N° 993

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIEME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le mercredi 30 mai 2018.

 

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Sainte-Lucie et de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Sainte-Lucie,

PAR M. Guy Teissier

Député

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ET

 

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

 

 

Voir les numéros :

Sénat : 576 (2016-2017), 138, 139 et T.A. 37 (2017-2018).

Assemblée nationale : 528


 


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SOMMAIRE

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 Pages

introduction

I. Un pays voisin avec lequel la coopération judiciaire s’impose

A. Un petit État voisin de la Martinique

B. Les relations judiciaires

1. Le contexte

2. Les relations judiciaires actuelles entre la France et Sainte-Lucie

3. Négociations et améliorations apportées par les conventions

II. Contenu des conventions

A. LA CONVENTION D'entraide juDiciaire

1. Champ d’application et restrictions à l’aide

2. Des échanges plus fluides

3. Techniques modernes de coopération

4. Modalités spécifiques d’entraide

5. Confidentialité et encadrement de l’usage des éléments transmis

6. Dispositions finales

B. LA CONVENTION D'EXTRADITION

1. Le champ d’application

2. Motifs classiques de refus et peine de mort

3. Principe de spécialité et exceptions

4. Aspects procéduraux et frais

5. Clauses finales

CONCLUSIOn

EXAMEN EN COMMISSION

ANNEXE :

TEXTE DE LA COMMISSION des affaires étrangères


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   introduction

Mesdames, Messieurs,

Notre commission est saisie du projet de loi autorisant l'approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Sainte-Lucie et de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Sainte-Lucie.

Il s’agit donc de deux conventions complémentaires l’une de l’autre : une convention d’entraide judiciaire qui permet à deux États une coopération étroite dans le traitement des affaires pénales de toutes sortes, et une convention d’extradition qui leur permet de se livrer mutuellement les personnes poursuivies et condamnées selon leurs législations respectives.

Bien que Sainte-Lucie soit un petit État, la coopération judiciaire entre elle et la France est un sujet important. La Martinique n’est située qu’à une soixantaine de kilomètres de son territoire et l’activité des gangs criminels dans la région est devenue inquiétante ces dernières années. Profitant de l’éclatement de la région en nombreux États de petite taille qui n’ont pas toujours les moyens de coordonner suffisamment l’action de leurs services de police, les trafiquants ont fait des Caraïbes une région de transit importante pour les drogues illicites, et cette activité a entraîné une augmentation des crimes violents, notamment des homicides.

La coopération judiciaire et les demandes d’extradition ont en effet déjà lieu de façon courante entre la France, et plus particulièrement les territoires français de la région, et Sainte-Lucie. Les deux conventions que nous sommes appelés à examiner permettront de formaliser cette coopération et de l’encadrer avec les dispositions habituelles aux conventions de ce type.

 


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I.    Un pays voisin avec lequel la coopération judiciaire s’impose

A.   Un petit État voisin de la Martinique

Avec une population d’environ 180 000 habitants sur une superficie de 610 km2, Sainte-Lucie, Royaume du Commonwealth britannique indépendant depuis 1979, est un petit État situé à une soixantaine de kilomètres de la Martinique. Son PIB par habitant, de 7 736 dollars américains, est nettement inférieur à celui de la Martinique (25 546 dollars par habitant en 2015, avec 384 000 habitants sur un territoire de 1130 km2).

Son économie, basée à 83,6 % sur le tourisme, affiche une croissance de moins de 1% depuis 2009 (sauf en 2015, avec 1,8%), un déficit budgétaire de 3,9% du PIB et une dette publique de plus de 80% du PIB, ainsi qu’un taux de chômage élevé qui n’est pas précisément mesuré, mais qui paraît élevé. Sainte-Lucie a reçu une aide extérieur d’environ 150 millions d’euros de la part de l’Union européenne depuis 1975. L’Agence française de développement y intervient depuis son bureau basé en Martinique.

