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N° 1019

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er juin 2018.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI pour la liberté de choisir son avenir professionnel,

 

tome iii

comptes rendus et annexes

 

 

Par Mme Catherine FABRE,
M. Aurélien TACHÉ,
Mme Nathalie ÉLIMAS

 

 

Députés.

 

——

 

 

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale :  904, 975, 981, 979 et 983.


 

 


—  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

Comptes-rendus des débats sur l’examen des articles

1. Réunion du mardi 29 mai 2018 à 16 heures 25 (article 1er)

Article 1 Refondation du compte personnel de formation

2. Réunion du mardi 29 mai 2018 à 21 heures 30 (article 1er suite à l’article 4)

Après l’article 1er

Article 2 Conséquences de la rénovation du compte personnel de formation sur le compte personnel d’activité et le compte d’engagement citoyen

Article 3 Déploiement d’un conseil en évolution professionnelle enrichie

Après l’article 3

Article 4 Redéfinition des actions entrant dans le champ de la formation professionnelle

3. Réunion du mercredi 30 mai 2018 à 9 heures 30 (après l’article 4 à l’article 8)

Article additionnel  Article 4 bis Redéfinition des actions entrant dans le champ de la formation professionnelle

Après l’article 4 bis

Article 5 Généralisation d’une certification qualité des organismes

Après l’article 5

Article 6 Création du plan de développement des compétences et aménagement du régime de l’entretien professionnel

Article additionnel  Article 6 bis Inclure l’évolution professionnelle dans le champ de la base de données économiques et sociales

Article 7 Assouplissement du cadre juridique du contrat d’apprentissage

Article 8

4. Réunion du mercredi 30 mai 2018 à 17 heures 15 (article 8 à l’article 9)

Article 8 (suite) Assouplissement du cadre juridique du contrat d’apprentissage

Après l’article 8

Article additionnel  Article 8 bis Création d’une troisième « prépa-métiers »

Après l’article 8 bis

Article additionnel  Article 8 ter Assouplissement du cadre juridique applicable aux mineurs dans un débit de boissons à consommer sur place

Article 9 Assouplissement du cadre juridique du contrat d’apprentissage

5. Réunion du mercredi 30 mai 2018 à 21 heures 30 (article 10 à l’article 13)

Article 10 Modification des compétences sur l’orientation

Après l’article 10

Article 11 Nouveau cadre juridique pour les centres de formation d’apprentis (CFA)

Article additionnel  Article 11 bis Valorisation de l’activité de formation des établissements publics d’enseignement supérieur

Après l’article 11 bis

Article 12 Aide unique

Article 13 Contrats de professionnalisation, suppression des périodes de professionnalisation et préparation opérationnelle à l’emploi

6. Réunion du jeudi 31 mai 2018 à 9 heures 30 (après l’article 13 à l’article 16)

Article additionnel  Article 13 bis Évaluation des effets du projet de loi sur la promotion de la mobilité des alternants

Après l’article 13 bis

Article 14 Régulation renouvelée de l’offre de certifications professionnelles

Article additionnel  Article 14 bis Accès des personnes en situation de handicap aux attestations de compétences

Article additionnel  Article 14 ter Adaptation du régime des établissements publics  d’enseignement supérieur et de recherche

Article 15 Rôle des acteurs

Après l’article 15

Article 16 Création de France compétences

7. Réunion du jeudi 31 mai 2018 à 14 heures 15 (article 16 suite à l’article 29)

Article 16 (suite) Création de France compétences

Après l’article 16

Article 17 Contribution unique à la formation professionnelle et à l’apprentissage

Article 18 Contribution unique à la formation professionnelle et à l’apprentissage

Après l’article 18

Article 19 Création des opérateurs de compétences

Après l’article 19

Article 20 Création des opérateurs de compétences

Après l’article 20

Article 21 Contrôle de l’obligation de participation au développement de la formation professionnelle

Article 22 Dispositions applicables dans les départements et dans certaines collectivités de l’outremer

Article 23 Ratification d’ordonnances relatives à l’universalisation du compte personnel d’activité et au droit du travail applicable à Mayotte

Article 24 Correction d’erreurs de références juridiques

Article 25 Entrée en vigueur du titre I

Article additionnel  Article 25 bis Évaluation du titre I du projet de loi

Article 26 Ouverture du régime d’assurance chômage aux démissionnaires et aux travailleurs indépendants

