les finalités de cet alinéa avec le Syndicat des énergies renouvelables, France Énergie Éolienne et Réseau de transport d’électricité (RTE), le gestionnaire de réseau. Son existence ne me pose nul problème, mais, vous avez raison, cher collègue, il faut que les choses soient claires.

Mme Véronique Louwagie. Il s’agit en effet d’être clair dans un texte visant à redonner de la confiance à nos concitoyens. Les réponses données à la question posée par mon collègue Arnaud Viala le sont maintenant – ce n’était pas forcément le cas d’emblée.

Notre propos n’est pas du tout de prêter au Gouvernement ou à quiconque la volonté de cacher quelque chose, mais il faudrait insérer, comme le suggère M. Viala, un article additionnel pour que deux articles distincts traitent l’un de l’éolien en mer et l’autre de l’éolien terrestre. Pour l’instant, nous avons cinq lignes qui, au détour d’un alinéa, sans que ce soit parfaitement explicité, traitent de l’éolien terrestre ! C’est là une source de confusion et de trouble, même si votre intention n’était pas qu’il en soit ainsi. Nous ne pouvons admettre que l’article 34 soit d’une compréhension si difficile.

M. le ministre. Manifestement, le Gouvernement a mal préparé ce point. Je retire donc cet amendement CS906, et nous en déposerons deux en vue de la séance.

M. Arnaud Viala. Merci, monsieur le ministre.

L’amendement est retiré.

 

La commission examine l’amendement rédactionnel CS97 du rapporteur.

M. le ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

 

Puis elle se saisit de l’amendement rédactionnel CS98 du rapporteur.

M. le ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle en vient ensuite à l’amendement rédactionnel CS99 du rapporteur.

M. le ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle examine ensuite l’amendement CS229 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Il s’agit de prévoir un bilan de l’application des futures ordonnances et d’ouvrir la possibilité d’éventuelles modifications ultérieures. Nous proposons donc de compléter l’article par cet alinéa : « Le Gouvernement présente au Parlement, dans un délai de quatre ans à compter de la publication des ordonnances prévues aux 1°, 2° et 3°, un rapport dressant un bilan de l’application de ces dernières. Ce rapport doit notamment comporter une évaluation de l’impact des ordonnances sur les délais de réalisation des projets et proposer d’éventuelles mesures correctives pour l’amélioration de ces derniers. » Je suis toujours très sensible, vous le constatez, à la question des délais. Un point d’étape me paraît très important, eu égard, notamment, aux fortes attentes de nos concitoyens en ce qui concerne leur vie quotidienne et la vie de notre collectivité.

M. le rapporteur. Je sais votre souci des délais, chère collègue. En l’occurrence, l’amendement que vous proposez me paraît pertinent. L’un des objectifs du « permis enveloppe » est clairement de permettre de réduire les délais de mise en place des champs d’éoliennes en mer, enjeu d’avenir extrêmement important. Selon l’étude d’impact, l’adoption de ce « permis enveloppe » permettrait de faire gagner trois ans – entre les études initiales et la réalisation du projet, il s’écoulerait non plus dix mais sept ans, ce qui est déjà beaucoup. Un rapport comme celui que vous proposez de demander serait le bienvenu.

La commission adopte l’amendement.

 

Puis elle adopte l’article 34 modifié.

*

*     *

Après l’article 34

La commission se saisit de l’amendement CS184 de M. Patrick Hetzel.

M. Frédéric Reiss. Cet amendement tend à inscrire dans la loi la stabilisation à long terme de l’environnement administratif, économique et fiscal du secteur de l’énergie. L’objectif est évidemment de favoriser les investissements dans le secteur de l’énergie et d’offrir une visibilité durable des dispositifs mis en œuvre dans le cadre de la transition énergétique.

M. le rapporteur. La programmation pluriannuelle fait l’objet d’un décret. Elle n’a pas vocation à couvrir l’ensemble du champ réglementaire et ne peut donc le stabiliser. Par ailleurs, un décret ne peut avoir vocation à encadrer les lois de finances – ce serait inconstitutionnel.

L’amendement est retiré.

 

La commission examine les amendements identiques CS799 de Mme Jeanine Dubié et CS849 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Jeanine Dubié. Par cet amendement CS799, je propose de traduire dans le code de l’environnement le principe selon lequel silence vaut acceptation.

En effet, toute la procédure d’autorisation environnementale, issue de l’ordonnance du 26 janvier 2017 et de ses deux décrets d’application, s’inscrit dans le cadre d’un processus d’examen de la demande, de consultations diverses, d’enquête publique, puis de décision qui donne lieu, du début à la fin, à de multiples échanges entre le pétitionnaire et le service instructeur de la demande d’autorisation.

Dans ces conditions, il est paradoxal de conclure que le silence de l’autorité administrative compétente gardé pendant deux mois au terme de la toute dernière phase de la procédure vaut rejet plutôt qu’acceptation de la demande. C’est d’autant plus paradoxal que le traitement administratif de cette demande est susceptible de s’inscrire dans le cadre d’un certificat de projet, lequel peut d’ailleurs être similaire au certificat d’information qui était l’objet de l’article 12 du projet de loi soumis à notre examen, certificat qui fixe le calendrier de l’instruction de la demande d’autorisation et de la délivrance de cette dernière.

L’amendement CS799 a donc pour objet de remédier, en ce qui concerne les autorisations d’installations de production d’énergie renouvelables, à ce paradoxe, en renversant le principe dans la loi elle-même.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Ma collègue a bien expliqué le principe : faisons en sorte, dans les cas qu’elle a évoqués, que le silence vaille acceptation et non rejet. Cela me paraît raisonnable.

M. le rapporteur. Je suis très sensible, chères collègues, à votre souci de limiter les exceptions au principe selon lequel silence vaut rejet. Cependant, en matière environnementale, ce principe pourrait contrevenir au principe constitutionnel de précaution. En outre, le droit européen impose en matière d’autorisation environnementale que les décisions soient motivées, expresses. L’adoption en matière environnementale du principe selon lequel silence vaut acceptation contreviendrait donc également au droit européen.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Je suis sensible à vos arguments, monsieur le rapporteur, mais alors, un rejet qui n’est pas motivé ne pose-t-il pas problème ? Une acceptation non motivée ou tacite poserait problème, mais qu’en est-il du rejet, puisque le rejet qu’emporte actuellement le silence gardé pendant deux mois n’est pas non plus motivé ?

M. le rapporteur. Le rejet doit être notifié avec sa motivation. Il ne peut donc être sans motif.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Le texte dispose que le silence vaut rejet, monsieur le rapporteur, non que le rejet doit être signifié. Dans le cas d’un silence qui vaut rejet, celui-ci n’est pas motivé.

M. le rapporteur. Si l’administration compétente n’a pas donné de réponse, elle dispose alors de quatre mois pour, éventuellement, retirer son rejet, et motiver cela.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Vous parlez d’un rejet retiré. Qu’en est-il du rejet maintenu ? C’est un rejet sans motivation qui est maintenu.

M. le rapporteur. La possibilité est toujours ouverte au pétitionnaire de former un recours. Il entre alors dans une procédure contentieuse qui oblige à motiver le rejet, mais nous abordons là des cas assez rares dans lesquels l’administration, au bout de quatre mois, n’a toujours pas statué sur un rejet qu’elle voudrait motiver.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Je ne suis pas convaincue par les explications données. La question mériterait des éclaircissements un peu plus détaillés dans le texte lui-même. Nous pourrons y travailler en vue de la séance.

La commission rejette les amendements identiques.

 

Puis elle se saisit des amendements identiques CS395 de Mme Véronique Louwagie, CS797 de Mme Jeanine Dubié et CS851 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement a pour objet d’instituer, pour le renouvellement des autorisations hydroélectriques dont les caractéristiques essentielles sont inchangées et qui n’ont donc pas d’impact nouveau sur l’environnement, sur les autres usages et sur les droits des tiers, une procédure simplifiée telle qu’elle existe déjà pour le renouvellement des concessions hydroélectriques.

En effet, pour ces dernières, une procédure simplifiée est prévue si les modifications des ouvrages et des conditions d’exploitation de la concession ne sont pas de nature à entraîner des dangers ou inconvénients significatifs au regard des principes énoncés dans le code de l’environnement, cette procédure simplifiée emportant adaptation du dossier de demande de concession et non-soumission à l’enquête publique.

Nous vous proposons d’appliquer une telle procédure pour les installations hydroélectriques. Un décret fixerait le contenu du dossier de renouvellement à produire.

Mme Jeanine Dubié. Cet amendement a effectivement pour objet d’instituer, pour le renouvellement des autorisations hydroélectriques dont les caractéristiques essentielles sont inchangées et qui n’ont donc pas d’impact nouveau sur l’environnement, sur les autres usages et sur les droits des tiers, une procédure simplifiée telle qu’elle existe déjà pour le renouvellement des concessions hydroélectriques.

C’est important pour les microcentrales, qui doivent satisfaire, lorsque le renouvellement est demandé, à un cahier des charges extrêmement lourd, contrairement aux concessions.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Je suis présidente d’une commission locale de l’eau (CLE). La CLE est souvent sollicitée par le préfet sur les renouvellements d’autorisation. L’avis de la CLE s’inscrit dans une démarche de schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE), et le SAGE doit être conforme au schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE). Voilà qui offre suffisamment de garanties de prise en compte de l’ensemble des usages de l’eau et des éventuelles modifications à apporter pour que, en l’absence de modification substantielle, une nouvelle enquête publique ne soit pas nécessaire.

M. le rapporteur. Si le droit existant ne permettait pas de faire ce que vous proposez, chères collègues, il faudrait y remédier, mais l’article L. 181-15 du code de l’environnement précise que la prolongation et le renouvellement d’une autorisation environnementale sont soumis à la délivrance d’une nouvelle autorisation s’ils comportent une modification substantielle du projet autorisé ou en cas de changement substantiel dans les circonstances de fait et de droit ayant présidé à la délivrance de l’autorisation initiale. Il faut donc comprendre, a contrario, que la prolongation ou le renouvellement ne sont pas soumis à la délivrance d’une nouvelle autorisation s’ils ne comportent pas une modification substantielle et qu’il n’y a pas de changement substantiel dans les circonstances de fait et de droit.

Je vous invite donc à retirer votre amendement car il semble satisfait par le droit en vigueur. Si ce n’était pas le cas, vous pourriez le redéposer en vue de la séance.

M. le ministre. Même avis que M. le rapporteur.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Je retire l’amendement CS851, et regarderai d’ici à la séance ce qu’il en est. Si nous l’avons déposé, c’est parce que, indépendamment de ce qui figure dans la loi, la pratique n’est pas forcément identique d’un secteur, d’un département à l’autre, mais si une simple circulaire suffit pour régler la question, nous laisserons M. le ministre la prendre.

M. le rapporteur. Le débat dans l’hémicycle sera utile à cet égard.

Mme Jeanine Dubié. Je retire l’amendement CS797, tout en rappelant qu’il s’agissait d’améliorer la situation de la petite hydroélectricité. Ce qui était demandé, en fait, c’était un décret qui fixe le contenu du dossier à produire en vue du renouvellement et la procédure à suivre – aujourd’hui, c’est très complexe.

Mme Véronique Louwagie. Je retire l’amendement CS395, mais, sur le terrain, les difficultés sont réelles. Nous devons les résoudre. Et, effectivement, ce qui était demandé, c’était d’adapter par décret le contenu du dossier à produire, pour combler une lacune – ou alors, s’il n’y a pas de lacune, c’est que les services de l’État ne s’approprient pas les dispositions en vigueur en la matière, mais nous réexaminerons la question en vue de la séance.

M. Nicolas Turquois. La problématique n’est-elle pas similaire à celle du remplacement ou du repowering des éoliennes ? Actuellement, remplacer un générateur par un autre implique de refaire tout un dossier, avec les mêmes délais de sept ou huit ans. Il serait souhaitable de demander, en ce cas, des dossiers allégés. En fait, sont déployées des installations déjà obsolètes : les machines prévues huit ans plus tôt.

Mme Huguette Tiegna. Je reconnais le bien-fondé de ces amendements, mais un groupe de travail sur l’éolien remet ses conclusions demain. Le sujet sera donc approfondi, et si nous ne parvenons pas, dans le cadre de ce projet de loi, à intégrer les dispositions souhaitées par les auteurs de ces amendements, un autre cadre permettra de traiter la question.

Les amendements identiques sont retirés.

La commission étudie les amendements identiques CS397 de Mme Véronique Louwagie, CS798 de Mme Jeanine Dubié et CS853 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Véronique Louwagie. Aujourd’hui – et plus encore demain –, le stockage de l’énergie est indispensable au développement des énergies renouvelables.

Il est donc proposé de poursuivre le mouvement d’adaptation du tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE) pour les installations de stockage, commencé par la loi de transition énergétique pour la croissance verte, afin qu’il produise les effets économiques attendus pour les moyens existants et, a fortiori, pour le développement de moyens supplémentaires.

Mme Jeanine Dubié. Il s’agit de permettre une adaptation du TURPE pour les installations de stockage comme cela avait été initié par la loi de transition énergétique. Il est donc proposé de faire passer le pourcentage de réduction des tarifs d’utilisation du réseau public de transport d’électricité applicables aux sites fortement consommateurs d’électricité qui présentent un profil de consommation prévisible et stable ou anticyclique de 50 % à 90 % pour les installations de stockage.

Mme Marie-Noëlle Battistel. J’insisterai sur la question du stockage, fortement liée au développement des énergies renouvelables. Les objectifs de la loi de transition énergétique sont ambitieux, car ils prévoient une forte diminution de la part de l’énergie nucléaire au profit des énergies renouvelables, qui toutefois ne sauraient se développer qu’à la seule condition que nous disposions d’un outil de stockage efficace.

Les stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) posent un problème d’équilibre économique reconnu depuis les débats relatifs à la loi de transition énergétique. En effet, l’énergie stockée acquitte deux fois le tarif de transport : une fois lors du stockage, et une fois lors de la restitution au consommateur final lorsque l’on en a besoin aux heures de pointe ou en cas d’incident sur le réseau, dont on sait qu’ils sont assez fréquents.

C’est pourquoi cet amendement propose une exonération plus importante du TURPE pour ces équipements de stockage de l’énergie, qui sont indispensables au succès de la loi de transition énergétique.

M. le rapporteur. Ces amendements démontrent pourquoi les décisions de ce type ne doivent pas être prises à l’occasion de l’examen de ce projet de loi.

Il s’agit en effet de sujets très techniques sans véritable lien avec le texte. Sur ce sujet, il n’y a pas de consensus. En matière de TURPE, ce qui n’est pas payé par les uns l’est par les autres : si l’on diminue le TURPE pour les STEP, ce sont les consommateurs qui paieront la différence, du fait du principe de péréquation.

Pour ces raisons, je suis défavorable à ces amendements.

M. le ministre. Avis défavorable.

M. Arnaud Viala. Il me paraît au contraire que ces amendements ont toute leur place dans notre débat. Votre argumentation est loin d’être convaincante : nous étions tout à l’heure sur le point d’éluder un sujet aussi sensible que celui de l’éolien terrestre et maintenant vous expliquez que la question du TURPE et des STEP est trop technique pour que nous puissions décider quoi que ce soit.

Soit ce projet de loi aborde des thèmes très divers, et nous allons jusqu’au bout en examinant au fond tous les amendements, soit vous décidez d’en réduire le périmètre, et vous appliquez alors cette restriction à vous-même et vous ne nous soumettez pas des articles qui contiennent des loups.

M. Nicolas Turquois. Dire que ce qui ne sera pas payé par l’un le sera par l’autre, est un faux débat. Les énergies renouvelables constituent un enjeu réel ; mais il faut être capable de stocker l’énergie du fait de l’intermittence de la production. La solution la plus aboutie, et peut-être la plus simple, est le recours aux barrages ; à condition de les faire fonctionner dans les deux sens. Il faut donc payer deux fois : pour créer de l’énergie – ce qui consiste à faire remonter de l’eau – et pour la faire « sortir ».

M. le rapporteur. Je rappelle que j’ai consacré quatre pages de mon rapport aux raccordements électriques. Je ne peux donc laisser dire qu’il y aurait un loup à l’article 34. Vous avez eu raison de demander au ministre de clarifier les choses et de rédiger deux articles. J’y suis favorable, moi aussi.

Loin de moi l’idée de considérer que la question des STEP est secondaire. Au contraire, elle est cruciale : le stockage de l’énergie représente probablement le plus grand défi, au-delà même de celle de la production d’énergie renouvelable. Mais le système de tarification du réseau emporte un équilibre reposant sur son utilisation et sa mobilisation. Or ces amendements risqueraient de le bouleverser en diminuant le tarif demandé aux STEP pour leur mobilisation du réseau.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Certes, il y aurait une répercussion sur le consommateur, le TURPE étant effectivement payé par quelqu’un, mais le service rendu par les STEP en période de pointe et d’extrême pointe nous permet de ne pas importer à des prix prohibitifs pendant ces périodes. Quel serait l’impact sur le tarif appliqué au consommateur si nous devions importer à chaque fois l’électricité au prix fort ?

La commission rejette ces amendements.

 

Elle se saisit ensuite des amendements identiques CS84 de Mme Véronique Louwagie, CS120 de M. Matthieu Orphelin, CS796 de Mme Jeanine Dubié et CS850 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Véronique Louwagie. Il est vrai qu’au regard de ces amendements que nous examinons après l’article 34, nous pouvons nous interroger sur la pertinence de la présence de ce dernier dans le présent texte.

Mon amendement vise à revenir à la logique simplificatrice que prévoyait la loi de 2005, et qui a été progressivement gommée par l’application du code de l’environnement aux procédures applicables aux ouvrages hydroélectriques soumis à autorisation, par rapprochement avec la procédure d’autorisation alors en vigueur pour les installations soumises à la législation sur l’eau et les milieux aquatiques.

La procédure applicable aux autorisations hydroélectriques a alors perdu la spécificité qui était la sienne au titre du code de l’énergie, et la dispense de procédure pour les activités hydroélectriques accessoires d’une activité principale régulièrement autorisée a été supprimée.

Le présent amendement vise à rétablir cette dispense pour les installations hydroélectriques accessoires, par exemple d’un canal d’irrigation, d’un canal de navigation ou d’un ouvrage quelconque déjà régulièrement installé et autorisé. Ce retour à une logique de simplification permettrait à de nombreux porteurs de projets de les faire avancer sans qu’il y ait pour autant régression de la protection de l’environnement, le préfet demeurant libre de la suite à donner au « porter à connaissance » qui lui serait soumis, notamment au titre des prescriptions complémentaires nécessaires à la protection de l’environnement.

M. Jean-Charles Colas-Roy. Depuis l’année 2005, au fil des modifications législatives, la procédure applicable aux autorisations hydroélectriques a progressivement perdu la spécificité qui était la sienne au titre du code de l’énergie, et la dispense de procédure, pour les activités hydroélectriques accessoires d’une activité principale, régulièrement autorisée, a été supprimée.

Nous sommes toutefois sensibles aux arguments énoncés précédemment par le rapporteur. S’il considère que cet amendement n’a pas sa place dans le texte, nous  pourrions le retirer.

Mme Jeanine Dubié. Mon amendement vise à rétablir une dispense de procédure pour des installations hydroélectriques accessoires comme des canaux d’irrigation, des canaux de navigation ou d’ouvrages quelconques déjà régulièrement installés et autorisés, qui concernent de petites activités.

Mme Marie-Noëlle Battistel. L’ensemble des arguments présentés par mes collègues devrait suffire à emporter une décision que j’espère positive.

M. le rapporteur. Mes arguments sont en effets comparables aux précédents, ce qui me conduit à demander le retrait de ces amendements.

Je veux toutefois vous adresser une réponse portant sur le fond. Votre souhait de simplification est là aussi satisfait par la mise en place de l’autorisation environnementale unique, qui a regroupé un certain nombre d’autorisations existantes : autorisation requise pour les installations classées pour la protection de l’environnement ; autorisation requise pour les projets d’installation d’ouvrage, travaux et activités (IOTA) ou encore autorisation d’exploiter une installation d’électricité.

M. le ministre. Mon argumentation est la même, la précision demandée par Mme Louwagie dans son amendement CS84 est déjà prévue par les textes généraux relatifs à l’autorisation environnementale. La même distinction a déjà été observée entre ce qui a un impact sur l’environnement et ce qui n’en a pas.

M. Jean-Charles Colas-Roy. Je remercie le rapporteur et le ministre et retire mon amendement CS120.

La commission rejette les amendements CS84, CS796 et CS850.

 

Elle en vient ensuite à l’amendement CS325 de M. Emmanuel Maquet.

M. Emmanuel Maquet. Les progrès technologiques permettent de produire des éoliennes toujours plus hautes, rendant insuffisante la distance d’éloignement de 500 mètres dans certains cas. La hauteur d’une éolienne détermine ses nuisances, il est donc naturel de ne pas appliquer la même distance pour tous les ouvrages.

Il s’agit donc de faire appliquer la règle dite des « 10H » actuellement en vigueur en Allemagne, qui permet d’adapter la distance d’éloignement des éoliennes en fonction de leur hauteur.

M. le rapporteur. Le dispositif que vous évoquez ne s’applique pas à toute l’Allemagne, mais à la seule Bavière. Sa mise en œuvre reviendrait à étendre la distance entre les éoliennes et les habitations, qui est de 500 mètres minimum en France : si une éolienne mesurait 100 mètres de hauteur, la distance à respecter serait de 1 000 mètres, et pour 150 mètres de hauteur, elle s’élèverait à 1 500 mètres.

Cela rendrait donc l’installation d’éoliennes plus difficile ; c’est pourquoi nous préférons nous en tenir au droit en vigueur en France aujourd’hui.

M. le ministre.  M. Maquet propose-t-il cette mesure afin de rendre l’installation d’éoliennes plus difficile…

Indépendamment de ces considérations, monsieur le député, votre amendement n’a pas grand-chose à voir avec notre texte de simplification.

M. Emmanuel Maquet. Sur le plan formel, j’entends votre argument, mais le débat reste ouvert, car nous connaissons la situation de notre pays et les difficultés qui sont rencontrées.

La commission rejette cet amendement.

 

Elle est ensuite saisie de l’amendement CS667 de M. Laurent Saint-Martin.

M. Gaël Le Bohec. Les engagements de la France en faveur de la transition énergétique ont montré à quel point il est urgent d’exploiter notre potentiel d’éolien offshore, que la longueur de notre littoral rend unique. Ce potentiel est pourtant sous-utilisé, et l’un des principaux obstacles réside dans la durée des appels à projets, qui s’élève souvent à plus de dix ans. En région Bretagne, il faut parfois reprendre l’ensemble des études à zéro.

