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N° 989

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 mai 2018.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LA PROPOSITION de loi relative à l’encadrement de l’utilisation du téléphone portable dans les écoles et les collèges,

 

 

 

Par Mme Cathy RACON-BOUZON,

 

 

Députée.

 

——

 

 

 

 

Voir le numéro :

Assemblée nationale :  941.

 

 


 


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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

I. Les enjeux de l’utilisation du tÉlÉphone portable à l’École

A. La gÉnÉralisation de l’usage du tÉlÉphone portable chez les enfants et adolescents

B. Les questions soulevÉes par cette évolution

1. Des enjeux pédagogiques, disciplinaires et de climat scolaire

2. La protection de la santé des élèves

II. Vers un usage encadrÉ du tÉlÉphone portable à l’École, essentiellement réservé à des activitÉs pÉdagogiques

A. le renforcement de l’encadrement de l’usage des tÉlÉphones portables

B. … indissociable de l’éducation des élèves à un usage responsable du numérique

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. Discussion générale

II. Examen des articles

Article unique Interdiction de l’utilisation du téléphone portable dans les écoles et les collèges

Article 2 (nouveau) Introduction d’une dimension numérique dans la définition de l’éducation à la responsabilité civique

Article 3 (nouveau) Renforcement de la formation à l’utilisation des outils et ressources numériques

Titre de la proposition de loi

Annexe  1 : Liste des auditions conduites par lA rapporteurE

Annexe n° 2 : Liste des textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen de la proposition de loi


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   Introduction

La Commission des Affaires culturelles et de l’Éducation est aujourd’hui saisie de la proposition de loi relative à l’interdiction de l’usage du téléphone portable dans les écoles et les collèges, déposée le 14 mai 2018 et inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale le 7 juin prochain.

Venant mettre en œuvre un engagement pris par le Président de la République lors de sa campagne, la présente proposition de loi pose le principe de l’interdiction du téléphone dans les écoles et collèges, tout en permettant des exceptions, notamment à des fins pédagogiques, expressément définies par le règlement intérieur de l’établissement.

 


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I.   Les enjeux de l’utilisation du tÉlÉphone portable à l’École

A.   La gÉnÉralisation de l’usage du tÉlÉphone portable chez les enfants et adolescents

● En 2017, la part des jeunes de 12 à 17 ans équipés d’un smartphone s’est établie à 86 %, après avoir quadruplé en six ans, selon les données figurant dans le Baromètre du numérique de 2017 ([1]). Au total, 92 % de cette classe d’âge détient un téléphone mobile. Cette percée du smartphone parmi les jeunes s’avère fulgurante, et plus rapide encore que celle constatée dans l’ensemble de la population. Parallèlement, la part des jeunes de 12 à 17 ans disposant d’une tablette a également fortement augmenté au cours des dernières années, pour atteindre désormais 48 %.

 

ÉVOLUTION DU TAUX D’ÉQUIPEMENT DES JEUNES DE 12 À 17 ANS
EN TÉLÉPHONES ET TABLETTES TACTILES

Source : commission des Affaires culturelles et de l’Éducation, sur la base des chiffres figurant dans le Baromètre du numérique de 2017

Si l’on ne dispose pas de statistiques précises auprès des jeunes de moins de douze ans, l’on peut indiquer que, selon une étude publiée par Bouygues Telecom et le CSA en février 2018, l’âge moyen d’obtention du premier smartphone est de 11 ans et demi, ce qui correspond peu ou prou à l’âge de l’entrée au collège.

● Au risque d’énoncer une évidence, il faut rappeler que désormais, le téléphone mobile, et plus particulièrement le smartphone, ne sert plus simplement à téléphoner, mais qu’il a une multitude d’usages, qu’il s’agisse de naviguer sur internet, de prendre des photos ou de faire des films, de visionner des vidéos, de télécharger des applications, ou encore d’échanger des messages écrits, par le biais de messages SMS ou de messageries instantanées (WhatsApp, Snapchat, Messenger…).

Le smartphone est devenu l’instrument privilégié de connexion à internet pour les jeunes : 76 % des jeunes de 12 à 17 ans se connectent plutôt à internet avec leur smartphone, contre 15 % avec un ordinateur. Ces taux sont portés à respectivement 81 % et 17 % pour les 18-24 ans. La répartition entre ces modes de connexion s’inverse au-delà de 40 ans, alors que 37 % des 40‑59 ans se connecte le plus souvent avec un smartphone, contre 52 % avec l’ordinateur, et que ces taux sont de respectivement 19 % et 68 % pour les 60‑69 ans.

83 % des 12-17 ans utilisent un téléphone mobile pour télécharger des applications, 86 % pour naviguer sur internet et 85 % pour regarder des vidéos. 66 % des 12-17 ans échangent des messages via des messageries instantanées de type Whatsapp (dont 57 % tous les jours).

Enfin, 91 % des 12-17 ans ont utilisé un téléphone mobile ou un smartphone tous les jours au cours des six derniers mois, contre 79 % dans la population totale.

Parallèlement, les jeunes sont de plus en plus présents sur les réseaux sociaux et s’inscrivent de plus en plus tôt : selon une étude réalisée auprès de jeunes âgés de 11 à 18 ans en juin 2017 ([2]) , près de 64 % des 11-14 ans étaient inscrits sur un ou plusieurs réseaux sociaux (tels que Snapchat, Instagram ou Facebook) et plus de 4 jeunes sur 10 mentaient sur leur âge pour le faire – sachant qu’en principe, l’inscription sur les réseaux sociaux est interdite aux moins de 13 ans ([3]).

B.   Les questions soulevÉes par cette évolution

1.   Des enjeux pédagogiques, disciplinaires et de climat scolaire

● Le large développement de l’usage des téléphones portables concerne surtout les collégiens, mais n’épargne pas les élèves d’école primaire, même si l’on ne dispose pas de données chiffrées précises. Or, l’usage des portables dans l’enceinte des établissements scolaires peut soulever de réelles difficultés dans les domaines pédagogiques et disciplinaires, et plus largement s’agissant du climat scolaire.

En premier lieu, l’utilisation du téléphone portable par les élèves pendant les cours, avec par exemple l’échange incessant de messages, porte atteinte à leurs capacités d’attention et de concentration. Elle conduit à ce qu’ils se dispersent entre différentes activités, ce qui n’est guère propice à la réflexion, ni à la compréhension et à la mémorisation des enseignements. Le cours dispensé par l’enseignant risque d’être concurrencé en permanence par d’autres sources d’information et de stimulation. Cela peut même poser des questions de sécurité pour les travaux réalisés en laboratoire ou dans des ateliers, pour lesquels le défaut d’attention des élèves peut susciter des incidents.

Bien évidemment, ces difficultés se posent essentiellement pendant les heures d’enseignement, mais l’usage du téléphone portable pendant les pauses nuit également à la disponibilité d’esprit des élèves lorsqu’ils reviennent en cours.

La possession de smartphones expose les élèves à la tentation d’aller chercher les réponses sur internet pour faire leurs exercices ou répondre aux enseignants pendant les cours, au lieu de faire appel à leurs connaissances ; ces appareils peuvent être utilisés pour tricher lors des contrôles et des évaluations.

Une étude de 2015 publiée par la London School of Economics and Political Science ([4]), réalisée sur la base de données recueillies dans 91 établissements de quatre villes anglaises (Birmingham, Leicester, Londres et Manchester), tend à illustrer les effets négatifs de l’usage du téléphone portable dans le cadre des enseignements scolaires : cette étude montre que les résultats académiques des élèves augmentent après l’instauration de l’interdiction de l’usage du téléphone mobile et que l’amélioration des résultats est nettement plus marquée parmi les élèves qui se trouvent le plus en difficulté. Les auteurs de cette étude en concluent que la limitation de l’usage du téléphone portable à l’école peut constituer un moyen de réduire les inégalités dans l’éducation.

● Par ailleurs, la présence et l’usage de ces objets coûteux dans les établissements scolaires – la dépense moyenne pour l’achat d’un smartphone est de l’ordre de 326 euros ([5])  – risquent d’attiser les convoitises entre élèves et de favoriser les querelles, les rackets et les vols.

Les smartphones, par leurs fonctions d’appareil photo et vidéo et leur connexion à internet, peuvent également être utilisés dans le cadre de pratiques malveillantes des jeunes entre eux, ainsi que des élèves à l’encontre des enseignants ou des personnels éducatifs, relevant du cyberharcèlement. Les jeunes – de même que les enseignants – peuvent être filmés ou photographiés à leur insu, et la diffusion des images ou vidéos sur les réseaux sociaux peut leur nuire et les affecter fortement.

● Plus largement, l’utilisation des téléphones portables en dehors des cours pèse sur le climat scolaire, les élèves risquant de s’enfermer dans leur « bulle » pendant les récréations ou les pauses méridiennes, en pianotant sur leur portable au lieu d’échanger avec leurs camarades : les interactions entre enfants se réduisent, de même que leur activité physique. Nombre d’interlocuteurs auditionnés ont relevé que les ballons et les jeux étaient revenus dans les cours des établissements qui avaient décidé d’interdire l’usage des téléphones pendant les récréations, et que le climat scolaire s’était amélioré.

Enfin, l’usage du téléphone portable à l’école peut induire des inégalités entre les élèves, entre ceux qui en sont équipés et ceux qui ne le sont pas, ces derniers pouvant être mis à l’écart et ostracisés, ou du moins coupés de leurs camarades.

2.   La protection de la santé des élèves

Au-delà de ces enjeux scolaires, l’utilisation des téléphones portables par les élèves soulève des questions de santé publique : les effets des radiofréquences sur la santé des enfants restent mal connus, tandis que différentes études s’alarment de l’impact d’une forte exposition aux téléphones portables, et plus largement aux écrans, sur le bien-être et la santé mentale des enfants et adolescents.

Saisie par les pouvoirs publics en 2011, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a publié en juillet 2016 un avis sur l’exposition des enfants aux radiofréquences. Dans son rapport, l’Anses souligne que les enfants peuvent être plus exposés à ces radiofréquences que les adultes en raison de leurs spécificités morphologiques et anatomiques, notamment leur petite taille, ainsi que des caractéristiques de certains de leurs tissus. Toutefois, elle indique que ses travaux ne permettent pas de conclure à l’existence ou à l’absence d’effets des radiofréquences chez l’enfant sur le comportement, les fonctions auditives, le développement, le système reproducteur, ou encore d’effets cancérogènes ou tératogènes.

L’Anses conclut en revanche à un effet possible de l’exposition aux radiofréquences sur le bien-être des enfants et sur leurs fonctions cognitives (mémoire, fonctions exécutives, attention). Ces effets pourraient toutefois davantage être liés à l’usage des téléphones mobiles plutôt qu’aux radiofréquences qu’ils émettent.

Plusieurs études mettent en effet en évidence une association entre un usage intensif et inadéquat du téléphone mobile et des problèmes relationnels et émotionnels, des comportements à risque, des états dépressifs… – même si ces études ne permettent pas d’explorer les causes des associations observées. Comme le relève une publication de l’American Academy of Pediatrics d’octobre 2016, les enfants qui ont un usage intensif des écrans risquent davantage d’avoir des troubles du sommeil : l’exposition à la lumière des écrans, notamment la lumière bleue, et l’activité sur des écrans avant le coucher peuvent retarder l’endormissement et affecter la qualité du sommeil, en modifiant les niveaux de mélatonine des enfants. L’étude relève également que les enfants ayant une utilisation excessive des réseaux sociaux peuvent présenter des symptômes d’intérêt décroissant pour les relations dans la vie réelle ou des difficultés à réduire leur usage, soit une forme d’addiction. Un terme a d’ailleurs été forgé pour définir la peur d’être séparé de son téléphone mobile, à savoir la nomophobie (no mobile phone phobia).

Outre ce risque de dépendance aux écrans, sont également évoqués des troubles de l’attention et de la concentration, ainsi qu’une agitation plus grande des enfants, le portable constituant une source de stress résultant de la sollicitation permanente des notifications. Ces problématiques n’épargnent les jeunes enfants, y compris les moins de trois ans. Les professionnels de la petite enfance tirent la sonnette d’alarme, en soulignant que la surexposition des tout-petits aux écrans constitue un enjeu majeur de santé publique, en ce qu’elle provoque chez eux des troubles de l’attention et du langage, et parfois de graves retards de développement. L’on peut rappeler à cet égard la recommandation formulée dès 2008 par le psychiatre M. Serge Tisseron, dite règle « 3-6-9-12 », relayée à partir de 2011 par l’Association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA), pour limiter les risques associés à l’usage des écrans chez les enfants : pas d’écrans avant 3 ans, ou du moins les éviter le plus possible ; pas de console de jeu portable avant 6 ans ; pas d’internet avant 9 ans et internet accompagné jusqu’à l’entrée au collège ; internet seul à partir de 12 ans, avec prudence et avec l’encadrement des parents. Selon les informations recueillies par la Rapporteure, la direction générale de la santé élabore actuellement une saisine du Haut conseil de la santé publique portant sur la question des incidences, sur la santé des enfants, de l’exposition aux écrans.

Éléments recueillis à l’occasion d’une consultation citoyenne réalisée à Marseille sur l’interdiction du téléphone portable à l’école

Sont notamment intervenus lors de cette consultation Mme Sophie Rigal-Goulard, auteure du livre « Dix jours sans écrans », et le professeur David Da Fonseca, chef du service psychiatrie infanto-juvénile à l’hôpital Salvator à Marseille.

Mme Sophie Rigal-Goulard a relevé que si l’interrogation autour de la surexposition de nos enfants aux écrans prenait aujourd’hui une résonance très importante, elle était latente dans notre société depuis de nombreuses années : le Québec a été en 2003 le berceau de l’expérience de 10 jours sans télévision, et ce même défi a été lancé à des enfants alsaciens en 2008. C’est cette expérience qui est à l’origine de l’ouvrage « Dix jours sans écrans », qui relate l’histoire d’une maîtresse de CM2 qui propose à ses élèves de relever le défi de rester dix jours sans écrans. La majorité des enfants accepte de le relever et le reste des indécis finit par être convaincu par l’expérience. Celle-ci implique de trouver des occupations pour pallier le manque et de faire participer les parents à cette « démarche de déconnexion ».

La première réaction des enfants est le plus souvent que « sans portable, c’est impossible » ; le défi est à leurs yeux inutile, voire insurmontable, mais leur regard change au cours de l’expérience. Ils réapprennent à s’occuper différemment et à communiquer avec leurs parents et leurs camarades. Au terme de l’expérience, les parents et les professeurs font part de leurs observations : les enfants dorment mieux, se concentrent plus facilement et interagissent davantage. Les enfants sont fiers d’avoir participé à cette expérience, qui est le déclencheur d’une prise de conscience des bienfaits de la déconnexion.

Le professeur David Da Fonseca a indiqué que toutes les consultations qu’il conduit aujourd’hui avec des enfants et adolescents l’amènent à parler de l’utilisation du smartphone : il demande systématiquement à ses patients combien de temps ils passent devant un écran, et la moyenne est généralement de 10 heures par jour.

