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N° 609

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 31 janvier 2018

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LE PROJET DE LOI
 

relatif à l’élection des représentants au Parlement européen (n° 539),

 

 

PAR M. Alain TOURRET

Député

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Voir les numéros :

Assemblée nationale : 539 et 609.


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SOMMAIRE

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Pages

introduction.................................................. 5

I. LE DROIT EUROPÉEN LAISSE LES ÉTATS LIBRES DE DÉTERMINER LEURS CIRCONSCRIPTIONS ÉLECTORALES

A. Le PARLEMENT EUROPÉEN est élu, depuis 1979, au suffrage universel

B. EN DEHORS DE LA FRANCE, SEULS trois ÉTATS ÉLISENT LEURS DÉPUTÉS EUROPÉENS DANS PLUSIEURS CIRCONSCRIPTIONS

II. La création de huit circonscriptions interrégionales EN France S’EST SOLDÉE PAR UN ÉCHEC

A. La délicate élaboration de la réforme de 2003

B. La réforme de 2003 n’a pas amélioré la participation électorale

C. La réforme de 2003 n’a permis aucun ancrage territorial réel des députés européens

III. Le projet de loi doit rendre plus lisibles les modalités d’organisation des élections européennes en France

A. Le retour à une circonscription nationale unique emporte plusieurs modifications de conséquence du droit électoral

B. Les règles d’organisation de la campagne officielle doivent être mises en conformité avec la jurisprudence constitutionnelle

C. La faculté de mettre en place des listes transnationales est ménagée

D. Les autres dispositions du projet de loi initial

E. Les APPORTS DE la commission des Lois

Audition de Mme Jacqueline GOURAULT, ministre auprès du ministre D’ÉTAT, MINISTRE de l’Intérieur

Discussion générale

Examen des articles

Article 1er (art. 4 de la loi  77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen) Retour à une circonscription unique pour l’élection en France des représentants au Parlement européen

Article 2 (art. 19 de la loi  77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen) Règles d’organisation de la campagne officielle à la radio et à la télévision

Article 3 (art. 19-1 de la loi  77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen) Règles du plafonnement des dépenses électorales

Article 3 bis (nouveau) (art. 19-2 nouveau de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen) Transparence des dépenses électorales engagées par les partis en soutien d'une liste de candidats

Article 4 (art. 2, 3, 3-1, 9, 16, 20, 24-1 et 25 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen) Règles de constitution des listes

Article 5 (art. 26 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen) Application outre-mer

Article 6 Coordination avec les dispositions relatives aux incompatibilités

Après l’article 6

Article 7 Modalités d’entrée en vigueur

Titre

LISTE des personnes entendues

Partis politiques consultés par le rapporteur


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« La seule voie qui assure notre avenir, celle dont je veux vous parler aujourd'hui, c’est à nous, à vous de la tracer. C’est la refondation d’une Europe souveraine, unie et démocratique. Ayons ensemble l’audace de frayer ce chemin. »

Discours du Président de la République à la Sorbonne, 26 septembre 2017.

 

 

 

 

Mesdames, Messieurs,

 

L’ambition d’Emmanuel Macron pour l’Europe est grande et belle. Elle ravive les convictions de ceux qui, sur tous les bancs de l’Assemblée nationale et ailleurs, se battent depuis des décennies pour faire progresser l’idéal européen.

L’année 2019 constituera un moment important pour l’Union européenne, avec l’organisation, pour la neuvième fois depuis 1979, d’élections au suffrage universel direct pour désigner les représentants des citoyens au Parlement de Strasbourg.

Ce débat électoral doit être profitable au projet européen. Il ne doit pas être, encore une fois, confisqué par les polémiques nationales ou déprécié par le fléau de l’abstention qui sape, depuis trop d’années, les élections européennes.

Pour y parvenir, il est indispensable de remettre sur le métier les modalités d’organisation de ces élections dans notre pays. C’est ce que propose le Gouvernement avec le présent projet de loi, adopté en Conseil des ministres le 3 janvier 2018, renvoyé à la commission des Lois et dont s’est saisie, pour observations, la commission des Affaires européennes ([1]).

Les procédures d’élection du Parlement européen sont, en effet, régies à la fois par la législation européenne, qui fixe des principes communs, et par des dispositions nationales, qui varient d’un État-membre à l’autre.

Le découpage en circonscriptions électorales relève de cette seconde catégorie. Il appartient donc au législateur français d’en fixer les modalités, comme il l’avait déjà fait avec la loi du 11 avril 2003 en instaurant huit circonscriptions interrégionales.

Il est ainsi proposé de rétablir une circonscription unique pour les prochaines élections européennes, conformément à la règle qui prévalait entre 1979 et 1999. Ce changement important a des répercussions, notamment sur l’organisation de la campagne officielle et la prise en charge des dépenses électorales, qui sont traitées par le projet de loi.

La commission des Lois a entendu aller plus loin, à l’initiative de votre rapporteur, d’une part, en renforçant le contrôle des dépenses électorales engagées par un parti politique au profit d'une liste de candidats et, d’autre part, en inversant au profit des candidats les plus jeunes la règle régissant les élections européennes qui permet à la liste ayant la moyenne d'âge la plus élevée de remporter le scrutin en cas d'égalité des voix. Elle a également voté plusieurs améliorations techniques.

Enfin, ce texte traduit l’un des engagements du discours de la Sorbonne auquel votre rapporteur est personnellement attaché : la création de listes transnationales pour l’élection au niveau d’une circonscription européenne, correspondant à une fraction des sièges laissés vacants par le Brexit. Même si le Parlement européen s’est dernièrement prononcé contre des dispositions prévoyant une telle évolution, le débat continue dans la perspective des élections de 2024.

 

*

*     *

 


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I.   LE DROIT EUROPÉEN LAISSE LES ÉTATS LIBRES DE DÉTERMINER LEURS CIRCONSCRIPTIONS ÉLECTORALES

Les procédures d’élection du Parlement européen sont à la fois régies par la législation européenne, qui fixe des principes communs, et par des dispositions nationales, qui varient d’un État membre à l’autre.

Le découpage en circonscriptions électorales relève de cette seconde catégorie ; il appartient donc au législateur français d’en fixer les modalités.

A.   Le PARLEMENT EUROPÉEN est élu, depuis 1979, au suffrage universel

Les institutions européennes ne sont jamais parvenues à définir la « procédure uniforme » d’élection des membres du Parlement européen que le Traité de Rome avait fixé comme perspective ([2]).

L’article 7 de l’Acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct du 20 septembre 1976 prévoyait certes que serait élaboré « un projet de procédure électorale uniforme » et que, d’ici à son entrée en vigueur, « la procédure électorale [serait] régie, dans chaque État membre, par les dispositions nationales ». Toutefois, faute pour cette procédure uniforme d’avoir pu aboutir, le Traité d’Amsterdam de 1997 privilégia finalement la définition de « principes communs » aux différents États membres. L’article 223 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) stipule désormais que : « le Parlement européen élabore un projet en vue d’établir les dispositions nécessaires pour permettre l’élection de ses membres au suffrage universel direct selon une procédure uniforme dans tous les États membres ou conformément à des principes communs à tous les États membres ».

C’est dans ce cadre que l’Acte électoral de 1976 a été modifié par la décision n° 2002/772/CE du Conseil du 25 juin et du 23 septembre 2002. Les principes communs retenus concernent la mise en place d’un scrutin proportionnel, les dates de l’élection, la nature du mandat, les incompatibilités et immunités parlementaires et la possibilité d’un seuil pour l’attribution des sièges, qui ne peut excéder 5 % des suffrages exprimés.

En revanche, lors de cette modification, en 2002, les États membres n’ont pas suivi l’avis du Parlement européen qui souhaitait que, dans les États de plus de vingt millions d’habitants, le découpage en circonscriptions soit obligatoire ([3]). Une simple faculté a été préférée : « En fonction de leurs spécificités nationales, les États membres peuvent constituer des circonscriptions pour l’élection au Parlement européen ou prévoir d’autres subdivisions électorales, sans porter globalement atteinte au caractère proportionnel du mode de scrutin » ([4]).

Le droit européen laisse ainsi une grande marge de manœuvre aux États dans l’organisation des élections au Parlement européen : caractère obligatoire ou non du vote, date précise de l’élection ([5]), organisation de la campagne, inéligibilités, listes ouvertes ou bloquées, possibilité ou non de vote préférentiel ou de panachage, etc.

Le découpage du territoire national en plusieurs circonscriptions ne découle donc d’aucune obligation européenne. La diversité des règles adoptées par les autres États membres le confirme amplement.

B.   EN DEHORS DE LA FRANCE, SEULS trois ÉTATS ÉLISENT LEURS DÉPUTÉS EUROPÉENS DANS PLUSIEURS CIRCONSCRIPTIONS

Pour l’élection de leurs représentants au Parlement européen, sur les vingt-huit États membres que compte actuellement l’Union européenne :

– seuls cinq États disposent de plusieurs circonscriptions : la Belgique (quatre circonscriptions et trois collèges électoraux) ([6]), la France (huit circonscriptions), l’Irlande (quatre circonscriptions), l’Italie (cinq circonscriptions) et le Royaume-Uni (douze circonscriptions, dont une spécifique à l’Irlande du Nord) ;

– un État, l’Allemagne, pratique un système mixte, dans lequel des listes peuvent être constituées soit au niveau fédéral, soit au niveau des Länder ([7]). Dans les deux cas, cependant, les sièges sont attribués après une totalisation des suffrages au niveau national. En outre, les partis peuvent procéder à des alliances entre listes présentées dans différents Länder, afin que leurs scores respectifs soient agrégés en vue de l’attribution de sièges – sous réserve que cette agrégation représente au moins 5 % des voix au plan national ;

– vingt-deux États disposent d’une circonscription unique, à l’instar de la France avant la réforme de 2003 : l’Autriche, la Bulgarie, Chypre, la Croatie, le Danemark, l’Espagne, l’Estonie, la Finlande, la Grèce, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, le Portugal, la République tchèque, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie et la Suède.

Principales Modalités d’organisation des élections europÉennes

État

Circonscriptions

Mode de scrutin

Allemagne

Circonscription unique, avec listes nationales ou dans les Länder

Représentation proportionnelle

Autriche

Circonscription nationale

Représentation proportionnelle (vote préférentiel ; seuil 4 %)

Belgique

4 circonscriptions et 3 collèges linguistiques

Représentation proportionnelle (vote préférentiel)

Bulgarie

Circonscription nationale

Représentation proportionnelle (vote préférentiel ; seuil : suffrages

valables divisés par nbre de sièges)

Chypre

Circonscription nationale

Représentation proportionnelle (seuil 1,8 %)

Croatie

Circonscription nationale

Représentation proportionnelle (seuil 5 %)

Danemark

Circonscription nationale (hors Groenland et îles Féroé)

Représentation proportionnelle (vote préférentiel)

Espagne

Circonscription nationale

Représentation proportionnelle

Estonie

Circonscription nationale

Représentation proportionnelle (vote préférentiel)

Finlande

Circonscription nationale

Représentation proportionnelle (vote préférentiel)

France

8 circonscriptions

Représentation proportionnelle (seuil 5 %)

Grèce

Circonscription nationale

Représentation proportionnelle (seuil 3 %)

Hongrie

Circonscription nationale

Représentation proportionnelle (seuil 5 %)

Irlande

4 circonscriptions

Représentation proportionnelle (vote unique transférable)

Italie

5 circonscriptions

Représentation proportionnelle (vote préférentiel ; seuil 4 %)

Lettonie

Circonscription nationale

Représentation proportionnelle (vote préférentiel ; seuil 5 %)

Lituanie

Circonscription nationale

Représentation proportionnelle (vote préférentiel ; seuil 5 %)

Luxembourg

Circonscription nationale

Représentation proportionnelle (listes ouvertes ; possible panachage)

Malte

Circonscription nationale

Représentation proportionnelle (vote unique transférable)

Pays-Bas

Circonscription nationale

Représentation proportionnelle (vote préférentiel)

Pologne

13 circonscriptions

Représentation proportionnelle (vote préférentiel ; seuil 5 %)

Portugal

Circonscription nationale

Représentation proportionnelle

République tchèque

Circonscription nationale

Représentation proportionnelle (vote préférentiel ; seuil 5 %)

Roumanie

Circonscription nationale

Représentation proportionnelle (seuil 5 %)

Royaume-Uni

12 circonscriptions

Représentation proportionnelle (vote unique transférable en Irlande du Nord)

Slovaquie

Circonscription nationale

Représentation proportionnelle (vote préférentiel ; seuil 5 %)

Slovénie

Circonscription nationale

Représentation proportionnelle (vote préférentiel)

Suède

Circonscription nationale

Représentation proportionnelle (vote préférentiel ; seuil 4 %)

N.B. : Sauf mention contraire, les listes sont bloquées ; à l’inverse, le vote préférentiel permet de modifier l’ordre des candidats sur les listes. Le vote unique transférable consiste à élire des candidats se présentant individuellement, en permettant aux électeurs de les classer par ordre de préférence.

Source : Parlement européen, Direction générale des politiques internes, The European Elections, National Provisions and Civic Participation, Étude, avril 2014.

Dans les États qui élisent leurs députés européens dans un cadre national unique, il peut exister des circonscriptions administratives qui servent uniquement à la répartition au sein des listes des partis : c’est le cas en Allemagne, en Pologne et aux Pays-Bas.

De la même façon, en Italie, les voix sont totalisées au niveau national, puis converties en sièges entre les différentes listes comme s’il n’existait qu’une seule circonscription. Ce n’est qu’ensuite que les sièges sont attribués, pour chaque parti, aux cinq circonscriptions, à proportion des voix obtenues dans chacune d’entre elles. En outre, si, dans une circonscription, une liste a obtenu un nombre de suffrages insuffisant pour lui permettre de bénéficier d’un siège, ces suffrages peuvent être comptabilisés dans une autre circonscription – à condition de satisfaire au seuil de représentativité de 4 % au plan national.

Au total, comme le relève l’étude d’impact accompagnant le présent projet de loi ([8]), seuls l’Irlande, le Royaume-uni et la Belgique disposent d’un système comparable à celui introduit en France en 2003, dans lequel les sièges sont attribués dans des circonscriptions autonomes les unes des autres, sans agrégation des suffrages au plan national.

La France est, par ailleurs, le seul des vingt-huit États membres de l’Union européenne dans lequel le seuil minimal de 5 % des suffrages exprimés ouvrant droit à l’attribution d’un siège s’apprécie, non au niveau national, mais au sein de chaque circonscription. Votre rapporteur souligne que, en pratique, la division en circonscriptions interrégionales élève sensiblement le seuil effectivement nécessaire pour permettre l’attribution de sièges.

 


Les propositions au sein du Parlement européen

 

En vue des élections de 2019, le Parlement européen a proposé le 11 novembre 2015 une nouvelle proposition de réforme de la loi électorale de l’Union européenne, visant à définir des règles électorales communes à tous les États membres pour les élections européennes ([9]).

Cette résolution proposait notamment de « renforcer la dimension démocratique et transnationale des élections européennes et la légitimité démocratique du processus décisionnel de l'Union, de renforcer le concept de citoyenneté de l'Union et l'égalité électorale, de promouvoir le principe de la démocratie représentative ainsi que la représentation directe des citoyens de l'Union au Parlement européen conformément à l'article 10 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ».

Pour ce faire, outre des actions en faveur d’une plus grande visibilité des élections européennes au sein des États membres, les principes suivants ont été présentés :

– la fixation de délais communs de dépôt des candidatures et la mise en place d’un seuil obligatoire commun de 3 % à 5 % ;

– la création d’une « circonscription électorale commune » à l’échelle de l’Union européenne, pour laquelle les listes seraient conduites par le candidat ou la candidate de chaque parti politique européen à la Commission européenne, selon la logique du « Spitzenkandidat » ;

– la possibilité pour les citoyens de l’Union, y compris ceux qui travaillent ou résident dans des pays tiers, de voter aux élections européennes, afin de « donner à tous les citoyens de l'Union le même droit de vote aux élections européennes dans les mêmes conditions, quels que soient leur lieu de résidence ou leur citoyenneté » ;

– le maintien de la procédure dite du « Spitzenkandidat », qui a été expérimentée en 2014, et qui implique que les partis politiques européens désignent leurs candidats au poste de président de la Commission européenne ;

– une meilleure représentation des femmes aux élections européennes, en vue de respecter le principe de parité inscrit dans le cadre juridique constitutionnel de plusieurs États membres, dont la France ;

– une représentation appropriée des minorités ethniques, linguistiques et autres lors des élections européennes.

Cette résolution, qui avait fait l’objet d’un examen par la commission des Affaires européennes de l’Assemblée nationale en 2016 ([10]), a été débattue le 7 février 2018. La création d’une « circonscription électorale commune » à l’échelle de l’Union européenne a été écartée.

Source : Rapport d'information n° 591 présenté par M. Pieyre-Alexandre Anglade au nom de la commission des Affaires européennes portant observations sur le projet de loi relatif à l'élection des représentants au Parlement européen.

 

II.   La création de huit circonscriptions interrégionales EN France S’EST SOLDÉE PAR UN ÉCHEC

La réforme initiée par le Gouvernement de M. Jean‑Pierre Raffarin en 2003 poursuivait officiellement deux objectifs : remédier à l’abstention croissante observée depuis les élections de 1979 et rapprocher les députés européens de leurs électeurs ([11]). Après trois scrutins organisés sous l’empire de ces nouvelles règles – en 2004, 2009 et 2014 – il est manifeste qu’aucun de ces deux objectifs n’a été atteint.

A.   La délicate élaboration de la réforme de 2003

La mise en place de huit circonscriptions aux élections européennes décidée en 2003 faisait suite à une longue série d’atermoiements. En 1993, M. Édouard Balladur, alors Premier ministre, avait évoqué cette réforme dans sa déclaration de politique générale prononcée à l’Assemblée nationale. L’hostilité de l’UDF le conduisit néanmoins à abandonner ce projet. Son successeur, M. Alain Juppé, chargea M. Michel Barnier, à l’époque ministre délégué aux Affaires européennes, d’une mission de réflexion sur cette question, qui recommanda de créer huit grandes circonscriptions territoriales.

Cette proposition, qui rejoignait un projet du parti socialiste, fut reprise par le Gouvernement de M. Lionel Jospin, avec l’approbation du Président de la République, M. Jacques Chirac. Un projet de loi fut présenté en conseil des ministres le 10 juin 1998, puis adopté par la commission des Lois de l’Assemblée nationale ([12]) avant d’être retiré de l’ordre du jour de la session extraordinaire de juillet du fait des divisions au sein de la majorité parlementaire sur ce texte, auquel s’opposaient le parti communiste, le parti radical de gauche et les Verts.

C’est donc le Gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin qui reprit à son compte l’idée de territorialisation du scrutin européen ([13]). Le 11 février 2003, M. Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, déclarait ainsi à l’Assemblée nationale : « la création de huit grandes régions (...) permettra d’avoir un député européen mieux connu, mieux identifié (...), mieux responsabilisé et, disons-le clairement, plus accessible et donc plus facilement interpellé par les électeurs (...) pour lesquels l’Europe demeure, hélas trop souvent, un objectif très éloigné ».

Le projet de loi, qui réformait également le mode de scrutin aux élections régionales, fut combattu à l’Assemblée nationale par la totalité des groupes parlementaires, à l’exception évidemment de l’UMP. Le Premier ministre dut recourir à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution pour le faire adopter. Le 13 février 2003, l’opposition déposa une motion de censure, signée notamment par MM. Jean-Marc Ayrault, François Hollande et Bruno Le Roux, qui ne fut pas adoptée, dénonçant « une loi inique qui impose la prépondérance du bipartisme et nie par là même la diversité politique de notre pays ».

B.   La réforme de 2003 n’a pas amélioré la participation électorale

Alors que le territoire de la République formait auparavant une circonscription électorale unique, la loi du 11 avril 2003 a créé huit circonscriptions interrégionales. Leur composition est fixée dans un tableau annexé à l’article 4 de la loi du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen ([14]).

Les circonscriptions pour les Élections au Parlement europÉen

Circonscriptions
électorales

Composition des circonscriptions

Nombre de représentants en 2004

Nombre de représentants en 2009

Nombre de représentants en 2014

Nord-Ouest

Basse‑Normandie ; Haute‑Normandie ; Nord‑Pas‑de‑Calais ; Picardie

12

10

10

Ouest

Bretagne ; Pays de la Loire ; Poitou‑Charentes

10

9

9

Est

Alsace ; Bourgogne ; Champagne‑Ardenne ; Franche‑Comté ; Lorraine

10

9

 

9

Sud-Ouest

Aquitaine ; Languedoc‑Roussillon ; Midi‑Pyrénées

10

10

10

Sud-Est

Corse ; Provence-Alpes-Côte d’Azur ; Rhône-Alpes

13

13

13

Massif central -Centre

Auvergne ; Centre ; Limousin

6

5

5

Île-de-France (a)

Île-de-France et Français établis hors de France

14

13

15

Outre-mer

Saint‑Pierre-et-Miquelon ; Guadeloupe ; Martinique ; Guyane ; La Réunion ; Mayotte ; Nouvelle‑Calédonie ; Polynésie française ; Wallis-et-Futuna

3

3

 

3

Total

 

78

72

74

(a) L’ajout des Français établis hors de France résulte de l’article 6 de la loi n° 2011-575 du 26 mai 2011 relative à l’élection des représentants au Parlement européen.

Source : Tableau annexé à l’article 4 de la loi n° 77‑729 du 7 juillet 1977 (résultant de l’article 15 et de l’annexe II de la loi n° 2003-327 du 11 avril 2003) ; décret n° 2004‑396 du 6 mai 2004 ; décret n° 2009‑317 du 20 mars 2009 ; décret n° 2014-378 du 28 mars 2014.

Le nombre de sièges par circonscription est fixé par décret, avant chaque élection, proportionnellement à la population de chaque circonscription, avec application de la règle du plus fort reste.

À l’issue du scrutin, les sièges sont répartis, dans chacune des circonscriptions, entre les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés, à la représentation proportionnelle, suivant la règle de la plus forte moyenne. Les sièges sont attribués aux candidats d’après l’ordre de présentation sur les listes – qui, depuis 2000, doivent être composées alternativement d’un candidat de chaque sexe ([15]).

La circonscription outre-mer présente la particularité, depuis 2007, d’être divisée en trois sections qui bénéficient chacune d’au moins un siège ([16]). Ce mécanisme vise à éviter que les territoires les plus peuplés ne monopolisent les sièges obtenus au Parlement européen ([17]).

La création de ces huit circonscriptions interrégionales était censée, en rapprochant les électeurs de leurs représentants, remédier à l’abstention, traditionnellement plus forte à ces élections qu’aux autres scrutins. En 2003, le rapporteur de la commission des Lois écrivait en ce sens, à propos des facteurs de l’abstention : « c’est peut-être moins [le Parlement européen] qui est en cause que le mode de désignation de la représentation française, qui présente (...) des inconvénients majeurs » ([18]).

La réforme de 2003 a clairement échoué sur ce point. Votre rapporteur rappelle que, lors des premières élections suivant la loi du 11 avril 2003, l’abstention a atteint 57,2 % des inscrits, à comparer à 53,2 % en 1999. Pire, l’abstention aux élections européennes de juin 2009 s’est élevée à 59,4 %, ce qui constitue, à ce jour, le record absolu de non‑participation à une élection au suffrage universel en France ([19]). Elle a encore atteint 57,6 % aux élections de 2014.

Au total, en dehors de la décrue observée en 1994, l’abstention n’a cessé d’augmenter depuis les premières élections européennes de 1979.


Taux d’abstention aux élections européennes

Année

Taux d’abstention en France

Taux d’abstention moyen dans l’Union européenne

1979

39,3 %

37,0 %

1984

43,3 %

39,0 %

1989

51,3 %

41,5 %

1994

47,3 %

43,2 %

1999

53,2 %

50,2 %

2004

57,2 %

54,3 %

2009

59,4 %

57,0 %

2014

57,6 %

57,5 %

Source : Parlement européen.

Si le présent projet de loi ne prétend pas, à lui seul, remédier aux insuffisances de la participation électorale – dont certaines causes sont manifestement communes à l’ensemble des États membres –, votre rapporteur estime que le passage à une circonscription unique est positif pour des raisons de lisibilité du scrutin et de cohérence de celui-ci par rapport à l’objet de l’élection des représentants au Parlement européen.

C.   La réforme de 2003 n’a permis aucun ancrage territorial réel des députés européens

Le découpage de la France en huit circonscriptions avait pour ambition de combler « le fossé entre l’élu et l’électeur » ([20]). Après les trois scrutins de 2004, 2009 et 2014, on doit constater que la réforme n’a pas porté ses fruits, tant il paraît difficile d’affirmer que les députés européens, souvent mal connus de leurs électeurs, bénéficient d’un réel ancrage territorial.

Dès les premières élections tenues après l’adoption de la loi du 11 juin 2003 précitée, il est apparu que « le nouveau mode de scrutin régionalisé (...) n’a guère (...) permis l’expression de votes "euro-régionaux" vraiment spécifiques qui seraient contraires aux tendances nationales de 2004 et aux orientations traditionnelles des régions. Les variations de l’offre partisane paraissent parfois plus explicatives. Au total, la structure des résultats dans les sept euro-régions métropolitaines traduit bien une logique nationale » ([21]).

En dehors de l’Île-de-France, région constituant à elle seule une circonscription, les autres circonscriptions apparaissent « certes géographiques mais artificielles » ([22]). À la différence, par exemple, des circonscriptions belges, qui correspondent à des réalités linguistiques, historiques et culturelles, les huit « euro‑régions » n’ont de véritable existence qu’une fois tous les cinq ans, quelques semaines avant le scrutin.

Le travail de terrain des élus est rendu délicat par le faible temps qui leur est imparti pour être présents en circonscription, par la taille et la densité de ces circonscriptions et par le fait que ce découpage ne correspond pas à celui des grands médias régionaux (presse quotidienne régionale, antennes régionales de France 3 et France Bleu).

Des spécialistes du Parlement européen ont ainsi pu écrire que si la territorialisation du scrutin « a donné de nouvelles ressources à des responsables politiques très implantés localement, la grande taille des circonscriptions, la complexité des enjeux européens et le manque d’intérêt des médias pour l’événement continuent de privilégier également les prétendants disposant d’un fort capital médiatique » ([23]).

Votre rapporteur souligne aussi que nombre de candidats n’ont pas d’attache dans la circonscription où ils sont élus, en raison des modalités d’élaboration des listes par les partis, et en particulier de la persistance de la pratique des « parachutages » de candidats. Le prétendu « ancrage territorial » des députés européens est également démenti avec force lorsque l’on constate que certains députés européens élus dans une circonscription en 2004 ont été réélus dans une autre en 2009 ou en 2014.

III.   Le projet de loi doit rendre plus lisibles les modalités d’organisation des élections européennes en France

Le présent projet de loi vise, au premier chef, à rétablir une circonscription nationale unique, en vue de l’élection, en mai ou juin 2019, des soixante-dix-neuf représentants de la France au Parlement européen.

A.   Le retour à une circonscription nationale unique emporte plusieurs modifications de conséquence du droit électoral

L’article premier du présent projet de loi rétablit la circonscription unique pour les élections européennes. C’était le système en vigueur jusqu’aux élections de 1999, avant que la loi du 11 avril 2003 ([24]) ne crée huit circonscriptions interrégionales.

Déjà, en 2013, l’Assemblée nationale avait été saisie d’une proposition de loi sénatoriale en ce sens ([25]), qui avait été rejetée en séance publique.

Pourquoi revenir à la circonscription unique ? Comme cela a été montré, les circonscriptions interrégionales mises en place en 2003 n’ont pas permis de renforcer la proximité des électeurs avec leurs élus. La quasi-totalité des citoyens ignore jusqu’au nom de ses représentants au Parlement européen et la participation au scrutin n’a pas augmenté.

La division en huit circonscriptions n’a pas favorisé non plus le pluralisme de la représentation. La multiplication des circonscriptions a eu pour effet de favoriser les plus grands partis au détriment des petites formations politiques, qui ne peuvent être présentes dans toutes les circonscriptions, faute de moyens.

Le découpage actuel n’est pas non plus cohérent avec la nouvelle délimitation des collectivités régionales, instituée en 2015 ([26]).

Enfin, loin de favoriser l’émergence d’une « procédure uniforme » ou de « principes communs à tous les États membres », le choix d’un scrutin à circonscriptions multiples éloigne la France du modèle majoritaire dans l’Union européenne, celui d’une circonscription nationale unique, adopté par vingt-quatre des vingt-huit États membres.

Afin de tenir compte de ces changements, l’article 3 modifie le plafond des dépenses de campagne autorisées pour les élections européennes, conformément à l’article L. 52-11 du code électoral. Il procède ainsi à une réduction de près de 11% du plafond par liste, par rapport à la somme des plafonds applicables jusque-là dans chacune des huit circonscriptions. Votre rapporteur regrette cette réduction, même si ces plafonds ne sont qu’exceptionnellement atteints. Il estime que la démocratie a un coût et qu’il n’y a pas lieu de chercher dans cette matière à réaliser des économies, au demeurant très limitées.