Dans une logique de simplification et de lisibilité pour les différents acteurs de l’éolien en mer, le présent amendement vise à étendre la procédure d’ordonnance de tri, d’ordinaire prévue à l’article L. 522-3 du code de justice administrative en matière de référé, à tous les contentieux relatifs aux installations de production d’énergie renouvelable en mer ainsi qu’à ceux relatifs à leurs ouvrages connexes. Cette procédure permettrait au juge administratif d’écarter les recours qui, manifestement, seraient mal fondés, irrecevables ou qui échapperaient à sa compétence.

Ce dispositif vise à compléter le décret n° 2016-9 du 8 janvier 2009 concernant les ouvrages de production et de transport d’énergie renouvelable en mer en donnant un nouvel outil au juge pour faire le tri entre les recours opportuns et légitimes et ceux qui obstruent le bon fonctionnement de la justice. L’extension de cette procédure aux recours contre l’éolien offshore permettrait de répondre à l’enjeu de lutte contre l’inflation des recours adressés à la cour d’appel de Nantes, seule juridiction compétente sur les litiges touchant à l’éolien en mer, et répondrait à l’exigence de simplification des démarches relatives à l’éolien offshore.

M. le rapporteur. Une fois de plus, nous sommes confrontés à un sujet difficile, car il s’agit d’estimer s’il faut diminuer les possibilités de recours contentieux contre l’implantation d’éoliennes. Il est vrai que la cour administrative de Nantes est la seule juridiction compétente pour connaître de ces affaires, et qu’elle doit rendre ses décisions dans un délai maximum de douze mois. Il existe déjà une possibilité de rejeter des requêtes, par exemple lorsqu’elles sont manifestement irrecevables. Aussi, il  ne me paraît pas souhaitable de rompre cet équilibre dans le présent projet de loi.

Pour ces raisons, je propose le retrait de l’amendement.

M. le ministre. Je suis d’autant plus défavorable que les mesures proposées relèvent du domaine règlementaire.

M. Gaël Le Bohec. J’attends avec impatience les annonces du Gouvernement demain au sujet notamment de l’énergie éolienne. Pour l’heure je retire mon amendement, et, en cas de besoin, j’en déposerai un nouveau pour la séance publique.

L’amendement est retiré.

 

La commission examine les amendements identiques CS119 de M. Matthieu Orphelin, CS386 de M. Julien Aubert et CS393 de Mme Véronique Louwagie.

M. Jean-Charles Colas-Roy. Le présent amendement s’inscrit dans une logique de simplification des règles applicables aux projets de centrales solaires au sol. Sur le territoire de communes littorales, des projets de centrales photovoltaïques situés sur d’anciens sites d’usines ou de décharges sont à l’arrêt malgré le soutien des collectivités locales concernées, alors même qu’ils permettraient de valoriser ou de réhabiliter ces sites dégradés.

Il est donc proposé de modifier le code de l’urbanisme afin de rendre possible l’autorisation de centrales solaires au sol sur ces sites dégradés en zone littorale.

M. Arnaud Viala. L’amendement CS386 est défendu.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement CS393 est défendu.

M. le rapporteur. Ces amendements visent à modifier de façon conséquente la loi littorale. Par ailleurs, l’expression « sites dégradés » pourrait donner lieu à des interprétations diverses. L’exercice semble donc périlleux au détour de ce texte.

C’est pourquoi je demande le retrait de ces amendements.

M. le ministre. Avis défavorable.

M. Jean-Charles Colas-Roy. Je suis sensible aux arguments du rapporteur, mais il importe de réfléchir à la mise en valeur de ces friches industrielles situées en zones littorales afin d’exploiter au mieux ces espaces.

Je retire mon amendement.

L’amendement CS119 est retiré.

La commission rejette les amendements CS386 et CS393.

 

Elle est ensuite saisie de l’amendement CS186 de M. Patrick Hetzel.

M. Frédéric Reiss. Lors de la réalisation de projets immobiliers, les plans locaux d’urbanisme (PLU) imposent fréquemment de prévoir des aires de stationnement. Une baisse du nombre d’emplacements de places de parking de 15 % serait appliquée en contrepartie de la mise à disposition d’un ou plusieurs véhicules électriques, munis d’un dispositif de recharge électrique adapté. La mise à disposition de véhicules électriques en autopartage favoriserait la diminution du nombre de véhicules en circulation.

M. le rapporteur. Cet amendement, qui a déjà été présenté, revient de façon récurrente. Il a été satisfait par les dispositions de l’article L. 151-31 du code de l’urbanisme, créé par l’ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015.

M. le ministre. Avis défavorable.

M. Frédéric Reiss. Dans ces conditions, je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

 

La commission en vient à l’examen de l’amendement CS187 de M. Patrick Hetzel.

M. Frédéric Reiss. Cet amendement veut donner un coup de pouce aux « maisons passives », qui pourraient bénéficier d’un label qu’il serait pertinent de reconnaître dans la réglementation thermique française.

M. le rapporteur. Bien qu’adepte de la démarche « négawatt » et de la maison passive, je ne peux accepter la définition que vous donnez de ces maisons, qui est trop vague pour satisfaire à l’objectif constitutionnel de clarté de la loi. Même si je comprends le principe du coup de pouce, il y a d’autres moyens de développer ces maisons à énergie positive ou passives que de prévoir leur inscription dans ce texte.

C’est pourquoi je vous demande de retirer cet amendement.

M. le ministre. Avis défavorable.

La commission rejette cet amendement.

 

Elle se saisit ensuite de l’amendement CS854 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Cet amendement tend à placer la conception, l’implantation, le développement, l’exploitation, le contrôle et la sécurité de l’ensemble des ouvrages hydroélectriques, quelle que soit leur puissance, sous l’égide de la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) et des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL).

En effet, compte tenu des enjeux stratégiques et sécuritaires qui sont en cause, le bon sens conduit à soumettre à une seule et même autorité verticale tout le secteur de la production hydroélectrique : DGEC à l’échelon national, DREAL, à l’échelon régional.

M. le rapporteur. L’organisation interne des services de l’administration ne relève pas des compétences du législateur. Mon avis est donc défavorable.

M. le ministre. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

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*     *

Article 35
(articles L. 122-1 et L. 515-29 du code de lenvironnement)
Simplification des modalités de la participation du public imposée par la directive IED en cas de dérogation à loccasion dun réexamen périodique – Simplification des règles relatives à lévaluation environnementale en cas de modification ou dextension dinstallations, douvrages, de travaux ou dactivités existants

I.   l’État du droit

A.   Les rÈgles rÉgissant la participation du public en cas de rÉexamen des conditions d’autorisation des installations soumises À la directive IED

La directive n° 2010/75/UE du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles, dite « IED » (Industrial Emissions Directive) prévoit que les prescriptions imposées aux installations qui y sont soumises font lobjet dun réexamen périodique visant à vérifier leur compatibilité avec l’évolution des meilleures techniques disponibles et à limiter leurs émissions polluantes. Elle dispose également que cette phase de réexamen fait lobjet dune procédure de participation du public en cas de demande de dérogation aux niveaux démissions relatifs aux meilleures techniques disponibles.

Larticle L. 515-29 du code de lenvironnement transpose cette disposition en droit français. Son I prévoit que les informations nécessaires au réexamen des conditions dautorisation des installations soumises à la directive n° 2010/75/UE sont soumises à enquête publique dans deux cas :

– lors d’un réexamen périodique si l’exploitant sollicite une dérogation permettant de fixer des valeurs limites d’émission qui excède les niveaux d’émission associés aux conclusions sur les meilleures techniques disponibles.

– lors d’un réexamen à l’initiative de l’autorité administrative si la pollution causée par l’installation est telle qu’il convient de réviser les valeurs limites d’émission indiquées dans l’autorisation ou d’inclure de nouvelles valeurs limites d’émission.

Toutefois, un délai a été prévu pour la pleine application de ces dispositions. Le II de cet article prévoit ainsi que jusquau 1er janvier 2019, les informations mentionnées au I font lobjet, en lieu et place de lenquête publique, dune mise à disposition du public. Les modalités de cette mise à disposition du public sont fixées à l’article R. 515-77 du code de l’environnement.

 

 

Les modalités de la mise à disposition du public prévue au II de larticle L. 515-29 du code de lenvironnement

(article R. 515-77 du code de lenvironnement)

« I.– Pour la mise à disposition du public prévue au II de l’article L. 515‑29, le préfet fixe par arrêté dans les deux mois suivant la réception du dossier de réexamen complet et régulier, les jours et les heures où ce dossier est mis à la disposition du public conformément au II de l’article L. 515-29 et en informe l’exploitant.

II. – Un avis au public est affiché ou rendu public deux semaines au moins avant le début de la consultation :

1° Par affichage à la mairie de chacune des communes dont une partie du territoire est située à une distance inférieure au plus grand des rayons d’affichage fixé dans la nomenclature des installations classées pour les rubriques des installations faisant l’objet de la mise à disposition du public. L’accomplissement de cette formalité est certifié par le maire de chaque commune où il a lieu ;

2° Par mise en ligne sur le site internet de la préfecture, accompagné du résumé non technique du dossier de réexamen prévu au III de l’article R. 515-71, le cas échéant, pendant une durée de quatre semaines ;

3° Par publication aux frais de l’exploitant dans deux journaux diffusés dans le ou les départements intéressés, par les soins du préfet.

Le préfet peut prescrire tout autre procédé de publicité si la nature et l’importance des risques ou inconvénients que l’installation est susceptible de présenter le justifient.

Cet avis au public, qui est publié en caractères apparents, précise :

a) La ou les décisions pouvant être adoptées au terme de la procédure de mise à disposition du public et l’autorité compétente pour les prendre ;

b) La nature de l’installation concernée, son emplacement ;

c) L’information selon laquelle, le cas échéant, le dossier mis à la disposition du public est transmis à un autre État, membre de l’Union européenne ou partie à la convention sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière, signée à Espoo le 25 février 1991, sur le territoire duquel le projet est susceptible d’avoir des incidences notables ;

d) Le lieu, les jours et horaires où le public pourra prendre connaissance du dossier, formuler ses observations sur un registre ouvert à cet effet et adresser toute correspondance.

III. – Le dossier de réexamen est tenu à disposition du public en mairie du lieu d’implantation de l’installation pendant une durée de quatre semaines. Le public peut formuler ses observations sur un registre ouvert à cet effet à la mairie ou les adresser au préfet par lettre ou, le cas échéant, par voie électronique, avant la fin du délai de consultation du public. À l’expiration de celui-ci, le maire clôt le registre et l’adresse au préfet qui y annexe les observations qui lui ont été adressées.

IV. – Il est procédé par les soins de l’exploitant, dès réception de l’information mentionnée au I et jusqu’à la fin de la consultation, à l’affichage d’un avis sur le site. »

B.   Les rÈgles relatives À l’Évaluation environnementale en cas de modification ou d’extension d’activitÉs, d’installations d’ouvrages ou de travaux existants

Lévaluation environnementale est un processus constitué de l’élaboration, par le maître d’ouvrage, d’un rapport d’évaluation des incidences sur l’environnement, dit « étude d’impact », de la réalisation des consultations prévues par le code de l’environnement, ainsi que de l’examen, par l’autorité compétente pour autoriser le projet, de l’ensemble des informations présentées dans l’étude d’impact et reçues dans le cadre des consultations et du maître d’ouvrage. L’évaluation environnementale permet de décrire et d’apprécier les incidences notables d’un projet sur la population et la santé humaine, la biodiversité, les terres, le sol, l’eau, l’air et le climat, les biens matériels, le patrimoine culturel et le paysage.

L’étude d’impact des projets en matière environnementale

L’article L. 122-3 du code de l’environnement renvoie à un décret le contenu de l’étude d’impact, mais prévoit que celle-ci comprend au minimum :

– une description du projet comportant des informations relatives à la localisation, à la conception, aux dimensions et aux autres caractéristiques pertinentes du projet ;

– une description des incidences notables probables du projet sur l’environnement ;

– une description des caractéristiques du projet et des mesures envisagées pour éviter, réduire et, si possible, compenser les incidences négatives notables probables sur l’environnement ;

– une description des solutions de substitution raisonnables qui ont été examinées par le maître d’ouvrage, en fonction du projet et de ses caractéristiques spécifiques, et une indication des principales raisons du choix effectué, eu égard aux incidences du projet sur l’environnement ;

– un résumé non technique des informations mentionnées précédemment ;

– toute information supplémentaire, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et des éléments de l’environnement sur lesquels une incidence pourrait se produire.

Il précise, en outre, que l’étude d’impact expose également, pour les infrastructures de transport, une analyse des coûts collectifs des pollutions et nuisances et des avantages induits pour la collectivité ainsi qu’une évaluation des consommations énergétiques résultant de l’exploitation du projet, notamment du fait des déplacements qu’elle entraîne ou permet d’éviter, et un résumé non technique de ces informations.

Larticle L. 122-1 du code de lenvironnement prévoit que les projets qui, par leur nature, leur dimension ou leur localisation, sont susceptibles davoir des incidences notables sur lenvironnement ou la santé humaine font lobjet dune évaluation environnementale en fonction de critères et de seuils définis par voie réglementaire et, pour certains d’entre eux, après un examen au cas par cas effectué par l’autorité environnementale.

Évaluation environnementale systématique ou au cas par cas

L’article L. 122-3 du code de l’environnement renvoie à un décret en Conseil d’État la définition de la nomenclature des projets qui distingue, dans chaque catégorie de projets, les projets donnant lieu systématiquement à une étude d’impact et les projets ne donnant lieu à une étude d’impact qu’à l’issue d’un examen au cas par cas.

Le décret n° 2016-1110 du 11 août 2016 relatif à la modification des règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes a fixé une nouvelle nomenclature des projets, qui comporte dimportants changements par rapport à la nomenclature antérieure, datant de 2011, du fait du basculement dun certain nombre de projets de la colonne « évaluation environnementale systématique » vers la colonne « évaluation à lissue dun examen au cas par cas ».

Ainsi, la construction de gares ferroviaires, qui faisait systématiquement lobjet détudes dimpact, ne fait désormais plus lobjet détudes dimpact quaprès un examen au cas par cas, de même que les projets d’hydraulique agricole (projets d’irrigation, de remblaiement de zones humides ou de marais…). Les projets de barrages et autres installations destinées à retenir ou à stocker les eaux, qui étaient auparavant tous soumis à évaluation systématique, ne relèvent plus d’un tel examen que pour les plus importants d’entre eux.

En revanche, sont demeurés dans le champ de lexamen systématique toutes les installations nucléaires de base, la construction de routes de quatre voies et plus, les lignes de métro aérien et souterrain, les éoliennes en mer, entre autres.

Dautres types de projets qui nétaient pas mentionnés dans lancienne nomenclature. C’est le cas de la construction de gares de tramway ou de métro, qui relève d’un examen au cas par cas.

Cette nomenclature a été à nouveau modifiée par le décret n° 2017-626 du 25 avril 2017 relatif aux procédures destinées à assurer l’information et la participation du public à l’élaboration de certaines décisions susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement et modifiant diverses dispositions relatives à l’évaluation environnementale de certains projets, plans et programmes.

Le IV du même article prévoit que lorsquun projet relève dun examen au cas par cas, lautorité environnementale est saisie par le maître douvrage dun dossier présentant le projet afin de déterminer si ce dernier doit être soumis à évaluation environnementale. Cette rédaction résulte de l’ordonnance n° 2016‑1058 du 3 août 2016 relative à la modification des règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes. Auparavant, c’était l’autorité administrative de l’État compétente en matière d’environnement qui était saisie par le pétitionnaire ou le maître d’ouvrage d’un dossier présentant le projet et qui déterminait si ce dernier devait être soumis à la réalisation d’une étude d’impact.

L’autorité environnementale

L’autorité environnementale est chargée de rendre des avis sur la qualité des documents d’évaluation environnementale des projets. Ces avis sont destinés à éclairer le maître d’ouvrage, l’autorité décisionnaire et le public sur les conséquences environnementales d’un projet.

Lautorité environnementale compétente pour chaque projet est déterminée selon les critères fixés à larticle R. 122-6 du code de lenvironnement, récemment modifié par les décrets n° 2016-519 du 28 avril 2016 portant réforme de l’autorité environnementale et n° 2016-1110 du 11 août 2016 relatif à la modification des règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes. Elle peut être :

– le ministre chargé de lenvironnement, sur proposition du commissariat général au développement durable (CGDD), notamment lorsque le projet donne lieu à une autorisation par décret, par un autre ministre ou par une autorité administrative indépendante ;

– la formation dautorité environnementale du conseil général de lenvironnement et du développement durable (CGEDD), qui est une autorité indépendante ; elle est compétente notamment pour les projets qui donnent lieu à une décision du ministre chargé de l’environnement ou sont réalisés sous maîtrise d’ouvrage du ministère chargé de l’environnement ou d’un organisme placé sous sa tutelle ;

– les 19 missions régionales dautorité environnementale du CGEDD pour les projets qui ont fait l’objet d’une saisine obligatoire de la Commission nationale du débat public, sans relever de la formation d’autorité environnementale du CGEDD, et qui doivent être réalisés sur le territoire de la région concernée ;

– dans tous les autres cas, les préfets de région.

Enfin, larticle L. 171-8 du code de lenvironnement prévoit que les prescriptions de celui-ci applicables aux installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités font l’objet d’une police spécifique, indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, par l’autorité administrative, qui peut mettre en demeure les contrevenants et leur infliger des sanctions.

II.   les dispositions du projet de loi

Le I (alinéas 1 à 6) modifie l’article L. 515-29 du code de l’environnement afin de simplifier les règles régissant la participation du public en cas de réexamen des conditions dautorisation des installations soumises à la directive IED. Il pérennise la simplification, prévue à titre transitoire jusquau 1er janvier 2019, qui consistait à substituer à lobligation dorganiser une enquête publique sur les informations nécessaires à ce réexamen celle de mettre ces dernières à la disposition du public. En outre, il renforce l’encadrement de cette mise à la disposition du public en prévoyant que les informations recueillies dans son cadre font l’objet d’une synthèse, rendue publique, indiquant celles dont il a été tenu compte.

Des personnes entendues par votre rapporteur ont indiqué que la pérennisation de cette simplification pourrait être liée à la modification des prescriptions applicables aux élevages relevant de la rubrique n° 3660 de la nomenclature des installations classées pour la protection de lenvironnement, cest-à-dire les élevages intensifs de porcs ou de volaille. En effet, dans sa décision (UE) 2017/302 du 15 février 2017, la Commission européenne a publié les conclusions sur les meilleures techniques disponibles concernant l’élevage intensif de porcs ou de volaille. Or la publication des conclusions sur les MTD déclenche, pour les établissements ayant reconnu la rubrique concernée comme principale, un délai de douze mois à l’issue duquel l’exploitant doit adresser au préfet un dossier de réexamen des conditions d’autorisation de l’installation, comme le prévoit l’article R. 515-71 du code de l’environnement. Les exploitants des ICPE concernées ont donc jusqu’au 21 février 2018 pour adresser leur dossier au préfet.

Votre rapporteur a interrogé le Gouvernement sur le bilan des mises à disposition du public réalisées à ce jour au titre du II de l’article L. 515-29 du code de l’environnement. Il lui a été répondu que depuis l’entrée en vigueur de ce dispositif en 2013, moins de dix procédures avaient été menées, et qu’aucune n’avait fait l’objet d’un contentieux. Il a été porté à lattention de votre rapporteur quune procédure similaire de consultation du public, sans commissaire enquêteur et avec une synthèse des observations par le service instructeur, avait été mise en place depuis 2010 pour les dossiers dICPE soumis à enregistrement, que cette procédure concernait environ 400 dossiers par an, et qu’aucune difficulté particulière n’avait été relevée à son sujet. Selon le Gouvernement, avec la révision des meilleures techniques disponibles relatives aux installations délevage, le nombre de dossiers devrait être denviron 50 par an.

Le II (alinéas 7 et 8) complète le IV de l’article L. 122-1 du même code, afin de prévoir que lorsquun projet consiste en une modification ou une extension dinstallations, douvrages, de travaux, daménagements, dopérations, dobjets, de dispositifs et dactivités entrant dans le champ dapplication de larticle L. 1718, le maître douvrage saisit de ce dossier lautorité de police ayant compétence pour lapplication de ce même article, afin de déterminer si cette modification ou cette extension doit être soumise à évaluation environnementale.

III.   la position de la commission spÉciale

La commission spéciale a approuvé le texte du Gouvernement. Elle a adopté trois amendements rédactionnels de son rapporteur à cet article.

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La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CS737, CS745 et CS738 du rapporteur.

 

Puis elle adopte l’article 35 modifié.

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Après l’article 35

La commission se saisit de l’amendement CS144 de M. Fabrice Brun.

M. Philippe Gosselin. Lors de la nouvelle lecture du projet de loi relatif à la reconquête de la biodiversité, la précédente majorité a inscrit le principe de non-régression du droit de l’environnement dans l’article L. 110-1 du code de l’environnement. Selon ce principe, la protection de l’environnement ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment. C’est en quelque sorte un effet cliquet qui s’impose.

Or, ce principe qui ne figurait pas dans le projet de loi initial va bien au-delà de ce qui était prévu à l’origine et dans la reconquête de la biodiversité. L’objet du présent amendement est donc d’abroger le 9° de l’article L. 110-1 du code de l’environnement.

M. le rapporteur. Vous défendez cette position même si vous n’êtes pas opposé au principe de non-régression du droit de l’environnement, objectif que le législateur avait souhaité fixer à l’époque.

Depuis, le Conseil constitutionnel a précisé la portée de ce principe en indiquant qu’il s’imposait au pouvoir règlementaire, sans entraver le pouvoir du Parlement, notamment celui de  modifier ou d’abroger telle ou telle disposition législative. Cette décision garantit un bon équilibre.

Pour ces raisons, je demande le retrait de cet amendement.

M. le ministre. Avis défavorable.

M. Philippe Gosselin. L’inquiétude ne provient pas de la décision du Conseil constitutionnel, qui pourrait sembler clarifier les choses, mais d’arrêts du Conseil d’État datant du mois de décembre dernier, qui remettent en cause un certain nombre d’éléments et ne sont pas de nature à rassurer.

Pourriez-vous, monsieur le rapporteur, nous éclairer sur ces arrêts récents du Conseil d’État ?

M. le rapporteur. Je vous propose d’approfondir la question en prévision de l’examen du texte en séance publique.

M. Philippe Gosselin. Je maintiens mon amendement à titre d’appel pour un examen approfondi à l’occasion du débat en séance publique.

La commission rejette cet amendement.

 

La commission examine les amendements identiques CS82 de Mme Véronique Louwagie et CS326 de M. Emmanuel Maquet.

Mme Véronique Louwagie. Dans la lutte contre la sur-transposition des textes européens, deux directives ont été identifiées comme des cas de sur-transposition en droit français : la directive-cadre sur l’eau et la directive-cadre sur une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable.