Ce spécialiste a observé au cours de ses nombreuses années passées auprès des jeunes les effets néfastes de la surexposition aux écrans, tels que des troubles du sommeil, des problèmes relationnels, des retards dans le langage, des difficultés de concentration, voire même des répercussions sur la santé mentale des enfants. Il n’est pas rare que des jeunes soient traités pour des dépendances comportementales liées à une utilisation excessive du téléphone portable. Ces patients utilisent leur smartphone afin de calmer leur angoisse ; l’effet est bien entendu inverse, il augmente l’anxiété.

Il souligne cependant que chaque patient réagit différemment à l’exposition aux écrans et à une utilisation excessive du smartphone. Certains enfants sont particulièrement réceptifs et d’autres moins, ce qui est en partie lié à leur état émotionnel. Le cerveau humain étant mature à l’âge de 25 ans, les enfants ne possèdent pas les outils nécessaires pour se protéger des effets néfastes d’une surexposition aux écrans. Il appartient aux parents de trouver un juste milieu entre l’interdiction et la surutilisation, et d’instaurer des moments et des lieux « sans écrans », comme le temps des repas par exemple.

II.   Vers un usage encadrÉ du tÉlÉphone portable à l’École, essentiellement réservé à des activitÉs pÉdagogiques

A.   le renforcement de l’encadrement de l’usage des tÉlÉphones portables

● Une première mesure visant à limiter l’utilisation du téléphone portable à l’école a été adoptée en 2010, dans le cadre de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement ([6]), dite aussi loi « Grenelle II ». Cette disposition s’inscrivait alors dans une démarche de protection de la santé publique, afin de réduire l’exposition des enfants aux ondes électromagnétiques émises par les appareils radioélectriques. L’article L. 511-5 du code de l’éducation dispose ainsi que l’utilisation du téléphone portable par un élève est interdite « durant toute activité d’enseignement et dans les lieux prévus par le règlement intérieur », dans les établissements du premier degré et dans les collèges.

La mise en œuvre de cette disposition par les établissements scolaires n’a pas donné lieu à un bilan exhaustif, s’agissant des lieux où s’applique généralement l’interdiction, notamment. Toutefois, le dispositif actuel présente une faille importante : il exclut l’usage du téléphone mobile pendant les activités d’enseignement, alors même que cette utilisation peut être pertinente lorsqu’elle est encadrée par l’enseignant et qu’elle intervient à des fins pédagogiques – que ce soit dans le cadre de l’éducation au numérique ou pour certains apprentissages. Plusieurs interlocuteurs de la Rapporteure ont ainsi souligné que des professeurs recourent au téléphone portable dans les enseignements qu’ils dispensent mais qu’ils se trouvent en quelque sorte « hors la loi », ce qui n’apparaît pas satisfaisant.

● La présente proposition de loi vise à encadrer davantage l’usage du téléphone portable à l’école, en renversant la logique qui prévaut dans le droit existant : au principe d’autorisation, assorti d’exceptions, se substitue un principe d’interdiction, également accompagné d’exceptions. Cette disposition permet de donner une assise juridique plus forte à l’interdiction de l’usage du portable, en posant son principe dans la loi, tout en laissant aux établissements une certaine autonomie pour sa mise en œuvre : c’est au règlement intérieur qu’il revient de définir de façon expresse les lieux où l’usage du portable serait autorisé, dans les conditions qu’il précise.

La rédaction proposée permet également à mettre fin à l’interdiction de l’usage du téléphone portable à des fins pédagogiques pendant les activités d’enseignement.

● L’entrée en vigueur de cette mesure doit donner lieu à des échanges au sein de l’ensemble de la communauté éducative, notamment à l’occasion de la révision des règlements intérieurs des établissements qu’elle nécessite. Il est essentiel d’assurer l’appropriation de la réforme par les personnels de l’éducation nationale (enseignants, personnels de direction, assistants d’éducation…), mais aussi par les élèves et leurs familles, afin qu’elle soit bien comprise et qu’elle suscite l’adhésion. Il ressort ainsi de plusieurs des auditions de la Rapporteure que ce sont parfois les parents qui sont les plus attachés à ce que leurs enfants puissent utiliser un mobile à l’école, afin d’être en mesure de les joindre à tout moment. C’est la raison pour laquelle le ministère de l’éducation prépare un vade-mecum sur la réforme proposée, pour expliquer ses enjeux, sa portée et son intérêt pour les élèves, et pour accompagner sa mise en œuvre.

La présente réforme constitue aussi l’occasion d’aborder la question de l’exposition des jeunes aux écrans et la forme de dépendance, voire d’addiction, qu’elle peut susciter. Si ce sujet concerne l’école, au regard de son impact sur les apprentissages par les élèves et sur le climat scolaire, il interroge au premier chef les parents, qui sont en règle générale ceux qui dotent leurs enfants d’un téléphone. Or en la matière, l’on observe une sorte d’inversion des rôles sur ce sujet, alors que les enfants ont souvent une meilleure maîtrise technique de ces équipements que leurs parents et que ces derniers n’ont pas nécessairement connaissance des informations et fonctionnalités auxquelles leurs enfants ont accès sur leur téléphone. La mesure proposée par le présent texte, à la mise en œuvre de laquelle les parents d’élèves seront associés lors de la révision du règlement, offre l’opportunité pour débattre de ce sujet au sein des familles.

Plus largement, une prise de conscience globale de notre société sur les dangers du numérique semble indispensable : elle implique de s’interroger sur le rôle que peuvent jouer les opérateurs de télécommunications et les constructeurs de smartphones, tablettes et autres objets connectés, ainsi que sur leur responsabilité, en tant que source d’informations pour les parents et les enfants.

B.   … indissociable de l’éducation des élèves à un usage responsable du numérique

L’objectif de la présente mesure n’est pas de couper l’école du monde réel, d’en faire une forteresse isolée et de la rendre imperméable aux évolutions de notre société. Elle vise davantage à instaurer une forme de « droit à la déconnexion » des enfants pendant le temps scolaire – pour leur permettre de se concentrer sur les enseignements qui leur sont dispensés, mais aussi de favoriser les interactions sociales avec leurs camarades –, tout en s’inscrivant dans une approche d’éducation aux enjeux du numérique.

La mise en œuvre de la proposition de loi a vocation à être accompagnée par un renforcement de l’éducation des enfants à un usage responsable du numérique, notamment dans le cadre de l’éducation aux médias et à l’information (EMI) introduite dans le socle commun de connaissances, de compétences et de culture par la loi du 8 juillet 2013 de refondation de l’école de la République ([7]) .

Ces enseignements doivent permettre aux enfants d’avoir une utilisation éclairée d’internet et des réseaux sociaux, en étant alertés des risques qui y sont associés (diffusion des données et des images personnelles, cyberharcèlement…). Cela implique de donner aux enfants les clefs de compréhension de leur environnement numérique, en leur exposant par exemple le mode de fonctionnement des algorithmes de recherche et de classification des contenus. L’école, lieu d’émancipation des enfants, a vocation à donner aux élèves les outils nécessaires pour lutter contre toutes les formes d’aliénation, et un usage non maîtrisé d’internet et des réseaux sociaux peut constituer  une forme d’aliénation pour les jeunes.

Il s’agit également d’apprendre aux élèves à utiliser internet et les réseaux sociaux de façon responsable, dans un triple rôle de lecteur, de producteur et de diffuseur de contenus. Cet enseignement s’inscrit dans le nécessaire apprentissage du respect d’autrui, défini par le ministre de l’éducation nationale comme l’un des savoirs fondamentaux devant être acquis à l’école, aux côtés des autres savoirs que sont la lecture, l’écriture et le calcul.

Il est indispensable que l’éducation des élèves à l’usage du numérique soit renforcée et développée dans les établissements scolaires, en étant prise en charge de façon interdisciplinaire et transversale, par les enseignants mais aussi par les autres personnels éducatifs. Le comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC) de chaque établissement a vocation à jouer un rôle actif en la matière, afin de favoriser le développement d’une cybercitoyenneté chez les jeunes. Une réflexion sur la définition d’un parcours d’éducation à la citoyenneté numérique pourrait être utilement engagée, sur le modèle du parcours d’éducation artistique et culturelle de l’élève rendu obligatoire par la loi précitée de refondation de l’école de la République de 2013.

Plus largement, la diffusion des usages du numérique dans l'enseignement constitue un levier de modernisation et d'innovation pédagogique de notre système scolaire ; les établissements se sont engagés dans cette voie selon des modalités variables, liées pour partie aux investissements réalisés par les collectivités locales (acquisition de tableaux numériques et de tablettes, mise en place d’espaces numériques de travail – ENT–, expérimentation de la dématérialisation des manuels…). La présente proposition de loi ne doit nullement s’analyser comme un coup d’arrêt porté à cette évolution de fond ; au contraire, permettre l’usage pédagogique des téléphones portables lors des activités d’enseignement favorise la mise en œuvre de projets dits BYOD (Bring your own device) ou AVEC (apportez votre équipement personnel de communication), c’est-à-dire l’usage, dans le cadre scolaire, d’un équipement numérique personnel. À cet égard, développer et proposer aux élèves des apprentissages utilisant le smartphone permet de transformer ces appareils, objets d’opposition et de transgression pour les enfants, en matériel scolaire.

 

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission des Affaires culturelles et de l’Éducation examine, sur le rapport de Mme Cathy Racon-Bouzon, la proposition de loi de M. Richard Ferrand relative à l’interdiction de l’usage du téléphone portable dans les écoles et les collèges (n° 941) lors de sa séance du mardi 29 mai 2018.

I.   Discussion générale

M. le président Bruno Studer. Mes chers collègues, nous sommes saisis cet après‑midi de la proposition de loi de M. Richard Ferrand relative à l’interdiction de l’usage du téléphone portable dans les écoles et les collèges (n° 941).

Pour rapporter sur ce texte, nous avons désigné, le 16 mai dernier, notre collègue Cathy Racon-Bouzon ; la proposition de loi sera débattue en séance jeudi 7 juin à neuf heures trente.

L’interdiction du téléphone portable à l’école et au collège figurait dans le programme du Président de la République et le ministre de l’éducation nationale avait confirmé, depuis déjà plusieurs mois, son intention de faire le nécessaire pour tenir cet engagement dès la rentrée 2018. C’est ce dernier objectif qui explique les délais ramassés dans lesquels nous devons travailler, et je remercie la rapporteure d’avoir néanmoins approfondi le sujet par de nombreuses auditions.

Le texte dont nous sommes saisis comporte un seul article, visant à répondre à un objectif précis, mais je sais, madame la rapporteure, que vous souhaitez intégrer cette mesure dans la démarche plus globale de l’éducation aux médias et au numérique, sur laquelle notre commission travaille depuis déjà plusieurs mois. C’est une préoccupation que je défendrai également demain, dans le cadre de l’examen de la proposition de la loi relative à la lutte contre les fausses informations.

Mme Cathy Racon-Bouzon, rapporteure. Monsieur le président, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une proposition de loi déposée le 14 mai dernier relative à l’interdiction du téléphone portable dans les écoles et les collèges ; elle est inscrite à l’ordre du jour de notre assemblée le jeudi 7 juin prochain.

Comme vous le savez, cette proposition de loi vient mettre en œuvre un engagement pris par le Président de la République lors de sa campagne ; l’objectif est que cette réforme s’applique à partir de la rentrée scolaire de 2018-2019, sous réserve bien évidemment du déroulement de nos débats à l’Assemblée, puis au Sénat.

Cette mesure s’inscrit dans une perspective plus large : si l’objectif est bien d’interdire l’utilisation du téléphone portable à l’école et aux collèges, à l’exception, pour l’essentiel, de ses usages pédagogiques, elle est indissociable d’un renforcement de l’éducation des enfants et des adolescents au numérique, et notamment à un usage responsable et éclairé d’internet et des réseaux sociaux. Tel est d’ailleurs l’objet d’amendements déposés sur le présent texte, qui visent à compléter ce principe d’interdiction du portable par un volet éducatif. Je souhaite préciser qu’il ne s’agit que d’une première étape, qui a vocation à être suivie d’une autre, afin de renforcer l’éducation au numérique : cette réflexion aura d’ailleurs vocation à tirer les enseignements des travaux de la mission d’information sur l’école dans la société du numérique, actuellement conduite par notre président, M. Bruno Studer.

L’usage du téléphone portable s’est aujourd’hui généralisé parmi les jeunes : en 2017, 86 % des 12-17 ans étaient équipés d’un smartphone – cette proportion a été multipliée par quatre en six ans –, et au total, 92 % de cette classe d’âge détiennent un téléphone mobile. Près de la moitié des 12-17 ans possède une tablette tactile.

Or, comme nous le constatons quotidiennement, les smartphones sont devenus des appareils multi-usages, dont la fonction de téléphone est devenue quasi accessoire ; ils servent à naviguer sur le net, à prendre des photos et des vidéos, à en visionner, à envoyer des messages écrits via des messageries instantanées et à télécharger des applications.

L’usage des mobiles dans les établissements scolaires, avec toutes ces fonctionnalités, est loin d’être neutre, tout d’abord d’un point de vue pédagogique : l’utilisation des téléphones en classe porte atteinte aux capacités d’attention, de concentration et de réflexion des élèves. Les cours dispensés par les enseignants se trouvent en permanence concurrencés par d’autres sources d’information et de stimulation, et les élèves peuvent se disperser. De plus, la possession de smartphones les expose à une tentation accrue de tricher lors des contrôles et des évaluations.

Ensuite, d’un point de vue disciplinaire, la présence et l’usage de ces objets coûteux risquent d’attiser les convoitises et de favoriser les querelles, les rackets et les vols. Leurs fonctions de photo et de vidéo peuvent être utilisées par les élèves dans le cadre de pratiques malveillantes entre eux ou à l’encontre des professeurs, et favoriser le cyberharcèlement.

Plus largement, l’usage des téléphones à l’école, en dehors des cours, pèse sur le climat scolaire : les élèves s’enferment dans leur « bulle » pendant les récréations ou entre midi et deux ; les interactions entre élèves se réduisent, de même que leur activité physique. Plusieurs des personnes que nous avons auditionnées ont souligné que les ballons et les jeux étaient revenus dans la cour des établissements qui avaient interdit l’usage du portable pendant les récréations, et que le climat scolaire s’était considérablement amélioré.

Au-delà de ces enjeux, l’usage des téléphones portables par les enfants soulève également des questions de santé publique : certes, les effets – non plus que l’absence d’effets – de l’exposition aux radiofréquences sur la santé des enfants ne sont pas prouvés scientifiquement aujourd’hui. Pour autant, plusieurs études ont mis en évidence des liens entre un usage intensif par les jeunes des téléphones portables, et plus largement des écrans, avec des problèmes relationnels et émotionnels, des troubles du sommeil et de l’attention, des phénomènes de dépendance et d’addiction. Un terme, la « nomophobie », a d’ailleurs été créé pour désigner la peur excessive d’être séparé de son téléphone portable… Si ces risques n’épargnent pas les adultes, loin s’en faut, les enfants, du fait de leur moindre maturité, y sont particulièrement vulnérables.

Dans ce contexte, la présente proposition de loi vise à interdire l’usage des téléphones portables à l’école et dans les collèges, sauf exceptions définies dans le règlement intérieur de l’établissement.

