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N° 816

______

 

ASSEMBLÉE  NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 mars 2018.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi visant à augmenter le pouvoir d’achat grâce à la création d’un ticket-carburant,

 

 

 

Par MGuillaume PELTIER,

 

 

Député.

 

——

 

 

 

 

 

Voir le numéro :

Assemblée nationale :  706.

 


SOMMAIRE

___

Pages

Introduction

I. Le pouvoir d’achat des Français mis à mal par la hausse des prélèvements obligatoires, l’augmentation des dépenses contraintes et les difficultés de mobilité

A. Une hausse des prélèvements obligatoires et du prix des carburants en 2018, supportée par les ménages

1. 4,5 milliards de prélèvements obligatoires supplémentaires en 2018

2. Une remontée du prix des carburants à la pompe, du fait de la hausse de la fiscalité

3. L’achat et l’entretien d’un véhicule individuel, une dépense largement contrainte

B. L’inégalité face aux moyens de transport, un enjeu essentiel pour l’accès et le retour à l’emploi

1. Les transports collectifs, un secteur en croissance dans les aires urbaines

2. Une offre qui ne peut pas satisfaire les besoins de transports des habitants en zone rurale et périurbaine

3. L’absence de solution de mobilité, un véritable frein pour l’accès ou le retour à l’emploi, notamment pour les jeunes et les populations les plus éloignées de l’emploi

II. Une proposition de loi pour permettre aux employeurs de contribuer à la mobilité de leurs salariés

A. Un dispositif qui s’inspire du titre-restaurant

B. Une nouvelle manière de prendre en charge la mobilité nécessaire pour aller travailler en dehors des métropoles urbaines

C. Un dispositif facultatif pouvant être mis en place par la négociation collective

D. Un gain financier pouvant atteindre 200 euros par mois, net de cotisation et d’impôt pour l’employeur et pour le salarié

E. Un dispositif complémentaire des autres prises en charge des frais de mobilité et une déduction possible du versement transport dû par l’employeur au titre du salarié

F. Un dispositif mis en place à titre expérimental pendant deux ans

Travaux de la Commission

I. Discussion générale

II. Examen des articles

Article 1er  Mise en place et statut fiscal du ticket-carburant

Article 2 Cumul du ticket-carburant  avec la prise en charge des frais de transports personnels par l’employeur

Article 3 Déductibilité de la part contributive des tickets-carburant  du versement transport dû par l’employeur

Article 4 Exonération de l’impôt sur le revenu de la part contributive des tickets-carburant

Article 5 Entrée en vigueur et abrogation au bout de deux ans  des dispositions résultant de la présente proposition de loi

Article 6 Gage de recevabilité

Annexes

annexe  1 :  Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

Annexe  2 :  liste des contributions écrites reçues par le rapporteur

Annexe  3 :   liste des textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen de la proposition de loi


—  1  —

   Introduction

 

 

 

 

Selon l’Insee en 2016, 26,5 millions d’actifs se rendent quotidiennement à leur travail, et 3 millions de chômeurs souhaiteraient pouvoir le faire.

Selon une étude de l’Observatoire des territoires de 2016 ([1]), la distance moyenne entre domicile et travail était de 14,8 kilomètres en 2008, contre 9 kilomètres en 1982 ; cette distance augmente en moyenne de 2,7  % par an.

Ainsi, l’aller-retour entre le domicile et le lieu de travail prend, en moyenne, 50 minutes chaque jour ([2]). Si les trajets les plus longs concernent surtout les cadres et les professions intellectuelles supérieures, ce sont les ouvriers qui ont vu leur temps de trajet augmenter le plus ces dix dernières années, du fait notamment de la concentration des localisations industrielles et de l’envolée des prix du logement, qui les contraignent à habiter en périphérie – parfois lointaine – des centres urbains.

Pour se déplacer de leur domicile à leur lieu de travail, 74 % des actifs en emploi utilisent une voiture et 11 % empruntent les transports en commun. L’usage de la voiture est encore plus répandu parmi les salariés dont les horaires sont décalés par rapport aux horaires standards. Entre 1998 et 2010, le recours aux transports en commun a baissé de 4 %.

Or la politique suivie ces dernières années, qui a consisté à investir de façon massive dans la conception d’infrastructures de transport collectif, a montré ses limites : les habitants des zones rurales et périurbaines ne pourront pas en bénéficier pour aller travailler chaque jour. Seul le véhicule individuel peut leur permettre de trouver et de conserver un emploi.

Or avec la hausse des prix du carburant, sous le coup d’une fiscalité sans cesse aggravée depuis 2014, le poste des dépenses consacrées à la voiture individuelle pèse sur le pouvoir d’achat des Français. Dans les territoires, les Français savent qu’aller travailler représente une vraie dépense, et une dépense contrainte : il est impossible d’envisager de trouver et de conserver un travail sans devoir investir une partie de son salaire dans sa voiture. Ainsi, près de 10 % du budget des ménages sont liés à l’automobile ; dans ce budget, près de 30 % constituent le paiement des taxes.

Dans la hausse de 4,5 milliards des prélèvements obligatoires supportée par les ménages en 2018, l’augmentation des taxes sur les carburants représentera une ponction sur le budget automobile des ménages, qui représente une dépense contrainte. Ces choix vont aggraver les inégalités des Français face à la mobilité, alors que le constat a été fait : seule une solution de mobilité efficace peut permettre d’accéder à l’emploi et de s’y maintenir, notamment chez les publics les plus fragiles et dans les zones rurales et périurbaines.

Aussi la présente proposition de loi a pour objectif de permettre aux employeurs de contribuer à la mobilité de leurs salariés. Sur le modèle du titre-restaurant, elle lui permettrait, dans le cadre du dialogue social dans l’entreprise, de prendre en charge la mobilité nécessaire pour aller travailler en dehors des métropoles urbaines, en pouvant représenter un gain financier de l’ordre de 200 euros par mois pour chaque salarié, net de cotisation et d’impôt pour l’emploi.

 


I.   Le pouvoir d’achat des Français mis à mal par la hausse des prélèvements obligatoires, l’augmentation des dépenses contraintes et les difficultés de mobilité

A.   Une hausse des prélèvements obligatoires et du prix des carburants en 2018, supportée par les ménages

1.   4,5 milliards de prélèvements obligatoires supplémentaires en 2018

Dans une note de conjoncture publiée en décembre 2017, l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) a déterminé que les hausses et baisses d’impôt décidées par la majorité pour 2018 amputeront le pouvoir d’achat des ménages de 4,5 milliards d’euros, ce qui représente 0,3 % du pouvoir d’achat des Français. De plus, les hausses de prélèvements seront plutôt concentrées au premier semestre, tandis qu’une partie des baisses n’interviendra qu’en fin d’année.

En 2018, de nombreuses mesures de prélèvements obligatoires, votées en lois de finances et en lois de financement de la Sécurité sociale pour 2017 et 2018, vont affecter, à la hausse ou à la baisse, le pouvoir d’achat des ménages.

Du coté des hausses, le taux de la contribution sociale généralisée (CSG) a été augmenté de 1,7 point le 1er janvier 2018, conduisant le revenu disponible brut (RDB) des ménages à diminuer de 20,4 milliards d’euros (soit une contribution de – 1,4 point à sa variation annuelle).

Côté fiscalité indirecte, le prix du tabac a augmenté au quatrième trimestre 2017 puis en mars 2018, et les prix de l’énergie en janvier 2018. Ces hausses de prix vont peser à hauteur de 0,5 point sur le pouvoir d’achat.

À l’inverse, les baisses d’impôts des ménages devraient représenter environ 24,4 milliards d’euros, avec les allègements des cotisations et contributions sur les revenus d’activité (+ 15,6 milliards d’euros soit + 1,1 point de RDB), la baisse de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), transformé en impôt sur la fortune immobilière, et la mise en place du prélèvement forfaitaire (PFU) sur les revenus du capital (+ 4,5 milliards d’euros soit + 0,3 point de RDB), la baisse de la taxe d’habitation (+ 3,0 milliards d’euros soit + 0,2 point de RDB), ainsi que la généralisation du crédit d’impôt pour l’emploi à domicile aux inactifs peu ou pas imposés (+ 1,0 milliard d’euros soit + 0,1 point de RDB).

Au total sur l’année 2018, les prélèvements obligatoires sur les ménages vont augmenter. Selon l’Insee, sur l’année 2018, « la combinaison de ces hausses et de ces baisses augmenterait les prélèvements obligatoires sur les ménages d’environ 4,5 milliards d’euros, ce qui ôterait – 0,3 point à l’évolution du pouvoir d’achat ».

Cependant, le calendrier retenu a conduit à effectuer la plus grande partie de cette ponction au premier semestre. Selon l’Insee, « en matière de pouvoir d’achat, la politique fiscale du gouvernement sera globalement plus restrictive au premier semestre qu’au deuxième, puisque des baisses d’impôt (comme la première tranche de réduction de la taxe d’habitation) auront une traduction à l’automne ».

La baisse des cotisations salariales des salariés du privé sera mise en œuvre en deux temps (2,2 points de baisse du taux de cotisation au 1er janvier, puis 0,95 point de baisse au 1er octobre) ; la diminution de la fiscalité sur les revenus du patrimoine aurait un effet au deuxième trimestre pour l’ISF et s’étalerait sur l’ensemble de l’année pour le PFU.

Au total sur l’ensemble du seul premier semestre, ces baisses compenseraient presque entièrement la hausse du taux de CSG, qui sera mise en œuvre au 1er janvier, mais pas les hausses de fiscalité indirecte prévues au même moment. Les contributions des mesures en prélèvements obligatoires à l’évolution du pouvoir d’achat seraient de – 0,7 point au premier trimestre puis de + 0,1 point au deuxième.

Ainsi, le taux de prélèvements obligatoires devrait baisser, selon le Gouvernement. Il devrait passer de 44,7 % du PIB en 2017 à 44,3 % en 2018. Mais globalement, les ménages seront plus imposés en 2018.

2.   Une remontée du prix des carburants à la pompe, du fait de la hausse de la fiscalité

La même note de conjoncture de l’Insee détaille comment la hausse des taxes depuis 2014 a en grande partie absorbé l’effet de la baisse du cours du pétrole sur les prix à la consommation de l’énergie.

Alors que le baril de Brent valait 108 $ en moyenne au premier semestre 2014, il a fortement reflué à partir de fin 2014, pour atteindre un point bas à 31 $ en janvier 2016. Il s’est redressé depuis, et fluctuait fin 2017 autour de 60 $, soit un niveau qui reste nettement inférieur à celui de début 2014.

Dans le sillage du cours du pétrole, le prix à la consommation des produits pétroliers (carburants et fioul domestique) s’est replié, à hauteur de – 6  % entre janvier 2014 et novembre 2017. Cette baisse est moins prononcée que celle du cours du pétrole, parce qu’une partie seulement du prix du carburant réagit aux variations de celui du pétrole, et que la fiscalité énergétique a nettement augmenté sur la même période.

Début 2018, le prix des produits pétroliers ne serait ainsi que de 3 % inférieur à celui de janvier 2014, alors que le prix du baril de Brent serait toujours inférieur de 35 % au cours de début 2014.

La baisse du prix hors taxes a par ailleurs été limitée par le maintien ou la hausse des marges de transport-distribution.

Les hausses successives de fiscalité entre 2014 et 2018 absorbent une grande partie de l’effet de la baisse du cours du pétrole sur les prix à la consommation de l’énergie.

Les taxes sur les produits pétroliers ont augmenté au 1er janvier de chaque année depuis 2015, afin de réduire la consommation d’énergies fossiles et de participer au retour à l’équilibre des finances publiques. Entre janvier 2014 et décembre 2017, ces hausses ont ainsi soutenu à hauteur de 8,1 points les prix des produits pétroliers (soit 2,7 points par an en moyenne).

La fiscalité a encore augmenté en janvier 2018, conformément aux mesures prévues par la loi de finances pour 2018. L’ampleur serait supérieure à celles des années précédentes, avec un effet de + 4,9 points sur les prix des produits pétroliers en 2018.

En tenant compte de la hausse prévue pour janvier 2018 et en considérant 2013 comme année de référence, l’État perdrait 1,3.milliard d’euros de recettes annuelles de TVA en 2018 par rapport à 2013 en raison de la baisse des prix hors taxes, mais récupérerait avec le relèvement de la fiscalité indirecte opéré entre 2014 et 2018 5,7 milliards d’euros de taxes supplémentaires sur les produits pétroliers.

Les taxes sur les produits pétroliers ont davantage augmenté en France que dans le reste de l’Europe depuis 2014. L’évolution des prix hors taxes des produits pétroliers en France est relativement proche de la trajectoire moyenne observée dans l’Union européenne En revanche, la fiscalité énergétique n’a pas été relevée dans les principaux pays européens, sauf en France.

3.   L’achat et l’entretien d’un véhicule individuel, une dépense largement contrainte

Selon une note de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ([3]), en 20 ans, de 1990 à 2010, les dépenses de consommation liées à l’automobile sont passées en France de 80 milliards d’euros à plus de 131 milliards d’euros (+ 64 %).

Le budget annuel moyen d’un ménage français motorisé consacré à l’automobile s’élevait à 5 753 euros en 2010, en progression de 22 % sur 20 ans. Les dépenses annuelles liées à l’utilisation de l’automobile (carburant, entretien, réparation, pièces et autres services) sont passées de 2 700 à 3 880 euros sur la même période. 1 619 euros étaient consacrés à l’achat des carburants.

Au total, les dépenses liées à l’automobile représentaient 9,4 % du budget des ménages.

Chaque année, l’Automobile-Club Association (ACA) réalise une étude sur le budget de l’automobiliste ([4]), à partir de plusieurs profils type et modèles de véhicules.