Les textes européens ne prévoient pas d’autorité environnementale à proprement parler, et l’analyse des pratiques de nos voisins européens pour l’instruction des projets portés par des acteurs privés montre que les dossiers sont instruits dans le strict respect de la directive, c’est-à-dire par les services de l’État compétents en matière d’environnement, sans occasionner une deuxième instruction par un organisme tiers.

En France au contraire, la pratique mise en place, notamment par l’ordonnance d’août 2016 relative à la modification des règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes et son décret d’application, constituent une sur-transposition.

Cet amendement propose donc de donner au préfet, conformément aux usages en cours dans les autres pays européens, la seule responsabilité de l’instruction des dossiers et de la mise en ligne, en toute transparence, d’une part, du dossier du pétitionnaire et, d’autre part, des avis des services compétents en matière d’environnement, afin que le public dispose d’un regard critique sur les projets.

M. le rapporteur. La modification que vous proposez va au-delà de l’article 35, qui donne déjà à l’autorité de police la possibilité, pour les projets relevant d’un examen au cas par cas, de décider s’il doit y avoir ou non une évaluation environnementale sur les projets d’extension ou d’évolution des bâtiments, ce qui me paraît un équilibre raisonnable.

Vous proposez d’étendre ce pouvoir de police aux installations nouvelles. Or il me semble que, dans ces cas, le préfet ne dispose pas nécessairement des compétences requises pour décider si un nouveau projet doit faire ou non l’objet d’une évaluation environnementale. Avis défavorable.

M. le ministre. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

 

Puis elle examine l’amendement CS306 de M. Emmanuel Maquet. 

M. Emmanuel Maquet. Cet amendement propose de donner la possibilité aux exploitants de bonne foi d’engager de leur propre initiative les démarches nécessaires en vue de régulariser leur situation.

Il est donc proposé de reconnaître juridiquement ce type de comportement vertueux, permettant des régularisations de situation en dehors de toute procédure formelle de mise en demeure et, le cas échéant, de sanctions.

M. le rapporteur. Votre amendement propose la suspension de la mise en demeure dans les cas où l’exploitant accomplit spontanément une démarche auprès de l’administration. Mais la mise en demeure a précisément pour objet de permettre la régularisation. Le dispositif proposé serait donc redondant et fragiliserait la mise en place des polices de l’environnement. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

 

Puis elle examine l’amendement CS315 de M. Emmanuel Maquet.

M. Emmanuel Maquet. Il est proposé de créer une obligation d’exhaustivité des informations demandées dans le cadre d’un certificat de projet. Dès lors, la délivrance du certificat permettra à son titulaire de gagner en temps et en sécurité juridique pour le lancement de son activité.

M. le rapporteur. L’idée de cette autorisation environnementale est de permettre à l’administration compétente de se prononcer. Elle n’a pas vocation à se substituer aux conseils juridiques dont le porteur de projet peut par ailleurs s’entourer. Avis défavorable.

M. le ministre. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

 

Elle en vient ensuite à l’amendement CS418 de M. Alain Perea.

M. Alain Perea. En préambule, je tiens à signaler à ceux qui penseraient que je veux saccager l’environnement que j’ai été, dans une vie antérieure, directeur d’un parc naturel régional. J’indique par ailleurs que je ne souhaite en aucun cas revenir sur le principe général selon lequel il est interdit de circuler en voiture dans les espaces naturels et sur les plages en particulier.

Un État au service d’une société de confiance doit en premier lieu savoir faire confiance aux usagers et aux gens qui connaissent les sites. En second lieu, il doit faire appliquer les lois votées. La loi littoral a inscrit à l’article L. 321-9 du code de l’environnement l’interdiction de rouler sur les plages en dehors des chemins aménagés ; or il n’existe en France aucun chemin littoral aménagé. En d’autres termes, la loi ne peut s’appliquer dans la pratique. Tout cela procède d’une conception dogmatique de la protection des espaces protégés, qui refuse l’aménagement de chemins sur les plages, alors même que la configuration géographique et morphologique de certaines d’entre elles l’imposerait pour qu’elles puissent répondre à leur vocation de lieux balnéaires.

C’est la raison pour laquelle nous proposons que soient aménagés des chemins permettant d’assurer une desserte correcte de ces plages. Obéissant à des normes de protection de l’environnement précises et contrôlés par la commission départementale de la nature, des paysages et des sites et par le préfet, ils permettraient que soit enfin appliquée la loi littoral.

Il s’agit de procéder dans un premier temps à une expérimentation, de manière à pouvoir faire marche arrière le cas échéant. Nous considérons que c’est là une manière intelligente, et non plus dogmatique, d’agir, fondée sur la confiance accordée au public et aux usagers.

En outre, cela va dans le sens d’un renforcement de la protection environnementale, dans la mesure où cela évitera la construction des parkings qui envahissent actuellement les zones rétro-littorales et provoquent des dégâts environnementaux bien plus considérables que ceux qu’induiraient des chemins de plage. J’ajoute que cela permettrait de contribuer au développement de certaines filières novatrices en France – je pense notamment aux sports de glisse.

M. le rapporteur. Loin de moi l’idée, monsieur Perea, que vous voulez saccager l’environnement ! Cependant, fidèle à la ligne que j’ai fixée tout à l’heure, j’ai beau considérer que vous soulevez une question importante, je ne pense pas qu’il faille le faire dans ce projet de loi. Je demande donc le retrait de l’amendement.

M. le ministre. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

 

Puis elle examine l’amendement CS305 de M. Emmanuel Maquet. 

M. Emmanuel Maquet. Il est proposé d’harmoniser les régimes de l’autorisation environnementale et des installations classées pour la protection de l’environnement soumises aux régimes de l’enregistrement et de la déclaration, en généralisant la possibilité pour le juge de régulariser en cours d’instance l’arrêté d’autorisation d’exploiter.

M. le rapporteur. Outre que le rapport de cet amendement avec le projet de loi me paraît incertain, le dispositif proposé n’apparaît pas adapté, eu égard aux modalités d’instruction des déclarations et enregistrements dans le régime d’autorisation environnementale. En effet, pour ce qui concerne les déclarations, une telle mesure n’a aucune portée dès lors que ce régime n’implique pas de véritable instruction, puisque le pétitionnaire se déclare et reçoit immédiatement, sans contrôle, une preuve de dépôt appelée récépissé. De même, si ces dispositions peuvent être étendues à la procédure d’enregistrement, leur utilité serait assez limitée, eu égard à la rapidité de traitement des demandes, les délais étant relativement courts et strictement encadrés. Avis défavorable.

M. le ministre. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle est ensuite saisie des amendements identiques CS284 de Mme Véronique Louwagie, CS617 de M. Philippe Gosselin et CS858 de Mme Stéphanie Kerbarh.

Mme Véronique Louwagie. En matière de sous-produits animaux et de produits dérivés non destinés à la consommation humaine, la réglementation européenne prévoit des règles sanitaires propres et distinctes, rassemblées dans le cadre d’un règlement. En France, du fait de l’absence de transposition du principe d’exclusion en droit interne, ces sous-produits animaux sont aujourd’hui soumis à une double réglementation et relèvent à la fois du code rural et de la pêche maritime et du code de l’environnement. Cet empilement juridique nuit à l’ensemble des opérateurs de la filière et se traduit par un éparpillement des responsabilités entre les différentes autorités de tutelle.

Par conséquent, il nous paraît opportun de procéder à une mise en conformité du droit français avec la directive européenne, telle qu’elle a été édictée, et telle qu’elle a été transposée par nos partenaires européens, notamment en Allemagne et en Espagne. Le présent amendement vise donc à reprendre en droit français le principe d’exclusion de la réglementation relative aux déchets pour les sous-produits animaux et produits dérivés, y compris les produits transformés, à l’exception de ceux qui sont destinés à l’incinération, la mise en décharge ou l’utilisation dans une usine de biogaz ou de compostage.

M. Philippe Gosselin. La confiance passe par la diminution, autant que faire se peut, des distorsions de concurrence. Or, dans le cas des sous-produits animaux, il existe une directive européenne du 19 novembre 2008, qui a été transposée de façon tout à fait classique par nos principaux concurrents, comme l’Allemagne et l’Espagne. Pour des raisons diverses, la France a sur-transposé cette directive, sans anticiper les difficultés juridiques que cela créerait. Nous avons choisi ceinture et bretelles, ce qui fait que les sous-produits en question relèvent aujourd’hui à la fois du code rural et de la pêche maritime et du code de l’environnement, l’un et l’autre ne disant pas la même chose, ce qui crée des imbroglios juridiques en termes de responsabilité et d’organisation de la filière. Nous proposons donc de mettre fin à ce désordre.

L’amendement CS858 est retiré.

M. le rapporteur. Ce point fera l’objet d’une discussion à l’occasion du prochain projet de loi agricole. Je vous invite à redéposer votre amendement à cette occasion.

M. le ministre. C’est en effet dans le volet de simplification du projet de loi que défendra Stéphane Travert que cette mesure trouvera sa place.

En ce qui concerne les transpositions abusives qui entraînent, comme l’a fort bien dit Philippe Gosselin, des distorsions de concurrence, le Gouvernement a promis un rapport complet qui fera le point sur les transpositions, selon une approche thématique.

La commission rejette les amendements CS284 et CS617.

 

Puis elle examine les amendements identiques CS396 de Mme Véronique Louwagie, CS778 de Mme Jeanine Dubié et CS852 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement a pour objet les décisions par lesquelles l’administration, dans le cadre des procédures d’autorisation environnementale, tend à écarter sans justification motivée les études, les compléments et les propositions fournis par les pétitionnaires. L’objectif est d’obliger l’administration à motiver par écrit ces décisions, en élargissant le dispositif prévu par l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration, puis de permettre le recours à la procédure de médiation à l’initiative des parties, instituée par la loi du 18 novembre 2016, en cas de désaccord irréductible entre elles.

Mme Jeanine Dubié. Cet amendement s’inscrit tout à fait dans l’esprit du projet de loi que nous examinons. Il a pour objet d’obliger l’administration à motiver par écrit les décisions qu’elle prend, dans le cadre de procédures d’autorisation environnementale. Cela donnera beaucoup plus de lisibilité aux pétitionnaires et améliorera leurs relations avec l’administration.

Nous proposons par ailleurs le recours à une procédure de médiation à l’initiative des parties – l’autorité administrative ou le pétitionnaire.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Comme tout à l’heure pour les rejets, nous demandons  que l’administration motive ses décisions d’écarter études, compléments et propositions dans le cadre des procédures d’autorisation environnementale.

M. le rapporteur. Plutôt que dans le code des relations entre le public et l’administration, cette disposition mériterait de figurer dans le code de l’environnement, qui régit l’autorisation environnementale.

Vos amendements sont d’ailleurs satisfaits par les dispositions de ce code, qui prévoit, à l’article L. 122-1-1 que la décision de refus d’une autorisation environnementale expose les motifs du refus, tirés notamment des incidences notables potentielles du projet sur l’environnement.

L’article L. 122-1-2 du même code prévoit que, si le maître d’ouvrage le requiert avant de présenter une demande d’autorisation environnementale, l’autorité compétente rend un avis sur le champ et le degré de précision des informations à fournir dans l’étude d’impact. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis.

La commission rejette les amendements.

 

Elle examine ensuite l’amendement CS614 de M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Cet amendement ainsi que les amendements CS615, CS616, CS619, CS620 et CS621 sont en quelque sorte des produits d’appel. Il s’agit de propositions de rapport, qui s’ajoutent aux six sujets sur lesquels il est demandé, à l’article 40, un rapport au Gouvernement.

L’amendement CS614 a pour but d’amener le Gouvernement à améliorer la transparence des procédures d’autorisation environnementale, notamment à travers quatre mesures particulières. Ces procédures sont en effet beaucoup plus lentes que chez beaucoup de nos concurrents, ce qui me ramène aux problèmes de distorsions de concurrence que j’ai évoqués tout à l’heure.

À défaut donc de voir adoptées les propositions que nous avons faites, je voudrais que, par le biais de cet amendement, le Gouvernement nous fasse au moins part de ses intentions réelles.

M. le rapporteur. Je ne suis pas favorable à ces demandes de rapport.

M. le ministre. Nous avons promis de faire toute la lumière sur la sur-transposition, afin de distinguer entre les cas qui relèvent d’un choix politique réel, par exemple en matière de sécurité alimentaire, et les autres, qui nécessiteront de faire un travail de toilettage, projet de loi par projet de loi. En l’occurrence, votre amendement pourrait trouver un écho dans certaines dispositions de simplification du projet de loi sur le logement que prépare Jacques Mézard.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle en vient ensuite à l’amendement CS615 de M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Il s’agit cette fois-ci des problématiques liées à la gestion et au stockage de l’eau. Il apparaît en effet nécessaire, en comparaison de ce qui fait dans d’autres États européens, de simplifier et de faire converger les efforts des politiques de l’eau publiques.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

 

Puis elle en vient à l’examen de l’amendement CS619 de M. Philippe Gosselin. 

M. Philippe Gosselin. Nous suggérons que le Gouvernement inclue également dans son rapport sur la surtransposition le cas de la directive-cadre sur l’eau et de la directive-cadre sur une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

 

Puis elle examine l’amendement CS620 de M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Nous sommes aujourd’hui confrontés à une difficulté en ce qui concerne les pesticides épandus par aéronefs – pratique utilisée pour les vignobles en forte pente, les bananeraies, les rizières ou les parcelles agricoles peu accessibles. En effet, si les épandages par avion ou par hélicoptère ne posent pas de problème, l’épandage par aéronef télépiloté, c’est-à-dire par drone, n’est pas considéré comme de la pulvérisation aérienne par la réglementation européenne. Nous sommes là dans un vide juridique au sujet duquel je souhaite m’en remettre à la sagacité du Gouvernement pour qu’il nous apporte une réponse précise et concrète, fût-elle réglementaire.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis.

M. Philippe Gosselin. Autant je comprends que le rapporteur et le ministre puissent botter en touche sur la question des rapports, autant il s’agit là d’un vrai problème technique.

M. le rapporteur. La question des drones est sans doute une vraie question, mais je répète que ce texte de loi n’a pas vocation à aborder l’ensemble de ces sujets si nous ne voulons pas que la loi finale comporte cent cinquante articles.

M. Philippe Gosselin. Vous m’avez déjà renvoyé aux futurs projets de loi soutenus par MM. Travert et Mézard. Dois-je ici aussi compter sur un texte à venir ?

M. Nicolas Turquois. Je rejoins la proposition de notre collègue Gosselin. C’est une nouvelle technologie qui va créer des complications, mais qui apporte de la sécurité aux utilisateurs. Il y a un intérêt à la faire tester, à titre expérimental, pour des usages très spécifiques, éventuellement par des organismes de recherche du type CEMAGREF.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle examine l’amendement CS621 de M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Les zonages environnementaux sont très nombreux, il faudrait les simplifier et j’appelle le Gouvernement à s’emparer du sujet.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

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*     *

Article 36
Habilitation à prendre par ordonnances des mesures de simplification et modernisation du régime de lactivité dentrepreneur de spectacles vivants

I.   État des lieux

A.   l’État du droit

Le régime de lactivité dentrepreneur de spectacles a été fixé par lordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945 relative aux spectacles. Largement modifiée par la loi n° 99-198 du 18 mars 1999 portant modification de l’ordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945 relative aux spectacles, elle a été abrogée, pour sa plus grande part, par l’ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail. Le régime des entrepreneurs de spectacles vivants figure aujourdhui aux articles L. 7122-1 à L. 7122-21 du code du travail.

L’activité d’entrepreneur de spectacles inclut les spectacles de cabaret, de music-hall, ceux donnés dans des auditoriums ou des salles de spectacles ou par des compagnies de théâtre, de danse, de cirque, d’arts de la rue.

Ces articles prévoient que toute personne établie sur le territoire national qui exerce lactivité dentrepreneur de spectacles vivants doit détenir une licence. Cette licence est personnelle et incessible, et est accordée pour la direction d’une entreprise déterminée. Sa délivrance est subordonnée à des conditions de compétence ou dexpérience professionnelle du demandeur. Elle ne peut être attribuée à une personne ayant fait l’objet d’une décision judiciaire lui interdisant l’exercice d’une activité commerciale. Pour les personnes physiques, la licence est délivrée sur justification de l’immatriculation de cette personne au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers. Lorsque l’activité est exercée par une personne morale, la licence est accordée au représentant légal ou statutaire de celle-ci.

Les entrepreneurs de spectacles vivants non établis dans un État membre de l’UE ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen peuvent exercer cette activité de façon temporaire ou occasionnelle sous réserve d’avoir obtenu une licence pour la durée des représentations publiques envisagées ou d’avoir préalablement déclaré ces représentations et conclu un contrat avec un entrepreneur détenteur d’une licence.

Lexercice illégal de lactivité dentrepreneur de spectacles vivants est puni, pour les personnes physiques, dun emprisonnement de deux ans et dune amende de 30 000 €. Les personnes morales peuvent faire lobjet dune amende de 150 000 €. Peuvent également être prononcés, à titre de peine complémentaire, la fermeture, pour une durée de cinq ans au plus, de l’établissement concerné et l’affichage du jugement par voie de presse aux frais de la personne condamnée.

B.   le rapport de l’inspection gÉnÉrale des affaires culturelles et de l’inspEction gÉnÉrale des affaires sociales

Un rapport conjoint de lInspection générale des affaires culturelles et de lInspection générale des affaires sociales portant évaluation du dispositif de licence dentrepreneur de spectacles vivants a été publié en septembre 2016 ([152]). Par ailleurs, le Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique a commandé à l’institut BVA une enquête qualitative portant sur les licences d’entrepreneur de spectacles vivants, publiée en février 2016 ([153]).

Le rapport précité souligne que le dispositif de licence dentrepreneur de spectacles vivants constitue une singularité au sein de lUnion Européenne. Ses objectifs sont multiples, en particulier depuis la loi n° 99-198 précitée qui l’a renforcé afin de limiter les abus constatés dans l’accès au régime des intermittents et assurer le respect du droit du travail, le paiement des cotisations sociales et des droits d’auteur ainsi que la sécurité des salles de spectacles.

Son fonctionnement napparaît pas totalement satisfaisant, pour plusieurs raisons : « la lourdeur de la constitution des dossiers ; une gestion des délais inégale par les DRAC ([154]) ; le défaut d’échange d’informations entre administrations entre deux renouvellements, qui limite considérablement les possibilités de retraits de licences ; l’exercice sans licence ou sans déclaration (pour les occasionnels) par de nombreux professionnels ; la rareté et la faiblesse des sanctions pénales prononcées pour ce motif ».

En outre, les critères retenus pour une première demande seraient peu pertinents (diplôme bac + 2 ou expérience professionnelle dans le spectacle d’au moins un an ou formation d’au moins 500 heures dans le secteur du spectacle) et savéreraient contre-productifs pour certains professionnels ; ainsi, les cafetiers, incapables de remplir ces critères, n’auraient d’autre choix que de rester en deçà de six représentations annuelles. De plus, le fort décalage entre les conditions requises pour une première demande (qui portent principalement sur la nature de l’activité envisagée et sur la situation personnelle du demandeur) et celles requises pour un renouvellement (notamment justifier d’être à jour des cotisations sociales et du paiement des droits d’auteur) conduirait à des contournements en permettant de formuler à nouveau une première demande sans avoir à justifier de la régularité de sa situation.

Enfin, le dispositif actuel nassurerait pas une maîtrise du champ des personnes pouvant accéder au régime de lintermittence par le biais de la licence, le critère de la détention de la licence ne valant que pour les ouvriers et les techniciens, et les documents fournis lors d’une demande ou d’un renouvellement ne permettraient pas de s’assurer du respect du droit du travail par les employeurs.

S’agissant des sanctions pénales applicables en cas d’infraction à ce régime, l’étude d’impact indique que les entrepreneurs exerçant sans licence sont rarement poursuivis en justice : le délit d’exercice sans licence aurait varié, au cours des dernières années, entre sept condamnations en 2013 et en 2014 et seize condamnations en 2011. Très peu d’amendes seraient, par ailleurs, prononcées.

II.   les dispositions du projet de loi

Le projet de loi propose, au I (alinéas 1 à 5), d’habiliter le Gouvernement, dans un délai de 18 mois à compter de la publication de la loi, à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi et concernant l’activité d’entrepreneur de spectacles vivants, afin de :

– simplifier et moderniser le régime juridique de l’activité d’entrepreneur de spectacles vivants (alinéa 2) ;

– mettre en place un régime de sanctions administratives se substituant au régime de sanctions pénales réprimant l’exercice illégal de cette activité (alinéa 3) ;

– abroger ou modifier les dispositions devenues inadaptées ou obsolètes (alinéa 4) ;

– garantir le respect des règles relatives à la sécurité des lieux de spectacle et des dispositions relatives au droit du travail, au droit de la protection sociale et au droit de la propriété littéraire et artistique (alinéa 5).

Le II (alinéa 6) prévoit qu’un projet de loi de ratification de cette ordonnance est déposé devant le Parlement dans les trois mois suivant la publication de celle-ci.

Létude dimpact précise, en partie, les dispositions que devrait contenir lordonnance proposée. Il sagirait notamment :

– den finir avec le caractère individuel de la licence, en ne la rattachant plus qu’à des personnes morales, et de supprimer, en conséquence, certains verrous relatifs à la qualité du demandeur ;

– sagissant des dispositions législatives obsolètes, de supprimer la disposition prévoyant, à l’article L. 7122-4 du code du travail, que la licence est délivrée, pour les personnes physiques, sur justifications de l’immatriculation au registre du commerce et au répertoire des métiers, ce qui est en contradiction avec les dispositions du code de commerce qui impose de vérifier que le demandeur a obtenu une autorisation d’exercer pour toute inscription sur ces registres, ou celle indiquant, à l’article L. 7122-5 du même code, que la licence est accordée au représentant légal ou statutaire de l’entreprise, alors que la notion de représentant statutaire n’est plus en vigueur.

Selon les informations fournies par le Gouvernement à votre rapporteur, lordonnance demandée pourrait prévoir la mise en place dun régime déclaratif pour laccès à la profession dentrepreneur de spectacles permettant, à la fois :

quun entrepreneur puisse exercer son activité en labsence de réponse de ladministration à sa demande de licence ;

– que ladministration puisse refuser une licence à une personne qui ne répondrait pas aux critères fixés par le code du travail, notamment parce qu’elle n’exercerait pas son activité dans le champ du spectacle vivant. Des abus sont, en effet, recensés, la détention d’une licence par un employeur ouvrant au salarié technicien du spectacle des droits à l’assurance chômage des salariés intermittents du spectacle ;

– et que ladministration puisse retirer la licence en cas de méconnaissance des règles applicables en matière de propriété intellectuelle et artistique, du droit du travail ou du droit social.