D’ores et déjà, la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, dite « loi Grenelle 2 », a introduit dans le code de l’éducation l’article L. 511-5, qui prévoit que, dans les écoles du premier degré et les collèges, l’usage du téléphone portable est interdit pendant les activités d’enseignement et dans les lieux prévus par le règlement intérieur. Cette disposition s’inscrivait alors dans un objectif de protection de la santé des enfants à l’égard des radiofréquences.

Aujourd’hui, le principe est donc l’autorisation de l’usage du portable à l’école, assorti d’exceptions, notamment en classe.

La présente proposition de loi inverse cette logique, en prévoyant que le principe est l’interdiction de l’utilisation du portable, tout en l’accompagnant d’exceptions définies par le règlement intérieur. Elle permet de renforcer l’assise juridique de l’interdiction, tout en laissant une certaine autonomie aux établissements, puisque leur règlement intérieur peut définir des lieux où le téléphone peut être utilisé et dans quelles conditions – notamment à des fins pédagogiques.

La rédaction proposée permet par ailleurs de remédier à une faille du texte actuel, à savoir l’interdiction de l’utilisation du téléphone portable pendant les activités d’enseignement – alors que cet usage peut être très pertinent lorsqu’il est encadré par l’enseignant et qu’il intervient à des fins pédagogiques.

Il me semble d’ailleurs utile de modifier le texte de l’article unique pour préciser dans la loi que l’interdiction ne s’applique pas lorsque le téléphone est utilisé à des fins pédagogiques – sachant qu’en application de la rédaction actuelle de la proposition de loi, c’est au règlement intérieur qu’il reviendrait de l’indiquer. Par ailleurs, le texte proposé ne vise que les téléphones portables, mais il serait opportun d’étendre l’interdiction à d’autres équipements, tels que les tablettes ou les montres connectées, pour éviter tout effet de substitution entre les équipements que les élèves apportent à l’école. Je vous proposerai une évolution sur ces points dans le cadre d’un amendement.

Comme dans le droit actuel, les dispositions de l’article L. 511-5 ne s’appliquent ni aux lycées ni aux établissements d’enseignement privés – au titre de leur autonomie d’organisation. Au total, ce sont environ 5,9 millions d’élèves en primaire et 2,6 millions de collégiens qui sont concernés.

En tout état de cause, il ne s’agit pas de prohiber la possession d’un portable dans un établissement scolaire – ce qui poserait d’ailleurs des difficultés pratiques pour les élèves, par exemple ceux qui vont à l’école en transports en commun et peuvent avoir besoin d’un téléphone pour prévenir leurs parents d’un changement d’horaires.

La mise en œuvre concrète de la mesure est renvoyée aux établissements scolaires, comme c’est d’ores et déjà le cas pour les dispositions actuelles de l’article L. 511-5. La solution la plus simple est sans doute de demander aux élèves de conserver leur portable éteint au fond de leur cartable pendant la journée. Des casiers pourraient aussi être utilisés, mais il ne semble pas pertinent de l’imposer comme une solution unique pour tous les établissements, ne serait-ce qu’au regard de son coût et du possible manque d’espace – d’autant que cette option pourrait conduire à des risques accrus de vols, puisque tous les appareils seraient concentrés dans un même lieu.

Comme c’est le cas aujourd’hui, c’est aux enseignants et aux personnels éducatifs qu’il reviendra d’appliquer la sanction en cas de manquement de l’élève, selon les circonstances et le caractère répété ou non de ce manquement, dans le cadre des punitions scolaires et des sanctions disciplinaires. Il apparaît en tout cas souhaitable de clarifier le régime juridique actuel de la confiscation, pour lever les incertitudes qui l’entourent : j’ai entendu lors des auditions des interprétations différentes sur le sujet, ce qui peut conduire les enseignants ou les personnels de surveillance à renoncer à confisquer un portable, de peur d’avoir à faire face à des contestations de la part des élèves ou des parents. Or la confiscation du portable, par exemple jusqu’à la fin de la journée, constitue à mon sens une sanction adaptée, d’autant qu’elle permet, le cas échéant, d’impliquer les parents dans le cadre de la restitution.

Le renvoi au règlement intérieur pour définir les lieux où, par exception, l’usage du portable est autorisé, doit permettre aussi d’impliquer toute la communauté éducative lors de la révision du règlement. Il est indispensable d’assurer l’appropriation de la réforme par les personnels de l’éducation nationale, mais aussi par les élèves et leurs parents ; c’est une condition de sa réussite. À titre d’anecdote, on m’a rapporté lors d’auditions que c’était parfois les parents qui étaient le plus attachés à ce que leur enfant puisse utiliser un portable à l’école, afin de pouvoir le joindre à tout moment… Pour ma part, je considère qu’il est essentiel que l’école reste un îlot protégé, réservé aux apprentissages et à la socialisation des enfants.

En tout état de cause, et je souhaite insister sur ce point, cette mesure ne doit pas être considérée de façon isolée : elle doit être accompagnée par un renforcement de l’éducation des enfants à un usage responsable du numérique.

L’objectif n’est pas de couper l’école du monde réel et de la rendre imperméable aux évolutions de notre société. La présente proposition de loi vise à instaurer une forme de « droit à la déconnexion » des enfants pendant le temps scolaire, pour leur permettre de se concentrer sur leurs cours et de favoriser les interactions avec leurs camarades – mais elle doit être complétée par une démarche éducative. Cela suppose de donner aux élèves des clefs de compréhension de leur environnement numérique et de leur apprendre à utiliser internet et les réseaux sociaux de façon responsable, dans les différents rôles de lecteur, de producteur et de diffuseur de contenus. J’observe d’ailleurs que la possibilité d’utiliser le téléphone portable pendant les activités d’enseignement, ouverte par le présent texte, favorise la mise en œuvre de projets dits BYOD
– acronyme de l’anglais bring your own device : en français, « apportez votre équipement personnel de communication (AVEC) ».

Cette éducation au numérique doit être prise en charge de façon interdisciplinaire et transversale par les enseignants, mais aussi par les autres personnels éducatifs, avec l’appui du comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC). Il me semblerait d’ailleurs utile qu’une réflexion soit engagée sur la définition d’un parcours d’éducation à la citoyenneté numérique, sur le modèle du parcours d’éducation artistique et culturelle de l’élève, de la maternelle à l’enseignement supérieur.

Enfin, cette mesure constitue l’occasion d’aborder la question de l’exposition des jeunes aux écrans, et de la forme de dépendance, voire d’addiction, qu’elle peut susciter. Ce sujet concerne au premier chef les parents, qui sont généralement ceux qui dotent leurs enfants d’un smartphone, mais qui n’ont pas forcément connaissance de toutes les informations et fonctionnalités auxquelles leurs enfants ont accès via ces appareils. Cette réforme menée à l’école suscitera, je l’espère, une prise de conscience de la société sur les opportunités et les dangers du numérique, et pourrait offrir une sorte de porte d’entrée pour débattre de ce sujet au sein des familles.

M. Cédric Roussel. Monsieur le président, Madame la rapporteure, mes chers collègues, cette proposition de loi déposée par notre groupe, La République en Marche, vise à interdire l’usage du téléphone portable par les élèves dans les écoles maternelles, élémentaires et les collèges. Avant toute chose, je tiens à saluer le travail effectué au cours des auditions menées conjointement avec Mme la rapporteure, qui nous a permis d’interroger une quinzaine d’acteurs en une semaine – un véritable marathon qui s’est terminé hier soir. En plus de consulter la direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO), les associations de parents d’élèves et les syndicats d’enseignants et de chefs d’établissement, nous avons aussi auditionné l’Association des maires de France (AMF), l’Association des départements de France (ADF), ainsi que les constructeurs et les opérateurs de télécom. Au cours de ces auditions, de nombreux enseignants se sont alarmés du fléau et de la guerre sans fin que représentent les portables à l’école, dont l’usage se développe de façon très importante chez les élèves – en 2016, 93 % des 12‑17 ans disposaient d’un mobile. Cette tendance gagne même l’école primaire, puisqu’on voit des écoliers en être dotés dès le CM1.

La promesse de campagne du Président de la République consistant à interdire les téléphones portables dans les établissements scolaires a pour objectif d’empêcher les perturbations importantes engendrées par l’utilisation du téléphone mobile au sein des établissements scolaires. Comme l’a rappelé la rapporteure, interdire cet usage vise à répondre à des enjeux à la fois éducatifs et de vie scolaire. Si nos enfants sont trop souvent exposés à des contenus violents et à des images pornographiques, ils peuvent aussi être victimes de cyberharcèlement : cela commence, dès la cour de récréation, quand un enfant filme un de ses camarades et met la vidéo sur les réseaux sociaux. Selon une enquête réalisée par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), 63 % des 11‑14 ans sont inscrits sur au moins un réseau social, et ils sont plus de quatre sur dix à mentir sur leur âge pour le faire – ces chiffres sont éloquents.

Nous voulons favoriser un climat scolaire plus apaisé, où les capacités d’attention et de concentration, mais également les facteurs de sociabilisation seront préservés. Cela dit, il est pertinent de s’intéresser aux usages pédagogiques des outils numériques, qui représentent une réelle opportunité en termes de méthodes d’apprentissage. Il est essentiel de faire émerger et de structurer les nombreuses initiatives de pédagogie innovante qui sont aujourd’hui menées dans les écoles, donc de sensibiliser les élèves à l’usage du numérique et d’approfondir son enseignement.

Cette proposition de loi est étroitement liée à la mission d’information sur l’école dans la société du numérique, dont certains d’entre nous font partie. Je pense notamment à la formation des jeunes à l’usage responsable de l’information numérique, à la nécessité de les sensibiliser à ces fameuses fake news et à l’usage responsable des réseaux, mais aussi à la définition de la place de l’école dans l’apprentissage des savoir-faire et la construction des savoir-être. Cette mission, qui rendra ses conclusions dès l’automne, est destinée à réfléchir sur l’école de demain pour accompagner les équipes pédagogiques, les enseignants, les parents, mais surtout les élèves, souvent démunis face aux médias et aux outils numériques : elle se situe donc bien dans le prolongement de cette proposition de loi.

Un grand nombre d’établissements scolaires interdisent déjà le téléphone portable au-delà de la classe, c’est-à-dire dans les couloirs, voire dans la cour de récréation. Ceux qui ont fait ce choix apparaissent satisfaits, ils disent avoir constaté un effet bénéfique sur les apprentissages et la communication entre les élèves. C’est pourquoi une modification législative s’impose : l’inscription dans la loi apparaît nécessaire pour garantir une interdiction effective de l’usage du téléphone portable au sein des écoles et des collèges.

Mme Frédérique Meunier. Monsieur le président, mes chers collègues, cette proposition de loi déposée par le groupe La République en Marche et visant à interdire l’utilisation du téléphone portable dans les écoles et les collèges correspond à une promesse de campagne du candidat Emmanuel Macron. Il existe pourtant déjà une loi en la matière. En effet, la loi du 12 juillet 2010 prévoit que « dans les écoles maternelles, les écoles élémentaires et les collèges, l’utilisation durant toute activité d’enseignement et dans les lieux prévus par le règlement intérieur, par un élève, d’un téléphone mobile, est interdite ». Dans ces conditions, j’ai le sentiment que votre loi n’instaure pas une interdiction, mais crée au contraire les conditions d’une autorisation de l’usage du téléphone portable dans le cadre des enseignements. L’exposé des motifs de la proposition de loi tend à le confirmer en énonçant que cette interdiction ne porte pas sur les usages pédagogiques du téléphone portable s’inscrivant dans un projet éducatif précis et encadré par le personnel éducatif.

Avec le soutien de l’État, tous les départements viennent d’investir des millions d’euros dans les tablettes : à quoi servent-elles donc ? Il semble que la majorité cherche à faire de la communication, en créant une interdiction qui existe déjà. Au mieux, il s’agit d’une erreur dans l’intitulé de la loi, au pire, de l’expression d’un parfait cynisme… De plus, il semblerait que cette proposition de loi précède une autre loi sur le numérique à l’école, censée être présentée à l’automne – ce qui confirmerait l’hypothèse du cynisme.

Le groupe Les Républicains souhaite obtenir des explications de la part de la majorité quant au fait de discuter de cette proposition de loi dès maintenant, pour la rentrée 2018‑2019. L’interdiction qui constitue la règle depuis huit ans semblant ne jamais avoir posé de problèmes, nous ne comprenons pas l’urgence qu’il y a à légiférer pour réécrire cette loi en vue d’une application dès la rentrée prochaine. Par ailleurs, la question du numérique à l’école fait également l’objet d’une mission d’information, ainsi que d’un autre texte qui sera examiné à l’automne : il serait plus cohérent de traiter le sujet globalement. Enfin, la navette parlementaire devant prendre plusieurs mois, ce texte risque d’entrer en application alors que les conseils d’administration des écoles et des collèges auront déjà délibéré sur les règlements intérieurs : ils devront donc les rééditer, ce qui va occasionner un coût inutile.

Sur le fond, le groupe Les Républicains considère que l’utilisation des téléphones mobiles dans l’enseignement doit faire l’objet d’études sérieuses avant d’être autorisée, ce qui n’est pas le cas à ce jour. Alors que l’addiction des jeunes aux smartphones et aux réseaux sociaux fait l’objet d’alertes, donner le feu vert à l’éducation nationale pour l’utilisation des téléphones pendant les enseignements, sans étude sérieuse sur le long terme, peut avoir des conséquences graves d’un point de vue éducatif, mais surtout en termes de santé. Il nous a été indiqué que cette dernière question ferait prochainement l’objet d’une concertation avec la ministre de la santé – ce qui confirme qu’il est question d’autoriser avant même d’avoir conscience des risques.

Dans le cadre des auditions, les agents du ministère de la santé nous ont fait savoir que le Centre international de la recherche sur le cancer (CIRC) considérait que les champs électromagnétiques de radiofréquences pouvaient être cancérigènes pour l’homme. Sachant cela, et en l’absence d’études définitives, le groupe Les Républicains ne cautionnera pas l’utilisation du téléphone portable à l’école dans le cadre des enseignements, qui présente le risque de déclencher des cancers chez nos enfants à l’école. Chacun doit être conscient du fait que ce risque est considérable, et qu’il est urgent d’attendre avant de modifier la loi.

Mme Nadia Essayan. Monsieur le président, madame la rapporteure, mes chers collègues, le groupe La République en Marche a souhaité porter à l’ordre du jour de notre commission une proposition de loi visant à l’interdiction de l’usage du téléphone portable dans les écoles et les collèges, comme le Président de la République s’y était engagé durant sa campagne. L’enjeu pourrait paraître bien mince au regard du dispositif déjà existant, mais cette nouvelle rédaction permettrait à l’évidence d’apporter aux directeurs d’établissement une sécurité juridique plus forte dans la surveillance quotidienne qu’ils assurent afin d’éviter les dérives induites par l’utilisation du téléphone portable à l’école.