En 2016, le budget total de la Clio essence atteint 5 883 € (+ 1,5 %) pour 8 469 kilomètres parcourus. « Avec 7,6 litres (réels) aux 100 km, la Clio essence a consommé pour 840 € de super, économisant 6 € sur l’année par rapport à 2015. Une baisse du super HT de 11,7 % ne donne qu’une économie de…50 centimes par mois à la pompe. Le poids des taxes a complètement escamoté la baisse du prix du pétrole. Plus d’un quart du budget de la Clio est consacré aux taxes (1 590 € soit 27 % du budget)… soit 1 € de taxes tous les 5 km ». Le budget total de la Logan diesel atteint 4 756 euros pour 8 469 km parcourus. Le budget d’un véhicule hybride comme la Prius hybride est de 9 471 euros pour 15 739 km parcourus, chaque kilomètre coûtant 0,602 euro à un automobiliste.

Selon les calculs de l’ACA, la part des taxes, TVA et autres prélèvements, dans le budget de l’automobiliste tourne autour de 30 %, un pourcentage tiré vers le haut par la très forte taxation du carburant qui atteint 141 % sur le gazole et même 172 % sur l’essence. « L’automobiliste est donc un contribuable très généreux : il aura payé 65 milliards d’euros de taxes en 2016, dont 35 milliards d’euros sur les seuls carburants. »

Cette pression fiscale s’exerce aujourd’hui sur un budget contraint : pour les Français vivant en dehors des grandes agglomérations, il est impossible de se passer d’un véhicule individuel, qu’il soit doté d’un moteur thermique ou électrique. En augmentant la taxation sur les carburants, le Gouvernement invoque des raisons écologiques, mais l’absence d’alternative contraint les Français à réduire leurs autres postes de dépenses.

B.   L’inégalité face aux moyens de transport, un enjeu essentiel pour l’accès et le retour à l’emploi

La présente proposition de loi est destinée à apporter une solution concrète aux 35 millions de Français qui vivent hors des agglomérations de plus de 100 000 habitants, pour qui l’offre de transport collectif n’est pas toujours une alternative au déplacement en véhicule individuel.

1.   Les transports collectifs, un secteur en croissance dans les aires urbaines

Chaque semaine, plus de 125 millions de déplacements sont effectués dans les transports en commun. Cela représente 30 % de plus qu’il y a 10 ans. Plus de 57 millions de voyages sont ainsi effectués en bus et en métro à Paris, 46 millions en province et plus de 19 millions en train ([5]).

Dans un souci de développement durable et pour faire face à la mobilité croissante des Français, de nombreuses évolutions et projets futurs sont en cours aussi bien en Ile-de-France qu’en régions. Les gares sont repensées pour répondre à une demande toujours croissante de voyageurs : le trafic TER sera multiplié par 4 entre 2010 et 2030. Près de 130 projets dans 72 agglomérations ont été lancés depuis 2009 pour les bus, le tramway ou le métro en région : développement du tramway, prolongation de lignes de métro, développement des voies de bus. Le projet du Grand Paris quant à lui devrait générer 2 à 3 millions de voyages supplémentaires par jour en Île-de-France.

93 % des habitants de l’Île-de-France se déplacent chaque jour dans le cadre de leur travail ou des loisirs, soit 41 millions de trajets quotidiens (+ 17 % en 10 ans). Les déplacements en transport en commun ont augmenté de 21 % en 10 ans, tandis que les déplacements en voiture ont stagné à + 0,6 %. Les déplacements en transport en commun se font de plus en plus en dehors des heures de pointe : + 33 % entre 9 heures et 16 heures.

2.   Une offre qui ne peut pas satisfaire les besoins de transports des habitants en zone rurale et périurbaine

Plusieurs obstacles freinent encore le développement de la mobilité dans les territoires ruraux et périurbains, comme le montre une étude publiée en octobre 2016 par la fondation La Fabrique Écologique ([6]).

La mobilité dans les territoires à faible densité de population est en train de devenir un enjeu majeur. L’écart se creuse entre les agglomérations denses et le reste du territoire. Dans cette note, les auteurs expliquent que les habitants des zones rurales sont confrontés à la raréfaction et à l’éloignement des services, notamment des transports en commun. « Les territoires peu denses n’ont pas accès aux évolutions et dynamiques extrêmement rapides de l’offre de mobilité [urbaine] » déplorent les auteurs.

Certes, d’autres alternatives de mobilité font peu à peu surface (covoiturage, bus à la demande) mais, dans les faits, « [ces] solutions ont du mal à s’étendre et à se généraliser ».

Autre problème soulevé, celui du transport collectif actuel. Avec la baisse des moyens alloués aux collectivités, ce schéma est amené à évoluer. « La limite structurelle du transport collectif à desservir ‘tout le monde, partout, tout le temps’ est ainsi largement atteinte, contraignant les acteurs concernés à réinventer un modèle » explique la note.

Si pour les courtes distances, les solutions telles que le vélo, le covoiturage ou l’autopartage existent, pour les longues distances, la voiture reste néanmoins privilégiée, car le potentiel de ces nouveaux modèles reste encore à démontrer. La note cite l’exemple de deux collectivités qui ont testé l’autopartage (le syndicat mixte de Bièvre-Valloire en Isère et la communauté de communes de Lannion-Trégor, dans les Côtes d’Armor), sans pour autant avoir de résultats probants pour le moment. « Aucun des acteurs économiques (filière automobile, exploitants de transport, opérateurs du numérique, générateurs locaux de trafic, etc.) n’a à lui seul la capacité de proposer les services adaptés aux attentes multiples des habitants et de créer à grande échelle les conditions de leur adhésion à ces services » conclut la note.

Afin de parvenir à repenser les mobilités, il apparaît nécessaire de diversifier les solutions envisageables.

3.   L’absence de solution de mobilité, un véritable frein pour l’accès ou le retour à l’emploi, notamment pour les jeunes et les populations les plus éloignées de l’emploi

La distance entre domicile et travail et l’absence de solution de mobilité apparaissent aujourd’hui comme un frein à l’emploi.

D’un point de vue théorique, plusieurs études, notamment américaines ([7]), ont mis en lumière les mécanismes sous-jacents qui expliquent les effets négatifs de la distance géographique à l’emploi :

– le refus des travailleurs d’effectuer des trajets domicile-travail trop longs et coûteux relativement à la rémunération attendue ;

– la réduction de l’efficacité de la recherche d’emploi (moindre information sur le marché du travail) et une augmentation de son coût qui amène à réduire le périmètre de prospection ;

– l’incitation moins forte des travailleurs à rechercher un emploi en raison des coûts plus faibles de l’immobilier dans leur lieu de résidence ;

– la réticence des employeurs vis-à-vis face à des trajets domicile-travail susceptibles de nuire à la productivité des travailleurs.

Ainsi, alors que selon les chiffres publiés par Pôle emploi, il y aurait entre 200 000 et 330 000 offres d’emplois non pourvues, les demandeurs d’emploi comme les employeurs peuvent renoncer à une embauche pour des raisons de transport.

Selon une étude Elabe réalisée en janvier 2017 pour le Laboratoire de la mobilité inclusive ([8]), un quart des Français indiquent avoir déjà renoncé à un emploi ou une formation faute de solution de transport.

40 % des Français estiment ne pas disposer d’un accès facile et rapide au réseau de transport local (métro, car, bus, tramway, réseau ferré local…), 37 % au réseau de transport de moyenne ou longue distance (gare ferroviaire). Concernant les autres transports locaux (service de location de véhicules/auto-partage, covoiturage…), la part de la population qui s’estime pas ou mal desservie est encore plus forte (54 %).

C’est une aggravation des inégalités entre territoires, car, les ruraux sont naturellement, le sondage le confirme, les plus pénalisés : 53 % des Français considèrent que les moyens de transport sont suffisamment développés dans leur zone d’habitation, contre 47 % qui font le constat contraire. C’est auprès des populations qui résident dans les zones les plus urbaines que le sentiment d’un développement suffisant est le plus important : 79 % dans l’agglomération parisienne et 72 % dans les communes des plus de 100 000 habitants. En revanche, les personnes vivant dans les zones rurales ou peu urbanisées considèrent très majoritairement que les moyens de transports ne sont pas assez développés (77 % pour les communes rurales et 62 % pour les communes de 2 000 à 20 000 habitants).

Cette inégalité entre territoires n’est pas sans conséquence en termes d’accès à l’emploi.

Selon l’étude Elabe, près d’un Français sur cinq (19 %) déclare avoir déjà renoncé à se rendre à un entretien d’embauche ou dans une structure d’aide à la recherche d’emploi parce qu’ils ne pouvaient s’y rendre. S’ils sont 12 % à l’avoir vécu une seule fois, 7 % affirment avoir dû renoncer à plusieurs reprises. Le taux est légèrement plus élevé pour le renoncement à un travail ou une formation, par manque de moyen de se déplacer : près d’un sur quatre (23 %) déclare avoir refusé un travail ou une formation pour ces raisons, dont 11 % plusieurs fois.

Ce constat recoupe celui fait par le Baromètre sur la jeunesse 2017 de la Direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA), une enquête nationale menée auprès de 4 500 jeunes réalisée par le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (CRÉDOC) et l’Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire ([9]).

Selon le Baromètre sur la jeunesse, en 2016, un quart des jeunes de 18 à 30 ans a renoncé à un emploi et 21 % à une formation en raison de difficultés de transport, et plus de la moitié a dû restreindre sa vie sociale et ses activités de loisirs faute de moyens de transport adaptés. Selon Elabe, 43 % des 18-24 ans disent avoir renoncé à un entretien faute de pouvoir s’y rendre et 46 % ont, eux, refusé une formation pour le même motif. Les jeunes en situation précaire sont davantage dans une situation de mobilité empêchée. Un tiers des jeunes sans diplôme, ou avec au plus le brevet des collèges, ont renoncé à accepter un emploi à cause du transport ; ce taux s’élève à 44 % chez les jeunes chômeurs.

Les réponses à ces études montrent que l’absence de mobilité creuse encore plus les inégalités sociales préexistantes. Les populations les plus jeunes et socialement les plus fragiles (faible niveau de diplôme et faibles revenus) sont les plus touchées par ces problèmes de mobilité et d’accès à l’emploi. La plupart des résultats du sondage confirment d’ailleurs la fragilité des plus jeunes, les 25-34 ans étant les plus concernés.

L’absence de mobilité creuse non seulement les inégalités d’âges, mais aussi celles d’éducation ou de revenus. Ce sont globalement les populations les moins diplômées et ayant les revenus les plus faibles qui disent souffrir de ce phénomène : 54 % des personnes vivant dans un foyer avec moins de 1 000 euros par mois déclarent avoir renoncé à un entretien ou une formation pour cette cause. Les usagers des transports en commun (32 % et 39 % pour les usagers du bus, 26 % et 37 % pour les usagers du métro/RER) en souffrent également plus que la moyenne des Français.

Une approche croisant niveau de vie, minima sociaux perçus et situation professionnelle permet d’estimer entre 6 et 8 millions de personnes la fourchette de population en âge de travailler concernée par des difficultés de mobilité.

Ces études révèlent également que les employeurs sont parfaitement conscients du problème, puisque selon Elabe, 41 % d’entre eux disaient en 2015 avoir rencontré des difficultés à pourvoir un poste suite à des problèmes de mobilité. 59 % disaient même avoir eu au moins un candidat ayant refusé l’embauche pour ce motif.

Au total, 86 % des Français estiment que les difficultés d’accès à la mobilité constituent un frein à l’insertion sur le marché de l’emploi.

C’est d’ailleurs ce que prend en compte l’article L. 5411-6-3 du code du travail, quand il définit « comme raisonnable une offre d’emploi entraînant, à l’aller comme au retour, un temps de trajet en transport en commun, entre le domicile et le lieu de travail, d’une durée maximale d’une heure ou une distance à parcourir d’au plus trente kilomètres ».

Certes, Pôle emploi propose aux demandeurs d’emploi des aides à la mobilité. Ainsi il propose de prendre en charge les frais de transport liés à un entretien d’embauche, un concours public, une prestation intensive, l’acceptation d’un emploi ou d’une formation nécessitant de parcourir plus de 60 kilomètres aller-retour ou plus de 2 heures de trajet aller-retour depuis le domicile. Mais cela ne peut permettre à garantir le maintien dans l’emploi du candidat embauché qui ne pourra être à l’heure faute de solution de transport.

Il convient donc de prendre en compte cette réalité en permettant à l’employeur de prendre en charge, dans les zones rurales, les petites villes et les zones périurbaines, les frais liés à l’utilisation d’un véhicule individuel pour aller travailler.

II.   Une proposition de loi pour permettre aux employeurs de contribuer à la mobilité de leurs salariés

A.   Un dispositif qui s’inspire du titre-restaurant

Mis en place par l’ordonnance n° 67-830 du 27 septembre 1967 relative à l’aménagement des conditions du travail en ce qui concerne le régime des conventions collectives, le travail des jeunes et les titres-restaurant, le dispositif du titre-restaurant permet à l’employeur de prendre en charge une partie des frais de restauration des salariés ne disposant pas d’un restaurant d’entreprise.

Il constitue un titre spécial de paiement, depuis 2014 de plus en plus dématérialisé, « remis par les employeurs à leur personnel salarié pour lui permettre d’acquitter en tout ou en partie le prix d’un repas consommé au restaurant » de préparations alimentaires directement consommables et de fruits et légumes, dans les conditions précisées au chapitre II du titre VI du livre II de la troisième partie du code du travail.

Son attribution décidée par accord collectif ou par décision unilatérale de l’employeur après consultation du conseil social et économique, reste facultative. Chaque titre-restaurant comprend une part contributive payée par l’employeur et une part réglée par le salarié.