En outre, lobligation, pour un entrepreneur non établi dans un état membre de lUE souhaitant exercer temporairement en France, de conclure un contrat avec un entrepreneur détenteur de la licence, serait supprimée. Pourrait être ouverte une dérogation à lobligation de disposer dune licence pour les entrepreneurs de spectacles vivants dont le spectacle est l’activité principale, mais qui n’organisent en pratique qu’occasionnellement dans l’année des représentations devant un public.

Sagissant des sanctions administratives en cas d’exercice illégal de l’activité d’entrepreneur de spectacles vivant sans être titulaire de la licence, elles consisteraient en une amende administrative de 15 000 € pour une personne morale. Pourrait également être prononcée, à titre complémentaire, une mesure de fermeture de l’établissement. Votre rapporteur s’interroge sur le montant de cette amende administrative, qui serait très significativement allégé par rapport au montant de l’amende pénale actuellement applicable.

Concernant la garantie du respect des règles relatives à la sécurité des lieux de spectacle et des dispositions relatives au droit du travail, au droit de la protection sociale et au droit de la propriété littéraire et artistique, les dispositions envisagées à ce stade par le Gouvernement sont les suivantes :

 sagissant de la sécurité, il s’agirait de donner une base légale à l’obligation, pour les exploitants de lieux de spectacles, d’avoir suivi une formation à la sécurité et de justifier d’un avis favorable de la commission de sécurité ;

 sagissant du droit du travail, il s’agirait de mieux prévenir les infractions que constituent le travail illégal par dissimulation d’activité, le non-respect de la présomption de salariat prévue à l’article L. 7121-3 du code du travail, le non-respect des rémunérations fixées par les conventions collectives, ou encore le non-respect des dispositions relatives au travail des enfants dans le spectacle ;

 sagissant du droit de la protection sociale, l’ordonnance prévoirait d’ajouter au nombre des organismes compétents à constater l’exercice d’activité sans licence les agents de Pôle emploi afin de réduire à la fois les cas de dissimulation d’activité, et donc de non-paiement de cotisations sociales, et ceux d’abus de déclaration en matière d’assurance chômage, qui permettent à des artistes de bénéficier indûment des allocations-chômage au titre du régime des salariés intermittents du spectacle ;

 sagissant du droit de la propriété intellectuelle et artistique, il s’agirait de refuser ou de retirer la licence en cas de non-acquittement des sommes dues auprès des sociétés de perception et de gestion des droits d’auteurs.

Ces modifications de nature législative se doubleraient de la modification de normes de niveau réglementaire, afin notamment de supprimer, ou du moins de refondre, la notion de « catégories de licence », qui entraîne une multiplication du nombre de licences délivrées, et de simplifier les obligations de déclarations de spectacles occasionnels, par la fusion de cette déclaration avec la « déclaration unique simplifiée » du guichet unique du spectacle vivant).

III.   la position de la commission spÉciale

La commission spéciale a approuvé le texte du Gouvernement, n’adoptant qu’un amendement rédactionnel de son rapporteur à cet article.

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La commission adopte l’amendement rédactionnel CS739 du rapporteur.

 

Puis elle examine les amendements identiques CS16 de M. Julien Aubert et CS 281 de M. Éric Pauget.

M. Frédéric Reiss. L’article 36 prévoit de réformer par ordonnance l’activité d’entrepreneur de spectacles vivants.

Dépénaliser l’exercice illégal d’une activité ne paraît pas un bon signal, même s’il s’agit de spectacles vivants. C’est pourquoi nous proposons de supprimer l’alinéa 3.

M. Éric Pauget. Je ne comprends pas pourquoi le cas particulier de cette profession tombe à cet endroit, au milieu d’un texte plus général. D’autres professions ont aussi besoin d’un toilettage.

Ce qui me gêne, c’est l’alinéa 3. Comme le dit mon collègue, il crée une sorte de distorsion quant à l’exercice illégal d’une activité. Cela peut créer un problème pour d’éventuelles victimes, ou d’autres professionnels qui respectent la loi.

M. le rapporteur. Je vais essayer de répondre aux deux points qui ont été soulevés. Ma ligne de conduite était double concernant les articles proposés par le Gouvernement dans ce projet de loi. Tout d’abord, le sujet faisait-il consensus parmi les personnes auditionnées et les parlementaires ? Ainsi, nous avons pris ensemble la décision de supprimer l’article 30, et lorsque nous discuterons de certaines dispositions de l’article 38, j’appliquerai encore cette ligne de conduite. Ensuite, un véhicule législatif en projet est-il susceptible de contenir la mesure en question ?

En l’occurrence, pour cet article 36, il me semble que les deux critères sont satisfaits : il est issu d’un rapport conjoint de l’inspection générale des affaires culturelles et de l’inspection générale des affaires sociales sur le spectacle vivant, qui semble consensuel.

Sur le fond, votre amendement nous renvoie aux discussions d’hier, puisque votre groupe demandait de transformer des sanctions pénales en sanctions administratives, plus adaptées. J’avais alors indiqué que j’aurais répondu de manière favorable à ces amendements s’ils ne contrevenaient pas à la réglementation européenne. Je suis favorable à un dispositif de sanction effectif et véritablement protecteur, y compris en matière de concurrence.

Le dispositif de sanction pénale appliqué à la délivrance des licences pour exercer le métier d’entrepreneur du spectacle vivant ne semble pas effectif. Les chiffres sont éloquents : le délit d’exercice sans licence de l’activité d’entrepreneur du spectacle a donné lieu à sept condamnations par an entre 2010 et 2015, pour un montant moyen de 1 100 euros. La faiblesse des sanctions s’explique en partie par la lourdeur des processus juridictionnels, et nuit en réalité à la crédibilité du dispositif tout en posant des problèmes de concurrence pour ceux qui respectent leurs obligations. Je pense que le passage à un dispositif de sanction administrative, plus raisonnable, sera plus adapté, notamment pour le respect de la concurrence dans ce secteur. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis.

M. Éric Pauget. Y a-t-il d’autres professions qui pourraient bénéficier de ce type de mesures ? On sait qu’un certain nombre de professions hyper-réglementées, de manière très française, mériteraient elles aussi d’être dépoussiérées.

M. le ministre. Vous avez raison. Nous le faisons pour cette profession car il y avait très peu de sanctions, voire aucune. Si vous avez des exemples de professions dont les organes représentatifs sont prêts à prendre des mesures identiques, donnez-les nous et nous le ferons. Il n’y a aucune raison d’appliquer cette mesure uniquement à la profession évoquée dans le texte. Je lance donc un appel à la simplification et au travail avec les ministères thématiques pour les professions qui dépendent de leur réglementation.

M. Philippe Gosselin. La dépénalisation n’est pas de la simplification : nous passons là à une autre catégorie de mesures. J’entends la volonté de jardin à la française de notre rapporteur, mais ce qui me semble vrai pour un certain nombre de rapports évoqués après l’article 35 me paraît également fondé à l’article 36. Il y aura une loi de programmation de la justice, révisant un certain nombre d’éléments de politique pénale : cette mesure aurait plus sa place dans une loi sur la justice que dans un texte de simplification.

Dépénaliser n’est pas uniquement simplifier, cela va au-delà.

La commission rejette les amendements.

 

Elle examine ensuite l’amendement CS110 de M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. Les communes et les associations locales sont directement concernées en tant qu’organisatrices de spectacles vivants. Il serait donc logique d’associer les collectivités locales à la concertation sur le projet d’ordonnances, c’est ce que propose cet amendement.

M. le rapporteur. J’ai annoncé hier un amendement à venir, dans le titre III que je vais vous proposer de créer dans la loi et qui concernera spécifiquement l’évaluation et devrait satisfaire votre demande.

Au vu du nombre d’ordonnances et d’expérimentations prévues par ce texte, je proposerai d’associer de manière générale les parties prenantes à la rédaction et à l’évaluation des ordonnances. C’est essentiel, et c’est une manière moderne de légiférer. Je vous propose donc de retirer votre amendement.

M. Frédéric Reiss. Suite à cette promesse du rapporteur, je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 36  modifié.

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Article 37
(article L. 541-13 du code de lenvironnement ; articles 19 et 34 de lordonnance n° 2016-1028 du 27 juillet 2016 relative aux mesures de coordination rendues nécessaires par lintégration dans le schéma régional daménagement, de développement durable et dégalité des territoires, des schémas régionaux sectoriels mentionnés à larticle 13 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République)
Simplification de la procédure délaboration du SRADDET par mutualisation de lévaluation des anciens plans départementaux des déchets au niveau régional

IV.   l’État du droit

Le chapitre Ier du titre V du libre II de la quatrième partie du code général des collectivités territoriales fixe les règles régissant les schémas régionaux daménagement, de développement durable et dégalité des territoires (SRADDET). Introduit à l’article 10 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « NOTRe », ce schéma fixe les objectifs de moyen et long termes sur le territoire de la région en matière déquilibre et dégalité des territoires, dimplantation des infrastructures dintérêt régional, de désenclavement des territoires ruraux, dintermodalité et de développement des transports, de maîtrise et de valorisation de lénergie, dhabitat, de pollution de lair et de prévention et de gestion des déchets notamment. Il sagit dun document prescriptif regroupant plusieurs schémas sectoriels, notamment les plans régionaux de prévention et de gestion des déchets (PRPGD).

Créé par l’article 8 de la loi « NOTRe », et codifié à larticle L. 541-13 du code de lenvironnement, le PRPGD comprend en particulier :

– Un état des lieux de la prévention et de la gestion des déchets selon leur origine, leur nature, leur composition et les modalités de leur transport ;

– Une prospective à termes de six ans et de douze ans de l’évolution tendancielle des quantités de déchets à traiter ;

– Des objectifs en matière de prévention, de recyclage et de valorisation des déchets ;

– Une planification de la prévention et de la gestion des déchets à termes de six ans et de douze ans.

La loi NOTRe avait prévu que chaque région soit couverte par un PRPGD. En raison de la difficulté rencontrée par la plupart des régions pour arrêter un tel plan dans les délais prescrits, l’article 16 de l’ordonnance n° 2016‑1028 du 27 juillet 2016 ([155]) a modifié l’article L. 541-13 précité afin de restreindre son caractère obligatoire aux régions d’Île-de-France, de Guadeloupe, de La Réunion, aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique et aux collectivités territoriales à statut particulier exerçant les compétences d’une région, qui étaient les seules à avoir engagé la procédure d’élaboration du PRPGD avant la publication de cette ordonnance.

Larticle 19 de lordonnance n° 2016-1028 précitée prévoit, par ailleurs, que les plans départementaux, interdépartementaux et régionaux de prévention et de gestion des déchets font lobjet dune évaluation par les commissions consultatives délaboration et de suivi compétentes dans les six mois suivant la délibération du conseil régional fixant les modalités délaboration du SRADDET. L’objectif de cette mesure est de permettre leur actualisation et leur bonne intégration au sein du SRADDET.

Larticle 34 de cette ordonnance vise à tenir compte des retards pris dans lélaboration des schémas régionaux sectoriels et des SRADDET. Il prévoit que ceux dont l’élaboration ou la révision a été engagée, qui ont été approuvés à la date de publication de cette ordonnance ou qui doivent l’être dans un délai de trois ans à compter de cette date, restent régis par les dispositions qui leur sont applicables dans leur rédaction antérieure à la publication de cette ordonnance jusqu’à la publication de l’arrêté approuvant un SRADDET. Il dispose également que les procédures d’élaboration ou de révision de ces schémas engagées à la date de publication de l’ordonnance ne pourront être poursuivies au-delà dudit délai de trois années, à l’exception des procédures d’élaboration des PRPGD, et qu’aucun schéma ne pourra, passé ce délai, faire l’objet d’une procédure de modification ou de révision. Cette dernière disposition vise à éviter que certaines portions du territoire national soient privées de couverture par un PRPGD en cas de retard dans l’élaboration du SRADDET.

V.   les dispositions du projet de loi

La Commission européenne a constaté que la France manquait à ses obligations au titre des articles 28 et 30 de la directive 2008/98/CE relative aux déchets, qui prévoient que les États membres veillent à ce que leurs autorités compé­tentes établissent un ou plusieurs plans de gestion des déchets couvrant, seuls ou en combinaison, l’ensemble du territoire nationale, et à ce que ces plans fassent l’objet d’une évaluation au moins une fois tous les six ans. Selon les informations transmises à votre rapporteur, la première demande d’information sur ce sujet par la Commission date de novembre 2014, la France y ayant répondu le 2 mars 2015. Cette réponse n’ayant pas suffi à la Commission, celle-ci a adressé à la France une mise en demeure (infraction n° 2015/2159) en octobre 2015, qui a fait l’objet d’une réponse en date du 24 décembre 2015. Celle-ci n’ayant pas pleinement convaincu la Commission, celle-ci a adressé à la France un avis motivé le 17 novembre 2016, auquel les autorités françaises ont répondu le 17 janvier 2017 puis apporté des compléments le 6 février, le 7 juillet et le 24 novembre 2017.

L’évaluation des plans de prévention et de gestion des déchets est donc une nécessité tant pour satisfaire à nos obligations européennes qu’en vue de l’élaboration des SRADDET.

Or la composition des commissions chargées d’évaluer les plans de prévention et de gestion des déchets n’a parfois pas été revue depuis près de dix ans, et certaines ne se sont pas réunies depuis plusieurs années, ce qui rend très difficile les évaluations prévues. En outre, le délai de six mois après la délibération du conseil régional fixant les modalités d’élaboration du SRADDET, au terme duquel ces commissions doivent fournir leur évaluation, est désormais échu dans toutes les régions.

Le I (alinéa premier) rétablit l’article L. 541-13 du code de l’environnement dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-1028 précitée à compter de la date d’entrée en vigueur de cette ordonnance et jusqu’à la publication de l’arrêté approuvant, dans chacune des régions concernées, un SRADDET. Il s’agit de permettre aux régions qui ont engagé la procédure d’élaboration du PRPGD avant la publication de cette ordonnance de l’adopter néanmoins, en vue de son intégration dans le SRADDET.

Le II (alinéas 2 à 7) modifie l’ordonnance n° 2016-1028 précitée. L’alinéa 3 modifie l’article 19 afin de confier la mission d’évaluation des plans de prévention et de gestion des déchets à la commission constituée en application de l’article L. 541-13 du code de l’environnement dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance. Il étend également le délai au terme duquel cette commission doit avoir produit son évaluation des plans, en le portant à dix-huit mois suivant la délibération du conseil régional fixant les modalités d’élaboration du SRADDET.

Les alinéas 4 à 7 modifient l’article 34 de ladite ordonnance, en soustrayant à ses prescriptions l’ensemble des PRPGD.

VI.   La position de votre rapporteur

Votre rapporteur approuve les dispositions proposées, qui permettront une mise en œuvre effective des plans régionaux de prévention et de gestion des déchets. Il souligne toutefois qu’il conviendra de veiller à ce que les informations figurant dans les anciens plans de prévention et de gestion des déchets ne soient pas perdues au moment de l’élaboration de ces nouveaux documents.

VII.   la position de la commission spÉciale

La commission spéciale a approuvé le texte du Gouvernement, n’adoptant que trois amendements rédactionnels de son rapporteur à cet article.

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La commission adopte successivement trois amendements rédactionnels du rapporteur, CS740, CS741 et CS742.

 

Puis elle adopte l’article 37 modifié.

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Après l’article 37

La commission examine l’amendement CS121 de M. Matthieu Orphelin.

M. Jean-Charles Colas-Roy. Cet amendement porte sur la tarification incitative de la gestion des déchets. Il vise à autoriser la non-unicité de financement au sein d’un EPCI, pour éviter la disparition de la tarification incitative lors des fusions imposées par la loi NOTRe. Cette mesure fait partie des propositions ressorties de l’atelier 4 de la feuille de route économie circulaire (FREC).

M. le rapporteur. En accord avec la ligne de conduite que je me suis fixée, je demande le retrait de cet amendement. On m’indique par ailleurs qu’il manque de précision au vu de la question traitée, et qu’il pourrait faire l’objet d’une censure par le Conseil constitutionnel pour incompétence négative du législateur.

M. le ministre. Cet amendement est intéressant, mais il me semble qu’il a plutôt sa place dans une loi de finances, puisqu’il s’agit de tirer les conséquences de fusions de communes sur la tarification incitative de la gestion des déchets. Il faudrait retravailler sa rédaction, car il est assez général, et le déposer sur le projet de loi de finances. Je veux bien le regarder avec attention avec le ministère compétent.

M. Jean-Charles Colas-Roy. Je remercie le rapporteur et le ministre de ces conseils. Vous me renvoyez à une échéance un peu plus tardive que le printemps, mais je vais retirer cet amendement, et nous le présenterons à l’occasion d’un prochain texte.

L’amendement est retiré.

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Article 38
(articles 19 et 21 de de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de lÉtat et art. 18-2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique)
Mesures diverses relatives aux cultes

Le présent article comprend diverses mesures visant à clarifier et à moderniser le statut des cultes.

I.   pOssibilitÉ de dÉtenir un immeuble acquis À titre gratuit

Le complète ainsi l’article 19 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État pour ouvrir aux associations cultuelles la possibilité de détenir et dadministrer tout immeuble acquis à titre gratuit, y compris des immeubles de rapport.

● La loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire a en effet permis aux associations, déclarées depuis au moins trois ans et dont l’ensemble des activités est mentionné au b) du 1 de l’article 200 du code général des impôts ([156]), de recevoir par libéralité et de conserver des immeubles de rapport, afin de renforcer leurs fonds propres. Les associations cultuelles, qui relèvent du e) du 1 du même article sont en revanche exclues de cette possibilité.

● La mesure proposée vise donc à mettre fin à une différence de traitement entre les associations cultuelles et les associations exerçant les activités mentionnées au b) du 1 de l’article 200 du code général des impôts. Comme le relève le Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi, « cette différence de traitement napparaît pas justifiée dans la mesure où lensemble de ces structures bénéficient de la même capacité juridique et ont un même intérêt, pour asseoir leur financement, à pouvoir disposer de facilités identiques quant à la possession et à ladministration des immeubles acquis par elles à titre gratuit ».

Il s’agit là de répondre aux difficultés financières que peuvent rencontrer un grand nombre d’associations cultuelles. En revanche, en application du principe de spécialité prévu par l’article 6 de la loi du 1er juillet 1901, elles ne pourront pas acquérir à titre onéreux des immeubles de rapport et ne pourront pas exploiter directement un immeuble reçu à titre gratuit pour une activité non reliée à lexercice du culte. « Il sagit uniquement dune nouvelle ressource mise à la disposition des associations cultuelles pour subvenir aux frais, à lentretien ou à lexercice public dun culte » précise ainsi l’étude d’impact du projet de loi.

Votre rapporteur s’interroge sur l’opportunité de la présence de cette disposition dans le projet de loi. Ainsi que le précise l’étude d’impact, et comme l’ont confirmé les représentants du ministère de l’Intérieur entendus sur ce point, aucun service de l’État n’est en mesure aujourd’hui de recenser l’ensemble des associations cultuelles. Il est donc impossible dévaluer limpact financier que représenterait cette disposition, qui leur permettrait de bénéficier d’un impôt à taux réduit de 24 % sur les revenus provenant de la location des immeubles dont elles sont propriétaires.

II.   Obligation d’Établir des comptes annuels

Le du présent article vise à imposer aux associations cultuelles l’obligation détablir des comptes annuels et complète pour cela l’article 21 de la loi du 9 décembre 1905.

● En l’état actuel du droit, il n’existe en effet aucune obligation générale détablissement de comptes annuels pesant sur ces associations. Seuls certains textes les soumettent, dans diverses situations, à une obligation de présentation de comptes annuels des trois derniers exercices clos ou des exercices clos depuis leur date de création, si elles ont été créées depuis moins de trois ans : il en est ainsi lorsqu’elles déclarent une libéralité, lorsqu’elles sollicitent la délivrance ou le renouvellement d’un rescrit administratif, lorsqu’elles participent à une opération de fusion, de scission ou d’apport partiel d’actif ou lorsqu’elles reçoivent annuellement plus de 153 000 euros de dons ouvrant droit à avantage fiscal. De même, lorsqu’elle saisit d’une demande de rescrit fiscal l’administration, une association cultuelle doit produire des comptes annuels pour que puisse être apprécié le caractère exclusivement cultuel de ses activités.

● Dans la mesure où les associations cultuelles pourront recevoir des ressources financières supplémentaires grâce aux dons par SMS, prévus par l’article 25 du présent projet de loi, et administrer des immeubles de rapport, ainsi que le prévoit le 1° du présent article, il apparaît effectivement souhaitable de renforcer lexigence de transparence financière à leur endroit. Elles seront donc désormais soumises au même régime que celui des organismes faisant appel à la générosité du public mentionnés à l’article 3 de la loi du 7 août 1991.

III.   exclusion de la liste des reprÉsentants d’intÉrÊt

Le II du présent article procède à une modification de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique en vue d’exclure les « associations à objet cultuel » de la liste des représentants dintérêts.

● La loi du 11 octobre 2013 avait mis en place un ensemble de mécanismes de prévention et de traitement des conflits d’intérêts, sous le contrôle de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), autorité administrative indépendante qui a succédé à la Commission pour la transparence financière de la vie politique.

L’article 18-1 de cette loi avait notamment prévu la mise en œuvre d’un répertoire numérique des représentants dintérêt auprès des pouvoirs publics. Mis à disposition du public sur le site internet de la HATVP, ce répertoire comprend aujourd’hui 830 entités enregistrées. L’article 18-2 de cette même loi définit ce que ce sont ces représentants d’intérêt : il s’agit « des personnes morales de droit privé, les établissements publics ou groupements publics exerçant une activité industrielle et commerciale, les organismes mentionnés au chapitre Ier du titre Ier du livre VII du code de commerce et au titre II du code de lartisanat, dont un dirigeant, un employé ou un membre a pour activité principale ou régulière dinfluer sur la décision publique, notamment sur le contenu dune loi ou dun acte réglementaire en entrant en communication avec » un membre du Gouvernement, un parlementaire ou différents collaborateurs ou agents publics.

L’article 18-2 précise par ailleurs que ne sont pas des représentants d’intérêt :

« a) Les élus, dans lexercice de leur mandat ;

« b) Les partis et groupements politiques, dans le cadre de leur mission prévue à larticle 4 de la Constitution ;

« c) Les organisations syndicales de fonctionnaires et, dans le cadre de la négociation prévue à larticle L. 1 du code du travail, les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles demployeurs ;

« d) Les associations à objet cultuel, dans leurs relations avec le ministre et les services ministériels chargés des cultes ;

« e) Les associations représentatives des élus dans lexercice des missions prévues dans leurs statuts. »

● Pour ce qui concerne les associations cultuelles, la précision « dans leurs relations avec le ministre et les services ministériels chargés des cultes » avait été introduite par amendement parlementaire au cours de la discussion de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Or, ainsi que le relève le Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi, cette exclusion seulement partielle de la liste des représentants d’intérêts « ne reflète pas la réalité des relations que ces associations entretiennent traditionnellement avec dautres représentants de lÉtat, dans le domaine par exemple de la culture ou de la fiscalité, ou avec les élus locaux. »

Le II du présent article supprime donc cette référence aux relations avec le ministre chargé des cultes pour revenir à la rédaction initiale de la loi du 11 octobre 2013 et exclure totalement les associations cultuelles de la liste des représentants d’intérêt.