Comme le rappelle clairement l’exposé des motifs de la proposition de loi, l’usage du portable à l’école est à l’origine d’un déficit d’attention et de concentration, il nuit aux capacités réflexives des élèves, provoque une réduction de l’activité physique et une limitation des interactions sociales, quand ce n’est pas une augmentation des violences et des incivilités. Une étude récente évoquée par les syndicats de chefs d’établissement démontre par ailleurs que 30 % à 40 % des sanctions scolaires sont désormais liées à l’usage du portable.

Il va donc de soi que nous sommes favorables aux mesures allant dans le sens d’une interdiction de l’usage personnel du portable, vue non seulement comme une mesure répressive, mais comme un moyen de répondre à des enjeux éducatifs. En effet, tout démontre que la mémorisation, la réflexion et le développement cognitif des élèves, a fortiori pour les plus jeunes d’entre eux, tendent à être de plus en plus problématiques, tant pour les élèves que pour les professeurs. Le ministre Jean-Michel Blanquer l’a bien compris, lui qui, à maintes reprises, a annoncé son souhait de voir les écrans éloignés le plus possible des élèves – surtout les plus petits –, de manière à leur permettre un développement harmonieux.

Outre ces aspects, d’autres considérations entrent en jeu, qui poussent à cette interdiction. En matière de santé publique, la réduction de l’activité physique aggrave le phénomène de surpoids, en progression chez les jeunes générations ; on note aussi une augmentation de la prévalence de la myopie en Europe – elle touche 47 % des 25-29 ans, soit le double d’il y a quarante ans –, ainsi qu’un l’effet sur le sommeil des enfants, qui se répercute sur leur développement physiologique.

Le texte préserve la possibilité d’un usage du téléphone portable, et des écrans en général, pour des activités pédagogiques ; en cela, il apporte une souplesse que nous saluons. Tous ces éléments vont donc dans la direction d’un usage plus raisonné du téléphone portable et des écrans, et l’école doit jouer ce rôle de mise à distance d’abord et de pédagogie ensuite, afin que l’apprentissage se fasse dans les meilleures conditions possible. Le groupe MODEM, qui a toujours fait de la réussite scolaire l’une de ses priorités, sera attentif à la mise en œuvre de cette mesure.

Mme Béatrice Descamps. Monsieur le président, mes chers collègues, notre commission est aujourd’hui saisie d’une proposition de loi visant à renforcer l’interdiction de l’usage du téléphone portable dans les écoles et les collèges. Je tiens d’abord à saluer la qualité du travail de Mme la rapporteure, dont le rapport met clairement en lumière les nombreux enjeux que soulève l’utilisation du téléphone portable dans un cadre scolaire, alors que l’usage du smartphone est aujourd’hui massivement généralisé chez les enfants et les adolescents.

Le premier enjeu de ce texte est l’assiduité des élèves et son corollaire, le climat scolaire. On sait à quel point l’utilisation des téléphones portables durant les cours nuit à la concentration et à la capacité d’attention des élèves ; elle oblige, dans le même temps, le professeur à maintenir constamment la discipline au détriment de la conduite de son cours. L’usage non raisonné des téléphones portables conduit par ailleurs à des phénomènes de repli sur soi et à une sociabilité affadie. Durant les récréations, nos enfants sont désormais concentrés sur leur smartphone au lieu d’échanger et de jouer avec leurs camarades. Dans les cas extrêmes, l’usage du smartphone peut conduire à des situations de cyberharcèlement, où un élève peut faire les frais des moqueries de ses camarades, ce qui a parfois des conséquences dramatiques.

Enfin, il ne faut pas négliger l’enjeu de santé publique, tant les effets potentiellement nocifs des radiofréquences émises par les téléphones portables restent aujourd’hui mal connus. D’autres études ont également pointé les effets d’un usage intensif des téléphones portables sur les fonctions cognitives, en mettant en évidence des pertes de mémoire et une réduction des capacités d’attention. L’interdiction du téléphone portable à l’école avait d’ailleurs été introduite dans la loi du 12 juillet 2010 portant sur l’environnement, en application du principe de précaution, même si les préoccupations liées au climat scolaire n’étaient pas absentes.

Le dispositif de cette proposition de loi inverse la logique qui prévaut aujourd’hui. En effet, l’article L. 511-5 du code de l’éducation prévoit, dans sa rédaction actuelle, l’interdiction du téléphone portable durant les cours et dans les autres espaces scolaires, tels que la cour de récréation, si le règlement intérieur le spécifie. Avec la nouvelle rédaction, l’interdiction devient la norme dans tous les espaces, sauf si l’utilisation du téléphone portable est expressément autorisée par le règlement intérieur. Il s’agit d’une clarification bienvenue et que nous saluons, car elle renforcera la légitimité des directeurs d’établissements et des principaux de collèges et permettra de sécuriser leur action en ce sens.

Nous sommes cependant plus réservés sur la finalité de cette proposition de loi, dont nous comprenons qu’elle ne constitue qu’une étape : une autre proposition de loi visant à ouvrir le débat sur l’école numérique devrait en effet être examinée à l’automne prochain. Nous comprenons et partageons l’objectif d’un apprentissage à un usage raisonné du numérique, qu’il s’agisse de la formation d’un esprit critique face aux médias et aux fakes news ou de l’éducation civique au numérique, notamment face aux propos haineux sur internet et au harcèlement en ligne. Il est louable que l’école se saisisse de cette question en relation étroite avec les familles, tant la question d’une dépendance aux écrans intéresse toute la société et pas seulement nos enfants. Si nous abordons favorablement l’examen de ce texte, nous nous interrogeons sur l’opportunité d’une introduction massive des outils numériques dans les écoles. Nous demanderons au Gouvernement de clarifier sa position sur cette question en séance.

Mme George Pau-Langevin. Le sujet qui est abordé dans cette proposition de loi est sérieux, et nous sommes tous préoccupés par la manière dont nos enfants sont captés par les écrans, et par les conséquences que ce type d’addiction peut avoir sur leur comportement et sur leurs relations sociales
– même si, en la matière, les adultes que nous sommes ne donnent pas toujours l’exemple…

Cette proposition de loi ne me paraît pas représenter un apport significatif, puisque le code de l’éducation prévoit déjà, depuis la loi de 2010, l’interdiction de l’usage du portable durant toute activité d’enseignement et dans les lieux énumérés par le règlement intérieur. La plupart des établissements scolaires interdisent donc l’utilisation du portable en classe, parfois même également dans la cour de récréation ou dans la totalité de l’établissement.

Après plusieurs fuites dans la presse, il avait été décidé, lorsque j’étais ministre, que les portables seraient interdits en conseil des ministres : il fallait les laisser dans un casier avant le début de la réunion. Au bout de quelques semaines, comme tout le monde, j’ai fini par oublier l’interdiction et j’ai laissé mon portable au fond de mon sac. Cela montre que ce type d’interdiction peut servir à se donner bonne conscience, mais que sa mise en œuvre effective est extrêmement difficile à contrôler. Pour ce qui est de l’usage du portable à l’école, je ne suis donc pas certaine que le texte proposé apporte une véritable amélioration.

Mme Elsa Faucillon. Rappelons, pour commencer, que les perturbations dans les établissements scolaires ne sont pas toutes dues à l’utilisation du portable et que l’addiction aux objets connectés n’est pas l’apanage des adolescents – nous, députés, avons peu de leçons à donner aux enfants ! (Sourires.) Sans rien cacher des enjeux, des effets dangereux du portable sur la santé et des pratiques de harcèlement, nous devons aussi pouvoir parler de la créativité qu’il suscite chez les élèves et de son utilisation à bon escient – j’ai vu des collégiens organiser des maraudes citoyennes grâce à leur téléphone. Je pense aussi que ne pas faire la moindre distinction entre un enfant de cinq ans et un collégien de quinze ans, comme dans cette proposition de loi, c’est risquer d’infantiliser les adolescents.

D’autres l’ont dit, le téléphone portable est, de fait, interdit à l’école maternelle et primaire et dans les collèges, sur les heures d’enseignement et dans les lieux définis par le règlement intérieur. La proposition de loi inverse l’interdit. Alors que le règlement intérieur prévoyait les lieux où le portable est interdit, il prévoira désormais les lieux où il est autorisé. Voilà tout le grotesque d’une démarche dont l’unique objet est de répondre à tout prix à une promesse de campagne, formulée alors qu’une loi existait déjà.

Permettez-moi de pointer un paradoxe : vous prônez, en bons libéraux, un interventionnisme moindre de l’État dans tous les champs de la société, mais vous acceptez de vous immiscer dans un domaine où la loi n’a pas à trancher et qui est défini par les règlements intérieurs.

Cette proposition de loi, dont il convient de souligner le ridicule, porte toutefois sur des enjeux véritables. Pour autant, elle ne pose pas la question de l’usage du numérique par les jeunes et les difficultés que cela engendre. Nos propositions porteront essentiellement sur l’accompagnement pédagogique et la formation des jeunes, adaptée selon les âges. Il est nécessaire aujourd’hui de discuter des bonnes pratiques et de la créativité : dans le cadre d’ateliers, par exemple, les jeunes pourront aussi apprendre à leurs enseignants ce qu’ils peuvent faire avec leur portable. L’interdit doit être respecté, mais il faut aussi un climat de confiance à l’égard des collégiens : c’est à cette condition que nous pourrons lutter contre les effets dangereux et prévenir le cyberharcèlement.

M. le président Bruno Studer. Ce texte présente, j’en suis certain, un intérêt incontestable par rapport à la loi de 2010. La parole est à nos collègues, pour une série de questions à Mme la rapporteure.

M. Bertrand Sorre. Je salue le travail de fond accompli par Mme la rapporteure et M. Cédric Roussel sur un sujet qui, vu de loin, pourrait paraître simple et dénué d’intérêt. Ce texte n’est pas cynique, il est pragmatique. J’étais, il y a un an encore, enseignant et je peux vous dire que le téléphone portable est devenu un objet d’obstruction à la pratique de l’enseignement. En réalité, la loi existante ne fonctionne pas. Peut-être, madame Meunier, ne vous êtes-vous pas rendue dans une école depuis longtemps ? (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président Bruno Studer. Veuillez poser votre question, cher collègue.

M. Bertrand Sorre. De par mon expérience, je considère que cet objet empêche d’enseigner dans des conditions normales et qu’il est nécessaire de légiférer sur cette question.

L’utilisation pédagogique est certes une plus-value mais elle peut être détournée par les enfants et les adolescents. Je souhaite savoir si, dans le cadre de vos auditions, vous avez pu questionner les jeunes sur leur vision de l’utilisation du portable dans le cadre scolaire ? Selon vous, cette utilisation doit-elle évoluer ?

Mme Valérie Bazin-Malgras. Je m’interroge sur la nécessité de cette proposition de loi, étant donné qu’une loi existe, celle du 12 juillet 2010. Cependant, l’exposition de nos jeunes aux smartphones et les troubles nombreux que ceux-ci suscitent, notamment dans l’espace scolaire, ne doivent pas nous laisser indifférents. Dans votre rapport, vous offrez un panorama très complet, et alarmant, de ces implications. Mais vous proposez que les élèves puissent utiliser à des fins pédagogiques leur téléphone pendant la classe, ouvrant ainsi la porte à une réflexion plus globale sur la place des smartphones dans notre société et auprès des jeunes. Vous avez raison de dire que cette mesure est une première approche. Quelle suite comptez-vous y donner ? Ne pourrions-nous pas engager une réflexion parlementaire sur le sujet ? Celle-ci conduirait sans doute à l’application des dispositions législatives existantes.

Mme Marie-George Buffet. Je m’interroge également sur l’utilité de cette proposition de loi, puisque la loi actuelle dispose que « dans les écoles maternelles, élémentaires et les collèges, l’utilisation, durant toute l’activité d’enseignement et dans les lieux prévus par le règlement intérieur, par un élève d’un téléphone mobile est interdite ». Ce texte se limite à renverser le raisonnement, ce qui relève, semble-t-il, d’un manque de confiance à l’égard des équipes éducatives. Celles-ci sont en effet capables de gérer la question des téléphones mobiles à l’intérieur des établissements en s’appuyant sur les dispositions législatives existantes.

Par ailleurs, je regrette qu’un texte comme celui-ci ne soit pas l’occasion de présenter des mesures concernant l’éducation à l’usage des mobiles et la prévention. Je souhaiterais connaître l’avis de Mme la rapporteure sur cette question.

Mme Stéphanie Rist. Les enfants accèdent aux écrans de façon massive, parfois dès le plus jeune âge. Les téléphones portables sont le moyen qu’ils utilisent de manière privilégiée pour se rendre sur internet. L’interdiction de ces appareils dans l’enceinte des établissements peut être mal perçue par ceux pour qui ces outils sont un prolongement presque évident de leurs mains. Cette mesure ne peut donc prendre du sens que si elle s’accompagne d’un effort de pédagogie à l’égard des élèves, des enseignants et des familles.

Une telle pédagogie doit porter sur l’usage social de ces outils, dans la mesure où les utilisateurs se détournent des relations sociales, sur l’usage éducatif, lorsque l’accès à internet met en jeu l’autorité et le rapport à l’adulte, ainsi que sur les enjeux sanitaires. Ces dernières années, le grand public a été alerté, parfois de manière catastrophiste, sur les conséquences pour la santé d’une exposition précoce et prolongée aux écrans. En raison de la relative nouveauté des terminaux mobiles et de l’attachement au bien-être des enfants, les peurs et les fantasmes permettent parfois la diffusion d’informations erronées. Des campagnes vidéo sur internet ont ainsi établi un lien direct entre écran et syndromes de type autistique, avant que cela ne soit démenti par la communauté scientifique. Ce genre de raccourci peut se reproduire.

Il est donc essentiel d’accompagner l’interdiction des portables dans les établissements d’une évaluation scientifique des conséquences sur leur usage sur la santé. Dans le cadre de vos travaux, avez-vous entendu parler de telles mesures ? Dans le cas contraire, que préconisez-vous ?

Mme Emmanuelle Anthoine. Je m’interroge sur la portée et la réalité de cette mesure, que je trouve trop limitée. Quels sont les moyens dont disposeront les enseignants pour mettre en œuvre cette interdiction ? Ce n’est pas parce qu’elle figurera dans le règlement intérieur de l’établissement que les smartphones disparaîtront comme par magie.

Ce texte ne prend volontairement pas position sur le sujet de la mise en œuvre. Cela manque car les enseignants attendent qu’on leur donne de tels moyens. Il est nécessaire de réfléchir sur des dispositifs opérants, et pas simplement sur des principes.

Par ailleurs, pourquoi se limiter à l’enseignement public et exclure le lycée ? La question se pose dans les mêmes termes à la fin du secondaire ; affirmer que les élèves sont suffisamment matures revient à présumer un peu trop de leurs capacités. Les enseignants vous le diront : la situation est pire encore au lycée, où les élèves sont pleinement immergés dans les réseaux sociaux.

M. Pascal Bois. Sans présager de l’adoption des amendements, les modalités d’application de cette interdiction posent question. Chaque établissement déterminera les lieux où l’usage des téléphones portables sera toléré. Je veux évoquer plus particulièrement les cours de récréation et soulever la question des pauses méridiennes, notamment lorsque les lieux de restauration sont situés à l’extérieur de l’établissement. Si l’objectif du texte est d’améliorer les conditions scolaires et éducatives de l’enfant, il convient aussi de maintenir la sociabilité entre élèves et de lutter contre la sédentarité.

