N° 765

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 mars 2018

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI (n° 659)
relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025
et portant diverses dispositions intéressant la défense.

 

TOME I

PAR M. Jean-Jacques BRIDEY

Député

——

 

 Voir les numéros :

Assemblée nationale :  732, 761, et 762.

 


 


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SOMMAIRE

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Pages

introduction

I. Un effort budgétaire et en matière deffectifs rompant avec une longue période de réduction du format des armées

A. Un effort budgétaire significatif et cohérent

1. L’évolution des crédits

a. Un effort exceptionnel au profit de la défense

b. Un effort soutenable

c. Un effort dans la durée

2. La répartition par grands agrégats

a. L’évolution de l’agrégat Équipements

b. L’évolution de l’agrégat Fonctionnement

3. Le mécanisme de financement des opérations

a. La « sincérisation » de la provision au titre des opérations

b. Une double clause de sauvegarde

B. L’enjeu DES RESSOURCES HUMAINES

1. Des créations de postes dans les domaines prioritaires

2. Les mesures spécifiques en faveur des personnels

a. Des leviers pour faciliter le recrutement

b. Des leviers pour dynamiser les parcours professionnels

c. Le chantier de la nouvelle politique de rémunération des militaires

d. Les mesures en faveur des réserves

II. Une programmation traçant des priorités claires en faveur de la réparation de nos armées

A. Laccent mis sur le renseignement et la cyberdéfense

1. Le renseignement : un renforcement de la fonction « connaissance et anticipation » à maintenir dans la durée, notamment en matière de ressources humaines

2. L’espace : un atout et un risque

3. Le domaine cyber : enjeu transverse et matrice des conflits de demain

B. Un effort accru en faveur de la fonction prévention

1. Les forces prépositionnées

a. Des forces réduites à leur minimum par la précédente LPM en dépit dune utilité avérée

i. Des missions variées, dont nos dernières opérations en Afrique ont montré lutilité opérationnelle

ii. Des moyens réduits au strict minimum par la précédente LPM

b. Des missions nouvelles et des moyens supplémentaires

i. Le rapport annexé annonce une extension des missions de nos forces prépositionnées

ii. La LPM prévoit des renforts d’effectifs significatifs

2. Les coopérations européennes opérationnelles et en matière de prévention

C. Le maintien des grands programmes déjà engagés

1. La poursuite des programmes intéressant la dissuasion

a. Le renouvellement des deux composantes de la dissuasion

i. La modernisation de la composante océanique

ii. La modernisation de la composante aéroportée

b. La modernisation l’environnement de la dissuasion

i. Des programmes spécifiques

ii. Un socle de capacités conventionnelles

2. La poursuite des grands programmes conventionnels

a. Une rupture avec la tendance fâcheuse des précédentes LPM à consentir des étalements calendaires et des réductions de cibles

b. La poursuite des grands programmes

i. Un plan d’équipement qui répond aux besoins des armées

ii. Des décalages techniques très limités

c. Un plan d’équipement qui conforte la BITD française

i. Un investissement conséquent dans la BITD

ii. Une attention particulière à porter sur l’articulation calendaire des programmes, pour garantir le maintien des compétences

d. Un seul point majeur d’attention : les hélicoptères

i. L’âge avancé de certains hélicoptères légers

ii. Les autres programmes d’hélicoptères ne sont pas accélérés

D. Des accÉlÉrations de programmes visant à combler des ruptures capacitaires et augmenter l « Épaisseur organique » des forces

1. Les programmes faisant lobjet dune accélération des livraisons, dune augmentation de cible, voire de ces deux mesures à la fois

a. En matière darmement terrestre, une accélération et une hausse des cibles des programmes SCORPION

i. Lopération densemble SCORPION vise à renouveler les blindés légers par un ensemble interconnecté de blindés modernes

ii. Les programmes SCORPION ont fait lobjet dimportants renoncements avec la LPM précédente

iii. La situation du segment médian des blindés faisait peser un risque de réduction capacitaire

iv. Le projet de LPM propose daccélérer le calendrier des commandes et des livraisons et daugmenter les cibles des programmes SCORPION

b. Sagissant des forces navales

i. Le programme FLOTLOG : une augmentation du format et une anticipation des livraisons particulièrement bienvenues

ii. La  « trame patrouilleurs » : vers une résorption, attendue de longue date, des ruptures temporaires de capacités

iii. Lextension de la rénovation des Atlantique 2 : une réponse à une nécessité opérationnelle

c. En matière d’armement aéronautique

i. Le programme MRTT, un enjeu essentiel pour le renouvellement attendu de la flotte de ravitailleurs

ii. La LPM : une accélération des livraisons et un rehaussement de la cible

2. Une politique dinvestissement « à hauteur dhomme », dans les moyens « du quotidien » qui font l« épaisseur organique » des armées

a. Un effort de réinvestissement en faveur des « petits » matériels

i. Des matériels régulièrement sacrifiés dans les arbitrages budgétaires des dernières années

ii. Un réinvestissement bienvenu dans les « petits » équipements

b. Un effort de reconstitution des stocks de munitions

c. Des objectifs ambitieux de préparation opérationnelle

i. Une préparation opérationnelle aujourdhui inférieure de 10 % en moyenne aux objectifs

ii. Un effort programmé en faveur de lactivité des armées

d. Une priorité affichée en faveur de lentretien des équipements

i. Une situation dégradée, notamment pour les matériels aéronavals

ii. Des causes financières, mais aussi organisationnelles

iii. Un plan de réforme du MCO

iv. Des crédits supplémentaires pour lentretien programmé des matériels

III. Une programmation de modernisation, sinscrivant dans la prÉparation de lavenir

A. Une progression significative de leffort de recherche et dÉveloppement de dÉfense

1. Lévolution des crédits détudes amont

a. Un budget jusquà présent tout juste suffisant

b. Une réévaluation très attendue

c. L’orientation de ce budget

2. Grandes orientations et autonomie nationale

a. Le lancement des études relatives futur porte-avions, successeur du Charles de Gaulle

3. Un effort indispensable pour maîtriser les technologies nécessaires à nos futures capacités souveraines

a. Les grandes orientations de l’effort de R&D nécessaire pour que la France maintienne son rang technologique

i. Le soutien à l’innovation technologique

ii. Le soutien à l’innovation d’usage

b. La maîtrise des technologies clés pour la supériorité opérationnelle de nos grands systèmes darmes « souverains » de laprès-2030

4. Une plus grande « agilité » nécessaire face à l’évolution de plus en plus rapide des technologies

a. Des efforts en faveur des start-up et des PME

i. Des dispositifs déjà existants

ii. Vers des outils supplémentaires ?

b. Un chantier d’adaptation des procédures d’acquisition d’armement aux caractéristiques nouvelles de l’innovation technologique

i. Les procédures actuelles sont reconnues pour permettre une conduite robuste des opérations d’armement les plus complexes

ii. Tant les besoins des forces que les évolutions du marché des technologies intéressant la défense appellent une révision des procédures d’acquisition

B. des coopérations déterminantes pour lavenir de la BITD européenne

1. Le Fonds européen de défense

2. Les programmes terrestres

a. Le projet de Main Ground Combat System, destiné à remplacer le char Leclerc

i. L’enjeu du remplacement du char Leclerc

ii. Un enjeu industriel : la consolidation de l’industrie d’armement terrestre à l’échelle européenne

iii. Un enjeu programmatique : l’articulation des calendriers d’équipement français et allemand

b. Le projet de Common Indirect Fire System, l’artillerie du futur

3. Le programme « système de lutte anti-mines futur »

4. Les missiles hors dissuasion

a. La modernisation programmée du missile de croisière SCALP EG

b. La mise en service du missile air-air longue portée Meteor et la montée en puissance de l’arsenal de missiles antichar MMP

i. La mise en service du missile air-air longue portée Meteor

ii. La montée en puissance de l’arsenal de missiles antichar MMP

c. Les premières livraisons de missiles sol-air et surface-air Aster 30 B1 NT, de missiles air-air MICA NG et de missile daérocombat MAST F

i. Les commandes et les livraisons de missiles Aster 30 B1 NT

ii. Les commandes et les livraisons de missiles air-air MICA NG

iii. Les commandes de missiles daérocombat MAST F

d. Le lancement de programmes destinés à succéder aux missiles antinavires Exocet, au missile de croisière SCALP EG et au missile sol-air Mistral

i. Le remplacement de la famille de missiles antinavires Exocet

ii. Le remplacement du missile de croisière SCALP EG

iii. Le remplacement du missile sol-air Mistral

5. Les drones

i. Le drone de combat furtif franco-britannique

ii. Le drone MALE européen

6. Les enjeux du SCAF

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. DISCUSSION Générale

II. EXAMEN DES ARTICLES

TITRE IER dispositions relatives aux objectifs de la politique de défense et à la programmation financière

Article 1er Programmation

Chapitre Ier  Objectifs de la politique de défense et programmation financière

Article 2 Approbation du rapport annexé et effort national de défense

Après l’article 2

Article 3 Moyens de la politique de défense

Article 4 Provision au titre des surcoûts OPEX et MISSINT

Article 5 Effectifs

Après l’article 5

Article 6 Actualisation

Après l’article 6

Article 6 bis (nouveau) Exclusion de la mission « Défense » du champ de l’article 17  de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022

Chapitre II   Dispositions relatives au contrôle parlementaire  de l'exécution de la loi de programmation

Article 6 ter (nouveau) Pouvoirs d’investigation sur pièces et sur place pour les membres des commissions parlementaires chargées de la défense

TITRE II  Dispositions normatives intéressant la défense nationale

Chapitre Ier   Dispositions relatives aux ressources humaines

Section 1  Statut et carrière

Article 7  (art. L. 413816, L. 4211-1 et L. 4221-6 du code de la défense ;  art. L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite) Ouverture de la possibilité dengagement à servir la réserve en congé pour convenances personnelles

1. Le militaire est appelé à servir « en tout temps et en tout lieu »

2. Des pertes de compétences du fait de nouvelles attentes en termes de conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle

3. Le dispositif proposé

Article 8  (art. L. 4139-7, L. 4139-16, L. 4141-5 du code de la défense) Limite dâge des officiers généraux du corps des officiers de lair

1. L’état du droit

2. Les dispositions du projet de loi

Article 9 (art. L. 4139-16 du code de la défense) Limite dâge des militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées (MITHA)

1. La situation actuelle

2. La prise en compte des évolutions intervenues dans la fonction publique hospitalière

3. Le dispositif

Section 2 Mesures visant à promouvoir la réserve militaire

Article 10  (art. L. 4221-6 du code de la défense)  Rehaussement du plafond légal de la durée annuelle dactivité dans la réserve opérationnelle

1. L’état du droit

2. Les dispositions du projet de loi

Après l’article 10

Article 11 (art. L. 4143-1, L. 4221-2, L. 4221-4, L. 4251-2, L. 4251-7 du code de la défense) Mesures destinées à promouvoir la réserve opérationnelle

1. L’assouplissement des conditions davancement des réservistes de certains corps

Après l’article 11

Article 11 bis (nouveau) (art. L. 4261-1 du code de la défense) Présence de parlementaires au sein du conseil supérieur de la réserve militaire

Article 11 ter (nouveau) Présence de parlementaires au sein du conseil consultatif de la garde nationale

Section 3  Dispositions diverses dans le domaine des ressources humaines

Article 12  (art. L. 4139-5 du code de la défense)   Extension du congé de reconversion prévu à larticle L. 4139-5 à tous les militaires blessés en service

1. Le dispositif actuel

2. un progrès souhaitable pour les militaires et pour les armées

3. Un dispositif qui concerne tous les militaires blessés

Article 13 (art. L. 12 ter du code des pensions civiles et militaires) Majoration de pension pour les militaires élevant un enfant handicapé

1. Un droit accordé aux militaires sans base légale

2. Le dispositif proposé

Après larticle 13

Article 13 bis (nouveau) (art. L. 242-1 et L. 242-2 du code des pensions militaires dinvalidité et des victimes de guerre, art. L. 4139-3 du code de la défense) Rénovation du dispositif des emplois réservés

Article 14  (art. 25 septies et 25 octies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; art. 20 de la loi n° 2007-148 du 2 février 2007) Extension aux personnels à statut ouvrier des règles applicables aux fonctionnaires en matière de cumul dactivités

1. Un défaut de coordination lors de la réforme relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires

2. Le dispositif proposé

Après l’article 14

Article 14 bis (nouveau) (art. L. 41238 du code de la défense) Interdiction de faire figurer une mention d'appartenance à une association nationale professionnelle de militaire dans le dossier administratif du militaire

Article 14 ter (nouveau) (art. L. 713-1, L. 71312 [nouveau], L. 713-4, L. 713-9  et L. 71310 du code de la sécurité sociale) Simplification administrative pour les assurés sociaux militaires  et les membres de leur famille

Avant l’article 15

Section 4   Habilitation à légiférer par voie d’ordonnances

Article 15 Habilitation du gouvernement à adopter par voie dordonnance diverses dispositions relatives aux ressources humaines

1. Extension du congé du blessé

a. Le militaire blessé ou malade peut bénéficier de plusieurs types de congés de maladie dont les implications diffèrent

b. La définition des opérations ouvrant droit au congé du blessé ne couvre pas la réalité des opérations

2. Simplification des dispositifs de reconversion dans la fonction publique

a. Une politique de reconversion indispensable

b. Deux procédures dérogatoires daccès à la fonction publique

c. Des résultats insatisfaisants

d. Le dispositif proposé

i. Une seule procédure pour tous les militaires

ii. Des listes daptitude au lieu de dossiers complexes

iii. Une procédure plus rapide

iv. Moins de contrainte pour les employeurs

3. Renouvellement des dispositifs dincitation au départ des militaires

a. Des aides au départ à lappui dun modèle de gestion des ressources humaines en flux

b. Des leviers indispensables pour la gestion des ressources humaines

c. Le dispositif proposé

4. Prorogation et adaptation du dispositif dindemnité de départ volontaire des ouvriers de lÉtat

a. Un corps en pleine mutation

b. Un levier de gestion des ressources humaines

c. Le dispositif proposé

Après l’article 15

Avant l’article 16

Section 5   Expérimentations

(Intitulé nouveau)

Article 16 Expérimentations visant à permettre le recrutement sans concours de fonctionnaires du premier grade des corps de la catégorie B et la simplification du recrutement de contractuels

1. Le concours est la modalité de recrutement de droit commun pour les emplois permanents de lÉtat

2. Le ministère des Armées fait face à des difficultés de recrutement sérieuses

3. Le dispositif proposé

a. Le recrutement de fonctionnaires de catégorie B sans concours

b. Des contrats de trois ans offerts sur des métiers en tension

4. Les améliorations possibles

a. Élargir le périmètre géographique des deux expérimentations

b. Augmenter le nombre de postes de catégorie B ouverts par la voie dérogatoire

Section 6 Dispositions relatives au service militaire volontaire

Article 17 Dispositions relatives au service militaire volontaire

1. L’état du droit

2. Les dispositions du projet de loi

3. La position de la commission

Après l’article 17

Chapitre II  Dispositions relatives à l’élection de militaires aux scrutins locaux

Article 18 (art. L. 46, L. 231 et L. 237 du code électoral ; art. L. 2122-5-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales ; art. L. 4121-3 [nouveau] du code de la défense)  Éligibilité des militaires en position dactivité au mandat de conseiller municipal

1. Le droit en vigueur

a. Une incompatibilité générale et absolue entre les fonctions de militaire de carrière et les mandats politiques

b. Des régimes dinéligibilité

2. La décision du Conseil constitutionnel en date du 28 novembre 2014

a. Les principes constitutionnels en jeu

b. La conciliation de ces principes

c. Lentrée en vigueur de labrogation de la disposition inconstitutionnelle

3. Le dispositif proposé

a. Principe dincompatibilité entre les fonctions de militaire en position dactivité et certains mandats locaux et dérogations à ce principe

b. Inéligibilité des militaires en position dactivité aux conseils municipaux des communes de leur ressort

c. Incompatibilité des fonctions de militaire en position dactivité avec les fonctions de maire ou dadjoint au maire

d. Adhésion du militaire élu conseiller municipal à un parti politique

e. Éligibilité des militaires aux garanties et aux droits consentis aux élus

4. Le mandat de conseiller communautaire

Chapitre III Dispositions relatives à la cyber-défense

Avant l’article 19

Article 19 (art. L. 33-14 [nouveau] du code des postes et des communications électroniques, L. 36-7 du code des postes et des communications électroniques, L. 2321-2-1 [nouveau], L. 23213, L. 2321-5 [nouveau]  du code de la défense)   Mise en œuvre de dispositifs de détection des cyber-attaques

1. Les dispositions actuellement applicables pour la sécurité et la défense des systèmes d’information : un cadre juridique défini par la précédente loi de programmation militaire

a. Une attention particulière portée à la protection des opérateurs dimportance vitale

i. Le renforcement du dispositif étatique en matière de cyberdéfense

ii. Le renforcement des obligations des opérateurs dimportance vitale en matière de sécurité et de défense des systèmes dinformation

iii. Laccès de lANSSI à certaines informations pour les besoins de la sécurité des systèmes dinformation de lÉtat et des OIV

b. La nécessité dadapter le dispositif national de détection des attaques cyber

2. Les dispositions prévues par le projet de loi

a. La mise en œuvre de dispositifs de détection des attaques informatiques par les opérateurs de communications électroniques

b. Les réseaux étatiques et OIV, sous contrôle de lARCEP

c. Un contrôle spécifique, dont les modalités restent à préciser

3. Principales modifications apportées par la commission

a. La détermination du régime de contrôle

b. L’augmentation de la durée maximale de conservation des données

c. L’instauration d’un mécanisme de sanction en cas de méconnaissance, par les opérateurs et fournisseurs de services de communications électroniques, de leurs obligations

Article 20 Habilitation à légiférer par ordonnances pour la mise en œuvre du contrôle confié à lARCEP par larticle 19

Article 21 (art. L. 4123-12  du code de la défense) Excuse pénale des cyber-combattants

1. La mise en œuvre du régime dirresponsabilité pénale pour les combattants en opération extérieure

2. La nécessité doffrir une protection identique aux cyber-combattants

Avant l’article 22

Chapitre III bis (nouveau) Qualification de certains appareils et dispositifs techniques

Article 22 (art. L. 2371-2 du code de la défense) Qualification des matériels visés au 1° de larticle 226-3 du code pénal

1. Une possibilité actuellement ouverte pour une seule technique

2. Lélargissement à lensemble des techniques et mesures potentiellement concernées afin de sécuriser juridiquement les campagnes de qualification de matériels

3. Des conditions de mise en œuvre plus strictes et des garanties supplémentaires

Chapitre IV Dispositions relatives aux opérations, à la coopération et à lentraînement des forces

Article 23 (art. L. 2381-1 du code de la défense) Prélèvements biologiques en opérations

1. Le régime actuel encadrant les prélèvements biologiques réalisés par les militaires en opération extérieure

2. La nécessité d’adapter le dispositif à la nouvelle physionomie des conflits

a. Les modifications proposées

b. Une réponse à une nécessité opérationnelle

Article 24 (art. 689-5, 689-6, 689-14 [nouveau] du code de procédure pénale) Extension du champ de la compétence quasi-universelle des juridictions françaises

1. Rappels sur la notion de compétence quasi-universelle de juridiction

2. Ladaptation du droit national suite à la révision de la convention de Rome pour la répression dactes illicites contre la sécurité maritime et de son protocole relatif à la répression dactes illicites contre la sécurité des plates-formes fixes situées sur le plateau continental

3. Ladaptation du droit national suite à la ratification du protocole complémentaire à la Convention de La Haye pour la répression de la capture illicite daéronefs et de la Convention de Pékin sur la répression des actes illicites dirigés contre laviation civile internationale

4. Ladaptation du droit national pour lapplication de la convention de La Haye pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé et de son deuxième protocole

Après l’article 24

Article 24 bis (nouveau) Exercice des missions de la gendarmerie à bord des navires battant pavillon français

Chapitre V Dispositions relatives au droit de larmement

Article 25 (art. L. 2331-1, L. 2332-1, L. 2335-3, L. 2335-18, L. 2339-2 du code de la défense) Adaptation du droit de larmement aux évolutions économiques du secteur et au droit de lUnion européenne

1. Lextension de lapplication du régime européen des transferts de produits liés à la défense aux flux darmement à destination ou en provenance dIslande ou de Norvège

2. Lextension du périmètre des autorisations de fabrication et de commerce des armes et des matériels de guerre

3. Lactualisation du régime de contrôle des transferts au sein de lUnion européenne de certains matériels sensibles soumis à une procédure spécifique.

Chapitre VI  Dispositions immobilières et financières

Section 1  Dispositions relatives aux marchés de défense ou de sécurité

Article 26 (art. 6 et 47 de lordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics)  Adjudication de marchés de défense ou de sécurité  par certains établissements publics de lÉtat  et conditions pour soumissionner à ces marchés

1. Adjudication de marchés de défense et de sécurité par certains établissements publics industriels et commerciaux de lÉtat

2. Transposition des conditions pouvant justifier une dérogation à une interdiction de soumissionner

Après l’article 26

Section 2 :  Dispositions domaniales intéressant la défense

Article 27 (art. 73 de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986) Prolongation des cessions dimmeubles non déclarés inutiles à lÉtat

1. Une dérogation au régime normal de cession à titre onéreux des immeubles du domaine privé de lÉtat

2. Un atout pour financer les rénovations dinfrastructures

3. Le dispositif proposé

4. Les améliorations proposées par le rapporteur

Article 28 (art. L. 3211-1 du code général de la propriété des personnes publiques) Réalisation par lacquéreur dimmeubles de lÉtat de certaines opérations contre déduction du prix de vente

Chapitre VII Dispositions relatives au monde combattant

Article 29  (Loi  99-418 du 26 mai 1999 créant le Conseil national des communes « Compagnon de la Libération ») Évolution du Conseil national des communes « Compagnons de la Libération »

1. L’état du droit

2. Les dispositions du projet de loi

Article 30  (art.L. 113-6, L. 164-1, L. 612-1 du code des pensions militaires dinvalidité et des victimes de guerre)  Mises en conformité constitutionnelle et organique de certaines dispositions du code des pensions militaires dinvalidité et des victimes de guerre

1. La mise en conformité constitutionnelle

a. L’état du droit

b. Les dispositions du projet de loi

2. La mise en conformité organique

Chapitre VIII Mesures de simplification

Article 31 Application du SOFA OTAN pour les activités internationales se déroulant en France

1. L’état du droit

2. Les dispositions du projet de loi

3. La position de la commission

Article 32 (art. L. 151-4, L. 154-4 du code des pensions militaires dinvalidité et des victimes de guerre) Réforme du contentieux des pensions militaires dinvalidité

1. La réforme du contentieux des pensions militaires dinvalidité

a. Un système jugé peu satisfaisant

i. Une juridiction hybride

ii. Un fonctionnement parfois malaisé

iii. Un faible nombre de dossiers pour un traitement beaucoup trop lent

iv. Une jurisprudence difficilement accessible

b. Un nouveau dispositif en deux temps

c. Linstauration dun recours administratif préalable

d. Le transfert des contentieux des tribunaux des pensions aux tribunaux administratifs

2. Des points de vigilance

3. Lharmonisation de dispositions en matière de recours contentieux formé par les militaires en activité

Article 33 (art. L. 2332-6 du code de la défense) Allégement des obligations déclaratives pesant sur les entreprises en matière de brevets concernant des matériels de guerre ou des biens à double usage

Article 34 Habilitation à simplifier, par ordonnances, les dérogations aux procédures dinformation et de participation du public dont bénéficie la défense

1. Les dérogations aux procédures dinformation et de participation du public instituées en raison des impératifs de la défense nationale

a. Des dispositifs enchevêtrés au gré des législations

b. Un ensemble de règles dont la mise en œuvre comporte des lacunes juridiques et des lourdeurs administratives

2. Le dispositif proposé

a. Lharmonisation des dispositifs

b. Lextension du dispositif à certaines enquêtes publiques requises pour létablissement de servitudes

c. Lunification de la procédure de mise en œuvre des différents régimes de dérogation pour un seul et même projet

d. Délais

Article 35  (art. L. 121-2 du code des pensions militaires et des victimes de guerre) Présomption dimputabilité au service en cas de blessures ou maladies survenues pendant le service

1. La situation actuelle

2. Le dispositif proposé

a. Le renversement de la charge de la preuve

i. Le service « habituel »

ii. Le service en opérations extérieures

b. Limputabilité par preuve

c. Un champ dapplication restreint

Chapitre IX Dispositions diverses et finales

Article 36  (ordonnances  2015-1534 du 26 novembre 2015 prise en application de larticle 30 de la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 et portant diverses dispositions concernant la défense, les anciens combattants et laction de lÉtat en mer, n° 2015-1781 du 28 décembre 2015 relative à la partie législative du code des pensions militaires dinvalidité et des victimes de guerre et n° 2016-982 du 20 juillet 2016 prise en application de larticle 30 de la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense)  Ratification dordonnances

1. Le régime juridique des ordonnances

2. L’ordonnance n° 2015-1534 du 26 novembre 2015

a. Sur le chapitre premier de lordonnance portant dispositions relatives aux matériels de guerre (articles 1 et 2)

c. Sur le chapitre trois de lordonnance portant dispositions relatives à laction de létat en mer (articles 5 et 6)

i. Dispositions relatives à la destruction de produits stupéfiants saisis en mer

ii. Dispositions relatives à limmersion de déchets ou dautres matières

3. L’ordonnance n° 2015-1781 du 28 décembre 2015 relative à la partie législative du code des pensions militaires dinvalidité et des victimes de guerre

4. L’ordonnance n° 2016-982 du 20 juillet 2016

a. Sur le chapitre un de lordonnance portant dispositions relatives au contrôle a posteriori des exportations et des transferts en matière darmement (articles 1 et 2)

Article 37 Abrogation de larticle 48 de la loi de programmation militaire 2014-2019

Article 38 Habilitation à établir, par ordonnances, des dérogations à certaines procédures dinformation et de participation du public et aux procédures dautorisation dinstallations classées au bénéfice de la défense

1. Justification générale des dérogations nouvelles

2. Adaptations et dispenses en matière dinformation et de participation du public pour des installations, ouvrages, travaux et activités du ministère des Armées,

3. Dérogation, pour des raisons opérationnelles, aux procédures dautorisation de certaines installations classées pour la protection de lenvironnement (ICPE)

4. Délais

Après l’article 38

Article 38 bis (nouveau) Articulation des codes de la défense et de l’environnement

Article 39 Mise en place dun régime spécifique de contrôle de laccessibilité aux personnes handicapées ou à mobilité réduite des établissements relevant du ministère des Armées

1. Le droit en vigueur

a. Un dispositif spécifique de prévention des risques dincendie et de panique au sein des établissements recevant du public

b. Aucun dispositif dérogatoire nest prévu pour contrôler laccessibilité aux personnes handicapées ou à mobilité réduite

2. Des visites de contrôle empêchées

3. Le dispositif proposé

Article 40 Autorisation donnée au Gouvernement de prendre par ordonnance des dispositions relevant du domaine de la loi en matière de police en mer

Article 41 Habilitation à modifier par ordonnances diverses dispositions  relatives aux matériels de guerre, armes, munitions et leurs éléments,  aux autorisations environnementales et aux outre-mer

1. Harmonisation de la terminologie utilisée dans le code de la défense et dans celui de la sécurité intérieure concernant les matériels de guerre, les armes, les munitions et leurs éléments

a. Des imprécisions lexicales dans les dispositions législatives faisant référence aux différentes nomenclatures darmes

i. Plusieurs classifications coexistent

ii. Des confusions peuvent naître de limprécision de ces classifications

b. Le but de lhabilitation demandée

2. Articulation des codes de la défense et de lenvironnement pour tenir compte de la récente réforme de lautorisation environnementale

3. Architecture des dispositions du code de la défense relatives aux territoires ultramarins

Article 42 Applicabilité outre-mer

Après l’article 42

annexe :  Liste des personnes auditionnées par le rapporteur


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   introduction

 

 

La Revue stratégique remise au président de la République le 13 octobre 2017 dresse un bilan clinique de l’état du monde et des menaces qui pèsent sur notre pays. Le monde qu’elle dépeint est, selon les mots de M. Arnaud Danjean devant la commission de la Défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale, « celui dun système international durablement instable et incertain ». Incertain d’abord, en raison notamment de l’affaiblissement des garde-fous multilatéraux incarnés par le Conseil de sécurité des Nations unies, dont la légitimité est de plus en plus contestée tant par ses membres permanents – on pensera à la Chine, la Russie comme aux États-Unis – que par les nouvelles puissances émergentes. Instable ensuite, du fait de la simultanéité des crises, de la soudaineté de leur irruption et de la dispersion des menaces. Du terrorisme djihadiste qui se déploie depuis le Levant et le Sahel, et frappe indifféremment de l’Asie au Bataclan, à la résurgence des États puissances, les sources de déséquilibres sont multiples, diffuses et changeantes. La dégradation du contexte international et la remise en cause de l’ordre établi depuis la fin de la Guerre froide s’accompagnent d’un renforcement des stratégies de déni d’accès, maritimes, aériennes, terrestres, numériques et exo-atmosphériques, qui contraignent les capacités d’intervention des habituels garants de la sécurité internationale.

En somme, comme l’indiquait devant la commission le général François Lecointre, chef d’état-major des armées, lors de son audition du 4 octobre 2017, « les lignes qui, depuis 1989, dessinaient les contours du monde se sont brouillées sous leffet combiné de trois facteurs principaux » : le retour du recours à la violence comme mode légitimé de régulation des conflits, la persistance de la mise à l’écart d’une large partie du monde de la croissance et de l’amélioration des modes de vie, le durcissement de la menace terroriste djihadiste.

La France se trouve au cœur de ces enjeux. Frappée dans sa chair par la vague d’attentats survenus sur le territoire national depuis 2015, notre pays a été directement attaqué. La proximité historique de la France avec le continent africain nous a conduits à intervenir pour combler les vulnérabilités de la bande sahélo-saharienne, en agissant directement pour lutter contre les groupes terroristes et, plus largement, les groupuscules qui menacent la stabilité des pays de la zone. Membre fondateur et pilier de l’Union européenne, notre pays ne peut détourner le regard face à la déstabilisation du flanc Est de l’Europe marquée, au‑delà de l’annexion de la Crimée par la Russie, par la fragilisation des États voisins de l’Europe. Plus globalement, les pressions démographiques et migratoires, les dérèglements climatiques et les risques sanitaires comme les rivalités énergétiques qu’ils font naître constituent autant de lignes de fractures à même de créer de nouvelles tensions ou de les renforcer.

C’est dans ce contexte que la France se doit « de tenir son rang dans un ordre mondial profondément bousculé » selon les mots du président de la République dans son discours d’ouverture de la conférence des ambassadeurs de l’été dernier. La France tient déjà son rang et nul ne remet en cause la pertinence de l’engagement des forces françaises dans ce monde qui se fissure.

Il est néanmoins vrai que les hypothèses sur lesquelles a été bâtie la précédente loi de programmation militaire ont rapidement et durablement été dépassées. Que l’on y pense un instant : depuis la promulgation de la loi de programmation militaire 2014-2019 ([1]), le 18 décembre 2013, l’opération Serval débutée en janvier 2013 et centrée sur le Mali a mué en opération Barkhane, conduite à l’échelle du Sahel en son entier, tandis que l’opération Sangaris en Centrafrique a été lancée puis clôturée trois ans plus tard et que les forces françaises se sont déployées dans la zone irako-syrienne depuis les Émirats arabes unis, la Jordanie et le groupe aéronaval dans le cadre de l’opération Chammal, déclenchée en septembre 2014. Dans les deux années qui ont suivi la promulgation de la programmation militaire 2014-2019, le Parlement a par trois fois été amené à se prononcer sur la prolongation de l’engagement des troupes en opérations extérieures sur le fondement de l’article 35 de la Constitution. ([2])

À ces interventions sur des théâtres extérieurs s’est ajoutée une présence renforcée sur le territoire national, dans le cadre de l’opération Sentinelle déclenchée le 12 janvier 2015, au lendemain des attentats des 7, 8 et 9 janvier 2015, et confortée après ceux du 13 novembre 2015. Dans le même temps, la France a confirmé sa participation aux mesures de réassurance prises dans le cadre de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN).

Le niveau d’engagement inédit et imprévu des forces françaises s’est d’abord traduit par un dépassement des contrats opérationnels. Lors de son audition devant la commission de la Défense, le général Lecointre estimait ainsi « que ce dépassement est de 30 % depuis maintenant une dizaine dannées ». À titre d’exemple, les forces navales restent présentes sur par moins de cinq théâtres quand le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013, fondement de la programmation actuelle, n’en avait envisagé qu’« un ou deux ». Concernant l’armée de l’air, près de 35 appareils sont engagés en moyenne, soit 25 % de plus que les prévisions issues du Livre blanc, tandis que le nombre d’heures de vol et de munitions délivrées est bien supérieur aux hypothèses retenues dans la LPM. En 2016, 50 % des rotations des unités de l’armée de terre dans les centres d’entraînement ont quant à elles été annulées du fait du suremploi lié à l’opération Sentinelle. Le dépassement des contrats opérationnels traduit un niveau inédit de nos engagements, qui s’étalent dans le temps et s’opèrent bien simultanément.

En conséquence, l’outil militaire s’est érodé plus fortement qu’il n’avait été envisagé. Cette usure n’est d’ailleurs pas le simple fait de l’intensité de nos interventions ; elle s’explique aussi par la perte de certains paris de la loi de programmation militaire précédente portant sur la prolongation de certains matériels. À ce titre, mentionnons par exemple, pour l’armée de l’air, les avions ravitailleurs et la flotte de transport tactique, pour la marine, la flotte logistique ou, pour l’armée de terre, les blindés médians. Au-delà, les déflations d’effectifs programmées étaient trop ambitieuses et brutales pour ne pas déstabiliser notre modèle d’armée.

Les travaux de la commission de la Défense sous la précédente législature et au cours des premiers mois de la XVe législature ont d’ailleurs mis en lumière certaines de ces fragilités.

En premier lieu, la « manœuvre ressources humaines », dont la loi de programmation militaire pour les années 2014-2019 prévoyait la poursuite, a affaibli les capacités opérationnelles de nos armées. Dès le mois de mai 2015, un rapport d’information de la commission de la Défense consacré à cette question ([3]) a pointé le caractère trop ambitieux de cette opération, relevant que même la révision des cibles de déflations décidée en cours de programmation était certes « nécessaire mais pas suffisante ». En parallèle, la commission s’est montrée vigilante s’agissant du quotidien du soldat, en suivant de manière constante la mise en œuvre des actions palliatives initiées face au « scandale Louvois », ainsi qu’en étudiant les modalités de prise en charge des blessés et, plus récemment, l’environnement social des militaires afin de penser l’accompagnement social de demain.

En deuxième lieu, la commission s’est attachée à étudier les conséquences du rythme des opérations extérieures sur le maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels. Le rapport d’information présenté en décembre 2015 sur cette question ([4]) a souligné combien, pour les matériels, les « théâtres dengagement savèrent beaucoup plus abrasifs que les théâtres précédents. Ceci tient, dune part aux conditions climatiques, géographiques, géologiques et opérationnelles extrêmes auxquelles sont soumis les hommes et les matériels (surintensité) et, dautre part, à lutilisation des matériels au-delà de leur potentiel « normal », cest-à-dire dans des conditions opérationnelles similaires à celles constatées en métropole (suractivité). » La décision de porter l’effort sur les opérations extérieures afin de garantir notre capacité d’intervention s’est faite au détriment des forces et des équipements non projetés, qui supportent l’érosion prématurée des matériels et leur immobilisation pour des raisons de maintenance, de plus en plus souvent et de plus en plus longtemps. Or, la disponibilité des matériels en métropole est la clef de la préparation opérationnelle et de l’entraînement, indispensables pour garantir notre capacité opérationnelle.

En troisième lieu, la commission s’est aussi penchée sur l’autonomie de notre base industrielle et technologique de défense (BITD), en étudiant par exemple l’état de la filière munitions. Dans leur rapport remis en décembre 2015 ([5]), les rapporteurs ont montré combien « lapprovisionnement en munitions reposait ainsi sur un fragile équilibre entre les besoins estimés des armées pour répondre à différents niveaux dengagement, les capacités industrielles et les ressources financières ». Au terme de leurs travaux, ils avaient pointé quelques segments nécessitant la plus grande vigilance.

En quatrième lieu, enfin, la commission a étudié la cohérence de notre dispositif militaire, en s’intéressant notamment à l’évolution du dispositif français en Afrique. À ce sujet, le rapport d’information présenté à la commission en juillet 2014 ([6]) avait montré les limites des capacités d’interventions des forces françaises dans les crises africaines. Alors que la commission avait alerté quant aux risques de perdre l’avantage acquis en 2013 grâce à l’opération Serval, force est de constater que la situation politique actuelle au Mali n’est pas des plus rassurantes.

Certes, l’actualisation de la loi de programmation militaire par la loi du 28 juillet 2015 a permis de corriger certaines des erreurs d’appréciation, et surtout de tirer les conséquences des bouleversements du contexte sécuritaire survenus entre-temps. Indirectement, elle a en partie confirmé les constats des parlementaires. Ainsi, elle a permis de rehausser de 3,8 milliards d’euros les ressources mobilisées en direction de la défense sur la période 2015-2019 par rapport à la trajectoire initiale. La mise sur pied de l’opération Sentinelle, l’atténuation des déflations d’effectifs, l’accroissement financier en faveur de la régénération des matériels et l’accélération de certains programmes jugés critiques, notamment en matière de projection tactique, ont ainsi été permises. De plus, bien que n’ayant pas donné lieu à une traduction programmatique, le conseil de défense du 6 avril 2016 a confirmé ces nouvelles orientations, en entérinant les décisions du président de la République, M. François Hollande, prises au lendemain des attentats du 13 novembre 2015 : arrêt des déflations de personnels ; mobilisation de 3 000 postes au profit de la chaîne opérationnelle, du renseignement et de la cyberdéfense ; effort en faveur du fonctionnement et des infrastructures nécessaires à l’accompagnement de ces mesures relatives aux effectifs ; effort financier sur le plan capacitaire, avec une priorité donnée aux munitions, à la mobilité des unités déployées sur le territoire national ainsi qu’à la protection des emprises de la défense ; amélioration de la condition du personnel.

Il était néanmoins indispensable de consentir un effort plus soutenu. Dès son accession à la présidence de la République, M. Emmanuel Macron a confirmé son souhait de voir l’effort de la Nation en faveur de la Défense porté à 2 % du produit intérieur brut.

Conformément aux recommandations de la Revue stratégique et à la volonté du président de la République, le projet de loi de programmation militaire poursuit donc deux objectifs principaux. D’abord, réparer, car le temps de la reconstruction de nos armées est venu. Ensuite, préparer l’avenir de nos forces, en déployant une « Ambition 2030 » et en adaptant les contrats opérationnels à la hauteur de celle-ci. Pour ce faire, le projet de loi de programmation militaire est organisé autour de quatre axes prioritaires : les conditions de vie des militaires et d’exercice du métier ainsi que les effectifs ; la modernisation des capacités opérationnelles ; la garantie de notre autonomie stratégique et le renforcement des actions de coopération ; le soutien à l’innovation.

L’effort budgétaire de la Nation en matière de défense est inédit, et rompt avec des années de « bricolage » et de renoncements dans l’espoir de percevoir les « dividendes de la paix ». En 2025, la France consacrera bien 2 % de son produit intérieur brut à la Défense. Cela représente 198 milliards d’euros d’investissement pour la période 2019-2023, soit une hausse du budget annuel de 1,7 milliard d’euros par an jusqu’en 2022, avant un bond à trois milliards d’euros par an à compter de 2023.

De manière plus précise, 6 000 postes seront ouverts d’ici 2025, dont la moitié entre 2019 et 2023, afin de compenser certains effets des déflations passées et de surtout répondre aux nouveaux besoins. De plus, près de 400 millions d’euros seront investis chaque année pour les « petits » équipements qui font parfois cruellement défaut sur le terrain et dont l’absence affecte le moral de nos soldats. Enfin, dans la foulée de l’annonce du plan Familles, 530 millions d’euros seront consacrés au financement de l’amélioration des conditions de vie des militaires et de leurs familles. S’agissant des moyens, 112,5 milliards d’euros seront consacrés d’ici 2023 à des programmes d’équipements, dont plus du tiers seront conduits dans le cadre de partenariats européens. Enfin, pour préparer le renouveau des forces armées au-delà de 2030, les crédits consacrés aux études amont et à l’innovation seront fortement accrus.

L’examen du projet de loi de programmation militaire constitue, à intervalles réguliers, un moment fort de la vie de la Nation. Ce texte fixe les grandes orientations stratégiques de la France à court, moyen et long terme, et décline les grands programmes, en matière d’effectifs comme d’équipements, qui seront conduits au cours des prochaines années afin d’assurer la permanence de notre autonomie stratégique, notre indépendance et de garantir la capacité à protéger la France et les Français. Au-delà de ces grandes trajectoires définies pour l’essentiel par le rapport annexé, le projet de loi comprend une série de mesures touchant au statut des personnels, adaptant notre droit à des enjeux sans cesse mouvants comme le renseignement ou la cyberdéfense, ou modernisant les dispositions relatives au monde combattant.

Pour préparer ces débats, la commission de la Défense a conduit de très nombreuses auditions dont les comptes rendus sont tous accessibles sur le site internet de l’Assemblée nationale et dans le second tome du présent rapport. Au total, la commission a conduit en trois semaines 26 auditions ayant permis d’entendre les autorités politiques, les chefs d’état-major, les responsables des services du ministère des Armées et des représentants des personnels, ainsi que des acteurs industriels. Le rapporteur tient particulièrement à saluer la disponibilité de Mme Florence Parly, ministre des Armées, qui a ouvert et clos ce cycle intense. De son côté, il a également mené de très nombreux entretiens permettant d’approfondir certains points évoqués en commission. Par ailleurs, la commission a pu s’appuyer sur les conclusions d’une mission d’information portant sur l’exécution de la précédente loi de programmation militaire, confiée à MM. François André et Joaquim Pueyo, ainsi que sur les travaux des rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances pour 2018. Ces travaux de contrôle et d’évaluation étaient indispensables pour permettre au Parlement d’aborder sereinement et de manière éclairée l’examen de ce projet de loi.

La programmation militaire proposée pour 2019-2025 et l’Ambition opérationnelle pour 2030 sont à la hauteur des enjeux. La France continuera de disposer d’un modèle d’armée complet, cohérent et équilibré, à même de protéger sa population, de défendre ses intérêts et d’assumer ses responsabilités internationales. Elle met l’accent sur la réparation du présent et la construction de l’avenir, via la modernisation des moyens à disposition de nos forces. De plus, elle appelle au renforcement de la coopération européenne en vue de l’affermissement d’une certaine idée de l’Europe de la Défense.

Surtout, la programmation militaire proposée est construite « à hauteur d’homme ». En cela, elle traduit le souci constant de placer les femmes et les hommes de nos armées au cœur des priorités, eux dont « létat militaire exige en toute circonstance esprit de sacrifice, pouvant aller jusquau sacrifice suprême ». Depuis le 1er janvier 2013, 37 militaires français ont ainsi perdu la vie en opérations extérieures. Aujourd’hui, le lien entre la Nation et son armée s’est retissé, et alors que l’opération Sentinelle a rendu plus visibles les militaires sur le territoire national, les Français sont attachés aux moyens alloués à leurs armées. Comment imaginer en effet que l’ombre des attentats qui ont frappé notre pays ne plane pas sur l’Hémicycle lorsque, dans quelques jours, nous aurons à nous prononcer sur ce projet de loi ? Pour la première fois depuis longtemps, le débat sur la programmation militaire dépasse donc le cercle des spécialistes, et c’est sous le regard vigilant de l’ensemble du pays que les parlementaires sont appelés à débattre et à se prononcer. Il est de notre responsabilité d’être à la hauteur de leurs attentes et, avant tout, d’être aussi dignes que le sont nos soldats qui chaque jour sont prêts à mourir pour défendre la patrie.


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I.   Un effort budgétaire et en matière d’effectifs rompant avec une longue période de réduction du format des armées

Le projet de LPM 2019-2025 présenté par le Gouvernement constitue une rupture majeure, après des années de réductions d’effectifs et de modernisation à marche forcée du ministère des Armées. Alors même que l’assainissement des finances publiques se poursuit, il représente un effort « exceptionnel », conformément à la décision du président de la République de donner la priorité aux domaines régaliens.

A.   Un effort budgétaire significatif et cohérent

Il convient de rappeler que l’effort de défense a connu une érosion continue depuis dix ans, tant par rapport au PIB (de 2,30 % en 2007 à 1,79 % en 2016) que par rapport au niveau global de la dépense publique. Compte tenu de l’intensité des menaces auxquelles notre Nation doit faire face et l’engagement soutenu de nos forces armées, ce processus a été interrompu à compter de l’année 2015.

La France se distingue de ses alliés par son modèle d’armée complet, qui garantit son autonomie stratégique et sa capacité à intervenir sur le territoire national et sur des théâtres extérieurs. L’intense engagement opérationnel des forces armées justifie également une hausse de l’effort de défense pour pourvoir aux besoins de renouvellement des matériels, équiper les nouvelles recrues de la force opérationnelle terrestre, recruter dans certaines spécialités prioritaires comme le renseignement et le cyber, et améliorer la condition du personnel afin de garder les compétences nécessaires aux forces armées et préparer l’avenir. L’effort financier, pour considérable qu’il soit, ne pourra constituer l’unique réponse à tous ces enjeux : la réalisation de ces ambitions imposera aussi des démarches de modernisation, de rationalisation et de coopération avec nos alliés. 

1.   L’évolution des crédits

Le présent projet de loi constitue une rupture majeure à plusieurs titres :

– il est porteur d’un effort financier exceptionnel au profit de la défense afin d’atteindre un budget à hauteur de 2 % du PIB à horizon 2025 ;

– cet effort est soutenable : il n’est assis sur aucune hypothèse hasardeuse ou pari risqué et il est assorti de plusieurs mesures de bonne gestion ;

– il s’inscrit dans la durée : il assure un lien entre plusieurs « temps », le temps de la réparation, le temps de la remontée en puissance, et le temps de la construction de l’avenir.

a.   Un effort exceptionnel au profit de la défense

Entre 2019 et 2023, 197,8 milliards deuros seront consacrés à la mission « Défense », c’est-à-dire au budget des armées stricto sensu, hors budgets consacrés aux anciens combattants ou à la gendarmerie nationale. Au total, la LPM prévoit 294,8 milliards deuros au profit de la défense entre 2019 et 2025.

Évolution du budget de la Défense* depuis 2009 et programmation 2019-2025

(en milliards d’euros courants de crédits de paiement)

(*) Mission « Défense », hors pensions. (**) Moyenne calculée sur les deux années restant pour atteindre 295 milliards d’euros en 2025.

Source : documentation budgétaire, projet de loi.

b.   Un effort soutenable

Si la hausse du budget de la défense prévue par le projet de LPM représente un effort inédit, il n’en est pas moins soutenable.

 Une programmation assise sur des crédits budgétaires et non sur des recettes exceptionnelles

Conformément à une recommandation constante de la Cour des comptes, l’effort financier au profit de la défense repose exclusivement sur des crédits budgétaires. La LPM 2019-2025 rompt ainsi avec les deux précédentes, qui avaient conditionné une partie de la programmation sur des recettes exceptionnelles conséquentes. Leur non-réalisation, tant en termes de montant que de calendrier, avait ainsi remis en cause l’équilibre de la programmation 2009‑2014, imposant, pour les programmes d’armement, des renégociations de cibles et des étalements de livraisons particulièrement coûteux.

Quant aux recettes issues de cessions de biens immobiliers ou de matériels, elles seront intégralement conservées par le ministère des Armées. ([7]) Plus particulièrement, les produits de cessions immobilières et les redevances d’occupation du domaine seront affectés prioritairement au financement des infrastructures de défense. ([8])

Aucun pari risqué ne met ainsi en danger la programmation 2019-2025, ce qui offre davantage de visibilité et de sécurité aux armées comme aux industries de défense.

 Une programmation cohérente avec la loi de programmation des finances publiques

En application de l’article 22 de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) 2018-2022 ([9]), le Gouvernement s’est assuré, dans le rapport annexé, de la cohérence entre la LPFP et le présent projet de loi de programmation militaire.

Pour mémoire, la LPFP fixe une trajectoire ambitieuse de baisse du niveau des prélèvements obligatoires (- 1 point de PIB), du niveau des dépenses publiques (- 3 points de PIB) et du niveau de la dette publique (- 5 points de PIB). Pour respecter ces objectifs, les dépenses pilotables de l’État, incluant les dépenses retracées par la mission « Défense », devront évoluer comme suit :

Norme de dépenses pilotables de l’État*

(en milliards d’euros courants)

Année

2018

2019

2020

2021

2022

Norme de dépenses pilotables de l’État

257,9

259,5

260,5

262,5

264,5

(*) La norme de dépenses pilotables de l’État comprend les dépenses du budget général hors missions « Remboursements et dégrèvements » et « Investissements d’avenir », hors la charge de la dette et hors les contributions au CAS « Pensions » les plafonds des taxes affectées à des tiers autres que les collectivités territoriales et la sécurité sociale ; les budgets annexes hors contributions au CAS « Pensions » ; les dépenses des comptes d’affectation spéciale hors « Pensions », « Participations financières de l’État » et hors programmes de désendettement, ou portant à titre principal sur des contributions aux collectivités territoriales ou des engagements financiers ; le compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ».

Source : article 9 de la LPFP 2018‑2022.

Plafonds deS crédits de paiement pour la mission « Défense »

(en milliards d’euros, à périmètre courant)

Mission

2017

2018

2019

2020

Défense

32,44

34,20

35,90

37,60

Source : article 15 de la LPFP 2018‑2022.

Dans ce contexte, le rapport annexé souligne l’ampleur de l’effort financier consenti au profit des forces armées et confirme bien que l’évolution des effectifs prévue par le projet de loi de programmation militaire est conforme aux plafonds d’emplois ministériels induits par les dispositions de la LPFP.

En revanche, il prévoit une dérogation (alinéa 483) à larticle 17 de la LPFP qui plafonne le niveau des restes-à-payer de lÉtat.

À cet égard, le rapporteur rappelle que les grands programmes d’équipement s’étalent sur plusieurs dizaines d’années. C’est pour cette raison que la distinction que fait le droit budgétaire entre les autorisations d’engagement (AE) et les crédits de paiement (CP) est particulièrement pertinente dans le domaine de la défense. Les restes-à-payer sont constitués par la différence cumulée entre les AE et les CP.

Les restes-à-payer de la mission « Défense » atteignent aujourd’hui plus de 52 milliards d’euros, soit près de la moitié des restes à payer pour l’ensemble du budget de l’État (110 à 120 milliards d’euros environ). 

Un mécanisme de plafonnement trop rigide pourrait freiner le lancement d’investissements particulièrement nécessaires pour la défense nationale, comme par exemple la modernisation de la dissuasion nucléaire, et empêcher la réalisation d’économies d’échelle dans le cadre de commandes multiples. Surtout, un plafonnement des restes-à-payer pourrait inciter à recourir à des stratégies de contournement préjudiciables aux principes budgétaires d’unité, d’universalité et donc de sincérité.

 Un nouvel objectif de maîtrise du report de charges

Ce projet de LPM, plus crédible que les précédents, s’accompagne en outre d’objectifs de bonne gestion.

Le report de charges du ministère des Armées a connu une croissance soutenue depuis 2010, jusqu’à atteindre 2,9 milliards d’euros fin 2017 après un maximum de 3,5 milliards d’euros en 2014.

Évolution du report de charges depuis 2010

(en millions euros)

NB : Les avances dues sont intégrées au montant des dépenses obligatoires (DO) à partir de 2012.

Source : MM. François André et Joaquim Pueyo, Rapport d’information sur l’exécution de la loi de programmation militaire 2014-2019, Assemblée nationale, XVe législature, n° 718, 22 février 2018.

Cette hausse est le symptôme du « gel » budgétaire exercé massivement ces dernières années, en réponse au décrochage entre les ambitions de la LPM et les moyens budgétaires effectivement alloués à la mission « Défense ».

Le Gouvernement s’est engagé à une gestion infra-annuelle moins heurtée, grâce à la « sincérisation » du budget des opérations extérieures (OPEX) et a abaissé le taux de mise en réserve initiale (le « gel ») de 8 % à 3 % dès le projet de loi de finances pour 2018.

Le rapport annexé définit une trajectoire très ambitieuse de réduction du report de charges jusqu’à son niveau considéré comme « structurel et incompressible ». Rapporté au budget de la défense hors masse salariale, le report de charges s’établissait fin 2017 à 22 %. Le Gouvernement s’engage dans le rapport annexé à réduire cette part à 10 % en 2025, avec un point de passage à 12 % en 2023.

Évolution du report de charges entre 2019 et 2025

 

2017*

 2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Report de charges en %

22

16

15

14

12

12

11

10

(*) Pour rappel.

Source : rapport annexé, alinéa 481.

c.   Un effort dans la durée

Le projet de LPM 2019-2025 concilie différents horizons programmatiques :

– 2030, horizon du programme d’équipements et d’adaptation du modèle d’armée aux enjeux identifiés par la Revue stratégique d’octobre 2017 ;

– 2025, horizon du rehaussement de l’effort national de défense à 2 % du PIB, conformément aux besoins identifiés collectivement par les membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique-Nord (OTAN) ;

– 2023, horizon de la programmation détaillée de crédits budgétaires, qui correspond à la dernière année pour laquelle le Gouvernement actuel aura la responsabilité de préparer un projet de loi de finances avant l’avènement de nouvelles élections nationales.

C’est pourquoi la hausse sera progressive : 1,7 milliard d’euros par an jusqu’en 2022, puis trois milliards d’euros par an à compter de 2023.

La programmation est assortie d’une clause « de revoyure » qui rythmera l’exécution en instaurant des rendez-vous réguliers avec la représentation nationale. Une actualisation au moins aura lieu en 2021 pour affermir et sécuriser la trajectoire financière jusqu’en 2025. Une autre aura vraisemblablement lieu en 2023, pour tenir compte du résultat des élections nationales et de la loi de programmation des finances publiques qui fera suite à la LPFP 2018-2022.

2.   La répartition par grands agrégats

Au travers de ce projet de LPM, le Gouvernement se fixe quatre grandes priorités politiques citées par ordre d’importance :

– l’amélioration du quotidien, pour les femmes et les hommes qui servent la défense de notre pays, en renforçant les moyens consacrés à l’infrastructure, aux « petits » équipements de cohérence, à la préparation opérationnelle, à la formation, ainsi qu’à la prise en compte des besoins des familles ;

– la « réparation du présent », s’agissant des matériels et de leur entretien ;

– la préservation d’un modèle d’armée complet, au service de cinq grandes fonctions stratégiques dont l’importance est réaffirmée et garant de notre autonomie stratégique, qui nous permettra de jouer un rôle moteur dans l’Europe de la défense ;

– la « préparation de l’avenir », avec l’innovation.

a.   L’évolution de l’agrégat Équipements

Les équipements feront l’objet d’un effort particulier pendant toute la durée de la LPM, décrit dans le tableau ci-dessous.

Évolution des crédits consacrés aux équipements entre 2018* et 2025

(en milliards d’euros)

Agrégat 

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Total 19-23

2024

2025

Total 19-25

Moyen-ne

Équipement

18,3

19,5

20,8

22,3

23,7

26,1

112,5

28,8

31,5

172,8

24,7

(*) LFI 2018, pour mémoire.

Source : rapport annexé au projet de loi.

Le rapport annexé précise en outre les crédits prévus et les besoins exprimés pour les principaux postes de dépenses au sein de cet agrégat.

Éléments de programmation budgétaire relatifs aux équipements
d’après le rapport annexé

(en milliards d’euros courants)

Agrégat

Crédits prévus 2019-2023

Besoins exprimés 2019-2025

Dissuasion

25

n.c.

Programmes à effet majeur

37

59

Programmes d’environnement et d’accompagnement

13

19

Entretien programmé des matériels

22

35

Infrastructures de défense

7,3

11

Total Équipements

112,5

172,8

Source : rapport annexé au projet de loi.

Le soutien à l’innovation (études amont) sera porté à un milliard d’euros par an à partir de 2022, contre 730 millions d’euros par an en moyenne dans l’actuelle LPM.

b.   L’évolution de l’agrégat Fonctionnement

Les dépenses de fonctionnement et d’activité représenteront en moyenne 3,8 milliards d’euros par an, soit 19 milliards d’euros sur la période 2019-2023. Le rapport annexé ainsi que les réponses apportées par le ministère des Armées précisent que :

– la mise en œuvre du plan Famille représentera près de 530 millions d’euros de crédits de paiement sur la période 2019-2023 ;

– 1,3 milliard d’euros devrait être consacré à l’amélioration des conditions de vie et trois milliards d’euros à l’entretien des immeubles et à la maintenance.

– 480 millions d’euros sont prévus jusqu’en 2022 pour accompagner la mise en place de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM).

La remise aux normes des infrastructures de vie est bien citée parmi les objectifs prioritaires. En particulier, un plan de rénovation des lycées militaires sera mis en place dès le début de la LPM, afin de remettre les bâtiments à neuf et d’augmenter les capacités d’accueil.

3.   Le mécanisme de financement des opérations

Conformément aux engagements du président de la République, les surcoûts opérationnels feront l’objet d’une provision plus sincère en loi de finances, afin de préserver le ministère de corrections brutales en cours de gestion.

a.   La « sincérisation » de la provision au titre des opérations

Les engagements opérationnels de la France, à l’étranger ou sur le territoire national, suscitent chaque année des surcoûts. Ces surcoûts font l’objet d’une provision en loi de finances initiale (LFI). Le financement du reliquat, qui a pris des proportions importantes depuis 2013, est devenu un fort enjeu de gestion et une des principales causes de déstabilisation de la programmation militaire identifiées par nos collègues François André et Joaquim Pueyo dans leur rapport sur l’exécution de la LPM 2014-2019. ([10])

C’est pourquoi la ministre des Armées s’est engagée à procéder à la « sincérisation » du budget prévisionnel des opérations, comme le demande avec insistance la Cour des comptes depuis 2014. En conséquence, la provision au titre des surcoûts opérationnels augmentera progressivement, conformément à la trajectoire illustrée par le graphique suivant. À partir de 2020, 1,1 milliard d’euros seront provisionnés au titre des OPEX et 100 millions d’euros de crédits de masse salariale seront provisionnés au titre des missions intérieures (MISSINT).

Cette « sincérisation » progressive permettra de ne pas consommer une proportion trop significative de la hausse du budget de la défense et ainsi de préserver des marges de manœuvre pour répondre aux autres besoins urgents.

Évolution de la provision annuelle au titre des surcoûts opérationnels* depuis 2009 et coût final constaté

(en millions d’euros courants)

(*) Surcoûts OPEX et MISSINT, hors titre 5, hors titre 2 pour les missions intérieures, et nets des remboursements des organisations internationales.

Source : documentation budgétaire, projet de loi.

b.   Une double clause de sauvegarde

Si l’augmentation de la provision votée en LFI garantira davantage de visibilité et moins de mouvements de crédits en gestion, le financement du reliquat restera tout de même un enjeu. Afin de préserver les crédits d’équipements, l’article 4 du présent projet de loi prévoit une double clause de sauvegarde.

● Présentation des surcoûts OPEX et MISSINT dans la nomenclature budgétaire

Depuis la réforme de l’architecture budgétaire de la mission « Défense » en 2015, tous les crédits de personnel (titre 2) sont retracés sur le programme 212 « Soutien de la politique de défense », sous la responsabilité du secrétaire général pour l’administration (SGA). Ce regroupement du titre 2 avait vocation à améliorer le pilotage global de la masse salariale en vue d’en assurer une meilleure maîtrise. Il en résulte un relatif éparpillement des crédits provisionnés au titre des surcoûts OPEX et MISSINT, entre le programme 178 et le programme 212, comme le montre le tableau ci-après.

La répartition des surcoûts opérationnels depuis 2014 dans la nomenclature budgétaire et comparaison entre prévision et exécution

(en millions d’euros)

Surcoûts

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020-2023

Provision en loi de finances initiale

OPEX

HT2 (P178)

280

280

280

280

405

n.c.

n.c.

T2 (P212)

170

170

170

170

245

n.c.

n.c.

Total

450

450

450

450

650

850

1 100

MISSINT

HT2 (P178)

-

-

-

-

-

-

-

T2 (P212)

11

11

26

41

41

100

100

Total

11

11

26

41

41

100

100

Exécution

OPEX

HT2 (P178)

795,8

821,2

888,2

1 037,2

n.c.

T2 (P212)

322,3

295,3

283,6

292,3

Total

1 118,1

1 116,5

1 171,8

1 329,6

MISSINT

HT2 (P178)

5,3

119,0

75,5

89,1

T2 (P212)

16,4

57,1

97,0

123,7

Total

21,8

176,1

172,5

212,8

n.c. : non connu. T2 = titre 2 = dépenses de personnel. HT2 = hors titre 2.

Sources : documentation budgétaire, article 4 du projet de loi.

La provision au titre des surcoûts opérationnels prévue à l’article 4 du projet de loi s’entend hors des crédits de masse salariale inscrits en loi de finances au titre des missions intérieures. Le rapport annexé précise que ceux-ci font l’objet d’une autre provision annuelle à hauteur de 100 millions d’euros.

● La double clause de sauvegarde

La provision au titre des surcoûts opérationnels prévue à l’article 4 du projet de loi est assortie d’une double clause de sauvegarde favorable au ministère des Armées :

– les surcoûts nets entendus hors investissements, hors crédits de masse salariale inscrits en loi de finances au titre des missions intérieures, et une fois perçus les remboursements dus par les organisations internationales font l’objet d’un financement interministériel ;

– l’excédent éventuel constaté en fin d’année est conservé par le ministère.

Il s’agit de garantir que les surcoûts constatés au-delà des provisions fixées en LFI seront bel et bien couverts en interministériel et – c’est là la nouveauté par rapport à la LPM 2014-2019 – que le ministère des Armées pourra conserver l’excédent éventuel constaté sur le périmètre de la provision OPEX-MISSINT si l’engagement opérationnel des forces armées diminue. Dans cette hypothèse, en effet, les armées auraient encore à assumer des charges fixes au titre de l’entretien programmé des matériels ou de l’entraînement.

La clause est donc pensée pour éviter un éventuel effet de ciseaux, dû à l’inertie de certaines dépenses. Les trois illustrations ci-dessous permettent de saisir les enjeux et les conséquences de cette double clause, étant entendu que le principe de fongibilité asymétrique (qui permet de diminuer les crédits affectés aux dépenses de personnel pour les attribuer à un autre type de dépense, mais pas d’effectuer l’opération inverse) sera appliqué.

Financement des surcoûts opérationnels dans trois cas de figure en application de l’article 4 du présent projet de loi

Exemple n° 1

(en millions d’euros)

Surcoûts constatés

OPEX

HT2 (a)

1 000

T2 (b)

300

MISSINT

HT2 (c)

90

T2 (d)

110

Total OPEX et MISSINT

1 500

Financements

Provision en LFI

OPEX

HT2

1 100 (e)

T2

MISSINT

HT2

T2

100 (f)

Autres financements

Remboursement des organisations internationales (g)

50

Surcoûts nets

Au titre de la provision OPEX – MISSINT

soit [ (a) + (b) + (c) ] – (e) – (g) 

240

Au titre du T2 MISSINT

soit (d) – (f)

10

Financement interministériel

250

Reste à payer par les armées

0

Reliquat au profit des armées

0

Exemple n° 2

Surcoûts constatés

OPEX

HT2 (a)

500

T2 (b)

200

MISSINT

HT2 

90

T2 (d)

110

Total OPEX et MISSINT

900

Financements

Provision en LFI

OPEX

HT2

1 100 (e)

T2

MISSINT

HT2

T2

100 (f)

Autres financements

Remboursement des organisations internationales (g)

20

Surcoûts nets

Au titre de la provision OPEX – MISSINT

soit [ (a) + (b) + (c) ] – (e) – (g) 

- 330

Au titre du T2 MISSINT

soit (d) – (f)

10

Financement interministériel

10

Reste à payer par les armées

0

Reliquat au profit des armées

330

Exemple n° 3

Surcoûts constatés

OPEX

HT2 (a)

1 100

T2 (b)

320

MISSINT

HT2 (c)

30

T2 (d)

50

Total OPEX et MISSINT

1 500

Financements

Provision en LFI

OPEX

HT2

1 100 (e)

T2

MISSINT

HT2

T2

100 (f)

Autres financements

Remboursement des organisations internationales (g)

50

Surcoûts nets

Au titre de la provision OPEX – MISSINT

soit [ (a) + (b) + (c) ] – (e) – (g) 

300

Au titre du T2 MISSINT

soit (d) – (f)

- 50

Financement interministériel

250

Reste à payer pour les armées

0

Reliquat au profit des armées

0

 

B.   L’enjeu DES RESSOURCES HUMAINES

Le projet de loi de programmation militaire 2019-2025 confirme la remontée en puissance des effectifs après l’interruption du processus de déflation intervenue en 2015. Il rompt ainsi avec des années de réductions du format des armées. Ces créations de postes répondent toutefois à des besoins ciblés et prioritaires.

1.   Des créations de postes dans les domaines prioritaires

Afin de répondre à l’ambition opérationnelle et aux priorités de renforcement des services de renseignement et du domaine de la cyberdéfense, une trajectoire de 6 000 emplois supplémentaires est prévue sur la période 2019‑2025 à raison de :

– 1 500 créations d’emplois entre 2019 et 2022, conformément à la trajectoire de la LPFP 2018-2022 ;

– 4 500 créations d’emplois entre 2023 et 2025, à raison de 1 500 équivalents temps plein emploi (ETPE) supplémentaires par an.

Solde net ANNUEL des effectifs du ministère des Armées depuis 2009
Programmés jusqu’en 2025, prévus en LFI jusqu’en 2018 et exécutés jusqu’en 2017

(en ETPE et ETPT)

Source : documentation budgétaire, projet de loi.

NB : Programmations exprimées en équivalent temps plein emploi (ETPE) et exécution en équivalent temps plein travaillé (ETPT)

Évolution des effectifs du ministère des Armées depuis 2009 et programmation 2019-2025

(en ETPE et ETPT)

Source : documentation budgétaire, projet de loi.

NB : Programmations exprimées en équivalent temps plein emploi (ETPE) et exécution en équivalent temps plein travaillé (ETPT)

Le tableau ci-dessous donne le détail précis des créations de postes supplémentaires prévues par employeur. Il convient de rappeler que ces soldes positifs recouvrent en fait des flux importants de départs et de recrutement.

Les 3 951 emplois créés au sein de l’état-major des armées pendant toute la durée de la LPM correspondent à la fois à des recrutements dans les unités opérationnelles (y compris cyber et renseignement et sécurité protection), dans le soutien interarmées (en particulier, le service de santé des armées) et dans le soutien aux exportations.

La priorité donnée au renseignement et au cyber se lit aussi dans les recrutements programmés dans les services de renseignement (DGSE, DRSD, DGRIS).

Les 400 postes supplémentaires créés au titre du soutien aux exportations (SOUTEX) se répartissent entre la direction générale de l’armement et les armées (CEMA).

Créations de postes prévues entre 2019-2025 par employeur

(ETPE)

Employeurs

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Total LPM

CEMA

242

167

156

245

895

1 123

1 123

3 951

SGA

3

0

22

25

26

39

39

154

DGA

72

35

35

47

321

191

191

892

DGSE

89

65

60

96

192

135

135

772

DRSD

31

32

26

36

66

12

12

215

DGRIS

1

1

1

1

0

0

0

4

UIP*

12

0

0

0

0

0

0

12

Total

450

300

300

450

1 500

1 500

1 500

6 000

(*) La montée en puissance de l’unité d’information des passagers (UIP), entité interministérielle récemment créée, s’effectue au détriment de 12 ETP prélevés par transfert budgétaire sur le plafond d’emploi ministériel des armées. Données en ETPE, périmètre PMEA, hors apprentis, hors volontaires SMV, hors SIAé.

Source : réponses du ministère des Armées au questionnaire du rapporteur.

Au total, la répartition par priorités est la suivante :

– renseignement (1 500 postes supplémentaires entre 2019 et 2025) ;

– cyberdéfense et action dans l’espace numérique (1 500 postes supplémentaires sur la même période) ;

– sécurité-protection (750 postes supplémentaires) ;

– soutien aux exportations (400 postes supplémentaires).

2.   Les mesures spécifiques en faveur des personnels

Après des années de réductions d’effectifs, les ressources humaines du ministère des Armées devront faire face au double défi de la remontée en puissance ciblée des effectifs et de la fidélisation des personnels dont les compétences sont indispensables à nos forces armées.

Ainsi, les enjeux d’attractivité et de fidélisation sont abondamment détaillés dans le rapport annexé. À la politique d’action sociale, aux mesures d’amélioration de la condition du personnel, aux conditions du dialogue social, s’ajoutent plusieurs développements sur des mesures nouvelles destinées à satisfaire les nombreux enjeux de gestion des ressources humaines qui caractérisent la prochaine LPM.

a.   Des leviers pour faciliter le recrutement

L’impératif de jeunesse des forces armées impose des flux de recrutement importants qui justifient des leviers spécifiques. Est notamment à l’étude la poursuite de l’exclusion des aspirants, élèves officiers et élèves sous-officiers du processus de contingentement destiné à maîtriser le pyramidage des effectifs par grade.

Pour faire face à des vacances de postes prolongées, larticle 16 du présent projet de loi prévoit en outre l’expérimentation de modes de recrutement innovants dans la fonction publique, dans des spécialités en tension et des régions où il est particulièrement difficile de recruter.

Le recrutement de certaines compétences et la fidélisation des personnels concernés imposent des mesures spécifiques. Un effort de valorisation concernera ainsi le corps des ingénieurs de l’armement, les praticiens du service de santé des armées, ainsi que les corps militaires et leur haut encadrement. Une politique de rémunération adaptée permettra aussi de conserver des compétences critiques (atomiciens, mécaniciens aéronautiques, praticiens de santé) ou émergentes (cyber, automates, intelligence artificielle) par ailleurs très recherchées sur le marché de l’emploi privé.

La complémentarité entre civils et militaires est rappelée. Un plan de requalification d’agents de catégorie C vers la catégorie B est mentionné ainsi qu’une élévation du niveau du concours externe de recrutement des ingénieurs des études et fabrication. La réforme du statut des ouvriers de l’État s’accompagnera d’une reprise des recrutements dans des spécialités rares.

Le complément indemnitaire annuel (CIA) des fonctionnaires sera revalorisé. Le rapport annexé souligne particulièrement que les mesures indiciaires ou indemnitaires affectant le niveau général de la rémunération des fonctionnaires civils seront adaptées à la fonction militaire dans un souci d’équité. Il est souhaitable de rompre avec les années antérieures qui se caractérisaient par des retards de transposition des mesures prises au profit des fonctionnaires.

La prise en compte de toutes les formes de handicap dans le recrutement de personnels civils sera encore renforcée, ce qui confirme l’engagement de longue date du ministère en faveur du recrutement de personnels blessés ou handicapés.

b.   Des leviers pour dynamiser les parcours professionnels

L’adaptation des compétences aux besoins des forces armées et l’impératif de jeunesse imposent d’avoir recours à des leviers efficaces pour dynamiser les parcours professionnels.

À cet égard, larticle 15 du présent projet de loi prévoit d’habiliter le Gouvernement à proroger, en les adaptant, diverses aides au départ, destinées aussi bien aux militaires qu’aux civils.

Bien que le projet de loi de programmation ne prévoie pas de restructurations, le complément spécifique de restructuration est maintenu, ainsi que l’indemnité de conversion et le complément exceptionnel de restructuration qui peuvent être attribués aux ouvriers de l’État.

Le rapport annexé souligne que les spécificités des armées (gestion de flux et carrières courtes) justifieront le maintien d’un système de pensions de retraite adapté.

c.   Le chantier de la nouvelle politique de rémunération des militaires

Après plusieurs années d’hésitations, le ministère s’engagera finalement en 2021 dans une réforme ambitieuse de la politique de rémunération des militaires, destinée à maîtriser la masse salariale et à améliorer la lisibilité du système indemnitaire, aujourd’hui caractérisé par son grand nombre de primes (174).

Ce chantier contribuera à simplifier le calcul de la solde, sécurisant de ce fait le chantier de reconstruction d’un système de liquidation de la solde. Le logiciel Source Solde entrera pour sa part en service progressivement, mettant fin aux errements du précédent logiciel Louvois.

d.   Les mesures en faveur des réserves

Devenue indispensable à la réalisation des missions des armées, la réserve bénéficie d’un budget fixe de 200 millions d’euros par an, afin de parvenir à l’objectif de 40 000 réservistes opérationnels pour un emploi annuel moyen de 37 jours.

Dans un souci d’équité et de fidélisation, leur couverture sociale est améliorée par le présent projet de loi. La simplification des démarches administratives sera aussi au cœur de la stratégie de fidélisation des réservistes.

 


—  1  —

II.   Une programmation traçant des priorités claires en faveur de la réparation de nos armées

A.   L’accent mis sur le renseignement et la cyberdéfense

Mme Florence Parly ministre des Armées, et le général François Lecointre, chef d’état-major des armées, l’ont rappelé devant la commission : la ressource annuelle moyenne consacrée à l’agrégat renseignement-cyberdéfense augmentera de 53 % par rapport à la période 2014-2019. Une telle revalorisation témoigne d’un effort substantiel mais nécessaire dans ces deux domaines, parfaitement cohérent avec la nouvelle physionomie des menaces, des conflits et des engagements opérationnels.

1.   Le renseignement : un renforcement de la fonction « connaissance et anticipation » à maintenir dans la durée, notamment en matière de ressources humaines

● Si la Revue stratégique a confirmé la nécessité de maintenir et de consolider les cinq fonctions stratégiques « classiques » qui constituent les fondations d’un modèle d’armée complet et cohérent, l’Ambition 2030 entend opérer un rééquilibrage entre elles, en portant notamment un effort significatif en faveur de la fonction « connaissance et anticipation ».

Cette fonction est en effet essentielle, à tous les stades de la décision politique et militaire. En amont, une fonction « connaissance et anticipation » robuste constitue la garantie de disposer d’une capacité d’appréciation autonome de situation qui seule permet la prise de décision libre et souveraine. En aval d’une décision de mise en œuvre de moyens militaires, elle permet de conduire l’action opérationnelle dans des conditions optimales et de détenir et conserver la supériorité informationnelle, élément majeur de la supériorité stratégique et tactique.

Cette autonomie repose, dans la pratique, sur les capacités de renseignement des armées, qu’il s’agisse de la collecte, de l’analyse ou de l’exploitation des informations. À cet égard, le présent projet de LPM contribue à un renforcement significatif de notre posture nationale du renseignement. Cet effort se traduit tant dans le domaine des ressources humaines que dans le domaine des capteurs. Compte tenu des évolutions géostratégiques et technologiques, un tel effort devra nécessairement être maintenu au-delà de la période couverte par la programmation.

● S’agissant des ressources humaines, les effectifs du renseignement augmenteront de manière sensible, avec la création de 1 500 postes supplémentaires sur la période de programmation. D’après les informations communiquées au rapporteur, ces créations d’effectifs devraient s’opérer selon le cadencement suivant.

cadencement des créations de postes prévues dans le renseignement

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Total LPM

199

152

104

146

421

239

239

1 500

Source : ministère des Armées – réponses au questionnaire du rapporteur.

Ces postes seront répartis entre les besoins propres des armées et ceux de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE).

Il est prévu que ces effectifs supplémentaires soient majoritairement affectés au renforcement des capacités de traitement des données collectées et au renseignement d’origine humaine.

De fait, les services doivent traiter, analyser et exploiter un flux exponentiel de données, provenant de capteurs toujours plus performants ([11]). Face à un tel afflux, le risque est celui de la submersion sous le « flot de données ». Il est donc essentiel de porter l’effort en matière de ressources humaines sur l’analyse et l’exploitation, ce que prévoit à juste titre le projet de programmation. Des compétences spécifiques devront être mobilisées, par le recrutement de profils « experts » à l’image des data scientists, des data analysts et autres géomaticiens.

Il faut être conscient du fait qu’à l’avenir, l’homme ne sera pas et ne pourra pas être seul pour réaliser de telles tâches. Son action devra être facilitée par le recours à des dispositifs d’intelligence artificielle (IA). Car au-delà de la recherche d’information, il s’agit d’être en mesure de croiser différentes sources, et l’exploitation des outils offerts par l’IA sera déterminante à cet égard.

Il convient de noter que la DGA travaille à la conception d’un programme ARTEMIS – pour Architecture de Traitement et d’Exploitation Massive de l’Information Multi-source – qui devrait constituer un outil particulièrement précieux pour la conduite de la fonction « connaissance et anticipation ».

● S’agissant des capteurs, un certain nombre d’équipements sont destinés aux forces pour consolider et moderniser les capacités de renseignement. Au total, quelque 4,6 milliards deuros seront investis en faveur des équipements dans le domaine du renseignement.

Dans le domaine des systèmes spatiaux, la capacité d’écoute et de renseignement électromagnétique spatiale sera renforcée, avec la mise en service du système CERES qui viendra compléter les moyens terrestres, maritimes et aéroportés de recherche et d’interception des émissions électromagnétiques. CERES comprend des fonctions d’interception, de caractérisation et de localisation des signaux électromagnétiques par des moyens satellitaires, leur programmation ainsi que les moyens sols de contrôle des satellites. Un tel système contribue à la détection, à la caractérisation et au suivi des menaces, ainsi qu’à la connaissance des théâtres dans la profondeur puisqu’il permet une couverture mondiale en tout temps. CERES repose sur une constellation de trois satellites et permettra de recueillir, sur l’ensemble du globe, les informations permettant de cartographier et d’analyser le fonctionnement des émetteurs électromagnétiques. Il sera livré au cours de la période couverte par la programmation et son successeur sera quant à lui commandé sur la même période pour être livré à la fin de la décennie 2020.

Le système MUSIS ([12]), fruit d’une initiative européenne, vise à renforcer les moyens d’observation spatiale et permettra de remplacer l’actuel système Hélios opéré par la France. Il inclut une composante spatiale optique (CSO), deux composantes radar (italienne et allemande) et une composante optique champ large. MUSIS offrira des capacités de suivi de situation et de veille stratégique, d’aide à la prévention et à l’anticipation des crises et d’assistance à la planification et à la conduite des opérations. Par rapport à Hélios II, la composante optique se caractérisera par une meilleure résolution, une plus grande agilité de la plate-forme permettant l’identification de cibles plus petites, et par une augmentation importante du nombre d’images accessibles quotidiennement. Le premier satellite MUSIS sera lancé fin 2018, deux satellites supplémentaires devant être livrés sur la période 2019-2025.

S’agissant du renseignement aéroporté, le projet de LPM prévoit l’acquisition de deux avions légers de surveillance et de reconnaissance (ALSR) d’ici 2025 ([13]) pour un parc prévu à huit appareils à l’horizon 2030, et de trois avions de reconnaissance stratégique (CUGE ([14])), lesquels ont vocation à remplacer les Transall C-160 Gabriel spécialisés dans le recueil du renseignement d’origine électromagnétique (ROEM) ([15]) : une unité sera livrée au cours de la programmation, trois appareils étant prévus à l’horizon 2030.

Ces deux programmes ont fait l’objet d’augmentations de cibles. Ainsi, comme le soulignait devant la commission le général André Lanata, chef d’état‑major de l’armée de l’air, le projet de LPM prévoit un effort conséquent dans le domaine des moyens de surveillance aéroportés, avec un quadruplement de la flotte ALSR et une augmentation de 50 % de la cible CUGE.

Enfin, le programme de charge ROEM sur Reaper est en cours ; il vise à doter le Reaper d’un capteur à champ large, capable d’orienter le capteur optique au « champ étroit ». Les armées devraient en disposer à l’horizon 2020‑2021.

S’agissant du renseignement naval, l’effort se traduira par la réalisation d’un programme nouveau, avec la commande d’un bâtiment léger de surveillance et de recueil de renseignement (BLSR) qui viendra utilement compléter les capacités offertes par l’actuel bâtiment d’essais et de mesures (BEM) DupuydeLôme et permettra, le cas échéant, des déploiements simultanés sur des théâtres différents. Il sera commandé pendant la période couverte par la programmation.

● Si l’effort en matière de ressources humaines et d’équipement est réel, il conviendra de le maintenir dans la durée, au-delà de la période de programmation. Si la « trame capteurs » offrira un éventail complet et cohérent de capacités, une vigilance restera de mise dans le domaine des ressources humaines. En effet, une partie des créations d’effectifs sont des créations « contraintes », associées précisément à la mise en œuvre de nouveaux équipements. Le renforcement progressif, dans la durée, des capacités de recherche, d’analyse et d’exploitation du renseignement devra donc s’accompagner d’un niveau de recrutement adapté même si, comme l’a relevé le général Jean-François Ferlet, commandant la direction du renseignement militaire, la solution à l’accroissement du flux de données ne peut relever seulement de la politique d’effectifs. Elle implique en effet une utilisation croissante de l’intelligence artificielle, pour mieux exploiter tant les flux que les stocks d’information.

En outre, si les services n’éprouvent pas de difficulté majeure à recruter des personnels, la fidélisation de ceux-ci demeure un point d’attention qui supposera une vigilance constante. Au-delà de la concurrence du secteur privé sur certaines spécialités (interprétateurs image par exemple), il existe par ailleurs une compétition interne, entre services, qui nécessite sans doute de mener un travail sur l’harmonisation des différents régimes indemnitaires.

2.   L’espace : un atout et un risque

Les capacités de renseignement électro-magnétique et d’observation de la terre depuis l’espace, avec respectivement les systèmes CERES et MUSIS évoqués plus haut, ne couvrent pas l’ensemble de la contribution spatiale à la fonction « connaissance et anticipation ».

Le renseignement acquis doit pouvoir circuler de façon sécurisée à tout moment et en tous lieux, et notamment vers le champ de bataille. C’est la fonction du système militaire de télécommunication SYRACUSE III (SYstème de RAdiocommunication Utilisant un SatellitE) composé de deux satellites et de stations-sol. Il sera remplacé par deux nouveaux satellites SYRACUSE IV avant 2025. Ces satellites seront à propulsion électrique et le système, opérant en bandes X et Ka, verra sa sécurité cyber durcie, tout en étant rendu plus résistant au brouillage. La mise en orbite de ces satellites répondra aux besoins de communications croissants en raison de la numérisation des différentes capacités et de l’explosion du volume de données, résultant notamment de la mise en œuvre des drones. La LPM a pris la mesure de cet enjeu et va au-delà de la feuille de route initiale en prévoyant la livraison d’un troisième satellite SYRACUSE IV d’ici à 2030.

L’observation de l’espace depuis la Terre participe également du renseignement. Il est, d’une part, indispensable d’être en mesure de surveiller nos propres satellites et leurs orbites et, d’autre part, de détecter les éléments présentant un danger potentiel, qu’il s’agisse de débris ou d’autres objets spatiaux, afin, le cas échéant, de pouvoir déceler et attribuer un acte virtuellement suspect, voire malveillant. Le système français de surveillance des orbites basses de l’espace exo-atmosphérique, unique en Europe, repose sur le radar GRAVES (Grand Réseau Adapté à la Veille Spatiale), une réalisation de l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA), permettant d’établir la situation spatiale jusqu’à 1 000 km d’altitude environ. Un catalogue des objets observés est établi. Au cours de cette LPM, le système fera l’objet d’une modernisation, déjà notifiée, pour le prolonger jusqu’à 2030. Les performances du traitement du signal seront accrues, grâce à un nouveau calculateur, ainsi que celles des antennes de réception. Les radars de trajectographie SATAM, complémentaires du système de veille, feront eux aussi l’objet d’une rénovation.

Le commandement interarmées de l’espace et le commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes seront renforcés et modernisés.

Ainsi que le rappelait le général Jean-Pascal Breton, commandant interarmées de l’espace, auditionné par la commission, « lespace est un formidable outil de coopération » qui s’appuie sur la nécessité de collaborer pour maintenir des coûts acceptables et se matérialise par un échange d’informations dans le respect de la souveraineté de chaque État. La France coopère avec de nombreux pays européens, dont elle utilise certaines capacités, et devra intensifier ses actions en ce sens afin de relever les défis que représentent, d’une part, la détection d’objets spatiaux de taille toujours plus réduite, leur nombre grandissant, et, d’autre part, et la banalisation de l’utilisation de l’espace, dont les conséquences restent à évaluer.

Le rapport annexé pose le libre accès et l’utilisation de l’espace exo‑atmosphérique comme une des conditions de notre autonomie stratégique. Mais ainsi que le relève la Revue stratégique, l’espace exo-atmosphérique est peu régulé et investi par les logiques de compétition stratégique et militaire. Il existe un risque de prolifération et des États pourraient vouloir dénier l’accès à l’espace ou y exercer des menaces. L’usage commercial grandissant et le nombre de constellations de satellites en orbites basses, les débris spatiaux, l’arsenalisation rampante mettront peut-être, à terme, les États face à la nécessité d’une réglementation internationale.

Le danger d’une dépendance exclusive aux services rendus par les moyens spatiaux est identifié dans le rapport annexé. Les armées devront donc entretenir les compétences permettant d’agir « en mode dégradé » dans toutes les situations.

3.   Le domaine cyber : enjeu transverse et matrice des conflits de demain

● La préoccupation et la fonction cyber sont, somme toute, récentes. Le domaine « cyberdéfense » a fait l’objet d’une reconnaissance officielle, en tant que concept, dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008 il y a dix ans seulement. L’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) a été créée l’année suivante, en 2009. La fonction cyber n’a été consacrée en tant que priorité nationale qu’à l’occasion de la publication du Livre blanc de 2013.

Le cyber fait dorénavant l’objet d’une attention constante, dans le domaine militaire mais également au-delà, dès lors que le cyberespace constitue un « méta-espace » immatériel qui englobe tous les autres, ignore les frontières physiques et méconnait les différences, juridiques et de nature, entre les différentes personnes physiques ou morales ou entre les différents secteurs d’activité. La revue stratégique de cyberdéfense, publiée par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) a récemment rappelé le niveau de la menace cybernétique, qui est de plus en plus complexe et prend de plus en plus d’ampleur.

Au-delà des rappels, essentiels, sur la nature et l’importance de la menace et sur le modèle français d’organisation en matière de cyberdéfense, cette revue stratégique constitue un réel vade-mecum pour la construction d’une nation plus résiliente face aux menaces cybernétiques. Les recommandations prioritaires qui y figurent, de natures et d’horizons temporels divers, constitueront à n’en pas douter une référence pour l’adaptation de notre modèle dans les années à venir. Sans les présenter de manière exhaustive, on peut néanmoins souligner les points suivants.

Dans le domaine de la consolidation de l’organisation de la cyberdéfense, la revue stratégique de cyberdéfense recommande la mise en place :

– de quatre chaînes opérationnelles bien identifiées : la chaîne « protection », la chaîne « action militaire », la chaîne « renseignement » et la chaîne « investigations judiciaires » ;

– d’un comité directeur cyber, chargé de suivre la mise en œuvre des décisions prises en matière de développement et d’organisation du domaine cyber par le conseil de défense et de sécurité nationale ;

– d’un comité de pilotage de la cyberdéfense, qui devra contribuer à améliorer la connaissance de la menace d’origine cyber, à élaborer une politique industrielle, réglementaire et normative de souveraineté numérique et à mettre en place une doctrine officielle de réponse globale à une crise cyber ;

– d’un centre de coordination des crises cyber, le C4, chargé de la gestion des crises non majeures.

Ce C4 mérite quelques développements. Si l’organisation actuelle des pouvoirs publics – via l’action de la cellule interministérielle de crise CIC – donne satisfaction s’agissant de la gestion des crises cybernétiques majeures, il est apparu qu’il manquait un organisme interministériel analogue s’agissant des événements de moindre ampleur. Un tel mécanisme serait permanent et permettrait d’associer au travail d’analyse de la menace et de préparation et de coordination de l’action l’ensemble des ministères concernés par une crise.

Le C4 serait organisé en trois strates :

– le C4 stratégique (C4 STRAT) : organe non permanent, il assurera le bon échange des informations et des analyses aux fins de faciliter la préparation des possibles réponses de l’État en prenant en compte l’ensemble des aspects (techniques, diplomatiques, voire judiciaires) ;

– le C4 technique (C4 TECH) : hébergé à l’ANSSI et présidé par le directeur général de celle-ci, il aura pour mission de superviser l’emploi des moyens relatifs à la résolution des crises cyber non majeures. En cas de crise majeure, il viendra en appui de la CIC ;

–le C4 restreint permanent et technique (C4 TECHOPS) : structure permanente, il permettra de produire une analyse partagée, entre les services compétents, de la menace, des modes d’action et des acteurs menaçants. Il constituera également un organe de réflexion quant à l’anticipation des réponses possibles à court et moyen termes.

Par ailleurs, il convient de relever les recommandations tendant à l’amélioration de la protection des activités sensibles au travers d’une plus grande implication des opérateurs de communications électroniques et des hébergeurs. Ces recommandations trouvent leur traduction juridique aux articles 19 et 20 du présent projet de loi, dont les dispositions sont schématiquement rappelées ci-après.

● Le rapport annexé au présent projet de LPM l’énonce clairement : « Le développement du cyberespace à léchelle planétaire, la rapidité daccroissement de la dépendance au numérique de nos moyens militaires ainsi que lextension des risques dattaque sur nos systèmes électroniques, nécessitent le développement de capacités de cyberdéfense dans toutes leurs dimensions. Transverse aux fonctions stratégiques quelle soutient, la cyberdéfense porte en son sein un enjeu de souveraineté nationale. »

Fait révélateur, le projet de LPM consacre un chapitre spécifique à la cyberdéfense dont trois articles visent à adapter la posture française :

– en matière de détection des cyber-attaques (articles 19 et 20) ;

– au niveau opérationnel (article 21 sur l’extension de « l’excuse pénale » aux cyber-combattants).

Ces articles témoignent, pour les deux premiers, d’une volonté de renforcer la résilience des réseaux et systèmes d’informations nationaux, qu’il s’agisse des éléments par nature sensibles et qui font disposent déjà d’un cadre législatif spécifique (systèmes d’information des autorités publiques et des opérateurs d’importance vitale (OIV), ou qu’il s’agisse des systèmes utilisés par les particuliers. Une telle extension des mécanismes de prévention des cyberattaques au-delà du champ « classique » confirme le caractère universel de la problématique cyber.

Les dispositions prévues permettront d’améliorer les capacités nationales de détection des cyber-attaques en autorisant la mise en place de systèmes de détection des attaques informatiques. Favorisant une démarche partenariale avec les acteurs concernés reposant sur le volontariat, les dispositions proposées permettront aux opérateurs de communications électroniques de recourir à de tels dispositifs de détection sur leurs réseaux. L’ANSSI pourra également mettre en œuvre de tels outils, dès lors qu’une menace particulièrement sérieuse serait susceptible d’affecter les systèmes d’information des autorités publiques ou des OIV.

Le troisième article témoigne quant à lui de l’intégration pleine et entière de l’action cyber et des cyber-combattants dans le champ de la confrontation militaire dans toutes ses composantes, en l’espèce en opérations extérieures. De fait et comme le rappelle le rapport annexé : « En matière de lutte informatique offensive, de nouvelles capacités daction, intégrées à la chaîne de planification et de conduite des opérations, seront systématiquement ([16]) déployées en appui de la manœuvre des armées. »

● S’agissant des moyens, le présent projet de LPM s’inscrit pleinement dans le cadre des conclusions de la revue stratégique de cyberdéfense en renforçant les capacités des armées en matière de prévention, de détection et d’attribution des cyberattaques.

 En outre, 1 500 créations de postes sont prévues sur la période 2019-2025 dans le domaine de la cyberdéfense et de l’action dans l’espace numérique, dont plus de 1 000 cyber-combattants, ce qui permettra de porter leur nombre à 4 000 personnels environ. Le cadencement des augmentations d’effectifs est prévu comme indiqué dans le tableau suivant.

cadencement des créations de postes prévues dans les domaines cyber et action numérique

Domaine

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Total LPM

Cyberdéfense

107

94

96

135

151

270

270

1 123

Digitalisation/Intelligence artificielle

22

6

6

18

145

90

90

377

Total

129

100

102

153

296

360

360

1 500

Source : ministère des Armées – réponses au questionnaire et calculs du rapporteur.

Sur le périmètre « cyberdéfense », environ 500 postes relèveront du chef d’état-major des armées et seront donc placés sous l’autorité du commandement de la cyberdéfense (COMCYBER).

● Face à la réalité, à la permanence et au renforcement probable des menaces de nature cybernétique, il est indispensable de renforcer les capacités des armées. Pour ce faire et en complément du cadre juridique et opérationnel existant – dont certains aspects sont adaptés et renforcés par le présent projet de loi –, le contrat de protection sera étendu au domaine de la cyberdéfense, avec la création d’une « posture permanente cyber » (PPC).

Placée sous le contrôle opérationnel du COMCYBER, la PPC regroupe l’ensemble des mesures prises pour assurer la défense des forces armées dans le cyberespace, en temps de paix comme de crise, ou de guerre. Il s’agit d’une posture comparable, dans l’espace numérique, aux traditionnelles postures permanentes de sécurité maritime et aérienne. Elle vise à préserver la liberté d’action des forces armées et du ministère des Armées et recouvre trois missions principales :

– surveiller l’espace numérique et détecter les atteintes affectant le ministère des Armées ;

– permettre aux forces de se déployer en sécurité au regard des menaces provenant du cyberespace, et d’accomplir leur mission ;

– contrer les agressions informatiques ou informationnelles, y compris en prenant les mesures visant à faire cesser les effets de l’attaque.

Pour la mise en place de la PPC, 139 effectifs sont prévus au cours de la prochaine LPM, qui renforceront le COMCYBER (27 postes), le centre d’analyse et de lutte informatique défensive (CALID, 59 postes) et le centre interarmées des actions sur l’environnement (CIAE, 53 postes). Les capacités des centres opérationnels de sécurité (SOC) des armées et de la 807e compagnie de transmissions seront également renforcées.

● Au-delà des questions relatives à la protection et à la résilience des systèmes, aux aspects opérationnels ou aux moyens tant humains que budgétaires, le cyber irrigue également le champ de la conception, de la production et de la maintenance des armes et équipements qui ont vocation à être opérés et mis en œuvre par les forces armées. L’aspect cyber doit en effet être pris en compte nativement dans les programmes d’armement afin, notamment, d’assurer la meilleure protection de ceux-ci face aux éventuelles menaces. Il s’agit là d’une préoccupation essentielle dans le contexte de la numérisation croissante de l’environnement de combat et de l’interconnexion toujours plus poussée des différents systèmes mis en œuvre par les armées.

B.   Un effort accru en faveur de la fonction prévention

Le projet de LPM reprend les cinq fonctions stratégiques des précédents Livres blancs : « connaissance et anticipation », « dissuasion », « prévention », « protection » et « intervention ». Le rapport annexé affirme toutefois qu’un effort particulier sera consenti d’ici 2030 en faveur des fonctions « connaissance et anticipation » et « prévention ». Il présente toutefois explicitement les fonctions « connaissance et anticipation » et « prévention » comme faisant l’objet d’une politique volontaire de « renforcement », sans pour autant que les trois autres fonctions ‒ « dissuasion », « protection » et « intervention » ‒ soient affectées, dans la mesure où elles sont elles-mêmes l’objet d’une ambition de « consolidation ».

S’agissant de la fonction « prévention », l’effort annoncé est conforme aux conclusions de la Revue stratégique, dont le rapport annexé souligne qu’elle « appelle à rendre à la fonction “prévention” toute son importance dans une logique dapproche globale pour la gestion des crises ». Cette fonction, en effet, « vise à agir en amont, sur leurs facteurs de déclenchement, pour en réduire les risques doccurrence et en maîtriser les effets ». L’effort en sa faveur se traduit principalement par :

‒ un renforcement et une plus grande mobilisation de nos forces prépositionnées, qu’il s’agisse des « bases opérationnelles avancées » en Côte‑d’Ivoire, à Djibouti et aux Émirats arabes unis ou des « pôles opérationnels de coopération » au Gabon et au Sénégal ;

‒ un nombre accru de déploiements maritimes permanents : le rapport annexé prévoit d’assurer « dans la durée » « deux à trois déploiements maritimes », alors que la LPM 2014‒2019 ne prévoyait de déploiements navals permanents que dans une à deux zones maritimes ;

‒ une mention expresse au titre de la fonction « prévention », dans le rapport annexé, de nos « déploiements de circonstance, notamment dans le cadre des mesures de la posture de défense et de dissuasion de lOTAN », précisant que la participation de la France au dispositif de « présence avancée renforcée » ([17]) de l’OTAN à l’est de l’Europe « sera ainsi pérennisée » ;

‒ une ambition consistant à susciter, parmi nos partenaires de l’Union européenne, une volonté accrue d’engagement et d’intervention militaires.

1.   Les forces prépositionnées

Nos « forces prépositionnées » sont définies, au sens large, comme l’ensemble de plusieurs catégories de forces françaises stationnées en permanence outre-mer et à l’étranger :

‒ les forces de souveraineté, basées dans nos territoires ultramarins suivants : les Antilles, la Guyane, La Réunion, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française ;

‒ nos forces de présence, stationnés à l’étranger soit dans nos « bases opérationnelles avancées » de Côte-d’Ivoire, de Djibouti ou des Émirats arabes unis, soit dans nos « pôles opérationnels de coopération » du Gabon ou du Sénégal.

Le rapporteur souligne que le déploiement naval permanent qu’entretient la France depuis 1990 dans le Golfe de Guinée et au large des côtes d’Afrique de l’Ouest, sous le nom de « mission Corymbe », mérite d’être cité comme un élément à part entière de ce dispositif.

De même, comme le disaient en 2014 nos collègues Yves Fromion et Gwendal Rouillard dans leur rapport sur l’évolution du dispositif militaire français en Afrique ([18]), lorsque des opérations extérieures se poursuivent dans le temps, parfois plusieurs décennies, et que les forces qui y sont affectées voient leurs missions évoluer pour devenir assimilables à celles d’un prépositionnement « classique », elles peuvent être vues comme des « prépositionnements de fait ». Tel était le cas, par exemple de l’opération Épervier au Tchad avant sa refonte au sein de l’opération Barkhane, 28 ans après son lancement ; tel est aussi d’une certaine manière le cas, au Liban aujourd’hui, de l’opération Daman, nom de la participation française à la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL) depuis 1978.

La carte ci-après présente la place de ce dispositif dans l’engagement des forces françaises.


Forces prÉpositionnÉes

FAA : Forces armées aux Antilles ; FAG : Forces armées en Guyane ; FAZSOI : Forces armées de la zone sud de l’océan Indien ; FANC : Forces armées en Nouvelle-Calédonie ; FAPF : Forces armées en Polynésie française ; EFS : Éléments français au Sénégal ; FFCI : Forces françaises en Côte d’Ivoire ; EFG : Éléments français au Gabon ; FFDJ : Forces françaises à Djibouti ; FFEAU : Forces françaises aux Émirats arabes unis.

Source : données du ministère des Armées, cartographie du rapporteur.


—  1  —

a.   Des forces réduites à leur minimum par la précédente LPM en dépit d’une utilité avérée

Bien que nos prépositionnements aient donné la preuve de leur utilité dans les opérations conduites peu avant l’élaboration de la LPM 2014‒2019, celle-ci a planifié une réduction de leurs effectifs à un niveau qui s’est avéré « juste insuffisant ».

i.   Des missions variées, dont nos dernières opérations en Afrique ont montré l’utilité opérationnelle

Le dispositif militaire permanent de la France, qui repose sur les prépositionnements, sert à mettre en œuvre deux politiques distinctes :

– une politique de coopération opérationnelle et de « diplomatie de défense » avec les États voisins des lieux de stationnement des forces ou, dans le cas des forces de présence, leurs États hôtes ;

– l’entretien de capacités de réaction disponibles en cas de crise, soit au titre de la fonction opérationnelle « intervention » pour le cas des forces déployées hors du territoire national (y compris en mer), soit au titre de la fonction opérationnelle « protection » pour les forces de souveraineté. Dans ce cas, celles‑ci sont investies de missions de préservation de la souveraineté française, tant pour la protection des territoires ultramarins que de la zone économique exclusive (ZEE) qui s’y rattache, et tant contre des menaces de nature militaire ou sécuritaire que pour la gestion de catastrophes naturelles, comme l’a montré l’actualité récente.

En outre, l’entretien de ces forces contribue également à la fonction « connaissance et anticipation ».

Chaque force prépositionnée a des missions qui varient selon son statut :

‒ les bases opérationnelles avancées de Côte-d’Ivoire, de Djibouti ou des Émirats arabes unis constituent des « réservoirs de forces » interarmées, forts d’un millier d’hommes en moyenne, dont les opérations constituent la mission première et qui contribuent également à la coopération internationale ;

‒ les pôles opérationnels de coopération du Sénégal et du Gabon, composés de détachements interarmées de 350 hommes, ont pour vocation première la coopération opérationnelle ; selon les cas, ils peuvent toutefois être employés pour des opérations : lors de l’opération Serval, c’est d’ailleurs l’état‑major des Éléments français au Sénégal qui a constitué le noyau de la force projetée.

Quant aux forces de souveraineté, elles conduisent de nombreuses actions de coopération, en vue de renforcer la stabilité régionale, de consolider nos partenariats stratégiques et de permettre une appréciation autonome de situation, notamment par l’identification de signaux faibles annonciateurs de crises profondes. Elles permettent en particulier de soutenir la constitution de capacités susceptibles d’être engagées en opération de maintien de la paix. En matière de diplomatie de défense, leur contribution s’exerce dans toutes les zones. Ainsi, dans le Pacifique, les forces de souveraineté maintiennent la France au rang de puissance militaire européenne riveraine du Pacifique. Dans les Caraïbes, la qualité des relations internationales qu’entretiennent les forces de Guyane est essentielle, la Guyane étant le seul territoire ultramarin français à partager des frontières terrestres avec plusieurs États. Les forces aux Antilles consacrent des moyens importants à la coopération internationale, levier majeur dans la lutte contre les narcotrafics. Enfin, dans le sud de l’océan Indien, les FAZSOI entretiennent une coopération opérationnelle intense avec Madagascar, Maurice et les Comores, ainsi que les pays de l’Afrique australe.

Dans leur rapport précité, nos collègues Gwendal Rouillard et Yves Fromion étudient en détail la place des prépositionnements dans la conduite des opérations Serval et Sangaris. Il en ressort que ces points d’appuis et ces « réservoirs de forces », bien placés sur le continent africain, ont eu un rôle déterminant dans la réactivité de nos forces et le succès de nos opérations.

ii.   Des moyens réduits au strict minimum par la précédente LPM

Le Livre blanc de 2013 prévoyait une « réduction de 1 100 emplois dans les forces prépositionnées et les outre-mer engagée dès 2014 ».

Suivant ces orientations, la LPM de 2013 a planifié la suppression de 750 postes sur 3 950 dans l’ensemble du dispositif prépositionné, et ce en dépit de la création d’une nouvelle base opérationnelle avancée à Abidjan.

Cette manœuvre s’est traduite par un déplacement, de Libreville à Abidjan, de la base opérationnelle avancée chargée de la zone de responsabilité principale pour les opérations en Afrique de l’Ouest. La nouvelle base opérationnelle avancée d’Abidjan n’a pas été créée ex nihilo : elle a repris les installations utilisées jusqu’alors par l’opération Licorne. Les raisons motivant ce transfert étaient doubles :

‒ l’intérêt de conserver un point d’appui en Côte d’Ivoire après la fin du mandat de la force Licorne, en raison des potentialités offertes par le site d’Abidjan (son port en eaux profondes et ses infrastructures aéroportuaires) et de la qualité retrouvée des relations franco-ivoiriennes ;

– l’intérêt d’approfondir nos capacités de coopération en laissant à Libreville une structure spécialisée, à l’instar de ce qui avait été fait à Dakar.

Cependant, la réduction des effectifs des forces françaises à Djibouti n’a pas pu être conduite comme prévu, de 1 950 à 950 personnels. En effet, comme l’ont analysé nos collègues précités, le plan de restructuration était entièrement guidé par un objectif chiffré de déflation d’effectifs, sans analyse fonctionnelle et opérationnelle préalable.

Suivre l’objectif de déflation aurait conduit à « sacrifier” soit la composante aérienne, soit la composante terrestre ». Or, compte tenu de l’instabilité croissante de la zone, de plus en plus menaçante pour les intérêts français en particulier, et de la concurrence internationale pour l’implantation à Djibouti ‒ où la France perd du terrain au profit de puissances amies, mais aussi au profit de concurrents moins coopératifs, les auteurs du rapport jugeaient dès lors le scénario de déflation à 950 hommes « intenable », tant pour le respect du traité de défense franco-djiboutien que pour la crédibilité de notre présence dans la région. Le 9 juillet 2014, le rapport de nos collègues présentait des estimations détaillées et argumentées évaluant à 1 300 hommes le strict minimum de forces à maintenir ; le 27 juillet suivant, le ministre de la Défense annonçait à Djibouti sa décision dy maintenir 1 350 hommes.

La réorganisation des forces de souveraineté engagée par les LPM de 2009 et de 2013 a conduit à :

‒ des réductions d’effectifs massives, portant au total sur près de 25 % des effectifs, la déflation étant particulièrement forte dans le Pacifique, où la Polynésie française a perdu 50 % de ses effectifs ;

‒ l’érosion de certaines capacités opérationnelles, dont certains moyens aériens et maritimes indispensables aux missions des forces de souveraineté compte tenu de l’étendue de notre ZEE. Cette érosion a commencé à être endiguée grâce à la mise en service en 2017 de deux patrouilleurs légers guyanais (PLG) et de quatre bâtiments multi-missions (B2M) entre 2016 et 2018.

L’effort capacitaire prévu par le projet de LPM 2019-2025, tant en matière d’équipements (avec un patrouilleur léger guyanais et six patrouilleurs outre-mer supplémentaires entre 2022 et 2024) que d’effectifs, permettra de combler le déficit capacitaire dans ce domaine. Il portera en premier lieu sur les zones les plus éloignées et les plus affectées par les déflations précédentes, en particulier la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française.

b.   Des missions nouvelles et des moyens supplémentaires

De façon cohérente avec l’accent mis par la Revue stratégique sur la fonction « prévention », les développements du rapport annexé au projet de LPM concernant le renforcement de cette fonction font une place particulière aux missions et aux moyens des forces prépositionnées. Ce dernier explique d’ailleurs que ce renforcement « permettrait de susciter une mobilisation accrue de nos partenaires et alliés, notamment européens, dans le cadre dune approche préventive conjointe ».

i.   Le rapport annexé annonce une extension des missions de nos forces prépositionnées

Le rapport annexé décrit les forces prépositionnées comme constituant un « instrument clé de la stabilisation et de lanticipation des crises », qui « concourt directement à la mise en œuvre de la fonction “intervention” et autorise une meilleure réactivité en cas de crise » en facilitant notamment « la bascule deffort dune zone à lautre ».

Surtout, le réseau des points d’appui permanents « permet de bâtir, dès le temps de paix, des partenariats élargis avec les États hôtes ou avec les pays de la région ». Ces partenariats passent principalement par des actions de coopération, et le rapport annexé fixe pour objectif que ces « capacités à former et entraîner sur place des militaires de Nations partenaires et alliées » passeront de 20 000 à 30 000 stagiaires formés par an. Le document précise que « cette évolution visera en particulier à accompagner des solutions africaines de sécurité ».

En effet, cet accroissement répond pour l’essentiel aux besoins de formation de la force du G5 Sahel ; des missions de formation de six mois environ sont prévues pour l’état-major et les soutiens de la force ainsi que pour sept bataillons de combat des États y contribuant (la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad). Cet effort permettra aussi à la France de contribuer davantage à la consolidation des armées centrafricaines et ivoiriennes.

De même, le rapport annexé cite comme concourant à la fonction « prévention » les déploiements navals et les manœuvres aériennes, ponctuels ou récurrents, « mobilisant des moyens des trois armées et des forces spéciales ».

On soulignera que le rapport annexé cite à ce titre :

‒ non seulement les forces de présence, indiquant que « la configuration du réseau de bases opérationnelles avancées (Côte-dIvoire, Djibouti, Émirats arabes unis) et de pôles opérationnels de coopération (Gabon et Sénégal) est confirmée » ;

‒ mais aussi les forces de souveraineté, dont il rappelle qu’elles n’ont pas seulement une mission de protection, mais contribuent aussi à la prévention des crises « par les partenariats régionaux dans lesquels elles sinscrivent ».

Le rapport annexé annonce aussi que la possibilité sera ouverte aux États européens qui le souhaitent de stationner leurs unités dans ces bases, afin d’améliorer la capacité globale de prévention. Il précise naturellement qu’un tel stationnement sera subordonné à l’accord des nations hôtes.

D’ores et déjà, nos forces de présence ont intégré des détachements européens de volume significatif ‒ entre 50 et 100 personnels. Ainsi, les Éléments français au Sénégal et au Gabon ont reçu le renfort de détachements espagnols et de leurs avions, tandis que les Forces françaises à Djibouti ont accueilli des détachements de surveillance maritime allemands et espagnols avec des avions de patrouille maritime P3 Orion, une équipe sanitaire allemande, ainsi que des équipes de protection embarquée de plusieurs pays européens participant à l’opération Atalante. De surcroît, les forces prépositionnées accueillent régulièrement des unités ou équipes de cadres d’armées européennes au titre de la préparation opérationnelle en zone équatoriale ou désertique.

Dans le cadre de la montée en puissance de la force G5 Sahel, le ministère des Armées indique que des contacts ont été pris en vue d’étudier les possibilités d’accueil au sein des Éléments français au Sénégal d’équipes de formateurs autrichiennes et britanniques. On signalera aussi que le Canada demande à pouvoir déployer une équipe logistique au sein des Forces françaises en Côte-d’Ivoire.

ii.   La LPM prévoit des renforts d’effectifs significatifs

Le rapport annexé annonce que les effectifs de nos prépositionnements seront « renforcés de manière ciblée », précisant que ce renfort pourra aller « jusquà 300 effectifs supplémentaires » et, ce, « notamment au profit des soutiens ». Cette mesure portera l’effectif des forces prépositionnées, y compris les déploiements navals, de 11 050 à 11 350 hommes.

S’agissant des forces de présence, le ministère des Armées précise que l’effort portera avant tout sur le pôle opérationnel de coopération du Sénégal, chargé de l’appui des forces du G5 Sahel, et ensuite sur le pôle opérationnel de coopération du Gabon et la base opérationnelle avancée de Côte‑d’Ivoire. D’ici 2025, parallèlement à la montée en puissance de la force du G5 Sahel, une centaine de postes sera créée, pour la plus grande part au sein du pôle opérationnel de coopération de Dakar, mais aussi au sein de celui de Libreville et de la base opérationnelle avancée d’Abidjan.

La hausse de ces effectifs sera opérée progressivement entre 2019 et 2025, « en fonction de la croissance de la force G5 Sahel ». Elle portera sur des postes de « cadres formateurs » spécialisés dans toutes les compétences opérationnelles et de soutiens nécessaires, « ainsi que dans dautres besoins émergents » ; le ministère des Armées envisage également le stationnement d’une compagnie d’infanterie supplémentaire au sein de ce dispositif.

S’agissant des forces de souveraineté, le ministère indique qu’elles seront renforcées, notamment dans le Pacifique et en Guyane, dans un double but :

‒ tenir compte du retour d’expérience des derniers engagements des armées, comme l’opération Harpie de lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane ou les missions d’appui aux services publics à l’occasion de l’ouragan Irma ;

‒ renforcer les capacités « de réactivité et dautonomie régionale » de ces forces dans « certaines fonctions organiques fragilisées par les restructurations précédentes ».

S’agissant des déploiements navals, le rapport annexé revoit à la hausse le contrat opérationnel de la marine nationale. En effet, celle-ci sera en mesure d’assurer « dans la durée deux à trois déploiements maritimes » ‒ au lieu de deux selon la LPM 2014‒2019. Il explique qu’ainsi, les forces navales et aéronavales « contribueront à développer des coopérations régionales, à accroître notre connaissance des espaces concernés et à marquer la présence de la France ». Le ministère des Armées précise que les effectifs embarqués seront renforcés.

Le rapport annexé indique que ces déploiements pourront concerner tous types d’unités : tels que les bâtiments de projection et de commandement, les sous-marins nucléaires d’attaque, les avions de chasse, de surveillance et d’intervention ou de patrouille maritime ou les avions de détection et de commandement aéroporté (Airborne Warning and Control System, AWACS), des hélicoptères ou des forces spéciales.

2.   Les coopérations européennes opérationnelles et en matière de prévention

Dans un contexte stratégique en dégradation rapide et durable, « lEurope constitue, dans le cadre dune relation transatlantique équilibrée, le cadre naturel de notre sécurité, de la protection de nos frontières, face à des défis qui ne peuvent être relevés quensemble ». ([19])

En matière de défense, l’objectif de la France est la capacité daction autonome de lEurope, en complément de lOTAN. C’est dans ce contexte que l’autonomie stratégique européenne et le niveau d’ambition définis par le Conseil européen prennent une importance croissante. Or, comme l’a rappelé la Revue stratégique d’octobre 2017, l’autonomie stratégique française est de plus en plus indissociable de l’autonomie stratégique européenne. C’est pourquoi la France, seul État-membre de l’Union européenne (après le « Brexit ») à disposer d’un siège permanent au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies et de l’arme nucléaire, doté d’un modèle d’armée complet et d’emploi, capable d’intervenir à l’extérieur, a joué et jouera un rôle moteur dans les dernières initiatives concernant l’Europe de la défense. Ces initiatives permettent à l’Union européenne de développer un éventail cohérent d’outils au service de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC).

Dans cet esprit, la France a proposé l’Initiative européenne dintervention. Pragmatique et résolument opérationnelle, elle doit permettre de forger une culture stratégique européenne pour faciliter de futurs engagements opérationnels conjoints entre pays européens. En développant un réflexe européen à travers des coopérations concrètes et ambitieuses entre forces armées, dans un certain nombre de domaines-clés, sur le fondement de la réciprocité et de l’échange d’expérience, la France entend ainsi fédérer un socle solide de pays européens ayant la volonté politique et les capacités militaires pour intervenir, conjointement, à l’avenir, au service de la sécurité européenne.

Comme le rappelle le rapport annexé au présent projet de loi (alinéa 367), le rôle réaffirmé de la fonction « prévention » permettra à la France de demeurer fidèle à ses engagements internationaux, afin que ses alliés puissent continuer de compter sur elle en toutes circonstances.

Le réengagement de la France vers les pays du Nord et de lEst de lEurope va se poursuivre, tout comme l’implication de la France en faveur de la sécurité européenne, au Sud, au Nord et à l’Est, de la Baltique à la Mer Noire. Pour mémoire, la France a participé à la police du ciel dans les pays baltes (Balitic Air Policing) dans le cadre de missions de quatre mois, par deux fois à partir de Šiauliai en Lituanie (en 2013 et 2016) et une fois à partir de Malbork en Pologne (2014). De mai à août 2018, quatre Mirage 2000 seront déployés à Ämari en Estonie pour participer à nouveau à la mission Baltic Air Policing. Outre leur dimension opérationnelle, ces missions ont un impact bénéfique sur la préparation opérationnelle des équipages : réalisations de mission opérationnelles réelles dans un contexte interallié particulier, missions d’entraînement avec des alliés (Allemands, Lituaniens, Polonais, Suédois) et activité aérienne régulière. Le coût moyen d’un détachement de quatre avions pour une durée de quatre mois est d’environ cinq millions d’euros.

Le « Brexit » ne remettra pas en question la coopération de défense de la France avec le Royaume-Uni, laquelle s’inscrit principalement dans le cadre des traités de Lancaster House. La coopération franco-allemande, qui s’illustre notamment à travers les conseils franco-allemands de défense, se poursuivra également. Un approfondissement des relations bilatérales avec l’Italie et l’Espagne est annoncé dans le rapport annexé, ainsi que le développement de liens renforcés avec d’autres partenaires européens, en particulier ceux identifiés dans le cadre de l’Initiative européenne d’intervention. Ces coopérations opérationnelles devront dynamiser les relations avec nos partenaires désireux de s’engager à nos côtés dans le voisinage de l’Europe. L’interopérabilité entre armées européennes sera un facteur clé de succès et la France souscrit pleinement à cet objectif.

Au niveau européen, le Conseil a adopté le 8 juin 2017 la décision portant création de la capacité militaire de planification et de conduite (MPCC) au sein de l’État-major de l’UE (EMUE). La MPCC fournit un outil de planification et de commandement des opérations, par ailleurs partiellement cofinancées par le mécanisme Athéna : la mission de formation de l’UE (EUTM) en Somalie, l’EUTM en République centrafricaine (RCA) et l’EUTM Mali. Cette décision va dans le sens de lambition française dun renforcement de la dimension opérationnelle de la PSDC.

C.   Le maintien des grands programmes déjà engagés

Contrairement aux deux précédentes lois de programmation, le projet de LPM 2019‒2025 ne prévoit ni étalements calendaires des grands programmes d’armement, ni réductions de cibles, que ce soit dans le champ de la dissuasion ou en matière d’équipements conventionnels.

1.   La poursuite des programmes intéressant la dissuasion

Le rapport annexé le souligne : « la loi de programmation militaire prévoit les moyens nécessaires au maintien sur le long terme de la dissuasion nucléaire, conformément aux orientations de la Revue stratégique ».

En la matière, le projet de LPM s’inscrit tout à fait dans la continuité des programmations précédentes. Il décrit ainsi la dissuasion comme la « clé de voûte de la stratégie de défense », qui demeure « strictement défensive et suffisante ». Elle reste présentée comme permettant à la France de préserver « ses intérêts vitaux » contre « toute agression dorigine étatique, doù quelle vienne et quelle quen soit la forme » et contribue « de facto à la sécurité de lAlliance atlantique et à celle de lEurope ». Conformément aux conclusions de la Revue stratégique, le rapport annexé réaffirme que la posture permanente de dissuasion s’appuie sur deux composantes « indissociables », océanique et aéroportée, dont la « complémentarité offre au Président de la République une gamme élargie doptions stratégiques ».

a.   Le renouvellement des deux composantes de la dissuasion

La modernisation des deux composantes est le gage de la crédibilité de notre outil de dissuasion, face à l’évolution du contexte stratégique et à l’émergence de nouvelles menaces.

i.   La modernisation de la composante océanique

La modernisation de la composante océanique repose sur quatre programmes principaux :

‒ la modernisation de l’ensemble des sous-marins lanceurs d’engins (SNLE), qui sera conduite à son terme comme prévu ;

‒ la mise en service du missile M51.3, qui se déroulera selon le programme établi ;

‒ le développement de la future version du missile M 51, dans le cadre de l’approche dite « incrémentale » ;

‒ les travaux de conception du sous-marin nucléaire lanceur d’engins de troisième génération (SNLE 3G), programme dont le rapport annexé confirme que la « phase de réalisation » sera lancée pendant la période de programmation.

ii.   La modernisation de la composante aéroportée

Le rapport annexé indique que la modernisation de la composante aéroportée sera poursuivie, avec :

‒ le « passage à un porteur unique Rafale » dès 2018 ;

‒ la rénovation « à mi-vie » du missile air-sol moyenne portée améliorée (ASMPA), vecteur des têtes nucléaires aéroportées.

b.   La modernisation l’environnement de la dissuasion

Le rapporteur souligne qu’en plus des armes nucléaires, de leurs vecteurs et de leurs « porteurs », la mise en œuvre de la dissuasion repose sur un ensemble de programmes spécifiques, ainsi que sur un socle de capacités conventionnelles. Le projet de LPM pourvoit à la modernisation de l’ensemble de ces capacités.

i.   Des programmes spécifiques

Lors de son audition du 6 mars devant la commission, le président‑directeur général de Thales a souligné le caractère crucial des transmissions nucléaires, qui ne peuvent souffrir aucun aléa de fonctionnement. Le rapport annexé indique que ces transmissions nucléaires « permanentes, sûres et résistantes » seront « adaptées » pour « apporter la souplesse, lallonge et la résilience nécessaires à la stratégie de dissuasion ».

Surtout, l’outil de dissuasion dépend d’un ensemble d’études visant à garantir la fiabilité des têtes et à les améliorer au fur et à mesure. Dans ce cadre, le programme Simulation, que présente l’encadré ci-après, tient une place centrale.

Le programme Simulation

Le programme Simulation est né à la suite du projet « préparation à une limitation des essais nucléaires (PALEN) ». Lancé dès 1991 par la direction des applications militaires du CEA, le projet PALEN sera largement redimensionné au bénéfice de Simulation en raison de la signature de la France du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires en 1996.

Dès lors, le cœur du programme Simulation a évolué autour de trois volets :

– la physique des armes, permettant de dégager les grandes équations mathématiques nécessaires à la modélisation du déclenchement d’une arme nucléaire ;

– la simulation numérique qui permet de développer de codes de calcul intervenant dans la résolution des équations précédemment évoquées ;

– la validation expérimentale ou « par partie », reposant sur la réalisation d’expériences spécifiques en laboratoire et la lecture des résultats à la lumière des données collectées lors des anciens essais nucléaires.

La simulation s’appuie encore aujourd’hui sur deux installations fondamentales :

– l’accélérateur à induction de radiographie pour l’imagerie X (AIRIX), en service entre 1999 et 2012, et qui a été remplacé en 2014 par l’installation Epure, implantée à Valduc. Cette dernière sera pleinement opérationnelle à l’horizon 2022 ;

– le laser mégajoule, en service depuis 2014, qui est l’unique outil de validation expérimentale des phénomènes physiques intervenant lors l’explosion nucléaire.

Afin de garantir la sûreté et la fiabilité des armes nucléaires, la DAM, en partenariat avec l’entreprise française Bull/Atos, a développé avec succès des supercalculateurs dès le début des années 2000. Trois générations de l’outil de calcul TERA ([20]) se sont ainsi succédé depuis lors et une nouvelle génération, TERA 1 000, est en préparation.

À plus long terme, le programme Simulation répond à un besoin en formation et en certification de la nouvelle génération d’experts « post-essais nucléaires », amenée à garantir la performance de l’arme atomique. Le programme constitue également un important levier à destination des industries françaises dans le domaine des supercalculateurs, de l’optique et des lasers, comme vos rapporteurs l’ont déjà exposé.

Vos rapporteurs en sont convaincus, l’approfondissement du programme Simulation constitue bien le moyen le plus absolu de conforter la crédibilité de la force nucléaire, et doit faire l’objet d’un financement à la hauteur des enjeux. Ainsi par exemple du renouvellement des calculateurs, qui doit être opéré tous les cinq ans en raison de l’obsolescence des composants électroniques et de l’accroissement nécessaire de la puissance des calculs pour augmenter la précision. Il faudrait augmenter la puissance de calcul d’un facteur 100 d’ici 2021, ce qui nécessite un important effort financier.

Source : Rapport d’information de MM. Jean‑Jacques Bridey et Jacques Lamblin sur les enjeux industriels et technologiques du renouvellement des deux composantes de la dissuasion nucléaire, n° 4301, 14 décembre 2016.

Le rapporteur souligne également que le rapport annexé ne remet pas en cause la coopération franco-britannique en matière de dissuasion malgré le « Brexit », cette coopération reposant sur des instruments bilatéraux – les accords de Lancaster House – dont l’encadré ci-après présente la teneur.

La coopération franco-britannique

Dans le cadre du traité global de Défense franco-britannique signé à Londres, le président de la République française et le Premier ministre britannique ont signé le 2 novembre 2010 un traité relatif au partage d’installations radiographiques et hydrodynamiques. Les deux pays ont décidé de partager deux installations de physique expérimentale, ce qui se traduit par la construction et l’exploitation commune de l’installation radiographique et hydrodynamique Epure, sur le centre CEA de Valduc. Cela se traduit également par une installation pour des développements technologiques communs (diagnostics, machines radiographiques du futur) au sein du Technology Development Centrer, sur le centre de l’Atomic Weapons Etablishment à Aldermaston (Royaume-Uni).

Cette collaboration permettra à chacun des deux pays de garantir la fiabilité et la pérennité de sa dissuasion nucléaire, sans réaliser d’essai nucléaire, conformément aux engagements internationaux pris par la France et le Royaume-Uni.

Source : op. cit.

ii.   Un socle de capacités conventionnelles

En outre, la mise en œuvre de la dissuasion se fonde aussi sur des capacités conventionnelles, telles que, pour la composante océanique, les sous-marins nucléaires d’attaque, les avions de patrouille maritime, les frégates, les pétroliers-ravitailleurs et les bâtiments de guerre des mines. Le projet de LPM prévoit la poursuite ‒ voire l’accélération ‒ de l’ensemble de ces programmes d’armement conventionnels.

Pour la composante aérienne, ce socle de capacités conventionnelles est alimenté principalement par le programme Rafale, et bénéficiera aussi de l’accélération du programme d’avions ravitailleurs MRTT.

2.   La poursuite des grands programmes conventionnels

Rompant avec les deux dernières lois de programmation militaire, le présent projet de loi ne fait pas reposer son équilibre financier sur des renoncements capacitaires. L’ensemble des grands programmes est préservé, ce qui est de nature à conforter la BITD française. Il ressort en effet du volet capacitaire du présent projet de loi que :

‒ aucun programme en cours ne fait l’objet d’étalement calendaire ou de réduction de cibles majeurs ;

‒ au contraire, des accélérations de programmes et des augmentations de cibles sont prévues : en faveur du programme Scorpion en milieu terrestre, des flottes de patrouilleurs, d’Atlantique 2 rénovés et de pétroliers-ravitailleurs en milieu marin, et d’avions ravitailleurs MRTT en milieu aérien ;

‒ le projet de loi pourvoit à d’autres besoins exprimés par les armées, par exemple en matière de véhicules des forces spéciales, de remplacement des canons AUF1 par des CAESAR sans réduction de l’effectif du parc mentionné par le contrat opérationnel, ou encore le système de drone aérien de la marine (SDAM) ;

‒ l’effort ne porte pas sur les équipements les plus emblématiques, comme les avions de combat ou les frégates, lesquelles ne connaissent pas de hausse de format de la trame « frégates de premier rang » ;

‒ le principal point d’attention concerne les hélicoptères : le programme d’hélicoptère interarmées léger (HIL) est renvoyé au milieu de la période de programmation, tandis que les programmes Tigre et NH90 ne sont pas accélérés.

a.   Une rupture avec la tendance fâcheuse des précédentes LPM à consentir des étalements calendaires et des réductions de cibles

Le tableau ci-après rappelle quels étalements des commandes et des livraisons et quelles réductions de cibles la LPM de 2013 avait prévus.

RÉDUCTIONS DE CIBLES CAPACITAIRES ET DÉCALAGES DE CIBLES CALENDAIRES

Programme

Modification par rapport à la programmation précédente

AIF

21 340 livraisons fin 2019 au lieu de 54 140

CAESAR

Premières livraisons complémentaires reportées après 2019, au lieu de huit prévues fin 2019

COUGAR rénovation

Dernière livraison en 2018 au lieu de 2017

MMP

Première livraison de munitions reportée à 2017 au lieu de 2014

NH90 / TTH

38 livraisons fin 2019 au lieu de 63

PPT

450 livraisons fin 2019 au lieu de 1058

SCORPION

92 livraisons de véhicules blindés multi-rôles (VBMR) fin 2019 au lieu de 441

Système de drones tactiques

14 livraisons de vecteurs fin 2019 au lieu de 35

TIGRE

20 livraisons d’appareils au standard HAD fin 2019 au lieu de 40

Véhicule 4-6 tonnes

Première livraison reportée au-delà de la période de programmation, au lieu de 2019

Véhicules légers de transport de personnes

Première livraison reportée au-delà de la période de programmation, au lieu de 2015

Source : Mmes Patricia Adam et Geneviève Gosselin-Fleury. Rapport sur le projet de loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019, tome I, n° 1551, Assemblée nationale, XIVe législature, novembre 2013.

Or ces modifications sont souvent finalement préjudiciables aux intérêts de l’État, car le plus souvent, elles renchérissent le coût unitaire des équipements militaires. Pour les FREMM par exemple, l’État a perdu l’équivalent du prix d’une frégate à chaque renégociation de contrat. En outre, les étalements calendaires ont parfois pour effet de fournir aux forces des matériels qui s’avèrent au moment de leur livraison moins modernes que prévu, ce qui impose de coûteuses modifications des spécifications en cours de développement ou de production des matériels.

Surtout, ces étalements calendaires et réductions de cibles se sont traduits par des réductions de capacités concernant essentiellement la fonction « intervention ». La programmation de 2013 consentait ainsi des réductions de capacités programmées pour atteindre, en 2028 : 56 % de la capacité de chars lourds rénovés ; 34 % de celle des blindés du segment médian ‒ AMX 10 RC et ERC 90 Sagaie ‒ ; 39% pour les véhicules de l’avant blindés ; 13 % pour les canons de l’armée de terre ; 15 % pour les frégates de lutte sous-marine, 17 % pour les sous-marins nucléaires d’attaque ; 33 % pour les bâtiments de soutien logistique ; 40 % pour les patrouilleurs ; 33% des capacités de guerre des mines ; 20 % de celles de surveillance maritime ; 12 % de l’aviation de chasse, ou encore 27 % de l’aviation de transport tactique.

Rien de tel avec le projet de LPM qui nous est soumis. Il pourvoit à la poursuite des grands contrats d’armement.

b.   La poursuite des grands programmes

i.   Un plan d’équipement qui répond aux besoins des armées

Le tableau ci-après présente les dispositions du projet de loi concernant les principaux programmes d’armement conventionnel.

 


Évolution des principaux parcs dÉquipements Conventionnels

Programme

LPM 2014‒2019 actualisée

parc début 2019

projet
de LPM 2019‒2025

parc fin 2025

commentaire

 

cible

échéance

 

cible

« ambition 2030 »

échéance

 

 

1. Composante terrestre

Leclerc rénové

200

2033

0

200

2033

122

sans changement

EBRC  ([21]) Jaguar

248

2033

0

300

nd

150

accélération du calendrier : 150 livraisons en 2025 au lieu de 110

hausse de la cible : + 52

VBMR ([22]) Griffon

1 722

2033

3

1 872

nd

936

accélération du calendrier : 936 livraisons en 2025 au lieu de 800

hausse de la cible : + 150

VBMR léger ([23])

558

2033

0

978

nd

489

accélération du calendrier : 489 livraisons au lieu de 400 en 2025

hausse de la cible : + 420

AIF ([24])

101 000

2028

21 340

117 000

nd

93 340

accélération des livraisons : 93 340 en 2025 au lieu de 60 000

hausse de la cible : +16 000

CAESAr ([25])

77

2010

77

109

2025

109

remplacement nombre pour nombre des 32 AUF1 de 155mm

NH90 Caïman TTH ([26])

74

nd

36

74

(dont 10 NH90 FS)

nd

70

(dont 6 NH90 FS)

- la cible avait déjà été portée de 68 à 74 Caïman TTH par l’actualisation de la LPM en 2015

Tigre HAD ([27])

67

2024

32

67

2025

67

- la cible avait déjà été portée de 60 à 67 Tigre HAD par l’actualisation de la LPM en 2015

- lancement annoncé d’un 3e standard du Tigre, adapté à un nouveau missile air-sol

MMP ([28])

1 550 ([29])

2025

250 ([30])

nd

nd

1 950

accélération des livraisons : +400 missiles en 2025

VBL  ([31]) régénéré

nd

nd

3

800

nd

733

- pas de changement majeur

- son remplaçant, le VBAE ([32]), n’est pas cité

poids lourd de 4 à 6 tonnes

-

-

0

7000

2030

80

- programme nouveau

- renouvellement des véhicules logistiques du segment de quatre à six tonnes

VLTP ([33]) protégé « segment haut » ([34])

-

-

0

1 060

nd

200

- programme nouveau

VLTP protégé « segment bas »

-

-

0

2 333

nd

0

- programme nouveau

- commandes d’ici 2025

VLTP non protégé

3 700

nd

1 000 ([35])

4 983

2025

4 983

- programme prévu par la LPM actualisée pour après 2019, mais avancé par décision du Conseil de défense d’avril 2016

VLFS ([36])

241

nd

0

241

nd

241

opération d’ensemble « véhicules des forces spéciales »

PLFS ([37])

202

nd

25

202

nd

202

fardier des forces spéciales ([38]))

-

-

0

300

nd

300

2. Composante navale

FREMM ([39])

6

 

5

6

nd

6

pas de changement majeur

- format fixé à « 15 frégates de premier rang », de façon moins explicite que dans la LPM 2014‒2019

- parc de 17 frégates en 2025 :

-  dont 15 bâtiments NG ou modernisés : 2 FTI + 8 FREMM + 3 FLF rénovées + 2 FAA ([40]) ;

-  dont 2 navires d’ancienne génération maintenus en service : 2 FLF non rénovées

FREMM DA ([41])

2

 

0

2

nd

2

Frégate La Fayette (FLF) rénovée

(3) ([42])

2023 ([43])

0

3

nd

3

FTI ([44])

(5) ([45])

2029 (6)

0

5

nd

2

BATSIMAR ([46])

(métropole + outre-mer ([47])

- ([48])

-

0

19

nd

2 + 6

format en hausse, passant de :

- 16 patrouilleurs début 2019 : 2 PLG + 14 navires anciens de diverses classes

18 patrouilleurs fin 2025 : 6 patrouilleurs outre-mer + 3 PLG + 2 BATSIMAR + 7 navires anciens

19 patrouilleurs en 2030

PLG ([49])

3 ([50])

nd

2

 

 

3

BSAH ([51]) patrimonial ([52])

4

2019

2

4

2019

4

pas de changement majeur

SNA ([53]) Barracuda

6

nd

0

6

 

4

pas de changement majeur

PATMAR futur ([54])

-

-

0

12 ([55])

0

0

- nouveau programme

- commandes d’ici 2025

ATL2 ([56]) rénovés

15

2024

0

18

2025

18

hausse de la cible d’avions rénovés : + 3

- réduction du parc, de 22 ATL2 à 18, ce qui laisse 4 appareils disponibles pour les opérations pendant les chantiers de rénovation

AVSIMAR ([57])

-

-

0

13 ([58])

 

3

- parc de 11 avions (dont 8 Falcon) en 2025, contre 13 avions d’ancienne génération en 2019

FLOTLOG ([59])

3

nd

0

4

nd

2

hausse de la cible : + 1

- remplacement des pétroliers-ravitailleurs

SLAMF ([60])

(BM + BBPD + drones ([61]))

4 + 5 + 8

nd

0

4 + 5 + 8

2030

2 + 3 + 4

évoqué mais non financé par la LPM de 2013, qui renvoyait à une coopération franco-britannique

NH90 Caïman NFH ([62])

27

2022 ([63])

22

27

2022

27

- pas de changement majeur

avion de guet aérien embarqué

-

-

-

3

0

0

- remplacement des avions de guet aérien embarqués du groupe aéronaval

SDAM ([64])

-

-

-

15

nd

0

- équipement évoqué par la LPM 2014‒2019 mais renvoyé à l’après-2025 ; études et expérimentations en cours

3. Composante aérienne

Rafale (air + marine)

cible globale de 225 ([65]) avions de combat

nd ([66])

143

(102 + 41)

225 (185+40)

nd

171
(129 + 42)

- livraison de 28 Rafale de 2022 à 2024

- commande de 30 Rafale en 2023 pour une livraison d’ici 2030

Mirage 2000D rénovés

2024

0

55

2024

55

pas de changement majeur

total avions de combat :

 

254 ([67])

 

 

253

 

MRTT ([68])

12

2029

1

15

2025
(12 premiers avions)

12

hausse de la cible : +3

accélération du calendrier : 2025 au lieu de 2029 pour les 12 premiers avions

A400M Atlas

50

2030

14

cible globale de 53 avions de transport tactique ([69])

nd

25

 

C130-J

4

2019

2

2019

4

 

SAMP-T NG ([70])

-

-

-

8

2030

0

- programme nouveau

- commandes d’ici 2025


4. Capacités de renseignement

drones MALE ([71]) Reaper et EuroMALE

(systèmes / vecteurs)

Reaper :

4 / 12

 

Reaper :

2 / 6

Reaper :

4 / 12

EuroMALE :

4 / 12

Reaper :

2019

EuroMALE :

2030

5 / 15

Reaper :

4 / 12

EuroMALE :

1 / 3

montée en puissance :

- livraison des deux derniers Reaper en 2019

- lancement du programme d’EuroMALE en 2019

- première livraison d’EuroMALE en 2025

CUGE ([72])

-

-

0

3

2030

1

programme nouveau

BLSR ([73])

-

-

0

1

2030

0

programme nouveau

satellites MUSIS ([74])

3

2021

1

3

2021

3

- pas de changement majeur

- programme de renouvellement lancé en 2023

satellites CERES ([75])

1

2020

0

1

2020

1

drone tactique

(SDTI ‒ SDT)

(systèmes / vecteurs)

2 / 28

SDTI ([76])

 

2 / 18

SDTI

5 / 28

SDT ([77])

2030

3 / 20

remplacement du SDTI par le Patroller de Safran (SDT)

ALSR ([78])

(3)

2020

1

8

2030

2

- mentionné par la LPM de 2013 sans cible ni calendrier explicites

- deux commandes ont été passées, avec option sur un avion de plus


5. Systèmes d’information et de communication

SYRACUSE IV ([79])

2

2022

0

3

2030

2

augmentation de cible : + 1 satellite d’ici 2030

CONTACT ([80])

(radios + nœuds de communication)

14 600

nd

0

14 600

nd

8 400

pas de changement majeur

SIA ([81]) - v. 1 (sites)

229

2021

83

229

2021

229

pas de changement majeur

6. Équipements interarmées

HIL ([82]) / HM ([83])

 

 

0

169 / 12

nd

0

- évoqué sans cible ni calendrier par la LPM, choix du H160 en 2016 sans inscription en LPM

- lancement en 2022 ; commandes d’ici 2025

Source : projet de loi.


—  1  —

Ainsi seront poursuivis sans remise en cause les grands programmes en cours. Tel est le cas, par exemple, des programmes de renouvellement des matériels roulants de l’armée de terre : les livraisons des 4 000 véhicules légers tactiques polyvalents non protégés du programme VLTP-NP se poursuivront, tandis que seront conduites comme prévu l’élaboration du véhicule léger tactique polyvalent protégé (VLTP-P, dit de « segment bas ») et l’initiation du renouvellement du segment logistique (poids lourds 4-6 tonnes). Dans le même milieu, alors que l’armée de terre mettait en garde contre le risque d’une rupture capacitaire en cas de non-remplacement des 32 canons AUF1 de 155 mm encore en parc selon son contrat opérationnel, mais difficilement utilisables du fait de leur obsolescence, le projet de loi prévoit le remplacement nombre pour nombre de ces pièces par des canons de 155 mm CAESAR, d’ici 2025.

On peut aussi citer en exemple le cas des capacités majeures d’armement naval. En effet, les forces recevront suivant le calendrier prévu les trois dernières frégates multi-mission (FREMM) et les deux premières frégates de taille intermédiaire (FTI) des programmes correspondants. La « trame “frégates” », dont le format est maintenu, inchangé, à 15 frégates de premier rang, sera atteinte grâce à la rénovation de trois frégates de type La Fayette. En effet, cette rénovation était évoquée ‒ sans pour autant être véritablement programmée ‒ par la LPM de 2013 et se voit confirmée et précisée par le projet de loi. Le parc actuel de frégates comprend en effet des frégates fortement armées et cinq frégates légères furtives, de type La Fayette, dont les capacités sont plus limitées en matière de protection, de mobilité, d’autonomie et d’action. Or, avec l’augmentation de l’activité sous-marine, la prolifération des missiles antinavires et l’accroissement de la menace littorale, le durcissement prévisible des engagements de la marine nationale appelle une revalorisation de cette partie de la trame « frégates » dans un premier temps par une rénovation des frégates légères furtives, puis dans un second temps par leur renouvellement nombre pour nombre par des frégates de taille intermédiaire, qui disposeront d’emblée d’un niveau d’équipement supérieur.

Il faut aussi souligner, dans le milieu marin, la poursuite du programme de SNA Barracuda, en dépit du long retard subi par le premier navire de la série, dont l’encadré ci-après présente les causes. Il ressort des entretiens du rapporteur que ces dérapages calendaires sont désormais maîtrisés, ce qui permet la poursuite du programme.

Heurs et malheurs du programme Barracuda

M. Hervé Guillou, président-directeur général de Naval Group, a assuré le rapporteur que des mesures exceptionnelles et drastiques prises fin 2017 ont permis de contenir le retard du programme Barracuda. La livraison du premier sous-marin nucléaire d’attaque était, au jour de l’audition de M. Hervé Guillou, prévue pour la fin du mois d’août 2020 au lieu du mois de juin prévu.

M. Hervé Guillou a fait valoir que les retards constatés ou risquant de survenir encore ne tiennent pas tous à Naval Group. En effet, selon lui, le retard du premier SNA s’explique pour moitié ‒ c’est-à-dire un an et demi ‒ par les répercussions de l’accident de Fukushima dans les pratiques des autorités de contrôle de la sûreté nucléaire.