IV.   LA POSITION DE LA COMMISSION SPÉCIALE

Après avoir longtemps débattu de l’opportunité de la présence de cet article dans le projet de loi du Gouvernement, la commission spéciale a adopté un amendement de votre rapporteur qui en supprime le I.

La disposition qui permettait aux associations cultuelles de détenir et d’administrer des immeubles de rapport à titre gratuit n’a en effet pas fait l’objet d’une évaluation financière suffisante de la part du Gouvernement et soulevait de grandes interrogations de la part des membres de la commission spéciale.

L’obligation pour les associations cultuelles d’établir des comptes annuels, qui figurait également dans le I, est pour sa part désormais inscrite à l’article 25 du projet de loi.

La disposition relative à l’exclusion totale des associations cultuelles du registre des représentants d’intérêt tenu par la HATVP, objet du II de l’article, a en revanche été conservée car il s’agit d’une réelle mesure de simplification, à la fois pour les associations en question et pour la Haute Autorité, qui peut se concentrer sur d’autres priorités.

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La commission examine deux amendements identiques CS810 de M. Laurent Saint-Martin et CS826 de M. Boris Vallaud.

 

M. Laurent Saint-Martin. Nous en revenons au sujet des cultes. Nous avons déjà évoqué le problème de forme lors de l’examen de l’article 25, nous interrogeant sur la présence dans ce texte de ces articles, qui s’apparentent à des cavaliers législatifs.

Sur le fond, monsieur le rapporteur, vous avez proposé d’ajouter la partie relative  aux comptes annuels à l’article 25 : elle ne figure donc plus à l’article 38. Reste à nos yeux le problème de la modification de la loi de 1905, qui a motivé le dépôt de cet amendement de suppression par notre groupe.

Mme Marietta Karamanli. Nous proposons également la suppression de cet article, qui soulève les mêmes questions qu’à l’article 25. Nous considérons nous aussi que c’est un cavalier législatif. Il faudrait s’atteler à un travail – nécessaire – sur la loi de 1905 plutôt que d’utiliser ce texte de simplification.

M. le rapporteur. J’ai bien entendu les crispations autour de l’article 38. C’est amendements me permettent de faire le point sur ses diverses mesures relatives aux cultes, et d’expliquer la solution que je vous propose.

Comme l’a rappelé notre collègue Laurent Saint-Martin, nous avons pris la décision de déplacer une des trois dispositions de l’article 38 – l’obligation de déposer des comptes annuels – à l’article 25, qui porte sur les dons par SMS. Nous avons donc adopté une mesure de bon sens qui oblige les associations cultuelles à établir des comptes annuels. L’article 38 comporte deux autres dispositions 38 : une sur les immeubles de rapport, qui modifie la loi de 1905 ; et l’autre sur les représentants d’intérêts, qui modifie la loi Sapin II.

J’entends les crispations qui peuvent exister sur la question des immeubles de rapport. J’ai auditionné le bureau des cultes du ministère de l’intérieur, qui m’a rappelé que les intentions du Gouvernement en cette matière étaient de répondre à des engagements pris auprès des associations cultuelles par la majorité précédente, et renouvelés sous cette législature. Ils visent à égaliser la situation des associations cultuelles par rapport aux autres associations et à l’ensemble du monde de l’économie sociale et solidaire, en leur donnant la capacité de conserver et gérer des immeubles de rapport.

Cela permettra de mettre un terme à certaines hypocrisies. Par exemple, la religion catholique a aujourd’hui une association cultuelle pour le pur exercice du culte, et une association paroissiale loi 1901 qui, elle, a toute liberté de recevoir à titre gratuit un immeuble de rapport et d’en tirer des revenus pour ses propres ressources.

L’intention du Gouvernement n’était donc pas infondée : elle tendait à égaliser les situations et régler certains cas qui semblaient un peu flous, et à faire en sorte que les associations cultuelles puissent bénéficier de ressources propres, ce qui garantit l’esprit de la loi de 1905 – indépendance et non-financement par les pouvoirs publics des associations cultuelles.

Cela étant, j’ai entendu les questions qui se posaient autour de cette disposition, qui impose en effet de modifier la loi de 1905, et qui représente des enjeux financiers non négligeables. C’est la raison pour laquelle je propose un amendement de suppression de cette disposition, laquelle ne répond pas aux critères que j’ai posés précédemment : existence d’un véhicule législatif et d’un consensus. Visiblement, il n’y a pas de consensus.

Reste la dernière disposition de l’article 38, relative aux représentants d’intérêts, que je défends et que je vous propose de maintenir. Il s’agit ici de modifier simplement la loi Sapin II. La loi de 2013 sur la transparence financière a institué la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) sans inclure les associations cultuelles dans la liste des représentants d’intérêts. Mais en 2016, à la fin de la discussion au Parlement de la loi Sapin II, il a été décidé de les y inclure.

Le champ de la HATVP ayant été étendu, le rabbin, l’imam ou le prêtre qui ira demain rencontrer le maire de sa commune devra s’inscrire sur un registre de représentants d’intérêts – procédure relativement complexité. Il me semble que notre République vise à favoriser le dialogue entre l’État et les cultes, et que les associations cultuelles ne peuvent pas être considérées comme des représentants d’intérêts. Lors de son audition, le président de la HATVP a d’ailleurs indiqué qu’il ne fallait pas confondre les enjeux financiers des discussions entre un curé et le maire, et la vraie mission de la HATVP, qui est de mesurer ce qu’il a appelé la trace normative, c’est-à-dire la capacité à influencer le législateur sur un projet de loi pour éventuellement en tirer un bénéfice économique.

Voilà la solution que je vous propose.

M. Nicolas Turquois. Je suis surpris par cette géométrie variable ! Ainsi, des dispositions relatives par exemple à une expérimentation en agriculture, qui relevaient d’une vraie simplification, facile à mettre en œuvre ont été renvoyées à un texte ultérieur. Mais à présent, s’agissant d’un sujet qui va au-delà de l’anecdote – c’est un vrai symbole –  on nous propose de nous prononcer sur un simple amendement!  La réflexion à mener sur la relation que doit entretenir l’État avec les différents cultes, quels qu’ils soient, mérite un texte de loi et pas une mesurette prise au détour d’une loi de simplification.

M. le ministre. Certes, la question de l’agriculture nous a pris un peu de temps tout à l’heure. Mais l’article 38 est un des seuls à avoir fait naître un débat médiatique, à la limite de la polémique – un quotidien, notamment, y a consacré plusieurs pages.

Cela peut se comprendre, et j’entends votre opinion. L’organisation des cultes, en tant que telle, peut faire naître des phantasmes, des envies. L’équilibre est très complexe,  nous le savons tous. D’autant que les lois de séparation des églises et de l’État ne s’appliquent pas de la même façon pour tous les cultes. Nous n’allons pas ici ouvrir ce débat, pourtant extrêmement intéressant.

Sur la forme, le Gouvernement propose de suivre les propositions du rapporteur. Je n’étais pas devant vous lors du débat sur l’article 25, au cours duquel une partie de la question des cultes a été réglée. Le Gouvernement rend donc un avis de sagesse, s’agissant d’un article proposé par lui, mais je souhaite que la commission suive l’avis du rapporteur.

Sur le fond, j’ai entendu M. Saint-Martin : la question est très compliquée et symbolique. Cependant, la loi de 1905 a déjà été modifiée treize fois depuis son adoption. La modifier n’a donc rien de scandaleux, beaucoup de gouvernements et de parlements l’ont déjà fait.

En l’occurrence, il s’agit de régler un certain nombre d’iniquités entre les cultes et des situations de fait parfois hypocrites – tous ceux qui ont géré des collectivités locales sur le territoire desquelles plusieurs cultes sont présents le savent. Je me suis ouvert de ce sujet avec le ministre de l’intérieur, et il a tout à fait la même idée que vous, monsieur le député. Je ne sais pas s’il pense à un texte de loi. En tout cas, le Président de la République et le ministre de l’intérieur ont manifesté une volonté très forte de réorganiser le culte musulman, le dernier à s’être organisé dans notre République. Pour le culte catholique, je rappelle que c’est un accord international entre le nonce apostolique et la République française de 1920 qui a organisé l’association diocésaine. Le culte juif s’était organisé bien avant, grâce – ou à cause de, selon le point de vue – à Bonaparte puis Napoléon. Il est vrai qu’aujourd’hui, beaucoup d’associations cultuelles s’organisent en associations culturelles, notamment en ce qui concerne le culte musulman. Pour tirer bénéfice de subventions ou d’aides, l’association culturelle loi 1901 peut louer ou profiter d’immeubles, ce que ne peut pas faire l’association cultuelle loi 1905. Alors que l’association cultuelle loi 1905 permet d’avoir des comptes certifiés et une déduction fiscale, à l’instar du denier du culte pour les catholiques. À ce titre, il n’est pas tout à fait juste de dire que l’argent public ne finance pas les cultes, puisque cela se fait par la déduction fiscale. C’est tout à fait logique d’ailleurs, et loin de moi l’idée de revenir sur ce point.

Il y a donc une inégalité de traitement. C’est très difficile car certains souhaitent pousser un certain nombre d’avantages pour que les faits et le droit soient en accord, et nous voyons bien les effets de bord qui peuvent apparaître. Ce n’est effectivement pas anodin, et en même temps, une telle mesure simplifierait l’organisation des cultes.

Cela étant, je pense qu’il est sage de reporter cette disposition à plus tard, tout en sachant qu’il y a une vraie question d’organisation des cultes en France. Et si je peux me permettre de corriger le rapporteur, si le curé va en effet voir le maire, c’est en général le président de l’association cultuelle musulmane qui le fait, puisque la distinction du clergé dans la religion musulmane n’est pas la même que dans la religion catholique. Le chiisme a un clergé, mais il n’existe pas les mêmes correspondants pour les élus.

Laissons donc cette question de côté en partant du principe que c’est un très grand sujet, extrêmement intéressant et particulièrement sensible. J’ai moi-même reçu des lettres de plusieurs cultes totalement contradictoires les unes avec les autres, mais je respecte chacune et chacun. En outre, c’est le ministre de l’intérieur, et non pas le ministre de l’action et des comptes publics, qui est en charge des cultes. Il est sage d’adopter les dispositions les plus anodines, au sens des plus simples ; c’est ce que vous avez fait sur l’article 25, et c’est ce que vous propose le rapporteur. J’aurai donc un avis de sagesse sur tous les amendements de suppression, tout en souhaitant qu’il n’y ait pas une suppression totale de l’article, mais bien que l’on suive l’avis du rapporteur. Et je vous invite tous à vous intéresser à cette grande question qui n’a manifestement pas été réglée depuis un certain temps.

M. Laurent Saint-Martin. Merci de ces précisions, monsieur le ministre ; on sent que le sujet vous tient à cœur. Vous avez raison, la loi de 1905 a été maintes fois modifiée. Ce n’est pas pour autant que l’on doit considérer que l’article 38 a sa place dans ce texte. Nous avons voté et enrichi l’article 25, en ajoutant l’obligation de faire certifier les comptes.

La ligne jaune était pour nous la modification de la loi de 1905. La proposition du rapporteur va dans le bon sens. Nous retirons donc notre amendement de suppression.

L’amendement CS810 est retiré.

M. Philippe Gosselin. En ne maintenant que la dernière partie de l’article 38, on exclut donc du champ de compétence de la HATVP les associations cultuelles ?

M. le rapporteur. Tout à fait. Nous ne modifions pas la loi de 1905, mais nous revenons à la situation antérieure à 2016 et à la loi Sapin II.

La commission rejette l’amendement CS826.

 

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CS913 du rapporteur, CS795 de Mme Jeanine Dubié et CS770 de Mme Valérie Rabault.

M. le rapporteur. C’est l’amendement dont je viens de parler, qui permet de ne laisser dans l’article que la mesure relative aux représentants d’intérêts. Il supprime l’obligation d’établir des comptes annuels, que nous avons transférée à l’article 25.

M. le ministre. Sagesse.

Mme Jeanine Dubié. Cet amendement propose de supprimer les alinéas 2 et 3. L’alinéa 4 portait sur le fait de renforcer l’exigence de transparence financière pour les associations cultuelles, comme c’est le cas pour les organismes faisant appel à la générosité du public. Les associations cultuelles étaient donc placées sur le même plan, et cela ne pose aucun problème.

Les alinéas 2 et 3 sont en revanche très sensibles. La loi de 1905 a instauré un équilibre, qu’il faut le respecter. Il n’y a aucune raison de modifier cette loi et d’autoriser les associations cultuelles à détenir tout type d’immeuble acquis à titre gratuit, y compris le patrimoine immobilier sans aucun lien avec le culte, et leur permettre d’être exonérées des droits de mutation. Je pense que nous aurions franchi une ligne jaune.

J’ai bien écouté le rapporteur : l’amendement qu’il présente va dans le bon sens, puisque la transparence est reprise dans l’article 25 sur les dons par SMS, et le reste des dispositions sera supprimé. Je retire donc l’amendement au profit de celui du rapporteur.

L’amendement CS770 est retiré.

Mme Valérie Rabault. Une ordonnance du 23 juillet 2015 a procédé à une simplification du régime des associations et des fondations cultuelles et a revu leurs obligations comptables. Elle a notamment dispensé ces associations et fondations de tenir un état de leurs recettes et de leurs dépenses, et de dresser le compte financier de l’année écoulée. Cet amendement vise à compléter l’article 38 pour qu’on revienne à la situation en vigueur avant cette ordonnance.

M. le rapporteur. L’amendement CS770 me semble satisfait. Il aurait eu du sens si nous avions maintenu les dispositions relatives aux immeubles de rapport mais mon amendement les supprime.

Mme Valérie Rabault. Si mon amendement est satisfait, je le retire.

M. le ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la commission sur l’amendement CS913.

L’amendement CS770 est retiré.

La commission adopte l’amendement CS913 du rapporteur.

 

Puis elle adopte l’article 38 modifié.

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Article 39
Habilitation à prendre par ordonnance des mesures de simplification du régime juridique de la géothermie

L’énergie géothermique est « une énergie emmagasinée sous forme de chaleur sous la surface de la terre solide » ([157]) Elle est liée à la radioactivité naturelle des roches et au magma. La géothermie consiste à exploiter cette source d’énergie. En général, les gisements dont la température est basse sont situés à une faible profondeur et ils permettent la production de chaleur (pour le chauffage et l’eau chaude sanitaire) ou de froid. Les gisements dont la température est haute sont en général situés à une profondeur importante et permettent la production d’électricité.

En France, l’accent a tout d’abord été mis sur le développement de la géothermie à basse température, à partir de la fin des années 1970, pour développer de façon rapide des réseaux de chaleur. Au premier décembre 2017, on recensait une centaine de titres d’exploitation de gîtes géothermiques à basse température. Les sites d’exploitation basse température sont concentrés dans les bassins parisien et aquitain.

À partir du début des années 2000, les pouvoirs publics ont cherché à encourager le développement de la géothermie à haute température, pour la réalisation de projets électrogènes. Au premier décembre 2017, on recensait 19 titres d’exploration pour les gîtes géothermiques à « haute température » et deux titres d’exploitation (seuls les sites de Bouillante – en Guadeloupe – et de Soultz‑sous-Forêts – en Alsace – sont exploités). Le fossé rhénan, le Massif central et la région Midi-Pyrénées constituent des zones propices au développement de projets d’exploitation haute température.

Les évolutions technologiques permettent désormais de produire de l’électricité et de la chaleur grâce à des gisements dont la température est seulement de 110°C ou 120°C. Ces projets de cogénération qui se développent depuis quelques années sont ceux qui semblent les plus prometteurs sur le plan économique.

La Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) instituée par la loi du 17 août 2015 de transition énergétique pour la croissance verte ([158]) a fixé des objectifs ambitieux de développement de la géothermie. En ce qui concerne la géothermie électrique, elle fixe des objectifs de développement de la production en France métropolitaine continentale de 8 MW de puissance installée au 31 décembre 2018 et de 53 MW de puissance installée au 31 décembre 2023. En ce qui concerne la géothermie de basse et moyenne énergie, elle fixe des objectifs de développement de la production de chaleur et de froid en France métropolitaine continentale à 200 ktep au 31 décembre 2018 et à 400 ktep au minimum au 31 décembre 2023 ([159]).

V.   ÉTAT du droit

Comme le souligne Mme Marianne Moliner-Dubost, « le régime juridique de la géothermie se présente comme une véritable mosaïque » ([160]) car, d’une part, tous les gîtes géothermiques ne sont pas soumis au régime défini par le code minier (c’est le cas par exemple des gîtes géothermiques à basse température dont les eaux sont utilisées à des fins thérapeutiques) ([161]) et, d’autre part, pour les gîtes qui lui sont soumis, le code minier prévoit trois régimes juridiques différents. En effet, si le code minier distingue les gîtes à haute température (dont la température est supérieure à 150°) des gîtes à basse température (dont la température est inférieure à 150°) ([162]), il distingue, au sein des gîtes à basse température, les gîtes de minime importance, qui font l’objet d’un régime particulièrement dérogatoire par rapport au droit commun des substances concessibles.

La personne qui souhaite procéder à des opérations dexploration pour un gîte géothermique à haute température doit demander d’abord un permis exclusif de recherches, qui est accordé par arrêté du ministre chargé des mines pour une durée initiale maximale de cinq ans renouvelable deux fois ([163]).

La personne qui souhaite procéder à des opérations d’exploration pour un gîte géothermique à basse température ne doit pas demander un permis exclusif de recherches mais une autorisation de recherches ([164]). À la différence du permis exclusif de recherches, l’autorisation de recherches est accordée par arrêté préfectoral et non par arrêté ministériel. De plus, la validité de l’autorisation de recherches ne peut excéder trois ans. Enfin, si le gîte est considéré comme un gîte de minime importance, aucune autorisation n’est nécessaire pour mener des opérations d’exploration ([165]).

Une fois l’autorisation d’exploration obtenue, il peut être nécessaire d’obtenir une autorisation de travaux pour pouvoir entamer les opérations d’exploration. L’article L. 162-3 du code minier prévoit que cette autorisation, qui est accordée par le préfet, est nécessaire pour les travaux de recherches qui présentent des dangers et des inconvénients graves pour les intérêts mentionnés à l’article L. 161-1 du code minier ([166]). Dans les autres cas, les travaux de recherche ne doivent faire l’objet que d’une déclaration ([167]). Cette procédure est nécessaire pour la réalisation des travaux d’exploration des gîtes géothermiques à haute température comme des gîtes géothermiques à basse température (toutefois, pour les gîtes de minime importance, il n’y a qu’une procédure de déclaration de travaux par voie dématérialisée ([168])).

Une fois les opérations d’exploration achevées, l’explorateur peut demander à exploiter les substances découvertes. Pour les gîtes géothermiques à haute température, c’est une demande de concession qui doit être faite. La concession est accordée par décret en Conseil d’État pour une durée maximale de cinquante ans. Elle peut faire l’objet de prolongations successives, chacune d’une durée inférieure ou égale à vingt-cinq ans, prolongations qui sont elles aussi accordées par décret en Conseil d’État ([169]).

Pour les gîtes géothermiques à basse température, c’est un permis dexploitation qui doit être demandé ([170]). À la différence des concessions, il est délivré par arrêté préfectoral et non par décret en Conseil d’État. Par ailleurs, sa durée initiale de validité ne peut excéder trente ans et il peut faire l’objet de prolongations successives, chacune d’une durée inférieure ou égale à quinze ans ([171]), durées qui sont inférieures à ce qui est prévu pour les concessions. (Enfin, si le gîte est considéré comme un gîte de minime importance, aucune autorisation n’est nécessaire pour mener des opérations d’exploitation ([172])).

Comme pour les travaux d’exploration, les travaux dexploitation des gîtes géothermiques à haute température et des gîtes géothermiques à basse température peuvent nécessiter l’obtention d’une autorisation de travaux lorsqu’ils présentent des dangers et des inconvénients graves pour les intérêts mentionnés à l’article L. 161-1 du code minier. Dans les autres cas, une simple déclaration suffit ([173]). Ces autorisations et déclarations sont accordées par le préfet. (Toutefois, pour les gîtes de minime importance, il n’y a qu’une procédure de déclaration de travaux par voie dématérialisée ([174])).

VI.   rÉforme prÉvue par l’ordonnance

Le fait que les régimes juridiques applicables aux demandes de titres soient différents en fonction de la température du gisement constitue une entrave au développement de la géothermie dans les zones dont le sous-sol est moins connu et dont la température du sous-sol est moins prévisible.

Dans la pratique, les demandeurs sont amenés à déposer deux demandes de titres, l’un pour un projet à haute température et l’autre pour un projet à basse température. La demande pour le projet haute température est instruite au niveau central et celle pour le projet basse température est instruite au niveau déconcentré car, le premier cas, l’autorisation relève du ministre et, dans le second, elle relève du préfet.

Outre ces inconvénients, il convient de remarquer que les autorisations d’exploration des gîtes géothermiques à basse température ne sont délivrées que pour trois ans et ne sont pas renouvelables, ce qui pose problème dans les cas où il y a besoin de davantage de temps pour mener les recherches.

C’est pourquoi l’article 39 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures permettant de réformer les dispositions du code minier relatives à l’octroi et à la prolongation des titres permettant l’exploration et l’exploitation de l’énergie géothermique pour supprimer le critère de température et établir, d’une part un régime simplifié adapté aux projets en situation géologique connue et ne nécessitant qu’une phase d’exploration limitée et, d’autre part un régime plus complet pour les autres projets.

Le projet d’ordonnance doit être pris dans les dix-huit mois à compter de la publication la loi.

VII.   POsition de la commission spÉciale

La commission a adopté l’article, seulement modifié par un amendement rédactionnel du rapporteur.

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La commission étudie l’amendement CS298 de M. Gaël Le Bohec.

M. Gaël Le Bohec. La prolongation des titres autorisant l’exploration et l’exploitation de l’énergie géothermique soulève des problèmes environnementaux qu’une simple disposition, figurant dans un texte dont l’objet général est éloigné, ne saurait résoudre. En effet, l’alinéa 2 de cet article prévoit le dépôt d’un projet de loi devant le Parlement, spécifiquement consacré à la réforme du code minier. Il semble donc hasardeux de prévoir une mesure dont les conséquences environnementales n’ont pas été évaluées.