Article 27 Prévention des démissions insuffisamment préparées et dispositif de contrôle spécifique aux démissionnaires

Article 28 Création de l’allocation des travailleurs indépendants

Après l’article 28

Article 29 Possibilité de faire varier le taux de la contribution patronale d’assurance chômage en fonction du nombre de fin de contrats

8. Réunion du jeudi 31 mai 2018 à 21 heures 15 (article 29 à après l’article 66)

Article 29 (suite) Possibilité de faire varier le taux de la contribution patronale d’assurance chômage en fonction du nombre de fin de contrats

Après l’article 29

Article additionnel  Article 29 bis Permettre le remplacement de plusieurs salariés  avec un seul contrat à durée déterminée

Article 30 Règles de financement du régime d’assurance chômage

Après l’article 30

Article 32 Cadrage des négociations des accords d’assurance chômage

Article 33 Mise en œuvre transitoire par voie réglementaire de certaines mesures habituellement fixées par la convention d’assurance chômage

Article 34 Mise en œuvre à titre expérimental d’un journal de bord des demandeurs d’emploi

Avant l’article 35

Article 35 Modernisation de la définition de l’offre raisonnable d’emploi

Article 36 Modernisation des règles de contrôle et de sanction des demandeurs d’emploi

Après l’article 36

Article additionnel  Article 36 bis Mention des voies et délais de recours dans la décision de Pôle Emploi relative à la mise en paiement de l’allocation d’assurance

Après l’article 36 ter

Article additionnel  Article 36 bis Rapport au Parlement sur le non-recours aux droits  en matière d’assurance chômage

Article 37 Dispositions relatives à l’outremer

Article 38 Actualisations rédactionnelles

Article 39 Modalités d’entrée en vigueur

Article 40 Simplifier l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés

Après l’article 40

Article 41 Transmission des informations relatives aux caractéristiques de l’emploi dans la déclaration sociale nominative

Article 42 Extension des dispositions précédentes aux employeurs publics

Article 43 Renforcer la cadre d’intervention des entreprises adaptées

Article 44 Transposition de la directive relative à l’accessibilité des sites internet

Article 45 Transposition de la directive à l’utilisation des œuvres protégées pour des personnes handicapées

Article 46 Inclure dans la représentation des salariés les bénéficiaires de contrats unique d’insertion

Article additionnel  Article 46 bis Informations contenues dans la déclaration de performance extra-financière des entreprises

Article 47 Suppression du Conseil national de l’insertion par l’activité économique

Article 48 Suppression de la participation des missions locales aux maisons de l’emploi

Article 49 Dispositions relatives à l’organisation de Pôle Emploi

Avant l’article 50

Article 50 Allègement des obligations applicables au détachement frontalier ou de courte durée

Article 51 Allègement des obligations applicables au détachement pour compte propre

Article 52 Suppression de la contribution forfaitaire détachement

Article additionnel  Article 52 bis Introduction d’une nouvelle condition à la reconnaissance du statut de salarié détaché

Article 53 Rehaussement du plafond des amendes administratives relatives aux prestations de service internationales et allongement de la période de prise en compte de la réitération

Article 54 Suspension des prestations d’internationales en cas de nonpaiement des amendes administratives

Article 55 Suppression du caractère suspensif du recours formé contre les titres de perception d’amendes administratives

Article 56 Extension du champ de la sanction administrative de fermeture temporaire d’établissement

Article 57 Création d’un nouveau cas d’infraction de travail dissimulé par dissimulation d’activité

Article 58 Création d’une amende administrative pour absence de déclaration d’un chantier forestier ou sylvicole

Article 59 Diffusion des condamnations pour travail illégal en bande organisée

Article 60 Renforcement des pouvoirs d’enquête de l’inspection du travail en matière de travail illégal

Avant l’article 61

Article 61 Mesure des écarts de rémunération et actions en faveur de l’égalité professionnelle

Article 62 Information sur les voies de recours en matière de harcèlement sexuel sur le lieu de travail

Après l’article 62

Article additionnel  Article 62 bis Inclusion dans la négociation relative à l’égalité professionnelle  de l’enjeu de la lutte contre le harcèlement sexuel

Après l’article 62 bis

Article additionnel  Article 62 ter Inclusion dans la négociation relative à l’égalité professionnelle  de l’enjeu d’accès à la formation et à la qualification