Le reste du retard de ce programme est bien imputable aux grandes complications industrielles résultant des pertes de compétences des chantiers de Cherbourg. Ces difficultés sont aujourd’hui résolues, et le suivi du chantier par la DGA est assuré de façon étroite et à très haut niveau.

L’objectif principal de Naval Group dans la gestion de ces imprévus consiste à éviter que les retards du premier navire de la série ne se répercutent sur les suivants.

Dans le milieu aérien, le Rafale verra, pendant la période de programmation 2019‒2025, la mise en service dès 2019 de son standard F3 et la définition du standard F4. L’étude de levée de risque lancée en 2017 pour ce dernier standard est en cours ; son lancement en réalisation est prévu en 2018. La livraison des avions au standard F4 sera faite en plusieurs lots ; les opérations de passage à un standard supérieur (dites retrofits) constitueront les premières livraisons, mais le périmètre du retrofit est encore en cours de négociation. Selon M. Éric Trappier, président-directeur général de Dassault Aviation, ce standard pourrait concerner plusieurs types de modifications, comme l’intégration des missiles MICA NG et SCALP rénovés, l’installation de la radio Contact, la connectivité en général ‒ avec une nouvelle messagerie sur la liaison 16 ‒, des contre-mesures complémentaires, un viseur de casque, ou encore des nouvelles fonctionnalités de radar. Les 30 avions commandés en 2023 le seront d’emblée au standard F4. Au reste, la France propose à la Belgique de s’associer aux discussions sur la définition du standard F4, pour le cas où nos alliés belges accepteraient l’offre de partenariat autour de l’aviation de chasse que leur a faite la France.

En parallèle, le renouvellement de la flotte de transport tactique se poursuivra suivant le calendrier des programmes actuels, avec :

‒ la livraison en 2019 des deux derniers C-130J commandés ;

‒ onze livraisons d’Atlas A400M d’ici 2025 ;

‒ la modernisation de 14 C-130H.

ii.   Des décalages techniques très limités

Certains décalages calendaires rendus nécessaires par les aléas de l’exécution budgétaire de l’exercice 2017 se répercutent, sans aggravation, sur le calendrier de certains programmes.

Tel est le cas, par exemple, pour le Rafale. M. Éric Trappier a fait observer que les livraisons ne reprendront qu’en 2022 ‒ au lieu de 2021 comme il était prévu avant l’été 2017 ‒, mais permettront tout de même la livraison de 28 Rafale d’ici 2025, dont un pour l’aéronautique navale. La livraison des 30 Rafale commandés en 2023 ne commencera pour sa part qu’en 2027, soit un an après la fin de la livraison des 28 susmentionnés. En tout état de cause, les calendriers seront adaptés en fonction de l’exportation : pour M. Éric Trappier, si un nouveau contrat d’export est conclu, une pause d’un an dans les livraisons françaises est possible, mais dans le cas contraire, « une rupture de charge nest pas envisageable ».

De même, la rénovation de 55 Mirage 2000D a été décalée de six mois à la suite des ajustements budgétaires de l’été 2017.

c.   Un plan d’équipement qui conforte la BITD française

i.   Un investissement conséquent dans la BITD

Alors que lors de l’examen du projet de LPM 2014‒2019, on estimait que le plan d’équipement proposé était placé sous de telles contraintes financières, qu’il mettait en péril 20 000 emplois dans la BITD française ([84]) ‒ 10 000 emplois directs et 10 000 emplois indirects ‒, rien de tel avec le présent projet de loi.

Au contraire, le rapporteur a pu observer une satisfaction unanime de l’ensemble des représentants des industriels de la défense qu’il a entendus ‒ à la réserve près de ceux directement intéressés au programme d’hélicoptère interarmées léger.

ii.   Une attention particulière à porter sur l’articulation calendaire des programmes, pour garantir le maintien des compétences

Si le projet de LPM prévoit des commandes et des livraisons jusqu’en 2025, les programmes concernés se déroulent pour la plupart sur un plus long terme ‒ parfois plusieurs décennies ‒ et, en tout état de cause, l’articulation des programmes entre eux doit permettre d’éviter des ruptures de charges préjudiciables au maintien des compétences de la BITD.

L’attention du rapporteur a été appelée à cet égard sur un cas particulier, et stratégique : le plan de charge des capacités industrielles de conception et de fabrication de sous-marins. M. Hervé Guillou a ainsi plaidé pour que le retard pris dans la construction du premier SNA ne soit pas vu comme prédictif de retards pour les navires suivants de la série et, partant, ne soit invoqué comme raison pour retarder le programme de SNLE 3G. En effet, le programme de SNA dure, selon le contrat, jusqu’en 2029, mais la livraison du premier navire a pris trois ans de retard ; si ce retard était répercuté sur les cinq autres navires de la série, le dernier ne serait livré qu’en 2032.

Selon M. Hervé Guillou, Naval Group a pris les mesures nécessaires pour éviter que le retard du premier SNA n’ait un effet sur le reste de la série. Fortement soutenu en cela par la DGA, Naval Group a augmenté ses effectifs de 250 personnes à Cherbourg et de 150 à Indret. Le groupe a aussi consenti d’importants investissements industriels pour découpler les « chemins critiques de finition » à Cherbourg comme à Indret, de façon à pouvoir assurer la finition de deux bateaux de façon simultanée. De la sorte, Naval Group s’est engagé à limiter le retard du deuxième sous-marin de classe Barracuda à six à neuf mois, et assure qu’il pourra respecter le calendrier contractuel des navires suivants de la série.

En effet, le risque de pertes de compétences est d’autant plus grand que les programmes sont étalés ou décalés dans le temps. M. Hervé Guillou a fait valoir à cet égard que les temps de référence des SNA et SNLE 3G sont très supérieurs aux précédents programmes ; le programme de SNA Rubis durait sept ans, contre dix ans pour celui des Barracuda. De même pour les SNLE : la classe Le Triomphant a été produite en neuf ans, contre onze ans pour le SNLE 3G.

De plus, rappelant que l’interruption prolongée d’activité ‒ de six à huit ans selon les services ‒ entre le programme du SNLE Le Terrible et celui du SNA Barracuda a eu pour résultat des pertes de compétences dans deux domaines critiques que sont les études d’emménagement et les activités de montage de la chaufferie nucléaire à Cherbourg, Naval Group ne peut pas garantir le maintien des compétences critiques pendant de longs délais entre deux programmes. Certes, le contrat australien permet d’entretenir les savoir-faire des bureaux d’études de Naval Group ; reste aussi à continuer à nourrir le plan de charge des usines.

M. Hervé Guillou a ainsi souhaité que le « calage » du calendrier de commandes et de livraisons final soit fait en 2021 au plus tard. Les SNLE 3G pourraient être livrés en 2033 pour le premier, trois ans et demi après pour le second, puis à trois ans d’intervalle pour les deux suivants. Passer au rythme d’une livraison tous les cinq ans, comme cela n’est pas exclu, poserait d’importantes difficultés de maintien des compétences pour Naval Group.

d.   Un seul point majeur d’attention : les hélicoptères

Le principal point d’attention qui ressort de l’analyse du projet de loi concerne les flottes d’hélicoptères, et particulièrement les flottes d’hélicoptères légers censées être remplacées par le programme ‒ longtemps repoussé ‒ d’hélicoptère interarmées léger (HIL).

i.   L’âge avancé de certains hélicoptères légers

L’objectif du programme HIL est de remplacer six flottes d’hélicoptères vieillissantes (les Gazelle, Alouette III, Dauphin, Panther, Fennec et Puma de l’armée de l’air), fortement sollicitées en opérations. Le tableau ci-après présente leurs principales caractéristiques.

HÉlicoptères remplacÉs par l’hÉlicoptÈre interarmÉes lÉger

Modèle

Parc en 2018

Entrée en service

Âge moyen

Masse
(en kg)

DTO*

Unités d’emploi

Coût par heure de vol
(en euros)

Retrait du service

Gazelle

94

1974

35 ans

2 100

60,9 %

ALAT

4 471

après 2030

Alouette III

20

1962 / 1974

45 ans

2 200

54,3 %

aéronautique navale

10 038

avant 2030

Dauphin

9

1990 / 1994

24 ans

4 100

78,7 %

service public**

4 845

après 2030

Panther

16

1993

24 ans

4 205

64,3 %

aéronautique navale

15 055

après 2030

Fennec

40

1988

27 ans

2 600

60 %

armée de l’air

6 053

après 2030

*  disponibilité technique opérationnelle ; ** Détachements des hélicoptères Dauphin du service public de la flottille 35F au Touquet, à Lanvéoc-Poulmic, à La Rochelle et à Hyères.

Source : ministère des Armées.

Les travaux du stade d’orientation ont conduit à retenir, pour remplacer l’ensemble des flottes d’hélicoptères légers, un modèle unique d’hélicoptère militarisé. Le soutien du HIL constitue un axe majeur d’innovation, tant d’un point de vue technologique ‒ avec la numérisation approfondie du système de soutien, associée à un suivi intégré de l’emploi des hélicoptères ‒ qu’organisationnel, dans le cadre de relations redéfinies entre l’État et les industriels. Par ailleurs, les hélicoptères HIL intègreront des équipements technologiques innovants dans le domaine de la détection radar et disposeront d’une architecture « modulaire », qui permettra de les adapter aux missions pour lesquels ils seront employés.

La cible du programme a été évaluée à 181 hélicoptères, dont 80 pour l’armée de terre, 49 pour la marine nationale et 40 pour l’armée de l’air, cette dernière devant percevoir par ailleurs les douze hélicoptères de manœuvre destinés à remplacer ses Puma. En effet, les travaux du stade d’orientation du programme HIL ont permis de conclure qu’au regard des besoins exprimés par l’armée de l’air, ces appareils ne peuvent être remplacés que par des hélicoptères de manœuvre, dont le choix sera arrêté au lancement du stade de réalisation du programme HIL.

Toutefois, le projet de loi ne prévoit pas de livraisons dici 2025. Le ministère des Armées indique que l’hypothèse d’une accélération du programme HIL a été « envisagée en mars 2017 », avant d’être abandonnée au profit d’une option consistant à remplacer temporairement par des flottes de location celles qui ne peuvent pas être maintenues en service avant leur remplacement par le HIL. Les premières commandes au titre de ce programme sont prévues en 2022 pour les HIL et en 2023 pour les hélicoptères de manœuvre, les livraisons n’intervenant donc qu’après 2025.

Hormis les Alouette III, les parcs d’appareils à remplacer feront l’objet d’une étude d’impact en vue de leur maintien en service au-delà de l’année 2030. Cette étude devra étudier la gestion des obsolescences, la pérennité de leur soutien, l’évolution ou l’adaptation de certains équipements. Le parc dAlouette III de la marine, qui ne pourra raisonnablement pas être maintenu en service jusquen 2030, sera remplacé par une flotte intérimaire de location. Cette flotte sera composée d’une dizaine de Dauphin et de trois H160 loués jusqu’au renouvellement de cette capacité par le HIL, pour un coût estimé à 260 millions d’euros pour dix années d’exploitation.

Cette mesure permet de ne pas mettre en oeuvre l’accélération du programme HIL envisagée en mars 2017.

ii.   Les autres programmes d’hélicoptères ne sont pas accélérés

En 2015, constatant la faible disponibilité des hélicoptères de reconnaissance et d’attaque Tigre ainsi que des hélicoptères de manœuvre et d’assaut Puma et NH 90 Caïman et les tensions qui en résultaient, l’actualisation de la programmation a prévu une hausse des cibles des programmes Tigre et Caïman, avec la commande de sept hélicoptères Tigre et six hélicoptères Caïman supplémentaires.

Les tensions sur les flottes d’hélicoptères de reconnaissance et d’attaque ainsi que sur celle d’hélicoptères de manœuvre et d’assaut demeurent encore importantes. Néanmoins, le projet de loi ne prévoit ni accélération des livraisons des programmes Tigre et NH 90, ni nouvelle hausse de leur cible.

Il faut donc compter sur une amélioration de leur disponibilité grâce à la réforme de leur système de maintien en condition opérationnelle, présentée en détail par le rapport annexé, pour consolider ces capacités. Il faut cependant relever que le projet de loi prévoit que :

‒ sur les 34 Caïman livrés à l’armée de terre, six seront adaptés au standard des forces spéciales d’ici 2025, puis quatre autres ensuite ;

‒ les rétrofits des Tigre HAP (c’est-à-dire dans leur version initiale d’hélicoptère d’appui et de protection) en Tigre HAD (c’est-à-dire dans leur deuxième standard, d’hélicoptère d’appui et de destruction), seront poursuivis ;

‒ un troisième standard du Tigre, associé au renouvellement de son missile air/sol, sera lancé.

D.   Des accÉlÉrations de programmes visant à combler des ruptures capacitaires et augmenter l’ « Épaisseur organique » des forces

Non seulement le présent projet de LPM ne prévoit ni étalements calendaires ni réductions de cibles majeurs, mais au contraire, il prévoit des accélérations de programmes et des hausses de cibles ‒ parfois les deux ‒ pour certains programmes permettant de combler les lacunes capacitaires héritées des deux dernières LPM. De surcroît, au-delà de ces programmes à effet majeur, il propose de traduire l’objectif général consistant à placer cette LPM « à hauteur d’homme » en un effort de réinvestissement dans l’ensemble des moyens concourant au quotidien à améliorer les conditions d’exercice du métier des armes et, ainsi, à redonner à nos armées de l’« épaisseur organique ».

1.   Les programmes faisant l’objet d’une accélération des livraisons, d’une augmentation de cible, voire de ces deux mesures à la fois

Dans les trois milieux, le plan d’équipement prévu par de LPM propose un investissement supplémentaire dans certains programmes majeurs, qui se traduit par une accélération des commandes et des livraisons, des augmentations de cibles, voire les deux mesures à la fois. Cet effort de réinvestissement permettra de combler certaines lacunes capacitaires consenties par les LPM précédentes.

a.   En matière d’armement terrestre, une accélération et une hausse des cibles des programmes SCORPION

En accélérant l’exécution de l’opération SCORPION et en en revoyant les cibles à la hausse, le projet de LPM permet d’accélérer la modernisation de l’armée de terre.

i.   L’opération d’ensemble SCORPION vise à renouveler les blindés légers par un ensemble interconnecté de blindés modernes

L’opération d’ensemble SCORPION ([85]) a été conçue en 1999 sous le nom de « bulle opérationnelle aéroterrestre », en vue de remplacer divers matériels dits de « deuxième génération » ‒ c’est-à-dire entrés en service dans les années 1970 et 1980 ‒ par des blindés dotés des technologies modernes et interconnectés. Ces programmes concernent l’ensemble des capacités blindées dites « de contact », dont le tableau ci-après présente l’état.

Matériels concernés par le programme SCORPION

Type matériel

Désignation du matériel

Entrée en service

Âge Moyen

Parc

Retrait du service

Successeur dans la gamme SCORPION

Chars de combat à chenilles

Leclerc

1997

15

225

après 2030

Leclerc rénové, puis MGCS (1)

Chars à roues

AMX 10 RC

1980

32

248

après 2030

EBRC (2) Jaguar

ERC 90 Sagaie

1988

29

80

2025

Véhicules blindés légers

Véhicule blindé léger (VBL)

1988

18

1462

après 2030

VBAE (3)

Véhicule de l’avant blindé (VAB)

1976

32

2661

2029

véhicule blindé multi-rôles (VBMR) Griffon

Véhicule blindé de combat de l’infanterie (VBCI)

2008

6

628

après 2030

VBCI rénové

(1) Main Ground Combat System (principal système de combat terrestre), projet franco-allemand de char lourd ; (2) engin blindé de reconnaissance et de combat ; (3) véhicule blindé dappui à lengagement ;

Source : avis n° 277, tome IV, fait par notre collègue Thomas Gassilloud sur les crédits relatifs aux forces terrestres inscrits au projet de loi de finances pour 2018, octobre 2017.

Ainsi, l’opération d’ensemble SCORPION comprend en réalité plusieurs programmes distincts, dont l’encadré ci-après présente les caractéristiques, avec pour caractéristiques d’être intégrés dans un système de combat collaboratif au moyen d’un système d’information commun. En outre, les véhicules SCORPION disposeront de technologies plus avancées que les matériels anciens qu’ils remplaceront, ainsi que d’une meilleure protection des hommes. C’est ainsi que l’opération SCORPION constitue la « clé de voûte » de la modernisation de l’armée de terre. Elle est articulée en deux étapes :

‒ l’étape 1, de 2014 à 2025, prévoit la livraison de 780 Griffon, du système d’information et de combat SCORPION (SICS), de 100 Jaguar, des 200 chars Leclerc rénovés et de 400 VBMR légers, pour moderniser à 40 % quatre brigades interarmes ;

‒ l’étape 2, de 2026 à 2033, prévoit la livraison du reste des 1 722 Griffon, 248 Jaguar et 558 VBMR légers qui constituent les cibles actuelles de ces programmes, ainsi que la revalorisation du VBCI et du système FELIN, le remplacement du véhicule blindé léger (VBL) par un véhicule blindé d’aide à l’engagement (VBAE), celui des engins du génie blindé par un moyen d’appui au contact (MAC), et l’acquisition de diverses capacités complémentaires, comme des kits de protection active, des drones et des robots.

Les programmes constituant l’opération d’ensemble SCORPION

● Le programme d’engin blindé de reconnaissance et de combat (EBRC), baptisé Jaguar, pour un coût unitaire de six millions d’euros. Armé d’une tourelle équipée d’un canon de 40 millimètres, de missiles de moyenne portée (MMP) et d’un tourelleau téléopéré (TTOP) portant une mitrailleuse de 7,62 millimètres, il pourra recevoir divers kits additionnels. Mû par six roues motrices, il pèsera 24,7 tonnes. Il remplacera l’AMX 10 RC, l’ERC 90 Sagaie et le VAB HOT.

● Le programme de véhicule blindé multi-rôles lourd (VBMR) appelé Griffon, dont le coût unitaire ne dépasse pas 1,5 million d’euros. Destiné au transport de troupes pour sa version la plus courante, il est armé d’un TTOP portant une mitrailleuse de 12,7 millimètres, voire d’un lance-grenades de 40 millimètres et d’une mitrailleuse de 7,62 millimètres. Il pourra également recevoir divers types de kits additionnels. Avec six roues motrices et un poids de 24,5 tonnes, il doit remplacer une large partie des VAB.

● Le programme de VBMR léger, notifié en février 2018. Armé d’un TTOP portant une mitrailleuse de 12,7 millimètres, voire un lance‑grenades de 40 millimètres et une mitrailleuse de 7,62 millimètres, il se déclinera en quatre versions : véhicule porteur blindé (VPB) ; nœud de communication tactique (NCT) ; « surveillance‒acquisition d’objectifs‒renseignement et reconnaissance » (SA2R) ; et guerre électronique (GE). Il aura quatre roues motrices pour une masse de 17 tonnes. Il complétera le parc de Griffon pour remplacer les VAB et certains véhicules légers de reconnaissance et d’attaque (VLRA).

● Le programme de « système dinformation du combat SCORPION » (SICS), infrastructure numérique de combat collaboratif commune aux engins SCORPION.

● Le programme de rénovation de 200 chars Leclerc, pour 900 000 euros chacun. Cette revalorisation vise, d’une part, à améliorer la protection du char et à le préparer à recevoir des TTOP et divers kits prévus dans la deuxième étape du programme, ainsi que, d’autre part, à le rendre compatible avec le SICS, ce qui suppose d’y installer une radio Contact et de renouveler ses « interfaces intérieures », notamment ses écrans.

● Le développement d’un système de préparation opérationnelle (SPO) s’appuyant notamment sur la simulation embarquée, consistant pour les personnels à simuler des missions directement dans leurs véhicules, de façon interconnectée avec les autres moyens de simulation disponibles « en salle », tant dans leur régiment que dans d’autres unités.

● Le programme de revalorisation des VBCI qui sera conduit après 2025, afin de leur intégrer le SICS, ainsi qu’un programme de modernisation du système de fantassin à équipements et liaisons intégrés (FELIN).

Source : op. cit.

ii.   Les programmes SCORPION ont fait l’objet d’importants renoncements avec la LPM précédente

Le calendrier et les cibles des programmes SCORPION arrêtés en 2010 ont été drastiquement revus à la baisse par la LPM de 2013. L’abandon de ces programmes avait même été envisagé, et n’a été écarté, comme le donne à voir le graphique ci-après pour le cas du VBMR Griffon, que moyennant :

‒ une réduction des cibles des programmes, ramenées de 1968 à 1722 pour le VBMR (soit 12,5 % de moins), de 292 à 248 pour l’EBRC (soit une baisse de 15 %) et de 254 à 200 chars Leclerc rénovés (soit une réduction de 21,2 %) ;

‒ un report des livraisons, de trois ans pour le VBMR, de deux ans pour l’EBRC et de quatre ans pour la rénovation du char Leclerc.

Évolution du programme de VBMR lourD

Source : op. cit.

iii.   La situation du segment médian des blindés faisait peser un risque de réduction capacitaire

Les matériels maintenus en service plus longtemps que rpévu en conséquence du décalage des programmes SCORPION se sont avérés s’user plus vite que prévu. Tel est par exemple le cas du VAB, que devait remplacer progressivement le VBMR Griffon. Selon l’avis précité, si aucune mesure n’était prise, la dégradation continue de l’état du parc de VAB entraînerait une réduction temporaire de capacité qui atteindrait en 2029 une ampleur inquiétante : environ 900 véhicules blindés multi-rôles et de combat sur les 3 330 correspondant au contrat opérationnel de l’armée de terre (VAB, Griffon, VBCI et VBMR léger).

En outre, le décalage de l’opération SCORPION a pour conséquence de limiter aussi les capacités de protection des forces terrestres en OPEX. Sur les 345 VAB engagés en OPEX en 2016, 77 % n’étaient pas au standard Ultima, qui offre le meilleur niveau de protection des personnels.

C’est pourquoi l’armée de terre a très tôt présenté comme la première de ses priorités une accélération de l’opération SCORPION, plutôt qu’une remise à niveau temporaire de VAB à bout de souffle. Le chef d’état-major de l’armée de terre déclarait ainsi le 18 octobre 2017 devant la commission : « Pour nous, aujourdhui, la question est simple : le programme Scorpion a pris du retard, le Griffon a pris du retard, et les VAB de première génération noffrent pas suffisamment de protection à nos soldats en opération, ni assez dautonomie, ni assez de capacité de feu. Nous les renouvelons à travers les VAB Ultima. Jestime aujourdhui la reconstruction dun VAB classique en VAB Ultima à 1,4 million deuros, soit, bon an mal an, le prix dun Griffon. Je pose donc la question, dans le cadre de la préparation de la loi de programmation militaire : continueronsnous de reconstruire un matériel qui date des années 1970 ou allons-nous accélérer larrivée du Griffon ? […] Le Griffon a une meilleure protection – du niveau 5 contre une protection de niveau 4 pour le VAB Ultima –, une meilleure autonomie, une meilleure capacité avec son tourelleau téléopéré. Très honnêtement, mon choix est vite fait : il est de privilégier laccélération de Scorpion ».

iv.   Le projet de LPM propose d’accélérer le calendrier des commandes et des livraisons et d’augmenter les cibles des programmes SCORPION

Hormis pour les chars Leclerc, dont le programme de rénovation reste inchangé, le projet de LPM prévoit à la fois une accélération des livraisons des programmes SCORPION et une augmentation de leurs cibles, comme le montre le tableau suivant. Ainsi, en 2025, la moitié des livraisons de Jaguar, de Griffon et de VBMR léger aura été livrée à larmée de terre, contre à peine un tiers suivant la LPM 2014‒2019.

Équipements SCORPION

Programme

Parc en 2025

Cible du programme

 

LPM 2014‒2019

projet de
LPM 2019‒2025

LPM 2014‒2019

projet de
LPM 2019‒2025

EBRC Jaguar

110

150

248

300

VBMR Griffon

800

936

1 722

1 872

VBMR léger

400

489

558

978

Source : informations du rapport annexé.

L’opération SCORPION prévoit aussi le développement, la qualification et la production de nouveaux véhicules, notamment le VBAE, successeur du VBL. Le ministère des Armées précise que des études doivent être lancées en 2018 pour préciser sa définition et que son développement doit être entamé pendant la période de programmation, les premières livraisons sont attendues après 2030. Dans l’attente de ce matériel, un programme de régénération de 800 VBL a été lancé en décembre 2016 avec des livraisons s’étalant entre 2018 et 2026.

b.   S’agissant des forces navales

i.   Le programme FLOTLOG : une augmentation du format et une anticipation des livraisons particulièrement bienvenues

● L’état de la flotte logistique est l’objet de préoccupations depuis plusieurs années, ainsi que l’ont relevé les rapporteurs pour avis successifs des crédits alloués à la marine nationale ([86]).

D’un point de vue quantitatif, la marine ne dispose à l’heure actuelle que de trois bâtiments de commandement et de ravitaillement (BCR), unités pourtant indispensables à la conduite des opérations dans la durée. Un tel format est insuffisant au regard du niveau d’engagement de la marine depuis plusieurs années. En effet, sur l’ensemble de la période couverte par la programmation depuis le vote de la loi de programmation militaire 2014-2019 la marine s’est, chaque année, trouvée engagée au-delà du niveau prévu par son contrat opérationnel. Les forces navales restent présentes sur cinq théâtres, alors que le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013, fondement de la programmation actuelle, n’en avait envisagé qu’« un ou deux ».

Les navires actuellement en service sont en outre vieillissants, puisqu’ils ont tous été admis au service actif il y a environ 30 ans ([87]). Associée au niveau d’engagement et à l’intensité opérationnelle, cette ancienneté entraîne des pannes plus fréquentes des bâtiments, une complexification et un renchérissement des opérations de MCO et une moindre disponibilité, alors que le parc est déjà singulièrement réduit.

Par ailleurs, les BCR ne respectent pas les nouvelles normes internationales de la navigation civile. Par une résolution du 27 avril 2001, l’Organisation maritime internationale (OMI) a en effet adopté un plan de retrait progressif des pétroliers à simple coque. En outre, un amendement à l’annexe I de la convention pour la prévention de la pollution par les navires (dite MARPOL) ([88]) rend obligatoire le principe d’une double coque pour les soutes à combustible de tous les navires à partir d’un certain volume transporté. Or les BCR actuels sont des navires à simple coque ce qui, en application des normes précitées, est susceptible de leur interdire l’accès et le ravitaillement dans certains ports, pour des raisons de sécurité.

● Le programme FLOTLOG ([89]) était prévu par la LPM 2014-2019, qui envisageait un renouvellement de la flotte logistique à format constat, avec trois unités, la première devant être commandée en 2019.

Le présent projet de loi maintient ce programme, mais en augmente le format de trois à quatre unités ce qui, compte tenu du niveau d’engagement de la marine – qui n’est probablement pas appelé à diminuer à l’avenir – est particulièrement bienvenu. La marine nationale retrouvera ainsi le format de la flotte logistique dont elle disposait jusqu’en 2015.

Il convient par ailleurs de préciser que le remplacement des BCR français a vocation à s’effectuer en coopération avec la marine italienne, dans le cadre du programme Logistic Supply Ship (LSS) de l’OCCAr ([90]). Une telle coopération pourrait constituer une source d’économies, permettant de couvrir, au moins partiellement, les coûts de l’exemplaire supplémentaire ([91]). En effet, l’adoption, par les deux États, d’une plateforme unique, peut aboutir à une réduction des coûts de conception du navire, ainsi que du coût unitaire de chaque bâtiment produit. Elle peut également se traduire par une maîtrise des coûts de MCO permise par l’effet de série.

En plus de l’augmentation du format, le projet de LPM anticipe le calendrier de livraison des bâtiments, les deux premières unités devant être livrées d’ici la fin de l’année 2025 ([92]). Le coût du programme FLOTLOG est estimé entre 1,6 et deux milliards d’euros.

ii.   La  « trame patrouilleurs » : vers une résorption, attendue de longue date, des ruptures temporaires de capacités

● Le format et l’état de la « trame patrouilleurs » constituent un autre sujet de préoccupation, plus ancien encore que la question de la flotte logistique. En effet, alors qu’avec 11 millions de kilomètres carrés d’eaux sous sa souveraineté la France est le deuxième pays maritime au monde, elle fait face, depuis 2010, à des réductions temporaires de capacités (RTC) dans le domaine de la surveillance et de la protection de ses zones maritimes et de leurs ressources ([93]). Or, ainsi que le rappelle à juste titre l’amiral Christophe Prazuck, chef d’état-major de la marine, ce qui n’est pas protégé est pillé, et ce qui est pillé est contesté.

● Le programme BATSIMAR ([94]) confirme la modernisation et consacre le renforcement de la « trame patrouilleurs ». Il vise à remplacer trois types de navires : les patrouilleurs de haute mer en métropole (PHM), les P400 outre-mer et les bâtiments de transport léger (BATRAL).

Ce programme permettra de doter les forces navales de quatre types de navires :

– les bâtiments multi-missions (B2M), destinés à remplacer les quatre BATRAL ([95]) et dont trois unités ont déjà été livrées, la quatrième devant être réceptionnée en 2019 ;

– les patrouilleurs légers guyanais (PLG), dont deux unités destinées à la Guyane ont été admises au service actif en 2017, en remplacement de deux P400. Un troisième navire a été commandé fin 2017, qui rejoindra la zone Antilles ;

– les patrouilleurs outre-mer (POM) ;

– les BATSIMAR, destinés à la métropole.

Les deux derniers types de navires sont issus de la différenciation, récemment décidée, des capacités entre les patrouilleurs affectés en métropole et dans les territoires ultramarins. Ce choix vise à résorber le plus rapidement possible les RTC constatées outre-mer, en y déployant des bâtiments certes plus petits et technologiquement moins développés que les BATSIMAR, mais parfaitement adaptés à leurs missions. La différenciation doit ainsi permettre davancer de deux ans le calendrier de livraison des unités outre-mer.

Les conséquences de la différenciation entre POM et BATSIMAR

 ● Les POM seront proches des PLG en termes de déplacement (800 tonnes). Ils bénéficieront de capacités hauturières leur permettant de se déployer sur l’ensemble des ZEE ultra-marines (en dehors des Terres australes et antarctiques françaises et de Clipperton). Ces navires disposeront, a minima, d’une capacité d’emport, de stockage, de maintenance, de mise en œuvre et de contrôle d’un drone tactique. Des capacités contre les menaces, mines, NRBC, IEM ou encore sous-marines ne paraissent pas indispensables, compte tenu du faible risque d’occurrence de ces menaces dans les territoires considérés.

● Les patrouilleurs destinés à la métropole correspondront à la physionomie retenue pour le programme BATSIMAR initial. Il s’agira de navires de plus fort déplacement (1 500 tonnes environ) qui pourront accueillir un aéronef (futur HIL notamment) ainsi que des capacités d’artillerie et de conduite des opérations avec un système de combat élémentaire.

● Le projet de LPM augmente le format de la « trame patrouilleurs » à 19 unités contre 17 précédemment. Ce format à 19 navires inclut donc six POM d’ici à 2024 – contre deux navires seulement à l’horizon 2025 aux termes des programmations précédentes –, dix BATSIMAR métropolitains et trois PLG. Les livraisons sont par ailleurs anticipées de deux ans, avec pour objectif de livrer l’ensemble des POM et deux BATSIMAR d’ici 2025.

Plus précisément, s’agissant des outre-mer, il est prévu un cadencement des livraisons à hauteur de deux unités par an entre 2022 et 2024. La Nouvelle‑Calédonie, la Polynésie et la Réunion disposeront donc respectivement de deux patrouilleurs dès 2023 pour le premier territoire et en 2024 pour les deux autres. Pour la métropole, le cadencement prévu est de deux unités livrées chaque année entre 2025 et 2029.

Comme le soulignait justement le chef d’état-major de la marine, la future LPM 2019-2025 répond à la pression croissante qui s’exerce sur les ressources halieutiques et sur la souveraineté de nos zones économiques exclusives, en comblant le trou capacitaire que l’on pouvait observer, notamment outre-mer. En ce domaine, les nouvelles sont donc excellentes, pour la métropole comme pour l’outre-mer.

iii.   L’extension de la rénovation des Atlantique 2 : une réponse à une nécessité opérationnelle

● Le programme de rénovation des Atlantique 2 (ATL2), actuellement en cours, vise notamment à pérenniser au-delà de 2030 les capacités anti sous‑marines et anti-navires de cet appareil, lesquelles sont indispensables pour garantir, en particulier, la liberté d’action de la force océanique stratégique et du groupe aéronaval.

La loi de programmation militaire en vigueur prévoit la rénovation de 15 appareils sur les 22 unités de la flotte. Cette opération vise à traiter certaines obsolescences du système de combat et à améliorer les performances de certains sous-systèmes ([96]). Les sept dernières unités doivent simplement bénéficier d’une mise à niveau des consoles de visualisation et seront affectées principalement aux missions de surveillance maritime.

● Toutefois, l’évolution du contexte stratégique et des menaces, notamment sous-marines, plaide pour un élargissement à d’autres appareils du bénéfice de la rénovation « complète ». Le chef d’état-major de la marine s’était ainsi prononcé pour un format à 18 ATL2 modernisés. Le projet de LPM tient compte de cette réalité stratégique en prévoyant que trois appareils supplémentaires seront rénovés, en sus des 15 initialement prévus, le coût des opérations pour ces trois unités étant estimé à 61 millions d’euros ([97]).

● Le remplacement de la flotte d’ATL2 fera l’objet, à l’horizon 2030‑2035, du programme PATMAR ([98]) futur. Il sera élaboré courant 2022, pour une réalisation à compter de 2025 et des livraisons prévues après 2030.

Au-delà du maintien d’une capacité apportée par une plateforme aérienne habitée, la contribution complémentaire de systèmes de drones est également envisagée. Le programme PATMAR futur fait partie des programmes d’équipements qui, aux termes du rapport annexé au présent projet de loi, « seront prioritairement conçus dans une voie de coopération européenne », en l’espèce avec l’Allemagne, dont les actuels avions P3 devront être remplacés au cours de la décennie 2030-2040.

c.   En matière d’armement aéronautique

Lors de son audition devant la commission, le 18 juillet 2017, le général André Lanata, chef d’état-major de l’armée de l’air, avait fixé au rang des priorités pour l’armée de l’air le renouvellement de la flotte de ravitailleurs. Rappelant que l’essentiel de la flotte de ravitailleurs était composé d’avions C135 commandés par le général de Gaulle, il soulignait qu’au regard de l’âge moyen de la flotte – 53 ans – « nous prenons un risque excessif avec cette flotte de C135, car nous ne sommes plus en mesure de prévoir et de maîtriser les conséquences de son vieillissement sur les enjeux essentiels de la dissuasion, de projection de puissance ou de mobilité stratégique ». En conséquence, il estimait indispensable l’accélération de la cadence de livraison des A330 MRTT, qui doivent remplacer les C135, ainsi que l’augmentation de la cible.

Le projet de loi de programmation militaire traduit la prise de conscience de cette urgence s’agissant des ravitailleurs, le programme MRTT faisant l’objet à la fois d’une accélération et d’un rehaussement de cible.

i.   Le programme MRTT, un enjeu essentiel pour le renouvellement attendu de la flotte de ravitailleurs

Le Multi Role Tanker Transport (MRTT) est un aéronef construit par Airbus par dérivation de l’avion civil A330. Cet avion polyvalent permet d’assurer le transport de troupes et de matériels ainsi que de conduire des actions de ravitaillement en vol, indispensables pour la conduite des opérations. Comme l’indiquait le général Lanata lors de son audition précitée : « Aujourdhui, il ny a pas dopération aérienne sans ravitaillement en vol ».

Le MRTT Phénix, puisque tel est son nom au sein de l’armée de l’air, a vocation à remplacer la flotte actuelle de ravitailleurs, composée de onze C135FR, acquis neufs en 1964, et de trois KC135R, construits en 1962 et acquis par la France en 1997 et 1998. Cette flotte a fait l’objet de programmes rénovations ces dernières années afin de permettre à l’armée de l’air d’assurer la tenue de la posture de dissuasion nucléaire jusqu’à l’entrée en service des MRTT, et plus généralement de garantir son exploitation par l’accroissement de la disponibilité des aéronefs et la mise en conformité aux règles de circulation aérienne générale. Ainsi, les principales obsolescences constatées – panneau carburant, radar, surveillance vidéo des ravitaillements, avionique – ont été traitées à la fin des années 2000 et au début des années 2010. Le dernier appareil rénové a été livré à l’armée de l’air le 23 juillet 2015.

Il n’en demeure pas moins que ces avions sont très anciens, et que leur âge avancé engendre des difficultés au niveau du maintien en condition opérationnelle et peut limiter notre capacité d’intervention. L’atterrissage en urgence d’un ravitailleur C135 sur l’aéroport de Malte en janvier 2017, largement médiatisé, comme la dépendance de notre pays aux ravitailleurs étrangers pour la conduite des opérations témoignent des fragilités de cette capacité. De plus, l’heure de vol de ces appareils représentait un coût de 14 000 euros en 2016.

S’agissant des caractéristiques de ces appareils, les MRTT sont en mesure de délivrer 50 tonnes de carburant pour une autonomie de 4h30 sur zone à 2000 km, contre 17 tonnes délivrées dans les mêmes conditions par les C135. En dehors de leur mission de ravitaillement, ils pourront emporter davantage de passagers que les C135 et disposeront de modules de soins additionnels. C’est d’ailleurs pour cette raison que les MRTT ont également vocation à remplacer les cinq « d’avions blancs » Airbus A310 et A340.

Chargés de 40 tonnes, ils auront une portée de 7 000 km alors que le C135 transporte actuellement au maximum 25 tonnes sur une distance de 8 000 km. Enfin, ils nécessiteront une personne de moins au pilotage pour entrer en opération.

ii.   La LPM : une accélération des livraisons et un rehaussement de la cible

La France a manifesté son intérêt pour l’acquisition de MRTT dès 2007. Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008 et la loi n° 2009‑928 du 29 juillet 2009 relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense ont confirmé cet intérêt en prévoyant la commande de 14 avions de type MRTT afin de procéder au remplacement d’une flotte déjà vieillissante.

Finalement, cette ambition a été revue à la baisse, la dernière loi de programmation militaire comme son actualisation abaissant la cible à 12 appareils. Concernant le rythme d’acquisition, après la commande d’un premier appareil en 2014 et de huit autres en 2015, les trois derniers devaient être commandés après 2019. S’agissant des livraisons, un appareil devait être livré en 2018 et un autre en 2019, les suivants devant rejoindre les forces après 2019.

Le présent projet de loi de programmation prévoit, d’une part, une accélération du rythme de livraison et, d’autre part, un rehaussement de cible.

Ainsi, le renouvellement de la flotte de ravitailleurs sera intégralement opéré en 2025 avec la livraison de douze appareils, tandis que la cible est accrue à hauteur de 15 appareils. Le premier appareil MRTT devant être livré à l’armée de l’air française au cours de l’année 2018 et un second étant prévu pour 2019, ce sont 10 appareils qui seront livrés entre 2020 et 2025. Concernant l’accélération, la commande des trois derniers appareils de la cible initiale interviendra dès cette année au lieu de l’an prochain, confirmant ainsi les dispositions de la loi de 2015 actualisant la programmation militaire. L’augmentation de la cible permettra par ailleurs de rattraper notre retard en la matière sur certains de nos alliés, le Royaume-Uni disposant déjà de 14 appareils de ce type, sous la dénomination Voyager. En conséquence, les travaux d’infrastructure nécessaires à l’accueil de ces appareils se poursuivront sur la base aérienne 125 d’Istres.

À terme, le renouvellement de cette capacité stratégique essentielle contribuera à la crédibilité de la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire et redonnera à la France davantage d’indépendance dans la conduite de ses opérations à l’extérieur de nos frontières. La flotte MRTT Phénix participera bien entendu à la tenue de la posture permanente de sécurité aérienne (PPS) et contribuera à la force interarmées de réaction immédiate.

2.   Une politique d’investissement « à hauteur d’homme », dans les moyens « du quotidien » qui font l’« épaisseur organique » des armées

Le premier des grands objectifs sous les auspices desquels le projet de loi tend à placer la programmation militaire 2019‒2025 consiste à « placer la LPM “à hauteur dhomme” ». Le premier des quatre volets qui déclinent cette ambition tient à « la garantie de conditions adéquates pour permettre aux armées dexercer de manière durable et soutenable leurs missions », ces conditions ayant trait aux équipements individuels, à l’entretien des matériels, à la formation et à la préparation opérationnelle.

a.   Un effort de réinvestissement en faveur des « petits » matériels

Suivant la logique d’une « LPM à hauteur dhomme », un accent particulier est mis sur les « petits » programmes déquipement ‒ qu’ils relèvent de l’agrégat « autres opérations d’armement » (AOA) du programme 146 « Équipement des forces » ou de l’agrégat « équipements d’accompagnement et de cohérence » (EAC) du programme 178 « préparation et emploi des forces ». Aux termes du rapport annexé, il s’agit de « doter les armées des moyens pour exercer leurs missions de manière durable et soutenable » et de « permettre à chaque militaire de disposer des moyens nécessaires à sa préparation opérationnelle afin quil acquiert les savoir-faire opérationnels requis ».

i.   Des matériels régulièrement sacrifiés dans les arbitrages budgétaires des dernières années

L’analyse des projets de lois de finances successifs depuis la mise en œuvre de la LPM de 2009 montre que la part des « petits » équipements dans l’ensemble des dépenses d’équipement des forces décroît sensiblement. À titre d’exemple, celle des AOA dans le programme 146 a été ramenée de 14 % en 2011 à 11 % en 2018. Cette évolution s’explique par le choix fait de privilégier les « grands » équipements ‒ les « programmes à effet majeur », plus emblématiques et jugés plus structurants, tant technologiquement qu’industriellement ‒ en période de difficultés budgétaires.

Quant aux EAC, ils concernent les équipements d’accompagnement direct des forces, dits « des équipements de cohérence organique ». Il s’agit de matériels nécessaires à l’exploitation des équipements issus des programmes et opérations d’armement, des cibles nécessaires à l’entraînement, des équipements techniques de la maintenance et du commissariat, ainsi que des véhicules de la gamme commerciale, d’équipements logistiques opérationnels du service de santé des armées ainsi que de l’achat et de l’entretien des matériels et équipements lourds présents dans les hôpitaux militaires, d’équipements de guerre électronique et d’outils de simulation opérationnelle ou, enfin, d’équipements du service des essences des armées comme du service interarmées des munitions.

Le ministère des Armées reconnaît aussi que l’insatisfaction exprimée par les armées quant à leur dotation en EAC s’explique pour une part par les procédures dacquisition du ministère, « non optimisés pour lacquisition de ce type déquipements ».

ii.   Un réinvestissement bienvenu dans les « petits » équipements

Au titre de cet effort en faveur des équipements « du quotidien », le rapport annexé évoque notamment les moyens de communication, les munitions de petit calibre, les systèmes de visée optronique, les jumelles de vision nocturne, les moyens nautiques, la ciblerie, les véhicules tactiques logistiques et de franchissement spécialisés.

L’effort en faveur des « petits » équipement est particulièrement marqué pour les EAC, dont la dotation hors systèmes d’information et de communication, munitions et équipements cybernétiques, doit croître de 40 % d’ici 2025, comme le montre le tableau ci-après.

Évolution des crédits d’équipements d’accompagnement et de cohérence

Hors systèmes d’information et de communication, munitions et équipements cybernétiques

(en millions d’euros.)

 

2016*

2017*

2018*

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

EAC

318

335

329

330

326

341

358

385

434

470

Source : ministère des Armées.

Selon les précisions données devant la commission par la ministre le 8 février 2018, cet effort se traduira par une hausse de 34 % des crédits alloués chaque année aux « petits » équipements individuels. Ce financement portera par exemple sur les matériels suivants :

‒ les treillis ignifugés, avec 23 000 treillis en dotation dès 2019, l’équipement de 100 % des personnels engagés en OPEX dès 2020, et 100 % des militaires en 2025 ;

‒ les tenues de protection NRBC, disponibles en 32 000 exemplaires dès 2019, et 169 000 en 2025 ;

‒ les nouveaux gilets pare-balles : 150 000 d’ici 2025, dont 25 000 dès 2019, la ministre garantissant que 100 % des réservistes seraient équipés de gilets pare-balles modernes dès 2019 ;

‒ les casques modernes, dont 43 000 exemplaires seront livrés ;

‒ l’accélération des livraisons de fusils HK 416 F (93 340 en 2025 au lieu de 60 000) et la commande de 16 000 fusils supplémentaires.

L’analyse du plan d’équipement résultant du projet de LPM fait aussi apparaître un effort particulier en faveur des programmes d’équipements qui, sans pouvoir être qualifiés d’équipements « individuels », concourent à améliorer le quotidien des forces sans pour autant constituer des programmes à effet majeur. Le rapporteur relève ainsi :

‒ le lancement d’un programme de 7 000 poids lourds de quatre à six tonnes, qui seront livrés pour l’essentiel entre 2025 et 2030 et remplaceront notamment les camions GBC 180. Les études relatives à ce programme permettront de choisir entre un programme spécifiquement militaire (comme l’était le programme GBC) ou l’adaptation de matériels du marché civil, ainsi que le niveau de coopération avec d’autres pays ayant des besoins comparables ;

‒ trois programmes de véhicules légers tactiques polyvalents (VLTP) : deux VLTP protégés, de deux niveaux différents de protection (pour, respectivement, 1 060 et 2 333 véhicules livrés en 2030), ainsi qu’un VLTP non‑protégé, pour près de 4 000 véhicules nouveaux à livrer d’ici 2025.

b.   Un effort de reconstitution des stocks de munitions

Dans son avis sur les crédits d’équipement inscrits au projet de loi de finances pour 2018 ([99]), notre collègue Jean-Charles Larsonneur relève que le sous-financement chronique des AOA a des conséquences néfastes sur l’acquisition de munitions, notamment dans l’armée de terre. En effet, les achats de munitions représentent 35 % de la consommation de crédits d’AOA de celle-ci, et ce n’est pas sans exprimer une inquiétude que notre collègue indique que les tensions sur les budgets d’AOA font que les crédits disponibles ne permettent de couvrir qu’à hauteur de 36 % le besoin d’achats de munitions estimé par l’armée de terre, notamment pour les munitions de 40 millimètres du Jaguar, les munitions d’entraînement à la mitrailleuse 12,7 ou les fusées d’artillerie.

Pour y remédier à ces difficultés, le rapport annexé souligne que le projet de LPM « consacre un effort particulier à lacquisition des équipements de cohérence », parmi lesquels il cite notamment les « stocks initiaux de munitions ». Il ne détaille pas les hausses de cibles afférentes, mais on relèvera l’augmentation des stocks de missiles de moyenne portée (MMP) en remplacement des missiles anti-chars MILAN, avec 1 950 missiles livrés en 2025 au lieu de 1 550 initialement prévus.

c.   Des objectifs ambitieux de préparation opérationnelle

À juste titre, le rapport annexé souligne que l’atteinte d’un modèle d’armée à la hauteur de nos ambitions et soutenable dans la durée, enjeu majeur de la loi de programmation militaire, « repose sur la consolidation de lactivité, gage defficacité des forces en opérations ».

i.   Une préparation opérationnelle aujourd’hui inférieure de 10 % en moyenne aux objectifs

Comme le montre le tableau ci-après, le niveau de préparation opérationnelle des forces s’est nettement érodé depuis quelques années, pour des raisons tenant :

‒ de façon chronique, à l’insuffisance des crédits nécessaires au fonctionnement des équipements nécessaires à l’entraînement ;

‒ de façon plus conjoncturelle, au manque de temps disponible, notamment au sein de la force opérationnelle terrestre depuis le déclenchement de l’opération Sentinelle en 2015 jusqu’à l’achèvement en 2017 des recrutements supplémentaires décidés par l’actualisation de la LPM de 2013.

Niveau de réalisation des activités et de l’entraînement

 

objectif

2014

2015

2016

2017

2018
(objectif)

Armée de terre

 

 

 

 

 

 

Journées de préparation opérationnelle par homme

90

84

64

72

81

70 à 80

Heures de vol par pilote d’hélicoptère

180

156

156

154

164

180

Marine nationale

 

 

 

 

 

 

Jours de mer par bâtiment

100

83

91

92

96

99

dont bâtiments de premier rang

110

92

104

107

105

108

Heures de vol par pilote de chasse

180

136

193

230

180

180

dont pilote qualifié « nuit »

220

194

236

263

220

220

Heures de vol par pilote d’hélicoptère

220

218

218

224

218

220

Heures de vol par pilote de patrouille maritime

340

360

336

348

345

340

Armée de l’air

 

 

 

 

 

 

Heures de vol par pilote de chasse

180

153

154

163

164

173

Heures de vol par pilote de transport

320

235

239

220

242

302

Heures de vol par pilote d’hélicoptère

200

174

159

164

170

194

Source : ministère des Armées.

ii.   Un effort programmé en faveur de l’activité des armées

La programmation proposée vise à redresser le niveau d’activité des forces en deux temps :

‒ jusquen 2022, un temps de stabilisation de lactivité à son niveau actuel, avec un effort consenti en faveur de la régénération des matériels, une priorité donnée à une préparation opérationnelle ciblée sur les engagements permanents (notamment au titre des fonctions « dissuasion » et « protection ») et sur la conduite des opérations en cours ;

‒ puis une progression permettant datteindre les objectifs en 2025, dont le ministère des Armées précise qu’elle vise notamment « la reconquête de lensemble des savoir-faire du “haut du spectre” ».

Soulignant que « lactivité opérationnelle des forces est un facteur clé de lefficacité et de la crédibilité de nos armées, qui contribue au moral du personnel, à lattractivité du métier des armes et in fine à la fidélisation », le rapport annexé au projet de LPM reprend pour l’essentiel les objectifs existants pour la marine et l’armée de l’air, mais fixe pour l’armée de terre de nouvelles normes de préparation opérationnelle, plus ambitieuses :

‒ 90 journées de préparation opérationnelle (JPO) par homme, hors opérations extérieures et intérieures ;

‒ 115 heures d’entraînement par équipage de char Leclerc ;

‒ 130 heures d’entraînement par équipage de VBCI ;

‒ 1 100 kilomètres par équipage de VAB ou de Griffon ;

‒ 100 heures d’entraînement par équipage d’AMX 10 RCR ou de Jaguar ;

‒ 110 coups tirés par équipage de canon CAESAR ;

‒ 200 heures de vol par pilote de l’ALAT, et 220 pour les forces spéciales.

On soulignera que, contrairement aux LPM et 2008 et de 2013, les indicateurs retenus pour mesurer et planifier la préparation opérationnelle des forces terrestres ne connaissent apparemment pas de changement fondamental de concept ou de périmètre, ce qui facilite les comparaisons sur le temps long. On relèvera à cet égard que si l’objectif général demeure fixé à 90 JPO, un effort est fait en faveur de l’entraînement des pilotes de l’ALAT, l’objectif passant de 180 heures de vol à 200 heures.

Le rapport annexé ajoute que ces objectifs sont complétés « par des indicateurs qualitatifs, spécifiques à chaque armée et segments capacitaires ». Il précise que ces objectifs porteront aussi sur l’activité « dans des environnements interarmes, interarmées et interalliés complexes correspondant aux scénarios des opérations actuelles et prévisibles ».

De plus, les armées continueront à avoir recours à la simulation opérationnelle, principalement pour la préparation opérationnelle du combattant ‒ y compris la formation et l’entraînement, virtuel et réel, du personnel et des états-majors ‒ et l’appui aux opérations. Elle revêt trois aspects principaux :

‒ la simulation virtuelle, consistant à placer des personnels dans un environnement simulé ;

‒ la simulation constructive, dans laquelle des personnels simulés exploitent des systèmes virtuels et des moyens simulés ;

‒ la simulation dite « instrumentée », c’est-à-dire mettant en jeu des personnels réels dotés de moyens réels, enrichis de systèmes de réalité augmentée et de moyens virtuels.

La simulation permet à la fois d’économiser le potentiel des équipements réels et de tester des scénarios plus risqués, sans pour autant se substituer à la préparation opérationnelle et à l’appui aux opérations qu’elle complète. Elle permet également d’entraîner plus régulièrement le personnel et les états-majors des différents niveaux (stratégiques, opératifs et tactiques), dans un environnement spécifique que seuls des moyens de simulation peuvent fournir.

La simulation est appelée à se développer sous l’empire de la prochaine LPM, avec notamment :

‒ l’intégration de moyens de simulation embarquée dans les nouveaux programmes d’équipement, comme ceux de l’opération SCORPION, le système de drone aérien de la marine (SDAM), le futur avion de patrouille maritime, AVSIMAR, peut-être le standard F4 du Rafale,

‒ l’évolution des simulateurs existants, à l’image du simulateur EDITH de l’ALAT, qui connaîtra sa quatrième version ;

‒ des moyens nouveaux de simulation, comme CERBERE pour le centre d’entraînement aux actions en zone urbaine (CENZUB) dès 2019 et le centre d’entraînement tactique (CENTAC) en 2021, ou le renouvellement des capacités de simulation de tir avec le programme interarmées SINETIC, ou encore la dotation de l’armée de l’air à partir de 2023 en moyens de simulation hybride dits LVC (pour Live, Virtual & Constructive).

Enfin, la mise en réseau des sites équipés de dispositifs de simulation est prévue, soit au titre de la cohérence d’ensemble de la simulation par milieu, soit au travers de l’opération d’armement ORCUS, validée en mai 2017, qui vise :

‒ une interopérabilité accrue des moyens de simulation par armée et dans dix-huit domaines interarmées, sur la base d’un référentiel commun d’interopérabilité mis en œuvre dès la phase d’orientation de chaque programme ;

‒ une interconnexion accrue des simulateurs interarmées distants, rendue possible par l’augmentation du débit des réseaux numériques et une gestion rigoureuse des vulnérabilités et des différents niveaux de sécurité.

La mise en œuvre du programme ORCUS commencera en 2021 et permettra de réaliser des exercices de simulation à une échelle plus large, notamment interarmées et interalliés, grâce à l’application de normes de l’OTAN.

d.   Une priorité affichée en faveur de l’entretien des équipements

Un axe d’effort majeur visant à donner corps à l’ambition de placer la LPM « à hauteur d’homme » porte sur le maintien en condition opérationnelle. Il s’agit de garantir la capacité des armées à s’engager et à durer en opération en assurant à chaque combattant les moyens suffisants pour s’entraîner et maintenir ses savoir-faire opérationnels. Afin de répondre à ces impératifs, un effort marqué est porté à la fois sur l’atteinte des objectifs de disponibilité et sur la reconstitution du potentiel technique des équipements. À cet effet, le MCO bénéficiera d’une augmentation régulière des ressources financières qui lui sont affectées, complétée d’un important plan de modernisation.

i.   Une situation dégradée, notamment pour les matériels aéronavals

Le tableau ci-après présente les taux de disponibilité technique opérationnelle (DTO) des principales catégories d’équipements. Pour les matériels aéronautiques, ces taux sont particulièrement bas ‒ aux alentours de 44 % ‒ et ne progressent pas.

Niveau de la disponibilité technique opérationnelle

(en %)

Matériels

2014

2015

2016

2017

Évolution 2014/2017

Objectif 2018

Évolution 2017/2018

Armée de terre

 

 

 

 

 

 

 

char Leclerc

82

93

83

100

22,0%

96

-4,0%

AMX 10 RCR

46

70

66

74

60,9%

72

-2,7%

VAB

57

74

77

75

31,6%

73

-2,7%

VBCI

74

86

83

75

1,4%

75

0,0%

pièces d’artillerie de 155 mm

53

78

82

85

60,4%

75

-11,8%

Hélicoptères de manœuvre

45

42

42

50

11,1%

58

16,0%

Hélicoptères d’attaque et de reconnaissance

59

59

59

62

5,1%

66

6,5%

Marine nationale

 

 

 

 

 

 

 

Porte-avions

92

90

95

21

-77,2%

31

47,6%

SNA

69

73

89

70

1,4%

88

25,7%

autres bâtiments

79

72

76

79

0,0%

80

1,3%

Trame frégates

61

58

51

53

-13,1%

53

0,0%

Aviation de chasse embarquée

60

77

73

67

11,7%

67

0,0%

Hélicoptères

53

55

59

54

1,9%

55

1,9%

Avions de guet aérien, de patrouille et de surveillance maritime

50

54

57

55

10,0%

56

1,8%

Armée de l’air

 

 

 

 

 

 

 

Avions de combat

88,5

86

92

93

5,1%

96

3,2%

Avions de transport tactique

69

68

61

74

7,2%

80

8,1%

Avions d’appui opérationnel

86

93

86

90

4,7%

93

3,3%

Avions à usage gouvernemental

100

100

104

100

ns

95

-5,0%

Hélicoptères de manœuvre et de combat

81

76

74

80

-1,2%

85

6,3%

Source : projet annuel de performances de la mission « Défense » annexé au projet de loi de finances pour 2018.

Il faut cependant ajouter que ces moyennes recouvrent d’importantes disparités entre, d’une part, les matériels engagés en OPEX, dont la DTO est élevée ‒ de l’ordre de 80 % pour les hélicoptères – et, d’autre part, les matériels restant en France, moins prioritaires pour les efforts d’entretien programmé du matériel (EPM). Surtout, certaines flottes, mêmes modernes, ont des taux de DTO particulièrement peu satisfaisants : 26 % en 2017 pour l’hélicoptère Tigre, 24 % pour les Cougar rénovés et les Caracal, 30 à 37 % pour les NH 90 Caïman selon les armées, et pas plus de 18 % pour les C130.

Cette situation crée d’autant plus de difficultés qu’elle risque non seulement de limiter le volume de forces disponibles pour la mise en œuvre des contrats opérationnels, mais qu’elle restreint aussi le nombre d’appareils disponibles pour l’entraînement et la qualification des pilotes, réduisant ainsi le « vivier » de ceux qui sont aptes à être engagés en opérations.

ii.   Des causes financières, mais aussi organisationnelles

Il est généralement admis que lentretien programmé des matériels aéronautiques a été chroniquement sous-financé, notamment sous l’empire des deux précédentes LPM. Mais en 2015, l’actualisation de la programmation a consacré 500 millions d’euros supplémentaires à l’entretien prévu pour les matériels de la défense. Ainsi, le sous-financement du MCO ne suffit pas à expliquer la faible disponibilité de nombre de matériels, notamment aéronautique.

La ministre des Armées a lancé en septembre 2017 une mission d’audit stratégique sur le MCO aéronautique confiée à M. Christian Chabbert. Le rapport d’audit, remis au dernier trimestre 2017, a notamment mis en exergue la complexité de la gouvernance de la chaîne de MCO, qui explique une large partie du manque de performance de la maintenance aéronautique.

Le « rapport Chabbert » a ainsi recensé les trop nombreuses interfaces dans cette chaîne, génératrices d’une augmentation des coûts et de délais. Il a mis en évidence une insuffisante responsabilisation des acteurs du MCO aéronautique et a souligné que les travaux des industriels et des forces n’étaient pas toujours ordonnés par la même logique de performance, ce qui est d’autant plus regrettable que les besoins opérationnels sont très importants. Enfin, il a rappelé la nécessité pour le MCO des armées de ne pas « passer à côté » de la transformation numérique de l’industrie. Le ministère des Armées fait valoir que ce rapport reconnait néanmoins que cette situation n’est pas inéluctable, le ministère pouvant s’appuyer sur un personnel « très compétent et très motivé ».

iii.   Un plan de réforme du MCO

Le rapport annexé consacre de longs développements à la réforme du système de MCO, qui doit contribuer à « garantir un niveau de disponibilité des matériels des armées » qui soit « compatible avec la préparation et la réalisation des missions ».

L’organisation du MCO, assez complexe, a été réformée en 2012 suivant une « approche par milieu » et non par armée. La responsabilité du MCO de l’ensemble des matériels propres à chaque « milieu » est cependant déléguée à un chef d’état-major d’armée, sous l’autorité duquel est placée une structure interarmées de MCO. Il s’agit du service de soutien de la flotte (SSF) pour le milieu marin, de la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (SIMMT) pour le milieu terrestre et de la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère la Défense (SIMMAD) pour le milieu aérien. Ainsi, après les premières années de MCO d’un matériel ‒ dit « MCO initial » ‒ pour lequel les prestations d’entretien sont incluses dans le cadre des contrats passés par la DGA, la chaîne de MCO comprend les responsables suivants :

‒ comme maîtres d’ouvrage, à savoir les états-majors d’armée, compétents pour l’expression des besoins des unités opérationnelles ;

‒ en tant que maîtres d’ouvrage délégués, les trois structures  interarmées précitées, chargées de planifier et de coordonner les opérations de MCO, ce qui consiste notamment à négocier les contrats et passer les commandes ;

‒ les maîtres d’œuvre industriels, qui se répartissent entre entreprises (privées ou publiques) et services en régie, tels que le service logistique de la marine (SLM), le service de la maintenance industrielle terrestre (SMITer) et le service industriel de l’aéronautique (SIAé). Ces maîtres d’œuvre réalisent les diverses prestations de MCO (fournitures de services et de pièces de rechange, opérations d’entretien et de réparation).

Le rapport annexé annonce une réforme de cette organisation, « en particulier dans le domaine de la gouvernance ». Il prévoit aussi à ce titre un renouvellement des systèmes d’informations techniques et logistiques, une rationalisation de la chaîne d’approvisionnement (supply chain) et souligne la « place croissante » des nouvelles technologies dans le MCO, citant la numérisation, la robotisation, l’impression 3D, le big data, la fusion de données et le développement de la maintenance prédictive.

Suivant les recommandations du « rapport Chabbert », une réforme du MCO aéronautique a été annoncée par la ministre des Armées. Selon les explications du ministère, cette réorganisation vise à supprimer des « interfaces inutiles », à « aligner les acteurs dans une logique de performance », et à « fixer des responsabilités globales de bout en bout et sans dilution ».

Cette réforme se traduit par la création d’une direction de la maintenance aéronautique (DMAé), « direction exécutive et maîtrise d’ouvrage déléguée du MCO aéronautique », par délégation du chef d’état-major des armées lui-même, et non plus du chef d’état-major de l’armée de l’air. Elle reprend les attributions de la SIMMAD. Une structure de préfiguration a d’ores et déjà été mise sur pied, et l’essentiel de la réforme doit être achevé au premier semestre 2018.

Les travaux de MCO, qu’ils soient effectués par les services en régie ou des industriels, seront coordonnés par un maître d’œuvre unique. Selon les précisions du ministère, il sera fait « plus systématiquement » recours à des « plateaux État‒industrie » et à des « guichets logistiques » sur les bases aéronautiques. Ce regroupement des responsabilités est présenté comme un mouvement de « verticalisation » et de « globalisation » des contrats. Elle sera mise en œuvre en premier lieu pour certaines flottes critiques et, de façon générale, pour les contrats arrivant à échéance dans les dix-huit prochains mois. Ainsi, la DMAé généralisera le recours à des contrats de soutien « longs et globaux » confiés, pour chaque flotte, à un maître dœuvre principal qui sera « responsabilisé de bout en bout ».

Dès 2016, l’état-major de l’armée de terre a élaboré et mis en œuvre pour la SIMMT un « plan de transformation MCO-T 2025 » qui poursuit deux buts :

‒ préparer le MCO des équipements de « génération SCORPION » ;

‒ distinguer clairement, d’une part, la maintenance opérationnelle, qui fait l’objet d’un « pilier » nouveau dans l’organisation de l’armée de terre avec la création d’un « commandement de la maintenance des forces » et, d’autre part, la maintenance industrielle, décrite comme reposant toujours sur le service de la maintenance industrielle terrestre (SMITer) mais pour laquelle est envisagé un recours accru au secteur privé.

Ainsi, pour chaque parc de matériels, une stratégie de MCO définira la répartition entre maintenances industrielles étatique et privée, en fonction du volume du parc considéré, de son caractère structurant pour les capacités de production, de son ancienneté de service, de la fréquence de projection et de la nécessaire résilience du SMITer.

Le SMITer aura ainsi pour mission de concentrer ses efforts sur les parcs fortement employés, d’acquérir les compétences nécessaires au MCO des nouveaux parcs, de conserver quelques compétences aussi pour les parcs dont le MCO sera confié au secteur privé, et de conserver la maîtrise des opérations de maintenance industrielle de l’armement de petit comme de gros calibre.

En parallèle, la politique contractuelle avec les acteurs de la maintenance industrielle privée favorisera le recours aux marchés globaux, y compris pour des services et des pièces concernant plusieurs parcs, en cherchant à nouer des relations étroites de partenariat. La durée des marchés sera allongée, l’État veillant toutefois à conserver souplesse, flexibilité et évolutivité dans ses liens contractuels. Enfin, le recours à des centrales d’achats sera favorisé, pour réduire à la fois les coûts et les délais.

Le MCO naval paraît donner satisfaction, davantage en tout cas que le MCO aéronautique. Selon le président-directeur général de Naval Group, le « modèle complètement intégré » de MCO naval est d’environ 30 % moins coûteux que celui des autres marines européennes et offre environ 30 % de disponibilité de plus à la flotte, comme en témoigne le nombre de jours de mer élevé de nos bâtiments.

Aux yeux du rapporteur, il convient dès lors de veiller à ce que l’investissement supplémentaire dans le MCO aéronautique ne se fasse au détriment du MCO naval.

iv.   Des crédits supplémentaires pour l’entretien programmé des matériels

Selon le ministère des Armées, les besoins de financement du MCO pendant la période de programmation militaire 2019‒2025 s’établissent comme le montre le tableau ci-après. Le ministère précise que ces besoins sont couverts par les ressources programmées jusqu’en 2023 par l’article 3 du projet de loi.

Ces ressources sont nettement plus élevées que celles de la LPM 2014‒2019, qui s’établissaient en moyenne à 3,41 milliards d’euros et, en 2018, à 3,88 milliards d’euros.

besoins de crÉdits d’entretien programmé du matériel
pendant la période de programmation militaire 2019‒2025

(en millions d’euros)

 

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Total
2019‒2025

Armée de terre

1 017

936

988

1 051

1 228

1 382

1 540

8 143

Marine nationale

1 453

1 466

1 519

1 607

1 881

2 116

2 358

12 399

Armée de l’Air

1 663

1 549

1 636

1 778

2 054

2 311

2 575

13 567

DIRISI (1)

41

44

48

65

74

74

77

423

SIMu (2)

6

6

6

6

11

10

6

53

Total

4 180 (3)

4 000

4 198

4 508

5 247

5 893

6 558

34 584

(1) direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information ; (2) service interarmées des munitions ; (3) le ministère des Armées précise que ce total intègre 375 millions d’euros de crédits supplémentaires prévus à titre exceptionnel par l’actualisation de la LPM 2014‒2019 au titre d’une opération « EPM régénération » ponctuelle.

Source : ministère des Armées.

Selon les précisions du ministère, ces ressources serviront de façon prioritaire à :

‒ financer la consolidation de l’activité des forces, en vue d’atteindre les objectifs fixés pour leur préparation opérationnelle ;

‒ remettre en état et les parcs les plus sollicités en OPEX ;

‒ reconstituer les stocks de rechanges.


—  1  —

III.   Une programmation de modernisation, s’inscrivant dans la prÉparation de l’avenir

Loin de les présenter comme concurrents, le rapport annexé souligne la complémentarité entre deux axes directeurs de la stratégie qui sous-tend le présent projet de loi :

‒ « réduire les impasses capacitaires » consenties par la précédente LPM ;

‒ moderniser les équipements de nos armées « de manière accélérée ».

Le renouvellement de ces capacités doit ainsi permettre de répondre aux besoins opérationnels immédiats en même temps qu’il permettra de faire face aux engagements futurs. Outre l’intensification d’opérations d’armement trop longtemps rabotées et repoussées, cet effort de préparation de l’avenir passe aussi par un investissement accru dans la recherche et développement (R&D), que prévoit le projet de loi.

A.   Une progression significative de l’effort de recherche et dÉveloppement de dÉfense

1.   L’évolution des crédits d’études amont

Les études amont ont pour objectif la satisfaction d’un besoin militaire prévisible et préparent la réalisation des futurs systèmes de défense. Les échéances d’application de ces travaux se situent entre deux et quinze ans et leur application opérationnelle n’est de ce fait pas toujours connue initialement, une partie significative des études étant par ailleurs de nature transverse avec des retombées potentielles dans plusieurs systèmes et milieux. Les études amont fournissent des briques matures exploitées par l’industrie dans le cadre d’opérations d’armement et participent à ce titre à l’autonomie stratégique, par leur contribution au développement et au maintien de la BITD nationale.

Le budget qui leur est consacré comprend également diverses mesures de soutien à la recherche de défense et à l’innovation duale.

a.   Un budget jusqu’à présent tout juste suffisant

Au cours de la précédente législature, le niveau des crédits consacrés aux d’études amont a été maintenu à une moyenne annuelle de 730 millions deuros. Bien que ce montant ait été estimé quasiment unanimement insuffisant, il convient de rappeler qu’il a toutefois représenté un progrès notable. En effet, les crédits annuels furent de l’ordre de 650 millions d’euros entre 2009 et 2012, avec un point bas à 633 millions d’euros en 2012.

Ces 730 millions annuels ont constitué un rattrapage nécessaire et salutaire sans toutefois apporter les moyens indispensables à l’ensemble de la recherche de défense dans le cadre des études amont. Ainsi la DGA a-t-elle dû hiérarchiser les domaines de recherche et faire des choix. Les études dans les domaines des systèmes terrestres et des munitions, du combat naval et de la lutte sous la mer, des hélicoptères, de la santé et du NRBC, des communications et des systèmes d’information et de communications ont dû, par manque de moyens, être réduites au strict minimum. Ce budget n’a pas non plus permis à la DGA de disposer d’autant de démonstrateurs, particulièrement coûteux, qu’il eût été souhaitable, ce qui a pu représenter un frein à l’intégration de certaines technologies innovantes.

b.   Une réévaluation très attendue

Des voix se sont élevées depuis des années face au risque de décrochage inhérent à la faiblesse des budgets d’études amont. L’ancien député Yves Fromion, membre de la commission de la Défense, plaidait déjà en 2005 ([100])pour un montant d’un milliard d’euros, alors que le budget consacré aux études amont était de 447 millions d’euros en 2004 et de 549,7 millions d’euros en 2005.

La revue stratégique a bien identifié les travaux amont comme déterminants pour l’avenir de notre défense et de notre autonomie.

« La préparation de l’avenir est un facteur clé du maintien de l’excellence de notre BITD, garante de la supériorité technologique et de l’autonomie stratégique de la France. En effet, consentir des financements importants aux travaux amont garantit la capacité de notre industrie à maintenir son positionnement sur la scène internationale et à maîtriser les technologies dont les forces auront besoin face à lévolution des menaces. Cette maîtrise technique est par ailleurs nécessaire à la construction de coopérations équilibrées où la France peut légitimement influer, voire revendiquer un leadership.

Dans un contexte d’incertitude sur l’environnement stratégique et d’évolution permanente de la menace, le maintien de l’ambition de couvrir tous les domaines industriels et techniques devient plus prégnant et requiert laugmentation du niveau des ressources budgétaires dédiées à la S&T (science, recherche, technologie et innovation).

Cet effort financier permettra de continuer à investir dans les technologies les plus longues et coûteuses à maîtriser, spécifiques au domaine de la défense (hypervélocité, amélioration et fusion des senseurs, furtivité active…).

Il rendra également possible une démarche exploratoire accrue dans les domaines technologiques porteurs de ruptures et issus du domaine civil (intelligence artificielle, robotique et autonomie décisionnelle, mise en réseau des systèmes, nouveaux matériaux, biotechnologies…). Des démonstrateurs d’envergure permettront de mieux préparer la prochaine génération de systèmes et d’équipements, aptes à conférer la supériorité opérationnelle et à assurer de futurs succès à l’export, dans un contexte de compétition exacerbée.

Par ailleurs, cette démarche de préparation du temps long devra être complétée par une politique globale de soutien à linnovation afin d’identifier, de générer, de capter, d’expérimenter et de soutenir les technologies du temps court, puis de les intégrer de manière réactive dans les systèmes d’armes. »

Source : Revue stratégique de défense et de sécurité nationale 2017, p. 70.

La LPM prend enfin la mesure de l’enjeu et traduit cette ambition en consacrant un milliard d’euros aux études amont dès 2022. La trajectoire prévisionnelle des ressources dévolues aux études amont et au soutien à l’innovation est la suivante :

(en millions d’euros courants)

Ressources

2019

2020

2021

2022

Total

762

832

901

1 000

Source : ministère des Armées, réponse au questionnaire du rapporteur.

c.   L’orientation de ce budget

Le programme des études amont est révisé tous les deux ans et fondé sur une segmentation de la recherche scientifique et technologique par agrégats sectoriels présentant une cohérence en termes d’objectifs capacitaires, industriels et technologiques. Il sera détaillé dans le « Document d’Orientation de la science et technologie » (DOST), soumis à l’approbation de la ministre des Armées.

Le ministère est néanmoins en mesure d’indiquer ([101]) que, durant la période 2019-2025, les priorités en matière de travaux de maturation des technologies spécifiques au domaine de la défense porteront en particulier sur :

– le système de combat aérien futur, en portant notamment à maturité les technologies concernant l’intégration système, la guerre électronique, la discrétion et les capacités d’observation et de détection et les missiles de croisière ;

– la préparation du renouvellement des deux composantes de la dissuasion et du porte-avions ;

– les futurs systèmes terrestres et leur mise en réseau (successeur du char Leclerc, artillerie du futur…) ;

– la survivabilité et l’autoprotection des aéronefs ;

– la poursuite des efforts déjà consentis au cours de la LPM précédente, notamment dans les domaines du renseignement et de la cyberdéfense.

Les démonstrateurs, qui permettent de valider les performances par des essais dans un environnement physique représentatif des conditions d’emploi envisagées et de lever ainsi tout ou partie des risques, devraient être plus nombreux. Dans le cadre de la réorganisation de la DGA, la gouvernance des études amont sera revue afin de capter plus rapidement les innovations.

Les différents dispositifs de soutien à l’innovation sont évoqués plus avant.

2.   Grandes orientations et autonomie nationale

a.   Le lancement des études relatives futur porte-avions, successeur du Charles de Gaulle

La revue stratégique de défense et de sécurité nationale 2017 l’a affirmé sans ambiguïté : « Le maintien de la supériorité aéromaritime implique de préparer le renouvellement du groupe aéronaval. » ([102])

Le projet de LPM confirme cette ambition, le rapport annexé précisant que « Les études seront […] initiées pour définir, au cours de cette LPM, les modalités de réalisation dun nouveau porte-avions. »

Le rapporteur ne reviendra pas sur l’intérêt politique, diplomatique et militaire que constitue la possession d’un porte-avions ([103]), il se bornera à rappeler les principaux points que ces études devront trancher.

Le premier a trait au type de propulsion qui sera retenu, nucléaire ou classique. Le Charles de Gaulle, comme les porte-avions américains, est propulsé par l’énergie nucléaire qui assure endurance et autonomie. Les Britanniques ont, pour leur part, fait le choix d’une propulsion classique réalisée par des turbines à gaz pour leurs nouveaux porte-aéronefs, les HMS Queen Elizabeth et Prince of Wales. Au-delà de la seule propulsion, ces différentes sources d’énergie servent, le cas échéant, à faire fonctionner le système de catapultage de l’aviation embarquée.

La nature de ce système constitue le deuxième enjeu majeur pour les futures études. Deux modes sont envisageables : soit le maintien d’un système de catapultage à vapeur, soit le passage à un système de catapultes électromagnétiques EMALS ([104]), à l’image du saut technologique opéré par la marine américaine pour sa nouvelle classe de porte-avions. S’il présente des caractéristiques opérationnelles intéressantes et est réputé moins complexe à entretenir, il s’agit d’un système très consommateur en énergie et qui suppose donc de disposer, au sein de la plateforme, d’importantes capacités de stockage pour qu’il puisse être mis en œuvre de façon neutre pour le fonctionnement général du porte-avions.

Le troisième enjeu majeur a trait à la physionomie de la future chasse embarquée, à son format en termes quantitatifs comme aux caractéristiques des aéronefs (poids, taille, armement), lesquels conditionneront le design et l’organisation de la plateforme et de ses installations (pont d’envol, hangars, etc.). De fait, les études relatives au successeur du Charles de Gaulle seront également liées à l’évolution du programme de système de combat aérien futur (SCAF). L’éventuel embarquement de drones sera également déterminant pour la conception générale du navire.

Au-delà des enjeux opérationnels, il convient de ne pas négliger les enjeux industriels, avec en particulier la question du maintien des compétences critiques après l’achèvement du récent arrêt technique majeur, qui nécessitera un flux d’études à relativement court terme sur plusieurs sujets :

‒ le catapultage des aéronefs, spécialité pour laquelle la population d’experts est à la fois extrêmement réduite et vieillissante ;

‒ les chaufferies nucléaires, qui n’ont pas fait l’objet de travaux d’architecture majeurs depuis quinze ans ;

‒ les installations d’aviation en général, notamment pour la cohabitation entre avions pilotés et drones.

À ce stade, le coût des études financées au titre du programme 146 a été provisionné à hauteur de 152 millions d’euros. Ce coût sera déterminé plus finement et consolidé avant le lancement des premières orientations à l’horizon 2022.

3.   Un effort indispensable pour maîtriser les technologies nécessaires à nos futures capacités souveraines

L’effort consenti en faveur de la recherche et développement (R&D) de défense doit permettre à la fois de soutenir les laboratoires français dans la maîtrise des technologies de rupture ‒ dont les progrès suivent aujourd’hui un rythme particulièrement soutenu ‒, et de pourvoir à la totalité des études nécessaires au développement des grands programmes de l’après-2030, pour ceux qu’il n’est pas envisagé de conduire en coopération.

a.   Les grandes orientations de l’effort de R&D nécessaire pour que la France maintienne son rang technologique

L’un des objectifs qui s’attachent, selon le rapport annexé, à l’effort en faveur des crédits d’études amont consiste à assurer la maîtrise, par la BITD française, des technologies de rupture utiles à la défense afin de favoriser l’innovation. À cet égard, on relèvera que ce document analyse l’innovation sous deux angles complémentaires :

‒ l’innovation technologique en elle-même ;

‒ l’innovation d’usage, qui renvoie à des emplois nouveaux de technologies déjà existantes pour l’essentiel.

i.   Le soutien à l’innovation technologique

S’agissant du soutien aux développements technologiques de la BITD, le rapport annexé présente deux axes d’efforts :

‒ « maintenir linvestissement » dans la maturation des « briques » technologiques spécifiques au secteur de la défense, « afin de préparer la prochaine génération de systèmes et déquipements » appelés à entrer en service dans les forces « à lhorizon 2030‒2050 » ;

‒ « mieux investir » dans l’innovation de rupture et de supériorité opérationnelle ; le rapport énumère, de façon vraisemblablement non exhaustive, ces technologies de rupture intéressant la défense, citant la robotique, l’intelligence artificielle, la génération d’énergie, l’hyper-vélocité, la furtivité, la cybernétique, l’espace, le traitement de l’information, ou encore les drones.

C’est à ce titre que la DGA « conduit un travail permanent dévaluation des compétences actuelles et futures » nécessaires à la réalisation des équipements de défense et à leur maintien à jour par rapport aux progrès rapides des technologies les plus avancées. Comme le souligne le rapport annexé, « lobjectif est de maintenir un haut niveau dexcellence mondiale des compétences accessibles ou maîtrisées par lindustrie française », afin d’être en mesure de développer de nouvelles technologies et de nouveaux types d’armements intégrant les évolutions récentes observées dans les domaines comme.

En effet, le plan de développement technologique sous-tendant le rapport annexé mise sur l’intégration de « technologies innovantes adaptées » pour garantir la supériorité opérationnelle de nos équipements militaires. Il cite particulièrement « lautonomisation des systèmes » comme un « axe important de modernisation et dinnovation des capacités ». À ce titre, les programmes de drones aériens ‒ que ce soit le drone MALE européen ou le système de drone aérien de la marine (SDAM) ‒, le système de guerre des mines futur (SLAMF) ou les robots terrestres qui seraient intégrés à la « bulle aéroterrestre » « apporteront des concepts entièrement nouveaux fondés sur la collaboration entre des plateformes et des systèmes de drones ». Comme l’ont expliqué l’ensemble des industriels de la défense entendus par la commission et par le rapporteur, l’avenir semble être au développement de « systèmes de systèmes », c’est-à-dire de plateformes, pour certaines autonomes (des drones), interconnectées en permanence et opérant ainsi de concert.

Assurer une place de premier rang à la R&D française dans cet horizon de développements technologiques constitue un défi incompatible avec des ruptures de charge dans les bureaux d’études d’importance stratégique, qui entraîneraient des pertes de compétences « irréversibles » et auraient « des répercussions durables ».

En effet, non seulement investir dans ces développements technologiques paraît indispensable pour garantir la supériorité opérationnelle de nos systèmes d’armes, mais il en va aussi de notre potentiel d’exportation. Comme l’ont d’ailleurs rappelé plusieurs industriels devant la commission, l’exportation bénéficie indirectement ‒ mais très nettement ‒ à l’État, dans la mesure où elle permet aux industriels français d’amortir les coûts de développements des matériels militaires ‒ lesquels vont d’ailleurs croissant avec la sophistication technologique des équipements. C’est pourquoi le rapport annexé fait valoir que le portefeuille des armements que la BITD proposera à l’exportation sera « très largement renouvelé grâce aux investissements consentis au cours de cette LPM », comme les programmes Rafale F4, FTI et MICA NG.

ii.   Le soutien à l’innovation d’usage

Le rapport annexé met l’accent sur l’innovation d’usage, ce qui constitue une nouveauté de ce projet de loi. Pour les armées, elle peut constituer soit à adopter une technologie civile disponible, soit à trouver un usage différent des équipements que possèdent déjà les armées.

Pour le premier cas, le projet de loi indique que la DGA mettra en œuvre des mesures visant à « capter en cycle court linnovation issue du marché civil », en tirant partie de la révolution numérique. Il précise que cette démarche s’appuiera largement sur la construction d’un « écosystème dinnovation, interne au ministère des armées et connecté avec les écosystèmes dinnovation civils ».

Tel est notamment l’objet de l’« Innovation Défense Lab » (iDLab), appelé à remplacer le « défense Lab » de la DGA, lui-même issu d’un forum constitué autour du programme de système d’information des armées (SIA) sous le nom de SIA Lab. L’encadré ci-après présente iDLab.

L’« Innovation DÉfense Lab »

L’« Innovation Défense Lab » sera une structure du ministère des Armées, offrant des services aux armées, directions et services du ministère pour développer des projets innovants. Il aura pour mission d’« interconnecter » les différents « Labs » existants (notamment le DGA Lab, l’Armées Lab et le SGA Lab) « dans un esprit de subsidiarité ». Le ministère des Armées précise que « cette fédération permettra la mutualisation des outils et moyens requis par tous les Labs spécifiques : gestion de communauté, design thinking, tiers-lieu, achat rapide de maquettes, etc ».

Le ministère des Armées présente les missions de cet organisme d’une façon résolument inspirée par le vocabulaire des start-ups :

‒ « expérimenter et tester », c’est-à-dire « manipuler des matériels existants ou adaptés » et tester des idées et des schémas opérationnels pour « contribuer à faire émerger linnovation dusage ». Le rôle de l’iDLab sera « dêtre instigateur ou coordinateur des tests », c’est-à-dire d’acquérir des prototypes « de façon radicalement plus rapide quactuellement », de proposer des prestations de soutien au test et d’en organiser un retour d’expérience. Il « travaillera également à la fluidification de lexpérimentation “terrain” du ministère », afin de « mettre en relation lidée avec son utilisateur final » et, ce, « dans un temps court » ;

‒ organiser des évènements, tels des conférences et des démonstrations de produits, étant précisé que l’iDLab aura une « fonction “ateliers de co-working » et servira aussi, « par son tiers-lieu colocalisé, de “show-room” ministériel » ;

‒ « mettre en réseau les intrapreneurs et les innovateurs, en favorisant le coworking », de façon à soutenir « lintrapreneriat » au sein du ministère.

Sources : ministère des Armées.

b.   La maîtrise des technologies clés pour la supériorité opérationnelle de nos grands systèmes d’armes « souverains » de l’après-2030

Selon les indications du ministère des Armées, les priorités d’investissement en R&D de la DGA pour la période 2019‒2025, en matière de travaux de maturation des technologies spécifiques au domaine de la défense, porteront en particulier sur la préparation du renouvellement des deux composantes de la dissuasion et du porte-avions.

Les crédits de recherche du ministère des Armées financeront l’intégralité des études nécessaires au renouvellement des deux composantes de la dissuasion.

Les crédits d’études amont du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » financeront la poursuite des études de développement du remplaçant de l’ASMPA, le missile air-sol nucléaire de quatrième génération (ASN 4G).

En effet, ce programme a déjà fait l’objet de deux programmes d’études amont, appelés Prométhée et Camosis, qui ont permis d’évaluer notamment les techniques de protection thermique et l’ensemble aéropropulsif nécessaires pour un missile très véloce. Les études devraient être poursuivies dans le cadre d’un nouveau programme d’études amont, appelé Deucalion, qui devrait être notifié en 2018. Ces études auront pour objectif de développer et de produire à une échelle réduite un démonstrateur arme. Comme l’expliquait le rapporteur dans un précédent rapport d’information ([105]) sur les enjeux industriels et technologiques du renouvellement des deux composantes de la dissuasion, ces études doivent démontrer la faisabilité d’un vecteur hypersonique, dont la vitesse s’établirait au moins à Mach 6 ou Mach 7 ; à défaut, le missile pourrait avoir une vitesse relevant du « très haut supersonique ».

Conformément aux calendriers actuels, l’objectif consiste à disposer d’un missile pouvant être mis en service à l’horizon 2035. Les premiers tirs à partir du sol sont prévus au cours de la période de programmation, vers 2022 ou 2023. La phase de prédéfinition de l’ASN 4G sera ensuite conduite dans les dernières années de cette période ; suivra le développement du missile, jusqu’à la fabrication et la livraison du premier exemplaire de la série en 2035.

Il est acquis dès à présent que le futur missile devra pouvoir être emporté par le Rafale et que les études menées sur le développement d’un successeur de celui-ci ‒ qu’il s’agisse d’un appareil français ou de la plate-forme pilotée du SCAF ‒ intégreront la contrainte d’emport de l’ASN 4G. En effet, après des études très complètes sur les coûts directs et indirects de la fabrication d’un bombardier spécifique, la solution retenue est celle de l’emport de l’ASN 4G sous un avion de chasse. Cette option a en outre l’avantage de préserver la possibilité de mettre l’arme en œuvre à partir des appareils de l’aéronautique navale.

D’ailleurs, les études relatives au successeur du Rafale seront poursuivies au cours de la programmation militaire, comme on le verra dans les développements relatifs au système de combat aérien futur.

L’effort de R&D de défense, en matière de dissuasion sous-marine, porte à la fois sur les évolutions incrémentales des têtes nucléaires, des missiles qui en sont les vecteurs et des sous-marins qui en sont les « porteurs ».

Concernant les missiles, dans le cadre de l’approche incrémentale retenue, les différentes versions du missile M51 sont appelées à se succéder, apportant chacune de nouvelles capacités adaptées à l’état de l’art en matière de défense antibalistiques.

Concernant les études relatives au successeur du SNLE de classe Le Triomphant, appelé « SNLE de troisième génération » (SNLE 3G), il ressort des travaux du rapporteur que le SNLE actuel offre d’ores et déjà une base de travail sérieuse. Comme le soulignait le rapporteur des crédits de la dissuasion et de l’équipement des forces dans son avis précité, tout changement de génération, en matière de sous-marins, permet de traiter des obsolescences et de gagner en discrétion acoustique, d’un facteur 1 000 avec le SNLE actuel. L’isolation des éléments du navire susceptibles d’avoir un impact sur la coque ‒ et, de ce fait, d’émettre des vibrations qui le rendraient détectable ‒ conduit à développer une sorte de double coque isolante, ce qui est d’autant plus facile que le navire concerné a un tonnage élevé. Or les moyens de réduction de l’empreinte acoustique suivent une asymptote : désormais, c’est pour une amélioration infime que l’on investirait beaucoup et que le volume du bateau s’accroîtrait.

4.   Une plus grande « agilité » nécessaire face à l’évolution de plus en plus rapide des technologies

Sans entrer ici dans de longs développements descriptifs sur la « révolution numérique » ou l’innovation en général, le rapporteur souligne trois caractéristiques nouvelles qui marquent aujourd’hui le progrès technologique :

‒ le rythme des découvertes, des développements technologiques et de l’innovation est de plus en plus soutenu et, partant, correspond de moins en moins aux délais habituels des procédures d’acquisition d’armements ;

‒ l’innovation naît le plus souvent dans de petites structures, des start-up et autres PME, avec lesquelles la DGA n’entretient pas des liens de longue date comme elle peut le faire avec les grands « champions nationaux » de la BITD ;

‒ les technologies de rupture naissent et se développent aujourd’hui dans le secteur civil, alors que dans le passé, l’industrie de défense en avait souvent l’initiative, forte des commandes de l’État.

Dans ce contexte, s’approprier l’innovation devient pour le ministère des Armées un défi. Le relever suppose de stimuler un écosystème de R&D et d’innovation qui ne se limite pas aux grands groupes industriels et, pour passer du stade de la recherche à l’équipement effectif des forces, adapter les procédures d’acquisition d’équipement à cette nouvelle configuration de marché.

a.   Des efforts en faveur des start-up et des PME

i.   Des dispositifs déjà existants

Le ministère des Armées met en œuvre depuis 2009 un outil de subvention consacré exclusivement aux PME, dénommé « régime d’appui à l’innovation duale » (RAPID) et doté depuis 2013 de 50 millions d’euros de budget annuel. Ce mécanisme a en effet fait l’objet d’un investissement particulier dans le cadre du « Pacte défense PME ».

Dans le cadre de ce « pacte », le ministère a mis en œuvre des dispositifs de soutien aux PME, tant en matière de subvention directe qu’en incitant PME et grands groupes redéfinir leur modus vivendi, sous les auspices du ministre. Les représentants du Comité Richelieu ont dressé devant le rapporteur un bilan très laudatif de ce « pacte », jugeant ses résultats « exceptionnels » en ce qu’il a permis d’améliorer les rapports des PME avec les grands groupes, via des conventions bilatérales. Ces textes, secrets, engagent les « champions nationaux » en matière de respect de la propriété intellectuelle et des délais de paiement.

Le dispositif RAPID donne ainsi pleine satisfaction. Aussi, le rapporteur estime qu’à l’occasion de la hausse programmée des crédits d’études amont, les moyens consacrés à ce dispositif méritent d’être accrus dans des proportions significatives.

Le ministère des Armées et BPI-France ont lancé en novembre 2017 un fonds d’investissement, dénommé Definvest, spécialisé dans le soutien en fonds propres et « quasi fonds propres » des PME à potentiel stratégique du secteur de la défense. Les entreprises éligibles à ces apports en capitaux sont prioritairement des PME dont les innovations, connaissances ou savoir-faire sont :

‒ essentiels à la performance des systèmes de défense français ;

‒ destinés au marché d’exportation de l’industrie française.

Le fonds interviendra en co-investissement avec d’autres investisseurs du secteur privé. L’intervention pourra donc prendre la forme d’opération de capital‑risque pour les entreprises jeunes et innovantes ou de capital‑développement pour les « entreprises établies cherchant à croître ». Definvest conservera toujours une position minoritaire. Les montants investis iront de quelques milliers d’euros à quelques millions d’euros. Le budget du fonds s’établirait à une dizaine de millions d’euros par an, pendant cinq ans dans un premier temps.

Les équipes de la DGA et de BPI-France ont d’ores et déjà analysé une soixantaine de demandes et travaillent sur une dizaine de dossiers pertinents. Les premiers investissements pourraient être opérés à partir de l’été 2018.

ii.   Vers des outils supplémentaires ?

Le rapport annexé cite le dispositif RAPID au nombre des instruments de soutien des PME innovantes, dont il précise qu’ils seront « éventuellement complétés ».

Selon les précisions du ministère des Armées, un chantier de réflexion sur le thème « innovation défense » a été lancé par la ministre en novembre 2017 et devrait proposer prochainement « de nouveaux outils favorisant lexpérimentation au sein des Armées et la relation avec les start-up ».

b.   Un chantier d’adaptation des procédures d’acquisition d’armement aux caractéristiques nouvelles de l’innovation technologique

i.   Les procédures actuelles sont reconnues pour permettre une conduite robuste des opérations d’armement les plus complexes

Les procédures applicables aux opérations d’armement sont fixées par une instruction ministérielle n° 125/1516 du 26 mars 2010 ([106]), qui couvre l’ensemble des opérations d’armement.

Le processus actuel de conduite des opérations d’armement en France est reconnu pour assurer en moyenne une bonne maîtrise des coûts, des performances et des délais. Les bons résultats à l’exportation témoignent également de sa valeur, puisque les matériels exportés sont en général dérivés de ceux développés pour répondre aux besoins des armées françaises, pour des montants bien inférieurs à ceux engagés, par exemple, aux États-Unis.

ii.   Tant les besoins des forces que les évolutions du marché des technologies intéressant la défense appellent une révision des procédures d’acquisition

Dans le contexte actuel d’engagement des forces, des réponses rapides à des besoins urgents sont de plus en plus recherchées, notamment face à l’évolution de la menace et à l’érosion de nos capacités. De plus, l’évolution des technologies civiles, en particulier dans le numérique, se fait à un rythme de plus en plus soutenu, mettant les opérations d’armement au défi d’exploiter au mieux les opportunités offertes et de gérer les risques associés ‒ notamment l’obsolescence des composants intégrés aux systèmes d’arme. Il convient également de mieux maîtriser la cohérence de systèmes de plus en plus interconnectés.

Le ministère des Armées a donc jugé souhaitable de rechercher une évolution du processus de conduite des opérations darmement permettant de raccourcir les cycles et de développer les capacités dadaptation, sans pour autant compromettre les avantages que présentent les procédures actuelles, en particulier l’indispensable maîtrise des coûts.

M. Joël Barre, délégué général pour l’armement, a indiqué lors de son audition qu’un groupe de travail a été constitué au sein du ministère et en lien avec les organisations représentatives des industriels. Ces travaux aboutiront notamment à une évolution de l’instruction n° 125/1516 susmentionnée.

Le rapport annexé annonce ainsi « une réforme en profondeur de la gestion des programmes d’équipement » qui visera à :

‒ renforcer la « vision capacitaire » dans la conduite des investissements, consistant, selon les explications du délégué général, à définir les besoins d’abord en termes de capacités et à suivre, tout au long du déroulement des programmes, leurs développements sous l’angle de la réponse qu’ils apportent à ce besoin capacitaire ;

‒ améliorer ladéquation des équipements aux besoins des armées, tant en termes de fonctionnalités, de coûts que de délais de mise à disposition ;

‒ renforcer la maîtrise des coûts et des délais des programmes et améliorer leur suivi ;

‒ conférer « plus dagilité et dadaptabilité » aux processus d’acquisition ;

‒ « mieux incorporer linnovation issue de lindustrie et du secteur civil » et tirer le meilleur profit possible de la « révolution numérique » ;

‒ intégrer ab initio dans les programmes le MCO des équipements, leur coût d’utilisation et les infrastructures associées. Le délégué général pour l’armement a expliqué que ces contrats dits « globaux » intégreraient non seulement l’acquisition d’un matériel, mais également son MCO pour une période relativement longue, qui durerait généralement une dizaine d’années ;

‒ favoriser les perspectives de coopération et de mieux intégrer dans les projets les perspectives dexportation.

Le rapport annexé précise que trois « leviers clé de performance » seront utilisés dans cette réforme :

‒ le travail collaboratif et, à tous les stades, le décloisonnement des acteurs, qui seront regroupés en équipes et en « plateau de projet » ;

‒ l’exploitation des outils numériques avancés, parmi lesquels sont cités l’ingénierie systèmes, la simulation, le big data et l’intelligence artificielle ;

‒ un « renforcement des compétences ».

En tout état de cause, il importe de préserver la cohérence du dispositif actuel, fondée sur la centralisation des activités de conduite des opérations d’armement au sein d’un organisme unique, la DGA, qui agit en étroite coordination avec l’état-major des armées, chargé de l’expression des besoins militaires. Tout morcellement des responsabilités risquerait d’être source d’incohérences et de manque de réactivité.

B.   des coopérations déterminantes pour l’avenir de la BITD européenne

1.   Le Fonds européen de défense

Bien que les industries de défense nationales des États membres de l’Union européenne travaillent déjà ensemble sur de nombreux projets communs, le « Plan d’action européen de la défense » du 30 novembre 2016, avalisé en décembre, a brisé le tabou dun financement communautaire des capacités de défense des États membres, avec la proposition d’un Fonds européen de la défense. 

Sa vocation est d’aider les États membres de l’Union européenne à « accroître lefficacité de leurs dépenses dans les capacités de défense communes, à renforcer la sécurité des citoyens européens et à promouvoir une base industrielle compétitive et innovante ». Le Fonds européen de la défense a donc deux volets :

– un volet recherche, destiné à financer la recherche collaborative dans les technologies de défense novatrices telles que l’électronique, les méta matériaux, les logiciels cryptés ou la robotique ;

– un volet développement pour permettre aux États membres participants d’acquérir certains biens tout en réduisant leurs coûts.

Le financement du Fonds européen de la défense

Source : Commission européenne, communiqué de presse du 7 juin 2017.

Seuls les projets collaboratifs impliquant au moins trois participants provenant de plusieurs États membres seront éligibles. L’UE cofinancera le développement de prototypes seulement lorsque les États membres s’engagent à acquérir le produit final.

Le Plan de développement des capacités permet l’identification des priorités à l’échelle de l’UE, tandis que la Revue annuelle coordonnée de défense identifie les opportunités de coopération dont la mise en œuvre peut s’appuyer sur le soutien financier du Fonds européen de défense

Le 11 décembre 2017, le Conseil européen a entériné la décision de vingt‑cinq États membres de l’Union européenne de constituer une coopération structurée permanente (CSP) dans le domaine de la défense, comme le leur permet le traité de Lisbonne. ([107])

Les signataires ont souscrit à une vingtaine dengagements dont l’augmentation des budgets de défense, et en leur sein, de la part consacrée aux investissements et à la recherche ainsi que la part des projets réalisés en coopération avec d’autres États membres. Le rapport annexé au présent projet de loi (alinéa 284) indique ainsi que la part des programmes d’armement conventionnels réalisés en coopération avec des partenaires européens augmentera de 36 % par rapport à la précédente LPM.

Les 20+ engagements

Budgets de défense

Harmonisation

Déploiement et interopérabilité

1. Augmenter le budget de défense pour atteindre les objectifs agréés ;

2. Investissements = 20 % du budget de défense

3. Augmenter la part des projets collaboratifs avec d’autres EM

4. Recherche = 2 % du budget de défense

5. Objectifs régulièrement révisés et endossés par le Conseil de l’UE

6. S’engager dans une stratégie capacitaire commune

7. Transmission d’infos dans le cadre de la Revue annuelle coordonnée de défense (CARD)

8. Soutien au Fonds européen de la défense et au principe de marchés publics multinationaux

9. Harmonisation des exigences

10. Aller vers un partage de capacités

11. Travail en commun sur la cyberdéfense (objectif OTAN)

12-1. Rendre disponibles des formations pour s’adjoindre aux battle groups

12-2. Travailler à une base de données partagée des capacités déployables

12-3. « Revoir éventuellement les procédures de décision au niveau national » pour l’engagement des forces, « afin d’accélérer la décision d’engagement »

12-4. Soutien aux opérations de l’UE

12-5. Annoncer la contribution aux battle groups quatre ans à l’avance

12-6. « Schenghen militaire » (par ailleurs une demande de l’OTAN)

13. Améliorer l’interopérabilité sur la base des standards OTAN

14. Plus d’ambition dans le financement des coûts communs des missions européennes, au-delà des coûts communs définis par le mécanisme ATHENA

Rattrapages capacitaires

AED / OCCAR

15. Essayer de combler les lacunes identifiées dans la CARD et inscrites dans le plan de développement des capacités (CDP)

16. Priorité à l’approche collaborative sur le développement national

17. Participer à au moins un projet capacitaire de la PESCO

18. Utiliser l’Agence européenne de la défense (AED) comme forum commun pour le capacitaire et l’organisation conjointe de coopération en matière d’armement (OCCAr) comme le gestionnaire des projets collaboratifs

19. Veiller au renforcement de l’industrie de défense européenne avec une politique industrielle appropriée « évitant les duplications non nécessaires »

20. Préférence européenne dans les programmes de coopération ou d’acquisition

Source : annexe 2 à la lettre de notification signée le 13 novembre 2017.

Les projets conçus par les États membres dans le cadre de la CSP bénéficieront d’un taux de cofinancement plus élevé (bonus de 10 %) dans le cadre du Fonds européen de la défense. Cette « carotte financière » explique d’ores et déjà le nombre de participants à la CSP (vingt-cinq) ainsi que le nombre de projets de coopération proposés (dix-sept). ([108])

La France participe à huit des dix-sept projets de cette première vague, officiellement lancée par le Conseil le 6 mars 2018. Elle est chef-de-file de deux d’entre eux :

– le logiciel de sécurisation des radiofréquences (European Secure Software defined Radio ou ESSOR), qui vise à développer des technologies communes pour les radios militaires européennes ;

– le projet relatif à la fonction « énergie » en opérations (Energy Operational Function, EOF), qui vise à développer de nouveaux systèmes d’approvisionnement en énergie lors des opérations et à faire en sorte que la question de l’énergie soit prise en compte depuis la conception des systèmes de combat jusqu’à la mise en œuvre du soutien aux opérations.

La France est déjà soucieuse de préparer une deuxième vague de projets, d’un niveau d’ambition supérieur, qui se concrétisent davantage dans le domaine opérationnel.

2.   Les programmes terrestres

Le ministère des Armées cite parmi les priorités de la période 2019‒2025 en matière de maturation des technologies spécifiques au domaine de la défense « les futurs systèmes terrestres et leur mise en réseau », avec notamment le successeur du char Leclerc, et le système d’« artillerie du futur ». Dans les deux cas, il s’agit de programmes pour lesquels s’appliquera l’orientation suivante énoncée par le rapport annexé : « les programmes déquipement lancés au cours de la LPM 2019‒2025 seront prioritairement conçus dans une voie de coopération européenne » ‒ en l’espèce, avec l’Allemagne.

a.   Le projet de Main Ground Combat System, destiné à remplacer le char Leclerc

i.   L’enjeu du remplacement du char Leclerc

Le rapport annexé indique qu’au cours de la période de programmation militaire 2019‒2025, des études seront lancées « afin de préparer le remplacement du char Leclerc par de nouveaux systèmes de combat (MGCS) » et, ce, « dans le cadre dune coopération européenne, notamment franco-allemande ». Le MGCS était d’ailleurs mentionné dans la feuille de route franco-allemande présentée le 13 juillet 2017.

Le document souligne l’importance de ce programme, qui concerne la capacité terrestre répondant aux menaces les plus exigeantes et, ipso facto, les choix qui seront faits quant à ses spécifications « seront structurants pour le combat de contact futur », c’est-à-dire l’ensemble des systèmes de combat aéroterrestre. D’ores et déjà, le rapport annexé prévoit que cet équipement marquera une étape dans le développement technologique des armements terrestres, évoquant « des évolutions technologiques dans de multiples domaines », tels l’« agression », la mobilité, la gestion de l’énergie, ou encore la protection des véhicules et des soldats.

Pour le reste, les grands choix d’architecture et les spécifications de l’engin devront être négociés entre la France et l’Allemagne, clairement désignée comme partenaire de référence dans ce projet de coopération. Ces choix doivent répondre aux besoins opérationnels exprimés par l’armée de terre et la Heer, ce à quoi les deux états-majors travaillent. Selon les informations fournies au rapporteur, ces discussions sont en cours et, si les conceptions française et allemande du rôle et de la configuration du char lourd sur chenilles ne sont pas les mêmes, les besoins exprimés par les deux parties devraient converger dans le courant de lannée 2018.

ii.   Un enjeu industriel : la consolidation de l’industrie d’armement terrestre à l’échelle européenne

Le rapport annexé précise que le programme de MGCS « sappuiera sur les compétences industrielles françaises (bureaux détudes et sites de production) » et contribuera à la consolidation du secteur de l’industrie d’armement terrestre à l’échelle européenne « autour de leaders industriels pérennes ».

Cette disposition renvoie au récent rapprochement entre, d’une part, Nexter, héritier de GIAT Industries et fournisseur du char Leclerc et, d’autre part, Krauss-Maffei-Wegmann (KMW), fournisseur du char Leopard 2, principal char lourd de l’armée de terre allemande. Les deux sociétés ont créé en 2015 une holding commune dénommée KNDS (pour Krauss-Maffei-Wegmann ‒ Nexter Defence Systems), détenue à parité par les actionnaires de KMW (la famille Bode‑Wegmann) pour la partie allemande et par GIAT Industries pour la partie française. L’ensemble constitué par KNDS compte 6 500 employés et représente 1,8 milliard d’euros de chiffre d’affaires.

Le partage des tâches industrielles dans le projet de MGCS revêtira cependant quatre enjeux principaux :

‒ au sein même de KNDS, les deux acteurs sont également compétents dans la plupart des segments du char, ce qui ne rendra que plus délicat le partage de la charge industrielle ;

‒ si, pour les équipements lourds, KNDS (via Nexter) constitue sans ambiguïté le « champion national » de la partie française, notre partenaire allemand doit composer avec deux fournisseurs de matériels lourds : KNDS (via KMW) mais aussi Rheinmetall, qui fournit d’ailleurs certains composants du char Leopard 2. Si les deux parties ont réellement pour ambition de contribuer par le programme de MGCS à la consolidation européenne de l’industrie d’armement terrestre, cela ne peut se concevoir que sur une base équilibrée, ce qui plaide en faveur de KNDS plutôt que d’une association trop poussée d’un autre industriel majeur allemand dans ce projet ;

‒ les doctrines française et allemande en matière de licences d’exportation d’armements sont souvent vues comme divergentes, les autorités allemandes étant réputées très prudentes dans l’octroi de licences d’export, au moins dans les principes (dans les faits, l’Allemagne ne s’en impose pas moins comme l’un des principaux acteurs sur les marchés internationaux de matériels militaires). Des accords doivent donc être trouvés pour garantir que l’exportation du futur MGCS ne puisse pas être compromise par des divergences de vues entre les autorités française et allemande compétentes pour autoriser l’exportation de cet équipement ;

‒ les coopérations, notamment franco-allemandes, étant nombreuses dans différents secteurs autres que l’armement terrestre, le partage de la charge industrielle du MGCS s’inscrit dans un équilibre général du partenariat industriel franco-allemand.

iii.   Un enjeu programmatique : l’articulation des calendriers d’équipement français et allemand

En première analyse, les calendriers d’équipement français et allemand en matière de char lourd ne sont pas d’emblée accordés, puisque le Leclerc revalorisé pourra être utilisé jusqu’en 2040 environ, tandis que les Leopard 2 sont plus anciens et devront donc être remplacés plus tôt.

Or, d’un point de vue opérationnel, rien ne justifierait d’acquérir de manière anticipée un matériel neuf pour remplacer la plateforme de fait la moins utilisée en opérations ‒ en pratique, sur les 250 chars Leclerc en parc, 50 sont effectivement dans les opérations actuelles, ce qui ne préjuge en rien de leur utilité pour des opérations futures. En outre, dans les limites budgétaires de la programmation, un investissement anticipé dans un nouveau char lourd pourrait avoir un effet d’éviction au détriment d’autres capacités, plus utilisées en opérations ou nécessitant un renouvellement de façon plus urgente.

b.   Le projet de Common Indirect Fire System, l’artillerie du futur

Le rapport annexé ne cite pas le projet de Common Indirect Fire System (CIFS), parce qu’il s’inscrit au-delà de l’horizon temporel de la programmation. Cependant, selon les informations fournies au rapporteur, le financement d’études relatives à cette capacité est prévu d’ici 2025.

Ce programme a pour enjeu de disposer notamment de systèmes d’appui‑feu permettant des tirs d’artillerie de précision, qui doivent succéder notamment au lance-roquettes unitaire (LRU) à partir du milieu des années 2030. Des études seront donc lancées d’ici 2025 dans le cadre du stade d’initialisation de ce programme. Selon le ministère des Armées, une coopération avec l’Allemagne est envisagée en la matière.

3.   Le programme « système de lutte anti-mines futur »

Le programme SLAMF permettra de renouveler la capacité de lutte contre les mines navales. Il s’agit d’une capacité relativement méconnue et néanmoins indispensable. Elle l’est pour la conduite des opérations et des missions « conventionnelles » – neutralisation des engins explosifs, protection des accès aux ports, soutien au déploiement d’une flotte. Elle l’est également pour assurer la permanence de la dissuasion, puisque le départ d’un SNLE fait systématiquement l’objet d’une analyse préalable de l’environnement par la capacité « guerre des mines », afin que cette sortie s’effectue en toute sécurité.

Ce programme comprend plusieurs éléments : des bâtiments-mères, des bâtiments-base de plongeurs démineurs (BBPD), et des systèmes de drones constitués de drones navals de surface et de drones sous-marins. La composante « drone de surface » comprendra un drone équipé d’un sonar remorqué et mettant en œuvre un robot permettant l’identification et la neutralisation des mines. La composante « drone sous-marin » comprendra un système de trois drones dotés de sonars de détection des mines.

Le développement du module de drones constitue la première étape de SLAMF et fait l’objet d’une coopération franco-britannique dénommée Maritime Mines Counter Measures (MMCM) réalisée dans le cadre de l’OCCAr. Celle-ci a commandé, en septembre 2016, la fabrication et l’évaluation de deux prototypes pour le système de drones, un pour la France et un pour le Royaume-Uni. Ces systèmes doivent être réceptionnés en 2019.

Le projet de LPM prévoit que les premières commandes au titre de SLAMF seront passées début 2019, pour des livraisons fermes sur la période 2019-2025 permettant de disposer, à la fin de la période de programmation, de deux bâtiments-mères, de trois BBPD et de quatre systèmes de drones. L’ambition opérationnelle 2030 doit permettre d’atteindre quatre bâtiments-mères ([109]), cinq BBPD et huit systèmes de drones.

4.   Les missiles hors dissuasion

Dans le domaine des missiles, la période de programmation 2019‒2025 verra d’importantes opérations d’armement être lancées ou aboutir. Outre les études relatives au futur vecteur des têtes nucléaires aéroportées, l’ASN 4G, et la poursuite de l’évolution incrémentale du missile balistique M51, une dizaine de programmes de missiles connaîtront en effet des avancées majeures, contribuant à moderniser notre arsenal missilier.

Selon le rapport annexé, dans le domaine des missiles, la période de programmation 2019‒2025 sera riche en lancements de programmes innovants, en commandes et livraisons de missiles nouveaux, ou en programmes de modernisation de missiles existants.

a.   La modernisation programmée du missile de croisière SCALP EG

Le système de croisière conventionnel autonome à longue portée d’emploi général (SCALP EG) a été développé en coopération avec le Royaume-Uni, dont les forces l’emploient sous le nom de Storm Shadow. Il s’agit d’un missile de cinq mètres et de 1 300 kilogrammes environ, d’une charge utile de 400 kilogrammes et d’une portée de plusieurs centaines de kilomètres. Il est furtif et autonome ‒ c’est-à-dire est doté de fonctions dites « tire et oublie », autrement appelées « fire and forget ». Il possède des fonctions de guidage inertiel, topographique, radar et infrarouge.

Ce missile est en service depuis 2005, intégré aux Mirage 2000 et aux Rafale de la marine nationale et de l’armée de l’air.

Comme le dit le rapport annexé, la dissémination de systèmes conventionnels sophistiqués, tels que les systèmes d’anti-accès et d’interdiction de zone représente « un obstacle nouveau à la liberté daction de nos forces, contestant leur aptitude à entrer en premier ». Afin d’anticiper les progrès des défenses adverses, la modernisation de 250 des 500 SCALP EG commandés a été lancée en 2016. Le rapport annexé indique qu’elle sera achevée d’ici 2025, M. Antoine Bouvier, président-directeur général de MBDA ayant précisé à la commission que le SCALP EG ainsi rétrofité sera livré « quelques années avant la fin de la période de programmation ».

b.   La mise en service du missile air-air longue portée Meteor et la montée en puissance de l’arsenal de missiles antichar MMP

i.   La mise en service du missile air-air longue portée Meteor

Le Meteor est un missile de supériorité aérienne, destiné à être embarqué sur le Rafale. Pour 2,65 mètres et 200 kilogrammes, il vote à Mach 4 et a une portée de 150 kilomètres environ.

Il entrera en service opérationnel en 2019. On rappellera que la LPM de 2013 avait réduit la cible de ce programme de 400 munitions à seulement 100. Le gouvernement envisage une hausse de cette cible.

ii.   La montée en puissance de l’arsenal de missiles antichar MMP

Le programme de missile moyenne portée fournit un système de missiles de combat terrestre en remplacement du missile tactique Milan, en service depuis 1974. Le lancement de la réalisation a été approuvé en 2013. Les premières livraisons sont intervenues en 2017.

La LPM 2014‒2019 avait réduit la cible de ce programme à 1 550 munitions seulement. À la suite du Conseil de défense du 6 avril 2016, cette cible avait été rehaussée de 200 munitions destinées à équiper l’EBRC Jaguar, sans pour autant que ce choix ne soit inscrit dans la LPM.

Le projet de loi prévoit une nouvelle hausse de cette cible, qui est portée à 1 950 munitions, en raison des besoins opérationnels nouveaux. Ces lots seront livrés d’ici 2025.

c.   Les premières livraisons de missiles sol-air et surface-air Aster 30 B1 NT, de missiles air-air MICA NG et de missile d’aérocombat MAST F

i.   Les commandes et les livraisons de missiles Aster 30 B1 NT

Le missile Aster 30 block 1 de nouvelle technologie (B1 NT) est destiné à remplacer à la fois :

‒ le missile Aster 30 du système de missile terrestre d’interception sol‑air de moyennes portée (SAMP/T), dit Mamba, mis en œuvre par les cinq escadrons de défense sol-air chargés de la défense anti-aérienne de corps de bataille et de celle des bases aériennes ;

‒ le missile surface-air Aster 30 du système d’interception PAAMS (Principal Anti-Air Missile System) qui arme les frégates de défense aérienne.

L’Aster 30 B1 NT est doté d’un nouvel autodirecteur en bande Ka, plus performant que celui de l’Aster 30 B1, qui permettra de traiter des menaces balistiques d’une portée de 1 300 à 1 500 kilomètres.

La LPM 2014‒2019 avait pris en compte le développement de l’Aster 30 B1 NT en programmant l’acquisition de 118 munitions, moyennant une réduction de 257 unités de la cible du programme Aster 30 B1, initialement fixée à 575 munitions. Néanmoins, en 2016, il a été décidé d’acquérir 48 Aster B1 supplémentaires.

La version terrestre de l’Aster 30 B1 NT est désignée par le rapport annexé comme le « SAMP/T de nouvelle génération » (SAMP/T NG). Ce nouveau missile sera livré en version terrestre, selon les précisions fournies devant la commission par M. Antoine Bouvier, dès 2024. Le rapport annexé annonce aussi le lancement d’études d’intégration de l’Aster 30 B1 NT sur les frégates de défense aérienne pendant la période de programmation 2019‒2025.

ii.   Les commandes et les livraisons de missiles air-air MICA NG

Le missile d’interception, de combat et d’auto-défense de nouvelle génération (MICA NG) a été conçu dès les années 2000 pour s’intégrer parfaitement au standard F4 du Rafale. Il sera donc livré en même temps que les avions de ce standard, en 2025.

Le rapport annexé annonce la commande des premiers missiles MICA NG en 2019. Toutefois, devant la commission, M. Antoine Bouvier a souhaité une notification à l’été 2018. Il a fait valoir que les études et les développements afférents à ce missile sont aujourd’hui suffisamment aboutis, et que tout décalage de la commande du missile aura pour conséquence un décalage de l’entrée en service du standard F4 du Ralafe dans sa globalité.

iii.   Les commandes de missiles d’aérocombat MAST F

Le programme de missile air-sol terrestre futur (MAST-F) a pour objet d’équiper les hélicoptères d’attaque Tigre au futur standard Mark III, destiné à suivre le standard « hélicoptère d’appui et destruction » (HAD). Il aura une portée d’au moins huit kilomètres, de jour comme de nuit.

Aujourd’hui, les hélicoptères Tigre en dotation dans les forces européennes sont équipés chacun d’un missile différent : le missile américain Hellfire pour les Tigre français, le missile allemand PARS 3 pour les Tigre allemands, et le missile israélien Spike pour les Tigre espagnols. L’objectif, pour ce programme emblématique de la coopération industrielle européenne, est désormais de doter le nouveau standard de cet appareil d’un missile européen. La feuille de route franco-allemande arrêtée le 13 juillet 2017 prévoit l’étude d’un missile franco-allemand appelé EMM, l’Espagne pouvant ultérieurement se joindre à ce programme.

De façon cohérente avec le calendrier du programme de Tigre Mark III, les commandes de MAST-F doivent être passées en 2023. Une décision doit donc être prise en 2018 sur le choix du missile, l’impression générale des observateurs étant que la partie allemande marque moins d’empressement à le faire que la partie française.

d.   Le lancement de programmes destinés à succéder aux missiles antinavires Exocet, au missile de croisière SCALP EG et au missile sol-air Mistral

i.   Le remplacement de la famille de missiles antinavires Exocet

Les missiles de la famille Exocet équipent aujourd’hui les plateformes de la marine nationale et de l’armée de l’air pour la lutte antinavires :

‒ les frégates de surveillance dont dotées d’Exocet MM 38 ;

‒ les frégates anti-aériennes, les frégates anti sous-marines, les frégates légères furtives et les avisos sont équipés d’Exocet MM 40 block 1 ;

‒ les FREMM, les frégates de défense aérienne de classe Horizon et certains navires plus anciens sont équipés d’Exocet MM 40 block 3, plus performants ;

‒ les Rafale et les Atlantique 2 peuvent emporter des Exocet AM 39 ;

‒ les sous-marins disposent d’Exocet SM 39.

Un projet de coopération franco-britannique est en cours de discussion pour le renouvellement de ces capacités, dans le cadre d’un programme de futur missile anti-navires (FMAN). M. Antoine Bouvier a souligné le caractère structurant de ce programme, tant pour l’industrie que pour les forces et pour la coopération franco-britannique en général. L’idée a fait l’objet d’un premier accord de principe en 2010 dans le cadre des traités de Lancaster House. Un choix capacitaire et financier doit être arrêté en 2020, puis des études de réduction de risques doivent être menées d’ici 2024, année retenue pour le lancement du programme selon le rapport annexé.

ii.   Le remplacement du missile de croisière SCALP EG

Pour garantir la capacité de frappe dans la profondeur depuis les airs au‑delà de la rénovation « à mi-vie » du missile SCALP EG, le renouvellement de missile est envisagé dans le cadre d’une coopération franco-britannique. On rappellera d’ailleurs que le SCALP est lui-même issu d’un programme franco‑britannique et utilisé au Royaume-Uni sous le nom de Storm Shadow.

Le programme concerné est appelé « futur missile de croisière » (FMC). Selon le rapport annexé, il doit être lancé en 2024 pour une entrée en service du missile en 2030.

iii.   Le remplacement du missile sol-air Mistral

Le missile sol-air à très courte portée (SATCP) Mistral a fait l’objet de développements successifs depuis son entrée en service, en 1989.

Le renouvellement de cette capacité est prévu par le projet de LPM, qui évoque le lancement d’un programme en 2025. Selon M. Antoine Bouvier, cette nouvelle capacité ne sera pas nécessairement remplie par un missile ; elle pourrait l’être par d’autres technologies, parmi lesquelles il cite le laser.

5.   Les drones

En matière de drones aéroportés, le rapport annexé souligne le nécessaire affermissement de la coopération européenne en vue de la conception et de la mise en service du drone MALE (moyenne altitude, longue endurance) européen. Il s’agit là d’un axe fondamental en vue de l’accroissement de l’autonomie stratégique européenne. Toutefois, ne doit pas être oubliée la coopération franco‑britannique au sujet du drone de combat furtif conçu dans le cadre du programme FCAS-DP (futur combat air system demonstration program).

i.   Le drone de combat furtif franco-britannique

Le programme de démonstrateur d’un système de combat aérien futur conduit en coopération avec le Royaume-Uni consiste en la conception d’un drone de combat furtif destiné à répondre aux menaces à l’horizon 2030, apte à être déployé sur des théâtres de haute intensité. À la suite du démonstrateur technologique Neuron, le programme d’études amont Demon (Démonstrations opérationnelles et technologiques UCAS – unmanned combat air system) a été lancé afin de préparer ce drone de combat futur. Participent à ce programme Dassault aviation et BAE Systems en tant qu’avionneurs, Safran aircraft engines (Snecma) et Rolls-Royce pour la motorisation, ainsi que Thales et Selex pour les senseurs et communications

Le programme est assez ancien, ses prémices remontant à l’Accord de Lancaster House du 2 novembre 2010. Par la suite, la phase préparatoire du programme de démonstration FCAS-DP a été lancée en 2012, puis s’est traduite fin 2013 par la remise d’une feuille de route technologique commune. Une nouvelle impulsion a été donnée lors du sommet franco-britannique du 31 janvier 2014 sur la base de Brize Norton, au travers d’une déclaration d’intention portant sur le lancement d’une phase de faisabilité d’une durée de deux ans, pour un montant de 148 millions d’euros équitablement répartis entre les deux nations. En parallèle, des études nationales de l’ordre de 50 millions chacune devaient être lancées. En novembre 2015, la DGA et le ministère de la Défense britannique ont retenu conjointement un projet pour le futur drone de combat ainsi qu’un type de motorisation. Lors du sommet bilatéral d’Amiens, le 3 mars 2016, les deux pays ont exprimé leur souhait de lancer un programme de démonstration avant la fin de l’année 2017, en vue de tester un démonstrateur à l’horizon 2025.

Les annonces du Sommet franco-allemand du 13 juillet 2017 ont quelque peu perturbé ce calendrier. En effet, l’annonce d’un développement conjoint d’un futur avion de combat et, plus largement, d’un travail commun sur le système de combat aérien futur, a pu paraître antinomique avec les actions de coopération conduites par la France avec les Britanniques en la matière.

Toutefois, l’articulation entre le FCAS-DP et le SCAF a été récemment précisée, le Sommet franco-britannique du 19 janvier 2018 ayant été l’occasion de souligner que les études sur le futur drone de combat furtif avaient vocation à s’intégrer dans les travaux de conception du système de combat aérien futur. Ainsi, selon les conclusions de ce Sommet, « à lissue de la phase initiale du développement du démonstrateur dun système de combat aérien futur (FCAS-DP), [sera poursuivi] le travail dévaluation des conclusions qui émergent afin de prendre des décisions concernant les phases futures du programme. [Seront recherchées] également des possibilités de coopération en matière de combat aérien et [poursuivie l’]analyse capacitaire sur lenvironnement futur du combat aérien et des modalités selon lesquelles des systèmes de drones et davions pourraient opérer ensemble. » Lors de son audition devant la commission de la Défense, le délégué général à l’armement, M. Joël Barre, a confirmé que des discussions étaient en cours avec les Britanniques afin de définir l’avenir de ce programme. Quelques mois plus tôt, devant la commission des Affaires étrangères, de la défense nationale et des forces armées du Sénat, le 18 octobre 2017, il avait rappelé l’intérêt du FCAS-DP, « outil de développement et de recherche de technologies de rupture qui s’appliqueront de manière quasiéquivalente à un avion ou à un drone ». De ce point de vue, ce programme devra bien constituer un volet des travaux sur le système de combat aérien futur.

ii.   Le drone MALE européen

Les drones MALE constituent des moyens aériens projetables, capables d’assurer des missions de renseignement, de surveillance, de reconnaissance et de désignation d’objectifs en opérant, grâce à leur endurance, sur de larges zones, à grandes distances et sur de longues durées (de l’ordre de 24 heures).

Comme le souligne le rapport annexé, la période couverte par la programmation militaire verra la montée en puissance des systèmes aéroportés de drones aériens, avec la mise en service de nouveaux drones Reaper et leur armement.

Toutefois, l’objectif est, à terme, de substituer à l’acquisition sur étagère de matériels américains un drone MALE européen. Il en va de notre autonomie stratégique, comme en témoigne l’utilisation de drones Reaper au Sahel aujourd’hui. Dans cette optique, le projet de loi de programmation militaire prévoit le lancement en 2019 du programme du MALE européen, conduit en coopération avec l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie, en vue de la livraison du premier appareil en 2025. Par la suite, huit systèmes de drones MALE européens devraient être livrés aux armées françaises jusqu’en 2030.

Alors que le projet d’un drone européen patinait, la signature, le 18 mai 2015, d’une lettre d’intention entre l’Allemagne, l’Italie et la France – rejointes par l’Espagne – a constitué un nouveau jalon à cet égard. L’arrangement‑cadre est entré en vigueur le 22 juin 2016, et la notification du contrat d’étude de définition, via l’Organisation conjointe de coordination en matière d’armement, est intervenue le 27 septembre suivant au profit de Dassault, Airbus-Allemagne et Leonardo.

D’une durée de deux ans, cette étude de définition avait pour objet de déterminer les prérequis opérationnels et d’élaborer un prototype qui réponde à une expression de besoins communs en termes de performance, de calendrier et de coût. Le contrat, d’un montant de 60 millions d’euros pour les deux années, est financé par les pays partenaires (contribution à hauteur de 31 % pour l’Allemagne, de 23 % pour chacun des autres partenaires). L’OCCAr exerce la conduite du programme, l’Agence européenne de défense (AED) apportant son soutien dans les domaines de l’insertion dans le trafic aérien, de la navigabilité et de la certification. Les résultats de cette étude sont attendus pour la fin du premier semestre 2018.

Le Sommet franco-allemand du 13 juillet dernier a toutefois été l’occasion de préciser certaines des caractéristiques de ce futur appareil et de clarifier la répartition des compétences. Ce faisant, ce sommet a redynamisé le programme, et a aussi soulevé quelques questions.

En effet, selon les conclusions de ce Sommet : « L’Allemagne et la France sont convenues de continuer létude en cours fondée sur un design bimoteur, afin de remplir les missions essentielles et de satisfaire aux exigences juridiques internes de lAllemagne. Une attention particulière sera accordée à la combinaison de la performance opérationnelle (notamment la déployabilité et la maintenabilité) avec un coût abordable tout au long du cycle de vie du système. La chaîne de mission de lEurodrone relèvera dans une forte mesure de la souveraineté européenne ; il sera doté de toutes les capacités militaires nécessaires. LAllemagne dirigera ce programme, dans le respect de ces paramètres. Lobjectif est de parvenir à un contrat global avant 2019. ».

Première question : la cohérence opérationnelle. Du fait de la différence de leurs engagements, la France et l’Allemagne n’attendent pas les mêmes spécificités de cet appareil. Ainsi, pour l’Allemagne, il s’agit avant tout de garantir la sécurité de l’appareil en vol, dans la mesure où ce drone a avant tout vocation à être employé pour des opérations de surveillance du territoire national. Dès lors, le bimoteur offre certaines garanties de fiabilité permettant d’éviter, ou du moins de limiter, les accidents impliquant des populations. À l’inverse, la France entend avant tout employer ces drones en opérations extérieures, afin de surveiller de vastes territoires majoritairement inhabités pour recueillir de l’information et ainsi aiguiller l’action des forces. La décision d’opter pour un design bimoteur constitue donc une concession faite aux autorités allemandes, qui, d’une part, ne devra pas amener la France à renoncer à ses priorités et, d’autre part, devra se traduire à l’avenir par une plus grande souplesse de leur part dans la définition des caractéristiques d’autres projets. Sur le premier point, les conclusions du Sommet franco-allemand apportent quelques garanties, dans la mesure où est précisé le fait de doter cet appareil de toutes les capacités militaires nécessaires. La formulation retenue est suffisamment large pour permettre l’intégration de nos besoins.

Deuxième question : le coût. En effet, compte tenu du poids du moteur dans le coût total d’un appareil, une architecture bimoteur conduira nécessairement à augmenter son coût. Certes, le DGA a confié lors de son audition devant la commission de la Défense, le 15 février 2018, proposer « également que le programme MALE puisse bénéficier, si possible dès lan prochain, des premiers financements communautaires consacrés aux dépenses de défense » via le Fonds européen de défense. Il n’empêche que les coûts de maintien en condition opérationnelle seront mécaniquement plus élevés. Au-delà, le renchérissement de l’appareil pourrait constituer un frein à l’exportation, et ainsi grever son développement.

L’Eurodrone MALE est donc un programme qui, du fait de la nouvelle impulsion donnée l’été dernier, connaîtra un développement soutenu au cours des prochaines années. Il constituera l’un des marqueurs de la volonté française de privilégier la coopération européenne pour la conduite des programmes d’équipements au cours de la période couverte par la programmation. Certes, des questions demeurent en suspens et devront être tranchées au cours des prochains mois. Le succès du MALE est néanmoins indispensable, tant pour l’avenir de la coopération européenne que pour l’affermissement de l’autonomie stratégique européenne.

6.   Les enjeux du SCAF

Le système de combat aérien futur se rapporte à l’avenir de l’aviation de combat à l’horizon 2035. Comme le rappelait le général André Lanata lors de son audition devant la commission de la Défense, le SCAF repose sur « une approche système se démarquant de celle traditionnellement fondée sur lévolution de la performance de chaque type davion ». La connectivité entre les différentes plateformes – avion de combat, ravitailleurs, drones, avions de renseignement, moyens des autres armées, etc. –, les moyens de commandement et de contrôle (C2) et les armements sera au cœur du SCAF, tant la collecte des données et la capacité à les traiter, les échanger, les analyser, constitueront le nerf de la guerre. En somme, le SCAF est avant tout un réseau, un système de systèmes.

Dès lors, une grande partie des enjeux de ce programme réside dans la définition même de l’architecture de ce réseau de plateformes ainsi que ses capacités de résilience.

La conception du SCAF a vocation à faire l’objet d’une coopération européenne, associant particulièrement la France et l’Allemagne. En effet, en conclusion du Sommet franco-allemand du 13 juillet dernier, le président de la République, M. Emmanuel Macron, et la chancelière fédérale d’Allemagne, Mme Angela Merkel, ont annoncé leur souhait que la France et l’Allemagne développent un système de combat aérien européen, sous la direction des deux pays, pour remplacer à terme leurs flottes actuelles d’avions de combat et disposer d’un outil permettant de conserver la supériorité aérienne et de conduire les opérations depuis la troisième dimension à l’horizon 2040. Dans cette optique, une feuille de route conjointe devrait être élaborée et publiée en cours d’année. Comme l’a néanmoins précisé la ministre des Armées, Mme Florence Parly, lors de son audition devant la commission de la Défense le 8 février 2018, « c’est en 2021 que se présentera létape fondamentale portant sur les grands choix darchitecture du SCAF. »

La conception du SCAF et sa réalisation en coopération présentent deux enjeux principaux.

Le premier est opérationnel et technologique. Au centre de ce système de systèmes se trouvera l’avion de combat futur. Ce futur avion de combat aura notamment vocation à remplacer l’Eurofighter allemand et le Rafale français. Or, les besoins opérationnels des deux pays sont distincts. Ainsi, pour les armées françaises, ce futur chasseur devra être en mesure d’emporter l’arme nucléaire, mais également de répondre aux exigences de missions opérationnelles complexes, à partir d’un porte-avions ou de bases aériennes terrestres. La nature même des engagements militaires français et allemands explique cette différence de besoins, et d’attendus.

Quoi qu’il en soit, le futur avion de combat devra, pour être performant, intégrer des technologies très poussées dans certains domaines comme ceux de la furtivité, des technologies électroniques et de la connectivité, des senseurs, des capteurs et de la propulsion. La DGA travaille déjà au développement de technologies essentielles pour ce futur avion, comme un cloud de combat, présenté l’an dernier, permettant aux différentes plateformes d’échanger, en haut débit, tous types de données en temps réel.

Devant la commission de la Défense, le délégué général pour l’armement, M. Joël Barre, a par ailleurs indiqué que la DGA avait lancé en janvier 2018, avec les états-majors, la préparation d’une étude technique opérationnelle préalable relative au futur avion de combat. Celle-ci a pour objet « de définir, à partir des menaces et de scénarios dintervention, les caractéristiques techniques de ce système. Pour ce faire, [la DGA s’appuiera] sur des moyens de simulation, dingénierie système, que [la DGA est] en train de mettre sur pied avec les armées dans le centre danalyse technico-opérationnel de défense (CATOD) dArcueil. » Les industriels seront associés à cette réflexion dans un second temps. Le DGA a confié que les Allemands avaient été conviés à participer à ces travaux, et avaient été informés du contenu de l’étude.

Le second enjeu est donc de nature industrielle et économique. En effet, si le projet de drone de combat conduit en coopération avec les Britanniques a vocation à s’intégrer dans le système de combat aérien futur, c’est bien vers l’Allemagne que semble s’orienter la principale coopération en la matière. Plusieurs États européens ont déjà annoncé leur souhait de voir cette coopération élargie. C’est ainsi que le chef d’état-major de l’armée de l’air italienne a laissé entendre, le 11 novembre 2017, que le projet devrait associer d’autres États membres. Rappelons à ce sujet que l’Eurofighter a été développé par l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Espagne et l’Italie.

Il s’agit là d’une question essentielle : à quels pays ouvrir cette coopération, alors même que la France est par ailleurs déjà engagée avec le Royaume-Uni ? Les Eurofighter Typhoon britanniques comme les F18 espagnols devront également être remplacés au moment de la mise en service programmée de ce futur avion de combat.

Surtout, il s’agira de déterminer l’architecture industrielle d’un tel partenariat. Le rapport annexé au projet de loi de programmation militaire souligne que la mise en œuvre de cette coopération « contribuera à accélérer la consolidation dune BITD européenne de laéronautique de combat, dans laquelle lindustrie française assumera un rôle central ». Dans tous les cas, il conviendra de s’assurer que la mise en œuvre d’un tel projet en coopération n’ait pas pour conséquence un transfert pur et simple de capacités industrielles d’un pays à l’autre, alors même que la BITD française est bien plus avancée en la matière que son homologue allemande. Pour l’heure, Airbus a clairement fait part, par la voie de son président-directeur général, de son intérêt pour conduire cette coopération, en indiquant que l’entreprise devait être le « chef de file pour un projet de cette nature ». En parallèle, M. Éric Trappier, président-directeur général de Dassault aviation, a rappelé que l’entreprise avait aussi vocation à être un « leader naturel » dans ce programme en raison de son expérience dans le développement et la construction d’avions de combat. La répartition des responsabilités des deux côtés du Rhin constitue un enjeu crucial. La question du format industriel aura également des conséquences budgétaires, la rentabilité économique supposant évidemment de ne pas dupliquer les centres de production industrielle.

Devront également être abordées rapidement et clairement les règles qui s’appliquent à l’exportation du futur système de combat.

À court terme, il conviendra déjà de scruter la décision que prendront les autorités allemandes s’agissant du renouvellement des Panavia Tornado qui équipent en partie l’armée de l’air allemande et seront progressivement retirés du service à compter de 2025. Si le F35 américain développé par Lockheed Martin est retenu, la coopération franco-allemande en la matière ne pourrait se révéler qu’un vœu pieux. Il s’agit là d’un point essentiel dans la mesure où, à terme, une telle désillusion pourrait sonner le glas des capacités techniques et industrielles européennes sur ce segment de l’industrie de défense, et ainsi remettre en cause notre autonomie stratégique.

 

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.   DISCUSSION Générale

La commission a examiné le présent projet de loi au cours de ses séances du mardi 13 mars et mercredi 14 mars 2013.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Madame la ministre, mes chers collègues, Mesdames et Messieurs, nous allons procéder à l’examen du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, je veux vous dire quelques mots sur l’organisation de nos travaux telle qu’elle résulte de la réunion du bureau de notre commission du 6 mars dernier. En tant que rapporteur, je me contenterai d’un bref rapport liminaire, avant que les représentants de chaque groupe ne s’expriment pendant une dizaine de minutes chacun sur le projet de loi. Mme la ministre prendra ensuite la parole si elle le souhaite, avant que nous ne passions à l’examen des articles et des amendements.

Je rappelle que, pour la première fois, nous travaillerons de manière dématérialisée, avec le recours à l’application Eliasse sur vos tablettes – pour ceux d’entre vous qui en sont pourvus – et la projection des amendements sur l’écran. Je vous invite, si vous rencontrez le moindre problème, à faire appel aux référents techniques présents.

Je ne vais pas vous présenter mon rapport de manière détaillée, car j’ai l’intention de ne le faire que la semaine prochaine, dans l’hémicycle, après l’avoir enrichi des remarques et des idées que vous aurez formulées au cours des échanges que nous allons avoir dans le cadre de notre commission. Je me contenterai donc de vous faire part de mon sentiment – sur le plan personnel et en tant que rapporteur –, autour de trois mots : responsabilité, confiance, et fierté.

La responsabilité est celle que nous avons vis-à-vis des armées et des missions qui leur ont été confiées par le président de la République, par la ministre des Armées et l’ensemble du Gouvernement, mais aussi vis-à-vis de la Nation et de sa cohésion, de nos concitoyens et de leurs attentes en matière de sécurité.

Cette responsabilité est d’autant plus grande face à l’urgence que nous connaissons actuellement. Toutes les auditions auxquelles nous avons procédé nous ont confortés dans l’idée que cette LPM était attendue avec impatience eu égard à la situation d’usure et de vieillissement, mais aussi face au risque de perte de confiance, voire de démoralisation de nos soldats.

Cette responsabilité se reflète dans vos propositions d’amendements : au-delà de nos divergences stratégiques – que nous assumons – et de nos postures d’opposition ou de soutien au Gouvernement – bien normales dans le débat politique –, j’ai perçu une volonté commune de donner à nos armées, à nos soldats, les meilleures conditions d’exercice de leurs missions, et la volonté, partagée par tous, d’enrichir le texte afin d’aller encore plus loin en ce sens.

La deuxième notion à laquelle je veux me référer est celle de confiance, à commencer par celle que nous avons dans ce texte.  Tous nos interlocuteurs ont fait part de leur satisfaction. Ils ont souligné la remontée en puissance que cela signifiait pour nos armées et ont salué la cohérence d’ensemble.

Je veux également vous faire part de ma confiance dans notre capacité à faire évoluer ce texte par nos propositions d’amendements, à le faire vivre en assumant ses ambitions et ses défis, mais aussi à le faire réussir par notre présence aux côtés de nos armées pour en vérifier son exécution dans sa globalité et dans la durée. Je ferai des propositions d’amendements visant à renforcer nos pouvoirs de contrôle et d’évaluation.

Ce texte est un projet inédit dans sa philosophie et dans son ambition budgétaire. Il se préoccupe du présent pour mieux se projeter dans le futur, formant un continuum qui anticipe l’avenir pour restaurer le présent. On ne peut pas construire un avenir en tirant un trait sur le présent, on ne peut pas aller directement à la case « avenir » sans passer par la case « présent ». L’avenir est fixé : c’est le cap de 2030, fixé par la loi pour donner à nos armées un format complet et équilibré, lui permettant de remplir de manière soutenable et dans la durée les missions qui lui sont confiées, dans le cadre réaffirmé par la Revue stratégique. Quant au présent, c’est cette première partie de la LPM, une première partie en termes budgétaires et calendaires, mais également en termes de priorités : en l’occurrence, la priorité consiste avant tout à assurer une meilleure considération de nos soldats et leurs familles, mais aussi à entreprendre la réparation et la modernisation capacitaires.

Ce texte est inédit par son ambition budgétaire, par sa cohérence avec la Revue stratégique, la montée en puissance vers les 2 % du PIB, le maintien de ce cap dans la durée, en cohérence avec la loi de programmation des finances publiques (LPFP) et notre volonté de maîtriser les dépenses, les déficits et l’endettement publics.

Enfin, nous ressentons de la fierté pour nos armées, ces femmes et ces hommes qui donnent tout dans leur engagement, leur passion et même leur vie – en y entraînant leurs familles –, qui donnent tout pour leur pays, pour en porter les valeurs, pour en défendre les intérêts, en assurer la sécurité et celle de ses habitants.

Nous ressentons également de la fierté pour notre pays : pour ce qu’il représente, pour sa place dans le monde et le rôle qu’il tient sur la scène internationale, porteur de valeurs, de messages, de coopération et de progrès. C’est une place que beaucoup de pays nous envient, et un rôle dont beaucoup de peuples attendent. Comme nos armées, notre pays possède des capacités discriminantes qui, par leur mutualisation, peuvent et doivent entraîner, fédérer, agréger pour mieux dissuader, mieux anticiper, mieux prévenir, mieux protéger et mieux intervenir.

Pour conclure, mes chers collègues, je veux dire la fierté que nous ressentons à être ici pour examiner ce texte. C’est ainsi que nous prenons part à l’engagement de notre pays dans l’avenir, ainsi qu’à la protection de ses habitants et de ses soldats.