B.   Les règles d’organisation de la campagne officielle doivent être mises en conformité avec la jurisprudence constitutionnelle

L’article 2 du projet de loi concerne les règles d’attribution des temps d’antenne. Votre rapporteur souligne qu’il n’est question ici que des spots de la campagne officielle à la télévision et à la radio, dont chacun convient qu’ils n’ont pas un effet déterminant sur l’issue du scrutin.

Dans une récente décision n° 2017-651 QPC relative à la durée des émissions de la campagne audiovisuelle officielle en vue des élections législatives ([27]), le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions du code électoral ([28]) qui conduisaient à octroyer aux partis et groupements qui ne sont pas représentés à l’Assemblée nationale un temps d’antenne manifestement hors de proportion avec leur représentativité et leur participation à la vie démocratique de la Nation. Bâti sur des fondements très proches, le système actuel de campagne audiovisuelle officielle pour les élections européennes encourt lui aussi un risque de censure :

– d’une part, le temps à disposition des forces politiques non représentées est trop faible au regard du nombre de forces politiques qui peuvent se présenter ;

– d’autre part, la durée d’émission est égale pour chaque liste représentée par un groupe parlementaire ; le système ne prend pas en compte la représentativité réelle et différenciée des forces politiques et pourrait conduire certaines d’entre elles à disposer d’un temps de parole hors de proportion avec leur poids électoral.

Il est donc proposé – en respectant les limites posées par le Conseil constitutionnel – de remplacer ce dispositif par un système qui n’aboutisse pas à attribuer des temps d’antenne disproportionnés par rapport à l’influence réelle des formations politiques. Dans ces conditions, votre rapporteur estime justifié l’abandon du principe d’égalité au profit d’un principe d’équité.

C.   La faculté de mettre en place des listes transnationales est ménagée

L’article 7 fixe les modalités d’entrée en vigueur du projet de loi « sans préjudice des dispositions prises par les autorités de l’Union organisant (…) l’élection de représentants au Parlement européen sur des listes transnationales ». Il fait ainsi écho à l’éventuelle mise en place de listes transnationales, à l’échelle d’une circonscription européenne, pour l’élection d’une partie des représentants au Parlement européen.

S’il s’est interrogé sur la portée normative de cette phrase, votre rapporteur a estimé que celle-ci était suffisamment précise et intelligible pour matérialiser l’intention du législateur sans dénaturer la norme.

Comme le rappelle l’étude d’impact accompagnant le projet de loi, la mise en place de listes transnationales a, en effet, été appelée de ses vœux par le Président de la République dans ses discours sur l’Europe prononcés à la Pnyx, le 7 septembre 2017, et à la Sorbonne, le 26 septembre 2017 : « C’est aussi pour construire cet espace démocratique inachevé que je défends, pour 2019, des listes transnationales qui permettront aux Européens de voter pour un projet cohérent et commun ». Cette création a également été préconisée par le Parlement européen à plusieurs reprises, dernièrement dans sa résolution du 11 novembre 2015 sur la réforme de la loi électorale de l'Union européenne précitée.

Votre rapporteur y voit une belle et grande ambition pour l’Europe, à laquelle il adhère sans réserve. Selon les informations qu’il a recueillies, cette évolution pourrait avoir lieu à l’occasion de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, en mars 2019, et concerner 27 des 73 sièges au Parlement européen libérés par ce Brexit.

D.   Les autres dispositions du projet de loi initial

Les articles 4 et 5 tirent plusieurs conséquences techniques du rétablissement d’une circonscription nationale unique, s’agissant notamment des règles de constitution des listes, et garantissent l’application des dispositions du projet de loi dans l’ensemble des collectivités ultramarines.

L’article 6 du projet de loi a un objet différent. Il tire les conséquences des modifications introduites à l’article LO. 146-2 du code électoral par la loi organique du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique ([29]), en complétant la déclaration d’intérêts que les représentants au Parlement européen élus en France doivent adresser à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).

E.   Les APPORTS DE la commission des Lois

Afin de garantir un contrôle strict des comptes de campagne des élections européennes, la Commission a inséré dans le projet de loi, à l’initiative de votre rapporteur, un article 3 bis rendant obligatoire le dépôt auprès de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) d’une annexe aux comptes des partis politiques retraçant les dépenses électorales engagées par ceux-ci en soutien d'une liste de candidats aux élections européennes, sur le modèle des dispositions introduites en 2016 pour l’élection présidentielle.

En adoptant deux amendements, l’un de Mme Cécile Untermaier et des membres du groupe Nouvelle gauche, l’autre de votre rapporteur, à l’article 4 du projet de loi, la Commission a également souhaité inverser au profit des candidats les plus jeunes la règle régissant les élections européennes qui permet à la liste ayant la moyenne d'âge la plus élevée de remporter le scrutin en cas d'égalité des voix.

Elle a, enfin, procédé à diverses corrections rédactionnelles.

 


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   Audition de Mme Jacqueline GOURAULT, ministre auprès du ministre D’ÉTAT, MINISTRE de l’Intérieur

Sous la présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, et de Mme Sabine Thillaye, présidente de la commission des Affaires européennes, il est procédé, lors de la réunion du mercredi 17 janvier 2018, à l’audition de Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l'Intérieur, sur le projet de loi relatif à l’élection des représentants au Parlement européen (n° 539) (M. Alain Tourret, rapporteur).

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Chers collègues, nous avons le plaisir d’accueillir aujourd’hui Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’Intérieur. M. Gérard Collomb, qui devait être parmi nous, nous prie d’excuser son absence : chacun comprendra que la journée est particulière et que, dans le contexte des décisions qui ont été annoncées à propos de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, son agenda a dû être aménagé.

Nous vous auditionnons cet après-midi, madame la ministre, sur le projet de loi relatif à l’élection des représentants au Parlement européen. Le format de cette audition est particulier puisqu’il réunit – j’en suis heureuse – deux commissions : je me réjouis en effet de travailler avec nos collègues membres de la commission des Affaires européennes, plus particulièrement avec la présidente Sabine Thillaye, qui sont éminemment intéressés par le sujet qui nous réunit et ont donc souhaité pouvoir formuler des observations. La commission des Lois, saisie au fond, a pour sa part désigné rapporteur notre collègue Alain Tourret. Elle se réunira pour examiner ce texte le mercredi 31 janvier prochain.

Les procédures d’élection du Parlement européen sont régies à la fois par la législation européenne, qui fixe des principes communs, et par des dispositions nationales, qui varient d’un État membre à l’autre. Le découpage en circonscriptions électorales relève de cette seconde catégorie. Il appartient donc au législateur français d’en fixer les modalités, comme il l’avait déjà fait en 2003 en instaurant huit « super-régions » pour l’élection des députés européens.

Le projet de loi qui a été déposé le 3 janvier sur le Bureau de l’Assemblée nationale rétablit, pour les prochaines élections européennes prévues au mois de mai 2019, une circonscription unique, et c’est, bien sûr, sur les conséquences de ce choix que nous voulions, madame la ministre, vous entendre. Nous voulons également mieux comprendre l’impact de ces dispositions sur l’organisation de la campagne officielle ou la prise en charge des dépenses électorales.

Enfin, ce projet de loi traduit une ambition pour l’Europe : il préserve la possibilité de créer des listes transnationales pour la fraction des sièges qui seront laissés vacants par le Brexit, mais où en sommes-nous à ce propos ?

Mme la présidente Sabine Thillaye. Madame la ministre, mes chers collègues, je me réjouis de l’organisation de cette audition commune de la commission des Lois et de la commission des Affaires européennes, qui ouvre le processus d’examen par l’Assemblée nationale du projet de loi relatif à l’élection des représentants au Parlement européen.

Ce texte traduit des ambitions nouvelles et témoigne d’un souci de l’intégration européenne. Le dispositif en vigueur n’a pas tenu ses promesses, comme les scores de l’abstention aux élections de 2009 et de 2014 l’ont largement prouvé. Une circonscription nationale présenterait de surcroît l’avantage de mettre le projet européen de chaque formation politique sur le devant de la scène.

Cette élection, dont les formations politiques ont longtemps sous-estimé les enjeux, doit permettre à tous les citoyens de se saisir des questions européennes. Ils auront été par ailleurs impliqués dans ce processus par la tenue des consultations citoyennes tout au long de l’année 2018. Le nouveau mode de scrutin doit remettre le projet européen au centre du débat politique national.

Le projet de loi dont nous sommes saisis traite également de la question des listes transnationales. Je rappelle que les listes actuelles peuvent comporter en leur sein des ressortissants de différents États membres ; le système proposé va plus loin, puisqu’il permettrait d’élire une partie des membres du Parlement européen dans le cadre d’une circonscription européenne.

Sur ce point, nous sommes dans l’attente d’une décision du Conseil européen informel qui se tiendra au mois de février prochain. Nous savons également que le Parlement européen travaille activement sur le sujet, puisqu’un débat en plénière est prévu cette semaine sur le rapport d’initiative modifiant l’acte électoral.

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Merci, madame la présidente de la commission des Lois, madame la présidente de la commission des Affaires européennes, pour votre invitation. Je suis très heureuse de m’exprimer devant vous sur ce projet de loi relatif à l’élection des représentants au Parlement européen, texte dont je crois qu’il devrait être largement soutenu, bien au-delà des différentes sensibilités, bien au-delà des clivages traditionnels.

Il devrait tout d’abord l’être pour une raison de méthode : dans un esprit de co-construction législative, le Président de la République et le Premier ministre ont consulté l’ensemble des formations politiques. Ensuite, au-delà des différences d’analyse et de positionnement des groupes politiques à propos de l’Europe et de l’Union européenne, je crois que nous sommes tous d’accord pour affirmer que la situation actuelle n’est pas satisfaisante : plus d’un Français sur deux ne se déplace pas aux scrutins européens, et, dans certaines villes, l’abstention a atteint 70 % en 2014 ! Que l’on soit pour « plus d’Europe » ou pour « moins d’Europe », que l’on soit pour une Europe fédérale ou pour le démantèlement de l’Union européenne, que l’on soit pour l’intégration économique ou pour le retour au franc, on ne peut se satisfaire de si faibles taux de participation qui minent la légitimité des députés européens et, finalement, affaiblissent la démocratie. Il fallait donc agir pour inverser cette tendance, et ce dans un délai réduit puisque, par tradition républicaine – j’insiste sur ces mots –, la règle électorale ne peut être modifiée dans les douze mois précédant une élection. C’est ce que le Gouvernement entreprend avec ce projet de loi dont je tiens à rappeler qu’il ne modifie pas le mode de scrutin lui-même – à savoir un scrutin proportionnel à la plus forte moyenne.

La principale disposition de ce texte est effectivement le rétablissement d’une circonscription nationale unique. Si le Président de la République et le Premier ministre ont fait ce choix, c’est d’abord parce que le système ancien, fondé sur huit circonscriptions interrégionales, a échoué. Depuis sa mise en œuvre en 2003, le taux de participation est ainsi passé de 46,8 % en 1999 – avant le passage aux huit circonscriptions – à 42 % en 2014, et il suffit de dialoguer avec nos concitoyens sur le terrain pour comprendre que le découpage en huit circonscriptions, sans cohérence historique, politique ou administrative, a contribué à brouiller le débat entre enjeux européens, enjeux nationaux et enjeux locaux.

Il est donc nécessaire de changer.

La première option, proposée par certains, était de créer treize circonscriptions correspondant aux nouvelles grandes régions. Si le Gouvernement ne l’a pas retenue, ce n’est pas, comme on a pu l’entendre parfois, pour des raisons politiciennes, mais parce que, d’une part, le débat aurait certainement été perturbé par des enjeux étrangers à la nécessaire confrontation des idées et des projets sur l’Europe, et que, d’autre part, un tel découpage, avec des circonscriptions plus nombreuses, aurait, en atténuant les effets de la proportionnelle, favorisé les grands partis et ainsi fragilisé un pluralisme politique auquel nous sommes, comme tous les Français, très attachés.

Il y avait une seconde option : une circonscription nationale unique, modèle qu’a déjà connu notre pays entre 1977 et 2003. C’est le choix que nous assumons. Tout d’abord, cette option est soutenue par la majorité des partis politiques et, vous le savez, nous voulons toujours réunir le plus grand nombre autour des grands choix stratégiques qui engagent le pays. Ensuite, le rétablissement d’une circonscription unique nous rapproche de nos partenaires : aujourd’hui vingt-trois États membres de l’Union européenne sur vingt-sept votent dans le cadre d’une circonscription nationale unique. Mais ce qui a principalement motivé notre décision, c’est que nous sommes convaincus que ce mode de scrutin permettra d’intéresser davantage nos concitoyens à des élections de plus en plus décisives pour leur destin individuel comme pour leur destin collectif. Alors, bien sûr, nous sommes conscients des risques inhérents à la circonscription unique, certains d’entre vous s’en feront certainement l’écho : risque de nationalisation des enjeux – mais n’y étions-nous pas déjà exposés ? –, risque d’éloignement entre les députés européens et la réalité des territoires. Moi-même ancienne maire, attachée à l’ancrage de terrain, je ne peux évidemment qu’être sensible à cet argument.

Je crois toutefois que cette solution de la circonscription nationale est la meilleure, et j’ai pu constater, personnellement, que le scrutin par circonscription ne rapprochait pas les députés européens des citoyens, à quelques rares exceptions. La solution de la circonscription nationale permettra de proposer aux Français des débats clairs, avec des options nettes. Elle permettra à nos concitoyens de fonder leur vote, pour reprendre la terminologie des Lumières, sur un « choix éclairé ».

De ce mode de scrutin de la circonscription nationale unique découlent un certain nombre de conséquences, inscrites dans le texte. Ainsi le nombre de candidats sur chaque liste devra-t-il être égal au nombre de sièges là où, pour pallier les vacances de poste, il fallait jusqu’à présent un nombre supérieur de candidats par rapport au nombre de sièges. Deuxième point, le plafond des dépenses de campagne sera porté à 9,2 millions d’euros, montant égal à la somme des plafonds hier attribués à chaque circonscription.

Tirant également les conséquences d’une décision rendue par le Conseil constitutionnel le 31 mai dernier, le projet de loi comporte un certain nombre de dispositions concernant le temps d’antenne lors de la campagne officielle. Désormais, celui-ci sera réparti en trois fractions : un forfait minimal de deux minutes pour chaque liste enregistrée, une durée de deux heures répartie entre les listes soutenues par les partis représentés par des groupes au Parlement et une durée d’une heure répartie entre les listes par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) en fonction de leur représentativité et de leur contribution à l’animation du débat électoral. L’équité médiatique sera donc bien mieux garantie.

Je veux enfin préciser que nous avons soumis les députés européens aux mêmes obligations déclaratives que les parlementaires français pour ce qui concerne leurs participations dans les sociétés de conseil. Cela n’avait pas été prévu dans les textes précédents.

Mesdames et messieurs les députés, au-delà de ces mesures techniques, ce projet de loi ouvre aussi, conformément aux engagements pris par le Président de la République devant les Français, une belle perspective : celle de l’élection de certains parlementaires européens sur des listes transnationales dans le cadre d’une circonscription européenne unique. Vous le savez, l’exécutif porte cette ambition forte pour l’Europe. Cela correspond au mandat reçu des Français. C’est aussi une ardente obligation tant, sur des sujets comme la lutte contre le terrorisme, la régulation des flux migratoires, les politiques industrielles, la régulation économique, ou encore le défi climatique, une France seule serait peu armée face à des puissances comme la Chine ou les États-Unis. Pour relancer le rêve européen, la France agit, au niveau des chefs d’État et au niveau intergouvernemental, et chacun a en tête l’initiative pour l’Europe lancée à la Sorbonne par le Président de la République il y a quelques mois, mais il faut aussi une mobilisation démocratique des citoyens, des peuples, car rien de grand ne se fera sans les peuples. C’est ce que nous ferons avec le lancement à partir du printemps de « consultations citoyennes », qui visent à associer les peuples pour redéfinir les contours du rêve européen. C’est aussi ce que nous proposons en ouvrant la voie, avec ce texte, à la formation de listes transnationales, afin d’encourager, pour reprendre une formule habermassienne, l’émergence d’un « espace public européen », ce qui me semble constituer une très belle promesse.

Tout cela ne suffira évidemment pas à résoudre toutes les difficultés de notre continent, mais je crois qu’il s’agit là d’un horizon mobilisateur qui, demain, pourrait permettre à l’Europe de sortir de l’ornière et de porter à nouveau une espérance pour le monde.

M. Alain Tourret, rapporteur de la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Madame la ministre, c’est un véritable plaisir de pouvoir vous écouter, tant nous avons en commun. Je suis un citoyen européen en même temps qu’un citoyen français. J’ai fait toute ma carrière politique sur l’Europe. Et le projet de loi que nous avons ici est une certaine réponse à l’euroscepticisme, c’est une réponse à tous ceux qui, de la droite extrême ou de la gauche extrême, refusent l’Europe et ne l’admettent pas comme un sujet créateur d’idéal pour les citoyens que nous sommes aujourd’hui.

Si je me sens personnellement en accord avec le Président de la République, c’est précisément parce qu’il a fondé toute sa campagne sur l’Europe : plus d’Europe pour mieux d’Europe. Et pour cela, il fallait, tout d’abord, s’éloigner de ce morcellement néfaste instauré précédemment, contre lequel je me suis toujours élevé : dès 2013, j’étais le rapporteur d’une proposition de loi qui venait du Sénat, déposée par mes amis du groupe du Rassemblement démocratique et social européen (RDSE), visant à revenir à une circonscription unique – malheureusement, nous n’avons pas été écoutés. Madame la ministre, je dis oui à cette circonscription unique.

L’objet européen est au centre de toutes nos conversations car, depuis l’élection présidentielle et les élections législatives, il n’y a eu que l’élection sénatoriale. Les élections européennes sont donc une rencontre entre, d’une part, le Président de la République et son gouvernement, les listes qui le soutiennent, et, d’autre part, évidemment, la France.

J’en viens à quelques questions – des demandes de précisions, plutôt.

Tout d’abord, je remarque que cette réforme aura pour effet d’assurer une meilleure représentation des petites formations politiques et de mieux appliquer la parité.

M. André Chassaigne. C’est faux !

M. le rapporteur. C’est parfaitement vrai. Les chiffres parlent d’eux-mêmes et le démontrent. Avec la multiplication des listes qu’entraînait ce découpage par grandes régions, c’était une majorité d’hommes qui se trouvaient têtes de listes. Dès lors, c’était une majorité d’hommes qui étaient élus. C’est très simple, et je m’étonne que mon ami André Chassaigne prétende le contraire.

L’article 2 définit les conditions dans lesquelles les émissions de service public et la communication audiovisuelle sont mises à la disposition des listes dont la candidature est régulièrement enregistrée. Vous avez fort bien expliqué, madame la ministre, qu’il y avait trois parts. On essaye de nous faire un mauvais procès en prétendant qu’ainsi nous favoriserions essentiellement La République en Marche, puisque ce parti sera favorisé du fait de sa forte représentation à l’Assemblée nationale, mais la troisième part du temps d’antenne vise précisément à corriger les effets de la deuxième part. Dès lors, je pense que les dispositions du texte permettent la représentation de l’ensemble des listes, même si certaines évolutions sont possibles au cours de la discussion parlementaire, notamment à la faveur de sa lecture par le Sénat.

L’article 3 du projet de loi abaisse de près de 11 % le plafond des dépenses de campagne. Je dois vous le dire, madame la ministre, je ne suis pas d’accord sur ce point : la démocratie a un coût et il ne me paraît pas utile de réduire le montant des budgets des campagnes, en particulier dans un cadre européen – n’oublions pas que l’outre-mer est aussi concerné. Seriez-vous, madame la ministre, opposée à une révision à la hausse de ce plafond, qui n’est qu’un maximum ?

Aucune disposition, par ailleurs, ne vise à une dématérialisation de la propagande électorale, dématérialisation que, depuis plusieurs années, les gouvernements successifs essaient, sans succès, de faire voter. Pouvez-vous nous confirmer que nul amendement de dernière minute ne visera à imposer cette dématérialisation ?

Quant à l’article 7 et à la possibilité de listes transnationales, j’ai lu avec beaucoup d’intérêt le discours du Président de la République à la Sorbonne, qui a véritablement donné une assise politique à ces listes, auxquelles je suis éminemment favorable. Pour l’instant, elles seraient simplement introduites dans le cadre des sièges libérés par les membres britanniques du Parlement européen à la suite du Brexit. Je suis totalement favorable à ce qui est proposé et, à mon avis, le texte est fort bien rédigé sur ce point, mais ne serait-il pas possible, à l’avenir, de donner un plus fort poids à ces listes transnationales ? Une réflexion pourrait être confiée à une commission spéciale composée à parité de membres de la commission des Lois de l’Assemblée nationale et de membres de la commission des Lois du Sénat, ou à une mission d’information. Quoi qu’il en soit, envisageons avec enthousiasme ces listes transnationales.

L’article 16 de la loi du 1er août 2016 rénovant les modalités d'inscription sur les listes électorales dispose que celle-ci entrera en vigueur « au plus tard le 31 décembre 2019 ». Certaines de ses dispositions étant relatives à l’élection des représentants au Parlement européen, ne serait-il pas opportun d’en avancer l’application au 31 décembre 2018 ? Je crois que votre ministère va nous faire une proposition à cet effet, et cela me semblerait en effet une excellente chose.

Enfin, une petite réflexion sur l’article 3 de la loi n° 77-729 relative à l’élection des représentants au Parlement européen, qui dispose qu’en cas d’égalité de suffrages le dernier siège revient à la liste dont la moyenne d’âge est la plus élevée. Dès lors que nous voulons, dans le nouveau monde, faire appel à la jeunesse, ne serait-il pas possible de faire en sorte qu’il revienne au contraire, en ce cas, à la liste dont la moyenne d’âge est la moins élevée ? Vous me direz que c’est anecdotique mais c’est dans les symboles que peut parfois s’exprimer la force d’une ambition.

Par ces quelques mots, je voulais, madame la ministre, vous dire à quel point je suis heureux de travailler avec vous sur ce sujet. Plus d’Europe, mieux d’Europe : c’est ce qui permettra à la France d’être la grande nation qu’elle est aujourd’hui, grâce au Président de la République.

M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur pour avis de la commission des Affaires européennes. Je serai évidemment plus bref que mon collègue Alain Tourret, qui, en tant que rapporteur de la commission saisie au fond, a vocation à s’exprimer sur bien plus de points que le rapporteur pour avis de la commission des Affaires européennes. Il l’a d’ailleurs fait dans le détail et je soutiens naturellement les orientations qui sont les siennes.

L’échéance européenne de 2019 est fondamentale puisqu’elle s’inscrit dans une période de crises répétées de l’Union européenne, depuis l’année 2005 et les « non » français et néerlandais à la Constitution européenne. En fait, les crises se sont multipliées ces dernières quinze années : la crise économique et financière, la crise de l’euro, la crise de la dette, la crise grecque, la guerre en Libye, la guerre en Syrie et puis, crise ultime, le Brexit. L’élection d’Emmanuel Macron et de cette nouvelle majorité est venue mettre un terme à cette période de crises répétées, avec un engagement fort pour l’Europe, qui a été soutenu par les Français.

Le rendez-vous de 2019 sera un moment de démocratie européenne extrêmement important : nous serons effectivement à mi-mandat et ce sera le moment de rencontrer les Françaises et les Français. C’est une échéance fondamentale car le marqueur de la majorité, c’est cet engagement européen, c’est ce qui nous tient tous ensemble. C’est ensuite une échéance fondamentale pour le Parlement européen puisque, depuis de nombreuses années, les partis politiques français le considèrent comme la seconde division de la vie politique française, une voie réservée aux défaits des scrutins précédents qu’il faut bien « recaser ». Quelques parlementaires assidus – coordinateurs de commission, vice-présidents, rapporteurs – font exception, et ils font honneur au travail parlementaire français au Parlement européen, mais ce n’est pas la majorité. L’un des enjeux du scrutin de 2019 sera donc de changer de paradigme.

Ce sera enfin une échéance fondamentale puisque ces élections se tiendront au terme des consultations citoyennes proposées par le Président de la République pendant la campagne électorale, qui sont aujourd’hui en cours de discussion au Conseil. Le Président de la République a envoyé une lettre à ses homologues européens au mois de décembre, et je crois que le sommet informel du mois prochain devrait être l’occasion d’avancer sur ces sujets. J’espère pour ma part que nous pourrons, en France, avancer rapidement. J’espère que chacun d’entre nous pourra s’emparer de ces consultations citoyennes dans sa propre circonscription pour faire vivre la démocratie et faire en sorte que nos concitoyens s’intéressent un peu plus au débat européen.

Sur le fond, je salue évidemment la volonté du Gouvernement de revenir à une circonscription nationale. La lisibilité du scrutin en sera améliorée et cela facilitera la compréhension des enjeux. Par extension, cela permettra de mieux intégrer les Français au débat politique européen ; jusqu’à présent, ils ont été tenus à la marge, il est nécessaire de les y associer à nouveau. Avec le retour à cette circonscription nationale, nous prenons acte de l’échec de ces circonscriptions qui n’avaient aucune cohérence, s’étendaient sur plusieurs régions, plusieurs départements, comptaient des millions d’électeurs. L’ambition de rapprocher le parlementaire européen de sa circonscription et de ses concitoyens n’a pas été réalisée. Les circonscriptions étaient trop grandes et les élus des circonscriptions Ouest, Sud-Ouest ou Sud-Est n’y résidaient pas forcément : certains vivaient à Paris, et le lien entre le parlementaire et sa circonscription n’était pas affirmé.

Deuxième élément, la législature 2019-2024 sera celle de la refondation de l’Union européenne. Nous sortons de cette période de crise que j’évoquais tout à l’heure. Le retour à une circonscription nationale me paraît être une bonne orientation, mais il me semble extrêmement positif de laisser la porte ouverte à des listes transnationales si nous voulons avancer sur ces grands sujets que sont la sécurité, le terrorisme, les migrations, le développement, le changement climatique. J’espère donc que le Parlement européen, qui aura à s’exprimer au cours des prochaines semaines – le rapport de Mme Hübner est attendu –, soutiendra cette idée. J’espère aussi que le Conseil européen pourra s’entendre et que nous pourrons mettre en œuvre ces dispositions en France.

Sans dévoiler la nature du rapport que je présenterai la semaine prochaine à la commission des Affaires européennes, je souhaite insister sur plusieurs points.

Qu’en est-il, madame la ministre, de la possibilité de renforcer la représentativité des élus français au Parlement européen ? Aujourd’hui, la France y compte soixante-quatorze représentants, mais, sa population ayant augmenté, elle devrait en compter davantage. Où en sont les discussions sur ce point ?

Je crois aussi nécessaire une harmonisation des seuils d’éligibilité au Parlement européen. D’un Etat membre à l’autre, ils sont extrêmement disparates. Avançons sur la voie d’un seuil commun.

Par ailleurs, en 2014, France Télévisions n’avait pas souhaité diffuser le débat entre ce que les Allemands appellent les Spitzenkandidaten, ces têtes de liste européennes qui représentaient les différentes familles politiques européennes. Si ces Spitzenkandidaten étaient maintenus, et si une campagne européenne s’amorçait autour d’eux, le débat serait-il diffusé sur France Télévisions ?

Enfin, quelle serait la juridiction compétente dans la supervision du scrutin si des listes transnationales s’y présentent ? Le principe de subsidiarité sera-t-il applicable, auquel cas chaque juridiction nationale serait chargée de contrôler la régularité du scrutin sur son territoire ? Ou bien serait-il nécessaire de créer un organe européen habilité à trancher, le cas échéant, tout litige potentiel relatif à l’élection de ces listes transnationales ?

Mme la ministre. Je vous remercie, messieurs les rapporteurs.

Monsieur le rapporteur de la commission des Lois, je connais votre engagement européen de longue date – même si, bien entendu, le rapporteur de la commission des Affaires européennes a aussi son propre engagement européen.

Je me souviens très bien de la proposition de loi déposée au Sénat par le groupe RDSE. J’étais sénatrice à l’époque, et cette proposition, qui prévoyait le retour à une liste unique, a d’ailleurs été adoptée par le Sénat.

Effectivement, l’élection européenne de l’année prochaine sera un fort moment de rencontre. Vous avez formulé plusieurs questions ou remarques.

Premièrement, il est certain que plus les listes sont nombreuses, plus l’effet de la proportionnelle se réduit, engendrant une moindre représentation féminine au Parlement européen. C’est mathématique. A contrario, avec un scrutin national, la parité sera beaucoup mieux respectée au Parlement européen.

Deuxièmement, en ce qui concerne l’organisation des temps audiovisuels, nous avons fait des projections sur les propositions qui sont faites. Certes, il ne faut pas prendre au pied de la lettre les temps que je vais vous donner, car il faut déjà que la loi soit adoptée, mais je vous les présente tout de même. La République en Marche bénéficierait de 59 minutes contre 24 avec l’ancien système, Les Républicains de 39 minutes contre 24 auparavant, les socialistes de 21 minutes contre 24 auparavant, le Front national de 29 minutes contre cinq auparavant, l’extrême gauche de 26 minutes contre 10 précédemment.