Article 63 Prise en compte de l’activité professionnelle exercée par le fonctionnaire en disponibilité

Article 64

Article 65

Après l’article 65

Article 66 Habilitation à prendre par ordonnances les mesures de coordination et de correction des dispositions du présent projet de loi

Après l’article 66

Annexes

Liste des personnes auditionnées par la rapporteure catherine fabre

Liste des personnes auditionnées par le rapporteur Aurélien Taché

Liste des personnes auditionnées par la rapporteure Nathalie Elimas

Annexe article 11 tableau récapitulatif

Résultats de la consultation citoyenne

Glossaire

Liste des textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen du projet de loi


—  1  —

Comptes-rendus des débats sur l’examen des articles

La Commission procède à l’examen des articles du projet de loi lors de ses séances des mardi 29, mercredi 30 et jeudi 31 mai 2018.

1.   Réunion du mardi 29 mai 2018 à 16 heures 25 (article 1er)

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.6078199_5b0d5f67bbc98.commission-des-affaires-sociales--liberte-de-choisir-son-avenir-professionnel--29-mai-2018

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Mes chers collègues, notre ordre du jour appelle l’examen du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Au cours des deux dernières semaines, nous avons procédé à l’audition d’un certain nombre d’acteurs, dont la ministre du travail, et à la discussion générale.

Je remercie la ministre d’être une nouvelle fois présente parmi nous pour l’examen des articles. D’emblée, je précise qu’elle ne sera des nôtres ni demain matin ni jeudi matin car elle devra participer au séminaire gouvernemental puis présider un événement international.

Avant de passer à l’examen du texte, je rappelle que certains organes de l’Assemblée se sont saisis de notre texte mais n’ont adopté leur rapport qu’après notre discussion générale. C’est le cas de la commission des affaires européennes, de la Délégation aux outre-mer et de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Je vais donc donner la parole à leurs rapporteurs, afin qu’ils présentent le résultat de leurs travaux.

M. Thierry Michels, au nom de la commission des affaires européennes. J’ai l’honneur de vous présenter les observations de la commission des affaires européennes sur le présent projet de loi.

Ce texte contient en effet des dispositions importantes concernant d’une part la mobilité européenne des apprentis et des salariés en contrat de professionnalisation, d’autre part le détachement des travailleurs.

En ce qui concerne la mobilité européenne, les opportunités offertes à la jeunesse sont déséquilibrées de manière flagrante. Depuis sa création, 615 000 étudiants ont bénéficié du programme Erasmus, contre seulement 25 600 apprentis pour des durées bien plus faibles, de deux à trois semaines en moyenne.

Le texte prend en compte les préconisations très pertinentes du rapport Arthuis et représente un progrès significatif. Il complète ainsi le statut de l’apprenti mobile, inscrit dans la loi en janvier dernier, et il l’étend au contrat de professionnalisation. Il s’agit, par exemple, d’inscrire la promotion de la mobilité internationale dans les missions des centres de formation d’apprentis (CFA), ou de faciliter la mobilité des personnes en contrat de professionnalisation, en suspendant certaines obligations de l’employeur pendant la durée de la mobilité et en garantissant la couverture sociale du salarié.

Ces dispositions sont très positives. Elles font écho aux témoignages que j’ai pu recueillir lors d’une consultation citoyenne sur l’Europe. Les jeunes apprentis souhaitent cette mobilité. Quoi de plus positif pour l’Europe que d’avoir des jeunes Français qui partent en ambassadeurs de notre pays et reviennent en ambassadeurs du pays qui les a accueillis ?

En résumé, nous nous réjouissons du fait que la France montre le chemin en Europe pour créer un futur statut de l’apprenti européen. Il faudra toutefois être vigilant et s’assurer que ces facilités administratives se traduisent dans les faits. Il faut travailler sur l’accompagnement linguistique des jeunes volontaires et inciter tous les acteurs – branches, CFA – à s’emparer de ces nouvelles possibilités pour s’assurer de leur réussite.

Il faut aussi créer les conditions d’une mobilité entrante des apprentis en provenance des pays européens. Nous avons en France des filières d’excellence à faire valoir : dans le domaine de l’art de vivre à la française – la restauration, l’hôtellerie et les métiers d’art – mais aussi dans les domaines scientifiques et industriels, je pense à l’utilisation du numérique dans le domaine de la santé. Il faut encourager nos partenaires à adopter des dispositions analogues aux nôtres.