M. Philippe Chalumeau. Alors que nous entamons tout juste l’examen de ce texte décisif pour nos armées, chacun a en tête la force et le courage de toutes ces femmes et de tous ces hommes qui ont décidé de servir, de s’engager, de remplir les missions que la France leur a confiées. Au-delà des débats que nous nous apprêtons à ouvrir, des désaccords qui vont surgir et des accords auxquels nous allons, je l’espère, parvenir, nous ne devons jamais oublier que la période législative qui débute a pour seul et unique objet, face à l’instabilité, la dangerosité et l’imprévisibilité croissante du monde, l’intérêt de nos concitoyens, de nos soldats et de leurs familles.

Dans cet environnement international qui remet en cause des certitudes et les repères en vigueur depuis plusieurs décennies, seule une France forte, maîtresse de son destin, peut apporter des réponses aux crises contemporaines, promouvoir ses valeurs et faire valoir ses intérêts. Si nos armées ont su incroyablement se réformer, s’adapter, agir en opération avec une efficacité totale et tenir parfaitement leur rang, elles ont toutefois été soumises à de très fortes contractions de leurs moyens financiers et de leurs effectifs, aux impasses capacitaires qui en ont résulté, puis à des opérations plus nombreuses, plus rudes et plus lointaines – une situation qui ne pouvait plus durer et à laquelle le présent projet de loi de programmation militaire met fin résolument.

Les équilibres du monde ont changé, durablement. Le terrorisme nous a frappés très durement et la menace, moins visible, reste là, sournoise et omniprésente. Les nouveaux enjeux écologiques, économiques et idéologiques, suscitent une montée importante et continue du souverainisme – teinté d’isolationnisme – sous toutes ses formes et un retour en force des États-puissances. La France est une grande nation militaire, possédant la deuxième armée du monde libre et la première armée d’Europe ; elle est membre permanent du Conseil de sécurité et dotée de la dissuasion. Notre modèle est complet et doit le rester, car c’est entre autres pour cela que la voix de la France porte sur la scène internationale. Regarder devant, construire des coopérations structurées au travers de grands projets ou d’opérations conjointes, qu’elles soient otaniennes, européennes ou bilatérales – je pense en particulier à nos amis Britanniques –, tels sont aussi notre devoir et l’ambition portée par cette loi de programmation militaire. Ses enjeux sont majeurs en termes technologiques, stratégiques et avant tout humains car, ne l’oublions jamais, ceux qui sont toujours en première ligne, ce sont nos soldats !

Conformément à la Revue stratégique, cette loi de programmation militaire conforte nos cinq fonctions stratégiques que sont la dissuasion, l’intervention, la protection, la connaissance et l’anticipation, et la prévention. Ces deux dernières seront d’ailleurs clairement renforcées dans cette LPM.

Parce que la France doit être prête à intervenir et à vaincre partout où ses intérêts sont menacés et où la situation internationale l’impose, le président de la République a fixé le cap ambitieux de consacrer, d’ici à 2025, 2 % de notre PIB à la défense. Avec près de 200 milliards d’euros que notre Nation investira dans sa défense entre 2019 et 2023, cette loi de programmation militaire offre les moyens financiers d’un engagement durable et soutenable pour nos armées.

La particularité de ce budget tient dans le choix qui a été fait d’investir massivement et rapidement, afin de prévenir au plus vite les ruptures capacitaires, plutôt que de saupoudrer nos moyens dans le temps, ce qui n’aurait pas été satisfaisant en termes de résultats, comme chacun le comprendra. Restaurer vite et avoir des effets visibles opérationnels rapides, que ce soit pour les tenues, les casques, les fusils, le programme Scorpion, les ravitailleurs, les patrouilleurs, ou bien encore la dissuasion, tel est l’objet de cette loi de programmation.

La sincérisation est l’une des autres particularités de ce budget : avec une augmentation régulière des moyens jusqu’en 2023, la volonté politique est bien au rendez‑vous, sans détours. Pour ce qui est de nos opérations extérieures, intégrées au nombre de trois opérations distinctes dans la revue stratégique, leur budget sera désormais lui aussi sincérisé, à hauteur de 1,1 milliard d’euros à compter de 2020. Il y va de notre autonomie à agir de façon sereine, lucide et responsable.

Enfin, une évaluation de la mise en œuvre de cette loi de programmation est prévue par le texte en 2021.

Ces chiffres, mes chers collègues, nous les connaissons bien ; ils constituent l’indicateur de l’effort consenti dans le contexte budgétaire que nous connaissons. Toutefois, pour la défense comme pour les autres sphères de l’action publique, ce n’est pas le moteur budgétaire qui doit essentiellement nous guider, mais bien la juste place de la France dans le concert des Nations, la réalité opérationnelle des engagements d’aujourd’hui et de demain, l’harmonisation entre la gestion du court terme et la prise en compte du temps long.

La présente loi de programmation militaire nous donne les moyens de cette ambition. Elle vise d’abord à augmenter l’épaisseur organique des armées. Elle se place à hauteur d’homme, en accordant une attention inédite aux femmes et aux hommes qui servent nos armées, ainsi qu’à leurs familles, notamment au travers du plan Famille, qui se trouve renforcé.

Elle intègre la création en solde net de 6 000 postes équivalents temps plein à l’horizon 2025. Elle prévoit le renouvellement de nos capacités opérationnelles, pour mettre fin aux carences du passé et préparer l’avenir. Elle fait le choix de l’autonomie stratégique de la France, avec des moyens accrus pour le renseignement et la cyberdéfense, tout en misant sur une coopération européenne intelligente et renforcée. Enfin, elle ouvre la voie à la modernisation des armées, plus innovantes, et à la redynamisation de nos programmes d’armement, sur des sujets comme le numérique, l’intelligence artificielle, ou encore les drones, en prévoyant notamment d’investir un milliard d’euros par an, rien que sur ce segment.

Mes chers collègues, cette ambition de disposer d’un modèle d’armée complet et équilibré, capable de garantir notre excellence et notre efficacité face à toutes les menaces et dans tous les espaces, nous devons la réaliser. Les enjeux sont tels que nous ne pouvons envisager d’échouer, et les moyens consentis par la Nation dès cette année nous obligent à réussir. Ce projet de loi de programmation militaire nous en offre les possibilités, et j’ai toute confiance en la détermination du Gouvernement et l’efficacité de nos armées.

C’est pourquoi, pour les Français, pour notre sécurité, pour notre liberté, le groupe La République en Marche défendra et, sans aucun doute, votera avec élan et sans équivoque, ce texte qui marque une remontée en puissance inédite et historique de nos forces armées.

M. Patrice Verchère. Avec cette loi de programmation militaire 2019-2025, la France a une nouvelle fois rendez-vous avec sa défense, donc avec ses armées et son industrie. L’objectif d’une LPM est d’assurer la sécurité et la défense des intérêts de notre Nation. La Cour des comptes, dans son référé du 19 juillet 2017 portant sur la mise en œuvre de la loi de programmation militaire 2014-2019 et les perspectives financières de la mission « Défense », souligne la fréquente absence de cohérence entre ambitions et moyens. Force est de constater que la loi de programmation militaire 2014-2019, à l’initiative de François Hollande et de son gouvernement, n’a pas été à la hauteur des enjeux. En effet, depuis 2014, les armées doivent faire face à un dépassement de 30 % de leurs contrats opérationnels, avec pour conséquence une attrition sans précédent du matériel et des hommes, qui ne disposent ni du temps ni des moyens nécessaires pour s’entraîner et parfaire leur formation, pourtant si utile au combat.

Face à cette tension, qui aurait dû nécessiter une réaction de votre part, la première mesure prise par Emmanuel Macron a été d’amputer le budget de nos armées de 850 millions d’euros – avec votre accord, Madame la ministre. Le dégel de 700 millions d’euros, décidé seulement quelques jours avant la fin de l’année dernière, pose un problème quant à sa réalisation effective. En effet, ne sachant toujours pas quels équipements ont été acquis entre le 28 et le 31 décembre 2017, nous ne pouvons qu’être sceptiques sur ce point. En dépit de vos déclarations et de vos explications successives, entre la suppression de 850 millions de crédits en juillet et les 700 millions de dégel – des crédits censés avoir été utilisés, sans que cela puisse être vérifié pour le moment –, 2017 aura été une année particulièrement difficile pour nos armées : cela vous a d’ailleurs valu, l’été dernier, une démission que l’on peut qualifier d’historique, celle du chef d’état-major des armées.

Le budget 2018 est une illustration complémentaire de votre intention de faire croire aux Français que le pouvoir d’achat de nos armées augmente considérablement, alors que vous avez en réalité amputé le budget de 850 millions d’euros et prélevé 250 millions d’euros pour financer les coûts des OPEX, et qu’un milliard d’euros de crédits correspondent en fait aux mesures adoptées par le Conseil de défense d’avril 2016 – le tout orchestré par une communication bien huilée. Dans un monde qui se réarme massivement, où nous devons faire face à des organisations terroristes islamistes ayant pour seul objectif l’asservissement des peuples libres comme le nôtre, cela nous paraît insuffisant.

Votre loi de programmation militaire 2019-2025 repose, quant à elle, sur une hausse budgétaire qui sera essentiellement portée par le prochain quinquennat. Si la LPM 2014-2019 s’est révélée notoirement insuffisante face aux nombreuses OPEX, avec les conséquences que l’on sait sur le niveau de préparation de nos armées et l’attrition du matériel engagé, la LPM 2019-2025 ne permet pas pour autant de rétablir la situation, compte tenu de sa trajectoire budgétaire programmée, qui reporte sur le quinquennat suivant l’essentiel de l’effort financier : 1,7 milliard par an à partir de 2019, et trois milliards par an à partir de 2023.

Cette manœuvre, Madame la ministre, n’est pas à la hauteur des enjeux et de l’engagement de nos forces armées. Avec votre LPM, les armées financeront les OPEX, ce qui revient à renier une promesse de campagne faite par Emmanuel Macron aux Français, les yeux dans les yeux. Avec cette LPM, il renie cet engagement, puisqu’il est demandé à nos armées de financer les OPEX sur leur seul budget, ce qui représente 1,1 milliard d’euros dès le budget 2020 – selon certaines rumeurs, cela pourrait même se faire dès 2019. Une fois cette somme déduite de 1,7 milliard d’euros, il ne reste que 600 millions d’euros : nous sommes bien loin des promesses qui ont été faites !

S’il y a bien une augmentation du budget, cette augmentation est faible au regard du budget total de la défense. L’augmentation dont vous vous prévalez est survendue, l’effort principal étant repoussé après le quinquennat et dépendant de la conjoncture économique du moment. De facto, cela signifie pour nos armées autant de budget en moins pour financer le renouvellement, pourtant absolument nécessaire, de leur matériel, ainsi que leur préparation opérationnelle. Ces crédits, déjà insuffisants pour le renouvellement de notre armement conventionnel, devront en plus assurer à notre dissuasion nucléaire sa nécessaire modernisation. Si nous sommes évidemment favorables au maintien de notre dissuasion nucléaire dans ses deux composantes, comme nous l’avons toujours affirmé, force est de constater que l’effort budgétaire consacré à ce renouvellement s’élèvera à environ 25 milliards d’euros sur la seule période de 2019-2023. Cet effort absolument nécessaire diminuera, de fait, la capacité de nos forces armées à remplacer son armement conventionnel, compte tenu de la faiblesse des crédits que vous avez décidé d’attribuer à cette LPM.

De plus, l’adoption, fin 2017, de l’article 17 – ancien article 14 – de la loi de programmation des finances publiques, fait peser une grave menace sur l’exécution de votre LPM, notamment sur ses commandes. Cet article pose le principe d’une stabilisation du montant du reste à payer de l’État pour chacune des années 2018 à 2022 par rapport aux niveaux atteints en 2017. Si votre rapport annexé indique bien que la disposition concernée « ne contraindra pas les investissements du ministère des Armées », cette procédure et cette formulation ne conviennent pas à notre groupe. Les députés LR s’attacheront donc à mieux protéger nos armées lors des débats à venir car, en indexant de la sorte cette précision, sans l’intégrer aux articles de LPM, vous soumettez les commandes de nos armées au couperet de Bercy, et vous le savez très bien.

Nous regrettons également la cacophonie, pour ne pas dire l’amateurisme, qui règne au sein du pouvoir exécutif au sujet du service national universel (SNU). Dans leur rapport d’information publié le mois dernier, nos collègues Marianne Dubois et Émilie Guerel ont démontré que, quelles que soient les options qui seront retenues, ce projet présidentiel aura un coût budgétaire important. Les députés LR affirment haut et fort qu’ils s’opposeront à toute proposition qui amputerait une fois de plus le budget de nos armées et rendrait encore plus difficile la réalisation de la LPM.

En conclusion, Madame le ministre, si la LPM permettra de lancer le renouvellement nécessaire de notre dissuasion nucléaire, nous pensons qu’elle ne permettra pas de rétablir la situation de nos armées dans le cadre de leur engagement conventionnel avant 2025, laissant ainsi de fait au quinquennat suivant la charge de remettre à niveau un potentiel pourtant très largement affaibli par ces dernières années d’OPEX. Nos armées ont besoin en urgence de ces trois milliards d’euros. Votre LPM n’est donc pas à la hauteur des enjeux, ce qui est regrettable pour nos armées, engagées bien au-delà de leurs contrats opérationnels, mais aussi pour notre défense nationale, actuellement confrontée à de nouvelles menaces. Le groupe Les Républicains s’efforcera, au moyen de ses amendements, d’être force de proposition pour que cette loi de programmation militaire soit réellement utile à nos armées, à la défense des intérêts stratégiques de notre pays et à la protection de nos compatriotes.

M. Fabien Lainé. Madame la ministre, le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés soutient ce projet de loi de programmation militaire, qui consacre la remontée de l’effort de défense de la France après deux quinquennats de déflation. La LPM tire pleinement les conclusions d’un contexte stratégique instable et incertain, décrit dans la Revue stratégique d’octobre dernier. Pour faire face à des menaces plus intenses et plus diverses, ce texte donne à nos armées les moyens de conserver un modèle cohérent et équilibré. Il permet à la France d’assumer ses ambitions dans le monde, de garantir son autonomie stratégique et de renforcer l’Europe de la défense.

Nous soutenons cette LPM tout en exprimant la sensibilité de notre famille politique, c’est-à-dire en rappelant notamment la vision stratégique de la France et son modèle d’armée. Nous appelons par ailleurs à un contrôle parlementaire renforcé pour assurer l’exécution effective de cette loi de programmation garante de ses ambitions. Nous serons attentifs à ce que ni le choix du maintien des deux composantes de la dissuasion nucléaire, ni les efforts en matière d’innovation, ni la mise en place du service national universel, ne se fassent au détriment des capacités opérationnelles et des conditions d’exercice des soldats.

Sur l’état de la menace, nous sommes satisfaits par cette loi de programmation militaire, qui résulte d’une analyse cohérente de l’évolution du contexte stratégique. Elle répond au terrorisme djihadiste, qui reste la menace prioritaire, mais pas exclusive. Nous entrons dans une ère d’instabilité, avec le dérèglement de l’ordre mondial, l’affaiblissement des institutions internationales, l’affirmation de nouvelles puissances et les menaces étendues à l’espace exo-atmosphérique et au cyberespace. La LPM s’inscrit dans ce contexte stratégique instable, et définit les ambitions et les moyens pour y répondre.

En appui de cette logique, les députés MODEM et apparentés proposent à la commission des amendements pour compléter la vision stratégique de la France. Nous souhaitons notamment inscrire dans le texte la prise en compte des stratégies intégrales de certaines puissances, articulant au-delà des aspects militaires les domaines économique, technologique et culturel. Nous souhaitons également porter la réflexion sur la menace renouvelée des armes nucléaires tactiques. Enfin, nous demandons que le Gouvernement précise sa stratégie en réponse à l’arsenalisation et la densification de l’espace exo‑atmosphérique.

Pour répondre aux défis actuels et face à l’évolution du contexte stratégique, la loi de programmation militaire entérine un modèle d’armée cohérent et équilibré, avec des choix ambitieux que notre groupe approuve. Notre modèle de défense reste basé sur une dissuasion nucléaire crédible avec ses deux composantes, océanique et aéroportée. Notre autonomie est garantie par des moyens donnés en priorité aux renseignements et à la cyberdéfense par le renouvellement des capacités opérationnelles charnières et par le soutien à notre base industrielle et technologique de défense. Le groupe MODEM et apparentés se réjouit par ailleurs des ambitions européennes fortes portées par le texte, que ce soit en matière industrielle ou opérationnelle.

Dans le but d’appuyer ces orientations, nous proposons d’aller plus loin dans le comblement des lacunes capacitaires et le développement de la coopération industrielle européenne. Nous portons des amendements de soutien à la DGA en matière de ressources humaines, ainsi qu’un amendement visant à rappeler l’importance des matériels robustes et rustiques, souvent moins technologiques, mais répondant aux besoins de nos soldats sur le terrain. L’ambition que représente la LPM exige des moyens financiers et humains. Sur ce plan, nous soutenons l’effort de l’exécutif, qui propose un projet lucide et sincère.

Il est lucide en ce qu’il donne la priorité au cœur de nos armées, à la condition militaire, au renforcement des capacités opérationnelles et à la montée en puissance des effectifs. Il est également lucide sur l’Europe, qui est notre nouvelle dimension. Notre groupe se réjouit notamment que les programmes lancés entre 2019 et 2025 soient prioritairement conçus dans une voie de coopération européenne.

Par ailleurs, le groupe MODEM et apparentés salue la sincérisation du budget de la défense, qui se traduit notamment par l’utilisation réaliste de la provision dédiée au financement des OPEX et des missions intérieures, ainsi que par le recours exclusif à des crédits budgétaires, et non à d’hypothétiques recettes exceptionnelles, comme on a pu le voir par le passé.

Si la programmation est ambitieuse, elle nécessite de faire preuve de vigilance en termes de trajectoire budgétaire. Premièrement, la hausse de l’effort prévue en 2023 pose à l’évidence question. Nous saluons l’inscription dans ce projet de loi d’une actualisation en 2021, soit avant la fin du quinquennat, ce qui constitue une garantie politique. Néanmoins, nous serons particulièrement attentifs à ce que cette actualisation n’obère pas les ambitions initiales. Il sera par ailleurs nécessaire de précéder cette actualisation d’une réflexion sur l’évolution du contexte stratégique.

Sur le nucléaire, le renouvellement des deux composantes de la dissuasion, nécessaire à sa crédibilité, ne doit pas entraîner un effet d’éviction sur les programmes et les équipements conventionnels. Dans la même logique, les investissements qui développent les technologies de demain et qui participent au dynamisme de la base industrielle et technologique de défense (BITD) ne doivent pas se faire au détriment des capacités opérationnelles des effectifs ou des équipements rustiques, qui constituent une composante essentielle de la solidarité et de l’efficience de nos armées.

Le groupe MODEM sera également vigilant quant à la mise en place du SNU. En effet, s’il est normal que les militaires soient en support de ce service, il est exclu que les armées en fassent les frais au moment même où cette remontée en puissance s’effectue.

Enfin, plus généralement, le groupe MODEM et apparentés restera particulièrement attentif quant au contrôle parlementaire de l’exécution de la LPM. Dans ce cadre, nous avons déposé plusieurs amendements visant à renforcer les dispositions de contrôle inclus dans le texte. Notre groupe se félicite, enfin, de l’accent mis sur la condition militaire, qui s’est dégradée ces dernières années sous l’effet des engagements croissants et des coupes budgétaires. Le projet de loi vise en effet à améliorer les conditions de vie et d’exercice du métier de soldat. Cela doit permettre aux armées d’exercer de manière durable et soutenable leurs nombreuses missions. Par ailleurs, alors que, dans ces conditions, le ministère des armées peine à fidéliser les personnels, ce principe participe à la dynamisation des ressources humaines.

Nous saluons aussi l’ouverture de l’accès des militaires aux fonctions électives locales. Il est en effet indispensable qu’ils puissent participer pleinement à la démocratie et au débat public. Pour compléter le dispositif prévu sur ce dernier point dans le projet de LPM, notre groupe propose d’étendre cette extension des droits politiques des militaires aux fonctions de conseiller communautaire. Très attachés au renforcement des liens entre la Nation et son armée, nous proposons également des amendements sur la promotion des réserves et du service militaire volontaire.

En conclusion, notre groupe politique soutient avec enthousiasme ce texte, car c’est une LPM qui s’inscrit avec justesse dans l’évolution du contexte international et l’émergence de nouvelles menaces. C’est une LPM qui définit un modèle d’armée cohérent et équilibré pour répondre à ces menaces et qui permet notre autonomie stratégique, une LPM qui affirme la nécessité de la coopération européenne et contribue à l’émergence d’une véritable Europe de la défense, une LPM lucide et sincère, qui donne des moyens à nos armées, à la hauteur des ambitions de la France, une LPM à hauteur d’homme, enfin, qui met le soldat au cœur de ses ambitions. En somme, nous soutenons cette LPM de redressement et appuierons la LPM de renouveau.

M. Jean-Christophe Lagarde. Comme la Revue stratégique 2017 l’a clairement énoncé, la France, et plus généralement l’Europe, sont aujourd’hui exposées à de nouveaux défis qui non seulement se croisent, mais aussi se rapprochent : terrorisme, crise migratoire, démonstrations de force de grandes puissances militaires, vulnérabilités persistantes dans la bande sahélo-saharienne, déstabilisation durable au Proche et au Moyen-Orient, dérèglements climatiques, risques pandémiques ou encore trafics et criminalité organisée.

Les vulnérabilités et les causes de déstabilisation sont donc nombreuses, complexes et durables. Pour y faire face, nous n’avons d’autres choix que de disposer, comme vous le souhaitez, d’une force armée suffisamment complète et équilibrée – j’ai toujours un peu de mal à dire « une force armée complète », car elle ne l’est pas totalement si on la compare à celle des États-Unis : nous avons besoin de partenaires. Nous devons également garder à l’esprit, bien sûr, qu’un tel modèle n’est pas forcément synonyme de sécurité. Il n’est que de voir la diversité et l’intensité des menaces, tant intérieures qu’extérieures, auxquelles sont confrontés nos alliés américains, qui possèdent pourtant, de loin, l’armée la plus complète et la plus équilibrée au monde.

Un deuxième élément de contexte est celui de l’état de notre puissance militaire. À l’évidence, elle n’est pas, ou n’est plus, capable de répondre aux menaces grandissantes. Il faut y voir le résultat de plusieurs décennies d’une politique pratiquée par les gouvernements successifs, toutes tendances confondues, qui ont diminué l’importance de l’effort de défense. Notre modèle d’armée s’est peu à peu affaibli en raison de la baisse des effectifs et des retards accumulés dans la modernisation des équipements – lesdits équipements étant aujourd’hui en grande partie obsolètes ou inemployables sur le terrain.

C’est là qu’intervient le troisième élément de contexte de préparation de cette LPM, opposé au premier, celui de la contrainte budgétaire. En réalité, l’exercice de cette loi de programmation militaire relève presque de la quadrature du cercle, puisqu’il s’agit de concilier, d’une part, le contexte budgétaire qui nous oblige à contenir les dépenses publiques, et, d’autre part, le contexte de menaces croissantes, intérieures et extérieures, auxquelles nous faisons face.

Au nom du groupe UDI, Agir et Indépendants, je dois dire, Madame la ministre, que le projet de loi de programmation militaire que vous nous présentez répond du mieux possible aux contraintes imposées par son contexte, et que nous l’estimons globalement satisfaisant. Non pas qu’il ait la prétention de combler des décennies de lacunes budgétaires, d’abandons capacitaires et de réductions en moyens humains, mais tout simplement parce qu’il va dans le bon sens, avec une trajectoire visant à la fois à la réparation et à la préparation de l’avenir – ce que nous n’avions pas vu depuis longtemps, nonobstant les critiques que l’on a pu entendre au sujet de ce texte

Nous ne pouvons que souscrire aux quatre grandes priorités que vous avez fixées et qui ont été rappelées. Nous partageons non seulement le constat, mais aussi les objectifs. Pour autant, le groupe UDI, Agir et Indépendants tient à vous faire part de certaines remarques et propositions que nous avons déjà évoquées avec vous et que nous aurons de nouveau l’occasion de rappeler lors de l’examen du texte en séance.

Bien sûr, nous soutenons pleinement le rehaussement de l’effort à 2 % du PIB à l’horizon 2025. C’est une nécessité, ne serait-ce que pour rendre confiance et dignité, et même apporter davantage de sécurité à nos soldats. Nous saluons donc cet engagement qui, à n’en pas douter, constitue un choix difficile. Nous saluons également votre volonté d’améliorer rapidement la condition militaire, qui est l’un des éléments de cette confiance et constitue le pendant du sacrifice consenti par nos soldats et leurs familles.

Cependant, l’effort n’est pas linéaire. Nous avions souhaité, lors d’une précédente audition, que cet effort soit le plus rapide possible. Comme vous le reconnaissez, il sera quasiment doublé entre la période 2017-2022 et la période 2023-2025. Il en est de même en termes de ressources humaines, avec la création de 6 000 postes, dont les trois-quarts à partir de 2023. Naturellement, vous n’échapperez pas au débat sur ce qu’il adviendrait, à l’issue des élections présidentielle et législatives de 2022, d’un engagement s’étendant en partie sur le prochain quinquennat, mais il en est ainsi de toutes les LPM : elles engagent toutes plusieurs majorités, qui les respectent ou non. Cela dit, à entendre les intervenants qui se sont succédé, il n’y a pas à craindre que les engagements de la LPM soient remis en cause, puisque tout le monde exprime le souhait qu’il soit fait davantage… (Sourires). Pour notre part, nous considérons qu’il n’est pas possible de réparer quinze à vingt ans d’abandon budgétaire et humain en sept ans. La remontée en puissance doit se faire de manière progressive et, si nous aurions souhaité que les choses se fassent plus rapidement, c’est au-delà même de 2025 qu’il faudra regarder, conformément à votre LPM qui prévoit bien de préparer la suite.

En second lieu, au sujet du volet capacitaire de ce projet de loi, et plus précisément de son rapport annexé, je tiens à soulever un point que notre collègue Olivier Becht ne manquera pas rappeler en commission et en séance, au moyen d’un amendement : la construction d’un porte-avions afin de permettre le remplacement du Charles-de-Gaulle avant sa fin de vie. En effet, le rapport ne prévoit des études amont que sur un seul porte-avions, alors que nous aurions tout intérêt à en construire deux, tout du moins à réfléchir sérieusement à cette hypothèse. Évidemment, vous pourrez nous répondre que les crédits sont rares et que les coûts sont astronomiques. Certes, mais un seul porte-avions – régulièrement immobilisé – suffit-il à assurer la sécurité de notre pays, qui possède le deuxième domaine maritime du monde ? Avant de réfléchir aux coûts budgétaires, ne devrions-nous pas réfléchir aux ambitions qui sont les nôtres, à la sécurisation de nos intérêts ultramarins, mais également des routes maritimes ? Au moment où le président de la République achève sa visite en Inde, nous devons également nous demander si nous n’avons pas des partenaires, y compris en dehors du continent européen, qui seraient intéressés par le développement en commun d’un modèle de porte-aéronefs, qui permettrait de réduire les coûts en les mutualisant.

J’en viens maintenant aux dispositions relatives à la recherche, au développement et à l’innovation – un secteur en progrès, mais qui reste un parent pauvre de la LPM. Si nous soutenons l’effort consenti, nous estimons que, compte tenu du montant du budget que notre pays alloue à la défense par rapport à celui d’autres États – par exemple celui des États-Unis, près de dix fois plus élevé, ou celui de la Chine, près de quatre fois supérieur –, il conviendrait de réfléchir à une stratégie différente, celle de la mutualisation avec nos partenaires européennes.

Il s’agirait de réduire la diversification de notre recherche et de nous concentrer sur les seuls domaines où nous sommes en mesure d’être les plus efficaces et les plus compétitifs. Dans les autres domaines où nous ne possédons pas les ressources suffisantes, nous devrions privilégier la coopération avec les autres pays européens qui disposent, eux aussi, de leurs avantages compétitifs. Une telle mutualisation européenne des savoirs, des études et des productions serait d’autant plus opportune pour les espaces exo-atmosphérique et numérique, qui seront certainement les principaux théâtres d’opération de demain.

Nous souscrivons, là aussi, à l’ambition du Gouvernement quant à notre autonomie stratégique qui doit nécessairement passer par la consolidation d’une défense en Europe. Cela implique que nous ayons l’ambition de construire une industrie de défense européenne permettant à la fois la mutualisation et l’indépendance face à des puissances qui, pour être nos alliés – je pense notamment aux États-Unis –, n’en sont pas moins incertaines quant à leur évolution politique ou leurs relations avec notre continent.

Vous l’aurez compris, au-delà de nos interrogations et des propositions que nous présenterons lors de l’examen à la fois de ce projet de loi de programmation militaire et de la révision que vous avez promise, Madame la ministre, en 2021 – laquelle est un gage de transparence vis-à-vis de nos armées comme de nos concitoyens –, le groupe UDI, Agir et Indépendants soutiendra ce projet de loi de programmation militaire de façon exigeante. C’est un effort inédit que nous aurions tous voulu encore plus important – vous-même aussi, j’en suis sûr. Puisqu’il s’agit d’un pourcentage du PIB, nous espérons d’ailleurs qu’il pourra ainsi augmenter à la faveur d’une augmentation du PIB de notre pays. La remise à niveau pourrait aussi être accélérée si, par extraordinaire, le coût des opérations extérieures baissait.

Je terminerai sur la sincérité budgétaire. Même seulement progressive, la sortie de l’hypocrisie entretenue au sujet des opérations extérieures nous paraît en effet être un gage de sérieux. On ne financera plus les équipements des armées françaises au gré de nos engagements à l’extérieur – ou de leur absence. Il est tout de même plus facile, pour les généraux que nous entendons régulièrement ici, de savoir à quel rythme ils vont pouvoir consommer les crédits qui leur sont alloués, sans dépendre des opérations décidées par le pouvoir politique.

M. Joaquim Pueyo. Tout d’abord, il me paraît intéressant d’éclairer nos travaux en regardant comment s’est déroulée l’exécution de la LPM précédente, qui a fait l’objet d’un rapport que j’ai élaboré avec mon collègue François André.

Si nous devions le résumer, nous pourrions dire qu’il s’agissait d’une programmation risquée, mais dont l’exécution fut unanimement saluée par l’ensemble de nos interlocuteurs. La révision intervenue en juillet 2015 a participé de cette réussite, puisqu’elle a permis d’adapter à un environnement international complexe les moyens humains et financiers mis à la disposition du ministère de la Défense.

À côté de cela, nous avions également souligné que la programmation capacitaire avait été relativement bien exécutée tant en commandes qu’en livraisons, alors même que la décision prise au départ de maintenir et d’étaler les investissements pouvait paraître difficile et ambitieuse dans un environnement budgétaire contraint.

Nous avions également soulevé plusieurs fragilités qui sont, à mon sens, autant d’enseignements à prendre en compte pour le futur.

J’en citerai à ce stade deux qui sont centrales. En premier lieu, il y a les coûts induits par les réductions de cibles et les renégociations des contrats d’armement. L’exemple des FREMM est marquant, puisque nous avions dépensé plus 14,5 milliards d’euros, au lieu de 12,5 milliards d’euros, pour recevoir deux bâtiments de moins que prévus. À côté de cela, il faut aussi dénoncer le coût exorbitant de la régulation budgétaire à court terme. Les annulations et gels engendrent des reports coûteux. Mon second point porte sur la question de la hausse tendancielle du coût du maintien en condition opérationnelle (MCO). Le besoin de maintenir des équipements vieillissant en état de fonctionnement a un prix. Mais les remplacements à venir ne semblent pas indiquer une baisse du MCO, puisque ces nouveaux matériels, plus sophistiqués, les feront augmenter.

L’enseignement que l’on peut tirer de cette exécution de la LPM précédente, c’est le besoin d’une certaine plasticité afin de répondre aux évolutions des environnements sécuritaires nationaux et internationaux et aux aléas parfois brutaux de l’économie mondiale. C’est pourquoi l’article 6 prévoyant une révision en 2021 est indispensable.

Les choix faits pour la LPM précédente, sa bonne exécution et des prévisions économiques favorables font le socle de ce qui est possible pour cette future programmation 2019-2025.

J’en viens donc aux mesures que vous nous proposez et à l’appréciation générale des équilibres budgétaires.

Cette LPM prévoit des augmentations de 1,7 milliard d’euros par an entre 2019 et 2022 et de trois milliards d’euros par an pour les années 2023, 2024 et 2025. Le but recherché : atteindre 50 milliards d’euros pour le budget du ministère des Armées en 2025 et consacrer ainsi 2 % du PIB à la défense.

Sur la période évoquée dans l’article 3, la période 2019-2023, ce sont 197,8 milliards d’euros qui devraient donc être mobilisés. Sur les sept ans de cette programmation, le rapport annexé indique que ce sont 295 milliards d’euros qui devront alimenter les différents budgets annuels pour atteindre l’objectif poursuivi.

La fin des ressources exceptionnelles est à souligner, car il évite les incertitudes. Je salue cet effort, mais comme je l’indiquerai plus loin, cela soulève également des interrogations.

Pour ce qui est de l’augmentation des provisions annuelles dédiées aux OPEX et missions intérieures, elle participe d’un effort de sincérité budgétaire que je tiens à saluer. Cette décision devrait éviter le financement du surcoût OPEX par les gels budgétaires touchant le ministère des armées en début d’année et qui ponctionnent le programme 146 et ainsi mettre fin à un autofinancement déguisé sous couvert d’interministériel.

Le rapport annexé présente l’ambition 2030 avec pour but le maintien d’un modèle d’armée complet garantissant l’autonomie stratégique de la France, en s’appuyant sur la modernisation des différentes composantes et l’augmentation des coopérations, notamment européennes.

Dans les faits, cela devrait notamment passer par un effort accru sur les équipements. Pour remplir leurs missions, les personnels de la défense doivent pouvoir compter sur des matériels fiables, offrant protection et autant que faire se peut, supériorité sur l’ennemi qu’ils ont à affronter.

J’approuve l’accélération des programmes concernant l’armée de terre – citons le programme Scorpion –, la marine et la composante aérienne. Cependant, pour cette dernière la question des ravitailleurs restera centrale, car il s’agit d’un matériel indispensable pour assurer notre capacité à intervenir.

L’augmentation des budgets consacrés à la recherche est un point positif, car il permettra de penser les futures évolutions de nos matériels pour disposer d’un modèle d’armée complet.

La Revue stratégique de défense et de sécurité nationale présentée en novembre 2017 mettait en avant trois points essentiels, dont la cyberdéfense et l’exo-atmosphérique. Elle note que ce contexte pourrait évoluer et que nous ne devons plus sous-estimer la possibilité de menaces étatiques et également d’une confrontation plus conventionnelle.

Le groupe Nouvelle Gauche salue la volonté affichée de faire de la sécurisation des installations une priorité, de rénover les infrastructures et d’augmenter les effectifs et d’améliorer la condition militaire avec le plan Famille.

Sur le papier, cette LPM est satisfaisante et semble prendre en compte les grands enjeux auxquels sont et seront confrontées nos armées. Tout le sujet sera la traduction de ces ambitions dans les budgets chaque année. Or je souhaite soulever plusieurs points qui me semblent faire peser des risques sur l’exécution de cette programmation.

Tout d’abord, se pose la question des augmentations de crédits. Si celles-ci sont à saluer, on peut s’interroger quant à leur répartition sur les années concernées. Il s’agit, comme je l’ai indiqué plus haut, de faire peser sur les années 2023, 2024 et 2025 des augmentations de trois milliards d’euros. On notera que ces très fortes augmentations interviendront après des échéances électorales qui peuvent remettre totalement en cause les choix faits par ce texte en 2018. Si l’ambition porte sur 2030, les annonces sur 2025, force est de constater que les ressources budgétaires fermes de l’article 3 ne sont réellement que sur la période de 2019 à 2023.

Les performances économiques réalisées – 2 % de croissance en 2017 et 1,9 % selon le FMI en 2018 – offrent des opportunités importantes pour investir dans le domaine crucial de la défense. Si l’on prend en compte le fait qu’il est difficile, voire impossible et risqué, de prédire ce que seront les performances économiques de notre pays dans quatre ou cinq ans, il faut donc assurer les augmentations quand l’évolution positive de la croissance le permet.

C’est pourquoi il nous semble que les augmentations fortes et repoussées aux années futures pourraient être réparties sur l’ensemble des années afin d’améliorer les chances d’arriver à l’objectif de 2 % du PIB consacré à la défense en 2025. Un amendement de mon groupe proposera donc une répartition plus équilibrée sur l’ensemble des années 2019 à 2025, afin de concrétiser les engagements exposés dans le rapport annexé et ainsi remplir l’ensemble des objectifs définis.

Les restes à payer constituent un autre point de vigilance. Ceux-ci correspondent, pour faire simple, à la différence entre les autorisations d’engagement et les crédits de paiement correspondants. En 2017, ils s’élèvent à environ 52 milliards d’euros pour la mission « Défense », ce qui représente presque la moitié des restes‑à‑payer de l’ensemble des missions budgétaires. Cependant, il s’agit du ministère qui concentre une grande part de l’investissement, sur des programmes qui s’étalent sur plusieurs années.

Or la loi de programmation des finances publiques adoptée fin 2017 prévoit que le montant des restes à payer pour les années 2018-2022 ne peut excéder ceux de 2017. Un amendement sénatorial en exonérait la mission « Défense », mais la majorité à l’Assemblée avait supprimé cette disposition. À présent, vous reprenez cette initiative, ce qui est à souligner, mais en ne le mentionnant qu’à la toute fin du rapport annexé. Vu l’importance de cette disposition, il est me semble indispensable de donner une légitimité plus importante à cette mesure d’exclusion, ce qui se traduira par un amendement de notre groupe.

La question des reports de charges constitue un troisième point de vigilance. Le rapport annexé prévoit leur réduction vers un seuil incompressible, ce qui va dans le bon sens. La trajectoire paraît par contre ambitieuse, si l’on prend en compte les aléas qui pourraient émaner des lancements, réalisations et livraisons de matériels qui pourraient intervenir dans la période de 2019 à 2025.

Quatrième point de vigilance : l’augmentation des prévisions OPEX et missions intérieures. Il était indispensable de revaloriser ces montants initiaux consacrés aux opérations. Cependant, le passage à une provision de 1,1 milliard d’euros par an limitera les augmentations, puisque ce sont plusieurs centaines de millions qui pèseront directement sur le budget des armées et non plus autant sur la solidarité interministérielle.

L’équilibre budgétaire global entre ces augmentations, les restes à payer, le report de charge et les ambitions annoncées sera particulièrement exigeant à tenir. Après avoir énoncé cette volonté de faire plus, plus vite, les attentes des personnels de la défense sont grandes et la déception serait aussi importante si elles n’étaient pas satisfaites.

Comme nous l’avons rappelé dans notre rapport, nous savons que le principal écueil est « l’inadéquation de la ressource budgétaire avec les ambitions affichées ». La volonté de Bercy de faire appliquer une logique budgétaire quelquefois simpliste et court-termiste pourrait faire peser un risque.

Pour finir, je souhaiterais aborder un sujet qui reste en suspens à ce jour : la rénovation du service national universel. Le président de la République et vous, Madame la ministre, vous êtes engagés à ne pas faire peser sur le budget du ministère des armées ce dispositif, peu importe la forme qu’il prendra – et je vous crois.

Vous connaissez mon opinion sur le bien-fondé et la faisabilité de la mise en place d’un système qui mobiliserait 800 000 jeunes par an pour une durée plus ou moins courte. Cela se chiffrerait en milliards d’euros. Je tiens à rappeler ici la solution que deux rapports de cette commission ont évoquée, dont le dernier il y a quelques semaines. Ce n’est pas entre 18 et 25 ans que l’on transmet valeurs et attachement à la Nation.

Pour conclure, je rappellerai que le groupe Nouvelle Gauche salue la volonté affichée d’atteindre les 2 % du PIB consacré à la défense en 2025 et les ambitions du rapport annexé. Nous reconnaissons l’effort budgétaire qui devrait se déployer sur les cinq ans à venir. Cependant, plusieurs points nous inquiètent, car ils pourraient remettre en cause ces annonces positives. Nous aborderons cette discussion de façon constructive.

M. Bastien Lachaud. La loi de programmation militaire présente à nos yeux d’assez graves insuffisances. Je vais les exposer, en évoquant la conception du texte, les principes qui le structurent et les manquements à ces mêmes principes qu’on peut déceler.

D’après le Gouvernement, la LPM traduit les orientations de la Revue stratégique de sécurité et de défense. Il faut donc revenir à elle.

Notons d’abord que son calendrier de travail a été inutilement resserré : à peine trois mois, dont deux mois d’été. Ce ne sont pas des conditions de travail idéales pour produire une réflexion neuve, ce qu’aurait pourtant exigé notre sujet. De fait, les auteurs se sont surtout concentrés sur des concepts anciens et de vieux réflexes pour parer au plus pressé.

Ce calendrier a eu pour autre conséquence de limiter à presque rien la consultation des groupes parlementaires. Comme d’habitude avec ce Gouvernement, le rôle de notre assemblée a été lourdement minoré et le travail d’audition de notre commission ne pourra pas faire illusion.

L’attitude du président de la République a confirmé cette tendance. La lettre de mission qu’il a donnée à Arnaud Danjean excluait d’office la question de la dissuasion, pourtant centrale dans notre stratégie de défense.

Du point de vue budgétaire, l’objectif des 2 % fixé par l’OTAN était déjà adopté avant la rédaction de la Revue stratégique – indépendamment de toute réflexion précise sur les besoins et les objectifs de nos armées. De plus, le choix fait par l’exécutif de ne pas laisser le temps aux différentes missions d’information de rendre leurs travaux témoigne encore de son peu de considération pour la représentation nationale.

Notons enfin que le texte qui nous est présenté est une sorte d’omnibus législatif dont le caractère budgétaire est très dénaturé et qui n’a manifestement pas fait l’objet d’une relecture aussi attentive que nécessaire. On se reportera par exemple à la page 146 du projet de loi pour constater que le tableau des reports de charge de l’alinéa 481 donne des valeurs exprimées en milliards d’euros quand l’article précise justement que ces reports sont exprimés en pourcentage des crédits hors masse salariale. Heureusement, notre rapporteur a relevé cette incohérence et proposé un amendement visant à la corriger.

Le défaut de conception originel de la Revue stratégique et de la LPM tient en premier lieu à l’absence de bilan stratégique des opérations extérieures. Chacun répète que le taux d’engagement des armées ces dernières années a été exceptionnel, mais personne, ou presque, ne s’interroge sur les effets stratégiques et les résultats de cette mobilisation des forces. Ce n’est pourtant pas faire injure à nos soldats que de questionner les choix politiques au nom desquels certains d’entre eux ont perdu la vie. En réalité, c’est bien la moindre des marques du respect dû à leur mémoire.

La faiblesse de la Revue stratégique est de n’être qu’un catalogue des menaces, plutôt exhaustif, mais sans mise en perspective avec les objectifs que la France doit atteindre sur la scène internationale. Ainsi, la LPM est d’une discrétion alarmante quand il s’agit d’affirmer que la paix est l’objectif premier de toute action extérieure de la France. À ce sujet, certaines dispositions de la LPM sont inacceptables, même camouflées par la grisaille d’un rapport annexé. C’est par exemple le cas du soutien à l’export d’armements : la hausse des moyens et des effectifs dédiés, et l’argumentation extrêmement cynique qui la justifie, sont assez scandaleux.

Dans ces conditions, les choix qui ont été faits n’en sont pas. On a privilégié la continuité, on s’est arc-bouté sur des fétiches qui nourrissent l’illusion de la puissance.

Le premier des fétiches, c’est l’objectif des 2 % du PIB lui-même puisqu’il ne repose que sur les exigences de l’OTAN. Ce gadget de communiquant, qui cherche à montrer que la France assume des efforts financiers importants pour assurer sa propre sécurité en toute indépendance, indique en fait le contraire : la France se plie aux volontés d’une alliance obsolète, mise au service des intérêts des USA et en particulier de son industrie, à laquelle les États membres finissent invariablement par acheter du matériel sur étagère.

Qui plus est, il faut le rappeler à ceux que leur fascination pour le capitalisme étasuniens obnubile, l’Alliance atlantique n’est pas un facteur de stabilité pour l’Europe et pour le monde ; elle est un grand fauteur de tensions. Son extension continue à l’Est après l’effondrement de l’Union soviétique ne pouvait pas ne pas faire naître en Russie un sentiment d’humiliation et d’encerclement aux conséquences délétères. Quant à la Chine, son accession au sommet de la hiérarchie des puissances, rend Washington fébrile puisqu’elle met en danger le leadership étasunien essentiellement fondé sur la puissance militaire et la prééminence du dollar.

Or la LPM, dans le droit fil d’une décennie de renoncements, ne questionne même pas le privilège donné à l’OTAN dans le système d’alliances de la France. Elle adopte des inquiétudes et désigne des adversaires qui ne sont pas les nôtres. Prétendre seulement défendre les droits de l’homme en ne parlant que de la Chine et de la Russie sans rien dire de la monarchie d’Arabie saoudite, du despotisme turc ou encore du colonialisme israélien, c’est mettre la France à la remorque des USA. En l’espèce, nous avons bien tort de lier nos destinées à celle d’une puissance que le déclin rend agressive, et de refuser de dialoguer librement avec la Chine et la Russie, quelques réserves qu’on puisse légitimement avoir sur leurs gouvernements.

Le deuxième fétiche de la LPM est la conséquence paradoxale de cette obstination stratégique à suivre les États-Unis : il s’agit de la fuite en avant européenne.

L’idée de la coopération européenne pour la défense souffre de quatre problèmes. Tout d’abord, les traités excluent a priori l’idée d’une défense proprement européenne, puisqu’ils sous-traitent cette question à l’OTAN. Ensuite, rappelons qu’une politique de défense suppose la souveraineté d’un peuple ; or il n’y a pas, à l’heure actuelle, un peuple européen, mais des peuples européens. Troisièmement, les disparités techniques et les désaccords entre États membres sont tels que la coopération ne peut en réalité qu’être limitée au risque d’être déséquilibrée et déloyale : les achats de matériels américains par les plus proches de nos amis européens nous le rappellent régulièrement.

Les raisonnements en faveur d’un prétendu approfondissement de la coopération européenne ne tiennent pas. Ils relèvent soit de la méthode Coué, lorsqu’on prétend relever de 36 % la part des programmes d’armements menés en coopération, soit du cynisme lorsqu’on souhaite faire du fonds européen de défense une manne financière pour l’industrie de défense nationale. En tout état de cause, qu’il s’agisse d’aveuglement ou de cynisme, les conditions ne sont pas réunies pour poursuivre dans cette voie.

Le troisième des fétiches de la puissance, c’est la dissuasion nucléaire. Le choix fait par le président de la République, et qu’on nous demande de ratifier, n’en est pas un. La Revue stratégique souligne l’évolution des menaces sur la crédibilité de la dissuasion à moyen terme. Le bouclier antimissile accepté à Chicago en 2012 a affaibli notre dispositif. Les déclarations de Donald Trump au sujet du développement d’armes nucléaires tactiques et les essais russes de missiles hypervéloces devraient inciter à une réflexion publique et éventuellement à une mise à jour de notre doctrine. Mais, encore une fois, le débat est confisqué et c’est le statu quo qui prévaut.

Pourtant, ce statu quo va engager la France pour plusieurs dizaines de milliards d’euros et pour plusieurs décennies. Le choix de moderniser et de renouveler les deux composantes de la dissuasion, alors qu’il n’y a pas d’urgence réelle à en décider ainsi, éloigne la France des objectifs de désarmement qu’elle défend depuis des années.

Cette question de la dissuasion amène à évoquer plus précisément les chiffres et le mythe de la hausse budgétaire.

En effet, les dépenses engagées pour le renouvellement de la dissuasion dans ses deux composantes vont très nettement obérer les hausses de crédit annoncées. Le flou qui demeure à ce sujet oblige à raisonner avec une fourchette de dépenses entre 25 milliards d’euros et 37 milliards d’euros.

Nous aurons le temps de revenir précisément sur ces chiffres au cours de nos débats. Cependant, il est évident que les efforts financiers promis par le Gouvernement seront très largement absorbés par la dissuasion.

Ils seront également grevés par la hausse de l’enveloppe des OPEX. Réclamée par la Cour des comptes, cette hausse est problématique pour deux raisons au moins. D’une part, elle postule un taux d’engagement des forces aussi élevé que celui des dernières années, alors que chacun le tient pour exceptionnel. D’autre part, elle met progressivement un terme au principe du financement interministériel auquel nous avions pourtant entendu dire que la majorité, comme le chef d’état-major, était attachée...

Il faut ensuite faire remarquer que la hausse budgétaire dont se vante l’exécutif ne prendra pour l’essentiel effet qu’après la fin du quinquennat. Tant du point de vue financier que du point de vue du matériel et des ressources humaines, chacun aura effectivement remarqué que les hausses promises sont réparties comme suit : un tiers des dépenses sur les deux premiers tiers de la période, deux tiers sur le dernier tiers de la période... Cette courbe bizarre est en fait la traduction du maintien de la politique d’austérité dans les armées, fixée par les objectifs de la Commission européenne et par la loi de programmation des finances publiques.

Enfin et parce qu’il est impossible à cet instant d’être exhaustif, il faut remarquer un grand absent de ce projet de loi de programmation militaire : le service national universel. Il serait difficile de compter les changements de pied du Gouvernement et de la majorité à ce propos. Quoi qu’il en soit, si la position arrêtée, pour l’instant, par Emmanuel Macron devait être mise en application, c’est-à-dire un service obligatoire de trois mois pour toute une classe d’âge, alors il est tout à fait impossible que ce dispositif soit neutre pour le budget des armées.

Quand bien même le Gouvernement mobiliserait les autres ministères éventuellement concernés, comme l’éducation nationale, il est illusoire, voire mensonger, de prétendre mobiliser plusieurs centaines de milliers de jeunes gens, sans que les armées n’assument une dépense substantielle.

Finalement, ce sujet aura été emblématique de l’approche des questions de défense par le président de la République : le choix d’une posture régalienne entièrement contredite par les actes.

C’est ce dont témoigne également ce projet de loi de programmation militaire.

M. André Chassaigne. Ma présentation sera plus synthétique dans l’hémicycle. Je me focaliserai aujourd’hui sur quelques points de ce projet de loi de programmation militaire, qui me paraissent réclamer votre attention.

Je commencerai par le volet budgétaire. Je m’interroge tout d’abord sur l’objectif des 2 % du PIB. Sans audit préalable de l’ensemble des besoins des armées, on ne sait pas en effet si elles sont sous-financées ou se rendent, au contraire, coupables de gabegie. Sorti du chapeau, ce chiffre de 2 % marque surtout la perte d’indépendance de défense la France, du fait de son intégration toujours plus poussée dans l’OTAN.

Sur la provision des OPEX, un premier pas est fait avec cette montée en charge de la provision budgétaire prévue sur le budget de la défense. Pour faire simple : aujourd’hui, cette provision de charge est de 650 millions d’euros, alors que le coût total des OPEX pour 2017 a été de 1,47 milliard d’euros. Tendre vers la fin de ce mécanisme injuste et grevant l’ensemble des ministères est une bonne chose.

Deuxièmement, j’aborderai la question du personnel des armées. Globalement, le projet de loi vise à prendre à bras-le-corps la question sociale des militaires, dans un contexte de suractivité et de plusieurs suicides de soldats en activité. On peut toutefois s’interroger sur la pertinence d’un recrutement extrêmement massif, surtout concentré dans des postes n’impliquant pas des militaires de carrière, alors qu’il est à espérer une baisse de l’intensité des opérations suite à la chute de Daech. Notamment, l’ensemble des mesures tendant à grossir les rangs de la réserve opérationnelle interroge, d’autant qu’on peut se demander si on est encore réserviste lorsqu’on est en activité 210 jours par an…

Élément favorable, la revalorisation du service de santé des armées (SSA). Cela était essentiel, tant ces derniers sont exsangues. Le SSA ont en effet perdu en une dizaine d’années 1 600 personnes, soit 8 % de leurs effectifs.

Troisièmement, si on peut accueillir favorablement le fait que les matériels soient rénovés et modernisés, plusieurs craintes et remarques subsistent, tant on ne sent pas que ce soit une forte priorité de la LPM. Ainsi, le programme Scorpion, qui a déjà pris du retard, ne sera réalisé qu’à la moitié à la fin de cette LPM.

En parallèle, si le texte précise bien que l’enjeu est de fournir l’ensemble des équipements de base aux militaires – habillement adapté, moyens de communication, munitions de petit calibre, système de visée à vision nocturne, véhicules blindés, zones de repos, zones d’entraînement, protections individuelles – , le retard pris est purement scandaleux pour un pays comme la France.

Donc, concrètement, les mesures annoncées vont dans le bon sens, mais le retard pris est tellement grand qu’il n’est pas acquis que cette LPM soit suffisante.

Quatrièmement, j’en viens à l’immobilier. Une nouvelle fois, ce point de la LPM est un des plus décevants, en cela qu’il continue à opérer la vente de structures patrimoniales de défense alors même que les bâtiments actuels sont insuffisants – et le seront d’autant plus si un service national se met en place. Faudra-t-il alors réquisitionner les logements d’internat ou les logements d’étudiant ?

Pour rappel, le parc immobilier de la défense a déjà fondu de 17 % en une décennie. Si le patrimoine immobilier des armées s’étend sur près de 275 000 hectares et représente 27 % de la valeur totale du parc immobilier de l’État, le traitement budgétaire de ces surfaces est très inégalitaire. Ainsi, si on a assisté à une augmentation des budgets d’entretien et de maintenance des infrastructures majeures et exceptionnelles, les dépenses de structures non opérationnelles, telles que les dépenses d’hébergement et de restauration, ont fortement diminué.

Cinquièmement, la dissuasion nucléaire. Point préalable, on peut s’étonner de ce que le plan de modernisation du nucléaire « purement défensif » français consiste à la conception d’engins plus autonomes et de plus longue portée. N’y a-t-il pas là une contradiction ? On peut difficilement parler de puissance supérieure, car les dernières entreprises de production de matière fissiles ont fermé en 1997 à Pierrelatte et Marcoule. Aujourd’hui, il reste surtout quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE), dont l’un reste en veille permanente.

Comme je vous l’ai déjà dit, Madame la ministre, la position française n’est pas étonnante au vu des agissements diplomatiques de Paris depuis plusieurs décennies et de son refus de toute réduction de l’arsenal nucléaire français : tentative de blocage, puis refus, de discussion et de signature du traité négocié à l’ONU l’an dernier, signature tardive du traité de non-prolifération (TNP), refus de signer les traités créant des zones exemptes d’armes nucléaires.

Il faut quand même rappeler que la France est engagée, par sa signature du TNP en 1992, à aller vers un démantèlement de son arsenal et la participation à un traitement de désarmement multilatéral. Le Gouvernement et le corps diplomatique ont justifié le vote et le boycott français du traité de l’an dernier par un devoir de pragmatisme et de crédibilité en ce qui concerne toute initiative de désarmement multilatéral, au motif que la dissuasion nucléaire serait nécessaire en période de fortes tensions internationales…

Sur ce point, je reprendrai quant à moi les termes d’une déclaration du Haut représentant des Nations unies pour les affaires de désarmement : « la course aux armements attise les tensions ». Je crois qu’on peut réfléchir sur cette question.

Sixièmement, j’en viens aux relations internationales de la défense. Vous savez ma position sur une intégration toujours plus poussée dans l’OTAN. C’est une question de maintien de l’indépendance française en matière de défense. En témoigne la question des 2 % ou le maintien d’un arsenal nucléaire directement exigé par l’OTAN. Il faut par ailleurs rappeler que, si l’article 5 du traité de l’Atlantique nord est censé assurer la solidarité entre les États, ses derniers faits d’armes sont peu glorieux : intervention illégale en Irak, détournement du mandat onusien en Libye…

Quant à l’émergence d’une Europe de la défense, on voit bien qu’elle a lieu sous le regard des États-Unis, très offensif sur leur présence et sur la défense de leurs intérêts.

Septièmement, j’en termine par la fabrication et le commerce des armes. Je suis très attaché au fait qu’on demeure attentif à la souveraineté des industries de l’armement. Il y a un risque réel. Je pense en particulier aux ateliers industriels de l’aéronautique (AIA), sur lesquels le rapport Chabbert a ouvert des pistes, comme je pense à la nécessité d’avoir un statut d’ouvrier de l’État et de le maintenir. Il faut en effet de la pérennité et de la durabilité, c’est-à-dire du personnel qui ne parte pas du jour au lendemain dans le secteur privé parce qu’il y serait mieux payé. Nous devons maintenir cette grande puissance que nous possédons, celle d’un personnel formé dans notre pays.

Je termine par la vente des armes. Comment ne pas s’interroger sur leur destination ? La France exporte en effet vers l’Arabie saoudite des obus incendiaires vendus par Nexter, d’autres armes vers le Qatar, dont l’intervention au Yémen fait l’objet d’accusations de crimes de guerre, d’autres encore vers l’Égypte, régulièrement pointée du doigt en matière de respect des droits de l’homme.

Sur ce point – et c’est insuffisant dit dans la LPM –, il faut davantage de contrôle parlementaire. Nous devons nous attacher à ce qu’il y ait un contrôle parlementaire sur le trafic des armes.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. En préambule, je vous remercie tous du travail que vous avez accompli ces dernières semaines. Le nombre des amendements déposés sur ce projet de loi témoigne de votre intense travail de fond. J’y vois le signe extrêmement positif que la représentation nationale s’est pleinement saisie du texte.

Quelques remarques appellent une réponse de ma part.

Je veux d’abord insister sur l’ampleur de l’effort budgétaire consenti par la nation au profit de nos armées : 198 milliards d’euros d’ici à 2023, soit une hausse de 23 % par rapport à la loi de programmation encore en cours d’exécution. L’effort total sur l’ensemble de la période de programmation s’élèvera quant à lui à 295 milliards d’euros, avec l’objectif de consacrer 2 % du PIB au budget de nos armées. Je reviendrai sur ces points, sur lesquels certains ont fait des commentaires auxquels je n’adhère pas.

Au-delà de ces moyens exceptionnels, nous avons pris des décisions. Ce n’est pas parce que des moyens sont là qu’il ne faut pas faire des arbitrages. Je les assume pleinement.

J’en rappellerai quelques-uns. Vous avez vous-mêmes salué le premier arbitrage que nous avons rendu au profit d’un projet de loi de programmation militaire « à hauteur d’homme ». Nous voulons en effet que les hommes et les femmes qui servent la défense nationale, et qui sont placés au cœur de la loi de programmation militaire, aient les moyens d’exercer leurs missions, mais aussi qu’ils puissent vivre mieux leur engagement et leur vie de famille. C’était attendu par l’ensemble de nos soldats... C’est pourquoi nous avons aussi accordé des moyens prioritaires aux petits équipements.

La loi de programmation militaire est donc bâtie sur un socle constitué d’une approche générale « à hauteur d’homme », du plan Famille et de l’effort en faveur des petits équipements.

J’assume en outre nos décisions sur le renouvellement des matériels. Beaucoup d’entre vous ont rappelé les choix faits par le passé. S’ils étaient parlementaires à l’époque, j’imagine qu’ils ont regretté devoir consentir, de manière raisonnée mais néanmoins dommageable, des réductions de capacité que nos armées ont lourdement payées.

C’est pourquoi, en renouvelant nos capacités au profit de nos trois armées –marine, armée de terre, armée de l’air – nous avons fait un choix majeur. Dans un contexte où les formats n’ont pas été augmentés pour éviter les saupoudrages inutiles, nous avons néanmoins sélectionné quelques cibles, très peu nombreuses, pour lesquelles nous avons dérogé à la règle, comme c’est le cas pour les avions ravitailleurs.

Troisième arbitrage auquel nous avons procédé : nous avons décidé de nous consacrer aux conflits de demain en investissant massivement dans le renseignement et dans la lutte pour l’espace cyber.

Évidemment, tout est sujet à discussion, et je conçois parfaitement que vous n’ayez pas tous exprimé des points de vue consensuels sur ces questions. Il y a néanmoins un terme, que je reprends totalement à mon compte et auquel nous devons tous réfléchir : celui de responsabilité. La LPM nous invite à la responsabilité, parce qu’elle va engager les moyens de la Nation qui nous sont consentis par le contribuable, sur une période longue et pour des montants très importants. Mais, et comme vous l’avez très bien rappelé, Monsieur le président, la LPM est aussi un exercice de responsabilité vis-à-vis de nos soldats et des personnels de la défense. À cet égard, si je peux tout entendre, je veux néanmoins relever certaines expressions que je ne peux accepter.

Ainsi, je ne peux accepter qu’on dise que la hausse des moyens budgétaires est faible. Personne, dans cette commission, ne peut vraiment le croire. C’est d’autant moins crédible que les moyens du ministère des Armées n’ont  cessé de diminuer pendant quinze ans. J’ai eu l’honneur de vous présenter, il y a quelques mois, un projet de loi de finances pour 2018, qui opère une remontée très spectaculaire – qui sera poursuivie pendant toute la durée de la loi de programmation – des moyens et des effectifs de mon ministère. Je ne peux donc pas laisser dire que ces moyens sont faibles ou indigents.

Je ne peux pas non plus laisser dire que les provisions OPEX qui ont été prévues vont grignoter, voire consommer, l’essentiel de l’effort budgétaire consenti pendant cette loi de programmation. Vous avez dit, Monsieur Verchère, que lorsque l’on portait une provision à 1,1 milliard, et que l’on augmentait le budget d’1,7 milliard, il restait 600 millions.

Je vais me permettre de revenir sur vos propos car nous devons à nos soldats une vérité arithmétique. Les moyens supplémentaires consentis dans le cadre de cette programmation sont de 8,6 milliards. La hausse de la provision réalisée pour les OPEX sur la période 2019-2022 sera de 550 millions. Cela signifie que la consommation liée à l’augmentation de la provision OPEX est de 550 millions sur 8,6 milliards. Décidément, nous ne comptons pas de la même façon. À moins que l’un d’entre nous ne sache pas compter ?

L’instrumentalisation politique ne peut être de mise dans l’exercice qui nous réunit aujourd’hui s’agissant d’un sujet qui doit dépasser les sensibilités respectives des uns et des autres – et que je respecte. Il ne doit pas nous conduire à une pareille démagogie.

On peut avoir des interprétations différentes. Certains ont dit que l’objectif de 2 % était bon, mais pas autant qu’il aurait pu l’être parce qu’il ressemblait trop à celui fixé par l’OTAN. C’est une opinion, que je ne partage pas. L’OTAN a arrêté ce chiffre en 2006, puis en 2014. Ce n’est pas parce que d’autres que nous ont décidé de revenir dans le commandement intégré de l’OTAN que l’on a nécessairement appliqué cet objectif de 2 %. Voilà pourquoi, au moment où notre pays se fixe comme ambition de respecter ce pourcentage pour lui-même, parce qu’il considère que cela correspond aux besoins de ses armées, il ne me semble pas utile d’amoindrir cette ambition en rappelant que celle-ci correspond par ailleurs à des engagements souhaités par d’autres, et qui nous aideront peut‑être à faire en sorte que la parole de la France, au sein de l’OTAN, porte plus haut et plus loin.

Il reste, comme vous l’avez dit, que ce texte nécessitera de votre part un examen scrupuleux et attentif, année après année, de l’exécution de la programmation. Vous me trouverez à vos côtés, prête à répondre à toutes les questions que vous ne manquerez pas de poser, et que je considère comme parfaitement légitimes.

Encore une fois, j’assume tous les arbitrages, qui aboutissent à un équilibre, à mon sens, très sain et très positif, entre la réparation des carences du passé et la préparation de l’avenir. Nous aurons l’occasion au cours des débats de préciser cet équilibre : l’expression de vos sensibilités respectives trouvera toute sa place.

Je suis prête à discuter avec vous des améliorations possibles à apporter. Je vous demande simplement de convenir avec moi de l’existence de cet équilibre, qui renvoie à des arbitrages, dont certains ont été délicats parce qu’ils emportent des conséquences lourdes pour nos finances publiques. À cet égard, je ne crois pas avoir consenti à beaucoup de suppressions et d’annulations. J’ai au contraire essayé de porter avec conviction, auprès du président de la République et du Premier ministre, les besoins dont nos armées se sont fait l’expression. En tout cas, j’ai la conviction que ce modèle d’armée répond à notre ambition commune : garantir la sécurité et la liberté des Français.

 

 


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II.   EXAMEN DES ARTICLES

La Commission est ensuite passée à lexamen des articles du projet de loi.

TITRE IER
dispositions relatives aux objectifs de la politique de défense et à la programmation financière

Les dispositions du titre Ier présentent un caractère programmatique. Elles sont prises sur le fondement de l’antépénultième alinéa de l’article 34 de la Constitution, issu de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, qui prévoit que « des lois de programmation fixent les objectifs de laction de lÉtat ». Elles se distinguent ainsi des dispositions du titre II, qui comportent des mesures normatives.

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*     *

Article 1er
Programmation

L’article 1er, purement formel, a pour objet d’introduire l’ensemble du titre Ier qui « fixe les objectifs de la politique de défense et la programmation financière qui lui est associée pour la période 2019-2025 ».

Contribuant à la réalisation d’une nouvelle « Ambition 2030 », élaborée d’après la Revue stratégique de défense et de sécurité nationale du 13 octobre 2017, la présente programmation, treizième exercice du genre, se distingue par sa durée de sept ans, contre six précédemment.

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La commission examine l’amendement DN503 du rapporteur.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Cet amendement vise à enrichir la LPM d’un dispositif spécial de contrôle parlementaire.

Suivant l’avis favorable du Gouvernement, la commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 1er modifié.

Après l’article 1er

La commission examine l’amendement DN504 du rapporteur.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Mon amendement vise à introduire un chapitre Ier, intitulé « Objectifs de la politique de défense et programmation financière » de façon cohérente la création d’un chapitre II, relatif au contrôle et à l’évaluation du Parlement.

Suivant l’avis favorable du Gouvernement, la commission adopte l’amendement.

Chapitre Ier
Objectifs de la politique de défense et programmation financière

(Division et intitulé nouveaux)

À l’initiative du rapporteur et suivant l’avis favorable du Gouvernement, la commission a inséré cette division nouvelle en vue de distinguer les dispositions du titre Ier qui concernent les objectifs de la politique de défense et programmation financière de celles qui traitent du contrôle parlementaire.

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*     *

Article 2
Approbation du rapport annexé et effort national de défense

L’article 2 a pour objet d’approuver le rapport annexé à la loi de programmation militaire 2019-2025. Ce dernier détaille les orientations politiques et les priorités financières du Gouvernement sur toute la durée de la programmation. Le rapport annexé présente la future LPM comme celle du « renouveau » et ambitionne de la placer « à hauteur dhomme ». La régénération du capital opérationnel, l’amélioration du quotidien des soldats, l’autonomie stratégique et la préparation de l’avenir sont érigées en priorité.

L’article 2 distingue en outre trois horizons programmatiques, repris dans le rapport annexé :

– 2030, horizon du programme d’équipement et d’adaptation du modèle d’armée aux enjeux identifiés par la Revue stratégique d’octobre 2017 ;

– 2025, horizon du rehaussement de l’effort national de défense à 2 % du PIB, conformément aux besoins identifiés collectivement par les membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) ;

– 2023, horizon de la programmation détaillée de crédits budgétaires, qui correspond à la dernière année pour laquelle le Gouvernement aura la responsabilité de préparer un projet de loi de finances avant l’avènement de nouvelles élections nationales.

Ce rapport annexé a fait l’objet d’un commentaire détaillé au sein de l’introduction générale du présent rapport.

*

La commission adopte l’amendement rédactionnel DN362 du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement DN119 de M. Charles de la Verpillière.

M. Charles de la Verpillière. Selon le texte qui nous est proposé, la LPM précise les orientations et « les traduit en besoins financiers jusqu’en 2025 et ressources budgétaires jusqu’en 2023 ». Or nous pensons que cette formulation est source d’incompréhension. Nous proposons donc de supprimer la fin de la phrase.

Le Gouvernement – à tort ou à raison – a déjà des idées assez précises, puisqu’il prévoit d’augmenter les moyens financiers de la défense de 1,7 milliard par an jusqu’en 2022, puis de passer à trois milliards de 2023 à 2025. En outre, nous ne saisissons pas la subtile distinction entre « ressources budgétaires » et « besoins financiers ».

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Monsieur le député, vous proposez de supprimer la fin de la dernière phrase de l’article 2, relative à l’horizon 2023. Je vous rappellerai que ce projet de LPM s’appuie sur trois horizons calendaires.

Le premier est celui de 2030, « Ambition 2030 », pour les grands programmes d’armement et le modèle d’armée.

Le deuxième est celui de 2025, pour les besoins financiers. La LPM portant sur la période 2019-2025, il faut prévoir une trajectoire budgétaire de ces besoins jusqu’en 2023 avec tous les détails des commandes prévues. La trajectoire suivante, pour les années 2024 et 2025, sera précisée après l’évaluation de 2021.

Je suis donc défavorable à votre amendement.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Défavorable, pour les mêmes raisons.

M. Charles de la Verpillière. Nous maintenons notre amendement qui met en évidence un problème de fond : le report, à la fin de la période, de la plus grande partie de l’effort. Le membre de phrase que nous souhaitons supprimer induit en effet cette disparité de l’effort.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Ce projet de loi de programmation, avec un effort supplémentaire d’1,7 milliard pendant les quatre premières années – donc jusqu’en 2022 –, est conforme à la loi de programmation des finances publique. On ne peut pas faire mieux. Cela a d’ailleurs été acté par un vote du Parlement à la fin de l’année 2017. Il y aura ensuite une accélération de l’effort pour atteindre l’objectif des 2 %.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement DN174 de M. M’jid El Guerrab.

M. M’jid El Guerrab. La Revue stratégique a permis de fixer le cadre stratégique de l’élaboration de cette loi de programmation militaire, en tirant les leçons de l’évolution, depuis le Livre blanc de 2013, d’un contexte stratégique instable et imprévisible, marqué par une menace terroriste durablement élevée, la simultanéité des crises, l’affirmation militaire des puissances établies ou émergentes, l’affaiblissement des cadres multilatéraux et l’accélération des bouleversements technologiques.

Cette Revue stratégique de défense et de sécurité nationale a été élaborée sous l’autorité de la ministre des Armées, qui s’est entourée de dix-huit experts reconnus, représentant les institutions civiles et militaires, et des personnalités qualifiées, notamment issues de la société civile, qui ont travaillé en profondeur. Il convient de rappeler l’importance de leurs travaux dans cette LPM, notamment pour dépasser les clivages partisans, susceptibles de naître à l’approche des prochaines échéances électorales de 2022.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je comprends l’intérêt de votre amendement. Néanmoins, je le trouve superfétatoire. En effet, les conclusions de la Revue stratégique sont reprises plusieurs fois dans le rapport annexé de l’article 2. Il est rappelé en outre que l’objectif des 2 % est un minimum fixé en réponse aux menaces qui sont identifiées par la Revue stratégique. Je vous propose donc de retirer votre amendement.

Mme Florence Parly, ministre des armées. Même avis.

M. M’jid El Guerrab. Je retire mon amendement.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement DN363 de M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud. Dans la continuité de mon intervention liminaire, cet amendement vise à supprimer le caractère indissociable de la construction de l’autonomie stratégique européenne. En effet, cette autonomie stratégique européenne ne peut exister dans l’Europe actuelle, telle que les traités l’organisent. À ce titre, c’est la soumission de la France à l’OTAN qui est réaffirmée.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Monsieur le député, on reconnaît bien là votre constance stratégique... Vous considérez, par cet amendement, que l’appartenance de la France à l’OTAN conduit à une impasse qui rend impossible l’émergence de l’Union européenne comme un pôle diplomatique et militaire crédible face aux États-Unis. L’actuelle majorité ne partage pas votre avis. Nous considérons au contraire qu’une complémentarité doit être recherchée avec l’OTAN. Donc, avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis défavorable. La relance de l’Europe de la défense ne peut en aucun cas s’assimiler à une soumission à l’OTAN. C’est plutôt, comme vient de l’indiquer le rapporteur, une forme de complémentarité et une capacité pour les Européens à faire prévaloir un certain nombre de projets de coopération. Pour ce qui nous concerne, nous privilégierons, chaque fois que possible, les projets de coopération avec les nations les plus volontaires et les plus à même de mener ces coopérations.

M. Bastien Lachaud. Madame la ministre, les traités européens disent le contraire. Mais nous aurons l’occasion de rediscuter de nos visions stratégiques divergentes.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte l’amendement de précision rédactionnelle DN450 du rapporteur.

Elle examine alors l’amendement DN72 de la commission des Affaires étrangères.

Mme Laetitia Saint-Paul, rapporteure pour avis de la commission des Affaires étrangères. Quelques mots tout d’abord pour expliquer dans quel état d’esprit j’ai rédigé mon rapport pour avis, au nom de la commission des Affaires étrangères.

Je me suis mise dans la peau de nos alliés. Lorsque j’étais commandant d’unité au sein de la brigade franco-allemande ou lors d’exercices de l’OTAN ou d’opérations extérieures, il m’a souvent fallu penser nos actions au travers des yeux des autres. C’est ainsi que j’ai rédigé mon rapport : en analysant la perception que nos alliés auraient de ce texte.

Les différents ambassadeurs, attachés de défense, que j’ai rencontrés ont tous considéré que cette loi de programmation militaire, bien que franco-française, à destination, avant tout, de nos soldats, était un instrument de diplomatie militaire, puisqu’elle était analysée tant au niveau de l’OTAN et de l’Union européenne que de nos alliés non seulement en Europe – je pense en particulier à l’Allemagne et au Royaume-Uni – mais également en Afrique.

L’intégralité de mes amendements porte sur le rapport annexé. Ce sont essentiellement des amendements de perception, puisqu’il n’y a pas que l’amour, il y a surtout des preuves d’amour. Ils traduiront notre attachement à nos partenariats bilatéraux, transatlantiques et internationaux. Tel est donc l’état d’esprit dans lequel nous avons travaillé au sein de la commission des Affaires étrangères.

L’amendement DN72 est lié à une audition conduite par la représentation française au sein de l’OTAN, qui attache un intérêt particulier à notre texte. L’objectif de 2 % fait, je crois, largement consensus dans nos rangs. Il nous permet d’honorer non seulement notre autonomie stratégique, mais aussi nos engagements otaniens. Il m’a semblé important de le spécifier, notamment pour avoir un pouvoir d’influence sur nos alliés, et nous mettre dans les meilleures dispositions pour les prochains sommets de l’OTAN.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je comprends votre objectif. Mais votre rédaction met en avant nos engagements pris collectivement auprès de l’OTAN, alors que ces 2 % ont été principalement ciblés pour répondre à nos besoins capacitaires, nos besoins de remontée en puissance, nos besoins définis dans la Revue stratégique et à notre analyse des menaces et des risques. En tant que rapporteur, j’émettrai donc un avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Madame la députée, je comprends moi aussi la perspective dans laquelle vous vous inscrivez, mais cette loi de programmation militaire s’adresse d’abord à nos forces. L’objectif de 2 % vise à répondre aux besoins de nos armées. Il se trouve que, de manière contingente, il rejoint une aspiration à laquelle l’Organisation du traité de l’Atlantique nord nous invite. Mais ce n’est pas la raison première qui a justifié …

M. André Chassaigne. Quoique …

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Si je me réfère aux débats auxquels j’ai participé, cela ne fonde pas, de façon première, l’ambition que nous portons aujourd’hui.

Cela étant, je vous rejoins sur un point : le fait de tracer la route qui nous sépare de cet objectif de 2 % nous permettra peut-être de peser plus fortement encore dans l’enceinte de l’OTAN. Je ne suis pas certaine cependant que votre amendement permettra d’atteindre l’objectif commun, qui est en effet  de répondre aux besoins de nos armées, tout en pesant dans le cercle atlantique.

Sur la base de ces explications, j’émettrai donc un avis défavorable.

Mme Laetitia Saint-Paul, rapporteure pour avis de la commission des Affaires étrangères. La rédaction que je propose : « objectif qui, en plus d’assurer notre autonomie stratégique, nous permet d’honorer nos engagements pris collectivement au sein de l’OTAN » montre bien que notre pensée stratégique et son autonomie ne sont pas dictées par qui que ce soit, mais que cet objectif constitue une plus-value.

M. Bastien Lachaud. Je suis tout à fait favorable à l’adoption de cet amendement (Exclamations) qui a la vertu d’afficher la vraie nature de l’objectif de 2 % du PIB, à savoir la soumission de la France à l’OTAN.

Mme Natalia Pouzyreff.  Il est question de 2 %, mais encore faudrait-il s’accorder sur leur périmètre. Nous ne visons pas forcément la même chose. L’OTAN préconise 2 %, mais en incluant, la plupart du temps, les pensions. Inutile donc de nous focaliser sur ce pourcentage.

M. André Chassaigne. Je tenais à souligner la pureté de la formulation de cet amendement, que je soutiens donc. Sinon, cela revient à dire : couvrez ce sein que je ne saurais voir …

M. François André. Je souscris totalement aux propos de Mme Pouzyreff. Le périmètre des 2% fait en effet l’objet de nombreuses discussions. Certains s’autorisent même à dire qu’on a déjà atteint l’objectif ou qu’on n’en est pas loin, notamment si on intègre les dépenses importantes du compte d’affectation spéciale « Pensions ». Je suis donc très réservé sur cet amendement qui, au mieux, n’apporte rien et, au pire, introduit de la confusion.

M. Joaquim Pueyo. J’allais dire la même chose que mon collègue, avec lequel j’ai travaillé sur l’exécution de la LPM. Il est vrai que le périmètre n’est pas le même dans tous les pays. Ce pourcentage de 2 % correspond aux besoins des armées françaises ; il ne doit pas être nécessairement lié à l’OTAN. Je partage l’avis de la ministre : cet amendement ne me paraît pas judicieux.

M. Charles de la Verpillière. À quelle page du rapport annexé ou du projet de loi lui-même est-il indiqué que ces 2 % s’entendent « hors pensions » ? Est-ce seulement écrit ?

M. Jean-Christophe Lagarde. On peut comprendre l’intention de cet amendement mais, personnellement, je ne la partage pas. Cela signifierait que si l’OTAN avait fixé, au cours de la période 2019-2025, l’objectif de dépenses qu’il souhaite de la part de ses membres, nous serions amenés à être en porte-à-faux. Cet objectif de 2 % est déjà difficile à obtenir. C’est l’évolution géostratégique mondiale qui fera qu’il sera atteint ou pas. Je rappelle qu’il y a quelques décennies, la dépense militaire de la France était supérieure à 2 %. Une telle décision doit rester souveraine. Elle n’a pas à être conditionnée par les engagements que nous prendrions éventuellement demain, ou que l’OTAN nous inviterait à prendre.

Je le dis d’autant plus qu’au mois de décembre dernier, à l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, à Washington, nous avons eu une longue discussion avec nos partenaires américains. Il est clair qu’on ne peut pas prendre en compte tout ce qu’ils demandent.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Revenons sur la question du périmètre. Je vous renvoie à l’article 3. Lorsqu’il s’agit de décliner les montants en valeur absolue, c’est‑à-dire en milliards, les montants sont « hors pensions », comme le prévoit la loi de finances. En revanche, lorsque nous comptons en pourcentage du PIB, c’est toujours « avec pensions ». Voilà pourquoi, dans le texte de la loi de programmation, nous n’avons jamais traduit les 2 % du PIB en milliards.

On intègre donc les pensions lorsque l’on parle des 2 % du PIB. Mais le périmètre reste inchangé, année après années. Au sein de l’OTAN, la plupart des pays procèdent comme nous, le périmètre pouvant néanmoins être différent. Il ne me paraît donc pas judicieux de maintenir cette référence otanienne. Je le répète, les 2 % du PIB en 2025 intègre les pensions, et la déclinaison annuelle de la LPM se fait sur le périmètre mission « Défense » qui, lui, n’inclut pas les pensions.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels DN451 et DN452 du rapporteur.

La commission examine l’amendement DN453 du rapporteur.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rappporteur. Cet amendement propose de substituer le mot « djihadiste » au mot « jihadiste ».

Mme Florence Parly, ministre des Armées. La Revue stratégique s’est livrée à une analyse lexicale, et a retenu l’orthographe « jihadiste ».

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Vous êtes donc défavorable à cet amendement ?

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Par esprit de cohérence, je m’en tiendrais volontiers à l’orthographe retenue par la Revue stratégique, mais je ne pense pas que ce soit un point essentiel.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je retire mon amendement.

L’amendement DN453 est retiré.

Elle est ensuite saisie de l’amendement DN285 de M. Fabien Lainé.

M. Fabien Lainé. Cet amendement tend à souligner que le paradigme stratégique change dans un monde contemporain instable et imprévisible. En effet, la guerre hors limites, pour reprendre le titre d’un ouvrage, qui est une stratégie des Russes et des Chinois, n’est pas cantonnée au seul domaine militaire mais s’étend aux domaines économique, technologique, culturel, informationnel. Il me paraît important de l’intégrer dans le projet de LPM, car nous sommes face à ces puissances, qui peuvent être plus ou moins agressives.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je comprends votre intention, mais je ne suis pas certain que votre amendement la traduise avec exactitude. En effet, celui-ci laisse entendre que la compétition que nous livrent les puissances émergentes est d’emblée autant militaire qu’économique ou technologique, alors qu’elle est souvent, comme il est précisé dans le texte, d’abord économique et technologique et a tendance à s’étendre au champ militaire. Aussi vous proposerai-je de retirer votre amendement.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Je partage l’avis du rapporteur.

L’amendement est retiré.

La commission examine ensuite l’amendement DN291 de M. Fabien Lainé.

M. Fabien Lainé. Il s’agit de préciser, à l’alinéa 23, que les capacités sont duales, dès lors que les technologies civiles peuvent être utilisées à des fins militaires. Ce faisant, nous soulignons la difficulté de contrôler de telles technologies.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je n’aime pas utiliser cet adjectif trop souvent, mais cette précision me paraît, là encore, superfétatoire. En effet, si des technologies civiles donnent accès à une capacité militaire, celle-ci est forcément duale.

M. Fabien Lainé. Certes, mais il s’agit de souligner le problème soulevé par le contrôle des technologies civiles.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Là encore, le texte me paraît clair : « […] les nouvelles technologies, issues du secteur civil, rendent accessibles des capacités dont seuls quelques États étaient dotés jusqu’alors ». L’adjectif « duales » n’est pas explicitement mentionné, mais il s’agit de la définition même de capacités qui deviennent duales.

M. Fabien Lainé. Nous n’allons pas nous battre pour une question de sémantique ; d’autres enjeux sont plus importants. Nous retirons l’amendement DN291.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement DN286 de M. Fabien Lainé.

M. Fabien Lainé. Cet amendement tend à compléter l’alinéa 24 par une phrase ainsi rédigée : « Cette expansion est portée par une stratégie intégrale, ou “guerre hors limites”, dépassant un cadre strictement militaire, prenant tout à la fois en compte les leviers d’influence économiques, culturels et militaires. » Il nous paraît, là encore, judicieux d’insister sur la notion de guerre hors limites.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Puisque vous avez cité un ouvrage chinois, je vous répondrai par un proverbe chinois : « Il ne faut jamais lancer de pierre quand on habite une maison de verre ». Avis défavorable.

M. Fabien Lainé. Camus disait : « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde »…

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis que le rapporteur.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement DN357 de M. Alexis Corbière

M. Alexis Corbière. J’espère, mes chers collègues, que vous saluerez cet amendement comme vous avez salué celui de Bastien Lachaud, car il s’inscrit dans la même logique. Nous estimons en effet que la présentation qui est faite de la menace que constitue la réémergence des États puissances souffre d’un certain déséquilibre. Ainsi, il nous paraît dangereux que la France concentre son attention sur la Russie et la Chine, qui – et le fait, Monsieur le président, que vous citiez un proverbe chinois l’atteste –, est une grande civilisation qui ne doit pas être regardée comme une puissance agressive mais comme une nation avec laquelle nous devons dialoguer. Par ailleurs, nous ne pouvons pas occulter les dispositions agressives des États-Unis et, surtout, l’évolution inquiétante de la Turquie, l’attitude de M. Erdoğan faisant peser une menace sur la paix. Nous vous proposons donc d’ajouter, à l’alinéa 24, la phrase suivante : « L’agressivité de la diplomatie étasunienne et le durcissement du pouvoir turc à l’intérieur et à l’extérieur font croître les tensions ».

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. J’aurais pu être favorable à votre amendement s’il ne comportait pas les mots « agressivité » et « durcissement ». En effet, dans la Revue stratégique, il n’est question ni d’agressivité à propos des États-Unis ni de durcissement au sujet de la Turquie. Je ne peux donc pas accepter votre amendement.

M. Jean-Christophe Lagarde. Autant il me paraît difficile de parler d’« agressivité étatsunienne », car le moment où les États-Unis attaqueront la France ne me paraît pas très proche – même si, sémantiquement, tout est possible, notamment de la part du président américain –, autant il me semble nécessaire d’inclure, dans notre analyse des risques et des dangers – et je déposerai un amendement sur ce point en séance publique –, la situation de la Turquie, qui est censée être notre alliée mais dont je ne peux pas dire qu’elle peut être considérée comme une démocratie et comme un pays fiable. C’est une question qui doit nous préoccuper dans le cadre non seulement de notre défense mais aussi de l’Alliance atlantique.

M. Alexis Corbière. Accepteriez-vous que cet amendement soit divisé, de sorte que nous puissions nous prononcer distinctement sur l’agressivité de la diplomatie étatsunienne et sur la qualification du pouvoir turc ?

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je vous propose que cela soit fait en séance publique, Monsieur Corbière, car il n’est pas possible de procéder ainsi en commission.

M. Alexis Corbière. C’est regrettable.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Retirez-vous l’amendement ?

M. Alexis Corbière. Non : il n’est pas superfétatoire…

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement DN287 de M. Fabien Lainé.

M. Fabien Lainé. Les systèmes de DCA (Défense contre les aéronefs) n’ont rien de nouveau ; en revanche, ils sont renforcés. C’est pourquoi nous proposons de substituer à l’alinéa 25, le mot : « renforcé » au mot : « nouveau ».

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je vais vous contrarier une fois de plus, mon cher collègue, mais ce sera peut-être la dernière. L’alinéa que vous proposez de modifier fait précisément état de l’apparition d’un nouvel obstacle à la liberté d’action de nos forces : la fameuse dissémination des systèmes A2/AD (Anti-Access/Area-Denial). Comme le souligne la Revue stratégique, ces stratégies reposent non seulement sur des moyens sol-air évolués – les S-300 russes – à la portée nettement accrue mais aussi sur des chasseurs furtifs, des radars performants et des systèmes de commandement et de contrôle intégrant tous ces éléments. Contrer les postures de déni d’accès et conquérir la supériorité aérienne redevient un objectif préalable à toutes les opérations, ce qui implique des efforts renouvelés. En ce sens, il s’agit bien d’un nouvel obstacle à la liberté d’action ou, plus exactement, de la résurgence d’un obstacle que l’on avait un peu oublié depuis la fin de la guerre froide. Il me semble que souligner le caractère récent et nouveau de cet obstacle permet de marquer la rupture avec la situation que nous avons connue au cours des années précédentes. Je vous propose donc de retirer votre amendement.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Je partage l’avis du rapporteur.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel DN449 du rapporteur.

Puis elle est saisie de l’amendement DN292 de M. Fabien Lainé.

M. Fabien Lainé. Je crois avoir compris que, cette fois, nous obtiendrons satisfaction. Par cet amendement, nous proposons de substituer, à l’alinéa 25, aux mots : « d’anti-accès », les mots : « de déni d’accès », qui sont utilisés dans la Revue stratégique.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je ne vois donc pas d’inconvénient à accepter cette évolution sémantique. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement DN288 de M. Fabien Lainé.

M. Fabien Lainé. Cet amendement tend à insérer, à l’alinéa 26, après les mots : « multipolarité nucléaire, » les mots : « menaces d’emploi de capacités nucléaires tactiques, ». Le sujet a été encore récemment évoqué par Trump ; il devient donc sensible. C’est pourquoi nous souhaitons qu’il soit mieux pris en compte dans le projet de LPM.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je suis plutôt favorable à votre amendement sur le fond, mais sa rédaction ne me paraît pas satisfaisante. Je vous propose donc de le retirer et d’y retravailler en vue de la séance publique. On peut en effet penser aux déclarations russes ou américaines, mais il s’agit pour l’instant d’hypothèses et non de menaces. Il me semble donc préférable de parler d’« hypothèses d’emploi de capacités nucléaires tactiques » plutôt que de « menaces d’emploi de capacités nucléaires tactiques ».

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis que le rapporteur.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement DN289 de M. Fabien Lainé.

M. Fabien Lainé. Cet amendement tend à remplacer, à la seconde phrase de l’alinéa 26, les mots : « a changé de nature » par les mots : « s’est renforcé », car le risque que représente la Corée du Nord a davantage changé d’échelle que de nature.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Il n’est pas contestable que le défi stratégique lancé depuis de nombreuses années par la Corée du Nord est nucléaire. Avis favorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement DN474 de M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud. Cet amendement est quasiment rédactionnel puisqu’il s’agit de rappeler les engagements que la France a pris en signant le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, qui a pour objectif, à terme, la dénucléarisation du monde. Nous proposons en effet de réaffirmer que notre pays montre l’exemple en respectant scrupuleusement ses engagements internationaux. Je n’ose penser que ce ne soit pas le cas ; je ne vois donc pas en quoi le fait de le mentionner dans le rapport annexé poserait problème.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je ne suis pas certain que cet amendement soit rédactionnel ; en tout cas, j’émets un avis défavorable. Je considère en effet que la France respecte d’ores et déjà scrupuleusement le traité sur la non-prolifération ; elle figure même parmi les États les plus engagés dans l’application de ce traité. Je rappelle que son arsenal nucléaire se limite au strict nécessaire, car elle l’a déjà beaucoup réduit en abandonnant sa composante terrestre, en restreignant ses composantes aéroportée et océanique et en démantelant ses installations de production de matières nucléaires.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Je partage l’avis du rapporteur. Nous respectons strictement nos obligations internationales, et je ne comprends pas l’interprétation qui pourrait être faite de l’expression « montrer l’exemple ».

M. Bastien Lachaud. Cet amendement n’est donc pas rédactionnel, il est superfétatoire… Il ne s’agit pas, Madame la ministre, d’indiquer que la France ne respecte pas ses engagements. En tant que troisième puissance nucléaire mondiale, en nombre de têtes nucléaires, elle a une responsabilité particulière dans la construction d’un monde dénucléarisé, objectif qu’elle poursuit. Il n’est pas question de réduire immédiatement notre arsenal : il s’agit de donner l’exemple en réaffirmant que nous respecterons notre signature. L’objectif est d’envoyer un message aux autres nations.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Dès lors que nous respectons scrupuleusement nos obligations, affirmer que nous continuerons de le faire susciterait des questions qui n’ont pas lieu d’être. La France, je le rappelle, a définitivement brûlé un certain nombre de ses vaisseaux en démantelant entièrement et de manière irréversible ses capacités d’essais nucléaires et en renonçant aux capacités d’enrichissement, de sorte que nous vivons sur un stock fini de matière fissile et qui ne sera pas à nouveau accru. Il me semble que votre amendement soulèverait des questions, voire jetterait la suspicion, alors qu’aucune suspicion n’est possible puisque la France a agi et que ses actes sont vérifiables.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement DN267 de M. Patrick Hetzel.

M. Thibault Bazin. M. Hetzel et moi-même vous proposons d’inviter nos partenaires européens à participer à une réflexion concertée sur la doctrine en matière de dissuasion nucléaire dans le cadre de l’élaboration d’une défense commune de l’Union européenne. L’idéal de coopération doit en effet être confronté à la réalité. Notre doctrine doit pouvoir se décliner à l’échelle européenne. C’est une question de crédibilité.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Dans le rapport annexé, il est bien précisé que la dissuasion française contribue de fait à la sécurité de l’Union européenne. Si nous élaborions, comme vous le souhaitez, une doctrine européenne commune, voire concertée, nous passerions du stade du fait au stade du droit, et nous insérerions alors notre dissuasion dans un encadrement doctrinaire européen qui, je le crains, affecterait sa crédibilité. En outre, le format de notre dissuasion est juste suffisant au regard la doctrine que nous avons établie. J’ajoute qu’il me paraît difficile de décider d’une amélioration ou d’un renouvellement à vingt-sept. En tout état de cause, il me paraît risqué d’adopter votre amendement. Je conclurai par une boutade : venant d’un parti qui se réclame de l’héritage du général de Gaulle, cet amendement est un peu déplacé. Avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Je partage l’avis du rapporteur. La dissuasion nucléaire est l’expression même de la souveraineté nationale, laquelle n’a vocation à être partagée avec personne, pas plus avec les États membres de l’Union européenne qu’avec n’importe quel autre allié. Le choix a été fait d’assurer l’indépendance et la souveraineté nationale. Cela ne signifie pas que la dissuasion nucléaire ne pourrait pas être mise au service de la protection et de la défense d’un espace plus grand que celui de la France, mais cela ne peut relever que d’une décision de la France elle-même. Par ailleurs, le fait que cette capacité d’appréciation soit entre les mains du président de la République est en effet l’une des caractéristiques fondamentales des institutions de la Ve République. Je suis donc défavorable à l’amendement.

M. Thibault Bazin. Vous m’avez rassuré en confirmant la limite des coopérations européennes et de la défense commune de l’Union européenne. Je vais donc retirer cet amendement, qui avait pour objet de prouver que l’on ne peut pas aboutir à une souveraineté européenne, dès lors que la souveraineté nationale s’appuie sur la dissuasion nucléaire.

M. François André. Quelles contorsions !

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Ce n’était donc pas un amendement ; c’était un test…

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement DN290 de M. Fabien Lainé, qui fait l’objet d’un sous-amendement DN528 du rapporteur.

M. Fabien Lainé. Il s’agit de muscler l’alinéa 28, en mentionnant le problème de la surdensité de l’espace exo-atmosphérique, dû à la surpopulation des satellites. Ce phénomène, qui accroît le risque de réaction en chaîne critique, également appelée syndrome de Kessler, entraîne, en outre, une hausse des coûts et rend difficile l’accès à l’espace.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je ne suis pas contre votre amendement, mais il me semble que le mot « surdensité » est impropre. Je propose donc, par le sous-amendement DN528, de remplacer ce mot par les mots : « occupation croissante ».

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Je me rallie à la proposition du rapporteur.

M. Fabien Lainé. Nous acceptons ce sous-amendement.

La commission adopte le sous-amendement.

Puis elle adopte l’amendement DN290 sous-amendé.

Elle examine ensuite l’amendement DN494 du rapporteur.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Il s’agit de se mettre en conformité avec le lexique de la Revue stratégique en substituant, à l’alinéa 28, aux mots : « la militarisation », les mots : « l’arsenalisation ».

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Favorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel DN455 du rapporteur.

Puis elle examine l’amendement DN73 de la commission des Affaires étrangères, qui fait l’objet d’un sous-amendement DN536 du rapporteur.

Mme Laetitia Saint-Paul, rapporteure pour avis de la commission des Affaires étrangères. Il me paraît important de préciser qu’au Sahel, nous avons été rejoints par nos partenaires. Je pense au Royaume-Uni, qui renforce nos capacités en mettant à notre disposition des hélicoptères Chinook, ainsi qu’à la Mauritanie, au Mali, au Niger, au Tchad et au Burkina Faso, qui s’organisent au sein du G5 Sahel.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je suis favorable à votre amendement, à condition qu’il soit précisé – et c’est l’objet de mon sous-amendement DN536 – que les mots : « avec le soutien de nos partenaires » sont insérés après la première occurrence du mot « national ».

La commission adopte le sous-amendement.

Puis elle adopte l’amendement DN73 sous-amendé.

Elle examine ensuite l’amendement DN293 de M. Fabien Lainé.

M. Fabien Lainé. Nous proposons de supprimer, à la dernière phrase de l’alinéa 35, les mots : « par voie maritime », qui laissent à penser que l’on privilégierait la défense d’une forme d’approvisionnement.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je vais encore vous contrarier ! Il est indiqué dans le rapport annexé : « Elles [nos armées] assurent, dans le même temps, la défense et la protection du territoire national, de ses approches et de ses approvisionnements par voie maritime. » Si l’on adopte votre amendement, cela suppose qu’il faut contrôler l’ensemble des approvisionnements de notre territoire, y compris ceux qui empruntent la voie terrestre et aérienne, ce qui serait très compliqué. Je vous suggère donc de retirer votre amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis que le rapporteur.

M. Fabien Lainé. Puisque, tout à l’heure, vous avez été magnanime, Monsieur le rapporteur, je le retire.

L’amendement est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements DN74 de la commission des Affaires étrangères et DN358 de M. Alexis Corbière.

Mme Laetitia Saint-Paul, rapporteure pour avis de la commission des Affaires étrangères. L’amendement DN74 rédactionnel vise à ajouter les mots : « et des Européens », afin de respecter le parallélisme des formes et de souligner à nouveau notre attachement à l’Europe de la défense.

M. Alexis Corbière. Par l’amendement DN358, nous proposons de supprimer, à l’alinéa 36, une formule qui nous semble exprimer une volonté hégémonique qui ne correspond pas au rôle que nous vouloir voir jouer à la France, un rôle certes important mais toujours au service de la paix En effet, notre pays cherche à promouvoir un ordre international fondé sur le droit, et non sur l’intimidation et le recours à la force. La promotion de cet objectif implique d’avoir une vision équilibrée du rapport des puissances et de ne revendiquer pour soi-même aucune prépondérance indue, comme cela pourrait être suggéré par cette formule maladroite, voire fausse.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Avis favorable à l’amendement DN74 : dès lors que l’on parle de « la France et les Français », on peut mentionner « l’Europe et les Européens ».

Avis défavorable à l’amendement DN358, car nous assumons – en tout cas, je l’assume pleinement – le fait que les armées françaises contribuent à la défense de l’Europe et à l’affermissement de la place de notre pays dans le monde.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Je me rallie à votre position, Monsieur le rapporteur. S’il convient de préciser qu’il n’existe pas un strict parallélisme entre les enjeux de sécurité de la France et ceux de l’Europe et des Européens – même si notre pays participe à la protection collective de l’Europe –, j’admets bien volontiers que cela demeure une ambition et un objectif. Je suis donc favorable à l’amendement DN74.

Avis défavorable à l’amendement DN358.

M. Alexis Corbière. Je maintiens mon amendement. S’il me paraît nécessaire de conforter le rayonnement de la France, pour des raisons culturelles et économiques, je ne crois pas que ce soit le rôle de nos armées.

M. Stéphane Trompille. En défendant l’Europe contre des agressions extérieures, on défend également la France : autant repousser la ligne plus loin. Par ailleurs, dès lors que nous sommes favorables à une coopération européenne, je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas défendre l’Europe.

La commission adopte l’amendement DN74.

En conséquence, l’amendement DN358 tombe.

Elle examine ensuite l’amendement DN379 de M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud. Cet amendement vise à préciser les fondements de la dissuasion et, à tout le moins, à rouvrir le débat sur sa composante aéroportée. Le renouvellement de celle-ci est d’ores et déjà décidé alors que nous pourrions nous donner le temps de débattre de son utilité. En outre, vous avez indiqué, Madame la ministre, que nous respections entièrement les engagements que nous avons pris dans le cadre du traité sur la non-prolifération. Soit, mais ce n’est pas une raison pour ne pas aller plus loin. Aussi la France devrait-elle prendre l’initiative d’organiser une conférence mondiale pour accélérer le désarmement nucléaire. Nous pourrions décider, dans ce cadre, de suivre les Russes et les Américains lorsqu’ils dénucléarisent. Or, réduire, voire supprimer, notre composante aéroportée, serait un moyen de le faire. Cet amendement tend à réaffirmer, dans cette optique, l’impérieuse nécessité de maintenir la composante océanique de la dissuasion.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je ne peux que souscrire à la dernière partie de votre exposé : nous devons, pour assurer la crédibilité de notre dissuasion, que sa composante océanique soit la plus moderne possible. Mais sa composante aéroportée doit l’être également. Toutes deux sont complémentaires, et non antinomiques. La crédibilité de notre dissuasion repose sur ces deux composantes, y compris la composante aéroportée, qui est beaucoup plus souple d’emploi et beaucoup plus visible. Vous avez votre constance stratégique, nous avons la nôtre. Nous sommes en désaccord sur ce point. Avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis : je comprends que par cet amendement sibyllin, Monsieur le député, vous souhaitez ouvrir un débat de fond. Je souscris pleinement à l’argument de la complémentarité entre les deux composantes, que nous avons décidé de conserver. La grande force de la composante océanique, en effet, tient à sa totale discrétion ; son inconvénient, au contraire, est lié à l’absence totale de démonstrativité en amont, par exemple dans le cadre d’un processus de résolution de crise – précisément ce que la composante aéroportée permet.

J’ajoute une observation sur le contexte : si nous venons, à l’occasion de l’examen d’un autre amendement, de confirmer notre engagement total à respecter les obligations que nous avons contractées par les traités que nous avons signés, nous ne pouvons néanmoins qu’observer qu’aujourd’hui, la tendance n’est pas au désarmement nucléaire mais plutôt à la prolifération dans des États qui ne sont pas dotés de l’arme nucléaire et qui ne devraient pas avoir vocation à l’être. Compte tenu des circonstances, il me semble donc que les obligations de la France telles qu’elles sont fixées et respectées doivent être conservées en l’état.

M. Bastien Lachaud. Nous avons en effet une divergence sur ce point et il est bon de pouvoir la formuler. Il y a à peine un an, Madame la ministre, le président chinois, Xi Jinping, a affirmé que la Chine était prête à ouvrir la discussion sur la réduction de l’arsenal nucléaire. Certes, les Américains relancent la production de missiles tactiques et certes, il y a aussi les Nord-Coréens ; mais la Chine a tendu une main, que la France doit à mon sens saisir en essayant, avec ce pays, d’avancer et de convaincre. Je ne dis pas que nous y arriverons, mais au moins devons-nous essayer.

Ensuite, il est vrai que la composante aéroportée permet de montrer ses muscles en survolant un territoire ennemi armé de bombes nucléaires mais, pour nous, l’arme nucléaire est une arme posthume. Elle n’existe qu’au cas où nous serions attaqués. Elle est une arme de réponse, et non d’attaque. La question qui se pose est donc celle du caractère offensif de la composante aéroportée.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. À mon sens, les deux composantes, aéroportée et océanique, ne peuvent être ni défensives ni offensives car ce sont des armes de dissuasion.

Ensuite, vous citez la Chine, un grand pays nucléaire : elle possède au moins deux composantes nucléaires, l’une aéroportée et l’autre océanique.

M. Jacques Marilossian. Je m’étonne de la formulation de l’amendement : si j’ai bien compris, M. Lachaud nous propose tout simplement de renoncer à la composante aéroportée ! Cette analyse repose selon moi sur une incompréhension totale de la notion de dissuasion. M. Lachaud nous dit que l’arme nucléaire est une arme de réponse, alors qu’il s’agit en fait d’une arme de dissuasion, comme vient de le souligner le président Bridey. Cela prouve bien, Monsieur le député, que vous n’avez pas compris à quoi elle sert !

M. Christophe Lejeune. Je rappelle au sujet de la dissuasion nucléaire aéroportée qu’au cours des dix dernières années, nous avons déjà réduit notre capacité aéroportée. De plus, si nous ne disposions pas de toutes les capacités utiles à la composante aéroportée dont l’excellence est largement reconnue, je ne suis pas certain que nous aurions pu mener nos récentes opérations conventionnelles en Afrique.

La commission rejette l’amendement.

Elle passe à l’amendement DN268 de M. Patrick Hetzel.

M. Thibault Bazin. Cet amendement, qui devrait faire consensus, vise à conditionner les accords de défense de la France, ou les projets d’accords de défense, à l’arrêt du financement souverain des réseaux islamistes radicaux.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Hélas, cet amendement ne fera pas consensus. Certes, je ne suis pas contre l’idée en tant que telle, même si elle se fonde sur une conception réductrice d’une réalité géopolitique et diplomatique plus complexe. J’ignore à quels États vous pensez en faisant référence à la notion de « financement souverain », mais nombreux sont les États – dont certains que vous visez peut-être – qui participent à la coalition internationale de lutte contre Daech. Même si des ressortissants de certains de ces États financent des actes terroristes ou y prennent part, l’expression « financement souverain » mettrait en cause les États en tant que tels ; je ne saurais donc l’accepter.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine, en présentation commune, les amendements DN364, DN365 et DN366 de M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud. Cet amendement s’inscrit dans l’argumentation que nous avons déjà tenue concernant le lien entre l’Union européenne et l’OTAN. Je précise que nous avions initialement présenté ces amendements en les regroupant par thèmes, pour éviter leur multiplication, mais la commission a souhaité que nous les défendions séparément. Nous ne sommes donc pas responsables de la répétition des amendements.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Ce n’est pas non plus la commission qui en est responsable, Monsieur le député, mais le règlement de l’Assemblée nationale, qui prescrit que les amendements soient présentés dans l’ordre des alinéas qu’ils visent à modifier.

Je considère que vous avez défendu les trois amendements en discussion. J’émets un avis défavorable à ces trois amendements. En effet, vous semblez considérer que l’appartenance de la France à l’OTAN conduit à une impasse empêchant l’émergence de l’Union européenne comme pôle diplomatique et militaire alternatif aux États-Unis ; ce n’est pas notre position.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis.

La commission rejette successivement les amendements DN364, DN365 et DN366.

Puis elle examine l’amendement DN75 de la commission des affaires étrangères.

Mme Laetitia Saint-Paul, rapporteure pour avis de la commission des Affaires étrangères. Cet amendement vise à préciser le libellé de l’alinéa 43 du rapport annexé, qui affirme le lien entre l’autonomie stratégique nationale et la construction d’une autonomie stratégique européenne. Les personnes que nous avons auditionnées sont unanimes : il faut penser l’autonomie stratégique nationale et européenne de manière globale. Il faut naturellement préserver notre « jardin secret » – car je vous sais romantiques – s’agissant en particulier du renseignement, qui nous a permis de ne pas nous engager aux côtés des États‑Unis en Irak en 2003. Cependant, nous ne disposons plus de la taille critique pour assurer notre autonomie stratégique dans les cinq dimensions que sont la terre, l’air, la mer, le cyber et l’espace face aux États-Unis et aux BRICS – Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud.

Il vous est donc proposé « d’enfoncer le clou » en montrant que nous pensons notre autonomie stratégique nationale en même temps que l’autonomie stratégique européenne et de rédiger l’alinéa comme suit : « L’autonomie stratégique qui est au cœur de l’Ambition 2030 est indissociable de la construction d’une autonomie stratégique européenne », et non d’un simple « soutien » à cette autonomie.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je suis tout à fait favorable à votre amendement, Madame la rapporteure pour avis, même si je ne suis pas totalement d’accord avec votre exposé. Outre sa valeur rédactionnelle, votre amendement permet en effet de renforcer notre engagement en faveur de la construction d’une autonomie stratégique européenne.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis.

M. Ian Boucard. Sans vouloir me battre sur un point sémantique, je comprends néanmoins que si la construction de l’Europe de la défense ne portait pas ses fruits – ce que je ne souhaite naturellement pas, au contraire : je soutiens les actions menées en faveur de cette construction – alors cet alinéa ainsi modifié sous-entendrait que nous n’aurions plus la volonté de préserver notre autonomie stratégique, puisqu’il n’y aurait plus d’autonomie stratégique européenne possible. Le terme « soutien » me semblait particulièrement bien choisi par Mme la ministre et par son cabinet, et il me paraît dangereux, à ce stade, de le modifier.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. L’alinéa modifié rendrait notre autonomie stratégique indissociable de la construction de l’autonomie stratégique européenne, et non de l’autonomie européenne elle-même.

M. Ian Boucard. Certes, mais l’emploi du terme « soutien » serait plus mesuré.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Vous avez parfaitement le droit d’être contre l’amendement, Monsieur le député.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Il s’agit d’une nuance. Mme Saint‑Paul a souhaité affirmer notre engagement profond en faveur de la construction européenne. Si cette construction n’avançait pas au rythme que nous souhaitons tous, elle ne remettrait pas en cause la construction de notre propre autonomie stratégique dans le cadre de l’Ambition 2030. Je ne peux pas imaginer que dans cinq ans, nous foulerons aux pieds l’idée même d’une autonomie stratégique européenne, même si nous pouvons toujours discuter du rythme auquel cette ambition progresse.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. La réponse de Mme la ministre vous a-t-elle rassuré, Monsieur le député ?

M. Ian Boucard. Comme toujours, cela va de soi…

La commission adopte l’amendement.

Elle est saisie, en présentation commune, des amendements DN367, DN368 et DN369 de M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud. La défense de ces trois amendements est identique à celle des amendements DN364, DN365 et DN366 déjà défendus.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur et du Gouvernement, la commission rejette successivement les amendements DN367, DN368 et DN369.

Puis elle passe à l’amendement DN419 de Mme Sabine Thillaye.

Mme Sabine Thillaye. Cet amendement vise à souligner l’importance que revêtent pour la France les coopérations bilatérales en matière de défense avec des États membres de l’Union européenne. Contrairement au libellé de l’exposé sommaire, il ne s’agit pas de mentionner un pays en particulier mais de souligner la multiplicité des formes de coopération qui peuvent exister et sur lesquelles nous pouvons appuyer notre effort de dépense…

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je présume que vous voulez parler de notre effort de défense ?

Mme Sabine Thillaye. En effet, notre effort de défense.

Mme Natalie Pouzyreff. Les deux !

Mme Sabine Thillaye. Nous devrions nous appuyer tout à la fois sur le volet européen et sur le volet bilatéral de la coopération.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Plusieurs amendements seront présentés dans la même optique.

Mme Sabine Thillaye. Tout à fait ; c’est la raison pour laquelle j’ai dissocié celui-ci du volet purement franco-allemand de notre coopération.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. L’exposé des motifs de votre amendement fait pourtant clairement référence à la coopération franco-allemande. Si nous sommes favorables à une coopération industrielle franco-européenne, il me semble excessif de la réduire à sa seule dimension franco-allemande. Je pourrais donner un avis favorable à cet amendement à la condition que toute référence à la coopération franco-allemande soit supprimée de l’exposé des motifs.

Mme Sabine Thillaye. J’accepte cette suppression tout en maintenant une référence à la coopération bilatérale, car c’est dans cette direction que nous allons devoir nous orienter avec certains pays comme le Royaume-Uni.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Votre amendement étant déposé avec l’exposé des motifs en l’état, je vous propose de le retirer pour le redéposer en séance une fois l’exposé des motifs modifié de sorte qu’il ne fasse plus référence à la coopération franco-allemande.

Mme Sabine Thillaye. Très bien.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. La formulation actuelle du projet de loi permet tout et n’interdit rien, surtout pas les coopérations bilatérales. Je comprends le prisme franco-allemand de votre amendement. Dès lors que vous aurez supprimé la dimension franco-allemande, qui est très réductrice par rapport à la portée de l’alinéa, et même si je ne suis pas sûre que la référence à la coopération bilatérale enrichisse beaucoup au texte, il n’y a pas lieu de s’opposer à cet amendement ; il me semble cependant n’ajouter que peu de sens.

L’amendement DN419 est retiré.

La commission est saisie de l’amendement DN50 de M. Jean-Jacques Ferrara.

M. Jean-Jacques Ferrara. Compte tenu de l’ambition affirmée dans ce projet de loi de programmation concernant les personnels, il me paraîtrait juste d’ajouter à l’alinéa 49 du rapport annexé que les conditions actuelles d’exercice de leurs missions conjuguées à l’intensité des engagements conduisent à un véritable épuisement des personnels de nos forces armées, pour renforcer la volonté que vous manifestez dans ce projet de loi d’améliorer ces conditions afin de régénérer le capital opérationnel des armées, et pour insister sur le caractère absolu de cette nécessité.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Sur le fond, je suis tout à fait d’accord avec vous. Néanmoins, ce constat me semble inopportun, puisque l’alinéa précédent précise que « les armées devront disposer de moyens humains et matériels leur permettant de remplir leurs missions de manière soutenable, dans la durée ». Je considère donc que votre amendement est satisfait et vous propose de le retirer ; à défaut, avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis.

L’amendement DN50 est retiré.

La commission examine l’amendement DN51 de M. Jean-Jacques Ferrara.

M. Jean-Jacques Ferrara. Il me semble nécessaire de préciser que les effectifs supplémentaires prévus par le projet de loi devront « réparer » le présent, c’est-à-dire corriger le manque de recrutement et les suppressions de postes constatés au cours des périodes couvertes par les précédentes lois de programmation, et ce non seulement pour répondre aux besoins nouveaux mais aussi pour réparer le présent et préparer l’avenir. Ils compenseraient en quelque sorte les déflations. Cela me semble mériter de figurer dans la loi.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Votre objectif est louable, Monsieur le député, mais je ne saurais accepter cet amendement. Rappelons que les déflations que vous évoquez, auxquelles il a été procédé pendant quinze ans, ont concerné plus de 55 000 soldats. Nous allons créer 6 000 postes dont la moitié dans ce projet de loi qui, de surcroît, concerneront en priorité les urgences à combler dans le domaine du renseignement, du cyber ou encore du soutien à l’exportation. Il ne restera donc que très peu de postes pour combler les réductions d’effectifs qui ont été décidées pendant quinze ans. Avis forcément défavorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Je partage l’avis de M. le président et, d’autre part, j’assume pleinement la décision d’orienter les moyens nouveaux vers des priorités nouvelles qui définiront le monde de demain. Au-delà des espoirs infondés que pourrait susciter cet amendement parmi les personnels militaires, qui pourraient dès lors considérer que la loi de programmation militaire ne remplit pas un objectif qu’elle ne s’était pourtant pas fixé initialement, il me semble important d’assumer de façon positive le fait que le ministère de la Défense devenu ministère des Armées s’est profondément réorganisé pour faire face aux réductions d’effectifs. On ne peut certes pas s’en contenter, mais il ne me semble pas possible de faire miroiter le sentiment que les déflations passées seront compensées ; objectivement, ce n’est ni le cas ni l’objet.

M. Jean-Jacques Ferrara. Il n’y avait aucun esprit critique dans mon amendement ; au contraire, je tenais simplement à réaffirmer de manière constructive votre volonté d’inverser la tendance, car il ne s’agit pas, hélas, de compenser les déflations.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Je ne voudrais pas que de cette belle intention naisse une déception.

La commission rejette l’amendement.

Elle passe à l’amendement DN193 de M. M’jid El Guerrab.

M. M’jid El Guerrab. Cet amendement a trait à la directive européenne relative au temps de travail, qui définit la durée maximale de travail hebdomadaire ainsi que les périodes minimales de repos et qui prévoit des dérogations. Dans leur rapport intitulé « Défense : Soutien de la politique de défense », présenté à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2018, MM. Joël Guerriau et Gilbert Roger n’ont pas caché leur inquiétude concernant la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, qui a précisé que les dérogations n’étaient pas applicables à des corps ou à des secteurs entiers, comme les forces armées ou la police, mais seulement à certaines des missions qu’ils assurent. Par conséquent, dès lors que les activités menées sont effectuées dans des conditions normales, hors de tout contexte opérationnel, la directive s’applique. Or, l’encadrement du temps de travail apparaît difficilement compatible avec les spécificités du statut militaire.

Alors que le président de la République a déclaré qu’il n’était pas envisageable d’appliquer la directive aux militaires et que vous-même, Madame la ministre, avez évoqué la négociation d’exemptions, il est à mon sens souhaitable de trouver rapidement une solution réaliste ne mettant pas en cause les fondements de la fonction militaire avant que cette directive soit transposée.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. En effet, dans le discours qu’il a prononcé le 18 octobre devant les forces de sécurité, le président de la République a indiqué qu’il n’était pas favorable à la transposition de cette directive. Il a rappelé que l’obligation de disponibilité était une composante fondamentale du statut militaire et a annoncé que les militaires ne seraient pas concernés par la directive européenne relative au temps de travail et que des discussions auraient lieu sur ce point avec l’Union européenne. Avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis. Nous savons tous combien le principe législatif de disponibilité en toutes circonstances est consubstantiel à l’état militaire ainsi qu’au bon fonctionnement des armées et à l’accomplissement de leurs missions. C’est pourquoi le président de la République a rappelé que le temps d’activité des militaires ne se décompte pas et que la directive relative au temps de travail n’a pas été transposée aux forces armées. Il me semble essentiel de préserver ce principe : c’est une condition d’efficacité de nos forces.

M. M’jid El Guerrab. Je retire l’amendement, mais sans doute pour le redéposer en séance.

L’amendement est retiré.

La commission examine les amendements identiques DN58 de M. Olivier Gaillard et DN538 de la commission des Finances.

M. Olivier Gaillard, rapporteur pour avis de la commission des Finances. Pour mémoire, la Cour des comptes a préconisé de ne pas négliger les achats sur étagère. Cet amendement vise simplement à intégrer cette recommandation aux objectifs du projet de loi, car elle peut contribuer à accroître la performance des achats sans pour autant remettre en cause l’autonomie stratégique.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je comprends bien l’objectif que vous défendez en tant que représentant de la commission des finances. Néanmoins, les rédacteurs de la Revue stratégique ont clairement précisé dans un tableau figurant en page 69 ce qui, en termes d’élaboration, d’achat et de maîtrise des armements et des équipements, devait strictement relever du domaine souverain, ce qui pouvait donner lieu à une coopération européenne ou internationale et, pourquoi pas, à un achat sur étagère. Ce tableau évoque même la notion de « coopération avec mutuelle dépendance ». C’est sur ce document qu’il faut se fonder. J’émets donc un avis défavorable à votre amendement, à moins que vous ne le retiriez.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis. Il va de soi que nous ne sommes pas du tout défavorables aux achats sur étagère, et nous en avons même effectué quelques-uns qui ont défrayé les débats de cette commission. Nous ne pouvons cependant pas nous imposer le principe directeur selon lequel il faudrait privilégier systématiquement les achats sur étagère, car c’est une analyse multi-critères qui doit prévaloir. Un tel affichage n’ajouterait que peu de choses à ce qui guide notre réflexion et nos décisions tout en soulevant en revanche de nombreuses et délicates questions.

M. Olivier Gaillard, rapporteur pour avis de la commission des Finances. Je retire l’amendement DN58 mais je maintiens l’amendement DN538 présenté au nom de la commission des finances.

L’amendement DN58 est retiré.

La commission rejette l’amendement DN538.

Puis elle examine l’amendement DN256 de M. Patrick Hetzel.

M. Thibault Bazin. Cet amendement vise à faire ressortir l’importance de l’effort de recherche, sa dimension européenne et, surtout, la nécessité d’une meilleure synergie entre les principaux programmes européens, qu’il s’agisse du programme-cadre de recherche européen ou des projets Eurêka.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je comprends votre idée, mais elle est reprise plusieurs fois et largement développée dans le rapport annexé. Votre amendement est donc satisfait ; avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Elle passe à l’amendement DN252 de M. Patrick Hetzel.

M. Thibault Bazin. S’agissant encore une fois des enjeux de coopération, nos auditions ont révélé que plusieurs pays voisins de la France se fournissent outre-Atlantique. Il est donc important que nous encouragions la montée en puissance des coopérations européennes tout en conservant la maîtrise nationale des systèmes les plus sensibles, comme le précise l’amendement, afin de préserver la souveraineté nationale. Ce serait un message utile à adresser à nos voisins.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. C’est un beau message, Monsieur le député, mais j’émets un avis défavorable pour deux raisons. Tout d’abord, votre amendement fait référence au programme Scorpion, qui sera prochainement livré à nos armées ; il n’est donc plus possible de lui donner à ce stade une dimension de coopération européenne. La deuxième raison tient à un élément plus choquant encore : vous proposez de profiter du démarrage d’une nouvelle génération de sous-marins lanceurs d’engins (SNLE) pour examiner un partage éventuel de certaines technologies dans le domaine des sous‑marins, même si vous modérez cette proposition en précisant qu’il convient de garder la maîtrise nationale du système. J’estime pour ma part que votre idée va trop loin en matière de partage : le SNLE de troisième génération est une arme de dissuasion et doit être conçu en autonomie industrielle française.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis.

L’amendement est retiré.

M. le président Jean-Jacques Bridey. Mes chers collègues, nous avons examiné cet après-midi 48 amendements ; 17 ont été adoptés, 16 rejetés, les autres ont été retirés. Afin de conserver ce rythme, je vous invite à être concis dans la présentation de vos arguments.

La commission examine l’amendement DN253 de M. Patrick Hetzel.

M. Thibault Bazin. Nous proposons que le Gouvernement rende publics les éléments d’évaluation relatifs à la constitution d’une filière de déconstruction des bâtiments de guerre de surface et sous-marins.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Sur la forme, cet amendement est mal placé : il aurait dû figurer dans la partie normative de la loi, puisqu’il s’agit d’une demande de rapport. Sur le fond, la commission, dispose déjà d’éléments fournis par le Gouvernement et a tout loisir de se saisir de cette problématique.

L’amendement est retiré.

La commission examine ensuite l’amendement DN254 de M. Patrick Hetzel.

M. Thibault Bazin. Cet amendement appelle à réfléchir aux coopérations de défense avec les États africains.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Effectivement, il faut renforcer les coopérations de défense, mais l’Union européenne a déjà des partenariats avec l’Union africaine et ses sous-régions, comme la communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, CEDEAO, ou la communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale, CEMAC, ainsi qu’avec les pays du G5 Sahel.

L’amendement est retiré.

Puis la commission examine l’amendement DN258 de M. Patrick Hetzel.

M. Thibault Bazin. Nous proposons que le Gouvernement remette un rapport sur l’opportunité de développer à Cherbourg le pilotage et l’expertise de la déconstruction des sous-marins nucléaires en fin de vie.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Cette demande de rapport, là encore, devrait figurer dans la partie normative. Par ailleurs, le site de Cherbourg est déjà chargé du démantèlement des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins – SNLE – d’ancienne génération, opération qui se poursuivra jusqu’en 2027. Cette réponse vous satisfait-elle ?

M. Thibault Bazin. Elle me rassasie, Monsieur le président !

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’examen de l’amendement DN262 de M. Patrick Hetzel.

M. Thibault Bazin. Je profite de la présence de Laurent Furst pour rappeler l’importance des Terres australes antarctiques françaises – TAAF – en termes de zones économiques exclusives et les enjeux qu’ils représentent pour notre marine au regard des objectifs qui lui sont assignés. Ils mériteraient d’être pris en compte dans le rapport annexé.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Votre amendement, me semble-t-il, a tout lieu d’être satisfait : l’amiral Prazuck, chef d’état-major de la marine, nous a expliqué ici même que la future LPM répondait à la pression croissante qui s’exerce sur les ressources halieutiques et sur la souveraineté de nos zones économiques exclusives, en comblant le trou capacitaire que l’on pouvait observer, notamment outre-mer et qu’en ce domaine, les nouvelles sont donc excellentes, pour la métropole comme pour l’outre-mer. Avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis.

M. Charles de la Verpillière. Je vous trouve un peu dur, Monsieur le président… Si tout le monde est d’accord, je ne vois pas en quoi il serait malvenu d’apporter cette précision dans le rapport annexé, même si nous avons noté que de nouveaux patrouilleurs seront dédiés aux espaces économiques outre-mer.

M. Laurent Furst. L’administration des TAAF gère à peu près 23 % du territoire maritime français, qui représentent quelque 10,5 millions de kilomètres carrés, qui représentent une richesse exceptionnelle en termes de ressources halieutiques, et potentiellement énergétiques, et un intérêt géostratégique essentiel pour l’avenir de la nation. Je suis heureux qu'un parlementaire ait eu l’idée de souligner cet état de fait.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Le Grand Est solidaire…

M. Bastien Lachaud. La France est le seul pays présent dans tous les océans et sur l’ensemble des continents. Il me paraît de bon aloi de noter dans le rapport annexé que les départements et les territoires d’outre-mer présentent des enjeux particuliers. C’est une évidence, mais qui méritait d’être rappelée.

M. Thibault Bazin. Je remercie mes collègues ; il n’est pas anodin qu’un Alsacien vienne au secours d’un Lorrain…

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Vous réunissez peu de surface maritime à vous deux !

M. Thibault Bazin. Mais nous avons beaucoup de cœur ! Le rapport annexé recense un certain nombre d’enjeux ; vous avez augmenté les cibles et accéléré certains programmes. Pourquoi ne pas le réaffirmer de manière consensuelle ? Cela va mieux en l’écrivant !

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. C’est bien pour cela que j’ai dit que votre amendement était satisfait. La cible des patrouilleurs est augmentée de deux unités : six patrouilleurs seront livrés outre-mer d’ici 2024, au lieu des deux prévus.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Nous sommes bien évidemment d’accord sur le fond, puisque nous avons prévu les moyens pour répondre à cet objectif. Mais sur la forme, il me semble peu opportun d’insérer cet amendement après l’alinéa 58. Peut-être trouverait-il sa place après l’alinéa 87, où il est question des zones économiques exclusives. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Monsieur Bazin, accepteriez-vous de retirer l’amendement pour le déposer sous une autre forme en séance ?

Thibault Bazin. Je comprends l’argument, mais je maintiens l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement DN264 de M. Patrick Hetzel

M. Thibault Bazin. Il s’agit d’inscrire le cycle de vie des matériels dans une démarche de développement durable, et d’intégrer dans les cahiers des charges les filières de démantèlement.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Le ministère suit des règles environnementales strictes dans le démantèlement des matériels, le recyclage des produits et l’élimination des déchets. L’instruction ministérielle 1516, qui fixe les procédures d’acquisition, couvre toute la durée de vie des équipements. Avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. J’ajoute que, à chaque fois qu’il le peut, le ministère utilise les filières de démantèlement civiles lorsqu’elles sont disponibles.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement DN386 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud. Depuis que l’affaire Snowden a montré que les États-Unis nous ont espionnés plus que de raison, avec les conséquences que l’on imagine dans le domaine industriel, il ne nous paraît pas raisonnable de nous fixer pour objectif que notre travail de renseignement se fera en particulier au profit de l’Alliance atlantique. Si, dans certains domaines particuliers, nous devons travailler de concert avec nos alliés américains, le fixer comme dogme me paraît peu raisonnable.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Nous ne réglerons pas ce soir notre désaccord sur l’OTAN, cher collègue. Précisons seulement que, dans le domaine du renseignement, nous avons des collaborations avec d’autres pays de l’Alliance atlantique, et qui ne sont pas pour autant États-Uniens, comme vous dites… Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement DN456 rédactionnel du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement DN214 de M. Alexis Corbière.

M. Alexis Corbière. Nous proposons, à l’alinéa 69, de remplacer les mots « la nécessité de sécuriser, de traiter et d’exploiter les flux d’informations en croissance exponentielle, est facilitée par le recours à l’intelligence artificielle » par les mots « le recours à l’intelligence artificielle représente une piste d’amélioration de la sécurisation, du traitement et de l’exploitation des flux d’informations en croissance exponentielle mais son utilisation ne saurait remettre en cause le rôle prépondérant du travail humain dans tous les aspects du recueil et du traitement du renseignement. »

C’est une question éthique délicate : nous ne devons pas faire exagérément confiance aux technologies de pointe pour permettre à la France et à ses armes d’atteindre leurs objectifs. Afin de nous prémunir de toute dérive, cet amendement vise à placer les dispositifs les plus récents sous contrôle humain. Cela me paraît un enjeu majeur.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. J’approuve cette formulation. Dans la doctrine française, la technologie n’évince pas l’homme : l’homme reste toujours dans la boucle. Avis favorable ! (Applaudissements)

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis !

La commission adopte l’amendement à l’unanimité.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels DN458 et DN459 du rapporteur.

Elle est ensuite saisie de l’amendement DN215 de M. Alexis Corbière.

M. Alexis Corbière. Nous proposons, à la deuxième phrase de l’alinéa 77, de substituer les mots : « doivent être en mesure de garantir la souveraineté de la France sur son territoire maritime », aux mots : « sont en mesure d’assurer dans la durée deux à trois déploiements maritimes ».

La France possède le deuxième territoire maritime du monde, ce qui implique de grandes responsabilités. Elle doit dimensionner son investissement, plutôt que de rabaisser ses objectifs capacitaires en fonction de considérations purement financières. Ce sont les besoins qui doivent déterminer l’allocation des ressources, non l’inverse.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Il me semble nécessaire de rappeler les différentes missions conduites par la marine nationale. Celle-ci a pour mission de surveiller et protéger les espaces maritimes – ce qu’on appelle l’action de l’État en mer, AEM – et d’intervenir militairement. La Revue stratégique a prévu que la marine nationale serait dimensionnée pour intervenir afin de garantir la souveraineté de la France sur son territoire maritime et assurer dans la durée deux à trois déploiements maritimes. Avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte les amendements rédactionnels DN460 et DN461 du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement DN376 de M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud. J’aimerais pouvoir retirer cet amendement. À l’alinéa 78, il est prévu que « les armées continueront à assurer des déploiements de circonstance, notamment dans le cadre des mesures de la posture de défense et de dissuasion de l’OTAN ». Le terme de « dissuasion » revient plusieurs fois dans le texte, sans que l’on sache précisément de quoi il est question. S’il s’agissait de la dissuasion nucléaire, Madame la ministre, cela impliquerait un changement de doctrine, dans la mesure où la France la mettrait au service de l’OTAN. Vous nous avez assuré que tel n’était pas le cas ; mais, en tout état de cause, la formulation pourrait être mal comprise. Pour éviter toute incompréhension, nous proposons de changer de formulation.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. L’alinéa 78 fait partie du chapitre sur la prévention ; il vise donc bien la dissuasion conventionnelle. Avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Je confirme : il ne s’agit pas de dissuasion nucléaire.

M. Bastien Lachaud. Dans ce cas, je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement DN145 de M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud. À l’alinéa 81, il est écrit que la dissuasion nucléaire est maintenue, conformément aux orientations de la revue stratégique. Or c’est le président de la République qui en a décidé ainsi. Cet amendement vise à mettre le texte en conformité avec la réalité.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. La revue stratégique ne remet nullement en cause la dissuasion et ses deux composantes, océanique et aéroportée. Il ne me paraît pas utile d’entrer dans une discussion qui pourrait prendre les aspects d’une polémique sur les orientations de la revue stratégique et les directives du président de la République. Avis défavorable.

M. Bastien Lachaud. Il ne s’agit pas de faire polémique, mais d’écrire ce qui est…

Mme Florence Parly, ministre des Armées. La revue stratégique a confirmé le maintien de la dissuasion nucléaire sur le long terme ; le président de la République a décidé la modernisation et le renouvellement des deux composantes. La mention des orientations de la revue stratégique me paraît cohérente avec l’affirmation du principe du maintien de la dissuasion nucléaire sur le long terme, telle que l’a déclinée le président de la République. Sagesse.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement DN377 de M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud. Écrire que « la dissuasion nucléaire contribue de facto à la sécurité de l’Alliance atlantique et à celle de l’Europe » laisse à penser que la France utiliserait sa dissuasion si un pays de l’Alliance atlantique ou de l’Union européenne était attaqué. C’est une brèche dans notre doctrine qui considère que la dissuasion nucléaire relève de la souveraineté nationale et vise à protéger le territoire national et les intérêts supérieurs de la nation.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. J’ai déjà expliqué à propos d’un autre amendement que notre stratégie contribuait, non pas de droit mais de fait – de facto en latin –, à la sécurité des pays de l’Alliance atlantique et de l’Europe. Avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement DN380 de M. Alexis Corbière.

M. Alexis Corbière. Il s’agit de supprimer la dernière phrase de l’alinéa 86 : « Ainsi, la posture de protection terrestre est pérennisée dans sa nouvelle forme (jusqu’à̀ 10 000 militaires en trois échelons et pendant un mois), organisant ainsi les conditions d’une contribution durable des armées à la défense et à la sécurité de notre territoire, face à la menace terroriste d’inspiration djihadiste. »

Ces dernières années ont vu s’accélérer une tendance lourde et dangereuse : la confusion entre les missions de l’armée et celles de la police. Cette confusion fait peser un risque sur les libertés publiques et met à mal le caractère spécifique de l’action militaire. Ce faisant, elle fragilise les armées et les place dans des situations qui peuvent susciter l’hostilité des populations auxquelles elles ont affaire.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Nous n’avons sûrement pas la même lecture de l’opération Sentinelle et des dangers que nos concitoyens pourraient courir en raison de la présence de militaires dans les gares, les lieux de culte ou de sport. Nos militaires n’ont pas de pouvoir de police judiciaire ; il ne peut y avoir de confusion avec la police. Par ailleurs, en 2016, le rapport du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale – SGDSN – a confirmé l’évolution du cadre doctrinal dont est issue la posture de protection terrestre des armées. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte les amendements rédactionnels DN462, DN463 et DN464 du rapporteur.

Elle est saisie de l’amendement DN218 de M. Alexis Corbière.

M. Bastien Lachaud. La France se grandirait en prenant toutes les initiatives pour faire adopter un nouveau traité sur l’espace. Le traité de 1967 visait à interdire la mise en orbite d’armes de destruction massive ; nous ne sommes plus dans la même logique aujourd’hui, mais il faut aller plus loin aujourd’hui et rappeler que l’espace est res nullius, une zone qui n’appartient à personne.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Votre amendement ne m’effraie pas. Je vous propose de le sous-amender en considérant qu’il n’y a pas militarisation de l’espace, mais arsenalisation – terme contenu dans la Revue stratégique – et que la France ne doit pas prendre toutes les initiatives, mais y participer. Ce qui reviendrait à ajouter à l’alinéa 90 la phrase suivante : « La France participera à toutes les initiatives utiles en vue de faire adopter un nouveau traité sur l’espace, visant à en éviter l’arsenalisation. »

Sous réserve de l’adoption de ce sous-amendement, avis favorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Certes, nous ne souhaitons pas que l’espace devienne un lieu de confrontation entre les nations ; c’est pourquoi notre action diplomatique consiste aussi à prévenir toute escalade qui pourrait aboutir, par exemple, à la destruction de satellites.

Dans la LPM, nous prévoyons des investissements importants pour disposer de capacités accrues dans le domaine de l’alerte et de la surveillance avancée, afin d’identifier les menaces, anticiper les attaques et essayer de les dissuader.

Je ne suis pas certaine que nous puissions aller jusqu’à affirmer que l’espace doit être une zone dénuée de toute arsenalisation, dans la mesure où nous ne savons pas comment évoluera le comportement des nations présentes dans l’espace. Je comprends l’intention, mais elle participe d’une vision un peu idéale, et peu certaine.

Affirmer que l’espace ne doit pas être un lieu de confrontation est légitime, mais il faut être cohérent et tirer les conséquences des investissements que nous faisons dans le cadre de la LPM : ils sont destinés à nous garder de toute naïveté. Pour moi, la désarsenalisation de l’espace ne relève pas du court terme. Que se passera-t-il si nous sommes confrontés à un projet très hostile ? Nous donnerons le sentiment de ne pas être cohérents avec les moyens dont nous nous dotons pour précisément le contrer.

Mme Natalia Pouzyreff. Nous ne pouvons pas nous priver de nos moyens d’observation et de communication avec les théâtres d’opération. Par ailleurs, les systèmes de positionnement type GPS ou Galileo ayant une partie codée, il faudrait arbitrer sur ces technologies duales. Cela paraît complexe et non opportun.

M. Olivier Becht. Nous devons aussi nous donner les moyens de protéger nos propres engins spatiaux grâce à des armes défensives.

M. Charles de la Verpillière. Si l’arsenalisation englobe les satellites d’écoute, d’observation et de guidage, il serait dommage de nous nous priver d’une telle possibilité. Il faut réfléchir à deux fois et ne pas écrire à la légère ce genre d’affirmation.

M. Bastien Lachaud. J’entends les arguments de mes collègues et les doutes de la ministre, mais le sous-amendement du rapporteur permet précisément d’y répondre. Il n’est pas dit que la France agira de manière unilatérale, mais dans un cadre international. Cela procède de la même logique que pour la dénucléarisation : nous approuvons l’objectif s’il est partagé dans le monde, mais nous ne souhaitons pas supprimer la dissuasion nucléaire française. Le terme d’arsenalisation, quant à lui, ne vise pas les satellites d’observation, d’écoute ou de positionnement.

M. Laurent Furst. L’intention est louable, la rédaction sage et non contraignante. Dans l’espace, on trouve des équipements militaires, des équipements pour détruire d’autres satellites, capter d’autres informations, et potentiellement des armes braquées sur la Terre. J’ajoute que ce sont les États qui aujourd’hui ont une dimension militaire, mais demain, les sociétés privées seront aussi présentes dans l’espace.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Je ne suis pas certaine que nous puissions appréhender toutes les dimensions du sujet travers cet amendement.

Il existe un projet de traité tendant à interdire l’arsenalisation de l’espace, porté par la Russie et la Chine. Son contenu, m’a-t-on expliqué, est extrêmement problématique. Il faut se méfier des meilleures intentions et je ne voudrais pas que cette rédaction puisse donner le sentiment que nous cautionnerions une initiative de ce genre.

Par ailleurs, l’arsenalisation de l’espace doit être envisagée comme la possibilité non seulement d’atteindre la Terre depuis l’espace mais aussi d’atteindre depuis la Terre des éléments, tels les satellites, qui contribuent à notre défense.

Légitime, la question n’en est pas moins complexe. Donnons-nous donc un instant de réflexion – sinon, nous pourrions le regretter plus tard. Nous n’en comprenons pas moins l’intention, louable, dont procède cet amendement.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Invitez-vous donc au retrait de l’amendement ?

Mme Florence Parly, ministre des Armées. J’invite à ne pas injurier l’avenir et donc à réfléchir à une formulation acceptable. Nous en reparlerons très rapidement, dès la semaine prochaine.

M. Bastien Lachaud. Je retire l’amendement. Je reste à disposition des services de Madame la ministre pour échanger et parvenir à un amendement pertinent en vue de la séance.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Et de ceux de la commission…

L’amendement DN218 est retiré.

En conséquence, le sous-amendement DN502 n’a plus d’objet.

Puis la commission adopte l’amendement rédactionnel DN465 du rapporteur.

La commission en vient ensuite à l’amendement DN356 de M. Alexis Corbière.

M. Alexis Corbière. Il s’agit de supprimer la première phrase de l’alinéa 95 du rapport annexé : « Les armées sont susceptibles d’être engagées en gestion de crise, jusqu’à trois théâtres simultanément, afin d’assumer les responsabilités de la France dans l’espace euroméditerranéen ou en Afrique, de respecter les accords de défense et de défense collective (au titre de l’article 5 du traité de l’Atlantique nord et de l’article 42.7 du traité de l’Union européenne), et de mettre en œuvre les partenariats stratégiques, notamment avec l’Inde et l’Australie. »

À nos yeux, la politique d’intervention militaire de la France doit être dictée par l’objectif de la paix et par les nécessités de la défense de ses intérêts. Elle ne doit pas être bornée par des considérations strictement financières telles celles que la formule « jusqu’à trois théâtres simultanément » suggère.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je suis défavorable à cet amendement. L’énoncé en cause correspond aux engagements opérationnels prévus par la revue stratégique.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Avis également défavorable à cet amendement qui tendrait à supprimer une dimension… « dimensionnante », si je puis dire.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle se saisit de l’amendement DN76 de la commission des Affaires étrangères.

Mme Laetitia Saint-Paul, rapporteure pour avis de la commission des Affaires étrangères. L’alinéa 98 du rapport annexé évoque « l’apparition de stratégies hybrides et de déni d’accès », mais relisons L’Art de la Guerre de Sun Tzu, le plus ancien ouvrage de ce type : l’art suprême de la guerre, c’est bien de démettre l’ennemi sans combattre ; c’est en agissant sur les perceptions, sur la communication, en employant la ruse et la perfidie que l’on y parvient. Dès lors, comment parler d’apparition de stratégies hybrides ? D’ailleurs, le sujet de l’épreuve de synthèse sur laquelle ont planché les candidats à l’admission à l’école de guerre en 2017 les invitait précisément à considérer que la stratégie hybride est inhérente à la guerre. Je vous propose donc de parler de « redécouverte » – en raison des nouvelles technologies – plutôt que d’apparition.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Songeant pour ma part non à Sun Tzu mais à Jules César et aux stratégies de déni d’accès de la cavalerie romaine contre les Gaulois, je suis favorable à cet amendement. (Sourires.)

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Et si nous écrivions tout simplement que la fonction « intervention » doit cependant relever le défi des stratégies hybrides et de déni d’accès dans tous les milieux ? Ce serait encore plus factuel.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. En somme, nous supprimerions le mot « apparition » au lieu de lui en substituer un autre.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Tout à fait.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Chère collègue rapporteure pour avis, je vous propose de retirer l’amendement que vous avez défendu et d’en déposer un autre en vue de la séance, qui reprendrait la formulation proposée par Madame la ministre.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement DN359 de M. Alexis Corbière.