Sainte-Lucie est membres de l’Organisation des États de la Caraïbe orientale, organisation créée en 1981 ([1]) dont les membres ([2]) disposent d’une monnaie commune, d’un système de sécurité régional et s’efforcent d’harmoniser leurs politiques dans de nombreux domaines. Une union économique est entrée en vigueur le 21 janvier 2011 ([3]). La Martinique est devenue membre associé ([4]) par l’accord d’adhésion du 4 février 2015, entré en vigueur en 2016. Une demande d’adhésion en tant que membre associé de la Guadeloupe et de Saint-Martin est en cours.

La France est le seul pays de l’Union européenne à disposer d’une ambassade à Sainte-Lucie. La coopération bilatérale s’exerce principalement dans le domaine culturel, l’Alliance française comptant 510 élèves en 2015 et des échanges culturels qui se développent entre Sainte-Lucie et la Martinique, ainsi que la Guadeloupe.

B.   Les relations judiciaires

1.   Le contexte

La région caraïbe fait face à une expansion des groupes criminels régionaux spécialisés dans les trafics internationaux, pour lesquels la faiblesse des États est un atout important. Sainte-Lucie, Saint-Vincent et la Dominique sont les principaux États concernés par ce phénomène. Le PNUD relève que le nombre d’homicides liés aux activités des gangs criminels a fortement augmenté ces douze dernières années dans la région.

Pour Sainte-Lucie, pays de transit pour les trafics de drogue, 91 homicides ont été enregistrés en 2011 et 57 en 2015, principalement entre membres de gangs. Les saisies de drogue sont également importantes, avec 804 kg de cannabis et 312 kg de cocaïne saisis en 2016. Plusieurs dizaines de saint-luciens sont actuellement incarcérés en Martinique et en Guadeloupe.

Dans ce contexte, les deux textes soumis à notre commission, une convention d’entraide judiciaire en matière pénale et une convention d’extradition, sont attendus avec une certaine impatience par les autorités judiciaires et les services de police des communautés françaises des Caraïbes.

La France a adressé à Sainte-Lucie neuf demandes d’entraide judiciaire en matière pénale depuis 2012 (trois pour homicide volontaire, deux pour tentatives de meurtre, une pour viol, deux pour infraction à la législation sur les stupéfiants) et six demandes extraditions depuis 2010 (vols accompagnés de violences, séquestrations, enlèvements ou meurtres). Quatre personnes ont été remises à la France, une personne a été expulsée vers la Martinique sans notification de la demande d’extradition). Sainte-Lucie a saisi la France d’une demande d’entraide mais ne l’a saisie d’aucune demande d’extradition.

Mais il existe également, d’après les Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, un important flux informel de demandes d’entraides entre les autorités judiciaires et les services enquêteurs locaux.

2.   Les relations judiciaires actuelles entre la France et Sainte-Lucie

En matière de coopération judiciaire pénale, la France et Sainte-Lucie sont actuellement toutes deux parties à plusieurs conventions multilatérales spécialisées, adoptées sous l’égide de l’organisation des Nations unies, dont la convention unique sur les stupéfiants du 30 mars 1961, la convention contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes du 19 décembre 1988, la convention contre la criminalité transnationale organisée du 15 décembre 2000 et la convention contre la corruption du 31 octobre 2003.

Sur le plan bilatéral, la France et Sainte-Lucie sont liées, en matière d’extradition, par les stipulations du traité d’extradition entre la France et la Grande-Bretagne, signé à Paris le 14 août 1876, modifiées par les conventions du 13 février 1896 et du 17 octobre 1908 et par l’échange de lettres franco-britannique du 16 février 1978.

La France et Sainte-Lucie ne sont liées par aucun dispositif conventionnel bilatéral d'entraide judiciaire en matière pénale instituant un cadre juridique de coopération dans la recherche de la preuve pénale. Les échanges dans ce domaine s’effectuent dès lors soit sur le fondement des conventions multilatérales susmentionnées, soit sur la base de l’offre de réciprocité, dans le cadre de la courtoisie internationale.

3.   Négociations et améliorations apportées par les conventions

Désireuses de promouvoir une coopération judiciaire bilatérale plus efficace en matière pénale, la France et Sainte-Lucie ont souhaité, d’une part, mettre en place un dispositif conventionnel spécifique et pérenne dans le domaine de l’entraide judiciaire pénale et, d’autre part, moderniser le cadre de leurs relations dans le champ de l’extradition.