Selon le site de la Commission nationale des titres restaurant (CNTR), chargée d’en agréer les utilisateurs, il est délivré, le plus souvent par l’intermédiaire d’une entreprise spécialisée, par 140 000 entreprises et collectivités à 4 millions de salariés et d’agents publics et accepté par 180 000 restaurateurs et commerçants. 773,09 millions de titres-restaurant ont été émis en 2015 pour une valeur de 5,95 milliards d’euros.

Son intérêt est essentiellement lié au régime fiscal et social favorable mis en place. La part contributive de l’employeur constitue un avantage en nature, exonéré de cotisations et prélèvements sociaux pour l’employeur et de l’impôt sur le revenu pour le salarié, dès lors que la part contributive de l’employeur est comprise entre 50 % et 60 % de la valeur du titre et est inférieure à 5,43 euros ([10]).

Le coût fiscal de l’« exonération de la participation des employeurs au financement des titres-restaurant » est évalué à 380 millions d’euros en 2018 (selon l’annexe « Évaluations des voies et moyens » du projet de loi de finances pour 2018). L’annexe 5 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2018 évalue à 1,15 milliard d’euros le coût en termes d’exonérations de recettes sociales. Au total, le régime fiscal et social représenterait de l’ordre de 1,53 milliard d’euros par an pour les finances publiques.

Cependant, il permet la mise en place d’un écosystème vertueux. Selon le site de la Commission nationale des titres restaurant (CNTR), pour un euro de participation employeur, ce sont en réalité 2,55 euros qui sont directement injectés au bénéfice de l’économie locale. Son existence soutient ainsi 164 000 emplois non délocalisables. Tous les ans, plus de 8 milliards d’euros sont dépensés par les salariés chez les restaurateurs et autres commerçants de proximité. Cela représente 15 % du chiffre d’affaires du secteur de la restauration du secteur de la restauration commerciale. Au total, cet impact économique représenterait plus de 870 millions d’euros par an à l’État.

D’autres catégories ont désormais accès à ce dispositif. Aux termes de l’article 12 de la loi n° 2006-586 du 23 mai 2006 relative à l’engagement éducatif, les associations peuvent attribuer aux bénévoles, dans le cadre des missions qu’ils accomplissent, des titres-restaurant appelés « chèque-repas du bénévole » ou «  titre-repas du volontaire ».

B.   Une nouvelle manière de prendre en charge la mobilité nécessaire pour aller travailler en dehors des métropoles urbaines

Le ticket-carburant s’inspire de ce dispositif en permettant à l’employeur de remettre, directement ou par l’intermédiaire d’une entreprise spécialisée, un titre de paiement pouvant uniquement servir à acheter du carburant automobile, mais aussi à financer les frais de recharge d’un véhicule électrique ou hybride, par l’intermédiaire d’une borne de recharge ou d’une prise à domicile.

Cette facilité serait offerte aux employeurs de salariés disposant d’un contrat de droit privé, mais également aux « employeurs du secteur public » ([11]). Seraient aussi bien concernés les fonctionnaires, les salariés à temps plein et à temps partiel, les salariés sous contrat à durée indéterminée, ainsi que les titulaires d’un contrat d’apprentissage ou d’un contrat de professionnalisation en alternance, au titre des jours passés dans l’entreprise ([12]).

Le salarié ou l’agent public serait éligible dès lors que sa résidence habituelle ou son lieu de travail serait situé « hors du ressort territorial d’une autorité organisatrice de la mobilité inclus dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants ».

Ce critère limite ainsi le dispositif envisagé aux territoires situés en dehors des grandes agglomérations urbaines, où il n’existe pas une offre dense en transport collectif.

Sur la carte ci-jointe, toutes les zones (en vert) situées en dehors des périmètres de ces AOM (en rose) seraient éligibles à la mise en place du ticket-carburant.

Territoires éligibles à la mise en place du ticket-carburant

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Source : site du centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement cerema.fr

Selon les chiffres de l’Insee, en 2016, 35 millions de Français, soit 53,1 % de la population totale, résidaient en dehors d’une unité urbaine de plus de 100 000 habitants. Par ailleurs, 29,2 millions de personnes de 15 à 64 ans étaient actives au sens du Bureau international du travail ; 23,4 millions étaient salariés ou fonctionnaires, soit 35,2 % de la population totale ([13]).

Ainsi, le rapporteur estime que de l’ordre de 12,5 millions de salariés et de fonctionnaires seraient éligibles à se voir attribuer des tickets-carburant par leur employeur.

C.   Un dispositif facultatif pouvant être mis en place par la négociation collective

En application de l’article 1er de la présente proposition de loi, la mise en place d’un dispositif de ticket-carburant resterait ainsi facultative et pourrait faire partie des sujets de la négociation collective dans l’entreprise.

Comme c’est le cas pour la prise en charge de certains avantages comparables, tels que la prise en charge des frais de carburant ou des frais de déplacement à vélo (article L. 3261-4 du code du travail), l’article 1er prévoit de subordonner la mise en place du ticket-carburant :

– dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives, mentionnées à l’article L. 2242-1, par accord entre l’employeur et les représentants de ces organisations syndicales représentatives ;

– dans les entreprises n’ayant pas de section syndicale, par décision de l’employeur après consultation du comité social et économique ([14]).

Chaque salarié concerné pourrait refuser de se les voir attribuer, notamment s’il n’en a pas l’usage.

D.   Un gain financier pouvant atteindre 200 euros par mois, net de cotisation et d’impôt pour l’employeur et pour le salarié

Les articles 1er et 4 de la proposition de loi organisent le statut fiscal et social du ticket-carburant.

Il ne pourrait être délivré qu’un ticket-carburant par jour travaillé.

La part contributive de l’employeur serait exonérée de prélèvements fiscaux et sociaux, aussi bien pour l’employeur que pour le salarié, lorsqu’elle respecterait certaines limites :

– l’avantage en nature, sous forme de complément de rémunération, que constitue pour le salarié cette part contributive de l’employeur, serait exonéré d’impôt sur le revenu, dans la limite de 15 euros par ticket ;

– cette part contributive serait également exonérée de prélèvements sociaux, dès lors que cette part serait comprise dans une fourchette de taux déterminé par arrêté du ministre chargé de l’économie et des finances, dans la limite de 15 euros par ticket.

Ce plafond serait relevé annuellement dans les mêmes proportions que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu.

Ainsi un salarié travaillant 5 jours par semaine pendant 47 semaines pourrait se voir remettre chaque année un nombre maximal de 235 tickets-carburant d’une valeur de 15 euros.

Le rapporteur estime que la part contributive de l’employeur, encadrée par arrêté du ministre chargé de l’économie et des finances, devrait être de l’ordre des deux tiers du montant du ticket-carburant.

À l’occasion de l’examen de la proposition de loi, la commission des Affaires sociales a adopté deux amendements présentés respectivement par Mme Caroline Fiat et M. Adrien Quatennens, déterminant que la part contributive de l’employeur devrait être comprise entre 50 et 80 % de la valeur du ticket-carburant et que de manière dérogatoire, elle serait fixée à 80 % lorsque le salarié pratique le covoiturage.

En retenant un taux moyen de contribution de l’employeur des deux-tiers, l’avantage en nature représenterait au maximum un gain de pouvoir d’achat de 200 euros par mois, soit un gain de pouvoir d’achat de 17,4 % pour un salarié travaillant 35 heures par semaine au SMIC. Cet avantage facultatif pourrait concerner de l’ordre de 12, 5 millions de travailleurs publics et privés.

Cet avantage en termes de gain de pouvoir d’achat serait net, c’est-à-dire sans que le salarié et l’employeur n’aient à subir aucun prélèvement fiscal et social sur cette somme.

Si pour assurer la recevabilité du dispositif, la présente proposition de loi prévoit un gage (article 6), le rapporteur constate que ce dispositif n’aura aucun impact notable sur les finances publiques, car cet avantage en nature défiscalisé ne viendrait pas se substituer à des dispositifs eux-mêmes soumis à imposition. Il n’y aurait ni dépense publique nouvelle, ni perte de recette pour l’État ou la sécurité sociale.

En l’absence de modèle économétrique à disposition, le rapporteur note cependant à partir du simulateur mis en place sur le site des Urssaf, que si un employeur souhaitait augmenter de 200 euros nets un salarié payé au salaire médian français (2 200 euros bruts et 1 797 euros nets), il devrait prévoir en sus le paiement de 216 euros de cotisations sociales supplémentaires (173 euros de cotisations patronales et 42 euros de cotisations salariales), alors que le dispositif envisagé permet à la négociation collective d’obtenir le même gain de pouvoir d’achat sans cotisation supplémentaire.

E.   Un dispositif complémentaire des autres prises en charge des frais de mobilité et une déduction possible du versement transport dû par l’employeur au titre du salarié

L’avantage fournir par le ticket-carburant serait ainsi à la charge de l’employeur, désireux de favoriser la mobilité et la performance de ses salariés en leur octroyant un gain de pouvoir d’achat.

Cependant, l’employeur est d’ores et déjà amené à participer financièrement à la mobilité des salariés, directement en prenant en charge certains frais de transports, et indirectement en pouvant être assujetti au versement transport.

Le chapitre Ier du titre VI du livre II de la troisième partie du code du travail prévoit d’ores et déjà différents modes de prise en charge de certains frais de déplacements des salariés :

– l’article L. 3261-2 du code du travail rend obligatoire une participation de l’employeur (fixée à 50 % par l’article R. 3261-1) aux frais d’abonnement à des transports en commun souscrits par ses salariés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail accomplis au moyen de transports publics de personnes ou au frais de services publics de location de vélos ;

– l’article L. 3261-3-1 ouvre la faculté à l’employeur d’octroyer, par accord collectif ou décision unilatérale, une « indemnité kilométrique vélo » à ses salariés utilisant ce mode de transport pour venir travailler ;

– l’article L. 3261-3 permet à l’employeur de prendre en charge, dans les mêmes conditions, « tout ou partie des frais de carburant engagés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail » uniquement lorsque les salariés concernés habitent ou travaillent hors d’un périmètre de l’autorité organisatrice de la mobilité ou travaillent en dehors des horaires de fonctionnement des transports en commun. Cette prise en charge de frais est exonérée d’impôt sur le revenu et exclue de l’assiette des cotisations et contributions sociales dans la limite de 200 euros par an.

Enfin pour mémoire, le salarié peut choisir de déduire les frais réels justifiés et exposés à titre professionnel de ses revenus, en lieu et place de la déduction forfaitaire de 10 % appliquée automatiquement. Mais il faut pouvoir justifier du montant engagé (facture, ticket de péage..) ou appliquer les barèmes mis à disposition par l’administration. Par ailleurs, les frais exposés pour le trajet domicile - travail ne sont déductibles que pour un kilométrage limité à 80 kilomètres aller-retour.

Le dispositif de prise en charge des frais de mobilité par l’employeur est en grande partie issu de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009, qui a remplacé le mécanisme du chèque-transport jamais été mis en place dans les faits.

 

L’échec du chèque-transport

Comme le rappelle un article du journal Le Monde du 24 octobre 2007 ([15]), « à l’origine, le chèque-transport était une idée des syndicats mise en œuvre par le premier ministre Dominique de Villepin pour contrer les effets de la hausse des carburants sur le pouvoir d’achat des salariés ».

Calqué sur le modèle du titre-repas, le dispositif du chèque-transport a été organisé par le titre V de la loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié et portant diverses dispositions d’ordre économique et social et ses modalités précisées par le décret n° 2007-175 du 9 février 2007.

Il avait pour objectif de permettre d’assumer une partie des frais de transport du salarié entre son domicile et son travail. Acquis de manière facultative par l’entreprise, il devait être revendu au salarié. Son montant était défiscalisé et exonéré de cotisations sociales.

Cependant, le montant de cette prise en charge était limitée. Pour les transports collectifs, il s’élevait au mieux à 200 euros par an. Pour les transports individuels, à condition que le salarié n’ait pas accès à des transports collectifs pour des raisons géographiques ou d’horaires, la somme prise en charge était limitée à 100 euros par an. Par ailleurs, le comité d’entreprise pouvait subventionner la partie réglée par le salarié.

Jugé trop complexe à mettre en œuvre par les employeurs et trop difficile et coûteux à gérer par les distributeurs, pour un montant et un avantage d’ampleur très limitée pour le salarié, le dispositif du chèque-transport n’a pas été mis en œuvre dans les faits par les entreprises et est resté lettre morte.

Tirant les leçons de cet échec, l’article 20 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 a procédé à un réaménagement complet des dispositions du code du travail fixant les conditions de prise en charge par les employeurs des frais de transport de leurs salariés, en généralisant à l’ensemble du territoire l’obligation de prise en charge des frais de transports publics, en instituant un mécanisme de prise en charge facultative des frais de transports personnels et en supprimant les dispositions mort-nées organisant le chèque-transport.

Aussi l’article 1er de la présente proposition de loi confierait au pouvoir réglementaire le soin de définir les conditions dans lesquelles un même salarié pourrait ou non bénéficier de ces différents modes de prise en charge de ses frais de transport, dès lors qu’il pourrait soit les emprunter soit de manière concurrente, soit les combiner afin notamment de se rendre en véhicule à la gare la plus proche. L’article 2 de la proposition de loi organise le cumul entre ticket-carburant et prise en charge des frais de carburant, afin d’éviter que l’employeur prenne en charge deux fois les mêmes frais.