M. Alexis Corbière. Il s’agit de remplacer, à l’alinéa 98 du rapport annexé, les mots « et demeurent interopérables avec leurs alliés occidentaux les plus capables » par les mots « sans pourtant méconnaître que le surinvestissement technologique est également un des risques que font courir ces menaces. » Cet amendement procède là encore de notre souci de placer les dispositifs les plus récents sous contrôle humain. De ce point de vue, la formulation actuelle expose au risque.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Cher collègue, nous déplorons tous la faiblesse des investissements en matière de recherche. Dès lors, l’utilisation du terme de « surinvestissement » pourrait prêter à confusion.

Par ailleurs, dans la notion « alliés occidentaux les plus capables », ce n’est pas le qualificatif « occidentaux » qui compte le plus, mais la formule « les plus capables », qui désigne ceux avec qui l’interopérabilité est possible lors d’opérations de haute intensité – interopérabilité entre nos Rafale et F-35, ou entre les futurs drones du SCAF et les successeurs du F-35, ou entre notre futur porte-avions, cher à Monsieur Marilossian, et des avions alliés aux performances comparables avec nos avions du SCAF, etc.

Je suis défavorable à votre amendement, cher collègue.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis. Ajoutons que nous cherchons, dans le cadre de cette programmation militaire, à assurer la supériorité technologique de notre pays. N’employons pas une expression qui suggère le contraire.

M. Alexis Corbière. Par « surinvestissement », je ne voulais pas forcément évoquer les montants des investissements, je désignais une espèce de fuite en avant technologique.

Cela étant, nous aurions pu nous entendre, Monsieur le président, si vous nous aviez proposé de supprimer le qualificatif « occidentaux »…

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. C’était l’objet d’un amendement qui, en l’absence de son auteur, M. Chassaigne, ne peut être défendu, mais j’y aurais également été défavorable.

M. Charles de la Verpillière. La référence aux alliés occidentaux « les plus capables » suggère qu’il en est d’« incapables ». Ne pourrions-nous en séance y substituer une référence aux alliés « les plus avancés » ?

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Ce sont précisément ceux de nos alliés qui disposent des technologies les plus avancées que désigne l’expression « les plus capables », cher collègue. Ce qui n’est pas le cas de toutes les armées alliées.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement DN216 de M. Alexis Corbière.

M. Alexis Corbière. Nous proposons de supprimer, à l’alinéa 104 du rapport annexé, les mots « ou de contre-insurrection » après les mots « de stabilisation, de contre-terrorisme ». L’expression est assez curieuse. Comment engagerions-nous nos troupes dans le règlement d’un problème politique qui ne nécessite pas l’intervention de l’armée ?

M. Charles de la Verpillière. Le Che n’est pas mort ! (Sourires.)

M. Alexis Corbière. Au-delà de la plaisanterie, la formule peut poser un problème du point de vue des libertés publiques.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Chers collègues, il est bien question d’opérations extérieures, non d’opérations sur le territoire national. Je suis donc défavorable à votre amendement.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Lorsque nous intervenons à la demande d’un gouvernement étranger pour lutter contre une opération de déstabilisation, cela s’appelle une opération de contre-insurrection. L’expression est connue, et, effectivement, il ne s’agit nullement d’opérations qui pourraient être menées sur le territoire national.

M. Laurent Furst. La formule me paraît choquante. Une insurrection, c’est un peuple qui se soulève ; le peuple français l’a fait en 1789. Employer la notion de contre-insurrection dans le contexte de cette programmation militaire est inapproprié.

M. Jean-Michel Jacques. Voyez le cas de l’Afghanistan : les talibans sont des insurgés, que nous combattons. Nous participons bien à des opérations de contre-insurrection.

M. M’jid El Guerrab. Élu d’une circonscription des Français de l’étranger qui regroupe le Maghreb et une partie de l’Afrique de l’Ouest, j’approuve cet amendement. Il y a quelques années, en Tunisie, c’est bien une insurrection qui a donné lieu à une révolution.

M. Ian Boucard. La notion de « contre-insurrection » renvoie précisément à des tentatives de révolution qui ne sont justement pas soutenues par la population ; c’est précisément le contraire de ce qui s’est passé en Tunisie. Ce mot de contre-insurrection est assez courant.

M. Alexis Corbière. Chers collègues, rappelons que la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1793 proclamait que le droit à l’insurrection est le plus sacré des devoirs… Nous pourrions en discuter, mais allons à l’essentiel : nos armées doivent-elles servir au maintien de l’ordre, par exemple si un pays est confronté à une grève générale ? Je ne suis pas d’accord. Ce dont vient de parler notre collègue est un coup d’État militaire : « insurrection » et « contre-insurrection » relèvent de jugements politiques. Nous pouvons intervenir dans un pays pour rétablir la paix, mais il n’est pas question d’affronter des peuples qui se soulèveraient – ce serait bien éloigné des missions de nos armées. Je maintiens qu’il vaudrait mieux supprimer ce terme. Mais nous pourrons en reparler dans l’Hémicycle : c’est un beau sujet.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. J’entends vos arguments, cher collègue, mais il n’est pas d’insurrection que civile, et une grève générale n’est pas une insurrection. Nos armées n’interviennent pas dans des pays étrangers pour « mater » des grèves générales : il y a des insurrections terroristes, des insurrections militaires, des insurrections organisées de l’étranger, etc. Nous pourrons effectivement en reparler en séance publique.

La commission rejette l’amendement.

La commission en vient à l’amendement DN295 de M. Fabien Lainé.

M. Fabien Lainé. Il est question, à l’alinéa 104 du rapport annexé, des opérations « de haute intensité ». Nous proposons d’insérer les mots « ou d’intensité « médiane » (propres aux conflits dissymétriques) ». Il nous semble effectivement opportun d’ajouter une option d’engagement de nos forces conventionnelles à mi-chemin entre les opérations de basse intensité et les opérations de haute intensité. L’intervention en Libye en donne un assez bon exemple.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je comprends votre préoccupation, mais les « opérations de stabilisation, de contre-terrorisme ou de contre-insurrection » dont il est question immédiatement avant les opérations de haute intensité sont précisément des opérations d’intensité médiane. Je vous invite donc, cher collègue, à retirer votre amendement.

M. Fabien Lainé. Quoique moyennement convaincu, je retire l’amendement.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Nous pourrons en reparler dans l’Hémicycle.

M. Fabien Lainé. En effet.

L’amendement est retiré.

La commission examine ensuite l’amendement DN212 de M. Alexis Corbière.

M. Alexis Corbière. Il s’agit d’un amendement de cohérence. Comme nous l’avons demandé tout à l’heure, pourquoi précisément trois théâtres d’opérations ? Pourquoi pas cinq ou six ?

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Cela correspond à ce qui est prévu dans le cadre de la Revue stratégique. Je suis donc défavorable à votre amendement.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Trois théâtres d’opérations, c’est ce que permet le format prévu par la loi de programmation militaire. Je suis donc également défavorable à cet amendement.

L’amendement est rejeté.

Puis la commission adopte successivement les amendements rédactionnels DN466, DN467, DN468, DN469, DN470 et DN471 du rapporteur.

Elle en vient ensuite à l’amendement DN200 de M. Fabien Lainé.

M. Fabien Lainé. Cet amendement, vise à substituer, à l’alinéa 117 du rapport annexé, le nom « Suffren », qui désigne la classe des sous-marins, au nom « Barracuda », qui est celui du programme dont ils sont issus. Peut-être suis-je un peu tatillon…

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Vous êtes très précis, cher collègue, ce dont je vous félicite. Je suis donc favorable à votre amendement.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Pardonnez-moi, Monsieur le député, mais qui, de nos jours, connaît les sous-marins de classe Suffren ?

M. Fabien Lainé. C’est ainsi qu’ils étaient désignés dans la précédente loi de programmation militaire. Il serait cohérent de reprendre la même dénomination.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Dans ce cas, je m’en remets à votre sagesse, Mesdames et Messieurs les députés.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel DN472 du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement DN382 de M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud. Notre industrie de défense est au service de nos armées pour garantir la souveraineté de notre nation. En revanche, nos armées n’ont pas à se transformer en VRP de nos industriels.

L’énoncé selon lequel « l’engagement des armées démontre la qualité des équipements produits par l’industrie française, dans un contexte opérationnel » laisse à penser que nos opérations extérieures serviraient de vitrine à notre armement et viseraient à faciliter nos exportations. Je n’ose imaginer qu’il en aille ainsi et propose donc de supprimer les mots qui offriraient à des esprits malins la matière d’une telle interprétation.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Pardonnez-moi, cher collègue, mais cela procède d’une vision quelque peu caricaturale. Nous ne faisons évidemment pas la guerre pour faire de la publicité à nos industriels, mais parce que nous avons des valeurs à défendre et des alliances à respecter. Il n’est pas question que nous nous prêtions au genre de jeu que vous évoquez.

Certes la robustesse et la qualité des équipements produits par notre industrie de défense sont des qualités déterminantes pour remporter la victoire et peuvent de ce fait susciter l’intérêt d’autres pays, mais ne renversons pas les choses. Je suis donc défavorable à cet amendement.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. La première exigence pour nos armées, c’est de disposer de matériels efficaces, capables de nous donner la supériorité face à l’ennemi. Une large partie de ces équipements provient d’industries et des technologies françaises. Si ces technologies, qui ont fait la preuve de leur efficacité au combat, peuvent contribuer à soutenir les exportations de ces mêmes entreprises qui créent des emplois sur notre territoire, tout le monde ne peut que s’en féliciter. Respectons cependant l’ordre des facteurs : la priorité, c’est que nos armées disposent d’équipements efficaces qui donnent la supériorité opérationnelle. Je suis donc également défavorable à cet amendement, pour les mêmes raisons que votre rapporteur.

M. Laurent Furst. L’autonomie stratégique de la France suppose que celle-ci dispose d’une industrie autonome. Or une industrie ne peut vivre sans remporter des marchés à l’étranger. Il est donc de l’intérêt de notre armée d’avoir une industrie nationale puissante, ce qui implique qu’elle exporte.

M. Bastien Lachaud. Je pensais avoir mal compris mais vos réponses ne font que conforter ma lecture. Je maintiens donc cet amendement ; nous reparlerons de la question en séance.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte les amendements rédactionnels DN473 et DN454 du rapporteur.

Elle se saisit ensuite de l’amendement DN265 de M. Patrick Hetzel.

M. Thibault Bazin. Nous ne pouvons en matière de défense antimissile dépendre du seul bouclier américain, d’autant que les États-Unis pourraient ne pas toujours assurer la protection du continent européen.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. L’OTAN s’est déjà engagée dans la mise sur pied progressive d’un dispositif de défense antimissile. Quant à l’idée d’envisager, comme le suggère votre amendement, d’étudier avec la Russie la mise en œuvre d’un tel système, je la trouve pour le moins originale… Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient ensuite à l’amendement DN43 de M. Jean-Jacques Ferrara.

M. Jean-Jacques Ferrara. Sommes-nous tous d’accord, chers collègues, sur le fait que l’interopérabilité de nos forces aériennes avec les forces alliées est déjà essentielle ? Sommes-nous tous d’accord sur le fait que c’est d’ores déjà une priorité, et pas seulement un projet futur ? Si tel est le cas, nous proposons d’utiliser le présent au lieu du futur.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. J’aimerais me prononcer en faveur de votre amendement, cher collègue, à ceci près que l’alinéa 142 est entièrement rédigé au futur de l’indicatif ; du coup, cette phrase ne peut pas être au présent, quand bien même on pourrait le souhaiter. Je vous suggère de le retirer.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement DN245 de M. Joaquim Pueyo.

M. Joaquim Pueyo. Cet amendement vise à appeler l’attention de l’assemblée sur le problème de l’attractivité et de la fidélisation des personnels, qui se pose avec une acuité particulière pour les métiers rares ou qualifiés – médecins, mécaniciens spécialisés, linguistes… Il nous faudra faire un effort sur les rémunérations. Cela étant, des observations que mon collègue François André et moi-même avions recueillies en préparant notre rapport montraient que la fidélisation des militaires eux-mêmes posait également problème, notamment dans l’armée de terre. Les plus petites soldes devront être revalorisées dans le cadre de la transposition des règles de la fonction publique.

Nous proposons donc d’indiquer que « le Gouvernement s’engage en faveur d’une révision progressive de la grille indiciaire des salaires des personnels militaires et civils du ministère des Armées ». Je sais la question compliquée. Ce n’en sera pas moins nécessaire, selon moi, au cours de la période couverte par cette loi de programmation militaire.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Sur la forme, quand il s’agit de fonctionnaires et de militaires, on parle plus volontiers de traitement et de solde que de salaires. Sur le fond, votre amendement est plus que satisfait : le rapport annexé comporte plusieurs alinéas qui traitent de cette problématique d’attractivité et de fidélisation, et une nouvelle politique de rémunération est mise en œuvre. D’où mon avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. L’objectif visé ne me pose aucun problème. D’ailleurs, ce projet de loi de programmation militaire prévoit une refonte de la politique de rémunération, précisément pour préserver l’attractivité des carrières et fidéliser les personnels.

Il serait cependant particulièrement difficile de suivre la méthode préconisée par les auteurs de l’amendement. Vous savez, Mesdames et Messieurs les députés, à quel genre de débat une révision de grille indiciaire, en raison de sa portée très générale, peut donner lieu avec certains autres ministères… En s’engageant sur cette voie, nous risquerions plutôt de fragiliser la démarche.

Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. François André. Autant je peux être d’accord avec mon collègue Pueyo sur les constats – nous les avons faits dans le cadre de la mission d’information dont nous étions tous deux chargés –, autant je suis très sceptique sur la méthode envisagée. Une révision progressive de la grille indiciaire ne saurait s’envisager à l’échelle du seul ministère des Armées est impossible : la grille indiciaire en question est celle de toute la fonction publique. Sa révision vaudrait pour l’ensemble des fonctionnaires. De surcroît, lors des auditions auxquelles nous avons procédé, ce sont plutôt des mesures indemnitaires spécifiques, de correction, qui étaient envisagées. Leur coût budgétaire serait du reste bien moindre que celui d’une mesure générale telle celle promue par les auteurs de l’amendement.

M. Joaquim Pueyo. Je maintiens cet amendement, mais, s’il est rejeté, je le redéposerai sous une autre forme en vue de l’examen en séance. Nous rencontrerons bel et bien des difficultés pour recruter des militaires au cours des prochaines années. En période de croissance économique, les bassins d’emploi retrouvent de leur vigueur et il devient plus difficile de recruter des militaires, des agents pénitentiaires ou des policiers. Le problème se posera donc. Peut-être n’est-il pas forcément pertinent de parler de grille indiciaire, mais, pour l’heure, je maintiens mon amendement.

L’amendement est rejeté.

La commission se saisit des amendements DN354 de M. Fabien Lainé et DN539 de la commission des Finances.

Mme Josy Poueyto. Il s’agit de compléter l’alinéa 160 du rapport annexé en vue d’assurer une meilleure protection auditive de nos soldats. Les traumatismes sonores arrivent en effet en seconde position parmi les causes de réforme. Environ un million de jeunes sont chaque année touchés, et le dommage, irréversible, représente un coût annuel de 25 millions d’euros. Il faut entreprendre des actions de prévention. La commission des Finances s’est d’ailleurs prononcée dans le même sens.

M. Olivier Gaillard, rapporteur pour avis de la commission des Finances. En effet, chers collègues, la commission des Finances a déposé un amendement DN539 quasi identique.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je suis favorable à ces amendements.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Rappelons que le port des protections auditives est obligatoire lors des exercices d’entraînement au tir. En outre, l’ensemble des personnels sont dotés d’appareils de protection. Je souscris évidemment à l’objectif que vous visez, Madame la députée, mais il me semble que l’ajout dans un paragraphe consacré à la protection du soldat de la mention que vous proposez affaiblit du coup la démonstration, dans la mesure où ces équipements sont d’ores et déjà disponibles et leur port obligatoire ; du coup, il n’en est pas fait mention dans la loi de programmation militaire. Que faire de plus, sinon veiller à la bonne application de ces règles ?

M. Jean-Michel Jacques. Au-delà des équipements disponibles, le service de santé des armées mène régulièrement des actions de prévention au sein des unités. L’amendement me paraît donc satisfait.

Les amendements DN354 et DN359 sont retirés.

La commission se saisit de l’amendement DN44 de M. Jean-Jacques Ferrara.

M. Jean-Jacques Ferrara. Madame la ministre, vous avez exprimé la volonté de valoriser la simulation, mais nous avons du mal à en voir la traduction concrète. Il convient donc de préciser que, si elle est un élément essentiel à la formation des personnels, elle « ne pourra […] jamais remplacer l’entraînement en conditions réelles », que les armées manquent de matériel de simulation et qu’il est impératif de remédier à ces lacunes.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je vous rejoins sur le constat relatif au manque de matériel de simulation, mais pas lorsque vous considérez que rien n’est fait en la matière. Pour obtenir des résultats, il faut déjà que la LPM soit adoptée et qu’elle s’applique.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Une grande partie des équipements de nouvelle génération est inscrite dans la LPM : ces équipements seront tous accompagnés des simulateurs nécessaires à l’entraînement des personnels – ce sera par exemple le cas pour le programme Scorpion. Votre constat est donc juste, Monsieur le député, mais il ne vaudra plus dès que les forces seront équipées.

M. Jean-Jacques Ferrara. Madame la ministre, je ne doutais pas de votre volonté de fournir des matériels de simulation aux armées. J’aurais seulement été heureux d’obtenir des informations sur le calendrier de leur mise à disposition.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Je ne suis pas en mesure de vous communiquer ces données à l’instant, mais elles pourront vous être transmises dans les prochaines heures.

M. Jean-Jacques Ferrara. Je vous remercie.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement DN150 de M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud. Parce qu’il est indiqué à l’alinéa 165 que « les organismes et services interarmées de soutien seront particulièrement sollicités », il nous paraît indispensable d’ajouter qu’ils « verront leurs moyens adaptés en conséquence ». Ces services ne doivent pas être sollicités au-delà des moyens qui leur sont attribués. Cet amendement ne vise qu’à nous rassurer, car j’imagine que la LPM a prévu de donner à ces services les moyens nécessaires à l’activité qu’elle prévoie.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je ne partage pas votre inquiétude, Monsieur Lachaud. L’alinéa 211 indique déjà que « les armées continueront d’être soutenues par des organismes interarmées » dont le rôle essentiel est reconnu. Cela a un sens, en termes d’équipements comme de personnels.

L’alinéa 236 évoque par ailleurs la politique de rémunération nécessaire pour « préserver les compétences critiques » dans les soutiens interarmées. Avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis.

M. Bastien Lachaud. Si ce que nous demandons est déjà prévu par ailleurs, pourquoi ne pas clarifier les choses en l’écrivant à l’endroit où cela nous semble utile ? Nous ne risquons rien à adopter cet amendement. Ou alors, il y a anguille sous roche !

Plusieurs députés. Il y a un loup ! (Sourires.)

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. L’alinéa 165 se contente de préciser que les organismes et services interarmées de soutien seront particulièrement sollicités, comme beaucoup d’autres, rien de plus ! Il se termine par la phrase suivante : « Dans le cadre de la nouvelle ambition opérationnelle, ils prendront part à l’effort d’amélioration des conditions d’exercice du métier des armes. » Je ne vois pas ce qui vous gêne dans ces formulations.

M. Bastien Lachaud. Le mot « particulièrement » donne l’impression qu’ils vont être sollicités au-delà de leurs moyens. Je ne crois pas qu’il y ait un problème sur le fond : c’est une question de formulation.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Voulez-vous dire qu’il n’y aurait plus de problème s’il était écrit « seront sollicités » ?

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je propose que vous retiriez l’amendement et que nous réfléchissions à une autre rédaction d’ici à la séance publique.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement DN387 de M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud. Il a déjà été défendu par ailleurs.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Avis défavorable.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels DN505 et DN506, tous les deux du rapporteur.

Elle en vient à l’amendement DN233 de M. Claude de Ganay.

M. Claude de Ganay. Dans une LPM « à hauteur d’homme », il paraît important d’affecter une part significative des crédits dédiés aux infrastructures à celles de la vie courante. Les conditions de vie des militaires et l’attractivité des armées se sont fortement dégradées depuis trop longtemps. Cet amendement vise donc à assurer un niveau minimal d’investissement pour ces infrastructures.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je suis tout à fait d’accord avec vous, Monsieur de Ganay, mais votre amendement est satisfait puisque le rapport annexé indique que sur 7,4 milliards d’euros pour l’accueil des programmes d’armement, 1,3 milliard d’euros seront consacrés à l’amélioration des conditions de vie, et trois milliards d’euros à l’entretien des immeubles et à la maintenance, ce qui représente au total 36,7 % des crédits dédiés aux infrastructures, soit plus que les 30 % réclamés par votre amendement.

L’amendement est retiré.

La commission examine ensuite l’amendement DN314 de Mme Patricia Mirallès.

Mme Patricia Mirallès. Cet amendement vise à rappeler le rôle central que se doit de jouer le service de santé des armées, non seulement pour le moral de nos soldats en OPEX, mais également dans la détection et la prise en charge des blessures psychiques, tant pour les militaires d’actifs que pour ceux qui ne sont plus en activité – ces blessures se détectent de plus en plus tardivement.

Je propose de compléter l’alinéa 211 par une phrase ainsi rédigée : « Le service de santé des armées continuera de jouer un rôle essentiel au service de l’efficacité opérationnelle du moral des forces armées. Il participera à l’amélioration de la détection et de la prise en charge des blessures psychiques, au bénéfice des militaires en activité et des anciens militaires, rendus nécessaire par le contexte opérationnel actuel. »

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Avis favorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Je suis également favorable à cet amendement. Il me semble toutefois qu’il s’insérerait mieux à l’alinéa 219 qui concerne le service de santé des armées.

Mme Patricia Mirallès. Vous avez raison, Madame la ministre.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je vous propose que nous rectifiions votre amendement afin qu’il s’insère à l’alinéa 219.

La commission adopte l’amendement tel qu’il vient d’être rectifié.

Elle est saisie de l’amendement DN388 de M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud. Je ne suis pas convaincu que les dérogations dont bénéficie le ministère de la Défense lorsqu’il vend son patrimoine immobilier permettent une bonne gestion des biens publics, sans parler des inconnues liées à la mise en place du service national universel. Nous proposons de revenir sur ces dispositifs dérogatoires en supprimant l’alinéa 212.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je ne sais si cet alinéa est facteur de mauvaise gestion, Monsieur Lachaud, mais si nous le supprimions, le ministère n’aurait plus la possibilité de recevoir une indemnisation lors de la cession d’immeubles, et on empêcherait que les produits de cessions immobilières soient affectés à la rénovation des infrastructures.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement DN153 du même auteur.

M. Bastien Lachaud. Il s’agit du même sujet : mes arguments sont identiques.

M. le président Jean-Jacques Bridey. Les miens également…

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Ainsi que l’avis du Gouvernement.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement DN259 de M. Patrick Hetzel.

M. Thibault Bazin. Les parlementaires des commissions spécialisées doivent être informés des accords de défense.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Défavorable. Je ne vois pas ce qu’apporterait cet amendement que je trouve inapproprié.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendent DN234 de M. Claude de Ganay.

M. Claude de Ganay. Il s’agit d’un amendement d’appel, car j’ai conscience de traiter d’une question réglementaire. Il vise surtout à appeler l’attention du Gouvernement sur ce grave problème de reconnaissance des militaires qui ont particulièrement mérité aux yeux de la Nation, et sur les trop longs délais d’attribution des récompenses et des décorations.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. J’entends votre appel, Monsieur de Ganay. Madame la ministre y répondra plus précisément. Pour ma part, j’émettrais une seule objection qui tient dans le délai maximal de traitement des demandes que vous fixez à quatre mois. Je ne sais pas si le ministère sera en mesure de le tenir. En conséquence, je vous demande de retirer votre amendement.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. La reconstitution des carrières longues notamment peut demander du temps. Nous ne serons pas capables de tenir systématiquement le délai de quatre mois. J’entends que nous sommes invités à faire mieux et plus rapidement, mais dans certains cas, le délai proposé n’est pas tenable. En tout cas, le message est reçu cinq sur cinq, et nous ferons de notre mieux.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement DN56 de M. Jacques Marilossian.

M. Jacques Marilossian. La loi du 28 juillet 2015 confirme la représentativité des associations professionnelles nationales de militaires (APNM). Je souhaite que ces dernières soient associées aux divers processus de concertation existants, bien au-delà des instances actuelles du Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) et des conseils de la fonction militaires (CFM).

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Avis défavorable. Dans les faits, Monsieur le député, votre amendement propose de créer « un groupe de travail parlementaire », alors que la loi ne peut pas contraindre le Parlement à constituer un tel groupe. C’est à nous qu’il revient d’en décider, dans le respect du règlement de nos assemblées respectives.

Par ailleurs, je rappelle que les APNM, à la différence des CFM et du CSFM, ne sont pas des organismes de concertation. Aujourd’hui, les APNM ne remplissent pas les critères qui leur permettraient de participer aux travaux du CSFM.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis. J’ajoute que la concertation est active et rapide au sein du ministère, comme nous l’avons démontré avec le plan Famille. Tant que les APNM ne sont pas représentatives, elles ne peuvent intervenir dans le processus de concertation du ministère.

M. Jean-Michel Jacques. Nous avons constaté lors des auditions qu’il pouvait exister un décalage entre l’expression du CSFM et celle des APNM. Les APNM ne représentent pas forcément la volonté des personnels en activité. J’abonde donc dans le sens de Madame la ministre.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel DN507 du rapporteur.

Elle en vient ensuite aux amendements identiques DN59 de M. Olivier Gaillard, et DN540 de la commission des Finances.

M. Olivier Gaillard, rapporteur pour avis de la commission des Finances. Ces deux amendements visent à développer l’attractivité des emplois civils du ministère des Armées en mettant en œuvre une politique d’information et de communication suscitant des vocations, notamment chez les jeunes.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Il me semble que ces amendements sont déjà satisfaits. Le ministère mène déjà des campagnes de recrutement pour des emplois civils, et les métiers concernés sont souvent valorisés sur ses réseaux sociaux. Je demande le retrait des amendements.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Nous n’avons heureusement pas attendu la loi de programmation militaire pour lancer des campagnes de recrutement que nous comptons bien poursuivre.

Les amendements sont retirés.

La commission adopte ensuite l’amendement rédactionnel DN508 du rapporteur.

Puis elle est saisie de l’amendement DN280 de M. Fabien Lainé.

M. Fabien Lainé. Cet amendement vise à mettre en cohérence les besoins en compétences de haut niveau au sein de la direction générale de l’armement (DGA) avec les parcours professionnels des ingénieurs de l’armement. En effet, pour développer et faire évoluer leurs compétences, et maintenir une culture de l’innovation dans un secteur caractérisé par une évolution technologique très rapide, les ingénieurs de l’armement ont besoin de mobilité dans leur carrière. Il est donc nécessaire qu’ils puissent effectuer des allers-retours entre le secteur privé et la DGA.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. La question que vous posez est fort importante pour favoriser la fluidité entre la DGA, les industriels, et l’état-major. Néanmoins, une phrase de votre amendement me laisse dubitatif : « Les règles de déontologie seront appliquées avec discernement pour permettre la mobilité des ingénieurs de l’armement. » Ce genre de rédaction dans une loi, ce n’est franchement pas terrible… Je ne peux donc donner un avis favorable à cet amendement que je vous invite à retirer, car j’ai l’intention de saisir la commission de la Défense, à la rentrée 2018, pour voir comment une mission d’information pourra traiter le problème de la mobilité de nos ingénieurs, mais aussi de nos officiers généraux, entre le monde industriel, la recherche, etc.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Il s’agit d’un sujet majeur, mais, pour les mêmes raisons que le rapporteur, je ne suis pas favorable à ce que l’on écrive que « les règles de déontologie seront appliquées avec discernement ». Je crois qu’une telle phrase pose tant de questions et ouvre tant de possibilités d’interprétation qu’il est préférable d’essayer de trouver une réponse pragmatique, comme le rapporteur vient de le suggérer.

M. Fabien Lainé. J’entends qu’il y aura sûrement des avancées sur ce sujet. Nous serons vigilants en la matière. En conséquence, je retire mon amendement.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement DN281 du même auteur.

M. Fabien Lainé. Dans la même logique que celle de l’amendement précédent, il vise à insérer à l’alinéa 242, après les mots « des métiers civils comparables », une nouvelle phrase ainsi rédigée : « Cette attractivité pourra également être favorisée par des contrats de droit privé proposés aux ingénieurs de l’armement leur permettant d’évoluer alternativement au sein de la direction générale de l’armement (DGA) et de la base industrielle et technologique de défense (BITD), avec des niveaux de rémunération équivalents. » Cette fois, il n’est fait aucune référence à la déontologie.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Certes, mais les ingénieurs de la DGA sont des militaires auxquels vous proposez des contrats de droit privé. Comment s’y prendre ? Vaste sujet ! J’émets en tout cas un avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Défavorable également. Les ingénieurs de l’armement sont des militaires de carrière : il y a incompatibilité entre des contrats de droit privé et leur situation de fonctionnaires de droit public.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement DN211 de M. Alexis Corbière.

M. Alexis Corbière. Nous proposons d’ajouter, après l’alinéa 224, un paragraphe ainsi rédigé : « La qualité du lien entre l’Armée et la nation dépend notamment de la capacité de la première à s’assurer le concours de l’ensemble des personnes. À cette fin, la direction des ressources humaines communique chaque année aux commissions compétentes du Parlement un plan de lutte contre les discriminations, notamment celles liées aux orientations sexuelles, aux origines et aux genres réels ou supposées des personnes. Ce plan de lutte s’appuie sur un bilan des actions menées antérieurement. »

Il ne s’agit pas du tout de montrer nos armées du doigt. Cela étant, les discriminations existent dans toute la société ; on ne peut donc imaginer qu’elles épargnent nos armées, aussi vigilants que puissent être leurs différents responsables. Notre amendement vise seulement à fournir le cadre d’une action volontariste contre ces discriminations contraires à tous les principes de la République.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je ne voudrais pas que votre amendement puisse laisser entendre que nos armées n’ont pas de plan de lutte contre la discrimination. Madame la ministre s’exprimera sur ce sujet.

Par ailleurs, rien ne nous interdit de mener des réflexions au sein de notre commission sur un sujet majeur pour la cohésion et la bonne image de nos armées. Avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Monsieur le député, je vous remercie de me donner l’occasion de vous présenter quelques éléments concernant les actions entreprises par le ministère des Armées dans la lutte contre l’ensemble des discriminations.

Le ministère a pris une initiative forte en 2014 contre les discriminations, harcèlements et violences sexuelles, en créant une cellule déconnectée de la structure du commandement. Toute personne qui s’estime victime de harcèlement peut la saisir et obtenir les conseils permettant de mener toutes les procédures judiciaires, mais également disciplinaires.

Cette cellule fonctionne de manière active. Elle reçoit six à sept dossiers nouveaux chaque mois, et elle traite, en moyenne, cent vingt dossiers en permanence. Fait particulièrement remarquable, nous constatons que 60 % des saisines donnent lieu à la saisine des tribunaux judiciaires. J’attache une importance toute particulière à ce que nous menions une politique de tolérance zéro dans ce domaine.

Ces actions s’accompagnent d’autres initiatives. Dans le cadre de la journée du 8 mars, j’ai eu l’occasion de communiquer à ma collègue, Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, une brochure inédite qui prouve que les armées savent aussi être à la pointe des problèmes de société. Nous avons en effet diffusé largement un vade-mecum du changement de genre. Ce document traite de ce que signifie le changement de genre pour les personnes qui s’engagent dans ce processus, et pour les commandements et les unités concernés par ce projet. J’y vois un signe supplémentaire, qui montre que les armées sont à l’écoute de la société. Le fait que les militaires se réunissent autour d’un projet collectif ne signifie pas que nous ne puissions pas être à l’écoute d’aspirations individuelles.

Enfin le ministère s’engage dans une démarche de labellisation en termes de diversité. Une cellule d’écoute sur les discriminations sera créée, qui présentera un rapport annuel.

Je suis à votre disposition pour venir rendre compte aussi régulièrement que vous le souhaiterez du bien-fondé et de l’efficacité des actions entreprises dans ces domaines.

M. Joaquim Pueyo. Madame la ministre, vous venez de décrire la politique que vous menez en matière de discrimination. Tout cela me semble positif, mais je ne vois pas pourquoi l’amendement serait dérangeant.

Il y a quelques années, la question s’est posée de la même façon pour la police. On nous répondait, comme on le fait aujourd’hui, que la hiérarchie était à l’écoute et que les cas individuels étaient traités. Heureusement, depuis, il y a eu des évolutions, à tel point que désormais la prévention est même au programme des écoles de formation de la police.

Cet amendement n’entre pas en contradiction avec votre politique ; il peut même la renforcer. Il est bien rédigé, et il comporte les mots « orientations sexuelles ». Il est bon que ce sujet soit abordé car la diversité des orientations sexuelles est une réalité. Le principal reste que les militaires remplissent leur mission, quelle que soit leur orientation sexuelle.

M. Bastien Lachaud. Cet amendement ne dit pas que rien n’est fait puisqu’il suggère que « le plan de lutte s’appuie sur le bilan des actions menées antérieurement ». Il n’y a aucune contradiction avec ce que Madame la ministre nous a présenté.

Monsieur le rapporteur, je vous rassure : en tant que président du groupe d’études sur les discriminations et LGBTQI-phobies dans le monde, j’ai prévu d’inviter le chef d’état-major des armées. Les parlementaires se saisiront donc bien de la question.

L’amendement n’empêche en aucun cas le Parlement de faire son travail, et il ne met pas davantage en cause celui qui a été effectué jusqu’à maintenant au sein des armées : il vise juste à inscrire ces sujets dans la LPM comme une priorité.

M. Jean-Michel Jacques. Je comprends le fond de l’amendement, mais il me dérange car, en appelant à agir, il laisse supposer que rien n’est fait ou que ce qui est fait est insuffisant.

M. Bastien Lachaud. Il est écrit noir sur blanc que des actions sont déjà menées !

M. Jean-Michel Jacques. Si des choses se font, alors il est inutile !

M. Christophe Lejeune. J’ai été maire pendant neuf ans d’une commune où se trouvent de fortes emprises militaires. Je peux témoigner qu’en novembre 2013, peu de temps après l’adoption de la loi, j’ai célébré un « mariage pour tous » entre deux militaires : il n’y a eu aucun problème alors qu’à la même époque, des procureurs étaient obligés d’accorder des dispenses d’affichage dans de nombreux lieux en France. Je ne dis pas que l’on ne doive pas parler de ces sujets dans l’armée, mais il ne sert peut-être à rien de les mettre en avant. Tout cela se fait naturellement.

M. M’jid El Guerrab. Cet amendement ne cherche pas à « laisser supposer » quoi que ce soit sur l’action de l’armée en matière de discrimination. Il permet seulement que la représentation nationale soit informée tous les ans en la matière.

Madame la ministre, nous avons entendu que vous étiez proactive, et que des mesures étaient prises. Je ne vois pas en quoi cet amendement pourrait nuire à l’image du ministère ou à celle des armées. À mon avis, ce serait même le contraire.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Vous l’avez compris, je suis pleinement d’accord pour venir régulièrement vous rendre compte des actions de lutte contre les discriminations menées par le ministère des Armées.

Ce qui me gêne dans cet amendement, c’est la notion de « plan de lutte », qui pourrait rigidifier le champ des actions que le ministère développe. Si l’on se contentait de demander aux armées de rendre compte de l’ensemble des actions qu’elles mènent dans le domaine de la lutte contre les discriminations et le harcèlement, vous obtiendriez le même résultat, et le ministère garderait toute latitude pour adapter son action en fonction des situations.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je rebondis sur la proposition de la ministre en proposant que nous nous entendions sur une nouvelle formulation d’ici à la séance publique. Le Parlement doit jouer son rôle pour traiter une problématique réelle qui touche la société et les armées.

M. Bastien Lachaud. Nous acceptons de retirer l’amendement pour le réécrire d’ici à la séance publique.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement DN210 de M. Alexis Corbière.

M. Alexis Corbière. Cet amendement concerne la situation des femmes dans l’institution militaire. Là encore, il ne s’agit pas de considérer que rien ne se fait aujourd’hui dans l’armée – Madame la ministre a donné des informations sur ce sujet en s’exprimant sur l’amendement précédent. Il s’agit, bien au contraire, de valoriser ce travail et de créer les conditions pour que notre commission puisse fonder sa réflexion sur des données. Ce schéma aurait l’avantage de constituer un cadre pour continuer à agir.

N’ouvrons pas de faux débats : nous sommes tous attachés à la féminisation des armées et à la réalité de l’égalité entre hommes et femmes dans les troupes. Nous voulons tous des améliorations dans ce sens.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Pour des raisons de forme, je ne peux que vous proposer de retirer votre amendement, puisqu’il tend à demander le dépôt d’un rapport dans le rapport annexé. Autrement dit, il n’est pas à sa place : nous pourrons le réécrire pour atteindre les mêmes objectifs sans évoquer la rédaction d’un rapport.

M. Alexis Corbière. Nous le retirons, mais nous ne lâcherons pas !

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement DN151 de M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud. J’ai également déposé un amendement DN398 qui doit être appelé juste après le DN151. Je les présente ensemble car ils portent tous les deux sur la réforme par ordonnance du pilotage et des suivis de carrière. La commission de la Défense n’est pas surchargée par le travail législatif : elle aurait le temps de traiter de ces questions sans les déléguer au Gouvernement.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Si les alinéas 248 et 249 que vous voulez supprimer dans vos deux amendements proposent de passer par des ordonnances, c’est tout simplement parce qu’une mission conjointe de l’Inspection générale des finances et du Contrôle général des armées est en cours sur ces sujets. Elle doit remettre ses conclusions à la ministre des Armées. Sur la forme, je suis donc défavorable à votre amendement, même si je reconnais volontiers que notre commission peut s’intéresser à ce sujet avant que les ordonnances ne soient signées.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur et du Gouvernement, elle rejette l’amendement DN398 de M. Bastien Lachaud.

La commission est saisie de l’amendement DN46 de M. Jean-Jacques Ferrara.

M. Jean-Jacques Ferrara. La mise en place d’un réseau d’« ambassadeurs » pour favoriser la reconversion des militaires est une excellente initiative d’une importance majeure. L’amendement DN46 vise à confier cette mission à la réserve citoyenne de défense et de sécurité dont les volontaires sont aujourd’hui les plus à même de renforcer le lien entre les armées et la société civile.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je me félicite également de la création de ce réseau des « ambassadeurs ». En revanche, même si tout le monde considère que la réserve citoyenne a un rôle essentiel à jouer, on ne peut pas lui confier à elle seule cette responsabilité. Je vous propose de retirer votre amendement, et de le réécrire d’ici à la séance afin qu’il soit plus conforme à notre ambition.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement DN152 de M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud. J’avoue ne pas comprendre comment on peut nous demander d’approuver par avance une réforme qui ne sera soumise au Parlement qu’en 2019. On nous demande en effet d’acter le fait que la future réforme des retraites s’appliquera aux militaires, alors que nous n’avons à l’heure actuelle aucune information à ce sujet. Attendons 2019 pour l’appliquer aux militaires, comme le Sénat a dû attendre pour augmenter les retraites des pensions agricoles.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Vous avez oublié un terme dans votre démonstration, car l’alinéa 255 rappelle que « le système actuel des pensions militaires vise à la fois à accompagner le modèle spécifique de gestion des ressources humaines du ministère (gestion de flux et carrières courtes) et à assurer une juste reconnaissance des risques et sujétions liés à l’état de militaire et à l’emploi opérationnel », avant de préciser : « La future réforme des retraites s’appliquera aux militaires en tenant compte de ces spécificités. » Autrement dit, quel que soit le système de retraite proposé par le Gouvernement, il faudra que ce système, appliqué aux militaires, tienne compte des spécificités rappelées à cet alinéa. Avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Il n’est nullement question de préempter un vote des parlementaires sur la future réforme des retraites mais, puisqu’il s’agit d’une réforme qui aura un caractère universel, son application aux militaires étant probable, ce paragraphe se borne à indiquer, et j’y veillerai, que quelques éléments majeurs du système des pensions militaires actuels devront être préservés dans le futur système, sous peine de compromettre l’attractivité du métier de militaire. Notre système est un système d’armée jeune, ce qui suppose que les militaires puissent continuer de partir jeunes pour entreprendre une seconde carrière. Y renoncer aurait des répercussions très graves. C’est donc simplement une mesure de précaution et un rappel général vis-à-vis de tous ceux qui travaillent sur la future réforme des retraites.

M. Laurent Furst. Personne ne sait ce que sera la configuration politique au moment où la réforme sera présentée. Le fait qu’une loi annonce une prochaine loi me paraît surprenant, et pour tout dire profondément incongru.

M. Bastien Lachaud. J’avais bien lu l’alinéa jusqu’au bout, mais je partage la vision de Monsieur Furst : une loi n’est pas faite pour annoncer une autre loi, d’autant que la LPM n’a pas de valeur coercitive ; la future réforme des retraites fera bien ce qu’elle voudra de la pension des militaires. Les annonces de bonnes intentions ne me paraissent pas la vocation d’un texte législatif.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Il s’agit tout de même de rappeler la spécificité du métier de militaire inscrite dans leur régime de retraite, et qu’il faudra conserver. Je maintiens mon avis défavorable.

La commission rejette cet amendement.

Elle examine ensuite l’amendement DN238 de M. M’jid El Guerrab.

M. M’jid El Guerrab. Dans sa décision du 8 février 2018, le Conseil constitutionnel a choisi d’établir un nouveau traitement juridique du droit à pension des victimes de dommages physiques subis en Algérie entre le 31 octobre 1954 et le 29 septembre 1962 du fait d’attentats ou de tous autres actes de violence, ainsi que de leurs ayants droit.

Il a, d’une part, jugé que le législateur ne pouvait, sans méconnaître le principe d’égalité devant la loi, établir une différence de traitement entre les victimes françaises et celles de nationalité étrangère qui résidaient sur le territoire français au moment du dommage qu’elles ont subi. Il a d’autre part estimé que l’objet de la pension servie à l’ayant droit étant de garantir à celui-ci la compensation de la perte de la pension servie au bénéficiaire décédé, le législateur ne pouvait établir une différence de traitement entre les ayants droit selon leur nationalité. Il convient de prendre acte de cette décision ; à cet égard, il serait opportun de mettre en place une commission ad hoc et d’engager un dialogue avec la partie algérienne pour tirer toutes les conséquences de cette jurisprudence, tant sur le plan juridique que financier.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Le troisième alinéa de l’article 62 de la Constitution énonce que les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours : elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. Par ailleurs, vous avez déposé un amendement à l’article 30 et nous pourrons en reparler à cette occasion.

Cet amendement est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements DN229 de Mme Marianne Dubois et DN317 de Mme Émilie Guerel.

Mme Marianne Dubois. Mon amendement DN229 consiste à assurer que le financement et la mise en œuvre du futur service national universel (SNU) rénové ne devront pas mobiliser les moyens prévus pour les armées dans la présente LPM. Le président de la République, comme vous, Madame la ministre, s’y est engagé. Toutefois, les moyens humains qui y seront affectés seront forcément en partie issus de nos armées, et il n’est pas envisageable que le SNU soit une charge supplémentaire pour nos armées déjà fortement sollicitées.

Mme Émilie Guerel. Dans le même ordre d’idées, je souhaite compléter l’alinéa 260, en précisant que le SNU aura un financement dédié, dissocié de celui de la LPM. Le SNU est certes important mais ce n’est pas notre sujet aujourd’hui ; pour éviter toute confusion, je retire mon amendement DN317.

L’amendement DN317 est retiré.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Cela m’arrange car je voulais donner un avis favorable, mais je ne savais pas auquel…

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État chargée des armées. Le SNU ne fait pas partie de la LPM ; il n’y est fait référence nulle part, ni en termes de financement ni en termes d’encadrement. Avis défavorable.

Mme Marianne Dubois. L’alinéa 260 mentionne bien le SNU : « L’augmentation des effectifs portera sur les seuls emplois financés sur les crédits de personnel de la mission défense du ministère, hors apprentis et service militaire volontaire. Elle ne prend pas en compte de contribution du ministère des Armées à la mise en place d’un service national universel. »

Mme Florence Parly, ministre des Armées. La notion de SNU figure bien à l’alinéa 260, pour indiquer que, si le ministère des Armées devait y contribuer, cette contribution ne fait pas partie des moyens qui figurent dans le périmètre de la LPM. L’amendement part du principe que le SNU relèverait du ministère des Armées. Or il y a une nuance entre le fait de dire que le ministère des Armées peut être amené à y contribuer et l’idée selon laquelle le SNU serait tout entier porté par le ministère des Armées. Avis défavorable.

M. Charles de la Verpillière. Il ne s’agit pas d’engager dès maintenant un débat sur le SNU, mais de préciser ce que vous dites dans cet alinéa de façon négative, à savoir que, pendant quatre ans, les crédits tels que décrits dans la LPM ne tiennent pas compte d’une éventuelle contribution du ministère des Armées à un SNU. Il faudrait plutôt écrire noir sur blanc qu’une éventuelle participation du ministère ne pourra pas amputer les moyens financiers prévus dans cette LPM. Nous ne demandons pas autre chose.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Nous partageons totalement l’objectif, le président de la République l’a affirmé de façon extrêmement claire. Mais vous savez à quel genre de réactions on s’expose en écrivant qu’il faudra un financement dédié…

La commission rejette l’amendement DN229.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel DN509 du rapporteur.

Puis la commission est saisie de l’amendement DN217 de M. Alexis Corbière.

M. Alexis Corbière. Il s’agit de supprimer, à l’alinéa 265, le mot : « indispensables ». Si les réserves sont évidemment des compléments utiles aux armées et formations rattachées, il est impossible d’admettre qu’elles leur soient « indispensables ».

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je suis d’accord pour dire qu’on peut le regretter, mais c’est la réalité. Je rappelle qu’il y a des réservistes dans l’opération Sentinelle : c’est un réserviste qui a réussi à neutraliser le terroriste à Marseille, le 1er octobre dernier. Par ailleurs, dans certains métiers spécifiques, tels que les chirurgiens-dentistes, on a plus de réservistes que de militaires de carrière. Avis défavorable.

La commission rejette cet amendement.

Elle examine ensuite l’amendement DN348 de M. Jean-Pierre Cubertafon.

M. Jean-Pierre Cubertafon. Je propose d’insérer, après l’alinéa 265, insérer l’alinéa suivant : « En vue d’appuyer la montée en puissance des réserves dans notre modèle d’armée, il sera nécessaire d’impliquer les réservistes dans des missions plus diverses et spécialisées, en appui aux forces d’active. Cet emploi passera par une spécialisation accrue des réservistes au sein de leurs unités d’appartenance. Ainsi, par exemple, les compétences de mobilité de l’arme du génie ou les compétences logistiques de l’arme du train, effectivement transmises aux réservistes, seront autant d’appuis mobilisables lors de catastrophes naturelles. Au-delà, l’accès de réservistes au Centre d’entraînement en zone urbaine et au Centre d’entraînement au combat sera programmé pour entraînement spécifique. » Mon amendement vise donc à promouvoir une spécialisation accrue des réservistes au sein de leurs unités d’appartenance. Cette spécialisation est aujourd’hui insuffisante, ce qui explique en grande partie l’impossibilité de déployer en OPEX des unités constituées de réservistes.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. La formulation de cet amendement est un peu confuse. Il me paraît difficile de parler de spécialisation des réservistes alors que nous essayons précisément d’en généraliser l’emploi : sur certains métiers où nous sommes en manque, nous faisons appel à des réservistes mais, sur leur doctrine d’emploi comme sur leur durée d’engagement, on s’efforce d’être le plus généraliste possible. Je vous invite à retirer votre amendement.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Il faut aussi tenir compte du fait que la durée moyenne de réserve effectuée est de trente-six jours par an ; or l’objectif de spécialisation est par nature très exigeant en termes de temps de formation, ce qui affecterait d’autant le temps moyen de présence des réservistes dans les forces. Mieux vaut y réfléchir à deux fois avant de l’inscrire dans la loi.

Cet amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement DN350 de M. Jean-Pierre Cubertafon.

M. Jean-Pierre Cubertafon. À la charnière de la société civile et des armées, les volontaires réservistes matérialisent, par leur engagement, la participation effective des citoyens à la défense du pays et contribuent au renforcement du lien entre la nation et les forces armées en apportant leurs connaissances, leurs compétences et leurs aptitudes issues du monde civil. Impliquer ces expertises additionnelles dans les réserves, c’est donc aussi contribuer au renforcement de la cohésion sociale. Il est essentiel, pour une montée en puissance efficace des réserves, que les réserves citoyennes concourent à apporter des expertises additionnelles aux armées. Cet amendement vise donc à introduire dans la LPM la reconnaissance ainsi que la prise en compte des compétences et des expertises au sein des réserves. Ce modèle n’est du reste pas inconnu de certains de nos alliés.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Là encore, votre rédaction me pose problème…

M. Jean-Pierre Cubertafon. C’est également confus ? (Sourires.)

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Pas du tout, mais notre chef d’état-major a dit ici même que les armées avaient aussi besoin de plombiers, de boulangers, d’électriciens, etc. Un métier civil dans nos armées devient un métier militaire. Et, pendant leurs périodes de réserve, les réservistes sont des militaires. Je ne sais donc pas si l’on peut faire une distinction entre métier civil et métier militaire. Je vous invite à retirer cet amendement.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Cela me paraît raisonnable. Nous serons conduits à revenir dans des articles ultérieurs sur un certain nombre de compétences civiles dont les armées ont bien besoin, notamment dans le domaine médical.

Cet amendement est retiré.

La commission examine ensuite l’amendement DN319 de Mme Patricia Mirallès.

Mme Patricia Mirallès. Cet amendement vise à renforcer la matérialité de la réserve et poursuit un objectif d’identification et de valorisation de la création de la garde nationale en 2016. Je souhaite insérer après l’alinéa 269 le paragraphe suivant : « Sans préjudice des emblèmes, signes et traditions des unités militaires, la garde nationale disposera d’éléments distinctifs afin d’être reconnue lors des différentes cérémonies faisant honneur aux hommes et femmes engagés pour le pays. » Les réservistes ont certes un régiment d’attache, mais la réserve recoupe des identités différentes. Offrir un symbole de rassemblement, hors mission, pour la garde nationale la ferait mieux connaître, la valoriserait et renforcerait le lien armée-Nation en favorisant les engagements des réservistes.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Nous en avons déjà débattu. Je me demande comment mettre en œuvre une telle mesure. Et encore faut-il trouver un dispositif partagé par tous les réservistes.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Cette question est très débattue entre les réservistes eux-mêmes et leurs points de vue ne sont pas alignés. Certains aimeraient disposer d’un signe distinctif, mais d’autres ne le souhaitent pas car ils veulent jouer jusqu’au bout l’assimilation avec les militaires d’active. Peut-être conviendrait-il de conduire une enquête approfondie sur ce que sont les aspirations profondes des réservistes avant de statuer.

Mme Patricia Mirallès. Je veux bien retirer mon amendement si nous y retravaillons. De nombreux réservistes m’ont interpellée sur le terme de « garde nationale ». Lors de commémorations, ils souhaiteraient être identifiés, ne serait-ce que par un drapeau.

Cet amendement est retiré.

La commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements DN230 de Mme Marianne Dubois et DN349 de M. Jean-Pierre Cubertafon.

Mme Marianne Dubois. Dans le cadre de la refonte du service national universel, la journée défense et citoyenneté (JDC) devra être complètement réformée. La solution la plus pertinente serait de la supprimer, afin d’y substituer une période d’engagement plus approfondie, au service de l’intérêt général. Au regard de son coût – près de 100 millions d’euros par an – et de sa relative inefficacité, il pourrait également être envisagé, comme le proposait un rapport d’information de la commission de la Défense nationale et des forces armées dès 2015, de tirer bénéfice de sa suppression pour financer d’autres programmes plus efficaces, au premier rang desquels les cadets de la défense.

M. Jean-Pierre Cubertafon. Compte tenu des problèmes que peut rencontrer la jeunesse face à l’engagement citoyen et au vu de son faible taux d’implication, il paraît pertinent de proposer des mécanismes incitatifs. Ces derniers ayant fait leurs preuves en matière d’engagement citoyen, il serait opportun d’inclure des dispositions incitatives dans le cadre de la réserve, qui trouveraient place lors de la réforme du baccalauréat.

Les étudiants, du fait de leur relative disponibilité, de l’étendue de leurs vacances et de leur besoin de financement, sont des volontaires de choix pour la réserve. Surreprésentés au sein de la population des réservistes, ils constituent par ailleurs la population la plus difficile à fidéliser.

La forte disponibilité des étudiants réservistes au regard de leurs homologues salariés se doit d’être appuyée en vue de fidéliser, au moins pendant le temps des études, cette population.

Je défends donc l’idée qu’ils pourraient prétendre à des points bonus ou à des ECTS supplémentaires dans le cadre d’un engagement en tant que réservistes durant la poursuite de leurs études et dans le cadre de la validation de leurs diplômes.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je suis d’accord sur le fond avec ces deux amendements, même si leur rédaction n’est pas très satisfaisante. Cela dit, je reconnais que l’alinéa 272 est lui-même très mal rédigé et je proposerai qu’il soit réécrit pour être plus précis sur la JDC et son avenir.

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État chargée des armées. Nous sommes à un moment charnière où les choses vont évoluer avec le SNU. Cet alinéa est la traduction de ce qui se passe actuellement et qui a vocation à évoluer ; je suis donc d’accord avec vous, Monsieur le président, pour en reprendre la rédaction, mais comment écrire qu’un dispositif est potentiellement amené à disparaître ? J’imagine que le SNU va monter en puissance et que, durant cette période transitoire, la JDC sera sans doute prorogée.

M. Thibault Bazin. On nous a expliqué que nous n’étions pas là pour parler du SNU, mais nous voyons bien qu’il est impossible de se dégager complètement de ce débat : on peut craindre que la LPM ne devienne pratiquement obsolète une fois décidée la mise en place d’un SNU. Il faudra prévoir des clauses pour faire en sorte que tout évolue en conséquence, et nous assurer d’avoir les moyens de répondre aux ambitions que nous nous sommes assignées, que le SNU ne doit pas remettre en cause.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. C’est pourquoi je propose de récrire l’intégralité de l’alinéa 272 d’ici à la séance.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Cela me paraît raisonnable.

Ces amendements sont retirés.

La commission est saisie de l’amendement DN321 de Mme Sereine Mauborgne.

Mme Sereine Mauborgne. Cet amendement tend à ajouter, après l’alinéa 273 : « Ce plan visera notamment à pérenniser l’action des cadets de la défense mentionnée à l’article L. 116-1 du code du service national. »

Déclinaison du plan « Égalité des chances » (PEC) et menée en partenariat avec l’Éducation nationale, l’action « Cadets de la défense » permet depuis 2008 à des jeunes âgés de quatorze à seize ans d’être accueillis dans un cadre militaire, hors temps scolaire à raison d’une quinzaine d’après-midi durant l’année scolaire. L’action a pour objectif de faciliter localement la mixité sociale par des contacts entre jeunes de milieux différents, de promouvoir les valeurs de la République et de renforcer le lien armée-Nation. L’action rassemble ainsi chaque année près de 600 collégiens, dont 180 dans mon département. Le financement est assuré, dans chacun des départements concernés, à la fois par des dons d’entités privées et des subventions publiques. Une convention est à cette fin signée chaque année entre les principaux acteurs. Je proposerai un rapport parlementaire sur la manière dont sont organisés les cadets dans les départements, avec les chiffrages.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Le programme des cadets de la défense est un très beau dispositif qui a démontré son efficacité. Je suis d’ailleurs toujours admiratif des propos tenus par ceux qui en sont proches. Je suis favorable à cet amendement, bien que je sache, Mesdames les ministres, que telle n’est pas votre position.

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État chargée des armées. Tous les dispositifs portant sur le lien armée-Nation avec la jeunesse se trouvent à une étape charnière.

Le programme des cadets de la défense est un dispositif magnifique, que j’ai eu le plaisir de visiter dans le Var. Au demeurant, toutes ces actions occupent beaucoup nos armées. Mais nous arrivons à un moment où le lien armée-Nation et son articulation avec le service national universel vont être rediscutés.

Le programme des cadets de la défense participe d’un engagement, or l’engagement est notre philosophie pour le service national universel – qui ne sera pas militaire comme cela a été précisé à de nombreuses reprises. Il n’en demeure pas moins que les militaires pourront y participer comme ils le font pour les cadets.

Il ne me semble donc pas judicieux d’inscrire la précision proposée par cet amendement dans la LPM ; certes, le programme des cadets ne sera pas remis en question tant que le SNU n’aura pas atteint sa vitesse de croisière. Toutefois, il faudra réfléchir au devenir d’un certain nombre de dispositifs afin de les adapter à ce grand enjeu que constitue le service national universel.

Pour toutes ces raisons mon avis est défavorable.

Mme Sereine Mauborgne. Merci, Madame la secrétaire d’État ; connaissant votre engagement en faveur du programme des cadets de la défense jusqu’à son remplacement par le SNU, je retire mon amendement.

L’amendement est retiré.

La commission examine les amendements DN231 de Mme Marianne Dubois et DN243 de M. Joaquim Pueyo.

Mme Marianne Dubois. D’abord mis en œuvre à titre expérimental à partir du 1er septembre 2015, le service militaire volontaire (SMV) s’est révélé être un véritable succès et a été prolongé jusqu’au 31 décembre 2018. Alliant insertion professionnelle et immersion militaire, le SMV constitue une réponse pertinente et adaptée aux besoins et aux aspirations de nos jeunes.

Ce succès est aussi le témoin de la forte aspiration à l’engagement de notre jeunesse ; l’État doit donc y répondre en développant massivement ce dispositif pertinent au vu des défis de notre société.

De nouveaux centres pourraient être ouverts afin d’assurer un maillage du territoire satisfaisant, afin de former davantage de volontaires.

M. Joaquim Pueyo. Tout le monde s’accorde à reconnaître la réussite du SMV, qui constitue une transposition du service militaire adapté existant depuis de nombreuses années hors métropole. Il existe actuellement trois centres, respectivement situés à Montigny-lès-Metz, Brétigny-sur-Orge et à La Rochelle ; deux autres sont prévus, le premier sur une base aérienne, le second à Brest.

Cet amendement vise à renforcer ce dispositif marqué par une inégalité territoriale : faute de pouvoir rejoindre un centre à proximité, des jeunes résidant dans le Nord-Ouest, le Nord ou le Sud-Est n’ont pratiquement pas la possibilité de bénéficier du SMV. Au moment de sa mise en place, Marianne Dubois et moi-même avions proposé de s’inspirer du service militaire outre-mer, bien réparti dans tous territoires ultramarins. Le Gouvernement de l’époque avait promis de monter en puissance. Les jeunes concernés touchent 325 euros par mois, et ceux qui les encadrent un peu plus de 600 euros, ce qui n’est pas trop coûteux pour le pays au regard de son effet très intéressant en termes de lien armée-nation. Et cela relève donc bien de la compétence du ministère de la Défense, à la différence du service national universel.

L’objectif de ces deux amendements est de favoriser l’insertion de jeunes en difficulté, d’autant que bon nombre des participants, au terme de six ou douze mois de service, s’engagent volontairement au sein des armées.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Le service militaire volontaire a fait la preuve de son efficacité. Son succès est bien réel puisque le taux de réussite à la sortie est de 72 % ou 75 %. Rappelons que ce dispositif était appelé à s’éteindre à la fin de l’année 2018 et que la loi de programmation militaire le pérennise jusqu’à son terme.

Le service militaire adapté (SMA) est lui aussi pérennisé ; l’objectif était d’atteindre un effectif de 6 000 et l’on compte environ 5 800 participants. S’agissant du SMV, il faut conserver à l’esprit que, pour 1 000 jeunes, 300 encadrants sont nécessaires. Autrement dit, si l’effectif passe à 1 500 ou 2 000 jeunes, les armées devront en trouver 200 à 300 de plus ; or, sur les 3 000 personnels supplémentaires prévus dans LPM, aucun n’est prévu pour répondre à une extension du SMV. L’objectif est louable et le dispositif excellent, mais on ne peut donc pas tout faire avec les moyens de la loi de programmation militaire.

Vos amendements diffèrent en ce que celui de Madame Dubois est écrit au conditionnel et celui de Monsieur Pueyo au futur – ce qui aurait pu lui valoir d’être déclaré irrecevable au regard de l’article 40 de la Constitution. Le SMV est un beau dispositif et nous le pérennisons jusqu’au terme de l’application de la loi de programmation militaire. Il sera temps, plus tard, d’estimer s’il y a lieu d’augmenter les effectifs et de créer de nouveaux centres ; mais cela exigera des personnels supplémentaires.

Pour toutes ces raisons, je suis malheureusement conduit à émettre un avis défavorable sur ces deux amendements.

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État chargée des armées. Je partage votre avis, Monsieur le président, comme vos arguments.

Au cours de l’année passée, nous avons créé deux centres supplémentaires, leur nombre est ainsi passé de quatre à six, respectivement situés à La Rochelle, Montigny-lès-Metz, Ambérieu-en-Bugey, Châlons-en-Champagne, Brest et Brétigny-sur-Orge.

Augmenter le nombre des participants impacterait directement la loi de programmation militaire en augmentant le nombre des militaires encadrants. Le SMV constitue une très belle réussite, dont je dois toutefois rappeler que ce dispositif relève avant tout de la formation professionnelle.

M. Joaquim Pueyo. Il y a deux poids et deux mesures. J’ai bien conscience que ce que nous proposons aurait des conséquences sur le budget. Il n’empêche qu’en outre‑mer la répartition géographique du SMA est bonne, ce qui n’est pas le cas pour le SMV en métropole. Mon amendement propose une meilleure répartition, ce qui nécessite effectivement deux sites supplémentaires.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. L’ambition est louable, mais la loi de programmation militaire ne prévoit que la pérennisation du dispositif, et non son extension.

M. Olivier Gaillard, rapporteur pour avis de la commission des Finances. Je précise que ce matin, Mme Valérie Rabault a retiré un amendement similaire.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Si Mme Rabault a retiré son amendement, vous devriez l’imiter, Monsieur Pueyo… (Sourires.)

La commission rejette successivement les amendements DN231 et DN243.

Elle est ensuite saisie de l’amendement DN232 de Mme Marianne Dubois.

Mme Marianne Dubois. Dans le même état d’esprit, cet amendement propose d’amplifier l’ensemble des dispositifs créés pour notre jeunesse, à savoir le service militaire volontaire, le service militaire adapté, le service civique et la Garde nationale.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Pour les mêmes raisons que précédemment, mon avis est défavorable.

La commission rejette cet amendement.

Elle examine l’amendement DN244 de M. Joaquim Pueyo.

M. Joaquim Pueyo. Après avoir écouté Madame la ministre avec beaucoup d’attention, je retire cet amendement, que je reprendrai lorsque la loi relative au service national universel sera débattue.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement DN360 de M. Alexis Corbière.

M. Alexis Corbière. Il est proposé, à l’alinéa 283, d’ajouter après les mots : « de modernisation et d’innovation des capacités », les mots : « sous réserve qu’un agent humain ou plusieurs demeurent constamment en situation de piloter ou d’interrompre ou modifier toute opération en cours. »

Les avancées techniques en matière d’automatisation posent pour les armées des questions éthiques délicates. Afin de se prémunir de toute dérive, le présent amendement vise à placer effectivement les dispositifs les plus récents sous contrôle humain.

Lorsque nous vous avons rencontrée, Madame la ministre, il nous a semblé que vous partagiez cette préoccupation de ne pas voir la France s’engager dans le développement d’armes dépourvues de présence humaine.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Votre amendement aurait pu recueillir un avis favorable de ma part, car nous sommes d’accord sur la doctrine française : l’homme reste dans la boucle. Mais vous écrivez : « sous réserve qu’un agent humain ou plusieurs demeurent constamment en situation de piloter ou d’interrompre ou modifier toute opération en cours. » C’est ce « toute opération en cours » qui fait problème. Ainsi, pour être efficace, une opération de défense emportant un départ de leurres doit être automatique. Si vous étiez en mesure de présenter une autre rédaction, je pourrais réviser ma position, mais, en l’état, mon avis est défavorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Je confirme que, d’ores et déjà, des opérations impliquant l’homme dans la décision et l’activation de certains processus, une fois le processus enclenché, ne sont pas « rappelables » par une action humaine. Je suis mille fois d’accord et je l’ai répété à propos des drones et de leur armement : il est indispensable que l’homme reste dans la boucle. Mais à trop généraliser, votre amendement pourrait venir s’appliquer à des situations qui, d’ores et déjà, ne permettent pas de garantir le respect de ce principe.

M. Alexis Corbière. Nous allons retirer cet amendement pour le représenter dans une rédaction plus précise, qui évitera toute mauvaise interprétation.

L’amendement est retiré.

La commission examine les amendements identiques DN52 de M. Olivier Becht et DN320 de M. Thomas Gassilloud.

M. Olivier Becht. Nous n’avons pas eu le temps de présenter les conclusions de la mission d’information sur les enjeux de la numérisation des armées. Nous souhaitons toutefois appeler l’attention de la commission sur un certain nombre d’aspects, notamment sur les capacités de résilience de nos systèmes d’armes et leur fonctionnement en mode dégradé. Le numérique est un outil fantastique, mais il peut tomber en panne ou être attaqué. Nous devons donc être capables de continuer à combattre même en mode dégradé si le numérique devait nous faire défaut.

M. Thomas Gassilloud. L’amendement DN320 est défendu.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Avis favorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis.

La commission adopte ces amendements.

Puis elle examine l’amendement DN322 de M. Thomas Gassilloud.

M. Thomas Gassilloud. Je retire cet amendement.

L’amendement est retiré.

La commission se saisit de l’amendement DN294 de M. Fabien Lainé.

M. Fabien Lainé. L’alinéa 284 prévoit que le nombre de programmes en coopération avec des partenaires européens sera augmenté de 36 % par rapport à la précédente LPM. Cet amendement propose d’écrire « au moins 36 % » afin de donner plus d’ambition à nos programmes en coopération.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Pour ma part, c’est sur la valeur de 36 % que je me suis interrogé ; Madame la ministre doit sûrement avoir une réponse…

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Ce chiffre nous a été fourni par la DGA, il est donc exact ; au demeurant, la nuance proposée ne me pose pas de problème particulier. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Elle étudie ensuite l’amendement DN370 de M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud. Cet amendement porte sur la même thématique. Il est vrai que la précision du 36 % interpelle… Comment savoir, à 1 % près, quel sera notre taux de coopération européenne au cours des huit prochaines années ? Nous proposons de supprimer cette mention. Ne nous lions pas les mains : si les coopérations européennes doivent connaître la même allure que l’A400M, avons-nous besoin que 36 % de plus de nos programmes militaires soient voués à la même réussite ?

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Le propos est quelque peu caricatural ; j’observe cependant que vous préconisez la suppression de tout l’alinéa, non pas de la référence aux 36 %. Et que vous faites allusion à l’OTAN dans votre exposé sommaire… Avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Dès lors que l’amendement précédent a été adopté, je ne peux donc qu’être défavorable à cet amendement qui propose la suppression de l’alinéa 284.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement DN420 de Mme Sabine Thillaye.

Mme Sabine Thillaye. Cet amendement se propose de souligner l’attention particulière donnée par la France à la coopération bilatérale, notamment franco-allemande dans le domaine de la défense, et de mettre en œuvre les dispositions de la résolution parlementaire du 22 janvier 2018 dans le cadre de la loi de programmation militaire 2019-2025.

Il s’agit encore de tenir compte de déclaration commune du président de la République et de la chancelière fédérale, du 19 janvier dernier, ainsi que des conclusions de la réunion du Conseil franco-allemand de défense et de sécurité le 13 juillet 2017.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Ayant auparavant fait l’objet d’une rédaction plus vaste visant l’ensemble de la coopération avec l’Europe, cet amendement porte sur la seule coopération franco-allemande.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. N’allez pas croire que je suis hostile à la coopération franco-allemande : ce qui me gêne dans cet amendement, c’est qu’elle est la seule à être visée alors que nous cherchons précisément à développer différents modes de coopération, y compris bilatérales, au sein de l’Union européenne. Cette singularisation de la coopération franco-allemande au détriment de toute autre me paraît, en termes d’image, plutôt délicate, même si j’entends que vous souhaitez mettre en valeur des engagements pris par nos deux gouvernements.

Mme Sabine Thillaye. Il s’agit simplement de marquer une attention particulière, sans pour autant les autres. Et le président de la République a affirmé à plusieurs reprises que cette coopération devait être renforcée.

Est-il vraiment gênant de le mentionner ?

Mme Laetitia Saint-Paul, rapporteure pour avis de la commission des Affaires étrangères. J’ai un compromis à proposer à notre collègue Sabine Thillaye : l’alinéa 362 mentionne les coopérations avec nos partenaires allemands, britanniques et américains, j’en propose une réécriture qui évoque le Conseil franco-allemand de défense et de sécurité le 13 juillet 2017, ce qui garantit que cet événement figure dans le texte.

Mme Natalia Pouzyreff. Je rappelle que nous sommes aussi engagés dans une coopération avec le Royaume-Uni, et que des entretiens au sommet ont eu lieu le 18 janvier dernier à Sandhurst.

M. Ian Boucard. Il faut être prudent dans la rédaction de la loi de programmation militaire. J’imagine que lorsqu’il visite un pays partenaire, le président de la République évoque le renforcement de la coopération. Il l’a fait aux États-Unis, il a probablement fait de même en Inde il y a deux jours, il le fera encore en Italie, en Espagne et au Benelux : c’est son rôle de chef d’État et de chef des armées. Je ne suis pas sûr qu’une telle précision ait à faire dans la LPM ; tel qu’il est rédigé, l’alinéa 284 me semble plus efficace.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je soutiens la proposition de notre collègue, Laetitia Saint-Paul, d’autant plus que l’alinéa 362 évoque les coopérations avec l’Allemagne, la Grande-Bretagne, les États-Unis, ainsi qu’avec l’Italie et l’Espagne.

Nous pourrions intégrer dans cet alinéa une attention particulière cohérente avec les conclusions du Conseil franco-allemand de défense et de sécurité le 13 juillet 2017 ; je vous propose donc, Madame Thillaye, de retirer votre amendement afin de présenter ultérieurement une rédaction allant dans ce sens.

Mme Sabine Thillaye. Je partage le point de vue de ma collègue et retire mon amendement.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement DN401 de M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud. Je m’étonne de voir mentionné à l’alinéa 289 une « coopération européenne, notamment franco-allemande » au sujet de la rénovation et du remplacement du char Leclerc. N’est-ce pas dû au fait que cette opération sera confiée à la coentreprise franco‑allemande KNDS, mais dont le siège social se trouve à Amsterdam, dans un pays dont les régimes fiscaux sont bien connus ?

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Vous souhaitez que cette mention soit supprimée de l’alinéa 289 ?

M. Bastien Lachaud. Si nous décidons de remplacer le char Leclerc, pourquoi ne pas nous laisser le choix au lieu de nous lier les mains avec une entreprise qui pourrait pratiquer l’optimisation fiscale ?

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Soyons clairs. Sans chercher à caricaturer : il est prévu dans la LPM que le remplacement des grands équipements stratégiques comme le futur char Leclerc ou le système de combat aérien du futur se fasse dans le cadre d’une coopération européenne. C’est d’ailleurs pour cette raison que la DGA aboutit au chiffre de 36 % ; je suis donc défavorable à cet amendement.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Ajoutons que cette coopération européenne a déjà fait l’objet de nombreuses discussions ; revenir en arrière poserait, en termes d’affichage, de sérieux problèmes.

La commission rejette l’amendement.

Elle étudie ensuite l’amendement DN199 de M. Fabien Lainé.

M. Fabien Lainé. Dans la première phrase de l’alinéa 294, contrairement à ce qui avait été écrit dans la précédente loi de programmation militaire, une confusion est faite au sujet du sous-marin Rubis entre le terme « type » et le terme « classe ». Le terme de « classe » est un anglicisme, c’est pourquoi il faut lui préférer celui de « type ».

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Comme la ministre, je suis favorable à cet amendement.

M. Charles de la Verpillière. Il me semble que tout à l’heure nous avons modifié le type « Barracuda » en type « Suffren »… Il faudrait savoir !

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Barracuda désigne un programme, pas un type.

M. Charles de la Verpillière. Ici on écrit « sous-marin nucléaire d’attaque de type Barracuda » alors que nous avons adopté un amendement pour écrire « de type Suffren ». Il faut que ce soit tout l’un ou tout l’autre.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. L’amendement DN199 substitue le terme « type » à celui de « classe », et l’amendement DN201 suivant substitue le nom « Suffren » à celui de « Barracuda » ; c’est tout simple.

M. Charles de la Verpillière. C’était beaucoup trop subtil pour moi ! Je vous présente mes excuses.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Il vous sera beaucoup pardonné, car il est minuit et quart. (Sourires.) Et vous aurez défendu par avance l’amendement DN201 au nom de Monsieur Lainé…

La commission adopte l’amendement DN199.

Puis elle adopte l’amendement DN201.

Elle en vient ensuite à l’amendement DN55 de M. Jacques Marilossian.

M. Jacques Marilossian. L’alinéa 296 précise que des études seront en outre lancées pour définir au cours de cette LPM les modalités de réalisation d’un nouveau porte-avions. Je propose d’ajouter, après le mot « réalisation », les mots « et la mise en service d’un nouveau porte-avions avant le dernier arrêt technique majeur du porte-avions Charles de Gaulle ».

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Cet amendement n’est absolument pas en conformité avec la loi de programmation militaire. Je ne peux donc qu’y donner un avis extrêmement défavorable.

M. Jacques Marilossian. Pouvez-vous m’expliquer en quoi cela est contradictoire ?

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Lorsque nous avons abordé la question des études permettant de lancer la construction d’un nouveau porte-avions, études prévues par le projet de loi de programmation militaire qui vous est soumis, la date retenue pour la prise de la décision du commencement des travaux a été située autour de 2021. Cette date constitue, par ailleurs, un rendez-vous important pour cette loi de programmation militaire.

Nous étions d’ailleurs convenus que la fin de vie du porte-avions Charles de Gaulle se situait à la fin de la décennie 2030, peut-être 2040. Ce qui laissait peut-être la possibilité de disposer du nouveau porte-avions avant que le porte-avions Charles de Gaulle ne cesse définitivement son service.

Votre amendement prévoit que la date de livraison du nouveau porte-avions devrait correspondre au dernier arrêt technique majeur du porte-avions Charles de Gaulle. Or ce dernier arrêt technique majeur est planifié plus tôt ; nous ne pourrons donc pas disposer du successeur du Charles de Gaulle à la date de son dernier arrêt technique majeur que nous envisageons.

Je ne remets pas en cause les propos que j’ai tenus devant vous. Nous conservons un calendrier qui devrait permettre, le cas échéant, de disposer pendant une courte période d’un nouveau porte-avions avant que le Charles de Gaulle ne soit démantelé. Mais nous ne pouvons pas écrire ce que vous proposez, car cela reviendrait à anticiper ce moment de plusieurs années, ce qui serait incompatible avec la loi de programmation militaire.

L’amendement est retiré.

Puis elle en vient à l’amendement DN54 de M. Jacques Marilossian.

M. Jacques Marilossian. La question est ici de savoir si les études permettent d’envisager un format à deux porte-avions, auquel cas je propose un tuilage grâce auquel nous économiserions pas mal d’argent : il s’agirait précisément de jouer sur l’arrêt technique majeur précédemment évoqué, et son caractère tardif, et donc de prévoir le lancement d’un second porte-avions.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Une telle éventualité ne me semble pas prévue par la feuille de route des études relatives au successeur du Charles de Gaulle. Avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Il serait très imprudent de réaffecter par anticipation les moyens destinés au financement des opérations liées au dernier arrêt technique majeur : nous ne savons pas de quoi l’avenir sera fait. Par ailleurs, si l’on compare les montants affectés au financement d’un arrêt technique majeur aux montants nécessaires à la construction d’un porte-avions tout entier, ils sont sans commune mesure. Un arrêt technique majeur est une opération onéreuse, certes, mais pas au point de couvrir la totalité du coût d’un nouveau porte‑avions. Pour ces deux raisons, je suis défavorable à cet amendement.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement DN219 de M. Alexis Corbière.

M. Alexis Corbière. Voilà un bel amendement écolo… Nous souhaitons ajouter, à l’alinéa 297, la phrase suivante : « Tenant compte du fait que la sobriété énergétique sera dans les prochaines années un des principaux avantages compétitifs sur les champs de bataille et en dehors, et tenant compte du caractère le plus souvent dual des technologies de défense, les recherches de la Délégation générale de l’armement prendront systématiquement en compte cet aspect dans l’évaluation et la conduite des projets dont celle-ci a la charge. »

En organisant la COP21 à Paris, nous avons montré notre souci concernant le réchauffement climatique. Notre préoccupation est ici de même nature.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. C’est effectivement un bel amendement mais je n’en demanderai pas moins le retrait… Vous voulez en effet insérer cette phrase à l’alinéa 297 qui ne concerne que la flotte de pétroliers ravitailleurs. Pourquoi donc envisager de prendre en compte la performance énergétique – expression que je préfère à celle de « sobriété énergétique » – de ces seuls bateaux et non de tous les autres équipements, qu’ils soient maritimes, aériens ou terrestres ? Ajoutons que la DGA mène déjà des recherches en la matière.

Je vous propose donc de retirer votre amendement ou tout au moins de le récrire d’ici à l’examen du texte en séance.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Les performances énergétiques de tous les matériels modernes dont le projet de LPM prévoit le financement ont vocation à être sensiblement améliorées par rapport aux performances énergétiques des matériels destinés à être remplacés. Ajoutons qu’une moindre consommation, c’est autant d’autonomie supplémentaire.

Ensuite, les performances de nos matériels ne sont pas seulement liées à la motorisation : elles dépendent également des systèmes d’information et aux systèmes logiciels embarqués. Or ces systèmes consomment énormément d’énergie.

Par conséquent, si je peux comprendre l’intention de l’amendement s’il n’est question que de la motorisation, je ne suis pas sûre que le dispositif proposé puisse s’appliquer de la même façon à la consommation globale d’énergie des équipements militaires puisque ces derniers sont de plus en plus dotés de systèmes intelligents eux-mêmes gros consommateurs d’énergie. Il faut donc savoir sur quoi les auteurs de l’amendement entendent insister : si l’on devait viser la limitation des capacités d’intelligence artificielle desdits systèmes, on n’atteindrait pas nécessairement l’objectif qu’on leur a fixé.

M. Alexis Corbière. Il n’est pas question de limitation mais de prise en compte dans l’évaluation et la conduite des projets. Nous reformulerons peut-être notre amendement mais, pour l’heure, nous le maintenons.

La commission rejette l’amendement.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Mes chers collègues, il reste soixante-dix à quatre-vingts amendements à l’article 2 ; je vous invite donc à la concision si vous souhaitez que nous en terminions ce soir avec l’examen de cet article.

La commission examine l’amendement DN149 d M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud. Cet amendement a déjà été défendu.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement DN47 de M. Jean-Jacques Ferrara.

M. Jean-Jacques Ferrara. Le présent amendement a pour objet l’introduction du viseur de casque au standard F4 du Rafale, qui sera lancé en 2018. J’appelle votre attention sur le fait qu’il s’agit d’un équipement indispensable pour nos pilotes et j’ai pu constater, au cours de mes déplacements en métropole et sur les théâtres d’opérations extérieures, à quel point il leur manquait. Cet équipement est disponible dans d’autres aviations de combat. Il sera ainsi livré avec nos Rafale en Inde et au Qatar. Sincèrement, j’y insiste, je vous demande de nous rassurer, Madame la ministre, en donnant un avis favorable à cet amendement. Je ne conçois pas que le viseur de casque ne soit pas prévu par le texte.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je comprends votre appel, mon cher collègue, mais ne peux y donner suite : plusieurs éléments vont composer le standard F4 ; aussi, pourquoi ne mentionner que le viseur de casque ?

M. Jean-Jacques Ferrara. On peut ajouter d’autres éléments.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. M. Trappier, président-directeur général de Dassault Aviation, a bien précisé, lors de son audition par la commission, qu’une discussion était engagée entre la DGA et l’avionneur à propos du contenu du standard F4. Nous ne pouvons donc inscrire dans le texte un de ses éléments constitutifs. Je vous propose donc de retirer votre amendement même s’il me paraît, à moi aussi, nécessaire d’intégrer le viseur de casque au standard F4.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Je vous confirme que l’objectif est d’intégrer le casque visée tête haute dans le standard F4 du Rafale. Je vous confirme également que d’autres améliorations seront apportées aux capacités du Rafale et que les discussions à ce sujet ne sont pas terminées. Je ne peux par conséquent que vous inviter à nous faire confiance sur le bon aboutissement de ces discussions et donc à retirer votre amendement.

M. Jean-Jacques Ferrara. Sans vouloir vous offenser, Monsieur le rapporteur, Madame la ministre, compte tenu de ce qui m’a été confié sur le terrain, je maintiens tout de même mon amendement.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement DN279 de M. Fabien Lainé.

M. Fabien Lainé. Sans vouloir porter préjudice aux ambitions du système de combat aérien futur (SCAF), nous souhaitons lancer des études pour disposer d’une plateforme d’appui aérien souple aux opérations terrestres conventionnelles. Actuellement, pour l’appui aérien, on utilise des avions de chasse avec des missiles. On pourrait les substituer par des AC-130, variantes du C-130, pourvus de canons et d’obus, ce qui coûterait moins cher et pourrait être un appui efficace au sol : ce dispositif est utilisé par les Américains depuis les années 1960.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Vous proposez un programme supplémentaire à l’ensemble de ceux prévus par le projet de LPM. Je ne peux donc pas l’accepter : avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Je partage le point de vue du rapporteur. Le remplacement des avions actuels débutera en 2029 ; nous ne sommes donc pas à même de statuer en la matière.

M. Fabien Lainé. Il n’est question que d’études préalables…

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Certes, mais un programme d’études engendre un coût.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement DN48 de M. Jean-Jacques Ferrara.

M. Jean-Jacques Ferrara. J’ai lu attentivement l’alinéa 334 consacré aux équipements de cohérence. Il est très général et parfois un peu incantatoire. Je souhaite que certains équipements soient mentionnés, comme ceux qui permettent la transmission des images, les Rover, les équipements MIDS (Multifunctional Information Distribution System) qui permettent d’équiper les avions du standard de liaison de données tactiques L16, ou encore les systèmes de détecteurs de départ missile. Je constate que les équipements mentionnés dans l’alinéa 334 concernent essentiellement l’armée de terre et la marine, et très peu l’armée de l’air. Peut-on avoir des détails sur les équipements concernés et le calendrier ?

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je comprends votre intention, cher collègue ; reste que nous devons nous en tenir au domaine de la loi et que le texte ne saurait énumérer tous les programmes de cohérence prévus par la DGA – nous aurions une liste à la Prévert. Je serais même pour ma part plutôt d’avis de supprimer la dernière phrase de l’alinéa pour qu’aucun exemple d’équipement de cohérence ne soit cité.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Je partage cet avis, Monsieur le rapporteur.

M. Jean-Jacques Ferrara. Je consens à retirer mon amendement si aucun équipement de cohérence n’est cité.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Si vous retirez votre amendement, j’en déposerai un autre en séance pour supprimer la dernière phrase de l’alinéa 334.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement DN378 de M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud. Cet amendement vise à ce que les études portant sur les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) 3G prennent en compte la capacité à porter des armements aussi bien nucléaires que conventionnels, à l’exemple d’autres marines étrangères. Il n’y a pas de raison d’exclure a priori des études cette possibilité qui offre de nombreux avantages.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Votre amendement n’est pas si mal, à ceci près que les SNLE ont déjà des armements conventionnels puisqu’ils sont pourvus de torpilles F17 et de missiles Exocet SM39. Ensuite, s’agit-il de remplacer les missiles balistiques nucléaires par des missiles balistiques conventionnels ? C’est un autre débat : quand un missile part d’un SNLE, on doit savoir s’il est nucléaire ou conventionnel. Je laisserai la ministre répondre. En tout cas, j’émets un avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Avis défavorable, pour la raison qui vient d’être indiquée : un missile lancé depuis un SNLE doit être identifié comme un missile nucléaire, faute de quoi c’est la crédibilité de l’ensemble de l’architecture de la dissuasion nucléaire, en particulier dans sa dimension océanique, qui serait remise en cause.

L’amendement est retiré.

La commission examine ensuite l’amendement DN144 de M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud. Le rapport annexé précise que les études sur la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire seront remises en 2021 et qu’alors une décision sera prise. Nous souhaitons que le passage en phase de réalisation des programmes liés à la dissuasion fasse l’objet d’un débat et d’un vote solennel du Parlement. Il y va du contrôle parlementaire sur les dépenses ; or ce programme va coûter très cher.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je rappelle que les actes relatifs à la conduite des programmes d’armement ont un caractère réglementaire et n’ont donc pas à être soumis au vote du Parlement. Ensuite, le Parlement est censé exercer son pouvoir de contrôle sur toutes les politiques publiques. Avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement DN141 de M. Bastien Lachaud.

Puis elle en vient à l’amendement DN138 de M. Laurent Furst.

M. Laurent Furst. Le présent amendement, concernant le tableau de livraison des équipements – tableau de flux –, est un amendement de transparence. Nous souhaitons que deux colonnes soient ajoutées au tableau : l’une permettant de faire le point sur les livraisons à la fin de 2020 – avant, donc, l’actualisation de 2021 – et, surtout, une colonne faisant le point sur les livraisons à la fin 2022. Le but est de faire apparaître clairement ce qui aura été fait pendant la période d’accroissement des crédits de 1,7 milliard d’euros par an, avant de passer à la période d’augmentation de crédits de trois milliards d’euros par an. Cette demande est logique puisque la LPM engage la future majorité présidentielle et législative – et nous n’avons pas tous les mêmes espoirs en la matière… Cette demande de transparence nous paraît donc naturelle.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Tellement naturelle, cher collègue, que je vous propose de retirer votre amendement au profit d’un autre que je défendrai après l’article 6, et qui vise précisément à renforcer nos pouvoirs de contrôle et d’évaluation de la LPM en matière d’équipements.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Je ne préjuge pas du débat à venir sur cet autre amendement, mais je rappelle que, de toute façon, l’ensemble de ces programmes font l’objet d’une évaluation annuelle dans le cadre des projets de loi de finances soumises à votre approbation.

M. Laurent Furst. Ma confiance en vous, Monsieur le rapporteur, est totale et vos propos vont bien dans le sens d’une transparence complète pour la fin de l’année 2020 et, concernant des objectifs précis, pour la fin de 2022. Aussi vais-je retirer mon amendement.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Sans entrer dans plus de précisions, je proposerai que le bilan soit semestriel.

M. Laurent Furst. Alors là… Le tableau sera-t-il fait dès la loi promulguée ?

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. En effet.

M. Laurent Furst. Je ne puis donc que vous renouveler ma confiance. (Sourires.)

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement DN139 de M. Laurent Furst.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Ma réponse sera la même à propos du présent amendement, et la vôtre, Monsieur Furst ?

M. Laurent Furst. Monsieur le rapporteur, quand la confiance est donnée, elle ne saurait être reprise quelques instants plus tard. (Rires.)

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement DN375 de M. Bastien Lachaud.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel DN491 du rapporteur.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement DN371 de M. Bastien Lachaud.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel DN492 du rapporteur.

L’amendement DN257 de M. Patrick Hetzel est retiré.

La commission en vient à l’amendement DN326 de Mme Frédérique Lardet.

Mme Frédérique Lardet. Le présent amendement vise à compléter l’alinéa 352 portant sur la fonction « connaissance et anticipation », et en l’occurrence à accorder une attention particulière aux études sur la guerre, quelque peu délaissées par la recherche universitaire française, contrairement à ce qu’on peut observer dans des pays alliés comme le Royaume-Uni.

Suivant l’avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, la commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel DN493 du rapporteur.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement DN146 de M. Bastien Lachaud.

Puis elle examine l’amendement DN79 de la commission des Affaires étrangères.

Mme Laetitia Saint-Paul, rapporteure pour avis de la commission des Affaires étrangères. J’ai constaté que la notion de coopération structurée permanente ne figurait pas dans le texte. Je propose par conséquent une nouvelle rédaction de l’alinéa 360, afin de montrer la logique entre la revue annuelle coordonnée de défense, la coopération structurée permanente et le Fonds européen de défense.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Même si je ne comprends pas pourquoi on met sur le même plan, d’un côté la coopération structurée permanente, qui est une volonté politique, et, de l’autre, le Fonds européen de défense ainsi que la revue annuelle coordonnée de défense, qui sont des outils, j’émets un avis favorable.

Mme Laetitia Saint-Paul, rapporteure pour avis. Merci, Monsieur le rapporteur.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite les amendements DN323 et DN329, de M. Pieyre-Alexandre Anglade.

M. Pieyre-Alexandre Anglade. Vous savez l’impulsion donnée à la défense européenne par le président de la République, qui propose d’aller plus loin avec une Initiative européenne d’intervention (IEI) visant à développer une culture stratégique commune. Cette initiative doit constituer le cœur de la contribution française à la coopération structurée permanente qui vient d’être évoquée. Ces amendements de contextualisation visent à rappeler que lors du sommet d’Helsinki, il y a déjà quelques années, un objectif clair et raisonnable avait été affiché en matière de défense européenne, qui n’a jamais été réalisé faute de volonté politique. Et c’est dans ce contexte que j’entends que nous inscrivions l’Initiative européenne d’intervention.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je donne un avis favorable à l’amendement DN329.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Je m’interroge sur la rédaction de cet amendement. Il y est question de forces militaires pouvant atteindre 50 000 à 60 000 personnes ; au moment où, précisément, le président de la République cherche à promouvoir l’Initiative européenne d’intervention, fixer un cap aussi haut risque de dissuader certaines bonnes volontés. Quant à la référence au sommet d’Helsinki de 1999, elle me paraît un peu datée. Je ne voudrais pas que cette bonne intention ne se retourne contre son auteur. Je suis donc plutôt défavorable à votre proposition.

M. Pieyre-Alexandre Anglade. J’entends bien que le sommet d’Helsinki a eu lieu il y a déjà un certain temps, mais il s’agissait de contextualiser l’idée qui sous-tend l’Initiative européenne d’intervention, de montrer qu’elle n’a pas surgi de nulle part – alors que certains la croient toute récente, hors sol.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Le président de la République a pris soin, lorsqu’il a présenté l’Initiative européenne d’intervention, de préciser que ce dispositif pouvait évidemment mobiliser des États membres de l’Union européenne, mais également des États non-membres. Cette recontextualisation, pour reprendre votre idée, ne risque-t-elle donc pas de réduire le périmètre de l’IEI aux seuls États membres ?

M. Pieyre-Alexandre Anglade. C’est votre interprétation… Je souligne pour ma part, simplement, que l’IEI a vocation à d’abord rassembler des États membres de l’UE et je ne crois pas que rappeler le contexte dans lequel cette idée a été conçue réduise l’IEI aux seuls États membres : rien n’empêchera, plus tard, d’autres États de rejoindre le dispositif.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je vous propose, Monsieur Anglade, de retirer vos deux amendements afin que nous y réfléchissions avant de les représenter en séance.

M. Pieyre-Alexandre Anglade. Si c’est la référence à Helsinki, dans l’amendement DN329, qui semble poser problème, il en va autrement de l’amendement DN323 : la coopération structurée permanente telle qu’elle a été développée ayant une visée plus capacitaire qu’opérationnelle, nous souhaitons ici mettre l’accent, précisément, sur son aspect opérationnel.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. À ceci près que les mots « en particulier l’Allemagne » réduisent la portée de l’amendement.

M. Pieyre-Alexandre Anglade. Très bien, je retire ces deux amendements et nous les examinerons à nouveau en séance publique.

Les amendements sont retirés.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement DN372 de M. Bastien Lachaud.

Puis elle examine l’amendement DN68 de la commission des Affaires étrangères.

Mme Laetitia Saint-Paul, rapporteure pour avis de la commission des Affaires étrangères. Il s’agit ici de valoriser le G5 Sahel.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. En effet, vous souhaitez préciser que l’implication française pour le G5 Sahel passe par « l’appui renforcé à la force conjointe régionale ». Avis favorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement DN80 de la commission des Affaires étrangères.

Mme Laetitia Saint-Paul, rapporteure pour avis de la commission des Affaires étrangères. Le présent amendement propose une réécriture de l’alinéa 362, plus simple et qui réintroduit la feuille de route issue du conseil des ministres franco-allemand du 13 juillet 2017.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. La rédaction que vous proposez est plus simple, mais elle comporte un gros défaut : la dernière phrase du texte initial, « ou la lutte commune avec le terrorisme jihadiste », a disparu.

Mme Laetitia Saint-Paul, rapporteure pour avis de la commission des Affaires étrangères. Elle peut être réintroduite.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Très bien, vous réintroduirez donc cette phrase en séance publique.

L’amendement est retiré.

La commission examine, en présentation commune, les amendements DN77 de la commission des Affaires étrangères et DN213 de M. Alexis Corbière.

Mme Laetitia Saint-Paul, rapporteure pour avis de la commission des Affaires étrangères. Les traductions otaniennes sont souvent fautives et appauvrissent le langage tactique français. Ainsi les mots « zones prioritaires » impliquent un jugement de valeur, d’où la proposition de les remplacer par les mots « zones d’intérêt prioritaire » qui n’induisent pas une hiérarchie entre les zones prioritaires et les zones dites périphériques.

M. Bastien Lachaud. Je m’interroge sur la notion même de zone prioritaire. La France a-t-elle des zones prioritaires ? Son intérêt n’est-il pas d’affirmer la paix dans le monde et dès lors d’agir là où elle doit agir en fonction de cet objectif ? Indiquer que nous avons des zones prioritaires, c’est signifier que nous avons des intérêts particuliers dans ces zones : quels sont-ils ? Il faudrait les détailler de manière à ne pas laisser penser que nous avons des intérêts inavouables.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. J’aurais tendance à émettre un avis défavorable sur l’amendement de Madame Saint-Paul, j’en suis désolé. En effet, l’expression « zones d’intérêt prioritaire » me conduirait presque à souscrire aux propos de M. Lachaud : de quels intérêts s’agit-il ? Économiques, stratégiques ?

Pour répondre à M. Lachaud, on parle de zones prioritaires après avoir ciblé les partenariats stratégiques que nous avons développés avec des pays en Afrique, au Moyen-Orient et dans la région indo-pacifique. Autrement dit, ces zones sont prioritaires par le fait que nous avons noué des partenariats stratégiques.

Donc avis défavorable pour les deux amendements.

Mme Laetitia Saint-Paul. Je retire mon amendement.

M. Bastien Lachaud. Je maintiens le mien ; je vous entends bien, mais il faudrait que le texte soit donc plus explicite à cet égard.

M. le président Jean-Jacques Bridey. Je comprends ce que vous voulez dire et je ferai une proposition en séance pour améliorer la rédaction de l’alinéa 364.

L’amendement DN77 est retiré.

La commission rejette l’amendement DN213.

Elle en vient à l’amendement DN70 de la commission des Affaires étrangères.

Mme Laetitia Saint-Paul, rapporteure pour avis de la commission des Affaires étrangères. Un de nos collègues, ancien ambassadeur au Sahel, insiste pour que nous adoptions une approche globale. C’est pourquoi nous souhaitons insérer un alinéa après l’alinéa 367. En effet, le renforcement de la « prévention des crises », identifiée comme prioritaire dans la revue stratégique, et par conséquent dans le rapport annexé à la loi de programmation militaire, dépasse le seul cadre militaire.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Vous prenez pour exemple du continuum sécurité développement des politiques publiques pour lesquelles nos armées n’ont pas nécessairement vocation à intervenir en première ligne, qu’il s’agisse de la lutte contre les trafics illégaux et les trafics d’êtres humains ou de la sécurisation des frontières.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Cet amendement traite de différents sujets qui n’ont rien à voir les uns avec les autres. La mission des armées n’est pas de lutter contre les trafics ou d’assurer la sécurisation des frontières : elle est de garantir la protection de la nation contre toute menace militaire. Il ne me semble pas souhaitable d’assimiler le rôle des armées à celui des forces de sécurité intérieure. Le seul cas dans lequel les armées coopèrent avec les forces de sécurité intérieure – mais avec des prérogatives différentes – c’est sur le territoire national, dans le cadre de l’opération Sentinelle.

Mme Laetitia Saint-Paul, rapporteure pour avis de la commission des Affaires étrangères. J’ai bien précisé que les armées agissent « en coopération » avec les forces de sécurité intérieure. Je proposerai une nouvelle rédaction d’ici l’examen en séance publique.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement DN78 de la commission des Affaires étrangères.

Mme Laetitia Saint-Paul, rapporteure pour avis de la commission des Affaires étrangères. Une fois de plus, nous avons affaire à une traduction fautive : l’expression « able and willing », traduite en « capable et volontaire » introduisant un jugement de valeur, je propose d’utiliser les mots : « qui ont la capacité et la volonté ».

Suivant l’avis favorable du rapporteur et eu Gouvernement, la commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement DN81 de la commission des affaires étrangères.

Mme Laetitia Saint-Paul, rapporteure pour avis de la commission des Affaires étrangères. Il y a du mouvement du côté de l’Europe de la défense. Pour éviter de donner le sentiment que tout se crée de façon ad hoc et que l’on réinvente les choses en permanence, nous dressons dans cet amendement un état des lieux de ce qui existe, afin de tirer les enseignements des outils mis en place jusqu’ici, avant de nous lancer dans de nouveaux projets.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je comprends l’intention, mais le contenu de cet amendement n’est pas du domaine de la loi et s’apparente davantage à une proposition de rapport.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis.

Mme Laetitia Saint-Paul, rapporteure pour avis de la commission des Affaires étrangères. L’idée de créer une mission d’information dans ce domaine vous semble-t-elle pertinente ?

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. C’est à la commission de la Défense d’en décider, Madame la rapporteure de la commission des Affaires étrangères…

L’amendement est retiré.

La commission rejette l’amendement DN373 de M. Bastien Lachaud.

Puis elle est saisie de l’amendement DN69 de la commission des Affaires étrangères.

Mme Laetitia Saint-Paul, rapporteure pour avis de la commission des Affaires étrangères. Les instruments de financement européens et internationaux en matière de défense dans les pays en crise sont insuffisants, alors que, dans un contexte de menace terroriste persistante, les enjeux sur le continent africain, notamment dans la région sahélo-saharienne, restent prégnants.

Suivant l’avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, la commission adopte l’amendement.

La commission rejette successivement les amendements DN400, DN399 et DN374 de M. Bastien Lachaud.

Puis la commission examine l’amendement DN53 de M. Olivier Becht.

M. Olivier Becht. Il s’agit de rappeler qu’en matière de recherche et développement, l’Europe possède une « masse critique » comparable à celle des États‑Unis et de la Chine. À ce titre, le niveau européen constitue l’échelon le plus pertinent pour conduire certains projets de recherche scientifique et de recherche et développement.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Bien que favorable à cet amendement, je vous suggère de le retirer afin de laisser à Madame la ministre le temps d’en prendre connaissance.

L’amendement est retiré.

La commission rejette successivement les amendements DN381, DN383, DN148 et DN384 de M. Bastien Lachaud.

Puis elle examine l’amendement DN49 de M. Jean-Jacques Ferrara.

M. Jean-Jacques Ferrara. Nous avons entendu que les 400 postes dédiés au soutien à exportation seraient répartis entre la DGA et les armées. Il conviendrait de faire figurer ce principe de répartition dans le texte.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Avis favorable. Cette précision paraît utile.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Peut-être faudrait-il revoir la rédaction en intégrant dans la phrase précédente la proposition : « en ouvrant 400 nouveaux postes au sein des armées, directions et services du ministère des Armées » ? Cela répondrait à votre objection.

L’amendement est retiré.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels DN402, DN404 et DN405 du rapporteur.

Puis elle examine l’amendement DN82 de M. Olivier Becht.

M. Olivier Becht. Nous avons beaucoup parlé d’intelligence artificielle lors de nos dernières réunions. Il s’agit d’ajouter, au nombre des technologies de rupture, l’informatique quantique et la cryptographie.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Avis favorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. La cryptographie ne semble pas être une technologie de rupture, mais un domaine dans lequel les technologies, dont celles de rupture, s’appliquent. Quant à l’informatique quantique, ce n’est pas une technologie spécifiquement militaire. Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

La commission adopte l’amendement.

La commission adopte ensuite l’amendement rédactionnel DN406 du rapporteur.

Elle est saisie des amendements identiques DN83 de M. Olivier Becht et DN325 de M. Thomas Gassilloud.

M. Olivier Becht. Nous proposons de compléter l’alinéa 404 par la phrase suivante : « Ils supposent un recours plus fréquent à l’expérimentation technico‑opérationnelle et un niveau accru d’acceptation de l’échec dans ces expérimentations. » Il faut restaurer un droit à l’échec pour prospérer dans les innovations de rupture…

M. Thomas Gassilloud. L’amendement DN325 est identique.

Suivant l’avis favorable du rapporteur du Gouvernement, la commission adopte les amendements identiques.

La commission se saisit de l’amendement DN403 de M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud. La phrase suivante figure à l’alinéa 408 : « Pour la composante aéroportée, les études de conception du successeur de l’ASMP-A offriront des éléments, avant la fin de la LPM, pour choisir le système porteur-missile, en cohérence avec l’évolution des menaces à l’horizon considéré (2025) et en fonction du résultat des études sur le porteur, conduites en parallèle. » Il nous semblerait beaucoup plus logique qu’elle figure à la fin de l’alinéa 338, où il est précisément question de la composante aéroportée.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je ne souscris pas à votre logique et je ne vois pas l’intérêt de cet amendement.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Le paragraphe 408 traite de l’ensemble des futurs systèmes d’armes de la dissuasion, dans sa composante océanique comme dans sa composante aéroportée. C’est ce qui fait l’unité de cet alinéa. En déplaçant cette phrase, vous allez du coup déshabiller ce paragraphe qui ne portera plus que sur la seule composante océanique alors qu’il est consacré à la préparation des futurs systèmes d’armes de la dissuasion.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement DN411 de M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud. Je propose de supprimer de l’alinéa 408 les mots « et du développement de la future version du missile M51 ». Nous ne sommes effectivement pas convaincus de la nécessité actuelle de ce développement ; cela peut attendre quelques années.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je ne suis pas d’accord, cher collègue. La crédibilité de notre dissuasion repose sur l’évolution incrémentale de différents équipements, dont ce missile. Je suis donc défavorable à votre amendement.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement DN277 de M. Olivier Becht.

M. Olivier Becht. Cet amendement porte sur l’alinéa 410. Parler non pas d’un nouveau porte-avions disponible mais d’un ou plusieurs porte-avions disponibles n’est pas insulter l’avenir. La décision n’est pas prise dans le cadre de cette LPM mais des études porteront forcément sur un modèle de porte-avions, et il est écrit ailleurs qu’elles « devront fournir des éléments de décision relatifs à une éventuelle anticipation du lancement de sa réalisation et au format de cette composante pour garantir sa permanence ». C’est dire que toutes les options sont envisagées, y compris celle d’aligner plusieurs porte-aéronefs.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je suis d’accord avec votre raisonnement. Cependant, non seulement la décision ne sera pas prise dans le cadre de la période couverte par cette loi de programmation militaire, mais elle le sera par le président de la République, quel qu’il soit ; cela ne relève pas de la loi. Je suis donc défavorable à votre amendement, cher collègue.

L’amendement est retiré.

La commission rejette l’amendement DN147 de M. Bastien Lachaud.

Puis elle en vient à l’amendement DN282 de M. Fabien Lainé.

M. Fabien Lainé. Nous proposons d’insérer, après l’alinéa 411, un nouvel alinéa ainsi rédigé : « Dans la perspective des programmes ambitieux évoqués précédemment, la direction générale de l’armement se verra affecter les ressources humaines nécessaires à leur bonne exécution. ». Afin de mener à bien l’exécution, entre autres, des programmes ambitieux relatifs au sous-marin nucléaire lanceur d’engin de troisième génération ou à la future version du missile M51, la direction générale de l’armement devra se voir attribuer des moyens en ressources humaines en cohérence avec l’ampleur de ses missions.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Une telle mention ne me paraît pas utile. En outre, dans la limite des plafonds fixés, c’est à Madame la ministre de répartir les effectifs entre les services : ce n’est pas du domaine de la loi. Je suis donc défavorable à cet amendement.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Je suis défavorable à cet amendement, d’autant que la DGA bénéficiera d’une progression de ses effectifs.

M. Fabien Lainé. Je le retire, mais si je l’ai déposé, c’est que la question suscitait une inquiétude.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Plutôt une interrogation…

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel DN407 du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement DN340 de Mme Frédérique Lardet.

Mme Frédérique Lardet. Je propose de mentionner à l’alinéa 415 les technologies relatives à l’énergie dirigée.

En raison de leur fulgurance, de leur immatérialité et du coût très limité de leur emploi, les armes à énergie dirigée intéressent fortement les forces armées ou de sécurité, comme en témoignent les moyens qui y sont consacrés en Russie, en Chine ou aux États Unis. Il me semble important qu’elles soient mentionnées dans cet alinéa, pour que nous puissions, le cas échéant, disposer de réponses défensives adéquates.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je suis favorable à cet amendement.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. J’y suis également favorable.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle se saisit de l’amendement DN337 de M. Didier Baichère.

M. Didier Baichère. L’amendement vise à mettre l’accent sur l’enjeu de l’innovation de rupture, trop brièvement évoqué, à mon sens, à l’alinéa 416. Les auditions menées en vue de l’examen de ce projet de loi ont montré la nécessité d’une réflexion d’ampleur sur les modalités de financement d’investissements d’une nature particulière, dans ce secteur sensible de la défense, et sur l’organisation de l’innovation au sein de la DGA. L’ajout proposé à l’alinéa 416 a pour but de préciser nos engagements en la matière.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Je ne suis pas certaine qu’il faille prescrire la manière dont l’innovation de rupture doit être organisée au sein de nos structures, ni, compte tenu de la réalité de notre organisation et de la nécessité d’atteindre une taille critique, qu’une structure dédiée soit forcément l’idéal. Par ailleurs, il n’est pas certain que les coopérations européennes, pour nécessaires qu’elles soient, seront le vecteur principal de l’innovation de rupture.

Pour ces deux raisons, je suis défavorable à cet amendement, même si j’entends bien le sens de votre invitation.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel DN408 du rapporteur.

Puis elle examine l’amendement DN203 de M. Fabien Lainé.

Mme Josy Poueyto. Nous ne saurions négliger l’usage de technologies rustiques dont l’efficacité n’est plus à démontrer sur le terrain. Les militaires le répètent souvent : les équipements à la pointe de l’innovation sont nécessaires mais, dans l’engagement, il faut être en mesure d’affronter les situations les plus basiques. C’est pourquoi nous proposons, après l’alinéa 417, d’ajouter un alinéa visant à prendre en compte le développement de matériels à technologie raisonnée. Un tel écosystème présente plusieurs avantages : des utilisations plus simples, une production et un entretien moins onéreux et des coûts de remplacement plus raisonnables. Ce matériel à technologie raisonnée représente par ailleurs une occasion d’exportation non négligeable. Cette offre de matériels efficaces et moins coûteux peut créer des liens entre l’intérêt purement militaire et l’intérêt industriel.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Votre amendement me pose problème : je suis d’accord avec vous sur le fait que nous devrions cesser d’aller vers le tout‑technologique, l’hyper-technologie, et savoir conduire des programmes plus rustiques ou, comme vous le dites, à technologie raisonnée, mais je crains qu’il ne s’agisse de programmes supplémentaires, qui n’entrent pas dans le cadre de la programmation militaire. Je vous demande donc de retirer votre amendement afin de le reformuler.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel DN409 du rapporteur.

Puis elle examine l’amendement DN84 de M. Olivier Becht.

M. Thomas Gassilloud. Dans le cadre de la mission d’information sur les enjeux de la numérisation des armées, nous avons remarqué que l’innovation venait des structures de recherche mais pouvait également venir du terrain. Il existe une mission d’innovation participative qui permet de repérer les bonnes pratiques et de les encourager et qui permet l’émission d’idées de la part des personnels du ministère. Ces dispositifs de soutien par la DGA gagneraient à être davantage connus. Pour ces raisons, nous proposons que la mission d’innovation participative soit citée dans le rapport annexé.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Votre intention est louable, mais je ne voudrais pas qu’on puisse, par ce biais, figer l’organisation du ministère qui, dans ces domaines, a vocation à rester très agile et souple. Je ne souhaite pas qu’on fige dans le marbre la mission d’innovation participative de la DGA : nous pourrons être amenés à l’améliorer ou même à proposer la création d’organismes encore plus efficaces, que je ne suis pas encore en mesure de vous détailler.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel DN410 du rapporteur.

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement DN143 de M. Bastien Lachaud.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels DN413, DN414 et DN412, du rapporteur.

Elle en vient à l’amendement DN266 de M. Patrick Hetzel.

M. Thibault Bazin. Les membres du comité Richelieu nous ont fait part des difficultés d’accès aux marchés que rencontrent les PME. Celles-ci ont des problèmes de lisibilité quand elles sont confrontées à de grands programmes de la DGA, sans oublier la nécessité de raccourcir les délais. C’est pourquoi nous proposons d’insérer, après l’alinéa 482, un alinéa prévoyant que le Gouvernement présentera un rapport au cours des six mois suivant la publication de la loi, portant sur l’amélioration de l’accès des PME au marché des industriels de défense, elles qui représentent, à elles seules, 55 % de l’emploi et plus de 95 % des entreprises du secteur de la défense.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. On nous a demandé de faire la chasse aux rapports… Le jour arrivera où le Gouvernement ne fera que rédiger des rapports ! Avis défavorable, même si je comprends votre préoccupation.

M. Laurent Furst. Je partage l’idée selon laquelle la chasse aux rapports est nécessaire mais une vraie question se pose : nous avons, en France, de grands groupes d’armements qui font un travail remarquable, et qui ont des sous-traitants ; mais nous avons aussi des PME, des entreprises de taille intermédiaire (ETI) qui ont du mal à accéder au marché de la défense et aux marchés publics. Or le développement de ces entreprises s’inscrit dans la logique de développement stratégique de l’industrie de l’armement. L’idée de nos collègues ne me paraît-elle pas dénuée de bon sens dans une perspective à long terme.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je n’ai pas dit que cet amendement était dénué de tout sens, mais je préférerais qu’au lieu de demander un rapport au Gouvernement, la commission de la Défense se saisisse du sujet, par exemple en créant une mission, afin qu’ainsi nous sachions de quelle manière faire avancer le dossier. Il nous revient, en tant que députés, de prendre nos responsabilités.

M. Laurent Furst. C’est une belle proposition.

M. Thibault Bazin. Je retire l’amendement et je précise que j’aurai plaisir à travailler au sein de la mission dont vous venez d’évoquer l’éventuelle création.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Il vous suffira d’être désigné par votre groupe… (Sourires.)

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement DN113 de M. Charles de la Verpillière.

M. Charles de la Verpillière. Le présent amendement est en réalité de précision. L’alinéa 483 rappelle que l’article 17 de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) ne contraindra pas les investissements du ministère des Armées. En tant que juriste, je considère que l’expression « ne contraindra pas » n’a pas de sens ; il vaudrait mieux la remplacer par les mots : « ne s’applique pas aux ».

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je suis tout à fait d’accord avec vous, mais je vais vous demander de retirer votre amendement puisque, dans quelques heures, j’aurai le plaisir de vous en présenter un autre qui gravera « dans le dur » le principe est vertu duquel l’article 17 de la LPFP ne s’appliquera pas aux investissements du ministère des Armées.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Avis défavorable. Je m’exprimerai plus tard sur la question.

L’amendement est retiré.

La commission en vient aux amendements identiques DN60 de M. Olivier Gaillard, et DN541 de la commission des Finances, qui font l’objet d’un sous-amendement DN537 du rapporteur.

M. Olivier Gaillard, rapporteur pour avis de la commission des Finances. L’objet de ces amendements est d’opter pour des termes plus conformes à la finalité de cette section du rapport annexé, qui est de renforcer l’information financière du Parlement et son action de contrôle de l’exécution budgétaire. Ainsi, l’intitulé « Contrôle du Parlement » serait préférable à « Dialogue avec le Parlement ».

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je ne suis pas vraiment favorable à cette formulation car le « contrôle du Parlement » peut être celui qu’il exerce ou celui qui s’exerce sur lui. Je préfère que l’on parle de contrôle et d’évaluation parlementaires. Je présente en conséquence un sous-amendement DN537 qui remplace, dans les amendements identiques, les mots « du Parlement » par le mot « parlementaire ».

M. Olivier Gaillard, rapporteur pour avis de la commission des Finances. Cela me convient !

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Avis favorable au sous-amendement et à aux amendements sous-amendés.

La commission adopte successivement le sous-amendement, puis les amendements identiques sous-amendés.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel DN415 du rapporteur.

Puis elle en vient à l’amendement DN61 de M. Olivier Gaillard.

M. Olivier Gaillard, rapporteur pour avis de la commission des Finances. Consolider l’information financière du Parlement et son pouvoir de contrôle de l’exécution de la loi de programmation militaire nécessite d’enrichir son action de contrôle au stade du règlement des comptes, au regard du calendrier et des objectifs résultant de la programmation militaire en vigueur.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Monsieur Gaillard, je vous propose de retirer cet amendement au profit de celui que je soutiendrai après l’article 6 pour demander au Gouvernement un bilan semestriel sur l’exécution de la LPM.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel DN416 du rapporteur.

Elle est ensuite saisie de l’amendement DN543 de la commission des Finances.

M. Olivier Gaillard, rapporteur de la commission des Finances. Cet amendement adopté par la commission des Finances, sur l’initiative de M. François Cornut-Gentille, vise à préciser le cadre dans lequel les éléments de réponse couverts par une classification de secret peuvent être transmis aux parlementaires, notamment aux rapporteurs spéciaux de la mission « Défense ».

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je comprends la démarche de M. François Cornut-Gentille, mais cet amendement pose un problème : lorsque nous interrogeons le ministère, il peut arriver que la note en réponse soit classifiée et que l’élément secret ne concerne qu’une information ou un chiffre. Je ne peux donc qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement DN122 M. Charles de la Verpillière.

M. Charles de la Verpillière. Monsieur le rapporteur, nous allons sans doute être amenés à retirer cet amendement qui fait double emploi avec celui que vous nous proposerez après l’article 6.

L’amendement DN122 vise à garantir les conditions et la mise en œuvre du contrôle par le Parlement de l’exécution de la loi de programmation sur la basse des règles fixées par les articles 7, 8, 9, et 10 de la loi de programmation militaire pour la période 2014-2019 : l’article 7 était relatif au contrôle exercé par les commissions parlementaires, l’article 8 concernait le bilan semestriel du ministre devant ces dernières, l’article 9 portait sur la transmission aux assemblées des travaux de la Cour des comptes sur le sujet, et l’article 10 prévoyait la présentation par le Gouvernement, lors du débat d’orientation budgétaire, d’un rapport annuel sur l’exécution de la LPM.

Si vous affirmez que tous les éléments des articles que je viens de citer sont repris dans votre amendement, y compris le contrôle sur pièces et sur place, nous retirerons le nôtre.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je vous le confirme.

L’amendement est retiré.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels DN417 et DN418, tous les deux du rapporteur.

L’amendement DN142 de M. Bastien Lachaud est retiré.

La commission adopte enfin l’article 2 et le rapport annexé modifiés.

La commission adopte enfin l’article 2 et le rapport annexé modifiés.

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*     *

Après l’article 2

La commission examine l’amendement DN101 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. La nuit a porté conseil et nous entrons dans le vif du sujet, puisque nous avons les trois horizons calendaires : 2030 et les grands programmes d’armement ; 2025 et les besoins financiers ; et 2023. Si nous devons nous mettre en conformité avec la loi de programmation des finances publiques (LPFP), la question qui se pose est celle-ci : devons-nous adapter notre ambition pour nos armées à la loi de programmation de finances publiques ou, à l’inverse, établir les priorités budgétaires en fonction de cette ambition ?

Les trajectoires peuvent sembler incohérentes au regard de nos ambitions, si on les traduit concrètement en contrats opérationnels, ce qui était une tradition et une manière claire de présenter les choses pour nos armées. À la page 15 du rapport annexé, nous voyons que l’ambition est déclinée en contrats opérationnels à horizon 2030, tandis que les moyens et les ressources sont respectivement prévus jusqu’en 2025 et 2023.

Pour contrôler l’exécution de la loi de programmation militaire et clarifier ce que nous demandons à nos armées en termes de capacité d’engagement, il serait bon que le rapport annexé précise les contrats opérationnels en cohérence avec les ressources budgétaires à horizon 2023. Nos armées ont connu un dépassement systématique des contrats opérationnels pour la période 2014-2018. Clarifions les contrats opérationnels car qui peut le plus, peut le moins. Déclinons ces contrats opérationnels non pas en 2030 mais en 2023 et en 2025, pour que nous puissions bien mesurer, au fur et à mesure, là où nous en sommes. Il s’agit de la lisibilité des engagements demandés à nos armées et de répondre à l’ambition affichée.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Plus je vous écoutais et plus j’avais l’impression que vos propos étaient de moins en moins lisibles. Les contrats opérationnels sont définis par la Revue stratégique de défense et de sécurité nationale. Ils sont dépendants de l’Ambition 2030 et non pas d’un calendrier 2023, 2025 ou 2030. Une fois ces contrats opérationnels définis, nous prévoyons les moyens budgétaires afférents. J’émets donc un avis défavorable à votre amendement.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis. Les contrats opérationnels sont fixés pour la période. Les moyens et les ressources budgétaires progressent en fonction des deux objectifs de la loi de programmation militaire : dans un premier temps, réparer le passé ; dans un deuxième temps, préparer l’avenir. Il n’y a pas lieu de procéder ainsi que vous l’indiquez. Le contrat opérationnel est déterminé pour la période de la programmation.

M. Thibault Bazin. Le rapport annexé mentionne bien 2030.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Nous faisons référence à la revue stratégique, non au rapport annexé.

M. Thibault Bazin. En face de ces contrats opérationnels, vous mettez des équipements dont certains seront livrés après 2025. On voit bien que tout ne tiendra pas dans ces contrats opérationnels. Je maintiens mon amendement.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Comme hier, je rappelle que ce n’est pas en une, deux, voire trois années, que nous allons combler la déflation des effectifs et l’absence de commandes de matériels des quinze années précédentes.

La commission rejette l’amendement.

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Article 3
Moyens de la politique de défense

La programmation est assortie de ressources budgétaires détaillées jusqu’en 2023, c’est-à-dire jusqu’à la fin du quinquennat. Ces ressources budgétaires sont exprimées en milliards d’euros de crédits de paiement, hors charges de pensions. Entre 2019 et 2023, 197,8 milliards d’euros seront ainsi consacrés à la mission « Défense », c’est-à-dire au budget des armées stricto sensu, hors des crédits affectés aux anciens combattants ou à la gendarmerie nationale. Cette hausse sera progressive : 1,7 milliard d’euros par an jusqu’en 2022, puis trois milliards d’euros en 2023.

La programmation 2019-2015 ne repose sur aucune ressource exceptionnelle. Le rapport annexé précise par ailleurs que les recettes issues de cessions seront intégralement conservées par le ministère des Armées. ([110]) Plus particulièrement, les produits de cessions immobilières et les redevances d’occupation du domaine seront affectés prioritairement au financement des infrastructures de défense. ([111])

En application de l’article 22 de la loi de programmation des finances publiques 2018-2022 ([112]), le Gouvernement s’assure, dans le rapport annexé, de la cohérence entre la LPFP et le présent projet de loi de programmation militaire. Il rappelle ainsi que la LPFP fixe une trajectoire ambitieuse de baisse du niveau des prélèvements obligatoires (- 1 point de PIB), du niveau des dépenses publiques (‑3 points de PIB) et du niveau de la dette publique (- 5 points de PIB). Dans ce contexte, le ministère des Armées bénéficiera d’un effort financier qualifié d’exceptionnel. Le rapport annexé confirme que l’évolution des effectifs prévue par le projet de loi de programmation militaire est conforme aux plafonds fixés par l’article 15 de la LPFP.

L’article 3 précise enfin que « les crédits budgétaires pour 2024 et 2025 seront précisés par des arbitrages complémentaires dans le cadre des actualisations prévues à larticle 6, prenant en compte la situation macroéconomique à cette date ainsi que lobjectif de porter leffort national de défense à 2 % du PIB en 2025 ».

*

La commission examine, en discussion commune, l’amendement DN448 du rapporteur, les amendements DN115, DN121 et DN114 de M. Charles de la Verpillière, l’amendement DN123 de M. Thibault Bazin, l’amendement DN246 de M. Joaquim Pueyo, et l’amendement DN116 de M. Charles de la Verpillière.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je propose de présenter mon amendement en dernier car, s’il était accepté, il ferait tomber tous les autres. Je vous donne la parole, Monsieur de la Verpillière, à condition que votre intervention soit succincte.

M. Charles de la Verpillière. Je n’ai pas l’habitude d’être très long, Monsieur le président.

Le groupe Les Républicains trouve tout à fait malvenue cette césure entre les périodes 2019-2022 et 2023-2025. Il faudrait faire apparaître que l’exécution de la LPM et les objectifs seront atteints sur la totalité de la période. De la même façon, la distinction entre les crédits budgétaires pour la première période et les besoins pour la seconde est artificielle. En réalité, c’est une façon de masquer que l’effort sera essentiellement accompli pendant la période 2023-2025. En cohérence avec ce que nous avons dit précédemment, nous proposons qu’il n’y ait qu’un seul tableau et que cela apparaisse dans l’alinéa 1 où la date de 2023 serait remplacée par 2025 pour marquer la continuité.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Votre amendement DN121 est-il également défendu, Monsieur de la Verpillière ?

M. Charles de la Verpillière. Oui, je vais le présenter car il est essentiel. Madame la ministre, vous nous avez indiqué que le service national universel, s’il est mis en place, n’aura pas d’impact sur la LPM et son exécution. Nous voudrions le faire apparaître en inscrivant dans l’alinéa 1 de l’article 3 que les crédits dont nous parlons s’entendent hors charges de pensions et hors contribution du ministère des armées au service national universel. C’est la confirmation de vos propos, Madame la ministre, et il nous semble qu’il faut tout simplement l’écrire.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Monsieur de la Verpillière, nous n’allons pas reprendre le débat que nous avons eu la nuit dernière. Je veux bien vous donner la parole pour préciser votre pensée, mais si vous recommencez le même débat, je présente dès maintenant mon amendement qui fera tomber tous les autres.

M. Charles de la Verpillière. Si vous voulez nous empêcher de nous exprimer, c’est très facile !

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je peux quand même dire ce que je pense !

M. Charles de la Verpillière. C’est vous qui me reprochez de parler. C’est tout de même un comble !

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je vous dis que si j’appliquais le règlement, j’aurais présenté et fait voter mon amendement et tous les suivants seraient tombés. Dans un souci de pédagogie, je vous donne la parole. Si c’est pour reprendre le débat de la nuit passée, étant donné l’objectif que nous nous sommes fixé de finir avant quinze heures, je ne referai plus de telles propositions.

M. Charles de la Verpillière. Monsieur le président, j’ai parlé quarante-cinq secondes !

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Certes, mais nous avons 221 amendements à examiner. Voulez-vous présenter votre amendement DN114 ?

M. Charles de la Verpillière. Il est dans la droite ligne des précédents : nous proposons qu’un tableau unique couvre sans distinction toute la période 2019-2025.

M. Thibault Bazin. À travers l’amendement DN123, je souhaite exprimer un profond désaccord sur la trajectoire budgétaire. Prenons une image. C’est comme si nous avions une pente de 15,8 milliards d’euros à gravir. L’idée est de la découper en sept marches à peu près équivalentes, d’environ 2,3 milliards chacune. Nous proposons une progression régulière des crédits budgétaires – 36,5 milliards d’euros en 2019, 38,8 milliards en 2020, 41,1 milliards en 2021, etc. – afin d’éviter un « mur » budgétaire ultérieur. Dans ces conditions, nous pourrions vraiment croire que le budget de la défense nationale représentera 2 % du PIB en 2025.

M. Joaquim Pueyo. Notre amendement DN246 vise deux objectifs : proposer des engagements de dépense fermes pour la période 2019-2025 ; favoriser une augmentation moins brutale des crédits de la mission « Défense » pour les années 2023, 2024 et 2025, tout en faisant en sorte que le budget de la défense représente vraiment 2 % du PIB en 2025.

Dès lors, pourquoi ne pas assurer de manière ferme l’ensemble des financements sur la période, en évitant de faire peser d’inutiles incertitudes sur le paiement des programmes d’armement ? Cette nouvelle répartition des crédits permettrait de concrétiser l’engagement dans la durée, donc d’éviter des hypothèses qui grèveraient notamment le programme 146 « Équipement des forces ».

M. Charles de la Verpillière. Notre amendement DN116 se situe dans la droite ligne de mes propos précédents : il faut sécuriser la trajectoire financière pour l’ensemble de la période.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Mon amendement DN448 est rédactionnel. Il maintient, effectivement, la montée en puissance des crédits de paiement de la mission « Défense », comme prévu à l’article 3 de la LPM. Le tableau s’arrête en 2023, conformément à ce qui a été dit.

De l’avis de l’ensemble des personnes auditionnées ici et des responsables militaires, cette LPM dont les crédits augmentent fortement – 1,8 milliard d’euros cette année et 1,7 milliard d’euros supplémentaires tous les ans, pendant les quatre années suivantes au moins – permet mieux d’envisager l’avenir de nos armées que les précédentes qui étaient marquées par la rigueur budgétaire, la baisse des crédits et la déflation des effectifs.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. J’émets un avis favorable sur l’amendement DN448 et un avis défavorable sur tous les autres.

Nous avons programmé des ressources budgétaires « en dur », de manière ferme, pour les années 2019 à 2023. En 2021, une clause de rendez-vous permettra de définir plus précisément la marche à suivre pour que le budget de la défense atteigne 2 % du PIB en 2025.

En réalité, la progression en pourcentage des moyens prévue par la LPM est régulière. Il n’y a pas deux périodes, l’une pendant laquelle la progression serait modeste et l’autre pendant laquelle elle serait rapide. Les crédits consacrés à la mission « Défense » progresseront d’environ 5 % entre 2019 et 2022 et de quelque 7 % au cours de la deuxième période. Il n’y a pas de changement de paradigme : ces crédits augmentent chaque année.

Il n’y a donc pas lieu de modifier ce qui est proposé : une programmation des crédits fermes jusqu’en 2023, une clause de revoyure en 2021 permettant de déterminer la suite de la trajectoire.

M. François André. Les bras m’en tombent quand j’entends nos collègues, notamment ceux du groupe Les Républicains, proposer cette série d’amendements qu’on pourrait réunir sous la maxime « faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais ». J’invite les uns et les autres à regarder dans le rétroviseur pour analyser la trajectoire qui nous est proposée. On peut considérer que cette trajectoire est imparfaite, mais on veut qu’elle soit soutenable. Les crédits sont en hausse régulière et constante, mais ils doivent rester soutenables, compte tenu de l’état général de nos finances publiques.

J’invite nos collègues du groupe Les Républicains à se souvenir que la LPM 2009-2014 se décomposait en deux parties : les crédits étaient sabrés durant la première période et ils remontaient pour le début du quinquennat suivant. Idem pour les diminutions d’effectifs : près de 55 000 emplois ont été supprimés au cours des deux programmations précédentes, dont 36 000 sont à mettre au débit de la LPM 2009-2014.

Il est normal que nous débattions ici d’amendements qui veillent tous, je le crois, à consolider la place de nos armées. Cela étant, n’oublions pas que la soutenabilité des finances publiques est aussi au cœur de nos préoccupations et de celles de nos concitoyens.

M. Jacques Marilossian. Je m’étonne que personne ne relève un évident principe de réalité, et je me demande si certains, ici, ont eu l’habitude de gérer des budgets : si vous donnez trois milliards d’euros à la marine – ou à l’armée de l’air ou à l’armée de terre –, cela ne veut pas dire qu’elle pourra les utiliser dans l’année. Les responsables des programmes relatifs à l’immobilier et aux infrastructures, que j’ai pu interroger, m’ont confirmé qu’il fallait deux à trois ans pour engager les fonds accordés, compte tenu des procédures – notamment les appels d’offres – à respecter. Il en va de même pour les commandes de matériels. Si vous commandez trente Rafale aujourd’hui, ils ne seront livrés pas dans l’année !

Il me paraît donc tout à fait logique que la trajectoire prévoit des budgets supplémentaires à partir de 2023 : c’est à partir de ce moment-là qu’arriveront les réalisations de travaux ou les commandes de matériels. C’est un problème plus pratique que budgétaire.

M. Charles de la Verpillière. Il ne faut pas que nos collègues du groupe La République en Marche s’énervent. M. André m’accuse de ne pas regarder dans le rétroviseur. Si je regarde dans le rétroviseur, je vois M. André, élu député socialiste en 2012, qui a voté la LPM de 2013.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Qui était meilleure que la précédente, mes chers collègues…

La commission adopte l’amendement DN448, et l’article 3 est ainsi rédigé.

En conséquence, les amendements DN115, DN121, DN114, DN123, DN246 et DN116 tombent.

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*     *

Article 4
Provision au titre des surcoûts OPEX et MISSINT

L’article 4 du présent projet de loi fixe une trajectoire de revalorisation progressive de la provision annuelle au titre des opérations extérieures, conformément à la démarche de sincérisation dans laquelle s’est engagé le Gouvernement à partir du projet de loi de finances pour 2018.

Cette provision s’entend hors des crédits de masse salariale inscrits en loi de finances au titre des missions intérieures. Le rapport annexé précise que ceux-ci font l’objet d’une autre provision annuelle à hauteur de 100 millions d’euros (alinéa 474).

La provision prévue à l’article 4 est assortie d’une double clause de sauvegarde favorable au ministère des Armées, prévue à l’alinéa 3 de cet article :

1.– les surcoûts nets (c’est-à-dire hors investissements, hors crédits de masse salariale inscrits en loi de finances au titre des missions intérieures, et une fois perçus les remboursements dus par les organisations internationales) font l’objet d’un financement interministériel ;

2.– l’excédent éventuel constaté en fin d’année est conservé par le budget des armées.

Il s’agit de garantir que les surcoûts constatés au-delà des deux provisions fixées en loi de finances initiale seront bel et bien pris en charge au titre de la solidarité interministérielle et que le ministère des Armées pourra conserver l’excédent éventuel constaté sur le périmètre de la provision OPEX-MISSINT, hors des crédits de titre 2 provisionnés pour les missions intérieures. Cette innovation par rapport à la précédente loi de programmation tient compte de l’inertie à court terme de certaines dépenses liées aux opérations, même en réduisant l’engagement opérationnel.

Le fonctionnement de cette double clause de sauvegarde est détaillé dans l’introduction générale du présent rapport.

Enfin, l’alinéa 4 reprend les dispositions présentes à l’article 4 de la LPM 2014-2019 complétées par l’article 3 de la loi d’actualisation de 2015, qui garantissent que le Parlement sera régulièrement destinataire d’éléments de bilan opérationnels et financiers relatifs aux opérations extérieures et aux missions intérieures. Ces dispositions ayant été inégalement mises en œuvre sous la précédente programmation, il sera particulièrement nécessaire de veiller à ce qu’elles soient effectivement appliquées.

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La commission adopte l’amendement rédactionnel DN475 du rapporteur.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement DN117 de M. Charles de la Verpillière.

Elle en vient ensuite à l’amendement DN175 de M. M’jid El Guerrab.

M. M’jid El Guerrab. Cet amendement, qui ne modifie ni le volume ni les provisions globales pour les opérations extérieures (OPEX), vise à lisser les montants et à mettre fin à une sous-budgétisation qui aurait des conséquences particulièrement néfastes. L’attentat survenu le 2 mars dernier à Ouagadougou, dans ma circonscription, qui ciblait l’ambassade de France, illustre la montée en puissance de la menace terroriste à laquelle sont confrontés les pays du G5 Sahel. Le rôle de soutien de la France, engagée au Sahel depuis 2014, reste indispensable le temps de permettre aux États partenaires d’acquérir et d’assurer leur sécurité de façon autonome.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. La provision pour les OPEX, qui représente 650 millions d’euros cette année, passera à 850 millions l’an prochain et à 1,1 milliard à partir de 2020, ce qui est légèrement supérieur à ce que vous prévoyez. Cette provision ne va pas financer l’intégralité des engagements pris par le président de la République en matière d’OPEX, ce qui ne pose aucune difficulté pour assurer les engagements du président de la République. Si le montant de cette provision ne suffisait pas, un financement interministériel, auquel participerait le ministère des Armées, viendrait le compléter.

Avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement DN220 de M. Alexis Corbière.

M. Alexis Corbière. Il s’agit de rédiger la deuxième phrase de l’alinéa de la manière suivante : « Cette provision est établie à 650 millions d’euros par an », ce qui nous paraît une juste hauteur. Nous ne voulons pas qu’il y ait une sous-budgétisation des OPEX.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement DN118 de M. Charles de la Verpillière.

M. Charles de la Verpillière. L’alinéa 3 de cet article envisage deux hypothèses : celle où la provision OPEX serait suffisante et celle où elle ne le serait pas. Si cette provision de 1,1 milliard d’euros était insuffisante, il est prévu un financement interministériel. Nous voudrions préciser que, dans ce cas-là, le budget des armées ne participera pas au financement interministériel.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. C’est un débat récurrent, qui nous oppose car je considère que le ministère des Armées doit prendre sa part au financement interministériel. Je comprends votre souci, mais je ne peux accepter l’un des arguments de votre exposé sommaire, qui consiste à dire que le ministère des Armées paierait deux fois. Si la provision est dépassée, la loi dit que le supplément est financé en interministériel, donc aussi, entre autres, par le ministère des Armées. Avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis.

M. Charles de la Verpillière. Nous maintenons cet amendement.

Monsieur le président, je ne sais pas si vous êtes le rapporteur ou le président, mais si vous pouviez arrêter de faire des commentaires sur l’exposé sommaire de nos amendements, ce serait bienvenu.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Le rapporteur peut s’exprimer, Monsieur le député !

M. Charles de la Verpillière. Alors, ne présidez pas !

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. La possibilité existe de faire les deux. Je l’ai choisie et cela a été accepté.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel DN476 du rapporteur.

Puis elle aborde l’amendement DN29 de M. M’jid El Guerrab.

M. M’jid El Guerrab. Par cet amendement, il s’agit de renforcer le contrôle du Parlement sur la LPM, mission qui lui est d’ailleurs très formellement reconnue par l’article 24 de la Constitution, aux termes duquel le Parlement vote la loi, contrôle l’action du Gouvernement et évalue les politiques publiques.

Cette disposition constitutionnelle a été révisée et complétée en 2008, selon les indications du comité Vedel de 1993. Dans le même sens, la portée de l’article 35 de la Constitution mériterait d’être sensiblement renforcée.

Avec cet amendement, il s’agit de contribuer à l’affermissement des obligations incombant à l’exécutif vis-à-vis des assemblées en matière d’information quant aux OPEX et aux missions intérieures. Cela ne doit plus être le domaine réservé de l’exécutif.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je trouve votre demande – un rapport tous les six mois au lieu d’un an – un peu excessive. Si l’on vous suivait, le Gouvernement ne ferait plus faire que des rapports…

Après l’article 6, je présenterai un amendement sur le contrôle parlementaire. Je vous propose de retirer le vôtre au profit du mien.

M. M’jid El Guerrab. Avec grand plaisir.

L’amendement est retiré.

La commission examine les amendements identiques DN64 de M. Olivier Gaillard et DN545 de la commission des Finances.

M. Olivier Gaillard, rapporteur pour avis de la commission des Finances. Cet amendement vise à préciser que les commissions des Finances et de la Défense seront toutes deux destinataires du bilan opérationnel et financier des OPEX et des missions intérieures (MISSINT), prévu par le présent article

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. S’agissant d’un bilan opérationnel et financier, les commissions compétentes sont effectivement celles des Finances et de la Défense. Votre amendement est satisfait par la formulation actuelle de l’article 4. Comme vous ne pouvez retirer un amendement déposé au nom de votre commission, je suis contraint d’émettre un avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis.

La commission rejette les amendements.

Les amendements DN176, DN177 et DN188 de M. M’jid El Guerrab sont retirés.

La commission est saisie des amendements identiques DN248 de M. Joaquim Pueyo et DN544 de la commission des Finances.

M. Joaquim Pueyo. À l’alinéa 4, je propose que soient insérés les mots « au plus tard le 30 juin » après le mot « année ». Le Parlement est toujours intéressé par le fait de disposer d’une information actualisée au cours de la période budgétaire. Trop souvent, des dépenses d’OPEX font l’objet de multiples décrets d’avance au cours des derniers mois de l’année. Il me semble donc souhaitable que le Parlement dispose d’une information actualisée en milieu d’année. Je propose le 30 juin, mais cela peut évidemment être le 1er septembre. Cela permettrait d’avoir une information plus précise sans attendre la fin de l’année.

M. Olivier Gaillard, rapporteur pour avis de la commission des Finances. Cet amendement vise également à fixer au 30 juin la date limite de remise au Parlement du bilan opérationnel et financier des OPEX et des MISSINT.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je m’en remets à la sagesse de la commission, en attendant l’avis du Gouvernement.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Avis favorable.

La commission adopte les amendements.

Puis elle étudie l’amendement DN221 de M. Alexis Corbière.

M. Bastien Lachaud. Le fait que le Gouvernement propose de dresser un bilan opérationnel et financier des OPEX et des missions intérieures est une bonne chose. Néanmoins, il n’est pas fait mention de l’usage qui en sera fait.

Nous demandons par conséquent que ce rapport donne lieu à un débat en séance publique au Parlement et que les commissions compétentes puissent émettre un avis sur la poursuite de ces opérations. Actuellement, en vertu de l’article 35 de la Constitution, le Parlement est saisi après le début de l’intervention pour un débat qui ne donne pas lieu à un vote. Il est arrivé, dans le passé, que certaines OPEX ne donnent même pas lieu à débat. Nous voulons réaffirmer que le Parlement peut émettre un avis non contraignant sur les OPEX. En tout cas, il est prévu qu’un débat puisse avoir lieu tous les ans sur ces OPEX.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je comprends votre idée, Monsieur le député, mais votre proposition revient à étendre le pouvoir de contrôle du Parlement sur l’action du Gouvernement. Nous sommes ici quelque peu en dehors du champ de la LPM… Avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis.

M. Bastien Lachaud. Vous allez un peu loin en parlant d’extension du champ de contrôle du Parlement. Nous nous contentons d’expliciter le principe selon lequel le Parlement peut décider, dans le cadre de sa fonction de contrôle, d’organiser un débat sur les rapports fournis par le Gouvernement. Il peut déjà le faire au cours des semaines de contrôle ; nous proposons seulement d’institutionnaliser cette pratique. Il n’y a rien là qui aille au-delà de ce que permet la Constitution.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Vous écrivez tout de même – je cite le texte de l’amendement, et non son exposé sommaire – que les commissions compétentes, à l’issue du débat, « émettent un avis auprès du Premier ministre sur la poursuite ou l’arrêt des opérations extérieures et missions intérieures ».

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel DN477 du rapporteur.

Puis elle examine l’amendement DN87 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Étant donné l’impact financier des OPEX au cours des dernières années et le nombre de conflits dans lesquels nos forces sont et seront engagées, il convient de savoir quelle est vraiment la participation financière des organisations internationales sur chacun des théâtres d’opération, au regard de leur coût global. En se focalisant sur les surcoûts nets dans la LPM, on peut oublier certains éléments. On voit bien qu’il y a des impacts sur l’usure. Il faut éviter d’avoir une seule vision de ces surcoûts nets, qui sera forcément tronquée, ce qui permettra de mieux appréhender les efforts demandés à nos armées au regard des engagements prévus dans la LPM.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Ce que vous demandez, c’est l’objet même des rapports budgétaires ou pour avis publiés tous les ans dans le cadre de loi de finances initiale : par M. Claude de Ganay pour notre commission et par M. Olivier Gaillard pour la commission des Finances. Votre amendement est donc satisfait.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis.

M. Thibault Bazin. Ayant toute confiance en mon collègue Claude de Ganay, je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 4 modifié.

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Article 5
Effectifs

L’article 5 organise une remontée en puissance progressive des effectifs au ministère des Armées. 3 000 nouveaux emplois seront ainsi créés d’ici 2023, dont 1 500 au titre de cette dernière année 2023. En tout, 6 000 postes devront être créés d’ici 2025. Les effectifs supplémentaires seront affectés de manière ciblée  pour répondre aux besoins prioritaires, détaillés dans l’introduction générale du présent rapport.

Les effectifs du ministère des Armées s’élèveront ainsi à 271 936 agents en équivalents temps plein en 2023, avec l’objectif d’atteindre 274 936 agents en 2025. D’après le rapport annexé, le périmètre retenu porte sur les seuls emplois financés par les crédits de personnel de la mission « Défense » (qui inclut, depuis 2015, les crédits de personnel de la mission « Ancien combattants »), hors apprentis, hors volontaires du service militaire volontaire et hors service industriel de l’aéronautique.