Après avoir envisagé dans un premier temps, à partir de 1999, d’engager des négociations avec l’Organisation des États de la Caraïbe Orientale (OECO), les autorités françaises ont finalement décidé de poursuivre les discussions dans un cadre bilatéral, le domaine de l’entraide pénale et de l’extradition relevant de la souveraineté nationale de chaque État membre de cette organisation.

Des projets de conventions d’entraide et d’extradition ont ainsi été adressés aux autorités saint-luciennes en 2011 et une première session de négociation, tenue à Sainte-Lucie en mai 2011, a permis de poser les bases de la discussion sans toutefois aboutir.

Après plusieurs relances de la part de la partie française, une nouvelle session de négociation a pu se tenir à Sainte-Lucie, en mai 2014, à la faveur de la 5ème commission mixte franco-saint-lucienne de sécurité. Les échanges intervenus à cette occasion ont permis de parvenir à un consensus sur les deux projets de texte communiqués par la partie française.

Outre le bénéfice que nos services retireront d’une formalisation de l’entraide judiciaire et des procédures d’extradition, la convention d’extradition devrait permettre de régler deux problèmes qui se posent actuellement.

Le premier concerne l’extension d’extradition, c’est-à-dire le fait pour la partie requérante de demander à la partie requise son consentement pour que la personne extradée puisse être jugée sur certains faits ne figurant pas dans la demande d’extradition originelle. La législation de Sainte-Lucie empêche actuellement cet État d’accepter de telles demandes à moins que la personne concernée ne soit physiquement présente sur son territoire. La convention lui permettra désormais d’y répondre favorablement.

Le deuxième concerne la peine de mort, en vigueur à Sainte-Lucie pour sanctionner les homicides aggravés ([5]). La convention d’extradition prévoit, dans le cas où une personne serait extradée vers Sainte-Lucie pour des faits passibles de la peine capitale, une substitution de plein droit de la peine encourue pour les mêmes faits dans la législation de la partie requise, mécanisme que le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères estime au moins aussi protecteur que celui, habituel, des assurances fournies par l’État requérant de ne pas appliquer la peine capitale si elle est prononcée.

 

 


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II.   Contenu des conventions

A.   LA CONVENTION D'entraide juDiciaire

Le texte de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale correspond au projet communiqué par la France et s’inspire fortement des mécanismes de coopération existant au sein de l’Union européenne et dans le cadre du Conseil de l’Europe. Elle reprend notamment la plupart des dispositions de la convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959, de son protocole additionnel du 17 mars 1978, de la convention du 29 mai 2000 relative à l’entraide judiciaire en matière pénale entre les États membres de l’Union européenne et de ses deux protocoles additionnels du 16 octobre 2001 et du 8 novembre 2001. Aucune modification du droit français n’est nécessaire à son application.

1.   Champ d’application et restrictions à l’aide

En application de l'article 1er, l'entraide judiciaire en matière pénale entre les parties est classiquement « la plus large possible ». Son champ couvre toutes les formes de coopération, y compris celles qui ne font pas l’objet de stipulations expresses.

En application du principe de l'entraide la plus large possible, d'autres modalités de coopération qui ne figurent pas expressément dans les stipulations de la présente convention peuvent être envisagées. L'absence de stipulations relatives à certaines techniques spéciales d'enquête tient cependant au refus de la partie sainte-lucienne de les inclure dans le texte, dans la mesure où son droit interne ne les prévoit pas.

Sont exclues classiquement du champ d'application l'exécution des décisions d'arrestation et les condamnations pénales, sous réserve des mesures de confiscation, ainsi que les infractions militaires. L’article 4 précise les motifs de rejet possible d’une demande d’entraide, qui sont classiques et concernent les infractions politiques et militaires, ou le fait que son exécution puisse porter atteinte à la souveraineté, à l’ordre public ou aux intérêts essentiels de la partie requise. L'aide peut également être refusée, si elle a pour objet une mesure de confiscation et que les faits à l'origine de la requête ne constituent pas une infraction pénale au regard de la législation de la partie requise.

L'article 4 précise cependant que l'entraide ne peut être rejetée au seul motif que la demande se rapporte à une infraction que la partie requise qualifie d'infraction fiscale.