M André Chassaigne. Qu’appelez-vous « l’extrême gauche » ? Quels sont les chiffres pour le Parti communiste ?

Mme la ministre. Ce ne sont que des projections. Nous vous donnerons des chiffres plus précis après avoir affiné nos calculs.

Troisièmement, sur les moyens, vous me disiez, monsieur le rapporteur, ne pas être d’accord avec le projet de loi. En effet, en supprimant la majoration de 10 % en vigueur actuellement, celui-ci conduit à une baisse de 11 % du plafond des dépenses électorales. C’est un recul, me dites-vous, mais ce plafond a été calculé en multipliant par huit – soit le nombre actuel de circonscriptions – le montant fixé par circonscription, soit 1,15 million d’euros. Si nous avions pris pour base le plafond majoré, le total aurait été d’un peu plus de 10 millions d’euros, au lieu de 9,2 millions comme nous le proposons.

Par ce choix, nous traduisons de manière concrète notre volonté de maîtrise des dépenses publiques et notre exigence d’exemplarité du financement de la vie politique. Surtout, je tiens à rappeler que le plafond des dépenses électorales n’a jamais été atteint par aucune liste, à l’exception de celle du Front national dans la circonscription Sud-Est en 2014. D’une façon générale, elles n’atteignent même pas la moitié de ce plafond.

Vous avez également évoqué, monsieur le rapporteur, la dématérialisation de la propagande électorale. Il s’agit en effet d’un projet sur lequel le ministère de l’Intérieur a travaillé, mais il n’est pas à l’ordre du jour. Pour mémoire, il s’agirait de supprimer l’expédition des documents de propagande au domicile de chaque électeur, de mettre à la disposition des électeurs un site internet sur lesquels ces documents seraient consultables et à assurer leur affichage en mairie. Plusieurs expérimentations ont déjà été menées à cet effet, et peu de difficultés ont été identifiées. Cela permettrait de simplifier et de moderniser les procédures, d’en limiter l’impact environnemental et, surtout, de limiter les dépenses publiques. Toutefois, je vous confirme qu’aujourd’hui, à l’heure où je vous parle, cette dématérialisation n’est pas à l’ordre du jour.

Cinquièmement, vous m’avez interrogée sur les listes transnationales. La création d’une circonscription européenne fait actuellement l’objet d’une discussion au Parlement européen. Un vote aura lieu la semaine prochaine sur une circonscription unique européenne qui serait composée de trente sièges, le reste des sièges laissés vacants par le retrait du Royaume-Uni étant redistribué entre les États membres. Dans cette hypothèse, la France recevrait six sièges supplémentaires, qui s’ajouteraient aux 74 qu’elle détient déjà.

Vous m’avez d’autre part interrogée sur l’éventuelle création d’une instance parlementaire dédiée au suivi des discussions entre les États sur la création d’une circonscription unique. Il appartient à votre assemblée, notamment dans le cadre de ses commissions, de s’organiser librement pour suivre l’état d’avancement des discussions entre États membres sur cette ambition portée par la France. Dans ce cadre, le Gouvernement, en particulier le ministère de l’Intérieur et celui des Affaires européennes, est à la disposition des commissions compétentes, qu’il s’agisse de la commission des Lois, de la commission des Affaires européennes ou de la commission des Affaires étrangères, pour venir leur rendre compte de ces discussions. Vous avez également toute latitude pour créer un groupe de travail ou une mission d’information sur le sujet.

Faut-il aller plus loin et formaliser dans la loi la création d’une instance dédiée ? Nous en doutons, dans la mesure où le cadre parlementaire actuel la permet déjà, et où, par ailleurs, il serait inédit que le Parlement crée une instance interne consacrée au suivi d’une négociation européenne qui a vocation à s’achever à un moment ou à un autre ; ce serait redondant avec le rôle assigné à la commission des Affaires européennes par l’article 6 bis de l’ordonnance du 17 novembre 1958 modifiée relative au fonctionnement des assemblées parlementaires : « Les commissions chargées des Affaires européennes suivent les travaux conduits par les institutions de l’Union européenne. À cet effet, le Gouvernement leur communique les projets ou propositions d’actes des Communautés européennes et de l’Union européenne dès leur transmission au Conseil de l’Union européenne. Le Gouvernement peut également leur communiquer, de sa propre initiative ou à la demande de leur président, tout document nécessaire. Il les tient en outre informées des négociations en cours. »

Par conséquent, le Gouvernement, tout en comprenant vos louables motifs, ne croit pas utile ni opportun de créer par la loi une telle commission parlementaire.

Vous m’avez questionnée, en outre, au sujet des inscriptions sur les listes électorales, de la fiabilisation et de la facilitation de leur établissement. Je suis en mesure de vous faire part d’une bonne nouvelle : le décret sur lequel les services ont travaillé prévoit une entrée en vigueur du dispositif au 1er janvier 2019. Il sera donc mis en place pour les élections européennes, premier scrutin pour lequel les listes électorales seront extraites du répertoire électoral unique. Je peux même vous préciser que la saisine du Conseil d’État est imminente.

Vous avez par ailleurs mentionné le cas où l’égalité des voix entre deux listes serait parfaite. Je comprends tout à fait le message que vous souhaitez délivrer à travers votre proposition, mais, comme vous le savez, la préférence pour le candidat le plus âgé est un principe ancien, dont l’origine remonterait même à la Révolution française et aux Constitutions révolutionnaires, et qui s’est ensuite diffusé à l’ensemble de nos scrutins, notamment locaux, mais aussi dans la sphère socio-professionnelle, par exemple à l’occasion des élections au comité d’entreprise. Un renversement de ce principe impliquerait donc de très nombreuses modifications législatives pour changer un dispositif anciennement ancré, et qui, je le souligne, correspond à des cas extrêmement rares, pour ne pas dire exceptionnels. Je ne suis pas sûre que le jeu en vaille la chandelle, comme on dit un peu trivialement.

Vous avez envisagé de rendre obligatoire, par la loi, la diffusion des débats européens. Nous n’y sommes pas favorables, car de telles retransmissions relèvent, non pas de la répartition du temps d’expression des listes nationales dans le cadre d’une campagne officielle, mais de la mission d’information politique et électorale incombant aux médias publics nationaux, et s’exerçant selon les recommandations du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) ; elle ne relève pas du code électoral. Si une telle obligation de retransmission devait être fixée par la loi, cela nécessiterait de faire entrer ces temps d’expression dans le décompte des temps de parole des candidats nationaux. Or ils ne trouvent pas tous leur équivalent à l’échelle européenne. Enfin, cette retransmission peut être assurée dans le cadre du pilotage, par l’État, de ses opérateurs, ce qui ne relève en rien non plus du domaine de la loi.

Enfin, pour ce qui est des listes transnationales, le contrôle des résultats électoraux devrait revenir à une juridiction européenne, qu’il s’agisse d’une juridiction existante ou d’une juridiction ad hoc encore à inventer.

Mme Typhanie Degois. Madame la ministre, je vous remercie de la disponibilité dont vous faites preuve pour nous apporter les compléments d’information nécessaires sur ce projet de loi.

Le retour à une circonscription nationale pour l’élection des représentants au Parlement européen a déjà fait l’objet de nombreux travaux, dont ceux du rapporteur ici présent. L’adoption de cette mesure représente une chance qu’il nous faut saisir afin de réaffirmer l’importance de l’enjeu européen au sein du territoire national, tout en garantissant un plus grand pluralisme politique et une représentation plus juste de la vie démocratique de notre nation.

Le retour à une circonscription unique permettra à davantage de listes d’être en capacité de se présenter aux élections, et j’espère que cela rassemblera un large consensus. Je tiens par ailleurs à appuyer la demande du rapporteur de créer une instance parlementaire ad hoc.

J’ai pour ma part trois questions. La première concerne les enjeux de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Si elle n’était pas effective à l’occasion du prochain scrutin – et l’on voit bien que les négociations s’allongent –, quel serait le régime applicable aux ressortissants britanniques souhaitant se porter candidats, comme ils en ont aujourd’hui le droit, sur les listes nationales des pays dans lesquels ils résident ?

Deuxièmement, nous aurons demain à discuter en séance de la proposition de loi déposée par le groupe Nouvelle Gauche sur les modalités de dépôt de candidature aux élections. Pouvez-vous nous assurer que ce texte, s’il est adopté, s’appliquera bien dès le prochain scrutin européen ?

Enfin, le Conseil d’État, dans son avis sur le projet de loi, a émis une réserve vis-à-vis de l’alinéa 15 de l’article 2. En effet, une imprécision laisserait à un parti ou à un groupement politique la faculté de soutenir plus d’une liste. Pouvez-vous nous confirmer qu’il n’en sera rien ?

Mme Constance Le Grip. Le groupe Les Républicains regrette vivement le retour en arrière que constitue le rétablissement de l’ancien découpage électoral, de cette circonscription nationale unique en vigueur pour les scrutins européens qui se sont tenus de 1979 à 1999.

La remise en cause de la territorialisation du scrutin est en effet de nature à creuser le fossé et l’éloignement entre les élus européens et leurs électeurs. J’ai entendu invoquer l’« échec du scrutin régionalisé », mais c’est bien la tentation de renationalisation des enjeux qui est dommageable. Des personnalités très engagées dans le combat européen, comme Yves Bertoncini ou Olivier Mousson, respectivement président et secrétaire général du Mouvement européen France, ont publié une tribune où elles analysent de manière extrêmement pertinente les dangers de ce retour en arrière, appelant au contraire à ce que nous, Républicains, souhaitons également, c’est-à-dire à un pas en avant dans la régionalisation du mode de scrutin.

Nous proposons d’organiser le découpage électoral sur la base des treize grandes régions qui ont été forgées récemment, et qui l’ont d’ailleurs été dans le but affiché de leur donner une dimension européenne. Il nous semblerait tout à fait logique de poursuivre dans cette logique, étant donné que nul ne doute de l’engagement européen du Président de la République et de sa volonté de placer les sujets européens au cœur du débat politique français.

Mais nul ne doute non plus de son habileté. Les récentes élections sénatoriales ont témoigné de la difficulté du parti La République en marche à traduire une certaine réalité politique dans un ancrage territorial, qu’il soit régional ou départemental. Nous ne sommes donc pas naïfs. Nous abordons ce débat avec lucidité, et avec une proposition qui nous semble de nature à poursuivre le mouvement d’ancrage dans les réalités territoriales et locales de nos élus au Parlement européen.

Je m’exprime en tant que députée de la Nation et membre de la commission des Affaires européennes, mais également en tant qu’ancienne députée européenne. Je crois être la seule, ici, à avoir siégé plus de sept ans au Parlement européen. Je connais trop le risque d’enfermement dans la bulle strasbourgo-bruxelloise. Rien de tel, pour en sortir et pour éviter de se transformer en élu européen « hors sol », que de retourner régulièrement sur le terrain, en y affrontant des débats avec les élus régionaux, départementaux, municipaux, avec les chambres consulaires, les organisations professionnelles, les syndicats, les associations, les étudiants, etc. Mieux connecter nos élus européens à nos territoires est l’une des meilleures leçons que nous puissions tirer de ce qui se passe dans la plupart des grands pays européens.

Nous constatons, contrairement à ce qui est écrit dans le projet de loi et dans son étude d’impact, qu’à l’exception, notable et facile à comprendre, du Royaume d’Espagne, tous les pays les plus peuplés – car je mets à part les petits pays, comme l’Estonie, la Lituanie, etc. – ont opté pour un mode de scrutin et un découpage territorial, en tout ou en partie – y compris l’Allemagne, qui pratique un scrutin mixte entre listes nationales et listes au niveau des Länder. Et qu’ils n’engagent pas un quart de seconde de revenir en arrière, car ce découpage territorial permet à leurs élus européens d’être ancrés dans les réalités de leur territoire et dans leur réalité locale.

Tel est le point de vue de notre parti, qui tire la leçon du fait que les huit circonscriptions actuelles ne correspondent pas, c’est vrai, à grand-chose, pour leur substituer une circonscription par région.

M. Vincent Bru. Madame la ministre, je vous remercie de votre présentation, très claire et très pédagogique. Je crois qu’il y a deux points essentiels dans ce projet de loi.

Premièrement, le retour à une circonscription unique, à laquelle le groupe Mouvement démocrate et apparentés est favorable, est seul à même de permettre de dégager, dans le débat politique, les enjeux proprement européens. On aurait éventuellement pu imaginer qu’il y ait, comme en Italie, une répartition des sièges au sein de cette circonscription unique au niveau de chaque région, mais je conviens volontiers que la solution qui nous est proposée constitue, notamment du point de vue de la parité, un progrès par rapport au système actuel.

Nous sommes tout à fait favorables également aux listes transnationales proposées par le Président de la République, qui permettront de faire élire une partie des membres du Parlement au niveau européen.

En ce qui concerne le montant des dépenses électorales, je ne suis pas tout à fait de l’avis du rapporteur de la commission des Lois. Je pense en effet que l’échelle retenue par le projet de loi est justifiée, d’autant qu’il est prévu une augmentation de 2 % pour frais de transport – maritime, aérien ou fluvial – notamment en direction des outre-mer.

Enfin, comme ma collègue Typhanie Degois, la seule réserve que j’émettrai rejoint celle exprimée par le Conseil d’État dans son avis du 21 décembre 2017. Il y est dit que « chaque parti ou groupement politique ne devrait pouvoir soutenir qu’une seule liste » et que cela devrait figurer dans la loi. Je considère pour ma part que ce serait sain, afin d’éviter des calculs qui seraient contraires à l’équité.

M. André Chassaigne. Si nous sommes favorables au retour à la circonscription nationale, je concentrerai mon intervention sur un seul sujet, à savoir le seuil de 5 %. Je développerai quatre arguments, en espérant que vous pourrez, madame la ministre, monsieur le rapporteur, y apporter des réponses.

Dans les États les plus peuplés, il n’y a pas de seuil. Tel est par exemple le cas de l’Allemagne, où il a même été jugé anticonstitutionnel, car empêchant les petits partis d’avoir des élus, de l’Espagne, de la Belgique et d’autres encore. Certains, en revanche, ont adopté un seuil, mais fixé à 3 % seulement : c’est notamment le cas du Portugal et de la Grèce.

D’aucuns font valoir que la proportionnelle intégrale risquerait de bloquer l’institution, notamment lorsqu’il s’agit de dégager une majorité. Or cet argument ne tient pas s’agissant du Parlement européen, où les groupes sont constitués par l’agrégation de députés venant de différents États. Le groupe de la Gauche unitaire européenne-Gauche verte nordique (GUE-NGL), par exemple, rassemble des élus de partis aux sensibilités diverses, provenant notamment du Nord de l’Europe, sans que rien fasse obstacle à ce regroupement de partis largement minoritaires dans leurs États respectifs.

D’autre part, est-il bien normal que les dépenses électorales soient remboursées à partir de 3 % des suffrages, mais qu’il faille 5 % pour obtenir des élus ? Ne conviendrait-il pas d’harmoniser ces deux seuils ?

Enfin, et c’est le point le plus important, si l’on veut qu’il y ait plus d’Europe, il faut de l’ancrage, du pluralisme et une bonne représentation citoyenne, ce qui suppose qu’il ne soit plus possible d’éjecter des partis du Parlement européen sous prétexte qu’ils n’atteindraient pas 5 % au niveau national.

M. Joaquim Pueyo. Je suis partisan, comme André Chassaigne, d’une circonscription nationale unique. Les ambitions de la loi de 2003, qui visaient à faire sortir de l’anonymat les eurodéputés, n’ont pas été couronnées de succès. Je suis aujourd’hui député, mais j’ai longtemps été maire et conseiller départemental. En cette qualité, je n’ai guère vu les députés européens sur le terrain, sauf lorsqu’un sujet local intéressait leur propre commission au Parlement européen !

Le découpage en huit circonscriptions visait également à lutter contre l’abstention. Force est de constater que le résultat n’a pas été au rendez-vous.

Je voudrais toutefois insister sur un point : la manière dont la future campagne électorale va se dérouler. J’ai été attentif, madame la ministre, à l’avis du Conseil d’État concernant la campagne officielle, qui a très peu d’impact sur les électeurs, notamment les jeunes, davantage tournés vers les réseaux sociaux. Pourquoi n’a-t-on pas réfléchi à un cadre législatif plus adapté aux évolutions de notre société ? La loi annoncée sur les fake news pourrait en être l’occasion.

Quant aux seuils, je pense, tout compte fait, que celui de 5 % est trop élevé, et serais d’avis de le ramener à 3 %, comme le propose André Chassaigne.

Les listes transnationales, enfin, intéressent l’Européen convaincu que je suis, car elles sont de nature à donner du sens à l’Europe, tout comme la présence, d’ores et déjà possible, de citoyens d’autres pays de l’Union sur les listes nationales d’un pays. Pouvez-vous, madame la ministre, nous donner quelques précisions sur la façon dont ces nouvelles listes transnationales seront mises en place ?

Mme Danièle Obono. Le début de l’intervention du rapporteur m’incite à vous demander, madame la ministre, si le Gouvernement est dans le même état d’esprit politique consistant à opposer les bons Européens aux mauvais, ceux qui seraient pour l’Europe à ceux qui seraient contre. J’espère que, tout au long de la campagne pour les élections européennes en 2019, vous serez, sur ces questions fondamentales, dans un état d’esprit constructif. Il n’y a pas de bons et de mauvais Européens : que des points de vue différents sur les institutions et le fonctionnement de l’Union européenne s’expriment dans le débat est tout à fait légitime et nous y sommes attachés.

Vous avez beaucoup insisté sur le pluralisme, y compris dans l’exposé des motifs du projet de loi. Nous nous interrogeons sur le temps d’antenne audiovisuelle proposé durant la campagne. Les chiffres ne parlent peut-être pas d’eux-mêmes, mais on peut au moins en faire une interprétation factuelle : la majorité disposera d’un temps quasi hégémonique, puisqu’il est plus que doublé, ce qui diminue d’autant le temps de parole des autres groupes. Quelle logique a prévalu à cette nouvelle répartition ? Il nous semble que la pluralité du débat public et politique s’en trouvera amoindrie, ce qui va à l’encontre de votre intention d’en faire un débat central que nos concitoyens et concitoyennes puissent s’approprier. Qu’une propagande majoritaire unilatérale s’exerce sur les antennes de l’audiovisuel public ne participera pas à mon sens à crédibiliser ce débat européen.

Mme la ministre. Le président du Conseil européen, M. Donald Tusk, a évoqué hier devant le Parlement européen la possibilité pour les Britanniques de changer d’opinion et de renoncer au Brexit, madame Degois. Depuis le début du processus, l’ensemble des dirigeants européens a rappelé la position suivante : le Brexit signifie le Brexit, et la décision prise par les électeurs en juin 2016 sera bien mise en œuvre. De ce fait, l’hypothèse d’un renoncement britannique, outre sa complexité sur le plan intérieur, est malheureusement très peu probable. Par conséquent, le Royaume-Uni quittera l’Union européenne et ne participera pas aux prochaines élections européennes.

Votre deuxième question portait sur la proposition de loi relative aux modalités de dépôt des candidatures aux élections, qui sera débattue demain. Sous réserve d’un vote que le Gouvernement espère positif, les dispositions de ce texte seront applicables au scrutin européen. Pour mémoire, il s’agit de sécuriser les modalités de dépôt des candidatures, afin de lutter contre le phénomène des candidats « malgré eux » – ces personnes qui, sous l’effet de manœuvres frauduleuses, se retrouvent candidates contre leur gré. Je vous confirme que cette disposition, dans sa version initiale, sera applicable aux prochaines élections européennes, sous réserve de son adoption demain.

Votre question sur le soutien des partis ou groupements rejoint celle de M. Bru : je vous confirme que le soutien ne pourra se faire qu’au bénéfice d’une seule liste. La rédaction actuelle selon laquelle chaque parti ou groupement politique désigne la liste qu’il soutient est exhaustive et tient compte de l’avis du Conseil d’État. Il n’est donc pas nécessaire d’en préciser les termes juridiques, car elle est d’application directe.

Je n’ai jamais pensé, madame Le Grip, que vous étiez naïve, et j’observe par ailleurs que vous n’étiez pas favorable à la création des treize grandes régions dans le cadre duquel vous proposez d’organiser le scrutin.

Mme Constance Le Grip. Mais elles existent : c’est la loi de la République.

Mme la ministre. Deux raisons fondamentales sont à rappeler : la lisibilité de ce débat européen sera plus grande grâce à un débat national. Pour avoir connu les deux types de scrutin, je sais que le scrutin national a une portée beaucoup plus forte. Par ailleurs, la division en treize circonscriptions effacerait l’effet du scrutin proportionnel. Or, nous voulons que toutes les sensibilités politiques aient la possibilité d’être représentées au Parlement européen.

M. André Chassaigne. Merci ! Très intéressant !

Mme la ministre. Deuxième raison : la liste nationale unique n’empêche pas les élus d’être sur le terrain. Lors de la constitution de votre liste, vous vous emploierez naturellement à choisir des candidats issus de toute la France, et non pas provenant de telle ou telle région. De même qu’une liste de candidats aux élections municipales comprend des personnes issues de tous les quartiers, rien n’empêche un député européen élu sur une liste nationale d’être présent sur le terrain là où il souhaite l’être, dans sa région de résidence ou d’activité. Où est la difficulté ?

D’autre part, vous avez forcé sur le nombre de pays ayant institué une circonscription unique : le Belgique, l’Irlande, le Royaume-Uni et l’Italie l’ont fait, et l’Allemagne a un scrutin mixte.

S’agissant du seuil de 5 %, il s’agit, messieurs Chassaigne et Pueyo, d’assurer la représentation française au Parlement européen, et non celle des territoires. Le seuil actuel permet d’assurer assez bien la représentation de l’ensemble de la nation française.

M. André Chassaigne. Langue de bois !

Mme la ministre. Ce n’est pas mon genre, vous me connaissez… (Sourires.) Je reconnais, cela dit, que l’on peut s’interroger sur le fait que le seuil soit de 5 % pour la représentation et de 3 % pour le remboursement. Nous pourrions éventuellement en rediscuter.

M. André Chassaigne. Tant que vous ne fixez pas le seuil du remboursement à 5 %...

M. Bernard Deflesselles. C’est l’Auvergne qui parle !

Mme la ministre. J’ai indiqué au début de mon intervention, madame Obono, que toutes les sensibilités peuvent s’exprimer lors des élections européennes et qu’il existe plusieurs manières de concevoir l’Europe. Nous sommes démocrates : nous voulons que le débat soit aussi pluraliste que possible. Comme vous le savez, je viens d’une formation politique qui se bat depuis toujours pour le pluralisme.

En ce qui concerne le temps de parole, on ne peut comparer avec le système de répartition antérieur puisqu’il a été censuré par le Conseil constitutionnel. Le nouveau dispositif comprend donc des dispositions conformes à ses conclusions. Il répartit les temps de parole selon le système suivant : un socle de deux minutes pour chaque liste enregistrée, ce qui garantit un minimum à chaque liste, contrairement à la situation actuelle ; deux heures réparties entre les listes selon le poids respectif des groupes parlementaires qui les soutiennent…

M. André Chassaigne. C’est-à-dire leur nombre d’élus !

Mme la ministre. … ce qui répond à la question de M. Chassaigne ; enfin, une répartition d’une heure faite par le CSA entre les listes selon leur représentativité et leur contribution à l’animation du débat électoral. C’est une nouveauté que l’on peut juger aléatoire…

M. André Chassaigne. Subjective !

Mme la ministre. … mais qui permet de pondérer l’effet mécanique de la deuxième fraction. Il est difficile de faire des projections – et sans doute n’aurions-nous pas dû en faire, étant donné les réactions que cela a suscité. On peut anticiper la deuxième fraction, mais la troisième est à la main du CSA, qui est une autorité indépendante.

Je précise que cette troisième fraction s’inspire du dispositif qui régit la répartition du temps d’antenne lors de la campagne présidentielle, dispositif validé par le Conseil constitutionnel. Cela étant, je rejoins M. Pueyo : il ne faut pas non plus surestimer l’influence des campagnes officielles – ce qui n’empêche pas qu’il faille une règle – tant les moyens de communication sont divers et variés, en particulier avec les réseaux sociaux.

Mme Danièle Obono. C’est vous qui choisissez la clé de répartition, pas le Conseil constitutionnel ! De ce fait, la clé désavantage très largement les petits partis !

Mme la ministre. Nous n’allons tout de même pas remettre en cause le résultat des élections législatives !

Mme Danièle Obono. Mais c’est vous qui choisissez la clé, qui est très favorable à votre majorité ! C’est factuel !

Mme la ministre. La répartition est désormais plus favorable aux petits partis qu’elle ne l’était avant ! Vous ne pouvez pas nous faire des reproches sur ce point puisque nous améliorons le système !

M. Guillaume Larrivé. Madame la ministre, vous nous proposez un texte électoral. Ma question est simple : est-ce le dernier ? Autrement dit, le Gouvernement a-t-il l’intention de nous saisir, comme on le lit çà et là, d’une modification du calendrier électoral des élections municipales ?

Mme la ministre. Ce n’est pas du tout à l’ordre du jour ; il n’existe aujourd’hui aucun projet en ce sens.

M. Bernard Deflesselles. « Aujourd’hui »…

Mme Cécile Untermaier. Je prends la parole en tant que responsable du groupe Nouvelle Gauche. Le présent projet de loi corrige un texte de 2003 qui poursuivait l’objectif honorable de réduire l’abstention et de rapprocher le député européen du citoyen. Un constat d’échec a été dressé : l’abstention a augmenté et le rapprochement ne s’est pas produit. Nous sommes favorables, comme notre parti l’a indiqué au Président de la République, à une circonscription unique. Avant 2005, toutefois, cette circonscription unique se caractérisait-elle par un taux d’abstention moindre que lors des scrutins dans des circonscriptions multiples ?

S’agissant de l’article 2, les réponses apportées à la critique – même s’il faut en minorer la portée – selon laquelle le parti La République en Marche disposerait d’un temps d’antenne disproportionné pendant la campagne audiovisuelle ne me semblent pas satisfaisantes. Nous regrettons sincèrement que l’étude d’impact ne comporte aucune simulation, surtout s’agissant d’un texte électoral ; vous aurez sans doute le temps d’y remédier.

La disposition prévue à l’article 7 me semble en revanche fondamentale et moderne ; elle inscrit l’Europe dans un chemin ambitieux. Je regrette néanmoins qu’il ait fallu attendre l’occasion fournie par le Brexit pour créer cette liste transnationale. De plus, nous nous interrogeons encore sur les modalités de constitution de cette liste : comment cela se passera-t-il concrètement ?

Enfin, nous ne sommes pas favorables à la création d’une instance parlementaire dédiée, car nous estimons que le Parlement dispose déjà de tous les moyens d’intervention et de contrôle sans qu’il soit nécessaire de rétablir un dispositif administratif lourd à gérer.

M. Éric Diard. Votre parcours d’élue locale n’est plus à présenter, madame la ministre, non plus que celui du ministre de l’intérieur ; vous êtes de ceux qui savent que l’ancrage territorial des élus est nécessaire pour mieux faire écho, au niveau national et européen, à la voix des citoyens. M. Collomb avait d’ailleurs eu à cœur de ne pas oublier la métropole de Lyon en soutenant le 16 novembre dernier un amendement au projet de loi de finances pour 2018 modifiant la quote-part de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) – amendement censuré le 28 décembre par le Conseil constitutionnel.

J’aurais aimé, madame la ministre, que vous continuiez de défendre les territoires avec autant d’ardeur dans ce projet de loi. Depuis 2003, en effet, les élections européennes suivent un mouvement de décentralisation, l’objectif étant d’assurer une représentation européenne de la diversité de nos territoires à travers les grandes circonscriptions interrégionales. La suppression de ces circonscriptions reviendrait à confisquer la voix des territoires au Parlement européen. En nationalisant les élections européennes, on en nationalise aussi le débat et les enjeux. Comment expliquer ce mouvement à rebours de l’histoire de la décentralisation, sinon parce qu’il pourrait s’agir, je le crains, d’un moyen pour un Gouvernement sans élus locaux de s’assurer une représentation supplémentaire dans un débat où seules compteront les têtes d’affiche. L’Union européenne doit privilégier l’Europe des peuples avant tout ; j’ai peur qu’elle ne devienne l’Europe des partis.

Mme Marietta Karamanli. Ma collègue Cécile Untermaier a déjà exprimé le point de vue de notre groupe, mais je tiens à revenir sur la question importante des listes transnationales. Je sors d’une réunion de la mission d’information sur le Brexit, et la redistribution des sièges laissés vacants par celui-ci me paraît quelque peu paradoxale. La loi permet déjà de présenter des candidats ayant la nationalité d’un autre État de l’Union quel qu’il soit. Mieux vaudrait donc favoriser l’intégration sur les listes nationales de candidats européens en incitant les partis nationaux à leur faire une place. Ainsi, l’ancrage national convergerait avec le principe d’ouverture.