Concernant le détachement des travailleurs, le texte est en cohérence avec tout le travail mené par la France au niveau européen sur la révision de cette directive. Il s’agit de revenir à sa philosophie originelle : favoriser les prestations de services ponctuelles et non s’exposer à une concurrence déloyale du fait des différences de niveau social entre les pays de l’Union européenne. J’en profite d’ailleurs pour saluer le vote du Parlement européen sur la directive révisée.

Le projet de loi s’articule autour de deux axes : amélioration des conditions de détachement par allégement des contraintes administratives dans certains cas spécifiques ; renforcement des sanctions en cas de fraude. L’assouplissement des contraintes administratives concernera les zones frontalières par accord bilatéral ainsi que les entreprises intervenant pour de courtes durées ou exerçant des activités non susceptibles de fraude – voyages d’affaires, festivals – et celles opérant pour compte propre.

S’agissant de l’approfondissement des sanctions, le texte prévoit trois dispositifs : la hausse des amendes administratives en cas de fraude au noyau dur de la réglementation française ou de manquements aux obligations déclaratives ; l’extension des cas de décisions préfectorales de cessation d’activité pour travail illégal et la création d’un nouveau cas d’infraction de travail dissimulé pour des entreprises établies en France qui se prévaudraient néanmoins de la directive sur le détachement des travailleurs ; la diffusion automatique de certaines condamnations pour travail dissimulé selon le principe du name and shame, c’est-à-dire nommer et faire honte. Le texte prévoit aussi de donner plus de moyens à l’administration pour qu’elle puisse jouer son rôle, et il étend les pouvoirs de l’inspection du travail – accès aux données informatisées, nouveaux pouvoirs d’enquête.

Ces mesures pragmatiques doivent être soutenues. Il faut revenir à l’esprit du détachement des travailleurs. La France n’est pas contre une telle pratique mais elle doit lutter contre les fraudes. Il faut rappeler que la France, avec la Pologne et l’Allemagne, est l’un des trois principaux pays qui détachent des travailleurs. Nous devons toutefois rester vigilants aux négociations bilatérales qui vont concerner les zones frontalières, de manière à ce que les accords soient équilibrés et à ce qu’ils préservent nos intérêts nationaux.

En outre, l’assouplissement des formalités pour certaines catégories de détachements devra permettent de redéployer les moyens de l’inspection du travail en direction de la lutte contre les fraudes au détachement des travailleurs. Cette lutte devra être impitoyable, notamment dans les secteurs où l’on sait que les fraudes sont nombreuses : bâtiment, transports, agriculture. Je propose que l’on mette en place une évaluation de ces dispositifs au bout de deux ans, afin que l’on s’assure de leur effectivité et de leur pertinence.

De manière plus générale, j’en conclus que nous devons absolument poursuivre notre action en faveur d’un socle social européen.

Mme Éricka Bareigts, au nom de la Délégation aux outre-mer. La formation professionnelle et l’apprentissage sont parmi les trois besoins les plus fréquemment exprimés et les plus importants pour nos trois millions de concitoyens ultramarins. Tels sont les résultats des consultations engagées par le Gouvernement dans le cadre des Assises des outre‑mer.

Les attentes que suscite cette réforme sont donc tout aussi – sinon plus – importantes au sein des outre-mer. Les réalités économiques, sociales ou géographiques de nos territoires sont cependant spécifiques.

Au plan économique, nos territoires se distinguent par la très forte prévalence des très petites entreprises (TPE) : 96 % des entreprises ultramarines appartiennent à cette catégorie, selon les chiffres de la loi de finances pour 2018. Cette réalité induit des branches peu – voire pas – structurées dans notre territoire et la faiblesse de la représentation des organisations nationales.

Au plan social, le niveau de formation initiale de la jeunesse ultramarine demeure inférieur à la moyenne nationale et le taux de décrochage scolaire est particulièrement préoccupant. Selon un rapport du 11 février 2015 du Conseil économique, social et environnemental (CESE) sur l’insertion professionnelle des jeunes ultramarins, le taux de jeunes sans diplôme reste supérieur au taux moyen national qui est de 13 %. Il est notamment de 35 % à Saint-Martin, de 38 % en Guyane, de 63 % à Mayotte. De plus, malgré des progrès récents, le taux de chômage demeure plus important dans les outre-mer que dans l’hexagone. Soulignons que le taux de chômage des jeunes âgés de quinze à vingt-quatre ans est très élevé : 55 % en Guadeloupe, 52 % à La Réunion, 46 % à Mayotte et en Guyane.