Enfin, un refus ou un ajournement d’entraide doivent faire l’objet d’une information rapide. La forme et le contenu des demandes d’entraide sont décrits à l’article 5.

2.   Des échanges plus fluides

L’article 2 consacre le principe d’une communication directe entre les autorités centrales des deux parties (le ministère de la Justice pour la France, le bureau de l’Attorney General pour Sainte-Lucie). La communication reste néanmoins possible par la voie diplomatique et, en cas d’urgence, par tout moyen.

L’article 6 traite des conditions d’exécution des demandes. Le principe est celui d’une exécution conforme au droit de la partie requise, mais la partie requérante peut demander l’application de formalités et de procédures particulières si le droit de la partie requérante le permet, afin de faciliter l’insertion des preuves dans un dossier pénal.

Pour la même raison, et à la demande de la partie française, la convention permet aux autorités de la partie requérante de demander à assister à l’exécution de la demande d’entraide, voire d’interroger directement un témoin ou un expert, avec le consentement de la partie requise et dans la mesure autorisée par sa législation.

Le droit français ne permettant pas aux autorités françaises de répondre favorablement à une telle demande, cette disposition ne s’appliquera qu’aux demandes d’entraides formulées par la France.

La partie requise exécute les demandes d’entraide dès que possible. L’article 7 simplifie la procédure de demande complémentaire d’entraide dans le même but.

L’article 16 permet à la partie requérante d’adresser les demandes d’extrait de casier judiciaire directement au service compétent, le Casier judiciaire national dans le cas de la France.

L’article 17 permet les dénonciations à fins de poursuites, une partie pouvant ainsi dénoncer à l’autre des faits susceptibles de faire l’objet de poursuites pénales sur son territoire. L’article 18 permet l’envoi spontané d’informations, dans le cadre du droit national de chaque partie, afin de faciliter ces mêmes poursuites.

Enfin, les articles 21 et 22 dispensent de certaines formalités la transmission de documents légaux entre les parties, sauf en cas de demande de la partie requérante.

3.   Techniques modernes de coopération

L’article 10 permet les auditions par vidéoconférence lorsqu’il n’est pas contraire au droit de la partie requise et lorsque les moyens techniques sont disponibles. S’il s’agit d’auditionner une personne poursuivie pénalement, son consentement est également nécessaire.

En France, les articles 706-71 et 694-5 du code de procédure pénale permettent les auditions par vidéoconférence dans le cadre de l’entraide internationale.

L’article 13 permet la transmission de données bancaires pouvant inclure la communication des opérations bancaires réalisées pendant une période déterminée ou le suivi instantané des transactions bancaires, conformément à la législation de la partie requise. Cette dernière doit s’assurer que le client concerné n’est pas informé de cette communication.

L’article 14 oblige la partie requise à procéder dans la mesure où sa législation le permet à des perquisitions, gels d’avoirs et saisies de pièces à conviction. Les articles 706-141 et suivants, 694-10 et 713-36 du code de procédure pénale permettent à la France d’exécuter de telles demandes. L’article 15 précise que les produits et instruments de l’infraction sont à titre prioritaires restitués à la partie requérante, ou peuvent faire l’objet au cas par cas d’un partage entre les parties.

4.   Modalités spécifiques d’entraide

La comparution de témoins ou d’experts devant les autorités judiciaires de la partie requérante et aux frais de cette dernière est prévue à l’article 8. L’article 9 traite de l’immunité judiciaire de ces personnes, qui dure quinze jours au-delà de la date à laquelle sa présence sur le territoire de la partie requérante n’est plus requise. Le transfert de personnes détenues en qualité de témoin est prévu à l’article 11, et implique d’une part le consentement de l’intéressé, d’autre part son renvoi dans le délai indiqué par la partie requise.

5.   Confidentialité et encadrement de l’usage des éléments transmis

L’article 19 oblige les parties à respecter, dans la mesure de leurs moyens, le principe de confidentialité, la partie requise devant préserver la confidentialité de la demande d’entraide, la partie requérante se conformant pour sa part aux demandes de la partie requise concernant la confidentialité des éléments transmis ainsi que leurs conditions d’utilisation.