Autre paradoxe : au moment où le Gouvernement entend réduire le nombre de députés nationaux, le projet me semble contradictoire.

Les circonscriptions régionales représentent un point d’ancrage essentiel des députés. Rien n’est dit à ce sujet dans le texte, et il serait utile de le compléter afin de préciser comment les députés peuvent communiquer et établir un lien fort avec les citoyens, comment ils peuvent être présents au quotidien, quels sont les moyens dont ils disposent pour faire vivre leur lien avec les citoyens en étant issus d’une liste nationale. On ignore ces éléments, de même que l’on aborde l’abstention sans donner les éléments qui permettraient de la combattre. Le risque existe que certains députés européens soient hors-sol, en quelque sorte, s’étant rabattus sur la liste nationale parce qu’ils n’ont pas trouvé de place dans une liste transnationale.

M. Robin Reda. Comme M. Diard et Mme Le Grip, j’estime que ce choix ne favorisera pas davantage la participation aux élections européennes que dans le mode de scrutin actuel. Plutôt que de répondre à la véritable question qui se pose, à savoir celle des moyens alloués aux partis politiques et du financement des campagnes électorales, qui freinent parfois la présentation de candidats par les petites formations politiques, vous instituez une circonscription unique dont il reste à prouver qu’elle est une véritable source d’économies pour les partis qui bénéficient déjà d’une audience nationale par la propagande officielle.

Les circonscriptions régionales n’ont certes pas favorisé la participation aux élections européennes, mais cette faible participation s’explique-t-elle vraiment par le mode de scrutin ? Ne s’explique-t-elle pas plutôt par la difficulté de saisir les enjeux de l’élection européenne, par la difficulté d’accéder aux fonds européens de soutien à l’investissement, par le format médiatique des débats européens eux-mêmes et par l’activité de nos représentants au Parlement ? La territorialisation, en revanche, permet une meilleure écoute, une présence plus forte des candidats sur le terrain pendant la campagne, une présentation des enjeux locaux et des financements européens associés au mandat européen, ainsi qu’un lien avec les élus locaux qui feraient appel au soutien de leurs parlementaires européens.

Il y a donc un paradoxe à constater, d’une part, que le système électoral est loin d’avoir rapproché les élus européens de leurs électeurs, tout en en concluant qu’il faut les en éloigner encore plus en les coupant des régions, qui n’ont pas toutes le même rapport à l’Union européenne, tant s’en faut. C’est un retour en arrière à la fois centralisateur et cyniquement électoral.

Je crois surtout que ce projet de loi est révélateur de la vision qu’a le Gouvernement du rôle des parlementaires. Par cette élection proportionnelle à l’échelle nationale, nous allons tout droit vers un nouveau mode de scrutin pour les élections nationales. Est-ce la première étape vers une circonscription unique et une part de proportionnelle aux élections législatives ? À titre personnel, je suis réservé.

En ce qui concerne les listes transnationales, je rejoins Mme Karamanli : je regrette que ne soit pas évoquée la répartition de la totalité des sièges laissés vacants par les Britanniques, et non pas seulement de 51 sièges sur 73. À l’heure où la majorité estime qu’il faut moins de députés en France, comment imaginer que le Gouvernement est en cohérence avec lui-même lorsqu’il poursuit cet objectif ?

M. Jérôme Lavrilleux, député européen. Le député européen que je suis ne vit pas dans une bulle à Bruxelles ou Strasbourg, comme on l’entend répéter de génération en génération y compris par les jeunes, ce que je regrette. Je signale que, parmi les trois députés européens les plus assidus et travailleurs, se trouvent deux Français. Cessons donc de perpétuer cette image !

À titre personnel – je suis membre du groupe du Parti populaire européen (PPE) – je suis favorable aux listes transnationales. Cette évolution nécessaire figure au moins en filigrane, d’ailleurs, dans tous les traités adoptés par plusieurs générations de parlementaires et de ministres. Mais je peine à concevoir comment mettre cette mesure en œuvre avant que ne commence l’année préélectorale. De nombreuses méthodes sont sur la table ; j’ignore laquelle sera la meilleure.

En ce qui concerne la taille des circonscriptions, le passage des listes nationales aux listes régionales et le passage inverse aujourd’hui sont enveloppés dans de grands principes philosophiques alors qu’en général il s’agit surtout d’instaurer le mode de scrutin qui sera le plus favorable au gouvernement en place ; cela ne me choque pas, au contraire, c’est plutôt légitime. Je suis élu dans une circonscription d’un peu moins de neuf millions d’habitants : cela permet sans doute une proximité plus grande que si j’étais élu au niveau national, mais je ne peux tout de même pas me rendre en même temps dans toutes les villes de ma circonscription, et un seul mandat – puisque je n’en ferai qu’un – ne suffira pas à les visiter toutes. L’argument de la proximité n’est donc pas aussi valable qu’on le croit.

Quant au seuil de participation à la distribution des listes, il est d’usage au Parlement européen que tout ce qui favorise la participation du plus grand nombre de courants politiques soit bienvenu, et c’est également le cas dans la plupart des États membres. Cela relève néanmoins d’une prérogative législative nationale sur laquelle je n’émettrai donc pas d’avis particulier.

Vous avez évoqué le nombre de députés pour la France, madame la ministre...

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je vous remercie de conclure.

M. Jérôme Lavrilleux, député européen. Je conclus, madame la présidente, tout en vous indiquant que je fais l’aller-retour depuis Strasbourg dans le seul but de vous voir, puisque vous réunissez votre commission en pleine séance plénière du Parlement européen, ce qui est peu pratique.

Vous avez donc précisé, madame la ministre, que le vote sur le nombre de députés aurait lieu lundi et que la France obtiendrait 80 sièges. Je ne crois pas, pour ma part, que cela sera voté lundi, puisqu’un nouveau tableau vient d’être présenté et que nous sommes revenus à une proposition de 79 sièges pour la France, ce qui – en tant que vice-coordonnateur du groupe PPE à la commission des affaires constitutionnelles – me semble être un point de blocage important. Nous ne voterons pas ce texte, et les Espagnols nous soutiendront ; il n’y aura donc pas de majorité. Les discussions devront reprendre et le vote n’aura lieu que dans deux ou trois semaines, pas avant. Le poids de la France devait être plutôt de 81 voire 82 députés ; fixer ce nombre à 80 serait acceptable par rapport aux 74 actuels et aux 78 que proposaient initialement les rapporteurs issus du PPE et du groupe socialiste.

M. Raphaël Schellenberger. Je ne reviendrai pas sur le brillant exposé de Mme Le Grip, qui a démontré à quel point la proposition que nous fait le Gouvernement est à contre-courant de toute l’évolution de la procédure électorale dans l’Union européenne. Il est certes possible d’être éclairé au point d’avoir raison avant les autres, mais, lorsque l’on est seul à avoir raison, sans doute faut-il s’interroger sur la philosophie qui inspire ce mode de scrutin. Vous défendez la proximité et la décentralisation avec ferveur, madame la ministre, mais il faut bien comprendre que l’une et l’autre sont intimement liées au mode de scrutin. On ne peut pas favoriser la compréhension de l’Europe en coupant le débat électoral des réalités concrètes, lesquelles varient selon les territoires. Je crois sincèrement que l’Europe est un outil qui apporte des réponses à des questions qui se posent non seulement aux nations, mais aussi à des territoires, parfois de manière différente au sein d’une même nation. Le mode de scrutin doit être établi en conséquence. C’est pourquoi je suis particulièrement attaché à la régionalisation du scrutin.

Ensuite, la notion de terrain est certes importante – ce n’est pas parce que le scrutin sera national que les députés européens ne pourront plus aller sur le terrain – mais, a contrario, ce sera beaucoup plus difficile pour les acteurs locaux d’identifier les relais et les portes d’entrée à privilégier au Parlement européen. Le scrutin national éloignera notamment de l’Europe les collectivités territoriales, auxquelles on entend pourtant confier la gestion de fonds européens et certaines compétences en matière de relations européennes. Elles auront plus de mal à identifier leurs relais.

L’essentiel est de faire en sorte que le mode de scrutin ne fasse pas des élections européennes un référendum pour ou contre l’Union européenne, mais une occasion d’expliquer comment l’Europe peut concrètement améliorer le quotidien des territoires.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Le dernier orateur inscrit est M. Stéphane Peu.

M. Bernard Monot, député européen. Madame la présidente, comme mon collègue, je viens spécialement de Strasbourg pour participer à cette commission…

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Vous n’êtes pas inscrit, monsieur le député !

M. Bernard Monot, député européen. Si, et je peux vous le prouver : votre secrétariat a reçu un courrier électronique. Il n’est pas normal que nous n’ayons pas la parole !

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Votre nom ne figure pas sur ma liste.

M. Bernard Monot, député européen. C’est votre problème !

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je vous remercie de bien vouloir vous signaler poliment, et je vous donnerai alors la parole.

M. Stéphane Peu. Je commencerai par une remarque courtoise à M. le rapporteur : il est désagréable pour les Européens convaincus que nous sommes d’être classés rapidement et injustement dans le camp hostile à l’Europe. On peut s’opposer aux orientations de la Banque centrale européenne (BCE) et aux orientations libérales de la Commission de Bruxelles tout en étant un Européen convaincu. Je le rappelle pour éviter tout faux débat.

Je m’en tiendrai à la question de la répartition du temps de parole. Je ne comprends pas la répartition proposée dans le projet de loi. S’il était adopté et appliqué en l’état, quelque 50 % des électeurs du premier tour de l’élection présidentielle ne bénéficieraient que de 8 % du temps de parole pendant la campagne des élections européennes, selon un calcul rapide. On ne règle pas un débat politique aussi important que le débat européen en bidouillant des temps de parole et en empêchant les voix différentes de s’exprimer. Dès lors que l’on dépose une liste reconnue et que l’on dispose d’une représentation politique avérée selon des modes de calcul à définir, on doit pouvoir s’exprimer de manière égale. Les projections des temps de parole qui découleraient de votre projet de loi font apparaître un bidouillage grossier et inacceptable. De plus, la troisième fraction de la répartition du temps de parole est aléatoire, très subjective et, à ce stade, tout à fait incompréhensible. Elle n’offre pas les garanties de correction que vous semblez vouloir donner à l’article 2.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. On m’indique, monsieur Monot, que vous avez en effet adressé un courrier électronique au secrétariat de la commission des Affaires européennes, mais pour signaler votre présence à notre réunion. Je précise que, pour prendre la parole, il faut s’inscrire en séance à cet effet. Je vous donne brièvement la parole.

M. Bernard Monot, député européen. C’est parfait. Le Front national, madame la ministre, est favorable au choix que vous avez fait de rétablir une liste nationale, car la manœuvre effectuée dans les années 2000 par l’ex-UMP visait, à l’époque, à limiter notre progression. Heureusement pour nous, cette manœuvre s’est retournée contre ses promoteurs, comme on l’a vu en 2014. Le choix d’instaurer une liste nationale unique est donc judicieux. Nous sommes en revanche très réservés au sujet du principe de la liste transnationale. Vous vous plaignez de l’insuffisante participation des citoyens aux élections, mais le problème se posera avec encore plus d’acuité avec des candidats étrangers qu’avec des candidats français.

Quant aux sièges britanniques, il serait intéressant, en effet, d’en réallouer un maximum à la liste nationale française.

La question du temps de parole me préoccupe. Avec le nouveau dispositif que vous mettez en œuvre et concernant lequel nous serions très intéressés de prendre connaissance de vos simulations – qu'il faudra publier le plus vite possible afin d’éclaircir les points d’incompréhension –, nous avons le sentiment d’une manœuvre politique visant à museler les adversaires et à privilégier La République en marche – qui, je le rappelle, avait saisi le Conseil constitutionnel en mai.

Nous sommes également preneurs de précisions concernant le projet de loi sur les fake news pendant les campagnes électorales. Qui arbitrera ?

Mme la ministre. Toute une série de questions portent sur la circonscription unique. Celle-ci, je le répète, n’éloigne pas les territoires de l’Europe. Elle permet de donner une visibilité aux formations politiques qui présentent des listes, d’exposer leur vision de la politique européenne. Les partis sont libres de composer les listes avec des candidats issus de tous les territoires, pour représenter l’ensemble du territoire national. Certains parlent d’arrangement, de vieux monde, ou de retour en arrière.

Sénatrice, j’ai voté cette proposition de loi en faveur du rétablissement d’une circonscription unique. J’étais alors politiquement minoritaire et ne pouvais imaginer quels seraient les résultats des élections présidentielle et législatives de 2017. J’exprime donc une véritable conviction. Je ne fais évidemment grief à personne de croire en un autre système mais nous croyons depuis longtemps – n’est-ce pas, monsieur le rapporteur ? – en celui qui fait l’objet du texte soumis à votre examen. Nous estimons qu’il permet à toutes les formations politiques, y compris les plus petites, d’exprimer leur vision de l’Europe et qu’il n’empêche nulle présence sur le terrain, comme M. Lavrilleux l’a dit tout à l’heure – j’en profite pour le remercier non seulement de son intervention mais aussi pour les informations qu’il nous a données sur les travaux du Parlement européen.

Quant au nombre de sièges européens supplémentaires que la France pourrait se voir attribuer, nous sommes évidemment favorables à ce qu’il soit le plus élevé possible.

M. Reda a élargi le débat aux autres scrutins. Vous le savez, le projet du Président de la République est d’introduire une dose de proportionnelle aux élections législatives. Il l’a dit et répété au cours de sa campagne électorale. Je vous le confirme : ce sera l’objet d’un prochain projet de loi, mais pas de celui-ci.

Comment se passerait l’élection de la liste transnationale ? Concrètement, l’électeur européen procéderait à deux votes : un pour une liste présentée dans la circonscription nationale unique ; un autre pour une liste présentée dans la circonscription européenne unique. Il y aurait donc deux bulletins de vote.

Selon nos calculs, tous les partis devraient bénéficier de la nouvelle répartition du temps de parole. Certes, les résultats des élections législatives et sénatoriales comptent, et certains groupes sont plus nombreux maintenant qu’auparavant, mais la troisième part, dont la répartition incombera au CSA, permettra un rééquilibrage. M. Bernard Monot, membre du Parlement européen, est issu du Front national. Cette formation disposait auparavant de cinq minutes de temps de parole ; elle aura désormais beaucoup plus. Il n’y a pas de bidouillage, c’est ce qui a été validé par le Conseil d’État, et les petits partis sont favorisés.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Madame la ministre, nous vous remercions.


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   Discussion générale

Lors de sa réunion du mercredi 31 janvier 2018, la commission des Lois examine le projet de loi relatif à l’élection des représentants au Parlement européen (n° 539).

 

Mme la présidente Mme Yaël Braun-Pivet. Je vous rappelle que nous avons auditionné, le 17 février dernier, sur ce projet de loi, conjointement avec la commission des Affaires européennes, la ministre auprès du ministre de l’Intérieur, Mme Jacqueline Gourault. Nous avons, lors de cette audition, déjà procédé à une discussion générale.

 

M. Alain Tourret, rapporteur. Le projet de loi que nous examinons ce matin est un texte politiquement important et techniquement délicat, et je tiens à remercier, en premier lieu, Typhanie Degois ainsi que Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur pour observation de la commission des Affaires européennes, pour leur contribution à nos travaux.

 

Après s’être déroulées dans le cadre d’une circonscription nationale unique, à la suite du vote de la loi de 1977, à partir de 2004, les élections européennes ont été organisées dans notre pays dans le cadre de huit circonscriptions, dont la logique administrative n’a rien d’évident.

 

C’est la raison pour laquelle, dès 2013, j’avais, suite à son dépôt par le groupe du Rassemblement démocratique et social européen (RDSE) du Sénat, rapporté une proposition de loi visant à rétablir une circonscription unique.

 

Cette proposition de loi était en premier lieu motivée par le fait que les idées européennes méritent incontestablement d’être discutées dans un cadre national et non dans le cadre de circonscriptions où le risque est de voir le débat brouillé par des considérations régionales.

 

Elle est ensuite née du fait que, contrairement aux promesses selon lesquelles ce découpage régional contribuerait à rapprocher les électeurs de leurs représentants européens, il n’en a rien été.

 

Sachant par ailleurs que dans l’essentiel des États membres l’élection se déroule à la proportionnelle dans le cadre d’une circonscription unique, rien ne plaidait en faveur de la réforme électorale votée en 2003.

 

Nous avons aujourd’hui un Président de la République qui a fait de l’Europe l’un de ses principaux combats, et les élections européennes seront, dans un an et demi environ, les premières élections importantes depuis les élections législatives : je me félicite donc que le Gouvernement ait fait le choix de revenir à une circonscription unique.

 

Outre la question des seuils autorisant les listes à disposer d’élus, il nous faudra statuer sur la question des temps d’antenne de la campagne électorale, pour tirer les conséquences de la décision récente du Conseil constitutionnel sur le sujet. Nous aurons également à nous prononcer sur le montant de dépenses autorisé ainsi que sur certaines dispositions techniques.

 

Je vous proposerai par ailleurs que, en cas d’égalité, ce soit la liste la plus jeune, et non la plus âgée, qui soit retenue. Cela n’a rien d’anecdotique, et j’y vois un symbole de cette Europe dont nous voulons qu’elle soit l’Europe de la jeunesse et non l’Europe des anciens combattants.

 

Enfin, le projet de loi ouvre la possibilité d’élire, le cas échéant, nos candidats sur des listes transnationales, idée à laquelle le Président de la République est très attaché et que Bruxelles étudie actuellement, notamment pour la réattribution des sièges abandonnés par les Anglais à cause du Brexit. Cela ne pourrait que contribuer à renforcer cette citoyenneté européenne à laquelle je crois tant.

 

Mme Typhanie Degois. Pour débuter mon propos, je souhaite souligner les délais restreints dont nous disposons : en effet, les prochaines élections européennes devraient se dérouler au printemps 2019, et il est important d’en fixer les modalités juridiques au moins un an à l’avance, afin de ne pas porter atteinte à l’exercice du droit de suffrage, garanti par l’article 3 de la Constitution. Notre temps est donc compté.

 

Le temps nous est également compté du fait de l’urgence à faire évoluer l’Europe. L’Union européenne est aujourd’hui dans une impasse ; elle ne parvient plus à incarner les peuples qui la composent, et la moindre action nécessite plusieurs mois pour sa mise en œuvre.

 

Revenir à une circonscription nationale, c’est tout d’abord donner une tribune à l’Europe et s’interroger sur ce que nous voulons en faire, et comment ; c’est aussi favoriser, grâce au scrutin proportionnel, le pluralisme politique, en donnant la possibilité aux petits partis ou groupements d’être représentés et de défendre leurs idées.

 

Le projet de loi aborde par ailleurs plusieurs points relatifs aux modalités de l’élection, tels la répartition du temps de parole, la diminution du plafond maximal des dépenses, la constitution des listes et la possibilité de bâtir des listes transnationales.

 

Vous l’aurez compris, ce qui pousse le groupe REM à soutenir ce projet de loi, c’est la volonté de permettre aux Français de voter pour un projet cohérent et lisible aux prochaines élections européennes.

 

M. Vincent Bru. Le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés, dont l’engagement en faveur de l’Europe est connu de tous, se félicite que ce projet de loi concrétise l’une des promesses du candidat Emmanuel Macron, qui porte aujourd’hui, comme Président de la République, une grande ambition pour l’Europe.

 

Nous soutenons bien entendu la création d’une circonscription unique, tout en espérant également que la composition de ces listes tiendra compte de la diversité des territoires et qu’elle assurera en particulier la représentation des outre-mer.

 

La constitution de listes transnationales a la faveur de notre groupe, même si la décision finale appartient au Conseil européen, lequel statue à l’unanimité, ce qui rendra sans doute difficile l’adoption de ce principe.

 

Enfin, notre groupe défendra éventuellement en séance un amendement de Jean-Louis Bourlanges ayant pour objectif de mieux établir le lien entre les listes et les forces politiques qu’elles représentent, non pas au plan national mais au plan européen.

 

M. Sébastien Huyghe. Le groupe Les Républicains est totalement opposé à cette réforme du mode d’élection des députés européens. Rien ne permet en effet au rapporteur d’affirmer que le découpage régional n’a pas permis aux députés européens de se rapprocher de leurs électeurs, pas plus qu’il ne peut affirmer que le scrutin à liste unique est la règle dans l’Union européenne : si les pays les plus petits ont opté pour une circonscription nationale, les plus grands d’entre eux ont établi, comme nous, des circonscriptions régionales, et la logique voudrait plutôt que nous fassions évoluer les circonscriptions actuelles pour les faire correspondre à nos nouvelles régions, ce qui permettrait de rapprocher encore davantage les élus européens de leurs électeurs.

 

Je le dis avec gravité : si on nous soumet – j’allais dire impose – cette réforme électorale, c’est uniquement à des fins politiciennes. La nouvelle majorité présidentielle ne dispose pas encore de personnalités susceptibles de l’incarner au plan local dans les régions, et un scrutin régional constituerait pour elle un véritable handicap. D’où ce projet de loi, qui impose dans l’urgence une « nationalisation » du scrutin. On aurait pu penser que ce genre de tripatouillage électoral appartenait à l’ancien monde, mais j’ai coutume de dire que le nouveau monde, c’est l’ancien monde en pire : nous en avons une nouvelle preuve aujourd’hui.

 

Mme Marie-France Lorho. C’est peu dire que ce texte, qui fait d’ailleurs la quasi-unanimité des groupes de l’opposition – de FI à LR – et des non-inscrits contre lui, ne nous convient pas. Mon mouvement, la Ligue du Sud, est résolument localiste ; aussi comprendrez-vous que le retour à la circonscription nationale est pour moi un déni de démocratie, qui s’ajoute d’ailleurs au déni de démocratie que constitue la prime aux partis plutôt qu’à l’enracinement et au talent individuels.

 

Je ne résiste pas au plaisir de citer l’avis du Conseil d’État, qui « estime que l’annonce de l’éventuelle création de listes transnationales pour l’élection de représentants au Parlement européen, qui est dépourvue de portée normative, a plus sa place dans l’exposé des motifs que dans le texte du projet de loi. Il propose en conséquence de supprimer cette mention dans le dernier article relatif à l’entrée en vigueur de la loi. » Quant à la répartition des temps de parole, l’expression utilisée par le Conseil constitutionnel est éloquente, puisqu’elle est considérée « manifestement hors de proportion ». Cela devrait vous inquiéter.

 

Si les représentants de La République en Marche ont jugé bon de déposer une QPC parce qu’ils se considéraient lésés dans leur temps d’antenne par rapport au parti socialiste, il est une France qui pourrait bien renchérir qu’elle est lésée non seulement en termes d’accès aux médias mais en termes de représentation politique : celle qui refuse obstinément de participer aux scrutins, parce qu’elle considère que nous ne lui proposons rien de viable.

 

J’aurai donc deux questions. Entendez-vous maintenir l’actuelle répartition des temps d’antenne, qui, même s’il s’agissait à l’origine de réparer une injustice, fleure bon la revanche et ne saurait être durablement supportée par les députés non inscrits ?

 

Croyez-vous vraiment par ailleurs, comme le laisse entendre l’étude d’impact, que l’agrandissement permanent des circonscriptions contribuera à renforcer la participation électorale, alors que nous savons que ce qui concerne nos concitoyens, ce sont les scrutins et les élus de proximité ?

 

Mme Cécile Untermaier. Permettez-moi en préambule de remercier Alain Tourret pour la qualité de son travail et la nuance de ses propos.

 

Ne nous le cachons pas, ce projet de loi a été validé par l’ensemble des appareils politiques, qui ont tous « fait marcher la calculette » pour savoir quelle était l’option la plus rentable en termes de sièges.

 

Alain Tourret a rappelé que le découpage en huit circonscriptions avait pour objet de rapprocher nos concitoyens de leurs représentants et de renforcer leur adhésion à l’idée d’Europe. Je le rejoins sur le constat que cela n’a pas marché – les chiffres le démontrent. J’apporterais néanmoins un bémol à ce constat en soulignant que les députés européens ne jouent pas toujours le jeu de la proximité et que le manque de pédagogie et l’absence de clarté dans le discours contribuent souvent à l’affaiblissement de la participation citoyenne. Si nous adoptons une circonscription nationale, encore faudra-t-il que les députés européens changent de méthode et se rapprochent de leurs électeurs.

 

Puisque le scrutin de liste à l’échelle nationale semble majoritaire en Europe, auriez-vous des éléments à nous fournir sur ses répercussions en termes d’abstention dans les autres pays ?

 

L’harmonisation des scrutins au plan européen peut être un premier pas vers une Europe ambitieuse, s’il s’agit de favoriser, grâce à ce modèle, un discours commun cohérent. Le groupe Nouvelle Gauche souscrit donc à ce dispositif et à l’éventuelle mise en place de listes transnationales.

 

C’est une disposition essentielle, et nous regrettons qu’elle n’ait pas de valeur normative. C’est en tout cas une innovation majeure, et nous espérons que les États membres seront bientôt incités à s’en emparer.

 

Nous avons cependant une grande inquiétude pour ce qui concerne les outre-mer, dont les enjeux tout à fait particuliers risquent de ne pas être nécessairement défendus comme il le faudrait par des députés issus d’un scrutin national.

 

Nous avons constaté que, dans l’étude d’impact et l’exposé des motifs, vous avez réfléchi à la question de l’outre-mer, pour écarter des dispositifs qui n’étaient pas satisfaisants. Nous n’en avons pas non plus à vous proposer à ce stade de la discussion. Nous notons toutefois que l’Allemagne dispose, quant à elle, d’un scrutin mixte. Ne peut-on s’en inspirer pour attirer l’outre-mer, malgré sa grande particularité, dans un dispositif commun ? Il vaudrait aussi pour les terrains de vie sur lesquels nous vivons.

 

Comment faire pour rassurer les députés ultramarins, qui sont très inquiets ? Les territoires ultramarins sont partie intégrante de la France ; ils doivent être représentés et défendus en Europe au même titre que tous les territoires de l’Hexagone.

 

M. Stéphane Peu. Le groupe GDR est favorable à une circonscription nationale, car ce type de scrutin nous semble plus respectueux d’une Europe des nations. À ce stade, nous n’avons qu’un bémol à faire entendre sur le projet de loi : sur le seuil de représentativité et sur la répartition du temps de parole.

 

Nous souhaiterions qu’il n’y ait pas de seuil de représentativité. Il s’agit en effet d’une élection à la proportionnelle définie sur un périmètre où des blocages à la formation de majorité ne peuvent survenir, ce qui est parfois l’inconvénient de ce genre de scrutin. Nous pensons que l’absence de seuil est possible et permettrait, pour une élection qui fait l’objet de beaucoup d’abstentions, en France et dans les autres pays européens, d’obtenir une meilleure représentativité. Mais, s’il devait tout de même y en avoir un – car, dans le cadre de la discussion d’un projet de loi, nous ne pouvons pas toujours aller aussi loin que nous le souhaiterions les uns et les autres –, nous proposons qu’il soit le même que le seuil retenu pour le remboursement des dépenses électorales, c’est-à-dire 3 %. Nous avons déposé un amendement en ce sens.

 

J’ajoute que le seuil de représentativité en vigueur en France est l’un des plus élevés d’Europe. Un certain nombre de pays, au nombre desquels l’Allemagne, n’en ont tout simplement pas. J’ai perçu une certaine ouverture sur ce sujet de la part de la ministre, du rapporteur et des orateurs de groupe. Le texte évoluerait dans le bon sens si une telle disposition était adoptée.

 

Sur la répartition du temps de parole, nous n’avons pas déposé d’amendement en commission, mais nous le ferons probablement en séance. Nous nous efforcerons de formuler une proposition qui permette un meilleur équilibre du temps de parole, tout en tenant compte de l’émergence de forces politiques nouvelles dans notre pays, et en particulier dans notre assemblée. Il faut en effet qu’elles soient intégrées à leur juste valeur et à leur juste niveau dans le processus du débat électoral.

 

M. Ugo Bernalicis. Nous entendons beaucoup parler, ces deniers temps, de « pluralisme politique », de « débats d’opinion »… Quelle mélodie enchanteresse sur la démocratie !

 

Mais n’est-ce pas finalement le mouvement politique dont est issu le Gouvernement qui est à l’origine de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) dont tout le monde prétend aujourd’hui ne faire qu’appliquer le résultat ? Il est pourtant aisé de voir que le contenu de cette QPC du 24 mai 2017, qu’il s’agisse des motifs ou du dispositif, n’a que peu à voir avec ce texte. La décision du Conseil constitutionnel vise avant tout à ce que la répartition du temps de parole ne soit pas un frein à l’émergence de nouvelles voix politiques, par exemple en créant, du fait de la traduction électorale, des distorsions dans la représentativité des forces politiques, à rebours de la résonance grandissante d’un mouvement politique dans l’opinion publique.