Il convient de rappeler qu’en loi de programmation militaire, les trajectoires d’effectifs sont exprimées en équivalent temps plein emploi (ETPE) et non en équivalent temps plein travaillé (ETPT), unité de référence en loi de finances et qui tient compte plus précisément de la quotité de travail (temps plein / temps partiel) et de la période d’activité (nombre de mois dans l’année par exemple).

Le rapport annexé précise que cette trajectoire d’effectifs ne prend pas en compte la mise en place éventuelle d’un service national universel.

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La commission adopte l’amendement rédactionnel DN495 du rapporteur.

Puis elle examine l’amendement DN241 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Le service industriel étatique de maintenance des aéronefs militaires (SIAé) doit pouvoir augmenter ses effectifs sans faire naître de contrainte sur les effectifs du ministère de la défense, vu les enjeux extérieurs.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je rappelle que le SIAé fonctionne comme une entreprise. Son budget est retracé sur le compte de commerce des exploitations industrielles des ateliers aéronautiques de l’État. Il procède donc à ses recrutements de manière autonome.

Par ailleurs, comme l’a rappelé la ministre hier soir, les dispositions relatives à la trajectoire des effectifs de la Défense s’entendent hors apprentis, hors volontaires du service militaire volontaire (SMV), hors SIAé. Avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis. Les effectifs du SIAé ne s’imputent pas sur les plafonds d’emploi, mais sont rémunérés par des crédits du titre 3.

L’adoption de votre amendement restreindrait les capacités de croissance des effectifs dans d’autres domaines au ministère des Armées, y compris dans des domaines définis comme prioritaires.

Par ailleurs, la situation actuelle ne porte en rien atteinte aux effectifs du SIAé.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement DN88 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Nous ressentons des difficultés à recruter. Depuis trois à quatre mois, un essoufflement des candidatures s’observe. Dans des métiers comme celui des officiers spécialistes en informatique, on ne sait répondre aux attentes. Les salaires sont peu concurrentiels, non seulement pour les informaticiens, mais aussi pour les juristes et les gestionnaires de ressources humaines (RH).

L’augmentation prévisionnelle de 6 000 personnes par vagues de 1 500 peut conduire le ministère des Armées se heurter à un « mur RH ». C’est pourquoi mon amendement propose une trajectoire d’augmentation, par vagues d’environ 850 personnes. En étalant dans le temps les renforts, l’amendement rend plus réaliste l’objectif affiché.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Votre suggestion est louable, mais appelle deux remarques. D’autres amendements, du Gouvernement ou de députés, visent à améliorer l’attractivité de nos armées et à en fidéliser les personnels. En outre, votre amendement présente le grand défaut de n’être pas compatible avec les plafonds fixés par la loi de programmation des finances publiques adoptée fin 2017.

Avis défavorable, donc.

M. Thibault Bazin. Je trouve dommage de se laisser brider par la loi de programmation des finances publiques. Il nous revient plutôt de mettre les moyens pour réaliser les objectifs affichés.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. La loi de programmation des finances publiques s’impose à tous.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 5 modifié.

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Après l’article 5

La commission examine l’amendement DN103 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Depuis 2017, il n’y a pas vraiment de programmation pluriannuelle pour les infrastructures, alors qu’auparavant elle se faisait avec une visibilité de trois à cinq ans. Or, cela impacte directement les conditions de vie de nos militaires, comme nous avons pu le constater au cours des travaux de la mission d’information relative à l’exécution des crédits de la LPM en cours. Sur les 600 points noirs alors constatés, il en reste encore la moitié, ce qui s’explique par un retard de trois à quatre milliards d’euros pour l’entretien courant.

Madame la ministre, vous nous avez annoncé hier une augmentation des crédits d’environ 36 %. Mais si l’on divise ces montants nouveaux par la durée de la LPM, il n’y a pas de réel rattrapage. Je propose donc une programmation plus soutenue des crédits d’entretien.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Avis défavorable. Le projet de loi prévoit d’y allouer un bon milliard d’euros de plus que les lois de programmation antérieures. Nous ne pouvons rajouter 800 millions supplémentaires !

M. François André. Plutôt que de réfléchir aux moyens d’augmenter encore plus les crédits de la LPM, nous pourrions chercher à comprendre comment nous avons pu en arriver à ces 600 points noirs détectés par le ministre Le Drian, lorsqu’il a décidé d’entamer la rénovation des infrastructures de vie.

M. Thibault Bazin. Je n’étais pas député à cette époque, pour ma part. Puisque ce projet de loi de programmation se veut « à hauteur d’homme » et que nous cherchons à améliorer les conditions de vie de nos militaires, nous ne devons pas nous en tenir aux seuls équipements. Le retard accumulé représente trois à quatre milliards d’euros, pour une dépense d’entretien annuelle d’environ 1,25 milliard. Ce n’est pas avec quelques centaines de millions d’euros que nous pourrons le résorber. Or cette question affecte directement le moral de nos militaires.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. C’est précisément pour cela qu’une augmentation d’un milliard d’euros est prévue. En outre, votre amendement fait indubitablement naître de nouvelles dépenses.

La commission rejette l’amendement.

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Article 6
Actualisation

L’unique alinéa de l’article prévoit que les trajectoires fixées aux articles 3 et 5 seront complétées pour les années 2024 et 2025 dans le cadre d’actualisations dont l’une aura lieu avant la fin de l’année 2021. L’article précise que d’autres actualisations pourraient avoir lieu et que « ces actualisations permettront de vérifier la bonne adéquation entre les objectifs fixés dans la présente loi, les réalisations et les moyens consacrés. »

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La commission adopte l’amendement rédactionnel DN500 du rapporteur.

Puis elle examine l’amendement DN30 de M. M’jid El Guerrab.

M. M’jid El Guerrab. Par cet amendement, il s’agit de renforcer le contrôle du Parlement sur les actualisations de la loi de programmation militaire. En prévoyant qu’un rapport sur ce sujet est établi par une mission d’information parlementaire dans chaque assemblée, la loi étayerait la mise en œuvre de la mission de contrôle formellement confiée au Parlement par l’article 24 de la Constitution.

De cette manière, les assemblées pourraient enfin examiner la concrétisation de la LPM et, par suite, juger en toute connaissance de cause des actualisations opérées par le Gouvernement, qui comportent par nature une certaine imprécision. Je propose donc de renforcer les obligations incombant à l’exécutif vis-à-vis des assemblées en matière d’information, en leur donnant un droit de regard sur les ajustements qui seront faits, en fonction de l’évolution des circonstances de droit et de fait.

Ces actualisations peuvent en effet être rien moins qu’anodines, d’où la nécessité d’un contrôle parlementaire accru.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je vous remercie de l’intention que vous formulez. L’article 40 du règlement de notre assemblée dispose toutefois que chaque commission est maîtresse de ses travaux. Il n’est donc pas question que nous soit imposée la création d’une mission d’information par la loi. Avis défavorable, donc.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite les amendements identiques DN546 de la commission des Finances et DN65 de M. Olivier Gaillard.

M. Olivier Gaillard, rapporteur pour avis au nom de la commission des Finances. Ces amendements ont pour objet de clarifier la rédaction du présent article.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Permettez-moi de rappeler les termes de cet article : « La présente programmation fera l’objet d’actualisations, dont l’une sera mise en œuvre avant la fin de l’année 2021. »

L’expression « l’une » a un sens différent de « la première » en ce qu’elle laisse ouverte la possibilité qu’il y ait deux, voire plusieurs actualisations avant la fin de 2021, en fonction de l’évolution internationale, par exemple en cas d’événements exceptionnels. Avis défavorable.

L’amendement DN65 est retiré.

La commission rejette l’amendement DN546.

Puis elle se penche sur l’amendement DN89 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Une clause de rendez-vous est prévue en 2021, afin de faire le point sur les actualisations de la LPM. Encore une demande de rapport, me direz-vous, mais je trouve cela préférable à une mission d’information, car nous peinons à obtenir les données budgétaires nécessaires à notre réflexion. Alors que nous sommes déjà en mars 2018, nous ne disposons pas encore des chiffres objectifs de l’exécution budgétaire de 2017.

Nous devons donc prendre date pour 2021, en demandant par avance au Gouvernement, à cette date, les engagements effectifs pour 2019 et 2020.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Votre amendement me semble satisfait par l’article 4. En outre, nous reviendrons, après l’article 6, sur la question du contrôle parlementaire. Enfin, nos collectivités territoriales elles-mêmes ne disposent pas, en mars, des comptes définitifs de l’année écoulée. Ne reprochons pas au Gouvernement de ne pas faire mieux !

Avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. J’ajoute que vous disposerez, comme chaque année, du projet de loi de règlement avant le 1er juin.

M. Thibault Bazin. J’ai été maire pendant neuf ans, et j’ai toujours fait voter les comptes administratifs avant le budget de l’année suivante, soit en mars. Si l’on travaille bien avec les trésoreries, on peut déjà disposer des éléments nécessaires en février. Il est au demeurant difficile d’élaborer un budget si les comptes de l’année précédente ne sont pas connus.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement DN178 de M. M’jid El Guerrab.

M. M’jid El Guerrab. Cet amendement, relatif à l’actualisation, est à la fois de fond et de bon sens. Il me semble que la révision prévue en 2021 devrait avoir lieu plutôt en début d’année qu’en fin d’année. Comme nous l’avons vu l’an dernier, les campagnes présidentielles commencent de plus en plus tôt, et il est souhaitable d’épargner à nos armées, autour desquelles nous devons tous être unis, de livrer la discussion sur leur avenir à des logiques partisanes.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Encore un rapport ! J’aurais tendance à donner un avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis.

M. Jean-Christophe Lagarde. À défaut de soutenir l’amendement lui-même, je soutiendrai son esprit. Le rythme des débats à organiser est un sujet qui n’a pas sa place dans la LPM. En revanche, et comme je le disais devant notre groupe, une clause de rendez-vous en 2021 contribue à la démarche de sincérisation budgétaire.

Tant pour des questions de trajectoire – puisque nous serons alors à mi-parcours – que pour les questions de campagne électorale évoquées, ce débat me semble devoir avoir lieu au premier semestre. On pourrait donc supprimer la première phrase de l’amendement.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Je pense que cette possibilité est laissée ouverte par la rédaction de l’article 6, qui se borne à prévoir une révision avant la fin de l’année 2021. Vous souhaitez « cranter » la démarche au premier semestre 2021. Pour ma part, je ne suis pas sûre que nous aurons la capacité d’informer le Parlement avant la fin du premier semestre, et je trouve dommage de restreindre par anticipation le niveau d’information du Parlement.

Par ailleurs, la discussion budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2022 aura lieu à l’automne 2021. Le débat sur l’actualisation de la programmation militaire devra se tenir, à mon sens, juste avant cette discussion.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 6 modifié.

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*     *

Après l’article 6

La commission examine l’amendement DN501 du rapporteur.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je vous avais annoncé hier mon intention de déposer un amendement portant article additionnel relatif à l’article 17 de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2018 à 2022. Cet amendement énonce que la mission « Défense » est exclue du champ d’application de cet article. Nul besoin de vous lire l’exposé sommaire, tant la formulation est dépourvue d’ambiguïté.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Le rapport annexé au projet de loi expose, en son point 4.3 relatif aux mécanismes assurant une exécution conforme de la LPM, que « cette disposition programmatique de la LPFP ne contraindra pas les investissements du ministère des Armées ». Il n’y a rien à ajouter. Pour cette raison, je m’en tiendrai à la rédaction initiale du Gouvernement. Avis défavorable.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je suis prêt à soutenir cet amendement, dont je devine l’intention. Mais je soulèverai un problème de forme : nous pourrions disposer sur nos tablettes du libellé de cet article 17 du champ d’application duquel nous voulons exclure la mission « Défense ». Sur le fond, je suis favorable.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Nous n’affectons pas les articles des codes que nous modifions ! Il est inutile de faire encore gonfler les liasses. Je rappelle que la loi de programmation des finances publiques dispose que les restes à payer seront plafonnés au niveau actuel. Pour l’ensemble de l’État, ils s’élèvent à environ 100 milliards d’euros, dont la moitié pour la mission « Défense », de sorte que l’application stricte de cet article pourrait contraindre les investissements militaires les plus lourds susceptibles d’être lancés : programme du porte-avions, programme des quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins… Le lancement même de ces programmes pourrait en subir les conséquences, comme je l’avais dit dans l’Hémicycle lors de l’examen de la loi de programmation des finances publiques. Je m’étais d’ailleurs prononcé contre son article 17, même si j’avais finalement voté en faveur de l’ensemble du projet. Bien qu’étant en désaccord avec le Gouvernement sur ce point, je reste persuadé que cet article 17 met en danger nos investissements de défense.

M. Bastien Lachaud. Nous partageons les préoccupations que vous exprimez. Nous nous étions également prononcés contre l’article 17 de la loi de programmation des finances publiques. Mais l’ajout de cet article additionnel dans la loi de programmation militaire conduirait-il vraiment à la suppression de celui-ci ? Je m’inquiète de la concurrence éventuelle de deux dispositions législatives contraires.

C’est pourquoi nous avons proposé, dans notre amendement DN228, de modifier plutôt directement l’article 17 de la loi de programmation des finances publiques. D’un point de vue juridique, cela me semble plus sûr.

M. Joaquim Pueyo. Je partage ces observations. Le Gouvernement est désormais favorable à l’exclusion de la mission « Défense » du champ d’application de cet article 17, ce qui n’était pas le cas l’automne dernier. Je m’en réjouis.

Mais pourquoi, Madame la ministre, cette précision se trouve-t-elle dans le rapport annexé, et non dans le corps même de la future loi de programmation militaire ?

M. Olivier Gaillard, rapporteur pour avis de la commission des Finances. La commission des Finances, qui a débattu du sujet, partage la position de la ministre et de l’ensemble du Gouvernement.

M. François André. Je soutiens l’amendement de notre président et rapporteur. Il me semble qu’il tient compte de la spécificité des crédits militaires au regard du volume total des investissements de l’État. L’État, en effet, n’investit pour ainsi dire plus, sauf dans les armées. Nous avons besoin d’établir clairement la différence entre crédits d’engagement et crédits de paiement.

La ministre a beau dire que cet objectif est inscrit dans le rapport annexé, je préfère que l’amendement de notre président et rapporteur l’inscrive directement dans la loi de programmation, en sécurisant ainsi l’existence juridique.

M. Olivier Becht. Il me semble que cet amendement apporte en effet une sécurité juridique supplémentaire. Monsieur Lachaud, vous vous interrogiez tout à l’heure sur la concurrence de deux dispositions législatives contraires. La règle est claire à ce sujet : la loi postérieure l’emporte sur la loi antérieure. Ce que le Parlement fait, le Parlement peut le défaire.

M. Thomas Gassilloud. Bien que je comprenne la position de la ministre, je soutiens l’amendement du rapporteur. Du fait de la gestion parfois imprévisible des budgets militaires, il ne faudrait pas que nous nous imposions des contraintes rigides en la matière. Par ailleurs, l’augmentation du budget des armées n’exclut pas l’apparition à court terme d’un effet de ciseaux entre autorisations d’engagement et crédits de paiement, même si elle devrait, à long terme, faire disparaître les restes à payer.

Enfin, nous devons adopter une loi vertueuse. Or les contraintes édictées dans un article tel que l’article 17 engendrent leurs propres procédures de contournement, tout en supprimant la possibilité de réaliser des économies d’échelle en passant des commandes importantes.

M. Charles de la Verpillière. Nous soutiendrons l’amendement du président‑rapporteur, et retirerons, s’il est adopté, l’amendement DN120.

M. Philippe Chalumeau. Je soutiens également l’amendement DN501, qui permet de sécuriser la bonne exécution de la prochaine LPM. Il est bon de donner au Parlement la responsabilité de s’approprier le texte du projet de loi.

S’il n’y a que des preuves d’amour, comme Madame Saint‑Paul le disait hier, voilà une preuve d’amour que nous pourrions donner !

M. Fabien Lainé. Je soutiens également cet amendement nécessaire. Il faut en effet sécuriser les programmes longs.

M. Joaquim Pueyo. Ma position sera une position de raison. J’avais déposé un amendement similaire à l’amendement du président, à ceci près qu’il excluait de son champ les dépenses du ministère des Armées relatives aux anciens combattants et au devoir de mémoire. Je suis prêt à le retirer, mais réitère ma question à Madame la ministre : pourquoi les précisions que vous invoquez ne sont-elles présentées que dans le rapport annexé ?

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Lorsque nous nous sommes vus à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2018, nous n’avions aucune garantie que l’article 17 de la future LPFP, alors numéroté article 14, puisse ne pas s’appliquer au ministère des Armées.

Le débat interministériel sur la loi de programmation militaire n’a eu lieu qu’après. Les différentes parties prenantes se sont efforcées, comme de coutume, d’y atteindre un point d’équilibre. Le principe consacré par l’article 17 de la LPFP était que le niveau global des restes à payer sur l’ensemble du budget de l’État ne dépasse pas celui atteint en 2017, et le ministère des Armées avait pour objectif que cet article ne contraigne pas la gestion de ses propres restes à payer, compte tenu du poids prépondérant des investissements des armées dans les investissements totaux de l’État.

C’est précisément ce qui est écrit dans le projet de loi que nous examinons : « La loi de programmation des finances publiques (LPFP) prévoit, en son article 17, une disposition visant à permettre un suivi par le Parlement des restes à payer de l’État. Compte tenu de l’augmentation des engagements prévue sur la période de la LPM, l’évolution du reste à payer du ministère des Armées augmente mécaniquement. Pour cette raison, cette disposition programmatique de la LPFP ne contraindra pas les investissements du ministère des armées. »

N’est-ce pas exactement ce que nous voulons tous ? Nous sommes parfaitement d’accord sur l’objectif et n’avons de divergence que sur la forme. Je m’en tiens au point d’équilibre atteint dans les réunions interministérielles. Avis défavorable maintenu.

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous vous remercions de cette explication de texte. Certes, un arbitrage interministériel a été rendu, mais il me semble que vous avez besoin d’aide face à Bercy. (Sourires.) Car, dans l’esprit de ce ministère, voire dans celui de la commission des Finances si nous en croyons l’intervention du rapporteur pour avis au nom de cette commission, l’interprétation est peut-être différente.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je maintiens mon amendement. Monsieur Lachaud, j’ai retenu une formulation qui modifie seulement le projet de loi de programmation militaire plutôt que la loi de programmation des finances publiques, car j’avais, malgré mes réserves sur son article 17, voté ce texte. Il me semblait donc difficile d’en modifier l’équilibre.

La commission adopte l’amendement DN501 à l’unanimité.

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Article 6 bis (nouveau)
Exclusion de la mission « Défense » du champ de l’article 17
de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022

L’article 6 bis exclut la mission « Défense » du champ d’application de l’article 17 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. Ce dernier plafonne le montant des restes-à-payer, défini comme l’écart cumulé entre les autorisations d’engagement et les crédits de paiement, au niveau constaté fin 2017. Ce mécanisme rigide fait peser plusieurs risques sur les programmes d’armement. S’il freinait ou empêchait le lancement de nouveaux programmes de long terme – auxquels sont habituellement associés d’importants montants d’autorisations d’engagement au moment des commandes et des crédits de paiement très étalés dans le temps, suivant le rythme des livraisons –, il pourrait inciter, soit à étaler certains programmes d’armement, ce qui pourrait entraîner une hausse des coûts unitaires, soit à adopter des stratégies de contournement préjudiciables aux principes du droit budgétaire.

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Les amendements DN120 de M. Charles de la Verpillière, DN228 de M. Bastien Lachaud et DN247 de M. Joaquim Pueyo sont retirés.

La commission examine l’amendement DN510 du rapporteur.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Cet amendement rédactionnel vise à créer un chapitre II intitulé « dispositions relatives au contrôle parlementaire de l’exécution de la loi de programmation » – vous vous souvenez, en effet, que nous avons créé un chapitre premier hier soir.

La commission adopte l’amendement.

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Chapitre II 
Dispositions relatives au contrôle parlementaire
de l'exécution de la loi de programmation

(Division et intitulé nouveaux)

La commission est saisie de l’amendement DN511 du rapporteur.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Mon amendement reprend en partie une disposition de la précédente loi de programmation militaire qui demandait au Gouvernement un bilan semestriel détaillé de l’exécution des crédits programmés au titre de la mission « Défense ».

Je vous propose d’y ajouter un bilan détaillé de la mise en œuvre de la politique d’équipement des forces, qui sera établi dans les conditions suivantes : « Ce bilan recense, pour les opérations d’armement et les programmes d’infrastructures dont le coût est supérieur à cinq millions d’euros, les commandes passées et les livraisons reçues depuis la présentation du précédent bilan ou, pour le premier bilan présenté en application du présent article, depuis la promulgation de la présente loi. Ce bilan indique aussi les livraisons prévues, dans les six mois suivant sa présentation, au titre des mêmes opérations et des mêmes programmes. Il comporte également un exposé détaillé de l’état d’avancement des opérations d’armement dont le coût est supérieur à cinq millions d’euros, justifiant le cas échéant les principales évolutions de leur calendrier de commandes et de livraisons, de leur coût ou du nombre de matériels concernés. » Nous pourrons débattre régulièrement de ce bilan et vérifier si l’exécution est conforme à ce que nous avons voté.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Je comprends parfaitement l’esprit de cet amendement. Nous sommes à la disposition du Parlement, comme toujours, pour lui fournir toutes les informations qu’il souhaite sur l’exécution des différents programmes. Vous disposez d’ores et déjà d’un grand nombre d’informations, mais celles-ci peuvent être ajustées à tout moment en fonction des besoins. Il me semble que le seuil proposé – cinq millions d’euros – conduirait à fournir un très grand nombre d’éléments sur de très nombreux programmes : je suggère de regarder plutôt combien de lignes de programmes le seuil de cinq millions d’euros amènerait à suivre et d’effectuer une comparaison avec les informations dont le Parlement dispose déjà. Je ne voudrais pas vous noyer sous mille lignes budgétaires tous les semestres ! Je crois qu’une répartition des programmes selon différents seuils aiderait en outre à définir exactement la granularité de l’information que vous désirez.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Si je comprends bien, vous demandez le retrait de l’amendement en vue de le retravailler ensemble d’ici à la séance publique.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Oui, nous nous assurerons ainsi de bien répondre à votre demande.

L’amendement est retiré.

La commission examine ensuite les amendements identiques DN195 de M. Marc Fesneau et DN328 de M. Philippe Chalumeau.

M. Marc Fesneau. Dans le même esprit, nous proposons de renforcer la capacité du Parlement à suivre, évaluer et contrôler l’exécution de la loi de programmation militaire en garantissant la bonne information des présidents des commissions compétentes à l’Assemblée nationale et au Sénat et d’autres membres de ces commissions, spécialement désignés pour travailler sur certaines thématiques. Nous ne faisons que reprendre des éléments prévus dans la précédente loi de programmation militaire.

M. François André. L’amendement déposé par le groupe La République en Marche vise à donner corps au chapitre II que nous venons de créer, par amendement, en inscrivant dans le « dur » de la loi le contrôle de l’exécution budgétaire de cette LPM. L’histoire nous a montré, en effet, qu’il peut exister des divergences entre les ambitions affichées au stade de la programmation et la réalité de la consommation des crédits budgétaires annuels. Je n’instruis le procès de personne : il y a des aléas économiques et des réalités opérationnelles qui aboutissent à de telles divergences. Celles-ci ont de multiples conséquences fâcheuses, comme le renchérissement des coûts unitaires de certains équipements neufs, le non-respect des contrats opérationnels, l’usure des matériels anciens ou encore, et c’est sans doute le plus grave, la démoralisation des troupes à force d’insincérité des lois votées. Au-delà des efforts réels de sincérisation des crédits de défense qui nous sont proposés, il nous paraît important de permettre à notre commission de mener dans la durée toutes les auditions nécessaires et de procéder aux contrôles sur pièces et sur place utiles pour vérifier l’exécution budgétaire. Cela renforcera la crédibilité globale de cette loi de programmation militaire.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je donne un avis très favorable à ces amendements.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis.

M. Charles de la Verpillière. Je rappelle que mon groupe a retiré un autre amendement qui revenait, en substance, à reprendre les articles 7 à 10 de la loi de programmation militaire de 2013, relatifs au contrôle de son application : vous nous avez fait la promesse, en effet, que l’on adopterait d’autres dispositions ayant le même effet. J’aimerais donc savoir si les amendements que nous examinons maintenant reprennent bien l’ensemble des dispositions pertinentes de la précédente LPM. Si c’est le cas, nous les voterons.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. L’amendement relatif à l’article 17 de la loi de programmation des finances publiques, que nous avons adopté à l’unanimité, l’amendement DN511, que j’ai retiré en vue d’une réécriture conjointe avec la ministre, et les amendements identiques dont nous sommes en train de débattre recouvrent l’intégralité des articles 7 à 10 de la précédente loi de programmation tout en les enrichissant – mais nous pourrons le revérifier d’ici à la séance, si vous le voulez, et déposer si nécessaire un amendement complémentaire.

M. Charles de la Verpillière. Merci, Monsieur le président. Dans ces conditions, nous allons voter ces amendements identiques. Par sécurité, nous déposerons toutefois notre propre amendement en séance, quitte à le retirer si nos demandes sont effectivement satisfaites.

M. Philippe Chalumeau. Je souligne que mon amendement vise en effet à préciser l’intégralité des outils de contrôle et d’évaluation et à les enrichir.

M. M’jid El Guerrab. Vous me donnez raison d’avoir retiré mes amendements au profit des vôtres. Le nombre et le coût des opérations extérieures – que la Cour des comptes a estimé dans un rapport de 2016 à 100 000 euros par soldat déployé chaque année – ont tendanciellement augmenté et l’on observe une évolution de leur nature. En 2017, le surcoût des opérations extérieures était estimé à 1,3 milliard d’euros. Je crois que chaque membre de cette commission ne peut qu’y être sensible.

La commission adopte les amendements à l’unanimité.

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Article 6 ter (nouveau)
Pouvoirs d’investigation sur pièces et sur place pour les membres des commissions parlementaires chargées de la défense

L’article 6 ter reprend les dispositions de l’article 7 de la LPM 2014‒2019, qui a conféré aux commissions chargées de la Défense des deux assemblées, pour le contrôle du respect de l’application des lois de programmation militaire, des pouvoirs s’apparentant à ceux dont disposent les commissions des Finances s’agissant des lois de finances.

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La commission est saisie de l’amendement DN197 de M. Marc Fesneau.

M. Marc Fesneau. Nous restons au cœur du contrôle et de l’information du Parlement puisque, par cet amendement, nous demandons la présentation annuelle à l’Assemblée nationale et au Sénat d’un rapport sur l’exécution de la loi de programmation militaire et l’organisation d’un débat, en amont de l’examen des orientations budgétaires. Cela nous permettra d’anticiper et de veiller au respect de la trajectoire.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Ce dispositif figurait dans la précédente loi de programmation militaire, mais il n’a jamais fonctionné, l’ordre du jour de l’Assemblée ne l’ayant pas permis. Je vous propose de retirer cet amendement : comme je l’ai indiqué tout à l’heure, je redéposerai un amendement sur ce sujet d’ici à la séance publique et nous pourrons en discuter à cette occasion.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement DN196 de M. Marc Fesneau.

M. Marc Fesneau. Je retire l’amendement pour les mêmes raisons. 

L’amendement est retiré.

La commission étudie ensuite l’amendement DN198 de M. Marc Fesneau.

M. Fabien Lainé. Nous souhaitons confirmer et préciser, dans le corps même de la loi, les dispositions relatives au contrôle parlementaire des exportations d’armements figurant dans le chapitre du rapport annexé qui est consacré au « dialogue avec le Parlement ». Notre amendement demande ainsi la présentation d’un rapport au Parlement sur les exportations d’armement de la France, avant le 1er juin de chaque année, et l’organisation d’un débat au sein des commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées de la Défense et des forces armées. Cela devrait nous permettre d’être pleinement et régulièrement informés des exportations d’armements réalisées par la France, de la politique d’exportation qui la sous-tend et des modalités de contrôle des armements et des biens sensibles qui sont appliquées dans notre pays.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. De tels rapports existent déjà. Le dernier d’entre eux a été présenté par le Gouvernement au mois de juin 2017 : il comporte 103 pages et je vous invite à le lire, car il est très intéressant. Nous pourrons en débattre en commission. Je donne donc un avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis.

L’amendement est retiré.

La commission examine ensuite l’amendement DN284 de M. Fabien Lainé.

M. Fabien Lainé. Cet amendement vise à préparer la prochaine révision, prévue avant 2021, de la revue stratégique de défense et de sécurité nationale, qui est le support affiché de la présente loi, en densifiant le contenu de cet exercice : nous demandons de prendre en compte la modification contemporaine de l’espace stratégique et les stratégies « intégrales », également dites de « guerre hors limites » des acteurs étatiques internationaux, en particulier la Russie et la Chine.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. L’actuelle revue stratégique a été élaborée il y a seulement quelques mois. On peut la toiletter régulièrement, mais je crains que cela n’amoindrisse le sérieux de la posture stratégique de nos armées et de notre diplomatie. J’émets donc un avis favorable. Rien ne nous empêche d’organiser régulièrement des auditions au sein de cette commission pour vérifier que les conditions diplomatiques, internationales ou stratégiques correspondent toujours à ce qui figure dans la revue stratégique. Nous pourrons, par exemple, en débattre début 2019, soit un an et demi après la publication de la dernière revue stratégique.

M. Fabien Lainé. S’il est possible d’en débattre, cela nous convient.

L’amendement est retiré.

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TITRE II
Dispositions normatives intéressant la défense nationale

Chapitre Ier 
Dispositions relatives aux ressources humaines

Section 1
Statut et carrière

Article 7
(art. L. 413816, L. 4211-1 et L. 4221-6 du code de la défense ;
art. L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite)
Ouverture de la possibilité dengagement à servir la réserve
en congé pour convenances personnelles

Cet article crée un dispositif original d’aménagement du congé pour convenances personnelles afin de répondre aux attentes de militaires en termes de conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle.

1.   Le militaire est appelé à servir « en tout temps et en tout lieu »

Un militaire en activité est soumis à des obligations particulières. Notamment, l’article L. 4121-5 du code de la défense dispose que « les militaires peuvent être appelés à servir en tout temps et en tout lieu ». Cette sujétion de disponibilité est donc incompatible avec un aménagement permanent du temps d’activité, autrement dit avec un temps partiel analogue à celui auquel peuvent prétendre les fonctionnaires civils.

Pour mémoire, en application de l’article L. 4138-1 du code de la défense, le militaire peut être placé dans quatre positions statutaires :

– en activité ;

– en détachement ;

– hors cadres ;

– en non-activité.

Le militaire en activité est réputé en service effectif et conserve donc l’intégralité de sa rémunération, de ses droits à avancement et à retraite même s’il bénéficie de l’un des congés prévu à l’article L. 4138‑2 du code précité (permission, congé de fin de campagne, congé de maladie, congé maternité, paternité ou d’accueil du jeune enfant ou d’adoption, congé de solidarité familiale, congé de reconversion, congé de présence parentale, congé pour création ou reprise d’entreprise).

Le militaire en détachement (articles L. 4138‑8 et L. 4138‑9 du code de la défense) est un militaire placé hors de son corps d’origine. Le militaire détaché est soumis à l’ensemble des règles régissant la fonction qu’il exerce par l’effet de son détachement mais il reste soumis aux obligations statutaires prévues aux articles L. 4121‑1 à L. 4121‑5 (obligation de réserve). Il continue à figurer sur la liste d’ancienneté de son corps et à bénéficier des droits à l’avancement et à pension de retraite.

Un militaire de carrière ayant accompli au moins quinze années de services valables pour la retraite et placé en détachement, soit auprès d’une administration ou d’une entreprise publique dans un emploi ne conduisant pas à pension du régime général des retraites, soit auprès d’un organisme international, qui peut être placé hors cadre, sur sa demande, pour continuer à servir dans la même administration, entreprise ou organisme (article L. 4138‑10). Dans cette position, le militaire de carrière cesse de figurer sur la liste d’ancienneté, de bénéficier de droits à l’avancement et d’acquérir des droits à pension. Il est soumis aux régimes statutaire et de retraite régissant la fonction qu’il exerce.  

Enfin, il existe huit cas de non-activité précisés à l’article L. 4138-11, dans lesquels la rémunération, les droits à avancement et à pension peuvent être partiellement réduits voire ne pas être maintenus :

1° congé de longue durée pour maladie ;

2° congé de longue maladie ;

3° congé parental ;

4° situation de retrait d’emploi ;

5° congé pour convenances personnelles ;

6° disponibilité ;

7° congé complémentaire de reconversion

8° congé du personnel navigant.

Le 1° et le 2° concernent des militaires malades ou blessés. Le 3° vise le congé parental commun aux trois fonctions publiques. Le retrait d’emploi prévu au 4° est une sanction disciplinaire du troisième groupe (article L. 4137‑2 du code de la défense). Les 6°, 7° et 8° sont des dispositifs d’accompagnement au départ. En particulier, la disponibilité au profit des officiers de carrière ayant accompli au moins quinze ans de services est un dispositif d’aide au départ défini par l’article L. 4139‑9 du code de la défense. Elle ne doit donc pas être confondue avec la disponibilité des fonctionnaires prévue notamment à l’article 51 de la loi n° 84‑16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, et dont le pendant chez les militaires est bien le congé pour convenances personnelles.

Enfin, le congé pour convenances personnelles prévu au 5°, non rémunéré, peut être accordé aux militaires, sur demande agréée, pour une durée maximale de deux ans renouvelable dans la limite totale de dix ans et dans le cadre d’un contingent annuel (448 militaires pour 2018, hors gendarmerie). Cette demande ne constitue pas un droit. Ce congé peut être accordé après quatre ans de service pour le cas général, ou sans conditions d’ancienneté pour certains cas particuliers prévus par l’article R. 4138-65 du même code :

1° pour suivre son conjoint ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité lorsque celui-ci est astreint à établir sa résidence habituelle, en raison de sa profession, en un lieu éloigné du lieu d’affectation de ce militaire ;

2° pour élever un enfant de moins de huit ans ;

3° pour donner des soins à un enfant à charge, au conjoint, au partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité, ou à un ascendant, à la suite d’un accident ou d’une maladie grave ou atteint d’un handicap nécessitant la présence d’une tierce personne.

Les bénéficiaires d’un congé pour convenances personnelles peuvent exercer une activité rémunérée. En application de l’article R. 4138‑66 du même code, la réintégration dans le corps d’origine est de droit.

Il faut souligner qu’actuellement, seuls la disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans (pour les agents de la fonction publique) et le congé pour convenances personnelles pour élever un enfant de moins de huit ans (pour les militaires) ouvrent le droit, conformément à l’article L. 9 du code des pensions civiles et militaires de retraite, de conserver ses droits à pension.

Un arrêté fixe annuellement, par force armée et formation rattachée (FAFR), le nombre maximal de congés pour convenances personnelles qui peuvent être accordés aux militaires. Les décisions d’agrément sont prises par les gestionnaires du personnel militaire de chacune des FAFR et prennent en compte à la fois la situation individuelle de chaque militaire (rapprochement de conjoint, éducation d’un enfant de moins de huit ans, souhait d’exercice d’une activité civile etc.) mais aussi les nécessités de service (militaire détenant ou non des compétences critiques, lien au service, etc.).

En 2017, le nombre de droits fixés par l’arrêté, le nombre de demandes et le nombre d’agréments étaient les suivants.

Droits à congé pour convenances personnelles ouverts, nombre de demandes et nombre d’agréments en 2017

(unités)

Force armée ou formation associée

Nombre de droits

Nombre de demandes

Nombre dagréments

Service du commissariat aux armées

4

5

4

Direction des ressources humaines de larmée de terre

100

68

57

Direction du personnel militaire de la marine

70

69

64

Service des essences des armées

5

2

2

Direction générale de larmement

50

19

19

Direction des ressources humaines de larmée de lair

160

147

132

Service dinfrastructure de la défense

1

0

0

Source : ministère des Armées.

2.   Des pertes de compétences du fait de nouvelles attentes en termes de conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle

Comme le soulignent les rapports du Haut Comité d’évaluation de la condition militaire (HCECM) depuis plusieurs années et un rapport récent de la commission de la Défense nationale et des forces armées ([113]), les nouvelles générations de militaires expriment désormais de fortes attentes en termes de conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle, et plus particulièrement la vie familiale. Ces nouvelles attentes s’expliquent par des évolutions communes à l’ensemble de la société française, comme la généralisation d’un modèle de foyer composé de deux apporteurs de revenus et l’intériorisation de nouvelles normes sociales relatives au bien-être des enfants. La féminisation des armées renforce l’acuité de cette question, les adaptations et aménagements exigés par une meilleure conciliation entre vie familiale et professionnelle étant encore majoritairement consentis par les femmes. 

Dans ce contexte, le ministère des Armées est confronté aux départs croissants de personnels qualifiés, qui demandent d’abord un congé pour convenances personnelles pour élever un enfant de moins de huit ans avant de quitter définitivement les armées, faute d’avoir pu maintenir leurs compétences pendant leurs congés.

Il en résulte une perte des bénéfices des compétences que ces militaires ont acquises, alors que les coûts et durées de formation sont élevés (formations initiales, continue et expérience). Or, comme l’indique l’étude d’impact annexée au projet de loi, à titre d’exemple, la formation dans ses dix premières années d’un technicien aéronautique s’élève à environ 115 000 euros, d’un météorologue à 140 000 euros, d’un pilote d’aéronef à plus d’un million d’euros.

L’étude d’impact cite trois exemples de spécialités dont les effectifs sont en situation de tension :

« ● Les pilotes dhélicoptère (NH90) dans la marine nationale ont besoin de six ans de formation. Si les pilotes quittent le service à 35 ans pour élever leur enfant, ils nauront effectué que neuf années de vols opérationnels alors que le seuil de rentabilité, compte tenu des formations et qualifications nécessaires, est estimé à quinze ans.

● La spécialité des officiers mariniers météorologistes, féminisée à hauteur de 34 %, est déficitaire à 5 % de ses effectifs. De même, la spécialité de contrôleur de base aéronavale, féminisée à 38 %, est en déficit deffectif de 23 %. »

L’obligation statutaire de disponibilité paraît incompatible avec la possibilité d’un aménagement du temps de travail comme le temps partiel. L’étude d’impact précise par ailleurs que « la gestion de cette problématique par des mutations sur des postes exigeant une moindre disponibilité a trouvé ses limites », certaines spécialités étant trop rares.

3.   Le dispositif proposé

La création d’un « temps partiel » étant incompatible avec l’obligation statutaire de disponibilité rappelée précédemment, l’article 7 du présent projet de loi crée la possibilité pour un militaire en position de non-activité dans le cadre d’un congé pour convenances personnelles pour élever un enfant de moins de huit ans de souscrire un engagement à servir dans la réserve (ESR).

L’objectif de la mesure est surtout de permettre à des personnels qualifiés de maintenir leurs compétences par des formations ou des heures d’activité régulières. Par exemple, un pilote affecté au sein d’une école dans le cadre de la mesure pourra continuer à accomplir ses heures de vol dans le cadre de ses fonctions.

En 2017, 35 % des congés pour convenances personnelles ont été accordés pour élever un enfant de moins de huit ans.

Le du I complète l’article L. 4138‑16 du code de la défense, pour ajouter la possibilité de souscrire un ESR dans le cadre d’un congé pour convenances personnelles pour élever un enfant de moins de huit ans. Il est précisé que les jours d’activité effectués dans ce cadre compteront désormais pour son avancement, par dérogation au cas général prévu à l’alinéa 3 de l’article L. 4138‑16. Les conditions d’application, et notamment la valorisation de ces jours d’activité effectués dans la réserve, seront déterminées par un décret en Conseil d’État.

Le du I modifie l’article L. 4211-1 du même code pour ajouter ce nouveau cas de figure à la liste des réservistes opérationnels.

Le du I ajoute un alinéa à l’article L. 4221-6 sur la durée des activités à accomplir au titre de l’engagement à servir dans la réserve opérationnelle, qui pourra déroger au droit commun, selon des modalités fixées par un décret en Conseil d’État.

Enfin, le II complète l’article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite afin que les services accomplis dans la réserve opérationnelle durant un congé pour convenances personnelles pour élever un enfant de moins de huit ans ouvrent le droit à une bonification pour le calcul de la pension de retraite. Les modalités seront fixées par un décret en Conseil d’État. 

En réponse aux questions du rapporteur, le ministère des Armées a précisé que le militaire conservera son grade et qu’il sera rémunéré, comme tout réserviste, selon le nombre de jours de réserve accomplis. Les modalités seront définies par décret en Conseil d’État et sont en cours de concertation avec l’ensemble des forces armées et formations rattachées.  

Le congé parental est un dispositif interministériel pouvant s’appliquer à tous les militaires et les fonctionnaires dans les mêmes conditions. Il a donc été décidé de ne pas le modifier. Néanmoins, un militaire pouvant prétendre au congé parental pourra demander à bénéficier, à la place du congé précité, d’un congé pour convenances personnelles avec un engagement à servir dans la réserve. 

*

La commission examine l’amendement DN179 de M. M’jid El Guerrab.

M. M’jid El Guerrab. La France a l’une des armées les plus féminisées au monde. Mon amendement, rédactionnel, vise à valoriser la présence des femmes, qui représentent 15,5 % des effectifs militaires, à reconnaître la diversité en leur sein et à garantir l’égalité femme-homme – je rappelle que c’est une grande cause nationale pour le Gouvernement et toute notre Nation. Je vous propose de modifier le début de l’alinéa 3 en utilisant les expressions suivantes : « le ou la militaire » et « elle ou il ».

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je comprends l’idée dont s’inspirent les amendements demandant une réécriture dite « inclusive » d’un certain nombre de dispositions. Néanmoins, je rappelle que le Premier ministre a exclu une telle pratique dans les textes officiels, pour les raisons suivantes : « outre le respect du formalisme propre aux actes de nature juridique, les administrations relevant de l’État doivent se conformer aux règles grammaticales et syntaxiques, notamment pour des raisons d’intelligibilité et de clarté de la norme ». J’émets donc un avis défavorable.

M. M’jid El Guerrab. Il ne s’agit pas d’écriture inclusive, mais de préciser qu’il s’agit de « le ou la militaire ».

La commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement DN333 de M. Philippe Chalumeau.

Mme Sereine Mauborgne. Je voudrais associer à mon intervention Loïc Kervran.

Afin d’éviter une perte de capacités opérationnelles, l’article 7 donne aux militaires placés en congé pour convenances personnelles en vue d’élever un enfant de moins de huit ans la possibilité de souscrire un engagement à servir dans la réserve opérationnelle, après accord de la hiérarchie.

Ce dispositif permet de répondre aux deux principales difficultés que l’on rencontre sur le plan pratique : l’absence durable des intéressés est préjudiciable à leur service, en particulier lorsqu’ils disposent de compétences rares ; le bénéficiaire du congé a ensuite tendance à ne pas réintégrer les armées, souvent faute d’avoir pu entretenir sa compétence. Or les compétences rares s’acquièrent via des formations longues dont les coûts sont élevés pour les armées, lesquelles investissent dans l’avenir. Cette situation est encore plus préjudiciable quand il s’agit de spécialités à la fois féminisées et déficitaires en personnel. Dans ces conditions, tout l’enjeu pour les armées consiste à conserver le plus longtemps possible des spécialistes présentant un haut potentiel spécifique, en leur permettant d’exercer à titre temporaire une activité réduite qui permet d’entretenir et de pratiquer une spécialité.

Notre amendement vise à élargir le dispositif à deux autres cas : lorsque le militaire se voit accorder un congé pour convenances personnelles afin de suivre son conjoint ou son partenaire lorsque celui-ci est astreint à établir sa résidence habituelle dans un lieu éloigné de l’affectation de l’intéressé, ou bien afin de donner des soins à un enfant à charge, à son conjoint ou à son partenaire, ou à un ascendant à la suite d’un accident, d’une maladie grave ou d’un handicap nécessitant la présence d’une tierce personne.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je partage cette préoccupation et m’en remets à la sagesse de la commission, en attendant la réponse du Gouvernement.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Par l’article 7, le Gouvernement a voulu marquer sa volonté de mieux concilier la vie familiale et des contraintes inhérentes aux missions des militaires : nous avons souhaité permettre le maintien d’un lien, par le recours à la réserve, dans le cas très particulier du congé pour convenances personnelles afin d’élever un enfant de moins de huit ans. Ce dispositif présente une particularité par rapport aux autres congés du même type, car il est le seul permettant de continuer à bénéficier du droit à pension. Nous avons souhaité cibler un cas précis et faire un premier bilan avant d’envisager toute extension du dispositif. Dans un premier temps, il me paraîtrait raisonnable de s’en tenir à cette avancée très importante. Je donne donc un avis défavorable.

Mme Sereine Mauborgne. Je referai cette proposition en séance sous la forme d’un amendement d’appel : c’est un sujet qui me semble important et l’engagement que vous venez de prendre ne tombe pas dans l’oreille de sourds : nous assurerons un suivi.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement DN90 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Nous avons bien perçu, au fil de nos auditions préparatoires, que les ressources humaines constituent un défi considérable. Il faudrait assurer un suivi et une évaluation des dispositifs que nous commençons à mettre en place dans le cadre de cette LPM afin d’éviter la perte d’un certain nombre de compétences. Dans la perspective de la prochaine LPM, nous demandons que le Gouvernement nous fasse rapport sur les résultats obtenus. Je sais que notre rapporteur n’est pas friand des demandes de ce type, mais celle-ci vaut la peine.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je rappelle simplement que nous disposons de pouvoirs de contrôle et d’évaluation sur l’application de cette LPM J’espère que nous les exercerons, notamment pour l’article 7. Si vous ne retirez pas l’amendement, je donne un avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis. Nous serons au rendez-vous.

M. Thibault Bazin. Étant un député libre, je maintiens mon amendement. (Sourires.)

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 7 sans modification.

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Article 8
(art. L. 4139-7, L. 4139-16, L. 4141-5 du code de la défense)
Limite dâge des officiers généraux du corps des officiers de lair

L’article 8 du projet de loi a pour objet de reporter de trois années la limite d’âge des officiers généraux du corps des officiers de l’armée de l’air. Par cohérence, il comprend également des mesures de coordination avec les dispositions relatives au dispositif d’aide au départ des militaires de carrière, ainsi que des mesures transitoires permettant une entrée en vigueur progressive des nouvelles dispositions.

1. L’état du droit

Le I de l’article L. 4139-16 du code de la défense fixe les limites d’âge et âges maximaux de maintien en première section des officiers généraux. En son sein, le 2° présente ainsi, sous la forme d’un tableau, les limites d’âge des officiers des forces armées et des formations rattachées. C’est ainsi que s’agissant des officiers des armes de l’armée de terre, officiers de marine, officiers spécialisés de la marine, officiers des bases et officiers mécaniciens de l’air, la limite d’âge est fixé à 59 ans pour les officiers subalternes, les commandants, les lieutenants-colonels et les colonels, ou leurs équivalents. De plus, l’âge maximal de maintien en première section des officiers généraux est fixé à 63 ans.

À ce sujet, il convient de rappeler qu’aux termes de l’article L. 4141-1 du même code, les officiers généraux sont répartis en deux sections :

– la première section, qui comprend les officiers généraux en activité, en position de détachement, en non-activité et hors cadres ;

– la deuxième section, qui comprend les officiers généraux qui, n’appartenant pas à la première section, sont maintenus à la disposition du ministre de la Défense et peuvent être replacés en première section pour une durée déterminée lorsqu’ils sont employés pour les nécessités de l’encadrement.

S’agissant de l’armée de l’air, si l’âge maximal de maintien en première section des officiers généraux est identique à celui fixé pour les autres armes – 63 ans – la limite d’âge des officiers est plus précoce. Ainsi, elle est de 52 ans pour les officiers subalternes et les commandants, et de 56 ans pour les lieutenants-colonels et les colonels.

Cette situation est vraiment spécifique à l’armée de l’air dans la mesure où, au-delà des règles en vigueur susmentionnées pour l’armée de terre et la marine, cette limite d’âge est fixée dans la gendarmerie nationale à 59 ans pour les officiers subalternes, les commandants et les lieutenants-colonels et à 60 ans pour les colonels – l’âge maximal de maintien en première section étant fixé à 64 ans. Elle est de 62 ans pour les officiers de tout grade des corps des commissaires des armées, des officiers des corps techniques et administratifs, des ingénieurs militaires des essences, des administrateurs des affaires maritimes, des officiers spécialistes de l’armée de terre, officiers logisticiens des essences, des médecins, pharmaciens, vétérinaires, chirurgiens-dentistes et des militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées. Enfin, elle s’établit à 66 ans pour les ingénieurs de l’armement, ingénieurs des études et techniques de l’armement, ingénieurs des études et techniques des travaux maritimes, professeurs de l’enseignement maritime, ingénieurs militaires d’infrastructure de la défense, officiers greffiers, chefs de musique, fonctionnaires détachés au sein de la poste interarmées, fonctionnaires détachés au sein de la trésorerie aux armées, aumôniers militaires.

La situation particulière dans laquelle se trouvent les officiers de l’armée de l’air s’explique, d’après l’étude d’impact, par les spécificités du combat aérien et les contraintes physiologiques sur le personnel navigant qui en découlent. Cette situation n’est pas sans poser question dans la mesure où si, conformément aux dispositions du troisième alinéa de l’article 13 de la Constitution, les officiers généraux sont nommés par le président de la République en Conseil des ministres, ceux-ci sont choisis parmi les colonels et, pour la marine, capitaines de vaisseau, ayant exercé une fonction de commandement.

En somme, les officiers généraux du corps des officiers de l’air sont soumis à la limite d’âge de 56 ans.

Certes, les officiers généraux peuvent être maintenus en première section au-delà de cet âge. En effet, l’article L. 4141-5 du code précise qu’un officier général peut être maintenu en première section dans deux cas. Premièrement, de manière exceptionnelle et sans limite d’âge, « quand il a commandé en chef en temps de guerre ou a exercé avec distinction devant lennemi le commandement dune armée ou dune formation équivalente ». Dans ce cas, l’officier général peut être pourvu d’emploi et est remplacé dans les cadres. Deuxièmement, et de manière plus régulière, pour une durée déterminée en fonction des emplois à pourvoir, sans toutefois pouvoir servir au-delà de l’âge maximal de maintien en première section, soit 63 ans.

À compter de 56 ans, les officiers généraux du personnel navigant de l’armée de l’air n’ont ainsi plus aucune visibilité quant à leur possibilité de demeurer en service. Cette limitation pose également de sérieuses difficultés de gestion des ressources humaines, les parcours professionnels de ces officiers étant bornés dans le temps par cette limite d’âge. Au 31 décembre 2017, on comptait ainsi 16 officiers généraux du personnel navigant de 55 ans ou plus sur les 51 en fonction. En d’autres termes, près de 30 % des effectifs est sur le point d’atteindre la limite d’âge ou l’ont déjà dépassée.

De manière cohérente avec ces dispositions, le 2° de l’article L. 4139-7 du code, qui traite du placement en congé du personnel navigant, fixe à 56 ans, soit la limite d’âge des officiers généraux du personnel navigant de l’armée de l’air, l’âge à compter duquel ces derniers sont placés en congé, au même titre que tout militaire de carrière de l’armée de l’air appartenant au personnel navigant.

2. Les dispositions du projet de loi

L’article 8 du projet de loi entend reporter de trois années la limite d’âge des officiers généraux du personnel navigant de l’armée de l’air, sans modifier l’âge maximal de maintien en première section. Ce faisant, il propose aussi la mise en place d’un dispositif transitoire afin d’étaler dans le temps les effets de ce report. D’après l’étude d’impact, le Gouvernement poursuit ainsi un triple objectif :

– permettre aux employeurs d’avoir une meilleure lisibilité de l’employabilité des officiers généraux concernés ;

– aligner la limite d’âge de ces officiers sur celles de leurs homologues de l’armée de terre et de la marine, alors que les emplois de haut encadrement militaire occupés présentent, à ce stade de la carrière, une complète similitude quelle que soit l’armée d’appartenance ;

– accroître la fidélisation des hauts et très hauts potentiels de l’armée de l’air en offrant à ses officiers généraux davantage de visibilité sur leur carrière au sein des armées. À l’heure actuelle, force est de constater un phénomène d’évaporation de la ressource vers d’autres employeurs privés.

Le I de l’article 8 procède donc à la modification de trois articles de la quatrième partie du code de la défense.

Premièrement, le modifie le 2° de l’article L. 4139-7 afin d’exclure les officiers généraux visés par le présent article du dispositif de placement en congé sur demande. Tel est l’objet du a), qui prive les officiers généraux du personnel navigant de l’armée de l’air du droit de bénéficier à leur demande, d’une mise en congé une fois la limite d’âge atteinte. Par cohérence, le b) supprime la possibilité préalablement offerte de placer un officier général mis en congé au sein de la deuxième section des officiers généraux à expiration du congé ou d’un délai maximal de trois ans. Les officiers généraux étant exclus du dispositif, cette évolution est logique. Enfin, le c) procède à la suppression d’une exception ne visant que les officiers généraux. Celle-ci n’a plus lieu d’être, les officiers généraux n’étant plus visés par le dispositif. Cette évolution conduit, de fait, à supprimer le droit au congé sur demande pour les officiers généraux atteignant la limite d’âge. Afin de ne pas remettre en cause les droits des officiers généraux en fonction, le IV du présent article reporte au 1er janvier 2027 l’entrée en vigueur des b) et c), les modalités d’application du congé d’ici là étant quant à elles déterminées par le II.

Deuxièmement, le complète le 2° du I. de l’article L. 4139-16 afin de reporter la limite d’âge des officiers généraux de l’armée de l’air. Ainsi, un nouvel alinéa inséré sous le tableau recensant les limites d’âge des officiers des forces armées et des formations rattachées précise, d’une part, que la limite d’âge des officiers généraux de tous les corps est celle applicable au grade de colonel ou équivalent et, d’autre part, que la limite d’âge des officiers généraux du corps des officiers de l’air est portée, par dérogation, à 59 ans. Aussi, alors que la limite d’âge des officiers généraux de l’armée de terre ou de la marine est la même que celle des colonels – 59 ans – elle diffère entre ces deux grades pour les officiers de l’air. Le Gouvernement souhaite en effet conserver une limite d’âge plus basse pour les autres grades du personnel navigant, en raison des aptitudes physiques nécessaires pour le combat aérien.

Troisièmement, le procède à une modification de cohérence au 2° de l’article L. 4141-5, qui traite du maintien en première section des officiers généraux. Il s’agit simplement de préciser que, contrairement aux autres corps, la limite d’âge des officiers généraux du corps des officiers de l’air est distincte de celle des colonels ou équivalents.

Les II et III du présent article détaillent les mesures transitoires prévues pour la mise en œuvre de cette réforme. Elles s’étaleront jusqu’en 2027.

Ainsi, le II détermine les modalités de placement en congé, à leur demande, des officiers généraux du personnel navigant pour les années à venir. Ainsi, ces officiers pourront bénéficier d’un congé de trois ans pour ceux nés avant le 1er janvier 1963, c’est-à-dire ceux qui atteindront la limite d’âge actuelle – 56 ans – au cours de l’année 2019, puis de deux ans et six mois pour ceux nés en 1963, de deux ans pour ceux nés en 1964, de un an et six mois pour ceux nés en 1965, d’un an pour ceux nés en 1966 et de six mois pour ceux nés en 1967. Ces derniers atteindront la nouvelle limite d’âge – 59 ans – à compter de 2027, date de pleine entrée en vigueur des dispositions relatives à l’extinction du congé sur demande pour les officiers généraux du corps des officiers de l’air.

De la même manière, le III prévoit que l’application de la nouvelle limite d’âge – 59 ans – des officiers généraux du corps des officiers de l’air ne vaudra que pour ceux d’entre eux nés après le 1er janvier 1968, c’est-à-dire les personnels qui atteindront l’âge de cinquante ans au cours de l’année 2018. Pour rappel, aucun officier général n’étant âgé de moins cinquante ans au 31 décembre 2017, cette mesure s’appliquera aux nouveaux officiers généraux. Parallèlement à la réduction de six mois chaque année de la durée du congé est ainsi mis en œuvre l’allongement de six mois chaque année de la limite d’âge des officiers généraux du corps des officiers de l’air : 56 ans pour ceux nés avant le 1er janvier 1963, 56 ans et six mois pour ceux nés en 1963, 57 ans pour ceux nés en 1964, 57 ans et six mois pour ceux nés en 1965, 58 ans pour ceux nés en 1966, 58 ans et six mois pour ceux nés en 1967.

En somme, si la réforme est engagée à compter du 1er janvier 2019, selon les dispositions du IV du présent article, elle ne produira ses pleins effets qu’au terme d’une période transitoire de huit ans, en 2027.

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La commission adopte successivement les amendements rédactionnels DN478 et DN479 du rapporteur.

Elle adopte ensuite l’article 8 modifié.

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Article 9
(art. L. 4139-16 du code de la défense)
Limite dâge des militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées (MITHA)

L’article 9 a pour objet de relever à 62 ans la limite d’âge de certains corps de militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées.

1. La situation actuelle

La limite d’âge diffère aujourd’hui pour les infirmiers en soins généraux et spécialisés, pour lesquels elle est déjà fixée à 62 ans, et pour les militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées, soumis à la réglementation applicable aux sous-officiers, pour lesquels elle est de 59 ans.

2. La prise en compte des évolutions intervenues dans la fonction publique hospitalière

Les modifications de statut au sein de la fonction publique hospitalière sont transposables automatiquement aux militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées ([114]), ce qui assure la correspondance des parcours professionnels, de l’échelonnement indiciaire ainsi que la reconnaissance des compétences acquises, aisément valorisables lors d’une éventuelle reconversion des militaires.

Or, la fonction publique hospitalière a créé au cours de l’année écoulée :

– le 1er juillet 2017, un corps d’infirmiers anesthésistes, par décret n° 2017-284 du 10 mai 2017 ;

– le 1er septembre 2017, un corps de manipulateurs d’électroradiologie médicale par décret n° 2017-1260 du 9 août 2017 et différents corps de personnels de rééducation de catégorie A, pédicures-podologues, masseurs-kinésithérapeutes, psychomotriciens, orthophonistes et orthoptistes, par décret n° 2017-1259 du 9 août 2017.

En conséquence, afin d’assurer une concordance des déroulements de carrière et des grilles indiciaires, le ministère des Armées devra créer par voie réglementaire de nouveaux corps équivalents de catégorie A, étant entendu que les notions de catégorie n’existent pas dans les armées.

3. Le dispositif

Il est donc proposé de modifier en conséquence les cinquième et sixième lignes du tableau constituant le deuxième alinéa du 3° du I de l’article L. 4139-16 du code de la défense, déterminant les limites d’âge applicables à différents corps. Cette limite passera ainsi à 62 ans pour les infirmiers anesthésistes, les masseurs‑kinésithérapeutes, les manipulateurs d’électroradiologie médicale, les orthoptistes et les orthophonistes, avec en corollaire le bénéfice de la revalorisation indiciaire des corps homologues de catégorie A de la fonction publique hospitalière.

La limite d’âge demeurera fixée à 59 ans pour les infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées n’appartenant pas à ces différents corps.

Toutefois, le passage des personnels en activité appartenant aujourd’hui aux corps homologues de catégorie B dans les nouveaux corps homologues de catégorie A est optionnel. Les recrutements à venir s’effectueront en revanche uniquement dans les corps homologues de catégorie A, les corps homologues de catégorie B correspondants s’éteignant avec le départ du dernier agent. En conséquence, il existera, pour une période limitée, un corps dans chacune des catégories homologues, avec des limites d’âge et des grilles indiciaires différentes, comme c’est le cas dans la fonction publique hospitalière.

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La commission adopte l’article 9 sans modification.

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Section 2
Mesures visant à promouvoir la réserve militaire

Article 10
(art. L. 4221-6 du code de la défense) 
Rehaussement du plafond légal de la durée annuelle dactivité dans la réserve opérationnelle

L’article 10 du projet de loi a pour objet de rehausser le plafond légal d’activité annuelle dans la réserve opérationnelle, afin d’accompagner sa montée en puissance.

1. L’état du droit

L’article L. 4221-6 du code de la défense, composé d’un alinéa unique, traite de la durée des activités à accomplir par les réservistes des armées au titre de l’engagement à servir dans la réserve opérationnelle qu’ils ont contracté. Cet alinéa prévoit quatre plafonds d’activités :

– la durée que l’on peut qualifier « de droit commun », c’est-à-dire la durée maximale d’engagement susceptible d’être demandée par l’autorité militaire à tout réserviste dans des conditions normales. Cette durée maximale est de trente jours ;

– une durée augmentée à soixante jours pour « répondre aux besoins des armées ». En application des dispositions de l’article D. 4221-6 du code, cette augmentation de la durée d’activité peut être justifiée pour assurer l’encadrement des périodes militaires d’initiation ou de perfectionnement à la défense nationale et celui de la journée défense et citoyenneté ou lorsque le réserviste a suivi une formation dans l’année en cours. De plus, dans la limite de 15 % de l’effectif de la réserve opérationnelle sous contrat au 1er janvier de l’année en cours, chaque force armée ou formation rattachée peut solliciter des réservistes susceptibles d’apporter un renfort temporaire ou des compétences spécifiques nécessaires à l’accomplissement de missions requérant une présence d’une durée supérieure à trente jours ;

– une durée de cent cinquante jours en cas de nécessité liée à l’emploi des forces. L’article D. 4221-7 ne précise pas les modalités de mise en œuvre de cette possibilité, si ce n’est qu’il indique qu’elle relève du ministre chargé de la Défense ou, s’agissant des réservistes de la gendarmerie nationale, du ministre de l’Intérieur. De plus, elle demeure soumise à l’accord préalable du réserviste ;

– enfin, cette durée peut être portée à deux cent dix jours pour les emplois présentant un intérêt de portée nationale ou internationale. De même, une telle disposition doit être autorisée par les ministres compétents. Son usage ne peut faire l’objet d’une délégation aux commandants de formation administrative ou aux autorités dont ils relèvent, à l’inverse du cas de figure précédent.

À l’heure actuelle, les 35 900 réservistes opérationnels des armées([115]) effectuent en moyenne vingt à trente jours d’activité.

Nombre de réservistes par durée dactivité au 30 juin 2017

Inférieur à 30 jours

Entre 30,5 et 60 jours

Entre 60,5 et 150 jours

Supérieur à 150 jours

27 626

5 456

1 983

22

Source : étude dimpact.

2. Les dispositions du projet de loi

L’article 10 du projet de loi a pour objet, d’une part, d’augmenter la durée légale d’activité de droit commun de trente à soixante jours et, d’autre part, de rationaliser le nombre de durées possibles en fusionnant les deux seuils intermédiaires. Pour ce faire, il apporte deux modifications à larticle L. 4221-6 du code de la défense.

Le procède à l’allongement du plafond légal d’activité « de droit commun » de trente à soixante jours. Cet allongement a pour objet d’accompagner la montée en puissance de la garde nationale, à laquelle l’ensemble de la représentation nationale est attachée. Le rapport annexé à la loi de n° 2009-928 du 29 juillet 2009 relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense prévoyait déjà une forte augmentation du nombre de réservistes opérationnels. Il était ainsi indiqué que « pour constituer le vivier des réservistes, un effort dinformation et de recrutement sera fourni. Lobjectif est de disposer de 40 000 réservistes opérationnels hors gendarmerie, prêts à souscrire un contrat dau moins trente jours par an ». L’objectif de 40 000 réservistes a été confirmé par la loi n° 2015‑917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense, dont le rapport annexé disposait que « la rénovation du dispositif de la réserve opérationnelle du ministère de la défense permettra de renforcer sa contribution aux missions des armées, notamment celle de protection du territoire national, à travers : une augmentation des effectifs à hauteur de 40 000 réservistes, principalement en renfort des unités dactive ». Cet objectif devait être atteint à l’horizon 2019.

Par ailleurs, comme le souligne l’étude d’impact, la montée en puissance de la garde nationale s’accompagne d’une augmentation du taux d’emploi des réservistes, afin de pouvoir recourir à près de 4 000 réservistes par jour.

La combinaison de ces deux objectifs suppose de pouvoir compter sur une durée annuelle d’activité de 36,5 jours par réserviste, ce qui appelle plusieurs commentaires. Premièrement, cette durée se situe bien au-delà du plafond actuel de droit commun, fixé à trente jours. Deuxièmement, dans la mesure où la durée d’engagement des réservistes dépend de leur disponibilité, il est indispensable de pouvoir compter sur un engagement plus important des réservistes les plus disponibles. L’étude d’impact indique ainsi que « de lordre de 30 % des réservistes devront pouvoir réaliser entre 40 et 55 jours annuels pour compenser les 10 % qui feront moins de dix jours et les 20 % qui feront moins de jours ».

C’est pourquoi le plafond de la durée maximale de droit commun est porté à soixante jours.

Le , quant à lui, procède à la rationalisation des durées annuelles d’activité possibles, en fusionnant les deux seuils intermédiaires. Ainsi la durée de soixante jours « pour répondre aux besoins des armées » et celle de cent cinquante jours « en cas de nécessité liée à lemploi des forces » sont groupées en une seule durée de cent cinquante jours « pour répondre aux besoins des forces armées et formations rattachées ». Ce faisant, les conditions d’emploi de la réserve opérationnelle sont également clarifiées, les notions de « besoins de forces armées » et de « nécessité liée à l’emploi des forces » pouvant se recouper et ainsi manquer à l’objectif constitutionnel de clarté et d’intelligibilité de loi.

Le seuil de deux cent dix jours n’est pas modifié.

Le rapporteur est tout à fait favorable à ces évolutions qui faciliteront l’atteinte des objectifs de montée en puissance de la réserve opérationnelle.

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La commission est saisie de l’amendement DN222 de M. Alexis Corbière.

M. Bastien Lachaud. Nous représentons un amendement déjà déposé lors du débat sur le projet de loi « sécurité » : le rapporteur de ce texte avait alors noté l’intérêt de notre proposition, tout en expliquant qu’il faudrait en discuter davantage avant d’avancer… Comme nous sommes des gens sérieux et constants, nous refaisons donc cette proposition.

À l’heure actuelle, le code du travail permet une autorisation d’absence de cinq jours pour servir dans la réserve. Des études ont pourtant montré que l’on y consacre en réalité entre vingt et trente jours : les réservistes prennent donc jusqu’à vingt-cinq jours sur leurs congés pour effectuer une mission de service public. Par ailleurs, le fait d’être réserviste est bien souvent un frein à l’embauche, car les employeurs savent que la personne sera absente plus souvent d’autres. Ce n’est pas acceptable compte tenu de l’importance de la réserve pour le fonctionnement de nos armées. C’est pourquoi nous proposons de porter l’autorisation d’absence à vingt jours dans le cadre de la réserve de sécurité nationale.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Comme deux autres amendements, prévoyant une durée différente, ont été déposés sur le même sujet après l’article 10, je vais donner tout de suite la parole à leurs auteurs, même si ce n’est pas dans nos habitudes.

M. Fabien Gouttefarde. Je considère que mon amendement DN270 n’est qu’un amendement de cohérence avec ce que nous souhaitons faire pour et avec la réserve. Comme M. Lachaud, je propose de modifier l’article L. 3142-89 du code du travail, mais en portant l’autorisation d’absence annuelle de cinq à dix jours : c’est moins que l’amendement DN222, car il me semble qu’une durée de vingt jours représenterait un effort beaucoup moins soutenable pour les employeurs du secteur privé. Je rappelle aussi que la LPM porte la durée de droit commun, si je puis dire, de l’engagement à servir dans la réserve (ESR) de trente à soixante jours, durée pour laquelle il ne sera plus nécessaire de demander une autorisation. Seuls cinq jours d’absence étant autorisés à l’heure actuelle, le salarié du secteur privé doit prendre sur ses congés payés, demander des congés sans solde ou réaliser son ESR le week-end.

M. Jean-Pierre Cubertafon. J’ai bien écouté les remarques formulées hier soir et notre amendement DN283 me paraît tout à fait adapté : afin de répondre aux besoins croissants de la garde nationale, il vise à porter l’autorisation d’absence de cinq à dix jours. Les réservistes de la police nationale dispose déjà d’une telle durée légale. Nous avons rencontré des cadres de la réserve et des organisations patronales qui sont favorables à cette évolution.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je comprends – et je partage – la finalité de ces amendements : nous devons donner à toutes celles et à tous ceux qui veulent participer aux réserves la possibilité de le faire le plus facilement possible quand ils ont un travail. Au-delà du socle de cinq jours d’autorisation d’absence qui est prévu par le code du travail, la philosophie actuelle consiste à inciter au dialogue avec les entreprises par toute une série de dispositifs, fiscaux ou d’autre nature. Quelques partenariats existent déjà. Je suis réservé sur ces amendements, car je crains qu’une durée de dix ou de vingt jours ne soit trop contraignante pour certaines entreprises, en particulier les petites.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Je crois que nous partageons tous l’objectif de faciliter, par tous les moyens possibles, la participation effective à la réserve de tous ceux qui veulent souscrire cet engagement. Le code du travail impose en effet un minimum de cinq jours d’autorisation d’absence par an, ce qui peut paraître modeste. Néanmoins, je tiens à souligner qu’un certain nombre de garanties sont prévues : en cas de refus, la décision de l’employeur doit être notifiée et motivée, ce qui protège le réserviste d’un risque de refus systématique et discrétionnaire et permet de contester les décisions devant le conseil de prud’hommes. Dans le cadre du contrat de travail, c’est-à-dire à titre individuel, mais aussi dans le cadre d’accords collectifs ou de conventions signées avec le ministère des Armées, l’employeur peut en outre adopter des mesures plus favorables, allant au-delà de cinq jours d’absence par an et susceptibles de comporter des protections telles que le maintien du salaire du réserviste pendant les périodes d’absence.

La réussite du dispositif de la réserve doit s’appuyer sur différents éléments et surtout continuer à capitaliser sur l’adhésion des employeurs, de manière collective. Il faut donc trouver un point d’équilibre entre les impératifs de ces derniers, que l’on doit naturellement prendre en compte, et les objectifs que nous poursuivons, c’est-à-dire encourager le plus possible le développement des périodes de réserve. Sur le plan de la méthode, la solution est assez naturelle : on doit laisser de l’espace à la discussion contractuelle. C’est ce que mon ministère cherche à faire en développant la politique des conventions. Nous sommes conscients qu’elles sont plus faciles à conclure, et c’est naturel, avec les grandes entreprises qu’avec les petites. C’est pourquoi nous devons poursuivre les efforts pour étendre le champ conventionnel à des entreprises qui n’en font pas partie aujourd’hui. Je ne crois pas, en revanche, qu’il soit souhaitable de procéder par la voie législative : je crains que cela ne conduise à un durcissement de la position d’un certain nombre d’employeurs, ce qui ne rendrait pas service à l’objectif d’un plus grand développement des périodes de réserve.

Pour toutes ces raisons, je donne un avis défavorable, même si je comprends l’esprit de ces amendements.

M. Bastien Lachaud. Je comprends votre réponse, mais je m’attendais à ce que vous acceptiez au moins l’amendement de mes collègues du groupe La République en Marche et du groupe du Mouvement démocrate et apparentés. Il ne faut pas oublier que les citoyens décident de s’engager dans la réserve pour contribuer à la défense de leur pays. Ce n’est pas un si grand sacrifice que de demander aux entreprises d’accorder à leurs salariés quelques jours d’absence lorsque cela c’est l’intérêt général qui est en jeu.

C’est pourquoi je maintiens l’amendement DN222.

M. Fabien Gouttefarde. Les conventions passées avec le délégué aux réserves existent. Elles sont au nombre de deux cent cinquante environ. Elles accordent davantage de jours, mais elles sont loin de couvrir l’ensemble de la population des réservistes.

J’entends votre argument, Madame la ministre, et je suis prêt à retirer l’amendement DN270. Mais ce débat doit avoir lieu pour que l’on puisse avancer.

M. Jean-Pierre Cubertafon. Je maintiendrai l’amendement DN283.

M. Laurent Furst. On pense au service mais peu aux entreprises. Pour avoir été directeur des ressources humaines dans un hôpital, je peux vous garantir que gérer des plannings en fonction des contraintes est un enfer et que le droit français est particulièrement riche de complexités. Quand on a inventé les RTT, on n’a pas facilité la gestion des entreprises ou des administrations publiques, et quand on a inventé le congé paternité on a renforcé les complexités. On ne cesse de vouloir en rajouter. Or il ne faut pas oublier que le mieux est l’ennemi du bien et que l’on peut détruire la compétitivité ou l’attractivité d’un territoire par une addition de bonnes volontés. Il faut prendre garde à ce que des mesures qui, prises individuellement vont dans le bon sens, ne deviennent toxiques pour notre tissu économique quand elles s’additionnent. Il faut donc être extrêmement prudent en la matière.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Merci pour votre avis de prudence, Monsieur Furst !

M. Didier Le Gac. Je partage cette prudence. Pour avoir été longtemps président d’un service départemental d’incendie et de secours (SDIS), je peux vous dire que les sapeurs-pompiers volontaires n’ont pas droit aux congés. Pourtant, ils servent aussi leur pays tous les jours. Ils peuvent quitter leur poste de travail si l’employeur le veut bien et après signature d’une convention avec le SDIS.

La commission rejette l’amendement DN222.

Puis elle adopte l’article 10 sans modification.

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Après l’article 10

L’amendement DN270 de M. Fabien Gouttefarde est retiré.

La commission rejette l’amendement DN283 de M. Jean-Pierre Cubertafon.

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Article 11
(art. L. 4143-1, L. 4221-2, L. 4221-4, L. 4251-2, L. 4251-7 du code de la défense)
Mesures destinées à promouvoir la réserve opérationnelle

L’article 11 du projet de loi modifie la quatrième partie du code de la défense en plusieurs endroits afin de promouvoir l’engagement dans la réserve opérationnelle. Au regard de la diversité des mesures envisagées par le texte, il est proposé, pour des questions de lisibilité et de clarté du propos, de les exposer par nature plutôt que de retenir une présentation faisant apparaître d’abord l’état du droit puis les dispositions du projet de loi.

1. L’assouplissement des conditions d’avancement des réservistes de certains corps

Le du présent article a vocation à assouplir les conditions d’avancement des réservistes de certains corps.

En l’état actuel du droit, l’article L. 4143-1 du code de la défense précise les conditions d’application du code de la défense aux militaires servant dans la réserve.

Son premier alinéa liste les articles du code applicables aux réservistes. Sont visés les articles L. 4121-1, L. 4121-2, L. 4121-4, L. 4121-5 relatifs aux conditions d’exercice des droits civils et politiques des militaires, l’article L. 4122-1 qui traite des obligations, notamment l’obéissance aux ordres de leurs supérieurs, et de la responsabilité des militaires, les articles L. 4123-1, L. 4123-2, L. 4123-4, L. 4123-5, L. 4123-8, L. 4123-10 à L. 4123-18 relatifs à la rémunération, à la protection et aux garanties des militaires, l’article L. 4131-1 décrivant la hiérarchie militaire, l’article L. 4135-1 sur la notation des militaires, l’article L. 4136-1 sur l’avancement, les articles L. 4137-1 à L. 4137-5 fixant le régime disciplinaire, les articles L. 4138-3, L. 4138-3-1, L. 4138-5 relatifs aux positions statutaires comme le placement en congé, le congé du blessé et les permissions et, enfin, certaines dispositions de l’article L. 4139-14 relatives à la radiation des cadres.

Le deuxième alinéa de cet article précise les conditions de promotion des sous-officiers et officiers de réserve, consacrant le principe selon lequel l’avancement dans la réserve ne doit pas être plus favorable et plus rapide que l’avancement des sous-officiers et des officiers de carrière. Afin de garantir l’effectivité de ce principe, le réserviste ne peut ainsi « être promu au grade supérieur que sil compte, dans le grade, une ancienneté au moins égale à celle de lofficier ou du sous-officier de carrière du même corps et du même grade le moins ancien en grade promu, à titre normal, la même année ». C’est cet alinéa qui fait l’objet de la modification apportée par le projet de loi.

Le troisième et dernier alinéa de cet article, enfin, autorise les réservistes à conserver leurs affiliations à des groupements politiques ou syndicaux, dès lors qu’ils s’abstiennent de telles activités durant leur période sous les drapeaux.

Le projet de loi propose de compléter le deuxième alinéa de cet article afin d’assouplir les conditions d’avancement des réservistes dans certains corps spécifiques. Pour ce faire, le 1° de l’article 11 ajoute deux phrases indiquant qu’« en labsence de promotion dofficier ou de sous-officier de carrière du même corps et du même grade la même année, une promotion dofficier ou de sousofficier de réserve peut être prononcée. Lancienneté requise correspond à celle constatée lors de la dernière promotion effectuée dans le corps et le grade de référence. »

Cet ajout permet la promotion d’officier ou de sous-officier de réserve en l’absence de promotion d’officier ou de sous-officier de carrière du même corps et du même grade la même année. Si la formulation générale ne limite pas cette possibilité à des corps clairement identifiés, elle ne sera ouverte, en pratique, qu’à ceux dont les effectifs d’active sont si faibles qu’il arrive qu’aucune promotion ne soit prononcée certaines années.

Il ressort de l’étude d’impact que cette situation vise en particulier certains corps du service de santé des armées, comme ceux des chirurgiens-dentistes, des pharmaciens ou des vétérinaires. Le décalage entre le nombre de personnels d’active et le nombre de réservistes y est tel que l’avancement de ces derniers est tout simplement bloqué. À titre d’exemple, l’étude d’impact indique que le corps des chirurgiens-dentistes compte 178 réservistes pour 38 militaires de carrière ou sous contrat. De manière globale, l’étude d’impact estime à une dizaine de personnes le nombre annuel de bénéficiaires de cette mesure, pour un coût des plus modestes, ne dépassant pas quelques milliers d’euros par an. Il s’agit là de faciliter l’avancement de carrière des réservistes au sein de corps spécifiques, et ainsi d’améliorer la reconnaissance de leur engagement.

Le rapporteur est donc tout à fait favorable à cette évolution, qui a fait l’objet d’un avis favorable du Conseil supérieur de la fonction militaire.

2. L’augmentation de la limite d’âge de certains réservistes

Le du présent article a pour objet de reporter la limite d’âge de certains réservistes intervenant dans des domaines pour lesquels le vivier est resserré.

En l’état actuel du droit, l’article L. 4221-2 du code de la défense, relatif aux conditions d’âge pour l’emploi des réservistes, indique que les limites d’âge des réservistes de la réserve opérationnelle sont celles des cadres d’active définies par le statut général des militaires augmentées de cinq ans. S’agissant des militaires du rang, la limite d’âge est de cinquante ans. De plus, le second alinéa de cet article souligne que le réserviste opérationnel doit « posséder lensemble des aptitudes requises pour servir dans la réserve opérationnelle », ce qui recouvre tant une aptitude sanitaire, reconnue par le service de santé des armées, qu’une aptitude opérationnelle reposant sur la formation et l’entraînement. Ainsi, les limites d’âge des réservistes opérationnels varient selon les corps et les grades, comme c’est le cas pour les militaires d’active. À ce sujet, le commentaire de l’article 8 illustre quelques différences entre les corps s’agissant des limites d’âge des officiers.

Le projet de loi propose une réécriture du premier alinéa de cet article afin de reporter la limite d’âge de certains réservistes aux compétences spécifiques. Aux termes du projet de loi, l’article L. 4221-2 serait ainsi composé de cinq alinéas :

– les deux premiers alinéas reprennent les dispositions en vigueur quant à la limite d’âge des militaires de la réserve opérationnelle, officiers et militaires du rang. Tout juste une précision est-elle apportée afin de renvoyer à l’article L. 4139-16 qui comprend les dispositions relatives aux limites d’âge des militaires d’active ;

– le troisième alinéa de l’article L. 4221-2 modifié allonge à dix ans au‑delà de la limite d’âge des militaires d’active la limite d’âge des réservistes spécialistes dont les modalités de recrutement sont définies à l’article L. 4221‑3. En pratique, cela concerne notamment les traducteurs de dialectes rares parlés dans des régions où les forces françaises sont engagées ou les ingénieurs militaires de corps techniques très spécialisés, comme ceux intervenant dans le domaine de l’analyse de l’image par exemple. Par ailleurs, cet allongement ne pourrait conduire à engager un réserviste âgé de plus de soixante-douze ans, âge maximal fixé par le texte ;

 le quatrième alinéa de larticle L. 4221-2 modifié allonge à douze ans au-delà de la limite dâge des militaires dactive la limite dâge des réservistes de la réserve opérationnelle relevant du corps des médecins, des pharmaciens, des vétérinaires et des chirurgiens-dentistes. Si le texte est muet en la matière, lâge maximal de ces réservistes est implicitement fixé à soixante-douze ans, la limite dâge de ces personnels étant fixée, dans lactive, à 62 ans par larticle L. 4139-16 susmentionné ;

– le cinquième alinéa, enfin, reprendrait les dispositions exposées ci‑dessus relatives à l’aptitude nécessaire des réservistes opérationnels.

Ces évolutions vont dans le bon sens. D’après l’étude d’impact, la prolongation des limites d’âge ne concernera que quelques centaines de personnes, dont les règles de recrutement dans la réserve opérationnelle sont par ailleurs très encadrées. Elle permettra de préserver des ressources indispensables aux armées, et qu’il est compliqué de renouveler au regard de l’étroitesse du vivier dans des domaines très spécifiques. C’est pourquoi le rapporteur y est pleinement favorable.

3. L’encadrement du recours à la clause de réactivité

Le du présent article procède à un encadrement du recours à la « clause de réactivité » inscrite à certains contrats d’engagement à servir dans la réserve opérationnelle. En l’état actuel du droit, l’article L. 4221-4 du code de la défense traite des conditions dans lesquelles le ministre chargé de la Défense ou, s’agissant de la gendarmerie nationale, le ministre chargé de l’Intérieur, peuvent recourir aux réservistes, fixe les obligations du réserviste à l’égard de son employeur et les droits de ce dernier s’agissant de la mobilisation de ses personnels.

Ainsi, le premier alinéa indique que le réserviste qui accomplit son engagement à servir dans la réserve opérationnelle pendant son temps de travail doit prévenir l’employeur de son absence un mois au moins avant le début de celle-ci.

Le deuxième alinéa fixe, en creux, une obligation pour les employeurs de libérer leurs collaborateurs réservistes cinq jours par année civile. Au-delà de cette durée, l’accord de l’employeur est requis, et tout refus de sa part doit être motivé et notifié à l’intéressé ainsi qu’à l’autorité militaire dans les quinze jours qui suivent la réception de la demande. Par ailleurs, en application du troisième alinéa de l’article L. 4221-4-1 du code, la durée de mise à disposition obligatoire des réservistes par leur employeur peut être portée à dix jours en cas de crise menaçant la sécurité nationale. Cet allongement est décidé par arrêté du ministre chargé de la Défense ou, s’agissant des réservistes de la gendarmerie nationale, du ministre de l’Intérieur, les employeurs pouvant demander à ce que leurs collaborateurs soient dégagés de ces obligations en cas de nécessité inhérente à la poursuite de la production de biens ou de services ou à la continuité du service public.

Le troisième alinéa prévoit que le ministre compétent peut, « lorsque les circonstances lexigent », faire appel par arrêté aux réservistes ayant souscrit une clause de réactivité sous préavis de quinze jours, ce délai pouvant être réduit avec l’accord de l’employeur. Cet alinéa appelle plusieurs commentaires.

D’abord, il convient de souligner que, même en l’absence de clause de réactivité, le ministre compétent peut de toute façon réduire d’un mois à quinze jours le délai dans lequel le réserviste doit prévenir son employeur de son engagement à venir. Cette possibilité, ouverte « en cas de crise menaçant la sécurité nationale », est prévue au deuxième alinéa de l’article L. 4221-4-1 susmentionné et créé par la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense. Les conditions d’emploi de cette disposition sont certes plus restreintes, dans la mesure où une menace sur la sécurité nationale constitue un motif plus précis que les simples « circonstances », mais sont ainsi plus précises et prévisibles pour les employeurs comme pour les réservistes.

Ensuite, la clause de réactivité susceptible d’être introduite dans un contrat d’engagement à servir dans la réserve opérationnelle est soumise à l’accord de l’employeur en application des huitième et neuvième alinéas de l’article L. 4221‑1.

Le quatrième alinéa, dont la rédaction fort générale paraît peut normative, indique simplement que des mesures tendant à faciliter l’engagement, l’activité et la réactivité dans la réserve peuvent résulter du contrat de travail, de clauses particulières de l’engagement à servir dans la réserve opérationnelle ayant reçu l’accord de l’employeur, des conventions ou accords collectifs de travail, ou des conventions conclues entre l’employeur et le ministre de la Défense. Le rapporteur s’interroge sur la pertinence de cette disposition, dont rien n’empêchait la mise en œuvre en l’absence de fondement législatif. La loi semble, en l’état, inutilement bavarde.

Le texte du projet de loi clarifie les conditions d’emploi de la clause de réactivité, en modifiant le début du troisième alinéa de cet article. Ainsi, plutôt que d’autoriser son activation « lorsque les circonstances lexigent », formule des plus générales et floues, elle pourrait à l’avenir l’être « sur demande de lautorité militaire, lorsque les ressources militaires disponibles apparaissent insuffisantes pour répondre à des circonstances ou à des nécessités ponctuelles, imprévues et urgentes ».

Certes, cette formulation apparaît plus précise, et ce faisant plus protectrice tant des employeurs que des réservistes. Concernant les employeurs, il s’agit ainsi de les inciter à accepter plus facilement l’insertion d’une clause de réactivité, sa mise en œuvre étant plus encadrée. Concernant les réservistes, il s’agit également de contribuer à la préservation de leurs bonnes relations avec leurs employeurs, alors que nombre d’entre eux décident de cacher leur engagement à leur hiérarchie, tout en leur garantissant une certaine prévisibilité de leur activité.

La modification proposée par le projet de loi substitue donc à une vague notion quatre conditions cumulatives pour l’activation de la clause de réactivité :

– une situation ponctuelle ;

– une situation urgente nécessitant une réaction rapide ;

– une situation imprévue, ce qui exclut les événements susceptibles d’être anticipée comme une compétition sportive (Euro 2016), un salon (Salon international de l’agriculture) ou une conférence internationale (COP 21) ;

– une situation dans laquelle les ressources militaires disponibles apparaissent insuffisantes.

On peut ainsi penser que la clause de réactivité pourrait être mise en œuvre, à titre d’exemple, pour conduire les opérations menées par la puissance publique à la suite d’un événement météorologique particulièrement rude et nécessitant une contribution des armées. Notons qu’à ce jour, le dispositif permettant la mise en œuvre de la clause de réactivité prévue n’a encore jamais été déclenché.

L’adoption de ces dispositions conduirait donc à disposer de deux outils de montée en puissance progressive du recours aux réservistes :

– en cas de pic d’activité, mise à disposition sous préavis de quinze jours de réservistes par l’activation de la clause de réactivité pour les réservistes dont le contrat d’engagement à servir l’inclut ;

– en cas de menace sur la sécurité nationale, mise à disposition possible de tous les réservistes sous préavis de quinze jours.

Le rapporteur estime que ces dispositions permettent de bâtir un dispositif cohérent, robuste et réactif, et en soutient pleinement l’adoption.

4. Protection sociale des réservistes

Le du présent article, enfin, apporte deux modifications au chapitre unique du titre V du livre II du code de la défense, qui recense les dispositions sociales et financières.

Le a) apporte une précision à l’article L. 4251-2 relatif à la protection sociale du réserviste.

L’article L. 4251-2 dispose que le réserviste bénéficie, lorsqu’il effectue son engagement, des dispositions de l’article L. 161-8 du code de la sécurité sociale, c’est-à-dire du maintien des prestations « en espèces » des assurances maladie, maternité, invalidité et décès relevant de son régime de sécurité sociale habituel. Pour rappel, les prestations « en espèces » sont des indemnités journalières correspondant donc à un versement financier par la sécurité sociale lorsque l’assuré est confronté à une perte de salaire du fait de sa maladie, de sa maternité, de la vieillesse, ou d’une invalidité. Elles sont distinctes des prestations « en nature », destinées au remboursement total ou partiel des dépenses médicales, paramédicales et des frais d’hospitalisation.

Il est également précisé que ce bénéfice perdure sans délai en cas de disparition ou d’enlèvement du réserviste comme s’il est fait prisonnier pendant qu’il exerce une activité dans la réserve opérationnelle. Ces dispositions s’appliquent également aux ayants droit du réserviste concerné.

Le projet de loi propose de compléter ses dispositions afin de tenir compte des évolutions apportées à la rédaction de l’article L. 168-1 du code de la sécurité sociale par l’article 59 de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016. Cet article a procédé à la création d’un régime universel de l’assurance maladie, achevant ainsi l’universalisation de la prise en charge des frais de santé, et garantissant l’effectivité de ce droit tout au long de la vie des assurés.

Le rapport législatif de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale sur le projet de loi de finances pour 2016([116]) indique, au sujet de cette réforme, que si la création de la couverture maladie universelle en 1999 avait « sans conteste permis daméliorer très sensiblement laccès aux soins (…) de nombreuses ruptures dans la prise en charge des frais de santé sont encore constatées ». En instaurant la couverture universelle des frais de santé, le législateur a entendu lever les derniers obstacles à la continuité de l’accès aux soins. Pour ce faire, la réforme a procédé à une réelle révolution copernicienne s’agissant de la prise en charge des frais de santé. En effet, alors que le code de la sécurité sociale consacrait la logique de lassurance par le travail pour bénéficier dune couverture sociale, le législateur a modifié lalinéa 2 de larticle L. 111-1 du code afin de placer sur un pied dégalité les deux conditions alternatives ouvrant droit à la couverture « des charges de maladie, de maternité et de paternité ainsi que des charges de famille », à savoir lexercice dune activité professionnelle ou la résidence stable et régulière en France. Cette réforme ne porte donc bien que sur les prestations « en nature », qui correspondent à la prise en charge des frais de santé. Sagissant des prestations « en espèces » a été maintenu le principe de lassurance par le travail, en garantissant les travailleurs « contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leurs revenus ».

Le rapporteur a bien entendu soutenu cette réforme, comme en témoigne son vote lors du scrutin public du 27 octobre 2015. L’universalisation de la prise en charge des frais de santé constitue en effet un impératif à laquelle chacun se doit d’être attaché. Toutefois, il note que cette réforme a indirectement fragilisé le régime de protection sociale des réservistes engagés dans la réserve opérationnelle. En effet, l’article L. 4251-2 du code de la défense prévoyait traditionnellement que les réservistes opérationnels conservaient le bénéfice de la prise en charge des prestations en nature comme des prestations en espèces, par leur organisme de rattachement, durant leur période d’activité dans la réserve. Cette prise en charge était garantie par le simple renvoi, par le code de la défense, aux dispositions du code de la sécurité sociale susmentionnées. Or, la mise en place de la protection universelle maladie a conduit à la suppression de la mention des frais de santé à l’article L. 161-8 du code de la sécurité sociale.

Afin de sécuriser la prise en charge des frais de santé des réservistes par leur organisme de rattachement, il est donc simplement proposé d’ajouter une mention consacrant ce principe général de prise en charge dans le code de la défense. Cette précision purement technique reçoit bien entendu l’assentiment du rapporteur.

Le b) propose une nouvelle rédaction de l’article L. 4251-7 relatif à la réparation des préjudices subis par le réserviste pendant une période de réserve.

En l’état actuel du droit, l’article L. 4251-7 dispose que le réserviste victime de dommages subis dans le service ou à l’occasion du service et, en cas de décès, ses ayants droit, obtiennent de l’État, lorsque la responsabilité de ce dernier est engagée, la réparation intégrale du dommage subi, suivant les règles du droit commun.

D’après les chiffres fournis par l’étude d’impact, les demandes de réservistes traitées par le ministère des Armées en 2017 représentent une trentaine de dossiers, pour un montant total d’indemnisation de l’ordre de 300 000 euros. Le nombre de dossiers traités était de 35 en 2014, 31 en 2015 et huit en 2016.

Cette disposition a traditionnellement été interprétée par le juge administratif comme instituant un régime de responsabilité sans faute de l’État. La position du juge administratif était en cela cohérente avec la volonté du législateur, dont l’objectif était de permettre, au-delà de la concession éventuelle d’une pension militaire d’invalidité, l’indemnisation intégrale de l’ensemble des préjudices subis, notamment les préjudices extrapatrimoniaux et la perte de salaire résultant de l’interruption de l’activité civile. Toutefois, une jurisprudence récente du tribunal administratif de Rennes([117]) témoigne d’un changement de regard du juge administratif sur ces dispositions. En effet, le juge a considéré que les « règles du droit commun » auxquelles l’article L. 4251‑7 faisait référence étaient celles du régime de responsabilité applicable aux militaires. Comme le rappelle l’étude d’impact, le Conseil d’État a progressivement défini les contours de ce régime, qui prévoit une indemnisation forfaitaire des pertes de revenus, de l’incidence professionnelle de l’incapacité physique et du déficit fonctionnel par l’octroi d’une pension militaire d’invalidité([118]).

Or, si les militaires de carrière voient l’intégralité de leurs revenus indemnisés par le versement d’une pension militaire d’invalidité, les réservistes se trouvent dans une situation bien différente. L’application de la décision émise par le tribunal administratif de Rennes conduit en effet à ne les indemniser, en l’absence de reconnaissance de faute de l’État, que de la perte de revenu lié à leurs activités de militaire, qui constituent une part bien marginale de leurs activités, et ainsi de leurs revenus. Bien souvent, le salaire perçu par un réserviste en tant que civil est bien plus important que la solde perçue au titre de l’engagement dans la réserve opérationnelle.

Afin de clarifier le régime juridique de l’indemnisation des réservistes, le projet de loi propose donc une nouvelle rédaction de l’article L. 4251-7 du code de la défense, prévoyant que le réserviste victime de dommages subis pendant les périodes d’activité dans la réserve a droit à la réparation intégrale du préjudice subi. Ce droit bénéficie à ses ayants droit en cas de décès et, bien sûr, la responsabilité de l’État ne peut être engagée si le préjudice résulte d’un fait personnel détachable du service.

Cette évolution permettra d’accroître la protection des réservistes des armées et de la gendarmerie nationale, en levant l’ambiguïté ayant conduit au jugement du tribunal administratif de Rennes. De plus, elle permet de mettre en cohérence les régimes applicables aux différentes catégories de réservistes, en reprenant les dispositions applicables aux réservistes sanitaires et de la police nationale en application des dispositions des articles L. 3133-6 du code de la santé publique et L. 411-16 du code de la sécurité intérieure.

Le rapporteur y souscrit donc totalement.

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La commission en vient à l’amendement DN299 de M. Philippe Chalumeau.

Mme Françoise Dumas. Cet amendement vise à inclure les officiers mariniers dans le dispositif destiné à promouvoir le service dans la réserve et à fidéliser les réservistes en reconnaissant leur investissement au service de la nation.

L’appellation des officiers mariniers n’apparaît pas à l’alinéa 2 de l’article 11 tel qu’il est rédigé. Or l’article L. 4131-1 du code de la défense précise que le grade de sous-officier correspond, dans la marine nationale, au grade d’officier marinier. Ces derniers constituent bien une catégorie propre.

J’ajoute qu’au-delà de l’aspect administratif et juridique, une longue tradition entoure cette dénomination dont l’usage remonte au XVIe siècle. Alors que nos armées œuvrent pour protéger leur grade et appellations afin qu’ils ne soient pas dévoyés, il nous a semblé important que chacun puisse conserver son identité propre et ses valeurs.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je vous rappelle que cet alinéa a trait à la promotion d’officiers ou de sous-officiers dans le cas où il n’y aurait pas assez de promotions dans l’active qui bloqueraient leur évolution. On parle d’officiers et de sous-officiers de manière générique. Comme vous l’avez rappelé, les officiers mariniers sont des sous-officiers. Aussi votre amendement est-il satisfait. Je m’en remets donc à la sagesse de la commission.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis.

Mme Nicole Trisse. Je voterai l’amendement. Autant que cette liste soit exhaustive et que l’on n’oublie personne.

M. Philippe Chalumeau. J’y suis également favorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Les officiers mariniers étant des sous-officiers, ils ne sont évidemment pas exclus du dispositif de l’article 11. Je ne vois pas d’objection à ce que l’on veuille donner un coup de chapeau ou singulariser tel ou tel, mais la l’article 11 répond déjà parfaitement, tel qu’il est rédigé, au problème que vous posez.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement DN351 de M. Jean-Pierre Cubertafon.

M. Jean-Pierre Cubertafon. Cet amendement vise à créer un fichier national de recensement des militaires retraités opérant au sein de la réserve opérationnelle de niveau 2, ce qui permettra un usage plus adapté, plus efficace et surtout plus performant de cette réserve. Ce fichier retranscrira les informations relatives à l’identité, au lieu de domicile ainsi qu’à la spécialisation du militaire retraité réserviste.

Aujourd’hui, l’expérience et les compétences des réservistes de niveau 2 sont sont-exploitées, ce qui est fortement dommageable. Pire encore, il faut noter une relative difficulté de l’armée à mobiliser ses réservistes dont le suivi n’est pas optimal. Ce fichier permettra donc un meilleur suivi et une meilleure utilisation de ce vivier d’anciens militaires pouvant apporter leur savoir-faire à la réserve opérationnelle de niveau 2.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. L’adoption de l’amendement reviendrait à faire intervenir le législateur pour définir des modalités de gestion de cette réserve, alors que ce sont des mesures internes du secrétariat général de la garde nationale.

Je vous propose donc de retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis. Cet amendement est un cavalier puisqu’il n’a pas de lien direct avec le projet de loi que nous examinons.

L’amendement est retiré.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels DN480 et DN481 du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement DN223 de M. Alexis Corbière.

M. Bastien Lachaud. On sait aujourd’hui que l’état de stress post-traumatique (ESPT) peut être détecté plusieurs années après l’événement qui l’a causé. Les termes « pendant les périodes d’activité dans la réserve » laissent penser que la charge de la preuve porterait sur la victime des blessures. Nous proposons de les remplacer par les mots « du fait des périodes d’activité dans la réserve », afin que soient bien inclus des traumatismes ou des maladies qui se développeraient du fait des périodes d’activité mais hors de ces périodes d’activité.

Si vous me démontrez que cet amendement est superfétatoire, je serai ravi de le retirer.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Monsieur le député, je n’emploierais pas cet adjectif… J’ai néanmoins tendance à considérer que votre amendement est satisfait. Le 17 janvier dernier, nous avons auditionné la médecin général des armées Maryline Gygax Généro, directrice centrale du service de santé des armées (SSA), qui a bien détaillé le dispositif pris en charge au sein du SSA.

Elle a rappelé que, dans chaque hôpital de santé des armées, des dispositifs ont été mis en place, aussi bien pour les militaires que pour les réservistes.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Je peux vous confirmer que les conséquences du syndrome post-traumatique font déjà partie des dommages pour lesquels une indemnisation au titre des préjudices subis est prévue. Par ailleurs, nous savons parfaitement qu’il peut exister un décalage dans le temps entre le fait générateur et la manifestation du symptôme. Il n’y a pas de charge de la preuve particulière à développer. Il me semble que cibler le syndrome de stress post-traumatique reviendrait a contrario à reléguer au second plan d’autres syndromes qui peuvent aussi faire l’objet d’une indemnisation. Je crois que cette question est tout à fait prise en compte par le ministère des Armées. Pour cette raison, cet amendement ne me paraît pas utile.

M. Bastien Lachaud. Au vu de vos éléments de réponse, je suis ravi de retirer l’amendement !

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 11 modifié.

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Après l’article 11

La commission examine l’amendement DN499 rectifié du rapporteur.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. J’avais déposé un amendement donnant une assise législative à la présence de deux députés et de deux sénateurs au sein du conseil supérieur de la réserve militaire (CSRM). IL s’agissait de tirer les conséquences de la modification de l’article LO.145 du code électoral par la loi organique du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique. Le Gouvernement vient de m’informer qu’il ne comprend dorénavant qu’un député et un sénateur. Je rectifie donc mon amendement en ce sens.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Avis favorable sur l’amendement rectifié.

La commission adopte l’amendement tel qu’il vient d’être rectifié.

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Article 11 bis (nouveau)
(art. L. 4261-1 du code de la défense)
Présence de parlementaires au sein du conseil supérieur de la réserve militaire

Sur proposition du rapporteur, la commission a adopté un amendement portant article additionnel ayant pour objet de tirer les conséquences de la modification de l’article LO. 145 du code électoral par la loi organique n° 2017‑1338 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique. Dorénavant, un parlementaire ne peut être désigné en cette qualité dans une institution ou un organisme extérieur au Parlement qu’en vertu d’une disposition législative qui détermine les conditions de sa désignation. S’agissant du conseil supérieur de la réserve militaire (CSRM), l’article L. 4261-1 du code de la défense renvoie à un décret le soin de définir sa composition et la présence de parlementaires est ainsi prévue à l’article D. 4261-2 du code.

Ce nouvel article du projet de loi crée donc la base législative nécessaire à la désignation de parlementaires au sein du CSRM.

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Puis elle est saisie de l’amendement DN312 de M. Philippe Chalumeau.

M. Jean-Philippe Ardouin. Cet amendement vise à élever au niveau législatif le principe de la participation de parlementaires au conseil consultatif de la garde nationale.

Depuis la loi organique du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique, un parlementaire ne peut être désigné en cette qualité dans une institution ou un organisme extérieur qu’en vertu d’une disposition législative qui détermine les conditions de sa désignation. En conséquence, il est nécessaire qu’une disposition législative expresse permette aux sénateurs et aux députés de siéger au conseil consultatif de la garde nationale et fixe les conditions de leur désignation.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Avis favorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis.

La commission adopte l’amendement.

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Article 11 ter (nouveau)
Présence de parlementaires au sein du conseil consultatif de la garde nationale

Sur proposition du rapporteur, la commission a adopté un amendement portant article additionnel ayant pour objet de tirer les conséquences de la modification de l’article LO. 145 du code électoral par la loi organique n° 2017‑1338 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique. Dorénavant, un parlementaire ne peut être désigné en cette qualité dans une institution ou un organisme extérieur au Parlement qu’en vertu d’une disposition législative qui détermine les conditions de sa désignation.

S’agissant du conseil consultatif de la garde nationale, le décret n° 2016‑1364 du 13 octobre 2016 relatif à la garde nationale prévoit, en son article 7, que le conseil comprend notamment un député désigné par le président de l’Assemblée nationale et un sénateur désigné par le président du Sénat après chaque renouvellement partiel du Sénat.

Ce nouvel article du projet de loi crée donc la base législative nécessaire à la désignation de parlementaires au sein du conseil consultatif de la garde nationale.

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Section 3
Dispositions diverses dans le domaine des ressources humaines

Article 12
(art. L. 4139-5 du code de la défense) 
Extension du congé de reconversion prévu à larticle L. 4139-5 à tous les militaires blessés en service

L’article 12 a pour objet d’harmoniser les conditions d’éligibilité des militaires blessés en service au congé de reconversion leur permettant de suivre une formation.

1. Le dispositif actuel

a. Pour lensemble des militaires, hors blessés en opération

L’article L. 4139-5 dispose que : « Pour la formation professionnelle ou laccompagnement vers lemploi, le militaire ayant accompli au moins quatre ans de services effectifs peut, sur demande agréée, bénéficier dun congé de reconversion dune durée maximale de cent vingt jours ouvrés, qui peut être fractionné […]. Il peut ensuite, selon les mêmes conditions, bénéficier dun congé complémentaire de reconversion dune durée maximale de six mois consécutifs.

Le volontaire ayant accompli moins de quatre années de services effectifs peut bénéficier dun congé de reconversion dune durée maximale de vingt jours ouvrés […]. »

La formation, et le congé afférent, étant toutefois une possibilité soumise à agrément et non un droit opposable, il est constaté des pratiques différentes selon les armées. Ainsi, la durée minimum de service effectif, fixée par la loi à quatre ans, est plutôt de cinq ans ou plus dans l’armée de terre et de huit ans dans la Légion étrangère. De la même façon, la durée moyenne de congé accordée par les gestionnaires des ressources humaines et des formations rattachées des armées est inférieure à la possibilité ouverte par la loi, soit 79 jours pour le congé de conversion et 89 pour le congé complémentaire ([119]).

Les militaires comptant moins de quatre ans de service peuvent toutefois bénéficier d’un accompagnement réduit qui comprend des prestations d’information, d’orientation, de techniques de recherche d’emploi (préparation aux entretiens d’embauche, aide à la rédaction de curriculum vitae…), et de validation des acquis de l’expérience. Cette possibilité est souvent méconnue des militaires eux-mêmes et de leur encadrement.

Seuls les militaires quittant les armées au cours de la période probatoire ne peuvent prétendre à aucun accompagnement.

b. Pour les militaires blessés en opération

L’article précité introduit une exception, assortie de conditions, pour les militaires blessés : « Sauf faute de la victime détachable du service, le militaire blessé en opération de guerre, au cours dune opération qualifiée dopération extérieure […], dune opération de maintien de lordre, dune opération de sécurité publique ou de sécurité civile définie par décret peut, sur demande agréée et sans condition dancienneté de service, bénéficier des dispositions prévues au premier alinéa du présent II […] ».

Le soldat blessé en opérations peut donc bénéficier, sur demande agréée, des deux congés de reconversion et de l’ensemble de l’offre de Défense mobilité : prestations d’orientation individuelles ou collectives, accompagnement vers l’emploi, accompagnement vers la création ou la reprise d’entreprise, formations en milieu militaire ou en milieu civil.

Mais cette prise en charge ne se limite pas au militaire puisqu’elle s’étend à son conjoint, à toute personne ayant la charge d’éducative ou financière de l’enfant mineur d’un militaire blessé en opération ainsi que, s’ils sont âgés de moins de 21 ans au moment du fait générateur, aux enfants des militaires blessés en opération se trouvant dans l’incapacité permanente d’occuper un emploi.

Sur avis favorable du médecin militaire, le militaire blessé en opération peut accéder à l’ensemble de l’offre durant les différents types de congé maladie dont il est susceptible de bénéficier.

Par ailleurs, pour tenir compte de leurs difficultés particulières les militaires blessés en opération peuvent recourir à un accompagnement sans limite de temps, alors que les anciens militaires radiés des contrôles ne peuvent accéder à l’offre de Défense mobilité que durant trois ans après leur départ.

Un effort spécifique a été voulu par le ministère pour l’adaptation de l’offre de Défense mobilité aux blessés avec notamment un réseau de 40 conseillers spécialisés et sensibilisés au syndrome post-traumatique, avec la présence de Défense mobilité à l’Hôtel national des Invalides auprès de l’ONACVG et des cellules d’aide aux blessés, avec l’adaptation du Centre militaire de formation professionnelle et avec la sensibilisation des recruteurs potentiels.

Les données disponibles en 2016 indiquent que 121 militaires blessés en opération ont effectué un entretien diagnostic et que 56 ont été reclassés, dont 45 dans le secteur privé et 11 dans le secteur public ([120]).

2. un progrès souhaitable pour les militaires et pour les armées

Actuellement, s’il ne compte pas parmi les rangs des volontaires, et s’il a moins de quatre ans d’ancienneté, le militaire blessé en service est assujetti aux conditions s’appliquant à tous les militaires de moins de quatre d’ancienneté, et bénéficie donc d’un accompagnement réduit, excluant tout congé de reconversion et toute formation qualifiante.

Or, les conséquences de la blessure sur la vie du militaire dans l’incapacité de poursuivre sa carrière au sein des armées, sont souvent équivalentes quel qu’ait été l’événement générateur. Il est donc proposé une harmonisation qui présente des avancées non seulement pour le militaire mais également pour les armées.

a. Pour les militaires

La réinsertion professionnelle dans le secteur civil représente une difficulté pour de très nombreux militaires valides. Elle est accrue pour tous les militaires blessés, d’autant que leur départ de l’armée peut ne pas résulter d’un choix mais bien de l’impossibilité de continuer à remplir leur fonction au sein de l’institution.

Pour les blessés en service de moins de quatre ans d’ancienneté, viennent s’ajouter leurs courtes années de service qui peuvent ne pas leur avoir permis l’acquisition d’une spécialisation valorisable en milieu civil.

Le militaire est donc rendu à la vie civile avec un handicap, parfois lourd, alors qu’il a été blessé au service de son pays. De plus, la différence de traitement entre les blessés peut être ressentie comme une injustice devant être corrigée.

b. Pour linstitution

Il est légalement du devoir de l’employeur public de reclasser un agent qui n’est plus apte à exercer son emploi ([121]). Par-delà ce devoir, il est de l’intérêt du ministère des Armées que le plus grand nombre de militaires quittant l’institution, blessés ou valides, le fasse dans de bonnes conditions et embrasse rapidement une deuxième carrière. Il en va certes de son budget, mais surtout de sa réputation et de son attractivité.

Quelle que soit l’ancienneté, la survenue d’une blessure ou d’une affection liée au service n’obère en rien la qualité de l’engagement du militaire qui peut légitimement prétendre à l’expression de la reconnaissance de la Nation. Une manifestation de cette reconnaissance serait le digne accompagnement de tous les militaires blessés vers un deuxième métier, la précarisation d’anciens militaires blessés devant être évitée à tout prix.

3. Un dispositif qui concerne tous les militaires blessés

Le dispositif tend à permettre l’éligibilité sans condition dancienneté de tous les militaires blessés en service ou victimes d’une affection survenue du fait ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions au congé de reconversion et au congé complémentaire de reconversion. Ces congés sont accordés, sur demande, pour une formation et après agrément de l’encadrement de l’unité et validation du projet professionnel par Défense Mobilité.

Ainsi au troisième alinéa du II de l’article L. 4139-5 du code de la défense est-il proposé de remplacer les mots : « en opération de guerre, au cours dune opération qualifiée dopération extérieure dans les conditions prévues à larticle L. 4123-4, dune opération de maintien de lordre, dune opération de sécurité publique ou de sécurité civile définie par décret » par les mots : « en service ou victime dune affection survenue dans lexercice ou à loccasion de lexercice de ses fonctions ou dune activité qui en constitue le prolongement normal. »

Le rapporteur estime que cette disposition est à même de rétablir un équilibre. Pour accomplir leur mission dans les meilleures conditions, les militaires ont besoin d’avoir une confiance absolue dans la prise en charge dont ils sont susceptibles de bénéficier s’ils venaient à être blessés. Cette mesure y contribue en couvrant l’ensemble du spectre des blessures ou des affections en lien avec le service.

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La commission adopte l’article 12 sans modification.

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Article 13
(art. L. 12 ter du code des pensions civiles et militaires)
Majoration de pension pour les militaires élevant un enfant handicapé

L’article proposé a vocation à corriger une imprécision législative.

1. Un droit accordé aux militaires sans base légale

Dans sa rédaction issue de la loi portant réforme des retraites de 2003 ([122]), l’article L. 12 ter du code des pensions civiles et militaires de retraite dispose que « les fonctionnaires, élevant à leur domicile un enfant de moins de vingt ans atteint dune invalidité égale ou supérieure à 80 %, bénéficient dune majoration de leur durée dassurance dun trimestre par période déducation de trente mois, dans la limite de quatre trimestres. » 

Alors que la lettre de l’article L. 12 ter du code des pensions civiles et militaires de retraite ne fait référence qu’aux seuls fonctionnaires, l’article D. 22-1 du code des pensions civiles et militaires de retraite mentionne que le fonctionnaire ou le militaire est susceptible de bénéficier d’une majoration de sa durée d’assurance en application de l’article L. 12 ter précité. La mesure réglementaire est donc plus large que ce que permet la rédaction de l’article L. 12 ter susmentionné.

Par conséquent, il manque une base légale à cette disposition réglementaire pour pouvoir la mettre en œuvre.

2. Le dispositif proposé

L’article proposé ajoute une référence expresse aux militaires dans l’article L. 12 ter du code des pensions civiles et militaires.

Il y a actuellement 715 militaires ayant élevé ou élevant un enfant de moins de 20 ans atteint d’une invalidité égale ou supérieure à 80 %, donc susceptibles de bénéficier de cette mesure.

Compte tenu du nombre de bénéficiaires potentiels de la mesure, l’extension aux militaires du bénéfice de la majoration de durée d’assurance pour avoir élevé un enfant atteint d’une invalidité égale ou supérieure à 80 % aura un impact budgétaire limité pour le compte d’affectation spéciale « Pensions ». En se fondant sur un indice moyen majoré de liquidation des pensions de 750 et dans l’hypothèse où le militaire bénéficie de 146 trimestres admis en liquidation, le coût annuel par trimestre de majoration serait de 346 euros (calculé comme suit : 146/167 x 0,75 x 56,2323 x 750 x 1,25 %).

Les membres du Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) entendu par le rapporteur ont regretté que la mesure n’ait pas une portée rétroactive pour garantir une égalité de traitement avec les fonctionnaires.

Les dispositions de l’article L. 12 ter précité ont fait l’objet jusqu’en 2015 d’une lecture extensive incluant les militaires. Il s’ensuit qu’un seul militaire a pu être identifié comme potentiellement lésé par une application littérale de cet article, et qu’aucun contentieux pendant à ce sujet n’a été à ce jour relevé.

Dans ces conditions, il n’a pas été jugé opportun par le Gouvernement de donner à la majoration de pension pour les militaires élevant un enfant handicapé une portée rétroactive.

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La commission adopte l’article 13 sans modification.

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Après l’article 13

La commission examine l’amendement DN395 du Gouvernement.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Cet amendement vise un objectif de solidarité nationale.

Le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre prévoit que certaines personnes – invalides, victimes civiles de guerres, victimes du terrorisme – sont éligibles à des emplois réservés pour garantir leur insertion sociale. En l’état actuel du droit, les personnes éligibles aux emplois réservés dans les trois fonctions publiques ne peuvent accéder qu’aux emplois de catégorie C ou B. L’amendement vise à élargir cet accès aux emplois de catégorie A et permettra aux officiers devenus inaptes à raison des faits survenus durant leur service de postuler aux emplois réservés, à l’instar du régime dont bénéficient déjà les autres militaires.

C’est donc une amélioration du dispositif des emplois réservés qui vous est proposée.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. On ne peut être que favorable à étendre les droits de nos militaires et réservistes.

M. Joaquim Pueyo. C’est un très bon amendement. Nous avons abordé le problème de la reconversion des militaires ici même à plusieurs reprises. Prévoir pour les officiers des possibilités d’entrer dans la fonction territoriale ou d’État est une bonne chose. Je voterai donc cet amendement.

La commission adopte l’amendement à l’unanimité.

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Article 13 bis (nouveau)
(art. L. 242-1 et L. 242-2 du code des pensions militaires dinvalidité et des victimes de guerre, art. L. 4139-3 du code de la défense)
Rénovation du dispositif des emplois réservés

Sur proposition du Gouvernement, la commission a adopté un amendement procédant à la rénovation du dispositif des emplois réservés.

Ce nouvel article du projet de loi permettra aux catégories de personnes susceptibles de bénéficier du dispositif des emplois réservés au titre des articles L. 241-2, L. 241-3 et L. 241-4 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, qui jouissent d’un accès prioritaire au bénéfice de ces dispositions au titre du deuxième alinéa de l’article L. 241-1 de ce code, de pouvoir également postuler, au titre de la solidarité nationale, à des emplois de catégorie A au sein des trois fonctions publiques. Ces bénéficiaires pourront ainsi, le cas échéant, accéder à un emploi en adéquation avec leur niveau de qualification, sans être obligés de postuler sur des emplois classés en catégories B et C, ou de niveau équivalent, qui, actuellement, sont les seuls à leur être ouverts.

Ce nouvel article modifie également l’article L. 4139-3 du code de la défense afin de permettre aux officiers de carrière devenus inaptes et entrant dans le cadre de l’article L. 241-2 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, de pouvoir se porter candidat pour l’accès à ces emplois réservés, au titre de la solidarité nationale.

Compte tenu des conditions spécifiques de diplômes et d’aptitudes auxquelles est subordonnée l’inscription sur les listes d’aptitude aux emplois réservés mentionnées à l’article L. 242-3 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, ces nouvelles dispositions ne seront pas accessibles aux militaires et aux anciens militaires qui y étaient inscrits avant l’entrée en vigueur de la présente loi.

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Article 14
(art. 25 septies et 25 octies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; art. 20 de la loi n° 2007-148 du 2 février 2007)
Extension aux personnels à statut ouvrier des règles applicables aux fonctionnaires en matière de cumul dactivités

L’article proposé a vocation à rétablir le cadre juridique applicable aux personnels à statut ouvrier en matière de cumul d’activités. 

1. Un défaut de coordination lors de la réforme relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires

Les personnels à statut ouvrier régis par le régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État, autrement dit les ouvriers de l’État, sont un corps d’agents non titulaires de droit public, auxquels ne s’applique pas, sauf dispositions contraires, la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

Avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2016‑483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, les dispositions régissant le cumul d’activités des fonctionnaires étaient définies par l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 précitée, rendues applicables aux ouvriers de l’État par le II de l’article 20 de la loi n° 2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique.             

Or, cette même loi du 20 avril 2016 est venue modifier les dispositions relatives au cumul d’activités des fonctionnaires, qui figurent désormais aux articles 25 septies et 25 octies de la loi du 13 juillet 1983 mais sans procéder à une actualisation du II de l’article 20 de la loi du 2 février 2007 précitée, qui fait donc toujours référence à l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 alors même que cet article ne traite plus des règles relatives au cumul d’activités.

La législation actuellement en vigueur ne permet donc plus d’appliquer aux ouvriers de l’État les dispositions encadrant le cumul d’activités des fonctionnaires, telles qu’elles sont définies par les articles 25 septies et 25 octies de la loi du 13 juillet 1983 précitée. Or, la population concernée s’élève à près de 20 000 agents dont plus de 15 123 au ministère des Armées au 31 décembre 2017. Au 31 décembre 2017, 2 681 ouvriers de l’État étaient mis à disposition d’entités privées, dont 2 671 de Naval Group SA (ex-DCNS).

2. Le dispositif proposé

● Le I abroge les dispositions obsolètes du II de l’article 20 de la loi n° 2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique.

● Le II y substitue de nouvelles dispositions qui renvoient aux articles idoines de la loi du 13 juillet 1983 précitée.

Le décret n° 2017‑105 du 27 janvier 2017 relatif à l’exercice d’activités privées par des agents publics et certains agents contractuels de droit privé ayant cessé leurs fonctions, aux cumuls d’activités et à la commission de déontologie de la fonction publique sera modifié en conséquence.

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La commission adopte l’article 14 sans modification.

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Après l’article 14

La commission examine l’amendement DN99 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Cet amendement fait écho aux enjeux qui ont été évoqués lorsque nous avons reçu les représentants des associations professionnelles nationales de militaires (APNM). Il a trait à la problématique des seize sièges vacants au conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM), soit un quart des sièges de cette instance de concertation. En effet, l’obligation de représenter trois forces armées apparaît difficilement atteignable en pratique à court terme pour des associations ou des unions naissantes, compte tenu des très forts effectifs que cette addition représente. Or l’accès effectif des APNM au CSFM est nécessaire pour assurer la concertation attendue.

Cet amendement a pour objet de créer un effet d’entraînement, grâce à une période transitoire jusqu’au 1er janvier 2025 durant laquelle la représentation de deux forces armées et de deux services seulement sera nécessaire aux APNM ou à leurs unions pour accéder au CSFM. Cela pourrait peut-être permettre de répondre à la vacance temporaire de postes de cette instance de concertation.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Cela me rappelle les débats que nous avons eus ici lors de la création des APNM il y a deux ans et demi. Je ne suis pas favorable à votre amendement, et souhaiterais plutôt que les APNM réfléchissent et envisagent de se rapprocher les unes des autres en vue de remplir ensemble les critères prévus par la loi et d’être enfin représentées au sein du CSFM.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Des mesures transitoires ont déjà été prises pour accompagner la montée en puissance des APNM, avec des taux de représentativité abaissés à titre temporaire jusqu’en 2021. Je souscris tout à fait, Monsieur le président, à l’invitation au regroupement que vous venez d’adresser aux APNM. Forcer le rythme pourrait présenter un risque quant à leur légitimité même. Pour cette raison, je ne suis pas favorable à l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement DN106 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Le présent amendement tend à compléter l’article L. 4123-8 du code de la défense, qui traite des interdictions de mention aux dossiers individuels des militaires, afin d’y insérer une interdiction de mention de l’appartenance à une APNM.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Votre intention est tout à fait louable, et je suis favorable à l’amendement.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis.

M. Thibault Bazin. Je vous remercie. Cela fait des heures que j’attendais un avis favorable !

La commission adopte l’amendement à l’unanimité.

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Article 14 bis (nouveau)
(art. L. 41238 du code de la défense)
Interdiction de faire figurer une mention d'appartenance à une association nationale professionnelle de militaire dans le dossier administratif du militaire

L’article L. 4121‑4 du code de la défense prévoit que les militaires peuvent librement créer une association professionnelle nationale de militaires (APNM), y adhérer et y exercer des responsabilités. En complément, l’article L. 4126-4 interdit toute discrimination entre militaires en raison de leur appartenance ou non à une APNM.

Le présent article additionnel modifie l’article L. 4123‑8 du code de la défense relatif au dossier individuel du militaire pour prévoir qu’il ne peut être fait état dans ce dossier comme dans tout document administratif de l'appartenance à une association nationale professionnelle de militaire, en plus des opinions ou croyances philosophiques, religieuses ou politiques de l’intéressé.

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Elle en vient à l’amendement DN107 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Cet amendement propose d’ouvrir cet accès aux instances de concertation du niveau d’une force armée ou d’une formation rattachée dans des proportions identiques à celui de l’accès au CSFM.

M. le président JeanJacques Bridey, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement DN108 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Je propose que les dispositions du code de la défense soient étendues aux APNM, de manière qu’elles ne soient pas tenues de soumettre à l’avis de l’autorité administrative les autorisations d’accès à leurs fichiers de membres. Je sais que nous réfléchissons actuellement au régime de protection des données, et que nous avons voté un projet de loi qui est en discussion au Sénat, mais nous devons intégrer cette problématique liée aux fichiers au niveau de nos armées avec la protection qu’on leur doit.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je suis tout à fait d’accord avec vous, mais comme un projet de loi est en discussion au Sénat, je vous propose de retirer votre amendement. Nous verrons avec le Sénat comment introduire, ou garantir, ce droit.

M. Thibault Bazin. Le ministère travaille-t-il sur le sujet ?

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Le dispositif est en cours de refonte car il n’est pas conforme à l’évolution du droit des fichiers proposée dans le projet de loi sur les données personnelles qui a été adopté récemment en première lecture.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement DN109 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Vous le savez, il existe des dispositions qui répriment la constitution illicite de fichiers de données relatives à l’appartenance syndicale des personnes. Nous proposons de les étendre à l’appartenance à une association professionnelle nationale de militaires.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je rappelle que les APNM sont des associations à but non lucratif sans caractère religieux, philosophique, politique ou syndical, dont la spécificité a été reconnue par la loi du 28 juillet 2015. D’autre part, il existe d’ores et déjà un dispositif législatif applicable aux fichiers détenus par les APNM.

Avis défavorable, par conséquent.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Elle se saisit ensuite de l’amendement DN110 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. La loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ouvre aux organisations sociales représentatives la possibilité d’exercer une action de groupe devant la juridiction civile ou la juridiction administrative compétente, visant exclusivement à la cessation d’un manquement aux dispositions de ladite loi par un responsable de traitement de données à caractère personnel ou un sous-traitant. Le présent amendement propose d’autoriser également les APNM à exercer cette action en cessation de manquement.

Si vous travaillez aussi sur ce sujet, on devrait pouvoir intégrer cette proposition de manière cohérente.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Les APNM étant des associations à but non lucratif, elles ne sont pas assimilables à des associations de protection de la vie privée, de défense des consommateurs, ni avec des organisations de salariés ou de fonctionnaires. Elles n’ont donc pas vocation à exercer des actions en manquement envers un responsable de traitement de données à caractère personnel.

J’émets donc un avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement DN396 du Gouvernement.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Cet amendement vise à remédier aux effets d’une disposition adoptée dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, texte qui prévoit en effet que les personnes sans activité doivent nécessairement demander leur affiliation au régime général de sécurité sociale. Par conséquent, les personnes qui étaient affiliées à la caisse des militaires ne peuvent plus opter pour l’affiliation à la caisse de leur conjoint. Ceci est source de complexité administrative, car si le militaire amené à entreprendre une mobilité géographique n’est pas lui-même astreint à refaire des démarches administratives puisqu’il reste affilié à la caisse des militaires, son conjoint sans activité est en revanche obligé, à chaque mobilité, de s’affilier à la caisse primaire d’assurance maladie dont il ou elle dépend.

C’est donc dans un objectif de simplification administrative qu’il vous est proposé de rétablir la possibilité d’opter pour une affiliation à la caisse du conjoint militaire, ce qui épargnera à chaque mobilité géographique de refaire ces formalités administratives.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. On ne peut être que favorable à cet amendement, qui libérera les assurés sociaux militaires et leurs familles de tracasseries désagréables.

La commission adopte l’amendement.

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Article 14 ter (nouveau)
(art. L. 713-1, L. 71312 [nouveau], L. 713-4, L. 713-9
et L. 71310 du code de la sécurité sociale)
Simplification administrative pour les assurés sociaux militaires
et les membres de leur famille

Dans le cadre de la protection universelle maladie (PUMA) prévue par la loi n° 2015‑1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016, l’affiliation au régime de la sécurité sociale général est automatique pour toute personne qui travaille ou réside en France de manière stable et régulière. En effet, ces personnes bénéficient du droit à la prise en charge de leurs frais de santé à titre personnel et de manière continue tout au long de leur vie.

Cette réforme a conduit en conséquence, dans le cadre de la loi n° 2017‑1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018, à la suppression du deuxième alinéa de l’article L. 160‑17 du code de la sécurité sociale, qui prévoyait la possibilité pour les personnes sans activité professionnelle d’opter pour le régime de sécurité sociale de leur conjoint, concubin ou partenaire d’un pacte civil de solidarité. Les personnes concernées devront désormais demander leur affiliation au régime général de sécurité sociale au titre de l’article L. 160‑1 du code de la sécurité sociale.

Ce droit d’option s’avérait pourtant particulièrement adapté aux familles des militaires en raison de la fréquence de leurs mutations. En effet, la fin du droit d’option oblige les conjoints, concubins ou partenaires d’un pacte civil de solidarité, à chaque nouvelle affectation du militaire, à solliciter leur affiliation auprès de la caisse primaire d’assurance maladie de leur nouveau lieu de résidence.

Le présent article additionnel est une mesure de simplification administrative pour les assurés sociaux militaires et les membres de leur famille. L’objectif principal est en effet de permettre aux deux conjoints, concubins ou partenaires d’un pacte civil de solidarité de relever du même régime de sécurité sociale, permettant ainsi une meilleure efficacité dans l’accomplissement de leurs démarches administratives et une qualité optimale des services rendus. Par ailleurs, l’affiliation au régime spécial de sécurité sociale des militaires permet aux membres de leur famille de bénéficier de l’action sociale et sanitaire de la Caisse nationale militaire de sécurité sociale.

À cette fin, l’article L. 713‑1 du code de la sécurité sociale est modifié pour garantir une prise en charge adaptée aux spécificités des obligations liées à l’état militaire en indiquant les personnes susceptibles de bénéficier du régime spécial des militaires. Il s’agit des membres majeurs de la famille des assurés sociaux mentionnés à l’article L. 161‑1 du code de la sécurité sociale qui n’exercent pas d’activité professionnelle et qui font la demande d’affiliation, ainsi que des enfants mineurs des militaires. Un nouvel article L. 713‑1‑2 est également inséré dans ce même code afin de protéger, dans leurs démarches d’affiliation, les conjoints du militaire séparés de droit ou de fait ainsi que leurs enfants. Enfin, les articles L. 713‑9 et L. 713‑10 du code de la sécurité sociale seront modifiés afin que les renvois opérés soient conformes aux modifications effectuées et une référence sera actualisée à l’article L. 713-4.

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Avant l’article 15

La commission adopte l’amendement rédactionnel DN523 du rapporteur.

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Section 4 
Habilitation à légiférer par voie d’ordonnances

(Intitulé nouveau)

Article 15
Habilitation du gouvernement à adopter par voie dordonnance diverses dispositions relatives aux ressources humaines

En vertu de l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement peut, pour l’exécution de son programme, demander au Parlement l’autorisation de prendre par ordonnance, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. Cette voie de procédure est de plus en plus employée pour accélérer l’entrée en vigueur des mesures visées par sa demande ou alléger l’ordre du jour des assemblées de textes techniques très longs, comme la codification à droit constant ou la transposition des directives européennes.

Les garanties constitutionnelles relatives aux ordonnances

Les ordonnances ont pris la suite des décrets-lois pratiqués sous la IVe République. La confusion née de cette pratique a poussé le constituant à poser de nombreux garde-fous en 1958 puis en 2008.

Le Gouvernement doit expliciter son « programme » puisque les ordonnances sont prises pour l’exécution de celui-ci. Le Conseil Constitutionnel a jugé que par ce terme, on attend du Gouvernement qu’il expose « quelle est la finalité́ des mesures quil se propose de prendre et leurs domaines dintervention ». ([123]) L’habilitation doit donc être précise ; elle ne peut être inconditionnelle et générale.

Jusqu’à expiration du délai de l’habilitation, les ordonnances ont valeur réglementaire bien qu’elles interviennent dans des domaines législatifs. Elles sont donc susceptibles de recours, comme tous les actes réglementaires, et peuvent être annulées par le juge administratif. Le Gouvernement peut les modifier mais le Parlement ne peut légiférer sur le domaine prévu par l’habilitation.

Les ordonnances deviennent caduques si un projet de loi de ratification n’est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d’habilitation. Depuis la réforme constitutionnelle de 2008, elles ne peuvent être ratifiées que de manière expresse. Mais si, de ce fait, le dépôt du projet de loi de ratification est quasi systématique, rien ne contraint le Gouvernement, en revanche, à inscrire son projet à l’ordre du jour des assemblées. Si le Parlement ne se prononce jamais sur le texte, les ordonnances demeurent alors des textes réglementaires qui peuvent être annulés par le juge administratif mais qui ne peuvent être modifiés que par une loi. Si le Parlement rejette le projet de loi, les ordonnances deviennent alors caduques. Enfin si le Parlement ratifie les ordonnances, elles acquièrent alors valeur législative.

L’alinéa 6 du présent article prévoit que les ordonnances seront prises dans un délai de six mois à compter de la publication de la loi de programmation militaire 2019-2025, après l’avis du Conseil supérieur de la fonction militaire s’agissant des 1°, 2° et 3°. Un projet de loi de ratification devra ensuite être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois suivant la publication des ordonnances.

1. Extension du congé du blessé

L’article L. 4138-3-1 du code de la défense dispose que : « Le congé du blessé, dune durée maximale de dix-huit mois, est attribué […] au militaire blessé ou ayant contracté une maladie, en opération de guerre, au cours dune opération qualifiée dopération extérieure dans les conditions prévues à larticle L. 4123-4, […] sil se trouve dans limpossibilité dexercer ses fonctions et sil présente une probabilité objective de réinsertion au sein du ministère de défense ou, pour les militaires de la gendarmerie nationale, au sein du ministère de lintérieur.

Ce congé est également attribué […] au militaire blessé ou ayant contracté une maladie, au cours dune opération de sécurité intérieure, désignée par arrêté ministériel, visant à la défense de la souveraineté de la France ou à la préservation de lintégrité de son territoire, dune intensité et dune dangerosité particulières, assimilables à celles dune opération extérieure. »

a. Le militaire blessé ou malade peut bénéficier de plusieurs types de congés de maladie dont les implications diffèrent

Les congés pour maladie ressortent de deux catégories, les congés en position d’activité et les congés en position de non-activité. Dans le premier cas, le militaire reste affecté dans sa formation qui gère sa situation et avec laquelle il est en contact ; il n’est pas remplacé. Dans le second, le militaire n’appartient plus à sa formation et le suivi de sa situation est assuré par une entité administrative spécifique. Le lien avec la formation d’origine tend à disparaître au risque d’un isolement préjudiciable au suivi du blessé ou du malade dans le temps long.

Les congés maintenant le militaire en position d’activité 

– Le congé de maladie initial (CM)

Il est d’une durée de six mois maximum quels que soient le statut du militaire et la nature de l’affection.

– Le congé du blessé

Ce nouveau congé, dont les conditions ont été fixées par le décret n° 2017-130 du 3 février 2017, est d’une durée maximale de 18 mois, par périodes de six mois renouvelables à l’expiration du congé maladie initial. Il est assorti de conditions tenant compte des circonstances de la blessure et des perspectives de réinsertion. En 2017, 197 militaires en ont bénéficié.

Les congés plaçant le militaire en position de non-activité :

– Le congé de longue durée pour maladie (CLDM)

Le CLDM est attribué pour les affections cancéreuses, les déficits immunitaires graves et les troubles mentaux ou du comportement incompatibles avec le service en raison de leur traitement ou de leurs répercussions. La durée maximale du congé, de un à huit ans, et le montant de la solde dépendent du lien avec le service, de l’ancienneté et du statut du militaire.

– Le congé de longue maladie (CLM)

Le CLM est attribué pour une affection grave et invalidante distincte de celles visées à l’alinéa précédent. La durée maximale du congé est de trois ans et le montant de la solde dépend du lien avec le service, de l’ancienneté et du statut du militaire.

b. La définition des opérations ouvrant droit au congé du blessé ne couvre pas la réalité des opérations

Nombreuses sont les opérations dangereuses n’entrant pas dans le cadre de l’article L. 4138-3-1. Qu’il s’agisse d’interventions lors d’attentats commis sur le sol national, d’actions militaires en mer, d’opérations spéciales, d’opérations d’évacuation de ressortissants…, les militaires blessés dans ces circonstances devraient pouvoir bénéficier du congé du blessé au même titre. Il semble en effet difficile de justifier une différence de traitement entre militaires blessés ayant encouru des risques similaires dans des opérations dont le danger est incontestable.

Le texte de l’habilitation prévoit une extension du congé « à dautres hypothèses que celles prévues à larticle L. 4138-3-1 » qui seront précisées par ordonnance. Le texte de l’ordonnance devra demeurer suffisamment large pour couvrir toutes les opérations militaires à caractère dangereux sans en exclure aucune.

2. Simplification des dispositifs de reconversion dans la fonction publique

Le de l’article 15 habilite le Gouvernement à simplifier par ordonnance les deux voies d’accès dérogatoires à la fonction publique pour les militaires.

a. Une politique de reconversion indispensable

L’impératif de jeunesse des armées, la part des militaires sous contrat ainsi que les limites d’âge précoces des militaires justifient une politique résolue de transition professionnelle, dont l’importance est reconnue dès le premier article du statut général des militaires (3e alinéa de l’article L. 4111‑1 du code de la défense) qui précise que le statut « offre à ceux qui quittent létat militaire les moyens dun retour à une activité professionnelle dans la vie civile ». Cette politique est sans équivalent dans les autres administrations publiques, son principe ainsi que certaines de ses modalités étant prévues par la loi.

Les moyens qui lui sont consacrés témoignent de la reconnaissance de la Nation à l’égard des femmes et des hommes qui l’ont servie, parfois au péril de leur vie et en acceptant les contraintes de la vie militaire. Mais ils sont aussi un enjeu d’attractivité, d’une part, et un enjeu financier, d’autre part, tous les militaires ayant servi plus de quatre mois pouvant prétendre à une indemnisation au titre du chômage, laquelle fait aujourd’hui peser un coût croissant sur la masse salariale du ministère des Armées (de 125,7 millions d’euros en 2014 à 128,4 millions d’euros en 2017). 

La politique de reconversion est mise en œuvre par une agence de reconversion du ministère des Armées appelée « Défense mobilité », qui bénéficie d’une collaboration étroite avec Pôle emploi. Plusieurs dispositifs d’aide à la reconversion sont accessibles aux militaires, sous conditions. Parmi ces dispositifs, il existe cinq voies d’accès à la fonction publique, dont deux dérogatoires.

b. Deux procédures dérogatoires d’accès à la fonction publique

Cinq procédures permettent aux militaires en transition professionnelle d’accéder aux fonctions publiques (État, territoriale ou hospitalière) :

– trois procédures de droit commun par le biais des articles L. 4139-1 (concours) et L. 4138-8 (détachement) du code de la défense, ainsi que les contrats de droit public ;

– deux procédures dérogatoires par le biais des articles L. 4139-2 (détachement-intégration) et L. 4139-3 (emplois réservés) du code de la défense.

 

La reconversion de militaires par le biais de l’ensemble de ces dispositions concernait plus de 2 000 militaires en 2015 et 2016 alors qu’environ 20 000 quittent chaque année l’institution.

Accès à la fonction publique civile par procédure

(unités, sauf mention contraire)

Procédure

Type de procédure

2014

2015

2016

L. 4139-2
(détachement- intégration)

Procédures dérogatoires

688

32,2 %

60,7 %

958

40,2 %

70,4 %

699

31,6 %

68,1 %

L. 4139-3

(emplois réservés)

536

25,1 %

600

25,2 %

638

28,8 %

L. 4139-1 (concours)

Procédures

de droit commun

71

3,3 %

39,3 %

119

5,0 %

29,6 %

170

7,7 %

31,9 %

L. 4138-8 (détache-ment)

123

5,8 %

75

3,1 %

102

4,6 %

Contrats

717

33,6 %

631

26,5 %

604

27,3 %

Total

2 135 

2 383 

2 213

Source : ministère des Armées, octobre 2017.

Le détachement-intégration est régi par l’article L. 4139-2 du code de la défense. Le militaire, remplissant les conditions de grade et d’ancienneté peut, sur demande agréée, après un stage probatoire, être détaché, dans les conditions prévues par décret en Conseil d’État, pour occuper des emplois vacants et correspondant à ses qualifications au sein des administrations de l’État, des collectivités territoriales, de la fonction publique hospitalière et des établissements publics à caractère administratif, nonobstant les règles de recrutement pour ces emplois. Les contingents annuels de ces emplois sont fixés par voie réglementaire pour chaque administration de l’État et pour chaque catégorie de collectivité territoriale ou établissement public administratif, compte tenu des possibilités d’accueil. Après un an de détachement, le militaire peut demander, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État, son intégration ou sa titularisation dans le corps ou le cadre d’emploi dont relève l’emploi considéré, sous réserve de la vérification de son aptitude. Pour l’intégration ou la titularisation dans un corps enseignant, la durée du détachement est portée à deux ans. La période initiale de détachement peut être prolongée pour une période de même durée.

Les emplois réservés, régis par les articles L. 241-1et suivants du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerres, constituent, aux termes de ce code, « une obligation nationale ». Ils sont ouverts aux militaires par l’article L. 4139-3 du code de la défense, en plus des personnes mentionnées aux articles précités du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (blessés, invalides de guerre, victimes civiles de guerre ou de terrorisme, personnes ayant subi une atteinte à leur intégrité physique en portant secours, orphelins de guerre, pupilles de la Nation, etc.), c’est-à-dire toute personne à laquelle la Nation témoigne d’une particulière reconnaissance et envers laquelle s’exerce de manière renforcée la solidarité nationale. En cas d’intégration ou de titularisation, la durée des services effectifs du militaire est reprise en totalité dans la limite de dix ans pour l’ancienneté dans le corps ou le cadre d’emploi d’accueil de catégorie C. Elle est reprise pour la moitié de la durée des services effectifs dans la limite de cinq ans pour l’ancienneté dans le corps ou le cadre d’emploi de catégorie B.

Les conditions précises des deux procédures sont présentées sous forme de tableaux dans l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, à laquelle on se référera utilement.

Schématiquement, le détachement-intégration se caractérise par une sélection sur dossiers de candidats s’étant préalablement positionnés sur des postes ouverts, dont la liste est établie par une commission nationale d’orientation et d’intégration après avoir consulté les employeurs potentiels.

Les candidats aux emplois réservés élaborent quant à eux un « passeport professionnel » normé et dématérialisé, qui vaut inscription sur une liste d’aptitude et candidature de principe sur tout poste correspondant aux orientations qu’il contient. Deux des trois fonctions publiques (d’État et hospitalière) doivent réserver 10 % des emplois vacants par corps et par recruteur chaque année, la fonction publique territoriale étant exemptée de tels objectifs. Le recrutement se fait « au fil de l’eau » et met directement en contact l’employeur final et le candidat. Mais seuls des emplois de catégories B et C sont accessibles, à l’exclusion donc, des postes d’encadrement (catégorie A).

c. Des résultats insatisfaisants

Depuis maintenant trois ans, le Haut Comité d’évaluation de la condition militaire déplore les limites de ces voies d’accès dans son rapport annuel. En effet, sur 7 500 postulants aux emplois réservés, seuls 4 % sont admis.

Taux de sélection pour les voies dérogatoires
daccès à la fonction publique

(unités)

Procédure

Nombre de candidats

Nombre de postes ouverts

Nombre dadmis

Taux de sélection

L. 4139-2 (détachement-intégration)

2 272

802

699

31 %

L. 4139-3 (emplois réservés)

7 512

1 664

278

4 %

Source : Bilan Reconversion 2016.