L’article 20 régit la protection des données personnelles transmises, en fixant les conditions dans lesquelles celles-ci peuvent être utilisées par la partie requérante.

Sainte-Lucie, qui n’est ni membre de l’Union européenne, ni liée par la convention du Conseil de l’Europe pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel adoptée le 28 janvier 1981, ne pourra se voir transférer de telles données qu’à la condition qu’elle assure un niveau de protection adéquat ou suffisant de la vie privée et des libertés et droits fondamentaux des personnes comme le prévoit la loi n° 78-17 du 16 janvier 1978 modifiée, relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et la Commission européenne estiment actuellement que Sainte-Lucie n’assure pas un niveau de protection suffisant de la vie privée, des libertés, et des droits fondamentaux, s’agissant du traitement des données à caractère personnel. Cependant, les stipulations énoncées permettent à la France de soumettre l’utilisation des données à caractère personnel transmises aux autorités de Sainte-Lucie à des restrictions en adéquation avec la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

6.   Dispositions finales

L’article 22 pose le principe de non-remboursement des frais liés à l’exécution des demandes d’entraide judiciaire à la partie requise, à l’exception des frais occasionnés par l’intervention de témoins ou d’experts, par le transfèrement temporaire de personnes détenues ainsi que certains frais liés à une demande d’audition par vidéoconférence.

De facture classique, les articles 23 à 25 sont relatifs au règlement des différends, aux modifications, à l’entrée en vigueur et à la dénonciation de la convention.

B.   LA CONVENTION D'EXTRADITION

La présente convention d’extradition abroge le traité d’extradition entre la France et la Grande-Bretagne du 14 août 1876, modifié par les conventions du 13 février 1896 et du 17 octobre 1908, ainsi que par l’échange de lettres franco-britanniques du 16 février 1978, en principe toujours applicable mais qui n’a jamais servi de fondement à une demande d’extradition. Ce texte ancien n’est en effet plus adapté aux besoins actuels.

La présente convention est constituée d’un préambule et de vingt-cinq articles et correspond, comme la convention d’entraide judiciaire, au projet communiqué par la France. Son contenu est classique et s’inspire très largement de la convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957.

1.   Le champ d’application

L’article 1er énonce le principe classique selon lequel les deux parties s’engagent à livrer à la partie requérante les personnes recherchées par cette dernière, soit pour permettre l’exercice de poursuites pénales, soit pour assurer l’exécution d’une peine privative de liberté prononcée par les autorités judiciaires de la partie requérante. Les communications se font par voie diplomatique (article 2).

L’article 3 énonce le principe classique de la double incrimination, selon lequel les faits donnant lieu à extradition doivent être punis par la loi des deux parties, et précise les seuils retenus pour définir les infractions concernées : au moins deux années d’emprisonnement pour les extraditions à fins de poursuites ; un reliquat de peine d’au moins six mois pour les extraditions à fin d’exécution de peine. La partie requise peut accorder l’extradition si une partie seulement des faits visés remplit ces conditions de seuil.

2.   Motifs classiques de refus et peine de mort

L’article 4 donne la liste des motifs obligatoires de refus d’extradition : infractions militaires, infractions politiques, faits connexes à des infractions politiques, discrimination basée sur la race, la religion ou les opinions politiques, et enfin le fait que la personne concernée doive être ou ait été jugée par un tribunal d’exception n’offrant pas les garanties fondamentales de procédure. L’extradition est également refusée si l’affaire a déjà été jugée dans la partie requise, ou si les faits y sont prescrits.

L’article 5 permet à la partie requise de refuser l’extradition d’une personne ayant sa nationalité au moment de la commission des faits. Si le droit de Sainte-Lucie ne fait pas obstacle à l’extradition de ses nationaux, il en va autrement du droit français : l’article 696-4 du code de procédure pénale interdit à la France d’extrader ses ressortissants, qui peuvent cependant être soumis à des poursuites en application du principe aut dedere, aut juricare (extrader ou poursuivre). Si la partie requise refuse l’extradition d’un de ses ressortissants au motif de sa nationalité, la partie requérante peut lui demander d’engager des poursuites judiciaires.