Mme Constance Le Grip. Je veux aussi faire part de mon scepticisme sur l’utilité d’une telle proposition de loi, dans la mesure où la loi du 12 juillet 2010 interdit déjà les portables dans les établissements scolaires. Certes, j’ai compris qu’il s’agissait de substituer à cette interdiction une interdiction totale, hormis les moments où l’usage est autorisé… mais il y a là quelque chose qui s’apparente à une tentative quelque peu maladroite – ou très adroite ? – de forcer la mise en œuvre d’une proposition de campagne du candidat Emmanuel Macron. Lui-même a dû réaliser, après l’avoir formulée, que l’interdiction était déjà prévue par la loi !

Il n’est pas toujours satisfaisant pour le législateur de se trouver dans un exercice de redondance législative. Le Conseil constitutionnel comme le Conseil d’État appellent régulièrement notre vigilance sur les lois déclaratives, les lois bavardes, les lois qui se limitent à un énoncé de principes. Je suis donc très dubitative quand à cette réalisation d’une promesse de campagne.

Il me semble plus intéressant, dans le cadre de la mission d’information sur le numérique à l’école, et alors que l’on annonce un projet de loi à l’automne, de mener une réflexion globale sur les tenants et les aboutissants de l’utilisation du numérique dans les enseignements, plutôt que de procéder par petites touches, comme s’il s’agissait uniquement de faire de la communication.

M. Stéphane Testé. Si l’interdiction du téléphone portable peut paraître logique en salle de classe, c’est l’interdiction dans la cour de récréation et pendant les pauses qui laisse interrogatifs certains enseignants et personnels de l’Éducation nationale. Compte tenu du faible nombre de surveillants, comment peut-on garantir que cette interdiction sera respectée ? Peut-on imaginer que certains établissements autoriseront l’usage des téléphones portables dans la cour de récréation et durant les intercours, tandis que d’autres l’interdiront ?

Mme Fabienne Colboc. Je tenais à remercier la rapporteure pour son travail. Ma question porte sur la possession de téléphones mobiles par les jeunes élèves, qui perturbe aussi bien le climat scolaire que le développement personnel des enfants.

Cette proposition de loi a pour objectif de limiter ces perturbations en interdisant l’usage du téléphone mobile à l’école. L’application de cette interdiction, dans la pratique, implique que les directeurs d’école puissent confisquer temporairement le téléphone à un élève. Mais les directeurs ne sont actuellement pas en mesure de le faire, la confiscation n’étant pas une sanction légale. Il conviendrait de sécuriser les directeurs et chefs d’établissement sur ce point pour permettre l’application effective de ce texte.

Mme Céline Muschotti. Mon propos sera à la mesure de ce texte : bref. Je ne reviendrai pas sur le dispositif, qui tend à réécrire l’article L. 511-5 du code de l’éducation, issu de la loi du 12 juillet 2010 qui dispose que « dans les écoles maternelles, les écoles élémentaires et les collèges, l’utilisation durant toute activité d’enseignement et dans les lieux prévus par le règlement intérieur, par un élève d’un téléphone mobile est interdite ». Tout en prévoyant l’interdiction générale et la référence au règlement intérieur des écoles concernées, le texte introduit la possibilité d’exceptions. Selon l’exposé des motifs, cette mention est censée consolider le cadre juridique pour permettre l’interdiction effective du téléphone portable dans toutes les écoles et tous les collèges et sécuriser les directeurs et chefs d’établissement mettant en œuvre cette interdiction.

Si j’ai bien compris, il s’agit de conforter les pratiques d’interdiction totale en prévoyant dans la loi que les règlements intérieurs devront désormais prévoir les lieux où l’utilisation du téléphone portable sera autorisée, plutôt que ceux où elle est interdite.

À défaut de l’être par définition, je suis évidemment favorable par destination à cette interdiction, puisque le texte émane du groupe dont je suis membre et que cette interdiction figure déjà dans la loi depuis 2010.

Ici, la base légale existante semble ne pas suffire. La loi fait remonter dans l’ordre juridique national les règlements intérieurs des établissements concernés par l’interdiction des portables. Sachant que les établissements scolaires ne forment pas un ordre juridique détaché de celui de l’État, contrairement aux fédérations sportives, j’en arrive à poser la question suivante : d’autres dispositions constituant des mesures d’ordre intérieur aux établissements scolaires ont-elles une si faible valeur qu’il faille recourir à l’expression de la souveraineté nationale pour les rendre effectives ? Le cas échéant, faudra-t-il que la loi précise un contenu général d’un règlement intérieur commun à l’ensemble des établissements scolaires ?

M. Gabriel Attal. Madame la rapporteure, vous évoquez dans votre rapport la règle du psychiatre Serge Tisseron dite « 3-6-9-12 ». Il ne s’agit pas de la stratégie d’un match de foot, mais d’une recommandation relayée depuis 2011 par l’Association française de pédiatrie ambulatoire. Cette règle encourage les parents et les éducateurs à faire en sorte d’éduquer progressivement leurs enfants et les élèves aux outils numériques. Les professionnels de santé sont nombreux à tirer la sonnette d’alarme, démontrant que les enfants usent de ces outils de plus en plus tôt, sans réel encadrement. Lors de vos auditions, avez-vous pu évoquer ces problématiques avec les représentants des professionnels de santé et les représentants des équipes pédagogiques ?

Mme Frédérique Dumas. Je veux féliciter la rapporteure et le responsable du texte : il n’était pas évident, en si peu de temps, d’aborder ce sujet. Il est nécessaire de renforcer l’interdiction, en posant un acte fort : on se rappelle que c’était une circulaire qui interdisait le port du foulard à l’école et qu’il a été décidé de légiférer sur cette question.

Cette proposition de loi marque le début d’un parcours, qui passera aussi par la mission d’information. Enfin, ce texte permet de débattre sur ce qu’il est possible de faire, sans interdire d’un côté, ni tout autoriser de l’autre. Je pense notamment à l’intérêt que peuvent présenter certains outils numériques, tels que l’application AVA, lancée par une startup française et dans laquelle Facebook vient d’investir. Cette application pour smartphones permet aux sourds et aux malentendants de suivre des conversations en transcrivant en direct les discussions.

Mme Cathy Racon-Bouzon, rapporteure. Je vous remercie pour ces questions et pour votre mobilisation. On le voit, ce sujet dépasse largement le cadre de l’école et nous implique tous.

En préambule, je veux dire que je ne vois dans cette proposition de loi ni cynisme ni ridicule. Il me semble au contraire que les mots ont un sens et que l’esprit de ce texte est bien de renverser la logique de la loi.

Cela nous paraissait tout à fait opportun, dans la mesure où l’interdiction n’est pas totale et qu’elle ne concerne pas l’ensemble des établissements. Nous ne disposons pas de données précises, mais la direction générale de l’enseignement scolaire estime que 50 % des collèges environ appliquent l’interdiction. Cette interdiction s’avère bénéfique là où elle est mise en œuvre ; nous entendons donc l’étendre à l’ensemble des établissements. Cette interdiction doit être totale, sauf exception.

Par ailleurs, l’interdiction actuelle porte sur les activités d’enseignement, ce qui nous paraît aujourd’hui désuet et inadapté à l’évolution de la société et de l’éducation. Il nous a semblé nécessaire de permettre une utilisation du téléphone portable à des fins pédagogiques, pour certains apprentissages et pour l’éducation, par la pratique, à un usage civique, responsable et raisonné de l’outil numérique. Il n’est pas question de faire concurrence aux tablettes distribuées généreusement
– quoiqu’inégalement selon les territoires –, mais de permettre l’utilisation du smartphone, un objet possédé par une majorité d’adolescents.

Ce texte n’est donc ni cynique ni ridicule, mais pragmatique. Il vise une interdiction par défaut et permet de renforcer les règlements intérieurs contre toute contestation.

Vous avez été nombreux à demander quelles suites il convenait de donner à cette étape. Contrairement à ce qui a été dit, aucun texte n’est prévu pour l’automne. Cette proposition de loi est le premier étage d’une fusée : elle pose le principe de l’interdiction et elle reconnaît la nécessité de mettre en place une démarche éducative. C’est en ce sens que je défendrai un amendement et serai favorable à un autre. Une réflexion parlementaire est engagée : la mission d’information sur l’école dans la société du numérique, dont certains ici font partie, rendra ses conclusions à l’automne, et donnera sans doute une vision plus vaste de la dimension éducative du numérique.

Il n’y a rien de plus contre-productif que de mettre en place des mesures qui ne peuvent être respectées. Il est légitime de soulever la question de la surveillance, mais d’autres interdits, comme celui de se battre ou de fumer, sont respectés dans les établissements scolaires : les adultes qui encadrent nos enfants sont à même de surveiller ce qui se passe dans les cours de récréation et les cantines scolaires.

La question de la confiscation nous a alertés, car les chefs d’établissement appliquent la sanction sans sécurité juridique, seuls les objets dangereux pouvant être confisqués. Cela ne relevant pas de la loi, il nous a semblé opportun de demander au ministre de confirmer par la voie d’une circulaire que la confiscation pouvait être une sanction autorisée dans l’échelle des sanctions et punitions.

Mme Jacqueline Dubois. L’usage précoce et abusif d’objets numériques connectés a un impact sur le bien-être, la santé et les capacités cognitives et adaptatives des enfants. Je pense notamment à ces très jeunes enfants auxquels on confie un smartphone pour contenir leur activité et avoir la paix – c’est en effet un excellent capteur de leur attention ! Les conséquences d’une exposition excessive aux écrans sur le développement sont beaucoup plus graves à un âge où l’intelligence se construit par l’action, par la manipulation et par l’interaction. Madame la rapporteure, comment peut-on sensibiliser les familles sur cette question ? L’école, y compris l’école maternelle, a-t-elle un rôle à jouer dans ce domaine ?

Mme Cathy Racon-Bouzon, rapporteure. Nous avons auditionné les responsables du bureau de l’environnement extérieur et des produits chimiques au sein de la sous-direction de la prévention des risques liés à l’environnement au ministère de la santé. Elles ont évoqué longuement les risques d’exposition aux radiofréquences et leur corrélation éventuelle avec le développement de cancers, ainsi que certaines mesures prises : classement des téléphones selon les ondes émises, respect des normes par les constructeurs et les opérateurs, interdiction de la promotion de l’usage auprès des enfants de moins de 14 ans Nous espérons les rencontrer à nouveau d’ici la séance pour évoquer les sujets d’addictions et de surexposition aux écrans, sur lesquels peu de données scientifiques sont disponibles.

Des collectifs de pédiatres, à l’image du Collectif Surexposition Écrans (COSE) ont effectué des mises en garde, et des recommandations ont été publiées, comme la règle « 3‑6‑9‑12 » du pédiatre Serge Tisseron, qui préconise une exposition progressive aux écrans. Nous avons été informés qu’une saisine du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) sur ces questions était en cours de préparation. De plus, cette problématique figure dans le plan national de santé publique 2018 et une campagne de prévention est envisagée. Il existe bien une volonté d’étudier cette question dans sa dimension de santé publique.

La question de l’extension de la mesure au lycée a été examinée. Force est de constater que l’utilisation du smartphone et l’isolement de l’adolescent qu’elle est susceptible de provoquer passent bien évidemment la frontière du collège et s’intensifient avec les années. Cette extension ne nous a toutefois pas paru pertinente pour des raisons de mise en œuvre, particulièrement dans des lycées qui accueillent aussi des étudiants en classes préparatoires ou en BTS. En outre, l’accès au lycée représente pour certains élèves la limite de l’âge de la scolarité obligatoire.

Enfin, la mise en place de mesures éducatives sur un usage responsable et raisonné du numérique au collège devrait préparer les lycéens à construire leur autonomie et les préparer à faire un usage responsable de l’outil. C’est pourquoi nous préférons l’éducation à l’interdiction.


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II.   Examen des articles

Article unique
Interdiction de l’utilisation du téléphone portable dans les écoles et les collèges

Le présent article vise à interdire l’usage du téléphone mobile par les élèves dans les écoles maternelles et élémentaires et dans les collèges, à l’exception des lieux où le règlement intérieur l’autorise expressément, dans les conditions qu’il définit.

Il substitue au régime actuel d’autorisation d’utilisation du portable, avec des exceptions prévues par le règlement intérieur, un régime d’interdiction, assorti d’exceptions définies par ce même règlement.

I.   Le droit existant : l’interdiction de l’usage du tÉlÉphone mobile pendant les cours et dans les lieux prévus par le règlement intérieur

A.   Le principe posé par l’article L. 511-5 du code de l’éducation

● Aux termes de l’article L. 511-5 du code de l’éducation, dans les écoles maternelles, les écoles élémentaires et les collèges, l’utilisation par un élève d’un téléphone mobile est interdite pendant toute activité d’enseignement et dans les lieux prévus par le règlement intérieur.

Cette disposition ne concerne donc pas les lycées. Par ailleurs, elle s’applique dans les établissements du premier degré et les collèges relevant de l’enseignement public, mais les établissements d’enseignement privés, qu’ils soient sous contrat avec l’éducation nationale ou hors contrat, ne se trouvent pas dans le champ de la mesure, au titre de leur autonomie d’organisation ([8]).

Sur les 6,8 millions d’élèves du premier degré et les 3,3 millions de collégiens, sont ainsi concernés 5,9 millions d’élèves en primaire et 2,6 millions de collégiens.

Les sorties scolaires, telles qu’une visite au musée, sont considérées comme des activités d’enseignement ; à ce titre, l’usage du téléphone mobile est prohibé. Il en va de même pour les cours d’éducation physique et sportive (EPS) : même s’ils se déroulent hors des murs de l’établissement scolaire (par exemple dans un stade ou dans un gymnase), l’interdiction est applicable puisqu’il s’agit d’une activité d’enseignement.

● Cette disposition a été introduite par l’article 183 de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite aussi loi « Grenelle II ». Figurant aux côtés de plusieurs mesures concernant l’exposition aux ondes électromagnétiques – obligation d’équiper les téléphones mobiles d’un « kit main libres », obligation de transmettre à l’occupant d’un logement les mesures d’exposition aux ondes antérieurement effectuées… – , elle s’inscrivait dans une démarche de protection de la santé des enfants.

Ce même article 183 de la loi précitée a également introduit l’interdiction de toute publicité ayant pour but de promouvoir la vente, la mise à disposition, l’utilisation ou l’usage d’un téléphone mobile par des enfants de moins de quatorze ans, figurant à l’article L. 5231-3 du code de la santé publique.

B.   La mise en œuvre de cette disposition dans le cadre du règlement intérieur

1.   Le contenu et les modalités d’élaboration du règlement intérieur

● Aux termes de l’article L. 401-2 du code de l’éducation, dans chaque école et établissement d’enseignement public, le règlement intérieur précise les « conditions dans lesquelles est assuré le respect des droits et devoirs de chacun des membres de la communauté éducative », à savoir les personnels des écoles et établissements, les élèves et leurs parents, les collectivités territoriales ainsi que les acteurs institutionnels, économiques et sociaux associés au service public de l’éducation.