Au plan géographique, nos territoires situés en Afrique, Asie ou Océanie sont en situation de concurrence directe avec nos voisins maritimes. Cependant, cette concurrence ne se fait pas à armes égales. Dans le cas de la Réunion et de Mayotte, c’est l’Afrique du Sud qui est en train de fixer les normes en matière de formation professionnelle pour l’Afrique australe, voir l’ensemble de l’Afrique, à l’exception des pays du Maghreb. Les Sud-Africains disposent d’ores et déjà d’un rayonnement et d’une influence internationale remarquables. Ils travaillent, par exemple, étroitement avec l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO). À l’avenir, l’Inde ne sera-t-elle pas un concurrent encore plus redoutable ? Il s’agit de marchés dont nous sommes malheureusement absents et aussi d’échanges internationaux dans lesquels nos territoires ne s’inscrivent pas. Or la formation professionnelle représente un levier stratégique pour l’insertion de notre jeunesse dans ces bassins régionaux.

Tels sont les principaux enjeux, dressés à grands traits, veuillez m’en excuser, de la formation professionnelle dans les outre-mer. Tels sont également les motifs qui expliquent la saisine de la Délégation des outre-mersur ce projet de loi, à la demande des députés qui en sont membres.

Je tiens ainsi à saluer Justine Benin et Josette Manin, mes deux co-rapporteures : nous avons mené un travail transpartisan pour avancer au service de nos territoires et de leur développement. Je tiens aussi à remercier le président de la Délégation, Olivier Serva, pour son soutien.

Depuis le début de cette législature, c’est la première fois que la Délégation aux outre-mer se saisit sur un projet de loi. Notre travail se focalise surtout sur les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution. En Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, la formation professionnelle relève des compétences du pays. Nous ne proposerons qu’un amendement – important – ayant trait à ces deux collectivités, afin de donner la possibilité à France compétences de nouer des partenariats avec les agences en charge de la formation professionnelle dans ces territoires.

Faute de temps pour présenter en détail nos propositions, je vous indique qu’elles ont pour finalité de s’assurer que les spécificités des outre-mer soient bien prises en compte dans cette vaste réforme. Nous proposerons ainsi des mesures visant à la représentativité des outre‑mer au sein de France compétences, à l’articulation entre organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) dans nos territoires et branches – peu structurées –, ou à la mobilité océanique des actifs ultramarins.

Sur ce dernier sujet, il semble désormais exister un vaste consensus sur la nécessité d’envisager la formation professionnelle dans un cadre international pour les outre-mer. Ce consensus réunit nos forces vives, nos collègues parlementaires – tous partis confondus – le député européen Jean Arthuis, et le Président de la République. Dans son rapport, Jean Arthuis propose un Erasmus de l’apprentissage spécifique aux Ultramarins. En octobre dernier, dans son discours de Cayenne, le Président de la République affirmait : « Nous devons aider les Réunionnais à aller à Madagascar ou en Afrique. Les Antilles veulent pouvoir rayonner dans la Caraïbe et échanger avec celles et ceux avec qui ils auront ou à faire commerce ou à développer des relations académiques. » Tous les acteurs se réunissent autour d’une même volonté politique.

Madame la ministre, vous avez indiqué, et je vous en remercie, que vous regarderez avec bienveillance les amendements visant à renforcer la formation professionnelle et la mobilité dans nos bassins océaniques. Il s’agirait, mes chers collègues, d’une petite révolution pour nos territoires et pour nos concitoyens ultramarins, semblable à celle qu’a constitué le programme Erasmus pour l’hexagone. Il s’agirait de permettre aux outre-mer de s’intégrer, de s’insérer dans leurs bassins régionaux et ainsi de s’ouvrir à de nouvelles ambitions et perspectives.

M. Pierre Cabaré, au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Nous en sommes tous d’accord : les femmes subissent de trop nombreuses inégalités professionnelles qui ne sont pas acceptables bien qu’elles soient encore, hélas, le quotidien de la vie professionnelle de la plupart d’entre elles.