 

Mais l’inverse est également vrai. Certains partis dont l’influence décline dans l’opinion maintiennent à l’Assemblée nationale une représentation d’habitude ou de coutume, le temps sans doute d’une dernière législature un peu mélancolique…

 

Pour le Conseil constitutionnel, il s’agit de prendre en compte à la fois des messages électoraux et la réalité plus changeante des mouvances politiques décisives à un instant démocratique donné. Ce fut le cas pour la majorité actuelle, qui n’existait pas sous ce nom à l’Assemblée nationale, même si quelques anciens parlementaires se sont recyclés en son sein.

 

Il est donc difficile de croire que le Gouvernement veuille prendre acte de la décision du Conseil constitutionnel, alors que cette loi fait en réalité tout l’inverse. On ne s’attardera pas sur le fait que les dispositions censurées par les juges ne sont pas comparables à celles qu’il s’agit aujourd’hui de modifier. Plus parlant, cette loi n’a aujourd’hui qu’un effet : faire en quelque sorte de l’audiovisuel public et de la radio des mégaphones de La République en Marche et de ses alliés. Cette loi va en effet avoir pour conséquence d’octroyer à la majorité 50 % du temps de parole, qui était auparavant réparti de manière égalitaire entre les partis et groupements représentés au Parlement. Ce n’est tout de même pas rien, 50 % du temps de parole !

 

Ce nouveau mode de répartition du temps de parole musèle en réalité les groupes parlementaires qui sont nouveaux à siéger dans l’opposition, ce qui étouffe le pluralisme des idées et empêche le débat démocratique. Il crée donc exactement la « disproportion dans la représentativité » qu’en mai dernier le Conseil constitutionnel jugeait être en violation avec la Constitution. C’est d’autant plus vrai qu’en appliquant ces nouvelles règles aux groupes et partis représentés au Parlement, la loi exclut que ces groupements puissent avoir une importance plus grande encore dans la société, où les choses sont mouvantes.

 

Ce texte fait également preuve d’un anti-européanisme primaire en excluant de ce décompte les élus du Parlement européen. Cela conduit donc au résultat que les groupes parlementaires petits en nombre, et dont la popularité dans l’opinion est grandissante, voient leur temps de parole drastiquement réduit par cette réforme. Au lieu de permettre l’émergence de nouvelles voix, elle les réprime.

 

Pour ce qui nous concerne, nous ne nous aventurons pas à nous demander pourquoi la majorité a tant peur du débat d’idées sur l’Union européenne. Mais nous voterons de manière décidée contre ce projet de loi qui, à s’en tenir à ce seul aspect, se révèle déjà mesquin – même si, sur la question des listes nationales et transnationales, nous sommes en revanche plutôt d’accord.

 

M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur pour observation de la commission des affaires européennes. Mon collègue Alain Tourret a déjà tout dit et je souscris, dans les grandes lignes, à toutes ses propositions.

 

Je rappellerai simplement que les élections européennes, traditionnellement considérées – à tort – comme une échéance électorale de second rang, sont un enjeu majeur pour notre pays. Les partis politiques nationaux ont longtemps considéré le Parlement européen comme la seconde division de la vie politique nationale. En 2019, il faudra changer de paradigme.

 

Je soutiens naturellement le retour à une circonscription nationale unique. La régionalisation du scrutin a échoué ; les circonscriptions étaient beaucoup trop grandes et illisibles. Cela n’a pas rapproché des citoyens français le parlementaire européen. Il a été question de bidouillage électoral : la réforme de 2004 servait plutôt aux grands partis politiques à noyer leurs divergences sur les questions européennes dans des sous-débats régionaux. Le retour à une circonscription nationale unique permettra au contraire de mener un vrai débat européen, et je m’en réjouis.

 

Je salue la disposition de l’article 7 qui permet la mise en œuvre de listes transnationales. Cet outil, qui peut paraître symbolique, revêt une grande importance politique, car il permettra de créer un embryon de démocratie européenne.

 

Enfin, dans mon rapport, j’incite l’audiovisuel public, à se saisir de l’élection européenne de 2019. En 2014, France Télévisions n’avait pas diffusé le débat entre les candidats têtes de listes, autrement appelés Spitzenkandidaten. En 2019, il faudra changer de paradigme sur ce point aussi.

 

S’agissant du temps de parole, je rappellerai seulement que les clips électoraux ne font pas une campagne. En 2014, le Front national a remporté l’élection européenne. Pourtant, les clips de campagne du parti socialiste étaient deux fois plus longs. Cela n’a pas empêché le Front national de recueillir plus de deux millions de voix que lui. Sortons donc d’une vision étriquée et erronée. La conduite d’une campagne comporte beaucoup d’autres aspects que la simple diffusion de clips électoraux.

 

Pour le reste, je soutiens évidemment les orientations du rapporteur et je vous remercie de votre accueil ce matin.

 

M. le rapporteur. J’ai écouté avec beaucoup d’attention les propositions formulées par l’ensemble des groupes.

 

L’opposition frontale du groupe Les Républicains s’exprimait déjà il y a cinq ans. Nous sommes d’accord pour constater qu’ils ne changent pas d’avis. Ils admettront également que je ne change en rien : j’étais déjà le rapporteur d’une proposition de loi allant dans le même sens que celle que nous examinons aujourd’hui.

 

M. Éric Diard. N’avez-vous pas changé de parti ?

 

M. le rapporteur. Non, Messieurs, je n’ai pas changé de parti ni d’idées ! Je reste fidèle aux idées que j’ai toujours soutenues. Je suis un européen de toujours.

 

M. Éric Diard. C’est comme la girouette et le vent …

 

M. le rapporteur. Si vous faites référence à Edgar Faure, il fut en effet, pendant une période, membre du parti gaulliste. C’est donc plutôt vous qui êtes la girouette épousant le vent, monsieur Diard.

 

S’agissant de l’outre-mer, plusieurs problèmes se posaient. Une circonscription unique, forte de trois sièges, regroupait l’ensemble de ces territoires. L’idée était de rapprocher les élus de ces territoires éparpillés sur l’ensemble de la planète. Mais l’échec a été patent : le taux de participation n’a pas atteint les 17 %. C’est pourquoi je peine à croire que c’est une solution qui puisse donner satisfaction à l’outre-mer.

 

Quant aux éventuelles obligations à prévoir, je pense qu’il reviendra plutôt à chaque parti de prendre en compte la nécessaire représentation de l’outre-mer sur la liste qu’il présentera. En ce qui concerne le montant des dépenses susceptibles d’être prises en considération, le texte fait référence à la possibilité de prendre en charge, à hauteur de 2 % des dépenses totales, les « frais de transport aérien, maritime et fluvial » exposés par chaque liste de candidats, au départ et à destination des collectivités d’outre-mer.

 

En ce qui concerne le temps de parole et l’article 2 du projet de loi, nous nous sommes calés sur la décision du Conseil constitutionnel et sur la pratique du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Cela nous apporte, me semble-t-il, les meilleures garanties d’objectivité.

La Commission en vient à l’examen des articles du projet de loi.


—  1  —

   Examen des articles

Article 1er
(art. 4 de la loi  77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen)
Retour à une circonscription unique pour l’élection en France des représentants au Parlement européen

Résumé du dispositif et effets principaux :

L’article 1er du projet de loi remplace les huit circonscriptions dans lesquelles a été organisée, de 2004 à 2014, l’élection en France des représentants au Parlement européen, par une circonscription nationale unique.

Dernières modifications législatives intervenues :

L’article 4 de la loi du 7 juillet 1977 ([30]) a été modifié par la loi du 11 avril 2003 ([31]) qui a créé huit circonscriptions territoriales. Il a ensuite fait l’objet de deux modifications, l’une par l’article 6 de la loi du 26 mai 2011 ([32]) qui a étendu le périmètre de la circonscription Île-de-France en y incluant les Français établis hors de France, l’autre de coordination par la loi du 28 février 2017 ([33]).

Les apports de la Commission :

La Commission a adopté un amendement de votre rapporteur pour préciser la rédaction de l’article 4 de la loi du 7 juillet 1977, afin d’exclure toute remise en cause de la participation des Français établis à l’étranger à ce scrutin.

I.   L’État du droit

Les procédures d’élection du Parlement européen sont à la fois régies par la législation européenne, qui fixe des principes communs, et par des dispositions nationales, qui varient d’un État-membre à l’autre.

A.   Le mode de scrutin pour les Élections europÉennes

Aux termes de l’article 9 A du Traité sur l’Union européenne (TUE), dans sa rédaction issue du traité de Lisbonne entré en vigueur le 1er décembre 2009, le Parlement européen est composé de représentants des citoyens de l’Union européenne, dont le nombre est limité à 751 membres. La représentation est assurée de façon dégressivement proportionnelle, avec un seuil minimal de 6 membres par État-membre et un maximum fixé à 93 membres. Les membres du Parlement européen sont « élus au suffrage universel direct, libre et secret, pour un mandat de cinq ans ».

L’article 190 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) confie au Parlement européen le soin d'élaborer des projets en vue de permettre son élection au suffrage universel direct « selon une procédure uniforme dans tous les États membres ou conformément à des principes communs à tous les États membres ». Historiquement, cet article, qui figurait dans le Traité instituant la Communauté économique européenne, devenu Traité instituant la Communauté européenne, a permis, à défaut d’adoption d’une « procédure uniforme », compte tenu des divergences des droits nationaux et de la difficulté d’obtenir l’unanimité requise de la part des États membres, l’élaboration de « principes communs à tous les États membres ».

Les modalités de l’élection des représentants au Parlement européen ont, par conséquent, été fixées par l’Acte portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct du 20 septembre 1976 ([34]). Prenant la forme d’une décision des États membres réunis au sein du Conseil, elle a été modifiée à plusieurs reprises dans les mêmes conditions ([35]) ; celle-ci fixe plusieurs règles :

– le principe selon lequel les membres du Parlement européen sont élus au scrutin proportionnel (article 1er de l’Acte) ;

– la possibilité pour chaque État membre de constituer des circonscriptions pour cette élection ou de prévoir d’autres subdivisions électorales, « sans porter globalement atteinte au caractère proportionnel du mode de scrutin » (article 2) ([36]) ;

– la possibilité de prévoir un seuil minimal pour l’attribution des sièges, qui ne peut dépasser 5 % des suffrages exprimés (article 3) ;

– la possibilité de fixer un plafond pour les dépenses des candidats relatives à la campagne électorale (article 4).

L'article 7 prévoit que les matières qui ne sont pas traitées dans l'Acte sont régies par la législation nationale.

L’élection en France des représentants au Parlement européen relève donc des dispositions communes du titre Ier du Livre Ier du code électoral, ainsi que des dispositions particulières de la loi du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen ([37]).

Conformément à l’article 3 de cette loi, l’élection a lieu, par circonscription, au scrutin de liste à la représentation proportionnelle, sans panachage ni vote préférentiel.

Les sièges sont répartis, dans la circonscription, entre les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne. Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l'attribution du dernier siège, celui-ci revient à celle qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d'égalité de suffrages, le siège est attribué à la liste dont la moyenne d'âge est la plus élevée.

Les sièges sont attribués aux candidats d'après l'ordre de présentation sur chaque liste.

B.   Les circonscriptions

La rédaction actuelle de l’article 4 de la loi du 7 juillet 1977 est issue de l’article 15 de la loi du 11 avril 2003 relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques ([38]), qui a organisé le scrutin au niveau de huit circonscriptions territoriales, au lieu d’une circonscription nationale unique. Elle n’a pas modifié les autres caractéristiques du scrutin.

La loi du 26 mai 2011 relative à l'élection des représentants au Parlement européen ([39]) a étendu le périmètre de la circonscription d’Île-de-France, en y incluant les 1,6 million de Français établis dans l’un des autres pays de l’Union européenne.

Les 74 sièges dont dispose la France au Parlement européen ont été répartis comme suit entre les huit circonscriptions par le décret n° 2014-378 du 28 mars 2014 :

– Nord-Ouest : 10 sièges ;

– Ouest : 9 ;

– Est : 9 ;

– Sud-Ouest : 10 ;

– Sud-Est : 13 ;

– Massif central - Centre : 5 ;

– Île-de-France et Français établis hors de France : 15 ;

– Outre-mer : 3 (section Atlantique : 1 ; section Océan indien : 1 ; section Pacifique : 1).

Cette réforme importante visait à renforcer l’ancrage de l’élu européen dans la vie politique nationale. Son bilan apparaît mitigé.

Les circonscriptions interrégionales n’ont pas permis de renforcer la proximité des électeurs avec leurs élus. Un grand nombre de citoyens ignore le nom de ses représentants au Parlement européen et la participation n’a pas augmenté. Au contraire, alors que l’abstention atteignait déjà des niveaux préoccupants, et tandis que parallèlement les pouvoirs du Parlement européen se sont renforcés, la participation a reculé de 46,8 % en 1999 à 42,4 % en 2014.

La division en huit circonscriptions n’a pas favorisé le pluralisme de la représentation. La multiplication des circonscriptions a eu pour effet de favoriser les plus grands partis au détriment des petites formations politiques, qui ne peuvent être présentes dans toutes les circonscriptions, faute de moyens. Le découpage du territoire en huit circonscriptions conduit ainsi à limiter les effets du scrutin proportionnel pour la répartition des sièges.

Le découpage actuel n’est pas cohérent avec la nouvelle délimitation des collectivités régionales, instituée par la loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.

Enfin, loin de favoriser l’émergence d’une « procédure uniforme » ou de « principes communs à tous les États membres », le choix d’un scrutin à circonscriptions multiples éloigne la France du modèle majoritaire dans l’Union européenne, celui d’une circonscription nationale unique, adopté par vingt-quatre des vingt-huit États membres.

II.   La réforme proposÉe

Afin de remédier aux défauts du système actuel, le Gouvernement propose de rétablir une circonscription électorale unique pour l’élection au Parlement européen.

A.   L’abandon du systÈme interrÉgional et le retour à une circonscription unique

Les alinéas 1 et 2 du présent article modifient l’article 4 de la loi du 7 juillet 1977 afin de rétablir une circonscription unique nationale pour l’élection en France des représentants au Parlement européen.

Comme le relève le Conseil d’État dans son avis du 21 décembre 2017, « le choix d’une circonscription unique, qui correspond d’ailleurs au choix retenu par la grande majorité des États membres de l’Union européenne, ne méconnaît aucune disposition du droit de l’Union et ne pose pas de question de constitutionnalité » ([40]).

Les dispositions communes de l’Acte de 1976 laissent une complète liberté de choix aux États-membres en la matière : ainsi, de 1979 à 1999, les élections européennes ont eu lieu, dans notre pays, dans le cadre d’une circonscription unique.

Au plan constitutionnel, on peut également rappeler que le Conseil constitutionnel avait rejeté les arguments invoqués contre la mise en place des circonscriptions interrégionales dans sa décision n° 2003-468 DC du 3 avril 2003 ([41]), considérant qu’en la matière la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement.

Les dispositions insérées par l’article 4 du projet de loi n’imposent pas aux listes de comporter un nombre de candidats supérieur au nombre de sièges à pourvoir, qui est actuellement de 74 en application de la décision 2013/312/UE du Conseil européen du 28 juin 2013 fixant la composition du Parlement européen. Comme l’a souligné le Conseil d’État dans son avis ([42]), on peut estimer que, compte tenu du mode de scrutin proportionnel et du nombre des sièges à pourvoir dans une circonscription unique, ces dispositions sont de nature à ce que le nombre des suivants de listes soit toujours suffisant pour éviter que certains siègent demeurent durablement vacants par suite de démission, de décès ou d’incompatibilité de membres du Parlement européen.

B.   Le maintien du seuil d’ÉligibilitÉ À 5 %

Le projet de loi ne revient pas sur l’article 3 de la loi du 7 juillet 1977 et maintient donc le seuil de 5 % à partir duquel les listes sont admises à se répartir les sièges.

L’Acte de 1976, modifié sur ce point en 2002, permet la mise en place d’un tel seuil à condition de ne pas dépasser 5 % des suffrages exprimés. Le choix du niveau adéquat relève donc de la responsabilité de chaque État-membre : il est fixé à 5 % en France, en Lituanie, en Pologne, en Slovaquie, en République tchèque, en Roumanie et en Hongrie, à 4 % en Autriche, en Italie et en Suède, à 3 % en Grèce et à 1,8 % à Chypre.

Un seuil fixé trop haut limite les effets du scrutin proportionnel. À l’inverse, plus ce seuil est bas, plus le pluralisme est favorisé. Dès lors, un abaissement du seuil de 5 à 3 % irait dans le sens d’une diversification de l’offre politique sur l’ensemble du spectre politique.

RÉsultats consolidÉs des Élections europÉennes de 2014 en france

Nuances de listes

Voix

% Exprimés

Sièges

Listes Extrême gauche

302 436

1,60

0

Listes Front de Gauche

1 200 713

6,33

3

Listes Union de la Gauche

2 650 357

13,98

13

Listes Divers gauche

602 294

3,18

1

Listes Europe-Écologie-Les Verts

1 696 442

8,95

6

Listes Divers

827 526

4,37

0

Listes Union du Centre

1 884 565

9,94

7

Listes Union pour un Mouvement Populaire

3 943 819

20,81

20

Listes Divers droite

1 133 811

5,98

0

Listes Front National

4 712 461

24,86

24

Listes Extrême droite

1 337

0,01

0

Source : ministère de l’Intérieur

Le seuil d’éligibilité à 5 % ne correspond plus, enfin, au seuil de remboursement des dépenses de campagne, qui a été abaissé de 5 % à 3 % des suffrages exprimés par la loi n° 2003-327 du 11 avril 2003.

Il est toutefois très improbable que ce maintien des 5 % puisse présenter un risque juridique : si le Conseil constitutionnel accepte de contrôler les seuils au nom du principe de pluralisme politique, il a accepté, à deux reprises ([43]), des seuils d’éligibilité fixés à 5 % des suffrages exprimés, estimant « loisible au législateur, lorsqu'il fixe les règles électorales, d'arrêter des modalités tendant à favoriser la constitution d'une majorité stable et cohérente ».

*

*     *

La Commission est saisie des amendements identiques CL2 de Mme Marie-France Lorho, CL10 de M. Thibault Bazin, CL13 de M. Xavier Breton et CL21 de M. Jean-Louis Masson.

Mme Marie-France Lorho. Je pense que la mise en œuvre d’une circonscription nationale est une triple erreur.

C’est une erreur parce qu’elle reflète un centralisme auquel La République en Marche ne nous avait pas habitué. Il est pourtant évident que l’on ne possède pas le même rapport à l’Union européenne si l’on habite à Brest ou à Strasbourg. C’est la vieille erreur jacobine qui pèche par idéalisme, plutôt que de s’inscrire dans la diversité du rapport aux institutions qui est une richesse démocratique.

C’est une erreur, car elle rendra la campagne encore plus caricaturale, dominée par la seule expression télévisuelle, propice à des feuilletons et autres provocations qui divisent le corps social et le personnel politique. Vous ne manquerez pas d’ailleurs, avec ces circonscriptions uniques, d’avoir le retour des listes monothématiques qui pourraient tendre les opinions dans une France fracturée.

Enfin, c’est une erreur car les Français continueront à percevoir les élus comme des esprits lointains, déjà privés de l’enracinement local par l’absurde interdiction du cumul des mandats, et désormais représentants sans racines auprès d’un Parlement européen sans prise directe avec les peuples.

M. Thibault Bazin. Par cet amendement, je propose de supprimer l’article 1er. En effet, j’ai la conviction profonde qu’un scrutin national pour ces élections européennes va aggraver la crise de confiance et la crise de la démocratie représentative entre les citoyens et l’Union européenne.

Au lieu de les en éloigner, il faudrait rapprocher du terrain les députés européens. Prenez l’exemple de la directive européenne relative au plomb. Vu de Paris, elle semble bonne. Quand on connaît la manufacture de Baccarat, forte de 500 salariés, dont une vingtaine sont reconnus « Meilleur ouvrier de France », on n’ose imaginer la bêtise d’une directive élaborée par une bureaucratie bruxelloise qui crée le problème de la mise en décharge de lustres de Baccarat. Vous admettrez que cela n’a pas de sens.

Pour que l’Europe soit une Europe de bon sens, il faut des élus enracinés et bien connectés aux réalités locales. Le mode de scrutin national va éloigner des électeurs les élus au Parlement européen. La vitalité européenne a besoin de s’appuyer sur des élus libres et tirant leur légitimité du terrain, et non d’un engagement d’apparatchik.

Mes chers collègues, pour l’Europe, supprimons l’article 1er.

M. Xavier Breton. Mon amendement propose lui aussi la suppression de la circonscription nationale. Nous pouvons certes être d’accord pour faire évoluer les circonscriptions existantes. Encore faut-il s’interroger sur les raisons de l’abstention constatée aux derniers scrutins : les circonscriptions interrégionales en vigueur aujourd’hui ne disent rien à nos concitoyens.

Ce constat fait, deux choix s’offrent à nous.

Soit on organise le scrutin au niveau national, ce qui a l’avantage d’une lisibilité accrue, mais présente deux inconvénients, et non des moindres : on s’éloigne encore plus du terrain ; on donne beaucoup de poids – trop – aux partis politiques.

Soit nous nous rapprochons du terrain, en suivant la proposition de notre collègue Guillaume Larrivé et en adoptant des circonscriptions correspondant aux nouvelles régions. Elles auraient l’intérêt d’une forte visibilité pour nos concitoyens. En plus, nous nous rapprocherions d’eux.

Finalement, la renationalisation du scrutin européen trahit une méfiance par rapport aux territoires, et particulièrement par rapport aux régions.

M. Jean-Louis Masson. Sur quels éléments concrets, monsieur le rapporteur, vous fondez-vous pour prétendre que les grandes régions ne conservent pas une forme de proximité avec les électeurs ? Pour obtenir plus de proximité, vous auriez pu proposer, à l’inverse, de confondre les nouvelles circonscriptions électorales avec les grandes régions administratives récemment créées.

La vérité est que le parti majoritaire pense qu’une circonscription nationale unique lui sera plus favorable. Voilà de la politique à l’ancienne : vous êtes bien placé pour la défendre, monsieur le rapporteur ! Souvent, ce genre de tripatouillage se retourne contre celui qui l’initie. Enfin, je trouve que, plus on éloigne les électeurs de leurs élus, plus leur taux de participation sera faible.

Madame la présidente, je trouve par ailleurs dommage qu’on ne puisse pas débattre des amendements. On peut raccourcir le temps de parole sans le supprimer tout à fait. Ce n’est pas un bon fonctionnement pour cette commission.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. J’imagine que c’est une plaisanterie ? Après avoir déjà tenu il y a quinze jours une première discussion générale, à l’occasion de l’audition de la ministre auprès du ministre de l’Intérieur, nous venons d’en tenir une seconde, avant que chacun des auteurs d’amendements identiques de suppression de l’article 1er s’exprime sur son propre amendement. Je ne pense pas avoir raccourci la discussion de ce matin de quelque manière que ce soit. Alors que nous n’en sommes qu’au début de l’examen du texte, ce procès est quelque peu prématuré.

M. Jean-Louis Masson. Je retire alors mon observation.

M. le rapporteur. Permettez-moi tout d’abord une observation ironique. En 1958, lorsque le général de Gaulle a présenté la Constitution de la Ve République, il avait prévu que les scrutins seraient organisés à la proportionnelle. Ce n’est qu’à la suite des réflexions de Michel Debré qu’il a abandonné cette proposition. Qui est donc ici le plus gaulliste aujourd’hui ?

M. Pierre Cordier. Vous y étiez, sans doute !

M. le rapporteur. Apprenez simplement l’histoire !

M. Éric Diard. Quelle arrogance !

M. le rapporteur. Nous commençons donc l’examen de ce texte par une demande de suppression de l’article 1er. La loi du 11 avril 2003 a organisé le scrutin européen au niveau de huit circonscriptions territoriales, alors qu'il s’était pratiqué jusque-là, et depuis 1979, au niveau d'une circonscription nationale unique.

Cette réforme importante, qui était prévue en 2003, visait à renforcer l’ancrage de l’élu européen dans la vie politique nationale. Son bilan apparaît négatif ou au mieux mitigé.

Les circonscriptions interrégionales n’ont pas permis de renforcer la proximité des électeurs avec leurs élus. Un grand nombre de citoyens ignorent le nom de leurs représentants au Parlement européen : si je demandais aux députés présents les noms des députés européens de leurs circonscriptions, je pense que les réponses me feraient sourire. (Exclamations.)

M. Éric Diard. C’est insupportable ! Il faut arrêter les provocations !

M. le rapporteur. En outre, alors que l’abstention atteignait déjà des niveaux préoccupants et tandis que, parallèlement, les pouvoirs du Parlement européen se sont renforcés, la participation a reculé de 46,8 % en 1999 à 42,4 % en 2014.

La division en huit circonscriptions n’a pas favorisé le pluralisme de la représentation. La multiplication des circonscriptions a eu pour effet de favoriser les plus grands partis au détriment des petites formations politiques, car il fallait atteindre 8, 9 ou 10 % pour avoir un représentant. Le découpage du territoire en huit circonscriptions conduit ainsi à limiter les effets du scrutin proportionnel pour la répartition des sièges.

 

Le découpage actuel n’est pas cohérent avec la nouvelle délimitation des collectivités régionales, instituée par la loi du 16 janvier 2015.

Enfin, loin de favoriser l’émergence d’une « procédure uniforme » ou de « principes communs à tous les États membres », le choix d’un scrutin à circonscriptions multiples éloigne la France du modèle majoritaire dans l’Union européenne, celui d’une circonscription nationale unique, adopté par vingt-deux des vingt-sept États membres.

Je demande donc le rejet de ces amendements de suppression.

M. Rémy Rebeyrotte. Les mercredis se suivent et commencent à se ressembler, et c’est pénible…

M. Aurélien Pradié. Je suis bien d’accord !

M. Rémy Rebeyrotte. Après la mise en cause des femmes, c’est le tour des aînés : les attaques ad hominem, ça suffit !

Cette élection, comme l’a dit Mme Untermaier, ce sera d’abord ce qu’ensemble nous en ferons. Pendant des années, elle a surtout été l’occasion de donner des bâtons de maréchal à un certain nombre de personnes dans les différents partis, qui n’étaient pas forcément très impliquées dans les fonctions qu’elles occupaient. La tentative de rapprocher les élus du terrain n’a rien changé. En portant l’élection au niveau national, on peut espérer une médiatisation plus forte et surtout une volonté d’en faire véritablement un enjeu politique, avec un débat de fond sur l’avenir européen, et des représentants qui devront tenir leur siège et faire vivre l’idée européenne.

M. Erwan Balanant. J’ai le sentiment de revoir le match sur la réserve parlementaire, avec le thème de l’élu qui serait coupé du territoire... Mais il n’est pas facile de s’exprimer dans le bruit… Monsieur Pradier pouvez-vous m’écouter s’il vous plaît ?

M. Aurélien Pradié. Je vous écoute : c’est bien le problème !

M. Erwan Balanant. Quand M. Pradier aura fini de considérer qu’il se trouve dans une cour de récréation, nous pourrons poursuivre nos débats. Il a le droit de ne pas être d’accord avec moi mais il doit attendre son tour comme tout le monde pour prendre la parole.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Mes chers collègues, je suspends nos travaux pour cinq minutes, le temps que tout le monde se calme.

La séance, suspendue à dix heures quinze, reprend à dix heures vingt.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous sommes convenus de poursuivre l’examen du texte dans un climat plus serein où chacun s’écoute et évite les invectives personnelles.

J’ai entendu le souhait de laisser le temps au débat et je le laisserai au maximum, mais merci de faire silence quand un orateur s’exprime.

Mme Typhanie Degois. Il est bon de rappeler que la quasi-totalité des partis politiques se sont dits favorables à la circonscription nationale, dans le souci du pluralisme politique. Compte tenu de la nouvelle délimitation des régions, il aurait fallu modifier la loi de 2003, qui est une source de complexité et de confusion. En outre, la plupart des autres États sont déjà passés à une circonscription nationale, sauf ceux qui sont très régionalistes. Les circonscriptions régionales peuvent être une bonne chose, selon l’argument de la proximité, mais la loi de 2003 ne prévoit aucun critère de résidence dans la région où le candidat pourrait se présenter : elle n’assure donc aucune proximité et je n’ai noté aucun changement à cet égard.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je redonne la parole à M. Balanant, qui n’avait pas terminé son intervention.

M. Erwan Balanant. Merci, madame la présidente, d’avoir remis un peu de calme dans ces débats.

Comme l’a dit M. Rebeyrotte, l’élu fait du mandat ce qu’il décide d’en faire. Aujourd’hui, le mandat de député européen est passionnant et demande en effet une écoute du territoire, mais cette relation ne s’inscrit pas nécessairement dans une circonscription. Pour parler des problèmes de la pêche, il n’est pas nécessaire d’être un élu breton. De même que nous sommes tous des élus de la Nation.

S’agissant des prétendus tripatouillages et en réponse à notre collègue du groupe Les Républicains qui expliquait que la majorité présidentielle n’aurait pas de leaders régionaux et que c’était pour cela qu’elle avait choisi un schéma national, je dirai qu’il vaut mieux avoir des députés qui font bien leur travail que des leaders régionaux que ne siègent jamais sur les bancs du Parlement européen. Retourner à la circonscription nationale est une bonne solution.