Par ailleurs, indirectement, les employeurs publics et privés d’au moins 11 salariés dont l’établissement est situé en région Île-de-France ou dans le périmètre d’une autorité organisatrice de la mobilité (AOM) sont assujettis au paiement d’une taxe appelée « versement destiné aux transports ». Il s’agit d’une contribution permettant de financer les transports collectifs urbains, dont le taux est déterminé par l’AOM dans les conditions fixées par les articles L. 2233-64 et L. 2531-2 du code général des collectivités territoriales.

Aussi l’article 3 de la proposition de loi prévoit que l’employeur ayant mis en place un dispositif de tickets-carburant pour financer la mobilité de ses salariés pourrait déduire des sommes éventuellement dues au titre du versement transport la part contributive versée dans le cadre des tickets-carburant, les salariés concernés ne bénéficiant pas des systèmes de transport financées par le versement transport.

F.   Un dispositif mis en place à titre expérimental pendant deux ans

En application de l’article 5 de la présente proposition de loi, l’instauration du ticket-carburant dans certains territoires présenterait un caractère expérimental, pour une durée de deux années calendaires.

À l’issue de cette période, il appartiendrait au Parlement de procéder à une évaluation, sur la base d’un rapport remis par le Gouvernement, avant de décider l’éventuelle prorogation de ce dispositif, dans des conditions qui pourront prendre en compte les effets réels de cette mesure sur le pouvoir d’achat des salariés et agents publics.

 


—  1  —

   Travaux de la Commission

I.   Discussion générale

Lors de sa deuxième séance du mardi 27 mars 2018, la commission des affaires sociales examine la proposition de loi de loi de M. Guillaume Peltier et plusieurs de ses collègues visant à augmenter le pouvoir d’achat grâce à la création d’un ticket-carburant (n° 706).

M. Guillaume Peltier, rapporteur. Mes chers collègues, je suis particulièrement honoré de vous présenter, au nom du groupe Les Républicains, cette proposition de loi qui vise à la création d’un ticket-carburant.

Avec l’assistance des services de l’Assemblée nationale, que je remercie, nous avons consulté, rencontré et auditionné les partenaires sociaux, les représentants des élus et ceux d’un certain nombre d’associations pour aboutir à un texte que nous estimons juste et équilibré, de nature à répondre à l’attente grandissante d’une grande partie de nos compatriotes, en particulier ceux qui vivent dans les territoires ruraux et périurbains. Actuellement, 51 % des Français vivent dans des communes de moins de 10 000 habitants. Nous avons besoin de la France des métropoles et des agglomérations, mais il s’agit de ne pas négliger cette majorité de Français qui vivent dans ces territoires.

Cette proposition de loi défend des valeurs. La première est le mérite. Nous proposons de récompenser le travail par un gain de pouvoir d’achat, pour que le travail soit mieux rémunéré dans notre pays. La deuxième est le lien indispensable entre les salariés et les chefs d’entreprise, qu’il faut sans cesse renforcer. Enfin, comme je le disais, il s’agit de répondre aux aspirations de nos compatriotes des territoires ruraux et périurbains, de ce qu’on appelle la « France des provinces » ou la « France des territoires ».

Pour élaborer cette proposition de loi que nous soumettons aujourd’hui à vos amendements, à vos critiques et à votre réflexion, nous sommes partis d’un contexte que chacun ici connaît, puisque nous sommes tous députés de la nation : la baisse du pouvoir d’achat, vécue – pas simplement ressentie – par l’ensemble de nos compatriotes. La dernière note de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) nous rappelle qu’en 2018 ce sont 4,5 milliards d’euros de nouveaux impôts et de nouvelles taxes qui pèseront sur les foyers et les ménages français. Pour ceux qui habitent dans les territoires, roulent au diesel, se chauffent au fioul, ont un compte en banque et recourent au courrier postal, tout a augmenté : le prix du timbre, pour une lettre prioritaire, atteindra bientôt un euro, les frais bancaires ont explosé, et je n’entre pas dans les détails de la hausse du diesel et du fioul.

Un deuxième élément est l’inégalité territoriale, entre, d’une part, Paris et les grandes métropoles et, d’autre part, le reste du pays. Si vous habitez Paris ou en métropole, votre employeur peut aujourd’hui prendre en charge jusqu’à 50 % de vos frais de transport, par exemple le coût de la carte Navigo grâce à laquelle vous prenez le métro, le bus ou le tramway. Si vous habitez dans l’un de nos territoires, le mien en Sologne, ou en vallée du Cher, ou en Haute-Loire, aucune entreprise n’offre de facilités très lisibles et très justes. Bien sûr, il est possible d’opter pour le régime des frais réels, mais cela ne concerne que les contribuables imposables à l’impôt sur le revenu. Cette inégalité des territoires se fait de plus en plus sensible pour l’ensemble de nos compatriotes. Troisième élément de contexte, depuis une quinzaine d’années, la part des frais de transport dans le budget des ménages a continûment augmenté. Si vous vous rendez au travail à pied, ce qui est rare, cela vous coûte, en moyenne, selon les études de l’INSEE, 8 centimes d’euro par kilomètre. Si vous utilisez le vélo, cela vous coûte 10 centimes d’euro par kilomètre. Si vous empruntez les transports collectifs, cela vous coûte 12 centimes d’euros par kilomètre. Et si, comme 74 % des Français, vous y allez en voiture, cela vous coûte en moyenne 34 centimes d’euro par kilomètre. Ces écarts de coût sont considérables.

Nous avons voulu aller plus loin en rencontrant un certain nombre d’acteurs socio-économiques, entre autres des responsables des antennes de Pôle emploi. Au niveau national, selon les différentes études tant de l’INSEE que du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC), en 2016 et 2017, 23 % de nos compatriotes disent avoir renoncé à un travail, un emploi ou une formation parce qu’ils ne disposaient pas d’un moyen de locomotion à prix attractif. Cette proportion atteint 62 % chez les jeunes âgés de dix-huit à trente ans.

Compte tenu de ce contexte – baisse du pouvoir d’achat, inégalité territoriale, explosion des coûts de transport, qui représentent en moyenne 5 000 euros par an, c’est-à-dire 17 % en moyenne du budget des ménages, 20 % dans les territoires ruraux – et de ces problèmes de mobilité, de plus en plus un frein à l’emploi, nous avons souhaité vous présenter cette proposition de loi qui vise à instaurer un ticket-carburant sur le modèle du titre‑restaurant, qui s’adresserait à l’ensemble de nos compatriotes qui vivent ou travaillent en dehors des agglomérations de plus de 100 000 habitants. Facultatif, fondé sur la négociation au sein des entreprises, pour ne pas soumettre les entrepreneurs à des contraintes supplémentaires, ce dispositif serait ouvert tout autant à ceux qui utilisent un véhicule individuel à carburant, essence ou diesel, qu’à ceux qui utilisent un véhicule électrique. Il serait d’un montant maximal de 15 euros par jour travaillé, pris en charge jusqu’à 60 % ou 70 % par l’entreprise. Cela représenterait un gain de pouvoir d’achat pouvant atteindre près de 200 euros nets par mois pour les travailleurs du monde rural et des territoires périurbains, totalement exonéré de cotisations pour l’entreprise et d’impôt sur le revenu pour le salarié et le travailleur.

Les articles 4, 5 et 6 introduisent des dispositions complémentaires. Il s’agit notamment d’éviter un possible double remboursement. Si vous avez opté pour le régime des frais réels, vous ne pouvez pas en cumuler l’avantage avec le dispositif que nous instaurons. La possibilité est également introduite, pour toutes les entreprises localisées dans les agglomérations de plus de 10 000 habitants, de déduire du versement transport dû au titre du salarié la part contributive des tickets-carburant remis à ce salarié afin d’éviter de « doublonner » la prise en charge. Enfin, nous proposons de conférer au dispositif un caractère expérimental pour deux ans pour vérifier la validité et l’opportunité de cette proposition, même si je la défends au nom de tous les députés du groupe Les Républicains comme le fruit d’un long travail dans l’ensemble de nos territoires, en lien avec les représentants de l’État, des services sociaux et de Pôle emploi.

Il nous paraît aujourd’hui indispensable, dans le très lourd contexte que je viens de décrire, d’offrir un gain de pouvoir d’achat à toutes celles et ceux qui travaillent ou voudraient travailler. Ce dispositif serait d’ailleurs ouvert tout autant aux fonctionnaires et aux apprentis qu’aux salariés du privé.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Chers collègues, vous avez la parole, à commencer par les représentants des groupes.

M. Belkhir Belhaddad. Rappelons, monsieur le rapporteur, que le gouvernement Villepin avait mis en place un chèque transport. Ce fut un fiasco, et il avait été abandonné.

Vous proposez de le rétablir, mais, contrairement à ce que vous affirmez, monsieur le rapporteur, le gouvernement actuel a pris des mesures en faveur du pouvoir d’achat des salariés. Avec la baisse des cotisations sociales en contrepartie d’une hausse de 1,7 point de la contribution sociale généralisée (CSG), nous avons amélioré le pouvoir d’achat des salariés et de 75 % des indépendants.

Aussi votre proposition de loi appelle-t-elle plusieurs remarques.

Tout d’abord, vous semblez ignorer que des dispositifs existent. Aujourd’hui, un employeur peut prendre en charge tout ou partie des frais de carburant ou d’alimentation de véhicules électriques ou hybrides engagés pour les déplacements entre la résidence habituelle et le lieu de travail. Cette prise en charge est exonérée d’impôt sur le revenu et de toutes cotisations sociales et patronales dans la limite de 200 euros par an et par salarié. Au-delà, l’employeur peut choisir de prendre en charge les frais de transport de ses salariés comme frais professionnels, sur la base d’indemnités kilométriques et selon un barème établi par l’administration fiscale. Ensuite, la large consultation conduite pendant les Assises de la mobilité devrait nourrir la loi d’orientation sur les mobilités qui sera présentée d’ici à la fin de cette année. Elle devrait notamment encourager les mobilités innovantes, comme le covoiturage ou l’autopartage, en accord avec les objectifs de la France en termes de transition énergétique – je ne peux que vous inciter, monsieur le rapporteur, à prendre part au débat, avec des propositions innovantes et efficaces. Enfin, si votre dispositif prévoit que les entreprises pourront déduire leurs contributions de leur versement transport, je suis bien placé, élu local depuis une dizaine d’années, pour vous dire qu’il en résultera un réel manque à gagner pour les collectivités. Pour la métropole de Metz, ce serait un manque à gagner d’environ 11 milliards d’euros par an. C’est un très mauvais signe, pour l’environnement et pour le développement des transports en commun. Vous déshabillez Pierre pour habiller Paul, en prenant sur les versements en faveur des transports en commun pour financer les déplacements individuels.

Pour toutes ces raisons, le groupe La République en Marche votera contre cette proposition de loi.

Mme Isabelle Valentin. Si la prise en charge de 50 % du coût des transports publics est obligatoire pour les entreprises et bénéficie avant tout aux habitants des zones urbaines et périurbaines, les auteurs de cette proposition de loi souhaitent créer un ticket-carburant sur le modèle du ticket-restaurant, en vue de limiter les inégalités territoriales qui résultent du coût des transports et de l’impossibilité d’emprunter les transports en commun pour se rendre au travail. Il s’adresse à tous les salariés disposant d’un contrat de droit privé et aux agents des employeurs du secteur public, dès lors que leur domicile ou leur lieu de travail serait situé hors du périmètre d’une autorité organisatrice de la mobilité (AOM) comprenant une agglomération de plus de 100 000 habitants. Ce titre permettra de prendre en charge une partie des frais de carburant des salariés et des frais de recharge des véhicules électriques. Le nombre de tickets-carburant sera limité au nombre de jours effectivement travaillés mais ce sera un véritable gain de pouvoir d’achat net de cotisations et d’impôts sur le revenu pour le salarié ou l’agent public.

La délivrance de ce ticket-carburant ne sera pas obligatoire pour les entreprises : il sera proposé par accord collectif ou par décision unilatérale de l’employeur. Les entreprises bénéficieront d’une exonération de cotisations de sécurité sociale et de la liberté de fixer le montant du ticket, dans la limite de 15 euros par ticket. L’employeur pourra déduire sa part contributive au ticket-carburant du versement transport.

Le dispositif sera expérimenté pendant deux ans à compter de l’entrée en vigueur du texte, le 1er janvier qui suivra son adoption définitive. Il est susceptible de concerner jusqu’à un Français sur deux et représente un important gain de pouvoir d’achat, à peu près 200 euros nets d’impôt pour le salarié ou l’agent public.

Mme Gisèle Biémouret. Le dispositif que vous proposez, monsieur le rapporteur, a pour but de remédier au problème du coût de la mobilité en zone rurale et périurbaine. Il procède d’une intention louable, que nous pouvons comprendre, mais nous regrettons qu’il ne concerne, en l’état, que les salariés, laissant de côté toutes les victimes de la précarité énergétique liée à la mobilité contrainte – retraités, chômeurs, précaires ou jeunes. Cette focalisation sur la récompense du mérite et la valeur travail est stigmatisante pour les précaires et les chômeurs.

Le groupe Nouvelle Gauche estime que, pour redonner du pouvoir d’achat aux salariés, il serait préférable d’augmenter les salaires plutôt que de créer un complément de rémunération exonéré de cotisations de sécurité sociale. La création d’une nouvelle niche sociale ne va pas dans le sens d’un renforcement du financement de notre système de protection sociale et des droits sociaux qui s’y rattachent. De même, l’octroi par l’employeur de ce type de complément de rémunération risque de freiner par la suite la revalorisation des salaires.