Représentant environ 48 % de la population active, les femmes subissent encore de nombreuses inégalités : elles occupent 80 % des emplois à temps partiel ; elles représentent plus des deux tiers des travailleurs pauvres ; elles sont confrontées à un environnement professionnel souvent sexiste et ségrégué. Plus exposées à la précarité dans l’emploi, elles voient également leurs possibilités limitées par le fameux plafond de verre pour l’accès aux postes à responsabilités, et elles ont des déroulements de carrières moins favorables que les hommes. Ces inégalités se traduisent aussi en termes de rémunérations : en France, en 2018, les femmes gagnent environ 25 % de moins que les hommes et un écart salarial inexplicable d’environ 10 % persiste entre une femme et un homme possédant un contrat, un diplôme, une expérience et des responsabilités identiques.

En cohérence avec la grande cause nationale du quinquennat, il me semble primordial de tout faire pour mettre fin à ces inégalités et aux discriminations envers les femmes dans le monde du travail. Au regard de cet objectif et de l’importance de ces enjeux, la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a souhaité être saisie du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

Dans cette perspective, la Délégation a organisé deux tables rondes et j’ai moi‑même, en tant que rapporteur, conduit de nombreuses auditions. En outre, nous avons eu l’honneur de recevoir ce matin Mme la ministre Muriel Pénicaud, que je remercie une nouvelle fois pour sa présence et pour son engagement sans faille en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Je me réjouis que deux problématiques d’inégalités soient abordées de front par le projet de loi : l’inégalité salariale et le harcèlement sexuel. Il me semble évident qu’il faille en finir avec le harcèlement sexuel et toute forme d’agissements sexistes et de violences sexuelles sur le lieu de travail. C’est un enjeu primordial pour la dignité des femmes et aussi celle des hommes, et une condition nécessaire pour parvenir à l’égalité professionnelle. Je soutiens donc pleinement ce dispositif, mais je pense que, pour qu’il soit efficace, il faut s’assurer de l’effectivité des voies de recours et de la pleine accessibilité aux services compétents en matière de harcèlement sexuel.

Je tiens à le répéter : ces situations ne sont pas acceptables. Nous ne parviendrons pas à une société d’égalité si nous n’éradiquons pas ces situations intolérables. Il n’est pas normal qu’une femme gagne moins qu’un homme à travail égal. Il n’est pas normal qu’une femme puisse être victime de violences sexuelles et d’agissements sexistes jusque sur son lieu de travail. Afin d’éradiquer ces inégalités, j’adhère pleinement aux dispositifs proposés par les articles 61 et 62 du projet de loi et j’aurai l’occasion d’y revenir au cours de l’examen du texte.

En outre, et c’est le sens même de mon rapport, qui a été adopté à l’unanimité par la Délégation aux droits des femmes la semaine dernière, je considère que la question de l’égalité entre les femmes et les hommes est par essence transversale. Elle irrigue donc l’ensemble des problématiques sur lesquelles nous nous apprêtons à légiférer. À chaque dispositif que nous adopterons, nous devrons garder ces enjeux à l’esprit.

Sans revenir sur l’intégralité des dispositifs du projet de loi ni sur l’ensemble des préconisations que je formule dans mon rapport, je voudrais insister sur deux points : la formation et l’accès à l’emploi.

Si le taux global d’accès des femmes à la formation professionnelle est proche de celui des hommes – 43 % contre 45 % –, l’espérance de formation est de vingt heures par an pour les hommes contre seulement douze heures pour les femmes. Nous devons changer cette réalité et éliminer les inégalités entre les femmes et les hommes dans l’accès à la formation. C’est absolument essentiel pour préparer l’avenir et cela doit se faire dès le plus jeune âge. C’est pour cela que je pense qu’il faut encore davantage intégrer ces enjeux dans le projet de loi, par exemple dans le cadre de la réforme du compte personnel de formation (CPF) ou de l’apprentissage.

En ce qui concerne l’accès à l’emploi, il est important de mieux sécuriser les parcours professionnels des travailleurs, tout en garantissant une souplesse et une capacité d’adaptation pour relever les défis économiques actuels. Le projet de loi propose plusieurs dispositifs allant dans ce sens et il me semble que nous devons veiller à ce qu’ils prennent bien en compte l’égalité professionnelle. Par exemple, les articles 26 à 28 du projet de loi prévoient d’élargir le bénéfice d’un revenu de remplacement à certaines démissions volontaires, notamment pour assurer une reconversion professionnelle, ainsi que, dans certains cas, pour les travailleurs indépendants. Sans détailler ce dispositif, je tiens à dire que ces mesures du projet de loi constituent une opportunité à saisir. Il conviendrait toutefois de suivre leur impact sur les femmes travaillant comme indépendantes, ces données n’étant actuellement pas disponibles. Je proposerai un amendement en ce sens.