Volumes de reclassement dans les trois fonctions publiques en 2016
par les procédures de détachement-intégration et d’emplois réservés

(unités)

Fonction publique

Détachement-intégration

Emplois réservés

Fonction publique de lÉtat

587

405

Fonction publique territoriale

88

217

Fonction publique hospitalière

24

16

Total Défense

699

638

Total Gendarmerie

53

278

Source : étude d’impact jointe au projet de loi de programmation.

Dans l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, le Gouvernement fait valoir la complexité qui résulte de la coexistence de deux dispositifs distincts : « Lexistence même de deux procédures, comparables mais présentant nombre de caractères distincts, apparaît comme déconcertant pour la plupart des administrations : les conditions statutaires déligibilité des militaires sont différentes, de même que les modalités de reclassement des militaires ; les emplois réservés imposent des quotas de postes mis au recrutement alors quil nexiste aucune obligation pour le détachement-intégration ; enfin, le détachementintégration fonctionne en procédure annuelle figée par le biais dune commission interministérielle, alors que le recrutement au titre des emplois réservés seffectue “au fil de leau”, après établissement dune relation directe entre le recruteur et le candidat. »

La procédure du détachement-intégration est longue (18 mois) et centralisée, ce qui crée de l’incertitude pour tous les protagonistes (candidats, employeurs potentiels, armées). En outre, le dossier de candidature est volumineux et n’est pas dématérialisé.

La procédure des emplois réservés est certes plus simple mais affectée de rigidités qui la rendent inefficace. Ainsi, les postes non pourvus par cette voie ne peuvent l’être pas une autre voie de recrutement. Trop ambitieux, le système de quotas est devenu une source de rigidité. Le quota de 10 % de postes à pourvoir par an et par corps impose, par exemple, à un établissement hospitalier de recruter au moins cinq agents dans un corps pour ouvrir un recrutement au titre des emplois réservés, ce qui est exceptionnel dans la fonction publique hospitalière. Ainsi, pour 1 600 postes théoriquement proposés par cette procédure en 2016, seuls 405 ont ainsi été pourvus.

D’autres explications sont aussi avancées pour expliquer la faiblesse de ces recrutements. D’après un rapport récent de notre collègue Claude de Ganay ([124]), la direction des ressources humaines du ministère des Armées estimait en octobre 2017 que la contraction de l’emploi public limitait les perspectives de carrière et que les syndicats des ministères de destination étaient peu favorables à accueillir des militaires en reconversion, leur arrivée perturbant les tableaux d’avancement. Allant dans ce sens, le président du HCECM estimait que les ministères d’accueil faisaient preuve d’une sélectivité excessive dans leurs recrutements et qu’il n’était pas exclu que des logiques corporatistes soient à l’œuvre. Par ailleurs, d’après les DRH d’armée, les jeunes militaires seraient finalement peu enclins à rejoindre la « fonction publique en uniforme » où ils sont pourtant prioritairement attendus, comme la douane ou l’administration pénitentiaire.

d. Le dispositif proposé

i.   Une seule procédure pour tous les militaires

La réforme proposée consisterait à fusionner les deux procédures dérogatoires pour ce qui concerne les militaires en reconversion. La procédure des emplois réservés demeurerait en l’état pour les autres bénéficiaires cités par les articles L. 241-1et suivants du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerres.

ii.   Des listes d’aptitude au lieu de dossiers complexes

La procédure résultant de cette fusion offrirait la possibilité à tous les militaires de s’inscrire sur des listes d’aptitudes nationales établies par le ministère des Armées ou par le ministère de l’Intérieur, s’agissant des gendarmes. Le travail de constitution d’un dossier par le candidat serait ainsi considérablement réduit, à l’instar de ce qui est pratiqué pour les emplois réservés.

Elle leur permettrait d’accéder à des emplois des catégories A, B et C, en fonction de leur ancienneté. Ainsi, seuls les militaires ayant dix ans d’ancienneté pourraient se porter candidats pour des postes de catégorie A.

iii.   Une procédure plus rapide

Les candidatures seraient ensuite examinées par la commission nationale d’orientation et d’intégration comme dans le cas de la procédure du détachement‑intégration mais celle-ci se réunirait plus souvent (fréquence mensuelle ou bimensuelle) pour assurer un traitement « au fil de l’eau ».

iv.   Moins de contrainte pour les employeurs

Les employeurs ne seraient plus contraints par des quotas, comme dans le cas des emplois réservés, mais proposeront des postes en fonction de leurs besoins.

Le Gouvernement justifie le recours aux ordonnances par la technicité des mesures envisagées et par sa volonté de ne pas présenter à la représentation nationale un projet de loi de programmation militaire trop long.

3. Renouvellement des dispositifs d’incitation au départ des militaires

Le de l’article 15 habilite le Gouvernement à proroger jusqu’en 2025 et à adapter les dispositions des articles 36, 37 et 38 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale.

a. Des aides au départ à l’appui d’un modèle de gestion des ressources humaines en flux

La professionnalisation des armées, le souhait de conserver des unités militaires jeunes et de maintenir un modèle pyramidal sélectif induisent d’importants flux de recrutements et de départs de l’institution militaire. Les flux de départs de militaires ont en outre été accentués par la réduction du format des armées. Touchant davantage les militaires contractuels dont les départs sont naturellement prévus plus tôt que les militaires de carrière, cette politique a progressivement entraîné une déformation de la pyramide des grades et des âges et, partant, une dégradation des perspectives de carrière pour les nouveaux entrants. Diverses mesures d’incitation au départ avant l’atteinte des limites d’âge ont donc été mises en œuvre à partir de 2009 pour contribuer à une politique de « repyramidage ».

Le code de la défense prévoit deux outils statutaires d’accompagnement des départs, créés par le premier statut des militaires unifié en 1972. ([125]) Conçus comme des marques de reconnaissance pour les officiers en fin de carrière, ils n’encouragent pas particulièrement les départs.

● Le pécule des officiers de carrière, prévu à l’article L. 4139-8 du code de la défense, est destiné aux officiers de carrière entre 15 et 18 ans de service dans la limite d’un contingentement, ou ayant dépassé l’ancienneté dans leur grade, avec une fenêtre de trois ans pour demander à bénéficier du dispositif. Le contingent est fixé par arrêté, pour l’année 2018, à 35 pécules, à raison de trois pécules pour les officiers du grade de lieutenant-colonel ou équivalent, dix-sept pour les officiers du grade de commandant ou équivalent et quinze pour les officiers du grade de capitaine ou équivalent. ([126])

● La disponibilité, prévue à l’article L. 4139-9 du code de la défense, s’adresse aux officiers qui ont accompli quinze ans de service mais qui n’ont pas encore le droit à la liquidation immédiate de leur pension. La disponibilité leur permet de bénéficier d’une solde réduite pendant une période de cinq années non renouvelable. Elle vise à faciliter la transition entre la carrière militaire et une seconde carrière professionnelle pour des officiers qui souhaitent tenter une reconversion dans le secteur civil tout en conservant, pour un temps, la possibilité de réintégrer les cadres du ministère des Armées pour le cas où cette démarche ne leur donnerait pas pleinement satisfaction. Ce dispositif a été rénové par l’article 39 de la loi du 18 décembre 2013 précitée et l’on se référera avec profit au commentaire de l’article dans le rapport fait au nom de notre commission en première lecture sur ce projet de loi. ([127])

Afin de réaliser les objectifs de réductions d’effectifs et de « repyramidage », la loi de programmation militaire 2014-2019 a prévu trois mesures conjoncturelles beaucoup plus incitatives, réservées aux officiers et contingentées, pour toute la durée de la LPM. La loi n° 2015‑917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 a ensuite assoupli et clarifié les conditions d’accès de deux des trois dispositifs. Ces outils ont pris la suite de précédentes dispositions, comme le pécule d’incitation à une seconde carrière, qui avait lui-même succédé à différentes versions de pécules conjoncturels d’incitation au départ, et des procédures qui permettaient un départ incité avec la pension du grade supérieur des articles 5 et 6 de la loi n° 75-1000 du 30 octobre 1975. ([128])

 Créé par l’article 149 de la loi de finances n° 2009‑1425 pour 2009, le pécule modulable dincitation au départ (PMID) est une incitation financière contingentée et destinée à des officiers et sous-officiers se trouvant à plus de trois ans de leur limite d’âge et quittant le service avec un droit à pension de retraite, à jouissance différée ou immédiate. Le militaire sous-contrat peut également percevoir ce dispositif pour un départ avant quinze ans de services. Il a été prorogé et adapté par l’article 38 de la loi du 18 décembre 2013 précitée. La réforme consistait à élargir la liste des bénéficiaires et à abandonner la seconde tranche conditionnée par la reprise d’une activité, qui pénalisait particulièrement les militaires éprouvant des difficultés à se reconvertir. En contrepartie, le montant total du pécule se trouvait diminué de 10 %. Le régime d’incompatibilités était aussi renforcé pour empêcher un éventuel cumul avec d’autres aides au départ. Le PMID est défiscalisé au titre de l’impôt sur le revenu, en application du 30° de l’article 81 du code général des impôts (CGI).

 Créée par l’article 36 de la loi du 18 décembre 2013 précitée, la pension afférente au grade supérieur (PAGS) permet à certains militaires, volontaires, de prendre leur retraite en bénéficiant d’une pension correspondant au grade supérieur au leur. Elle visait les colonels, lieutenants-colonels, commandants, capitaines, adjudants-chefs et adjudants de carrière qui ont effectué suffisamment d’années de services pour avoir droit à une pension à jouissance immédiate, mais qui se trouvent à plus de cinq ans de la limite d’âge de leur grade. L’article 9 de la loi du 28 juillet 2015 précitée a abaissé la condition d’ancienneté de cinq à deux ans pour élargir le vivier de bénéficiaires potentiels et ainsi poursuivre les objectifs de déflation. Le contingent annuel du nombre de PAGS est désormais fixé non plus par grade et par corps, mais simplement par grade, ce qui facilite une gestion globale des ressources humaines.

 Créée par l’article 37 de la loi du 18 décembre 2013 précitée, la promotion fonctionnelle permet de promouvoir à un grade certains agents dont les capacités et les compétences leur permettent d’occuper de nouvelles responsabilités mais pas d’envisager une évolution de carrière continue au sein du ministère. Le bénéficiaire de la promotion fonctionnelle s’engage donc à quitter les cadres deux ou trois ans après sa promotion. La durée de service requis a été abaissée à quinze ans par l’article 10 de la loi du 28 juillet 2015 précitée.

Ces trois dispositifs expirent normalement au 31 décembre 2019.

b. Des leviers indispensables pour la gestion des ressources humaines

D’après l’étude d’impact annexée au présent projet de loi de programmation, les enjeux de la « manœuvre ressources humaines » du ministère des Armées justifient le maintien des dispositifs conjoncturels d’aide au départ.

Nombre de bénéficiaires des leviers mis en place à partir de 2014,
par année d’attribution

Type de levier

Gestionnaire

2014

2015

2016

2017

PMID

TERRE

658

537

289

129

AIR

368

189

172

94

MER

154

117

171

49

SCA

17

33

24

20

SSA

28

90

111

52

DGA

27

14

27

24

SEA

4

1

 

 

SID

4

5

11

8

APM

3

2

3

2

CGA

2

1

1

 

TOTAL PMID

 

1 265

989

809

378

PAGS

TERRE

179

645

144

55

AIR

270

344

90

61

MER

26

57

39

36

SCA

7

14

21

17

SSA

19

40

16

7

DGA

22

10

12

13

SEA

2

4

 

2

SID

5

3

3

4

APM

3

2

2

1

TOTAL PAGS

 

533

1 119

327

196

PF

TERRE

 

21

21

17

AIR

 

16

16

5

MER

 

5

1

 

SCA

 

 

1

 

DGA

 

2

5

5

SID

 

 

2

 

TOTAL PF

 

 

44

46

27

TOTAL GENERAL

 

1 798

2 152

1 182

601

Source : fichier nominatif des gestionnaires, février 2018.

Si le temps des réductions massives d’effectifs est révolu, et bien que l’évolution des besoins sur la période 2015-2018 fasse apparaître une baisse de 77 % du besoin des mesures incitatives, la transformation du ministère des Armées se poursuit. Les outils d’incitation au départ paraissent particulièrement utiles pour inciter au départ des militaires dont les compétences ne répondront plus, dans les années à venir, à certains besoins devenus prioritaires ou occupant des emplois en déclin et pour lesquels la migration sur de nouvelles compétences n’est plus forcément pertinente au regard de la limite d’âge. Depuis 2015, un effort particulier est demandé aux armées dans le domaine du renseignement et dans celui de la cyberdéfense. Elles peuvent pourvoir ces besoins nouveaux en incitant au départ des militaires dont l’employabilité est devenue limitée dans des domaines clairement identifiés.

Coût budgétaire annuel des PMID
(premières et secondes fractions cumulées)

(en millions d’euros)

2014

2015

2016

2017

LFI

Dépense exécutée

LFI

Dépense exécutée

LFI

Dépense exécutée

LFI

Dépense exécutée

104,86

106,63

106,75

108,44

96,17

82,04

53,38

46,25

Source : ministère des Armées.

Dans le même temps, le coût de ces dispositifs incitatifs, et plus généralement du modèle de gestion des ressources humaines « en flux » du ministère des Armées, peut susciter des interrogations légitimes sur le recours à des personnels statutaires pour des emplois à durée de plus en plus déterminée. Ce serait oublier les sujétions particulières auxquelles consentent les militaires de carrière ainsi que l’intérêt du statut pour l’attractivité et la fidélisation. 

Confronté aux mêmes évolutions que le reste de la société (accélération des mutations technologiques, concurrence sur des marchés du travail spécifiques, évolution des attentes en termes de conciliation entre la vie personnelle et la vie professionnelle), le ministère des Armées a trouvé des solutions originales pour garantir l’adaptation de l’outil de défense. Cette flexibilité a un coût, qui justifie qu’on réfléchisse à son opportunité et à son efficacité.

c. Le dispositif proposé

D’après l’étude d’impact jointe au présent projet de loi de programmation, une mission conjointe du Contrôle général des armées (CGA) et de l’Inspection générale des finances (IGF) a été diligentée afin d’établir un bilan permettant d’apprécier l’efficacité de chaque dispositif, au regard de leurs coûts, dont certains sont actuellement mal appréhendés sur la durée, de leur usage et de leurs effets sur la démarche de transformation du ministère des Armées. Sur la base de cette analyse, il appartiendra à la mission de proposer les ajustements qu’elle estime nécessaire d’apporter aux dispositifs existants et à leurs règles d’usage.

Parmi les pistes d’amélioration d’ores et déjà identifiées et sur lesquelles il a été demandé à la mission de faire des propositions, figure la démarche de contingentement pluriannuel des aides au départ afin d’améliorer la lisibilité de la « manœuvre RH » mise en œuvre et d’anticiper le cadencement de la distribution des leviers, à la fois pour les gestionnaires, les administrés, la direction du budget et la direction générale de l’administration et de la fonction publique.

Le recours à l’ordonnance est donc justifié par l’attente des conclusions de cette mission. Ses conclusions sont attendues pour le 12 mars 2018, c’est-à-dire pendant l’examen du présent projet de loi en première lecture à l’Assemblée nationale.

Il aurait été souhaitable d’inclure le 30° de l’article 81 du CGI dans le champ de l’habilitation afin que le Gouvernement puisse également proroger la défiscalisation du PMID au titre de l’impôt sur le revenu. L’article 38 de la loi du 18 décembre 2013 précitée renvoie bel et bien au 30° de l’article 81 du CGI mais ce dernier étant codifié, il n’entrera pas dans le champ de l’habilitation à moins d’y être inclus expressément. 

4. Prorogation et adaptation du dispositif d’indemnité de départ volontaire des ouvriers de l’État

Le de l’article 15 habilite le Gouvernement à proroger et à adapter le dispositif d’indemnité de départ volontaire pour les ouvriers de l’État du ministère des Armées par ordonnance.

a. Un corps en pleine mutation

Bien que ses origines remontent au XVIIe siècle, le statut des ouvriers de l’État a été formellement créé au tournant du XXe siècle pour fidéliser des ouvriers recrutés sur concours et formés, afin qu’ils demeurent en nombre suffisant dans les arsenaux de la marine, pour soutenir l’effort de développement de la flotte. Les ouvriers de l’État bénéficient d’un régime de retraite spécial dépendant du Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État (FSPOEIE).

De nombreuses critiques ont conduit, en 2008, à l’arrêt des recrutements, puis, en 2010, au gel du bordereau de salaire, puis à envisager l’extinction du corps des ouvriers de l’État au profit de solutions d’externalisation. Sa gestion était alors jugée complexe et peu flexible et le coût global de ces personnels, du fait du niveau de leurs rémunérations et de leur régime particulier de retraite, trop élevé. Le nombre d’ouvriers de l’État au sein du ministère de la Défense a ainsi décru de 31 000 à 26 000 entre 2009 et 2012.

La Cour des comptes a rendu public, le 7 janvier 2014, un référé de son Premier président sur la gestion des ouvriers de l’État au ministère de la Défense ([129]), faisant suite à son rapport public annuel de 2012 qui formulait des recommandations sur le même sujet. Elle  soulignait les progrès accomplis par le ministère de la Défense dans l’harmonisation et la régularisation des textes régissant ce statut ainsi que dans la gestion prévisionnelle des emplois, le suivi du temps de travail et des absences. Elle regrettait en revanche vivement la reprise de recrutements d’ouvriers de l’État, notant que le moratoire appliqué depuis 2008 n’avait pas empêché que les emplois techniques indispensables soient pourvus par le recrutement de fonctionnaires, par la reconversion de militaires en civils et par le recrutement de contractuels en contrat à durée déterminée puis, grâce à la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ([130]), en contrat à durée indéterminée.

Le 10 juin 2013, le Gouvernement a en effet autorisé le ministère de la Défense à transformer 300 opérateurs mécaniciens de l’aéronautique contractuels en ouvriers de l’État et à recruter 105 ouvriers de l’État, dès 2014, sur quatre spécialités prioritaires : maintenance aéronautique, mécanique diesel, maintenance et installations frigorifiques, climatisation et pyrotechnie. Ces nouveaux recrutements n’ont toutefois pas remis en cause les objectifs de réductions d’effectifs prévus par la loi de programmation militaire, dont 3 700 suppressions nettes de postes d’ouvriers de l’État.

La Cour des comptes voyait dans ces nouveaux recrutements une contradiction avec les expérimentations menées par le ministère de la Réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique en vue d’élaborer un cadre d’emploi susceptible de répondre dans la durée aux besoins de compétences à haute technicité des ministères, en permettant notamment un déroulement de carrière pour fidéliser ces contractuels. Le Gouvernement faisait valoir, dans sa réponse au référé précité, le faible rendement des concours organisés pour recruter des fonctionnaires sur ces postes, du fait du manque d’attractivité des conditions de rémunération par rapport à celles proposées dans le secteur privé. Quant aux contractuels, il était souligné que ce mode de recrutement « condui[sait] à un niveau de rémunération élevé, en raison de la concurrence avec le secteur privé pour lexercice de professions à haute technicité et présentant un niveau de qualification important, sans permettre de fidéliser les agents ni de garantir une sélectivité tout au long de la carrière. » ([131]) L’investissement en formation initiale réalisé par l’État, rentable à moyen et long terme, était ainsi perdu lors du départ de contractuels quittant prématurément l’institution pour le privé.

En 2016, le ministre de la Défense, M. Jean-Yves Le Drian, a annoncé le renoncement au projet de suppression du statut des ouvriers de l’État, au profit de sa modernisation et de sa pérennisation. Les recrutements ont repris dans 21 spécialités (contre 67 métiers auparavant) jugées critiques, liées notamment au maintien en condition opérationnel (MCO) et au soutien des forces en opérations. Conformément à une recommandation de la Cour des comptes, la règle d’indexation des salaires sur ceux de la métallurgie parisienne, particulièrement favorable, a été remise en cause au profit d’une indexation sur le point d’indice de la fonction publique. ([132])

Les ouvriers de l’État sont un peu plus de 15 000 au ministère des Armées aujourd’hui. Ils constituent encore l’essentiel du personnel civil de la direction générale de l’armement. Ils sont également employés dans les services de soutien interarmées comme le service de santé des armées ou le service des essences, mais aussi sur les bases aériennes, terrestres, navales et aéronavales ainsi que dans les groupements de soutien de base de défense (GSBdD) et en gendarmerie. Environ 2 600 sont mis à disposition, sans limitation de durée, de la société anonyme Naval Group (anciennement DCNS, elle-même issue de la direction des constructions navales).

Si le statut est pérennisé, le recentrage du bénéfice du statut sur les métiers en tension (par exemple plasturgistes, mécaniciens hydrauliques, spécialistes de l’optronique…) est toujours en cours. 1 328 ouvriers de l’État ont quitté le ministère des Armées en 2017, dont 882 en faisant valoir leur droit à pension de retraite et 249 avec une indemnité de départ volontaire.

b. Un levier de gestion des ressources humaines

À l’instar du décret n° 2008‑368 du 17 avril 2008 instituant une indemnité de départ volontaire pour les fonctionnaires et certains contractuels de droit public, l’article 150 de la loi n° 2008‑1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 a institué une indemnité de départ volontaire pour les ouvriers de l’État du ministère des Armées quittant le service à la suite d’une restructuration ou d’une réorganisation.

Les modalités de son attribution sont définies par le décret n° 2009-83 du 21 janvier 2009 instituant une indemnité de départ volontaire en faveur de certains ouvriers de l’État du ministère de la défense et des établissements publics placés sous sa tutelle. Le bénéfice de l’indemnité de départ volontaire est ouvert aux ouvriers ayant accompli au minimum six années de service et se situant à plus de deux années de l’âge d’ouverture de leur droit à pension. L’indemnité de départ volontaire peut être refusée dans l’intérêt du service.

Pour les ouvriers ayant six années d’ancienneté de service, le montant de l’indemnité s’élève à 49 470 euros. Pour les ouvriers ayant de sept ans à dix-neuf ans d’ancienneté de service : le montant de 49 470 euros est augmenté de 3 000 euros par an jusqu’à leur vingtième année d’ancienneté. Pour les ouvriers ayant vingt ans d’ancienneté de service et jusqu’à vingt-cinq ans d’ancienneté, le montant est fixé à 91 470 euros. Enfin, pour les ouvriers ayant vingt-six ans d’ancienneté et plus, le montant est diminué de 3 000 euros par année supplémentaire. Une indemnité de départ volontaire d’un montant de 15 245 euros peut être versée lorsque les ouvriers de l’État créent ou reprennent une entreprise au sens de l’article L. 5141 du code du travail. Pour bénéficier de cette indemnité, les intéressés doivent justifier d’au moins trois années de services effectifs, consécutifs ou non, en qualité d’ouvrier de l’État et se situer à plus de deux années de l’âge d’ouverture de leur droit à pension.

Défiscalisée en application du 30° bis de l’article 81 du code général des impôts et ouvrant droit, dans les conditions prévues à l’article L. 5424-1 du code du travail, à une indemnisation au titre du chômage, l’indemnité de départ volontaire des ouvriers de l’État est considérée comme un levier efficace pour optimiser la « manœuvre ressources humaines » du personnel civil et nécessaire afin que le ministère des Armées puisse assurer sa transformation qualitative, réaliser les recrutements liés à ses nouvelles missions tout en préservant certaines branches professionnelles ouvrières dont les métiers requièrent des compétences jugées critiques.

Entre 2009 et 2016, il a été attribué, en moyenne et par an, 470 indemnités de départ volontaire aux ouvriers de l’État, d’après l’étude d’impact jointe au présent projet de loi. En 2017, un peu moins de 300 indemnités ont été versées. Par ailleurs, pour la période 2016-2017, l’étude d’impact signale que l’indemnité a été particulièrement demandée par les agents de plus de 55 ans (environ 80 % des demandes), ceux âgés de moins de 50 ans sollicitant plutôt l’indemnité de départ volontaire pour créer ou reprendre une entreprise prévue par l’article 6 du décret du 21 janvier 2009 précité. 24 ouvriers de l’État en 2016 et 18 en 2017 y ont ainsi eu recours.

Le coût de la défiscalisation de l’indemnité de départ volontaire des ouvriers de l’État s’élève à quatre millions d’euros en 2018. ([133]) Outre l’incidence indirecte de cette défiscalisation, l’étude d’impact annexée au présent projet de loi évalue à 48 millions d’euros le coût financier des indemnités de départ volontaire susceptibles d’être distribuées sur la période 2019-2025, en retenant l’hypothèse de 686 départs aidés, soit 98 départs annuels pendant sept ans, sur la base d’un coût moyen établi à 70 000 euros. Le coût annuel de la mesure est donc estimé à 6,86 millions d’euros. Concernant l’indemnisation du chômage, le surcoût a été évalué à 27 millions d’euros sur la période 2019-2025 sur la base d’un flux annuel d’entrées dans le dispositif de 98 agents.

c. Le dispositif proposé

À l’instar des aides au départ pour les militaires visées par le 3° du présent article, le dispositif proposé habilite le Gouvernement à prolonger l’indemnité de départ volontaire pour les ouvriers de l’État du ministère des Armées jusqu’en 2025 et à en adapter les modalités par ordonnance.

Une fois encore, le recours à l’ordonnance est justifié par l’attente des conclusions de la mission d’inspection diligentée pour apprécier l’efficience de ces aides au départ, dont les conclusions sont attendues pour le 12 mars 2018.

Pour les mêmes raisons que celles évoquées précédemment, il aurait été souhaitable d’inclure dans le champ de l’habilitation le 30° bis de l’article 81 du CGI.

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La commission est saisie de l’amendement DN180 de M. M’jid El Guerrab.

M. M’jid El Guerrab. Je propose de rédiger ainsi l’alinéa 2 de l’article 15 : « 1° Étendre le congé de la ou du blessé(e) à d’autres hypothèses que celles prévues à l’article L. 4138-3-1 du code de la défense. »

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement DN235 de M. Claude de Ganay.

M. Thibault Bazin. M. de Ganay nous alerte sur les anciens militaires en situation de précarité. Nous exprimons le souhait, en défendant cet amendement d’appel, que le ministère des Armées réalise un rapport sur le risque de paupérisation des militaires du rang au niveau scolaire très faible qui quittent l’institution sans formation.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je ne vois pas le lien entre cette demande de rapport et le recours aux ordonnances prévu à l’article 15. Je demande donc le retrait de l’amendement.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Le dispositif des emplois réservés est ouvert aux anciens militaires qui ont quitté les armées depuis moins de trois ans. Au sein du dispositif rénové prévu par ordonnance, l’accès à la fonction publique pour les anciens militaires sera maintenu dans des conditions au moins aussi favorables qu’actuellement. Ce sujet, ainsi que la préoccupation d’un meilleur reclassement des militaires au moment où ils quittent l’institution, sont évidemment des axes majeurs de la réforme envisagée et dont le contenu a été confié à un groupe de travail dédié qui a engagé des travaux.

Il me semble, comme à votre président‑rapporteur, que lier l’adoption de la loi de ratification à la présentation d’un rapport sur les anciens militaires en situation de précarité aurait pour conséquence un décalage calendaire qui s’opérerait aux dépens de l’ensemble des militaires et anciens militaires souhaitant se reclasser au sein de la fonction publique. Pour cette raison, je ne suis pas favorable à cet amendement.

M. Thibault Bazin. Vos propos nous ont convaincus, Madame la ministre. Je retire donc l’amendement.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement DN397 du Gouvernement.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Il s’agit d’un amendement de cohérence, puisque l’habilitation proposée modifie les procédures d’accès des militaires à la fonction publique civile, qu’il s’agisse du détachement-intégration ou de l’accès aux emplois réservés.

La modification de ces procédures a un impact de façon corrélative sur le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre. Il est donc nécessaire d’élargir l’habilitation pour permettre l’actualisation des dispositions concernées dans ce code.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Puis elle étudie l’amendement DN111 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. On le voit, la question des ressources humaines n’est pas conjoncturelle mais structurelle. La loi de programmation militaire pour 2014-2019 prévoyait déjà des dispositifs pour répondre, anticiper, et conserver une armée jeune. L’article 15 prévoit de proroger ces mesures, c’est-à-dire qu’elles s’étendront sur une dizaine d’années. Nous proposons d’inscrire ces dispositifs dans le statut général des militaires puisqu’il s’agit d’une réponse durable aux problématiques qui se posent à nos militaires.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Votre idée est bonne, mais je rappelle que le Gouvernement a confié, sur ce sujet, une mission conjointe à l’Inspection générale des finances et au Contrôle général des armées, qui rendront leurs conclusions au mois de mars ou d’avril prochain, c’est-à-dire pendant l’examen du présent projet de loi de programmation militaire par le Parlement. Je ne suis donc pas favorable à cet amendement et je vous propose de le retirer dans l’attente des conclusions de cette mission.

M. Thibault Bazin. Comme je suis respectueux des missions qui travaillent, je le retire. J’ai hâte de connaître ses conclusions.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Nous en reparlerons.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 15 modifié.

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Après l’article 15

La commission examine l’amendement DN240 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Les militaires qui bénéficient d’une aide au départ ou à la reconversion ne sont pas tous admis à souscrire un engagement à servir dans la réserve. Plusieurs dispositifs existent, mais certains ne permettent pas de cumuler cette possibilité. Or un des défis que nos armées auront à relever dans les années qui viennent est celui de la perte des compétences, si je puis dire.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. En fait, vous demandez une dérogation pour les officiers bénéficiant d’une pension au grade supérieur (PAGS).

M. Thibault Bazin. Oui.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je ne sais pas si Mme la ministre peut accepter cette dérogation. Je n’y suis pas nécessairement favorable, mais je me rallierai à son avis.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Nous travaillons actuellement sur les adaptations qui pourraient être apportées aux dispositifs d’incitation au départ, dont la PAGS. Ce bilan est dressé par la mission conjointe de l’Inspection générale des finances et du Contrôle général des armées. Je vous propose donc de revoir cette question un peu plus tard lorsque nous disposerons de ses conclusions.

M. Thibault Bazin. Je maintiens l’amendement, car je pressens qu’il faut répondre à ce besoin à court terme.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient ensuite à l’amendement DN255 de M. Patrick Hetzel.

M. Thibault Bazin. La précédente loi de programmation militaire prévoyait qu’un décret en Conseil d’État détermine, d’une part les niveaux de classification des documents, informations et réseaux informatiques ainsi que leur accès, au titre de la protection du secret de la défense nationale, d’autre part les autorités chargées de définir les modalités.

Rien n’est écrit, en revanche, quant à la détermination effective des lieux. Je propose d’en laisser la responsabilité au ministre de la Défense dont la décision sera néanmoins encadrée par la commission du secret de la défense nationale (CSDN). Le ministre devra obtenir en effet de la commission un avis conforme avant de signer son décret.

Nous conserverions ainsi le secret qui s’impose concernant certains lieux définis, tout en garantissant un second regard nécessaire sur des décisions aussi importantes. Elle est d’autant plus logique que la CSDN est l’instance compétente pour déclassifier, même temporairement, un site classifié.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Contrairement à ce que vous dites dans votre exposé sommaire, cette liste est déterminée par arrêté du Premier ministre. Le ministère des Armées n’est donc pas concerné.

De surcroît, cette liste est transmise au ministre de la justice qui la communiquera au président de la commission du secret de la défense nationale.

L’amendement est retiré.

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Avant l’article 16

La commission adopte l’amendement rédactionnel DN524 du rapporteur.

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Section 5 
Expérimentations

(Intitulé nouveau)

Article 16
Expérimentations visant à permettre le recrutement sans concours de fonctionnaires du premier grade des corps de la catégorie B et la simplification du recrutement de contractuels

Depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, l’article 37-1 de la Constitution dispose, de façon générale, que « la loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limitée, des dispositions à caractère expérimental ». Sans déroger à la répartition normale des compétences normatives, ces dispositions permettent à la loi ou au règlement de comporter des dispositions expérimentales dont l’application limitée dans le temps ou dans l’espace doit permettre de tester la pertinence.

En l’espèce, l’article 16 du présent projet de loi de programmation propose deux expérimentations pour faire face aux tensions constatées dans quatre régions :

– au I, une expérimentation du recrutement de fonctionnaires du premier grade des corps de la catégorie B sans concours ;

– au II, une expérimentation du recrutement d’agents contractuels pour faire face à une vacance d’emploi de plus de six mois dans l’attente du recrutement d’un fonctionnaire dans certains métiers en tension.

1. Le concours est la modalité de recrutement de droit commun pour les emplois permanents de l’État

Le statut général des fonctionnaires pose, à l’article 3 de la loi n° 83‑634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, le principe de l’occupation des emplois permanents des administrations publiques par des fonctionnaires, ceux-ci étant soumis à des obligations professionnelles inhérentes au service public (égalité, neutralité, continuité) et par le statut (respect du secret professionnel, discrétion professionnelle, devoir d’information du public, responsabilité de l’exécution des tâches confiées, devoir d’obéissance hiérarchique). L’article 16 de cette même loi pose le principe du concours comme modalité de recrutement de droit commun pour tous les fonctionnaires, sauf dérogations prévues par la loi.

Le concours garantit la publicité des informations, la transparence des procédures, afin d’assurer aux candidats le maximum d’égalité, et au corps qui recrute, les meilleurs agents. Il permet que les personnes nommées à des emplois publics le soient en fonction de leurs capacités, conformément à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

Cette solution n’est cependant pas conçue comme un frein à l’innovation dans la gestion des recrutements. Le concours n’est ni une exigence constitutionnelle, ni un droit fondamental des agents publics. Il constitue une garantie fondamentale de la fonction publique au sens de l’article 34 de la Constitution. Seule la loi peut donc l’écarter ou l’obérer.

Le recrutement direct de fonctionnaires constitue une procédure dérogatoire. Dans chaque versant de la fonction publique (d’État, hospitalière et territoriale), trois types de dérogations permettent un recrutement direct :

– les emplois réservés régis par les articles L. 241-1 et suivants du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre ;

– les recrutements directs lors de la constitution initiale d’un corps ou en cas de fusion de corps ;

– le recrutement de certains fonctionnaires de catégorie C exerçant des tâches d’exécution. Entrent par exemple dans cette procédure les agents d’animation socioculturelle, les adjoints techniques des établissements scolaires, les standardistes, etc.

Le législateur a prévu cette dernière dérogation car il a considéré que le recrutement par concours, lorsqu’il est imposé pour des agents d’exécution, apparaît comme une procédure excessivement lourde et peu adaptée aux besoins des administrations qui ne trouvent pas forcément sur les listes d’aptitude des candidats correspondant au profil recherché et à l’implantation locale désirée.

Fixées réglementairement, les modalités de cette procédure dérogatoire prévoient la publication d’un avis de recrutement, l’établissement d’une liste d’aptitude et, systématiquement dans la fonction publique d’État, la constitution d’un comité de sélection composé de plusieurs personnes, dont au moins une appartient à une administration autre que celle dans laquelle l’emploi est à pourvoir, chargées d’examiner les candidatures.

Le recours aux contractuels est quant à lui prévu et encadré par les lois qui régissent les trois versants de la fonction publique. Dans la fonction publique d’État, le recrutement de contractuels est autorisé dans deux cas de figure :

1.– pour faire face à une vacance temporaire demploi dans l’attente du recrutement d’un fonctionnaire (article 6 quinquies de la loi n° 84‑16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État). Dans ce cas précis, le contrat est conclu pour une durée déterminée qui ne peut excéder un an. Ce contrat est renouvelable une fois si la procédure de recrutement pour pourvoir l’emploi par un fonctionnaire n’a toujours pas abouti.  

2.– pour recruter des contractuels de niveau I (équivalent de la catégorie A) sur des postes permanents de l’État lorsque les besoins des services le justifient (2° de l’article 4 de la loi du 11 janvier 1984 précitée) ou pour des fonctions pour lesquelles il n’existe pas de corps de fonctionnaires (1° du même article).

2. Le ministère des Armées fait face à des difficultés de recrutement sérieuses

D’après l’étude d’impact, le ministère des Armées rencontre des difficultés récurrentes de recrutement de fonctionnaires comme d’agents contractuels, pour certaines spécialités et particulièrement dans certaines zones géographiques.

En 2017, sont restés non pourvus :

– 20 postes sur 71 en génie civil ;

– 12 postes sur 49 dans le domaine du renseignement ;

– 9 postes sur 47 dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail.

Ce déficit est surtout concentré dans quatre régions où il dépasse les 30 % (58 postes non pourvus pour 128 recrutements réalisés) :

– la Bourgogne-Franche-Comté ;

– la région Centre-Val de Loire ;

– la région Grand Est ;

– l’Île-de-France, qui est la plus déficitaire.

En outre, le ministère des Armées est confronté à de forts enjeux de recrutement et d’attractivité dans deux autres secteurs : 

– le secteur du maintien en condition opérationnelle terrestre, dans lequel plus de 300 agents devront être recrutés en 2018 pour assurer une transmission des savoir-faire alors que de nombreux départs en retraite sont prévus pour les prochaines années ;

– le secteur des systèmes d’information et de communication, dans lequel le nombre de postes de techniciens supérieurs d’études et de fabrication ouverts est passé de 7 en 2016 à 70 en 2018. Ces forts besoins de recrutement vont perdurer et ce marché du travail est particulièrement concurrentiel. 

D’après l’étude d’impact, les modalités de recrutement actuelles posent problème, à double titre :

1.– les contrats proposés seraient peu attractifs, du fait de leur faible durée, sur un marché du travail très concurrentiel dans les secteurs visés ;

2.– la procédure des concours serait perçue comme un obstacle, en particulier par de jeunes candidats détenant pourtant le niveau de diplôme requis et parmi eux, beaucoup d’apprentis ou d’anciens apprentis du ministère des Armées.

Parmi les raisons qui décourageraient ces jeunes candidats figurerait limpossibilité de choisir son lieu daffectation, faute d’un ciblage suffisant des postes offerts au concours.

3. Le dispositif proposé

Le I prévoit l’expérimentation du recrutement de fonctionnaires de catégorie B sans concours. Le II prévoit d’expérimenter à titre dérogatoire le recrutement de professionnels pour des contrats de trois ans sur des métiers particulièrement en tension. Le III prévoit que le Parlement sera destinataire d’un rapport d’évaluation de ces deux expérimentations un an avant leur terme prévu au 31 décembre 2022.

a. Le recrutement de fonctionnaires de catégorie B sans concours

Fort du succès des recrutements sans concours des catégories C dans les trois fonctions publiques, le Gouvernement propose d’expérimenter le recrutement de techniciens supérieurs d’études et de fabrication du ministère de la Défense (catégorie B) sans concours.

Le premier alinéa du I détaille les conditions de l’expérimentation :

– elle aura lieu du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2022, soit quatre années pleines ;

– elle se tiendra dans quatre régions : Bourgogne-Franche-Comté, Centre‑Val de Loire, Grand Est et Île-de-France ;

– elle ne concernera que les fonctionnaires du premier grade des corps des techniciens supérieurs d’études et de fabrication du ministère de la Défense.

Le deuxième alinéa précise les conditions auxquelles seront soumis les candidats et la nouvelle procédure :

– les candidats devront avoir l’un des diplômes ou titres requis pour être recrutés au sein du corps concerné ou avoir une qualification garantissant un niveau de compétence équivalent ;

– ils seront sélectionnés par une commission dont la composition et les modalités d’organisation sont fixées par décret mais dont le dispositif proposé précise qu’elle devra comporter « en son sein au moins deux tiers de personnes extérieures au ministère » afin de sélectionner les candidats « de manière impartiale et objective », garantissant que cette voie de recrutement ne sera pas une voie de cooptation ;

– seront pris en compte l’aptitude manifestée par les candidats à exercer leurs futures missions, leur expérience professionnelle et, à aptitude égale, leur motivation.

Le troisième alinéa exclut de cette nouvelle voie de recrutement :

– les militaires ;

– les magistrats ;

– les fonctionnaires en activité, détachement, en congé parental ou en fonction dans une organisation internationale intergouvernementale.

Cette mention d’exclusion est habituelle. Le public visé par la mesure est a priori extérieur au ministère. Les fonctionnaires en activité bénéficient en effet des possibilités d’avancement par concours interne et au choix. En ce qui concerne les militaires, ce dispositif ne doit pas entrer en concurrence avec le détachement‑intégration, prévu à l’article L. 4139-2, dont de surcroît le vivier baisse très fortement, alors que les armées ont désormais davantage besoin de garder leurs personnels en activité. Les agents contractuels pourront tout à fait se présenter au recrutement.

Le quatrième alinéa encadre strictement le nombre de postes offerts annuellement par cette nouvelle voie expérimentale. Il ne pourra être supérieur à 20 % arrondis à l’entier inférieur du nombre de postes à pourvoir pour cette catégorie de fonctionnaires.

b. Des contrats de trois ans offerts sur des métiers en tension

L’unique alinéa du II détaille les conditions de la deuxième expérimentation :

– elle aura lieu du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2022, soit quatre années pleines ;

– elle se tiendra dans quatre régions : Bourgogne-Franche-Comté, Centre-Val de Loire, Grand Est et Île-de-France ;

– elle ne concernera que des postes vacants depuis plus de six mois ouverts par le ministère des Armées uniquement ;

– ces recrutements ne pourront intervenir que dans cinq domaines de spécialités : le renseignement, le génie civil, les systèmes d’information et de communication, la santé et la sécurité au travail et le maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres.

Ces contractuels pourront se prévaloir d’une durée d’emploi dérogatoire de trois ans, contre un an seulement pour les contrats autorisés jusqu’alors par l’article 6 quinquies de la loi n° 84‑16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État. Dans le cadre de l’expérimentation, qui ne dure que quatre ans, ce contrat ne sera pas renouvelable.

4. Les améliorations possibles

Le rapporteur estime qu’il serait souhaitable d’élargir le champ de l’expérimentation afin de lui donner davantage de valeur probante et de permettre au ministère des Armées de faire face aux besoins patents de nouveaux recrutements, pour éviter de perdre certaines compétences.

a. Élargir le périmètre géographique des deux expérimentations

Le périmètre géographique des deux expérimentations pourrait utilement être élargi à deux autres régions où les difficultés de recrutement sont patentes : les Hauts-de-France et la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.

b. Augmenter le nombre de postes de catégorie B ouverts par la voie dérogatoire

Le nombre de postes offerts par la voie de recrutement de techniciens supérieurs d’études et de fabrication sans concours est limité à 20 % du nombre total de postes à pourvoir. Cela représente environ 44 postes.

Afin de répondre aux besoins de recrutement urgents du ministère des Armées pour assurer le maintien de compétences et pour donner une plus grande valeur probante aux résultats de l’expérimentation, il paraît opportun d’augmenter cette proportion.

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La commission est saisie de l’amendement DN224 de M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud. Même s’il s’agit d’une expérimentation, la volonté d’ouvrir le recrutement hors concours sur des postes techniques soulève des interrogations. Nous pensons que ce n’est pas ce qui permettra de résoudre les problèmes. Nous avons d’ailleurs auditionné les organisations représentant les personnels civils de la défense qui ont confirmé ce pressentiment en indiquant que les conditions de travail, notamment la localisation des lieux de travail en région parisienne, ne favorisaient pas la stabilité et la fidélisation des effectifs.

Nous craignons que ce recours à des contractuels nous engage dans un cercle vicieux – embauche de contractuels, formation, démission, embauche, formation, démission – sans que les problèmes soient résolus. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article, et appelons le Gouvernement à réfléchir à d’autres solutions pour pérenniser et sécuriser les personnels.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je suis, bien entendu, défavorable à votre amendement, Monsieur le député. C’est justement pour répondre aux problématiques d’attractivité et de fidélisation que le Gouvernement propose une expérimentation.

Les dérogations qu’il est prévu d’expérimenter portent sur quatre dimensions : nous les détaillerons en discutant les amendements. Attendons les résultats de ces expérimentations avant de décider s’il faut les améliorer ou y mettre fin, si elles ne marchent pas. Ne soyons pas défaitistes.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Nous constatons tous que nous éprouvons des difficultés pour recruter dans certains domaines. C’est l’origine de cet article. Nous avons examiné de quelle manière répondre à l’objectif premier : recruter en fonction des compétences dont nous avions besoin. C’est donc pleinement conscients du caractère dérogatoire au statut de la fonction publique que nous avons travaillé, et c’est parce que ce dispositif est dérogatoire qu’il est très strictement encadré. Il prend la forme d’une expérimentation qui fera l’objet d’une évaluation à laquelle il est prévu que le Parlement participe.

Je ne suis pas favorable à ce que nous renoncions à cette expérimentation. Il ne s’agit pas de modifier les règles du statut général de la fonction publique, mais de tester des exceptions, très encadrées et à caractère temporaire, avant de décider d’éventuelles évolutions. C’est une approche très pragmatique et très prudente.

M. Bastien Lachaud. J’entends vos propos rassurants, mais j’ai bien peur que le temporaire ne devienne pérenne, et que l’exceptionnel ne se généralise. Nous maintenons cet amendement.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Et nous en reparlerons au moment de l’actualisation de la programmation, avant fin 2021.

M. François André. L’attachement au statut que manifeste notre collègue Lachaud est fort louable, mais le principe de réalité nous impose de tenir compte de l’expérience. Dans certaines zones, des postes ne peuvent être pourvus par les concours pendant plusieurs années.

Cet article a la grande vertu d’offrir une réponse claire, précise et très encadrée à un problème réel de recrutement, en trouvant par d’autres biais ce que les concours traditionnels ne permettent pas de fournir aux forces armées. Je suis donc opposé à cet amendement de suppression.

Mme Natalia Pouzyreff. Faisons appel au réalisme et au pragmatisme. Il y a des postes non pourvus, qui doivent l’être dans un délai contraint. L’expérimentation va permettre l’embauche de personnel plus rapidement que le recrutement par la voie classique du concours. La rapidité est une nécessité.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur pour avis de la commission des Lois. J’insiste sur les conditions de recrutement, qui sont parfaitement régulières aux yeux de la commission des Lois. Elles garantissent l’impartialité, la justice, ainsi que l’évaluation des compétences et des acquis professionnels, élément supplémentaire garant de la qualité du recrutement des personnels.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement DN91 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Nous avons reçu la directrice des affaires juridiques et la directrice des ressources humaines du ministère des Armées, et il apparaît que les dispositifs proposés pour relever les défis en matière de ressources humaines ne vont pas assez loin. L’étude d’impact montre que la mesure sera insuffisante : à peine quelques dizaines de recrutements.

La série d’amendements à venir vous propose d’aller plus loin. Tout d’abord, nous pourrions ne pas limiter l’expérimentation aux quatre régions mentionnées.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je suis d’accord pour étendre le champ de l’expérimentation sur certains critères, mais cet amendement l’étend beaucoup trop. Avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis.

M. Bastien Lachaud. Cet amendement vient confirmer nos craintes. À partir du moment où l’on ouvre la voie, il est possible de s’y engouffrer au point de remettre en cause le statut de la fonction publique. Je prends note des avis défavorables de la ministre et du rapporteur, mais combien de temps leur opposition tiendra-t-elle face à cette volonté de remise en cause ? L’expérimentation est dangereuse en elle-même, et c’est pourquoi je refuse son extension.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement DN302 de M. Philippe Chalumeau.

Mme Séverine Gipson. Au fil des auditions, nous avons constaté que le ministère des Armées rencontrait une difficulté récurrente à recruter des fonctionnaires, notamment dans certaines zones géographiques et pour certaines spécialités. Les régions mentionnées dans l’étude d’impact du projet de loi sont la Bourgogne-Franche-Comté, le Centre-Val-de-Loire, le Grand-Est et l’Ile-de-France. Il apparaît nécessaire d’y inclure les Hauts-de-France et Provence-Alpes-Côte-d’Azur – ou peut-être faut-il dire désormais « Sud-Provence-Alpes-Côte-d’Azur » ? –, elles aussi confrontées à des difficultés de recrutement récurrentes et connues.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Avis favorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement DN303 de M. Philippe Chalumeau.

Mme Nicole Trisse. L’article, dans sa rédaction actuelle, est exclusivement centré sur les emplois de la catégorie B de la filière technique, alors que la filière administrative est placée dans une situation comparable. Avec ma collègue Françoise Dumas, nous souhaiterions élargir le champ d’expérimentation au premier grade des secrétaires administratifs du ministère de la Défense.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Avis favorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis.

M. Bastien Lachaud. Les deux derniers amendements vont dans le sens de mes propos précédents : on élargit l’expérimentation avant même de savoir si elle sera efficace. L’argument qui m’a été opposé pour refuser la suppression de cet article – attendons de voir si l’expérimentation est efficace avant de la supprimer – vaut tout autant, nous pourrions attendre de voir si elle est efficace avant de l’élargir.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Si je soutiens les amendements proposés sur certains critères, c’est parce que je considère que les conditions de l’expérimentation prévues par le texte ne permettront pas forcément d’obtenir un résultat probant à même d’être analysé lors de l’actualisation de la LPM. C’est pour cela que j’émets un avis favorable aux amendements qui étendent quelque peu les zones géographiques, les métiers ou les pourcentages d’emplois concernés. Mais cela ne remet pas en cause ce que nous avons dit précédemment.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel DN525 du rapporteur.

Puis elle est saisie, en discussion commune, des amendements identiques DN92 de M. Thibault Bazin et DN301 de M. Philippe Chalumeau et de l’amendement DN530 de la commission des Lois.

M. Thibault Bazin. Nous proposons de porter le plafond maximum d’emplois de 20 % à 40 %. Nous savons que la mesure contenue dans le projet du Gouvernement sera insuffisante, et qu’il faut aller plus loin que les quelques dizaines d’emplois prévus.

Mme Séverine Gipson. Nous proposons également de porter ce plafond à 40 %. Nous avons constaté qu’en 2017 le déficit de recrutement dans les spécialités visées à l’article 16 était de 58 postes sur les 277 postes proposés au recrutement, soit plus du cinquième. Le plafond proposé ne répond pas aux besoins réels, et cette situation ne peut plus durer. Notre amendement permettrait de couvrir les besoins réels de nos armées.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur pour avis de la commission des Lois. La commission des Lois a retenu, pour sa part, un plafond de 30 %.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je suis favorable à un relèvement du plafond, mais, avant d’émettre un avis, je souhaite recueillir celui du Gouvernement.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Le Gouvernement n’est pas favorable à un doublement du plafond, mais se rallie bien volontiers à la proposition de le porter à 30 %.

Mme Séverine Gipson. Dans ce cas, je retire mon amendement.

L’amendement DN301 est retiré.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je mets aux voix l’amendement DN92, qui fait l’objet d’un avis défavorable du rapporteur et du Gouvernement.

M. Thibault Bazin. Vous avez changé d’avis !

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. J’ai dit que j’étais favorable au relèvement, mais puisque le Gouvernement retient un taux de 30 %, je me rallie à cette proposition.

La commission rejette l’amendement DN92.

Elle adopte ensuite l’amendement DN530.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel DN526 du rapporteur.

L’amendement DN93 de M. Thibault Bazin est retiré.

La commission examine ensuite les amendements identiques DN239 de M. Thibault Bazin et DN300 de M. Philippe Chalumeau.

M. Thibault Bazin. Il existe actuellement un problème de recrutement des techniciens supérieurs d’études et de fabrication (TSEF). De plus, leur formation est assez longue. Lorsque l’on investit dans une personne, il faut que cela en vaille la peine. Sur le terrain, on constate qu’il faudrait plus de souplesse, notamment en permettant que les contrats de trois ans conclus dans le cadre de l’expérimentation soient renouvelables une fois. Cela permettrait de mieux répondre aux enjeux, et améliorerait l’attractivité de ces contrats.

M. Philippe Chalumeau. Pour que le dispositif ainsi envisagé soit attractif au regard des perspectives que peut offrir le marché du travail, notre amendement prévoit que le contrat puisse être renouvelé, sans excéder six ans.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je n’ai pas d’opposition à ces deux amendements, mais je souhaite entendre la position du Gouvernement.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Avis favorable.

La commission adopte les amendements.

Elle est ensuite saisie de l’amendement DN304 de M. Philippe Chalumeau.

M. Christophe Lejeune. Cet amendement a pour objet d’élargir la liste de personnels à certaines spécialités notoirement déficitaires : les postes « achats », la gestion de la paie et de la solde, l’insertion professionnelle et le maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels terrestres.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. C’est un amendement louable, mais je crains que l’extension des critères de l’expérimentation soit un peu trop large. J’émettrais un avis défavorable, mais j’attends de connaître la position du Gouvernement.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Avis défavorable à l’extension du champ de cette disposition.

M. Christophe Lejeune. Dans ces conditions, je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel DN527 du rapporteur.

Puis elle examine l’amendement DN34 de M. M’jid El Guerrab.

M. M’jid El Guerrab. Par cet amendement, il s’agit de renforcer le contrôle du Parlement sur la loi de programmation militaire, mission qui lui est formellement reconnue par l’article 24 de la Constitution. Pour que le Parlement puisse décider en toute connaissance de cause, l’amendement prévoit des évaluations régulières, et la création d’une mission d’information. En fonction des résultats de cette évaluation et de ce débat, il pourrait être envisagé de pérenniser ces expérimentations visant à instaurer deux procédures contractuelles de recrutement dérogatoire.

Toutefois, j’ai bien noté qu’il n’était pas possible d’inscrire dans la loi la création d’une mission d’information, je retire donc cet amendement.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 16 modifié.

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Section 6
Dispositions relatives au service militaire volontaire

Article 17
Dispositions relatives au service militaire volontaire

L’article 17 du projet de loi a pour objet de pérenniser le dispositif du service militaire volontaire (SMV), créé à titre expérimental par la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense.

1. L’état du droit

L’étude d’impact annexée au projet de loi présente de manière très détaillée l’histoire du service militaire volontaire, ses objectifs, son fonctionnement comme ses premiers résultats. Il n’y a donc pas lieu de paraphraser ici ces éléments et le rapporteur, qui se bornera ici à présenter les grandes caractéristiques du SMV, invite le lecteur intéressé à consulter la partie de l’étude d’impact concernée ([134]).

Inspiré par le service militaire adapté (SMA), dispositif d’insertion socioprofessionnelle créé en 1961 au profit des jeunes adultes d’outre-mer âgés de 18 à 25 ans, en situation d’échec ou en voie de marginalisation, le service militaire volontaire a été créé, à titre expérimental, par les articles 22 et 23 de la loi précitée d’actualisation de la programmation militaire pour les années 2015 à 2019. Maintes fois envisagée, voire traduite sous la forme de dispositifs spécifiques comme l’Établissement pour l’insertion dans l’emploi (Épide), la transcription du SMA à la métropole avait été décidée par le précédent président de la République, M. François Hollande, et annoncée le 5 février 2015 lors d’une conférence de presse donnée par le chef de l’État.

Cette expérimentation, prévue initialement pour une durée de deux années à compter du 1er septembre 2015, a été prolongée jusqu’au 31 décembre 2018 par l’article 27 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté. La prolongation de cette expérimentation avait pour objectif de parfaire l’évaluation du dispositif, dans la foulée de la transmission par le Gouvernement au Parlement, en novembre 2016, d’un premier rapport d’évaluation. Par ailleurs, la loi n° 2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique a complété le dispositif par la création à titre expérimental et aux côtés du SMV, d’un volontariat militaire d’insertion (VMI), permettant au jeune engagé de disposer du double statut de stagiaire de la formation professionnelle au sens du droit du travail et de volontaire militaire.

Aujourd’hui, le service militaire volontaire se déploie sur six centres situés à Montigny-lès-Metz, Brétigny-sur-Orge, La Rochelle, Châlons-en-Champagne, Brest et Ambérieu-en-Bugey. En 2018, ces centres accueilleront mille volontaires, encadrés par 256 militaires d’active, majoritairement issus de l’armée de terre, et quelques dizaines de réservistes. Le dispositif, ouvert aux jeunes Français de métropole âgés de 17 ans révolus à moins de 26 ans, s’adresse à deux types de volontaires :

– les volontaires stagiaires, peu ou pas diplômés, éloignés de la formation et de l’emploi, souscrivant un contrat de six à douze mois pour une solde de 315 euros par mois ;

– les volontaires techniciens, diplômés sans emploi à la recherche d’une première expérience professionnelle, souscrivant un contrat d’un an pour une solde de 740 euros par mois.

L’ensemble des volontaires sont nourris, blanchis, et logés, et suivent un parcours d’insertion socioprofessionnelle qui comprend une phase de remise à niveau et une phase de professionnalisation. Ainsi, après une première période de cinq mois consacrés à une formation militaire et comportementale (secourisme, instruction civique, permis de conduire, remise à niveau scolaire), les jeunes s’engagent dans une formation professionnelle d’une durée variable de quelques mois. Les formations proposées dépendent de chaque site, et sont cohérentes avec le bassin d’emploi. Elles sont conduites en lien avec des organismes spécialisés comme les centres de formation d’apprentis (CFA). De plus, certains centres ont noué des partenariats fructueux avec des entreprises, comme par exemple Disneyland Paris ou la SNCF pour le centre de Brétigny-sur-Orge.

Depuis le 1er janvier 2018, le financement du SMV fait l’objet d’une unité opérationnelle (UO) dédiée au sein du programme 178 « préparation des forces » de la mission budgétaire « Défense ».

2. Les dispositions du projet de loi

Le présent article procède donc à la pérennisation du dispositif. Dans l’attente des conclusions des travaux en cours sur le service national universel (SNU), le Gouvernement a fait le choix de ne pas codifier ces dispositions. Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État a indiqué que le choix du Gouvernement était compréhensible, tout en appelant à une codification rapide. Le rapporteur note que le service militaire volontaire aurait vocation à voir son régime inscrit au sein du code du service national, qui pourrait comprendre un titre regroupant les dispositions relatives au SMV, au SMA comme aux autres volontariats de nature militaire. Ces dispositifs ont en effet pleinement vocation à être intégrés au service national universel, au même titre que le service civique, d’ores et déjà reconnu par l’article L. 111-2 dudit code.

En l’état, l’article 17 du projet de loi compte douze alinéas répartis en cinq paragraphes.

Le I procède à la pérennisation du dispositif en rappelant les objectifs du SMV, en définissant le public auquel il s’adresse, la nature du contrat souscrit, le statut des volontaires, les modalités d’encadrement et la nature de la formation dispensée.

De manière plus précise, le premier alinéa du I. place le SMV sous la tutelle du ministre chargé de la Défense, chargé de déterminer les centres d’accueil du dispositif. En d’autres termes, le ministère joue un rôle déterminant dans la montée en puissance du SMV et dans son déploiement territorial, et ce d’autant plus que celle-ci est limitée par la capacité d’accueil des centres. De plus, cet alinéa rappelle l’objectif du SMV : favoriser l’insertion professionnelle des jeunes.

Le deuxième alinéa du I indique que le SMV s’adresse aux Françaises et Français de métropole âgés de dix-huit ans et de moins de vingt-six ans. Notons que dans sa version initiale, le dispositif du SMV était ouvert aux jeunes dès 17 ans. Il s’agissait ainsi de disposer d’un outil adressé aux jeunes vers lequel l’on pouvait orienter les jeunes en difficulté identifiés lors de la JDC. Néanmoins, l’article 36 de la loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique a procédé à la création, à côté du SMV, d’un dispositif dénommé « service militaire volontaire-volontariat militaire d’insertion » (SMV-VMI), ouverts aux jeunes à compter de 18 ans. Par ricochet, l’âge minimum pour intégrer le service militaire volontaire a également été porté à 18 ans. Une telle modification ne figurait pas dans le texte du projet de loi déposé en première lecture au Sénat. Le dispositif du SMV-VMI devait d’ailleurs être accessible à compter de 17 ans. Elle a été apportée, un peu dans l’indifférence générale, à l’initiative du rapporteur pour avis de la commission des Affaires étrangères, de la Défense nationale et des forces armées du Sénat, M. Paul. Selon lui, il s’agissait simplement de tirer les conséquences d’une situation de fait, seuls des jeunes majeurs intégrant le SMV en raison de la complexité des normes applicables pour l’hébergement et la prise en charge des mineurs.

Le projet de loi précise par ailleurs que le jeune souhaitant s’engager dans un service militaire volontaire doit répondre à plusieurs conditions : posséder la nationalité française – précision tautologique dans la mesure où le dispositif s’adresse aux seuls Français – ne pas être privé de ses droits civiques, être en conformité avec les obligations du service national prévues par l’article L. 111-2 du code éponyme – recensement et participation à la journée défense et citoyenneté.

Le troisième alinéa du I précise que la durée minimale du contrat souscrit par les volontaires est de six mois, la durée totale ne pouvant dépasser douze mois. Tout volontaire s’engageant initialement pour une durée inférieure à douze mois dispose de la faculté de renouveler son contrat jusqu’à l’atteinte de cette limite.

Le quatrième alinéa du I indique que les engagés du SMV servent, en tant que volontaires stagiaires, au premier grade de militaire du rang et sont considérés comme des militaires d’active. À ce titre, les volontaires sont soumis au statut général des militaires, exception faite des dispositions de l’article L. 4123-7 du code de la défense prévoyant que les militaires qui quittent le service et qui sont involontairement privés d’emploi ont droit à un revenu de remplacement, sous forme d’allocation de chômage. Dans ce cadre, ils peuvent notamment prendre part à des missions de sécurité civile, et également être amenés à participer à des chantiers d’application à la demande de l’État, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics ou d’associations à but non lucratif déclarées d’utilité publique.

Le cinquième alinéa du I prévoit un encadrement par des militaires des volontaires stagiaires et ouvre la possibilité de recourir, dans le cadre d’une convention, à des intervenants extérieurs au ministère des Armées.

Le sixième alinéa du I, enfin, précise que le SMV comporte une formation militaire ainsi que diverses formations à caractère professionnel, civique ou scolaire visant à favoriser l’insertion sociale et professionnelle des volontaires. La formulation générale de cet alinéa permet de conserver une certaine souplesse dans la mise en œuvre des formations afin de les adapter au contexte local de chaque centre comme au profil des jeunes qui s’engagent. Nul doute néanmoins quant au fait que la formation des volontaires comprendra deux grandes phases, une première de remise à niveau générale et une seconde de professionnalisation.

Le II consiste essentiellement en la reprise des dispositions introduites par la loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique susmentionnée accordant aux volontaires le bénéfice de certaines dispositions du code du travail. Ainsi, le premier alinéa du II prévoit que les volontaires stagiaires du SMV disposent également de la qualité de stagiaires de la formation professionnelle, tandis que le deuxième alinéa du II leur ouvre droit au compte personnel d’activité dont le régime est fixé par le titre V du livre Ier de la cinquième partie du code du travail. De même, ils sont fondés, durant la durée de leur engagement, à recevoir des aides à la création ou à la reprise d’entreprise définies au chapitre Ier du titre IV de la cinquième partie du code (exonérations de cotisations sociales, avance remboursable sous la forme d’une aide financière de l’État, maintien de certaines allocations, financement par la région d’actions de conseil, de formation et d’accompagnement) ainsi qu’un appui de l’administration sur une question relative à l’application d’une disposition du droit du travail ou des stipulations des accords et conventions collectives qui lui sont applicables, conformément aux dispositions du chapitre III du même titre. Ces différentes aides sont cumulatives à la solde et aux prestations en nature (logement et alimentation principalement) reçues par le stagiaire tout au long de son engagement.

Enfin, le troisième alinéa du II confère au service chargé du service militaire volontaire – en l’espèce l’état-major du SMV – le statut d’organisme de formation.

Le III de l’article renvoie à un décret en Conseil d’État la précision des modalités d’application de cet article.

Le IV de l’article prévoit l’abrogation des dispositions de la loi du 28 juillet 2015 relatives à l’expérimentation du service militaire volontaire à la date d’entrée en vigueur du présent article, fixée au 1er janvier 2019 par le V, soit au lendemain de l’expiration de la phase expérimentale.

3. La position de la commission

Malgré sa jeunesse, le service militaire volontaire a démontré toute sa pertinence. L’étude d’impact relève d’ailleurs que le SMV génère un bénéfice de 5,2 millions d’euros dans le développement économique local, pour un « coût social évité » de 97 000 euros par volontaire pendant toute la durée de leur vie active. Au total, 1 592 jeunes ayant bénéficié à ce jour du dispositif, le coût social évité s’élève à plus de 150 millions d’euros. Surtout, comme plusieurs membres de la commission de la Défense nationale et des forces armées ont pu le constater dans le cadre des travaux conduits sur le service national universel([135]), les jeunes engagés au sein d’un service militaire volontaire déclarent « avoir redonné sens à leur vie » après des périodes souvent extrêmement difficiles, faites de déracinement, d’isolement, de marginalisation.

La pérennisation du dispositif est donc à saluer. Elle permettra sa montée en puissance progressive, et l’on peut imaginer que de nouveaux centres essaimeront sur l’ensemble du territoire. L’encadrement des jeunes constitue un enjeu de taille, dans un contexte de forte mobilisation des armées sur le territoire national et les théâtres extérieurs. Toutefois, la permanence du SMV permettra dorénavant de conforter les recherches de nouvelles ressources et la mise en place de nouveaux partenariats. Le projet de loi rend le SMV plus robuste, il faut s’en réjouir.

C’est pourquoi le rapporteur soutient pleinement la pérennisation de ce dispositif.

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La commission adopte l’amendement de cohérence DN482 du rapporteur.

Elle est ensuite saisie de l’amendement DN35 de M. M’jid El Guerrab.

M. M’jid El Guerrab. Par cet amendement, il est proposé d’ouvrir le service militaire volontaire (SMV) aux jeunes Français établis hors de France. En effet, les forces militaires de notre pays sont très présentes dans les pays de ma circonscription, et nos jeunes compatriotes établis à l’étranger pourraient bénéficier d’une expérience formatrice à maints égards.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Pour moi, votre amendement n’aurait de portée que si celui que vous défendez un peu plus tard est adopté. Seul, il n’apporte pas grand-chose. Je vous propose de retirer cet amendement.

M. M’jid El Guerrab. Ce n’est pas très gentil !

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je veux bien être gentil, mais il faut me donner des arguments.

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État auprès de la ministre des Armées. Je souhaite également le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Le SMV est ouvert à tous les jeunes Français en métropole, et le service militaire adapté (SMA) est ouvert aux jeunes Français d’outre-mer. Sans aller jusqu’à dire qu’il n’y a pas de besoins d’insertion pour les jeunes Français établis hors de France, ils sont peut-être moins prégnants que ceux que nous connaissons en métropole, et des dispositifs locaux permettent certainement de les aider.

En outre, les journées défense et citoyenneté sont également organisées dans les établissements scolaires à l’étranger et permettent une première approche de ces jeunes avant de les aiguiller vers les dispositifs adéquats.

M. Laurent Furst. Ce distinguo entre la jeunesse qui habite en métropole, celle qui vit outre-mer et celle qui est établie à l’étranger est particulièrement surprenant, et même légèrement troublant, pour ne pas dire plus.

M. M’jid El Guerrab. L’objet de cet amendement est justement d’inclure tout le monde. Souvent, nos compatriotes qui résident à l’étranger ont le sentiment d’être déconsidérés par la République. Les 2,5 millions de Français qui vivent à l’étranger représentent notre pays, leurs enfants sont souvent scolarisés dans les écoles françaises : 330 000 jeunes étudient dans nos écoles à l’étranger. Il faut s’adresser à cette population.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Concernant le SMV, j’ai déjà indiqué que l’expérimentation, qui devait se terminer à la fin de l’année 2018, serait pérénisée dans les mêmes conditions sur toute la durée de la loi de programmation militaire. Comme rapporteur, je n’accepterai aucun changement de critère sur le format du SMV, qu’il s’agisse du nombre de personnes accueillies ou des conditions d’entrée dans ce dispositif. Il n’est pas question d’être gentil ou pas, chaque fois que l’on modifiera un critère d’entrée des jeunes dans ce dispositif, j’émettrai un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel DN483 du rapporteur.

Puis elle est saisie de l’amendement DN36 de M. M’jid El Guerrab.

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État auprès de la ministre des Armées. Le sujet est le même qu’à l’amendement précédent, la réponse sera la même. Le service militaire adapté et le service militaire volontaire ont été mis en place en réponse à une très grande désocialisation de nombreux jeunes. L’ouvrir aux jeunes Français établis hors de France poserait certaines difficultés d’organisation, et modifierait nos objectifs budgétaires.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel DN484 du rapporteur.

En conséquence, les amendements DN37 de M. M’jid El Guerrab et DN347 de M. Jean-Pierre Cubertafon tombent.

Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels DN485, DN486, DN487, DN488 et DN489 du rapporteur.

Elle adopte enfin l’article 17 modifié.

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Après l’article 17

La commission est saisie de l’amendement DN102 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Cet amendement est relatif à la condition de nos militaires. Quand un militaire est muté, il n’arrive pas toujours à vendre rapidement son logement à des conditions acceptables avant son départ. Il faut éviter que ce logement soit considéré comme une résidence secondaire et que, donc, la plus-value soit imposable lorsqu’il parviendra à le vendre. Compte tenu des distances et de la durée de certaines missions qui peuvent affecter les délais de vente, il convient de prévoir un délai de dix-huit mois pour éviter cette taxation, eu égard aux contingences de mobilité liées à la condition de militaire.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je comprends le sens de votre amendement, Monsieur le député, mais il aurait davantage sa place dans le cadre d’une loi de finances initiale, puisque c’est un dispositif fiscal. En outre, dans la mesure où seuls les militaires seraient concernés par cet amendement, cela créerait une rupture d’égalité avec d’autres contribuables, et je ne peux donc pas donner un avis favorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis. J’ajoute que la jurisprudence admet d’ores et déjà qu’un bien immobilier cédé soit fiscalement considéré comme une résidence principale alors même que le propriétaire a déjà déménagé, dès lors que le délai pendant lequel le bien demeure inoccupé présente un caractère normal. Le délai mentionné dans l’amendement a déjà été jugé comme présentant un caractère normal, donc la préoccupation que vous exprimez est satisfaite par la jurisprudence fiscale.

M. Thibault Bazin. Cet enjeu de mobilité est revenu dans les différents témoignages que nous avons recueillis. S’il y a des sujétions liées à la condition de militaire, nous devons aussi offrir les conditions qui permettent de les compenser. Le risque est que les militaires quittent l’institution à cause de ces problématiques patrimoniales, qui leur sont propres. Ce geste pourrait être apprécié.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Ce geste serait certainement apprécié par les militaires, mais ce ne sont pas les seules catégories professionnelles soumises à la mobilité. D’autres fonctionnaires, ou des personnels de droit privé, cadres et techniciens, peuvent être obligés de déménager. Cette mesure créerait une rupture d’égalité, et je vous préconise de déposer un tel amendement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019. S’agissant de la LPM, je ne peux que maintenir mon avis défavorable.

M. Christophe Lejeune. L’amendement de M. Bazin porte sur la plus-value immobilière. Mais, si le militaire ou le fonctionnaire n’arrive pas à vendre, en général, c’est parce qu’il n’y a pas d’acquéreur en face. Il doit donc plutôt craindre une moins-value. Là où il y a de la demande, effectivement, il y aura une plus-value, mais alors la vente se fera immédiatement et la plus-value ne sera pas imposée, car il s’agira de la résidence principale.

La commission rejette l’amendement.

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*     *

Chapitre II
Dispositions relatives à l’élection de militaires aux scrutins locaux

Article 18
(art. L. 46, L. 231 et L. 237 du code électoral ; art. L. 2122-5-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales ; art. L. 4121-3 [nouveau] du code de la défense)
Éligibilité des militaires en position dactivité au mandat de conseiller municipal

L’article 18 a pour objet de tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-432 QPC du 28 novembre 2014, qui a déclaré inconstitutionnelle l’incompatibilité générale et absolue jusqu’à présent établie par l’article L. 46 du code électoral entre, d’une part, les fonctions de militaire en position d’activité et, d’autre part, le mandat de conseiller municipal.

1. Le droit en vigueur

a. Une incompatibilité générale et absolue entre les fonctions de militaire de carrière et les mandats politiques

L’article L. 46 du code électoral établit une incompatibilité générale et absolue entre, d’une part, les « fonctions de militaire de carrière ou assimilé, en activité de service ou servant au-delà de la durée légale » et, d’autre part :

‒ les mandats de député, de conseiller départemental, de conseiller municipal et de conseiller communautaire, qui font l’objet du livre I du même code, auquel renvoie le premier alinéa de cet article L. 46 ;

‒ les mandats de conseiller régional et de conseiller aux assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique, par des renvois au même article L. 46 que font, respectivement, les articles L. 342 et L. 368, L. 558-15 du même code.

Cette incompatibilité s’inscrit dans un ensemble des interdictions et des restrictions apportées à l’exercice de certaines libertés publiques par les militaires depuis la Révolution. Dans ses Principes de droit public ([136]), le doyen Maurice Hauriou y distingue un principe de « cantonnement juridique des militaires ».

 Portée de lincompatibilité

On soulignera que l’article L. 46 du code électoral établit ainsi un régime dincompatibilité et non dinéligibilité. Ainsi, sous réserve de certaines inéligibilités spéciales, aucune disposition générale n’interdit à un militaire en activité de se porter candidat à une fonction publique élective. Au contraire, le deuxième alinéa de l’article L. 4121-3 du code de la défense prévoit la suspension de l’interdiction faite aux militaires d’adhérer à un parti politique, prévue au premier alinéa du même article, « pour la durée de la campagne électorale ».

L’incompatibilité prévue à l’article L. 46 du code électoral se résout en effet par un régime de droit doption prévu au dernier alinéa de l’article L. 237 du code électoral, qui laisse à ces militaires qui seraient élus membres d’un conseil municipal, à partir de la proclamation du résultat du scrutin, un délai de dix jours « pour opter entre lacceptation du mandat et la conservation de leur emploi ».

Le même article précise qu’à défaut de déclaration adressée dans ce délai à leurs supérieurs hiérarchiques, les militaires concernés sont réputés avoir opté pour la conservation de leurs fonctions militaires. En ce cas, il appartient au préfet de demander, par déféré, au tribunal administratif territorialement compétent d’annuler l’élection de l’intéressé au conseil municipal.

Pour le cas où le militaire élu opte pour son mandat, le dernier alinéa de l’article L. 4121-3 précité du code de la défense dispose qu’il est placé de droit en position de détachement. Ainsi, en application de l’article L. 4138-8 du même code, il est remplacé dans ses fonctions mais continue à figurer sur la liste d’ancienneté de son corps et à bénéficier des droits à l’avancement et à pension de retraite. Cependant, n’étant plus en position d’activité, il ne perçoit plus sa solde. En outre, lorsqu’un militaire est élu et placé en position de détachement à ce titre, le deuxième alinéa de l’article L. 4121-3 précité prévoit que la suspension de l’interdiction d’adhésion à un mandat électoral est « prolongée pour la durée du mandat ».

 Champ dapplication de lincompatibilité quant aux personnes

Le champ d’application personnelle de l’incompatibilité prévue à l’article L. 46 du code électoral est large. En effet, la rédaction de son premier alinéa la fait peser sur tout « militaire de carrière ou assimilé, en activité de service ou servant au-delà de la durée légale ». Par « assimilé » à un militaire de carrière, il faut entendre les militaires servant en vertu dun contrat, qui représentent la quasi‑totalité des militaires du rang, la majorité des sous-officiers et une partie des officiers subalternes et supérieurs. De plus, le Conseil d’État a considéré que les militaires mis en congé en attendant leur mise à la retraite entrent également dans le champ d’application de cette incompatibilité ([137]).

Le second alinéa de l’article L. 46 dans sa rédaction en vigueur place toutefois hors du champ d’application de cette incompatibilité l’ensemble des réservistes opérationnels (dits de la réserve opérationnelle de premier niveau, ou RO 1) et des anciens militaires soumis à une obligation de disponibilité dans les cinq ans suivant leur départ de l’institution (dits réservistes opérationnels de deuxième niveau, ou RO 2). Il prévoit cependant le maintien d’une incompatibilité entre l’exercice d’un mandat politique et l’exercice d’activités militaires par un réserviste de la gendarmerie nationale « dans sa circonscription », ce que l’on peut comprendre comme signifiant : sa circonscription d’élection.

En revanche la rédaction de l’article L. 46 du code électoral revient à placer hors du champ de l’incompatibilité deux catégories de militaires :

‒ ceux qui sont en position de non-activité, définie par l’article L. 4138‑11 du code de la défense comme la position temporaire du militaire qui se trouve : «  En congé de longue durée pour maladie ; 2° En congé de longue maladie ; 3° En congé parental ; 4° En situation de retrait demploi ; 5° En congé pour convenances personnelles ; 6° En disponibilité ; 7° En congé complémentaire de reconversion ; 8° En congé du personnel navigant » ;

‒ ceux qui sont placés hors-cadres en application de l’article L. 4138‑10 du code de la défense. Tel est le cas des militaires qui, après quinze années de service, ont été placés en détachement soit auprès d’une administration ou d’une entreprise publique, soit auprès d’un organisme international et, au terme de leur détachement, demandent à continuer à servir dans l’administration, l’entreprise ou l’organisme en question.

b. Des régimes d’inéligibilité

L’article L. 231 du code électoral établit un régime spécial d’inéligibilité au mandat de conseiller municipal « dans le ressort où ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins de six mois » pour « les officiers des armées de terre, de mer et de lair », la rédaction de cet article précisant, pour ces officiers, que l’inéligibilité s’applique dans toutes les communes « comprises dans le ressort de leur commandement territorial ».

2. La décision du Conseil constitutionnel en date du 28 novembre 2014

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 24 septembre 2014 d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) que lui a renvoyée le Conseil d’État, lui‑même saisi par le tribunal administratif de Poitiers, qui avait décidé d’annuler l’élection de M. Dominique de L. Celui-ci, militaire de carrière dans la marine nationale, avait été élu le 23 mars 2014 au conseil municipal de sa commune et avait refusé d’opter entre son mandat de conseiller municipal et ses fonctions militaires dans les conditions prévues par l’article L. 237 du code électoral.

Le 28 novembre 2014, par sa décision n° 2014-432 QPC, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution le premier alinéa précité de l’article L. 46 du code électoral, qui établit le principe d’une incompatibilité générale et absolue entre les fonctions de militaire en activité et plusieurs fonctions publiques électives, ainsi que la référence faite à des dispositions dans le texte de l’article L. 237 du même code, qui règle le droit d’option différents mandats électifs et différentes fonctions.

a. Les principes constitutionnels en jeu

 La Déclaration des droits de lHomme confère à tout citoyen le droit dexercer une fonction publique élective

L’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, disposant que la loi « doit être la même pour tous, soit quelle protège, soit quelle punisse » ‒ établissant le principe dégalité ‒ et que tous les citoyens « sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents », reconnaît à tout citoyen le droit dexercer un mandat électif.

Dès lors, suivant une jurisprudence constante ([138]), le Conseil constitutionnel considère que « si le législateur peut prévoir des incompatibilités entre mandats électoraux ou fonctions électives et activités ou fonctions professionnelles, la restriction ainsi apportée à lexercice de fonctions publiques doit être justifiée, au regard des exigences découlant de larticle 6 de la Déclaration de 1789, par la nécessité de protéger la liberté de choix de lélecteur, lindépendance de lélu ou lindépendance des juridictions contre les risques de confusion ou de conflits dintérêts » ([139]). C’est à ce titre que le Conseil constitutionnel contrôle la réalité du risque que fait peser, sur la liberté de choix de l’électeur ou l’indépendance de l’élu, l’interférence entre l’activité professionnelle de celui-ci et son mandat.

 La Constitution établit également le principe de la libre disposition de la force armée

Dans sa décision précitée, le Conseil constitutionnel a rappelé les dispositions constitutionnelles particulières qui établissent le principe de la « nécessaire libre disposition de la force armée » :

‒ les articles 5 et 15 reconnaissent le président de la République comme le chef des armées, garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités ;

‒ les articles 20 et 21 de la Constitution prévoient la libre disposition de la force armée par le Gouvernement et établissent la responsabilité du Premier ministre sur la défense nationale ;

‒ l’article 35 dispose que le Gouvernement décide, sous l’autorité du président de la République, de l’emploi de la force armée.

Le Conseil a également rappelé les « obligations particulières attachées à létat militaire » établies par le code de la défense. Parmi celles-ci, outre les incompatibilités avec des mandats électifs, il a cité lesprit de sacrifice, la discipline, la disponibilité, le loyalisme et la neutralité imposés aux militaires par l’article L. 4111-1 du code de la défense, ainsi que les interdictions d’exprimer opinions et croyances pendant le service et d’adhérer à des groupements ou associations à caractère politique qui leur sont faites par le même code.

b. La conciliation de ces principes

Le Conseil constitutionnel a contrôlé si l’incompatibilité entre les fonctions de militaire en activité et certains mandats électifs « excède manifestement » ou non ce qui est nécessaire pour protéger la liberté de choix de l’électeur ou l’indépendance de l’élu contre les risques de confusion ou de conflits d’intérêts. Il a retenu des solutions différentes pour les trois catégories de mandats considérées :

‒ s’agissant du mandat de conseiller général (désormais appelé « conseiller départemental), il a considéré qu’« au regard des obligations particulières attachées à létat militaire », l’incompatibilité n’excédait pas ce qui est nécessaire ;

‒ s’agissant du mandat de conseiller communautaire, il a tenu le même raisonnement ;

‒ s’agissant en revanche du mandat de conseiller municipal, il a considéré que l’incompatibilité générale et absolue prévue par l’article L. 46 du code électoral n’était pas justifiée.

Le texte de la décision précise que « nombre de mandats municipaux avec lesquels lensemble des fonctions de militaire de carrière ou assimilé sont ainsi rendues incompatibles » confère à l’incompatibilité une « portée » excessive, dès lors que son champ d’application n’est pas limité en fonction de quatre critères que la décision du Conseil présente comme admissibles pour justifier une telle incompatibilité :

‒ le grade de l’intéressé ;

‒ les responsabilités qu’il exerce dans les forces armées ;

‒ le lieu dexercice de ces responsabilités ;

‒ la taille des communes.

c. L’entrée en vigueur de l’abrogation de la disposition inconstitutionnelle

Par le jeu des renvois opérés entre différents articles du code et susmentionnés, une abrogation immédiate de l’article L. 46 du code électoral et de la mention de cet article à l’article L. 237 du même code aurait eu pour effet de faire cesser l’incompatibilité entre les fonctions de militaire en position d’activité avec l’ensemble des mandats électifs locaux, y compris avec ceux pour lesquels le Conseil a considéré que l’incompatibilité n’était pas excessive.

C’est pourquoi le Conseil constitutionnel a reporté au 1er janvier 2020, ou au prochain renouvellement général des conseils municipaux s’il intervient avant cette date, l’effet de sa décision.

3. Le dispositif proposé

a. Principe d’incompatibilité entre les fonctions de militaire en position d’activité et certains mandats locaux et dérogations à ce principe

Le I (alinéas 1 à 9) de l’article 18 modifie diverses dispositions du code électoral en vue, d’une part, de rectifier le régime des incompatibilités déclarées contraires à la Constitution et, d’autre part, de modifier les règles d’inéligibilités des militaires à certaines fonctions électives.

À cette fin, le 1° de ce I propose une nouvelle rédaction de l’article L. 46 du code électoral, déclaré non conforme à la Constitution.

Le premier alinéa du texte proposé pour l’article L. 46 (alinéa 3) tend à énoncer un principe d’incompatibilité générale et absolue entre les fonctions de militaires en position d’activité et les mandats « faisant lobjet du livre I » de ce code, c’est-à-dire les mandats de député, de conseiller départemental, de conseiller municipal et de conseiller communautaire. Il reprend ainsi le principe du droit en vigueur, qu’il est proposé d’adapter aux exigences constitutionnelles par une dérogation prévue deux alinéas plus loin. La nouvelle rédaction appelle deux remarques.

D’une part, elle se distingue du droit en vigueur dans la définition du champ de cette incompatibilité en visant le « militaire en position dactivité » et non plus le « militaire de carrière ou assimilé, en activité de service ou servant au-delà de la durée légale ». Cette nouvelle rédaction n’a pas pour but de modifier le champ d’application de l’incompatibilité établir par l’article L. 46, mais d’opérer une harmonisation, à droit constant sur ce point, avec la description des positions des militaires établir à l’article L. 4138-1 du code de la défense.

D’autre part, en reprenant la référence aux « mandats faisant lobjet du livre I », rédaction issue de la codification en 1964 d’une ordonnance de 1945, le texte proposé est désormais imparfait car il laisse entendre qu’il instaure une incompatibilité avec le mandat de député, ce qui, aux termes de l’article 25 de la Constitution, relève de dispositions organiques, d’ailleurs prévues à l’article L.O. 142 du code électoral.

Le deuxième alinéa de la rédaction proposée à l’alinéa 4 pour l’article L. 46 du même code reprend in extenso la rédaction en vigueur.

L’alinéa 5 propose de compléter l’article L. 46 par un alinéa établissant une dérogation à lincompatibilité générale et absolue réaffirmée à lalinéa 3 pour le cas du mandat de conseiller municipal dans les communes de moins de 3 500 habitants.

Établir un plafond, exprimé en nombre d’habitants, pour admettre la compatibilité entre les fonctions de militaire en activité et le mandat de conseiller municipal répond ainsi à l’un des moyens soulevés par le Conseil constitutionnel pour déclarer inconstitutionnelle l’incompatibilité générale et absolue du droit en vigueur. Dans sa décision précitée, le Conseil considère en effet qu’une limite tenant à « la taille des communes » pouvait ôter son caractère manifestement excessif à cette incompatibilité.

La fixation d’un tel plafond vise à mettre en œuvre la décision du Conseil constitutionnel dans des conditions qui concilient les principes tirés de l’article 6 de la Déclaration de 1789 avec les obligations du statut militaire, au premier rang desquelles l’obligation de neutralité, incompatible avec toute forme de « politisation » des militaires en activité.

Selon les explications de Mme Claire Legras, directrice des affaires juridiques du ministère des Armées, le choix de fixer un plafond exprimé en nombre d’habitants pour la dérogation prévue au principe d’incompatibilité vise à limiter cette dérogation aux « petites » communes, au motif que les élections y sont le plus souvent moins « politisées » que dans les plus grandes communes, où les mandats supposent souvent un engagement partisan avéré.

Le nombre de 3 500 habitants correspond à l’ancien plafond du scrutin majoritaire aux élections municipales, plafond ramené à 1 000 habitants depuis les élections municipales de 2014. Sauf dispositions spécifiques aux outre-mer, il ne correspond plus aujourd’hui, dans le code électoral, qu’au seuil de mise en œuvre possible de machines à voter.

Le choix de fixer à 3 500 habitants la taille limite des communes où les militaires pourront siéger au conseil municipal sans perdre la position d’activité mérite d’être vu comme prudent. En effet, il recouvre 91,2 % des communes françaises, mais 32 % seulement de la population nationale. Le tableau ci‑après présente ces proportions pour différents critères de plafond démographique sur la base des dernières statistiques publiées par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).

Effets des plafonds démographiques

Plafond démographique

Part des communes

Part de la population

1 000

72,13 %

13,63 %

3 500

91,23 %

32,02 %

5 000

93,87 %

37,91 %

7 000

95,78 %

43,93 %

9 000

96,82 %

48,34 %

Source : Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), Population municipale au 1er janvier 2015, base de données publiée le 27 décembre 2017, exploitation par le rapporteur.

Une définition équilibrée des limites apportées à la liberté des militaires d’exercer le mandat de conseiller municipal sans perdre leur position d’activité revêt d’ailleurs un enjeu de constitutionnalité. En effet, le Conseil constitutionnel n’a pas explicitement précisé à quelle « taille des communes » pouvait être fixé un tel plafond sans que la disposition en question ne soit « manifestement excessive » au regard des exigences de l’article 6 de la Déclaration de 1789. Or rien n’interdirait à un militaire élu en 2020 dans une commune dont le nombre d’habitants excéderait le plafond légal de contester la constitutionnalité de la nouvelle rédaction de l’article L. 46 du code électoral qui le fixe.

Le 3° du I (alinéas 8 et 9) opère à l’article L. 237 du code électoral une coordination avec la rédaction proposée pour l’article L. 46 du même code.

b. Inéligibilité des militaires en position d’activité aux conseils municipaux des communes de leur ressort

Le 2° du I (alinéas 6 et 7) propose de reformuler à l’article L. 231 du code électoral les règles d’inéligibilité de certains militaires au mandat de conseiller municipal « dans les communes situées dans le ressort où ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins de six mois ». La rédaction en vigueur de cet article comporte en effet deux incohérences pour ce qui concerne les militaires.

D’une part, elle ne prévoit aucune inéligibilité pour les gendarmes, alors qu’elle en prévoit pour l’ensemble des officiers des trois armées au 3° de cet article, ainsi que pour les fonctionnaires des corps actifs de la police nationale, à son 5°. Il n’est pas évident que cette différence de traitement trouve sa raison dans un motif d’intérêt général ; dès lors, elle peut sembler incohérente. De surcroît, les officiers et sous-officiers de gendarmerie sont investis de pouvoirs de police judiciaire, et à ce titre, sont fréquemment en rapport avec les autorités municipales. Dans leur cas, tout risque de confusion ou de conflits d’intérêts susceptibles d’altérer la liberté de choix de l’électeur ou l’indépendance de l’élu peut difficilement être écarté d’emblée.

D’autre part, la rédaction actuelle de l’article L. 231 précité vise les officiers des trois armées « dans les communes comprises dans le ressort de leur commandement territorial ». Or la notion de « commandement territorial » est aujourd’hui inappropriée car dans les armées, les commandements territoriaux sont parfois très larges. L’armée de l’air, par exemple, n’en compte que trois pour l’ensemble du territoire national. Étendre l’inéligibilité à toutes les communes situées dans de si vastes ressorts pourrait être vu comme excédant ce qui est nécessaire pour protéger la liberté de choix de l’électeur ou l’indépendance de l’élu contre les risques de confusion ou de conflits d’intérêts qui pourraient naître des fonctions exercées par les intéressés.

En outre, la rédaction actuelle fait peser cette inéligibilité sur l’ensemble des officiers, alors qu’il n’est pas manifeste que les fonctions exercées par l’ensemble des officiers, notamment les officiers subalternes, créent des risques de confusion ou de conflits d’intérêts sérieux.

C’est pourquoi il est proposé de modifier la rédaction actuelle du 3° de l’article L. 231 précité en deux sens :

‒ étendre le régime dinéligibilité aux officiers et sous-officiers de gendarmerie, pour les raisons exposées plus haut ;

‒ restreindre le champ de ce régime, pour les officiers des trois armées, aux seuls officiers supérieurs et officiers généraux.

C’est en effet dans ces deux catégories d’officiers que les personnels sont susceptibles d’exercer des fonctions de nature à faire apparaître des risques de confusion ou de conflits d’intérêts.

Les représentants du Conseil supérieur de la fonction militaire entendus par le rapporteur ont cependant jugé que même restreinte aux officiers supérieurs et généraux, ce champ de cette inéligibilité leur semblait excéder ce qui est nécessaire pour protéger la liberté de choix de l’électeur ou l’indépendance de l’élu. Ils ont en effet estimé que, pour mesurer ces risques, le grade constitue un critère moins pertinent que les fonctions réellement exercées. Une option alternative aurait consisté, à leurs yeux, à définir les fonctions pour lesquelles s’appliquerait ce régime d’inéligibilité, faisant valoir, d’une part, que la DRHMD a élaboré une cartographie précise des compétences et des responsabilités des différents échelons de commandement et que, d’autre part, c’est ce principe qui a été retenu pour définir le champ de compétences de la commission de déontologie pour ce qui concerne les militaires des armées.

À l’appui de ces arguments, ils ont cité l’exemple des personnels du service des infrastructures de la défense en poste auprès des bases de défense. Il s’agit pour une large part d’officiers supérieurs, qui n’ont guère de responsabilités juridiques dans la passation de contrats mais qui, pourtant, forts de leurs compétences techniques, auraient beaucoup à apporter à des petites communes.

c. Incompatibilité des fonctions de militaire en position d’activité avec les fonctions de maire ou d’adjoint au maire

Dans le souci de limiter les risques de confusion ou de conflits d’intérêts, le II de l’article 18 (alinéas 10 et 11) propose de maintenir une incompatibilité générale et absolue entre, d’une part, les fonctions de militaire en position d’activité et, d’autre part, les fonctions de maire ou d’adjoint au maire.

À cette fin, il est proposé d’insérer une disposition en ce sens, faisant l’objet d’un article nouveau du code général des collectivités territoriales, numéroté L. 2122-5-2.

Le rapporteur souligne cependant que le texte proposé n’interdit pas au militaire en position d’activité, une fois élu au conseil municipal d’une « petite » commune, d’être investi d’une délégation par le maire. Cette mesure permettra aux militaires de prendre une part active à la gestion de leur commune.

d. Adhésion du militaire élu conseiller municipal à un parti politique

Le III de l’article 18 tend à insérer dans la partie du code de la défense fixant le statut général des militaires un article L. 4121-3-1 qui règle les droits accordés aux militaires en position d’activité qui se trouveraient investis d’un mandat de conseiller municipal.

Le premier alinéa du texte proposé pour cet article (alinéa 13) tend à fixer les conditions dans lesquelles le militaire élu conseiller municipal peut adhérer à un parti politique. En application du deuxième aliéna de l’article L. 4121-3 du code de la défense, l’interdiction d’adhérer « à des groupements ou associations à caractère politique » est suspendue pour la durée de la campagne électorale.

Le droit en vigueur prévoit, au troisième alinéa du même article, que le militaire élu et acceptant son mandat est obligatoirement placé en position de détachement. Aussi est-ce par coordination avec le troisième alinéa du texte proposé pour l’article L. 46 du code électoral, qui vise à permettre le cumul de fonctions de militaire en activité avec l’exercice du mandat de conseiller municipal dans une « petite » commune, que la première phrase de l’alinéa 13 prévoit que le militaire concerné n’est pas placé en détachement. Cette phrase tend donc à écarter l’application du troisième alinéa de l’article L. 4121-3 du code de la défense pour le cas des militaires en activité élus au conseil de « petites » communes.

La position de détachement marque un éloignement ‒ même temporaire ‒ de l’institution militaire, qui rend moins exigeante la légitime protection du principe de neutralité politique des militaires. C’est pourquoi, dans le droit en vigueur, le deuxième alinéa de l’article L. 4121-3 du code de la défense prévoit que la suspension de l’interdiction d’adhérer à un parti politique est prolongée pour la durée du mandat du militaire élu et placé en détachement. Cette faculté laissée au militaire élu pose d’autant moins de difficultés qu’en position de détachement, il n’exerce plus de fonctions au sein des armées ou de la gendarmerie ‒ et ne perçoit pas sa solde.

Mais dès lors que, dans les « petites » communes, les militaires pourront exercer leur mandat de conseiller municipal sans pour autant cesser d’exercer leurs fonctions en position d’activité, le principe de neutralité des militaires appelle davantage de protection qu’en période de détachement. C’est pourquoi le texte proposé pour la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 4121-3-1 du code de la défense rétablit, pour un militaire élu conseiller municipal mais restant en position dactivité, linterdiction dadhérer à un parti politique, qui n’aura donc été levée que pour la durée de la campagne électorale.

Toutefois, la rédaction proposée ouvre la possibilité au militaire concerné d’adhérer tout de même à un parti politique, à condition qu’il demande à être placé en position de détachement. D’une façon protectrice des droits des militaires, cette rédaction précise que le détachement ainsi demandé est « de droit ».

e. Éligibilité des militaires aux garanties et aux droits consentis aux élus

Le second alinéa du texte proposé par l’alinéa 13 pour le nouvel article L. 4121-3-1 du code de la défense ouvre aux militaires en position d’activité élus conseillers municipaux :

‒ les « garanties accordées aux titulaires des mandats locaux reconnues par le code général des collectivités territoriales », formulation large qui recouvre principalement, pour les « petites » communes où les fonctions municipales sont gratuites, des autorisations d’absence et des crédits d’heures ;

‒ le « droit à la formation des élus locaux » prévu par ce même code.

L’attribution de ces droits et garanties aux militaires en activité vise à leur permettre d’exercer pleinement leur mandat municipal.

Toutefois, l’impératif de libre disposition de la force armée justifie que le bénéfice de ces garanties et de ces droits soit subordonné à trois conditions :

‒ pour les garanties susmentionnées, les « nécessités liées à la préparation et à la conduite des opérations » et la « bonne exécution des missions des forces armées et formations rattachées » ;

‒ pour le droit à la formation, il ne pourra s’exercer que « lorsque les nécessités du fonctionnement du service ne sy opposent pas ».

Le texte renvoie ainsi à un décret en Conseil d’État le soin de déterminer les « adaptations » de ces droits et garanties ainsi rendus nécessaires « par le statut des militaires ».

Enfin, le IV du présent article (alinéa 15) renvoie l’entrée en vigueur de l’ensemble de ces dispositions à la date prévue par le Conseil constitutionnel, c’est-à-dire le 1er janvier 2020, ou le prochain renouvellement général des conseils municipaux s’il intervient avant cette date.

4. Le mandat de conseiller communautaire

De façon constante depuis plusieurs décennies, le législateur a encouragé le regroupement des communes au sein d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Selon le ministère de l’Intérieur, au 1er janvier 2018, seules quatre des communes de France n’appartenaient pas à un EPCI, leur population cumulée s’élevant à 6 359 habitants ; ainsi, la quasi-totalité de la population française réside dans le ressort d’un EPCI. De plus, un nombre croissant de compétences est géré à l’échelle intercommunale, et 80 % des EPCI disposent d’ailleurs de ressources fiscales propres. L’intercommunalité tend ainsi à devenir le niveau territorial de référence pour la gestion locale.

Or le projet de loi ne prévoit pas la possibilité pour les militaires en position d’activité d’être investis du mandat de conseiller communautaire. Il est à craindre que le maintien de cette incompatibilité, proposé par le texte, ne risque de marginaliser les militaires élus.

Certes, le Conseil constitutionnel n’a pas considéré que l’incompatibilité entre les fonctions de militaire en position d’activité et le mandat de conseiller communautaire excédait manifestement ce qui est nécessaire pour protéger la liberté de choix de l’électeur ou l’indépendance de l’élu contre les risques de conflits ou de confusion d’intérêts. À l’inverse, la rédaction de sa décision ne l’interdit pas et c’est au législateur qu’il appartient de concilier de façon équilibrée les exigences constitutionnelles en jeu, en l’espèce l’accès des militaires aux fonctions publiques électives et la libre disposition de la force armée.

Permettre aux militaires en position d’activité d’exercer un mandat de conseiller communautaire peut ne pas compromettre leur neutralité dès lors que la composition du conseil des EPCI concernés n’est pas marquée par des engagements partisans avérés. Par analogie avec le raisonnement retenu par le Gouvernement pour les conseils municipaux, on peut estimer que la désignation au conseil d’administration d’un EPCI ne nécessite pas d’engagement partisan avéré dans les plus petites intercommunalités.

Dans cette optique, il est cohérent d’écarter la possibilité pour des militaires d’être élus au conseil de métropoles, de communautés urbaines ou de communautés d’agglomération. Restent 1 009 communautés de communes existantes au 1er janvier 2018. Certaines présentent, de façon cumulée, des populations importantes ; au moins dans un premier temps, il paraît judicieux d’y maintenir une incompatibilité entre le mandat de conseiller communautaire et les fonctions de militaire en position d’activité. Le tableau ci-après présente l’impact de différentes hypothèses de plafonds démographiques sur le nombre de communautés de communes qui pourraient être concernées.

Effets des plafonds dÉmographiques

Plafond démographique

Part des communautés de communes

Part de la population nationale

15 000

34,2 %

4,83 %

17 500

43,5 %

7,14 %

20 000

52,2 %

9,65 %

22 500

59,3 %

11,94 %

25 000

65,41 %

14,16 %

Source : Ministère de l’Intérieur, base de données nationale sur l’intercommunalité, exploitation par le rapporteur.

L’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, a fixé à 15 000 habitants le nombre minimal d’habitants à rassembler pour constituer un EPCI, prévoyant cependant des dérogations à ce seuil pour les groupements de communes en raison de leur faible densité démographique. Ces dérogations ne sont pas transitoires. Elles concernent de façon pérenne les zones où la densité démographique est faible, les zones de montagne ainsi que les EPCI de plus de 12 000 habitants issu d'une fusion intervenue entre le 1er janvier 2012 et le 7 août 2015. En 2018, ces « petites » intercommunalités représentent 34,2 % des communautés de communes.

Pour le rapporteur, une option raisonnable peut constituer à réserver à ces « petites » communautés de communes la possibilité qu’un militaire en position d’activité soit investi d’un mandat de conseiller communautaire.

Par analogie avec le maintien de l’incompatibilité entre les mandats de maire et d’adjoint au maire avec les fonctions de militaire en position d’activité, il convient que ces fonctions demeurent également incompatibles avec les mandats de président ou de vice-président d’un EPCI.

*

La commission est saisie de l’amendement DN237 de M. M’jid El Guerrab.

M. M’jid El Guerrab. Par le biais de cet amendement, il s’agit de renouer avec la tradition révolutionnaire du pays, née en 1789, dont découle la Ve République. L’article 9 de la Constitution de l’an III disposait en effet : « Sont citoyens, sans aucune condition de contribution, les Français qui auront fait une ou plusieurs campagnes pour l’établissement de la République. » Le suffrage n’était donc plus censitaire lorsque l’on s’était battu en faveur de l’instauration du régime. En d’autres termes, il s’agissait d’une dérogation au principe général inscrit à l’article 8 de la Constitution du Directoire, les militaires pouvaient voter sans payer le cens.

Cet amendement permettrait de rapprocher encore davantage la condition du militaire de celle des citoyens ordinaires. Notons à cet égard que des « facilités » leur ont progressivement été garanties en matière de droit de vote. La liberté syndicale leur est reconnue depuis peu. Il s’agit donc de poursuivre ce mouvement s’inscrivant dans le temps long, par-delà les changements de régime, en garantissant aux militaires ce que Maurice Hauriou appelait le droit d’éligibilité.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Très belle argumentation, même si je ne suis pas forcément d’accord. Je ne sais pas si l’on peut parler de liberté syndicale reconnue aux militaires, mais c’est votre propos, pas le mien.

Nous sommes tous des enfants de la Révolution, et un autre principe en est issu, celui de la neutralité politique des armées. Il est essentiel, et nous tenons à le réaffirmer. Nous considérons que cette neutralité est compatible avec l’exercice de certains mandats municipaux, c’est pourquoi nous souhaitons établir un seuil en deçà duquel les listes sont moins politisées que dans les grandes villes. Avis défavorable, Monsieur le révolutionnaire ! (Sourires.)

M. M’jid El Guerrab. Vous avez bien compris qu’il s’agissait d’un amendement d’appel pour lancer le débat. Je le retire.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement DN187 de M. M’jid El Guerrab.

M. M’jid El Guerrab. La France a l’une des armées les plus féminisées au monde, cet amendement vise à valoriser la présence de ces femmes dans nos armées, reconnaître la diversité de nos effectifs et garantir l’égalité femme-homme. Je précise qu’il ne s’agit pas d’écriture inclusive.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Même si ce n’est pas de l’écriture inclusive, je maintiens mon avis défavorable, comme sur les précédents amendements analogues.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel DN512 du rapporteur.

Elle est ensuite saisie, en discussion commune, des amendements DN513 du rapporteur, DN38 de M. M’jid El Guerrab, DN94 de M. Thibault Bazin, DN140 de M. Laurent Furst, DN271, DN272, DN273 et DN274 de Mme Laurence Trastour-Isnart, DN330 de Mme Josy Poueyto, DN341 de M. Philippe Chalumeau, DN352 de M. Fabien Lainé, DN531 de la commission des Lois et DN535 de M. Philippe Chalumeau.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. L’amendement DN513 tend à relever le seuil de population des communes dans lesquelles les militaires peuvent être élus conseiller municipal. Le projet de loi propose de le fixer à 3 500, cet amendement le porte à 9 000 habitants. C’est le seuil au-delà duquel les conseillers municipaux sont automatiquement électeurs aux élections sénatoriales, qui peuvent être considérées comme plus politisées.

Je propose également d’étendre l’éligibilité, actuellement réservée au seul mandat de conseiller municipal, au mandat de conseiller communautaire. Mais cela ne concernerait que les communautés de communes, pas les communautés d’agglomérations, et seulement celles de moins de 15 000 habitants. Ce seuil est celui fixé par la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), qui prévoit que toutes les communautés de communes doivent atteindre 15 000 habitants, sauf dérogation. Actuellement, un tiers des communautés de communes ont une population de moins de 15 000 habitants.

Cet amendement est complété par un autre, qui viendra plus loin et qui prévoit que, dans les communes de moins de 9 000 habitants, un militaire ne peut prétendre devenir électeur sénatorial.

M. M’jid El Guerrab. Je suis favorable à l’éligibilité, je vais donc dans votre sens. Je retire l’amendement DN38.

L’amendement DN38 est retiré.

M. Thibault Bazin. Je suis sceptique sur ce relèvement des seuils. Je pense qu’il faut le faire avec une extrême prudence. Je retire cependant l’amendement DN94.

L’amendement DN94 est retiré.

M. Laurent Furst. Je suis, quant à moi, contre tout seuil, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, fixer un seuil en fonction de la dimension plus ou moins politique du mandat n’a pas de base juridique. De plus, la Constitution indique clairement que les communes sont un tout, je ne vois pas comment l’État peut différencier la fonction d’élu municipal en fonction de la population de la commune. La Constitution est claire, qui parle des communes sans distinguer entre elles en fonction de seuils.

Nous pouvons créer du droit, la loi est là pour cela, mais notre droit prévoit un statut d’inéligibilité ou d’incompatibilité pour un certain nombre de fonctionnaires. Cette inéligibilité et ces incompatibilités reposent sur des éléments géographiques ou fonctionnels, jamais démographiques. Il n’est pas impossible de le faire, mais nous créons une notion nouvelle.

J’appelle enfin votre attention sur un élément surprenant : les militaires étrangers établis en France peuvent être élus, en application du droit européen, en tant que citoyens d’un État membre. Les militaires allemands qui travaillent au sein de l’Eurocorps à Strasbourg sont éligibles en France, alors que leurs homologues français ne le sont pas. Je trouve cette situation, peut-être marginale, particulièrement étonnante.

Cette question soulève de véritables problèmes de droit, et en tant qu’ancien élu municipal, elle me pose un problème de principe. J’apprécie le pas en avant du rapporteur, mais il y a un vrai problème qui devra faire l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité.

Mme Marianne Dubois. Je retire les amendements DN271, DN272, DN273 et DN274.

Les amendements DN271, DN272, DN273 et DN274 sont retirés.

Mme Josy Poueyto. Si vous me le permettez, je vais vous présenter les amendements DN327, DN335 et DN330.

L’égal accès aux mandats électoraux et fonctions électives à tous les citoyens est inscrit dans notre Constitution.

Tel que rédigé aujourd’hui, l’article 18 de la LPM est une avancée dans les droits politiques des militaires. Mais, il apparaît nécessaire d’aller encore plus loin en faveur d’un net progrès dans l’exercice de la démocratie locale. Pour moi, un militaire – trop longtemps maintenu dans un état passif de subordonné dans l’histoire de notre pays – ne peut pas être un citoyen de seconde catégorie. Qui remet aujourd’hui en cause leur droit de vote, obtenu en 1945 après bien des débats ? Dans un cadre clairement défini, un militaire en activité doit être en mesure, au XXIe siècle, de siéger dans un conseil municipal ou un conseil communautaire, dans une commune où il vit, paie ses impôts locaux et participe parfois à la vie de la cité. À ce niveau, c’est un citoyen comme un autre.

Par conséquent, l’amendement DN327 vise à étendre ce droit politique aux officiers supérieurs et généraux. Pourquoi la haute hiérarchie ? Parce qu’il y aurait une forme de discrimination à l’écarter. Comment le justifier si l’on s’en tient à la règle d’égal accès aux mandats électoraux ? Comment cette différence de traitement serait-elle perçue et vécue au sein de nos armées, entre ceux qui auraient accès à un nouveau droit et les autres, placés en situation de commandement ? Je le rappelle, l’enjeu ne porte que sur la fonction de conseiller municipal, personne ne parle d’une élection présidentielle.

Certains m’objectent qu’il faudrait protéger la carrière des militaires et ne pas toucher à l’article 18. Pourquoi voudrions-nous protéger les militaires contre eux-mêmes ? Siéger dans un conseil municipal est un engagement. À chacun de prendre ses responsabilités. D’autres professions sont aussi concernées par les conséquences d’une élection au sein d’une majorité ou d’une opposition municipale. Je rappelle que l’adhésion à un parti politique est loin d’être nécessaire pour rejoindre une tête de liste. On ne peut pas non plus opposer cet argument, d’autant que l’interdiction de rejoindre un parti politique est maintenue.

Pour conclure, je veux simplement insister sur le beau symbole que représente l’élargissement du droit politique des militaires, défendu par un certain nombre d’entre nous. Ce progrès reste limité et surtout encadré. À la lumière de tous les éléments que je viens de développer, nous pouvons estimer que rien ne menace la protection légitime de la liberté de choix de l’électeur et de l’indépendance de l’élu à l’égard de risques de confusion ou de conflit d’intérêts. Amender l’article 18 dans les termes que je vous propose, c’est faire un geste de confiance et de respect à l’égard de ceux qui s’engagent sans compter pour notre pays. Leur sens de l’intérêt général sera un atout pour nos communes.

L’amendement DN330 ajoute le mandat de conseiller communautaire au mandat de conseiller municipal et repousse l’obstacle des communes de moins de 3 500 habitants. En effet, cet amendement nous invite à ne pas fixer de plafond de population.

Encore une fois, il faut relativiser la portée de cet amendement, dont le champ d’application reste local. Si le texte n’était pas amendé, on pourrait identifier une autre forme de discrimination dans l’obligation de passer par une procédure de détachement pour exercer un mandat électif au sein d’un conseil municipal dans une commune de plus de 3 500 habitants. D’ailleurs, aucun militaire ne s’y engagerait. Le détachement, en effet, met sa carrière entre parenthèses et lui interdit de toucher sa solde. On peut l’entendre quand il s’agit de devenir conseiller régional ou député. Mais les indemnités d’un mandat de conseiller municipal ne sont pas élevées : autour de 200 euros dans les communes de moins de 100 000 habitants. Pour siéger, le militaire doit par conséquent rester en activité, sans mettre en péril l’obligation de disponibilité à laquelle il est tenu dans le cadre de ses missions, bien évidemment. Les élus locaux contraints par des déplacements professionnels sont nombreux.

Si un certain nombre d’entre nous sont tentés d’empêcher un militaire de devenir grand électeur dans les communes de plus de 9 000 habitants, je rappelle que les élus locaux ne sont pas obligatoirement appelés, dans leur ensemble, à désigner les sénateurs. Je suis élue locale depuis plus de trente ans, bon nombre de mes collègues n’ont pas été grands électeurs.

Quant au militaire amené à quitter définitivement la commune où il est élu et où il avait fixé son domicile principal, il aura toujours la possibilité, comme c’est le cas pour d’autres professions, de démissionner de son mandat. Depuis 2013, cela ne provoque plus l’organisation d’une élection partielle dans les communes de plus de 1 000 habitants ; en revanche, cela en provoque une dans celles de moins de 1 000 habitants.

Je vous invite à soutenir cet amendement, car la situation du militaire-citoyen n’est pas concernée par la notion d’« inéligibilité relative », propre, par exemple, aux préfets et aux magistrats. Ce n’est pas non plus un gendarme ou un policier. S’il est impératif que les armées restent neutres, doit-on considérer qu’un militaire, à titre individuel, comme citoyen, comme contribuable, comme conseiller municipal, qui ne peut par conséquent déployer dans ses fonctions ni pouvoir de coercition ni monopole de violence légitime, puisse être encore longtemps exclu d’un droit fondamental dans une démocratie moderne ? Les réservistes, eux, peuvent être élus au sein d’un conseil municipal. Tout comme les ressortissants de l’Union européenne, sans aucune restriction.

L’amendement DN335 ne permet pas au militaire d’exercer la fonction de président et vice-président d’établissement public de coopération intercommunale et vient en complément de l’incompatibilité avec les fonctions de maire et adjoint au maire. Je ne développe pas davantage, vous avez compris la logique : je vous propose de faire de nos militaires des citoyens à part entière.

M. Philippe Chalumeau. Comme celui du rapporteur, l’amendement DN341 tend à élever le seuil à 9 000 habitants. Il est équilibré : nous mettons notre droit en conformité avec la décision du Conseil constitutionnel tout en préservant le statut militaire. Il élargit en plus l’éligibilité aux conseils communautaires, et va permettre aux militaires d’exercer des missions d’intérêt général dans les collectivités. Il renforce le lien entre armée et Nation.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur pour avis de la commission des Lois. L’amendement DN531 vise à rendre compatible le mandat de conseiller communautaire avec la fonction de militaire en position d’activité, sans plafond de population.

M. Philippe Chalumeau. L’amendement DN535 précise que les militaires concernés, qui ne pourront qu’exercer un mandat de conseiller municipal sans avoir la possibilité d’être élus maire ou adjoint, ne pourront assumer d’autres fonctions peu compatibles avec les exigences posées par l’article L. 4111-1 du code de la défense. Il garantit en effet qu’ils ne pourront participer au processus d’élection des sénateurs, car c’est un scrutin très différent, beaucoup plus politisé.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. L’article 18 tire les conséquences d’une décision du Conseil constitutionnel qui avait censuré l’interdiction absolue faite jusqu’à présent aux militaires d’active d’exercer un mandat municipal.

Le texte initial du Gouvernement représentait un point d’équilibre entre la volonté de respecter les principes fondamentaux de neutralité et de disponibilité des militaires d’active et l’engagement civique des militaires pour conforter ce lien entre l’armée et la Nation, comme un certain nombre d’entre vous l’ont rappelé.

Après échange avec bon nombre d’entre vous, il est apparu que le seuil qui avait été proposé par le Gouvernement, limitant aux communes de 3 500 habitants la possibilité pour les militaires de se faire élire conseiller municipal, paraissait un peu étroit.

C’est la raison pour laquelle nous sommes ouverts à l’idée de faire évoluer ce seuil. Nous sommes donc favorables à la proposition contenue dans l’amendement DN513 qui propose de faire passer de 3 500 à 9 000 habitants la population maximale des communes où les militaires seraient éligibles. Nous pensons que ce seuil correspond à une dimension permettant de concilier l’exercice de fonctions électives locales avec les impératifs de neutralité et de disponibilité qui incombent aux militaires.

Pour les intercommunalités, collectivités pour lesquelles n’était initialement rien prévu, le seuil de 15 000 habitants paraît raisonnable.

Le Gouvernement est donc favorable à l’évolution en ce sens des dispositions initiales et se rallie à l’amendement du rapporteur.

M. Laurent Furst. J’aurais toutefois aimé un complément d’information et une réponse à la question que je posais tout à l’heure : s’il me semble possible, sur une base fonctionnelle, de restreindre l’éligibilité de fonctionnaires du fait des sujétions propres à leur activité, cela ne me semble envisageable que sur la base du type de mandat à exercer, non de la taille des communes concernées. Il y a là, à mon sens, un problème de fond et de droit qui reste sans réponse.

Je suis favorable à l’éligibilité des militaires dans l’ensemble des communes. Je rappelle qu’un militaire allemand basé en France reste éligible dans toutes les communes, à la différence d’un militaire français. C’est tout de même surprenant ; nous créons une situation de droit atypique.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. S’agissant du seuil, le Conseil constitutionnel, dans la décision qu’a rappelée Madame la ministre, s’est précisément appuyé sur le fait que l’inéligibilité valait dans toutes les communes sans distinction de taille pour la juger excessive. Il convenait donc de reprendre ce point.

Par ailleurs, je ne connais pas la condition juridique des militaires allemands. S’ils peuvent exercer un mandat municipal, cela relève de la responsabilité du législateur allemand. Peut-être la Loi fondamentale allemande leur permet-elle d’être éligibles. Mais ils ne sont pas soumis aux mêmes sujétions et aux mêmes obligations de disponibilité que les militaires français.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur pour avis de la commission des Lois. La coexistence d’un seuil de 9 000 habitants pour les communes et d’un seuil de 15 000 habitants pour les intercommunalités me semble illogique, car une commune de 9 000 habitants appartiendra le plus souvent à une intercommunalité comptant plus de 15 000 habitants.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Si la commune appartient à une intercommunalité de 50 000 habitants, l’élu militaire ne pourra siéger qu’au conseil municipal, non au conseil communautaire. Quant aux intercommunalités de moins de 15 000 habitants, les communes qui les constituent n’atteignent que rarement 9 000 habitants. Il n’y a donc pas contradiction entre les deux critères.

M. Jean-Michel Jacques. Dans son article 1, le statut général des militaires évoque l’esprit de sacrifice, la discipline, la disponibilité, le loyalisme et la neutralité.

Cette neutralité est aussi précieuse pour nos militaires. Ils y tiennent ! Un seuil trop élevé, s’agissant des communes, ouvrirait la porte à une politisation accrue, à l’instar des communes plus grandes, ainsi qu’à une forme de syndicalisation. Cela remettrait en cause le modèle d’armée et le modèle de soldat que nous souhaitons.

Le soldat français est reconnu partout dans le monde pour sa valeur. Nos soldats tiennent à préserver ce statut très particulier, qui fait d’eux des soldats différents des autres. Notre République a aussi besoin de cela.

Mme Patricia Mirallès. Je rappelle que, lorsque vous vous présentez sur une liste municipale, vous devez être fléché pour être délégué au conseil communautaire.

M. Charles de la Verpillière. À titre personnel, les dispositions initiales de l’article 18 me satisfaisaient. Je m’en tiendrai donc, Monsieur le président, à votre amendement. La condition militaire est fondée sur la neutralité et sur la disponibilité. Ne multiplions pas les cas où des militaires pourront se disperser dans des séances multiples de conseil municipal ou de conseil communautaire.

La commission adopte l’amendement DN513.

En conséquence, les amendements DN140, DN330, DN341 et DN352 tombent.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement DN531.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, elle adopte l’amendement DN535.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement DN327.

Elle examine ensuite l’amendement DN532 de la commission des Lois.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur pour avis de la commission des Lois. Je propose de supprimer l’interdiction faite aux officiers supérieurs et généraux d’exercer un mandat municipal. Mon amendement est donc semblable à l’amendement précédent.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement DN338 de M. Philippe Chalumeau. 

M. Philippe Chalumeau. Cet amendement vise à porter de dix à trente jours le délai accordé aux personnels militaires en position d’activité pour opter entre l’acceptation de leur mandat et la conservation de leur emploi, en cas d’incompatibilité. Ce délai de dix jours me semble court. Une période de trente jours me semble plus conforme à ce qu’il se pratique généralement, et donc plus opportun.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Sur ce point, je m’en remets à l’avis du Gouvernement.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Avis défavorable. On peut considérer qu’un militaire qui se présenterait à une élection y aurait mûrement réfléchi. Je ne vois donc pas la nécessité d’étendre ce délai de réflexion de dix à trente jours.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel DN514 du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement DN515 du rapporteur.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je retire l’amendement DN515 en conséquence de l’adoption de l’amendement DN535.

L’amendement DN515 du rapporteur est retiré.

La commission examine ensuite l’amendement DN95 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Si nous élargissons les conditions d’accès des militaires aux mandats municipaux, il me semble important d’avoir à l’esprit que se développe de plus en plus, en appui aux fonctions de maire et d’adjoint, la fonction de conseiller délégué, parfois en charge de domaines importants tels que l’urbanisme, les finances ou le comité d’action sociale.

Il me semble donc qu’il faudrait préciser que les militaires élus conseillers municipaux ne sauraient bénéficier d’une telle délégation.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je suis tout à fait contre. Je ne vois pas pourquoi un conseiller municipal militaire qui ne serait ni maire ni adjoint ne pourrait exercer de délégation. Je trouve cet amendement très réducteur.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, l’amendement DN335 de Mme Josy Poueyto et l’amendement DN516 du rapporteur.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je vous propose, Madame Poueyto, de retirer votre amendement, au profit du mien, dont le contenu est similaire, mais qui s’insère à un endroit plus opportun dans la suite des alinéas de l’article.

L’amendement DN335 est retiré.

La commission adopte l’amendement DN516.

Puis elle adopte l’article 18 modifié.

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*     *

Chapitre III
Dispositions relatives à la cyber-défense

● Le présent chapitre est composé de trois articles qui visent à adapter la posture française dans le domaine cyber :

– en matière de détection des cyber-attaques (articles 19 et 20) ;

– au niveau opérationnel (article 21 sur l’extension de « l’excuse pénale » aux cyber-combattants).

● L’article 22, pour sa part, a trait aux modalités de qualification de certains matériels et appareils utilisés dans le cadre de la mise en œuvre de mesures et techniques de renseignement. De fait, sur proposition du rapporteur et du groupe La République en Marche, la commission a adopté un amendement l’incluant sous un chapitre III bis nouveau relatif à la qualification de certains appareils et dispositifs techniques.

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Avant l’article 19

La commission examine, en discussion commune, les amendements DN346 de M. Philippe Chalumeau et DN533 de la commission des Lois.

M. Loïc Kervran. Cet amendement, à la limite du rédactionnel, vise à clarifier la volonté du législateur, notamment en ce qui concerne la protection des cyber-combattants. L’un des articles de ce chapitre est, en effet, relatif à la protection des cyber-combattants qui peuvent se trouver dans une position strictement défensive ou dans une position offensive.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur pour avis de la commission des Lois. Dans l’intitulé du chapitre III, nous proposons de remplacer le mot « cyber-défense » par les mots « domaine cyber ».

La Revue stratégique de défense et de sécurité nationale de 2017, qui a inspiré le présent projet de loi, définit ainsi les actions de lutte dans l’espace cyber : « aptitude qui consiste à combattre, de façon défensive ou offensive dans l’ensemble du milieu numérique, contre des adversaires étatiques ou non. »

Dans ce chapitre III, les articles 19 et le 20 sont plutôt sur le côté défensif tandis que les articles 21 et 22 sont plutôt sur le côté offensif. Regrouper le tout sous le titre de « domaine cyber » me semble plus adéquat.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Le commandant de la cyber-défense (COMCYBER) l’a rappelé devant notre commission, la notion de cyber-défense comprend les actions offensives. Comme il est un peu plus de treize heures, je m’autoriserais une petite boutade : l’appellation « ministère de la Défense » n’a jamais empêché les armées de mener des actions offensives. J’émets donc un avis défavorable à ces deux amendements.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Je m’en remets à la sagesse de votre commission.

La commission rejette les amendements.

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Article 19
(art. L. 33-14 [nouveau] du code des postes et des communications électroniques, L. 36-7 du code des postes et des communications électroniques, L. 2321-2-1 [nouveau], L. 23213, L. 2321-5 [nouveau]  du code de la défense) 
Mise en œuvre de dispositifs de détection des cyber-attaques

L’article 19 vise à renforcer la résilience nationale face aux cyber-attaques en créant un régime spécifique, en application duquel des dispositifs de détection des événements susceptibles de constituer une menace pour certains systèmes d’information pourront être mis en œuvre :

– par les opérateurs de communications électroniques, sur leurs propres réseaux, afin de détecter les événements susceptibles d’affecter la sécurité des systèmes d’information de leurs abonnées ;

– par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI), sur certains réseaux et systèmes d’information, dès lors qu’elle serait informée d’une menace susceptible de porter atteinte à la sécurité des systèmes d’information des autorités publiques ou des opérateurs d’importance vitale (OIV).

1. Les dispositions actuellement applicables pour la sécurité et la défense des systèmes d’information : un cadre juridique défini par la précédente loi de programmation militaire

a. Une attention particulière portée à la protection des opérateurs d’importance vitale

Les Livres blancs sur la défense et la sécurité nationale de 2008 et de 2013 avaient souligné le caractère croissant de la menace cybernétique contre les intérêts vitaux du pays. Dans le droit fil de leurs analyses, la loi de programmation militaire 2014-2019 ([140]) avait défini le cadre juridique applicable en matière de sécurité et de défense des systèmes d’information.

Sans revenir en détail sur les dispositions adoptées par le Parlement en 2013, il convient d’effectuer certains rappels s’agissant des principaux dispositifs élaborés dans ce cadre ([141]).

i. Le renforcement du dispositif étatique en matière de cyberdéfense

L’article 21 de la loi de programmation militaire 2014-2019 ([142]) précise tout d’abord que la définition et la coordination de l’action gouvernementale en matière de sécurité et de défense des systèmes d’information relèvent de la compétence du Premier ministre, et que celui-ci dispose à cette fin de l’ANSSI qui assure la fonction d’autorité nationale de défense des systèmes d’information.

Rappelons que l’ANSSI est une entité relativement récente, créée sous la forme d’un service à compétence nationale par le décret n° 2009-834 du 7 juillet 2009 ([143]). Elle est rattachée au Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) et a pour principale mission d’assurer la sécurité des systèmes d’information de l’État et de veiller à celle des opérateurs nationaux d’importance vitale (OIV).

En outre, l’article 21 de la LPM 2013-2018 autorise les services de l’État à accéder à des systèmes automatisés de données à l’origine d’une attaque informatique et à détenir les équipements nécessaires pour interagir afin de repousser l’attaque. De telles actions s’opèrent dans le cadre et les conditions définis par le Premier ministre et elles n’ont vocation à répondre qu’à certains types d’attaques informatiques, à savoir celles qui visent « les systèmes dinformation affectant le potentiel de guerre ou économique, la sécurité ou la capacité de survie de la Nation » ([144]).

ii. Le renforcement des obligations des opérateurs d’importance vitale en matière de sécurité et de défense des systèmes d’information

L’article 22 de la LPM 2014-2019 ([145]) consacrait quant à lui le renforcement des obligations pesant sur les OIV s’agissant de la sécurité et de la défense de leurs systèmes d’information.

Les OIV sont définis par l’article L. 1332-1 du code de la défense comme « des opérateurs privés ou publics exploitant des établissements ou utilisant des installations et ouvrages, dont lindisponibilité risquerait de diminuer dune façon importante le potentiel de guerre ou économique, la sécurité ou la capacité de survie de la nation ». Relèvent également de cette catégorie les gestionnaires de certains établissements ([146]).

Même si leur liste exacte est classifiée, il est possible d’indiquer qu’il existe moins de 350 opérateurs, publics ou privés, dont les activités sont jugées indispensables au bon fonctionnement et à la survie de la Nation, la liste précise des OIV étant gardée confidentielle pour des motifs de sécurité nationale. Les précisions apportées par les articles R. 1332-1 et 1332-2 du code de la défense permettent néanmoins d’appréhender un certain nombre de secteurs : énergie, télécommunications, transports, gestion de l’eau, activités militaires de l’État, etc.

En substance, les dispositions introduites par l’article 22 ([147]) imposent aux OIV :

– des obligations en matière de sécurité de leurs systèmes informatiques, notamment l’installation de dispositifs de détection des événements susceptibles d’affecter la sécurité de leurs systèmes d’information ;

– une obligation de déclaration, au Premier ministre, de tout incident majeur qui affecterait le fonctionnement ou la sécurité de ces systèmes ;

– une obligation de soumission de leurs systèmes d’information à un processus de contrôle et d’audit, à la demande du Premier ministre. Les contrôles sont réalisés par l’ANSSI, un service de l’État désigné par le Premier ministre ou un prestataire de services labellisé.

Enfin, en cas de crise majeure menaçant ou affectant la sécurité de leurs systèmes d’information, le Premier ministre peut imposer aux OIV de mettre en œuvre les mesures d’urgence susceptibles de répondre à ladite crise.

iii. L’accès de l’ANSSI à certaines informations pour les besoins de la sécurité des systèmes d’information de l’État et des OIV

Dernière disposition prévue par la LPM 2014-2019, son article 24 ([148]) permet à l’ANSSI d’obtenir des opérateurs de communications électroniques, pour les seuls besoins de la sécurité des systèmes d’information de l’État et des OIV, l’identité, l’adresse postale et l’adresse électronique d’utilisateurs ou de détenteurs de systèmes d’information vulnérables, menacés ou attaqués, afin de les alerter.

b. La nécessité d’adapter le dispositif national de détection des attaques cyber

Nécessaires, les dispositions prévues par la LPM 2014-2019 s’avèrent néanmoins aujourd’hui insuffisantes pour assurer une protection satisfaisante des systèmes d’information.

Centrées sur les questions de défense et de sécurité nationale, elles s’appliquent, au-delà des acteurs étatiques, aux seuls OIV. Or, l’évolution de la menace cybernétique, qui est globale par nature, oblige à adapter le dispositif national afin de disposer de capacités de détection des attaques, de prévention des incidents et d’alerte des victimes sur un périmètre élargi. Car les menaces cybernétiques peuvent constituer des risques systémiques pour des sociétés de plus en plus numérisées et dont les différents éléments constitutifs sont de plus en plus interconnectés.

En effet, et ainsi que l’a rappelé la récente revue stratégique de cyberdéfense publiée le 12 février 2018 par le SGDSN, la menace d’origine cyber croît à la fois quantitativement (multiplication du nombre d’acteurs susceptibles de conduire des attaques, prolifération et « banalisation » de l’arme cyber) et qualitativement (accroissement des capacités offensives de certains États), ce qui se traduit globalement par une élévation du niveau de dangerosité cette menace.

Par ailleurs, on relève que les actions de cybercriminalité « classique » peuvent, au-delà de leurs conséquences délictuelles immédiates, produire des effets majeurs en matière de défense, de sécurité nationale et de continuité des activités essentielles à la vie de la Nation. Ainsi, en mai 2017, le logiciel WannaCry, « simple » rançongiciel ([149]) (ransomware) avait infecté plus de 300 000 ordinateurs, dans 150 pays. Le service national de santé britannique (National Health Service – NHS) avait notamment été durement touché par cette attaque qui avait affecté le fonctionnement de certains services (organisation du système d’ambulance et d’opérations chirurgicales heureusement non critiques).

Enfin, le processus de numérisation continu des sociétés contemporaines induit une vulnérabilité croissante de celles-ci aux menaces cybernétiques, vulnérabilité par ailleurs accrue par l’interconnexion de plus en plus poussée des activités.

Aussi l’article 19 du présent projet de loi procède-t-il à la création d’un dispositif à double entrée permettant la détection des événements susceptibles d’affecter la sécurité des systèmes d’information nationaux, qu’il s’agisse :

– des systèmes d’information que les opérateurs de communications électroniques mettent à la disposition de leurs abonnés via leurs réseaux (alinéas 2 à 8) ;

– des systèmes d’information des autorités publiques et des OIV (alinéas 11 à 18).

2. Les dispositions prévues par le projet de loi

a. La mise en œuvre de dispositifs de détection des attaques informatiques par les opérateurs de communications électroniques

Comme le relève la revue stratégique de cyberdéfense précitée, compte tenu de leur importance et de leurs capacités, les opérateurs de communications électroniques « ont un rôle clé à jouer dans la cyberdéfense des opérateurs essentiels à léconomie et à la société » et « doivent donc être des partenaires majeurs de lÉtat dans la lutte contre la cybermenace ». C’est pourquoi le I de l’article 19 du présent projet de loi les associe pleinement, dans une démarche partenariale, au renforcement de la résilience de notre société face aux menaces cybernétiques.

Le  du I de larticle 19 (alinéas 2 à 8) insère un nouvel article L. 33-14 au sein du code des postes et des communications électroniques. Celui-ci permettra aux opérateurs de communications électroniques, pour les besoins de la défense et de la sécurité des systèmes d’information, de mettre en place des dispositifs de détection des événements susceptibles d’affecter la sécurité des systèmes d’information mis à disposition de leurs abonnés.

● Lalinéa 3 de l’article 19 constitue le cœur de ce nouveau dispositif. Il autorise les opérateurs de communications électroniques à mettre en œuvre, sur leurs réseaux, des dispositifs permettant de détecter les événements susceptibles de constituer une menace ([150]), et ce à partir de marqueurs techniques capables de repérer la « signature » d’une cyberattaque ([151]). Les événements repérés correspondront aux tentatives d’attaque informatique associées aux marqueurs contenus dans les systèmes de détection mis en place par ces opérateurs. Il s’agit d’une simple possibilité offerte auxdits opérateurs et relevant de leur responsabilité, et non d’une obligation qui s’imposerait à eux. D’après les informations communiquées au rapporteur, l’ANSSI accompagnera les opérateurs concernés afin de garantir que les dispositifs mis en œuvre seront sécurisés, efficaces, et en mesure d’utiliser les marqueurs qui seraient fournis par l’ANSSI. Ces mêmes opérateurs peuvent également disposer de leurs propres marqueurs, issus de rapports publics ou des relations développés avec les éditeurs de sécurité. L’ANSSI encouragera le partage de ces « bibliothèques » de marqueurs entre opérateurs, afin d’améliorer le partage de la connaissance des menaces potentielles et, par conséquent de renforcer les capacités de ce système de détection partagé.

La mise en œuvre de tels dispositifs n’est autorisée qu’en vertu d’une seule et unique finalité : détecter les événements pouvant affecter la sécurité des systèmes d’information que ces opérateurs mettent à la disposition de leurs abonnés.

Aux termes du 15° de l’article L. 32 du code des postes et communications électroniques, constitue un opérateur « toute personne physique ou morale exploitant un réseau de communications électroniques ouvert au public ou fournissant au public un service de communications électroniques ». Ces réseaux et services permettent notamment au public les utilisant ou y recourant de naviguer sur Internet, d’accéder aux sites référencés, d’échanger des courriers électroniques, etc. Selon les dernières données publiées par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), on compte en France quelque 2 522 opérateurs déclarés.

En pratique, les dispositifs techniques placés par les opérateurs sur leurs réseaux compareront en temps réel l’activité de ces réseaux à des marqueurs d’attaques dont la détection signalerait la présence d’une menace pour la sécurité des systèmes d’information. Ces dispositifs, qui agiront comme des sondes, analyseront la « physionomie » du trafic passant sur ces réseaux, et non le contenu de celui-ci. En outre, les dispositifs mis en œuvre permettront uniquement de détecter une anomalie sur un réseau et ne pourront en aucun cas bloquer les flux de données.

Dans l’hypothèse où elle aurait connaissance d’une menace susceptible de porter atteinte à la sécurité des systèmes d’information et dans le but de prévenir ladite menace, l’ANSSI aura la possibilité de demander aux opérateurs d’exploiter les dispositifs qu’ils auraient préalablement placés sur leurs réseaux de leur propre initiative. Elle pourra les assister dans la détection de cette menace en leur fournissant des marqueurs techniques de nature à permettre cette identification (alinéa 4). En cas d’attaque associée à un marqueur, les systèmes de détection placés par les opérateurs produiront une alerte de sécurité, qui contiendra uniquement les informations techniques liées à cette attaque.

● Si la mise en place des dispositifs de détection reste une simple possibilité offerte aux opérateurs de communications électronique, trois types d’obligations leur seront en revanche imposés :

– dès lors qu’un événement susceptible d’affecter la sécurité des services d’informations visés serait détecté, et que cette détection soit le fait des opérateurs de manière autonome (alinéa 3) ou suite à une demande de l’ANSSI (sur le fondement de l’alinéa 4), ceux-ci seront tenus d’en informer l’ANSSI sans délai (alinéa 5) ;

– à la demande de l’ANSSI, ils devront le cas échéant informer leurs abonnés de la vulnérabilité ou de l’atteinte de leurs systèmes d’information (alinéa 7). En l’état du droit, un opérateur de communications électroniques n’est tenu d’informer ses abonnés que lorsqu’il existe un risque particulier de violation de la sécurité du réseau ([152]). Cette obligation, qui n’est au demeurant que de niveau réglementaire, ne permet pas de couvrir les cas visés par l’article 19 du projet de loi (programmes malveillants transitant par les réseaux). Le fait que l’information des abonnés s’effectue sur demande de l’ANSSI permet de concilier deux exigences : limiter les effets d’une attaque informatique massive, tout en évitant de créer des réactions de panique dans l’hypothèse d’une information systématique, et ce quelles que soient la nature ou les conséquences potentielles de l’événement anormal qui serait détecté. La nature de l’information ainsi délivrée aux abonnés fera l’objet d’une concertation entre les opérateurs et l’ANSSI. Le cas échéant, elle pourra être assortie de conseils techniques et de recommandations.

– enfin dès lors qu’un événement affecterait la sécurité des systèmes d’information d’une autorité publique ou d’un OIV, l’ANSSI pourrait obtenir d’eux les données techniques nécessaires à l’analyse de cet événement et aux seuls fins de caractériser la menace, à l’exclusion de toute autre exploitation (alinéa 18). Ces données seraient recueillies par des agents spécialement habilités et assermentés ([153]) et ne pourraient être conservées que pendant cinq ans (alinéa 16). À titre d’exemple, ces données seraient : les adresses IP source et destination, le type de protocole utilisé, les métadonnées de sessions de navigation ou encore le nombre et la taille des paquets échangés.

présentation schématique du dispositif de détection des événements de sécurité par les opérateurs de communications électroniques

Source : ministères des Armées, réponses au questionnaire du rapporteur.

Lalinéa 6 prévoit expressément que les données recueillies dans le cadre de la mise en œuvre des dispositifs de détection qui ne seraient pas directement utiles à la prévention des menaces visées sont immédiatement détruites. Les opérateurs de communications électroniques ne conserveront par les données techniques relatives à des actes malveillants ; ils les transmettront à l’ANSSI ([154]).

Enfin, lalinéa 8 prévoit qu’un décret en Conseil d’État précisera les modalités d’application de l’article L. 33-14 nouveau du code des postes et des communications électroniques créé par le présent article 19.

● L’ARCEP sera en mesure de contrôler la régularité de la mise en œuvre de ces dispositifs par les opérateurs sur le fondement des articles L. 32-4 et L. 36‑7 ([155]) du code des postes et des communications électroniques.

● Il paraît important de souligner que le dispositif proposé par le projet de loi s’inscrit pleinement dans la volonté, partagée au niveau européen, de prévoir les mesures techniques nécessaires à la prévention des menaces cybernétiques.

Ainsi le code européen des communications électroniques prévoit-il que « les fournisseurs de réseaux de communications électroniques publics et/ou de services de communications électroniques accessibles au public devraient être tenus de prendre des mesures pour assurer la sécurité, respectivement, de leurs réseaux ou services », que « compte tenu des possibilités techniques les plus récentes, ces mesures devraient garantir un niveau de sécurité des réseaux et services adapté aux risques posés » et que ces mesures de sécurité « devraient prendre en compte, au minimum, tous les aspects pertinents des éléments suivants : […] en ce qui concerne la gestion des incidents : procédures de gestion des incidents, dispositif de détection des incidents ([156]) ».

Les dispositions de la directive sur la sécurité des réseaux et des systèmes d’information, dite « directive NIS ([157]) », récemment transposée en droit interne ([158]) procèdent de la même philosophie. Notamment, ses articles 5, 14 et 15 prévoient un renforcement, par chaque État, de la cyber-sécurité des « opérateurs de services essentiels » au fonctionnement de l’économie et de la société qu’il aura identifiés, via :

– la définition de règles de cyber-sécurité auxquels ces opérateurs devront se conformer ;

– l’obligation qui leur est faite de notifier les incidents ayant un impact sur la continuité de leurs services essentiels.

Quelques exemples européens de collaboration avec les opérateurs de communications électroniques pour la détection des cyber-attaques

● L’Allemagne a introduit en 2017 des dispositions législatives très proches du dispositif proposé par l’article 19 du présent projet de loi. Elles autorisent notamment les opérateurs de communications électroniques allemands à analyser les métadonnées des communications de leurs abonnés pour détecter d’éventuelles attaques informatiques. De manière analogue au dispositif proposé par l’article 19, ces dispositions prévoient que le BSI, homologue allemand de l’ANSSI, fournit aux opérateurs allemands des marqueurs d’attaque. La BundesNetzAgentur – équivalent de l’ARCEP – et le Bundesbeaufrtragte für den Datenschutz und die Informationsfreiheit – équivalent de la CNIL – sont en charge du contrôle a posteriori de l’application de ces mesures.

● Au Royaume-Uni, la protection des réseaux informatiques et la sécurisation des flux qui y transitent reposent sur une approche partenariale avec les opérateurs. Le Royaume-Uni a néanmoins lancé un programme de « cyberdéfense active » qui consiste en une automatisation de certains mécanismes techniques de protection contre les attaques massives. Actuellement expérimenté dans un périmètre couvrant les réseaux gouvernementaux, en lien avec certains opérateurs de communications électroniques, son objectif est d’y associer dans un second temps l’ensemble des acteurs publics et privés.

b. Les réseaux étatiques et OIV, sous contrôle de l’ARCEP

Le 1° du II de larticle 19 (alinéas 12 à 16) crée un nouvel article L. 2321-2-1 au sein du code de la défense, en application duquel l’ANSSI sera en mesure, sous certaines conditions, de mettre en œuvre sur certains réseaux et systèmes d’information des dispositifs de détection des événements susceptibles d’affecter la sécurité des systèmes d’information des autorités publiques ou des OIV.

Lalinéa 13 précise les conditions dans lesquelles une telle mise en œuvre sera envisageable. Elles sont au nombre de trois.

Première condition : le recours à des dispositifs de détection ne sera possible qu’à la condition préalable que l’ANSSI ait connaissance d’une menace susceptible de porter atteinte à la sécurité des systèmes d’information des autorités publiques ou des OIV. Cette connaissance pourra résulter de ses propres analyses, ou de signalements transmis par d’autres services français (de renseignement notamment) ou par ses partenaires étrangers.