Le contenu du règlement intérieur est défini de façon distincte pour les écoles et les collèges ([9]), compte tenu des différences liées à l’âge des élèves, mais il obéit aux mêmes principes : il rassemble et fixe dans un seul document l’ensemble des règles de vie dans l’établissement scolaire. Le règlement intérieur définit notamment les conditions dans lesquelles sont mis en œuvre le respect de l’obligation d’assiduité, le respect des principes de laïcité et de pluralisme, le devoir de tolérance et de respect d’autrui, les garanties de protection des enfants contre toute agression physique ou morale. Il fixe les heures d’entrée et de sortie des élèves, ainsi que les règles d’hygiène et de sécurité. Il dresse la liste des objets dangereux prohibés à l'intérieur des établissements et définit les modalités d’utilisation du téléphone mobile conformément à l'article L. 511-5 du code de l'éducation.

Le tableau ci-après présente les conditions d’élaboration du règlement intérieur, distinctes selon qu’il s’agit d’une école du premier degré ou d’un établissement secondaire :

 

 

École maternelle et élémentaire

Établissement secondaire

Dispositions applicables

Articles D. 411-2, R. 411-5 et D. 411-6 du code de l’éducation

Circulaire n° 2014-088 du 9 juillet 2014

Articles R. 421-5, R. 421-20, R. 421-41 et R. 511-13 du code de l’éducation

Circulaire n° 2011-112 du 1er août 2011

Autorité chargée de l’élaborer

Élaboration par le directeur d’école, conformément au règlement type départemental arrêté par le directeur académique des services de l’éducation nationale (DASEN) sur délégation du recteur

Élaboration par la direction du collège ou du lycée, en concertation avec la communauté éducative, selon les modalités définies par l’établissement

Modalités d’adoption

Examen et vote par le conseil d’école, composé du directeur de l’école, de deux élus, des professeurs, de représentants des parents d’élèves, du délégué départemental de l’éducation nationale chargé de visiter l’école

 

Examen et vote par le conseil d’administration de l’établissement après instruction préalable par la commission permanente ; transmission au recteur d’académie qui exerce un contrôle de légalité

Composition du conseil d’administration d’un collège, présidé par le principal : représentants de l’administration du collège, personnalités qualifiées, personnels élus d’enseignement, personnels élus administratifs, représentants élus des parents d’élèves, représentants élus des élèves, représentants du département, représentant(s) de la commune ou de l’intercommunalité

Modalités de révision

Pas de périodicité minimale : « élaboré et réactualisé dans le cadre du conseil d'école. […] Il doit être conforme […] aux dispositions constitutionnelles, législatives et réglementaires en vigueur ».

Révision selon la même procédure que son élaboration

Pas de périodicité minimale : révisions périodiques pour « s’adapter aux évolutions législatives et réglementaires et prendre en compte la transformation des contextes »

Révision selon la même procédure que son élaboration

Modalités de publicité

Affichage dans l’école dans un lieu facilement accessible et remise aux parents d’élèves

Lors de l’inscription d’un élève, présentation du règlement aux personnes responsables de l’enfant

Recommandation de le soumettre chaque année à la signature des parents d’élèves

Lors de l’inscription d’un élève, présentation du règlement aux personnes responsables de l’enfant

 

2.   Les modalités d’application de l’interdiction du téléphone portable dans certains lieux

● Au-delà de l’interdiction générale édictée pour les activités d’enseignement, c’est au règlement intérieur de chaque établissement qu’il revient de déterminer les lieux dans lesquels l’usage d’un téléphone mobile est prohibé. Le règlement intérieur définit la ou les zone(s) dans lesquelles cette utilisation est autorisée et/ou interdite, et le cas échéant les périodes autorisées et/ou interdites. Selon les établissements, l’utilisation du téléphone portable peut être proscrite dans les centres de documentation et d’information, à la cantine, ainsi que dans les couloirs et les cours de récréation. Il a d’ailleurs été indiqué à la Rapporteure que certains établissements avaient instauré une interdiction totale de l’utilisation du téléphone en leur sein – la régularité juridique de tels règlements s’avérant toutefois contestable au regard des dispositions actuelles.

Les modalités pratiques de mise en œuvre de cette interdiction varient également selon les établissements. Le moyen le plus simple consiste à demander aux élèves d’éteindre leur téléphone et de le laisser au fond de leur cartable lorsqu’ils se trouvent en cours ou dans les lieux où l’usage est interdit. Les enseignants peuvent également recueillir les téléphones au début du cours, pour les restituer à la fin.

● En cas de manquement des élèves à l’interdiction, se pose la question des sanctions susceptibles de s’appliquer. Ce sont les circonstances et le caractère répété ou non du manquement qui déterminent si une sanction est nécessaire et la forme qu’elle peut prendre, à savoir une punition scolaire ou une sanction disciplinaire.

 

Punitions scolaires et sanctions disciplinaires

Les punitions scolaires et les sanctions disciplinaires doivent être clairement distinguées, en ce qu’elles ne visent pas des actes de même gravité.

Les punitions concernent essentiellement des manquements mineurs aux obligations des élèves et les perturbations ponctuelles de la vie de la classe ou de l’établissement. Elles sont des réponses immédiates aux faits d’indiscipline et sont prononcées par les professeurs et les personnels de direction, d’éducation et de surveillance.

Il s’agit de mesures d’ordre intérieur, qui ne sont pas susceptibles de recours devant le juge administratif ; elles ne sont pas mentionnées dans le dossier administratif de l’élève, mais les parents doivent être tenus informés. Elles peuvent par exemple prendre la forme d’un rapport porté sur le carnet de correspondance ou sur un document signé par les parents, d’excuses publiques orales ou écrites, de devoirs supplémentaires ou encore de retenues.

Les sanctions disciplinaires sont prononcées par le chef d’établissement ou par le conseil de discipline et sont inscrites au dossier administratif de l’élève ; elles peuvent faire l’objet d’un recours devant les tribunaux administratifs. Elles concernent des atteintes aux personnes ou aux biens, ainsi que des manquements répétés aux obligations des élèves.

La liste des sanctions disciplinaires est arrêtée par l’article R. 511-13 du code de l’éducation. Elle comprend l’avertissement, le blâme, la mesure de responsabilisation, l’exclusion temporaire de la classe, l’exclusion temporaire de l’établissement et l’exclusion définitive de l’établissement. Cette échelle des sanctions doit être reproduite dans le règlement intérieur des établissements scolaires du second degré, sans modification.

 

 

S’agissant de l’interdiction du portable, l’une des sanctions couramment évoquées par les personnes auditionnées est la confiscation de l’appareil incriminé – laquelle a toutefois vocation à intervenir en dernier recours. Le téléphone peut être restitué à la fin du cours, ou bien à la fin de la journée – l’enseignant ou le personnel d’éducation pouvant demander aux parents de venir le récupérer, afin de porter à leur connaissance le comportement de leur enfant et de les impliquer dans le processus de sanction.

Néanmoins, le cadre juridique d’une mesure de confiscation apparaît incertain au regard des textes existants et a fait l’objet d’interprétations différentes selon les personnes auditionnées par la Rapporteure ; ces incertitudes peuvent légitimement conduire les personnels à renoncer à confisquer un portable par crainte de contestations par les élèves et leurs familles. En effet, la circulaire du 27 mai 2014 relative aux sanctions ([10]) évoque seulement la confiscation d’objets dangereux (par exemple une arme), mais n’apporte pas d’autres précisions. Se pose la question de la durée de la confiscation, au regard du droit de propriété : s’il ressort d’un arrêt du tribunal administratif de Strasbourg du 12 octobre 2004 que la confiscation d’un téléphone portable jusqu’à la fin de l’année scolaire, prévue par le règlement intérieur d’un établissement, porte une atteinte disproportionnée au droit de propriété, on peut penser qu’il n’en va pas de même pour une confiscation d’une ou deux journées, mais la question mériterait d’être clarifiée. Enfin, il faut rappeler que, juridiquement, l’objet confisqué est placé sous la responsabilité de celui qui en a la garde, que ce soit le professeur ou le personnel de direction ou de surveillance ; il importe donc de s’assurer que le lieu de rangement du téléphone confisqué est sûr, voire que l’appareil est éteint, pour éviter tout risque de vol, de perte ou de dommage.

II.   La réforme proposée : le principe d’une interdiction de l’usage du portable, sauf dans les lieux et selon les modalités prévus par le règlement intérieur

A.   Le dispositif proposÉ

● Le présent article propose une nouvelle rédaction de l’article L. 511-5 du code de l’éducation, afin de poser le principe de l’interdiction de l’utilisation d’un téléphone mobile par un élève dans les écoles et collèges, tout en ménageant la possibilité d’exceptions expressément définies par le règlement intérieur de l’établissement.

Cette mesure ne constitue pas une interdiction générale et absolue de détenir un téléphone portable dans l’enceinte d’une école ou d’un collège. Une telle disposition poserait d’ailleurs des difficultés pratiques pour des collégiens prenant des transports en commun, par exemple, qui pourraient avoir besoin d’avertir leurs parents en cas de modification de leurs horaires. Par ailleurs, édicter une interdiction totale contreviendrait à l’objectif de la mesure, qui s’inscrit dans une logique éducative : il s’agit de permettre l’usage encadré du téléphone portable et de favoriser l’apprentissage d’une forme de régulation.

À cet égard, la rédaction proposée n’interdit plus l’usage des téléphones portables pendant les activités d’enseignement : elle ouvre la possibilité d’utiliser le téléphone portable dans le cadre des apprentissages – pour permettre aux élèves de s’enregistrer dans le cadre des cours de langues vivantes ou de prendre en photo le tableau lorsqu’ils n’ont pas eu le temps de noter la totalité de la leçon, pour reprendre des exemples cités par des enseignants – mais aussi dans le cadre de cours d’EMI et d’éducation au numérique.

La définition des lieux où il peut être dérogé au principe d’interdiction et des conditions de cette dérogation revient aux établissements scolaires, afin de leur laisser de la souplesse et de l’autonomie dans la mise en œuvre, compte tenu de leurs caractéristiques propres. Pour autant, l’objectif est bien de réserver l’usage du téléphone dans les établissements à des fins pédagogiques ; permettre son utilisation dans la cour de récréation, par exemple, ne semble pas conforme à l’esprit de la réforme ni aux objectifs poursuivis, notamment en termes d’amélioration du climat scolaire.

● Comme dans le droit existant, la mesure s’applique aux écoles maternelles et élémentaires et aux collèges relevant de l’enseignement public, et non à ceux de l’enseignement privé.

Seuls les téléphones portables sont visés par l’interdiction prévue par l’article L. 511-5 ; néanmoins, il semble utile d’étendre cette interdiction à d’autres appareils susceptibles d’être connectés à internet, tels que les tablettes et les montres connectées, afin d’éviter un effet de substitution entre les équipements que les élèves apportent à l’école.

Le champ d’application de l’interdiction est défini par référence aux lieux (écoles maternelles et élémentaires, collèges) : se pose donc la question de l’application de la mesure lorsque les élèves ne se trouvent pas dans l’enceinte de l’établissement, par exemple lors d’un cours d’EPS dans un gymnase, ou encore lors d’une sortie scolaire. Il serait utile d’apporter une clarification sur ce point, afin de prévoir l’interdiction du téléphone dans de tels cas – sauf usage pédagogique de l’appareil dans le cadre de la sortie, par exemple dans un musée.

B.   La mise en œuvre de la mesure

● Le présent article imposera aux écoles et collèges de procéder à la révision de leur règlement intérieur, afin de définir expressément les lieux où l’usage du téléphone est autorisé, et non plus les lieux où cet usage est interdit.

Le processus de révision se déroule selon les mêmes modalités que celui d’élaboration du règlement intérieur, présenté supra : c’est au conseil d’école, pour les écoles maternelles et primaires, et au conseil d’administration, pour les collèges, qu’il revient de voter la révision du règlement proposée par le directeur d’école ou la commission permanente dans les collèges ([11]). De par la composition de ces conseils (personnels de l’établissement, parents d’élèves, élus, et, pour les collèges, élèves), la révision du règlement suppose nécessairement l’implication de l’ensemble de la communauté éducative. Par ailleurs, les règlements intérieurs des établissements peuvent préciser des modalités de concertation dans le cadre de leur procédure de révision.

Ont notamment vocation à être associés à la révision du règlement intérieur :

 le comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC) ([12]) : instance de réflexion, d’observation et de proposition présidé par le chef d’établissement, il comprend les personnels d'éducation, sociaux et de santé de l'établissement, des représentants des personnels enseignants, des parents et des élèves, des représentants de la commune et de la collectivité de rattachement au sein de ce conseil, ainsi que des représentants des partenaires institutionnels. Dans chaque établissement, le CESC contribue à l’éducation à la citoyenneté, prépare le plan de prévention de la violence et propose des actions pour aider les parents en difficulté ;

– la commission éducative ([13]) : elle a notamment pour mission de proposer des réponses éducatives et d’assurer le suivi de l’application des mesures de prévention, d’accompagnement et des mesures de responsabilisation, ainsi que des mesures alternatives aux sanctions ;

– le conseil pédagogique ([14]) : il s’agit d’une instance de consultation des enseignants sur la politique éducative de l’établissement.

Le conseil de la vie collégienne ([15]) est également impliqué dans l’élaboration du règlement intérieur, puisqu’il formule des propositions en la matière ([16]) ; il n’est toutefois pas obligatoirement consulté, à la différence du conseil des délégués de la vie lycéenne.

Enfin, de façon générale, les dispositions du règlement intérieur doivent faire l'objet d'une information auprès de tous les membres de la communauté éducative, notamment lors des journées de pré-rentrée pour les personnels, au cours d’une réunion ou d’un entretien pour les parents d’élèves, par exemple lors de la rentrée, et dans le cadre des heures de vie de classe pour les élèves des collèges et lycées.

Une telle concertation doit permettre l’appropriation de la mesure par l’ensemble de la communauté éducative. Elle peut être aussi l’occasion de débattre de l’usage du téléphone mobile dans l’enceinte de l’établissement par les adultes – qu’il s’agisse des personnels de l’éducation nationale ou des parents – afin d’en favoriser une utilisation raisonnée, dans un souci d’exemplarité et de pédagogie.

 La mise en œuvre pratique de la mesure d’interdiction relève de la responsabilité de l’établissement, comme dans le droit existant. Il ne semble pas opportun de définir une modalité unique, comme par exemple le recours à des casiers pour y laisser les téléphones. Cette option imposerait d’ailleurs aux collectivités territoriales de mobiliser des moyens financiers conséquents, lorsque les établissements n’en sont pas dotés, et impliquerait de disposer d’espaces adaptés pour leur installation, ce qui n’est pas toujours possible. De plus, comme l’ont souligné plusieurs interlocuteurs de la Rapporteure, cette solution pourrait conduire à des risques accrus de vols, tous les appareils étant concentrés dans un même lieu.

Il apparaît par ailleurs nécessaire que le ministère de l’éducation nationale clarifie le cadre juridique de la confiscation, afin de mettre fin aux incertitudes entourant son application. Il s’agit en effet d’un moyen de sanction adapté et utile, lorsqu’il est utilisé de façon proportionnée, d’autant qu’il permet d’impliquer les parents dans le cadre de la restitution et d’engager un dialogue avec eux.