Bien évidemment, ces deux points ne sont pas les seuls qui doivent intégrer les enjeux d’égalité, car ceux-ci doivent être systématiquement pris en compte à chaque fois que nous envisageons un changement du droit, en particulier dans le domaine du droit du travail. Tout au long de notre travail législatif sur ce projet de loi, nous devrons rester vigilants pour faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes.

Pour conclure je voudrais ajouter que si nous voulons parvenir à l’égalité professionnelle – et même à l’égalité tout court – nous devons faire évoluer les mentalités. Madame la ministre, vous le mentionniez ce matin devant la Délégation : avec ce projet de loi s’engage une bataille d’opinion. Je suis absolument certain que nous la gagnerons.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Nous en venons à l’examen des articles du projet de loi.

Titre Premier
Vers une nouvelle société de compétences

Chapitre Ier
Renforcer et accompagner la liberté des individus dans le choix de leur formation

Article 1
Refondation du compte personnel de formation

La commission est saisie des amendements identiques AS427 de M. Jean-Hugues Ratenon et AS926 de M. Pierre Dharréville.

M. Adrien Quatennens. Pour nous, l’article 1er de ce projet de loi est à l’image de l’ensemble de ce texte : un outil de communication gouvernementale qui fait croire à l’ouverture de nouveaux droits mais qui procède, en réalité, à un recul de ceux qui existent.

Cet article concerne le CPF : son instauration, en 2015, répondait déjà à une vision néolibérale qui fait porter la responsabilité de la formation et de l’adaptation au marché du travail sur le salarié lui-même et en exonère l’entreprise. Cela ne suffisait pas au Gouvernement qui entend accentuer cette logique aux dépens des droits des salariés.

Le CPF est actuellement alimenté à hauteur de 24 heures par an, dans la limite de 150 heures. Ce compte conduit à de nombreuses difficultés et nous serions favorables à en revoir le fonctionnement afin de garantir son accès au plus grand nombre. Sa complexité favorise notamment les cadres des grandes entreprises, alors que seulement 15 % des demandeurs d’emploi en bénéficient.

L’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) proposait d’en doubler le rythme d’alimentation et le plafond. Selon elle, prévoir quarante-huit heures annuelles et un plafond de 300 heures permettrait de donner accès à des formations plus complètes, mieux valorisées et plus utiles. La réforme du CPF que prévoit le Gouvernement dans cet article 1er ne répond pas à ces problématiques.

En alimentant le CPF en euros plutôt qu’en heures de formation, le Gouvernement fait de fausses promesses aux salariés etréduit leur capacité de formation. Compte tenu du coût moyen d’une heure de formation, fixé à environ 31 euros, le CPF devrait être alimenté à hauteur de 750 euros par an. Cette somme ne correspondrait qu’au maintien des droits existants. Or, le Gouvernement ne prévoit qu’une alimentation de 500 euros par an. Il s’agit donc bel et bien d’une réduction de 50 % des droits à la formation.

L’habileté de la communication gouvernementale ne suffit plus à masquer la réalité de ces réformes. Promettre, dans les colonnes d’un journal, que le Gouvernement offrira 500 euros par an pour se former est un mensonge que permet de relever facilement une analyse de cet article, dont nous demandons la suppression.

M. Pierre Dharréville. L’article 1er modifie en profondeur le CPF tout en supprimant le congé individuel de formation (CIF). Selon vos propres termes, la formation doit devenir l’arme antichômage. Rappelons-le, la formation ne saurait suffire à créer de l’emploi pour les 5 ou 6 millions de chômeurs que compte notre pays.

Cet article est emblématique de la logique de votre réforme de la formation professionnelle. Nous y sommes donc opposés pour plusieurs raisons.

D’abord, le CPF en euros consistera à mettre à disposition des travailleurs un chèque formation inspiré du dispositif existant en Allemagne depuis les « réformes Hartz » de 2001, dont on connaît les résultats. Ce système va se traduire par une réduction du nombre d’heures de formation pour les personnes, en comparaison avec le CPF en heures, tout en laissant craindre une logique de formation low cost pour s’adapter au montant du chèque comptabilisé par les personnes. À défaut d’avoir des crédits suffisants, les personnes qui en ont les moyens – souvent les plus qualifiées – devront compléter l’enveloppe avec leurs propres deniers.