M. Arnaud Viala. Je n’ai pas du tout envie de verser dans le ton polémique de cette commission, que je commence à déplorer, ni dans les arguments sur les petits calculs politiciens. C’est de la portée de cette mesure sur ce que l’on veut faire de l’Europe et la perception qu’en auront nos concitoyens que nous devons débattre. Ma certitude, c’est que la démocratie fonctionne bien lorsqu’elle est aux mains d’élus qui sont à la fois des représentants d’une partie du territoire et aussi des représentants nationaux ou européens. Si l’on poussait l’argument de M. Balanant jusqu’au bout, il faudrait proposer une circonscription européenne ; le syllogisme a donc ses limites.

Je ne vois pas comment on pourra restaurer la confiance des Français dans les institutions européennes si l’on éloigne davantage les élus de nos concitoyens. Notre débat est aujourd’hui très technocratique alors que nous devrions nous attacher davantage à des considérations de fond, car ce débat déterminera ce que nous ferons de l’Europe. C’est la proposition de M. Larrivé sur cet article qui me paraît être la bonne, à savoir faire coller la représentativité de nos élus européens aux grandes régions qui ont été constituées et qui ont même été présentées par la majorité précédente comme des « euro-régions ».

M. Guillaume Larrivé. Il existe trois options. La première, c’est le statu quo, le mode de scrutin actuel, qui ne satisfait personne. Nous ne sommes pas favorables, ni les uns ni les autres, au maintien du mode de scrutin actuel dans les méga-circonscriptions régionales qui ne correspondent à rien ; ce mode de scrutin n’est ni national ni vraiment régional.

La deuxième option, c’est celle du Gouvernement et du groupe majoritaire : une circonscription nationale, comme cela a été le cas entre 1979 et le début des années 2000. Je reconnais que ce mode de scrutin a une vertu, c’est qu’il rationalise le débat national. Ce débat, je le dis au nom des Républicains, loin de le redouter, nous l’attendons, pour défendre devant les Français notre ligne euro-réaliste. Cela n’a pas que des désavantages : cela permettra d’avoir un vrai débat national sur la place et l’avenir de la France en Europe.

Mais il existe une troisième option, la nôtre, qui consiste à assumer un débat de fond sur les questions européennes tout en ayant des députés français au Parlement européen qui soient un minimum connus des citoyens français et donc élus dans un cadre territorial qui le permette. Le bon cadre, ce serait, dans un monde idéal, une circonscription comme la nôtre, mais ce n’est pas possible pour assurer la pluralité de l’expression. Cela ne peut pas non plus être le niveau départemental, pour la même raison, ni le niveau des méga-circonscriptions actuelles, trop éloignées. Nous proposons donc d’élire les députés européens dans le cadre de circonscriptions régionales correspondant à la nouvelle carte. Ce n’est pas un périmètre optimal, nous n’y étions pas très favorables, mais il commence à être approprié par les Français comme échelon de débat et de politique publique.

M. Manuel Valls. Je soutiens l’avis du rapporteur. Il faut tirer les leçons des grandes circonscriptions. Étant très favorable à la définition d’une Union européenne fédération d’États nations, pour reprendre la formule de Jacques Delors, je trouve normal que le débat se fasse dans un cadre national. Cependant, ce n’est pas le mode de scrutin qui fait la force d’une élection ni des élus vertueux. Nous avons un problème français : il y a d’excellents élus français au Parlement européen mais nos délégations sont fractionnées et ne défendent pas les intérêts stratégiques de notre pays, contrairement à d’autres, comme l’Allemagne ou l’Espagne. Donc cela pose bien, non pas le problème de la représentativité des territoires, mais de l’engagement des parlementaires européens.

Quant à l’abstention ou au désintérêt, l’enquête CEVIPOF parue hier dans Les Échos montre une fois de plus le rejet profond des Français vis-à-vis de leurs élus. C’est un problème de fond plus grave que le mode de scrutin.

Enfin, nous avons en France une forme de représentation, des modes de scrutin totalement différents selon les élections, ce qui ne facilite pas la lisibilité de l’action publique. Puisqu’il est question d’une réforme constitutionnelle – ou institutionnelle –, que l’on s’interroge sur le nombre de parlementaires, sur leur mode de scrutin, sur l’avenir des départements, le rôle de l’intercommunalité, il serait peut-être bon d’engager une réflexion sur ce point.

Il faudrait – est-ce un vœu pieux ? – s’interroger sur une rationalisation de ce système, car aucune des élections ne ressemble à une autre. Cela ne réglera sans doute pas le problème du lien entre les Français et les responsables publics mais je constate que dans les autres pays, les modes de scrutin se ressemblent. Nous, nous prenons beaucoup de plaisir à nous écharper sur ces questions, alors que nos voisins recherchent davantage le consensus, afin de stabiliser les modes de scrutin dans la durée.

D’ailleurs, si nous avons décidé lors du quinquennat précédent de ne pas toucher au mode de scrutin pour les élections européennes, c’est que nous estimions qu’il avait été suffisamment modifié au cours du temps. Je comprends la position du rapporteur et la rejoins. Pour autant, la réflexion sur la crise démocratique que nous traversons exige de prendre plus de temps, et suffisamment de recul, pour discuter des modes de scrutin et de la représentativité.

Mme Danièle Obono. Le principal groupe d’opposition, celui de La France insoumise, est plutôt d'accord avec cette réforme qui apportera à ces élections une visibilité nationale. Le précédent découpage s’appuyait sur des circonscriptions sans réalité, dans une logique d’Europe des régions que nous réfutons.

Sur l’argument de proximité, avancé par M. Viala, je ferai remarquer que la question se pose pour n’importe quel élu : tentez de demander à un Français qui est le député de sa circonscription, il y a des chances qu’il soit incapable de citer son nom.

Ce n’est pas la nature du scrutin, mais la qualité et le contenu du débat politique qui feront que les citoyens et les citoyennes s’empareront de ces élections. Cela dépendra de la diversité des opinions, des différentes visions de l’Europe qui seront proposées, de notre capacité à ne pas réduire le débat aux caricatures des « bons » et des « mauvais » Européens, des « anti » ou des « pro ». Les débats technocratiques ont pris le dessus, ce qui explique sans doute le rejet des institutions européennes, du moins le scepticisme concernant leur fonctionnement. Les citoyens et les citoyennes doivent se sentir représentés lors de ces élections : c’est en ce sens que nous devrions orienter nos débats en commission et en séance publique.

M. Paul Molac. Le problème ne tient pas à la taille des circonscriptions mais au choix des candidats. Souvent, les élus européens n’incarnent ni l’Europe ni les régions, et le débat national tourne à la caricature entre ceux qui sont pour et ceux qui sont contre l’Europe. Ainsi, les Bretons, qui sont concernés de très près par deux politiques européennes particulièrement importantes – celle de la pêche et la PAC – attendront de leurs députés qu’ils prennent en compte ces questions et agissent en fonction des réalités du terrain, pas selon les politiques, ou les postures, nationales.

Or les élections européennes sont souvent l’occasion de recycler les têtes de partis, qui font de la politique et pas forcément de l’action publique. Ce sont des personnes qui n’habitent pas la circonscription mais viennent s’y faire élire ; n’y étant jamais présentes, je ne vois pas ce qu’elles peuvent incarner.

Ces élus expriment au Parlement européen des positions idéologiques très tranchées, au point, parfois, qu’extrême droite et extrême gauche votent ensemble : Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ont ainsi voté contre un rapport sur les langues régionales, madame Obono. Il est dommage que les députés européens se montrent aussi incapables de dépasser les querelles nationales. J’espère que leurs successeurs ne seront pas là pour faire de la politique nationale au niveau européen, mais pour faire avancer l’Europe, et, dans l’Europe, la France et ses régions.

M. Guillaume Vuilletet. La raison d’être de la précédente réforme était déjà de faire en sorte que les citoyens s’intéressent davantage au débat européen. En optant pour des méga-circonscriptions régionales, on a obtenu l’inverse : une abstention plus forte, des listes parfois pittoresques et un nomadisme électoral important, avec une proximité toute relative.

Peut-être ne faut-il pas chercher à répondre à trop de questions à la fois ? Ce que nous souhaitons aujourd’hui, c’est que les citoyens s’intéressent à la question européenne, participent plus au débat sur la place de la France en Europe et dans la construction européenne. Pour cela, la circonscription doit correspondre au débat. J’entends ce que disent Arnaud Viala et Guillaume Larrivé, et je suis assez d’accord avec leur argumentation, mais je ne vois pas comment ils parviennent à cette conclusion. La logique est celle d’une circonscription nationale, car le débat est bien celui de la France en Europe.

Mme Laurence Vichnievsky. Tout ou presque a été dit. Je ne suis pas certaine que ce mode de scrutin, qui n’est pas nouveau, permettra de sensibiliser nos concitoyens aux enjeux européens, tant il est vrai que notre culture nous appelle à nous intéresser davantage à notre propre jardin. Les responsables politiques français, d’ailleurs, ne préfèrent-ils pas être élus au Parlement national plutôt qu’au Parlement européen ?

Moi qui ne suis pas toujours à la pointe des combats féministes, je vois un avantage à ce nouveau mode de scrutin : il assurera une parité hommes femmes parfaite.

M. André Chassaigne. Le fossé qui existe entre les peuples d’Europe et la gouvernance s’explique par le fait que l’Union européenne est un rouleau compresseur. Elle alimente cette terrible rupture en orientant tout vers l’ultralibéralisme. Cela prendrait trop de temps, mais je pourrais citer de nombreux exemples, comme les choix de la politique agricole ou la banque centrale européenne, qui verse des centaines de milliards d’euros aux banques sans plan de développement social, écologique ou économique. C’est là que résident les causes de la rupture !

Quels que soient le périmètre de la circonscription et le mode de scrutin – étant entendu que nous sommes favorables, comme nous l’avons toujours dit, à la proportionnelle – c’est la pratique politique de l’élu sur les territoires qui compte. Sans cette pratique citoyenne de proximité, la rupture sera toujours aussi forte. L’enjeu, aujourd’hui, est de développer une forme de démocratie active.

M. Raphaël Schellenberger. La logique qui soutient ce texte consiste à réduire le débat européen à une question simple : si vous êtes pour l’Europe, votez pour la formidable liste pro-européenne d’Emmanuel Macron ; si vous êtes contre l’Europe, choisissez l’une des autres listes. Mais le débat européen, ce n’est pas cela. Pour que les citoyens acceptent le rôle de l’Europe, le débat politique électoral doit être ancré dans des réalités.

Seul le périmètre régional est calqué sur des réalités régionales. Un tel scrutin permettrait au citoyen de mieux s’approprier le débat et les outils européens, d’autant que les collectivités territoriales jouent un rôle plus important en matière de gestion des fonds de l’Union.

Le mouvement que nous sommes en train d’organiser va en sens inverse de celui à l’œuvre dans les autres pays européens. Ce n’est pas pour rien que la France apparaît beaucoup plus jacobine que ses voisins. Nous devons appliquer à notre mode de scrutin la subsidiarité, qui est le principe même de la construction européenne.

M. Éric Diard. J’ai bien compris, chers collègues, que vous opterez pour la circonscription nationale. Je vous propose une clause de revoyure, en juillet 2019. J’espère me tromper, mais je pense que les élections européennes n’auront pas mobilisé les électeurs – bien au contraire !

M. le rapporteur. Les circonscriptions sont aujourd’hui au nombre de huit. Certains nous proposent de passer à treize : cela ne fera que renforcer l’émiettement.

Je suis intimement persuadé que ce qu’il nous faut, c’est un discours national qui opposera les eurosceptiques aux euroréalistes ou encore aux amoureux de l’Europe. Certains veulent plus d’Europe, mieux d’Europe ; d’autres veulent moins d’Europe.

L’Europe doit-elle se construire autour du transfert des compétences régaliennes ou, au contraire, se recentrer sur l’euro ? Voilà la question essentielle à laquelle il nous faut répondre. Or il me semble que, sur le plan politique, le débat sera plus fort au niveau national que dans des régions sans véritable existence. Je propose donc le rejet de ces amendements de suppression.

La Commission rejette les amendements.

Puis elle examine l’amendement CL1 de M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. J’ai défendu pour l’essentiel cet amendement, qui vise à instaurer un mode de scrutin proportionnel, respectant donc le pluralisme, dans un périmètre correspondant aux régions actuelles.

Permettez-moi de corriger ce qui me paraît être une erreur factuelle. Lorsque l’on compare notre mode de scrutin avec celui des autres pays européens, il convient de distinguer les « grands pays », dont le mode de scrutin est régionalisé – à l’exception, et l’on comprendra pourquoi, de l’Espagne – et les « petits pays », dont l’étendue géographique ne permet qu’un scrutin national.

M. le rapporteur. J’ai déjà opposé mes arguments à un tel amendement. L’émiettement est contraire au débat que nous devons avoir sur le projet européen.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL43 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il semble souhaitable de ne pas délimiter la circonscription unique par référence au « territoire de la République », car cela poserait problème pour les Français de l’étranger. Je propose de viser simplement « la République », répondant ainsi à une observation qu’ont faite les professeurs de droit auditionnés.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 1er modifié.

Article 2
(art. 19 de la loi  77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen)
Règles d’organisation de la campagne officielle à la radio et à la télévision

Résumé du dispositif et effets principaux :

L’article 2 fixe les modalités de répartition de la durée d’émission ouverte aux listes dans le cadre de la campagne officielle pour les élections européennes, diffusée sur les radios et télévisions publiques.


Dernières modifications législatives intervenues :

Ces règles ont été adaptées à la mise en place des huit circonscriptions électorales par l’article 24 de la loi du 11 avril 2003 ([44]). Elles ont été modifiées, plus à la marge, par l’article 8 de la loi du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer ([45]), suite à la création des collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin.

Les apports de la Commission :

La Commission a adopté deux amendements de précision rédactionnelle de votre rapporteur et de Mme Typhanie Degois.

I.   L’État du droit

Le dispositif prévu par l’article 19 de la loi du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen ([46]) s’inspire de celui en vigueur pour les élections législatives. Il met à la disposition des listes de candidats des antennes du service public de la communication audiovisuelle pour la diffusion de spots de campagne.

Aucune règle n’encadre les temps d’antenne pendant la période antérieure à la campagne officielle, contrairement à l’élection présidentielle, ni ne garantit des tranches horaires ou l’organisation de débats télévisés. En revanche, la délibération du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) du 4 janvier 2011 ([47]) s’applique et impose à l’ensemble des chaînes de télévision et des radios (privées ou publiques), outre un relevé des temps de parole et des temps d’antenne, un traitement équitable des candidats et de leurs soutiens pendant les six semaines précédant le scrutin.

A.   Une campagne audiovisuelle organisÉe selon une conception Égalitariste

Le premier alinéa de l’article 19 de la loi précitée du 7 juillet 1977, dans sa rédaction actuelle, réserve l’accès à la campagne électorale non pas aux listes mais aux partis et groupements politiques les représentant.

Les partis et groupements représentés par des groupes parlementaires sont considérés comme suffisamment représentatifs pour obtenir globalement une durée d’émission de deux heures pendant la campagne électorale, « également répartie » entre eux (deuxième alinéa). Les autres partis et groupements se partagent, à égalité, une durée d’émission d’une heure à condition que des listes de candidats se soient rattachées à eux dans au moins cinq circonscriptions interrégionales (troisième alinéa).

Les sixième, septième et huitième alinéas prévoient l’intervention du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) pour déterminer les horaires des émissions et les modalités de leur réalisation.

D’après le rapport du CSA sur les élections européennes de 2014 ([48]), six partis désignés par un groupe de l’Assemblée nationale ou du Sénat se sont partagés, cette année-là, deux heures de temps d'émission, soit vingt minutes chacun : Europe-Écologie-Les Verts, Front de Gauche, Parti radical de gauche (PRG), Parti socialiste (PS), Union des démocrates et indépendants (UDI), Union pour un mouvement populaire (UMP). On relève l’absence du Front national, faute de disposer d’un groupe parlementaire, et la présence du PRG, alors que ce dernier faisait liste commune avec le parti socialiste.

Les autres partis et groupements habilités ont bénéficié d’un temps d’émission d’une heure réparti à égalité entre eux, soit deux minutes cinquante-deux secondes chacun. Il y avait vingt-et-un partis et groupements : Alliance écologiste indépendante, Alliance royale, Association d’objecteurs de conscience, Communistes, Debout la République, Démocratie réelle, Europe, démocratie, espéranto, Féministes européennes en action, Force vie, Front national, Lutte Ouvrière, MoDem, Nous citoyens, Nouveau Parti Anticapitaliste, Nouvelle Donne, Parti du vote blanc, Parti fédéraliste européen, Parti pirate, Rassemblement citoyen, Régions et peuples solidaires, Union populaire républicaine. On remarque que le faible temps octroyé au Front National ne l’a pas empêché de gagner les élections européennes de 2014, ce qui conduit à relativiser l’impact de la campagne audiovisuelle sur les résultats.

B.   Un systÈme dont l’inconstitutionnalitÉ ne fait guÈre de doute

Dans une récente décision n° 2017-651 QPC relative à la durée des émissions de la campagne audiovisuelle officielle en vue des élections législatives ([49]), le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions du code électoral ([50]) qui conduisaient à octroyer aux partis et groupements qui ne sont pas représentés à l’Assemblée nationale un temps d’antenne manifestement hors de proportion avec leur représentativité et leur participation à la vie démocratique de la Nation. Le juge constitutionnel a, toutefois, reporté au 30 juin 2018 la date de l'abrogation de ces dispositions afin de laisser le temps nécessaire au législateur pour les remplacer.

À propos du dispositif censuré, le Conseil constitutionnel a considéré que « lorsque le législateur détermine entre les partis et groupements politiques des règles différenciées d'accès aux émissions du service public de la communication audiovisuelle, il lui appartient de veiller à ce que les modalités qu'il fixe ne soient pas susceptibles de conduire à l'établissement de durées d'émission manifestement hors de proportion avec la participation de ces partis et groupements à la vie démocratique de la Nation ». Dans le cadre de ce contrôle d’une disproportion manifeste avec la participation des partis à la vie démocratique de la Nation, il a souligné que « les modalités selon lesquelles le législateur détermine les durées d'émission attribuées aux partis et groupements qui ne disposent plus ou n'ont pas encore acquis une représentation à l'Assemblée nationale ne sauraient ainsi pouvoir conduire à l'octroi d'un temps d'antenne manifestement hors de proportion avec leur représentativité, compte tenu des modalités particulières d'établissement des durées allouées aux formations représentées à l'Assemblée nationale ». En l’espèce, alors que les partis et groupements politiques disposant de groupes à l’Assemblée bénéficiaient d’une durée de trois heures pour le premier tour et une heure trente pour le second, les autres partis (selon des conditions de rattachement de candidats) n’avaient chacun que sept minutes au premier tour et cinq minutes au second.

Le Conseil constitutionnel a prononcé la censure pour un double motif : d’une part, cette durée est très limitée, d’autre part, les durées d'émission sont fixées de manière identique, sans distinction selon l'importance des courants d'idées ou d'opinions que les partis représentent. Il a estimé que le temps pour les formations non représentées devait être augmenté – en fixant toutefois, de manière prétorienne, un maximum à cinq fois le temps prévu par la loi – selon l’importance du courant d’idées qu’elles représentent, « évaluée en fonction du nombre de candidats qui déclarent s'y rattacher et de leur représentativité, appréciée notamment par référence aux résultats obtenus lors des élections intervenues depuis les précédentes élections législatives ». Le CSA a immédiatement tiré les conséquences de cette décision et modifié les durées d’émission.

Au regard de cette décision, le système actuel de campagne audiovisuelle officielle pour les élections européennes paraît affecté de deux vices de constitutionnalité :

– d’une part, le temps à disposition des forces politiques non représentées, soit une heure, est trop faible au regard du nombre de forces politiques qui peuvent se présenter à ce titre (21 pour les élections européennes de 2014) ;

– d’autre part, la durée d’émission est égale pour chaque liste représentée par un groupe parlementaire ; le système ne prend donc pas en compte la représentativité réelle et différenciée des forces politiques et pourrait conduire certaines d’entre elles à disposer d’un temps de parole hors de proportion avec leur poids électoral.

Il convient donc de tirer les conséquences de la décision n° 2017-651 QPC pour les élections européennes, sans attendre qu’il soit remédié à la censure elle-même, qui concerne les élections législatives. En outre, du point de vue de la clarté du débat électoral – principe constitutionnel désormais protégé par le Conseil constitutionnel ([51]) –, il serait intéressant de mettre fin à l’égalité entre toutes les listes aux élections européennes, en particulier les plus marginales.

II.   La réforme proposÉe

Le présent article procède à une réécriture de l’article 19 de la loi du 7 juillet 1977. L’objectif est de parvenir à un équilibre entre l’attribution de temps d’antenne aux listes soutenues par des formations représentées au Parlement, constituées et traduisant les principaux courants d’opinion, et le souci de ne pas exclure les organisations plus modestes ou émergentes de l’accès aux antennes, sans toutefois conduire à une multiplication des émissions, qui reflèteraient des courants très minoritaires dans le pays.

Les nouvelles règles d’organisation de la campagne officielle à la radio et à la télévision pour les élections européennes prévoient trois enveloppes :

– une durée d’émission « de base » de deux minutes est mise à la disposition de chacune des listes (alinéa 3) ;

– une durée d’émission de deux heures pour les listes « soutenues par les partis et groupements politiques représentés par des groupes parlementaires de l’Assemblée nationale ou du Sénat » (alinéa 4) est répartie entre ces listes au prorata du nombre de députés et de sénateurs appartenant à ces groupes parlementaires, et non plus de façon égale (alinéas 5 et 11([52]) ;

– à titre de correctif, une durée d’émission supplémentaire d’une heure est répartie, par le CSA, entre les listes « afin que les durées respectives d’émission attribuées aux listes (…) ne soient pas hors de proportion avec la participation à la vie démocratique de la Nation des partis et groupements politiques qui les soutiennent » (alinéas 6, 11 et 13).

Pour la répartition de cette heure supplémentaire d’émission, il est tenu compte de trois critères détaillés aux alinéas 8 à 10 : la répartition déjà effectuée au titre des deux heures ; la représentativité des listes de candidats, appréciée, en particulier, « en fonction des résultats obtenus aux dernières élections générales au Parlement européen et aux plus récentes élections par les candidats de la liste ou par les partis et groupements politiques qui les soutiennent et en fonction des indications de sondages d’opinion » ; la contribution de chacune des listes de candidats et des partis ou groupements qui les soutiennent à l’animation du débat électoral.

Sur ce dernier point, le dispositif s’inspire des solutions classiques en matière de régulation des temps de parole audiovisuels en dehors de la campagne électorale et, en particulier, de celle choisie pour l’élection présidentielle par l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 modifié en 2016 ([53]).

Les critères retenus il y a deux ans ont été validés par le Conseil constitutionnel à l’occasion de l’examen de la loi organique du 25 avril 2016 ([54]) ; ils étaient les suivants :

– la représentativité des listes de candidats, appréciée, en particulier, en fonction des résultats obtenus aux plus récentes élections par les candidats de la liste ou par les partis et groupements politiques qui les soutiennent et en fonction des indications de sondages d'opinion ;

– la contribution de chaque liste de candidats et des partis ou groupements qui les soutiennent à l’animation du débat électoral.

Saisi du présent texte sur les élections européennes, le Conseil d’État a considéré que ce mode de répartition était conforme aux exigences constitutionnelles ([55]).

Les autres dispositions tirent les conséquences de ces nouvelles règles de répartition. L’alinéa 12 rappelle le principe selon lequel les dépenses de la campagne audiovisuelle sont prises en charge par l’État. L’alinéa 15 précise que « chaque parti ou groupement désigne la liste qu’il soutient », interdisant la possibilité de soutiens multiples. L’alinéa 16 réserve la possibilité pour plusieurs partis ou groupements, soutenant ou non la même liste, d’additionner les durées d’émission qui leur sont octroyées.

*

*     *

La Commission examine les amendements de suppression CL5 de Mme Marie-France Lorho et CL22 de M. Jean-Louis Masson

Mme Marie-France Lorho. Le Conseil d’État a estimé que la règle selon laquelle chaque parti ou groupement politique ne pouvait soutenir qu’une seule liste devait figurer dans la loi et a complété en ce sens la rédaction du projet de loi.

Voilà qui devrait nous inquiéter. Lorsque M. Mélenchon était encore au parti socialiste, j’imagine que ses avis européens divergeaient largement de ceux des libéraux. Et si l’on prend l’exemple de La République en Marche et de l’origine de ses soutiens, nous pouvons nous souvenir des lourds débats qui traversaient l’UDF à ce sujet. Cette remarque montre à elle seule le danger de cet article. Alors que de très nombreux partis amalgament pro et anti-européens, exiger par la loi qu’ils tranchent en un sens unique ne me semble pas faire honneur à la pensée complexe qui a été mise au cœur du pouvoir.

M. Jean-Louis Masson. L’amendement CL22 est défendu.

M. le rapporteur. Vous proposez de maintenir le système actuel de répartition du temps d'antenne entre les listes.

Depuis une question prioritaire de constitutionnalité jugée au mois de mai, nous savons que le système actuel de campagne audiovisuelle officielle pour les élections européennes est affecté de deux vices de constitutionnalité. Le temps à disposition des forces politiques non représentées, une heure, est trop faible au regard du nombre de forces politiques qui peuvent se présenter à ce titre – 21 pour les élections européennes de 2014. Par ailleurs, la durée d'émission est égale pour chaque liste représentée par un groupe parlementaire ; le système ne prend donc pas en compte la représentativité réelle et différenciée des forces politiques et pourrait conduire certaines d'entre elles à disposer d'un temps de parole hors de proportion avec leur poids électoral. Il convient donc d'en tirer les conséquences.

En outre, du point de vue de la clarté du débat électoral – principe constitutionnel désormais protégé par le Conseil constitutionnel –, il serait intéressant de mettre fin à l'égalité entre toutes les listes aux élections européennes, en particulier les plus marginales. Avis défavorable.

La Commission rejette les amendements.

Puis elle en vient à l’amendement CL14 de Mme Danièle Obono.

Mme Danièle Obono. L’audition de la ministre avait illustré le décalage qui existe entre le discours, c’est-à-dire la volonté de favoriser une diversité, une pluralité de points de vue, un débat constructif et non caricatural, et la réalité des propositions très concrètes faites par la majorité. Ni elle, ni aucun membre de la majorité n’ont fourni à ce jour aucune explication rationnelle sur la disproportion assez flagrante proposée en matière de répartition du temps de campagne audiovisuelle. L’argument invoqué de la décision faisant suite à la QPC ne tient pas puisqu’il concerne les élections législatives où il y existe effectivement une disproportion très forte. Ce n’est pas le Conseil constitutionnel qui a déterminé la mesure que vous nous soumettez qui n’est ni claire ni lisible. Nous pensons qu’il s’agit là d’un véritable hold-up de la parole démocratique. Si vous voulez vraiment permettre un débat pluraliste, notre proposition devrait vous satisfaire puisque nous proposons que trois heures d’émission soient mises à la disposition de toutes les listes enregistrées, indépendamment de leur poids au niveau parlementaire. Il ne sera pas fait ainsi de différence entre les partis institutionnels et les initiatives citoyennes collectives. Puisque ces listes sont légitimes, nous favorisons le débat démocratique. Nous proposons également une heure corrective où il est tenu compte de la réalité parlementaire.

Notre amendement répond donc à l’argument qui avait été pointé par le Conseil constitutionnel, à savoir la disparité entre les forces institutionnelles parlementaires et les autres. Nous permettons la pluralité qui est effectivement nécessaire pour que les citoyens s’approprient le débat européen, loin d’une propagande digne de l’ORTF sur toutes les ondes.

M. le rapporteur. Les nouvelles règles d’organisation de la campagne officielle à la radio et à la télévision pour les élections européennes prévoient trois enveloppes.

D’abord, une première durée d’émission de base de deux minutes est mise à la disposition de chacune des listes quelle qu’elle soit. Ensuite, une durée d’émission de deux heures pour les listes soutenues par les partis et groupements politiques représentés par des groupes parlementaires de l’Assemblée nationale ou du Sénat est répartie entre ces listes au prorata du nombre de députés et de sénateurs appartenant à ces groupes parlementaires, et non plus de façon égale. Enfin, à titre de correctif, une durée d’émission supplémentaire d’une heure est répartie par le CSA entre les listes afin que les durées respectives d’émission qui leur sont attribuées ne soient pas hors de proportion avec la participation à la vie démocratique de la nation des partis et groupements politiques qui les soutiennent.

Vous proposez de supprimer cette dernière composante, de passer à trois heures la deuxième enveloppe et de la répartir à égalité entre les listes. Votre solution ne permet donc pas de prendre en compte la représentativité réelle et différenciée des forces politiques et pourrait conduire certaines d’entre elles à disposer d’un temps de parole hors de proportion avec leur poids électoral. Elle pose donc les mêmes problèmes de constitutionnalité que le système actuel.