Par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique, nous avions créé le chèque énergie, dispositif d’aide au paiement des dépenses d’énergie
– factures d’électricité ou de gaz, coût de la rénovation énergétique –, visant à répondre à l’augmentation de la précarité énergétique. Dans cet esprit, et pour contrecarrer l’impact de la hausse de la fiscalité écologique pour les plus modestes, le groupe Nouvelle Gauche serait plus favorable au doublement du chèque énergie – nous l’avions déjà proposé dans notre contre-budget cet automne – ou à la mise en place d’une couverture universelle énergie, avec extension du chèque énergie à la mobilité. Cette couverture universelle énergie figure parmi les propositions du rapport d’information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale que notre collègue Delphine Batho a remis en 2016. Elle y propose d’ouvrir la perspective d’une couverture universelle énergie à partir de l’extension du chèque énergie à la mobilité afin que la précarité énergétique liée à la mobilité soit prise en compte. Ce serait là un dispositif plus universel et moins sélectif que le ticket-carburant pour répondre aux problèmes de mobilité.

Mme Nathalie Elimas. Améliorer le pouvoir d’achat des Français est une priorité de cette majorité, qui a d’ores et déjà pris de nombreuses mesures – mon collègue Belhaddad le disait tout à l’heure. Pour un salarié payé 2 500 euros par mois, le gain résultant de la suppression des cotisations salariales sera de 37 euros à partir du mois d’octobre, soit près de 450 euros en année pleine. S’y ajoutera le gain résultant de la suppression de la taxe d’habitation, dont bénéficieront 80 % des foyers. En outre, la prime d’activité sera revalorisée de 20 euros par mois dès le mois d’octobre prochain, et de 80 euros d’ici à 2022. Au total, l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et l’INSEE prévoient une hausse du pouvoir d’achat des ménages de l’ordre de 0,2 % en 2018 et de 1,1 % d’ici à 2022 grâce aux mesures votées dans les textes budgétaires. Nous souhaitons aller plus loin et des mesures supplémentaires seront mises en œuvre tout au long du quinquennat.

Toutefois, la proposition de loi présentée aujourd’hui par nos collègues du groupe Les Républicains ne nous semble pas satisfaisante.

Tout d’abord, alors que notre pays doit respecter ses engagements européens, l’absence d’évaluation financière ne nous permet pas de connaître son impact sur les finances publiques. Ensuite, aucune mesure de financement n’est proposée. En outre, des dispositifs en vigueur permettent déjà à l’employeur de prendre en charge, en vertu d’un accord collectif ou d’une décision unilatérale, tout ou partie des frais de carburant engagés par ses salariés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail. Cette prise en charge peut être décidée lorsqu’ils habitent ou travaillent hors d’un périmètre de transport urbain ou lorsqu’ils travaillent en dehors des horaires de fonctionnement des transports en commun. Dès lors, ce ticket-carburant nous semblerait un dispositif redondant, et la multiplication des dispositifs ne ferait qu’accroître la complexité pour les employeurs comme pour les salariés. Nous pourrions éventuellement réfléchir, après une évaluation du dispositif existant, au renforcement de celui-ci.

En tout état de cause, cette proposition de loi ne nous paraît pas pertinente à l’heure actuelle. C’est pourquoi le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés votera contre.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Notre commission est saisie aujourd’hui d’une proposition de loi déposée par le groupe Les Républicains en vue de sa journée réservée à l’ordre du jour de notre assemblée, qui vise à augmenter le pouvoir d’achat grâce à la création d’un ticket-carburant. Nous ne pouvons, chers collègues du groupe Les Républicains, que saluer votre objectif d’augmentation du pouvoir d’achat. De ce point de vue, le dispositif que vous proposez va dans le bon sens, même si certaines dispositions gagneraient à être précisées.

Cette proposition de loi a vocation à s’appliquer aux salariés et agents publics vivant ou travaillant en dehors des grandes agglomérations urbaines, ou qui sont domiciliés en dehors d’une grande agglomération et qui doivent s’y rendre pour exercer leur travail. Elle a pour finalité, sur le modèle du ticket restaurant, de leur rembourser les frais occasionnés par l’utilisation de leur voiture personnelle pour leurs trajets quotidiens entre domicile et lieu de travail.

Le choix de privilégier la négociation collective ou de permettre la mise en place de cette mesure par décision unilatérale de l’employeur devrait garantir la souplesse nécessaire et constitue une marque de confiance dans la démocratie sociale dans l’entreprise, et nous y souscrivons. Saluons également le caractère expérimental du dispositif, pour une durée de deux ans, l’efficacité de la mesure en tant que source de gains de pouvoir d’achat devant être ensuite évaluée par le Parlement. Nous avons déjà eu l’occasion lors de l’examen de propositions de loi dans le cadre de « niches » parlementaires de regretter l’absence d’étude d’impact ; la solution que vous proposez, monsieur le rapporteur, me semble répondre à cette critique au regard des contraintes de la procédure parlementaire. Sachant que le coût du titre-restaurant est d’environ 1,5 milliard d’euros par an, nous regrettons tout de même l’absence de chiffrage, même si les coûts fiscaux et sociaux du dispositif doivent être envisagés au regard de ses effets économiques et de son impact sur les inégalités entre les grands centres urbains, leur périphérie et les zones rurales.

Le groupe UDI, Agir et Indépendants aborde donc favorablement l’examen de cette proposition de loi. Nous en partageons la philosophie puisqu’elle vise à accroître le pouvoir d’achat.

M. Pierre Dharréville. Je me trouve un peu embarrassé, monsieur le rapporteur, face à cette proposition de loi. S’il s’agit d’augmenter le pouvoir d’achat des salariés ou d’ouvrir un nouveau droit, elle peut résonner de manière favorable à mes oreilles. Elle appelle cependant quelques remarques.

Vous avez évoqué, monsieur le rapporteur, la nécessité de récompenser le mérite, mais, selon nous, il faut commencer par rémunérer le travail. Or la faiblesse des salaires dans notre pays est un véritable problème, auquel il conviendrait de s’attaquer. Le sujet est vaste mais c’est un enjeu majeur pour les salariés de ce pays.

Deuxième remarque, j’ai, pour l’instant, du mal à mesurer quel impact cette mesure pourrait avoir sur le versement transport des entreprises concernées. D’abord, il faudrait discuter du versement transport et peut-être de sa nécessaire extension. Si les habitants des zones rurales ont tant de mal à se déplacer, c’est aussi parce que les transports en commun y sont très peu développés. Je pense notamment aux transports ferroviaires. Il nous faut fournir un effort considérable pour développer ces transports en commun. Cela fait écho à un autre débat d’actualité, mais je crois que nous avons besoin d’un outil public fort et qu’il faut investir dans le développement de transports ferroviaires, notamment dans les zones rurales, où beaucoup de lignes ont été supprimées ou menacent de l’être. Il ne faudrait d’ailleurs pas que l’impact du dispositif sur le versement transport empêche un certain nombre d’investissements nécessaires ou grève un certain nombre de budgets.

On pourrait aussi s’interroger sur l’effet réel de cette mesure, mais en prévoyant qu’elle aurait un caractère expérimental, vous répondez en quelque sorte à cette objection.

Il est en tout cas nécessaire d’agir, et vous soulignez, monsieur le rapporteur, un véritable problème. Je conçois que ce ne soit pas forcément possible dans le périmètre d’une proposition de loi comme celle qui nous est proposée, mais les enjeux sont réels.

M. Gérard Cherpion. Nous pouvons nous réjouir d’une mesure en faveur du pouvoir d’achat des Français. L’une de nos collègues a souligné qu’un certain nombre de mesures en ce sens seraient prises au cours du quinquennat, mais une mesure supplémentaire ne nuit pas, bien au contraire. Deuxième point, lorsque la taxe d’habitation sera effectivement supprimée, il sera plus intéressant d’être en ville, où il n’y a pas de frais de transport. Le risque est donc de voir se dévitaliser nos zones rurales. Quant au coût, je suis un peu surpris, cher collègue Belhaddad, par votre estimation du manque à gagner pour Metz : 11 milliards d’euros, cela me paraît tellement fabuleux !

M. Belkhir Belhaddad. Je voulais dire : 11 millions.

M. Gérard Cherpion. Cela me paraît un peu plus raisonnable, mais ce serait quand même beaucoup. Le bénéfice du dispositif étant plafonné à 200 euros par personne, le nombre de bénéficiaires devrait être considérable pour qu’un tel montant soit atteint. Ce serait d’autant plus surprenant que les habitants de Metz et des environs utilisent déjà des systèmes de transports – tramway, autobus, train…

En revanche, dans nos campagnes, certains rencontrent des difficultés pour aller au travail. Ils n’ont pas d’autres solutions que de prendre leur voiture personnelle. Dans les vallées vosgiennes – j’habite les Vosges –, ce n’est pas possible autrement.

J’approuve donc le dispositif proposé. L’expérimentation permettra d’en vérifier la pertinence. Et si certains dispositifs n’ont jadis pas fonctionné, comme celui instauré par le gouvernement Villepin, il en est précisément qui sont repris par le gouvernement actuel.

Mme Josiane Corneloup. En circonscription, les Français nous disent tous la même chose : « Notre pouvoir d’achat baisse de plus en plus. » Aucune catégorie n’est épargnée, pas même les retraités, frappés de plein fouet par la hausse de la CSG. Avec huit nouveaux impôts et taxes depuis le mois de mai 2017, soit 4,5 milliards d’impôts supplémentaires pour les ménages, les retraités et les familles, les classes moyennes et la France rurale sont lourdement pénalisés. Il est de notre devoir de proposer des alternatives. Cette proposition de loi qui vise à créer un ticket-carburant est une réponse tout à fait pragmatique et particulièrement adaptée, surtout pour les populations rurales qui parcourent de longues distances et voient leur facture de carburant s’alourdir sans cesse.

Articulé autour d’une exonération des cotisations de sécurité sociale pour les entreprises qui décideraient sa mise en œuvre, le dispositif serait « gagnant-gagnant ». L’expérimentation proposée sur deux ans laisse le temps nécessaire à une juste évaluation et à la formation d’un consensus. Envoyons des signes positifs aux Français, qui en manquent certainement en ce moment. En adoptant ce texte, nous leur en enverrons précisément, en même temps que nous accroîtrons leur pouvoir d’achat.

M. Guillaume Peltier, rapporteur. Merci à tous, chers collègues, pour vos interventions, critiques et soutiens appuyés.

J’ai bien entendu, cher collègue Belhaddad, vos arguments. Je ne développerai pas un contre-argumentaire. Vous avez défendu votre majorité et votre gouvernement, mais nous considérons, pour notre part, à l’instar d’une écrasante majorité de nos compatriotes que la question du pouvoir d’achat est centrale. Au-delà de la stricte question de la hausse de la CSG, qui pénalise déjà grandement les retraités, et malgré les différents dispositifs, comme la baisse des cotisations que vous avez très justement soulignée, il s’agit plutôt d’une asphyxie. Il est aujourd’hui rare, en circonscription, que l’un de nos concitoyens nous dise : « C’est extraordinaire, mon pouvoir d’achat s’est amélioré ! »

Vous évoquez des dispositifs concurrents qui permettraient d’éviter, de contourner ou de rejeter notre proposition. Je vous le dis avec beaucoup de sincérité et de force : ils ne présentent pas un intérêt comparable. Effectivement, le gouvernement Villepin avait instauré un dispositif de chèque-transport, mais il était très complexe et plafonné à 100 euros par an, ce qui est très loin des 200 euros par mois que nous proposons. Et s’il existe effectivement des aides dans le cadre des entreprises, par exemple des aides à la mobilité exonérées par les URSSAF, elles sont plafonnées à 200 euros par an. Toutes les aides existantes sont plafonnées à 100 à 200 euros par an. C’est utile, c’est même très utile pour certains, mais, avec 200 euros nets d’impôts par mois dans un contexte difficile, nous proposons une véritable révolution

Nous nous réjouissons bien sûr de la tenue des Assises de la mobilité, nous nous réjouissons de la possibilité de prochains résultats probants. J’espère, par exemple, que votre groupe pourra inviter le Gouvernement à reprendre à son compte la présente proposition de loi pour satisfaire les attentes impatientes de nos compatriotes en matière de mobilité.

Je remercie Gérard Cherpion de vous avoir fait préciser votre estimation du manque à gagner qui résulterait, pour votre agglomération, de la mise en œuvre du dispositif. Je n’en rappelle pas moins l’objectif, très simple, que nous visons : apporter une réponse à cette majorité de Français qui ne vivent pas dans ces grandes agglomérations et qui ne bénéficient pas d’un réseau de transports urbains efficace et pertinent – j’exprime là non une conviction politique mais une réalité. Je le rappelle : aujourd’hui, 74 % des habitants du monde rural, des villes moyennes et des zones périurbaines considèrent ne pas avoir accès à un réseau de transports collectifs, leur permettant d’aller à leur travail. Nous voulons d’abord nous adresser à cette France.

Nous avons voulu ajouter un article pour que les entreprises à la périphérie des villes puissent ne pas payer deux fois lorsque certains de leurs salariés viennent de loin. C’est là un dispositif complémentaire d’assouplissement. Bien entendu, lorsqu’existe un réseau de tramways et de transports collectifs très abouti, les entreprises ne feront pas appel à notre dispositif – je songe notamment, dans ma région, à la métropole orléanaise. En revanche, si un salarié résidant à trente ou quarante kilomètres employé par une entreprise de l’agglomération orléanaise, ne peut s’y rendre qu’en utilisant sa voiture personnelle, l’entreprise pourra déduire son aide du versement transport.