Deuxième condition : les dispositifs de détection ne pourront être mis en œuvre que sur le réseau d’un opérateur de communications électroniques, ou sur le système d’information d’un fournisseur d’accès ou d’un hébergeur ([159]).

Inclure les fournisseurs d’accès et hébergeurs ([160]) dans le champ de l’article est essentiel. En effet, à l’heure actuelle et même en cas de doute sérieux quant à l’existence d’une menace, l’ANSSI n’est juridiquement pas en mesure d’opérer de vérification sur un serveur situé auprès d’un hébergeur. Or de tels serveurs peuvent être loués en toute légalité par des attaquants auprès d’hébergeurs français, ou être compromis pour être intégrés à une infrastructure d’attaque plus large. De fait, dans l’hypothèse où un attaquant a pris le contrôle d’un serveur d’un hébergeur et s’en sert comme relais pour conduire ses attaques, les dispositions prévues à l’alinéa 13 permettront à l’ANSSI de mettre en œuvre un dispositif de détection sur l’équipement ainsi compromis. L’étude d’impact annexée au projet de loi estime qu’une vingtaine d’opérations de ce type pourraient être menées en moyenne chaque année.

Troisième condition : le déploiement des dispositifs de détection ne sera possible que dans le cadre d’une seule et unique finalité : la détection d’événements susceptibles d’affecter la sécurité des systèmes d’information des autorités publiques et des OIV.

Par ailleurs, le texte prévoit un encadrement strict quant à la mise en œuvre du dispositif de détection, qui devra répondre à un principe de proportionnalité. Ainsi, il ne pourra être mis en œuvre que « pour la durée et dans la mesure strictement nécessaires à la caractérisation de la menace ».

De fait, le recours à de tels dispositifs de détection restera exceptionnel et sera, en tout état de cause, strictement limité dans le temps et encadré.

Lalinéa 14 prévoit que le recueil et l’analyse des données résultant de la mise en œuvre de tels dispositifs seront assurés par des agents de l’ANSSI – toute autre exploitation étant expressément exclue par le texte –, étant entendu que seules les données techniques strictement nécessaires à la prévention ([161]) et à la caractérisation de la menace pourront faire l’objet d’un tel travail. De fait, les finalités d’une telle exploitation sont limitativement prévues puisque celle-ci ne pourra servir qu’à prévenir ([162]) et caractériser la menace préalablement identifiée par l’ANSSI.

Enfin, les modalités de conservation des données sont, elles aussi, strictement encadrées :

 lalinéa 15 dispose expressément que les données non pertinentes (non « directement utiles » aux termes de l’article) au regard des finalités prévues doivent être immédiatement détruites ;

 lalinéa 16 dispose quant à lui que les données recueillies par l’ANSSI ne peuvent être conservées que pendant cinq ans.

c. Un contrôle spécifique, dont les modalités restent à préciser

Sagissant du volet « opérateurs de communications électroniques » (I de larticle 19), cest le contrôle classique de lARCEP qui sappliquera en vertu des articles L. 32-4 et L. 36-7 du code des postes et des communications électroniques.

Sagissant de lANSSI (II de larticle 19), le projet de loi a également choisi de confier une telle mission à lARCEP. Les alinéas 19 et 20 prévoient ainsi que celle-ci sera chargée de contrôler le respect, par lANSSI, des nouvelles dispositions prévues et de leurs conditions de mises en œuvre. Les alinéas 9 et 10 sont des alinéas de coordination qui ajoutent cette nouvelle mission à la liste des missions de lARCEP figurant dans le code des postes et des communications électroniques.

Le recours à lARCEP paraît parfaitement légitime et cohérent compte tenu des compétences quelle détient en tant quautorité régulatrice du secteur.

Toutefois, en létat actuel du projet de loi, les modalités de ce contrôle ne sont pas expressément prévues, larticle 20 renvoyant à une ordonnance le soin détablir ce régime.

Enfin, il semble utile de souligner l’appréciation portée par le Conseil d’État sur les dispositions prévues par le projet de loi. Dans son avis sur le projet de LPM, celui-ci a estimé « queu égard à lintérêt général qui sattache à prévenir les menaces visant plus particulièrement les systèmes dinformation des autorités publiques et des opérateurs dimportance vital ou susceptible de les affecter, ces mesures ne portent à des droits garantis par la Constitution ou aux engagements internationaux de la France quune atteinte justifiée et proportionnée et ne soulèvent donc pas dobjection de sa part. » ([163])

3. Principales modifications apportées par la commission

Trois modifications principales ont été apportées au dispositif proposé par le Gouvernement.

a. La détermination du régime de contrôle

La plus substantielle a trait à l’inscription expresse des modalités de contrôle, par l’ARCEP, des nouvelles dispositions. À l’initiative du rapporteur et la commission a adopté le dispositif de contrôle suivant. Il confie cette nouvelle mission à la formation de règlement des différends, de poursuite et d’instruction (formation RDPI) ([164]) de l’ARCEP et prévoit :

– une obligation, pour l’ANSSI, d’informer sans délai, la formation RDPI : d’une part, de la mise en œuvre des dispositifs de détection sur les réseaux des acteurs concernés (opérateurs de communications électroniques, hébergeurs, FAI) ; d’autre part, des demandes formulées par l’ANSSI tendant à l’obtention des données techniques nécessaires à la caractérisation d’une menace affectant la sécurité des systèmes d’informations des OIV ou des autorités publiques.

– que la formation RDPI dispose d’un accès complet aux données techniques recueillies ou obtenues dans le cadre des dispositions prévues à l’article 19 ;

– qu’elle peut adresser à l’ANSSI des recommandations, et qu’elle est informée des suites qui y sont données ;

– que si aucune suite n’est donnée à ces recommandations, ou si elle juge ces suites insuffisantes, la formation RDPI pourra enjoindre l’ANSSI d’interrompre les opérations en cause ou de détruire les données recueillies ;

– que l’ARCEP remet, chaque année, un rapport au Gouvernement et au Parlement sur les conditions d’exercice et les résultats du contrôle exercé par la formation de règlements des différends.

Enfin, le dispositif adopté prévoit que les membres de la formation RDPI ainsi que les agents de l’ARCEP concernés sont habilités au secret de la défense nationale.

b. L’augmentation de la durée maximale de conservation des données

Sur initiative du rapporteur et du groupe La République en Marche, la commission a adopté un amendement portant de cinq à dix ans la durée maximale de conservation des données recueillies par l’ANSSI à l’occasion de l’exploitation des dispositifs de détection placés sur les réseaux et systèmes d’information des opérateurs et fournisseurs de services de communications électroniques précités. Une telle durée est suffisamment longue pour renforcer l’efficacité du dispositif, sans être déraisonnable s’agissant de données techniques. En effet, la « mémoire » et l’historique des évènements de sécurité passés sont essentiels à la prévention des cyber-attaques.

De fait, généralement, l’attaque n’est pas lancée immédiatement après la pénétration d’un système : l’attaquant a besoin de temps pour comprendre ce système, le cartographier, et préparer les outils de destruction qu’il mettra en œuvre. La détection, en identifiant l’intrusion, peut permettre d’éviter l’attaque, quand bien même le système aurait effectivement été pénétré. Même lorsqu’il reste inactif, il existe toujours des échanges réguliers entre un « code malveillant infiltré » et le serveur command & control qui lui envoie des ordres ou reçoit des données de sa part, autant d’échanges susceptibles d’être détectés. En somme, plus la « bibliothèque » de données techniques sera fournie et accessible dans le temps, plus la résilience de notre système sera assurée et une telle durée permettra un suivi plus fin et dans le temps des potentiels attaquants.

c. L’instauration d’un mécanisme de sanction en cas de méconnaissance, par les opérateurs et fournisseurs de services de communications électroniques, de leurs obligations

À l’initiative du rapporteur, la commission a adopté un amendement introduisant un mécanisme de sanction à l’encontre des opérateurs et fournisseurs de services de communications électroniques qui feraient obstacle à la mise en place, par l’ANSSI, de dispositifs de détection sur leurs réseaux et systèmes d’information en application du nouvel article L. 2321-2-1 du code de la défense.

Si, en théorie, ces acteurs ne pourraient s’y opposer, aucun mécanisme de sanction n’est prévu dans cette hypothèse. L’amendement adopté par la commission prévoit donc les sanctions suivantes donc en cas de méconnaissance, par les acteurs concernés, de leurs obligations, soit au maximum :

– un an d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende ;

– et, pour les personnes physiques, l’éventuelle interdiction d’exercer l’activité professionnelle à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise pendant cinq ans au plus.

*

La commission examine l’amendement DN306 de M. Philippe Chalumeau.

M. Loïc Kervran. Cet amendement concerne l’alinéa 3, donc la première partie du dispositif de cet article qui permet aux opérateurs de placer des sondes sur leur réseau. Il nous semblerait intéressant que les opérateurs signalent l’installation de telles sondes à l’Autorité nationale de sécurité des systèmes d’information (ANSSI), à des fins ultérieures de contrôle et de supervision. Il existe une liste des dispositifs qui sont placés. Cela sera sans doute utilement complété par un décret. J’en profite pour clarifier l’intention du législateur : en plus de savoir que l’opérateur a placé un dispositif, il serait intéressant d’avoir une idée de l’endroit où il se trouve dans son système et de ce qu’il y fait.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Avis favorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels DN422 et DN423 du rapporteur.

En conséquence, l’amendement DN385 de M. Alexis Corbière tombe.

La commission est saisie de l’amendement DN424 du rapporteur.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Le présent amendement prévoit que le décret en Conseil d’État prévu à l’alinéa 8 est pris après avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP).

Mme Florence Parly, ministre des Armées. L’objectif visé est déjà satisfait par l’article 36-5 du code des postes et des communications électroniques qui prévoit que l’ARCEP est consultée sur les projets de décret relatif au secteur des communications électroniques. Le décret qui sera pris pour l’application du nouvel article 33-14, en voie de création par l’article 19 de la LPM, devra donc être soumis à l’avis préalable de l’ARCEP. Dans ces conditions, il me semble que l’amendement est satisfait et qu’il n’ajoute rien par rapport aux dispositions existantes.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement DN225 de M. Alexis Corbière.

M. Bastien Lachaud. Les enjeux de cyber-défense sont de plus en plus prégnants, ce qui rend essentiels les dispositifs dont nous débattons. Il est important que le Parlement se dote des moyens de contrôler l’usage que fait l’ANSSI des données récoltées. Il est encore plus important que le Parlement se tienne informé par l’ANSSI des conclusions qu’elle tire de l’utilisation de ces données, tant sur l’état des attaques que subit notre pays que sur ses capacités de défense. Cet amendement propose donc de créer une commission à laquelle l’ANSSI ferait ces comptes rendus réguliers dans les meilleures conditions de sécurité et de transparence.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Monsieur le député, je suis totalement d’accord avec vous, à quelques détails près. Je vous propose de retirer votre amendement au profit de celui que je vais présenter dans quelques minutes.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis.

M. Bastien Lachaud. Dans l’attente de cet amendement, je retire le mien.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement DN249 de M. Joaquim Pueyo.

M. Joaquim Pueyo. L’objet de cet amendement n’est pas de s’opposer à la nécessité de lutter contre les menaces liées à la sécurité des systèmes d’information, il vise à souligner le manque de précision de la rédaction actuelle de cet article qui pourrait tendre à remettre en cause les principes de neutralité du net et de l’internet ouvert.

Cette analyse s’appuie sur l’avis de l’ARCEP. Selon elle, les « systèmes de détection qui seraient installés sur les réseaux analysent a minima les données techniques de connexion et potentiellement le contenu des communications. » L’ARCEP estime que « Ces points mériteraient d’être précisés afin de s’assurer de la proportionnalité de la mesure au regard de l’atteinte au respect de la vie privée et à la protection des données. » Elle conclut en affirmant que « la mise en œuvre de dispositifs d’analyse sur les réseaux des opérateurs de communications électroniques soulève notamment des questions concernant le respect du principe de la neutralité de l’internet. »

Il convient donc d’encadrer la faculté que crée cet article par le rappel au respect de ces principes que sont la neutralité du net et l’internet ouvert. En fait, il s’agit d’un amendement de précaution.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Même s’il est de précaution, votre amendement est satisfait : les dispositifs n’analyseront en aucun cas le contenu du trafic transitant par les réseaux ; aucun dispositif de gestion de trafic n’est prévu par l’article ; c’est l’ARCEP qui contrôlera les mesures mises en œuvre. Je vous propose de retirer votre amendement.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis. Cet article ne porte en aucune façon atteinte au respect du principe de neutralité du net. Comme l’a indiqué le président, il permet seulement de mettre en œuvre des mesures passives de détection des attaques et il ne prévoit aucune mesure de blocage des flux malveillants. Le principe de neutralité du net n’est donc nullement mis en cause.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie des amendements identiques DN425 du rapporteur et DN344 de M. Philippe Chalumeau.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. L’article 20 prévoit que les modalités de contrôle par l’ARCEP des mesures qui seront mises en œuvre par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) seront définies par ordonnance.

Plutôt que d’attendre les ordonnances dont les termes pourraient être trop flous, je propose que les conditions de ce contrôle soient précisées dans le corps de l’article 19.

Le présent amendement prévoit de confier l’exercice de ce contrôle à la formation de règlement des différends de l’ARCEP. Les membres de cette formation ainsi que les agents de l’ARCEP concernés seront habilités au secret de la défense nationale.

L’ANSSI serait obligée d’informer sans délai cette formation de la mise en œuvre des dispositifs de détection sur les réseaux des acteurs concernés – opérateurs de communications électroniques, hébergeurs, fournisseurs d’accès à internet – et des demandes qu’elle a formulées tendant à l’obtention des données techniques nécessaires à la caractérisation d’une menace affectant la sécurité des systèmes d’information des opérateurs d’importance vitale ou des autorités publiques.

La formation de règlement des différends disposerait d’un accès complet aux données techniques recueillies ou obtenues dans le cadre des dispositions prévues à l’article 19. Elle pourrait adresser à l’ANSSI des recommandations et elle serait informée des suites données. Si aucune suite n’était donnée à ses recommandations ou si elle jugeait ces suites insuffisantes, elle pourrait enjoindre à l’ANSSI d’interrompre les opérations en cause ou de détruire les données recueillies. L’ARCEP remettrait, chaque année, un rapport au Gouvernement et au Parlement sur les conditions d’exercice et les résultats du contrôle exercé par la formation de règlements des différends.

Je pense que cet amendement répond à vos différentes interrogations.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Le Gouvernement est favorable à ce que les modalités de contrôle du dispositif figurent dès à présent dans la LPM sans attendre le processus d’habilitation par ordonnance, qui avait été initialement proposé.

Le Gouvernement est favorable au dispositif proposé dans le cadre de l’amendement DN425 qui prévoit que l’ARCEP doit être informée par l’ANSSI des mesures qui sont mises en œuvre et bénéficier ainsi d’un accès complet aux données techniques qui sont recueillies par l’ANSSI. Il apparaît pertinent que l’ARCEP puisse formuler des recommandations à destination de l’ANSSI et qu’elle ait la possibilité d’enjoindre l’interruption des opérations ou la destruction des données. Enfin, il nous paraît très souhaitable de prévoir la remise par l’ARCEP d’un rapport annuel au Parlement et au Gouvernement.

Pour toutes ces raisons, nous sommes favorables à l’amendement DN425.

M. Loïc Kervran. Nous avions déposé un amendement identique. Le fait d’inscrire le volet contrôle dans le texte est vraiment bienvenu. Ces amendements lèvent les inquiétudes que j’avais pu exprimer précédemment.

M. Joaquim Pueyo. Merci, Monsieur le rapporteur, d’avoir apporté ces précisions. J’espère que l’ARCEP aura les moyens de contrôler et, peut-être, de nous faire des comptes rendus sur les insuffisances qui pourront être détectées en application de ce texte.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. C’est l’objet du rapport remis au Parlement et au Gouvernement.

M. Joaquim Pueyo. C’est important. C’était la raison d’être de mon propre amendement. Je l’ai retiré et vais retirer celui que j’avais déposé à l’article 20.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je proposerai en effet la suppression de l’article 20 qui, si elle est acceptée, ferait tomber votre amendement.

La commission adopte les amendements.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel DN426 du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement DN427 du rapporteur.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Il s’agit également d’un amendement rédactionnel.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Si je comprends bien, vous demandez que les agents de l’ANSSI chargés de recueillir et d’exploiter les données soient habilités ou assermentés. Je souhaiterais que l’on s’en tienne à la mention d’une habilitation : un mécanisme d’assermentation individuelle s’accompagnerait de lourdes contraintes organisationnelles, alors que votre objectif peut tout à fait être atteint par une simple habilitation.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je crois qu’il y a une confusion avec l’amendement DN343 de M. Philippe Chalumeau, que nous examinerons dans quelques instants.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement de précision DN428 du rapporteur.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements DN429 du rapporteur et DN343 de M. Philippe Chalumeau.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je propose que les agents de l’ANSSI auxquels vous venez de faire référence soient individuellement désignés et spécialement habilités, ce qui répond à votre vœu.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Je donne donc un avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

L’amendement DN343 de M. Philippe Chalumeau est retiré.

Puis la commission adopte l’amendement de cohérence DN430 du rapporteur.

Elle examine ensuite les amendements identiques DN342 de M. Philippe Chalumeau et DN431 du rapporteur.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je propose de porter la durée de conservation des données de cinq à dix ans afin de renforcer la capacité d’analyse de l’ANSSI.

M. Loïc Kervran. Déposé à la suite des discussions que nous avons eues avec les professionnels, notre amendement DN342 vise de même à augmenter la durée de conservation des données. C’est important : il suffit de regarder la date des suites logicielles utilisées dans les entreprises et les administrations pour s’en convaincre. Nous avons besoin d’un historique plus long.

La commission adopte ces amendements.

Puis elle adopte l’amendement de cohérence DN432 du rapporteur.

Elle en vient à l’amendement DN433 du rapporteur.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Dans le cas où l’ANSSI détecterait des attaques contre des opérateurs d’importance vitale ou des autorités publiques, elle peut mettre en place des « sondes » sur les réseaux et systèmes d’information de certains acteurs. Ceux‑ci ne peuvent, en théorie, pas s’y opposer, mais aucun mécanisme de sanction n’est prévu dans cette hypothèse. Je vous propose d’y remédier en prévoyant notamment une peine d’emprisonnement d’un an et une amende pouvant aller jusqu’à 75 000 euros.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Je donne un avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 19 modifié.

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Article 20
Habilitation à légiférer par ordonnances pour la mise en œuvre du contrôle confié à lARCEP par larticle 19

L’article 20 a pour objet d’habiliter le Gouvernement à prendre, par ordonnance, les dispositions permettant de définir le régime de contrôle du respect par l’ANSSI des conditions de mise en œuvre des dispositions de l’article L. 2321-2-1 et du second alinéa de l’article L. 2321-3 du code de la défense, créées par l’article 19 du présent projet de loi.

Conformément aux principes posés par les alinéas 9, 10, 19 et 20 de l’article 19, l’article 20 fait référence à l’ARCEP en tant qu’autorité chargée de ce contrôle, en précisant que l’ordonnance permettra également de déterminer les modalités d’organisation de l’autorité pour la réalisation d’une telle mission, la création d’une formation spécialisée en son sein étant envisagée à cet égard.

Le rapporteur estime toutefois que le recours aux ordonnances nest pas justifié en lespèce, et ce pour deux raisons principales.

La première est d’ordre pratique : la nature des dispositions envisagées ne le justifie pas. Ne sagissant pas de dispositions particulièrement complexes ou techniques, les modalités de ce contrôle doivent pouvoir être déterminées par le Parlement au terme dun examen et dun débat selon la procédure ordinaire.

La seconde est d’ordre politique. En létat du texte, le Gouvernement disposerait de six mois, à compter de la publication de la future LPM, pour prendre lordonnance définissant le régime de contrôle par lANSSI. Or, les dispositions prévues par larticle 19 ne pourront juridiquement pas être mises en œuvre sans lexistence de ce contrôle – expressément prévu par ledit article 19. Il est donc indispensable, pour assurer une mise en œuvre rapide des nouvelles dispositions après la promulgation de la future LPM, que le régime de contrôle soit lui aussi prévu par le texte. Cest pourquoi le rapporteur a proposé de prévoir dès à présent dans le cadre de larticle 19 un dispositif de contrôle.

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La commission examine les amendements identiques DN421 du rapporteur et DN339 de M. Philippe Chalumeau.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Puisque nous avons inséré à l’article 19 le dispositif de contrôle confié à l’ARCEP, je vous propose de supprimer l’article 20, qui n’a plus lieu d’être.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. J’y suis favorable.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 20 est supprimé.

L’amendement DN250 de M. Joaquim Pueyo tombe.

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Article 21
(art. L. 4123-12  du code de la défense)
Excuse pénale des cyber-combattants

Le présent article propose de compléter les dispositions prévues au II de larticle L. 4123-12 du code de la défense afin de pouvoir faire bénéficier les cyber-combattants du régime dit « dexcuse pénale » dans le cadre de leur participation à des opérations extérieures.

1. La mise en œuvre du régime dirresponsabilité pénale pour les combattants en opération extérieure

Créé en 2005 ([165]) et complété par l’article 31 de la LPM 2014-2019 afin d’en clarifier les modalités de mise en œuvre, ce régime permet, sous certaines conditions, dexonérer de leur responsabilité pénale les militaires exerçant des mesures de coercition, faisant usage de la force ou en donnant lordre ([166]), à loccasion dopérations se déroulant à lextérieur du territoire national ou des eaux territoriales françaises.

Un tel régime permet de prendre en compte la spécificité irréductible de laction de combat. En létat du droit et hors cas de légitime défense, ce régime autorise les militaires à recourir à lusage de la force ([167]) sans que leur responsabilité pénale puisse être engagée :

 lorsquils participent à une opération « mobilisant des capacités militaires », et ce quels que soient lobjet, la durée ou lampleur de ladite opération ([168]) ;

 dès lors que cette opération se déroule à lextérieur du territoire national ou des eaux territoriales françaises ;

 que ce recours à la force seffectue dans le respect des règles du droit international applicables (droit international humanitaire notamment) ;

 quun tel usage est nécessaire à lexercice de la mission conduite.

Ce régime est donc strictement encadré, ce qui est au demeurant parfaitement légitime compte tenu de ses effets exorbitants du droit commun avec une exonération de responsabilité pénale.

Larticle 31 de la LPM 2014-2019 avait en outre jugé nécessaire de clarifier le champ dapplication du régime en précisant que les opérations visées pouvaient comprendre la libération dotages, lévacuation de ressortissants ou la police en haute mer.

2. La nécessité doffrir une protection identique aux cyber-combattants

Dans le même esprit, le présent article vise à ajouter à cette liste les actions numériques, afin de faire bénéficier de ce régime protecteur, et par application des mêmes critères et limites, les cyber-combattants agissant dans le cadre dune OPEX, dès lors que leurs actions seraient assimilées à un recours à la force.

Le fait d’intégrer dans le champ de « lexcuse pénale » les cyber-combattants engagés, dans lespace numérique, dans des actions de combats produisent leurs effets à létranger, est parfaitement légitime afin de les prémunir contre toute interprétation restrictive des dispositions actuelles par les juridictions répressives. La clarification apportée par le présent article est non seulement utile mais également nécessaire, dès lors que les capacités des armées dans le domaine cyber vont être considérablement renforcées, que la composante cyber est dorénavant indispensable et indissociable de tout engagement et que, en conséquence, la mobilisation des cyber-combattants a vocation à croître à lavenir, sur lensemble des théâtres dengagement.

Seront concernés par les nouvelles dispositions les personnels militaires relevant fonctionnellement du COMCYBER, lequel est notamment responsable de la planification et de la conduite des opérations militaires de cyberdéfense, y compris en OPEX. Ces militaires pourront bénéficier de ce régime protecteur dès lors que les actions quils conduiront seront rattachables à une opération mobilisant des capacités militaires se déroulant à lextérieur du territoire national. Il convient en effet de prendre en considération les spécificités du milieu cyber totalement dématérialisé, global et transfrontières dans lequel ces militaires opèrent. De fait, même mobilisés dans le cadre dune OPEX, ces cybercombattants sont en mesure dagir depuis le territoire national.

Le commandement de cyberdéfense (COMCYBER)

De création récente – 2017 – le COMCYBER est responsable ([169]) :

– de la protection des systèmes d’information placés sous la responsabilité du chef d’état-major des armées (CEMA) ;

– de la conduite de la défense des réseaux de l’ensemble du ministère des Armées, à l’exclusion de ceux de la DGSE et de la DRSD ;

– de la conception, de la planification et de la conduite des opérations militaires de cyberdéfense, sous l’autorité du sous-chef d’état-major chargé des opérations.

Un état-major de la cyberdéfense (EM-CYBER) est placé sous les ordres du COMCYBER. Ses effectifs devraient progressivement atteindre 70 personnes en 2019.

Pour mener à bien ses missions, le COMCYBER dispose d’une autorité fonctionnelle sur les unités spécialisées en cyberdéfense relevant des armées et des organismes interarmées, représentant environ 3 000 « combattants numériques » à l’horizon 2019 et 4 000 à l’horizon 2025.

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La commission adopte l’article 21 sans modification.

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Avant l’article 22

La commission examine, en discussion commune, les amendements DN435 du rapporteur et DN345 de M. Philippe Chalumeau.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je vous propose de sortir l’article 22 du chapitre consacré à la cyberdéfense, ce qui devrait satisfaire notre collègue Jean-François Eliaou, pour l’insérer dans un chapitre III bis nouveau, intitulé « Qualification de certains appareils et dispositifs techniques ».

M. Loïc Kervran. L’amendement DN345 a le même objet. 

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. La rédaction étant toutefois un peu différente, il serait préférable que vous retiriez cet amendement.

L’amendement DN345 est retiré.

Suivant l’avis favorable de la ministre, la commission adopte l’amendement du rapporteur.

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Chapitre III bis (nouveau)
Qualification de certains appareils et dispositifs techniques

Article 22
(art. L. 2371-2 du code de la défense)
Qualification des matériels visés au 1° de larticle 226-3 du code pénal

L’article 22 du présent projet de loi vise à compléter l’article L. 2371-2 du code de la défense, pourtant de création récente ([170]), afin de déterminer les conditions dans lesquels les personnels de la direction générale de l’armement ainsi que les militaires de certaines unités des forces armées peuvent procéder aux essais de qualification des matériels permettant la mise en œuvre de techniques et mesures de renseignement.

Cet article prévoit :

– d’élargir le champ des techniques et appareils pouvant faire l’objet d’essais de qualification ;

– d’encadrer davantage ces campagnes de tests, qui s’effectueront dorénavant sous le contrôle de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR).

1.   Une possibilité actuellement ouverte pour une seule technique

En l’état du droit, de tels essais ne sont autorisés que pour tester les appareils et dispositifs nécessaires à la mise en œuvre d’une seule technique de renseignement : celle qui permet de réaliser des mesures de surveillance de communications dans le domaine hertzien « ouvert » ([171]), prévue à l’article L. 855-1 A du code de la sécurité intérieure. Ces campagnes de test sont strictement encadrées :

– quant à la nature des mesures : ne peuvent être réalisées que des mesures d’interception ; l’exploitation des renseignements recueillis dans le cadre de ces essais est expressément prohibée ;

– quant à la finalité des mesures : il ne peut s’agir que de mener les campagnes d’essais appareils et dispositifs techniques utilisés par les forces armées et permettant la mise en œuvre de la technique précitée. Mentionnés au 1° de l’article 226-3 du code pénal, il s’agit des appareils et dispositifs techniques dont la liste est établie par arrêté du Premier ministre et qui permettent la réalisation de tout type d’interception.

2. Lélargissement à lensemble des techniques et mesures potentiellement concernées afin de sécuriser juridiquement les campagnes de qualification de matériels

Lalinéa 2 de l’article 22 complète l’article L. 2371-2 du code de la défense afin de permettre la réalisation d’essais de qualification pour les matériels nécessaires à la mise en œuvre de l’ensemble des techniques et mesures de renseignement concernées par de tels essais, à savoir les appareils et dispositifs permettant :

– le recueil de données techniques de connexion et les données relatives à la localisation d’équipements terminaux ([172]) ;

– l’interception de correspondances émises ou reçues par un équipement terminal ([173]) (les « interceptions de sécurité ») ;

– l’interception de correspondances échangées au sein d’un réseau fermé de communications électroniques empruntant exclusivement la voie hertzienne et n’impliquant pas l’intervention d’un opérateur de communications électroniques, lorsque le réseau est conçu pour une utilisation privative (hertzien « privatif ») ([174]) ;

– la surveillance des communications électroniques internationales ([175]).

En effet, bien que des moyens de communication « plastrons » ([176]) soient utilisés pour mener les essais de qualification, des communications privées peuvent néanmoins être interceptées de manière résiduelle à l’occasion de tels tests. Quand bien même les données ainsi recueillies ne sont pas exploitées, il convient de sécuriser juridiquement ces campagnes de qualification et les personnels qui les réalisent, en écartant tout risque de poursuite pénale dès lors naturellement que les essais seraient menés conformément aux nouvelles dispositions prévues par le projet de loi.

3. Des conditions de mise en œuvre plus strictes et des garanties supplémentaires

Si l’article 22 du projet de loi procède à un élargissement du champ de l’article L. 2371-2 du code de la défense, il encadre sa mise en œuvre de conditions et de garanties supplémentaires par rapport au droit en vigueur.

Reprenant les dispositions actuelles tendant à l’interdiction expresse d’exploiter les données recueillies, l’article 22 prévoit par ailleurs :

– que chaque campagne d’essais devra faire l’objet d’une déclaration préalable auprès de la CNCTR (alinéa 2) ;

– que de tels essais ne pourront être réalisés que par des personnels individuellement désignés et habilités (alinéa 2) ;

– que les données recueillies dans le cadre de ces essais ne pourront être conservées que pour la durée de ceux-ci et qu’elles devront être détruites à l’issue de la campagne de tests (alinéa 2) ;

– que la CNCTR sera informée du champ et de la nature des essais effectués et qu’un registre recensant les opérations réalisées dans le cadre de ces campagnes de qualification lui sera communiqué (alinéa 3). Alors que l’étude d’impact annexée au projet de loi envisageait une communication trimestrielle ou semestrielle, la commission a adopté un amendement du rapporteur prévoyant que ce registre serait communiqué à la CNCTR, à sa demande.

Enfin lalinéa 4 prévoit qu’un décret en Conseil d’État, pris après avis de la CNCTR, fixera les conditions d’application de l’article L. 2371-2 dans sa nouvelle version, en précisant notamment le contenu et les mentions de la déclaration préalable prévue à l’alinéa 2.

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La commission examine l’amendement DN436 du rapporteur.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Un registre recensant les opérations techniques réalisées sur le fondement des nouvelles dispositions prévues par l’article 22 doit être communiqué à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. Mon amendement précise que cette communication s’effectue à sa demande.

Suivant l’avis favorable de la ministre, la commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 22 modifié.

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Chapitre IV
Dispositions relatives aux opérations, à la coopération et à lentraînement des forces

Article 23
(art. L. 2381-1 du code de la défense)
Prélèvements biologiques en opérations

L’article 23 vise à compléter le régime encadrant les prélèvements biologiques réalisés par les militaires en opération extérieure afin de l’adapter aux nouvelles modalités des conflits dans lesquels les forces armées françaises sont engagées.

1. Le régime actuel encadrant les prélèvements biologiques réalisés par les militaires en opération extérieure

En application de l’article L. 2381-1 du code de la défense, les militaires mobilisés dans le cadre d’opérations extérieures sont fondés, sous certaines conditions, à procéder à des opérations de relevés signalétiques ainsi qu’à des prélèvements biologiques.

Les personnels autorisés à effectuer de telles opérations sont, d’une part, les membres des forces armées et, d’autre part, les membres des formations rattachées, lesquelles comprennent « les services exerçant des attributions spécifiques nécessaires à laccomplissement des missions des forces armées » ([177]). Les services concernés sont : le contrôle général des armées, la direction générale de l’armement, le service d’infrastructures de la défense, le service de la justice militaire et les affaires maritimes ([178]).

En fonction des finalités poursuivies, les opérations de relevés signalétiques ([179]) et de prélèvements biologiques ([180]) peuvent être réalisées dans deux hypothèses :

– sur des personnes décédées lors d’actions de combat ou des personnes capturées par les forces armées, aux fins d’établir leur identité – dès lors que celle-ci est inconnue ou incertaine – ou leur participation antérieure aux hostilités ([181]) ;

– sur les personnels civils recrutés localement sur le théâtre d’opérations et sur les personnes accédant à une zone protégée ou placée sous le contrôle des forces armées françaises, afin de vérifier leur identité et leurs antécédents ([182]). De telles dispositions permettent d’effectuer un légitime filtrage des tiers.

C’est le premier volet de ce régime que l’article 23 du présent projet de loi propose de compléter, en élargissant le champ des personnes potentiellement concernées par ces opérations et prélèvements.

2. La nécessité d’adapter le dispositif à la nouvelle physionomie des conflits

a. Les modifications proposées

Les alinéas 1 à 3 de l’article 23 ajoutent ainsi une troisième catégorie de personnes au-delà des personnes décédées et des personnes capturées : celles « dont il existe des raisons précises et sérieuses de penser quelles présentent une menace pour la sécurité des forces ou des populations civiles ». L’étude d’impact annexée au présent projet de loi fournit des exemples de situations opérationnelles dans lesquelles des relevés ou des prélèvements pourraient être opérés. Ainsi lors de la découverte d’une cache d’armes ou d’un laboratoire de fabrication d’engins explosifs improvisés (EEI ou IED pour Improvised Explosive Device) : de telles mesures pourraient être effectuées sur les personnes présentes sur les lieux.

Les alinéas 4 et 5 précisent que, pour cette nouvelle catégorie de personnes, les prélèvements biologiques seront limités aux seuls prélèvements salivaires, à l’exclusion de tout autre type de prélèvement plus intrusif (prélèvement sanguin par exemple). Par ailleurs, elles pourront également être soumises à des relevés signalétiques ([183])

Enfin les alinéas 6 et 7 prévoient une obligation d’information préalable des personnes qui seraient soumises à de tels relevés et prélèvements en application des nouvelles dispositions. Devront ainsi leur être précisés tant les motifs que les finalités de ces opérations. Fort logiquement, une telle obligation n’existe pas sous l’empire du droit en vigueur dès lors que les personnes actuellement concernées par son application sont décédées, soit ont fait l’objet d’une capture par les forces armées, le régime relatif à la capture disposant d’un encadrement juridique spécifique et complet par ailleurs ([184]).

En pratique, la mise en œuvre du dispositif sur le terrain sera déclinée dans les règles opérationnelles d’engagement ([185]). Les prélèvements seront effectués par des militaires habilités et dont la formation sera assurée par la direction du renseignement militaire.

Deux cas de figure peuvent être distingués :

– soit les prélèvements seront prévus ab initio dans le cadre d’une opération planifiée (exemple : opération visant d’une cache d’armes ayant fait l’objet d’un repérage préalable) ;

– soit les prélèvements pourront être réalisés d’initiative, au cas par cas, en fonction de la situation et des nécessités opérationnelles (exemple : contrôle de personnes dont les forces pourraient penser qu’elles sont impliquées dans l’explosion d’un IED).

Les données collectées dans le cadre de tels prélèvements alimenteront le fichier BIOPEX ([186]). Elles pourront, le cas échéant être comparées à d’autres éléments contenus dans des recueils relatifs à des « objets inertes » (véhicules, engins explosifs notamment), dans lesquels sont susceptibles de figurer des données recueillies sur de tels objets, telles que des empreintes ou des traces biologiques. De telles comparaisons permettront d’améliorer la connaissance qu’ont les forces armées du terrain, d’améliorer la réponse opérationnelle et de contribuer à leur protection comme à celle des populations civiles.

b. Une réponse à une nécessité opérationnelle

● Le dispositif ne permettra naturellement pas aux armées d’effectuer un « fichage massif » de leur environnement en opérations – ce que, par ailleurs, elles ne demandent pas –, comme certaines armées alliées ont pu le faire par le passé. Il vise à adapter le mode d’action des forces à la physionomie des conflits d’aujourd’hui, et probablement de demain, qui voient l’ennemi se fondre au sein des populations et recourir à des modes d’actions non « conventionnels » (harcèlement, utilisation d’IED, etc.). Les dispositions proposées doivent ainsi permettre une identification précise de l’ennemi, et l’établissement d’une « cartographie » des menaces pesant tant sur les forces armées que sur les populations civiles. D’après les informations recueillies par le rapporteur, il convient par ailleurs de préciser que les armées françaises ne sont pas aussi avancées que d’autres armées alliées en matière de prélèvements biologiques effectués en opérations.

● Ainsi que l’a relevé le Conseil d’État à l’occasion de l’avis rendu sur le projet de loi ([187]), le dispositif proposé répond aux exigences découlant des normes internes (conformité à la Constitution notamment) comme aux principes conventionnels (conventions et protocoles relatifs aux conflits armés non internationaux précités notamment).

Il respecte aussi pleinement les critères établis par la Cour européenne des droits de l’homme qui, dans le cadre d’une prétention à l’extraterritorialité pour l’application de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, estime que la collecte de données personnelles doit, pour ne pas contrevenir à l’article 8 de la Convention protégeant le droit à la vie privée, poursuivre un but légitime et présenter un caractère proportionné au regard de la poursuite d’un tel but.

Tel est le cas en l’espèce puisque :

– le nouveau régime est prévu par la loi ;

– il poursuit un but légitime : aider les armées à mieux identifier la présence de l’ennemi en OPEX et protéger tant les forces armées que les populations civiles de tout acte malveillant ;

– il est proportionné car assorti de garanties : seuls les prélèvements les moins intrusifs sont autorisés ; les personnes concernées devront être préalablement informées des motifs et finalités des opérations réalisées ; enfin, le nouveau dispositif ne s’appliquera que dans le cadre des opérations menées en dehors du territoire national, dans les zones de conflit.

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La commission est saisie de l’amendement DN226 de M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud. Nous demandons la suppression de l’article 23, car le fichier BIOPEX nous pose un problème d’ordre éthique. Le Gouvernement souhaite étendre la possibilité de réaliser des prélèvements d’ADN au-delà des personnes décédées lors d’actions de combat ou capturées par les forces armées en incluant désormais les « personnes dont il existe des raisons précises et sérieuses de penser qu’elles présentent une menace pour la sécurité des forces ou des populations civiles », ce qui nous paraît beaucoup trop large et susceptible d’entraîner une confusion entre le rôle des forces armées et les missions de police sur les théâtres d’opérations extérieures.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Avis défavorable. L’article 23 n’a pas pour objet d’alimenter le fichier BIOPEX, mais de mieux protéger nos soldats engagés dans des opérations extérieures et les populations des régions concernées. Par ailleurs, le Conseil d’État a souligné que ce dispositif respecte les principes conventionnels s’imposant à nous – il s’inscrit en particulier dans le cadre résultant des stipulations relatives aux conflits armés non internationaux des conventions de Genève du 12 août 1949 et du protocole additionnel du 8 juin 1977.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Mon avis est également défavorable. Il faut bien comprendre quel est l’objectif de l’article 23. À l’heure actuelle, les prélèvements biométriques sont exclusivement autorisés sur des personnes décédées ou capturées. Nous voulons que ces prélèvements, strictement salivaires, et d’aucune autre nature, puissent désormais être réalisés sur des personnes « dont il existe des raisons précises et sérieuses de penser qu’elles présentent une menace pour la sécurité des forces et des populations civiles », comme vous l’avez rappelé.

Concrètement, lorsqu’un engin explosif improvisé a été utilisé et que des personnes rôdent autour du site, nous ne pouvons pas procéder à des opérations d’identification : on peut se désoler que ces personnes ne portent généralement pas de carte d’identité, mais c’est la réalité. En vue de faciliter, par recoupements, l’établissement de liens entre l’explosion et les personnes se trouvant aux alentours, un prélèvement salivaire sera désormais possible. Ce ne sera pas seulement protecteur pour nos forces armées, mais aussi pour les populations civiles environnantes. J’ajoute que les garanties sont très importantes : les moyens utilisés sont, comme toujours, proportionnés à l’objectif opérationnel, qui n’est pas contestable, me semble-t-il, et cela sans remise en cause de la protection dont bénéficient les personnes concernées.

M. Loïc Kervran. Selon l’exposé sommaire de l’amendement présenté par notre collègue, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) n’aurait pas le moindre droit de regard sur de telles bases de données. En réalité, elle met en œuvre un droit d’accès indirect, qui a son importance, dans le cas des traitements dits « de souveraineté ».

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement DN190 de M. M’jid El Guerrab.

M. M’jid El Guerrab. Mon amendement vise à faire en sorte que cette nouvelle possibilité ne soit pas affranchie de tout contrôle, en particulier juridictionnel. Il y va du respect de la liberté d’aller et venir ainsi que du droit au respect de la vie privée que le Conseil constitutionnel considère comme des composantes essentielles de la liberté individuelle. Le droit à un recours effectif doit également être assuré. Même durant l’application de l’état d’urgence, entre 2015 et 2017, alors que notre pays connaissait un état d’exception marqué par une légalité pour le moins particulière, le Conseil constitutionnel a censuré à plusieurs reprises des dispositions n’assurant pas une conciliation équilibrée entre, d’une part, le maintien de l’ordre et, d’autre part, le respect des droits et des libertés garantis par Constitution que je viens d’évoquer. C’est pourquoi je propose que les personnes concernées par ces prélèvements puissent saisir le juge administratif.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Si vous parlez bien de l’article 23, nous sommes dans le cadre d’opérations extérieures, et les militaires réalisant des prélèvements salivaires se trouvent donc en territoire étranger. Le juge administratif français ne peut pas intervenir : il n’a pas une compétence universelle.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement DN534 de la commission des Lois.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur pour avis de la commission des Lois. Afin de garantir la sécurité et l’efficacité des prélèvements, l’amendement précise qu’ils doivent être effectués par des personnels formés, entraînés et habilités à cet effet.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. J’ai eu l’occasion de creuser davantage la question à l’issue de nos débats d’hier, et je peux donc vous rassurer : les militaires procédant à ces prélèvements seront formés et entraînés par la direction du renseignement militaire (DRM) ; selon les informations dont je dispose, ils feront par ailleurs l’objet d’une habilitation. Mais Mme la ministre souhaite peut-être compléter mes propos.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Il ne nous paraît pas nécessaire de spécifier à nouveau ce qui sera fait, puisque les personnels seront formés. Par ailleurs, je ne voudrais pas qu’à l’inverse, au cas où un militaire habilité ne serait pas disponible, l’opération d’identification ne puisse pas avoir lieu. Il est donc nécessaire de s’en tenir au principe général qui vient d’être rappelé, c’est-à-dire que les militaires sont formés pour mener à bien cette opération. Mais il convient de garder une capacité d’appréciation et d’éviter que la loi entre dans ce degré de détail en ce qui concerne les modalités d’application de ce dispositif.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur pour avis de la commission des Lois. Merci pour ces précisions. Il n’empêche que c’est parce que ces militaires peuvent être formés, entraînés et habilités que nous avons proposé de l’inscrire dans la loi et non dans un décret d’application qui pourrait d’ailleurs ne pas être nécessairement public puisque cela concerne la sécurité.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Je suis défavorable à cet amendement. D’une manière générale, nos militaires sont formés et entraînés. Si nous le précisions pour cette seule mission, cela pourrait, a contrario, susciter certains doutes. Oui, nos militaires sont formés, pour cette mission comme pour d’autres.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle étudie l’amendement DN307 de M. Philippe Chalumeau.

M. Christophe Lejeune. Le présent amendement vise à informer, en complément des motifs et des finalités, les personnes mentionnées au 3° des conditions pratiques, sanitaires et de sécurité des prélèvements biologiques en opérations. Cette précision favorisera ainsi l’obtention de l’assentiment des personnes mentionnées au 3° lors de telles opérations.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je comprends bien votre souci, mais le mot « conditions » que vous souhaitez insérer à l’alinéa 7 ne me convient pas du tout. Je vous demande donc de retirer votre amendement et de proposer une nouvelle rédaction en séance publique en insérant le mot « modalités » plutôt que celui de « conditions ».

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Je me rallie à cette proposition.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement DN296 de M. Fabien Lainé.

M. Philippe Michel-Kleisbauer. L’article 23 introduit de nouvelles possibilités de prélèvements biologiques de la part des militaires en opérations extérieures. Il est donc question d’autoriser des prélèvements salivaires. Ceux-ci sont destinés à alimenter, comme l’a précisé Mme la ministre, la base de données du fichier BIOPEX dont la création remonte à l’été 2017.

Nous vous proposons d’accentuer l’effort de contrôle de ces données qui échappent à ce jour à la CNIL tout en étant suivi par la direction du renseignement militaire.

L’amendement du groupe Mouvement démocrate et apparentés vise à s’appuyer sur la Délégation parlementaire au renseignement (DPR), dont l’action est couverte par le secret défense. Ainsi, un rapport annuel pourrait lui être présenté chaque année, pour faire le point à la fois sur le contenu du fichier et son utilisation, ce qui nous permettrait de répondre à un besoin de transparence, certes relatif mais réel.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je comprends votre souci, mais je vous rappelle que la DPR a toute possibilité d’auditionner le directeur du renseignement militaire (DRM) sur tout sujet. Cette solution est plus simple que celle consistant à faire rédiger un rapport.

Je vous propose de retirer cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Les chefs militaires sont en effet à la disposition de la représentation nationale pour lui rendre compte, chaque fois que celle-ci le désire. Mais on ne peut pas formuler, dans le cadre de rapports circonstanciés, l’ensemble des opérations qui sont menées au jour le jour.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 23 sans modification.

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*     *

Article 24
(art. 689-5, 689-6, 689-14 [nouveau] du code de procédure pénale)
Extension du champ de la compétence quasi-universelle des juridictions françaises

L’article 24 du projet de loi modifie le code de procédure pénale afin de tirer les conséquences de la ratification de certains protocoles et conventions sur la compétence des juridictions françaises à traiter certains délits et infractions. Il étend ainsi le champ de la compétence quasi-universelle de juridiction reconnue, dans certains cas, aux juridictions nationales.

1. Rappels sur la notion de compétence quasi-universelle de juridiction

Par principe, la compétence des juridictions françaises à poursuivre et juger une infraction est territorialement limitée puisqu’elle se fonde sur les critères suivants : l’infraction a été commise sur le territoire de la République ; l’auteur ou la victime ont la nationalité française.

Toutefois, dans certaines hypothèses et afin de permettre d’assurer de manière effective le respect des instruments de droit international auxquels la France est partie, une dérogation aux règles habituelles de compétence des juridictions françaises est prévue, à laquelle il est fait référence sous l’expression de « compétence universelle de juridiction ».

En droit interne, la compétence universelle de juridiction est régie par les articles 689 et suivants du code de procédure pénale. Plus précisément et en réalité, la compétence des juridictions françaises à juger d’infractions commises hors du territoire est qualifiée de « quasi-universelle » car son application est soumise à deux conditions :

– elle ne peut procéder que d’une convention internationale et est donc limitée par la nécessité d’introduire, dans le droit interne, les conventions reconnaissant une telle compétence aux juges nationaux ;

– elle ne peut s’exercer que dès lors que l’auteur présumé de l’infraction poursuivie « se trouve en France », ainsi qu’en dispose l’article 689-1 du code de procédure pénale. Une telle exigence exclut donc l’engagement de poursuites en l’absence de l’intéressé du territoire national.

L’article 24 du présent projet de loi étend la compétence quasi universelle des juridictions françaises à de nouvelles infractions, afin de tenir compte de la révision en ce sens ou de la conclusion d’un certain nombre de conventions et protocoles régulièrement ratifiés par la France.

2. Ladaptation du droit national suite à la révision de la convention de Rome pour la répression dactes illicites contre la sécurité maritime et de son protocole relatif à la répression dactes illicites contre la sécurité des plates-formes fixes situées sur le plateau continental

● Face à la recrudescence des actes de terrorisme maritime ([188]), la convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime, dite convention SUA (Suppression of Unlawful Acts) fut adoptée à Rome en 1988.

Après les attentats du 11 septembre 2001, il est apparu nécessaire de  compléter la liste des actes illicites prévus par cette convention afin :

– d’y intégrer le mobile terroriste ;

– d’y mentionner le transport et l’usage des matières et équipements proliférants, c’est-à-dire nucléaires, bactériologiques et chimiques ;

– et de créer une procédure d’arraisonnement par un État autre que celui du pavillon.

Par ailleurs, il fut également décidé d’actualiser le protocole de 1988 spécifique aux plates-formes fixées sur le plateau continental, dit protocole SUA 1988, au motif que de telles infrastructures présentent des vulnérabilités similaires à celles des navires.

Tel fut l’objet des travaux menés sous l’égide de l’Organisation maritime internationale (OMI) et qui aboutirent aux deux protocoles établis à Londres le 14 octobre 2005 : le protocole relatif à la convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime ; le protocole pour la répression d’actes illicites contre la sécurité des plates-formes fixées sur le plateau continental. Tous deux ont été signés par la France le 14 février 2006 et sont entrés en vigueur le 28 juillet 2010. Leur ratification a été autorisée par la loi n° 2017-1576 du 17 novembre 2017 ([189]).

● En l’état du droit, prévu aux articles 689-1 et 689-5 du code de procédure pénale, les juridictions françaises sont compétentes pour poursuivre et juger toute personne se trouvant en France et qui se serait rendue coupable, hors du territoire de la République, des infractions prévues par la convention SUA et par le protocole SUA 1988. Ces infractions sont prévues aux alinéas 2 à 4 de l’article 689-5 précité.

La révision de la convention SUA et du protocole SUA 1988 par les protocoles de Londres s’est notamment traduite par l’ajout de nouvelles infractions. La France ayant ratifié les instruments ainsi révisés, il convient d’en tirer les conséquences en complétant la liste des infractions susceptibles d’être jugées et poursuivies sur le fondement de l’article 689-5 du code de procédure pénale. Tel est l’objet des alinéas 2 à 11 du présent article.

Lalinéa 4 actualise les références pertinentes en mentionnant expressément cette révision à l’alinéa premier de l’article 689-5 précité. Il permet ainsi de mettre à jour le fondement juridique sur la base duquel les infractions pourront dorénavant être poursuivies et jugées.

Les alinéas 5 à 7 complètent en conséquence la liste de ces infractions afin de mettre le droit national en conformité avec les stipulations de la convention et du protocole révisés, lalinéa 8 procédant à une simple coordination tenant compte de cet ajout.

Seront de ce fait punissables les nouvelles incriminations :

– liées au régime encadrant les activités dans le domaine des matières et installations nucléaires ([190]), par exemple : l’importation, l’exportation l’élaboration, la détention, le transfert, l’utilisation ou le transport de matières nucléaires sans autorisation ou déclaration ;

– liées au régime relatif à l’interdiction des armes biologiques ou à base de toxines ([191]), par exemple : l’interdiction de mettre au point, fabriquer, détenir, stocker, transporter, acquérir, céder, importer, exporter, mener des activités de commerce ou de courtage des agents microbiologiques, des autres agents biologiques et des toxines biologiques ;

– liées au régime applicable aux armes chimiques ([192]), par exemple : l’interdiction de l’emploi d’armes chimiques, de fabrication d’armes chimiques, de munitions chimiques non remplies et de matériels destinés à l’emploi d’armes chimiques ; 

– liées au régime relatif aux explosifs ([193]), par exemple : la fabrication, sans autorisation, d’un engin explosif ou incendiaire ou d’un produit explosif ;

– prévues par l’article 414 du code des douanes, soit les faits de contrebande ou les opérations d’importation ou d’exportation sans déclaration de marchandises prohibées, en l’espèce les armes visées par la convention et le protocole révisés.

Enfin, dans le même esprit de mise en conformité du droit national avec le droit conventionnel régulièrement ratifié, les alinéas 9 à 11 complètent la liste des délits punissables en application de la convention et du protocole révisés, soit :

– le délit de participation à une association de malfaiteurs, lorsqu’il a pour objet un crime ou un délit mentionné dans la liste des infractions telle que complétée par le présent article (alinéa 10) ;

– le délit de « recel de malfaiteur », qui consiste à porter assistance à l’auteur ou au complice d’un crime ou d’un acte de terrorisme puni d’au moins dix ans d’emprisonnement ([194]) en lui fournissant un logement, un lieu de retraite, des subsides, des moyens d’existence ou tout autre moyen de la soustraire aux recherches ou à l’arrestation (alinéa 11).

Suite aux modifications opérées par le présent article, le droit français sera donc en conformité avec les exigences des protocoles de Londres à deux exceptions près qui ont fait l’objet de réserves qui ne portent toutefois pas atteinte aux obligations conventionnelles de la France.

La première concerne les menaces de violence ([195]) qui, en droit français sont  une contravention de 3e classe punie d’une peine d’amende de 350 euros et non un délit. Il serait donc excessif de prévoir une application du processus de compétence quasi universelle des juridictions françaises dans ce domaine.

La seconde concerne le recel de malfaiteurs d’un délit autre que terroriste. En effet, le droit pénal français ne réprime que le recel de l’auteur d’un délit terroriste ([196]). Il prévoit en outre des immunités familiales. Ces particularités du droit interne nécessitent d’être conservées dès lors que les infractions les plus graves, c’est-à-dire le recel d’auteurs de crimes et le recel d’auteurs de délits terroristes, sont bien incriminées conformément aux exigences du protocole de Londres.

3. Ladaptation du droit national suite à la ratification du protocole complémentaire à la Convention de La Haye pour la répression de la capture illicite daéronefs et de la Convention de Pékin sur la répression des actes illicites dirigés contre laviation civile internationale

 À la suite des attentats du 11 septembre 2001 et comme l’OMI dans le domaine maritime, l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) a mené des travaux visant à renforcer les dispositions des conventions existantes, à savoir la convention pour la répression de la capture illicite d’aéronefs, signée à La Haye le 16 décembre 1970 (ci-après « convention de La Haye »), et la convention sur la répression des actes illicites dirigés contre l’aviation civile internationale, signée à Montréal le 23 septembre 1971 (ci-après « convention de Montréal).

Il s’agissait d’élargir le champ des poursuites possibles sur le fondement de ces deux conventions en y attrayant les actes liés au terrorisme ainsi qu’à la prolifération des armes de destruction massive et des matériels connexes.

● Le 10 septembre 2010, sous l’égide de l’OACI, une conférence diplomatique organisée à Pékin a adopté par consensus un protocole complémentaire à la convention de La Haye, ainsi qu’une nouvelle convention – dite convention de Pékin – se substituant à la convention de Montréal.

La convention de Pékin vise à renforcer les dispositions initialement prévues par la convention de Montréal eu égard aux nouvelles menaces qui pèsent sur l’aviation civile internationale. Elle prévoit ainsi de nouvelles incriminations visant la prolifération nucléaire, radiologique, chimique, biologique et balistique par voie aérienne.

Le protocole de Pékin vise, dans le même but, à compléter et renforcer les dispositions de la convention de La Haye.

La France a signé les deux textes le 15 avril 2011, leur ratification ayant été autorisée par la loi n° 2016-1323 ([197]). Le protocole de Pékin étant entré en vigueur le 1er janvier 2018 et la convention de Pékin devant quant à elle prochainement entrer en vigueur ([198]), il convient d’adapter le droit national aux nouvelles exigences conventionnelles.

De fait, les alinéas 12 à 17 de l’article 25 procèdent de la même philosophie que les précédents, à savoir :

– l’actualisation des références juridiques applicables ;

– la mise à jour, en conséquence, des infractions pouvant faire l’objet de poursuites pénales sur la base de ces fondements juridiques actualisés.

● L’article 689-6 du code de procédure pénale permet actuellement aux juridictions françaises, dans les conditions prévues par l’article 689-1 du même code ([199]), de poursuivre et de juger les auteurs d’infractions à la convention de La Haye et à la convention de Montréal.

En l’état du droit, sont susceptibles de faire l’objet de poursuite les personnes se rendant coupables des infractions suivantes :

– le détournement d’un aéronef non immatriculé en France et tout autre acte de violence dirigé contre les passagers ou l’équipage commis par l’auteur présumé du détournement, dès lors que ces actes de violence sont en relation directe avec l’infraction principale (1° de l’article 689-6 du code de procédure pénale) ;

– l’une des infractions prévues aux a, b et c du 1° de l’article 1er de la convention de Montréal, par exemple le fait de placer ou faire placer sur un aéronef en service un dispositif ou des substances propres à le détruire ou à l’endommager suffisamment pour le rendre inapte au vol ou compromettre sa sécurité en vol (2° de l’article 689-6 précité).

 Lalinéa 13 de l’article 24 actualise les références juridiques applicables en mentionnant expressément les conventions et protocole de Pékin à l’alinéa 1er de l’article 689-6 du code de procédure pénale.

Les alinéas 14 à 17 tirent les conséquences de cette actualisation en complétant la liste des infractions qu’il sera dorénavant possible de poursuivre dans les conditions prévues par l’article 689-1 du même code.

La liste actualisée comprendra les infractions suivantes :

– toute infraction concernant un aéronef non immatriculé en France prévue par l’article 1er de la convention de La Haye tel qu’issu de sa révision par le protocole de Pékin. À titre principal, est réputée commettre une infraction toute personne qui « illicitement et intentionnellement, sempare dun aéronef en service ou en exerce le contrôle par violence ou menace de violence, ou par contrainte, ou par toute autre forme dintimidation, ou par tout moyen technologique » ([200]). Sont également visées les infractions « connexes » ou « secondaires » à ces infractions « principales », par exemple le fait de menacer de commettre celles-ci, de tenter de les commettre ou d’y participer. Est par ailleurs maintenue l’infraction constituée par l’exercice de tout autre acte de violence dirigé contre les passagers ou l’équipage commis par l’auteur présumé de ces infractions, dès lors que de tels actes sont en relation directe avec celles-ci (alinéa 15) ;

– les infractions actuellement prévues au 2° de l’article 689-6 du code de procédure pénale ;

– toute infraction prévue par l’article 1er de la convention de Pékin qui en énumère 17 différentes, et dont certaines constituent une réponse directe aux attentats du 11-septembre 2001, par exemple le fait d’utiliser un aéronef en service dans le but de provoquer la mort ([201]) (alinéa 17).

4. Ladaptation du droit national pour lapplication de la convention de La Haye pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé et de son deuxième protocole

● Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et face à l’ampleur des destructions qui, au-delà des hommes et de leurs lieux de vie, avaient également durement affecté les éléments du patrimoine culturel des pays belligérants, des mesures de protection du patrimoine en cas de guerre furent élaborées. Elles trouvèrent leur concrétisation dans la convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, conclue à La Haye le 14 mai 1954 (ci-après « convention de la Haye »).

Les éléments dont la convention de La Haye a vocation à assurer la protection sont prévus à son article 1er qui donne une définition des « biens culturels », qu’ils soient meubles ou immeubles, y compris les lieux de conservation ou d’exposition de tels biens (musées, grandes bibliothèques, dépôts d’archives, etc.) et les « centres monumentaux » ([202]).

● Toutefois le changement de physionomie des conflits de la fin du XXe siècle a conduit à constater l’inadaptation de la convention aux nouvelles formes d’affrontement. En effet, prévue pour s’appliquer au modèle de conflits armés de l’époque de sa conclusion, soit les conflits armés internationaux, elle ne trouvait en revanche pas à s’appliquer aux conflits armés non internationaux, qui se sont multipliés depuis la fin des années 1980. C’est pour améliorer la protection des biens culturels dans le cadre de tels affrontements qu’un processus de réexamen de la convention fut initié en 1991, qui a conduit à l’adoption du deuxième protocole relatif à la convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, signé à La Haye le 26 mars 1999 (ci-après « protocole de La Haye »).

La loi n° 2017-226 ([203]) a autorisé l’adhésion de la France à ce protocole, lequel est entré en vigueur, pour ce qui concerne la France, le 20 juin 2017.

● C’est pour tenir compte de cette adhésion et de cette entrée en vigueur que les alinéas 18 et 19 procèdent à l’adaptation du droit national, afin de mettre à jour tant les bases juridiques applicables que la liste des infractions susceptibles d’être poursuivies sur ces nouveaux fondements. Pour ce faire, ils introduisent un nouveau chef de compétence quasi universelle des juridictions françaises pour juger les auteurs des infractions prévues par le protocole.

Les alinéas précités introduisent un article 689-14 nouveau dans le code de procédure pénale. Cet article prévoit que les juridictions françaises peuvent poursuivre et juger, dans les conditions prévues à l’article 689-1 du même code, toute personne qui, de manière intentionnelle et en violation de la convention de la Haye, se serait rendue coupable des infractions visées aux a) à c) du paragraphe premier de l’article 15 du protocole de La Haye, dont les stipulations sont reproduites ci-après.

Les infractions datteintes aux biens culturels prévus par le protocole de La Haye ([204])

Article 15

Violations graves du présent Protocole

1. Commet une infraction au sens du présent Protocole toute personne qui, intentionnellement et en violation de la Convention ou du présent Protocole, accomplit l’un des actes ci-après :

a) faire d’un bien culturel sous protection renforcée l’objet d’une attaque ;

b) utiliser un bien culturel sous protection renforcée ou ses abords immédiats à l’appui d’une action militaire ;

c) détruire ou s’approprier sur une grande échelle des biens culturels protégés par la Convention et le présent Protocole ;

d) faire d’un bien culturel protégé par la Convention et le présent Protocole l’objet d’une attaque ;

e) le vol, le pillage ou le détournement de biens culturels protégés par la Convention, ou les actes de vandalisme dirigés contre des biens culturels protégés par la Convention.

● La France avait toutefois assorti son adhésion au protocole de La Haye d’une réserve d’interprétation, reprise dans les dispositions prévues par le nouvel article 689-14 du code de procédure pénale créé par l’article 24 du présent projet de loi.

L’article 16 du protocole oblige un État parti à se déclarer compétent pour poursuivre l’auteur d’une des infractions d’atteinte aux biens culturels, dès lors qu’il serait présent sur le territoire de l’État concerné, cette notion de « présence » sur le territoire national étant, ainsi qu’il a été rappelé, l’une des deux conditions à l’exercice de droit commun de la compétence quasi universelle de juridiction.

Le statut de Rome instituant la Cour pénale internationale (CPI) considère pour sa part que constitue un crime de guerre « le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des bâtiments consacrés à la religion, à lenseignement, à lart, à la science ou à laction caritative, des monuments historiques, des hôpitaux et des lieux où des malades ou des blessés sont rassemblés, à condition quils ne soient pas des objectifs militaires », tant dans le cadre d’un conflit armé international ([205]) que dans celui d’un conflit armé non international ([206]).

De fait, le statut de la CPI attrait dans son champ des infractions analogues à celles prévues par le protocole de La Haye. Or, le législateur a prévu un dispositif spécifique s’agissant de l’exercice de la compétence quasi universelle de juridiction dans le cadre d’infractions relevant de la CPI. Ce dispositif, codifié à l’article 689-11 du code de procédure pénale dispose ainsi expressément que les juridictions françaises peuvent poursuivre et juger toute personne qui se serait rendue coupable à l’étranger de l’un des crimes relevant de la compétence de la CPI, et « qui réside habituellement » sur le territoire de la République – et non qui est simplement « présente » sur ce territoire, comme le prévoient le protocole et le « droit commun » de la compétence quasi universelle de juridiction.

Aussi, en prévoyant un critère d’application plus large que celui de « résidence habituelle », le protocole de La Haye aurait conféré au juge national une compétence elle aussi plus large que celle prévue par l’article 689-11 du code de procédure pénale pour poursuivre et juger des infractions pourtant similaires.

Afin d’assurer la cohérence de son ordre juridique, la France a donc assorti son adhésion d’une réserve d’interprétation substituant à la notion de « présence » la notion de « résidence habituelle » et confiant, en cohérence là encore avec l’article 689-11 précité, le monopole des poursuites des infractions concernées au ministère public.

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La commission adopte successivement les amendements rédactionnels DN437, DN434, DN438 et DN439 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 24 modifié.

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Après l’article 24

La commission examine l’amendement DN202 de M. Fabien Lainé.

M. Fabien Lainé. Cet amendement vise à établir un état des lieux de la stratégie française au regard de l’arsenalisation et de la densification de l’espace exo-atmosphérique dont dépendent de manière croissante nos activités militaires et civiles.

L’espace exo-atmosphérique, d’un point de vue militaire, est multidimensionnel en ce qu’il suppose à la fois des dispositifs pouvant avoir un effet de la terre vers l’espace – dispositifs d’aveuglement, de prise de contrôle ou de destruction –, de l’espace vers la terre – systèmes de géolocalisation, de capture d’information, voire d’armements espace terre – et de l’espace vers l’espace – technologies d’espionnage ou de neutralisation-destruction de satellites montés sur satellites notamment. Ce rapport permettrait ainsi un état des lieux des risques et potentialités offerts par cet environnement en vue de déterminer une position pour la défense et l’industrie française dans l’investissement de cet environnement.

Comme nous avons déjà abordé cette question hier, vous savez quels sont les enjeux.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Nous connaissons les enjeux et vous savez quelle est ma réponse. Je ne suis pas très favorable à la remise d’un rapport. Cela dit, notre commission peut très bien se saisir de ce dossier.

Avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis.

M. Fabien Lainé. Je retire l’amendement, mais nous avons hâte de pouvoir aborder cette question.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Nous en rediscuterons car c’est en effet un véritable enjeu.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement DN308 de M. Philippe Chalumeau.

M. Didier Le Gac. Le présent amendement apporte les précisions nécessaires pour faire explicitement apparaître dans la législation nationale que les missions civiles et militaires de la gendarmerie s’exercent également, au-delà de la mer territoriale, à bord des navires battant pavillon français.

Depuis le 1er août 2016, le Premier ministre peut confier à la marine nationale des missions à bord des bateaux. Les gendarmes maritimes sont régulièrement déployés à bord des navires, assurant des liaisons entre la France métropolitaine et la Grande-Bretagne notamment, mais aussi ailleurs. Les missions de police qui sont exécutées par la gendarmerie maritime sont prévues à l’article L. 421-1 du code de la sécurité intérieure et celles relatives aux missions militaires à l’article L. 3211-3 du code de la défense.

La rédaction actuelle de ces deux articles ne prévoit cependant pas explicitement la possibilité de déployer des gendarmes sur des navires battant pavillon français.

Deux hypothèses existent : soit ils exercent leur activité, leur mission sur le territoire, soit à l’extérieur du territoire national, cette seconde hypothèse n’existant qu’en application d’accords internationaux – il y a notamment de nombreux accords entre la France et la Grande-Bretagne.

Il existe cependant un lieu sur lequel le Gouvernement français peut décider de déployer des gendarmes sans avoir à en définir avec un autre État les conditions, lieu qui n’est ni le territoire national, ni un territoire étranger : c’est à bord d’un navire français.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. C’est-à-dire en haute mer.

Avis favorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Nous pourrions peut-être encore préciser un peu le dispositif. Je suis prête à vous faire quelques suggestions complémentaires d’ici à l’examen du texte en séance publique.

La commission adopte l’amendement.

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Article 24 bis (nouveau)
Exercice des missions de la gendarmerie à bord des navires battant pavillon français

À l’initiative des membres du groupe La République en Marche, la commission a adopté un amendement prévoyant expressément que les missions civiles et militaires de la gendarmerie nationale s’exercent également, au-delà de la mer territoriale, sur les navires battants pavillon français, qu’il s’agisse de bâtiments de l’État ou de navires à passagers.

Le dispositif retenu modifie en ce sens :

– l’article L. 3211-3 du code de la défense, relatif aux missions militaires de la gendarmerie nationale ;

– et l’article L. 421-1 du code de la sécurité intérieure, relatif aux missions de police – administrative ou judiciaires – conduites par la gendarmerie.

Il s’agit de sécuriser juridiquement la possibilité de déployer des gendarmes sur des navires battants pavillon français, afin d’en assurer la protection et celle de leurs passagers, en particulier dans le cadre de la création des équipes de protection des navires à passagers (EPNAP) associant gendarmes maritimes et fusiliers-marins, constituées depuis le 1er août 2016.

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Chapitre V
Dispositions relatives au droit de larmement

Article 25
(art. L. 2331-1, L. 2332-1, L. 2335-3, L. 2335-18, L. 2339-2 du code de la défense)
Adaptation du droit de larmement aux évolutions économiques du secteur et au droit de lUnion européenne

L’article 25 comprend un certain nombre dispositions techniques relatives au droit de l’armement, relevant de trois domaines distincts.

1. Lextension de lapplication du régime européen des transferts de produits liés à la défense aux flux darmement à destination ou en provenance dIslande ou de Norvège

Les alinéas 2, 3 et 25 à 27 de l’article 25 étendent à l’Islande et la Norvège les règles applicables aux transferts de produits de défense à destination ou en provenance d’États membres de l’Union européenne, issues de la transposition de la directive 2009/43/CE du 6 mai 2009 ([207]). Ces dispositions ont été transposées dans le droit national et codifiées aux articles L. 2335-8 à L. 2335-18 du code de la défense.

Une telle extension résulte de l’application croisée :

– de l’article 9 du règlement (CE) n° 2894/94 ([208]), qui oblige les États membres à prendre « les mesures éventuellement nécessaires pour assurer la mise en œuvre des obligations qui découlent pour la Communauté [dorénavant lUnion] de laccord EEE ([209]) » ;

– de la décision n° 111/2013 du comité mixte de l’EEE 14 juin 2013 ([210]) qui a intégré la directive 2009/43/CE précitée dans le corpus des règles applicables à l’ensemble des États parties à l’EEE, à l’exclusion du Lichtenstein, soit l’Islande et la Norvège.

Les alinéas 2 et 3 modifient le chapitre premier du titre III du livre III de la partie du code de la défense ([211]) en ajoutant un alinéa de principe à l’article L. 2331-1 du même code prévoyant que : « Les dispositions relatives aux importations, aux exportations et aux transferts à destination ou en provenance des États membres de lUnion européenne sont applicables à lIslande et à la Norvège. »

Les alinéas 25 à 27 visent à préciser que les nouvelles dispositions ne valent que pour l’avenir afin d’éviter une application rétroactive du nouveau régime aux autorisations de transferts accordées antérieurement à l’entrée en vigueur de la future loi de programmation militaire, qu’il s’agisse :

– des autorisations d’exportation à destination de l’Islande et de la Norvège (alinéa 26) ;

 et des autorisations d’importation en provenance de ces deux pays (alinéa 27).

Ces autorisations conserveront donc leur validité jusqu’à leur terme. S’agissant des importations, sont actuellement valables les autorisations délivrées depuis 2015, soit 40 autorisations, qui toutes concernent la Norvège. S’agissant des exportations, sont actuellement valables deux licences à destination de l’Islande et 144 licences à destination de la Norvège.

D’après l’étude d’impact annexée au projet de loi, les nouvelles dispositions n’auront qu’un impact modeste compte tenu du nombre restreint de transferts à destination ou en provenance des deux pays concernés. Ainsi, s’agissant de la Norvège, 38 licences d’exportation ont été accordées en 2016, 33 au titre de 2017 et trois au titre de 2018. Concernant l’Islande, une seule licence a été accordée en 2016 et aucune n’a été accordée depuis.

2. Lextension du périmètre des autorisations de fabrication et de commerce des armes et des matériels de guerre

● L’article L. 2332-1 encadre l’activité des entreprises de fabrication et de commerce d’armes, de matériels de guerre et de munitions relevant des catégories A et B ([212]) en prévoyant qu’une telle activité – ainsi que celle des intermédiaires ou agents de publicité – ne peut s’exercer qu’après autorisation préalable de l’État et sous son contrôle.

Les 2°, 3°, 5° et 6° du présent article 25 visent, en substance, à étendre le champ de ce régime en y incluant de nouvelles activités commerciales, en l’espèce les prestations de services fondées sur l’utilisation ou l’exploitation de matériels de guerre ([213]). Les alinéas 4 à 7 procèdent à la modification en ce sens de l’article L. 2332-1 précité. Une telle modification entraîne par ailleurs logiquement des coordinations s’agissant du régime d’exportation (alinéas 8 à 10) et du régime de sanctions applicables en cas de méconnaissance des dispositions légales (alinéas 21 à 24).

 Lalinéa 6 prévoit ainsi que les entreprises qui utilisent ou exploitent certains matériels de guerre et assimilés ([214]) dans le cadre des services qu’elles fournissent seront soumises aux actuelles dispositions de droit commun pour l’exercice et le contrôle de leur activité. D’après l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, seraient par exemple visées les activités de sous-traitance liées au stockage ou au transport de certains matériels de guerre, ou encore la transmission de savoir-faire opérationnels.

Le même alinéa 6 ajoute par ailleurs une référence aux « éléments » relevant des catégories A et B afin d’harmoniser la rédaction de l’article L. 2332-1 du code de la défense avec celle de l’article L. 2331-1 du même code. Il permet ainsi de mettre en cohérence les rédactions retenues entre, d’une part, le régime relatif à l’autorisation de fabrication et de commerce de ces matériels (article L. 2332-1 du code de la défense) et, d’autre part, le régime relatif à l’autorisation préalable nécessaire à leur exportation (V de l’article L. 2335-3 du même code, modifié par les alinéas 8 à 10 du présent article). De fait, la délivrance d’une licence d’exportation suppose au préalable que l’exportateur soit titulaire d’une autorisation de fabrication et de commerce des matériels concernés.

Lalinéa 7 complète le II de l’article L. 2332-1 du code de la défense pour étendre le champ de l’obligation de la déclaration préalable au préfet territorialement compétent, qui s’appliquera donc logiquement aussi à toute personne souhaitant créer ou utiliser un établissement pour fournir le même type de services que ceux mentionnés à l’alinéa précédent.

 Les alinéas 8 à 10 opèrent des coordinations afin d’inclure ces mêmes services dans le champ de l’article L. 2335-3 du code de la défense relatif au régime d’exportation des matériels et guerre et assimilés hors du territoire de l’Union européenne.

 Lalinéa 21 procède à une coordination à l’article L. 2339-2 du code de la défense relatif aux sanctions pénales applicables en cas de méconnaissance des obligations posées par L. 2332-1 du même code. Dès lors que, en vertu des alinéas 7 et 8, cet article encadrera l’activité de fourniture de services fondés sur l’utilisation ou l’exploitation de matériels de guerre et assimilés, il est normal que les mêmes sanctions s’appliquent à toute personne qui se livrerait à une telle activité en méconnaissance du cadre légal ([215]).

Lalinéa 24 opère une coordination de même objet au sein de l’article L. 2339-4-1 du code de la défense s’agissant des sanctions applicables en cas de défaut de tenue du registre spécial dans lequel devront être enregistrées les prestations de services fondées sur l’utilisation ou l’exploitation de matériels de guerre et assimilés ([216]).

Lalinéa 23 supprime, au même article, la référence aux « armes et munitions » afin d’étendre le champ de ces mêmes sanctions aux activités couvrant l’ensemble des produits dorénavant visés par la nouvelle rédaction de l’article L. 2332-1 du code de la défense telle que prévue par l’alinéa 6 du présent article (soit la fabrication ou le commerce « de matériels de guerre, armes, munitions et leurs éléments relevant des catégories A et B mentionnées à larticle L. 2331-1 » et non des seules « armes et munitions »).

3. Lactualisation du régime de contrôle des transferts au sein de lUnion européenne de certains matériels sensibles soumis à une procédure spécifique.

● Au-delà des matériels militaires stricto sensu dont le régime de contrôle des transferts ([217]) est expressément encadré par le droit de l’Union européenne – transposé en droit interne ([218]) –, la France a fait le choix d’inclure dans le champ de ce régime certains matériels sensibles. Un tel encadrement s’explique aisément par la nécessité d’assurer la protection de certains moyens stratégiques et de permettre la maîtrise de certaines technologies.

Ce régime spécifique est prévu à l’article L. 2335-18 du code de la défense qui soumet au contrôle de l’État, via la délivrance d’une autorisation préalable, le transfert d’un certain nombre de matériels et équipements : satellites, véhicules spatiaux, moteurs et systèmes de propulsion, fusées et lanceurs spatiaux, etc.

● Il apparaît toutefois nécessaire de modifier la rédaction actuelle de l’article L. 2335-18 précité afin qu’il puisse s’appliquer effectivement à l’ensemble des matériels sensibles potentiellement susceptibles de faire l’objet de transferts. Tel est l’objet des alinéas 11 à 19 du présent article qui ajoutent un certain nombre d’éléments à la liste des matériels soumis à ce régime spécifique de contrôle.

Sans détailler l’ensemble des modifications apportées on peut, à titre d’exemple, souligner qu’au-delà des seuls satellites de détection ou d’observation actuellement mentionnés, seront dorénavant couverts par le dispositif les satellites de renseignement ou de télécommunication, de même que les sous-ensembles relatifs à ces différents équipements satellitaires.

En outre, on relèvera que l’alinéa 19 introduit une nouvelle catégorie d’éléments qui seront soumis à ce régime particulier. Au-delà des seuls matériels, il vise à inclure dans ce champ du contrôle des transferts les prestations de nature intellectuelle, à savoir « les connaissances requises pour le développement, la production ou lutilisation » de ces matériels sensibles, « transmises sous la forme de documentation ou dassistance techniques ».

● Lalinéa 20 vise à corriger une omission de référence afin de permettre l’application, dans un certain nombre de cas limitativement énumérés, d’une dérogation à l’obligation d’autorisation préalable de transfert. Une telle dérogation, prévue à l’article L. 2335-11 du code de la défense, est par exemple applicable lorsque le transfert est nécessaire pour la mise en œuvre d’un programme de coopération en matière d’armements entre États membres de l’Union européenne, ou encore lorsqu’il est lié à l’aide humanitaire en cas de catastrophe, ou réalisé en tant que don dans le contexte d’une situation d’urgence.

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La commission adopte successivement les amendements rédactionnels DN440, DN441, DN442, DN443 et DN444 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 25 modifié.

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Chapitre VI
Dispositions immobilières et financières

Section 1
Dispositions relatives aux marchés de défense ou de sécurité

Article 26
(art. 6 et 47 de lordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics)
Adjudication de marchés de défense ou de sécurité
par certains établissements publics de lÉtat
et conditions pour soumissionner à ces marchés

Cet article a pour objet principal, comme le dit l’étude d’impact, de corriger certaines « surtranspositions » de directives européennes opérées dans le droit des marchés de défense et de sécurité par les articles 6 et 47 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics.

1. Adjudication de marchés de défense et de sécurité par certains établissements publics industriels et commerciaux de lÉtat

La directive 2009/81/CE du Parlement européen et du Conseil en date du 13 juillet 2009 relative à la coordination des procédures de passation de certains marchés de travaux, de fournitures et de services par des pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices dans les domaines de la défense et de la sécurité, par un renvoi à aux directives 2004/18/CE et 2004/17/CE, reconnaît la possibilité d’agir en « pouvoir adjudicateur » ou « entité adjudicatrice » de marchés publics de défense ou de sécurité à des « organismes de droit public » répondant aux conditions cumulatives suivantes :

‒ avoir été créés « pour satisfaire spécifiquement des besoins dintérêt général ayant un caractère autre quindustriel ou commercial » ;

‒ posséder la personnalité juridique ;

‒ présenter soit une activité « financée majoritairement par lÉtat, les collectivités territoriales ou dautres organismes de droit public », soit une « gestion est soumise à un contrôle par ces derniers », soit encore un « organe dadministration, de direction ou de surveillance » qui soit « composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par lÉtat, les collectivités territoriales ou dautres organismes de droit public ».

Cette définition, strico sensu, n’écarte pas les établissements publics à caractère industriel ou commercial (EPIC) qui exercent des activités autres qu’industrielles et commerciales, sans pour autant avoir le statut d’établissement public administratif.

Pourtant, dans la transposition de cette directive, l’article 6 de l’ordonnance précitée du 23 juillet 2015 exclut lensemble des EPIC, quelle que soit la nature de leur activité, du champ des pouvoirs et entités adjudicateurs de marchés publics de défense ou de sécurité. Cette exclusion touche l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA), le Centre national des études spatiales (CNES), l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA).

Dès lors, ces établissements ont pour seules options soit de passer des marchés publics de droit commun, ce qui limite les possibilités de garantir la sécurité des informations en cause en dépit de leur teneur, qui peut être sensible, soit de recourir à l’une des exclusions prévues à l’article 14 de l’ordonnance précitée, procédure dérogatoire à laquelle tout recours doit être dûment justifié.

Les alinéas 1 et 2 proposent donc de revenir sur cette restriction que n’appelait pas le texte de la directive européenne ainsi transposée.

2. Transposition des conditions pouvant justifier une dérogation à une interdiction de soumissionner

Le premier alinéa de l’article 39 de la directive 2009/81/CE précitée du 13 juillet 2009 définit un ensemble d’infractions, de différents niveaux de gravité, pour lesquels les pouvoirs et entités adjudicateurs doivent exclure un opérateur économique de la participation à un marché public. Cette disposition a été transposée dans l’ordonnance précitée du 23 juillet 2015 :

‒ à l’article 45 pour l’ensemble des marchés publics ;

‒ à l’article 46 pour des infractions supplémentaires qui, par leur nature, justifient une interdiction de soumissionner aux marchés de défense et de sécurité.

L’article 39 de la directive 2009/81/CE précitée laisse cependant aux États membres la faculté de « prévoir une dérogation à lobligation visée au premier alinéa » et assortit cette possibilité d’une condition unique : l’existence d’« exigences impératives dintérêt général ».

Toutefois, larticle 47 de lordonnance précitée du 23 juillet 2015, qui règle lusage de cette faculté dérogatoire, lassortit de deux conditions cumulatives supplémentaires, que nimposait pas la directive :

‒ que le marché public en cause « ne puisse être confié quà ce seul opérateur économique » ;

‒ qu’un jugement définitif d’une juridiction d’un État membre de l’Union européenne n’exclue pas expressément l’opérateur concerné des marchés publics.

En outre, alors même que l’article 46 de la même directive aménage un régime spécial d’interdiction de soumissionner plus sévère pour les marchés de défense ou de sécurité que pour les autres marchés, l’article 47 ne prévoit aucune dérogation particulière pour les marchés de défense et de sécurité, en dépit de la spécificité de leur objet et de l’intérêt stratégique qui peut s’y attacher.

Ainsi, un fournisseur stratégique pour les armées pourrait se voir interdire la participation à un marché de défense et de sécurité même s’il est seul à pouvoir fournir aux forces les équipements dont elles ont besoin, ou assurer la maintenance de ces équipements, et ce pour une infraction commise en dehors du territoire national et jugée par une juridiction étrangère. Cette situation fait à l’évidence peser un risque majeur sur la disponibilité opérationnelle des armées.

C’est pourquoi les alinéas 3 à 6 proposent de modifier l’article 47 de l’ordonnance précitée du 23 juillet 2015 pour aménager un régime de dérogation à l’interdiction de soumissionner propre aux marchés de défense ou de sécurité. La rédaction proposée pour cette dérogation vise à transposer de façon stricte le droit européen, en retenant comme seule condition à la faculté de dérogation l’existence de « raisons impérieuses dintérêt général », expression qui correspond aux « exigences impératives dintérêt général » prévues par la directive précitée.

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La commission étudie l’amendement DN391 du Gouvernement.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Il est prévu que tous les acheteurs de l’État devront, à compter du 1er octobre 2018, se soumettre à l’obligation de rendre accessibles sous un format ouvert et librement réutilisable les données essentielles de tous leurs marchés publics. Cette disposition résulte d’une ordonnance du 23 juillet 2015, elle-même transposant une directive communautaire.

Concernant les marchés de défense et de sécurité, ce dispositif serait source de vulnérabilité pour nos forces armées. Je précise d’ailleurs que la directive communautaire ne prévoit pas l’application de ces obligations aux marchés de défense et de sécurité.

La libre exploitation des données de ces marchés est par définition extrêmement sensible et présente un risque substantiel alors que la menace terroriste reste à un niveau élevé. En effet, des informations non protégées individuellement et en apparence anodines peuvent nuire aux intérêts de la défense et de la sécurité nationale lorsqu’elles sont mises bout à bout. Ces informations pourraient permettre à nos ennemis d’avoir connaissance, par exemple, de la fréquence d’approvisionnement en rechanges ou consommables d’un matériel employé sur un théâtre d’opérations, d’exploiter des difficultés d’approvisionnement, d’identifier les entreprises qui fournissent ces équipements critiques pour les forces armées afin de tenter, soit de les détruire, soit de les désorganiser.

Seule une dispense générale est susceptible d’assurer la protection des intérêts de la défense. C’est la raison pour laquelle cet amendement supprime toute obligation d’open data pour les marchés de défense et de sécurité. Les marchés publics hors armement du ministère des Armées qui ne présentent évidemment pas le même degré de sensibilité demeureront naturellement soumis aux obligations d’open data.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je vous remercie, Madame la ministre, pour cet amendement de bon sens. Il est en effet de bons sens de ne pas publier sur internet le détail des offres des industriels pour nos marchés de défense et de sécurité.

Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 26 modifié.

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Après l’article 26

La commission examine l’amendement DN251 de M. Joaquim Pueyo.

M. Joaquim Pueyo. Cet amendement vise à améliorer le niveau d’information dont dispose le Parlement. Les crédits de paiement de la mission « Défense » se composent pour moitié de dépenses de personnel et pour moitié de dépenses d’investissement et de fonctionnement liées aux matériels et équipements – environ 20 milliards d’euros.

Sur ces dernières, la composante prix pratiquée par les industriels a un impact significatif sur la dépense publique. Nous l’avons vu d’ailleurs lors de l’examen de l’exécution de la LPM. Or à ce jour, le Parlement dispose de peu d’informations lui permettant d’apprécier objectivement cette composante prix au regard de l’efficacité de la dépense publique.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Votre amendement pose assurément de bonnes questions.

Toutefois ce dispositif est très complexe à mettre en œuvre. Je ne suis pas certain que l’amendement comporte toutes les précisions nécessaires. Par exemple, qu’appelle-t-on un prix de revient ? Comment y intègre-t-on les dépenses de réseaux, informatique et télécommunications, de recherche et développement, de commercialisation ?

Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, afin de le retravailler éventuellement en vue de la séance.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis.

Cette disposition tendrait à créer une obligation de réaliser cette évaluation de façon systématique et pour tous les marchés de défense et de sécurité. Or nous n’avons pas les moyens de mener ce type de travaux sur un périmètre complet. Il importe de pouvoir conserver une capacité d’analyse sur les marchés et les programmes d’armement les plus significatifs. Je comprends bien votre intention qui consiste à éclairer le Parlement, mais je répète qu’il est libre de demander au cas par cas ce qu’il souhaite. J’appelle votre attention sur le fait que la direction générale de l’armement (DGA) n’aura pas les moyens de mener ce travail.

La commission rejette l’amendement.

Section 2 :
Dispositions domaniales intéressant la défense

Article 27
(art. 73 de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986)
Prolongation des cessions dimmeubles non déclarés inutiles à lÉtat

Le présent article vise à prolonger un régime dérogatoire applicable aux cessions d’immeubles affectés au ministère des Armées créé en 2009 dans le cadre de la loi de programmation militaire 2009-2014 ([219]) et prorogé par la LPM 2014‑2019. ([220])

1. Une dérogation au régime normal de cession à titre onéreux des immeubles du domaine privé de lÉtat

En application de l’article L. 3211-1 du code général de la propriété des personnes publiques, seuls sont susceptibles de faire l’objet d’une cession à titre onéreux les immeubles du domaine privé de l’État qui ne sont plus utilisés par un service civil ou militaire de l’État ou par un établissement public de l’État.

Avant que ne s’engage la procédure de cession, le ministère qui envisage la vente d’un immeuble en sa possession doit obligatoirement le proposer aux autres services et établissements publics de l’État potentiellement intéressés par sa réutilisation. De fait, les autres services de l’État bénéficient d’une sorte « de droit de priorité », et l’intérêt préalablement manifesté par l’un de ces services suspend la cession. Ce n’est en effet qu’une fois que ces services ou établissements publics ont renoncé à utiliser l’immeuble dont la cession est envisagée que le ministère propriétaire peut le remettre au service chargé des domaines – France Domaine – afin que celui-ci procède à la vente effective. Or, une telle procédure s’avère souvent longue et complexe et pourrait potentiellement, de ce fait, aboutir à une dépréciation du prix du bien.

Par exception à ce principe général de réutilisation prioritaire par les services de l’État, les cessions effectuées par le ministère des Armées bénéficient, depuis le 1er janvier 1987, d’un régime préférentiel permettant la vente d’immeubles sans que leur inutilité ait préalablement été constatée.

L’article 73 de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l’investissement locatif, l’accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l’offre foncière avait ainsi consacré une telle dérogation, initialement prévue pour rester en vigueur durant 23 ans, jusqu’au 31 décembre 2009. La LPM 2009-2014 a prorogé une première fois ce dispositif jusqu’au 31 décembre 2014 et la LPM 2014-2019 jusqu’au 31 décembre 2019.

2. Un atout pour financer les rénovations dinfrastructures

Ce régime spécifique est justifié par l’ampleur et la variété du patrimoine immobilier du ministère des Armées. Les produits de cession attendus au titre de la nouvelle loi de programmation militaire sont estimés à 400 millions d’euros. Ils sont principalement constitués des cessions des sites parisiens du Val-de-Grâce et de l’Îot Saint-Germain.

Il revêt en outre un intérêt particulier du fait du taux de retour de 100 % des recettes dont le ministère des Armées bénéficie à l’occasion de la vente de ses biens immobiliers depuis 2006, en vertu d’une dérogation à l’article 47 de la loi de finances pour 2006 ([221]), qui prévoyait que les produits tirés des cessions immobilières de l’État seraient affectés à son désendettement à hauteur d’un minimum fixé à 15 % en 2006, progressivement porté à 20 % en 2012, puis 25 % en 2013 et finalement 30 % en 2014.

Cette autre dérogation accordée au ministère des Armées en 2009 ([222]) était particulièrement justifiée par le fait qu’une partie de la programmation militaire reposait sur les ressources issues de cessions immobilières. Elle a été reconduite par la loi de finances pour 2015 ([223]) jusqu’au 31 décembre 2019. Il sera nécessaire de la proroger à nouveau à l’occasion de l’examen de la loi de finances pour 2020.

Le rapport annexé au présent projet de loi de programmation militaire prévoit en effet que les produits de cessions immobilières pourront abonder la mission « Défense » et seront affectés prioritairement à l’infrastructure. Ils permettront, en fonction de leur date de perception au profit du ministère, d’accélérer ou de faire plus que ce qui est effectivement prévu dans la programmation.

3. Le dispositif proposé

L’unique alinéa modifie la date d’expiration du dispositif, de 2019 à 2025, au III de l’article 73 de la loi du 23 décembre 1986 précitée.

4. Les améliorations proposées par le rapporteur

Compte tenu des besoins financiers patents en matière d’infrastructure, le rapporteur souhaite que, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2020, la dérogation prévue à l’article 47 de la loi de finances pour 2006 et permettant au ministère des Armées de conserver le produit des cessions de ses immeubles soit également prorogée pour toute la durée de la LPM.

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La commission est saisie de l’amendement DN227 de M. Alexis Corbière.

M. Bastien Lachaud. Nous en avons déjà débattu hier : il s’agit d’un amendement de coordination, relatif à la prorogation des dérogations pour les cessions d’immeubles.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 27 sans modification.

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Article 28
(art. L. 3211-1 du code général de la propriété des personnes publiques)
Réalisation par lacquéreur dimmeubles de lÉtat de certaines opérations contre déduction du prix de vente

La loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 ([224]) a créé, par l’ajout d’un second alinéa à l’article L. 3211-1 du code général de la propriété des personnes publiques, la possibilité pour l’État cédant des immeubles de son domaine privé de faire réaliser par l’acquéreur les opérations de dépollution exigées par l’article L. 541‑2 du code de l’environnement contre déduction du prix de vente. L’application de la loi a été rendue malaisée par certaines imprécisions. Une nouvelle rédaction a donc été prévue par l’article 8 de la loi de programmation militaire 2009-2014. ([225])

D’après l’étude d’impact, il est nécessaire de procéder à de nouveaux ajustements rédactionnels pour sécuriser le dispositif, tant pour la réalisation effective des opérations par l’acquéreur, dans le respect des règles de sécurité applicables, que pour la protection des intérêts financiers des parties.

L’article propose une nouvelle rédaction du second alinéa de l’article L. 3211‑1 du code général de la propriété des personnes publiques.

Tableau comparant le droit en vigueur
et le dispositif proposé à larticle 28

Droit en vigueur

Dispositif proposé

Lorsque la cession de ces immeubles implique lapplication des mesures prévues à larticle L. 5412 du code de lenvironnement ou lélimination des pollutions pyrotechniques, lÉtat peut subordonner la cession à lexécution, dans le cadre de la réglementation applicable, par lacquéreur, de ces mesures ou de ces travaux, le coût de la dépollution simputant sur le prix de vente. Dans cette hypothèse, le coût de la dépollution peut être fixé par un organisme expert indépendant choisi dun commun accord par lÉtat et lacquéreur.

Lorsque la cession de ces immeubles implique l’application des mesures prévues à l’article L. 541‑2 du code de l’environnement ou, en fonction de lusage auquel le terrain est destiné, la réalisation d’une opération de dépollution pyrotechnique, l’État peut subordonner la cession à l’exécution, par lacquéreur, de ces mesures ou de ces travaux. Dans ce cas, les opérations de dépollution pyrotechnique sont exécutées conformément aux règles de sécurité définies par voie réglementaire. Le coût réel de ces mesures ou travaux simpute sur le prix de vente à concurrence du montant fixé à ce titre dans lacte de cession, déterminé par un expert indépendant choisi dun commun accord par lÉtat et lacquéreur. Cette expertise est contradictoire. Le diagnostic de dépollution, le rapport dexpertise et le relevé des mesures de dépollution réalisées sont annexés à lacte de vente. Une fois la cession intervenue, lacquéreur supporte les dépenses liées aux mesures supplémentaires de dépollution nécessaires à lutilisation future de limmeuble cédé.

Source : article L. 3211-1 du code général de la propriété des personnes publiques ; projet de loi.

Il convient en effet de garantir le respect par l’acquéreur des obligations qui lui incombent s’agissant de la gestion des déchets, mais également de celles qui s’imposent normalement au ministère des Armées en matière de dépollution pyrotechnique. Le renvoi aux dispositions réglementaires applicables permet ainsi de s’assurer que les règles en matière de santé et de sécurité au travail auxquelles est soumis le tiers acquéreur sont celles des chantiers de dépollution pyrotechnique, y compris lorsque ces opérations sont exécutées postérieurement au transfert de propriété. Il convient également de préciser expressément que la déduction sur le prix de vente du coût réel des mesures et travaux réalisés ne doit pas excéder la limite du plafond contractuel.

Ce plafond sera désormais systématiquement déterminé sur avis d’expert, choisi d’un commun accord entre les parties, avec possibilité d’exercice du contradictoire par chacune d’entre elles, alors que le recours à l’expert n’est que facultatif dans le dispositif actuellement en vigueur. En revanche, dans ce cadre nouveau, il est précisé que toute dépollution complémentaire que nécessiterait l’adaptation du terrain à son usage futur serait, après la cession, à la charge intégrale de l’acquéreur.

Par ailleurs, les objectifs de sécurité publique supposent de conserver la mémoire des opérations de dépollution pyrotechnique conduites sur les terrains cédés, ce qui suppose que le diagnostic de dépollution, le rapport d’expertise et le relevé des mesures de dépollution réalisées soient annexés à l’acte de vente.

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La commission adopte l’article 28 sans modification.

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Chapitre VII
Dispositions relatives au monde combattant

Article 29
(Loi  99-418 du 26 mai 1999 créant le Conseil national des communes « Compagnon de la Libération »)
Évolution du Conseil national des communes « Compagnons de la Libération »

L’article 29 du projet de loi a pour objet de faire évoluer le Conseil national des communes « Compagnons de la Libération », créé par la loi n° 99‑418 du 26 mai 1999, afin de changer son appellation, d’élargir la composition de son conseil d’administration, de compléter la liste de ses ressources et de ses missions.

1. L’état du droit

Le Conseil national des communes « Compagnons de la Libération » (CNC-CL) a été créé par le législateur en 1999 afin de répondre à une inquiétude de voir l’Ordre de la Libération devenir progressivement inopérant au fil des disparitions des Compagnons de la Libération. S’exprimant à la tribune de l’Assemblée nationale pour présenter le projet de loi portant création du CNC-CL, le 17 décembre 1998, le secrétaire d’État aux Anciens combattants, M. Jean-Pierre Masseret, déclarait ainsi : « cet ordre, que le général de Gaulle a défini comme « cette chevalerie exceptionnelle créée au moment le plus grave de l’histoire de France, fidèle à elle-même, solidaire dans le sacrifice et dans la lutte », séteindra avec le dernier compagnon. » Ajoutant : « il nest pas permis, mesdames, messieurs les députés, dimaginer que cette page de notre histoire puisse sévanouir dans loubli. ».

Le rapport législatif de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales précisait d’ailleurs que ce texte était « le résultat dune réflexion engagée depuis plusieurs années par les Compagnons de la Libération, légitimement inquiets pour la pérennité de leur Ordre »([226]). Le rapporteur ne reviendra pas ici sur l’histoire de l’Ordre de la Libération, le rapport précité comme l’étude d’impact fournissant de nombreux détails, mais se concentrera sur la présentation du fonctionnement du CNC-CL. Rappelons néanmoins que cette distinction suprême, la deuxième dans l’ordre de port des décorations françaises, a été décernée à 1 036 civils et militaires jusqu’au 23 janvier 1946, date de cessation d’attribution de cette distinction([227]). Parmi eux, 270 furent nommés à titre posthume et 50 sont morts pour la France avant la fin de la Guerre alors qu’ils étaient déjà Compagnons de la Libération. De plus, la croix a été attribuée à quatre villes – Nantes, Grenoble, Paris, Vassieux-en-Vercors – à l’île de Sein, ainsi qu’à dix-huit unités combattantes appartenant aux trois armées : dix unités de l’armée de terre, trois de la marine et cinq unités de l’armée de l’air.

La loi n° 99-418 du 26 mai 1999 comporte dix articles.

L’article 1 dispose que le CNC-CL, établissement public à caractère administratif placé sous la tutelle du ministre chargé de la Défense([228]), a vocation à succéder au Conseil de l’Ordre de la Libération. Dans sa rédaction initiale, la loi prévoyait en son article 10 que cette transition s’effectue lorsque le Conseil de l’Ordre ne pourrait plus réunir que quinze membres. Cette disposition a été modifiée par la loi n° 2012-339 du 9 mars 2012 qui lui a substitué une date à déterminer par décret en Conseil d’État et ne pouvant être postérieure au 16 novembre 2012. C’est cette date qui a été retenue par le décret n° 2012-1253 du 14 novembre 2012.

L’article 2 détermine les missions du CNC-CL :

– assurer la pérennité des traditions de l’Ordre de la Libération et porter témoignage de cet Ordre devant les générations futures, en liaison avec les unités combattantes titulaires de la Croix de la Libération ;

– mettre en œuvre toutes les initiatives qu’il juge utiles, dans les domaines pédagogique, muséographique ou culturel, en vue de conserver la mémoire de l’Ordre de la Libération, de ses membres et des médaillés de la Résistance française ;

– gérer le musée de l’Ordre de la Libération et le maintenir, ainsi que les archives de l’Ordre, en leurs lieux dans l’Hôtel national des Invalides ;

– organiser, en liaison avec les autorités officielles, les cérémonies commémoratives de l’Appel du 18 juin et de la mort du général de Gaulle ;

– participer à l’aide morale et matérielle aux Compagnons de la Libération, aux médaillés de la Résistance française et à leurs veuves et enfants.

L’article 3 fixe la composition du conseil d’administration du CNC-CL. Y siègent ainsi les maires en exercice des cinq communes titulaires de la Croix de la Libération, des personnes physiques titulaires de la Croix de la Libération, au nombre de huit actuellement, et un délégué national nommé par décret du président de la République, après avis des autres membres du conseil d’administration, pour un mandat de quatre ans renouvelable plusieurs fois – il s’agit du général de division (2e S) Christian Baptiste.

L’article 4 détermine les conditions d’exercice de la présidence du Conseil national, confiée conjointement au délégué national et à l’un des maires en exercice des communes titulaires de la Croix de la Libération, pour une durée d’une année.

L’article 5 confie au conseil d’administration la responsabilité de fixer les orientations de l’établissement public et d’arrêter ses programmes, de voter son budget et d’approuver les comptes.

L’article 6 définit les missions du délégué national, qui prépare et exécute les délibérations du conseil d’administration et représente l’établissement en justice et dans tous les actes de la vie civile. Il prend aussi les décisions qui ne relèvent pas de la compétence du conseil d’administration. Enfin, il peut être assisté d’un secrétaire général et de collaborateurs appartenant à des corps de fonctionnaires de l’État ou des collectivités locales mis à disposition ou détachés, ainsi que d’agents contractuels.

L’article 7 confie au CNC-CL la responsabilité d’assure le service de la médaille de la Résistance française, le délégué national présidant la Commission nationale de la médaille de la Résistance française.

L’article 8 dresse la typologie des ressources possibles de l’établissement : les subventions attribuées par l’État et, le cas échéant, par d’autres personnes publiques ; le produit des droits d’entrée du musée et des visites-conférences ; les rémunérations des services rendus ; les produits financiers résultant des placements de ses fonds ; les dons et legs.

L’article 9, enfin, précise que le CNC-CL est soumis au contrôle administratif et financier de l’État.

2. Les dispositions du projet de loi

Le projet de loi apporte plusieurs modifications à la loi du 26 mai 1999 afin de rénover la gouvernance de l’établissement public, accroître sa visibilité, faciliter son rayonnement et garantir la pérennité de son action. La modification la plus significative consiste toutefois en le changement de nom de l’établissement public. En effet, le Gouvernement souhaite marquer davantage la filiation entre le Conseil national et l’Ordre de la Libération, en faisant apparaître clairement et nommément le lien entre ces deux structures. Il s’agit ainsi, selon l’étude d’impact de « revenir à lappellation plus lisible « Ordre de la Libération » (…) sans pour autant faire disparaître lévocation des communes qui demeurent des acteurs centraux de la vie de létablissement ».

Les ,, et substituent ainsi au nom « Conseil national des communes « Compagnons de la Libération » » le nom « Ordre de la Libération (Conseil national des communes « Compagnons de la Libération ») » au sein de l’intitulé de la loi et des articles 1, 2, 4, 5, 7 et 8 de la loi. Le rapporteur note que si cette évolution est susceptible d’assurer une meilleure visibilité de l’établissement public, elle ne contribue pas à la lisibilité de son appellation.

Le modifie l’article 2 de la loi par l’ajout d’une nouvelle mission à l’établissement public, celle de faire rayonner l’Ordre de la Libération afin de développer l’esprit de défense à travers l’exemple de l’engagement des Compagnons de la Libération. Il s’agit davantage de la formalisation d’une mission déjà assurée par le CNC-CL que de l’ajout d’une nouvelle mission. La référence au développement de l’esprit de défense vise à souligner que l’action de l’établissement, notamment à destination de la jeunesse, contribue au renforcement du lien armée-Nation.

Le procède à la réécriture de l’article 3 de la loi afin de rénover la gouvernance de l’établissement public. Aussi, le conseil d’administration de l’établissement comprendra à l’avenir, en plus des maires des cinq communes titulaires de la Croix de la Libération (1°) – le projet de loi laisse dorénavant la possibilité aux maires de se faire représenter au sein du conseil d’administration – des personnes physiques titulaires de la Croix de la Libération (2°) et du délégué national (3°) :

– des représentants de l’État (4°), ce qui paraît logique s’agissant d’un établissement public administratif ;

– des représentants des armées d’appartenance des unités combattantes titulaires de la Croix de la Libération (5°), soit des représentants de l’armée de terre, de la marine et de l’armée de l’air ;

– des représentants d’associations œuvrant dans le domaine de la mémoire et de l’histoire de la Résistance et de la Libération (6°) ;

– des personnes qualifiées (7°), ce qui paraît quelque peu surprenant au regard de l’élargissement déjà opéré par le projet de loi.

Le complète l’article 7 de la loi afin de préciser que la Commission nationale de la médaille de la Résistance française, dont le service est assuré par l’Ordre de la Libération, est notamment chargée de rendre un avis sur les demandes d’attribution à titre posthume.

Le , enfin, ajoute à l’article 8 une nouvelle source possible de ressources pour l’établissement public : les produits du mécénat. Il s’agit simplement de clarifier le droit en vigueur pour éviter toute ambiguïté. En 2017, le CNC-CL a reçu des recettes de mécénat à hauteur de 160 000 euros soit 7 % du total des recettes encaissées au compte financier 2017 (2 278 000 euros).

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La commission adopte successivement les amendements rédactionnels DN496 et DN497 du rapporteur.

Elle est saisie de l’amendement DN310 de M. Philippe Chalumeau.

M. Christophe Lejeune. Dans cet article 29, l’absence de définition et de critères relatifs aux « personnes qualifiées » rend la constitution du conseil d’administration du Conseil national des communes « Compagnons de la Libération » quelque peu opaque.

Mon amendement tend à assurer une meilleure visibilité de la composition du conseil. De plus, les 4°, 5° et 6° du nouvel article 3 permettent une augmentation suffisante du nombre de membres par rapport au conseil d’administration de l’actuel Conseil national.

Nous proposons donc la suppression de l’alinéa 14.

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État auprès de la ministre des Armées. En fait, il n’y a pas de piège dans cette rédaction. L’Ordre national de la Libération a un musée, qui a notamment besoin, parmi les personnes qualifiées, de scientifiques et d’historiens spécialistes de la période de la Seconde Guerre mondiale, pour bénéficier de leurs conseils sur les évolutions et les orientations de leur musée. C’est de cette qualification qu’il est question, ce sont surtout des personnes utiles au fonctionnement de l’Ordre et de son musée.

M. Christophe Lejeune. Au bénéfice de ces explications, je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 29 modifié.

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Article 30
(art.L. 113-6, L. 164-1, L. 612-1 du code des pensions militaires dinvalidité et des victimes de guerre)
Mises en conformité constitutionnelle et organique de certaines dispositions du code des pensions militaires dinvalidité et des victimes de guerre

L’article 30 du projet de loi apporte plusieurs modifications au code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG) afin, d’une part, d’assurer la conformité du code à une récente décision du Conseil constitutionnelle et, d’autre part, d’assurer la conformité du code à une modification du code électoral opérée par la loi organique n° 2017-1338 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique.

1. La mise en conformité constitutionnelle

a. L’état du droit

L’article 13 de la loi n° 63-778 du 31 juillet 1963 de finances rectificative pour 1963 a créé un dispositif d’indemnisation ouvrant droit à pension pour les victimes civiles, de nationalité française à la date de promulgation de la loi, ayant subi en Algérie entre le 31 octobre 1954 et le 29 septembre 1962 des dommages physiques, du fait d’attentats ou de tout autre acte de violence en relation avec la guerre d’Algérie – la rédaction initiale du texte évoquait les « événements survenus sur le territoire algérien ».

La création d’un tel dispositif se justifiait, aux yeux du législateur, par la volonté de « combler une lacune juridique » selon les mots du rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale, M. Louis Vallon([229]). En effet, comme le rappelait l’exposé des motifs du projet de loi, une décision de l’Assemblée algérienne, homologuée par un décret du 30 juillet 1955, avait mis à la charge de l’Algérie la réparation des dommages physiques subis par les victimes civiles des événements survenus sur ce territoire depuis le 1er novembre 1954, ce qui s’était traduit par la création d’un régime spécial d’indemnisation. C’est parce que l’État algérien n’assurait pas le paiement des rentes dues aux victimes civiles ou à leurs ayants cause que le législateur français indiquait à l’époque procéder à la création de ce dispositif. Dès l’origine, le législateur a souhaité circonscrire le bénéfice de cette réparation – la lecture des comptes rendus des débats témoigne de l’importance de ce point – aux seules victimes de nationalité française à la date de la promulgation de la loi. Les débats ont néanmoins conclu à la possibilité d’ouvrir ce droit, par exception, à des personnes ne possédant pas la nationalité française mais répondant à des conditions précises fixées par voie réglementaire. Il s’agissait notamment de viser les réfugiés politiques qui n’auraient pas été en mesure d’obtenir la nationalité française à la date de promulgation de la loi.

Par la suite, l’article 12 de la loi n° 64-1330 du 26 décembre 1964 portant prise en charge et revalorisation de droits et avantages sociaux consentis à des Français ayant résidé en Algérie a modifié les dispositions du premier alinéa de l’article 13 de la loi du 31 juillet 1963, afin de préciser que la condition de nationalité française était également applicable aux ayants cause des victimes. Puis, l’ordonnance n° 2015-1781 du 28 décembre 2015 relative à la partie législative du CPMIVG a abrogé, à compter du 1er janvier 2017, l’article 13 de la loi du 31 juillet 1963, ses dispositions étant cependant reprises dans des termes quasi-identiques par les articles L. 113‑6, L. 115-1, L. 124-11 et L. 124-17 du CPMIVG.

Entre-temps, les dispositions de l’article 13 de la loi de finances rectificatives pour 1963 ont fait l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité, portant sur la différence de traitement opérée par la loi entre les victimes ou leurs ayants cause de nationalité française, selon qu’ils possédaient ou non cette nationalité à la date de promulgation de la loi. Après avoir observé « quau regard de lobjet de la loi, ces personnes ne sont pas dans une situation différente selon quelles possédaient ou non la nationalité française à la date de promulgation de la loi créant le régime dindemnisation, dès lors quelles satisfont aux autres conditions posées par le législateur », le Conseil constitutionnel a jugé, dans sa décision n° 2015-530 QPC du 23 mars 2016, « quen réservant le bénéfice de lindemnisation aux personnes de nationalité française à la date de promulgation de cette loi, les dispositions contestées instaurent une différence de traitement qui nest justifiée ni par une différence de situation ni par lobjectif de solidarité nationale poursuivi par le législateur ». Par suite, il a censuré les mots « à la date de promulgation de la présente loi » et les mots « à la même date » figurant au premier alinéa de l’article 13 de la loi du 31 juillet 1963.

De plus, le Conseil constitutionnel a été amené, plus récemment, à se prononcer sur le critère de la nationalité française pour l’ouverture de ce droit à pension. Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le respect du principe d’égalité garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le Conseil a estimé, dans sa décision n° 2017-690 du 8 février 2018, que l’indemnisation prévue visait à réparer des dommages s’étant produits « sur un territoire français à lépoque », estimant du moins que tel était le cas durant la plus grande partie de la période visée. En conséquence, le Conseil constitutionnel a censuré le critère de nationalité, ouvrant de fait ce droit à pension à toute personne s’étant trouvée sur le territoire algérien à cette période et ayant subi un dommage ouvrant droit à réparation.

b. Les dispositions du projet de loi

Le projet de loi permet, en l’état, d’assurer la conformité des dispositions du CPMIVG à la Constitution conformément à la première décision QPC susmentionnée. En effet, bien que censurées, les dispositions relatives à la date d’obtention de la nationalité française ont été mécaniquement réintroduites dans le CPMIVG du fait de l’entrée en vigueur, postérieure à la décision du Conseil constitutionnel, de l’ordonnance précitée dont la rédaction avait, quant à elle, été faite en amont de cette décision. Il résulte de cet imbroglio juridique la nécessité pour le législateur de modifier l’article L. 113-6 du CPMIVG pour assurer la conformité du code à la Constitution. C’est pourquoi le du présent article procède à la suppression au sein de cet article de la condition de date d’obtention de la nationalité française pour l’ouverture de ce droit à pension.

Par ailleurs, pour lever toute ambiguïté, le modifie le premier alinéa de l’article L. 164-1 du CPMIVG afin d’écarter la possibilité d’obtention d’une pension pour des personnes ayant perdu la nationalité française du fait de l’accession à l’indépendance d’un territoire antérieurement français, sans remettre en cause la jouissance de cette pension pour ceux qui en bénéficient déjà. Ce faisant, le projet de loi entend éteindre progressivement le dispositif en écartant l’ouverture de nouveaux droits.

En revanche, du fait de sa date très récente, la QPC du 8 février 2018 n’a pas à ce jour pu être prise en compte par le Gouvernement lors de l’élaboration du projet de loi. Interrogée à ce sujet lors de son audition devant la commission, Mme Claire Legras, directrice des affaires juridiques du ministère des Armées, a rappelé que le sens de cette décision ne correspondait pas à la position du Gouvernement, dont l’argumentaire reposait sur trois éléments : « dabord, il existe un principe général dirresponsabilité de lÉtat pour les faits de guerre, dailleurs bien reconnu par la jurisprudence du Conseil dÉtat ; ensuite, les accords dÉvian créent une véritable césure qui implique quil revient à lÉtat algérien dassumer pleinement toute obligation concernant des ressortissants du nouvel État algérien, principe, ici aussi, endossé par la jurisprudence ; enfin, il me semblait que la solidarité nationale, par essence, unissait des nationaux, tandis quici le Conseil constitutionnel retient plutôt une conception territoriale de la solidarité nationale. »

Il incombera en revanche au législateur de tirer les conséquences juridiques de cette dernière décision, dont l’impact n’est pour l’heure pas encore bien évalué. Il convient toutefois de noter que l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONAC-VG) a déjà été saisi de quelques dossiers déposés sur le fondement de cette décision, notamment via son antenne d’Alger.

2.   La mise en conformité organique

Le 1° de l’article L. 612-1 du CPMIVG prévoit que le conseil d’administration de l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre, composé de trois collèges, compte au titre du premier collège des représentants des assemblées parlementaires et de l’administration.

La présence de parlementaires au sein du conseil d’administration de l’Office est historique, et s’explique tant par le fait que ce dernier est présidé par le ministre chargé des Anciens combattants que par le lien étroit qui associe le monde combattant et les parlementaires, et ce depuis la Première Guerre mondiale. À l’heure actuelle, siège ainsi au sein du conseil d’administration de l’Office, au titre des assemblées parlementaires, M. Fabien Gouttefarde, député. Il s’agit pour le moment du seul parlementaire, le Sénat n’ayant pas encore procédé à la nomination de son représentant en raison du récent renouvellement de la moitié de ses membres.

Or, le législateur a souhaité, par l’article 13 de la loi organique du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique, que soit donnée une base législative précise pour toute nomination de parlementaires – articles LO. 145 du code électoral pour les députés et LO. 297 du même code pour les sénateurs – au sein d’une institution ou d’un organisme extérieur à sa chambre d’appartenance – structures communément appelées « organismes extraparlementaires ».

Dans ces conditions le du présent article a simplement vocation à préciser, au 1° de l’article L. 612-1 du CPMIVG, que le premier collège du conseil d’administration de l’ONAC-VG est composé d’un député et d’un sénateur, désignés respectivement par le président de l’Assemblée nationale et par le président du Sénat, et de représentants de l’administration.

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La commission examine l’amendement DN183 de M. M’jid El Guerrab.

M. M’jid El Guerrab. Dans sa décision du 8 février 2018, le Conseil constitutionnel a choisi d’établir un nouveau traitement juridique du droit à pension des victimes de dommages physiques subis en Algérie entre le 31 octobre 1954 et le 29 septembre 1962 du fait d’attentat ou de tout autre acte de violence, ainsi que de leurs ayants droit.

Il a également jugé que le législateur ne pouvait, sans méconnaître le principe d’égalité devant la loi, établir, au regard de cet objet de la loi, une différence de traitement entre les victimes françaises et celles, de nationalité étrangère, qui résidaient sur le territoire français au moment du dommage qu’elles ont subi.

D’autre part, il a jugé que l’objet de la pension servie à l’ayant droit étant de garantir à celui-ci la compensation de la perte de la pension servie au bénéficiaire décédé, le législateur ne pouvait établir, au regard de ce même objet, une différence de traitement entre les ayants droit selon leur nationalité.

Il convient donc de prendre acte de cette décision, et il serait opportun d’engager un dialogue avec les parties algériennes pour tirer toutes les conséquences de cette décision, tant sur les plans juridique, politique que financier.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Vous avez signalé que cette décision a été rendue le 8 février, il y a à peine plus d’un mois. Vous savez que toutes les questions touchant à la constitutionnalité demandent un certain travail d’approfondissement.

Sans rentrer dans les détails, je pense que le Gouvernement y travaille et que Mme la ministre sera en mesure de préciser comment nous pouvons tirer les conséquences de cette décision du Conseil constitutionnel. Pour l’instant, c’est encore un peu tôt.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Le Conseil constitutionnel a statué le jour même où nous présentions le présent projet de loi de programmation militaire en conseil des ministres. Par conséquent, nous n’avons pas pu tirer toutes les conséquences de cette décision dans le texte qui est soumis à votre approbation. Néanmoins, le Gouvernement a commencé un travail très actif, qui associe plusieurs ministères, pour tirer toutes les conséquences de cette décision. Nous serons amenés à revenir très rapidement devant vous pour vous exposer les suites qu’il convient d’en tirer.

Dans ces conditions, je souhaite que vous retiriez cet amendement.

M. M’jid El Guerrab. Merci de votre réponse. Je suis très content d’apprendre que le ministère est au travail sur ce dossier afin de trouver une solution au problème. Il faut répondre à cette décision du Conseil constitutionnel de manière juridique et technique, et ne pas se laisser embarquer dans des batailles politiciennes, ou hors du champ du droit.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement DN311 de M. Philippe Chalumeau.

M. Jean-Philippe Ardouin. Cet amendement a pour objet d’assurer que les parlementaires désignés par chaque chambre pour siéger au sein du conseil d’administration de l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONACVG) seront alternativement un homme et une femme.

Ce dispositif s’inspire de celui applicable aux nominations de parlementaires au sein de la commission du secret de la défense nationale, établi à l’époque pour garantir l’égal accès des femmes et des hommes au sein des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes.

Concernant l’ONACVG, le président de l’Assemblée nationale comme le président du Sénat devront chacun respecter cette alternance paritaire pour les nominations dont ils ont la charge.

Le présent amendement s’appuie sur l’article 4 de la Constitution, aux termes duquel « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales. » Il traduit également le choix des Français d’assurer une meilleure représentation des femmes au Parlement, les femmes représentant sous la XVe législature 38,8 % des élus, soit 224 femmes, contre seulement 155 sous la précédente législature.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. En tant que rapporteur, je suis tout à fait favorable à cet amendement, mais je ne voudrais surtout pas qu’il pose un problème personnel à notre collègue Fabien Gouttefarde ! (Sourires.)

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État auprès de la ministre des Armées. Avis tout à fait favorable.

M. Fabien Gouttefarde. Cosignataire de cet amendement, j’en suis évidemment complètement solidaire ! Je suis membre du conseil d’administration de l’ONACVG en tant que député. Mon mandat étant de quatre ans, je laisserai donc, avant la fin de la législature, la place à une femme, et je le ferai avec plaisir !

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 30 modifié.

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Chapitre VIII
Mesures de simplification

Article 31
Application du SOFA OTAN pour les activités internationales se déroulant en France

L’article 31 du projet de loi vise à étendre les règles de l’accord sur le statut des forces de l’organisation du traité de l’Atlantique nord (SOFA OTAN), déjà applicables à la circulation des forces armées et des personnels civils des ministères chargés de la Défense des forces alliées, aux activités de coopération bilatérales ou multilatérales dans le domaine de la défense ou de la sécurité civile, conduites sur le territoire national, à bord d’aéronefs ou sur des navires français, avec les forces armées des membres de l’Alliance atlantique ou du Partenariat pour la paix.

1. L’état du droit

Signé à Londres le 19 juin 1951, le SOFA OTAN est une convention internationale qui régit, dans le cadre de l’OTAN, la circulation des forces armées et des personnels civils des ministères de la Défense des membres de l’Alliance atlantique, la fiscalité et le régime douanier qui leur est applicable ainsi que les priorités de juridictions pénales. À titre d’exemple, dès lors qu’ils sont affectés en France pour une durée supérieure à un an, les personnels couverts par la convention peuvent importer en franchise de droits et de taxes  l’ensemble de leurs mobiliers et effets personnels pour la durée du séjour. L’étude d’impact annexée au projet de loi comporte une description des principales dispositions de cette convention.

La France est partie au SOFA OTAN depuis lorigine et sans discontinuer puisque, rappelons-le, notre pays na jamais quitté lAlliance atlantique.

Toutefois, les dispositions des vingt articles de cette convention internationale ([230]) ne s’appliquent qu’aux activités conduites dans le cadre du Traité de l’Atlantique nord. Or, il arrive fréquemment que la France accueille, sur son territoire ou ses navires, des exercices internationaux associant des membres de l’Alliance ou du Partenariat pour la paix en dehors du cadre strict du Traité. Ces activités bilatérales ou multilatérales sont conduites en dehors de tout cadre juridique précis, quand elles ne sont pas annulées faute de disposer d’un cadre juridique avec nos partenaires – ce fut le cas de l’exercice Adriatic Strike prévu en 2016 pour entraîner les contrôleurs aériens militaires de dix-neuf États – ou menées sans réel cadre juridique – comme ce fut le cas de l’exercice de l’armée de terre « Citadel Bonus » organisé avec la Pologne et le Canada en 2016. De même, des États demandent parfois à ce que certains de leurs personnels puissent assurer depuis le territoire français ou depuis un navire ou un avion français des missions de secours ou d’urgence au profit d’un État tiers victime d’une catastrophe naturelle.

2. Les dispositions du projet de loi

Le projet de loi entend, dans un objectif de simplification, rendre applicables les dispositions du SOFA OTAN aux membres militaires ou civils, à leurs personnes à charge et aux biens d’un État membre de l’OTAN ou du partenariat pour la paix dans le cadre des activités de coopération dans le domaine de la défense ou de la sécurité civile et de la gestion de crise conduites sur le territoire national, à bord des aéronefs d’État ou des navires d’État. La mention des aéronefs d’État permet de viser, conformément à l’article 3 de la convention de Chicago du 7 décembre 1944, les aéronefs militaires comme le parc aérien de la sécurité civile et des douanes, tandis que celle des navires d’État permet de viser, en application des dispositions de la convention des Nations unies sur le droit de la mer, signée à Montego Bay le 10 décembre 1982, les navires de guerre, tel le navire école Jeanne d’Arc, comme les patrouilleurs des douanes et des affaires maritimes. Ces définitions permettront de faciliter les actions de coopération en matière de gestion de crise dans le domaine de la sécurité civile comme celles conduites à des fins militaires.

Les dispositions du SOFA OTAN pourront ainsi s’appliquer même en l’absence d’accord intergouvernemental prévoyant le statut applicable aux personnels civils et militaires associés à l’activité. En revanche, l’article 31 conserve la priorité aux accords internationaux qui auraient été contractés par la France et régissant le statut des forces. De plus, son adoption n’a pas vocation à mettre un terme aux négociations déjà engagées avec certains États, comme la Suisse, en vue de la conclusion d’instruments internationaux en la matière.

Par ailleurs, alors que certains membres de l’Alliance ou participant au Partenariat pour la paix n’ont pas aboli la peine de mort – États-Unis, Kazakhstan, Russie, Tadjikistan – le présent article précise que les dispositions du SOFA OTAN ne pourront s’appliquer que « sous réserve des conditions de larticle 6964 du code de procédure pénale ». Ce dernier interdit toute extradition lorsque le fait à raison duquel elle est demandée est puni par la législation de l’État requérant d’une peine ou d’une mesure de sûreté contraire à l’ordre public français.

Enfin, il convient de préciser que si les dispositions du SOFA OTAN ne s’appliquent pas, en l’état, aux outre-mer français, elles auront vocation à l’être, en l’espèce, à l’ensemble du territoire français, métropolitain et ultramarin, terrestre, et maritime comme à l’espace aérien placé sous juridiction française.

3. La position de la commission

Selon les estimations qui figurent dans l’étude d’impact, quelques centaines de personnes pourraient bénéficier, annuellement, de ces dispositions. Il convient de noter que l’immense majorité des activités conduites dans un cadre permettant l’application de cette convention sont de durées courtes, allant de quelques jours à quelques semaines. À titre d’exemple, 246 personnes auraient été concernées en 2017 pour la marine et, s’agissant de l’armée de l’air 300 personnes ont été présentes sur le territoire national pour des durées allant de deux jours à trois semaines. La brièveté des séjours n’entraînera qu’un impact limité sur les finances publiques, la perte de ressources étant jugée marginale. Ainsi, si l’étude d’impact estime à environ 400 personnes le nombre de personnels susceptibles de bénéficier de cette extension du SOFA OTAN, elle indique que seule une centaine y résidera plus d’un an et bénéficiera ainsi d’avantages fiscaux. Ce léger « manque à gagner » est largement compensé par les facilités offertes par cette extension dans la conduite des activités de coopération.

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Les amendements DN490 du rapporteur, DN260 et DN263 de M. Patrick Hetzel sont retirés.

La commission adopte l’article 31 sans modification.

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Article 32
(art. L. 151-4, L. 154-4 du code des pensions militaires dinvalidité et des victimes de guerre)
Réforme du contentieux des pensions militaires dinvalidité

L’article 32 a deux objets dont le principal est la réforme du contentieux des pensions militaires d’invalidité (PMI) et le second, une mesure de coordination concernant les recours contentieux formés par les militaires.

1. La réforme du contentieux des pensions militaires d’invalidité

Le projet de loi propose une réforme de grande ampleur, impliquant rien moins que la suppression de l’ordre de juridiction, au sens de l’article 34 de la Constitution, composé des tribunaux des pensions, des cours régionales des pensions et, pour l’outre-mer, des cours des pensions. Les litiges seraient confiés aux tribunaux administratifs et aux cours administratives d’appel.

a. Un système jugé peu satisfaisant

i. Une juridiction hybride

Les juridictions chargées des pensions siègent au sein des tribunaux de grande instance et relèvent du régime de l’échevinage. Il s’agit pourtant de juridictions administratives spéciales qui sont présidées par des magistrats professionnels, honoraires, le plus fréquemment de l’ordre judiciaire, assistés de deux assesseurs, un médecin et un pensionné. La procédure est tout à la fois orale et écrite.

ii. Un fonctionnement parfois malaisé

Les assesseurs ne disposent pas dans tous les tribunaux de moyens matériels leur permettant de prendre connaissance des dossiers préalablement aux audiences. Ils ne bénéficient par ailleurs d’aucune formation juridique spécifique. Leur rémunération est modeste et, dans certaines juridictions, le renouvellement des pensionnés assesseurs pose problème. Le ressort géographique des tribunaux des pensions est celui des cours d’appel ; ils sont au nombre de 37 depuis le 1er juillet 2011.

iii. Un faible nombre de dossiers pour un traitement beaucoup trop lent

Les litiges portent essentiellement sur la reconnaissance de l’imputabilité des infirmités au service et sur le taux d’invalidité attribué. Le nombre de contentieux portés devant la justice est en constante diminution et semble s’être stabilisé depuis 2014 autour de 600 requêtes par an sur l’ensemble du territoire national, avec une répartition très inégale. Sur un total de 585 requêtes en 2016, cette répartition allait de zéro à Cayenne et Basse-Terre à 118 à Marseille et 54 à Bordeaux, pour citer les deux chiffres les plus élevés.

Le nombre de décisions rendues a été de 721 en 2016.

Les nouvelles requêtes en appel devant les cours régionales des pensions furent au nombre de 237, et les décisions rendues de 309, au cours de cette même année 2016.

Le délai moyen du traitement des requêtes par les tribunaux des pensions est excessif. Il est de deux ans, une durée pour laquelle l’État français a été condamné à plusieurs reprises par le Conseil d’État et la Cour européenne des droits de l’homme.

iv. Une jurisprudence difficilement accessible

La jurisprudence des tribunaux des pensions ne fait pas l’objet d’une diffusion dématérialisée. Ce défaut d’accessibilité est susceptible d’engendrer des disparités importantes dans les décisions rendues, une situation difficilement acceptable au regard de l’égalité des citoyens devant le service public de la justice.

b. Un nouveau dispositif en deux temps

En dépit de l’attachement des associations représentant les invalides de guerre à la spécificité de cette juridiction instituée par la loi dite « Lugol » du 31 mars 1919, il a semblé nécessaire, pour toutes les raisons exposées, de revoir ce dispositif, dans le sillage de la refonte du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre entré en vigueur le 1er janvier 2017.

L’article 32 propose le transfert du contentieux des PMI aux tribunaux administratifs. Le dépôt des requêtes devra toutefois avoir été précédé d’un recours administratif préalable obligatoire.

c. L’instauration d’un recours administratif préalable

Il existe actuellement un organe, la Commission de réforme des pensions militaires d’invalidité (CRPMI) ([231]), susceptible d’être saisi par le demandeur au cours de l’instruction de la demande de PMI. La saisine intervient, en cas de désaccord, au stade du constat provisoire. Composée de militaires (officiers et/ou sous-officiers, médecin militaire), la CRPMI étudie les dossiers sur pièces et peut entendre le demandeur, si celui-ci en exprime le souhait.

L’avis rendu par cette commission est uniquement consultatif et diffère seulement dans environ 3 % des cas de la décision de la sous-direction des pensions. Les avis de la CRPMI ont donc une portée extrêmement limitée, à la grande insatisfaction des demandeurs qui pensent, de façon erronée, avoir affaire à une instance décisionnaire alors qu’il s’agit plutôt d’un ersatz de recours.

L’article 32 tend donc à abroger l’article L. 151-4 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre disposant que : « Le demandeur a la faculté de provoquer lexamen de sa demande par une commission de réforme, selon des modalités fixées par décret en Conseil dÉtat. ».

Il crée au titre Ier du livre VII du même code l’article L. 711-2 disposant que : « Les recours contentieux contre les décisions individuelles […] sont précédés dun recours administratif préalable exercé dans des conditions fixées par un décret en Conseil dÉtat. ».

Si la forme de la structure en charge de ce recours et ses modalités, sujets d’un décret en Conseil d’État, ne sont pas fixées aujourd’hui, elles font l’objet d’un dialogue entre la sous-direction des pensions et les associations de pensionnés relevant du CPMIVG. Il ressort toutefois des informations recueillies par le rapporteur les éléments suivants.

Une commission ad hoc serait créée. Adossée à la commission de recours des militaires, elle comprendrait obligatoirement un médecin, des représentants de l’administration (service des retraites de l’État, sous-direction des pensions) et un représentant des pensionnés. Elle serait dotée d’un pouvoir décisionnel. La procédure serait écrite mais le demandeur pourrait être entendu à sa demande et être accompagné d’une personne de son choix. Une expertise médicale pourrait être sollicitée, le cas échéant. Cette commission se réunirait deux fois par mois et examinerait au cours de chaque session une vingtaine de dossiers instruits par des rapporteurs dont l’activité est estimée à quatre équivalents temps plein.

Ce recours devrait limiter les contentieux portés devant les tribunaux administratifs tout en donnant aux requérants la faculté de s’exprimer oralement, une possibilité à laquelle les pensionnés sont très attachés.

d. Le transfert des contentieux des tribunaux des pensions aux tribunaux administratifs

L’article 32 tend à remplacer le chapitre unique du titre 1er du livre VII du même CPMIVG par trois nouveaux articles concernant le transfert du contentieux, la création précitée du recours administratif préalable et l’aide juridictionnelle. L’article L. 711-1 est ainsi rédigé : « Les recours contentieux contre les décisions individuelles […] sont introduits, instruits et jugés conformément aux dispositions du code de justice administrative. ». Les titres II à IV du livre VII concernant les dispositions traitant de tribunaux des pensions sont abrogés.

Le projet de transfert a été soumis au Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel dont l’avis est « que le transfert du contentieux des pensions militaires dinvalidité était de nature à servir à la fois limpératif de bonne administration de la justice et lunicité de lordre juridictionnel administratif » ([232]), sous réserve que les moyens nécessaires soient alloués par le ministère de tutelle. En tout état de cause, le temps de traitement des dossiers devrait s’en trouver diminué de moitié. Si l’on considère que les 42 tribunaux administratifs ont jugé 191 697 affaires en 2016 ([233]), le traitement d’une moyenne annuelle de quelque 600 dossiers supplémentaires, très inégalement répartis sur le territoire, représente une augmentation globale de 0,31 %. Par ailleurs la jurisprudence, rendue accessible, devrait permettre une harmonisation des décisions.

Le projet de loi dispose que le transfert des procédures en cours aura lieu, au plus tard, le 1er janvier 2020 « en létat […] sans quil y ait lieu de renouveler les actes, formalités et jugements régulièrement intervenus antérieurement. ».

Du côté du ministère des Armées, la sous-direction des pensions aura la charge, comme c’est le cas aujourd’hui, du suivi des contentieux portés devant la justice, la direction des affaires juridiques du ministère demeurant compétente pour le traitement des affaires portées en cassation devant le Conseil d’État.

2. Des points de vigilance

Le projet de transfert du contentieux des PMI aux tribunaux administratifs suscite parfois quelques inquiétudes. Si ces dispositions sont adoptées, il conviendra de veiller à ce que les spécificités des pensions militaires d’invalidité ne soient pas gommées, ni les droits des pensionnés dégradés.

Si le contentieux rejoint les juridictions communes, les pensions militaires d’invalidité demeurent la matérialisation d’un droit à réparation et de la reconnaissance de la Nation. Ces notions, mâtinées de bienveillance, doivent prévaloir tant au stade du recours préalable que devant la justice.

Le rapporteur ne voit aucune raison de penser qu’il en ira autrement et considère la création d’un véritable recours préalable et le recours aux tribunaux administratifs comme un progrès.

3. L’harmonisation de dispositions en matière de recours contentieux formé par les militaires en activité

Le projet de recours préalable obligatoire en matière de contentieux de pension militaire d’invalidité s’appliquera à tous les demandeurs potentiels de PMI qu’ils soient militaires en activité, anciens militaires ou civils. Il a donc semblé utile d’harmoniser les dispositions du code de la défense relatives au recours contentieux formé par les militaires à l’encontre d’actes concernant leur situation personnelle.

En conséquence, il est proposé de supprimer le premier alinéa de l’article 23 de la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 relative au référé dans les juridictions administratives : « Les recours contentieux formés par les agents soumis aux dispositions de la loi n° 2005-270 du 24 mars 2005 portant statut général des militaires à lencontre dactes relatifs à leur situation personnelle sont, à lexception de ceux concernant leur recrutement ou lexercice du pouvoir disciplinaire, précédés dun recours administratif préalable exercé dans des conditions fixées par décret en Conseil dÉtat. » et de créer l’article L. 4125-1 qui renvoie les exceptions liées au litige à un décret en Conseil d’État.

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La commission examine l’amendement DN136 de M. Laurent Furst.

M. Thibault Bazin. De nombreux anciens combattants s’inquiètent de la fin des juridictions spéciales pour traiter les litiges liés aux pensions. Cet article prévoit en effet que ces litiges soient désormais soumis à la juridiction administrative. La médecine de guerre est une spécialité, avec des traumatologies particulières.

Il convient que le Gouvernement retire cet article et prenne le temps de dialoguer avec les associations représentatives des anciens combattants et des victimes de guerre, qui sont très inquiètes, avant de l’engager devant la représentation parlementaire.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je ne suis pas du tout d’accord, et je n’ai pas entendu la même chose de la part des associations. Le Gouvernement pourra vous certifier que ce dialogue a bien eu lieu. Avis défavorable.

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État auprès de la ministre des Armées. Nous avons effectivement mené un travail important avec les associations, et récemment encore nous avons dialogué avec leurs représentants nationaux en expliquant très précisément quels étaient les buts de ce passage d’un tribunal spécialisé vers le tribunal administratif.

Tout d’abord, cela permettra une amélioration des délais de procédure. Nous avons été condamnés par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) du fait de la durée excessive – plus de deux ans – pour régler ces litiges. Les délais devant les tribunaux administratifs sont bien plus courts : moins d’un an.

Cette mesure est également plus équitable et plus juste, car elle permettra de développer une jurisprudence harmonisée, ce qui est impossible avec le système actuel.

L’accès au droit et la proximité en bénéficieront, puisqu’il y a plus de tribunaux administratifs que de juridictions spéciales.

Enfin, une phase précontentieuse, qui n’existe pas actuellement, permettra de régler beaucoup de problèmes avant de saisir les tribunaux.

Cette mesure est donc une simplification, elle améliore la proximité, et garantit une meilleure équité des jugements. De plus, l’aide juridictionnelle pour tous, et toutes les aides telles que le remboursement des frais de déplacement, auxquelles sont très attachés les anciens combattants, sont maintenues. Les associations ont bien compris les enjeux et ont été rassurées sur ce transfert. La crainte la plus importante était pour eux la dénomination des tribunaux administratifs, ils avaient l’impression qu’un tribunal administratif favoriserait l’administration, et j’ai tenté de leur expliquer que ce n’était pas ses fonctions.

Avis défavorable, donc, à cet amendement de suppression.

M. Thibault Bazin. Le temps de l’instruction, qui nous crée des problèmes avec l’Europe, n’est pas sans lien avec les moyens donnés. Nous tenons à ces juridictions spéciales où interviennent des pensionnés qui peuvent porter un regard particulier : on ne traite pas un blessé de guerre comme un accidenté de la route. Cette spécialisation est garante de la considération que l’on doit porter à nos victimes et à nos blessés de guerre. Nous maintenons cet amendement.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Les magistrats étaient peut-être spécialisés, mais le dispositif fonctionnait mal.

M. Fabien Gouttefarde. Il est vrai que les associations d’anciens combattants étaient attachées à la spécialisation. Cela étant, la jurisprudence suprême est et restera entre les mains du Conseil d’État. En outre, on pourra retrouver la spécialisation via le recours administratif préalable obligatoire (RAPO), procédure dans laquelle interviendront certainement des pensionnés et des spécialistes du domaine.

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État auprès de la ministre des Armées. Je confirme les propos de M. Gouttefarde. Pour le RAPO, les personnes pourront être accompagnées par des spécialistes de leur choix. Un tribunal administratif peut aussi s’appuyer sur des spécialistes, au cas par cas, et cela arrive dans de très nombreux domaines. Je pense que ces craintes-là ont été levées.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement DN39 de M. M’jid El Guerrab.

M. M’jid El Guerrab. Cet amendement tend à éviter que ce transfert du contentieux des pensions militaires d’invalidité dans le droit commun du contentieux administratif ne s’accompagne d’une remise en cause de la jurisprudence qui était traditionnellement celle des tribunaux et des cours des pensions.

À mon avis, la mention du principe de sécurité juridique permettrait de parer à l’éventualité d’une remise en cause brutale de la jurisprudence établie. Comme le notait le Conseil d’État lui-même dans son rapport public de 2006, ce principe de sécurité juridique implique que les citoyens soient, sans que cela leur demande d’efforts insurmontables, en mesure de déterminer ce qui est permis et ce qui est défendu par le droit applicable. Afin de parvenir à ce résultat, les normes édictées doivent être claires et intelligibles et ne pas être soumises à des variations trop fréquentes ou imprévisibles. Au surplus, il s’agit d’un principe général du droit communautaire depuis l’arrêt Bosch du 6 avril 1962 de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE).

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Monsieur le député, je rappellerais que ce transfert s’effectue à droit constant. J’ai donc tendance à considérer que votre précision est superflue. Je vous propose de retirer votre amendement, sinon j’émettrai un avis défavorable.

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État auprès de la ministre des Armées. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 32 sans modification.

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Article 33
(art. L. 2332-6 du code de la défense)
Allégement des obligations déclaratives pesant sur les entreprises en matière de brevets concernant des matériels de guerre ou des biens à double usage

● En application des dispositions de droit commun, toute personne souhaitant breveter une invention auprès de l’institution compétente – l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) – doit déposer une demande en ce sens. Le régime applicable et les modalités d’un tel dépôt (formes et conditions) sont prévus par les articles L. 612-2 et suivants du code de la propriété intellectuelle.

En application de l’article L. 612-3 du même code, cette demande doit comprendre :

– une indication selon laquelle un brevet est demandé ;

– les informations permettant d’identifier ou de communiquer avec le demandeur ;

– une description de l’invention.

● S’agissant de certains matériels de guerre ou des biens à double usage ([234]), cette première obligation se double d’une seconde consistant en la transmission, à l’administration et sous un délai de huit jours à compter du dépôt à l’INPI, d’une « description de la découverte, invention ou application faisant lobjet du brevet ou de laddition demandé ». Ce régime, qui vise à prévenir la divulgation de technologies sensibles, est prévu à l’article L. 2332-6 du code de la défense.

En pratique et en application de l’article D. 2332-3 du même code, cette déclaration est adressée au ministre des Armées. Elle comprend deux types d’informations :

– l’indication de la date de dépôt de la demande de brevet auprès de l’INPI ;

– l’indication du numéro d’enregistrement de l’invention ;

– et, le cas échéant, le numéro et la date de notification du marché de l’État dans le cadre duquel l’invention a été réalisée, ainsi que le nom du service acheteur.

Les services de la direction générale de l’armement sont chargés d’identifier les inventions susceptibles de présenter un caractère stratégique.

● Bien que reposant sur des motifs légitimes, il apparaît que ce régime de « double transmission » peut néanmoins être simplifié sans pour autant en amenuiser la portée.