M. le rapporteur. Je vous demanderai de retirer votre amendement. Cet article habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance, il ne s’agit pas d’élaborer tout un projet de loi de réforme du code minier. C’est une mesure de simplification qu’il faut assumer. Le droit actuellement applicable à la géothermie est en effet compliqué, s’appuyant sur des critères de température, si bien que quand on entreprend une recherche ou un forage, on est censé savoir à l’avance ce qu’on va trouver dans le sol pour pouvoir déterminer quel régime s’applique. Il ne me semble pas que nous prenions un risque démesuré en habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur ce sujet.

M. le ministre. Avis défavorable. Il faut aussi faire confiance au Gouvernement et, en l’occurrence, au ministre de la transition écologique.

M. Frédéric Reiss. Je suis opposé à cet amendement de suppression de l’article 39. Je voudrais dire tout le bien que je pense de la géothermie profonde à haute température puisque je viens d’une circonscription où la géothermie non seulement permet la production d’électricité mais a également des applications industrielles dans le secteur agroalimentaire. Cet article favorise le développement de la géothermie profonde, énergie renouvelable n’émettant pas de gaz à effet de serre et n’étant pas intermittente, contrairement à d’autres énergies renouvelables. Cet article qui vise à une simplification du droit et à une réduction des délais de procédure devrait se traduire par une meilleure compétitivité des futurs projets.

La commission rejette l’amendement CS298.

 

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CS100 du rapporteur.

 

La commission en vient à l’amendement CS864 de Mme Valérie Rabault.

Mme Valérie Rabault. Les dispositions de l’article 39 s’appliqueront-elles aussi aux particuliers ?

M. le rapporteur. Les particuliers ne sont pas régis par le code minier.

Mme Valérie Rabault. Dans ce cas, je retire mon amendement.

L’amendement CS864 est retiré.

 

La commission examine l’amendement CS111 de M. Patrick Hetzel.

M. Arnaud Viala. Un forage géothermique peut être à l’origine de graves dégâts en sous-sol. C’est pourquoi il convient de créer un fonds spécial pour dédommager les victimes de la géothermie, sur le modèle du fonds Barnier pour la prévention des risques naturels majeurs.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Cet amendement est satisfait. Les dommages causés par les installations géothermiques sont déjà régis par le code minier. Surtout, depuis 2003, la loi « Bachelot » a fait encore progresser le dispositif d’indemnisation en prévoyant un préfinancement par le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages. Cette indemnisation est versée dans un délai de trois mois après la remise par la victime du descriptif des dommages ou la publication du constat de sinistre minier.

M. Arnaud Viala. Je retire cet amendement.

L’amendement CS111 est retiré.

En conséquence, l’amendement CS112 de M. Patrick Hetzel devient sans objet.

 

Puis la commission adopte l’article 39 modifié.

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*     *

Après l’article 39

La commission examine l’amendement rédactionnel CS915 du rapporteur.

M. le rapporteur. Je vous propose de créer un titre III intitulé « Un dispositif d’évaluation renouvelé ». Nous l’avons dit à maintes reprises, ce projet de loi doit fixer des principes forts sur lesquels les décideurs politiques s’expriment clairement. Ces derniers doivent affirmer quels changements de culture ils veulent pour leur administration. Ces changements deviendront réalité grâce à la formation et au management des personnels mais aussi grâce au suivi que nous assurerons des différentes dispositions votées. Je vous proposerai, ainsi que d’autres collègues, quelques amendements en ce sens. En créant ce titre III, nous voulons faire de ce texte une loi exemplaire, prévoyant un « service après vote », pour reprendre l’expression de notre ministre préféré. (Sourires.)

M. le ministre. Après une telle présentation, je ne peux être que très favorable à l’amendement du rapporteur. (Sourires)

La commission adopte l’amendement.

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TITRE III
un dispositif d’ÉVALUATION RENOUVELÉ

Le présent titre, issu d’un amendement de votre rapporteur, est consacré au dispositif d’évaluation du présent projet de loi. Il comprend quatre articles, dont trois additionnels.

L’objectif est de mettre en œuvre une méthode dévaluation nouvelle de la loi qui aura été adoptée. Témoignage de l’approche pragmatique souhaitée par le Gouvernement, ce projet de loi ne prévoit pas moins d’une douzaine d’expérimentations, qu’il s’agira d’évaluer avant d’étudier les conditions de leur éventuelle généralisation.

Surtout, votre rapporteur souhaite que la démarche consensuelle et concertée qui a prévalu, en amont, à l’élaboration de ce projet de loi, où ont été associés représentants de l’administration, experts et parlementaires, puisse se poursuivre après son vote.

Ainsi que l’a indiqué le ministre de l’action et des comptes publics, M. Gérald Darmanin, lors de son audition par la commission spéciale : « lart dexécution sera essentiel concernant cette réforme. »

● Pour cela, le bureau de la commission spéciale a proposé de mettre en place un suivi inédit, sous la forme d’un Conseil de la réforme. L’idée est que ce conseil, ouvert à toutes les formations politiques, suive la mise en œuvre de ce texte, non pas seulement six mois ou trois ans après son adoption, mais pendant toute la durée de la législature. Compte tenu du nombre de secteurs concernés par ce texte, le Conseil de la réforme fonctionnerait selon un principe de spécialisation : agriculture, environnement, logement, fiscalité, etc.

Il serait ouvert à des experts de la société civile et travaillerait en étroite collaboration avec les services des différents ministères concernés. Le ministre de l’action et des comptes publics s’est déclaré très favorable à cette étroite association des parlementaires à la mise en œuvre de cette loi. Il envisage notamment que les parlementaires puissent être consultés sur les projets de décrets d’application.

● Si ce Conseil de la réforme n’est pas d’ordre législatif, votre rapporteur a souhaité inscrire dans ce texte le principe selon lequel les parties prenantes puissent participer directement à l’élaboration puis à l’évaluation des normes les concernant. Cela fait l’objet de deux articles additionnels, les articles 41 et 42.

● Enfin, l’évaluation de la loi pourra s’appuyer, dans les mois à venir sur les nouveaux outils qui seront mis à disposition du Parlement en matière de contrôle et dévaluation, suite aux propositions du groupe de travail sur ce sujet présentées par nos collègues Jean-François Eliaou et Jean-Noël Barrot ([175]). Figurent notamment parmi les pistes envisagées un nouveau droit de regard constitutionnel du Parlement sur l’exécution des lois, une association plus étroite de la Cour des comptes aux travaux d’évaluation du Parlement ou encore la possibilité de mobiliser certains moyens de l’exécutif.

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Article 40
Rapport annuel du Gouvernement au Parlement

I.   les dispositions du projet de loi

L’article 40 prévoit que le Gouvernement présente au Parlement un rapport annuel portant sur :

– l’application des dispositions réglementaires prises pour l’application de l’article 11 du projet de loi et permettant à un pétitionnaire de joindre à sa demande d’autorisation le projet de décision qu’il propose à l’administration de prendre en réponse à cette demande (alinéa 2) ;

– l’expérimentation de la possibilité, pour les préfets et les directeurs des agences régionales de santé, de déroger à des normes réglementaires (alinéa 3) ;

– l’état d’avancement de la dématérialisation des procédures au sein de l’administration de l’État, en lien avec l’objectif de dématérialisation de l’ensemble des démarches administratives relevant de l’État, en dehors de la première délivrance d’un document d’identité, d’ici à 2022, énoncé à l’alinéa 24 de la stratégie nationale d’orientation de l’action publique figurant en annexe du projet de loi (alinéa 4) ;

– les actions entreprises pour étendre les horaires d’ouverture des administrations de l’État au public, en lien avec l’alinéa 20 de la stratégie nationale d’orientation de l’action publique, qui prévoit que « l’administration prend en considération les contraintes horaires du public dans ses horaires d’ouverture » (alinéa 5) ;

– le développement de référents uniques dans les administrations de l’État, comme le prévoit, à titre expérimental, l’article 15 du projet de loi (alinéa 6) ;

– l’expérimentation de la possibilité donnée aux personnes morales inscrites au répertoire des entreprises et de leurs établissements de ne pas communiquer à l’administration des informations que celle-ci étant déjà dans un traitement automatisé ou qui peuvent être obtenues d’une autre administration par un tel traitement, comme prévu à l’article 21 du projet de loi (alinéa 7).

Lexpérimentation prévue à lalinéa 3 relève du domaine réglementaire. Le Gouvernement a indiqué à votre rapporteur quelle serait mise en place par un décret, qui a été examiné par le Conseil d’État et dont la publication devrait intervenir dans les prochaines semaines. Lexpérimentation envisagée à ce stade durerait deux ans et concernerait le ressort des régions Auvergne-Rhône-Alpes, Hauts-de-France, Île-de-France et Provence-Alpes-Côte dAzur. Elle permettrait aux directeurs généraux des ARS, de déroger, sous certaines conditions, à des normes réglementaires relevant des champs suivants :

– pour les décisions prises sur le fondement de l’article L. 313-1-1 du code de l’action sociale et des familles relatives aux projets, y compris expérimentaux, de création, de transformation et d’extension d’établissements ou de services sociaux et médico-sociaux, le directeur général d’une ARS pourrait déroger, d’une part, aux dispositions de l’article D. 313-2 du même code relatives au seuil à partir duquel les projets d’extension d’établissements ou de services sociaux et médico‑sociaux doivent être soumis à la commission d’information et de sélection, et d’autre part au 4° de l’article R 313-4-1 du même code, qui concerne le délai de réception des réponses des candidats à un avis d’appel à projets ;

– pour les décisions prises sur le fondement de l’article R. 1161-4 du code de la santé publique qui ont trait aux programmes d’éducation thérapeutique et aux actions d’accompagnement inscrits dans le parcours de soins du patient, le directeur général d’une ARS pourra déroger à l’arrêté du 2 août 2010 relatif aux compétences requises des professionnels de santé pour dispenser ou coordonner l’éducation thérapeutique du patient ;

– pour les décisions prises sur le fondement de l’article R. 1434-41 du même code concernant la détermination des zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins ou dans lesquelles le niveau de l’offre est particulièrement élevé, le directeur général d’une ARS pourra déroger aux arrêtés auxquels renvoient les dispositions du II de cet article qui fixent les indicateurs et les seuils ainsi que leurs modalités d’utilisation, applicables à la détermination des zones en cause ;

– pour les décisions prises sur le fondement de l’article R. 6312-1 du même code relatives à l’agrément nécessaire au transport sanitaire délivré par le directeur général de l’ARS, il sera possible à celui-ci de déroger à l’arrêté du 21 décembre 1987 modifié relatif à la composition du dossier d’agrément des personnes effectuant des transports sanitaires terrestres et au contrôle des véhicules affectés aux transports sanitaires ;

– enfin, pour les décisions prises sur le fondement de l’article R. 6315-6 du même code, relatives aux principes d’organisation de la permanence des soins qui font l’objet d’un cahier des charges régional arrêté par le directeur général de l’ARS dans le respect des objectifs fixés par le schéma régional d’organisation des soins, celui-ci pourrait déroger aux dispositions du dernier alinéa de cet article qui décrit la procédure d’avis préalable à la fixation par arrêté du cahier des charges régional.

La dérogation ne pourrait intervenir que lorsqu’un motif d’intérêt général le justifie et pour tenir compte des circonstances locales. Elle devrait être compatible avec les engagements européens et internationaux de la France et ne pourrait avoir pour effet de porter atteinte aux droits des tiers, aux intérêts de la défense ou à la sécurité des personnes et des biens et de porter une atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis par les dispositions auxquelles il est dérogé. La décision de dérogation à une norme réglementaire prendrait la forme d’un arrêté motivé du directeur général de l’agence régionale de santé. Dans les deux mois qui précèdent la fin de l’expérimentation, les directeurs généraux d’ARS devraient adresser au ministre chargé de la santé un rapport d’évaluation ; une synthèse de ces rapports serait transmise au Premier ministre par le ministre chargé de la santé.

II.   la position de la commission spÉciale

Outre trois amendements rédactionnels déposés par M. Lagleize et les membres du groupe du Mouvement Démocrate et apparentés pour le premier, et par son rapporteur pour les deux autres, la commission spéciale a adopté, avec l’avis favorable de son rapporteur et du Gouvernement, un amendement déposé par M. Saint-Martin et le groupe La République en Marche prévoyant que le Gouvernement remet au Parlement un rapport annuel portant sur les actions de formation et d’accompagnement des agents de l’administration mises en œuvre pour atteindre les objectifs de la loi.

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Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement rédactionnel CS549 de M. Jean-Luc Lagleize.

 

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CS743 du rapporteur.

 

Elle étudie l’amendement CS36 de M. Arnaud Viala.

M. Arnaud Viala. Cet amendement vise à étendre le champ de la demande de rapport sur les procédures dématérialisées, des services de l’État à ceux des collectivités territoriales qui offrent des services au public. Nous souhaitons avoir une vision panoramique des difficultés que peut poser l’inégalité de desserte numérique des territoires.

M. le rapporteur. Nous avons déjà discuté de cette question lorsque nous avons examiné l’amendement que je vous ai proposé sur les maisons de services au public. C’est en menant des expérimentations concrètes que nous ferons progresser la situation plutôt qu’en demandant un rapport au Gouvernement.

M. le ministre. Je comprends la demande de M. Viala mais on aurait tort de mélanger les questions d’horaires d’ouverture des administrations et de numérisation des procédures. Les 3° et 4° de l’article 40 prévoient deux rapports distincts. S’agissant des expérimentations d’horaires atypiques, ce sont bien les administrations de l’État qui sont concernées. Avis défavorable.

M. Arnaud Viala. Nous ne parlons pas du même amendement, monsieur le ministre. Je demande que le champ du rapport prévu à l’alinéa 4 sur la dématérialisation des procédures au sein de l’administration de l’État soit étendu à la dématérialisation des procédures au sein des collectivités territoriales.

M. le ministre. Votre amendement vise l’alinéa 5.

M. Arnaud Viala. J’ai commis une erreur de rédaction. C’est l’alinéa 4 que je voulais viser. Je retire donc mon amendement pour le redéposer en séance publique.

L’amendement CS36 est retiré.

 

Puis la commission est saisie de l’amendement CS290 de M. Hervé Pellois.

M. Hervé Pellois. À la lecture de l’exposé des motifs de l’article 40 du projet de loi, il apparaît que le rapport qui sera présenté par le Gouvernement sur les actions engagées en vue d’adapter les horaires d’ouverture aux contraintes des administrés sera uniquement centré sur l’ouverture des administrations en fin de journée.

Or, il convient d’étudier également l’ouverture des administrations pendant la pause méridienne de midi à quatorze heures. En effet, de nombreux administrés vivant en zone rurale se rendent en zone urbaine pour leur travail. À ce titre, ils bénéficient d’un accès simplifié aux administrations durant la pause méridienne. Il est donc pertinent d’étendre explicitement l’objet du rapport à la possibilité pour les administrations, d’aménager leurs horaires d’ouverture de midi à quatorze heures.

M. le rapporteur. Cet amendement me semble satisfait car ce rapport aura trait aux expérimentations d’horaires d’ouverture élargis dans les administrations. Cet élargissement des horaires ne veut pas dire que les administrations ouvriront plus longtemps mais à des horaires différents. Toutes les possibilités seront envisagées : l’ouverture pendant la pause déjeuner, plus tard le soir, tôt le matin, etc.

M. le ministre. Même avis.

M. Hervé Pellois. Dans ce cas, je retire mon amendement.

M. Philippe Gosselin. Considère-t-on l’amendement comme satisfait ?

Mme la présidente Sophie Errante. Oui.

L’amendement CS290 est retiré.

 

Puis la commission adopte l’amendement rédactionnel CS744 du rapporteur.

 

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement CS550 de M. Jean-Luc Lagleize.

 

Elle aborde l’amendement CS767 de M. Laurent Saint-Martin.

Mme Sophie Beaudoin-Hubière. Cet amendement a pour but de solliciter un rapport supplémentaire auprès du Gouvernement sur les actions de formation et d’accompagnement qui seront proposées aux agents de l’administration. En effet, ce texte implique un changement de pratiques et il n’est pas de changement qui ne nécessite un accompagnement. Il nous paraît important de pouvoir contrôler et évaluer ce dernier.

M. le rapporteur. Avis très favorable. On n’insistera jamais assez sur l’importance de la formation. Au cours de nos auditions et de la discussion que nous avons eue, des annonces ont été faites, à la fois quant aux moyens qui seront alloués à la formation et quant à la dimension qualitative de cette dernière. J’ai été particulièrement attentif à l’annonce, faite par Olivier Dussopt, de la création d’un module de formation dédié au droit à l’erreur. Le suivi parlementaire de ces formations, sur la base d’un rapport remis par le Gouvernement, est donc une excellente idée.

M. le ministre. Avis favorable également. Je rappelle que le Gouvernement prévoit d’allouer 1,5 milliard d’euros sur cinq ans, soit 300 millions d’euros par an, à la formation de ses agents publics, dans le cadre du plan formation de Muriel Pénicaud.

La commission adopte l’amendement.

 

Puis elle adopte l’article 40 modifié.

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Après l’article 40

La commission est saisie de l’amendement CS410 de M. Jean-François Eliaou.

M. Jean-François Eliaou. Je retire cet amendement pour en retravailler la rédaction d’ici à la séance publique. Sur le fond, il vise à faire appel à la Cour des comptes pour assurer l’évaluation financière de l’application de certains articles du projet de loi.

L’amendement est retiré.

Elle aborde l’amendement CS113 de M. Patrick Hetzel.

M. Frédéric Reiss. L’article 55 du code civil prévoit que les déclarations de naissance sont faites dans les trois jours après l’accouchement, à l’officier d’état civil du lieu. Le non-respect du délai de déclaration, qui entraîne la saisine du tribunal de l’arrondissement dans lequel l’enfant est né, est une vraie source de difficultés pour nos concitoyens et une charge supplémentaire pour nos juridictions. Il paraît donc pertinent que le législateur fixe le délai légal de déclaration à trois jours ouvrés.

M. le rapporteur. Le lien entre cet amendement et le projet de loi n’est pas évident. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis. L’article 55 du code civil a été modifié : ce délai de trois jours a été porté à cinq jours.

M. Frédéric Reiss.  À la place des cinq jours, nous proposons de fixer le délai à trois jours ouvrés. Néanmoins,  je retire cet amendement.

L’amendement CS113 est retiré.

 

La commission en vient à l’amendement CS109 de M. Patrick Hetzel.

M. Frédéric Reiss. Cet amendement vise à préciser que les consommateurs sont obligatoirement informés de la présence de mercure dans les ampoules basse consommation par un pictogramme.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle est saisie de l’amendement CS175 de M. Patrick Hetzel.

M. Frédéric Reiss. Il est proposé de prévoir dans le code des douanes que les tribunaux administratifs connaissent de tout litige dont la cause réside dans une erreur ou une omission, quand le contribuable est de bonne foi.

M. le rapporteur. Bien qu’ayant lu et relu cet amendement, je ne l’ai toujours pas compris. Avis défavorable.

M. le ministre. Je crois comprendre que vous voulez confier au juge administratif la compétence en matière de sanctions douanières alors qu’elles relèvent du droit pénal. Votre amendement altèrerait profondément le caractère pénal de la mission des douaniers. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle examine l’amendement CS177 de M. Patrick Hetzel.

M. Frédéric Reiss. Cet amendement vise à modifier le code de procédure pénale pour prévoir que la victime doit être avisée par tout moyen de la date à laquelle l’affaire sera appelée à l’audience, même lorsqu’il n’a pas été fait appel de la décision dans le cadre de l’action civile.

M. le rapporteur. C’est un sujet très important mais il serait préférable d’en reparler lors de l’examen, au printemps prochain, du projet de loi de réforme de la procédure pénale. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS178, toujours de M. Patrick Hetzel.

 

La commission examine l’amendement CS181 de M. Patrick Hetzel.

M. Frédéric Reiss. Il est défendu : l’inflation législative est un problème unanimement constaté mais contre lequel la lutte est vite abandonnée.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur et du Gouvernement, la commission rejette l’amendement.

 

La commission passe à l’amendement CS180 de M. Patrick Hetzel.

M. Frédéric Reiss. Il est défendu.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur et du Gouvernement, la commission rejette l’amendement.

 

La commission examine l’amendement CS182 de M. Patrick Hetzel.

M. Frédéric Reiss. Il est défendu également.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis.

M. Jean-Paul Mattéi. Je trouve regrettable que nous examinions aussi vite des amendements de cette nature, par exemple sur la déclaration en ligne pour les associations. Certaines de ces propositions n’étaient pas moins bonnes que d’autres.

Mme la présidente Sophie Errante. C’est à M. Reiss de décider de la manière dont il défend ses amendements.

La commission rejette l’amendement.

 

Puis elle examine l’amendement CS183 de M. Patrick Hetzel.

M. Frédéric Reiss. Il est défendu.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur et du Gouvernement, la commission rejette l’amendement.

 

Elle examine, en présentation commune, les amendements CS665, CS677, CS648 et CS651 de M. Éric Pauget.

M. Éric Pauget. Ces quatre amendements sont issus des auditions que j’ai conduites à l’automne en tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur le tourisme. J’ai notamment entendu la plupart des organisations professionnelles du secteur, qui m’ont transmis un certain nombre de demandes que j’ai traduites dans le rapport pour avis sur le tourisme ainsi que dans une proposition de loi. J’en ai retenu dans ces amendements toutes les mesures de simplification et d’allégement du cadre législatif, réglementaire et normatif qui s’applique au secteur du tourisme.

L’amendement CS665 vise à simplifier les règles afférentes au régime des péremptions des licences. L’amendement CS677 vise à supprimer un article obsolète du code de la santé qui concerne les débits de boisson détruits par les événements de guerre. L’amendement CS648 correspond à une demande forte de la plupart des organisations professionnelles qui souhaitent que pour toute nouvelle norme réglementaire ajoutée au code du tourisme, au moins deux normes équivalentes soient supprimées. Les entreprises du tourisme, en effet, sont soumises à une cinquantaine de nouvelles normes chaque année depuis une dizaine d’années. Enfin, l’amendement CS651 vise à répondre au souhait des organisations professionnelles du tourisme d’être associées en amont à l’élaboration de toute nouvelle norme.

M. le rapporteur. Ces amendements visant à simplifier la vie des entreprises du secteur du tourisme sont importants. Il me semblera opportun d’en débattre lors de l’examen du projet de loi sur la croissance et la transformation des entreprises, qui comportera notamment un ensemble de mesures de simplification. Je vous propose donc de les retirer aujourd’hui en vous appelant à les redéposer dans ce texte à venir.

M. le ministre. Même avis.

M. Éric Pauget. Je les maintiens tout de même, mais je prends note de la remarque du rapporteur et les présenterai à nouveau lors du débat sur ce prochain projet de loi.