III.   Les modifications apportÉes par la commission

À l’initiative de la Rapporteure, la commission a apporté plusieurs aménagements et précisions au présent article.

En premier lieu, le champ de l’interdiction de l’utilisation du téléphone portable à l’école et au collège est étendu à tous les équipements terminaux de communications électroniques. Cette disposition permet de prendre en compte les équipements connectés tels que les tablettes, les ordinateurs ou encore les montres connectées. Néanmoins, afin de ne pas pénaliser des élèves dont l’état de santé requiert l’usage d’équipements connectés (par exemple des appareils permettant aux enfants diabétiques de gérer leur taux de glycémie), ne sont pas concernés par cette disposition les appareils que les élèves présentant un handicap ou un trouble de santé invalidant sont autorisés à utiliser. 

Ensuite, il est précisé que l’interdiction de l’usage du téléphone mobile (et, désormais, des autres objets connectés) ne s’applique pas lorsque celui-ci est utilisé à des fins pédagogiques. La rédaction proposée par la proposition de loi vient bien mettre un terme à l’interdiction actuelle de l’usage du portable pendant les activités d’enseignement, qui conduisait en pratique à interdire son usage pédagogique et apparaissait contradictoire avec l’objectif d’éduquer les enfants à l’usage des outils et ressources numériques. Néanmoins, il est préférable de préciser dans la loi que l’interdiction du portable ne s’applique pas aux usages pédagogiques, plutôt que de faire figurer ces usages dans les exceptions définies par les règlements intérieurs des établissements scolaires. 

Enfin, l’interdiction s’applique également pendant les activités liées à l’enseignement qui se déroulent hors de l’enceinte des établissements, ce qui permet de couvrir les cours d’éducation physique et sportive (EPS) qui ont lieu dans un gymnase ou un stade, par exemple, ainsi que les sorties scolaires. 

*

La commission est saisie des amendements identiques AC11 de Mme Marie-George Buffet et AC16 de M. Frédéric Reiss.

Mme Elsa Faucillon. Nous ne pensons pas que l’interdiction posée par la proposition de loi se justifie, cela d’autant moins qu’elle nous paraît relever du règlement intérieur des établissements, ce qui nous conduit à demander la suppression de cet article unique.

Nous devons faire confiance aux jeunes quant à l’utilisation des outils numériques, à condition de les accompagner dans cette démarche, or le texte proposé ne prévoit rien à cet égard. Nous devons aussi faire confiance aux personnels des établissements pour élaborer et faire appliquer les règlements. Je ne prétends pas que des difficultés ne se rencontrent pas, dans des établissements, pour faire respecter les règles, mais elles ne concernent pas que le téléphone portable, ce qui pose la question des moyens donnés aux personnels pour bien encadrer les élèves. Il doit y avoir du monde dans les établissements scolaires, et des référents pour que soit appliqué ce qui a été décidé.

Non seulement cet article n’apportera rien, mais, surtout, il illustre la défiance visàvis des outils numériques, sans prendre en considération ce qu’ils peuvent apporter, ni rien proposer pour accompagner et prévenir des dangers encourus.

M. Frédéric Reiss. L’article L. 511–5 du code de l’éducation, dans sa rédaction issue de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, dit pratiquement la même chose, bien que la nouvelle rédaction me paraisse plus restrictive. Cet article unique aurait eu du sens au sein d’un projet global portant sur l’école du numérique, ce dont nous aurions pu discuter, bien que nous soyons ici dans le domaine réglementaire.

Je veux toutefois saluer le travail de Mme la rapporteure, qui a conduit de nombreuses auditions sur un thème qui ne laisse personne indifférent. Mais elle a, tout comme notre président, engagé le débat en reconnaissant qu’il s’agissait d’une promesse de campagne du président Macron, et qu’il fallait à tout prix faire une loi. Or je pense que l’article L. 511–5 du code de l’éducation est amplement suffisant.

Mme Cathy Racon-Bouzon, rapporteure. Ce n’est pas sans fondements qu’une nouvelle rédaction de cet article est proposée, et que l’interdiction est rappelée.

Votre proposition est paradoxale, Madame Faucillon : si vous souhaitez faire une plus grande place à la pédagogie, il ne faut pas laisser les choses en l’état. En effet, les textes en vigueur interdisent l’usage du téléphone portable pendant les heures d’enseignement, ce qu’il nous a justement paru souhaitable de rendre possible lorsque l’enseignant souhaite travailler avec le téléphone comme outil pédagogique.

Quant à la démarche éducative, elle fera l’objet de l’amendement que Cédric Roussel défendra au nom du groupe La République en Marche pour amender le code de l’éducation, et je proposerai moi-même d’autres compléments afin de renforcer la lutte contre certaines dérives de l’usage du numérique.

Il nous semble toutefois important de poser le principe de l’interdiction systématique par défaut, afin de combattre les effets de l’usage du téléphone portable sur les capacités d’attention des élèves et la détérioration du climat scolaire. Nous voulons offrir aux enfants un droit à la déconnexion ; nous l’avons fait pour les adultes, ce qui constitue la marque d’un besoin ressenti par la société. Il nous paraît important de considérer l’école comme une île, un lieu de protection, un répit qui préserve nos enfants d’un manque de socialisation susceptible de se faire jour au sein de l’école.

Pour ces raisons, je suis défavorable à ces amendements de suppression.

M. Cédric Roussel. Pour avoir assisté à l’ensemble des auditions de la rapporteure, je souhaiterais simplement préciser que le principe de cette proposition de loi a été plébiscité, particulièrement par les associations de parents d’élèves.

Ce texte permet de poser le sujet dès la rentrée. Et il doit être mis en pratique par l’ensemble de la communauté éducative.

M. Régis Juanico. Nous avons été destinataires de la contribution de la Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE), une des deux grandes fédérations de parents d'élèves ; à la lecture, je n’ai pas l'impression qu’elle ait plébiscité le texte que nous nous apprêtons à voter…

Ce que j'ai compris entre les lignes, c'est que ce véhicule législatif est incomplet, qu’il ne traite que d'un point très limité. Et, surtout, qu’il a vocation à permettre au ministre de l'éducation nationale, à la rentrée de septembre, de faire des annonces et déployer une communication. C’est normal : il est dans son rôle. Mais en écoutant attentivement mes collègues depuis tout à l'heure, je constate que beaucoup de sujets restent à aborder, éventuellement dans d'autres véhicules législatifs, concernant en particulier l'éducation au numérique.

Je suis membre de plusieurs conseils d’établissements de l’agglomération stéphanoise, notamment de collèges en réseau d'éducation prioritaire (REP ou REP +). Ces derniers mois, j'ai demandé aux principaux, aux enseignants et aux conseillers principaux d’éducation (CPE) qui siègent dans ces conseils si le portable était un souci pour eux. La plupart m’ont répondu que non, que leur règlement intérieur traitait assez bien cette question, aussi ai-je été interpellé tout à l'heure lorsque la rapporteure a dit que la moitié des établissements n'utilisaient pas le règlement intérieur pour interdire le portable partiellement ou complètement.

Je reste donc assez sceptique quant à l'utilité de légiférer, mais je veux bien comprendre qu'il soit nécessaire qu’en septembre le ministre puisse faire des annonces.

La commission rejette les amendements.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AC2 de Mme Frédérique Meunier et AC12 de Mme Marie-George Buffet.

Mme Frédérique Meunier. Après avoir auditionné les agents du ministère de la santé, nous nous interrogeons sur le point de savoir si l’usage du téléphone a des conséquences sur la santé de ces enfants et adolescents. Il serait intéressant qu’un rapport nous soit remis pour connaître les effets de l’usage du téléphone portable dans les écoles. Car il sera difficile d’expliquer à des enfants qu’ils ne peuvent pas utiliser le téléphone dans la cour de l’école parce que c'est dangereux pour leur santé, mais qu’ils pourront l'utiliser dans le cadre de la classe puisque c'est un support d'enseignement.

Mme Marie-George Buffet. Pourquoi faudrait-il attendre pour améliorer cette loi ? Puisque tout le monde ici semble déterminé à ce qu’une information relative à la bonne utilisation des outils numériques soit dispensée et qu’une action de prévention du cyberharcèlement soit mise en œuvre, saisissons l’occasion que nous donne ce véhicule législatif. C’est le sens de notre amendement.

Mme Cathy Racon-Bouzon, rapporteure. À Mme Meunier, je répondrai que le Haut Conseil de la santé publique sera saisi de la question de l'exposition aux écrans ; il conduira une étude et rendra des conclusions. Je vois une contradiction, chère collègue, dans votre refus de poser un cadre d’interdiction : dès lors que l’on interdit l’usage du portable dans l’enceinte de l’établissement, on diminue l’exposition des enfants aux écrans. Quant à l’autorisation d’usage en classe, elle sera laissée à la discrétion de l’enseignant. En tout état de cause, l’exposition sera moindre qu’à l’école ou à la maison aujourd’hui.

Il ne faut pas céder à la caricature en affirmant que le portable est dangereux pour la santé des enfants : c’est la surexposition qui pourrait se révéler dangereuse, pas l’objet en soi ; tout est affaire de mesure. Il est évidemment louable de vouloir creuser le sujet, mais la simple remise d’un rapport ne saurait remplacer la mesure contenue dans cet article.

Pour ces raisons, je suis défavorable à l’amendement AC2.

Quant au remplacement, demandé par Mme Buffet, du dispositif proposé par une mesure éducative, je rappelle que nous souhaitons, nous aussi, renforcer la dimension éducative de la loi. Nous allons, pour ce faire, amender l’article L. 312‑9 du code de l'éducation. En revanche, la rédaction proposée par votre amendement risque de donner à penser que la loi serait le lieu idoine pour préciser le nombre et les modalités des séances d’éducation nécessaires, ce qui ne nous paraît pas opportun. Avis défavorable.

M. Cédric Roussel. Cet amendement sera satisfait par un amendement que je présenterai tout à l’heure au nom de mon groupe.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AC19 de la rapporteure.

Mme Cathy Racon-Bouzon, rapporteure. Le présent amendement vise à améliorer et préciser la rédaction du dispositif, tout en conservant son principe et ses modalités d’application.

Il prévoit tout d’abord d’étendre le champ de l’interdiction prévue pour les téléphones portables à tous les équipements terminaux de communications électroniques : l’objectif est d’inclure les équipements connectés tels que les tablettes, les ordinateurs ou encore les montres connectées, afin d’éviter un effet de substitution dans les appareils que les élèves apporteraient à l’école.

Il répond ainsi aux préoccupations de Mme Descamps, dont l’amendement AC9 fait référence aux tablettes et aux montres connectées, ainsi qu’à l’amendement AC14 de Mme Dumas, qui faisait référence à un dispositif personnel de télécommunication mais a été retiré.

Une disposition est en outre prévue afin de ne pas pénaliser des élèves dont l’état de santé requiert l’usage d’équipements connectés, par exemple des appareils permettant aux enfants diabétiques de gérer leur taux de glycémie. Par ailleurs, l’interdiction de l’usage du téléphone mobile ne s’applique pas lorsque celui-ci est utilisé à des fins pédagogiques, ce qu’il semblait utile de mentionner dans la loi plutôt que de faire figurer ces usages dans les exceptions définies par les règlements intérieurs des établissements scolaires.

Enfin, l’amendement précise que l’interdiction s’applique également pendant les activités liées à l’enseignement qui se déroulent hors de l’enceinte des établissements, ce qui permet de couvrir les cours d’éducation physique et sportive (EPS) ayant lieu dans un gymnase ou un stade, par exemple, ainsi que les sorties scolaires, ce qui satisfait les amendements AC1 de M. Testé et AC5 de M. Galbadon.

Mme Elsa Faucillon. Je m’étonne de constater que l’on parle d’objets et absolument pas de contenus, donc de pratiques. Je peux comprendre que l’on souhaite lutter contre le mauvais usage des appareils et les comportements contrevenant aux règlements, même s’il me semble que cette proposition de loi ne répond pas à ce problème et ne relève pas du domaine de la loi.

En prenant connaissance de cet amendement, je pense à l’adolescent qui utilise son portable ou sa tablette pour lire un roman dans la cour de l’école : ce ne serait donc plus possible ? Cela me pose un problème, je souhaite que nous en débattions. Des jeunes lisent des romans, des mangas, des articles de presse avec leur tablette ou leur téléphone portable dans la cour de récréation, ce qui constitue une incroyable richesse.

M. Stéphane Testé. Cet amendement satisfait effectivement en grande partie celui que j’ai déposé, il faudrait toutefois ajouter à la rédaction de la rapporteure la mention des vestiaires.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence les amendements AC9 de Mme Béatrice Descamps et AC1 de M. Stéphane Testé tombent.

L’amendement AC5 de M. Grégory Galbadon est retiré.

La commission étudie l’amendement AC13 de Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Il s’agit d’un amendement de repli.

Prenons garde à ne pas diaboliser les téléphones mobiles et les tablettes. En Seine‑Saint-Denis, des collèges sont équipés de tablettes servant aux devoirs et permettant de communiquer avec les familles, qui elles-mêmes utilisent cet outil. Un collège situé dans une zone très difficile tend à l’excellence, car les enfants découvrent des outils pour apprendre et se connectent à des sites comme celui de l’Institut national de l'audiovisuel (INA), ce qui est formidable. Nous devons être attentifs à la valorisation de ces nouveaux outils dans l’éducation.

Mme Cathy Racon-Bouzon, rapporteure. Vous soulignez une préoccupation qui est aussi la nôtre. Nous souhaitons poser le principe de l’interdiction afin de poser un cadre à même de prévenir certaines dérives potentielles du numérique, mais aussi valoriser le recours à ces outils dans le cadre d’activités pédagogiques, ce qu’aujourd’hui la loi ne prévoit pas. En effet, des enseignants nous ont dit hésiter à le faire, car ils craignaient d’être hors la loi.

Nous ne diabolisons donc pas l’outil, nous favorisons au contraire le développement de la pédagogie numérique et de l’éducation responsable au numérique.

Mme George Pau-Langevin. Si nous avons largement évoqué les dangers liés à l’usage des instruments numériques, cet amendement a le mérite de mettre l’accent sur le cyberharcèlement. En effet, faute d’avoir conscience des risques auxquels ils s’exposent, beaucoup de jeunes peuvent être piégés par des photos et des informations qui circulent sur internet.

S’il faut limiter l’usage comme vous le proposez, il faut surtout promouvoir l’éducation, et en l’espèce informer les intéressés des risques de cyberharcèlement.

Mme Elsa Faucillon. Plus que de l’interdit, la question est celle du choix des enseignants d’utiliser ces instruments à des fins pédagogiques. En revanche, si l’autorisation de cette utilisation pédagogique constitue le seul objet de ce texte, la question aurait pu être abordée dans le cadre d’une loi plus étoffée se penchant réellement sur les enjeux du numérique.