Chère collègue Biémouret, je vous remercie d’avoir salué cette « intention louable » dont procède notre proposition de loi. Vous avez cependant parlé d’une stigmatisation des retraités ou des chômeurs. Notre combat est transversal : nous nous battons pour les retraités, sur la question de la CSG, et nous nous battons, avec toute la représentation nationale, pour réduire le chômage. En l’occurrence, cette proposition de loi vise d’abord à offrir de l’oxygène à ceux qui travaillent. Vous avez raison d’évoquer la nécessité d’augmenter les salaires, mais si un chef d’entreprise décidait d’augmenter de 200 euros nets l’un de ses salariés, cela lui en coûterait aujourd’hui, avec l’ensemble des charges et taxes, 416 euros en tout : 200 euros d’augmentation salariale et 216 euros de charges et taxes supplémentaires. Notre proposition de loi n’a pas pour objet d’augmenter les salaires mais elle permet à ces salariés un gain immédiat de 200 euros, pour un coût considérablement inférieur à 416 euros, puisque ce montant serait totalement exonéré de cotisations et d’impôt sur le revenu pour le salarié. Nous sommes très loin de la stigmatisation, c’est plutôt une proposition de rassemblement et de valorisation du travail !

Mme Elimas a dit que nous étions tous favorables à l’amélioration du pouvoir d’achat. Je suis évidemment d’accord avec cette première partie de son énoncé. Cependant, elle a ajouté que, par conséquent, son groupe était contre la mesure d’augmentation du pouvoir d’achat que nous proposions. C’est un peu étonnant et incohérent. Cette proposition de loi vise à créer un dispositif de revalorisation très claire et très nette du pouvoir d’achat.

Vous vous êtes par ailleurs inquiétée, chère collègue Elimas, du manque d’évaluation financière. Nous n’avons pas toutes les études d’impact pour le moment, nous verrons selon que le texte est adopté ou non, mais nous savons déjà que le ticket-restaurant représente, pour l’État, 1,5 milliard d’euros de manque à gagner et non de coût. Cependant, comme le rappelle l’ensemble des services sollicités, ce sont aussi 164 000 emplois non délocalisables sauvés chaque année et 8 milliards d’euros investis dans les commerces de proximité. Notre proposition ne concernant que la moitié des salariés français, qui habitent dans les territoires ruraux et périurbains, on peut évaluer le manque à gagner à 750 millions d’euros au maximum. Par ailleurs, les transports rapportent chaque année 57 milliards d’euros de recettes fiscales à l’État, entre taxe sur la valeur ajoutée, taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, certificats d’immatriculation, taxe sur les assurances et produit des amendes. Le manque à gagner nous semble dérisoire par rapport au gain pour l’ensemble de nos compatriotes : 750 millions sur 57 milliards d’euros pour augmenter de 200 euros nets le pouvoir d’achat, chaque mois, des travailleurs du monde rural et des territoires périurbains, augmentation du pouvoir d’achat pouvant être réinvestie dans l’économie. Je crois que cela répondra aussi à la question de Mme Firmin Le Bodo sur le chiffrage.

Enfin, Monsieur Dharréville, je partage l’inquiétude que vous avez exprimée au sujet du réseau ferroviaire et de l’avenir de ces « petites lignes du quotidien », ainsi qu’elles sont parfois désignées de manière méprisante par nos élites ; j’attends du Gouvernement une clarification sur ce sujet. Nous les appelons, nous, les grandes lignes des travailleurs car nous sommes chaque jour des millions à utiliser ce réseau ferroviaire, dont nous sommes si fiers. L’État a promis, dans les contrats de plan qu’il a passés avec les régions, d’investir 800 millions d’euros dans leur maintien et dans leur sauvegarde. Je peux seulement souhaiter que cette somme soit rapidement débloquée au profit des collectivités territoriales.

Les dispositions concernant le versement transport ne concernent cependant que le transport urbain, non le transport ferroviaire.

Mesdames Corneloup et Valentin, monsieur Cherpion, je vous remercie de votre esprit de pédagogie et de synthèse, en espérant que vos interventions auront apporté des éclaircissements aux bonnes volontés.

Mme Caroline Fiat. Je vous remercie de m’avoir signalé que notre réunion de commission se prolongeait, madame la présidente, mais permettez-moi de déplorer d’avoir reçu la nouvelle si tard.

Mme la Présidente Brigitte Bourguignon. Je rappelle que ce point figurait dans notre convocation de cet après-midi. Il m’a semblé naturel de vous prévenir de la poursuite de nos travaux d’autant que tous les autres groupes étaient présents.

Mme Caroline Fiat. Monsieur le rapporteur, vous dites vouloir rééquilibrer le pouvoir d’achat des Français durement éprouvés – nous partageons votre constat – par la hausse de la CSG et la hausse de la fiscalité sur le diesel. Mais en l’état actuel, votre proposition de loi est en fait une simple incitation à prendre sa voiture et une nouvelle niche fiscale pour les entreprises.

Nouvelle niche fiscale car, défiscalisés, ces tickets-carburant participent à raboter encore un peu plus les recettes de la sécurité sociale. Pour compenser ces pertes, vous dites vouloir augmenter encore un peu plus les taxes sur le tabac. Or, cette taxe touche le plus durement les ménages les plus pauvres. Il y a quelques incohérences à vouloir faire gagner en pouvoir d’achat les plus modestes en allant chercher dans les poches de certains d’entre eux.

Vous dites vouloir soutenir le pouvoir d’achat des Français, mais vous laissez à l’employeur la libre détermination de la proportion dans laquelle il prendra en charge le financement de ce ticket-carburant. C’est donc à l’humeur du patron que les employés se verront verser, ou non, un petit pécule pour faire le plein.

Si vraiment cette proposition de loi se voulait sociale et redistributive, encore aurait-il fallu que vous fixiez la part qu’il revient à l’employeur de payer.             

Les amendements que nous vous proposerons visent à corriger les nombreux biais de votre proposition. Ils visent notamment à pallier les injustices qui risquent d’en découler. Ils visent enfin à prévenir la hausse de l’utilisation de la voiture qui en résulterait, si elle était adoptée. Car les luttes contre le réchauffement climatique, les pollutions automobiles et les morts prématurés ne sont pas lettre morte pour La France Insoumise.

Soutenir le niveau de vie des Français, qui plus est, se situant dans les territoires les plus enclavés, oui ! Mais votre proposition de loi, sous couvert de répondre à cette préoccupation, est en fait une niche fiscale supplémentaire, qui aurait très bien pu vous être directement dictée par le lobby automobile.

Renforcer le maillage ferroviaire et favoriser l’accès aux trains et aux bus, voilà qui auraient été plus judicieux. À défaut, nous vous proposerons quelques amendements, que j’espère, vous saurez examiner de manière responsable, pour les Français les plus modestes, et pour les générations futures.

 

 


—  1  —

II.   Examen des articles

La commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi.

Article 1er
Mise en place et statut fiscal du ticket-carburant

Le présent article permet la mise en place des tickets-carburant, organise leur émission, précise leurs conditions d’utilisation et prévoit leur exonération de prélèvements fiscaux et sociaux.

Inspiré des dispositions du chapitre II du titre VI du livre II de la troisième partie du code du travail, relatives aux titres-restaurant, le présent article créerait un chapitre nouveau au sein de ce code, comprenant cinq sections et onze articles.

1.   Un dispositif destiné aux salariés et agents publics vivant ou travaillant en dehors des grandes agglomérations urbaines

L’article L. 3264-1 envisagé prévoit que le ticket-carburant pourrait être mis en place au profit des salariés disposant d’un contrat de droit privé mais également aux agents des « employeurs du secteur public » ([16]), dès lors que leur résidence habituelle ou leur lieu de travail serait situé « hors du ressort territorial d’une autorité organisatrice de la mobilité inclus dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants ».

En application de l’article L. 1214-3 du code des transports, « l’établissement d’un plan de déplacements urbains est obligatoire dans les ressorts territoriaux des autorités organisatrices de la mobilité inclus dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants ». Ce critère limite ainsi le dispositif envisagé aux territoires situés en dehors des grandes agglomérations urbaines, dans lesquels il n’existe généralement pas une offre dense en transport collectif.

Les autorités organisatrices de la mobilité

La loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs avait institué trois types d’autorités organisatrices des transports compétentes dans chacun des échelons territoriaux : urbains (pour les communes et les intercommunalités), non urbains (pour les départements) et ferroviaires (pour les régions).

L’ancienne autorité organisatrice de transport urbain, dénommée, depuis l’adoption de la loi n° 2014-58 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) du 27 janvier 2014, autorité organisatrice de la mobilité (AOM), assure l’organisation du réseau de transport urbain sur son territoire.

Son ressort territorial correspond au périmètre de l’autorité – commune ou groupement de communes – qui exerce la compétence mobilité. Certains établissements publics de coopération intercommunale exercent cette compétence de manière obligatoire – métropoles, communautés urbaines et communautés d’agglomération. Les communautés de communes peuvent, selon le souhait de leurs membres, choisir de ne pas se doter de cette compétence ou l’exercer en tout ou partie. Certaines AOM sont mises en place sur le territoire de la commune ou d’un syndicat de communes.

La compétence mobilité exercée par les AOM comprend :

● des missions obligatoires pour toutes les AOM :

– l’organisation des services réguliers de transport public urbain et non urbain de personnes ;

– le développement des modes de déplacement terrestres non motorisés et des usages partagés des véhicules terrestres à moteur ;

– la mise en place d’un service de conseil en mobilité.

● des missions obligatoires pour les AOM de plus de 100 000 habitants :

– l’élaboration d’un plan de déplacements urbains ;

– l’élaboration d’outils d’aide aux décisions publiques et privées ayant un impact sur les pratiques de mobilité ;

– la mise en place d’un compte relatif aux déplacements présentant les différentes pratiques de mobilité dans l’agglomération et dans son aire urbaine, les coûts pour l’usager et la collectivité ;

– la mise en place d’un service d’information aux usagers ;

● des missions facultatives :

– l’organisation de transport à la demande (TAD) ;

– la réduction de la congestion urbaine et de la pollution, par la mise en place d’un service public de marchandises et de logistique urbaine ;

– l’organisation de l’activité d’autopartage ;

– la mise en place d’actions visant à favoriser le covoiturage ;

– l’organisation d’un service public de location de bicyclettes.

Pour financer ses missions, l’AOM peut décider la mise en place et percevoir les recettes du versement transport (VT).

 

La carte suivante illustre les territoires où les salariés et agents publics résidents ou travaillant seraient éligibles au ticket-carburant. Pour en disposer, le travailleur devrait soit résider, soit habiter dans les territoires situés en dehors des périmètres soumis à PDU obligatoire indiqués en rose.

Territoires éligibles à la mise en place du ticket-carburant

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Source : site du centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement cerema.fr

2.   Une facilité pouvant être mise en place par la négociation collective ou par décision unilatérale de l’employeur

Comme c’est le cas pour la prise en charge de certains avantages comparables, tels que la prise en charge des frais de carburant ou des frais de déplacement à vélo (article L. 3261-4 du code du travail), l’article L. 3264-2 prévoit de subordonner la mise en place du ticket-carburant :

– dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives, mentionnées à l’article L. 2242-1, par accord entre l’employeur et les représentants de ces organisations syndicales représentatives ;

– dans les entreprises n’ayant pas de section syndicale, par décision de l’employeur après consultation du comité social et économique ([17]).

Sa mise en place resterait ainsi facultative et pourrait faire partie des sujets de la négociation collective dans l’entreprise.

3.   Un titre de paiement destiné à la prise en charge de carburant automobile ou de frais de recharge électrique de véhicules

Les sections 1 et 2 insérées par le présent article (codifiées aux articles L. 3264-3 à L. 3264-7) organisent les conditions d’émission et d’utilisation du ticket-carburant, dans des conditions similaires à celles des titres-restaurant.

Il constituerait un titre de paiement (article L. 3264-3) ; d’une manière pratique, il pourrait être dématérialisé, comme c’est de plus en plus le cas pour les titres-restaurant et de manière généralisée à partir de 2020.

Il devrait être émis par l’employeur, directement ou par l’intermédiaire du comité social et économique ou d’une entreprise spécialisée (article L. 3264-3).

Il ne pourrait être utilisé dans les stations-service ou stations de recharge (article L. 3264-5) que pour réaliser deux types de paiement (article L. 3264-3) :

– l’achat de carburants automobiles ;

– les frais de recharge des véhicules électriques ou des véhicules hybrides rechargeables.

Il ne serait pas possible de se faire rembourser en espèce la valeur faciale du ticket (article L. 3264-5).

L’employeur pourrait remettre chaque mois au salarié un nombre de tickets limité au nombre de jours effectivement travaillés.

Les fonds correspondants à ces tickets-carburant devraient être déposés sur des comptes bancaires dédiés afin de garantir le paiement des sommes correspondantes (article L. 3264-5).

Les tickets non utilisés et encore valables pourraient être remboursés par utilisation des fonds déposés sur ces comptes. Cela serait également le cas lorsque l’émetteur se retrouverait sous le coup d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire (article L. 3264-6).

À l’issue de leur durée de validité, les tickets seraient définitivement périmés et les sommes correspondantes pourraient être versées au bénéfice des activités sociales et culturelles de l’entreprise (article L. 3264-7).

4.   Une exonération fiscale et sociale de l’avantage constitué par la part contributive de l’employeur

D’un point de vue pratique, la valeur faciale de chaque ticket-carburant comprendrait une part payée par le salarié, et une part contributive payée par l’employeur.

La section 3 envisagée prévoit d’exonérer de prélèvements fiscaux et sociaux cette part contributive de l’employeur, lorsqu’elle respecte certaines limites :

– l’avantage en nature, sous forme de complément de rémunération, que constitue pour le salarié cette part contributive de l’employeur serait exonéré d’impôt sur le revenu, dans les conditions fixées par le code général des impôts, tel que modifié par l’article 4 de la présente proposition de loi (article L. 3264-8) ;

– cette part contributive serait également exonérée de prélèvements sociaux, dans la limite de 15 euros – ce plafond étant relevé annuellement dans les mêmes proportions que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu – dès lors que cette part serait comprise dans une fourchette de taux déterminé par arrêté du ministre chargé de l’économie et des finances (article L. 3264-9).