La commission rejette successivement les amendements CS665, CS677, CS648 et CS651.

 

Elle passe à l’amendement CS567 de M. Mohamed Laqhila.

M. Mohamed Laqhila. Cet amendement vise à abroger plusieurs articles de la loi Hamon de 2015, qui nous semblent très lourds. Il est vrai que cette loi était généreuse mais elle présente aujourd’hui plusieurs problèmes. En effet, la loi Hamon oblige toute entreprise de moins de 250 salariés à informer chacun d’entre eux d’une cession éventuelle afin qu’ils puissent proposer une offre de reprise. En cas de non-respect de cette obligation d’information, la justice peut être saisie par un salarié et aller jusqu’à ordonner l’annulation de la vente de l’entreprise. Certes, la loi Macron a atténué ce texte ; le Conseil constitutionnel, quant à lui, a estimé qu’il portait une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre. Par ailleurs, le droit de propriété et à la confidentialité face à la concurrence sont gravement remis en cause. Nos entreprises ont besoin de souplesse et d’allégement des normes et des charges, et non de contraintes lorsqu’elles se trouvent en difficulté. C’est pourquoi l’amendement vise à supprimer les dispositions concernées, qui alourdissent les processus de cession de fonds de commerce et autres entreprises, afin de faire confiance aux chefs d’entreprise qui proposent une vente.

M. le rapporteur. Je partage tout à fait votre point de vue, monsieur Laqhila. Lors de la concertation préalable à l’élaboration du projet de loi sur la croissance et la transformation des entreprises, j’ai présenté plusieurs propositions dont celle que vous venez de formuler, à laquelle j’adhère pleinement car le dispositif en question ne fonctionne pas. C’est donc à l’occasion de l’examen de ce futur projet de loi que nous pourrons avoir ce débat important. En attendant, je vous propose de retirer cet amendement.

M. le ministre. Avis défavorable.

M. Jean-Paul Mattéi. Cette disposition est en effet une source de complexité abondante. L’amendement présenté plus tôt sur les bénéficiaires effectifs en matière de distribution, alors qu’il existe là aussi une véritable usine à gaz que nous n’avons pas su anticiper, n’a pas non plus été adopté. Ces deux difficultés sont pourtant réelles pour les entrepreneurs et nécessitent une simplification. Le respect du délai d’entrave va de soi pour les entreprises dotées d’un comité d’entreprise mais pour les très petites entreprises, c’est une catastrophe.

M. Mohamed Laqhila. J’ajoute que les entreprises attendent des amendements de cet ordre, et qu’il n’y a pas lieu de différer leur adoption en perdant encore davantage de temps.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle examine l’amendement CS817 de M. Boris Vallaud.

M. Marietta Karamanli. Cet amendement, le dernier du projet de loi, vise à insérer un article additionnel après l’article 29 de la loi portant droits et obligations des fonctionnaires afin de préciser que lorsque la faute commise par un agent public n’est pas détachable de ses fonctions, sa responsabilité civile ne peut être engagée, à l’exception des erreurs manifestes d’appréciation. Nous souhaitons renforcer la sécurité juridique des agents publics, étant entendu que l’amendement ne vise surtout pas à créer une quelconque immunité ou irresponsabilité, en excluant de cette protection les erreurs manifestes d’appréciation. Le but n’est que d’apporter une protection méritée aux agents publics, comme les auditions que nous avons tenues en ont fait apparaître la nécessité.

M. le rapporteur. Cet amendement soulève la question importante du droit à l’erreur de l’administration, alors que nous venons de l’adopter pour les citoyens. Il est important que les agents administratifs se sentent soutenus dans leurs missions ; nous devons pour ce faire leur envoyer des messages clairs pour leur dire qu’ils ont eux aussi droit de prendre des initiatives – surtout en faveur des administrés – et de faire valoir le bon sens, comme l’évoquait M. le ministre pendant la discussion générale. Cet amendement va donc dans la bonne direction. Les services de l’administration nous indiquent néanmoins qu’il faut examiner la question plus en détail, car l’adoption de cet amendement supposerait une modification du droit de la fonction publique et entraînerait peut-être quelques effets de bord. Je suis cependant très favorable à la philosophie qui l’inspire. Je vous propose donc de le retirer pour le redéposer en séance afin que le débat ait lieu ; d’ici là, nous vérifierons les éventuels effets de la proposition, à laquelle je suis favorable sur le fond.

M. Philippe Gosselin. Cet amendement soulève en effet une question à laquelle le rapporteur a commencé de répondre. La jurisprudence du Conseil d’État est riche sur ce sujet : sans remonter à l’arrêt Époux Lemonnier de 1918, je ne citerai que l’arrêt de principe du 13 janvier 2017 qui précise un certain nombre d’éléments, et avec lequel il est possible que l’amendement se téléscope. Cette proposition intéressante qui mérite d’être débattue pourrait donc entraîner de profondes conséquences et doit être examinée attentivement.

M. le ministre. Je partage l’avis du rapporteur. J’ajoute qu’il serait préférable de retirer l’amendement pour le redéposer en séance car, dans l’intervalle, je m’engage avec M. Dussopt à consulter les organisations syndicales de la fonction publique, ce qui n’a pas encore été fait – ce qui ne signifie pas qu’il faille absolument suivre tous leurs avis – afin de recueillir leur point de vue sur cette proposition intéressante si l’on veut donner l’initiative aux agents publics – la protection fonctionnelle étant différente. Je propose donc le retrait de cet amendement afin que nous en débattions de nouveau en séance avec l’esprit plus avisé sur le code de la fonction publique et le point de vue des organisations syndicales.

Mme Marietta Karamanli. Je remercie le rapporteur et le ministre pour l’attention portée à cet amendement. Je précise que cet amendement a été élaboré suite aux discussions avec les représentants de la fonction publique. Je le retire afin que nous puissions utilement y retravailler ensemble.

L’amendement CS817 est retiré.

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Article 41 (nouveau)
Participation des parties prenantes à lévaluation de la loi

Le présent article est issu d’un amendement de votre rapporteur. Il a pour objet d’inviter le Gouvernement à avoir recours à des dispositifs de participation des parties prenantes pour l’évaluation de la douzaine d’expérimentations prévues par ce projet de loi. Les résultats de ces évaluations seront présentés au Parlement, ainsi que le prévoient les différents articles du projet de loi.

La relation de confiance entre l’administration et les usagers que ce projet entend contribuer à améliorer ne peut, en effet, se bâtir qu’avec la participation de ces derniers. Trop souvent, les évaluations qui sont conduites, par le Parlement ou par le Gouvernement, se limitent à recueillir l’avis des parties prenantes. Il convient de changer de paradigme et de faire participer directement ces parties prenantes – professionnels, entreprises, usagers, experts – à l’évaluation des politiques publiques qui les concernent.

Le Conseil de la réforme sera naturellement très attentif à l’évaluation de ces expérimentations.

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La commission adopte l’amendement CS923 du rapporteur.

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Article 42 (nouveau)
Participation des parties prenantes à lélaboration des ordonnances prévues par la loi

Selon la même logique que l’article précédent, le présent article a pour objet de prévoir une participation des parties prenantes à l’élaboration des ordonnances les concernant.

S’il n’est pas question que le Parlement se dessaisisse de sa compétence législative au profit de tiers, ce qui serait naturellement contraire à l’article 38 Constitution, qui ne prévoit cette délégation qu’au profit du Gouvernement, cet article a pour objet d’inscrire clairement dans la loi le principe d’une consultation très étroite des parties interessées, selon une méthode qui reste à définir. Le Conseil de la réforme sera naturellement très attentif à la mise en œuvre concrète du présent article.

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*     *

Puis elle examine l’amendement CS924 du même auteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à associer les parties prenantes à l’élaboration des ordonnances prévues par le projet de loi.

M. le ministre. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

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Article 43 (nouveau)
Remise au Parlement dun rapport du Gouvernement sur lapplication du principe selon lequel le silence de ladministration vaut acceptation

Adopté à l’initiative de M. Julien Aubert et de plusieurs députés du groupe Les Républicains, le présent article demande au Gouvernement un rapport sur l’application du principe selon lequel le silence de l’administration vaut acceptation et sur les moyens mis en œuvre pour le généraliser sans exception.

La loi n° 2013-1005 du 12 novembre 2013 habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens a consacré ce principe : il est désormais codifié à l’article L. 231-1 du code des relations entre le public et l’administration qui dispose que « le silence gardé pendant deux mois par ladministration sur une demande vaut décision dacceptation ».

Or, et cela a été évoqué à de nombreuses reprises au cours des débats de la commission spéciale, ce principe, simple et utile pour les usagers, particuliers comme entreprises, souffre de très nombreuses exceptions – 1 300 environ – qui rendent son application incompréhensible, voire totalement privée d’utilité.

Ce rapport doit être l’occasion d’avoir un débat très large sur l’application de ce principe et de réfléchir aux conditions de son extension.

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*     *

La commission étudie ensuite l’amendement CS17 de M. Julien Aubert.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement tend à demander un rapport sur l’application du principe, adopté en 2013 pour simplifier les relations entre l’administration et les citoyens, selon lequel le silence de l’administration vaut acceptation. Désormais, le silence gardé pendant deux mois par l’administration vaut décision d’acceptation mais plusieurs exceptions au principe ont été définies par voie réglementaire, qui vident le principe de son utilité dans certains cas. Le rapport demandé portera non seulement sur l’application du principe mais aussi sur ces exceptions.

M. le rapporteur. Il est effectivement temps de mettre un terme aux exceptions à cet excellent principe. Nous avons pris différentes mesures dans ce texte de loi qui iront dans le même sens, telles que la généralisation du rescrit ou l’obligation, imposée à l’administration, de donner un délai de réponse pour chaque rescrit. Avis favorable.

M. le ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la commission.

La commission adopte l’amendement.

 

La commission adopte l’ensemble du projet de loi modifié.

 

 


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   Liste des personnes auditionnÉes

(Les comptes rendus et les liens vidéos de ces auditions sont consultables sur le site de l’Assemblée nationale à l’adresse : http://assnat.fr/SclM9Y )

I.- Auditions par la commission spéciale :

Table ronde réunissant des représentants de think tanks :

Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (Fondation iFRAP) :

M. Samuel-Frédéric Servière

Fondation Jean Jaurès :

M. Pierre Bauby, directeur de l’Observatoire de l’action publique

Table ronde réunissant des représentants dorganisations syndicales de la fonction publique :

Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) Fonctions publiques :

M. Luc Farré, secrétaire général

Mme Isabelle Laborde, conseillère nationale

Solidaires Fonction Publique :

M. Denis Turbet-Delof, délégué général

Mme Evelyne Ngo, déléguée adjointe

Mme Gaëlle Martinez, déléguée adjointe

Confédération française démocratique du travail (CFDT) Fonctions publiques :

Mme Mylène Jacquot, secrétaire générale

M. Martial Crance, secrétaire général adjoint

M. Denis Gregoire, secrétaire général de la CFDT Finances

Fédération autonome de la fonction publique territoriale (FA-FP) :

M. Pascal Kessler, secrétaire général (versant territorial), membre du Conseil commun de Fonction publique et du Conseil supérieur de la Fonction publique territoriale

M. Éric Labourdette, secrétaire général (versant hospitalier), membre du Conseil commun de Fonction publique

M. Laurent Diez, secrétaire général du Syndicat national des personnels techniques, scientifiques et des bibliothèques de l’enseignement supérieur, de la recherche et de la culture (SNPTES) (versant État)

Confédération française des travailleurs chrétiens – Fédération des agents de lÉtat (CFTC-FAE) :

M. Hervé Macou-Pisseu, secrétaire national CFTC Police

Lien vidéo : http://assnat.fr/tRer8v

M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, accompagné de :

M. Alexandre Brugère, conseiller

M. Mathieu Lefevre, conseiller parlementaire

Direction des affaires juridiques (DAJ) :

Mme Laure Bedier

Mme Agnès Karbouch

Mme Morgane Fretault

Douanes :

M. Michel Baron

Agriculture :

Mme Isabelle Tison

Direction générale des finances publiques (DGFiP) :

M. Jean-Luc Barçon-Maurin

Ministères sociaux :

M. Xavier Monlaü

Ministère de la cohésion des territoires (MCT)/Ministère de la transition écologique et solidaire (MTES) :

M. Julien Boucher

M. Arnaud Schaumasse, chef du bureau central des cultes

Lien vidéo : http://assnat.fr/tRer8v

M. Jean-Pierre Duport, ancien préfet

M. Jacques Toubon, défenseur des Droits, accompagné de :

M. Marc Loiselle, conseiller après de la directrice de la protection des droits et des affaires publiques

Mme France de Saint-Martin, attachée parlementaire

Direction interministérielle de la transformation publique (DITP) :

M. Thomas Cazenave, délégué interministériel

Lien vidéo : http://assnat.fr/3O3Vy3

M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics, accompagné de :

M. Christophe Guerin-Linxe

M. Mathieu Lefevre

M. Alexandre Brugere

Direction des Affaires juridiques (DAJ) :

Mme Agnès Karbouch, sous-directrice du droit public et du droit européen et international

Mme Iliada Lipsos, adjointe au chef du bureau du droit public général et constitutionnel

Mme Marjorie Bruneau, consultante au bureau du droit public général et constitutionnel

Direction générale de ladministration et de la fonction publique (DGAFP) :

Mme Caroline Lemasson, adjointe au chef du bureau du statut général, de la diffusion du droit et du dialogue social, sous-direction de la synthèse statutaire, de la gouvernance et des partenariats

Mme Florence Cayla, adjointe au sous-directeur de la synthèse statutaire, de la gouvernance et des partenariats

Direction générale des finances publiques (DGFiP) :

M. Bruno Parent, directeur

Mme Maïté Gabet, chef du service du contrôle fiscal

M Edouard Marcus, chef du service juridique

Lien vidéo : http://assnat.fr/qqeTDj

II.- Auditions conduites par le rapporteur :

Autorité des marchés financiers (AMF) :

Mme Natasha Cazenave, secrétaire générale adjointe, direction de la régulation et des affaires internationales

M. François-Régis Benoîs, directeur de division, régulation des sociétés cotées

Mme Laure Tertrais, directrice des affaires juridiques

Association dentraide des usagers de ladministration des services publics et privés (ADUA) :

M. Sylvain Moraillon, président

Comité consultatif du secteur financier (CCSF) :

Mme Corinne Dromer, présidente

M. Emmanuel Constans, ancien président

Réseau de transport délectricité (RTE) :

Mme Claire Grandet, directrice département concertation et environnement

Mme Stella Citi, direction juridique

Mme Aurore Gillman, chargée des affaires maritimes

France Nature Environnement (FNE) :

M. Emmanuel Wormser, membre du réseau juridique

Mme Morgane Piederriere, responsable du plaidoyer

Syndicat énergies renouvelables (SER) :

M. Jean-Louis Bal, président

M. Alexandre Roesch, délégué général

Mme Marion Lettry, déléguée générale adjointe

Mme Delphine Lequatre, responsable du service juridique

M. Alexandre de Montesquiou, consultant d’Ai2p

France énergie éolienne :

M. Matthieu Monnier, responsable du pôle industrie, offshore, technique et territoires

M. Jean-François Petit, vice-président de la commission offshore

Direction générale de la prévention des risques du ministère de lécologie et du développement durable (DGPR) :

M. Marc Mortureux, directeur général de la prévention des risques

M. Philippe Merle, chef du service des risques technologiques

M. Guillaume Poitrinal, ancien président du Comité de simplification, et M. Thierry Mandon, ancien secrétaire dÉtat à la Réforme de lÉtat et à la Simplification

M. Pierre Pelouzet, Médiateur des entreprises, accompagné de

M. Nicolas Mohr, directeur général

Confédération des artisans du bâtiment (CAPEB) :

M. Henry Halna du Fretay, secrétaire général

M. Dominique Proux, directeur des relations institutionnelles et européennes

M. Alain Chouguiat, directeur du pôle économique

Table ronde :

URSSAF Île-de-France :

M. Philippe Renard, directeur

Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) :

M. Yann-Gaël Amghar, directeur général

M. Denis Le Bayon, directeur de la réglementation, du recouvrement et du contrôle,

Mme Estelle Denize, directrice des relations publiques

M. Serge Lasvignes, ancien secrétaire général du Gouvernement

Direction interministérielle du numérique et des systèmes dinformation de lÉtat (DINSIC) :

M. Perica Sucevic, conseiller juridique de M. Henri Verdier, directeur

Table ronde :

Mouvement des entreprises de France (MEDEF) :

Mme Joëlle Simon, directrice des affaires juridiques

Mme Emilie Martinez, directrice de mission à la direction de la protection sociale

Mme Isabelle Génoist, directrice de mission à la direction fiscalité

M. Jules Guillaud, chargé de mission à la direction des affaires publiques

Asssociation française des entreprises privées (AFEP) :

Mme Stéphanie Robert, directeur

Mme Laetitia de La Rocque, directeur des affaires fiscales

Confédération des Petites et Moyennes Entreprises (CPME) :

Mme Bénédicte Caron, vice-présidente en charge des affaires économiques

M. Lionel Vignaud, directeur des affaires économiques

Mme Sabrina Benmouhoub, chargée de mission affaires publiques et organisation

Conférence des présidents duniversités (CPU) :

M. Gilles Roussel, président, accompagné de

M. Bernard Saint-Girons, délégué général par interim

Mme Annie Edery-Cogan, chargée de mission juridique

Mme Claire-Anne David-Lecourt, chargée de mission regroupements et politiques de site

M. Karl Stoeckel, conseiller pour les relations avec le Parlement

Conseil supérieur du notariat (CSN) :

M. Damien Brac de la Perrière, directeur des affaires juridiques

Mme Christine Mandelli, chargé des relations avec les institutions

Direction de la sécurité sociale (DSS) :

M. Morgan Delaye, sous-directeur chargé du financement de la sécurité sociale M. Denis Darnand, chef du bureau du recouvrement des cotisations sociales

Mme Jennifer Bouaziz, sous-directeur

Assemblée permanente des Chambres dagriculture (APCA) :

M. Daniel Roguet, vice-président des Chambres d’agriculture France

M. Éric Collin, directeur « Entreprises et conseil »

M. Justin Lallouet, coordinateur des affaires publiques

M. Rodophe Gintz, directeur général des douanes et droits directs

Fédération nationale des Sociétés daménagement foncier et détablissement rural (Safer) (FN-SAFER) :

M. Emmanuel Hyest, président

Mme Muriel Gozal, directrice

Mme Sabine Agofroy, chargée des relations parlementaires

Conseil économique, social et environnemental (CESE) :

Mme Nicole Verdier-Naves, rapporteure des avis intitulés « L’évolution de la fonction publique et des principes qui la régissent »  et « Avant-projet de loi pour un État  au service d’une société  de confiance »

M. Michel Badre, rapporteur de l’avis intitulé « L’évolution de la fonction publique et des principes qui la régissent »

M. Jean Grosset, président de la commission temporaire

M. Jean-Philippe Mazaud, administrateur de la commission temporaire

Audition conjointe :

General Electric France

M. Raphaël Coin, ex-directeur fiscal

M. Hugh Bailey, directeur des affaires publiques

GRTgaz

M. Pierre Duvieusart, directeur financier

Mme Agnès Boulard, responsable des relations institutionnelles

Ministère de lintérieur  Direction de la modernisation et de laction territoriale (DMAT) :

M. Jean-Marc Galland, chef de la mission délivrance sécurisée des titres

M. François Pesneau, adjoint au directeur de la modernisation et de l’action territoriale

Ministère de lintérieur  Direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ)

Mme Séverine Reymund, chef du bureau des titres d’identité et de voyage

M. Arnaud Schaumasse, chef du bureau central des cultes

M. Ludovic Guinamant, adjoint au sous-directeur des libertés publiques

Cabinet de M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation :

Mme Sophie Delaporte, directrice de cabinet

Mme Amélie Le Floch, cheffe de cabinet adjointe et conseillère parlementaire

M. Olivier Cunin, conseiller filières animales, pêche et performance sociale

Mme Fabienne Labolez, directrice des affaires juridiques (SAJ), ministère de l’agriculture et de l’alimentation

Mme Catherine Geslain-Laneelle, directrice générale, Direction de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE) – ministère de l’agriculture et de l’alimentation

M. Rik Vandererven, adjoint au sous-directeur à la Sous-direction Performance environnementale et valorisation des territoires (DGPE), ministère de l’agriculture et de l’alimentation

M. Alain Tridon, chef du service des Actions Sanitaires en Production Primaire (SASPP)

UFC-Que Choisir :

M. Nicolas Mouchnino, chargé de missions responsable des études énergie et environnement

Mme Alice Jubeau, chargée de mission relations institutionnelles

Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) :

M. Jean-Louis Nadal, président

Mme Alice Bossière, secrétaire générale adjointe

M. Yann Adusei, adjoint du pôle communication et relations institutionnelles

 

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*     *


([1])  La composition de cette commission spéciale figure au verso de la présente page.

([2])  « La loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental. »

([3]) Conseil national d’évaluation des normes, séance du 9 novembre 2017, Délibération n° 17-11-09-01510.

([4]) Les comptes rendus des auditions de la commission spéciale sont disponibles à l’adresse :http://www2.assemblee-nationale.fr/15/autres-commissions/commissions-speciales/commission-speciale-chargee-d-examiner-le-projet-de-loi-pour-un-etat-au-service-d-une-societe-de-confiance/(block)/46371

([5])  Arrêt n° 335033, 23 décembre 2011.

([6]) Mattias Guyomar, Les sanctions administratives, LGDJ, 2014.

([7]) Jean-Marie Delarue, « Actualité de la problématique de la sanction administrative », AJDA, 20 octobre 2001.

([8]) Mattias Guyomar, op. cit., p. 173.

([9]) Pour ne citer que quelques exemples : La mauvaise foi est retenue lorsque le contribuable s’est abstenu de toute déclaration de plus-value, circonstance à rapprocher de l’importance des sommes en cause et des responsabilités exercées par l’intéressé au sein de la société dont il a cédé les titres (Conseil d’État, 16 juillet 2014) ; en raison du caractère répété d’importantes omissions de recettes (Conseil d’État, 3 novembre 1989) ; eu égard à l’activité du redevable qui exerce la profession d’expert-comptable (Conseil d’État, 24 novembre 1976).

([10]) Avis du Conseil économique, social et environnemental sur l’avant-projet de loi pour un État au service d’une société de confiance, par Nicole Verdier Naves, 27 novembre 2017, p. 12.

([11]) Article L. 100-1 du code des relations entre le public et l’administration.

([12]) Par exemple, pour le bénéfice de prestations sociales (RSA, allocations familiales, pension de retraite, etc.) ou pour le calcul des cotisations ou contributions sociales d’un travailleur indépendant.