Par ailleurs, la question de l’égalité des jeunes devant ces appareils est posée : sont‑ils tenus de tous posséder un smartphone pour que le cours puisse être dispensé ? Ou, dans le cadre de modules de lutte contre le cyberharcèlement, des équipements seront-ils mis à leur disposition par les collectivités de référence ? En tout état de cause, des budgets devraient être alloués, car la question de l’égalité des enfants devant la loi pourrait se poser.

Mme Nadia Essayan. Nous sommes sensibles à la nécessité d’informer, d’éduquer et de prévenir au sein de l’école.

Mme Cathy Racon-Bouzon, rapporteure. Il est important d’aider l’enfant à s’emparer de l’outil et à devenir acteur du numérique. Par ailleurs, le téléphone comme moyen d’opposition et de transgression doit être aussi vu comme un matériel scolaire, afin de rendre son usage plus fluide et responsable, et parfois peut-être moins ludique.

Cela fait l’objet d’un amendement que j’ai déposé. Il modifie le code de l’éducation et organise la prévention du cyberharcèlement en favorisant l’éducation au respect de la dignité humaine ainsi qu’à celui de la liberté d’opinion.

À Mme Faucillon, je dirai que l’égalité des enfants devant les équipements constitue un vrai sujet, et qu’aucune disposition existante n’impose la diffusion massive du « BYOD » dans les établissements. Nous en sommes plutôt au stade de l’expérimentation. Des disparités en matière d’infrastructures de réseau sont d’ailleurs constatées entre départements et entre établissements. Or le téléphone portable avec un accès 4G peut permettre à un plus grand nombre d’enfants dans un plus grand nombre d’établissements d’avoir accès à l’outil numérique.

Certains établissements demandent d’ailleurs aux élèves d’apporter leurs propres téléphones et ont un stock d’appareils qu’ils mettent à la disposition de ceux qui n’en n’ont pas. Il faut effectivement rester vigilant face aux inégalités d’accès.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article unique modifié.

Article 2 (nouveau)
Introduction d’une dimension numérique dans la définition de l’éducation à la responsabilité civique

Adopté à l’initiative de M. Cédric Roussel, cet article vient compléter l’article L. 121-1 du code de l’éducation, pour adapter aux enjeux du numérique l’éducation civique à laquelle concourent les écoles, collèges, lycées et établissements d’enseignement supérieur. Il introduit pour ce faire une référence à l’utilisation d’internet et des services de communication au public en ligne au sein des dispositions relatives à l’éducation à la responsabilité civique assurée par les établissements scolaires.

*

La commission est saisie de l’article AC18 de M. Cédric Roussel.

M. Cédric Roussel. Mes chers collègues, cet amendement aura le mérite de nous rassembler. Il vise à compléter l’article L. 121‑1 du code de l’éducation afin que les écoles et collèges transposent à l’ère du numérique l’éducation à la responsabilité civique à laquelle ils concourent et qu’ils puissent former des élèves responsables, y compris dans l’utilisation d’internet et des services de communication au public en ligne.

L’éducation aux médias et à l’information constitue un enjeu primordial pour le Parlement, car elle s’appuie sur une responsabilisation accrue des élèves et de l’ensemble de la communauté éducative.

Mme Cathy Racon-Bouzon, rapporteure. Cet amendement vient compléter le dispositif proposé d'encadrement de l'usage du portable par un volet éducatif qui me semble bienvenu, dans la logique que j'ai présentée dans mon intervention. L’avis est donc favorable.

La commission adopte l’amendement.

Article 3 (nouveau)
Renforcement de la formation à l’utilisation des outils et ressources numériques

Adopté à l’initiative de la Rapporteure, cet article vise à étoffer les dispositions relatives à la formation à l’utilisation des outils et des ressources numériques à l’école figurant à l’article L. 312-9 du code de l’éducation, en renforçant notamment l’éducation aux droits et aux devoirs liés à l’usage d’internet et des réseaux. Selon la même logique que l’article précédent, cet article vient compléter la mesure d’encadrement prévue par l’article 1er par des dispositions éducatives, destinées à favoriser un usage éclairé du numérique.

Le présent article met l'accent sur la nécessité de former les enfants à un usage responsable de ces outils et ressources numériques. Il complète les droits et les devoirs liés à l'usage d'internet, auxquels les élèves doivent recevoir une véritable éducation, et non une simple sensibilisation, en insérant les notions de respect de la liberté d'opinion et de respect de la dignité de la personne humaine ; à cet égard, il vise à renforcer la prévention du cyberharcèlement au sein des établissements scolaires.

Le présent article prévoit que cette formation à l'utilisation des outils numériques doit également contribuer au développement de l'esprit critique des élèves – savoir décrypter les informations, vérifier leurs sources et évaluer leur fiabilité, démonter les rouages des théories du complot… – ainsi qu’à l'apprentissage de la citoyenneté numérique.

*

La commission examine l’amendement AC20 de la rapporteure.

Mme Cathy Racon-Bouzon, rapporteure. Cet amendement s'inscrit dans la même logique que l'amendement précédent, afin d'accompagner la mesure d'encadrement de l'utilisation du portable par un renforcement de l'éducation à un usage responsable du numérique.

Il modifie en conséquence l'article L. 312-9 du code de l’éducation, qui porte sur la formation des élèves à l'utilisation des outils et des ressources numériques, afin de mettre l’accent sur la nécessité de former les enfants à un usage responsable des outils et ressources numériques, ce qui est intrinsèquement lié à la notion de respect d'autrui, soit l'un des savoirs fondamentaux devant être acquis à l'école.

Il complète les droits et devoirs liés à l'usage d'internet énumérés par l'article L. 312‑9, auxquels les élèves doivent recevoir une véritable éducation, et non une simple sensibilisation, en insérant une référence au respect de la liberté d'opinion et de la dignité de la personne humaine.

Enfin, il prévoit que cette formation à l'utilisation des outils numériques doit contribuer au développement de l'esprit critique des élèves – savoir décrypter les informations, vérifier leurs sources et évaluer leur fiabilité, démonter les rouages des théories du complot… – ainsi qu’à l'apprentissage de la citoyenneté numérique.

À cet égard, il me semblerait utile d'engager une réflexion sur la définition d'un parcours d'éducation à la citoyenneté numérique, sur le modèle du parcours d'éducation artistique et culturelle de l'élève, rendu obligatoire par la loi d’orientation et de programmation du 8 juillet 2013 pour la refondation de l'école de la République.

Le comité d'éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC) de chaque établissement a d'ailleurs vocation à jouer un rôle actif pour favoriser le développement d'une cybercitoyenneté chez les jeunes, et donc de lutter contre le cyberharcèlement, ce qui devrait, Mme Buffet, satisfaire en partie votre amendement.

La commission adopte l’amendement.

L’amendement AC10 de Mme Marie-George Buffet est retiré.

Titre de la proposition de loi

La commission examine, en discussion commune, les amendements AC21 de la rapporteure et AC3 de Mme Frédérique Meunier.

Mme Cathy Racon-Bouzon, rapporteure. Cet amendement vise à mettre en accord l’intitulé de la loi avec l’intention du législateur, qui est de confirmer l’interdiction posée tout en préservant la démarche éducative. C’est pourquoi nous proposons de remplacer « l’interdiction de l’usage » par « l’encadrement de l’utilisation ».

Mme Frédérique Meunier. Le groupe Les Républicains souhaite également mettre en cohérence le titre de la proposition de loi avec son dispositif. En effet, la proposition de loi crée les conditions d’une autorisation de l’usage pédagogique du téléphone portable dans le cadre d’un projet éducatif. L’exposé des motifs de la proposition de loi énonce en effet : « cette interdiction ne porte pas sur les usages pédagogiques du téléphone portable, s’inscrivant dans un projet éducatif précis et encadrés par le personnel éducatif ».

Par ailleurs, la présente proposition de loi n’instaure aucune « interdiction » comme le prétend le titre, la loi du 12 juillet 2010 l’ayant déjà inscrite.

Mme Cathy Racon-Bouzon, rapporteure. Comme je l’ai dit déjà, l’ouverture à l’usage à des fins pédagogiques ne constitue qu’une partie de la mesure puisque nous posons aussi le principe de l’interdiction. Pour ces raisons, mon avis est défavorable.

Mme Nadia Essayan. Ceux qui auront été attentifs à mon intervention se rendront compte que je me suis arrêtée à ces mots, que je n’ai pas utilisé le terme d’interdiction, mais celui d’encadrement ; c’est pourquoi je suis favorable à cet amendement.

La commission adopte l’amendement AC21 et le titre de proposition de loi est ainsi rédigé.

En conséquence, l’amendement AC3 devient sans objet.

La commission adopte ensuite l’ensemble de la proposition de loi ainsi modifiée.

 

 

*

*     *

 

En conséquence, la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 

 


—  1  —

   Annexe n° 1 :
Liste des auditions conduites par lA rapporteurE

(par ordre chronologique)

     Audition commune :

 Fédération des parents d’élèves de l’enseignement public (PEEP) – M. Samuel Cywie

 Association de parents d'élèves de l'enseignement libre (APEL) – M. Christophe Abraham, secrétaire général et chargé des relations avec le Parlement

     Webpedago – M. Vincent Olivier, directeur

     Ministère de l’éducation nationale – Direction générale de l’enseignement scolaire – Service du budget, de la performance et des établissements – Mme Françoise Petreault, sousdirectrice de la vie scolaire, des établissements et des actions socio-éducatives, et Mme Liv Lionet, cheffe du bureau du fonctionnement des écoles et des établissements, de la vie scolaire, des relations avec les parents d’élèves et de la réglementation

     Canopé  M. Jean-Marie Panazol, directeur général, Mme Olivia Lemarchand, directrice générale adjointe, M. Jean-Michel Perron, directeur de la recherche et du développement sur les usages du numérique éducatif, et Mme Virginie Sassoon, médiateur de ressources et services co-designer

     Audition commune :

 Association des maires de France (AMF) – Mme Virginie Lanlo, adjointe au maire de Meudon, M. Sébastien Ferriby, conseiller pour l’éducation et la culture, et Mme Charlotte de Fontaines, chargée des relations avec le Parlement

 Association des départements de France (ADF) – Mme Valérie Nouvel, vice-présidente du département de la Manche, Mme Gaëlle Charlemandrier, conseiller pour la culture, le sport et les collèges, et Mme Ann-Gaëlle Werner-Bernard, conseillère pour les relations avec le Parlement

     Ministère de l’éducation nationaleDirection du numérique pour l’éducation  M. Jean-Marc Merriaux, directeur, et M. Jean-Yves Capul, chef du service du développement du numérique éducatif

     Table ronde des syndicats d’enseignants

 Syndicat national des enseignements de second degré (SNES-FSU) – Mme Valérie Sipahimalani, secrétaire générale adjointe, et Mme Anne-Sophie Legrand

 SE-UNSA  Mme Claire Krepper, secrétaire nationale

 SGEN-CFDT – M. Guillaume Touzé, représentant syndical

 SNALC-CSEN  M. Jean-Rémi Girard, président national, et M. Philippe Frey, vice-président national

 SNUIpp-FSU  Madame Nelly Rizzo, secrétaire nationale

     Google  M. Benoît Tabaka, directeur des relations institutionnelles et des politiques publiques

     Audition commune :

 Apple France – M. Vincent Bellissen, directeur pour l’éducation, et Mme Marie-Laure Daridan, directrice des affaires publiques

 Alliance française des industries du numérique (AFNUM) – Mme Maxence Demerlé, déléguée générale

 Samsung – Mme Florence Catel, directrice de la communication et des affaires publiques 

     Table ronde des syndicats de personnels de direction

 Indépendance et direction – FO  M. Cyrille Roger, secrétaire national

 Syndicat national des personnels de direction de l’éducation nationale (SNPDEN-UNSA)  M. Cédric Carraro, secrétaire national, M. Bruno Bobkiewicz, secrétaire national, et M. Pascal Bollore, secrétaire général adjoint

 Syndicat général de l’éducation nationale - CFDT (SGEN-CFDT)  M. Guillaume Touzé et Mme Sylvie Perron, représentants syndicaux

     Direction générale de la santé – Mme Delphine Caamano, adjointe à la cheffe de bureau de l’environnement extérieur et des produits chimiques, sous-direction de la prévention des risques liée à l’environnement, Madame Alice Kopel, chargée de mission au sein du même bureau

     Qwant  M. Léonard Cox, vice-président des affaires publiques et de la responsabilité sociale de l’entreprise, et M. Jean-Baptiste Piacentino, responsable pédagogique


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   Annexe n° 2 :
Liste des textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen de
la proposition de loi

 

Projet de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d'article

Premier

Code de l'éducation

L. 511-5

2

Code de l'éducation

L. 121-1

3

Code de l'éducation

L. 312-9

 


([1]) Baromètre du numérique 2017, publié par l’Agence du numérique, l’Autorité de régulation des communications électroniques (Arcep) et le Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies.

([2]) Étude sur les données personnelles des jeunes sur internet réalisée par l’association Génération numérique et la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) en juin 2017, auprès de 6 417 jeunes de 11 à 18 ans.

([3]) La loi relative à la protection des données personnelles, adoptée par l’Assemblée nationale le 14 mai dernier et dont le Conseil constitutionnel a été saisi le 16 mai dernier, fixe à 15 ans l’âge à partir duquel un mineur peut s’inscrire sur un réseau social sans que le consentement de ses parents ne soit requis.

([4])  « Technology, distraction and student performance », de Louis-Philippe Beland et Richard Murphy, mai 2015, Paper n 1350 du Centre for economic performance de la London School of Economics and political science.

([5]) Enquête de février 2018 réalisée par l’UFC-Que Choisir.

([6]) Article 183 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement.  

([7])  Loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République.

([8]) S’agissant des établissements d’enseignement privés sous contrat, aux termes de l’article R. 442-55 du code de l’éducation concernant les établissements d’enseignement privés sous contrat, « le chef d'établissement assume la responsabilité de l'établissement et de la vie scolaire. ». Seul l'enseignement est soumis au contrôle de l'État en application des articles L.442-1 et L.442-5 du même code.

([9]) Circulaire n° 2014-088 du 9 juillet 2014 du ministère de l’éducation nationale pour les écoles, article R. 421-5 du code de l’éducation et circulaire n° 2011-112 du 1er août 2011 pour les établissements secondaires.

([10]) Circulaire n°2014-059 du 27 mai 2014 du ministère de l’éducation nationale sur l’application de la règle, les mesures de prévention et les sanctions.

([11]) Aux termes de l’article R. 421-37, la commission permanente dans les collèges, qui est présidée par le chef d’établissement, comprend les membres suivants : le chef d'établissement adjoint, l’adjoint gestionnaire, un représentant de la collectivité territoriale de rattachement, quatre représentants élus des personnels, trois représentants élus des parents d'élèves et un représentant élu des élèves.

([12]) Prévu par les articles R. 421-46 et R. 421-47 du code de l’éducation.

([13]) Prévue par l’article R. 511-19-1 du code de l’éducation.

([14]) Prévu par les articles R. 421-41-1 et suivants du code de l’éducation.

([15]) Présidé par le chef d’établissement, il est composé de représentants des élèves, d’au moins deux représentants des personnels et d’au moins un représentant des parents d’élèves.

([16]) Article D. 422-33-2 du code de l’éducation.