Pour mémoire, le titre-restaurant bénéficie actuellement du même statut fiscal et social, dès lors que la part contributive de l’employeur est comprise entre 50 % et 60 % de la valeur du titre et est inférieure à 5,43 euros (depuis le 1er janvier 2018, en application de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018) ([18]).

À l’occasion de l’examen de la proposition de loi, la commission des Affaires sociales a adopté deux amendements présentés respectivement par Mme Caroline Fiat et M. Adrien Quatennens, déterminant que la part contributive de l’employeur devrait être comprise entre 50 et 80 % de la valeur du ticket-carburant et que de manière dérogatoire, elle serait fixée à 80 % lorsque le salarié pratique le covoiturage.

5.   Un cumul avec les autres modes de prise en charge des frais de transport des salariés à aménager par décret

Issu de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009, le chapitre Ier du titre VI du livre II de la troisième partie du code du travail prévoit d’ores et déjà différents modes de prise en charge de certains frais de déplacements des salariés :

– l’article L. 3261-2 du code du travail rend obligatoire une participation de l’employeur (fixée à 50 % par l’article R. 3261-1) aux frais d’abonnement à des transports en commun souscrits par ses salariés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail accomplis au moyen de transports publics de personnes ou aux frais de services publics de location de vélos ;

– l’article L. 3261-3-1 ouvre la faculté à l’employeur d’octroyer, par accord collectif ou décision unilatérale, une « indemnité kilométrique vélo » à ses salariés utilisant ce mode de transport pour venir travailler ;

– l’article L. 3261-3 permet à l’employeur de prendre en charge, dans les mêmes conditions, « tout ou partie des frais de carburant engagés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail » dès lors que les salariés concernés :

○ soit habitent ou travaillent hors d’un périmètre de transports urbains (devenu, depuis l’adoption de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles du 27 janvier 2014, « périmètre de l’autorité organisatrice de la mobilité »),

○ soit travaillent en dehors des horaires de fonctionnement des transports en commun.

Cette prise en charge de frais est exonérée d’impôt sur le revenu et exclue de l’assiette des cotisations et contributions sociales dans la limite de 200 euros par an.

L’article L. 3264-10 envisagé par la présente proposition de loi confierait au pouvoir réglementaire le soin de définir les conditions dans lesquelles un même salarié pourrait ou non bénéficier de ces différents modes de prise en charge de ses frais de transport, soit qu’il les emprunte de manière concurrente, soit qu’il les combine afin notamment de se rendre en véhicule à la gare la plus proche ([19]).

Enfin l’article L. 3264-11 prévoit que les autres modalités d’application nécessaires à la mise en place du ticket-carburant, à la gestion et au contrôle des échanges monétaires liés à ces titres de paiement seraient fixées par décret.

*

La commission examine l’amendement AS2 de Mme Caroline Fiat. 

Mme Caroline Fiat. Depuis les ordonnances, bien mal nommées, pour le renforcement du dialogue social, les relations entre employeurs et employés en entreprise se trouvent encore plus déséquilibrées qu’elles ne l’étaient. Or, dans le cadre de votre proposition, la part du ticket-carburant que l’employeur devrait financer serait fixée par décision unilatérale de l’employeur ou par accord d’entreprise.

En clair, c’est l’employeur qui déciderait de la hauteur de la part à laquelle il contribue. Pour les tickets-restaurant, le législateur avait lui-même fixé le taux, en le portant à une fourchette oscillant entre 50 % et 60 % de sa valeur. Nous proposons de reprendre ce dispositif. Pour que le ticket-carburant puisse éventuellement être bénéfique, il convient d’en faire un dispositif social et de redistribution, non une simple niche fiscale.

M. Guillaume Peltier, rapporteur. Si nous avons entendu un seul lobby, c’est celui des Français modestes qui, dans les territoires éloignés des grandes agglomérations, doivent user de leur voiture individuelle, faute d’investissement à leur profit dans les infrastructures de transport.

Cette proposition est une proposition de justice sociale. Deux de vos quatre amendements me paraissent aller dans le bon sens de ce point de vue. Mais, quoique je comprenne toute la philosophie liée à la promotion de l’environnement, il me semble inopportun de dire à ceux qui, pendant dix à quinze ans, ont été incités à acheter des véhicules diesel, qu’ils devraient désormais passer du jour au lendemain à la voiture électrique.

Notre proposition de loi vise non seulement à étendre le dispositif aux véhicules essence et diesel, mais aussi à la recharge des véhicules électriques, en lesquels nous croyons. Mais, comme élus de territoires ruraux et périurbains, nous vivons tous la même expérience : la plupart des communes de ma circonscription sont déjà équipées de bornes de recharge ; le problème est celui du faible nombre des voitures électriques, car il y a des mentalités à changer, mais une expérience accumulée de politiques publiques très différentes en un temps assez ramassé.

Quant à chiffrer de manière exacte la part contributive de l’employeur, cela me semble inutile et asphyxiant pour la négociation dans l’entreprise. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable à cet amendement. Mais je serai ouvert à celui par lequel vous proposez de l’enfermer dans une fourchette.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS3 de M. Jean-Hugues Ratenon.

Mme Caroline Fiat. En l’état actuel, votre proposition de loi propose un complément de salaire aux employés versé sous la forme de tickets-carburant. Si le montant de ces tickets est supérieur à ce qui est nécessaire pour le trajet domicile-travail du salarié, le salarié aura alors tout intérêt à utiliser sa voiture en dehors de ses heures de travail, de même que certains utilisateurs de tickets-restaurant, pour éviter de perdre leur ticket, achètent plus qu’ils n’ont besoin, ou vont davantage au restaurant pour les liquider.

Or la voiture génère de la pollution, des pathologies et des accidents. Selon une récente étude de Santé publique France, la pollution tue prématurément 48 000 personnes par an. Le dérèglement climatique, dont les émissions de gaz à effet de serre sont responsables, engendre, vous le savez, la montée des océans, des migrations forcées, un déclin de la biodiversité et bien d’autres conséquences encore.

J’en viens à un point sur lequel nous ne sommes pas d’accord. Les moteurs à explosion n’ont rien à envier aux voitures hybrides et électriques, puisque les batteries de ces dernières nécessitent des métaux rares que l’on extrait notamment du continent africain et qui font l’objet d’une convoitise internationale génératrice de guerre.

À ce jour, aucune voiture n’est propre et il convient, pour l’intérêt général, de se tourner vers d’autres types de transport. Par cet amendement, nous proposons que le ticket-carburant ne soit versé qu’à proportion de ce que coûtent les trajets domicile-travail des salariés.

M. Guillaume Peltier, rapporteur. Même si l’intention de votre amendement est louable, plafonner le montant des tickets-carburant au coût effectif des trajets entre le domicile et le travail est inopérant, puisqu’il n’a jamais été possible de définir, même à travers la question des frais réels, le coût de ce trajet à l’euro près. J’ajoute que rien n’empêche un salarié de faire un détour pour éviter un embouteillage ou pour aller chercher un enfant en sortant du travail. Faut-il prévoir ces cas ? Aussi fixer un plafond à l’euro près compliquerait le dispositif.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle étudie l’amendement AS4 de Mme Caroline Fiat.

Mme Caroline Fiat. Défendu.

M. Guillaume Peltier, rapporteur. Autant nous sommes opposés à l’idée de fixer un taux définitif qui interdirait une forme de négociation au sein des entreprises, autant il est possible de s’inspirer de la réussite du titre-restaurant qui prévoit une fourchette de taux modulable. Je vous propose cependant d’ouvrir l’écart que vous proposez et de remplacer « 60 % » par « 80 % », notamment afin d’offrir une bonification intelligente aux salariés qui pratiqueraient le covoiturage. La part contributive de l’employeur représenterait ainsi entre 50 % et 80 % de la valeur du ticket-carburant.

Mme Caroline Fiat. J’accepte cette rectification.

La commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

Elle étudie enfin l’amendement AS1 de M. Adrien Quatennens.

Mme Caroline Fiat. En l’état actuel, votre proposition de loi est une incitation à prendre sa voiture car seuls les salariés l’utilisant bénéficient de l’avantage qu’elle crée. À ce jour, comme je l’ai déjà dit, aucune voiture n’est propre. Toutefois, le covoiturage demeure une solution avantageuse pour l’intérêt général. Dès lors, nous vous proposons un amendement qui l’encourage et le récompense en portant à 80 % la part contributive de l’employeur quand le salarié pratique le covoiturage.

À l’heure où les réfugiés climatiques sont en augmentation croissante et où la biodiversité est mise à mal, à l’heure où les cancers se multiplient du fait de la pollution automobile, nous ne pouvons nous permettre d’encourager des modes de transport polluants et nous devons favoriser en priorité les plus écologiques et les plus sobres. Tel est le sens de cet amendement.

M. Guillaume Peltier, rapporteur. Je me réjouis que l’amendement précédent ait été adopté. Celui-ci est dans le même esprit. Aussi, j’y suis favorable.

La proposition de loi vise à apporter un soutien significatif en termes de pouvoir d’achat à l’ensemble des salariés du privé et du public et notamment aux apprentis. Tout ce qui permettra d’inciter progressivement nos concitoyens, à travers le véhicule électrique ou mieux encore le covoiturage, doit être privilégié. Un taux de contribution de 80 % en faveur de ceux qui pratiquent le covoiturage me semble donc aller dans la bonne direction.

La commission adopte l’amendement.


 

Puis elle rejette l’article 1er modifié.

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Article 2
Cumul du ticket-carburant
avec la prise en charge des frais de transports personnels par l’employeur

Le présent article modifierait le régime existant de prise en charge des frais de carburant du salarié par l’employeur prévu par l’article L. 3261-3 du code du travail, afin d’éviter un double remboursement des mêmes frais.

L’article L. 3261-3 permet à l’employeur de prendre en charge, dans les mêmes conditions, « tout ou partie des frais de carburant engagés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail » dès lors que les salariés concernés :

– soit habitent ou travaillent hors du périmètre d’une autorité organisatrice de la mobilité,

– soit travaillent en dehors des horaires de fonctionnement des transports en commun.

Ce régime, restrictif, serait englobé dans le dispositif envisagé, bien plus large, permettant de prendre en charge tous les frais de carburant.

Aussi le présent article organiserait à cette fin le cumul des deux régimes. Le salarié ne pourrait ainsi continuer à faire prendre en charge directement par son employeur ses frais de carburant, que dès lors qu’ils n’auraient pas déjà été payés par les tickets-carburant remis par l’employeur.

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La commission rejette l’article 2.

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Article 3
Déductibilité de la part contributive des tickets-carburant
du versement transport dû par l’employeur

Le présent article prévoit que l’employeur redevable du versement transport qui déciderait de mettre en place un dispositif de tickets-carburant pourrait déduire du versement précité dû au titre d’un salarié la part contributive des tickets-carburant remis à ce salarié.

 

Le versement transport

En application des articles L. 2233-64 et L. 2531-2 du code général des collectivités territoriales, les employeurs publics et privés, (à l’exception des fondations et associations reconnues d’utilité publique à but non lucratif dont l’activité est de caractère social), employant au moins 11 salariés (9 salariés jusqu’au 31 décembre 2015) dont l’établissement est situé en région Île-de-France ou dans le périmètre d’une autorité organisatrice de la mobilité (AOM) ayant institué le versement transport, sont assujettis au paiement d’une taxe appelée « versement destiné aux transports ».

Il s’agit d’une contribution permettant de financer les transports en commun. Elle est recouvrée par l’URSSAF au titre des cotisations sociales, pour être reversée aux autorités organisatrices de transports.

Sont pris en compte tous les salariés titulaires d’un contrat de travail le dernier jour de chaque mois, y compris les salariés absents. En revanche, ne sont pas pris en compte les apprentis, les stagiaires, les salariés itinérants, les titulaires d’un contrat initiative-emploi, les titulaires d’un contrat de professionnalisation et les titulaires d’un contrat d’accompagnement dans l’emploi.

Quand une entreprise a plusieurs établissements implantés dans différentes zones de transport, elle doit acquitter le versement dans chacune des zones où elle emploie plus de 11 salariés.

La contribution est calculée sur la base des rémunérations des salariés, dont l’activité, occasionnelle ou non, a lieu à l’intérieur du périmètre concerné. Certaines rémunérations ne font pas partie de la base de calcul, notamment la garantie de ressources versée aux travailleurs handicapés, les rémunérations attribuées aux itinérants, aux apprentis.

Le taux de la contribution est fixé par la commune ou le groupement de communes, dans des limites déterminées par les articles L. 2333-67 et L. 2531-4 du code général des collectivités territoriales :

– 0,55 % des salaires pour les AOM dont la population est comprise entre 10 000 et 100 000 habitants ;

– 0,85 % des salaires pour les AOM dont la population est comprise entre 50 000 et 100 000 habitants et ayant décidé de réaliser une infrastructure de transport collectif en site propre ;

– 1 % des salaires pour les AOM dont la population est supérieure à 100 000 habitants ;

– 1,75 % des salaires pour les AOM dont la population est supérieure à 100 000 habitants et ayant décidé de réaliser une infrastructure de transport collectif en mode routier ou guidé.

Dans certaines conditions, ces taux peuvent être relevés de 0,05 % dans le périmètre des établissements publics de coopération intercommunale et de 0,2 % lorsque les périmètres comprennent des communes classées communes touristiques au sens de l’article L. 133-11 du code du tourisme.