([13]) J.M Rebière et J.P. Weis, La stratégie dorganisation à cinq ans de ladministration territoriale de l’État, juillet 2013.

([14]) Mission d’évaluation portant sur les contrôles administratifs exercés sur les entreprises individuelles, rapport conjoint de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires sociales, septembre 2014.

([15]) Op. cit., p, 36

([16]) Articles L. 13 C et L. 13 CA du livre des procédures fiscales.

([17]) Avis CE n° 239693 12 avril 2002, SA Financière Labeyrie.

([18]) Pour l’impôt sur le revenu, le point de départ de l’intérêt de retard est fixé au 1er juillet de l’année suivant celle au titre de laquelle l’imposition est établie.

([19]) L’article 1728 du code général des impôts prévoit l’application d’une majoration de 10 % en cas de retard ou de défaut de déclaration.

([20]) Les articles 1730 et suivants du code général des impôts prévoient des majorations de 10 % ou 5 % selon les impôts en cas de défaut ou de retard de paiement.

([21]) Article 12 du livre des procédures fiscales.

([22]) Loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 modifiant les procédures fiscales et douanières.

([23]) BOI-CF-PGR-30-20-20120912

([24]) Dans la pratique, la demande doit être formulée au plus tard lors de la réunion de synthèse.

([25]) « Améliorer la sécurité juridique des relations entre l’administration fiscale et les contribuables ; une nouvelle approche », rapport de M. Olivier Fouquet, président de section au Conseil d’État, au ministre du budget des comptes publics et de la fonction publique (juin 2008).

([26]) Loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique.

([27]) Lois des 6 et 22 août 1791 relative à lexécution du tarif des droits dentrée et de sortie dans les relations du Royaume avec létranger.

([28]) Crim. 30 juin 1820: Recueil Devilleneuve et Carette, tome 6, p. 266.

([29]) Améliorer la sécurité juridique des relations entre l’administration fiscale et les contribuables : une nouvelle approche, juin 2008.

([30]) Co-operative compliance : a framework – from enhanced relationship to co-operative compliance, OCDE, 2013.

([31]) Parmi elles, certaines entités du groupe BPCE, Feel Europe Group, GRT gaz (groupe GDF Suez), certaines entités du groupe General Electric, Viessmann, Sinequa, SA Vicar.

([32]) Les thèmes les plus souvent révisés ont été la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), le crédit d’impôt recherche (CIR), la politique fiscale intragroupe et la contribution économique territoriale (CET).

([33]) Réponse du Gouvernement au questionnaire de votre rapporteur.

 

([34]) Conseil d’État, 11 décembre 1970, Crédit foncier de France.

([35]) Conseil d’État, 4 février 2015, ministre de l’Intérieur c/ M. Cortes Ortiz.

([36]) Conseil d’État, 18 décembre 2002, Mme Duvignières.

([37]) Conseil d’État, 3 février 2011, Association La Cimade et autres.

([38]) Les études du Conseil d’État, Le rescrit, sécuriser les initiatives et les projets, 14 novembre 2013, p. 20.

([39]) Thierry Mandon, rapport au Premier ministre, Mieux simplifier, « La simplification collaborative », juillet 2013, p. 40.

([40]) Loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 modifiant les procédures fiscales et douanières.

([41]) Ordonnance n° 2005-651 du 6 juin 2005 relative à la garantie des droits des cotisants dans leurs relations avec les organismes de recouvrement des cotisations et contributions sociales.

([42]) Ordonnance n° 2015-1628 du 10 décembre 2015 relative aux garanties consistant en une prise de position formelle, opposable à l’administration, sur l’application d’une norme à la situation de fait ou au projet du demandeur.

([43]) Loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives.

([44]) Compte tenu de la multiplicité des autorités productrices de normes, au niveau fédéral, les administrés peuvent consulter l’administration compétente sur l’interprétation de la loi applicable à leur situation. Les réponses engagent de manière préventive les départements exécutifs ainsi que les agences de régulation.

([45]) Les études du Conseil d’État, Le rescrit, sécuriser les initiatives et les projets, 14 novembre 2013,

([46]) Alain Lambert et Jean-Claude Boulard, Rapport de la mission de lutte contre l’inflation normative, 27 mars 2013.

([47]) Où va la normalisation ?  En quête dune stratégie de compétitivité respectueuse de lintérêt général, rapport d’information de Mme Élisabeth Lamure, fait au nom de la commission des affaires économiques du Sénat, déposé le 12 juillet 2017.

([48]) L’article L. 410-1 du code de l’urbanisme précise ainsi : « Lorsquune demande dautorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance dun certificat durbanisme, les dispositions durbanisme, le régime des taxes et participations durbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels quils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à lexception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique. »

([49]) Selon l’article 2044 du code civil, « la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit. »

([50]) Créé par le décret révolutionnaire du 21 juillet 1790, l’agent judiciaire de l’État a le monopole de la représentation de l’État devant les tribunaux judiciaires pour le recouvrement des créances de l’État. Depuis 1998, cette fonction est assurée par le directeur des affaires juridiques des ministères financiers.

([51]) Préambule de la Convention de Genève du 23 novembre 1923.

([52]) L’article 345 bis du code des douanes a été créé par l’ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l’harmonisation et l’aménagement du régime des pénalités.

([53]) CE 2 déc. 2016, no 387613.

([54]) Article 50 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008.

([55]) DGDDI – résultats 2016, page 21.

([56]) La composition de ce collège est définie à l’article A80 CB-3-4 du livre des procédures fiscales.

([57]http://www.igf.finances.gouv.fr/files/live/sites/igf/files/contributed/IGF%20internet/2.RapportsPublics/2014/2014-M-036.pdf

([58]http://www.modernisation.gouv.fr/sites/default/files/epp/epp_controle-entreprises_rapport_cgedd-cgeiet.pdf

([59]) « Pour le Fisc et les Urssaf notamment, les contrôleurs viennent un jour par semaine ou vont revenir, après un premier passage, un mois plus tard pour une séance de deux heures et sont susceptibles de se manifester périodiquement quelques heures de nouveau. Ces séances intermittentes, dont les entreprises ne connaissent pas la fin, apparaissent, du fait de leur rythme décousu, perturbantes, notamment pour les PME. »

([60]) Initialement prévu à l’article 92 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982, le rôle du médiateur du cinéma est désormais codifié à l’article L. 213-2 du code du cinéma et de l’image animée

([61])  Décision n° 953157SJUR du 30 novembre 1995 relative à la fonction de médiateur du CNRS

([62]) http://www.securite-sociale.fr/IMG/pdf/cogcnaf2005-08.pdf

([63]) Chaque caisse réalise un bilan de son activité de médiation dans son rapport annuel. On compte ainsi environ 708 saisines pour la CAF Seine-Saint-Denis en 2015.

([64]) Si l’essentiel des opérations de recouvrement des recettes de la Sécurité sociale sont assurées par les 22 URSSAF régionales, d’autres organismes assurent également la collecte des cotisations et contributions sociales : il s’agit notamment des caisses générales de sécurité sociale des départements d’outre-mer, de la caisse de sécurité sociale de Mayotte et de la caisse commune de sécurité sociale du département de la Lozère.

([65]) « Pour un nouveau mode de relations URSSAF/ Entreprises » Rapport parlementaire au ministre des Finances et des Comptes publics, à la ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes et au Secrétaire d’État chargé de la Réforme de l’État et de la Simplification, p. 43. http://www.wk-rh.fr/actualites/upload/rapport-parlementaire-relations-urssaf-entreprises-mai2015.pdf .

([66]) Rapport du médiateur de l’URSSAF Ile-de-France 2016.

([67]) Ibid.

([68]) Étude d’impact annexée au présent projet de loi, p. 100.

([69]) C’est le cas pour les prestations versées par les branches maladie et vieillesse (Art. L. 323-5, L. 355-2 et L. 433-3 du code de la sécurité sociale) ainsi que pour celles versées par Pôle Emploi (art. L. 5428-1 du code du travail)

([70]) Instruction technique du 25 septembre 2015 DGPE/SDPE/2015-823 : https://info.agriculture.gouv.fr/gedei/site/bo-agri/instruction-2015-823

([71]) https://www.senat.fr/rap/r15-733/r15-7331.pdf

([72]) http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rap-info/i3064.pdf.

([73]) https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/17-chambres-agriculture-Tome-1.pdf

([74]) http://www.keepeek.com/Digital-Asset-Management/oecd/governance/eliminer-la-paperasserie_9789264100701-fr#.Wh_ZzGdA4fQ#page1

([75]) Les personnes habitant chez un proche, hébergées dans un hôtel ou une caravane, ou encore sans domicile fixe, doivent produire d’autres types de documents.

([76]) Pour la carte d’identité, la liste des documents est précisée par l’article 2 du décret n° 55-1397 du 22 octobre 1955 modifié et, pour le passeport, par l’article 6 du décret n° 2005-1726 du 30 décembre 2005 modifié.

([77]) API : application programming interface, c’est-à-dire interface de programmation applicative, qui permet à un logiciel d’offrir des services à un autre logiciel.

([78]) Article L. 2122-32 du code général des collectivités territoriales

([79]) Article 48 du code civil.

([80]) Article 3 de la loi n° 91-772 du 7 août 1991 relative au congé de représentation en faveur des associations et des mutuelles et au contrôle des comptes des organismes faisant appel à la générosité publique.

([81]) https://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/2016/03/2/2016-072_simplification_COMUE_682032.pdf

([82]) Initiatives d’excellence.

([83]) Initiatives Science-Innovation-Territoires-Économie.

([84]) Chiffres-clefs 2017 de la CNSA http://www.cnsa.fr/documentation/1709_cnsa_chiffrescles_2017_exe2_bd.pdf ( les trois formes de handicap citées sont le ressenti du handicap qui concerne 2 millions de personne, la limitation fonctionnelle qui touche 2,7 millions de personne et la reconnaissance administrative qui concerne 2,4 millions de personnes ; en tout ce sont 4,6 millions de personnes qui présentent une forme de handicap dans notre pays)

([85]) Association Française des Aidants, « La santé des aidants : un enjeu de santé publique ! », 2015

([86]) Baluchon Alzheimer est une marque déposée, ce qui explique que l’on préfère évoquer le terme de « relayage ».

([87]) Le « relayeur » ou « baluchonneur » n’a donc pas vocation à remplacer les aides à domicile et soins infirmiers déjà mis en place.

([88]) Joëlle Huillier, Du baluchonnage québécois au relayage en France : une solution innovante de répit. Rapport remis le 22 mars 2017 à la Secrétaire d’Etat chargée des Personnes âgées et de l’Autonomie.

([89]) Conseil d’État, Le rescrit : sécuriser les initiatives et les projets, 14 novembre 2013.

([90]) Décision n° 93-335 DC du 21 janvier 1994.

([91]) Loi n° 2011-940 du 10 août 2011 modifiant certaines dispositions de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

([92]) Loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.

([93]) Étude précitée, p. 71.

([94]) Article L. 314-6 du code de la consommation.

([95]) Directive 2008/48/CE concernant les contrats de crédit aux consommateurs.

([96]) Directive 2014/17/UE sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel.

([97]) Article 32 de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l’initiative économique et article 7 de la loi
n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises.

([98])  Rapport de l’Observatoire du financement des entreprises sur la lisibilité des tarifs des produits de financement utilisés par les TPE, remis aux ministres des finances et de l’économie en juillet 2016 –
page 33.

([99]) L’article R. 314-2 du code de la consommation exige une précision « d’au moins une décimale ».

([100]) Un “accord de place” peut prendre la forme d’un protocole, d’une charte ou d’une norme professionnelle, discuté et accepté par les parties prenantes.

([101]) European securities and markets authority.

([102]) Il s’agit des sociétés ne dépassant pas 2 des 3 seuils suivants : total du bilan de 350 000 euros, montant net du chiffre d’affaires de 700 000 euros et nombre moyen de salariés employés au cours de l’exercice de 10.

([103]) Directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/CE et 2003/30/CE.

([104]) La consommation finale brute d’énergie correspond aux produits énergétiques fournis à des fins énergétiques à l’industrie, aux transports, aux ménages, aux services, à l’agriculture, à la sylviculture et à la pêche, (cf. arrêté du 17 janvier 2012 relatif aux définitions de la directive 2009/28/CE).

([105]) Cf. Commissariat général au développement durable, Les énergies renouvelables en France en 2015, août 2016.

([106]) Cf. Éditions législatives, fascicule « Énergies renouvelables » du Dictionnaire Permanent Environnement et nuisances, paragraphe 34.

([107]) Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 de transition énergétique pour la croissance verte.

([108]) Cf. article 3 du décret n° 2016-1442 du 27 octobre 2016 relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie.

([109]) L’article R. 311-4 du code de justice administrative confie le contentieux concernant certaines décisions relatives aux installations de production d’énergie renouvelable en mer à la cour administrative d’appel de Nantes, qui statue en premier et dernier ressort.

([110]) Informations fournies par le ministère de la Transition écologique et solidaire.

([111]) Étude d’impact du projet de loi, p 214.

([112]) Définie par les articles L 311-10 et suivants et les articles R. 311-13 et suivants du code de l’énergie.

([113]) Cf. article R. 311-12 du code de l’énergie.

([114]) Définie par les articles L 311-10 et suivants et les articles R. 311-25-1 et suivants du code de l’énergie.

([115]) Ordonnance n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables.

([116]) Cf. article R. 311-12 du code de l’énergie.

([117]) Éditions législatives, fascicule « Énergies renouvelables » du Dictionnaire Permanent Environnement et nuisances, paragraphe 85.

([118]) Ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale.

([119]) Cf. articles L 181-1 et L. 181-2 du code de l’environnement.

([120]) L’article R. 214-1 du code de l’environnement prévoit que « les travaux d’aménagement portuaires et autres ouvrages réalisés en contact avec le milieu marin et ayant une incidence directe sur ce milieu » dont le montant est « supérieur ou égal à 1 900 000 euros » sont soumis à autorisation au titre de la législation sur l’eau prévue par les articles L. 214-1 et suivants du code de l’environnement.

([121]) En application des articles L 311-1 et R 311-7 du code de l’énergie, une telle autorisation est nécessaire pour les installations d’EMR d’une puissance supérieure à 50 MW.

([122]) Cf. articles L 181-1 et L. 181-2 du code de l’environnement.

([123]) Cf. article L. 181-2 du code de l’environnement.

([124]) Cf. article R. 181-12 et R. 181-13 du code de lenvironnement et annexe à larticle R. 122-2 du code de lenvironnement.

([125])  Cf. article R. 181-13, R. 181-15 et D. 181-15-8 du code de lenvironnement.

([126]) Cf. article R. 122-5 du code de l’environnement.

([127]) Articles L. 181-9 et L. 181-10.

([128]) Cf. articles L. 181-12, L. 181-3 et L. 181-4 du code de l’environnement.

([129]) Cf. articles L. 181-12 et L. 181-3 du code de l’environnement.

([130]) L’article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques précise que le domaine public maritime naturel de l’État comprend « le sol et le sous-sol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer ». Larticle 5 de lordonnance n° 2016-1687 du 8 décembre 2016 relative aux espaces maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction de la République française définit la mer territoriale comme « lespace maritime pouvant sétendre jusqu’à une distance de 12 milles marins au-delà des lignes de base.

([131]) Cf. article L. 2124-3, L. 2125-1 et R. 2124-1 du code général de la propriété des personnes publiques.

([132]) L’article 11 de l’ordonnance n° 2016-1687 du 8 décembre 2016 relative aux espaces maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction de la République française définit la zone économique exclusive comme un « espace maritime situé au-delà de la mer territoriale et adjacent à celle-ci » qui « ne peut s’étendre au‑delà de 200 milles marins des lignes de base ».

 L’article 14 de l’ordonnance indique que « le plateau continental comprend les fonds marins et leur sous-sol. Il s’étend, au-delà de la mer territoriale, sur toute l’étendue du prolongement naturel du territoire terrestre jusqu’au rebord externe de la marge continentale, ou jusqu’à 200 milles marins à partir des lignes de base définies à l’article 2 lorsque le rebord externe de la marge continentale se trouve à une distance inférieure ».

([133]) Ordonnance n° 2016-1687 du 8 décembre 2016 relative aux espaces maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction de la République française.

([134]) Loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

([135]) Cf. article 21 de l’ordonnance n° 2016-1687 du 8 décembre 2016 relative aux espaces maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction de la République française.

([136]) Cf. article 27 de l’ordonnance n° 2016-1687 du 8 décembre 2016 relative aux espaces maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction de la République française.

([137]) Étude d’impact, p .215.

([138]) Données de nature indicative fournies par le Ministère de la Transition écologique et solidaire fondées sur le retour d’expérience des industriels ayant déjà réalisé ces études et un débat public.

([139])  Loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement.

([140]) Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement.

([141]) Les réseaux publics d’électricité sont constitués par un ensemble de conducteurs et de postes électriques qui permettent d’acheminer l’énergie depuis les installations de production jusqu’aux installations de consommation. Les conducteurs sont les lignes aériennes ou les câblages souterrains desservant le territoire selon un schéma maillé ou arborescent. Les postes électriques sont situés aux nœuds du maillage ou de l’arborescence des conducteurs. Ils accueillent les transformateurs (pour le changement de niveau de tension), les organes d’aiguillage et de manœuvre des flux et les équipements de surveillance et de sécurité du réseau.

([142]) Cf. article L. 321-7 du code de l’énergie.

([143]) Cf. article L. 321-7 du code de l’énergie.

([144]) L’article L 342-12 prévoit que « lorsque le raccordement est destiné à desservir une installation de production à partir de sources d’énergie renouvelable et s’inscrit dans le schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables […] le producteur est redevable d’une contribution au titre du raccordement propre à l’installation ainsi qu’au titre de la quote-part définie dans le périmètre de mutualisation […] Cette quote-part est calculée en proportion de la capacité de puissance installée sur la puissance totale disponible garantie sur le périmètre de mutualisation. ».

([145]) Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.

([146]) Cf. article D. 321-12 du code de l’énergie.

([147]) Sauf en Corse, où il est adopté par délibération de lAssemblée de Corse (cf. article L. 222-1 du code de lénergie).

([148]) Cf. articles D. 321-20-1 et D. 321-20-3 du code de l’énergie.

([149]) Cf. article D. 321-20 du code de lénergie.

([150]) Cf. article D. 321-20-5 du code de l’énergie.

([151]) Un poste électrique est un élément du réseau électrique qui sert à la transmission et à la distribution d’électricité. Il permet d’élever la tension électrique pour sa transmission, puis de la redescendre en vue de sa consommation par les utilisateurs. Les postes renferment un certain nombre d’appareils électriques qui participent au bon fonctionnement du réseau comme les transformateurs (qui modifient la tension électrique à la hausse ou à la baisse), les disjoncteurs (qui protègent le réseau contre d’éventuelles surcharges et permettent de mettre des portions de circuit sous ou hors tension) et les sectionneurs (qui assurent la coupure visible d’un circuit électrique et aiguillent le courant dans le poste).

([152]) http://www.modernisation.gouv.fr/sites/default/files/epp/epp-entrepreneur-spectacles-vivants_rapport.pdf

([153]) http://www.modernisation.gouv.fr/sites/default/files/fichiers-attaches/entrepreneur-spectacles-vivants_etude.pdf

([154]) Directions régionales des affaires culturelles.

([155]) Ordonnance n° 2016-2018 du 27 juillet 2016 relative aux mesures de coordination rendues nécessaires par l’intégration dans le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, des schémas régionaux sectoriels mentionnés à l’article 13 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.

([156]) C’est-à-dire « dœuvres ou dorganismes dintérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, notamment à travers les souscriptions ouvertes pour financer lachat dobjets ou dœuvres dart destinés à rejoindre les collections dun musée de France accessibles au public, à la défense de lenvironnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises ».

([157]) Cf. arrêté du 17 janvier 2012, relatif aux définitions de la directive 2009/28/CE.

([158]) Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 de transition énergétique pour la croissance verte.

([159]) Cf. articles 3 et 4 du décret n° 2016-1442 du 27 octobre 2016 relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie.

([160]) Marianne Moliner-Dubost, Jurisclasseur administratif, Fascicule n° 370 « Droit minier », paragraphe 413.

([161]) L’article L. 124-3 du code minier exclut l’application du code miner à ces gîtes. De plus, le code minier n’est pas applicable aux activités et installations de géothermie qui utilisent les échanges d’énergie thermique avec le sous-sol, ne présentent pas d’incidences significatives sur l’environnement et sont définies par l’article 2 du décret n° 78-498 du 28 mars 1978 relatif aux titres de recherches et d’exploitation de géothermie (cf. article L. 112-1 du code minier).

([162]) L’article L. 112-2 du code minier dispose que « les gîtes géothermiques sont classés selon qu’ils sont à haute ou à basse température, selon des modalités fixées par voie réglementaire » et l’article 3 du décret n° 78-498 du 28 mars 1978 précise que « les gîtes géothermiques sont dits à haute ou à basse température selon que la température du fluide caloporteur, mesurée en surface au cours des essais du forage d’exploration, est soit supérieure, soit inférieure ou égale à 150°C. ».

([163]) Cf. articles L. 124-2, L. 122-3 et L. 142-1 du code minier et décret n° 2006-648 n° 2006-648 du 2 juin 2006 relatif aux titres miniers et aux titres de stockage souterrain.

([164]) Cf. article L. 124-4 du code minier.

([165]) Cf. article 18 du décret n° 78-498 du 28 mars 1978.

([166]) C’est-à-dire la préservation de la sécurité et de la salubrité publiques, de la solidité des édifices publics et privés, la conservation des voies de communication, de la mine et des autres mines, des caractéristiques essentielles du milieu environnant, terrestre ou maritime, la protection des espaces naturels et des paysages, de la faune et de la flore, des équilibres biologiques et des ressources naturelles, la conservation des intérêts de l’archéologie et des intérêts agricoles des sites et des lieux affectés par les travaux et les installations afférents à l’exploitation.

([167]) Cf. article L. 162-10 du code minier.

([168]) Cf. décret n° 2006-649 du 2 juin 2006.

([169]) Cf. articles L. 131-1, L. 132-2, L. 132-11, L. 134-2, L. 142-7 et L. 142-8 du code minier.

([170]) Cf. article L. 134-4 du code minier.

([171]) Cf. articles L. 134-8 et L. 142-11 du code minier.

([172]) Cf. article 18 du décret n° 78-498 du 28 mars 1978.

([173]) Cf. articles L. 162-3 et L. 162-10 du code minier.

([174]) Cf. décret n° 2006-649 du 2 juin 2006.

([175]) Premier rapport du groupe de travail sur les moyens de contrôle et d’évaluation, dans le cadre du rendez-vous des réformes, 13 décembre 2017.