M. Ugo Bernalicis. M. le rapporteur vient de nous rappeler quelle était la ventilation du temps de parole. Pour nous, c’est le principe d’égalité qui doit prévaloir : le même temps de parole pour chacun. Avec vous, on a le droit de se présenter à des élections, mais pas d’avoir le même temps de parole que les autres. De deux choses l’une : soit les gens peuvent se présenter et proposer des listes, auquel cas ils ont les mêmes droits devant les électeurs, soit allez au bout de votre logique, et dites à ceux qui n’ont pas de poids suffisant de ne pas se présenter.

Si vous pensez qu’il y aura trop de candidatures, et que ce sera alors trop compliqué de donner du temps de parole à tout le monde, prévoyez des filtres, par exemple un parrainage citoyen, obligeant à collecter un certain nombre de signatures pour pouvoir présenter une liste.

Je ne comprends pas votre argumentation que je trouve spécieuse.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL30 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier. Mon groupe n’est pas non plus favorable à une stricte égalité, car nous avons pu voir ce qu’une telle mesure avait donné. Mais ce n’est pas avec le dispositif proposé dans ce texte que l’on gagnera la confiance des citoyens européens. Nous nous interrogeons, comme le Conseil d’État, sur le dispositif qui tire argument de groupes parlementaires à l’Assemblée nationale et au Sénat pour déterminer un temps de parole pour des députés européens. C’est pourquoi nous appelons à la prudence en présentant un amendement prévoyant une heure trente au lieu de deux heures, ce qui nous paraît moins violent.

M. le rapporteur. Je comprends votre point de vue, mais plusieurs logiques s’opposent. À la limite, on pourrait prévoir un temps de trois heures pour chaque liste. Mais s’il y a cinquante listes, ce qui est parfaitement possible, vous voyez bien quelle pourrait être la dérive. Je rappelle qu’il ne s’agit que des spots, pas de la grande campagne électorale qui aura lieu.

Nous avons conçu trois enveloppes, dont un temps correctif. Or on ne peut pas donner à l’élément correctif plus de temps qu’à l’élément essentiel. Ce serait illogique. Le critère principal de représentativité demeure le nombre de parlementaires, comme c’est le cas pour les élections législatives. Voilà pourquoi je suis défavorable à l’amendement.

Mme Danièle Obono. Nous souhaiterions un vrai débat de fond et une explication politique. Or la réponse du rapporteur est, permettez-moi de le dire, en dessous de tout et très caricaturale. On pourrait tout autant fixer une durée de cinq heures pour chaque liste ! Comme l’a dit Ugo Bernalicis, si vous considérez que la prolifération des listes va nuire au débat, prévoyez des filtres pour qu’il y ait un nombre raisonnable de listes sans empêcher l’initiative citoyenne. Mais si vous pensez qu’il faut que tout le monde puisse se présenter, il faut être cohérent et donner les mêmes droits à tout le monde.

Je le répète, pourrait-on obtenir une réponse sur le fond ? Le temps correctif réparti par le CSA n’est pas un détail, il ne concerne pas seulement les spots. Au final, ce qui fera la différence dans cette élection, c’est le contenu et la clarté des positionnements des uns et des autres. À cet égard, nous ne sommes pas du tout sur la défensive, au contraire. À la rigueur, ce serait un détail si ce n’était si révélateur d’un comportement qui nous paraît poser problème, et qui passe par le silence de la majorité. Nous y voyons un signe du rapport très problématique de La République en Marche avec les règles démocratiques, et notamment les droits de l’opposition.

Mme Typhanie Degois. Nous sommes d’accord pour dire que le système actuel ne convient pas. L’article 2 vise à représenter le plus justement possible le paysage politique et la vie démocratique de notre pays avec un organe impartial, le CSA – la durée d’émission fixée lui convient. Pour votre part, vous proposez quatre heures d’émission. Or cette mesure aurait un coût exorbitant alors que l’on demande à chaque Français de faire des efforts. Par ailleurs, s’il y a beaucoup de listes et si chacun a le même temps de parole, on risque d’aboutir à des temps très longs et, au final, personne ne regardera cette propagande officielle à la télévision. Or la clarté du débat électoral est un principe constitutionnel. Aujourd’hui, il s’agit simplement d’assurer une équité.

M. Ugo Bernalicis. En fait, la clarté que vous proposez, c’est la moitié du temps de parole pour La République en Marche et les miettes pour les autres. Vous faites comme dans l’ancien monde : vous figez l’existant et tenez votre position pour acquise. Pourtant, certains collègues d’autres groupes parlementaires qui ont été un jour dans la majorité et qui se sont retrouvés ensuite minoritaires vous ont appelé à une certaine sagesse lors de l’examen du projet de loi pour un État au service d’une société de confiance.

Tout à l’heure, un de nos collègues a fait valoir que cette histoire de temps de parole n’avait pas grande importance car, lors des précédentes élections européennes, les résultats des uns et des autres n’avaient pas été proportionnels aux temps d’antenne. Encore heureux ! Sinon cela voudrait dire que vous prévoyez un score 50 % lors des prochaines élections, ce qui serait un peu problématique pour l’avenir de l’Europe et de nos concitoyennes et concitoyens. Si vous pensez que ces temps de parole sont si peu importants, garantissez au moins un principe simple, celui de l’égalité.

Lorsque vous parlez d’équité et de justice dans la répartition du temps de parole, vous vous placez du point de vue de celui qui décide et non de celui qui subit. Allez demander aux petites listes si elles trouvent cette mesure équitable. Bien évidemment, elles vous répondront que non. Les arguments peuvent se retourner dans un sens ou dans un autre. Le seul principe qui peut prévaloir est celui de l’égalité. En l’occurrence, l’amendement de nos collègues du groupe Nouvelle Gauche ne propose pas l’égalité, mais de faire moins pire. Essayons donc de faire moins pire !

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL16 de Mme Danièle Obono.

M. Ugo Bernalicis. C’est un amendement de repli qui vise à mettre en œuvre d’autres règles de répartition du temps de parole.

Nous proposons de préserver les règles en vigueur qui prévoient une égalité stricte entre les partis et groupements représentés par des groupes parlementaires. Au-delà de ces deux heures de temps télévisuel, une heure corrective permettra au CSA de moduler à la hausse ou à la baisse le reste des temps d’émission pour les partis et groupements qui auraient été sur ou sous-représentés. Je ne reviendrai pas sur les explications que j’ai données précédemment. Je vous alerte, cependant : peut-être que, finalement, cela va vous desservir pendant la campagne de vous octroyer ainsi 50 % du temps de parole.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous vous remercions de nous alerter !

M. le rapporteur. Vous proposez à présent de conserver la logique des trois enveloppes, mais de répartir les deux heures de la deuxième enveloppe à égalité entre les listes.

Comme les précédentes, cette solution ne permet pas de prendre en compte la représentativité réelle et différenciée des forces politiques et pourrait conduire certaines d’entre elles à disposer d’un temps de parole hors de proportion avec leur poids électoral. Elle pose donc les mêmes problèmes de constitutionnalité que le droit existant. J’émets un avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis. Quel thermomètre pouvons-nous prendre ? Comment déterminer le poids relatif de tel ou tel mouvement, de telle ou telle force politique ? Certes, les élections précédentes sont un indicateur. Mais de nos jours, les choses changent tellement vite ! Pourquoi ne pas prendre pour repère les sondages d’opinion ? Eh bien ceux-ci font apparaître que 35 à 37 % voire parfois 40 % des sondés considèrent que le premier parti d’opposition est La France insoumise, et quelque 20 % pensent que ce sont Les Républicains – c’est dommage pour eux. Choisit-on ce thermomètre pour répartir le temps de parole ? Avec le système que vous avez prévu, La France insoumise ne disposera pas en effet de 35 % de temps de parole.

Encore une fois, le seul principe dont on doit se prévaloir est celui de l’égalité. C’est pourquoi notre devise n’est pas « Liberté, Équité, Fraternité » mais bien « Liberté, Égalité, Fraternité ».

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle étudie l’amendement CL15 de M. Ugo Bernalicis.

Mme Danièle Obono. Nous prévoyons là encore d’autres modalités car il nous semble que le système retenu par la majorité n’est en rien plus correctif que la règle précédente. Nous avons réfléchi à la manière de prendre en compte les observations du Conseil constitutionnel. Nous proposons donc de tenir compte des résultats obtenus précédemment aux élections européennes par les candidats. Comme cette règle n’avantage pas particulièrement La France insoumise, on ne pourra pas nous accuser d’être guidés par un électoralisme forcené. Il nous semble que notre amendement permettrait de donner à cette réforme un soupçon de cohérence, puisqu’il est question, à grand renfort d’autocongratulations et de déclarations, de l’importance du niveau européen, de la volonté de redonner de la visibilité au travail des députés européens et de les rapprocher du peuple. Certes, l’égalité ce serait mieux, mais notre proposition est au moins en cohérence idéologique avec vos déclarations.

En tout cas, j’espère que le rapporteur nous donnera une explication qui justifiera aux yeux des citoyens le fait que la majorité s’octroie une si large part du débat audiovisuel. Elle pense peut-être pouvoir ainsi marteler sa vision de l’Europe et convaincre. Mais je pense que les citoyens ne seront pas dupes.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Comme la précédente, cette solution ne permet pas non plus de prendre en compte la représentativité réelle et différenciée des forces politiques et pourrait conduire certaines d’entre elles à disposer d’un temps de parole hors de proportion avec leur poids électoral véritable. Elle pose donc les mêmes problèmes de constitutionnalité que le droit existant.

Mme Catherine Kamowski. Cet article est tout à fait cohérent avec notre proposition de circonscription nationale. Nous souhaitons prendre en compte les résultats nationaux en ce qui concerne la durée d’émission de deux heures, et les sondages s’agissant de l’heure supplémentaire. Monsieur Bernalicis, nous prenons ainsi en compte, d’une certaine façon, votre proposition. Il reste que c’est avant tout la Représentation nationale, qui reflète le choix des électeurs français lors des élections législatives, qui doit être respectée dans le cas d’un scrutin national.

Mme Cécile Untermaier. Nos débats montrent qu’il manque dans l’étude d’impact une simulation des dispositifs. Lors de la discussion générale, le Gouvernement n’a pas été capable de nous éclairer sur ce point, ce que je regrette car nous aimons travailler en ayant connaissance des choses. Il vous manque, et il nous manque ces éléments. Je ne suis pas sur la ligne de l’égalité, car nous avons déjà fait ce choix que l’on nous a d’ailleurs reproché. La proposition d’une heure trente permettait peut-être d’apaiser les tensions sur ce point.

M. Guillaume Larrivé. Ces débats datent vraiment de « l’ancien monde » audiovisuel. Le Gouvernement et le Parlement doivent comprendre, et c’est urgent, que nous ne sommes plus à l’heure où il n’y avait que les anciens canaux de télévision : la répartition des temps de parole et les campagnes officielles doivent être pensées dans le contexte des médias actuels.

M. Ugo Bernalicis. La question est de savoir quel lien on établit avec les élections européennes précédentes. Je ne me souviens pas très bien quel score La République en Marche a obtenu la dernière fois (Sourires), mais ce critère me paraît au moins aussi convaincant que vos explications et vos sophismes de tout à l’heure. Néanmoins, je vois que nous n’avons pas réussi à toucher vos cœurs…

M. Larrivé a soulevé une question essentielle : les campagnes électorales ne sont plus seulement menées à la télévision. Cela dit, c’était déjà le cas auparavant, car on imprimait aussi des tracts, et nous sommes suffisamment mobilisés pour ne pas craindre la montée en puissance des réseaux sociaux.

Nous défendons un principe : celui de l’égalité. Je le répète : soit tout le monde peut se présenter aux élections si l’on respecte certaines conditions et alors il faut le même temps de parole pour tous, soit vous inventez un système de filtre, comme le parrainage citoyen – mais en garantissant tout de même l’égalité. Personne ne crie au scandale, au nom de je ne sais quel poids relatif, quand on applique une égalité stricte entre les candidats à l’élection présidentielle, pendant la période de la campagne officielle. Ce système est de bon aloi : les citoyens doivent avoir la possibilité de découvrir les différentes propositions politiques qui leur sont faites.

M. Rémy Rebeyrotte. Je partage les propos de Guillaume Larrivé. Par ailleurs, j’ai une question technique à poser : le fait d’utiliser un hologramme multiplie-t-il par deux le temps de parole utilisé ? (Sourires.)

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL17 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. Vous connaissez le cœur du programme électoral sur lequel nous avons été élus, de nos propositions, de nos convictions et de notre engagement : la démocratie réelle est un remède nécessaire – même s’il n’est pas suffisant – aux maux politiques actuels. L’amendement CL17 n’étonnera donc personne. En ce qui concerne l’heure d’émission répartie par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), nous proposons le critère d’appréciation suivant : la contribution à « la diversité des idées et à la qualité du débat public ». Au lieu de privilégier des structures de partis ou de groupements politiques, on favorisera ainsi le débat d’idées et l’émergence de nouvelles propositions sur la scène politique.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Vous proposez de prendre en compte la contribution à la diversité des idées et à la qualité du débat public au lieu de celle à « l’animation du débat électoral ». Or ce dernier critère est celui qu’utilise déjà le CSA pour le contrôle des temps d’antenne lors de l’élection présidentielle, conformément à la loi du 6 novembre 1962, modifiée sur ce point en 2016, et cette notion a été validée par le Conseil constitutionnel. Votre proposition créerait, au contraire, un fort risque juridique.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL38 du rapporteur.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte ensuite l’amendement de précision CL29 de Mme Typhanie Degois. 

Puis la Commission est saisie de l’amendement CL18 de M. Ugo Bernalicis.

Mme Danièle Obono. Avec cet amendement, nous posons la question de la bonne foi. Quand nous critiquons le projet de loi en soulignant que les nouvelles règles avantageraient outrageusement la majorité et le Gouvernement, on nous promet qu’il s’agit d’un malentendu. Nous aimerions y croire et adhérer à la « société de confiance » que la majorité appelle de ses vœux et dont tout le monde rêve. Afin d’être convaincus, nous demandons que l’on laisse du temps au temps, en faisant entrer en vigueur les nouvelles règles en 2024. Compte tenu de la bonne foi et de la confiance qui nous animent toutes et tous, nous ne doutons pas que vous serez sensibles à cet amendement et que vous le voterez.

M. le rapporteur. L’article 7 prévoit une entrée en vigueur globale du texte à compter des prochaines élections européennes, c’est-à-dire en mai ou en juin 2019, la date exacte n’étant pas encore connue. Vous proposez d’attendre 2024 pour les nouvelles modalités de répartition des temps d’antenne, mais je ne vois pas quelle logique conduirait à traiter cette question de manière spécifique. Par ailleurs, l’inconstitutionnalité du dispositif actuel risque d’être censurée d’ici à 2024. Je donne donc un avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 2 modifié.

 

Article 3
(art. 19-1 de la loi  77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen)
Règles du plafonnement des dépenses électorales

Résumé du dispositif et effets principaux :

L’article 3 adapte à la mise en place d’une circonscription unique les dispositions relatives au plafond de remboursement des dépenses électorales prévues par l’article 19-1 de la loi du 7 juillet 1977.

Dernières modifications législatives intervenues :

Ces règles ont été modifiées en dernier lieu par l’article 25 de la loi du 11 avril 2003 ([56]) qui avait mis en place huit circonscriptions territoriales pour les élections européennes.

Les apports de la Commission :

La Commission a adopté un amendement rédactionnel de votre rapporteur.


I.   L’État du droit

Conformément à l’article L. 52-11 du code électoral, les dépenses exposées par chaque candidat ou chaque liste de candidats en vue d’une élection sont plafonnées ([57]). L’article 19-1 de la loi du 7 juillet 1977 fixe ce plafond pour les élections européennes à 1 150 000 euros par liste, et ce dans chacune des huit circonscriptions territoriales définies par le droit actuel.

Ce plafond a fait l’objet d’une majoration de 10 % par le décret n° 2009‑370 du 1er avril 2009 ([58]) et s’établit ainsi à 1 265 000 euros par liste. Ce montant, comme l’ensemble des plafonds de dépenses électorales, est gelé en valeur depuis 2012.

Les frais de transport aérien, maritime ou fluvial dûment justifiés, exposés par les candidats têtes de liste à l’intérieur de la circonscription outre-mer, ne sont pas inclus dans le plafond de dépenses, en application du 2 du II de l’article 19-1.

Le versement de ce remboursement forfaitaire est subordonné au respect par le candidat tête de liste des prescriptions légales relatives au compte de campagne. Il n’est dû, le cas échéant, qu’aux candidats tête de liste ayant obtenu au moins 3 % des suffrages exprimés (contre 5 % pour les autres élections, à l’exception de l’élection présidentielle) ([59]).

En particulier, la liste perd le droit au remboursement forfaitaire si :

– le candidat tête de liste n’a pas déposé son compte de campagne à la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) dans les délais ;

– la liste a dépassé le plafond des dépenses de campagne ;

– le compte de campagne a été rejeté par la CNCCFP.

Le remboursement forfaitaire versé par l’État n’est pas total. Il ne peut excéder l’un des trois montants suivants :

– le montant des dépenses électorales arrêté par la CNCCFP ([60]), après soustraction et réformation, s’il y a lieu, des dépenses électorales non remboursables ;

– le montant de l’apport personnel du candidat ([61]), diminué des réformations éventuellement opérées en dépenses et du solde du compte provenant de son apport personnel ;

– le montant maximal prévu par l’article L. 52-11-1 du code électoral, soit 47,5 % du montant du plafond des dépenses électorales.

En pratique, on observe que la quasi-totalité des candidats, aux élections européennes ou aux autres scrutins, limitent leurs dépenses au montant maximal remboursable, soit moins de la moitié du plafond légal.

Comparaison des dÉpenses engagÉes lors des derniÈres Élections europÉennes

(Nombre de listes : 169 en 2004, 160 en 2009 et 193 en 2014)

Source : Seizième rapport d’activité de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), 2014.

II.   La réforme proposÉe

Le présent article réécrit en totalité l’article 19-1 de la loi du 7 juillet 1977. Il maintient le seuil d’éligibilité au remboursement forfaitaire à 3 % des suffrages exprimés, soit le niveau retenu en 2003 (alinéa 5).

Le plafond des dépenses électorales est porté à 9 200 000 euros pour chaque liste de candidats dans la nouvelle circonscription unique (alinéa 2), ce qui équivaut à la multiplication par huit du plafond fixé par la loi du 7 juillet 1977 pour chaque liste au niveau d’une circonscription.

La fixation de ce nouveau plafond ne tient donc pas compte de la majoration de 10 % opérée par le décret n° 2009-370 du 1er avril 2009. Si le plafond avait été porté à huit fois le montant fixé par la loi du 7 juillet 1977 en tenant compte de la majoration applicable lors des dernières élections européennes, il se serait élevé à 10 120 000 euros.

Le projet de loi conduit ainsi à une baisse de 10 % du plafond des dépenses électorales applicable dès la prochaine élection des représentants au Parlement européen. D’après l’étude d’impact, « cette réduction se justifie par la double détermination du Gouvernement à s’engager dans la voie d’une maîtrise des dépenses publiques et à subordonner les conditions de financement de la vie politique à une exigence d’exemplarité renforcée, dans la continuité des lois organique et ordinaire n° 2017-1138 et 2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique. Elle tient compte des économies d’échelle induites dans le cadre de la future campagne électorale par le passage de huit circonscriptions à une seule circonscription ».

Afin de tirer les conséquences de la disparition de la circonscription outre-mer tout en tenant compte des contraintes spécifiques des déplacements dans les départements et collectivités d’outre-mer, l’alinéa 3 du présent article prévoit que le plafond des dépenses électorales donnant lieu au remboursement forfaitaire de l’État dans les conditions prévues par l'article L. 52-11 du code électoral sera augmenté, dans la limite de 2 % de son montant (soit 184 000 euros), des frais de transport aérien, maritime et fluvial dûment justifiés, exposés par chaque liste de candidats, au départ et à destination des collectivités relevant des articles 73 et 74 de la Constitution et de la Nouvelle-Calédonie.

Ce régime spécifique vise à favoriser les déplacements des candidats en outre-mer, tout en régulant la dépense. Selon l’étude d’impact, il doit également permettre d’éviter la pénalisation d’une liste qui serait entièrement composée de candidats ultramarins, comme ce fut le cas en 1999 lorsque le scrutin avait lieu dans le cadre d’une circonscription unique.

*

*     *


La Commission examine l’amendement CL23 de M. Jean-Louis Masson.

M. Jean-Louis Masson. Nous demandons la suppression de l’article 3.

M. le rapporteur. Nous nous sommes déjà expliqués sur cette question : avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CL4 de Mme Marie-France Lorho.

Mme Marie-France Lorho. Je tiens à remercier le rapporteur pour l’intéressante audition qui a eu lieu sur la question des frais de campagne. Je m’en remets à la sagacité de mes collègues pour ce qui concerne plus particulièrement les déplacements ultramarins, mais il me semble que nous devrions aller beaucoup plus loin s’agissant des frais de campagne.

Certes, le projet de loi permettra de réaliser une économie : comme le rapporte l’étude d’impact, « si le plafond avait été porté à huit fois le montant fixé par la loi du 7 juillet 1977 majoré par le décret de 2009, applicable lors des dernières élections européennes, il se serait élevé à 10 120 000 euros ». Néanmoins, je constate que l’on se contente de multiplier le montant prévu en 2003 par le nombre de circonscriptions. Or les techniques ont largement évolué depuis cette date, avec les campagnes sur internet, la réduction des coûts d’impression, la possibilité de digitaliser la campagne « papier », ou encore les économies d’échelles pour certaines dépenses. Nous pourrions donc faire mieux.

Au demeurant, le drame des élections européennes tient à l’aspect médiatique de la campagne : on gagne ces élections à la télévision et tout dépend de l’orchestration médiatique plus ou moins réussie des propos que l’on tient – c’est malheureux, mais c’est ainsi.

Une circonscription nationale étant désormais créée, on aurait du mal à concevoir que des économies ne soient pas possibles – sans porter atteinte, pour autant, à l’exercice du droit de suffrage tel qu’il a été évoqué par le Conseil d’État dans son avis.

M. le rapporteur. Conformément à l'article L. 52-11 du code électoral, les dépenses exposées par chaque candidat ou chaque liste de candidats en vue d'une élection sont plafonnées. Pour les élections européennes, l'article 19-1 de la loi du 7 juillet 1977 fixait ce plafond à 1 150 000 euros par liste, dans chacune des huit circonscriptions actuelles. Ce plafond ayant été majoré de 10 % par un décret du 1er avril 2009, il s'établit aujourd’hui à 1 265 000 euros par liste. Ce montant, comme l'ensemble des plafonds de dépenses électorales, est par ailleurs gelé en valeur depuis 2012.

De tels plafonds sont très largement théoriques : le montant maximal qui est effectivement remboursable par l'État est limité à 47,5 % du plafond des dépenses électorales et l’on observe, en pratique, que la quasi-totalité des candidats aux élections européennes, comme aux autres scrutins, limitent leurs dépenses à ce qui est remboursable, voire dépensent moins. Ce que le texte prévoit n’a donc rien d’excessif. Il s’agit uniquement de réunifier les huit plafonds actuels en n’intégrant pas la majoration de 10 %, dans un effort de maîtrise de la dépense publique.

Par conséquent, avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CL39 du rapporteur.

Puis elle examine l’amendement CL36 de Mme Constance Le Grip.

M. Guillaume Larrivé. La question du seuil de remboursement forfaitaire des dépenses et du seuil d’éligibilité est importante. Sur ce dernier point, le rapporteur a d’ailleurs déposé un amendement. Pour notre part, nous souhaitons rester à un seuil de 5 % des suffrages exprimés : oui au pluralisme, mais non à l’émiettement de la représentation française au Parlement européen. Nous sommes d’accord pour qu’il y ait un mode de scrutin proportionnel, car le pluralisme est nécessaire, mais il faut aussi une certaine homogénéité dans les représentations nationales au Parlement européen. Plus celle de la France est éclatée, en groupes multiples, moins sa voix se fait entendre dans les enceintes européennes.

M. le rapporteur. Votre amendement propose d'aligner le seuil de remboursement des dépenses sur le seuil d'éligibilité, qui est de 5 % des suffrages exprimés.

Le versement du remboursement forfaitaire est subordonné au respect, par le candidat qui est tête de liste, des prescriptions légales relatives aux comptes de campagne. Par ailleurs, le remboursement n’est dû que si l’on a obtenu au moins 3 % des suffrages exprimés, contre 5 % pour les autres élections, hormis celle du Président de la République. S’agissant des élections européennes, le seuil a en effet été ramené de 5 à 3 % par l'article 13 de la loi du 11 avril 2003 relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques. C’était une mesure favorable aux petites listes.

Comme je ne vois aucune nécessité d'aligner, par le haut, le seuil de remboursement des dépenses sur celui d'éligibilité, je donne un avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 3 modifié.


Article 3 bis (nouveau)
(art. 19-2 nouveau de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen)
Transparence des dépenses électorales engagées par les partis en soutien d'une liste de candidats

Résumé du dispositif et effets principaux :

Compte tenu des similitudes, du point de vue du contrôle des comptes de campagne, entre les élections européennes dans une circonscription unique et l'élection présidentielle, l’article 3 bis rend obligatoire le dépôt, auprès de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), d’une annexe aux comptes des partis politiques retraçant les dépenses électorales engagées par ceux-ci en soutien d'une liste de candidats aux élections européennes, sur le modèle des dispositions introduites en 2016 pour l’élection présidentielle.

Les apports de la Commission :

Ce dispositif a été introduit en commission des Lois, à l’initiative de votre rapporteur.

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*     *

La Commission examine l’amendement CL46 du rapporteur.

M. le rapporteur. J’ai déposé cet amendement après l’audition de M. François Logerot, qui préside la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). La particularité des élections européennes, à partir du moment où elles sont organisées dans une circonscription unique, est de ressembler davantage à l'élection présidentielle qu'à une élection législative ou locale du point de vue du contrôle des comptes de campagne.

En concertation avec la CNCCFP, je vous propose donc de reprendre certains mécanismes de contrôle issus de la loi organique de 2016 relative à l'élection présidentielle : la transparence des dépenses électorales engagées par un parti pour soutenir une liste de candidats sera garantie par la création d'une annexe spécifique au compte de campagne. Sur cette base, la CNCCFP pourra interroger les partis concernés pour obtenir tous les éclaircissements et justificatifs nécessaires.

La Commission adopte l’amendement. L’article 3 bis est ainsi rédigé.


Article 4
(art. 2, 3, 3-1, 9, 16, 20, 24-1 et 25 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen)
Règles de constitution des listes

Résumé du dispositif et effets principaux :

L’article 4 arrête les règles de constitution des listes et tire, par ailleurs, les conséquences des trois premiers articles du projet de loi.

Les apports de la Commission :

Outre un amendement rédactionnel, la Commission a adopté deux amendements identiques de Mme Cécile Untermaier et de votre rapporteur visant à modifier l’article 3 de la loi du 7 juillet 1977 pour, en cas d’égalité des voix, attribuer le siège à la liste dont la moyenne d'âge est la moins élevée.

Le passage à une circonscription unique impose d’adapter trois dispositions de la loi du 7 juillet 1977.

Les alinéas 6 et 7, modifiant l’article 9, ramènent le nombre de candidats présentés par chaque liste au nombre de sièges à pourvoir, comme dans le dispositif en vigueur jusqu’en 2003, et non plus au double du nombre de sièges à pourvoir dans chaque circonscription de métropole. En effet, le risque que le système du suivant de liste – organisé par l’article 24 de la loi – ne puisse plus être appliqué, pour une liste nationale sans prime majoritaire, paraît très hypothétique. Imposer un nombre de candidats égal au double des sièges à pourvoir au niveau de la France métropolitaine (soit 148 candidats sur la base de 74 sièges) pourrait également compliquer la constitution de listes pour les partis et groupements politiques de taille modeste.

Dès lors, il convient de ne pas porter atteinte au principe de liberté de candidature et de garantie de l’expression pluraliste des opinions, consacré par l’article 4 de la Constitution, par une contrainte disproportionnée pesant sur la constitution des listes.

Les alinéas 11 et 12 tirent, à l’article 24, les conséquences de la mesure précédente en précisant que, dans l’hypothèse, peu probable, où le système du suivant de liste ne peut plus être appliqué, le siège demeure vacant jusqu’au prochain renouvellement du Parlement européen.

Les alinéas 13 et 14 réécrivent l’article 24-1 pour prévoir la possibilité d’organiser des élections partielles en cas d’annulation des opérations électorales de la circonscription unique, dans un délai de trois mois.

Enfin, les alinéas 2 à 5, 8 à 10 et 15 à 16 du présent article procèdent à diverses coordinations.

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*     *

La Commission est saisie de l’amendement CL24 de M. Jean-Louis Masson.

M. Jean-Louis Masson. Par cohérence avec notre amendement CL21, qui tendait à supprimer l’article 1er, nous demandons aussi celle de l’article 4.