En effet :

– dans les deux cas, des informations identiques sont communiquées – la description de l’invention –, mais selon des modalités différentes ;

– par ailleurs, en vertu des articles L. 612-8 et R. 612-26 du code de la propriété intellectuelle, le ministre chargé de la défense est habilité, à titre confidentiel, à prendre connaissance des demandes de brevet auprès de l’INPI ;

– enfin, il s’avère en pratique que les informations transmises à l’INPI sont souvent plus complètes que celles transmises au ministère des Armées, les services de ce dernier devant donc, en tout état de cause, solliciter l’INPI pour disposer des informations les plus pertinentes.

Aussi, lalinéa unique du présent article 33 supprime la référence à la transmission, au ministère des Armées, de la description de l’invention. Par cohérence, il supprime également les références à « l’addition à un brevet », qui n’existe plus dans le code de la propriété intellectuelle.

En contrepartie de cette simplification, il conviendrait sans doute que l’INPI soit en mesure de mettre plus rapidement à la disposition de la DGA les informations nécessaires. En effet, alors que, en l’état du droit, le demandeur du brevet doit fournir la description de son invention au ministère des Armées sous un délai de huit jours après le dépôt de sa demande auprès de l’INPI, les agents de la DGA ont accès aux demandes de brevet déposées à l’INPI dans un délai de quinze jours à compter de la date de leur réception par ce dernier.

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La commission adopte l’article 33 sans modification.

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Article 34
Habilitation à simplifier, par ordonnances, les dérogations aux procédures dinformation et de participation du public dont bénéficie la défense

Cet article a pour objet d’habiliter le Gouvernement à harmoniser par ordonnance un ensemble hétérogène de règles dérogatoires à diverses procédures d’information et de participation du public prévues par les codes de l’environnement, de l’urbanisme et de l’expropriation pour cause d’utilité publique, dont bénéficie le ministère des Armées pour ses constructions, aménagements, installations, projets, plans, programmes, opérations, installations, ouvrages, travaux et activités sensibles.

1. Les dérogations aux procédures dinformation et de participation du public instituées en raison des impératifs de la défense nationale

a. Des dispositifs enchevêtrés au gré des législations

Les codes de l’urbanisme, de l’environnement, de l’expropriation pour cause d’utilité publique et celui des relations entre le public et l’administration soumettent différentes opérations à différentes procédures d’information et de consultation du public.

Ces procédures prévoient systématiquement la publication d’informations précises relatives aux constructions, aux aménagements, aux installations, aux plans, aux programmes, aux opérations, aux ouvrages, aux travaux, aux activités sensibles ou aux projets de toute nature qui sont envisagés par l’État, ses établissements, ou toute autre personne demandant à y procéder.

Or la publication de telles informations n’est pas compatible avec la protection du secret de la défense nationale lorsqu’elles concernent certaines installations ou certaines activités relevant du ministère des Armées, ou d’autres installations sensibles qui ne relèvent pas de lui ‒ comme, par exemple, des installations nucléaires, des centres de recherche ou des sites de production d’armements.

Aussi le législateur a-t-il systématiquement prévu des règles dérogatoires aux procédures d’information et de consultation du public qu’il a instituées en vue de protéger, selon le cas, l’urbanisme, l’environnement, la propriété ou les droits des administrés. Ces règles dérogatoires visent à concilier la confidentialité des informations sensibles avec les objectifs de protection, selon le cas, de l’urbanisme, de l’environnement, de la propriété ou des droits des administrés. Le tableau ci-après présente la nature et le champ d’application de ces règles.

Certes, les articles L. 2313-2 à L. 2313-4 du code de la défense, constituant une section intitulée « Urbanisme et environnement », rassemblent ces dispositions, par renvois aux articles concernés des différents codes. Toutefois, comme le souligne l’étude d’impact, si le code de la défense « tente darticuler ces dispositifs épars », il omet plusieurs d’entre eux et n’apporte « aucune précision quant aux procédures à suivre pour ouvrir droit au bénéfice de ces dérogations ou aménagements de procédures ».


 

DÉrogations existantes aux procÉdures dinformation et de participation du public ou de consultation

Formalités de droit commun

Dérogations intéressant le ministère des Armées

nature

champ dapplication

nature

champ dapplication

1./ Code de lurbanisme

- délivrance dun permis de construire (L. 421-1), daménager (L. 421-2) ou de démolir (L. 421-3) ;

- déclaration préalable (L. 421-4)

- les constructions, même sans fondations

- les travaux, installations et aménagements affectant l’utilisation des sols

- les démolitions de constructions existantes

● dispense de toute formalité de permis ou de déclaration

● double condition (L. 421-6 et L. 421-8) :

- conformité des travaux aux dispositions du code

- absence d’incompatibilité avec une déclaration d’utilité publique

● les « constructions, aménagements, installations et travaux » qui « nécessitent le secret pour des raisons de sûreté » (L. 421-5) :

- les constructions « couvertes par le secret de la défense nationale » (R. 421-8) ([235])

- les constructions à l’intérieur des « arsenaux de la marine, des aérodromes militaires et des grands camps » (idem)

- les équipements de radiocommunication numérique de la police et de la gendarmerie nationales (idem)

2./ Code de lenvironnement

- enquête publique (L. 123-1)

- participation du public par voie électronique (L. 123-19)

- un large champ de projets ayant une incidence sur l’environnement

- les opérations soumises à l’« autorisation environnementale » (art. L 181-1)

● dérogations à l’obligation d’organiser une enquête publique (L. 123-2)

- les installations et activités nucléaires militaires (L. 123-2)

- les aménagements, ouvrages ou travaux « protégés par le secret de la défense nationale » (idem)

- les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) constituant un élément de l’infrastructure militaire (R. 123-1)

- les opérations, travaux ou activités faits dans le cadre d« opérations secrètes » ([236]) sur les installations ou enceintes de la défense (idem)

- les plans de prévention des risques technologiques afférents aux installations de la défense (R. 515-50)

- divers aménagements, ouvrages ou travaux publics présentant un caractère secret ([237]) (R. 123-44)

- les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE)

● non-publication d’« éléments susceptibles de porter atteinte aux intérêts de la défense nationale et à la sécurité publique » (L. 517-1)

- toutes ICPE relevant du ministère des Armées

● règles spéciales d’autorisation et de déclaration (L. 517-1)

- les ICPE de la défense réalisées dans le cadre d’« opérations secrètes intéressant la défense nationale » (R. 517-4)

- les ICPE d’autres opérateurs « couvertes par le secret de la défense nationale » (R. 517-8)

- installations, les ouvrages, travaux et activités (IOTA) ayant un impact sur l’environnement (L. 214-1)

● règles spéciales d’autorisation et de déclaration (L. 217-1)

- les projets d’IOTA conduits dans le cadre d’« opérations secrètes intéressant la défense nationale » (R. 217-7)

- les projets d’IOTA « couverts par le secret de la défense nationale » hors installations ou enceintes de la défense (R. 217-10)

3./ Code de lexpropriation pour cause dutilité publique

enquête publique préalable à lexpropriation (L. 122-4)

tout bien dont est envisagée l’expropriation

● dispense d’enquête publique (L. 122-4)

● avis conforme d’une commission ([238]) (R. 122-4)

- opérations immobilières secrètes désignées par arrêté du ministère des Armées (R. 122-4)

4./ Code des relations entre le public et ladministration

enquête publique de droit commun (L. 134-33), autres que celles prévues par les codes de lenvironnement et de lexpropriation

toute décision légalement soumise à une enquête publique de droit commun

● non-publication des éléments de nature à « entraîner la divulgation de secrets de la défense nationale » (L. 134-33)

- toutes opérations

● interdiction aux enquêteurs de pénétrer dans une zone protégée

- zones protégées (art. 413-7 du code pénal)

- terrains militaires (art. 413-5 du code pénal)

 


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b. Un ensemble de règles dont la mise en œuvre comporte des lacunes juridiques et des lourdeurs administratives

● Le dispositif actuel crée des lourdeurs administratives

Du fait de la multiplicité des régimes juridiques précédemment décrits, dont aucune disposition n’harmonise la mise en œuvre, un seul et même projet d’installation, d’ouvrage, de travaux ou d’activité appelle la mise en œuvre de plusieurs procédures de demandes de dérogation.

 Le dispositif actuel paraît comporter encore des lacunes

De ces divers régimes dérogatoires ‒ qui ne paraissent pas ordonnés par une logique d’ensemble ‒ ressort en quelque sorte une double gradation :

‒ à raison de la sensibilité des informations protégées, selon qu’il s’agit simplement d’éléments sensibles, qui méritent d’être protégés afin de prévenir la divulgation de secrets de la défense nationale ([239]) sans pour autant justifier de classification, à des informations classifiées, pour lesquelles le droit en vigueur ne possède pas de terminologie harmonisée ([240]), sans toutefois paraître strictement assimilables au droit de la classification découlant du secret de la défense nationale défini par l’article 413-9 du code pénal ;

‒ à raison de la portée de la dérogation, qui peut aller d’une classification stricte à de simples aménagements de procédure visant à éviter la diffusion dans le public d’éléments non classifiés, mais sensible.

Subsistent pourtant des lacunes. Par exemple, il découle de la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-192 QPC du 10 novembre 2011 que n’est pas constitutionnelle la classification d’une installation en elle-même ‒ y compris l’ensemble des documents, matériels et informations qui s’y trouvent ou s’y rapportent. Dès lors, comme le dit l’étude d’impact, « seuls les documents liés au projet ainsi envisagé sont susceptibles de justifier la mise en œuvre des aménagements de procédure correspondants, lorsquils ont été classifiés en application de larticle 413-9 du code pénal ». En effet, le statut de « zone protégée » en application de l’article 413-7 du code pénal ne suffit pas à octroyer à ces lieux la protection offerte par le secret de la défense nationale en matière de procédures d’information et de participation du public.

En conséquence, il existe une lacune dans la gradation des protections dont peuvent bénéficier les informations relatives aux opérations, travaux et aménagements concernant des installations qui, sans justifier une classification au sens strict, sont suffisamment sensibles pour justifier que les plans et projets qui s’y rapportent ne soient pas rendus publics. Comme le dit l’étude d’impact, la classification de ces informations au sens de l’article 413-9 du code pénal constitue en effet un régime d’une trop « grande rigidité » pour être « adapté à toutes les situations de travail, notamment compte tenu des règles très strictes de conservation et daccessibilité qui en découlent ».

De même, plusieurs régimes de servitudes intéressant la défense nationale sont établis par le code de la défense et celui des postes et communications électroniques et comportent des procédures d’enquêtes publiques, alors que certaines informations en cause peuvent être sensibles.

2. Le dispositif proposé

L’alinéa 1 du présent article tend à habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance des dispositions relevant du domaine de la loi, dont les 1°, 2° et 3° de cet article précisent les buts.

a. L’harmonisation des dispositifs

Le 1° (alinéa 2) définit le premier objet de cette habilitation dans les termes suivants : « harmoniser, clarifier et compléter » les procédures d’information et de participation du public ou de consultation relatives à la réalisation de certains projets, plans, travaux et opérations, « ayant un caractère dérogatoire ou spécifique justifié par des motifs liés aux impératifs de la défense nationale », c’est-à-dire les procédures susmentionnées.

Selon les précisions fournies par la directrice des affaires juridiques du ministère des Armées et par l’étude d’impact, il s’agit d’harmoniser les différentes notions se rapportant au « secret » dans les différents dispositifs en vigueur en leur substituant une catégorie nouvelle et unique : celle d« opération sensible intéressant la défense nationale ». Cette qualification concernera des plans et projets au sujet desquels certaines informations méritent de ne pas être rendues publiques, sans pour autant justifier une classification au sens de l’article 413-9 du code pénal ; le choix du qualificatif « sensible » plutôt que « secret » évite à cet égard toute confusion.

La qualification d’« opération sensible intéressant la défense nationale » sera attribuée par arrêté du ministère des Armées. Afin d’opérer une conciliation équilibrée entre les exigences constitutionnelles tenant, d’une part, au droit des personnes à exercer un recours juridictionnel effectif et, d’autre part, à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, les arrêtés de qualification d’« opération sensible » ne seront pas classifiés mais ne seront pas non plus publiés. Ils seront rassemblés dans un recueil spécial auquel le juge pourra accéder, tout comme les autorités publiques compétentes et les personnes ayant à en connaître.

b. L’extension du dispositif à certaines enquêtes publiques requises pour l’établissement de servitudes

Le 2° de l’article (alinéa 3) propose d’habiliter aussi le Gouvernement à instituer des régimes de dérogation aux procédures d’enquête publique préalable à l’institution de servitudes prévues par les codes de la défense et des postes et communications électroniques.

Selon l’étude d’impact, il s’agit des servitudes suivantes :

‒ celles prévues par l’article L. 5111-1 du code de la défense au bénéfice des établissements qui relèvent du ministère des Armées ou présentent un intérêt pour la défense nationale et servent à la conservation, à la manipulation ou à la fabrication des poudres, munitions, artifices et explosifs ;

‒ celles instituées en application de l’article L. 5111-5 de ce code en vue de constituer autour de chacun de ces établissements un « polygone disolement » ;

‒ celles prévues par l’article L. 5112-1 du même code autour des « postes électro-sémaphoriques » de la marine nationale et des « postes militaires de défense des côtes et de sécurité de la navigation » ;

‒ celles établies par l’article L. 5114-1 de ce code pour d’autres installations de défense « dont les conditions de sécurité rendent nécessaire » l’application de servitudes ;

‒ celles créées par l’article L. 56 du code des postes et des communications électroniques « afin dassurer la propagation des ondes radioélectriques émises ou reçues par les centres radioélectriques exploités ou contrôlés par les services de lÉtat » contre les obstacles ou les perturbations électromagnétiques.

Le droit en vigueur ne prévoit aucune dérogation aux enquêtes publiques requises par ces articles préalablement à l’établissement de ces servitudes, ce qui pourrait conduire à rendre publiques des informations intéressant la sécurité du territoire national.

c. L’unification de la procédure de mise en œuvre des différents régimes de dérogation pour un seul et même projet

Le 3° (alinéa 4) envisage l’institution d’une « procédure unique » permettant « l’application conjointe des dispositions dérogatoires ou spécifiques » mentionnées au 1° et au 2°, lorsque « lautorité administrative » reconnaît nécessaire de protéger la confidentialité d’informations liées à un plan ou un projet en vue d’assurer la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation.

Comme l’a expliqué Mme Claire Legras, directrice des affaires juridiques, cette mesure poursuit des fins de simplification administrative.

d. Délais

Conformément à l’article 38 de la Constitution, l’alinéa 5 propose d’enserrer l’habilitation demandée dans deux délais :

‒ un délai limité pour la publication des ordonnances, que l’article propose de fixer à dix-huit mois, ce que l’étude d’impact explique par la complexité juridique des régimes à harmoniser ;

‒ un délai courant à compter de la publication des ordonnances et à l’issue duquel celles-ci deviendraient caduques si un projet de loi de ratification n’était pas déposé devant le Parlement. Le texte propose de le fixer à trois mois.

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La commission adopte successivement les amendements rédactionnels DN517, DN518 et DN519 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 34 modifié.

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Article 35
(art. L. 121-2 du code des pensions militaires et des victimes de guerre)
Présomption dimputabilité au service en cas de blessures ou maladies survenues pendant le service

Cet article propose une évolution majeure introduisant la présomption d’imputabilité au service pour les blessures ou les maladies ayant entraîné des séquelles faisant l’objet d’une demande de pension militaire d’invalidité (PMI).

1. La situation actuelle

● Le lien entre le fait générateur d’une blessure ou d’une affection et le service est le point de départ de toute demande de PMI. Il incombe au demandeur de l’établir.

Pour cela le demandeur doit produire le constat de la blessure, démontrer qu’elle a bien été causée par le fait ou à l’occasion du service et qu’il existe une relation médicale entre le fait constaté et l’infirmité évoquée.

Le demandeur doit donc rassembler de nombreux documents issus de différentes sources : encadrement, service de santé des armées, services administratifs de son groupement de soutien de base de défense, témoignages… La tâche, complexe au départ, tend à le devenir encore davantage au gré des mutations, des congés pour maladie, des dissolutions de formations, ou encore lorsqu’elle incombe à la famille du militaire.

Les demandes de PMI n’étant pas soumises à prescription, les démarches peuvent être effectuées longtemps après le fait générateur. En effet, indépendamment des aggravations, les symptômes d’une blessure psychique, d’une maladie ou encore les séquelles d’une blessure physique peuvent n’apparaître qu’après de longs mois, voire de longues années. La constitution du dossier devient alors un véritable casse-tête pour le demandeur qui ne dispose pas ou plus des documents nécessaires que l’administration peut se trouver, par ailleurs, dans l’incapacité de lui fournir.

● L’article L. 121-2 du code des pensions militaires et des victimes de guerre (CPMVG) introduit toutefois une exception et dispose que la présomption d’imputabilité au service « sapplique exclusivement, soit aux services accomplis en temps de guerre, au cours dune expédition déclarée campagne de guerre ou en opération extérieure […] ».

Seules bénéficient donc aujourd’hui d’une présomption de lien avec le service les conséquences de blessures ou de maladies (il existe toutefois des restrictions temporelles pour ces dernières), subies ou contractées lors d’une opération extérieure ([241]).

2. Le dispositif proposé

a. Le renversement de la charge de la preuve

Ce dispositif modifie fondamentalement l’esprit de l’instruction du dossier de PMI puisqu’il propose le renversement de la charge de la preuve. Ce serait à l’administration d’apporter, le cas échéant, la preuve que la blessure, ou la maladie, faisant l’objet d’une demande de PMI n’a aucun lien avec le service. Il appartiendrait donc à la sous-direction des pensions d’effectuer les recherches correspondantes et de se procurer les différents documents à l’appui de sa position.

Il est donc proposé de revoir entièrement la rédaction de l’article L. 121‑2 et de le compléter par trois articles, l’ensemble couvrant blessures, maladies et circonstances. Elle reprend, partiellement puisque la notion d’activité constituant le prolongement normal du service est écartée, les II et IV de l’article 21 bis de la loi n° 83-635 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. La distinction entre le service « habituel » et le service en opérations extérieures est maintenue.

i. Le service « habituel »

Le 1° du nouvel article L. 121-2 dispose qu’est désormais présumée imputable au service « toute blessure constatée par suite dun accident, quelle quen soit la cause, dans le temps et le lieu du service ou à loccasion de lexercice de ses fonctions en labsence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant laccident du service ; ».

Dans le même esprit, le 3° présume imputable au service toute maladie professionnelle figurant sur le tableau mentionné par le code de la sécurité sociale aux articles L. 461-1 et suivants contractée « dans lexercice ou à loccasion de lexercice par le militaire de ses fonctions […] » dans les conditions mentionnées dans ce tableau.

ii. Le service en opérations extérieures

En opérations extérieures, la blessure et la maladie sont logiquement présumées imputables au service, comme elles l’étaient auparavant.

En ce qui concerne la blessure, le 2° du même article reprend de la précédente rédaction les limites temporelles de l’opération extérieure ([242]). Ainsi est-il précisé que l’opération extérieure se termine avant la date de retour du militaire sur son lieu d’affectation ou dans son foyer.

Cette précision est importante car, depuis le 1er juillet 2015, les militaires en opération extérieure sont considérés être en service sans discontinuité dans tous les actes effectués au cours de leur mission, y compris pendant leur repos et pour les actes de la vie courante, sauf faute détachable du service. Il est de ce fait indispensable de pouvoir établir à quel moment s’arrête le cadre de l’OPEX.

Les maladies constatées en OPEX sont considérées comme imputables au service lorsqu’elles surviennent à compter du 90e jour de service effectif et avant le 60e jour suivant le retour du militaire sur son lieu d’affectation ou dans son foyer.

b. L’imputabilité par preuve

En regard de la présomption d’imputabilité au service demeure l’imputabilité par preuve lorsque certaines des conditions mentionnées dans les alinéas précédents relatifs aux maladies ne sont pas remplies. Le militaire ou ses ayants cause conservent la possibilité de chercher à établir le lien avec le service et d’apporter ainsi la preuve de l’imputabilité.

Le nouvel article L. 121-2-2 définit laccident de trajet et précise les circonstances dans lesquelles il peut être reconnu imputable au service, soit que l’administration dispose des éléments nécessaires soit que le militaire ou ses ayants cause en apportent la preuve. L’inscription de l’accident de trajet dans le CPMIVG est un progrès bienvenu.

c. Un champ d’application restreint

Il est précisé que la présomption d’imputabilité d’une blessure au service concernera uniquement les demandes en lien avec des blessures survenues après l’entrée en vigueur de la LPM. Cette limitation s’explique par l’absence de prescription en matière de dépôt de demande de PMI. Il s’agit d’éviter un potentiel afflux de demandes relatives à des accidents anciens dont les circonstances seraient difficiles, voire impossibles à établir.

Cette restriction ne s’applique pas aux maladies professionnelles.

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La commission adopte l’article 35 sans modification.

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Chapitre IX
Dispositions diverses et finales

Article 36
(ordonnances  2015-1534 du 26 novembre 2015 prise en application de larticle 30 de la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 et portant diverses dispositions concernant la défense, les anciens combattants et laction de lÉtat en mer, n° 2015-1781 du 28 décembre 2015 relative à la partie législative du code des pensions militaires dinvalidité et des victimes de guerre et n° 2016-982 du 20 juillet 2016 prise en application de larticle 30 de la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense)
Ratification dordonnances

L’article 36 du projet de loi procède à la ratification de plusieurs ordonnances prises par le Gouvernement sur le fondement d’habilitation délivrées par la loi du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019.

1. Le régime juridique des ordonnances

L’article 38 de la Constitution permet au Gouvernement de demander au Parlement de l’autoriser à « prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi ».

Cette procédure, qui consiste pour le Parlement à se dessaisir de ses propres compétences, doit demeurer l’exception, et n’est en général employée que pour la définition de mesures techniques, ou pour accélérer le processus d’élaboration de la norme.

Afin de préserver les droits du Parlement, et de prémunir toute tentation de contournement du pouvoir législatif, le constituant a prévu la caducité des ordonnances si un projet de loi de ratification n’est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d’habilitation. En revanche, rien n’oblige le Gouvernement à procéder à l’inscription à l’ordre du jour des assemblées du projet de loi de ratification. Comme l’a rappelé le juge administratif, « la circonstance que le projet de loi nait pas été inscrit, depuis son dépôt, à lordre du jour de la discussion parlementaire, [nest] pas de nature à rendre caduques les dispositions de lordonnance [...] édictées sans condition de durée ([243]) ».

Toutefois, le dépôt du projet de loi de ratification ne vaut pas ratification. Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008([244]) le deuxième alinéa de l’article 38 de la Constitution précise que les ordonnances « ne peuvent être ratifiées que de manière expresse », alors que la jurisprudence du Conseil constitutionnel acceptait jusqu’à alors leur ratification implicite ([245]).

La ratification expresse d’une ordonnance peut être faite par l’inscription à l’ordre du jour du Parlement et le vote d’un projet de loi de ratification ou comportant une mesure de ratification, mais également résulter de l’adoption d’un amendement à un projet de loi ordinaire. C’est la première solution qui a en l’espèce été retenue par le Gouvernement.

La ratification a pour effet de conférer une valeur législative à l’ordonnance, et ce de manière rétroactive. Ses dispositions ne peuvent plus être contestées devant le juge administratif.

2. L’ordonnance n° 2015-1534 du 26 novembre 2015

Le 1° du présent article prévoit la ratification de l’ordonnance n° 2015‑1534 du 26 novembre 2015 ([246]). Une telle ratification appelle les observations suivantes.

a. Sur le chapitre premier de l’ordonnance portant dispositions relatives aux matériels de guerre (articles 1 et 2)

Les articles 1 et 2 de lordonnance ont modifié l’article L. 2332-6 du code de la défense afin d’inclure dans son champ les biens à double usage au sens communautaire, et procédé à un certain nombre de coordinations de conséquence au sein du même code.

b. Sur le chapitre deux de l’ordonnance portant dispositions relatives aux anciens combattants (articles 3 et 4)

● L’article 3 de l’ordonnance modifie l’article L. 253 bis du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, abrogé depuis par l’ordonnance n° 2015-1781 du 28 décembre 2015 dont le présent article propose aussi la ratification. Avant son abrogation, l’article L. 253 bis du code traitait des conditions de reconnaissance de la qualité de combattant et, ce faisant, d’attribution de la carte du combattant. Cet article dressait la liste des personnes susceptibles de faire valoir ce droit dès lors qu’elles avaient pris part à des actions de feu ou de combat au cours d’opérations : les militaires des armées françaises ; les membres des forces supplétives françaises ; les personnes civiles qui, en vertu des décisions des autorités françaises, ont participé aux opérations au sein d’unités françaises.

Cet article précisait par ailleurs en son sixième alinéa qu’une commission d’experts, comportant notamment des représentants des intéressés, était chargée de déterminer les modalités selon lesquelles la qualité de combattant pouvait être reconnue aux personnes ayant pris part à cinq actions de feu ou de combat ou dont l’unité aurait connu, pendant leur temps de présence, neuf actions de feu ou de combat. La modification portée par l’article 3 avait simplement pour objet de confier cette dernière responsabilité au ministre chargé des Anciens combattants et des victimes de guerre ou, par sa délégation, au directeur général de l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre.

● L’article 4 de l’ordonnance, quant à lui, procède à la modification de plusieurs articles de la loi n° 51-1124 du 26 septembre 1951 instituant des bonifications d’ancienneté pour les personnes ayant pris une part active et continue à la Résistance et prévoyant des dérogations temporaires aux règles de recrutement et d’avancement dans les emplois publics.

La modification essentielle porte sur l’article 3, qui prévoyait qu’une « commission centrale » de bonification, dont les règles de fonctionnement devaient être fixées par décret en Conseil d’État, avait pour mission d’établir la liste des fonctionnaires et autres agents publics admis à bénéficier d’une majoration d’ancienneté en matière d’avancement et de la campagne simple en cas de liquidation de la pension du fait de leur temps passé dans la Résistance active.

Pour rappel, l’article 1 de la loi n° 51-1124 prévoit que peuvent bénéficier de telles bonifications les magistrats, fonctionnaires et agents civils et militaires de l’État, les agents des services coloniaux, les agents contractuels et temporaires, les employés auxiliaires et les ouvriers de l’État, ainsi que les fonctionnaires et agents des départements, des communes et des établissements publics départementaux et communaux qui ont pris une part active et continue à la Résistance.

Le de l’article 4 de l’ordonnance confie la mission de la commission centrale précitée au ministre chargé des Anciens combattants et des victimes de guerre ou, par sa délégation, au directeur général de l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre.

Les , et procèdent à de simples modifications de coordination découlant de la disposition précédente :

– suppression de la mention d’un avis de la commission centrale à l’article 4 ;

– abrogation de l’article 6 relatif à la composition de la commission centrale ;

– suppression, à l’article 7, du renvoi à un décret en Conseil d’État pour la définition des règles de fonctionnement de la commission centrale.

c. Sur le chapitre trois de l’ordonnance portant dispositions relatives à l’action de l’état en mer (articles 5 et 6)

i. Dispositions relatives à la destruction de produits stupéfiants saisis en mer

● Larticle 5 de lordonnance ajoute deux nouveaux articles 14 bis et 16 bis à la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 relative à la lutte contre la piraterie et aux modalités de l’exercice par l’État de ses pouvoirs de police en mer. Ces articles créent un nouveau régime visant à encadrer la destruction des produits stupéfiants saisis à bord de navires ayant fait l’objet d’opérations de contrôle dans le cadre des actions de police en mer.

Une telle destruction n’était auparavant pas autorisée, seule la saisie des produits stupéfiants pouvant s’effectuer, en application de l’article 14 de la loi n° 94-589 précitée. En effet, les marins n’étant ni des agents des douanes, ni des gendarmes, ils ne pouvaient juridiquement pas procéder à la destruction des produits stupéfiants saisis lors d’opérations de police en mer. Le cas échéant, le bâtiment français ayant procédé à la saisie devait :

– soit dérouter le navire impliqué dans un trafic de stupéfiants vers un port français afin d’y remettre le navire, son équipage ainsi que la totalité des produits stupéfiants saisis à l’autorité judiciaire ;

– soit les remettre à l’État du pavillon si celui-ci n’avait pas renoncé à sa compétence juridictionnelle.

De tels déroutements imposaient aux bâtiments de l’État des accompagnements dont la durée pouvait s’avérer fortement consommatrice de jours de mer et qui les distrayaient par ailleurs de leurs autres missions.

● En application du nouvel article 14 bis de la loi n° 94-589, les autorités responsables de l’action de l’État en mer (AEM) – le préfet maritime en métropole et, outre-mer, le délégué du Gouvernement pour l’AEM – pourront décider d’une telle destruction, qui pourra être exécutée d’office et sous réserve du respect des traités internationaux en vigueur.

Cette décision pourra être prise en urgence, ou lorsque les produits saisis ne pourraient pas être conservés suffisamment longtemps dans des conditions de sécurité ou d’hygiène satisfaisante, en raison :

– de contraintes d’éloignement qui empêcheraient le bâtiment de l’État ayant procédé aux opérations de contrôle de rejoindre un port dans des délais compatibles avec la conservation de ces produits ;

– de contraintes opérationnelles ou matérielles ;

– ou de la quantité de produits stupéfiants saisis.

Les autorités responsables de l’AEM devront informer le capitaine du navire sur lequel les produits stupéfiants auraient été saisis ou toute autre personne se trouvant à bord de leur décision de procéder à leur destruction.

Ces modalités sont applicables dès lors que le navire contrôlé est sans nationalité ou n’arbore le pavillon d’aucun État. Lorsque la saisie est opérée sur un navire battant pavillon étranger, la destruction ne peut s’effectuer sans l’autorisation préalable de l’État du pavillon.

En pratique, la destruction des produits stupéfiants pourra s’effectuer :

– en mer, après prélèvement d’échantillons, et devra faire l’objet d’un procès-verbal ;

– sur le territoire d’un État étranger dès lors que celui-ci aurait consenti à réaliser cette destruction. Dans ce cas, le commandant du bâtiment français ayant procédé à la saisie remettra les stupéfiants aux autorités étrangères après avoir prélevé des échantillons, cette remise étant constatée par procès-verbal.

L’article 16 bis nouveau dispose qu’une telle destruction s’effectue conformément aux dispositions applicables du code de procédure pénale (articles 41-5 et 99-2 dudit code), dans le respect des traités et accords internationaux en vigueur, et qu’elle doit être constatée par procès-verbal après prélèvements d’échantillons.

ii. Dispositions relatives à l’immersion de déchets ou d’autres matières

● En application des articles L. 218-42 et suivants du code de l’environnement, l’immersion de déchets ou d’autres matières est interdite. La notion d’immersion est définie au point 4.1 de l’article 1er du protocole du 7 novembre 1996 à la convention de Londres de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion de déchets, dont les stipulations sont reproduites ci-après ([247]).

La notion d« immersion » daprès le protocole du 7 novembre 1996 à la convention de Londres de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de limmersion de déchets

Article 1er – Définitions

Aux fins du présent Protocole :

[…]

4.1. « Immersion » désigne :

4.1.1. Toute élimination délibérée dans la mer de déchets ou autres matières à partir de navires, aéronefs, plates-formes ou autres ouvrages artificiels en mer ;

4.1.2. Tout sabordage en mer de navires, aéronefs, plates-formes ou autres ouvrages artificiels en mer ;

4.1.3. Tout entreposage de déchets ou autres matières sur le fond des mers, ainsi que dans leur sous-sol, à partir de navires, aéronefs, plates-formes ou autres ouvrages artificiels en mer ; et

4.1.4. Tout abandon ou renversement sur place de plates-formes ou autres ouvrages artificiels en mer, dans le seul but de leur élimination délibérée.

● Afin de tenir compte de leurs contraintes opérationnelles spécifiques, larticle 6 de lordonnance modifie l’article L. 218-42 du code de l’environnement afin d’exonérer de cette interdiction les navires de guerre ainsi que les navires de l’État ou de ses établissements publics, dès lors qu’ils agissent dans le cadre d’opérations de police en mer, et à condition de respecter, dans la mesure du possible les exigences de préservation de la faune et la flore marines prévues par les traités et accords internationaux en vigueur.

Il procède par ailleurs à un certain nombre de coordinations au sein du code de l’environnement, afin de mettre les dispositions pertinentes en cohérence avec la nouvelle rédaction de l’article L. 218-42 précité.

3. L’ordonnance n° 2015-1781 du 28 décembre 2015 relative à la partie législative du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre

Le du présent article prévoit la ratification de l’ordonnance n° 2015‑1781 du 28 décembre 2015 relative à la partie législative du code des pensions militaires d’invalidité. Une telle ratification appelle les observations suivantes.

Cette ordonnance a été prise en application de l’article 55 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale. Le 8° de cet article habilitait en effet le Gouvernement à refondre par ordonnance la partie législative du code afin :

« a) dy insérer les dispositions pertinentes qui nont pas encore été codifiées, dans leur rédaction en vigueur à la date de publication de lordonnance concernée ;

b) daméliorer le plan du code ;

c) de corriger les éventuelles erreurs ou insuffisances de codification ;

d) dassurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence des textes faisant lobjet de la codification ;

e) dharmoniser létat du droit ;

f) dabroger les dispositions devenues sans objet. »

La publication de l’ordonnance du 28 décembre 2015 a constitué la première étape de cette refonte, les travaux s’étant poursuivis en 2016 en ce qui concerne la partie réglementaire du code. La partie législative est entrée en vigueur en même temps que la partie réglementaire, le 1er janvier 2017.

La refonte du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre s’est opérée à droit constant et avait pour ambition de clarifier et de simplifier le code. Comportant essentiellement des dispositions élaborées au lendemain des deux guerres mondiales, auxquelles s’ajoutaient de nombreux textes édictés au fil du temps, ce code se caractérisait par sa complexité, des dispositions parfois juridiquement fragiles et un défaut de cohérence d’ensemble. Des dispositions obsolètes ont été supprimées, tandis que des textes jusqu’à présent non codifiés y ont été insérés. La mention des victimes d’actes de terrorisme y a été explicitement intégrée. La refonte a également tenu compte des avancées du droit : des modifications de portée limitée ont été opérées, essentiellement afin de supprimer certaines discriminations. Le partage entre loi et règlement a fait l’objet d’une attention particulière.

En somme, comme le souligne l’exposé des motifs du projet de loi de ratification de cette ordonnance déposé au Sénat le 1er juin 2016, « le code devait sadapter à la professionnalisation des armées et à un contexte marqué par les opérations extérieures et les actes de terrorisme. Il sapplique non seulement aux militaires en temps de guerre et durant les opérations extérieures, mais aussi aux militaires victimes daccidents ou de maladies imputables au service en temps de paix et à leurs ayants cause, soit environ 250 000 pensionnés au 1er janvier 2015. Par ailleurs, et compte tenu des événements tragiques qui ont endeuillé la France en 2015, il était en outre nécessaire que la notion de victimes dactes de terrorisme, pour lesquelles la loi n° 86-1020 du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme et aux atteintes à la sûreté de lÉtat a prévu quelles bénéficient des dispositions du code des pensions militaires dinvalidité et des victimes de guerre applicables aux victimes civiles de guerre, soit explicitement intégrée dans le code. » ([248])

Le CPMIVG se décompose dorénavant comme suit :

– le livre Ier reprend les dispositions relatives à l’ouverture du droit à pension et à la fixation du taux de pension pour les militaires et victimes civiles de guerre invalides et leurs ayants cause, ainsi que les dispositions relatives aux allocations rattachées à la pension principale. Un titre Ier, qui n’existait pas dans la version antérieure du code, détermine les bénéficiaires ;

– le livre II regroupe les dispositions relatives aux droits annexes au droit à pension. Il s’agit des soins médicaux et de l’appareillage au profit des pensionnés, du droit à la reconversion professionnelle des pensionnés, des emplois réservés dans la fonction publique ainsi que des cartes d’invalidité attribuées aux pensionnés et dans certains cas à leurs accompagnateurs, permettant notamment des réductions sur les transports SNCF ;

– le livre III traite des cartes et titres attribués aux combattants, aux victimes civiles de guerre, de la retraite du combattant et des décorations. Ces domaines ont en commun de constituer le témoignage de la reconnaissance de la Nation envers les combattants pour leur action au service de la France et la reconnaissance des souffrances endurées par les victimes civiles de guerre, indépendamment du droit à pension ;

– le livre IV traite de la reconnaissance de la qualité de pupille de la Nation, de la protection et des avantages reconnus aux pupilles. Ces dispositions n’ont pas fait l’objet de modifications substantielles. Leur rédaction a été mise en cohérence avec les procédures judiciaires actuelles, puisque la reconnaissance de la qualité de pupille est prononcée par jugement, ou en accord avec les règles applicables aux tutelles, après concertation avec le ministère de la Justice ;

– le livre V se décompose en deux titres. Le titre Ier traite des mentions attribuées aux militaires décédés en temps de guerre ou en opérations extérieures ou à des victimes civiles de guerre (mention « mort pour la France ») ou attribuées aux militaires et aux agents publics décédés dans des circonstances particulières de service (mention « mort pour le service de la Nation »). Le titre II traite des sépultures de guerre et des procédures de restitution des corps ;

– le livre VI est également divisé en deux titres. Le titre Ier traite de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre. Le titre II traite de l’Institution nationale des invalides ;

– le livre VII est relatif au contentieux des pensions et aux juridictions spéciales compétentes en la matière.

Les principales associations du monde combattant et des victimes de guerre, réunies au sein du « groupe des 12 élargi » (le G12) ont été associées à la refonte du code, et informées des évolutions apportées au fur et à mesure du processus de recodification. Les projets de textes ont été transmis aux membres du groupe et à un groupe de travail ad hoc constitué par plusieurs associations, qui ont pu présenter des observations et propositions afin d’améliorer la rédaction des textes. Si toutes leurs demandes n’ont pas été inscrites dans la nouvelle mouture du code, il n’en demeure pas moins que celle-ci préserve et conforte les droits à reconnaissance et réparation.

En somme, la refonte du code n’a pas trahi ses principes fondateurs, traduction de la déclaration de Georges Clémenceau à la tribune du Sénat, le 20 novembre 1917 : « Ces Français que nous fûmes contraints de jeter dans la bataille, ils ont des droits sur nous. Ils veulent quaucune de nos pensées ne se détourne deux, quaucun de nos actes ne leur soit étranger. Nous leur devons tout, sans aucune réserve. »

4. L’ordonnance n° 2016-982 du 20 juillet 2016

Le du présent article procède à la ratification de l’ordonnance n° 2016-982 du 20 juillet 2016 prise en application de l’article 30 de la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense. Une telle ratification appelle les observations suivantes.

Comme l’indique l’exposé des motifs du projet de loi de ratification de cette ordonnance déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 19 octobre 2016, cette ordonnance constitue le troisième et dernier volet de mise en œuvre des habilitations données par la loi du 28 juillet 2015 d’actualisation de la programmation militaire pour les années 2015 à 2019. Elle comporte six chapitres qui portent application du 1°, des c, d, e, f et g du 3°, et du 5° de l’article 30 de ladite loi du 28 juillet 2015.

a. Sur le chapitre un de l’ordonnance portant dispositions relatives au contrôle a posteriori des exportations et des transferts en matière d’armement (articles 1 et 2)

Ce chapitre contient des dispositions ayant pour objet de renforcer le contrôle a posteriori en matière dexportation de matériels de guerre. Ladministration aura désormais la faculté, en cas de carence constatée des procédures de contrôle interne des exportateurs, de les mettre en demeure de prendre des mesures correctives sous peine de sanctions administratives qui pourront prendre la forme de sanctions pécuniaires ou dune suspension de leur licence dexportation.

● De manière plus précise, larticle 1 de lordonnance modifie en son 1° le titre du chapitre IX du titre III du livre III de la deuxième partie du code de la défense, traitant désormais du contrôle administratif et des dispositions pénales s’agissant des matériels de guerre, des armes et des munitions. De plus, la dénomination de la section 1 est modifiée par le 2°, celle-ci étant à présent des pouvoirs d’enquête et de contrôle. Enfin, le 3° complète les dispositions de cette section, par l’insertion d’un nouvel article L. 2339-1-1. Aux termes de ce nouvel article, les investigations conduites auprès des titulaires d’autorisation et de licence d’exportation d’armement par les agents habilités de l’État – agents habilités par le ministère chargé de la Défense, agents des contributions indirectes et des douanes et autorités de police judiciaire – peuvent porter sur les procédures de contrôle interne mises en œuvre par les exportateurs et les fournisseurs afin de garantir le respect de leurs obligations légales et réglementaires. Par ailleurs, le 4° procède à l’insertion d’une nouvelle section 1 bis composé d’un seul article L. 2339-1-2 consacré aux sanctions administratives susceptibles d’être prises en cas de carence ou de défaillance des procédures de contrôle interne ayant causé ou étant susceptible de causer un manquement aux obligations susmentionnées. L’autorité administrative est ainsi fondée à mettre en demeure l’exportateur ou le fournisseur de prendre des mesures correctives. Le deuxième alinéa de ce nouvel article prévoit qu’en cas d’inexécution de ces mesures au terme du délai de mise en conformité fixé dans la mise en demeure, l’autorité administrative peut prononcer à l’encontre de l’exportateur ou du fournisseur plusieurs types de sanctions :

– une sanction pécuniaire proportionnée à la situation de l’exportateur ou du fournisseur et à l’éventuelle réitération de carences ou de défaillances constatées antérieurement si l’inexécution n’est pas constitutive d’une infraction pénale. Dans un tel cas, la sanction pécuniaire ne peut être d’un montant supérieur à 150 000 euros ;

– la suspension, la modification ou l’abrogation d’une licence d’exportation de matériels de guerre ou de matériels assimilés ou d’une licence de transfert intracommunautaire de produits liés à la défense.

De plus, le cinquième alinéa de cet article précise que ces sanctions peuvent être prononcées cumulativement.

Enfin, le sixième alinéa établit un délai de prescription, deux ans révolus à compter du terme du délai de mise en conformité fixé dans la mise en demeure, le septième alinéa renvoyant au code des relations entre le public et l’administration et le huitième alinéa à un décret en Conseil d’État la précision des modalités de mise en œuvre de cette procédure.

 Larticle 2 de lordonnance, quant à lui, renforce ce régime de sanctions administratives en prévoyant la possibilité pour l’autorité administrative, en cas d’inexécution des mesures correctives décidées par elle sur le fondement de l’article L. 2339-1-2, de retirer la licence d’exportation ou de transfert.

b. Sur le chapitre deux de l’ordonnance portant dispositions relatives aux ressources humaines militaires (articles 3, 4 et 5)

 Larticle 3 de lordonnance procède à l’insertion d’une nouvelle section 5 au sein du chapitre III du titre II du livre Ier de la quatrième partie du code de la défense, consacré aux garanties et aux protections dont bénéficient les militaires ainsi qu’à leur rémunération. Cette nouvelle section, intitulée « santé et sécurité au travail », comporte un article unique L. 4123-19 disposant que « des conditions dhygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux militaires durant leur service selon des modalités fixées par un décret en Conseil dÉtat. » Il s’agit simplement de faire bénéficier les militaires, hors engagement opérationnel, des règles communes des personnels civils en matière de santé et de sécurité au travail.

 Larticle 4 de lordonnance complète l’article L. 4132-6 du code de la défense afin d’ouvrir la possibilité de verser une allocation financière spécifique à des élèves ou à des étudiants formés dans des disciplines rares dont les armées ont besoin, en échange d’un engagement à souscrire un contrat pour une durée minimale auprès du ministère de la Défense, ou du ministère de l’Intérieur pour la gendarmerie nationale.

 Larticle 5 de lordonnance modifie quant à lui les articles L. 4138‑12 et L. 4138-13 du code de la défense afin de prendre en compte, au titre de l’avancement et non plus seulement des droits à pension de retraite, le temps passé par les militaires placés en congé de longue durée pour maladie ou en congé de longue maladie.

c. Sur le chapitre trois de l’ordonnance portant dispositions relatives à la définition de la notion de « forces armées et formations rattachées » (articles 6, 7, 8 et 9)

Ce chapitre comprend une série de mesures qui précisent et harmonisent l’utilisation des termes « forces armées » et « formations rattachées » dans le code de la défense, notamment afin d’intégrer sous la notion de « forces armées » des organismes interarmées autres que des organismes de soutien. Les dispositions du code de la défense sont harmonisées en conséquence.

● Ainsi, si les articles 6 et 7 de lordonnance ne contiennent que des mesures de coordination, larticle 8 mérite davantage de commentaires. Outre des évolutions sémantiques ou de stricte coordination, il contient une disposition procédant à l’insertion d’un nouvel article L. 3211-1-1 définissant la notion de « formations rattachées ». Aux termes de ce nouvel article, les formations rattachées sont donc « les services exerçant des attributions spécifiques nécessaires à laccomplissement des missions des forces armées et dont lautorité responsable est, de ce fait, chargée dexercer, au nom du ministre de la défense, une autorité statutaire sur des corps militaires. » Le décret pris en Conseil d’État n° 2017-744 du 4 mai 2017 relatif aux forces armées et aux formations rattachées et modifiant le code de la défense dresse la liste des formations rattachées en son article 3. Il s’agit donc du contrôle général des armées, de la direction générale de l’armement, du service d’infrastructure de la défense, du service de la justice militaire et des affaires maritimes.

 Larticle 9, enfin, procède à des mesures de coordination et de précision linguistique qui ne font l’objet d’aucun commentaire.

d. Sur le chapitre quatre de l’ordonnance portant dispositions relatives à la suppression des commissions de bonification (articles 10 et 11)

Ce chapitre tire les conséquences de la suppression de la commission centrale relative aux bonifications et aux avantages de carrière des fonctionnaires ayant accompli des services de la Résistance, figurant à l’article 4 de l’ordonnance n° 2015-1534 du 26 novembre 2015 prise en application de l’article 30 de la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 et portant diverses dispositions concernant la défense, les anciens combattants et l’action de l’État en mer. Cette évolution a fait l’objet d’un commentaire précédemment, ce qui explique que le rapporteur n’entre pas ici dans les détails.

La suppression de ces commissions centrales de bonification a conduit à transférer la responsabilité de leurs missions au ministre chargé des Anciens combattants ou, par délégation, au directeur général de l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONAC-VG). En conséquence, les articles 10 et 11 de lordonnance procèdent à cette même évolution et intègrent les mesures de coordination nécessaires au sein de la loi n° 56-334 du 27 mars 1956 tendant à rendre applicable aux personnels des cadres algériens la loi n° 51-1124 du 26 septembre 1951 et la loi n° 58-347 du 4 avril 1958 relative à l’application aux personnels militaires des majorations d’ancienneté prévues par la loi n° 50-729 du 24 juin 1950 modifiant l’article 8 de la loi n° 48-1251 du 6 août 1948 et par la loi n° 51-1124 du 26 septembre 1951. Ces dispositions n’appellent aucun commentaire.

e. Sur le chapitre cinq de l’ordonnance portant dispositions relatives aux installations classées pour la protection de l’environnement qui relèvent du ministre de la défense (article 12)

L’article 12 de lordonnance modifie l’article L. 517-1 du code de l’environnement afin de permettre l’application des articles L. 115-8 à L. 115-11 du code de l’environnement aux installations classées de protection de l’environnement (ICPE) relevant du ministère de la Défense. Ainsi, ce dernier pourra instituer des servitudes d’utilité publique autour de certaines ICPE afin de mieux garantir la protection des populations environnantes. Par ailleurs, une dérogation au droit commun, moins contraignante en termes de procédure et de délais, est établie pour les matériels et équipements opérationnels des forces armées susceptibles de constituer une installation classée pour la protection de l’environnement et déployés sur le territoire national pour une période inférieure à six mois lors de missions de la défense nationale. En dernier lieu, le ministère de la Défense est autorisé à ne pas diffuser auprès du public certaines informations relatives aux ICPE dont il a la charge lorsqu’elles sont susceptibles de porter atteinte aux intérêts de la défense nationale et à la sécurité publique.

f. Sur le chapitre six de l’ordonnance portant dispositions relatives à l’outre-mer (articles 13, 14, 15, 16 et 17)

De manière assez classique, les articles 13, 14, 15, 16 et 17 de lordonnance précisent les modalités d’application de l’ordonnance à la Nouvelle-Calédonie et aux collectivités relevant de l’article 74 de la Constitution.

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La commission examine l’amendement DN137 de M. Laurent Furst.

M. Thibault Bazin. Comme dans le cas de l’article 32, la démarche nous inquiète. Avant que vous ne me posiez la question, je vous indique que nous allons maintenir cet amendement, par souci de cohérence.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Votre amendement tend à la suppression de l’article 36 qui ratifie plusieurs ordonnances, dont celle du 28 décembre 2015 que vous mentionnez. Il y en a deux autres et vous supprimez toutes les ratifications.

M. Thibault Bazin. Je pense que les « marcheurs » vont refuser notre amendement et que nous aurons l’occasion d’y apporter des précisions avant la séance.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. J’émets un avis défavorable pour inciter les « marcheurs » à ne pas vous suivre, Monsieur le député.

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État auprès de la ministre des Armées. Cet article a effectivement pour objet de ratifier trois ordonnances prises sur habilitation législative. La disposition, assez technique, ne cache pas d’enjeux stratégiques particuliers.

L’une des ordonnances codifie les dispositions législatives du code des pensions militaires d’invalidité. Certaines associations ont regretté que cette codification n’ait pas été l’occasion d’apporter des améliorations, mais il convient de souligner que l’habilitation donnée par le Parlement ne permettait au Gouvernement que de codifier à droit constant. Ne pas ratifier l’ordonnance, c’est mettre en péril le code, tout simplement, et donc mettre en difficulté les pensionnés. C’est simplement un outil.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Vous risquez de mettre en péril le code, Monsieur Bazin.

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État auprès de la ministre des Armées. Et les pensionnés.

M. Thibault Bazin. Comme je n’ai aucune envie de mettre en danger les pensionnés, je retire, par sagesse, notre amendement.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 36 sans modification.

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Article 37
Abrogation de larticle 48 de la loi de programmation militaire 2014-2019

Le dispositif de cession de gré à gré prévu à l’article 48 de la précédente loi de programmation militaire permet, dans les cas mentionnés par l’article R. 3211-26 du code général de la propriété des personnes publiques, d’instaurer un dialogue avec les acquéreurs potentiels de biens complexes reconnus inutiles dans le cadre des mesures de restructuration du ministère des Armées. Ces échanges peuvent donner lieu à la réalisation, par ce ministère, d’études de reconversion de ces mêmes emprises avec, le cas échéant, des propositions d’évolution du droit des sols visant à démontrer leurs potentialités d’intégration urbaine et paysagère et à maximiser, pour l’État, la valorisation de ces biens.

Ce dispositif de cession de gré à gré, de nature réglementaire, a été porté au niveau législatif par un amendement au projet de loi de programmation militaire 2014-2019, présenté en séance publique, au cours de la première lecture, par le sénateur Yves Krattinger au nom de la commission des Finances du Sénat, afin de proroger ce dispositif de cinq ans, jusqu’au 31 décembre 2019.

Bilan des Cessions immobilières de gré à gré entre 2013 et 2017

(en millions deuros)

 

2013

2014

2015

2016

2017

Total

Total des cessions

115,4

189,7

170,0

162,3

32,0

669,33

dont gré à gré

23,5

2,5

10,4

103,4

12,6

152,4

dont Paris

0,6

0,0

0,0

87,0

0,0

87,6

dont province

22,9

2,5

10,4

16,4

12,6

64,8

Source : ministère des Armées.

Le montant total des cessions réalisées et conduites en gré à gré s’élève à la somme arrondie de 152 millions d’euros, dont 87 millions d’euros liés à la seule cession de l’Hôtel de l’Artillerie à la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP) le 23 décembre 2016.

La pérennisation de ce dispositif paraît opportune. Toutefois, dans la mesure où ces modalités d’aliénation du domaine immobilier de l’État relèvent du pouvoir réglementaire, il est nécessaire d’abroger ces dispositions législatives en créant des dispositions réglementaires pérennes par un décret en Conseil d’État.

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La commission adopte l’article 37 sans modification

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*     *

Article 38
Habilitation à établir, par ordonnances, des dérogations à certaines procédures dinformation et de participation du public et aux procédures dautorisation dinstallations classées au bénéfice de la défense

Cet article a pour objet d’habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures relevant du domaine de la loi dans un double but :

‒ instituer des dérogations nouvelles aux dispositifs d’information et de participation du public préalables à l’autorisation environnementale requise pour des installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) relevant du ministère des Armées, pour le cas où la divulgation ou le recoupement d’informations serait de nature à révéler des vulnérabilités des infrastructures des armées. Tel est l’objet du 1° de cet article ;

‒ dispenser d’une nouvelle autorisation au titre de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) les extensions temporaires d’installations déjà autorisées, lorsque ces extensions sont justifiées par des nécessités opérationnelles. Tel est l’objet du 2° de cet article.

1. Justification générale des dérogations nouvelles

L’alinéa 1 précise la justification de ces mesures : « prendre en compte des intérêts fondamentaux de la Nation ». À cet égard, l’étude d’impact rappelle que, selon le sixième considérant de la Charte de l’environnement de 2004, « la préservation de lenvironnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation » et que l’article 410-1 du code pénal dispose que « les intérêts fondamentaux de la nation sentendent [...] de son indépendance, de lintégrité de son territoire, de sa sécurité [...], des moyens de sa défense et de sa diplomatie, de la sauvegarde de sa population en France et à létranger, de léquilibre de son milieu naturel et de son environnement ». Il s’agit donc, pour le législateur, de concilier :

‒ l’intérêt qui s’attache à la protection de l’environnement et qui justifie les régimes d’autorisation administrative et les dispositifs d’information et de participation du public susmentionnés ;

‒ les intérêts de la défense nationale, y compris la protection d’informations dont la divulgation ou, dans certains cas, le simple recoupement par des individus malveillants, seraient de nature à révéler des vulnérabilités et donc à compromettre la sécurité des installations relevant du ministère des Armées. Tel est le cas pour diverses informations relatives aux IOTA ou aux ICPE relevant du ministère des Armées, qui pourraient être divulguées à l’occasion des procédures d’information et de participation du public prévues dans le cadre de leurs procédures d’autorisation, même pour une autorisation afférente à un accroissement temporaire de leurs capacités en vue d’une opération.

2. Adaptations et dispenses en matière dinformation et de participation du public pour des installations, ouvrages, travaux et activités du ministère des Armées,

Le 1° du présent article (alinéa 2) tend à autoriser le Gouvernement à établir de nouvelles dérogations aux procédures d’information et de participation du public préalables à la délivrance d’autorisations administratives prévues par le code de l’environnement.

Il précise la portée de ces dérogations en des termes généraux, évoquant des « adaptations » et des « dispenses » en matière d’information et de participation, à l’image de ce qui est prévu pour les informations relevant du secret de la défense nationale dans les mêmes procédures, et que l’article 34 tend à habiliter le Gouvernement à réécrire. Cet aliéna précise aussi le champ d’application de ces dérogations, par référence aux « installations, ouvrages, travaux et activités mentionnés à larticle L. 217-1 » du code de l’environnement.

Dans sa rédaction en vigueur, cet article renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de déterminer les conditions d’application aux « opérations, travaux ou activités » ‒ sans mention ni d’« installations » ni d’« ouvrages » ‒ concernant des « installations ou enceintes relevant du ministre chargé de la défense ou soumises à des règles de protection du secret de la défense nationale » de plusieurs dispositions :

‒ celles des articles L. 214-1 à L. 214-6 du code de l’environnement, qui soumettent à autorisation ou à déclaration, suivant les dangers qu’ils présentent et la gravité de leurs effets sur la ressource en eau et les écosystèmes aquatiques, les « installations, les ouvrages, travaux et activités » définis dans une nomenclature. L’article L. 214-3 précise que l’autorisation ainsi requise est « lautorisation environnementale » prévue aux articles L. 181-1 et suivants du même code ;

‒ l’article L. 214-8 de ce code, qui impose des « moyens de mesure ou dévaluation appropriés » sur les installations de prélèvement, de déversement ou de pompage d’eau ;

‒ celles du chapitre II du titre VII du livre Ier du même code, qui régissent la recherche et la constatation des infractions aux dispositions précédentes.

En application de l’article L. 217-1 précité, les articles R. 217-7 et R. 217‑10 du même code prévoient déjà des procédures d’autorisation ou de déclaration dérogatoires pour, respectivement, les projets d’IOTA du ministère des Armées dans le cadre d’« opérations secrètes » et les projets de même nature conduits par d’autres organismes mais néanmoins « couverts par le secret de la défense nationale ». En revanche, aucune disposition n’est prévue pour la protection des informations dont, sans qu’elles relèvent d’« opérations secrètes » ou du « secret de défense nationale », la divulgation et le recoupement pourraient révéler des vulnérabilités dans l’infrastructure militaire.

On relèvera que dans le cas des installations classées pour la protection de l’environnement, l’article L. 517-1 comporte une disposition dispensant de rendre publics tous « éléments susceptibles de porter atteinte aux intérêts de la défense nationale et à la sécurité publique », même s’ils ne se rattachent pas au « secret de la défense nationale ». Selon l’étude d’impact, la demande d’habilitation vise à prévoir à l’article L. 217-1 précité du code de l’environnement une mesure de même teneur pour les IOTA, qui serait ainsi « le “miroir” de celle prévue déjà existante au bénéfice des installations classées ».

Selon l’étude d’impact, cet article fait d’ailleurs partie de ceux que le Gouvernement, sur le fondement de l’habilitation demandée à l’article 34, envisage de modifier aux fins d’harmoniser, de clarifier et de compléter les dispositifs dérogatoires d’information et de participation du public ou de consultation dont bénéficie le ministère des Armées.

3. Dérogation, pour des raisons opérationnelles, aux procédures dautorisation de certaines installations classées pour la protection de lenvironnement (ICPE)

Le 2° du présent article (alinéa 3) tend à autoriser le Gouvernement à établir une dérogation aux procédures d’autorisation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) relevant du ministère des Armées dans des cas justifiés par des raisons opérationnelles, c’est-à-dire tenant soit à l’exécution des missions opérationnelles des armées, soit à l’exécution de missions de service public en situation de crise.

Cette demande se justifie par l’incompatibilité pratique qui existe entre, d’une part, les délais d’instruction d’une demande d’autorisation d’ICPE et, d’autre part, l’urgence qui préside à l’exécution des missions opérationnelles des armées en situation de crise, souvent imprévisible. Ces difficultés concernent surtout les dépôts de munitions et de carburants, susceptibles d’être utilisés davantage que ne le prévoit leur arrêté d’autorisation, par exemple pour conduire depuis les bases aériennes situées en France une opération aérienne à l’étranger, comme tel a été le cas depuis Solenzara en 2011 avec l’opération Harmattan, ou pour mettre en place des dépôts de carburants de secours en cas de catastrophe naturelle.

Une partie de ces difficultés juridiques a été levée par l’article 30 de la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense. C’est en effet sur la base de l’habilitation prévue par cet article que l’article 12 de l’ordonnance n° 2016-982 du 20 juillet 2016 a permis au ministère des Armées de déroger aux procédures d’autorisation du code de l’environnement pour les ICPE dès lors qu’elles sont mises en œuvre à titre temporaire, pour une période inférieure à six mois consécutifs sur un même site, à partir de matériels et d’équipements opérationnels des forces armées déployés pour des missions de la défense nationale.

Mais cette disposition n’a pas traité le cas des ICPE déjà autorisées, mais dont l’exécution de missions opérationnelles ou de missions de service public nécessite une utilisation plus intense que ne le permettent les plafonds fixés par leur arrêté d’autorisation. En ce cas, une nouvelle demande d’autorisation d’ICPE est requise pour augmenter, même de façon temporaire et exceptionnelle, la capacité d’une telle installation. Selon les explications de la directrice des affaires juridiques du ministère des Armées, c’est pour permettre au ministère des Armées de déroger dans cette hypothèse aux procédures d’autorisation des ICPE qu’est demandée une habilitation à prendre par ordonnances des mesures relevant de la loi.

4. Délais

Ainsi que le prévoit l’article 38 de la Constitution, l’alinéa 4 tend à borner l’habilitation sollicitée par deux délais :

‒ un délai pour la publication des ordonnances, que l’article propose de fixer à dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi ;

‒ un délai à l’issue duquel ces ordonnances, une fois publiées, deviendraient caduques si un projet de loi de ratification n’était pas déposé devant le Parlement. Le texte propose de fixer ce délai à trois mois.

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La commission est saisie de l’amendement DN389 du Gouvernement.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Initialement, l’article 38 était un article d’habilitation. Après échange avec le rapporteur, il a été préféré d’inscrire dès à présent, dans le texte de la LPM, les dispositions que nous n’avions pas encore pu parfaitement rédiger au moment de la présentation du projet de loi.

Il s’agit d’insérer dans le code de l’environnement deux dispositions principales.

Première mesure : le cas de la mise à disposition du public d’informations ayant trait à l’exploitation des installations classées qui relèvent du ministère des Armées. Bien que non classifiées, certaines informations, si elles étaient recoupées, pourraient être exploitées à des fins malveillantes, notamment en vue d’actes terroristes contre les installations et les personnels de la défense. Citons, par exemple, une installation de captage d’eau destinée à la consommation sur une emprise de défense. Pour y remédier, il faut donc adapter la mesure, voire dispenser le ministère des Armées de communiquer les informations considérées comme sensibles qui sont relatives à ces installations. Il faut évidemment le faire au cas par cas, seulement lorsque leur communication est considérée comme susceptible de porter atteinte aux intérêts de la défense nationale et à la sécurité publique, ceci en conformité avec la charte de l’environnement.

Deuxième cas de figure : les dépassements temporaires de capacité des installations classées. En cas d’exécution de missions opérationnelles menées à partir du territoire national, les exploitants d’installations classées relevant du ministère des Armées peuvent être placés dans l’obligation de dépasser, de façon très temporaire, les capacités autorisées, afin de mener ces opérations. Qu’arriverait-il si nous ne légiférions pas ? Imaginons qu’une opération doive être enclenchée à partir d’une base telle que celle de Solenzara, dont la capacité de stockage de munitions et de carburant est limitée. Cette opération ne serait pas possible. Il nous semble donc nécessaire de pouvoir délivrer des autorisations pour ces dépassements de capacité dans des délais qui sont compatibles avec l’urgence de ces opérations. Il est proposé d’établir une dispense d’autorisation préalable pour ces installations dans le cadre de missions exceptionnelles et exclusivement pour la durée de ces missions exceptionnelles.

Tel est l’objet de l’amendement qui vous est proposé.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je vous remercie d’avoir accepté de passer d’une ordonnance à un article « en dur », comme on dit. Par conséquent, je suis tout à fait favorable à cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

L’article 38 est ainsi rédigé.

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*     *

Après l’article 38

La commission est saisie de l’amendement DN392 du Gouvernement.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Cet amendement s’inscrit dans la même démarche que le précédent. Il s’agit donc, plutôt que de recourir à une habilitation, d’inscrire dès à présent dans un article de la LPM la manière de mettre en cohérence le code de la défense et celui de l’environnement, à la suite de la réforme de l’autorisation environnementale.

Cette réforme soumet à la nouvelle procédure d’autorisation environnementale les installations, les ouvrages, les travaux et les activités soumis à la législation sur l’eau, ainsi que les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), lorsqu’ils relèvent du régime d’autorisation.

Des projets qui relèvent du ministère des Armées, de l’autorité de sûreté nucléaire (ASN) ou du délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les installations et activités nucléaires intéressant la défense (DSND), font l’objet de dispositions particulières. Il s’agit ici d’améliorer la lisibilité et l’intelligibilité de diverses dispositions d’ordre technique pour inclure en particulier les activités nucléaires – et non pas seulement les installations nucléaires – dans le champ de compétence du DSND.

Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Même satisfaction et même avis favorable, Madame la ministre.

La commission adopte l’amendement.

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*     *

Article 38 bis (nouveau)
Articulation des codes de la défense et de l’environnement

L’article 38 bis est issu d’un amendement présenté par le Gouvernement afin d’intégrer, sous la forme d’un article directement applicable, les dispositions législatives que le 2° de l’article 41 tendait à habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnances.

Dans le code de la défense, le dispositif du présent article tend à rectifier les intitulés de deux divisions concernant les compétences du délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les installations et activités intéressant la défense, en vue de les rendre cohérents avec les dispositifs législatifs et réglementaires présentés dans les parties concernées. Il s’agit d’éviter toute ambiguïté dans l’interprétation et la mise en œuvre de ces dispositions.

Parallèlement, cet article vise à modifier l’article L. 1333-18 du code de la défense afin de tirer les conséquences de la réforme de l’autorisation environnementale opérée par une ordonnance en date du 26 janvier 2017 pour ce qui concerne les compétences du délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les installations et activités intéressant la défense.

Dans le code de l’environnement, le présent article procède également à des modifications de dispositions concernant les procédures applicables aux ICPE et aux IOTA afin de mettre ces dispositions en cohérence avec la définition des installations et activités nucléaires intéressant la défense mentionnées à  l'article L. 1333-15 du code de la défense.

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Article 39
Mise en place dun régime spécifique de contrôle de laccessibilité aux personnes handicapées ou à mobilité réduite des établissements relevant du ministère des Armées

Le présent article habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance des dispositions pour mettre en place un régime spécifique de contrôle de l’accessibilité aux personnes handicapées ou à mobilité réduite des établissements relevant du ministère des Armées, sur le modèle du dispositif existant contre les risques d’incendie et de panique dans les établissements militaires recevant du public.

1. Le droit en vigueur

Le ministère des Armées a pu se doter d’un dispositif spécifique de prévention des risques d’incendie par voie réglementaire, pour tenir compte de ses spécificités (secret de la défense nationale, zones militaires). Il lui est en revanche impossible de le faire sans recourir à la loi pour le contrôle relatif à l’accessibilité aux personnes handicapées ou à mobilité réduite.

a. Un dispositif spécifique de prévention des risques d’incendie et de panique au sein des établissements recevant du public

Selon le décret n° 95‑260 du 8 mars 1995 ([249]), une commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité est chargée de donner des avis à l’autorité investie du pouvoir de police en matière de sécurité contre les risques d’incendie et de panique au sein des établissements recevant du public.

L’article R. 123‑17 du code de la construction et de l’habitation permet d’y déroger, en conférant notamment aux ministres des Armées et de l’Intérieur la faculté de fixer conjointement les règles de sécurité et les modalités de contrôle applicables aux établissements militaires qu’ils désignent par arrêté. L’article R. 123-16 de ce code permet également à ces deux ministres d’établir, par arrêté conjoint, une liste d’établissements recevant du public pour lesquels l’application de ces règles de sécurité est assurée sous la responsabilité d’agents spécialement désignés.

L’article 2 de l’arrêté du 3 novembre 1990 relatif à la protection contre les risques d’incendie et de panique dans les établissements militaires recevant du public a donc institué une instance spécifique, la commission militaire de sécurité, chargée d’émettre un avis sur les décisions d’ouverture et de fermeture de ces établissements, en lieu et place de la commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité. Il prévoit également que les vérifications et contrôles techniques réglementaires correspondants sont effectués par des organismes désignés par le ministre des Armées.

Il s’agit de tenir compte du fait que les installations militaires sont susceptibles d’abriter des activités, des informations ou des supports spécialement protégés par le secret de la défense nationale ou le secret des recherches, études ou fabrications. Les lieux concernés peuvent être situés sur des terrains militaires, régis par les articles 413-5, 413-8 et R. 644-1 du code pénal, ou sur des zones protégées, définies aux articles 413-7 et R. 413-1 du même code.

La communication d’éléments sensibles à une commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité portant notamment sur les modalités d’évacuation en cas d’incendie de l’établissement militaire pourrait conduire à transmettre des informations sur des zones plus étendues de l’emprise, et faire l’objet d’un usage malveillant (provoquer volontairement un début d’incendie, accéder à des parties sensibles de l’emprise concernée).

b. Aucun dispositif dérogatoire n’est prévu pour contrôler l’accessibilité aux personnes handicapées ou à mobilité réduite

L’article L. 111‑7 du code de la construction et de l’habitation énonce des objectifs d’accessibilité aux personnes en situation de handicap ou à mobilité réduite pour les locaux d’habitation privés ou publics, les établissements recevant du public, les installations ouvertes au public et les lieux de travail.

Les articles L. 111‑7‑1 et L. 111‑7‑3 du même code précisent que les modalités relatives à l’accessibilité de ces bâtiments sont fixées par décret en Conseil d’État. Ils indiquent, par ailleurs, que les mesures individuelles prises sur le fondement de ces dispositions réglementaires sont soumises à l’accord du représentant de l’État dans le département, après avis de la commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité, dont les attributions, la composition et les modalités de fonctionnement sont définies par le décret du 8 mars 1995 susmentionné. Dans ce cadre, l’article L. 151‑1 du code de la construction et de l’habitation confie aux préfets, aux maires ainsi qu’aux agents commissionnés à cet effet par l’autorité administrative et assermentés le soin de réaliser les visites de conformité afférentes.

2. Des visites de contrôle empêchées

La loi a donc confié expressément le contrôle de l’accessibilité aux personnes handicapées ou à mobilité réduite à la commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité, sans prévoir de dérogation.

En pratique, la mise en œuvre du dispositif pour les installations relevant du ministère des Armées s’est heurtée à l’impossibilité pour les membres de la commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité d’accéder à certaines zones ou installations protégées, ceux-ci n’étant pas spécialement habilités.

Le Gouvernement ne peut modifier ces dispositions – législatives – aussi facilement qu’il l’a fait pour les règles relatives à la prévention des risques d’incendie et de panique au sein des établissements recevant du public, qui sont toutes de nature réglementaire. La dérogation doit elle aussi être prévue au niveau législatif.

3. Le dispositif proposé

L’ordonnance prise sur le fondement de la présente habilitation proposera d’insérer un nouvel article dans la section 3 du chapitre Ier du livre Ier du code de la construction et de l’habitation, consacrée aux règles générales de construction des bâtiments relatives aux personnes en situation de handicap ou à mobilité réduite. Cet article prévoira que, pour l’application de cette section aux établissements relevant du ministre des Armées, l’avis de la commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité mentionné aux articles L. 111-7-1 et L. 111-7-3 précités sera remplacé par celui d’une commission d’accessibilité spécifique, dont la composition et le fonctionnement seront définis par décret en Conseil d’État, après avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées. Sur ce fondement, les prérogatives actuellement dévolues à la commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité pourront ainsi être confiées, par voie réglementaire, à la commission militaire de sécurité susmentionnée.

Les détails donnés par l’étude d’impact autorisent à penser que le dispositif envisagé est déjà très abouti. Son absence dans le présent projet de loi de programmation est justifiée par la technicité des mesures envisagées et la volonté, partagée par le rapporteur, de ne pas alourdir le texte.

Le Gouvernement disposera d’un délai de douze mois pour prendre les mesures nécessaires par ordonnance, puis d’un délai de trois mois à compter de sa publication pour déposer devant le Parlement un projet de loi de ratification.

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La commission adopte l’amendement rédactionnel DN529 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 39 modifié.

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Article 40
Autorisation donnée au Gouvernement de prendre par ordonnance des dispositions relevant du domaine de la loi en matière de police en mer

● Deux protocoles établis à Londres le 14 octobre 2005 ont procédé à la modification de la convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime de 1988, dite convention SUA (Suppression of Unlawful Acts) :

– le protocole relatif à la convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime ;

– le protocole pour la répression d’actes illicites contre la sécurité des plates-formes fixées sur le plateau continental ([250]).

La France a signé ces protocoles le 14 février 2006, lesquels entrés en vigueur le 28 juillet 2010. Leur ratification a été autorisée par la loi n° 2017‑1576 du 17 novembre 2017 ([251]).

● Le premier de ces protocoles introduit un nouvel article 8 bis à la convention SUA qui crée un nouveau cas de police en haute mer. Il définit les modalités de coopération entre États et les procédures à suivre dans l’hypothèse où :

– un État partie veut arraisonner un navire battant le pavillon d’un autre État partie en dehors des eaux territoriales d’un État quelconque ;

– l’État souhaitant procéder à l’arraisonnement soupçonne que ledit navire – ou une personne à son bord – a été, est ou est sur le point d’être impliquée dans la commission d’une infraction visée par la convention.

● Ainsi, l’habilitation permettra au Gouvernement :

– de modifier la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 relative à la lutte contre la piraterie et aux modalités de l’exercice par l’État de ses pouvoirs de police en mer afin de prévoir les modalités d’exercice ce nouveau contrôle ;

– et d’opérer un « toilettage » de la loi précitée via une simplification, une réorganisation et une mise en cohérence de ses dispositions.

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La commission adopte successivement les amendements rédactionnels DN446, DN447 et DN445 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 40 modifié.

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Article 41
Habilitation à modifier par ordonnances diverses dispositions
relatives aux matériels de guerre, armes, munitions et leurs éléments,
aux autorisations environnementales et aux outre-mer

Le présent article propose d’habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnances, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, des mesures « dharmonisation, dactualisation et de mise en cohérence » dans trois matières :

‒ les dispositions relatives aux matériels de guerre, aux armes, aux munitions et à leurs éléments, qui font l’objet du 1° de cet article ;

‒ les conditions d’applications au ministère des Armées d’une récente réforme du régime des autorisations environnementales, dont traite le 2° du présent article ;

‒ l’architecture, dans le code de la défense, des dispositions relatives aux outre-mer, qui fait l’objet du 3° de cet article.

1. Harmonisation de la terminologie utilisée dans le code de la défense et dans celui de la sécurité intérieure concernant les matériels de guerre, les armes, les munitions et leurs éléments

a. Des imprécisions lexicales dans les dispositions législatives faisant référence aux différentes nomenclatures d’armes

i.   Plusieurs classifications coexistent

L’article 1er de la loi n° 2012-304 du 6 mars 2012 relative à l’établissement d’un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif a réformé la classification française des armes, qui sont désormais réparties par le I de l’article L. 2331-1 du code de la défense en quatre catégories décrites par l’encadré suivant.

La nomenclature nationale des armes

1° Catégorie A : matériels de guerre et armes interdits à lacquisition et à la détention, sous réserve des besoins de la défense nationale et de la sécurité publique ainsi que des dispositions régissant la chasse et le tir sportif ;

Cette catégorie est elle-même divisée en deux catégories, appelées :

‒ A1, pour les armes et éléments d’armes interdits à l’acquisition et à la détention ;

‒ A2, pour les armes relevant des matériels de guerre, les matériels destinés à porter ou à utiliser au combat les armes à feu, les matériels de protection contre les gaz de combat ;

2° Catégorie B : armes soumises à autorisation pour l’acquisition et la détention ;

3° Catégorie C : armes soumises à déclaration pour l’acquisition et la détention ;

4° Catégorie D : armes soumises à enregistrement et armes et matériels dont l’acquisition et la détention sont libres.

Source : article L. 2 331-1 du code de la défense.

L’article L. 311-2 du code de la sécurité intérieure, selon le principe dit du « code suiveur », reprend en « miroir » les dispositions du I de l’article L. 2331-1 du code de la défense. Pour désigner l’ensemble des armes ainsi classées, ces deux articles emploient la terminologie suivante : « matériels de guerre et armes, munitions et éléments ».

La réglementation des armes fait également intervenir deux autres notions.

L’une a été fixée par la directive 2009/43/CE du Parlement européen et du Conseil simplifiant les conditions des transferts de produits liés à la défense dans la Communauté. Cette directive comprend en effet une annexe établissant une liste de « produits liés à la défense », mise à jour tous les ans par la Commission. Cette liste recense de façon précise les matériels soumis au régime spécial de contrôle des transferts au sein de l’Union, répartis, dans la version en vigueur de cette annexe, en 22 « points » qui ont vocation à couvrir l’ensemble des équipements militaires, des armes aux logiciels et des navires de guerre aux armes à énergie dirigée. La procédure de contrôle du transfert de ces armes au sein de l’Union européenne prévue par cette directive a été transposée aux articles L. 2335-8 à L. 2335-18 du code de la défense. Ces dispositions désignent les armes concernées par la terminologie suivante : « produits liés à la défense ».

L’autre terminologie employée par le droit en vigueur est la suivante : « matériels de guerre et matériels assimilés ». Elle est employée par les articles L. 2335-2 à L. 2335-7 du code de la défense pour désigner l’ensemble des armes soumises à un régime d’autorisation des exportations vers des États non membres de l’Union européenne ainsi que des territoires exclus du territoire douanier de l’Union européenne. L’article L. 2335-2 susmentionné précise que ces « matériels de guerre et matériels assimilés » sont recensés par une liste établie par arrêté de l’autorité administrative ‒ en l’espèce, le ministre des Armées. L’étude d’impact précise que cette liste est définie en reprenant la liste des « produits liés à la défense » établie tous les ans par la Commission européenne, auxquels s’ajoutent le cas échéant d’autres matériels.

ii.   Des confusions peuvent naître de l’imprécision de ces classifications

Or, selon l’étude d’impact, l’usage de ces différentes terminologies dans la partie législative du code de la défense n’est pas harmonisé et constitue de ce fait « une source de confusion ou derreur ».

Selon les explications du ministère des Armées, la première de ces difficultés tient au fait que les classifications utilisées en droit de l’armement ne sont pas exclusives les unes des autres et que leurs périmètres respectifs se recoupent. À titre d’exemple, le fusil d’assaut FAMAS peut, selon les situations considérées, être concerné par les textes applicables aux « matériels de guerre de la catégorie A2 », aux « armes à feu », aux « matériels de guerre et matériels assimilés » ou encore aux « produits liés à la défense ».

Or la rédaction imprécise de certaines dispositions en vigueur crée un doute quant à leur portée. Ainsi, la simple référence aux « armes » peut soit ne s’appliquer qu’aux matériels relevant des catégories A1, B, C et D, par opposition aux matériels de guerre de la catégorie A2, soit inclure les armes à feu de la catégorie A2. De même, la simple référence à des « matériels de guerre » peut soit renvoyer aux matériels de guerre de la catégorie A2, soit à la catégorie beaucoup plus large des « matériels de guerre et matériels assimilés ». Par exemple, l’article L. 2332-6 du code de la défense, portant sur les brevets en matière d’armement, est applicable aux « entreprises fabriquant des matériels de guerre et des armes et munitions de défense des catégories A et B, des matériels assimilés à des matériels de guerre ». Une telle formulation ne permet pas de déterminer avec certitude si les obligations créées par cet article concernent l’ensemble des matériels de guerre et matériels assimilés figurant sur la liste mentionnée au second alinéa de l’article L. 2335-2 du même code. Par ailleurs, d’autres expressions utilisées ne renvoient à aucune définition juridiquement établie, telles la référence aux « munitions de défense », à l’article L. 2332-1 du code de la défense, et celle aux « armes de guerre », à l’article L. 2332-8-1 de ce code.

De la même façon, devant ces imprécisions, il est parfois difficile de déterminer si l’on se situe dans le périmètre des compétences du ministre des Armées ou du ministre de l’Intérieur, dont les prérogatives respectives en matière de contrôle et de réglementation des armes et des matériels de guerre dépendent de leur classification.

Enfin, ces imprécisions créent un doute quant à la portée des mesures pénales applicables en droit de l’armement, prévues aux articles L. 2339-2 à L. 2339-19 du code de la défense et L. 317-1 à L. 317-12 du code de la sécurité intérieure. En effet, la rédaction de certaines dispositions contenues dans ces codes ne permet pas de déterminer clairement si les sanctions ainsi instituées s’appliquent effectivement aux matériels de guerre, aux armes, aux munitions, aux éléments d’armes ou aux éléments de munitions des catégories de la nomenclature nationale considérées. À titre d’exemple, les articles L. 2339-4 du code de la défense et L. 317-3-1 du code de la sécurité intérieure, incriminent la cession non autorisée « dune ou plusieurs armes ou munitions des catégories A, B ou C ». Or ces dispositions ne répriment pas expressément la cession, dans les mêmes conditions, des matériels de guerre, des éléments d’armes et des éléments de munitions relevant de ces mêmes catégories.

Ainsi, le manque de cohérence et d’harmonisation dans l’emploi de ces différentes dénominations constitue avant tout un risque d’erreur pour les particuliers ou les industriels dans leurs rapports avec l’administration, notamment lorsqu’il s’agit de solliciter une autorisation ou de satisfaire à une déclaration obligatoire. À cet égard, l’exemple des brevets cité plus haut est révélateur ; à la lecture de l’article L. 2332-6 du code de la défense, il n’apparaît pas clairement que les entreprises fabriquant des matériels de guerre figurant sur la liste mentionnée au second alinéa de l’article L. 2335-2 du même code, mais ne relevant pas des catégories A et B, tels du matériel d’imagerie ou de cryptologie, sont soumises à cette obligation déclarative.

b. Le but de l’habilitation demandée

L’habilitation demandée par l’alinéa 1 poursuit, pour ce qui concerne la classification des armes faisant l’objet du 1° du présent article (alinéa 2), un triple objectif.

En premier lieu, elle vise à « harmoniser, en fonction du régime juridique applicable », le vocable utilisé :

‒ au titre III « Matériels de guerre, armes et munitions » du livre III « Régimes juridiques de défense d’application permanente » de la deuxième partie « Régimes juridiques de défense » du code de la défense ;

‒ au titre Ier « Armes et munitions » du livre III « Polices administratives spéciales » du code de la sécurité intérieure.

Selon les précisions de l’étude d’impact, le Gouvernement vise ainsi à rectifier les appellations inexactes pour faire référence :

‒ aux seuls « matériels de guerre, armes, munitions et leurs éléments » lorsque les dispositions concernées évoquent la nomenclature nationale définie à l’article L. 2331-1 du code de la défense et à l’article L. 311-2 du code de la sécurité intérieure ;

‒ aux « produits liés à la défense » dans les dispositions traitant des transferts au sein de l’Union européenne ;

‒ aux « matériels de guerre et matériels assimilés » pour les règles d’exportation hors du territoire douanier de l’Union européenne.

En second lieu, l’étude d’impact suggère que l’harmonisation des lexiques utilisés permettra de clarifier la répartition des compétences entre les ministères des Armées et de l’Intérieur. Ainsi, elle s’inscrit dans le mouvement de transfert du ministère des Armées au ministère de lIntérieur le contrôle de la circulation des armes dites « civiles » des catégories A1, B, C et D susmentionnées. Cette réforme a été « engagée à la fin de lannée 2016 » avec la loi de finances pour 2017, qui a permis le transfert des personnels compétents au ministère de l’Intérieur, ainsi que la loi n° 2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique et le décret n° 2017-909 du 9 mai 2017 relatif au contrôle de la circulation des armes et des matériels de guerre, qui ont établi les prérogatives respectives des deux ministères en la matière.

En dernier lieu, l’étude d’impact indique que lharmonisation lexicale permettra aussi de clarifier la portée des dispositions pénales établissant et sanctionnant des infractions relatives aux armes. Comme le dit l’étude d’impact, « eu égard aux sanctions pénales prévues en cas de méconnaissance du droit en vigueur, il paraît nécessaire de préciser, à chaque fois que lon évoque la nomenclature nationale, si les mesures en cause sappliquent effectivement aux matériels de guerre, aux armes, aux munitions ou aux éléments darmes et éléments de munitions ». Il est précisé que « lharmonisation des termes utilisés dans chacun des articles du code de la défense, du code de la sécurité intérieure et du code pénal qui fait référence aux catégories A, B, C et D, permettra en ce sens de lever toute ambiguïté quant aux matériels concernés » par les incriminations portant sur le trafic d’armes, prévues aux articles 222-52 à 222-67 du code pénal.

2. Articulation des codes de la défense et de lenvironnement pour tenir compte de la récente réforme de lautorisation environnementale

Le 2° de l’article (alinéa 3) tend à permettre au Gouvernement de procéder à trois séries de modifications dans les codes susmentionnés pour :

‒ mettre en cohérence les intitulés de leurs subdivisions (alinéa 4) ;

‒ selon l’alinéa 5, tirer les conséquences de la réforme du régime de l’autorisation environnementale opérée par l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale en modifiant l’article L. 1333-18 du code de la défense, qui soumet au régime d’autorisation de droit commun les équipements et installations situés dans le périmètre d’une installation nucléaire de base secrète, d’un site ou d’une installation d’expérimentation nucléaire intéressant la défense, mais qui ne sont pas nécessaires l’exploitation de cette installation ou de ce site ;

‒ aux termes de l’alinéa 6, « mettre en cohérence » l’article L. 181-2 du code de l’environnement, qui définit le champ des activités, installations, ouvrages et travaux soumis à l’autorisation environnementale, avec l’article L. 1333-15 du code de la défense, qui établit la liste des « installations et activités nucléaires intéressant la défense » et renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de définir leurs conditions de contrôle « selon des modalités conciliant les principes dorganisation de la sûreté nucléaire et de la radioprotection avec les exigences liées à la défense nationale ».

Concernant l’alinéa 5, selon les explications du ministère des Armées, lorsque des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) ou des installations, « ouvrages, travaux et activités » (IOTA) au sens du code de l’environnement sont situées dans le périmètre d’une des installations et activités nucléaires intéressant la défense mentionnées aux 1° et 3° de l’article L. 1333-15 du code de la défense, mais non nécessaires à son exploitation, le délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les installations et activités intéressant la défense (DNSD) est seul compétent pour assurer le contrôle du respect de la réglementation applicable à ces installations, par dérogation au droit commun qui confie cette tâche au préfet ou au ministère des Armées lui-même lorsqu’il s’agit d’emprises placées sous son autorité. Cette particularité résulte de la sensibilité particulière attachée aux « installations et activités nucléaires intéressant la défense » mentionnées à l’article L. 1333-15 du code de la défense, qui entrent pour la plupart dans le champ de la dissuasion.

L’article L. 1333-18 du code de la défense ayant pour objet de préciser la réglementation applicable aux ICPE et IOTA inclus dans le périmètre de ces installations et activités nucléaires intéressant la défense, il convient de l’actualiser pour tenir compte des nouvelles dispositions prévues en matière d’autorisation environnementale des ICPE et IOTA par l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017. Celle-ci a en effet créé un chapitre Ier au sein du titre VIII du livre Ier du code de l’environnement, qui contient l’ensemble des dispositions relatives à la procédure d’autorisation environnementale unique des ICPE et IOTA, et a abrogé ou déplacé de nombreuses dispositions précédemment contenues dans le livre V du même code (pour les ICPE) ou dans son livre II (pour les IOTA). Ainsi, les références à ces livres II et V du code de l’environnement au sein de l’article L. 1333-18 du code de la défense ne sont pas suffisantes pour définir l’ensemble des règles applicables en la matière. Ne pas compléter cet article revient à écarter l’application d’une partie du droit commun à ces installations classées, alors que ni le ministère des Armées ni le DSND n’ont recherché cette dérogation.

Il est donc envisagé d’ajouter à l’article L. 1333-18 du code de la défense la référence expresse au nouveau chapitre Ier du titre VIII du livre Ier du code de l’environnement, afin d’éviter toute lacune juridique ou difficulté d’interprétation sur le champ de compétence du DSND.

Un amendement du Gouvernement portant article additionnel après l’article 38 a procédé directement à ces trois séries de modifications, désormais prévues par l’article 38 bis. En conséquence, cet amendement a supprimé le présent 2°.

3. Architecture des dispositions du code de la défense relatives aux territoires ultramarins

Le 3° du présent article (alinéa 7) propose d’habiliter le Gouvernement à modifier l’architecture des différents livres du code de la défense relatifs aux outre-mer « afin dassurer une meilleure distinction entre les dispositions applicables de plein droit et celles qui font lobjet dune extension ou dune adaptation expresse » à ces territoires.

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La commission adopte successivement les amendements rédactionnels DN520, DN521 et DN522 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 41 modifié.

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Article 42
Applicabilité outre-mer

Le présent article tend à fixer les règles d’applicabilité des dispositions du projet de loi aux territoires français des outre-mer, conformément aux dispositions des articles 73 et 74 de la Constitution, dont l’encadré ci-après rappelle la portée.

Principes constitutionnels
dapplication des lois aux territoires ultramarins de la République

Si le régime législatif applicable dans les collectivités d’outre-mer régies par l’article 73 de la Constitution est, en principe, celui de « l’identité législative », c’est-à-dire que les lois et règlements y sont applicables de plein droit, les collectivités régies par l’article 74 de la Constitution (Polynésie française, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, îles Wallis et Futuna) et la Nouvelle-Calédonie sont en principe soumises au principe dit de « spécialité législative », en vertu duquel les lois n’y sont applicables que sur mention expresse du texte en cause ou s’ils y ont été rendus applicables par un texte spécial.

Toutefois, y compris pour ces dernières collectivités, certaines lois sont applicables de plein droit. Ainsi, ne requièrent pas de mention expresse d’applicabilité :

– les dispositions législatives qui, en raison de leur objet, sont nécessairement destinées à régir l’ensemble du territoire de la République. Elles sont en tout état de cause applicables de plein droit dans ces collectivités (comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel dans ses décisions n° 2004-490 DC du 12 février 2004 et n° 2007-547 DC du 15 février 2007). Les contours de cette catégorie de normes, dite « lois de souveraineté », sont définis par la jurisprudence. Il s’agit à titre principal : des lois constitutionnelles ; des lois organiques, du moins en tant qu’elles portent sur des matières non spécifiques à une collectivité ou une catégorie de collectivités (comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel dans ses décisions n° 2003-478 DC et n° 2003-482 DC du 30 juillet 2003) ; des règles relatives aux grandes juridictions nationales (ainsi que l’a reconnu le Conseil d’État dans ses arrêts Vernon du 4 février 1944 et Territoire de la Polynésie française, n° 145104, du 10 janvier 1994,) ; des textes relatifs à la nationalité ; des textes portant statut des fonctionnaires de l’État et des militaires (on citera à cet égard les arrêts du Conseil d’État Vinson du 15 juillet 1936, Renauva du 30 novembre 1938, Douheret du 29 avril 1987, et ministre des départements et territoires doutre-mer du 17 avril 1991). De plus, les statuts de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie prévoient expressément l’applicabilité de plein droit de textes relatifs à certaines matières ;

– les lois approuvant ou ratifiant des traités et accords internationaux, quand bien même ceux-ci trouvent à s’appliquer dans ces collectivités ;

– les lois ratifiant des ordonnances (comme l’a reconnu le Conseil d’État dans son arrêt Hoffer du 17 mai 2002) ;

– les textes fixant des règles destinées à ne s’appliquer que dans une ou plusieurs de ces collectivités. L’applicabilité résulte alors du texte même.

L’article 25 précise, dans un but de clarté et de sécurité juridique, que la présente loi s’applique sur l’ensemble du territoire de la République, même si certaines dispositions de celle-ci se seraient de toute façon appliquées de plein droit sur l’ensemble des collectivités, quel que soit leur statut, car relevant des catégories de loi ci-dessus qui ne requièrent pas de mention expresse d’applicabilité.

Source : Assemblée nationale, rapport n° 2816 fait par Mme Patricia Adam au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées sur le projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense, mai 2015.

Le I du présent article (aliénas 1 et 2) tend à insérer dans le code des communes de la Nouvelle-Calédonie un article L. 122-8-1 comportant une disposition « miroir » du texte proposé par l’article 18 pour l’article L. 2122-5-2 du code général des collectivités territoriales, établissant une incompatibilité entre les fonctions de militaire en activité et celles de maire ou d’adjoint au maire. Au XII du présent article, l’alinéa 38 précise que les dispositions de ce paragraphe entreront en vigueur « à compter du 1er janvier 2020 ou du prochain renouvellement général des conseils municipaux sil intervient avant cette date ».

Le II de l’article (alinéa 3) vise à rendre applicable à plusieurs territoires ultramarins différentes dispositions du code de la défense.

Le 1° du II (alinéas 4 et 5) propose ainsi de rendre applicables dans les îles Wallis et Futuna (par une insertion à larticle L. 2441-1 de ce code), en Polynésie française (à larticle L. 2451-1), en Nouvelle-Calédonie (à l’article L. 2461-1) et dans les Terres australes et antarctiques françaises (à larticle L. 2471-1) les articles :

‒ L. 2321-2-1, L. 2321-3 et L. 2321-5 dans leur rédaction proposée par l’article 19, concernant les compétences de l’ANSSI ;

‒ L. 2331-1, L. 2332-1, L. 2332-6, L. 2335-3, L. 2339-2 et L. 2339-4-1 dans leur rédaction issue des articles 25 et 33, qui réforment le droit de l’armement et les procédures de dépôt de brevets dans ce domaine.

Pour les articles L. 2331-1 et L. 2339-4-1 du code de la défense, ce dispositif devra toutefois être articulé avec la rédaction des articles L. 2441-1, L. 2451-1, L. 2461-1 et L. 2471-1 précités issue de l’article 24 de la loi n° 2018-133 du 26 février 2018 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la sécurité, qui comporte un alinéa disposant que ces articles L. 2331-1 et L. 2339-4-1 sont applicables dans leur rédaction issue de ladite loi.

Dans le 2° (alinéa 6) de ce II, le a) tend à supprimer, dans l’énumération de dispositions applicables aux mêmes territoires dans leur rédaction issue d’une ordonnance prévue par la loi du 28 juillet 2015 précitée actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019, une référence à l’article L. 4139-16. Cet article, qui fixe les limites d’âge de certains militaires, est modifié par des dispositions des articles 8 et 9 du présent projet de loi qui doivent entrer en vigueur, respectivement, le 1er janvier 2019 et « le premier jour du mois suivant celui de lentrée en vigueur de la présente loi ». Une articulation est donc à trouver entre, d’une part, l’entrée en vigueur immédiate de la suppression de la référence à l’article L. 4139-16 du code de la défense dans l’alinéa qui le rend applicable outre-mer dans sa rédaction issue de l’ordonnance susmentionnée et, d’autre part, l’entrée en vigueur différée des dispositions de cet article L. 4139-16.

La même difficulté se rencontre au b) du 2° (alinéas 8 à 12), qui tend à rendre applicables dans les îles Wallis et Futuna (par une insertion à l’article L. 4341-1 du code de la défense), en Polynésie française (à l’article L. 4351-1) et en Nouvelle-Calédonie (à l’article L. 4361-1), les articles L. 4123-12, relatif à la cyberdéfense, L. 4125-1, relatif au contentieux des pensions, L. 4138-2 et L. 4138‑7-1 à L. 4138-7-3, L. 4138-16, relatif au congé pour convenances personnelles des militaires, L. 4139-5, relatif au congé de reconversion, ainsi que les articles L. 4139-7, L. 4139-16 et L. 4141-5, relatifs aux limites d’âge, les articles L. 4143-1, L. 4211-1, L. 4221-2, L. 4221-4, L. 4221-6, L. 4251-2 et L. 4251-7, relatifs au statut, à la promotion et aux conditions d’emploi et aux avantages des réservistes. En effet, la rédaction de l’article L. 4141-5 proposée par l’article 8 doit entrer en vigueur le 1er janvier 2019 et la nouvelle rédaction de l’article L. 4139-7 doit entrer en vigueur pour une part à la même date, et pour une autre le 1er janvier 2027.

Outre cette articulation, l’article tend à rendre applicables aux territoires ultramarins précités les articles L. 4138-2 et L. 4138-7-1 à L. 4138-7-3 « dans leur rédaction résultant de la loi n°        du        relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense », or le projet de loi ne propose pas de modifier leur rédaction.

La même difficulté se pose au c) de ce II (alinéas 13 à  16), qui tend à rendre applicables aux Terres australes et antarctiques françaises les articles L. 4123-12, L. 4125-1, L. 4138-2, L. 4138-7-1 à L. 4138-7-3, L. 4138-16, L. 4139-5, L. 4139-7, L. 4139-16, L. 4141-5 et L. 4143-1 susmentionnés.

Le d) du II (alinéa 17) tend à étendre aux îles Wallis et Futuna (par une insertion à l’article L. 4341-1 de ce code), en Polynésie française (à l’article L. 4351-1), en Nouvelle-Calédonie (à l’article L. 4161-1) et dans les Terres australes et antarctiques françaises (à l’article L. 4171-1) l’article L. 4121-3-1 du code de la défense, que tend à créer l’article 18 pour fixer les conditions dans lesquelles les militaires élus conseillers municipaux pourront bénéficier des garanties et avantages accordés aux élus.

Le III (alinéas 18 à 20) tend à étendre outre-mer l’application de modifications que tend à opérer l’article 18 dans le code électoral. Il s’agit de :

‒ la nouvelle rédaction prévue pour l’article 46 de ce code, cet article appartenant au titre Ier de son livre Ier, que l’article L. 388 du même code rend applicable aux conseils municipaux de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française ;

‒ la rédaction nouvelle proposée pour les articles L. 231 et L. 237 du même code, appartenant au titre IV de son livre Ier, que l’article L. 428 rend applicable en Nouvelle-Calédonie

De façon cohérente avec l’entrée en vigueur différée de l’article 18, le XII du présent article (alinéa 38) prévoit que les dispositions de ce paragraphe entreront en vigueur « à compter du 1er janvier 2020 ou du prochain renouvellement général des conseils municipaux sil intervient avant cette date ».

Une autre articulation des modifications proposées à l’article L. 388 est cependant à prévoir, car l’article 15 de la loi n° 2016-1048 du 1er août 2016 rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales prévoit, au même alinéa de cet article, une disposition concurrente dont l’entrée en vigueur est prévue le 31 décembre 2019, rendant ainsi inopérant l’alinéa 19.

Le IV (alinéas 21 à 24) propose d’étendre les mesures prévues par l’article 27 à l’article L. 3211-1 du code général de la propriété des personnes publiques en vue de permettre la cession d’immeubles devenus inutiles à la défense sans être reconnus comme définitivement inutiles à d’autres services de l’État :

‒ à la Nouvelle-Calédonie, par une insertion à l’article L. 5511-4 de ce code ;

‒ aux îles Wallis et Futuna, par une insertion à l’article L. 5711-2 du même code.

Le V de cet article (alinéas 25 à 27) tend à étendre aux conseils municipaux de Polynésie française l’incompatibilité instituée par l’article 18 à l’article L. 2122-5-2 du code général des collectivités territoriales entre, d’une part, les fonctions de maire et d’adjoint au maire et, d’autre part, celles de militaire en position d’activité. Au XII du présent article, l’alinéa 38 précise que les dispositions de ce paragraphe entreront en vigueur « à compter du 1er janvier 2020 ou du prochain renouvellement général des conseils municipaux sil intervient avant cette date ».

Le VI (alinéas 28 et 29) tend à rendre applicable dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie l’article 33-14 du code des postes et des communications électroniques que tend à insérer l’article 19 pour renforcer les dispositifs de détection des événements susceptibles d’affecter la sécurité des systèmes d’information.

Le VII (alinéa 30) vise à rendre applicables en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie les modifications proposées par l’article 24 dans le code de procédure pénale pour établir la compétence quasi-universelle des juridictions françaises pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime, contre l’aviation civile et pour la protection des biens culturels en cas de guerre. Une articulation est cependant nécessaire avec l’article 23 du projet de loi, adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 13 février 2018, relatif à la protection des données personnelles.

Le VIII (alinéas 31 et 32) propose d’étendre à la Nouvelle-Calédonie la prorogation jusqu’en 2025 de la possibilité laissée au ministère des Armées de céder les immeubles qui lui sont devenus inutiles sans pour autant être reconnus sans utilité pour d’autres ministères.

Le IX (alinéa 33) tend à rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et sur les Terres australes et antarctiques françaises les corrections de sur-transpositions de normes européennes opérées par l’article 26 dans l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics.

Le X (alinéas 34 à 36) a pour objet d’apporter deux modifications à l’article 15 de la loi n° 2016-1048 susmentionnée du 1er août 2016 rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales, dont :

‒ le a) du 3°, que l’alinéa 35 propose de modifier, tend à rendre applicable à divers scrutins énumérés à l’article L. 388 du code électoral les mesures prévues par cette loi dans le titre Ier du livre V du code électoral à compter du 31 décembre 2019, sa date d’entrée en vigueur ;

‒ le 5°, que tend l’alinéa 36 à modifier, vise à étendre aux élections municipales en Polynésie française, par une insertion à l’article L. 437 du code électoral, les dispositions prises par cette même loi au chapitre Ier du titre IV du livre Ier du même code ; cette disposition entre également en vigueur le 31 décembre 2019.

Le XII du présent article précise que le présent X entrera en vigueur dans « à compter du 1er janvier 2020 ou du prochain renouvellement général des conseils municipaux sil intervient avant cette date ».

C’est à des fins de coordination avec les modifications prévues par l’article 18 au code électoral que ces dispositions sont prises. En effet, tant à l’article L. 388 qu’à l’article L. 437, il s’agit de préciser que la rédaction des dispositions du code électoral étendues à des territoires ultramarins est celle résultant de la loi de programmation militaire 2019‒2025. Pourtant, ces dispositions semblent s’articuler malaisément avec celles proposées par l’alinéa 19.

En effet, il est proposé de modifier le a) du 3° de l’article 15 de cette loi du 1er août 2016 avec entrée en vigueur « à compter du 1er janvier 2020 ou du prochain renouvellement général des conseils municipaux sil intervient avant cette date », mais ledit a) du 3° de l’article 15 de la loi du 1er août 2016 entre en vigueur, aux termes de l’article 16 de cette loi, le 31 décembre 2019. Ainsi, pour le cas où le prochain renouvellement général des conseils municipaux interviendrait à la date prévue, postérieure 1er janvier 2020, la disposition prévue par l’alinéa 35 serait donc inutile. Et en cas de scrutin anticipé, le texte de l’article L. 388 du code électoral aura été modifié par l’alinéa 19 du présent article : le dispositif du a) du 3° de l’article 15 de la loi du 1er août 2016 serait alors inopérant.

Le 5° de l’article 15 de la loi précitée du 1er août 2016 pose une difficulté de même nature : l’alinéa 36 du présent article, qui propose de le modifier, doit entrer en vigueur selon l’alinéa 38 « à compter du 1er janvier 2020 ou du prochain renouvellement général des conseils municipaux sil intervient avant cette date », mais le 5° de l’article 15 de cette loi du 1er août 2016 n’entrera en vigueur, lui‑même, que le 31 décembre 2019. Ainsi, l’extension des dispositions de l’article 18 du présent projet de loi à la Polynésie française serait inopérante si les élections municipales ont lieu avant cette date.

En tout état de cause, une convocation des élections municipales avant la date prévue suppose une loi.

Le XI (alinéa 37) prévoit l’extension aux îles Wallis et Futuna, à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et aux Terres australes et antarctiques françaises des dispositions suivantes :

‒ le II de l’article 25, relatif aux licences d’exportation et aux autorisations d’importation d’armements ;

‒ l’article 31, qui propose d’étendre aux exercices bilatéraux ou multilatéraux l’application des règles de l’accord sur le statut des forces (« status of forces agreement » ou SOFA) de l’OTAN ;

‒ l’article 37, qui abroge des dispositions de l’article 48 de la loi de programmation militaire 2014‒2019 revêtant un caractère réglementaire.

*

La commission examine l’amendement DN394 du Gouvernement.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. C’est un simple amendement de coordination, qui permet d’assurer la cohérence de cet article 42 avec d’autres textes qui ont été récemment adoptés, telle, par exemple, la loi du 26 février 2018 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la sécurité.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Avis favorable.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 42 modifié.

*

*     *

Après l’article 42

La commission examine l’amendement DN96 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Je voudrais évoquer un sujet qui me tient à cœur. La rénovation, à mi-vie, des Mirage 2000D est absolument nécessaire afin de préserver le format de notre aviation de chasse et de permettre à l’armée de l’Air de tenir dans la durée. Comme la LPM le souligne, il faut notamment garder la capacité à « entrer en premier » sur les théâtres d’opérations extérieures, notamment dans des espaces très contestés.

La modernisation des Mirage 2000D était prévue dans la LPM précédente, mais elle n’a pas eu lieu. Aujourd’hui, 36 % de nos Mirage sont indisponibles du fait des visites préventives, mais aussi de l’attente de certaines pièces – cela représente, en moyenne, environ huit Mirage par an. Par ailleurs, l’importance stratégique de disposer simultanément de deux flottes d’avions de combat est reconnue, notamment en cas d’aléas concernant les tuilages calendaires.

On peut s’interroger sur la rénovation des Mirage 2000D qui est actuellement prévue : aucune amélioration significative des capacités de pénétration et du système de guerre électronique n’aurait lieu, la polyvalence d’emploi serait en baisse, et il y a un véritable risque que l’employabilité de nos Mirage 2000D pour la gestion de crise se réduise.

Mon amendement demande un rapport sur l’avancement de ce programme de rénovation, dans l’espoir d’une évolution au cours des prochaines années.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. J’ai déjà eu l’occasion de donner mon sentiment sur les demandes de rapport. Nous pourrons demander des précisions sur ce programme lorsque nous auditionnerons la ministre, les chefs d’état-major ou le délégué général pour l’armement. Je vous propose de retirer votre amendement, sinon je serai amené à donner un avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Nous répondrons à ces demandes de précisions. Même avis.

M. Thibault Bazin. La question a déjà été posée aux chefs d’état-major et aux industriels.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Vous avez eu une réponse.

M. Thibault Bazin. Elle ne m’a pas satisfait. (Sourires.)

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. C’est une autre question.

M. Thibault Bazin. Je souhaite que l’on puisse faire évoluer la rénovation à mi-vie des Mirage 2000D.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Plus qu’une réponse sur le plan industriel, vous demandez en réalité un point sur l’utilisation de nos forces. Ce n’est pas le sujet aujourd’hui, mais nous pourrons demander des précisions à Mme la ministre dans le cadre d’une audition ultérieure.

La commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement DN97 de M. Thibault Bazin.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Vous allez nous faire une ultime proposition de rapport…

M. Thibault Bazin. Oui, last but not least. (Sourires.) La loi du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire prévoyait un rapport sur la concertation et le dialogue social, dont nous avons beaucoup débattu, mais nous n’avons toujours pas eu communication d’un tel document. Il faudrait que les parlementaires – au moins eux – en aient connaissance afin de pouvoir évaluer l’existant et de réfléchir à de nouvelles pistes. Il a notamment été question d’inviter les associations professionnelles nationales de militaires (APNM) à se regrouper.

M. le président Jean-Jacques Bridey, rapporteur. Je peux vous assurer que ce rapport a bien été remis à l’Assemblée nationale. Nous allons essayer de le retrouver afin de le diffuser. Je vous propose donc de retirer votre amendement.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Même avis.

M. Thibault Bazin. Je vais retirer mon amendement en vous souhaitant une bonne recherche et en espérant que rien ne se perd dans cette maison. (Sourires.)

L’amendement est retiré.

*

*     *

La commission adopte l’ensemble du projet de loi de programmation militaire ainsi modifié.

En conséquence, la commission de la Défense nationale et des forces armées demande à l’Assemblée nationale d’adopter le présent projet de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 


—  1  —

   annexe :

Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

(Par ordre chronologique)

  Étatmajor de l’armée de terre : M. le général Jean-Pierre Bosser, chef d’état‑major de l’armée de terre, M. le colonel Bruno Baraty, chef de cabinet, et  M. le colonel Pierre Desquesses, chargé des  relations parlementaires ;

  Étatmajor de la marine : M. l’amiral Christophe Prazuck, chef d’état‑major de la marine, M. l’amiral François Moreau, sous-chef plans/programmes, M. le capitaine de vaisseau Dominique Caillé, responsable des liaisons parlementaires auprès du CEMM, M. le capitaine de vaisseau Éric Vernet, et M. le capitaine de frégate Julien Lalanne de SaintQuentin ;

  Secrétariat général pour ladministration : M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l’administration, et M. le colonel Frank Barrera, chef de cabinet du SGA ;

  Thales : M. Patrice Caine, président-directeur général, et Mme Isabelle Caputo, directeur des relations parlementaires et politique ;

  Étatmajor des armées : M. le général François Lecointre, chef d’état‑major des armées, et M. le Capitaine de frégate Georges-Antoine Florentin, officier chargé des liaisons parlementaires auprès du CEMA ;

  Comité Richelieu : M. Thierry Gaiffe, président de la commission défense du Comité Richelieu et PDG d’Elno, M. Jean Delalandre, délégué général, et M. Nicolas Corouge, vice-président et PDG de la société Connectiv IT ;

  MBDA : M. Antoine Bouvier, président, M.  l’amiral (2S) Xavier Paitard, conseiller défense du PDG, M. Pierre Muller, directeur du business développement, et Mme Patricia Chollet, chargée des relations avec le Parlement ;

  NEXTER : M. Stéphane Mayer, président-directeur général ;

  Ministère des Armées : Mme Claire Legras, directrice des affaires juridiques ;

  Étatmajor de larmée de lair : M. le général André Lanata, chef d’état-major de l’armée de l’air, et M. le colonel Nicolas Lyautey, assistant militaire ;

  Renault Trucks Defense : M. Emmanuel Levacher, président‑directeur général, et M. Charles Maisonneuve, directeur des affaires publiques ;

  Dassault Aviation : M. Éric Trappier, président-directeur général, et M. Bruno Giorgianni, directeur des affaires publiques (M. Trappier est également intervenu en tant que président du groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales, accompagné de M. le général (2S) Pierre Bourlot, délégué général) ;

  Direction générale pour larmement : M. Joël Barre, délégué général pour l’armement, Mme lIGA Eveline Spina, chargée de la sous-direction des plans et des programmes, et Mme Géraldine Romano, conseiller technique ;

  Fédération FO Défense : M. Gilles Goulm, secrétaire général ;

  Ministère des armées : Mme Anne-Sophie Avé, directeur des ressources humaines ;

  Agence nationale de la sécurité des services dinformation : M. Guillaume Poupard, directeur général, Mme Marie Prévot, conseillère juridique du secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, et M. François Déruty, adjoint du sous‑directeur ;

  SNUEC Défense CGC : M. Patrick Onado, secrétaire régional Île-de-France, et M. Vincent Hacquin, vice‑président ;

  Direction du renseignement militaire : M. le général Jean-François Ferlet, directeur, et M. le colonel Thierry Beylier, assistant militaire du DRM ;

  Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale : M. Louis Gautier, secrétaire général, et MM. JeanMarie Desmartis, et Ludovic Lestel, conseillers ;

  Conseil supérieur de la fonction militaire : M. le contrôleur général des armées Patrick Macary, secrétaire général, M. le capitaine JeanPhilippe Menard, secrétaire du conseil, M. le second maître Mickael Gauthier, adjoint secrétaire du conseil, M. le capitaine Michal Nowakowski, M. le commissaire en chef de 1ère classe (ER) Alain Monier, M. le caporalchef de 1ère classe Gregory Minet, M. l’ingénieur principal des études et techniques de l’armement Thomas Verchere, M. le chef d’escadron Frederic Colard, M. le premiermaître Mickael Pousset, M. le major Philippe Antoni, et M. le caporalchef Ludovic Novaro, membres du CSFM ;

  État-major des armées : M. le général Olivier Bonnet de Paillerets, commandant de la cyberdéfense ;

  CFTC : M. Patrick Pradier, président fédéral, et M. Didier Lenfant, secrétaire général adjoint ;

  CFDT FEAE : M. Christophe Henry, secrétaire général adjoint, et Mme Christine Faisandier, secrétaire nationale ;

  UNSA Défense : Mme Martine Hemled, secrétaire générale adjointe, et M. Laurent Tintignac, secrétaire général adjoint ;

  Naval Group : M. Hervé Guillou, président-directeur général, et M. Fabien Menant, directeur des affaires publiques et européennes ;

  Airbus : M. Guillaume Faury, président d’Airbus Commercial Aircraft, M. Philippe Bottrie, directeur des affaires publiques France, M. Philippe Coq, secrétaire permanent des affaires publiques, M. Philippe Lemasson, directeur de la communication France, et Mme Annick Perrimonddu Breuil, directeur des relations avec le Parlement.

 


([1])  Loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale.

([2])  25 février 2014, sur la prolongation de l’intervention en Centrafrique (opération Sangaris) ; 13 janvier 2015, pour la prolongation de l’intervention en Irak (opération Chammal) ; 25 novembre 2015, afin d’autoriser la prolongation de l’engagement des forces aériennes au-dessus du territoire syrien.

([3]) Rapport d’information n°2745 sur l’état d’avancement de la manœuvre ressources humaines et les conséquences des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, 2 octobre 2014. Mme Gosselin‑Fleury et M. Marleix.

([4]) Rapport d’information n°3323 sur les conséquences du rythme des opérations extérieures sur le maintien en condition opérationnelle des matériels, 9 décembre 2015. M. Marty et Mme Récalde.

([5]) Rapport d’information n° 3361 sur la filière munitions, 16 décembre 2015. MM. Bays et Dhuicq. 

([6]) Rapport d’information n° 2114 sur l’évolution du dispositif militaire français en Afrique et sur le suivi des opérations en cours, 9 juillet 2014. MM. Fromion et Rouillard.

([7]) Rapport annexé, page 60.

([8]) Ibid, page 26.

([9]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2018 à 2022.

([10]) MM. François André et Joaquim Pueyo, Rapport dinformation sur lexécution de la loi de programmation militaire 2014-2019, Assemblée nationale, XVe législature, n° 718, 22 février 2018.

([11]) Ainsi, le satellite CERES va multiplier par 15 le flot de données.

([12]) MUltinational Space-based Imaging System.

([13]) Le calendrier de livraison prévu est d’une unité en 2019 et une unité en 2020.

([14]) Capacité universelle de guerre électronique.

([15]) Dont le retrait de service est programmé au plus tard en 2025, compte tenu de l’âge de cette flotte.

([16]) Souligné par le rapporteur.

([17]) Le rapport annexé cite expressément les missions Enhanced Forward Presence et Air Baltic, ainsi que nos déploiements navals en mer Baltique, en Méditerranée et en mer Noire, et la police du ciel européen.

([18]) Assemblée nationale, rapport n° 2114 fait par MM. Yves Fromion et Gwendal Rouillard au nom la commission de la Défense nationale et des forces armées sur l’évolution du dispositif militaire français en Afrique et sur le suivi des opérations en cours, juillet 2014.

([19]) Préface du président de la République à la Revue stratégique de défense et de sécurité nationale, 13 octobre 2017.

([20]) La simulation numérique implique la résolution d’équations avec des milliards d’inconnues. L’adaptation des supercalculateurs représente un gain de temps considérable puisque la puissance de calcul a été multiplié par près de 5 000 en quinze ans (TERA 1, TERA 10, TERA 100).

([21]) Engin blindé de reconnaissance et de combat.

([22]) Véhicule blindé multi-rôles lourd.

([23]) Véhicule blindé multi-rôles léger, successeur du véhicule blindé léger (VBL).

([24]) Arme individuelle future (fusil d’assaut remplaçant le FAMAS).

([25]) Camion équipé d’un système d’artillerie.

([26]) TTH : version destinée à l’armée de terre.

([27]) Hélicoptère d’appui et de destruction.

([28]) Missile à moyenne portée (successeur du MILAN).

([29]) Selon le projet de LPM. La documentation budgétaire du PLF 2018 indiquait 1 750.

([30]) Selon la documentation budgétaire du PLF 2018.

([31]) Véhicule blindé léger, 4 roues de 4,3 tonnes.

([32]) Véhicule blindé d’aide à l’engagement.

([33]) Véhicule léger tactique polyvalent.

([34]) Véhicule léger tactique polyvalent dappui, dit aussi « VBMR léger appui » de SCORPION.

([35]) Dont 500 Masstech.

([36]) Véhicule léger des forces spéciales, remplaçant des jeeps P4 et des véhicules de patrouille spéciale (VPS).

([37]) Poids lourd des forces spéciales, remplaçant les véhicules légers de reconnaissance et d’appui (VLRA).

([38]) Véhicule aéro-largable doté de remorque.

([39]) Frégate multi-missions.

([40]) Frégates anti-aériennes de classe Horizon, équipement dont le programme est clos depuis 2011 mais qui demeure « de nouvelle génération ».

([41]) FREMM à capacités de défense aérienne renforcées.

([42]) Cible du programme d’armement, non fixée expressément par la LPM de 2013, qui les incluait parmi les 15 frégates de premier rang.

([43]) Frégate de taille intermédiaire.

([44]) Frégate de taille intermédiaire.

([45]) Cible du programme d’armement, non fixée expressément par la LPM de 2013, qui les incluait parmi les 15 frégates de premier rang.

([46]) Bâtiment de Surveillance et d’Intervention maritime, dit aussi « patrouilleur futur » dans le projet de LPM.

([47]) Programme issu de la scission du concept de BATSIMAR en deux programmes distincts, l’un pour la métropole, l’autre pour les outre-mer.

([48]) Programme mentionné par la LPM de 2013 pour des livraisons postérieures à 2020.

([49]) Patrouilleur léger guyanais, dont un exemplaire adapté aux conditions de navigation des Antilles.

([50]) La LPM fixe une cible de deux, mais un patrouilleur supplémentaire, modifié, a été commandé en 2018 pour les Antilles.

([51]) Bâtiment de soutien et d’assistance hauturiers.

([52]) Quatre autres bâtiments étant affrétés.

([53]) Sous-marin nucléaire d’attaque.

([54]) Remplacement des ATL2.

([55]) Cible susceptible d’ajustements en fonction des développements du programme à venir.

([56]) Atlantique 2 (avions de patrouille maritime).

([57]) Avions de surveillance maritime.

([58]) Cible susceptible d’ajustements en fonction des développements du programme à venir.

([59]) Flotte logistique destinée à remplacer les actuels pétroliers ravitailleurs polyvalents et autres bâtiments de soutien.

([60]) Système de lutte anti-mines du futur.

([61]) Bâtiments-mères (BM), bâtiments-base pour plongeurs-démineurs (BBPD).

([62]) NFH : version destinée à la marine.

([63]) Échéance du programme d’armement en cours, qui n’est mentionnée ni dans la LPM 2014‒2019, ni par le projet de LPM 2019‒2025.

([64]) Système de drone aérien de la marine.

([65]) La LPM de 2013 ne fixait pas de cible explicite à la flotte de Rafale. Le Livre Blanc fixait en la matière une cible de 225 avions de combat, répartis dans des propositions non définies à l’unité près entre Mirage 2000 et Rafale. Constatant que les forces en comptaient 110 Rafale en 2013, dont 35 pour la marine nationale, elle prévoyait l’acquisition de 26 Rafale supplémentaire d’ici la fin de l’année 2019. En outre, le programme de rénovation des Mirage 2000 lancé en 2015 porte sur 55 avions.

([66]) La date prévisionnelle de fin du programme Rafale doit être consolidée ultérieurement en cohérence avec la cible et le calendrier annuel des livraisons.

([67]) Dont 111 Mirage 2000 et 143 Rafale.

([68]) Multi-role transport tanker - avion de ravitaillement et de transport.

([69]) En ce compris la flotte de 14 C130-H, dont le projet de LPM évoque la modernisation puis le remplacement à compter de 2030.

([70]) Missile sol-air de moyenne portée terrestre de nouvelle génération.

([71]) Drones de moyenne altitude, longue endurance.

([72]) Capacité universelle de guerre électronique (équipement de renseignement aéroporté), remplaçant les deux Transall Gabriel.

([73]) Bâtiment léger de surveillance et de recueil de renseignement.

([74]) Multinational Space-Based Imaging System pour la surveillance, la reconnaissance et l’observation.

([75]) Capacité spatiale de renseignements d’origine électromagnétique ; durée de vie estimée : sept ans.

([76]) Système de drone tactique intérimaire.

([77]) Système de drone tactique, remplaçant le système de drone tactique intérimaire (SDTI) développé à partir de 2004.

([78]) Avion léger de surveillance et de reconnaissance, destiné à remplacer en partie des avions loués pour la DRM et la DGSE.

([79]) Satellite de communication.

([80]) Communications numériques tactiques et de théâtre.

([81]) Système d’information des armées.

([82]) Hélicoptère interarmées léger.

([83]) Hélicoptères de manœuvre.

([84]) Telle était en tout cas l’évaluation qu’en faisait M. Christian Mons, président du Conseil des industries de défense, devant la commission des Affaires étrangères et de la défense du Sénat le 2 octobre 2013.

([85]) Synergie du COntact Renforcée par la Polyvalence et l’InfovalorisatiON.

([86]) Pour ne citer que les plus récents, voir l’avis n° 277 de M. Jacques Marilossian sur le projet de loi de finances pour 2018, ainsi que les avis n° 4130 et n° 3115 de M. Gwendal Rouillard respectivement sur les projets de loi de finances pour 2017 et pour 2016.

([87]) Le Var a été admis au service actif en 1983, le Marne en 1987 et le Somme en 1990.

([88]) Amendement adopté par l’OMI le 24 mars 2006 et entré en vigueur le 1er août 2007.

([89]) Pour « flotte logistique ».

([90]) Organisation conjointe de coopération en matière d’armement.

([91]) Il convient à cet égard de noter que l’augmentation du format à quatre unités n’aura pas d’impact financier sur la LPM 2019-2025 puisque la commande du quatrième bâtiment est prévue en 2026.

([92]) La LPM 2014-2019 prévoyait que la première unité du programme serait commandée « en fin de période » de programmation, sans préciser de date quant aux livraisons.

([93]) Globalement, les RTC atteignent 50 % outre-mer.

([94]) Pour « bâtiments de surveillance et d’intervention maritime ».

([95]) Affectés en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie, à La Réunion et aux Antilles.

([96]) Calculateur tactique, visualisation tactique, acoustique, radar, IFF (Identification Friend/Foe – Identification ami-ennemi) et électro-optique.

([97]) Le coût du programme de rénovation pour 15 unités  s’élève à 825,7 millions d’euros.

([98]) Pour « patrouille maritime ».

([99]) Avis n° avis n° 277, tome VII, fait par notre collègue Jean-Charles Larsonneur sur les crédits relatifs à l’équipement des forces et à la dissuasion inscrits au projet de loi de finances pour 2018, octobre 2017.

([100]) Rapport d’information du 9 mars 2005 sur la recherche de défense et de sécurité.

([101]) Réponse au questionnaire du rapporteur.

([102]) Point 303 de la revue stratégique.

([103]) Sur ces différents sujets, voir notamment l’avis n° 277 fait par M. Jacques Marilossian au nom de la commission de la Défense nationale et des forces armées sur le projet de loi de finances pour 2018.

([104]) Les catapultes EMALS fonctionnent grâce à un moteur à induction linéaire qui utilise des courants électriques pour générer des champs magnétiques assurant la propulsion sur un rail.

([105]) Rapport d’information n° 4301 fait par MM. Jean-Jacques Bridey et Jacques Lamblin sur les enjeux industriels et technologiques du renouvellement des deux composantes de la dissuasion, décembre 2016.

([106]) Instruction générale n° 125/DEF/EMA/Plans/COCA – n° 1516/DEF/DGA/DP/SDM relative au déroulement et la conduite des opérations d’armement, en date du 26 mars 2010.

([107]) Article 42.6 et 46 du Traité UE et protocole n° 10 annexé, sur la coopération structurée permanente en matière de défense.

([108]) Voir à cet égard : MM. François André et Joaquim Pueyo, Rapport dinformation sur lexécution de la loi de programmation militaire 2014-2019, Assemblée nationale, XVe législature, n° 718, 22 février 2018, annexe 11.

([109]) Le format final sera fonction du type de bâtiment retenu.

([110]) Rapport annexé, alinéa 458.

([111]) Ibid, alinéa 213.

([112]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2018 à 2022.

([113]) Mme Geneviève Gosselin-Fleury, M. Charles de la Verpillière, Rapport fait au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées sur la protection sociale des militaires, Assemblée nationale, XIVe législature, n° 4552, 22 février 2017.

([114])  Décret n° 2017-1007 du 10 mai 2017 relatif aux militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées, aux militaires commissionnés et aux élèves sous-officiers du service de santé des armées.

([115]) Les effectifs de la garde nationale, qui regroupe les réservistes opérationnels des armées et de la gendarmerie nationale et la réserve civile de la police nationale, s’élèvent à près de 70 000 personnes.

([116]) Rapport n° 3129 sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, tome II, Mme Michèle Delaunay, 14 octobre 2015.

([117]) Tribunal administratif de Rennes, 5 novembre 2015, n°1300301, Monsieur Hervé Tinel.

([118]) Conseil d’État, 1er juillet 2005, arrêt n°258208 et  7 octobre 2013, arrêt n°337851.

([119])  Bilan reconversion 2016, Défense mobilité.

([120]) Bilan reconversion 2016, Défense mobilité.

([121]) Art. 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifié par l’ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017.

([122]) Article 49 de la loi n° 2003‑775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites.

([123]) Décision 86-207 DC.

([124]) M. Claude de Ganay, Avis fait au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées sur le projet de loi de finances pour 2018, tome III, Défense, Soutien et logistique interarmées, n° 277, 12 octobre 2017, page 46 et suivantes.

([125]) Articles 68 et 69 de la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires.

([126]) Arrêté du 27 octobre 2017 fixant pour l’année 2018 le contingent des pécules prévu par l’article L 4139‑8 du code de la défense pour les officiers de carrière.

([127]) Mmes Patricia Adam et Geneviève Gosselin, Rapport au nom de la commission de la Défense nationale et des forces armées sur le projet de loi n° 1473, adopté par le Sénat, relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale, n° 1551, 14 novembre 2013, page 283, à propos de l’article 26 en discussion.

([128]) Loi n° 75‑1000 du 30 octobre 1975 modifiant la loi n° 72 662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires et édictant des dispositions concernant les militaires de carrière ou servant en vertu d’un contrat.

([129]) Référé n° 68139 du 24 octobre 2013 sur la gestion des ouvriers de l’État au ministère de la Défense.

([130]) Loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique.

([131]) Réponse du Premier ministre Jean-Marc Ayrault au Premier président de la Cour des comptes le 24 décembre 2013.

([132]) Décret n° 2016‑1995 du 30 décembre 2016 relatif à la rémunération des personnels à statut ouvrier relevant du ministère de la défense.

([133]) Évaluation du coût de la mesure n° 120141, page 82 du tome II de lévaluation des voies et moyens annexée au projet de loi de finances pour 2018.

([134]) Étude d’impact annexée au projet de loi, pages 103-111.

([135]) Mission d’information sur le service national universel – déplacement de Mmes Marianne Dubois et Émilie Guerel et de M. Jean-Pierre Cubertafon sur le site du SMV de Brétigny-sur-Orge.

([136]) Maurice Hauriou, Principes de droit public, éditions Tenin, Paris, 1910.

([137]) Conseil d’État, 21 décembre 1988, N° 7077, Élections de Boudot.

([138]) On citera par exemple les décisions du Conseil constitutionnel n° 82-146 DC du 18 novembre 1982 sur la loi modifiant le code électoral et le code des communes et relative à l’élection des conseillers municipaux et aux conditions d’inscription des Français établis hors de France sur les listes électorales, et n° 2000-426 DC du 30 mars 2000 sur la loi relative à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions et à leurs conditions d’exercice.

([139]) Décision du Conseil constitutionnel n° 2013-675 DC du 9 octobre 2013 sur la loi organique relative à la transparence de la vie publique.

([140]) Loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale.

([141]) Pour une présentation détaillée des différents dispositifs, on se reportera utilement au rapport n° 1551 de Mmes Patricia Adam et Geneviève Gosselin-Fleury fait au nom de la commission de la Défense nationale et des forces armées sur le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale.

([142]) Article 14 du projet de loi initial.

([143]) Décret n° 2009-834 du 7 juillet 2009 portant création d’un service à compétence nationale dénommé « Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information ».

([144]) Article L. 2321-2 du code de la défense.

([145]) Article 15 du projet de loi initial.

([146]) Articles L. 1332-2 et R. 1332-1 du code la défense.

([147]) Codifiées aux articles L. 1332-6-1 à L. 1332-6-6 du code de la défense.

([148]) Codifiée à l’article L. 2321-3 du code de la défense.

([149]) Programme malveillant reçu par courriel ou mis à disposition sur un site Internet qui provoque le chiffrement de tous les fichiers d’un ordinateur (ainsi que des fichiers accessibles en écriture sur les dossiers partagés si l’ordinateur est connecté à un réseau informatique) et demande une rançon en échange du mot de passe de déchiffrement.

([150]) De façon générale, l’ANSSI définit un « évènement de sécurité » comme une « occurrence identifiée de l’état d’un réseau indiquant une violation possible de la politique de sécurité de l’information ou un échec des mesures de sécurité ou encore une situation inconnue jusqu’alors et pouvant relever de la sécurité de l’information. »

([151]) Adresse IP d’un serveur malveillant, ou nom d’un site Internet piégé par exemple.

([152]) III de l’article D. 98-5 du code des postes et des communications électroniques.

([153]) Article L. 2321-3 du code de la défense.

([154]) Article L. 31-4 du code des postes et des communications électroniques.

([155]) Dont le 3° dispose que l’ARCEP contrôle le respect par les opérateurs des obligations résultant des dispositions législatives et réglementaires qui leur sont applicables en vertu, notamment, du code des postes et des communications électroniques.

([156]) Souligné par le rapporteur.

([157]) Directive (UE) 2016/1148 du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 2016 concernant des mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de sécurité des réseaux et des systèmes d’information dans l’Union, dite NIS (Network and Information Security).

([158]) Loi n° 2018-133 du 26 février 2018 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la sécurité.

([159]) Mentionnés aux 1 et 2 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.

([160]) Les sites sont généralement hébergés sur le serveur informatique d’un prestataire technique, le fournisseur d’hébergement, qui permet l’accès auxdits sites depuis les réseaux.

([161]) Précision issue d’un amendement adopté par la commission, à l’initiative du rapporteur, par coordination avec les dispositions prévues à l’alinéa 15.

([162]) Idem.

([163]) Conseil d’État, avis n° 394142 sur un projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense (paragraphe n° 30).

([164]) Elle comprend quatre membres, dont le président de l’ARCEP.

([165]) II de l’article 17 de la loi n° 2005-270 du 24 mars 2005 portant statut général des militaires, désormais codifié à l’article L. 4123-12 du code de la défense.

([166]) Pour plus de commodité, lexpression « recourir à lusage de la force » sera utilisée ci-après pour viser les trois cas prévus.

([167]) La directive interarmées sur l’engagement des forces terrestres sur le territoire national du 23 novembre 2010 précise que « l’emploi de la force comprend toutes les mesures et actions à caractère coercitif susceptibles de limiter la liberté et les droits des personnes. L’emploi de la force ne signifie pas nécessairement l’usage des armes ».

([168]) Au-delà des opérations majeures sinscrivant généralement dans la durée, il sagit de couvrir également les opérations plus ponctuelles, telles que les libérations dotages.

([169]) Arrêté du 4 mai 2017 modifiant l’organisation de l’état-major des armées (NOR: DEFD1712730A).

([170]) Créé par l’article 18 de la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.

([171]) Pour des développements précis sur les mesures de surveillance des communications et la distinction entre hertzien « ouvert » et hertzien « privatif », on se reportera utilement à l’avis n° 161 de M. Guillaume Gouffier-Cha fait au nom de la commission de la Défense nationale et des forces armées sur le projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (commentaires des articles 8 et 9).

([172]) Technique prévue à l’article L. 851-6 du code de la sécurité intérieure.

([173]) Technique prévue au II de l’article L. 852-1 du code de la sécurité intérieure. 

([174]) Technique prévue à l’article L. 852-2  du code de la sécurité intérieure.

([175]) Mesures prévues à l’article L. 854-1 du code de la sécurité intérieure.

([176]) Dispositif permettant de reproduire des communications électroniques de manière factice.

([177]) Article L. 3211-1-1 du code de la défense.

([178]) Article R. 3211-2 du code de la défense.

([179]) Empreintes digitales et palmaires, reconnaissance faciale et de l’iris.

([180]) Prélèvements sanguins, salivaires, génétiques.

([181]) I de l’article L. 2381-1 du code de la défense.

([182]) II du même article.

([183]) En application du I de L. 2381-1 du code de la défense.

([184]) Voir notamment :

– pour les conflits armés internationaux : la troisième Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre du 12 août 1949 pour les conflits armés internationaux ;

– pour les conflits armés non internationaux : l’article 3 commun aux Conventions de Genève du 12 août 1949 et l’article du Protocole additionnel II aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux.

([185]) Ces règles sont classifiées.

([186]) Créé par un décret du 2 août 2017 autorisant la mise en œuvre d’un traitement automatisé de données à caractère personnel, non publié.

([187]) Conseil d’État, avis n° 394142 sur un projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

([188]) Notamment le détournement, en octobre 1985, d’un navire de croisière italien, l’Achille Lauro, au large d’Alexandrie, par des membres du Front de libération de la Palestine.

([189]) Loi n° 2017-1576 du 17 novembre 2017 autorisant la ratification du protocole relatif à la convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime et du protocole relatif au protocole pour la répression d’actes illicites contre la sécurité des plates-formes fixes situées sur le plateau continental.

([190]) Articles L. 1333-9 à L. 1333-13-11 du code de la défense.

([191]) Articles L. 2341- 3 à L. 2341-7 du code de la défense.

([192]) Articles L. 2342-57 à L. 2342-81 du code de la défense.

([193]) Articles L. 2353-4 à L. 2353-14 du code de la défense.

([194]) Article 434-6 du code pénal.

([195]) Ainsi que la tentative ou la complicité.

([196]) Article 434-6 du code pénal.

([197]) Loi n° 2016-1323 du 7 octobre 2016 autorisant la ratification de la convention sur la répression des actes illicites dirigés contre l’aviation civile internationale et du protocole complémentaire à la convention pour la répression de la capture illicite d’aéronefs.

([198]) Son entrée en vigueur est conditionnée à sa ratification par 22 États. À ce stade, 21 États ont déjà procédé à cette ratification.

([199]) Soit toute personne qui, se trouvant en France, se serait rendue coupable hors du territoire national d’une infraction prévues par l’article 689-6.

([200]) Article II du protocole de Pékin, modifiant l’article 1er de la convention de la Haye.

([201]) En application du f) du 1 de l’article 1er de la convention de Pékin.

([202]) Soit, aux termes du c) de l’article 1er de la convention de la Haye, les « centres comprenant un nombre considérable de biens culturels ».

([203]) Loi n° 2017-226 du 24 février 2017 autorisant l’adhésion de la France au deuxième protocole relatif à la convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé.

([204]) Le c) du 1 de l’article 16 du même protocole stipule que les États parties doivent adopter les mesures législatives nécessaires pour établir leur compétence s’agissant des seules infractions visées aux a) à c) susmentionnées.

([205]) En application du ix du b du 2 de l’article 8 du statut de Rome de la Cour pénale internationale.

([206]) En application du iv du e du 2 de l’article 8 du statut de Rome de la Cour pénale internationale.

([207])  Directive 2009/43 (CE) du 6 mai 2009 simplifiant les conditions des transferts de produits liés à la défense dans la Communauté.

([208]) Règlement (CE) n° 2894/94 du Conseil, du 28 novembre 1994, relatif à certaines modalités d’application de l’accord sur l’Espace économique européen.

([209]) Espace économique européen, qui réunit les 28 pays membres de l’Union Européenne ainsi que trois des quatre pays membres de l’Association européenne de libre-échange (AELE) – Islande, Liechtenstein et Norvège – au sein d’un marché commun européen. La Suisse est membre de l’AELE, mais ne fait pas partie de l’EEE.

([210]) Décision no 111/2013 du Comité mixte de l’EEE du 14 juin 2013 modifiant l’annexe II (Réglementations techniques, normes, essais et certification) de l’accord EEE.

([211]) Portant dispositions générales relatives aux matériels de guerre, armes et munitions.

([212]) Voir la nomenclature prévue à l’article L. 2331-1 du code de la défense.

([213]) De fait, la chambre commerciale de la Cour de cassation  a rappelé que le 6°  de l’article L. 110-1 du code de commerce « répute actes de commerce "toute entreprise de fournitures", et que cette disposition sapplique à la fourniture de services » (Cass. Comm. 5 décembre 2006, n° 04-20039).

([214]) Ceux soumis à une autorisation d’exportation préalable en application de l’article L. 2335-5 du code de la défense.

([215]) Soit, à titre principal, une peine d’emprisonnement de sept ans et une amende de 100 000 euros, peines portées à dix ans d’emprisonnement et à 500 000 euros d’amende lorsque l’infraction est commise en bande organisée.

([216]) Soit six mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende pour la personne titulaire de l’autorisation d’exercer l’activité concernée.

([217]) Le terme « transferts » fait référence aux échanges réalisés entre États membres de l’Union européenne, les termes « importations » et « exportations » s’appliquant aux échanges extra-européens.

([218]) Articles L. 2335-8 à L. 2335-16 du code de la défense.

([219]) Loi n° 2009-928 du 29 juillet 2009 relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense.

([220]) Article 47 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale.

([221]) Loi n° 2005‑1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

([222]) Article 195 de la loi n° 2008‑1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009.

([223]) Article 38 de la loi n° 2014‑1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015.

([224]) Article 126 de la loi n°2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie.

([225]) Loi n° 2013‑1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale.

([226]) Rapport n°1270 de Mme Marie-Françoise Clergeau, commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, 15 décembre 1998.

([227]) À deux reprises, l’Ordre sera exceptionnellement ouvert de nouveau par le général de Gaulle, qui attribuera la croix de la Libération à Winston Churchill (1958) et au Roi d’Angleterre George VI (1960), portant ainsi le nombre définitif des personnes titulaires de cette distinction à 1 038.

([228]) Initialement, le CNC-CL était placé sous la tutelle du ministre de la Justice.

([229]) Rapport n° 466 fait au nom de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, sur le projet de loi de finances rectificative pour 1963, M. Louis Vallon, 17 juillet 1963.

([230]) https://www.nato.int/cps/fr/natohq/official_texts_17265.htm

([231])  Depuis juillet 2017, il n’existe plus qu’une seule CRPMI en métropole et six commissions outremer. La CRPMI siège à La Rochelle pour l’examen des dossiers écrits et à l’Institution nationale des Invalides lorsque le demandeur est présent.

([232]) Réponse au questionnaire adressé par le rapporteur au ministère des Armées.

([233]) Rapport d’activité 2016 du Conseil d’État et des juridictions administratives.

([234]) Il s’agit des produits, y compris les logiciels et les technologies, susceptibles d’avoir une utilisation tant civile que militaire.

([235]) La rédaction de l’article  R. 421-8 du code de l’urbanisme ne précise toutefois pas si cette qualification correspond au secret défini par l’article 413-9 du code pénal.

([236]) Toutefois, aucune disposition législative ni réglementaire ne précise les critères de qualification d’une telle « opération secrète ».

([237]) Cet article cite : 1° Les aménagements, ouvrages ou travaux portant sur les centres de transmission, les établissements d’expérimentation et de fabrication de matériels militaires et de munitions, les entrepôts de réserve générale, les dépôts de munitions, les bases de fusées, les stations radiogoniométriques et les centres radioélectriques de surveillance ; 2° Les aménagements, ouvrages ou travaux qui doivent être exécutés à l’intérieur des arsenaux de la marine, des aérodromes militaires et des grands camps […] ; 3° Les aménagements, ouvrages ou travaux dont le caractère secret a été reconnu par décision […] du Premier ministre ou du ministre compétent.

([238]) Selon l’article R. 122-6 de ce code, la commission d’examen des opérations immobilières présentant un caractère secret comprend : 1° Un président ou son suppléant, choisis parmi les conseillers d’Etat, les conseillers à la Cour de cassation ou les conseillers maîtres à la Cour des comptes ; 2° Le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale ou son représentant ; 3° Un représentant du ministre de la défense ; 4° Le directeur général des finances publiques ou, à défaut, le chef du service France Domaine.

([239]) Comme le prévoit, par exemple, l’article L. 134-33 du code des relations entre le public et l’administration.

([240]) On relèvera par exemple les expressions suivantes : opérations qui « nécessitent le secret pour des raisons de sûreté » (article L. 421-15 du code de l’urbanisme), « protégés par le secret de la défense nationale » (article L. 123-2 du code de l’environnement) ou « couvertes » ou « soumises à des règles de protection » de ce secret (articles R. 217-10 et L. 217-1 du même code), ou encore « opérations secrètes intéressant la défense nationale » (articles L. 123-2 du même code et L. 122-4 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique).

([241]) Sont également considérés : les services accomplis en temps de guerre, au cours d’une expédition déclarée campagne de guerre, d’une opération extérieure au sens de l’article L. 4123-4 du code de la défense ou durant la durée légale du service national.

([242]) Ibid.

([243]) Arrêt du Conseil d’État du 17 décembre 1999, Union hospitalière privée.

([244]) Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République.

([245]) Décision n° 72-73 L du 29 février 1972, décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987.

([246]) Prise en application de l’article 30 de la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire et portant diverses dispositions concernant la défense, les anciens combattants et l’action de l’État en mer.

([247])  Voir décret n° 2006-401 du 3 avril 2006 portant publication du protocole de 1996 à la Convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion de déchets, fait à Londres le 7 novembre 1996.

([248]) Sénat, projet de loi n°660, déposé le 1er juin 2016.

([249]) Décret n° 95‑260 du 8 mars 1995 relatif à la commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité.

([250]) Voir également le commentaire de l’article 24 du présent projet de loi sur l’application de ces convention et protocoles en droit national.

([251]) Loi n° 2017-1576 du 17 novembre 2017 autorisant la ratification du protocole relatif à la convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime et du protocole relatif au protocole pour la répression d’actes illicites contre la sécurité des plates-formes fixes situées sur le plateau continental.