Les motifs facultatifs de refus sont énumérés à l’article 6. L’extradition peut être refusée lorsque l’infraction a été en partie commise sur le territoire de la partie requise, lorsqu’ils l’ont été sur le territoire d’un État tiers et que le droit de la partie requise ne l’autorise pas sa poursuite, ou si elle a fait l’objet de poursuites ou d’une décision d’interrompre ou de ne pas engager des poursuites sur le territoire de la partie requise. Elle peut également être refusée lorsque la personne a fait l’objet d’un jugement définitif dans un État tiers pour l’infraction concernée. Le refus peut enfin être fondé sur un motif humanitaire.

L’article 7 prévoit un mécanisme de substitution de peine de plein droit pour les infractions pouvant faire l’objet d’une condamnation à la peine capitale. La partie requérante doit alors appliquer la peine encourue pour les mêmes faits dans la législation de la partie requise. Ce mécanisme, appliqué pour la première fois par la France en 2008 dans la convention d’extradition conclue avec le Maroc, est recommandé par le Conseil d’État, mais n’a encore jamais été mis en œuvre.

3.   Principe de spécialité et exceptions

L’article 12 interdit à la partie requérante de poursuivre, de détenir et de juger la personne extradée pour des faits antérieurs à la remise autres que ceux ayant motivé l’extradition, sauf si la partie requise y consent (en répondant favorablement à une demande d’extension d’extradition), ou si la personne revient volontairement sur le territoire de la partie requérante ou ne l’a pas quitté trente jours après l’accomplissement de sa peine.

Cette disposition permettra à Sainte-Lucie d’accéder aux demandes d’extension d’extradition de la France, ce que sa législation ne permet pas aujourd’hui, la participation physique de la personne concernée à une nouvelle procédure judicaire étant nécessaire.

Pour qu’une demande d’extension d’extradition soit accordée, il faudra désormais que l’infraction nouvellement qualifiée puisse donner lieu à extradition dans les conditions prévues par la nouvelle convention, vise les même faits et soit punie d’une peine d’un maximum identique ou inférieur à celui prévu pour l’infraction pour laquelle l’extradition a été accordée.

Enfin, l’article 13 permet la réextradition vers un État tiers avec le consentement de la partie requise à l’origine.

4.   Aspects procéduraux et frais

Selon l’article 8, la législation de la partie requise est seule applicable aux procédures d’arrestation provisoire, d’extradition et de transit. L’article 9 précise les informations qui doivent être contenues dans les demandes d’extradition, l’article 10 permettant à la partie requise de demander des compléments d’information en cas d’irrégularités ou d’insuffisances.

L’article 14 permet à la partie requérante de solliciter l’arrestation provisoire de la personne concernée, en cas d’urgence, avant la remise formelle de la demande d’extradition. L’arrestation provisoire dure au maximum 60 jours.

L’article 21 précise classiquement que les frais liés à l’exécution de la demande d’extradition sont à la charge de l’État requis, tandis que les frais de transport de la personne après remise sont à la charge de l’État requérant.

L’article 16 oblige la partie requise à informer la partie requérante de sa décision et à motiver son refus éventuel. La remise doit avoir lieu dans les 45 jours après la date fixée par les parties, faute de quoi la personne concernée est remise en liberté. La partie requise doit également indiquer à la partie requérante la durée de la détention déjà subie.

L’article 17 prévoit l’ajournement de la remise si la personne concernée est déjà visée par une procédure ou purge une peine sur le territoire de la partie requise, et une remise à titre temporaire si les circonstances l’exigent. L’article 17 traite de la remise d’objets liés à l’infraction et l’article 20 précise les règles de transit d’une personne extradée par un État tiers vers l’une des parties à travers le territoire de l’autre partie.

5.   Clauses finales

S‘agissant de l’articulation de la présente convention avec les autres accords internationaux auxquels la France est partie, l’article 22 énonce le principe selon lequel elle ne porte pas atteinte aux droits et engagements des parties résultant pour elles de tout autre accord auquel l’une ou l’autre ou les deux sont parties.

Dans le cas de la France, il s’agit du pacte international relatif aux droits civils et politiques conclu sous l’égide de l’Organisation des Nations unies et de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Les articles 23 à 25 fixent en des termes classiques les modalités de règlement des différends, d’application dans le temps, de ratification et d’entrée en vigueur.