M. le rapporteur. Même avis défavorable que précédemment.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine les amendements identiques CL44 du rapporteur, CL19 de Mme Danièle Obono, CL31 de Mme Cécile Untermaier et CL35 de M. André Chassaigne.

M. le rapporteur. Mon amendement CL44 concerne le seuil à partir duquel les sièges sont répartis entre les listes ayant participé à l’élection : ne faudrait-il pas passer de 5 à 3 % des suffrages exprimés ? J’ai toujours pensé qu’un certain nombre de formations politiques, qui sont certes de petite taille mais qui représentent quelque chose de fort sur le plan doctrinal, devraient avoir la possibilité de siéger au Parlement européen.

Sur le plan comparatif, il n’existe pas de seuil en Allemagne, la Cour fédérale ayant annulé des dispositions qui en fixaient un, il est de 5 % dans un certain nombre d’États, qui appartiennent en général à l’Europe de l’Est, et de 3 % ailleurs. Ce n’est pas neutre, car un seuil plus bas permet à un certain nombre de courants de pensée d’être représentés.

J’ai cependant écouté le Gouvernement, qui nous demande de faire attention : puisque le seuil est fixé à 5 % pour toutes les autres élections, pourquoi créer un seuil spécifique de 3 % ? Cet argument est d’importance et je dois reconnaître aussi que je n’avais pas retenu ce point dans ma proposition de loi de 2013.

Je suis en quelque sorte pris entre le marteau et l’enclume : je pense qu’il serait préférable de passer de 5 à 3 %, mais j’admets la pertinence des observations qui m’ont été faites. Étant avocat de profession, je m’en remets à la justice, c’est-à-dire à la sagesse de cette commission.

Mme Danièle Obono. J’espère que cette sagesse ira dans le sens de la cohérence et que le rapporteur maintiendra son amendement en séance. Si le seuil de remboursement des frais est fixé à 3 % des suffrages exprimés, cela signifie que l’on a obtenu une légitimité : on devrait alors être représenté au Parlement européen à partir du même seuil. Il est vrai qu’il est fixé à 5 % dans certains pays, mais il arrive aussi qu’il n’y en ait pas du tout.

La logique du « en même temps » atteint ici une limite : on ne peut pas parler de la nécessité de promouvoir le pluralisme et la démocratie tout en maintenant des règles incohérentes avec cette volonté. Nous sommes quant à nous favorables à un abaissement du seuil par cohérence avec ce que nous défendons par ailleurs : une véritable démocratie, de la pluralité et donc le recours au scrutin proportionnel pour toutes les élections, y compris celle du Parlement européen.

M. Larrivé a estimé tout à l’heure que l’éparpillement serait un problème, mais ce n’est pas le cas au niveau européen, où de grands partis se constituent sur la base des courants d’idées et non des représentations nationales – avec des votes de la droite et des sociaux-démocrates que l’on pourrait considérer comme incohérents, mais il revient à chacun d’en répondre. Des ensembles idéologiques et politiques se forment sur le plan européen et donc transnational, ce qui devrait nous satisfaire puisque nous voulons toutes et tous faire exister une véritable démocratie européenne au-delà des barrières nationales.

Mme Cécile Untermaier. Le groupe Nouvelle Gauche propose d’abaisser le seuil de 5 à 3 %, pour les raisons qui viennent d’être exposées : il s’agit de favoriser le pluralisme. Nous souhaitons qu’il y ait un souffle nouveau et ambitieux. Nous y parviendrons grâce aux listes transnationales dont il va bientôt être question, mais aussi en assurant le respect de la diversité et du pluralisme. Nous enverrons un bon signal aux autres États membres en montrant que la France a de l’intérêt pour la diversité. Comme il existe de grands partis au niveau européen, cela ne pose pas de problème. Et puisque la ministre a laissé entendre qu’elle avait un certain intérêt pour cette question lors de la discussion générale, nous avons bon espoir que notre amendement CL31 soit adopté.

M. Stéphane Peu. Nous remercions le rapporteur d’avoir fait une ouverture sur ce sujet.

On nous oppose l’idée que le seuil de 5 % s’applique dans d’autres élections. Certes, mais il a alors un objet précis : permettre de dégager une majorité. Cette objection ne vaut donc pas s’agissant du Parlement européen au sein duquel les majorités se constituent à l’échelle européenne.

En revanche, si l’on compare avec d’autres scrutins, on constate que le seuil de remboursement de frais de campagne et celui de l’éligibilité sont toujours alignés. Pourquoi introduire une distorsion ? Nous proposons d’abaisser le seuil d’éligibilité à 3 % sachant que le remboursement forfaitaire est versé aux candidats qui ont obtenu 3 % et plus des suffrages exprimés.

De plus, comme le rapporteur l’a indiqué, si l’on examine le seuil d’éligibilité dans les pays européens qui en ont un, à l’aune de la maturité démocratique de ces nations, on constate qu’ils sont inversement proportionnels. Plus le seuil est élevé, plus nous avons affaire à des démocraties plutôt immatures et jeunes. Plus les démocraties sont anciennes et matures, plus les seuils sont bas
– la représentation et l’expression des points de vue minoritaires inspirent alors moins de crainte.

L’abaissement du seuil que nous demandons correspond à la maturité de notre vieille démocratie. Elle s’impose d’autant plus qu’au sein du Parlement européen, la multiplicité des points de vue ne fait pas obstacle à la constitution de majorités.

Mme Typhanie Degois. Le groupe La République en Marche comprend l’objectif louable des amendements. Cependant, l’article 1er du projet de loi introduit déjà des dispositions au bénéfice des petits partis, et les dispositions proposées suscitent plusieurs inquiétudes.

Au-delà du risque d’émiettement, nous nous interrogeons surtout sur celui qui pèserait sur l’homogénéité des scrutins. En effet, en France, la loi prévoit actuellement que le seuil pour accéder à la répartition des sièges est fixé à 5 %, que ce soit pour les élections régionales et municipales, ou celles des métropoles et de l’assemblée de Corse. Parce qu’il nous semble préférable de conserver ce seuil, nous voterons contre les amendements.

M. Vincent Bru. Le groupe MODEM et apparentés souhaitait maintenir les 5 %, mais après avoir entendu le rapporteur, M. Peu et nos autres collègues, nous nous abstiendrons, et nous réexaminerons ce point en réunion de groupe, d’ici à la séance publique, afin de tenir compte de leurs arguments.

La Commission rejette les amendements.

Elle en vient à l’amendement CL32 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier. Cet amendement vise à assurer la répartition des sièges selon la règle du plus fort reste et non plus suivant la règle de la plus forte moyenne. Avec une répartition au plus fort reste, les sièges non pourvus sont attribués à chaque liste selon l’ordre décroissant des suffrages inemployés après la première répartition.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Le droit électoral français prévoit normalement le recours à la répartition à la plus moyenne. C’est le cas, par exemple, pour les élections municipales ou régionales. Il me semble inopportun de changer de mode de répartition.

Mme Cécile Untermaier. Je retire l’amendement eu égard aux arguments convaincants de notre rapporteur.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie des amendements identiques CL45 du rapporteur et CL33 de Mme Cécile Untermaier.

M. le rapporteur. La modification proposée peut sembler anecdotique, mais elle ne l’est pas. Aujourd’hui, en cas d’égalité des suffrages, la liste dont la moyenne d’âge est la plus élevée est avantagée au détriment des listes plus jeunes. On nous parle suffisamment de « nouveau monde » pour que nous considérions qu’il doit être porté par la jeunesse et non par les vieux grognards.

Je propose en conséquence qu’en cas d’égalité des suffrages le siège soit attribué à la liste dont la moyenne d’âge est la moins élevée. Cette mesure constitue un symbole fort donné à notre jeunesse qui doit être la jeunesse de l’Europe. Certes, il s’agit d’une sorte de révolution au regard de notre droit électoral, mais pourquoi ne pas suivre le Président de la République qui a écrit un ouvrage intitulé Révolution ?

Mme Cécile Untermaier. Cette disposition me semble utile dans une Europe ambitieuse ouverte à la jeunesse.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je suis impatiente d’entendre l’avis de la benjamine de notre commission !

Mme Typhanie Degois. En toute impartialité, même s’il existe une tradition – et c’est bien que le siège soit attribué à la liste la plus âgée –, au nom du symbole que cela représente, le groupe La République en Marche votera pour ces amendements. Nous remercions le rapporteur et Mme Cécile Untermaier de les avoir présentés.

M. Philippe Latombe. Nous soutenons cette initiative qui a le mérite de montrer que la jeunesse est l’avenir de l’Europe.

M. Ugo Bernalicis. Nous la soutenons également – et si je peux vous faire partager mes états d’âme, je ne peux que regretter que cette logique n’ait pas prévalu au sein de notre propre commission. (Sourires.)

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. En effet, nous nous souvenons que vous n’avez pas été élu au bureau de la commission en raison de votre âge... Nous pourrons réfléchir à d’éventuelles modifications de notre règlement. J’en reviens aux amendements que nous nous apprêtions à adopter, sans doute à l’unanimité.

La Commission adopte les amendements.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CL40 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 4 modifié.

Article 5
(art. 26 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen)
Application outre-mer

Résumé du dispositif et effets principaux :

L’article 5 vise à rendre applicables dans les collectivités ultramarines régies par le principe de spécialité législative les modifications apportées par le projet de loi à la loi du 7 juillet 1977, suivant la technique dite « du compteur outre-mer ».

Les apports de la Commission :

La Commission a adopté un amendement rédactionnel de votre rapporteur.

*

*     *

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL41 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 5 modifié.

 

Article 6
Coordination avec les dispositions relatives aux incompatibilités

Résumé du dispositif et effets principaux :

L’article 6 complète la déclaration d’intérêts que les représentants au Parlement européen élus en France doivent adresser à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), conformément à l’article 11 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique ([62]).

Les apports de la Commission :

La Commission a adopté un amendement rédactionnel de votre rapporteur.

La loi organique n° 2017-1338 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique a créé, dans le code électoral, un article LO. 146-2 définissant, pour les membres du Parlement, une incompatibilité avec le contrôle, au moyen de participations directes ou indirectes, d’une société, d’une entreprise ou d’un organisme dont l’activité consiste principalement dans la fourniture de prestations de conseil. Ces dispositions ont été étendues aux représentants au Parlement européen élus en France par l’article 33 de cette loi.

Afin d’assurer l’effectivité de cette nouvelle incompatibilité, il a été prévu que ces élus fournissent à la HATVP une déclaration d’intérêts et d’activités mentionnant, le cas échéant, ces participations. Aussi, l’article LO. 135-1 du code électoral a été modifié pour imposer aux députés et sénateurs de faire figurer dans la déclaration les participations qui confèrent, directement ou indirectement, le contrôle « d’une société, d’une entreprise ou d’un organisme » exerçant à titre principal des activités de conseil.

Toutefois, le projet de loi ordinaire pour la confiance dans la vie politique ne comportait pas la disposition correspondante pour les représentants au Parlement européen élus en France, et celle-ci n’a pas été ajoutée lors de l’examen parlementaire.

Le présent article remédie donc au décalage existant entre les obligations déclaratives des membres du Parlement et celles des représentants au Parlement européen élus en France, dans la mesure où les incompatibilités édictées sont identiques.

*

*     *

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL42 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 6 modifié.

 

Après l’article 6

La Commission examine l’amendement CL37 de Mme Constance Le Grip.

M. Olivier Marleix. Cet amendement vise à corriger une anomalie de notre droit électoral. Les députés européens de France sont quasiment les seuls élus de notre pays à être exclus du collège électoral appelé à élire les sénateurs. Je propose que nous profitions du projet de loi pour corriger cette étrangeté.

M. le rapporteur. Avis défavorable. En l’absence de sections départementales aux élections européennes, je vois mal comment accorder les circonscriptions départementales des élections sénatoriales et la circonscription unique des élections européennes. C’est seulement une réponse de bon sens.

Mme Marie-France Lorho. Je soutiens l’amendement de mon collègue. Une fois n’est pas coutume, il me semble que cette disposition est de bon sens.

M. Guillaume Larrivé. Monsieur le rapporteur, le problème que vous évoquez se règle parfaitement sur le plan technique. Évidemment, cet amendement est cohérent avec notre proposition de régionalisation du mode de scrutin, mais il s’appliquera aussi fort bien dans le cadre d’une circonscription nationale. Les députés européens élus en France sont des électeurs français inscrits sur des listes électorales en France : ils pourraient être grands électeurs dans leurs départements d’inscription respectifs. Cette question peut facilement être résolue dans la partie réglementaire du code électoral.

M. le rapporteur. La rédaction de l’amendement doit au moins être précisée. Je propose en conséquence un rejet provisoire.

M. Olivier Marleix. Je le retire. Je me rapprocherai du rapporteur pour trouver la bonne rédaction d’ici à la séance.

L’amendement est retiré.

 

Article 7
Modalités d’entrée en vigueur

Résumé du dispositif et effets principaux :

L’article 7 prévoit l’application du présent projet de loi à l’occasion du prochain renouvellement général du Parlement européen, soit au mois de mai ou juin 2019.

Il est précisé que l’entrée en vigueur de ces dispositions s’opère « sans préjudice de l’application des dispositions prises par les autorités compétentes de l’Union organisant, le cas échéant, l’élection de représentants au Parlement européen sur des listes transnationales au sein d’une circonscription européenne ».

L’exposé des motifs justifie l’insertion de cette dernière mention par les travaux en cours au niveau du Parlement européen : « Elle s’inscrit également en cohérence avec les réflexions et travaux engagés au niveau européen. Le Parlement européen a en effet engagé en novembre 2015 une révision de l’Acte électoral européen dans laquelle il propose la création d’une circonscription européenne pour élire certains députés sur la base de listes transnationales. Cette proposition est actuellement examinée par les États membres dans le cadre des travaux du Conseil de l’Union européenne. »

Même si elle n’aboutissait pas dès 2019, une telle évolution aurait d’importantes vertus. Elle permettrait une meilleure mobilisation des électeurs. Elle garantirait également un renforcement de la dimension supranationale de l’élection et pourrait favoriser l’établissement d’un lien plus direct entre le scrutin et la désignation du Président de la Commission européenne.

*

*     *

La Commission est saisie de l’amendement CL20 de Mme Danièle Obono.

M. Ugo Bernalicis. Il s’agit d’un amendement de rattrapage au cas où vous auriez raté le vote tout à l’heure. (Sourires.) Il vise à retarder l’entrée en vigueur de l’article 2 jusqu’en 2024. Nous voulons vraiment éviter que l’on puisse vous reprocher d’utiliser la modification des règles électorales de la prochaine élection à votre avantage. C’est vraiment pour que vous ne soyez pas inquiétés sur ce sujet par nos concitoyennes et nos concitoyens. (Sourires.) Ce serait bien dommage ! Le cas échéant, nous nous chargerons d’en parler.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 7 sans modification.

 

Titre

La Commission examine l’amendement CL3 de Mme Marie-France Lorho.

Mme Marie-France Lorho. Pourquoi avoir déposé cet amendement polémique qui propose de faire de ce texte le « projet de loi de pérennisation des avantages électoraux de la République en Marche » ? Certainement pas pour provoquer votre ire, monsieur le rapporteur : nous savons bien que l’excès est insignifiant. En revanche ce titre décrit exactement la manière dont ce texte est perçu.

Ce ressenti doit interroger notre commission et la majorité. Surréagir après ce qui fut effectivement une injustice lors des dernières élections législatives ne servira pas la restauration d’un lien de confiance entre le peuple et ses élus.

D’abord parce que dans l’opinion publique, la concentration du pouvoir médiatique et des messages qu’il véhicule est déjà un immense problème. Ensuite, parce que ces dispositions se mettront en place alors que l’opinion, déjà choquée, est sollicitée sur de nombreux sujets : débat sur les fake news, contrôle des publications et des partages pour les GAFA – pour Google, Amazon, Facebook et Apple… On pourrait croire que ces questions sont loin de notre sujet mais, bien au contraire, c’est toute la confiance entre les citoyens et les institutions qui est en jeu.

Que le Conseil constitutionnel vous donne raison à la suite d’une injustice, c’est un bien. Sans-doute, d’ailleurs, faut-il réformer l’article L. 167-1 du code électoral, mais si l’on considère les évolutions proposées dans le texte, comme la circonscription nationale, et la menace des circonscriptions transnationales, c’est trop !

L’étude d’impact évoque l’amélioration de l’intelligibilité du scrutin : je crains que vous n’obteniez exactement l’inverse de l’effet escompté.

M. le rapporteur. Nous avons affaire à un amendement provocateur qui aurait pu être défendu avec plus de talent ! (Exclamations sur divers bancs.)

Mme Marie-France Lorho. Je vous remercie pour votre gentillesse ! Ce n’est pas très élégant.

M. le rapporteur. À provocation, provocation et demie !

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous avons décidé de proscrire les attaques personnelles…

M. Guillaume Larrivé. Je ne voterai pas l’amendement, car si l’auteur a parfaitement identifié les intentions du groupe majoritaire, nous pensons que son message est quelque peu pessimiste : nous voulons croire que, malgré ce tripatouillage du mode de scrutin, Les Républicains sortiront victorieux des élections.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’ensemble du projet de loi modifié.

 

*

*     *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter le projet de loi relatif à l’élection des représentants au Parlement européen (n° 539) dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 


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   LISTE des personnes entendues

 

MINISTÈRES ET ADMINISTRATIONS

—  Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, chargée des Affaires européennes

— M. François Pesneau, adjoint au directeur

— Mme Pascale Pin, cheffe du bureau des élections et des études politiques.

— Mme Sylvie Pierre-Brossolette, membre du collège et présidente du groupe de travail sur le pluralisme

— M. Jean-François Mary, membre du collège et vice-président du groupe de travail sur le pluralisme

— M. Albin Soares-Couto, directeur-adjoint des programmes

— M. François Logerot, président

— Mme Sylvie Calvès, secrétaire générale

 

TABLE RONDE

— M. Serge Sur, professeur émérite de droit public à l’Université Paris II Panthéon-Assas

— Mme Marie-Anne Cohendet, professeure de droit public à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne

— M. Romain Rambaud, professeur de droit public à l’Université Grenoble-Alpes, responsable de la rubrique de droit électoral à l’AJDA

 


—  1  —

 

 

   Partis politiques consultés par le rapporteur

Le 22 janvier 2018, votre rapporteur a adressé un questionnaire à vingt‑six des principaux partis politiques de notre pays  ([63]), afin de recueillir leurs observations sur le système actuel des huit circonscriptions interrégionales dans lesquelles sont élus les députés européens et sur l’idée d’un retour à une circonscription nationale unique, préconisé par le présent projet de loi.

À ce jour, quatre partis politiques ont répondu à ce questionnaire, ce dont votre rapporteur les remercie : AGIR La droite constructive, Europe Écologie Les Verts, La France insoumise et le Parti chrétien-démocrate.

Tous pointent l’échec de la réforme de 2003 : la création des circonscriptions interrégionales n’a, selon ces partis politiques, ni favorisé une meilleure participation électorale, ni rapproché les citoyens de leurs élus au Parlement européen.

Tous sont favorables au retour à une seule circonscription nationale, dès les prochaines élections européennes de 2019, ainsi que le prévoit le présent projet de loi.

La plupart de ces partis (AGIR La droite constructive, Europe Écologie Les Verts, La France insoumise) portent également une appréciation positive sur la perspective de mise en place de listes transnationales.

 


([1])  Se reporter au rapport d'information n° 591 présenté par M. Pieyre-Alexandre Anglade au nom de la commission des Affaires européennes portant observations sur le projet de loi relatif à l'élection des représentants au Parlement européen.

([2]) Article 138, paragraphe 3 du traité de Rome de 1957. L’adoption d’une procédure électorale uniforme exige un vote du Conseil à l’unanimité et un avis conforme du Parlement à la majorité de ses membres.

([3]) Rapport de M. Georgios Anastassopoulos sur l’élaboration d’un projet de procédure électorale comprenant des principes communs pour l’élection des membres du Parlement européen, adopté le 14 juillet 1998 par le Parlement européen.

([4]) Article 2 de l’Acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct du 20 septembre 1976, dans sa rédaction issue de la décision 2002/772/CE, Euratom du Conseil du 25 juin 2002 et du 23 septembre 2002.

([5]) En 2009, le scrutin n’a eu lieu le 7 juin que dans dix-sept des vingt-sept États membres.

([6]) Il s’agit de collèges reposant sur un critère linguistique (flamand, francophone et germanophone).

([7]) Au niveau fédéral, les listes peuvent être présentées par les partis disposant d’au moins cinq députés au Bundestag ou disposant de 4 000 signatures de soutien accordées par des citoyens. Au niveau fédéré, les listes peuvent être présentées par les partis disposant d’au moins cinq députés au Parlement du Land considéré ou disposant de 2 000 signatures de citoyens. En pratique, seules la CDU et la CSU présentent des listes au niveau de chaque Land.

([8])  Étude d’impact accompagnant le projet de loi relatif à l’élection des représentants au Parlement européen, p. 10.

([9]) Résolution du Parlement européen du 11 novembre 2015 sur la réforme de la loi électorale de l’Union européenne (2015/2035(INL)).

([10]) Rapport d’information du 22 mars 2016 de Mme Danielle Auroi sur la réforme de la loi électorale européenne.

([11]) Voir, par exemple, le rapport de M. Patrice Gélard au nom de la commission des Lois du Sénat, n° 192 (2002‑2003), p. 23.

([12]) Voir le rapport de M. Marc Dolez, XIème législature, n° 1035, juillet 1998, pp. 21‑22.

([13]) Entre les deux tours de l’élection présidentielle de 2002, M. Brice Hortefeux avait plaidé en faveur d’un découpage régional du territoire, dans un article intitulé : « De l’air pour la démocratie ! » (Le Figaro, 27‑28 avril 2002, p. 13).

([14]) Article 3 de la loi n° 77‑729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen, modifié par la loi n° 2003-327 du 11 avril 2003 relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques.

([15]) Article 9 de la loi du 7 juillet 1977 précitée, depuis la loi n° 2000-493 du 6 juin 2000 tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.

([16]) Loi n° 2007‑224 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre‑mer, qui a introduit un article 3‑1 dans la loi du 7 juillet 1977 précitée. La section « Atlantique » comprend la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint‑Pierre‑et‑Miquelon ; la section « Océan indien » comprend Mayotte et La Réunion ; la section « Pacifique » comprend la Nouvelle‑Calédonie, la Polynésie française et les îles Wallis et Futuna.

([17]) Lors des élections de juin 2004, les trois députés élus dans la circonscription outre-mer étaient tous issus de La Réunion.

([18]) M. Jérôme Bignon, rapport n° 605, février 2003, Ière partie, p. 18.

([19]) Hors élections partielles, seuls des référendums se sont traduit par une abstention supérieure : celui sur la Nouvelle-Calédonie en 1988 (63,1 %) et celui sur le quinquennat présidentiel en 2000 (69,8 %).

([20]) Pour reprendre l’expression de M. Michel Barnier dans l’exposé des motifs de sa proposition de loi, déposée au Sénat, relative à l’élection des membres français au Parlement européen, n° 81 (1997-1998).

([21]) Gérard Le Gall, « Les élections européennes en France au prisme des "vingt-cinq" », Revue politique et parlementaire, 2004, n° 1031, p. 23.

([22]) Michel Verpeaux, « L’élection des représentants français au Parlement européen et les circonscriptions électorales », Les Petites Affiches, 11 juin 2009, n° 116, p. 38.

([23]) Olivier Costa et Florent Saint Martin, Le Parlement européen, 2e éd., La documentation française, 2011, p. 40.

([24]) Loi n° 2003-327 du 11 avril 2003 relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques.

([25]) Proposition de loi n° 422 (2008‑2009) rétablissant une circonscription unique pour l’élection des représentants français au Parlement européen, présentée par M. Yvon Collin et plusieurs de ses collègues du groupe Rassemblement démocratique et social européen (RDSE).

([26]) Loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.

([27]) Décision n° 2017-651 QPC du 31 mai 2017, Association En marche !

([28]) Paragraphes II et III de l’article L. 167-1 du code électoral.

([29]) Loi organique n° 2017-1338 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique.

([30]) Loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen.

([31]) Loi n° 2003-327 du 11 avril 2003 relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques.

([32]) Loi n° 2011-575 du 26 mai 2011 relative à l'élection des représentants au Parlement européen.

([33]) Loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.

([34]) Acte portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct, annexé à la décision 76/787/CECA, CEE, Euratom du Conseil du 20 septembre 1976.

([35]) Modifications prévues par l'article 10 de l'acte d'adhésion de la Grèce aux Communautés européennes, par l'article 10 de l'acte d'adhésion de l'Espagne et du Portugal aux Communautés européennes, par la Décision 93/81/Euratom, CECA, CEE du Conseil du 1er février 1993 (JOCE n° L 33 du 09.02.1993, p. 15), par l’article 11 de l’acte d’adhésion de l’Autriche, la Finlande et la Suède à l’Union européenne, par l'article 5 du Traité d'Amsterdam du 2 octobre 1997 (JOCE n° C 340 du 10.11.1997, p. 1) et par la Décision 2002/772/CE, Euratom du Conseil du 25 juin 2002 et du 23 septembre 2002 (JOCE n° L 283 du 21.10.2002, p. 1)].

([36]) Tous les pays de l’Union européenne élisent désormais leurs représentants au Parlement européen au scrutin proportionnel : le Royaume-Uni, qui faisait figure d’exception, s’est aligné sur ses partenaires en 1999.

([37]) Loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen.

([38]) Loi n° 2003-327 du 11 avril 2003 relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques.

([39]) Loi n° 2011-575 du 26 mai 2011 relative à l'élection des représentants au Parlement européen.

([40]) Avis du Conseil d’État n° 393955 du 21 décembre 2017, p. 2.

([41]) Décision n° 2003-468 DC du 3 avril 2003, Loi relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques.

([42]) Avis du Conseil d’État n° 393955 précité, p. 2.

([43]) Décision n° 2003-468 DC du 3 avril 2003, Loi relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques, cons. nos 11 à 14 ; décision n° 2007-559 DC du 6 décembre 2007, Loi organique tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française, cons. nos 12 et 13.

([44]) Loi n° 2003-327 du 11 avril 2003 relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques.

([45]) Loi n° 2007-224 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer.

([46]) Loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen.

([47]) Délibération n° 2011-1 du 4 janvier 2011 relative au principe de pluralisme politique dans les services de radio et de télévision en période électorale.

([48]) Conseil supérieur de l’audiovisuel, Rapport sur l’élection des représentants au Parlement européen des 24 et 25 mai 2014, septembre 2014

(http://www.csa.fr/content/download/56737/510144/file/Rapport_%20%C3%A9lections%20europ%C3%A9ennes%202014.pdf).

([49]) Décision n° 2017-651 QPC du 31 mai 2017, Association En marche !

([50]) Paragraphes II et III de l’article L. 167-1 du code électoral.

([51]) Décision n° 2016-729 DC du 21 avril 2016, cons. n° 14.

([52]) L’appartenance de ces députés et sénateurs à des groupes parlementaires est appréciée sur le fondement de la plus récente déclaration faite en application de l’article 9 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique.

([53]) Loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel modifiée par la loi organique n° 2016-506 du 25 avril 2016 de modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle.

([54]) Décision n° 2016-729 DC du 21 avril 2016.

([55]) Avis du Conseil d’État n° 393955 du 21 décembre 2017, p. 5.

([56]) Loi n° 2003-327 du 11 avril 2003 relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques.

([57]) Les dépenses de propagande officielle des listes de candidats directement prises en charge par l’État ne sont pas incluses dans les dépenses électorales plafonnées.

([58]) Décret n° 2009-370 du 1er avril 2009 portant majoration du plafond des dépenses électorales.

([59]) Ce seuil a été abaissé de 5 à 3 % par l’article 13 de la loi n° 2003-327 du 11 avril 2003 relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques.

([60]) Les décisions de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques portant sur le compte de campagne peuvent faire l’objet d’un recours de plein contentieux devant le tribunal administratif de Paris par le candidat tête de liste concerné, dans les deux mois suivant leur notification.

([61]) Le remboursement forfaitaire à la charge de l’État ne doit pas conduire à l’enrichissement d’une personne physique ou morale. Son montant est donc limité à la part des dépenses que le candidat a, à titre définitif, personnellement acquittées ou dont il demeure débiteur.

([62]) Loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.

([63])  AGIR La droite constructive, Alternative libérale, Centre national des indépendants et paysans, Chasse, pêche, nature et tradition, Debout la France, Europe Écologie Les Verts, Front national, Génération écologie, La France insoumise, La République en Marche, Le Rassemblement citoyen CAP21, Les Républicains, Lutte ouvrière, Mouvement démocrate, Mouvement écologiste indépendant, Mouvement national républicain, Mouvement pour la France, Mouvement républicain et citoyen, Nouveau parti anticapitaliste, Parti chrétien-démocrate, Parti communiste français, Parti de gauche, Parti ouvrier indépendant démocratique, Parti radical de gauche, Parti socialiste, Union des démocrates et indépendants.