Un versement transport additionnel (VTA) peut être institué par certains syndicats mixtes de transport. Ces syndicats associent plusieurs autorités organisatrices de la mobilité (AOM) en vue de coordonner leurs réseaux.

À titre d’exemple, le tableau suivant recense les modifications de taux intervenues au 1er janvier 2018, selon la lettre circulaire de l’URSSAF n° 2017- 000052 :

 

AOT concernée

Ancien taux VT

Nouveaux taux VT

Ville de Granville

0,10 %

0,12 %

Communauté d’agglomération Grand Montauban

0,60 %

0,80 %

Communauté d’agglomération Chartres Métropole

1,45 %

1,55 %

Communauté Urbaine d’Arras

0,90 %

0,95 %

Communauté d’agglomération de Bastia

0,85 %

1,10 %

Communauté d’agglomération Haguenau

0,55 %

0,50 %

Communauté d’agglomération de Vesoul

0,55 %

0,60 %

Communauté de Communes Lamballe Terre et Mer

0,30 %

0,42 %

Communauté d’agglomération Le Grand Périgueux

1,00 %

1,10 %

Communauté d’agglomération Grand Verdun

0,60 %

0,80 %

Communauté d’agglomération du Grand Angoulême

1,80 %

1,70 %

Communauté Urbaine Perpignan Méditerranée Métropole

1,65 %

1,70 %

Communauté de Communes du Pays du Grésivaudan

0,80 %

1,00 %

Communauté d’agglomération Privas Centre Ardèche

0,60 %

Communauté d’agglomération Espace Communautaire

0,35 %

Communauté d’agglomération Sud Sainte Baume

0,55 %

Martinique Transport

2,00 %

Ville de Mayenne

0,10 %

Communauté de Communes de Meurthe Mortagne Moselle

0,60 %

Par ailleurs, les taux décidés par Île-de-France Mobilités (nouveau nom du STIF) applicables en île-de-France au 1er janvier 2018 sont les suivants :

 

Départements

Taux VT

Paris et Hauts-de-Seine

2,95 %

Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne

2,12 %

Yvelines, Essonne, Seine-et-Marne et Val-d’Oise

1,60 % ou 2,01 % selon les communes

Au total les sommes ainsi collectées représentent 7,5 milliards d’euros (prévision 2017 selon l’annexe « Évaluation des recettes fiscales » du projet de loi de finances pour 2017), 3,75 milliards d’euros collectées au profit d’Île-de-France Mobilités et 3,75 millards au profit des AOM de province.

Si l’établissement de l’employeur est situé dans le périmètre d’une autorité organisatrice de transport (AOT) ayant institué le versement transport et qu’il est éligible à la mise en place d’un dispositif de tickets-carburants, l’employeur pourrait ainsi être amené à financer deux formes de mobilité au titre du même salarié.

Dans ce cadre, le présent article prévoit que l’employeur qui financerait le transport d’un salarié par ticket-carburant pourrait déduire les sommes ainsi versées – c’est-à-dire sa part contributive – du versement transport dû au titre du même salarié.

Il existe d’ores et déjà des dispositifs d’exonération du versement transport au profit des employeurs assurant par eux-mêmes le transport de leurs salariés : ainsi l’article L. 2333-70 du code général des collectivités territoriales prévoit que l’AOM rembourse le versement transport « aux employeurs qui justifient avoir assuré le logement permanent sur les lieux de travail ou effectué intégralement et à titre gratuit le transport collectif de tous leurs salariés, ou de certains d’entre eux au prorata des effectifs transportés ou logés par rapport à l’effectif total ».

Le présent article prévoit cette déductibilité à la fois pour les salariés et agents travaillant dans le périmètre d’une AOM (article L. 2333-64 du code général des collectivités territoriales) ou en Île-de-France (article L. 2351-2), car il est possible de prévoir l’institution de tickets-carburant pour des salariés et agents domiciliés en dehors de l’Île-de-France ou d’une AOM de plus de 100 000 habitants mais se rendant dans ces zones pour exercer leur travail.

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La commission rejette l’article 3.

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Article 4
Exonération de l’impôt sur le revenu
de la part contributive des tickets-carburant

Le présent article insère au sein du code général des impôts les conditions dans lesquelles l’avantage en nature que constitue la part contributive du ticket-carburant réglée par l’employeur est affranchi de l’impôt sur le revenu.

De manière similaire au titre-restaurant ([20]), il prévoit que cet avantage n’est pas imposable au titre au titre de l’impôt sur le revenu dans les conditions suivantes :

– le montant du ticket-restaurant devrait être inférieur ou égal à 15 euros ([21]), seuil relevé chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche de l’impôt sur le revenu ;

– la part contributive prise en charge par l’employeur devrait être comprise entre un minimum et un maximum fixés  par arrêté du ministre du budget.

Cette disposition permettra ainsi à ce que l’avantage proposé par l’employeur pour prendre en charge des frais de carburant soit sans coût fiscal pour le salarié ou l’agent qui en bénéficierait.

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La commission rejette l’article 4.

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Article 5
Entrée en vigueur et abrogation au bout de deux ans
des dispositions résultant de la présente proposition de loi

Le présent article organise le régime d’entrée en vigueur et d’abrogation de la présente proposition de loi.

Les dispositions de la présente proposition de loi entreraient en vigueur le 1er janvier suivant son adoption définitive.

Elles seraient abrogées au bout de deux années calendaires, si aucune disposition législative ne vient avant cette date les proroger.

L’instauration du ticket-carburant dans certains territoires aurait donc un caractère expérimental, pour une durée égale à deux ans. À l’issue de cette période, il appartiendrait au Parlement de procéder à une évaluation, sur la base d’un rapport remis par le Gouvernement, avant de décider l’éventuelle prorogation de ce dispositif, dans des conditions qui pourraient prendre en compte les effets réels de cette mesure sur le pouvoir d’achat des salariés et agents publics.

Cette catégorie de disposition législative à durée déterminée est appelée « clause d’extinction » par la Commission générale de terminologie et de néologie, dans son avis publié au Journal officiel du 3 avril 2011, et « sunset clause » dans les systèmes de droit anglo-américain. Le recours à ces dispositifs, permettant au législateur de ne pas multiplier les dispositifs sans en évaluer l’impact, a été recommandé par de récents rapports relatifs à la qualité normative, tel que le rapport sur la simplification des normes applicables aux collectivités territoriales remis au Président de la République en juin 2011 par M. Eric Doligé et le rapport de la mission de lutte contre l’inflation normative rendu au Premier ministre en mars 2013 par MM. Alain Lambert et Jean-Claude Boulard.

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La commission rejette l’article 5.

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Article 6
Gage de recevabilité

Le présent article prévoit de gager les éventuelles pertes de recettes fiscales et sociales liées à la mise en place du ticket-carburant par une majoration des droits perçus sur les produits du tabac.

Les dispositions des articles 1er et 4 prévoient que le ticket-carburant serait exonéré à la fois de l’impôt sur le revenu et de cotisations sociales.

Ainsi l’avantage que représente la part contributive de l’employeur serait à la fois net de cotisations pour le salarié et l’employeur et net d’imposition fiscale pour le salarié.

Aussi afin de garantir la recevabilité financière de la présente proposition de loi, le présent article prévoit d’en gager la perte de recettes sociales et fiscales par la création d’une taxe additionnelle et la majoration des droits perçus sur les produits du tabac, en application des articles 575 et 575 A du code général des impôts.

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La commission rejette l’article 6.

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*     *

 

L’ensemble des articles de la proposition de loi ayant été rejetés, le texte est considéré comme rejeté par la Commission.

En conséquence, aux termes de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de cette proposition de loi.

 


—  1  —

   Annexes

annexe n° 1 :

Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

            Confédération française de l'encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC) – Mme Raphaëlle Bertholon, déléguée nationale à l’économie, et M. Renan Francastel, chargé d’études économie et fiscalité

 


 

Annexe n° 2 :

liste des contributions écrites reçues par le rapporteur

            Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME)

            Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)

            Association « 40 millions d'automobilistes »

 


 

Annexe n° 3 :

liste des textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés
à l’occasion de l’examen de la proposition de loi

 

Proposition de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d'article

1

Code du travail

Chapitre IV du titre VI du livre II [nouveau]

2

Code du travail

L. 3261-3

3

Code général des collectivités territoriales

L. 2333-64

3

Code général des collectivités territoriales

L. 2531-2

4

Code général des impôts

81

 


([1])  Commissariat général à l’égalité des territoires, Emploi et territoires, Rapport de lObservatoire des territoires 2016, novembre 2016.

([2])  Dares Analyses n° 2015-081, Les temps de déplacement entre domicile et travail. Des disparités selon lorganisation des horaires de travail, novembre 2015.

([3])  DGCCRF Eco n° 14, Évolution du budget automobile des ménages français depuis 1990, avril 2013.

([4])  https://www.automobile-club.org/actualites/la-vie-de-l-aca/budget-aca-de-l-automobiliste-mars-2017

([5])  http://www.mediatransports.com/lunivers-mediatransports/l-evolution-des-transports/

([6])  La fabrique écologique, Les territoires ruraux et périurbains, terres dinnovation pour la mobilité durable - Un enjeu majeur, des initiatives indispensables, octobre 2016.

([7])  Notamment Gobillon L., Selod H. et Zenou Y. (2007), « The mechanisms of spatial mismatch », Urban Studies, 44 (12), 2007.

([8])  https://elabe.fr/etude-mobilite-emploi-4emes-rencontres-de-mobilite-inclusive/

([9])   http://www.injep.fr/sites/default/files/documents/ias6_difficultes-transport.pdf

([10])  Depuis le 1er janvier 2018, en application de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

([11])  On rappellera que l’article 19 de l’ordonnance n° 67-830 du 27 septembre 1967 relative à l’aménagement des conditions du travail en ce qui concerne le régime des conventions collectives, le travail des jeunes et les titres-restaurant autorise les personnes publiques à mettre en place un régime de titres-restaurant dès lors que leurs agents n’ont pas accès à un dispositif propre de restauration collective.

([12])  L’article L. 6222-23 du code du travail prévoit que « L'apprenti bénéficie des dispositions applicables à l'ensemble des salariés dans la mesure où elles ne sont pas contraires à celles qui sont liées à sa situation de jeune travailleur en formation ».

([13])  Insee Première n° 1648, « Une photographie du marché du travail en 2016 », mai 2017.

([14])  En application de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales, le comité social et économique est appelé à remplacer au plus tard le 1er janvier 2020 l’ensemble des instances représentatives du personnel (IRP) – délégués du personnel (DP), comité d’entreprise (CE) et comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) – dans toutes les entreprises d’au moins 11 salariés.

([15])  Rémi Barroux, « Conçu il y a un an, le chèque-transport n'est utilisé nulle part », Le Monde, 24 octobre 2007.

(*)

Source :

([16])  On rappellera que l’article 19 de l’ordonnance n° 67-830 du 27 septembre 1967 relative à l'aménagement des conditions du travail en ce qui concerne le régime des conventions collectives, le travail des jeunes et les titres-restaurant autorise les personnes publiques à mettre en place un régime de titres-restaurant dès lors que leurs agents n’ont pas accès à un dispositif propre de restauration collective.

([17])  En application de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales, le comité social et économique est appelé à remplacer au plus tard le 1er janvier 2020 l'ensemble des instances représentatives du personnel (IRP) – délégués du personnel (DP), comité d'entreprise (CE) et comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) – dans toutes les entreprises d'au moins 11 salariés.

([18])  Le coût fiscal de l’« exonération de la participation des employeurs au financement des titres-restaurant » est évalué à 380 millions d’euros en 2018 (selon l’annexe « Évaluation des voies et moyens » du projet de loi de finances pour 2018). L’annexe 5 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2018 évalue à 1,15 milliard d’euros le coût en termes d’exonérations de recettes sociales. Au total, le régime fiscal et social représenterait de l’ordre de 1,53 milliard d’euros par an de manque à gagner pour les finances publiques.

Selon le site de la commission nationale des titres-restaurant, 773,09 millions de titres ont été émis en 2015 pour une valeur de 5,95 milliards d'euros. L’impact économique du dispositif de titre-restaurant serait le suivant :

« Son existence soutient 164 000 emplois non délocalisables et ce dispositif vertueux rapporte plus de 870 millions d’euros par an à l’État.

« Pour 1 euro de participation employeur, ce sont en réalité 2,55 euros qui sont directement injectés au bénéfice de l’économie locale.

« Tous les ans, plus de 8 milliards d’euros sont dépensés par les salariés chez les restaurateurs et autres commerçants de proximité. Cela représente 15% du chiffre d’affaire du secteur de la restauration du secteur de la restauration commerciale. »

« Le titre-restaurant réduit les inégalités entre les grandes et les petites entreprises : véritable cantine des TPE/PME, 8 entreprises utilisatrices sur 10 comptent moins de 25 salariés.  Il protège avant tout les salariés modestes, puisqu’il permet de diviser par 2 la part du salaire consacrée au repas du midi pour un salarié au SMIC. »

([19]) L’article 2 de la présente proposition de loi organise le cumul entre ticket-carburant et prise en charge des frais de carburant, afin d’éviter que l’employeur prenne en charge deux fois les mêmes frais.

([20]) Pour mémoire, le titre-restaurant est exonéré de l’impôt sur le revenu dès lors que la part contributive de l’employeur est comprise entre 50 % et 60 % de la valeur du titre et inférieure à 5,43 euros (depuis le 1er janvier 2018, en application de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018).

([21]) En application de l’article L. 3264-4, introduit par l’article 1er de la présente proposition de loi, le nombre de tickets-carburant ne pourrait être supérieur au nombre de jours travaillés dans le mois.