L’article 25 précise que la présente convention d’extradition abroge le précédent traité afin de clarifier le cadre juridique applicable et éviter toute confusion qui pourrait résulter de l’existence de deux normes conventionnelles bilatérales régissant la même matière.

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   CONCLUSIOn

Les deux conventions dont il est ici question appellent peu de remarques quant à leur contenu. Elles sont conformes à nos engagements internationaux et n’impliquent aucune modification de notre législation. Elles proviennent toutes deux directement des projets soumis par la France à la partie saint-lucienne et contiennent par conséquent toutes les garanties que nous pouvons habituellement trouver dans ce type de textes. Les obligations internationales qu’elles contiennent sont analogues à celles résultant d’engagements européens et internationaux qui ont déjà été intégrés dans notre ordre juridique. Elles sont également très proches des conventions conclues avec Cuba et la République dominicaine.

Elles nous seront surtout utiles pour protéger les territoires français de la région, en premier lieu la Martinique, mais également la Guadeloupe et Saint-Martin, des activités des gangs criminels internationaux qui se sont développées dans la région depuis une dizaine d’années.

À ce jour, Sainte-Lucie n’a pas fait connaître à la partie française l’accomplissement des procédures exigées par son ordre juridique interne pour l’entrée en vigueur de ces deux conventions.

 

 


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   EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine le présent projet de loi au cours de sa séance du mercredi 30 mai 2018.

Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.

M. Bruno Fuchs. Merci beaucoup Monsieur le rapporteur pour votre exposé. Vous avez évoqué un pays exotique, vous avez attiré notre attention et suscité un intérêt particulier. J’allais vous interroger sur la peine de mort dans ce pays, mais vous avez déjà apporté beaucoup de réponses et vous nous avez rassurés. Une autre matière à interrogation est le fait que les autorités de Sainte Lucie n’ont jusque-là pas fait connaitre l’état de leur procédure de ratification. Peut-on en savoir plus sur l’état de cette procédure, étant entendu qu’après le Sénat, cette convention arrive ici à l’Assemblée nationale.

M. Guy Teissier, rapporteur. Effectivement, ça n’a pas encore été accepté par Sainte Lucie. Mais je rappelais dans mes propos liminaires que ces travaux avaient fait l’objet d’une session régulière avec les pays de la Caraïbe. Ces travaux ont été menés d’une façon bilatérale en 2014. Le temps a un peu passé, les choses vont lentement des deux côtés. Mais les choses avancent, puisque nous sommes au point d’accepter ces accords. A priori, il n’y a aucune retenue de la part de Sainte Lucie.

M. Alain David. Je ne connaissais pas beaucoup cette splendide île. Est-ce c’est un gouvernement démocratique ? Vous parlez de transferts, mais par exemple les opposants politiques sont-ils concernés par ce que nous mettons au point ? En nombre d’habitants, quelle est l’importance de cette île ? Et puis, même si apparemment c’est la France qui est demandeur, c’est elle qui a sollicité Sainte Lucie, est-ce que la France a intérêt à signer ? Vous parliez de bandes organisées et de groupes mafieux qui y sévissent, n’y a-t-il pas de risques ?

M. Guy Teissier, rapporteur. Oui, très clairement, c’est la France qui est demandeur, compte tenu de la plaque tournante qu’est devenue la Caraïbe, et nos départements français d’outre-mer, dont la Martinique et la Guadeloupe, qui se trouvent à quelques dizaines de kilomètres. J’ai fait le trajet en bateau, on y est très vite. Ces petites villes, et il y en a beaucoup, constituent des plaques tournantes pour les bandes organisées. La drogue y arrive depuis les Etats d’Amérique latine, les pays producteurs, puis de ces îles, la drogue va en Martinique, et enfin en métropole. Il y a tout un cheminement de la drogue, et c’est vrai que c’est à la demande de la France, de manière à ce que nous puissions avoir des conventions clairement établies avec ce petit pays, qui constitue une plaque tournante importante du trafic et de la grande criminalité. Le gouvernement y est démocratique, mais vous avez entendu dans mon propos que les infractions ou délits à caractère politique ont été exclus. 

M. Maurice Leroy. Merci tout d’abord au rapporteur pour la grande qualité de son rapport. Comme mon collègue l’a fait remarquer, c’est vrai que nous découvrons un peu la situation et que grâce à vous, nous sommes un peu mieux éclairés. Si je comprends bien, vous dites que c’est vraiment à la demande des autorités françaises, du gouvernement, de l’Etat, qu’en l’absence de conventions, on aurait une sorte de paradis non pas fiscal, mais juridique, dans lequel un certain nombre de personnes peuvent se réfugier en toute impunité. Cette convention devrait permettre à nos autorités judiciaires de poursuivre.

M. Guy Teissier, rapporteur. Des demandes d’extradition ont toujours été possibles, on était sur l’usage, il n’y avait pas de convention bipartite. Il y avait une espèce de vide juridique. Ces pays, qui étaient d’anciennes possessions des colonies anglaises, ont connu des indépendances plutôt brutales. L’aide des pays colonisateurs n’a pas été très importante dès le départ, il faut que nous les aidions. D’ailleurs cette convention a été acceptée par Sainte Lucie, mais proposée initialement par la France. Cela permet de régulariser une situation qui était une situation de fait. On rentre dans le droit partagé entre cette petite île, qui reste une plaque tournante, et notre pays.

M. Denis Masséglia. Comme vous l’avez fait remarquer, les Caraïbes sont composés de plusieurs petits pays. Le fait de mettre en place une convention avec Sainte Lucie ne risque-t-il pas de délocaliser le problème une fois que la situation sur place aura été stabilisée ?

M. Guy Teissier, rapporteur. Ne me faite pas dire que le mieux serait l’ennemi du bien.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Réponse courte mais claire.

Mme Bérangère Poletti. Sainte Lucie est proche de la France, du fait de la proximité avec la Martinique ou avec la Guadeloupe. Je voudrais savoir si ce sont des difficultés nées du fait de cette proximité avec la France qui ont donné lieu à cette demande de la part de la France, ou s’il existe d’autres relations internationales avec Sainte Lucie du type « aide au développement » ou autre.

M. Guy Teissier, rapporteur. La proximité a joué un rôle important, on parle de quelques dizaines de kilomètres, environ 60. Ce sont des îles pauvres, très pauvres, malgré des aspects paradisiaques, donc forcément enclines à certains trafics, à des enrichissements faciles. Il y a un institut français à Sainte Lucie et l’Agence française du développement intervient également depuis son site en Martinique.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Merci Monsieur le rapporteur, vous nous avez bien éclairés sur le sujet et nous allons donc pouvoir passer au vote. Belle unanimité en faveur du rapport, bravo Monsieur le rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi.

 


    

   ANNEXE :

   TEXTE DE LA COMMISSION des affaires étrangères

 

 

Article 1er

Est autorisée l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Sainte-Lucie, signée à Castries le 30 septembre 2016, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Article 2

Est autorisée l’approbation de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Sainte-Lucie, signée à Castries le 30 septembre 2016, et dont le texte est annexé à la présente loi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                     

NB : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 528)


([1]) Par le traité de Basseterre du 18 juin 1981.

([2]) Antigua et Barbuda, la Dominique, la Grenade, Saint-Christophe-et-Niévès, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Monserrat.

([3]) Elle a été mise en place par le traité de Sainte-Lucie du 18 juin 2010.

([4]) Avec Anguila et les Îles vierges britanniques.

([5]) Cette catégorie couvre les homicides commis sur un fonctionnaire de police, un magistrat, un témoin ou un membre d’un jury ou bien ceux commis en lien avec la commission d’un vol, d’un incendie volontaire, d’un crime de haine, d’une infraction sexuelle ou d’une infraction en lien avec les stupéfiants ou bien ceux commis en vue d’obtenir un avantage pécuniaire ou bien ceux commis en lien avec un acte de terrorisme, ou bien ceux commis en état de récidive, ou bien enfin ceux commis à l’encontre de plusieurs victimes.

La dernière condamnation a été prononcée en 2011 mais a été commuée en réclusion criminelle à perpétuité, la dernière exécution a eu lieu en 1995.