Nous regrettons également la suppression du CIF au nom d’une prétendue simplification. C’est le seul outil à la main du salarié pour se former sans l’accord de son employeur et il bénéficie d’un financement propre. Le CPF transition, qui doit le remplacer, n’accordera pas le même niveau de droit à la formation. Rappelons que le CIF correspond à 1 200 heures ou à un an de formation à temps plein. Ces nouvelles mesures contribueront à maintenir les inégalités d’accès à la formation que la réforme prétend combattre, sans rechercher l’élévation globale du niveau de formation dans notre pays pour faire face aux défis de notre économie.

Plus généralement, nous sommes opposés à la logique sous-jacente : une hyperindividualisation des droits qui renvoie à l’individu la responsabilité de son employabilité sur le marché du travail. À l’inverse, nous pensons que le CPF et l’accès à la formation des actifs doivent s’inscrire dans le cadre d’un grand service public de la formation et de l’accompagnement et d’une sécurité sociale professionnelle, d’une sécurité de l’emploi et de la formation où les droits individuels sont garantis collectivement.

Comme nous ne retrouvons pas ces éléments dans la réforme, nous demandons la suppression de cet article.

Mme Catherine Fabre, rapporteure pour le titre Ier. Chers collègues, cet article constitue la clef d’entrée de la réforme ; le pilier d’un droit à la formation professionnelle universel, personnel et individuel. Il concrétise le passage d’un droit formel à un droit réel, condition de la montée en qualification de l’ensemble des actifs.

Vous ne serez donc pas surpris de m’entendre émettre un avis défavorable à ces amendements. Ils me donnent néanmoins l’occasion de rappeler l’esprit et la lettre de cet article fondamental du projet. Ce faisant, je vous donne d’ores et déjà des éléments de réponse à la longue série d’amendements que nous examinerons ensuite.

L’article 1er ne remet pas en cause le principe du CPF, dispositif imaginé par les partenaires sociaux en 2013 et désormais inscrit dans le compte personnel d’activité (CPA). Il s’agit, au contraire, de créer les conditions de sa réussite.

À ce jour, le dispositif est considéré comme complexe, insuffisamment mobilisé et difficile d’accès. Les arguments ne manquent pas pour justifier la réforme du CPF : communication insuffisante, illisibilité du système de listes, opacité des règles de prise en charge d’une heure de formation.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 5,3 millions de comptes ont été ouverts en trois ans, ce qui correspond à un actif sur six ; 582 000 dossiers de formation ont été recensés au titre du CPF en 2017. Même si ce nombre est deux fois plus élevé qu’en 2015, il semble bien insuffisant pour faire face aux besoins en formation de notre pays.

Par cet article, nous proposons donc un CPF monétisé, au service des publics prioritaires, facilement accessible et au système d’éligibilité simplifié. L’examen de l’article nous donnera l’occasion de revenir sur ces modifications indispensables.

M. Pierre Dharréville. Après l’intervention de la rapporteure, j’aimerais poser deux questions. Comment entendez-vous, avec ce projet, garantir la qualité des formations et l’élévation du niveau de formation ? Je n’ai pas de réponse à cette question qui me semble centrale. Vous avez évoqué le passage d’un droit formel un droit réel ; comment le dispositif proposé va-t-il améliorer le recours au droit et donc permettre ce passage que vous évoquez ? Pour l’instant, je n’en vois aucune trace concrète.

M. Sylvain Maillard. Les membres du groupe La République en Marche vont évidemment voter pour l’article 1er et contre ces deux amendements.

Nos collègues Dharréville et Quatennens n’ont peut-être pas bien perçu la profondeur de ce que nous voulons faire avec le CPF. Comme la rapporteure l’a très bien dit, le CPF n’est pour l’heure qu’un droit formel car seules les personnes les plus informées ont accès à la formation professionnelle. Or, celle-ci est au cœur de la transformation économique que nous sommes en train de vivre. Il faut que nous y ayons tous accès plus facilement pour que nous puissions évoluer tout au long de la vie. Le titre du texte témoigne de cette volonté : projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. La monétarisation du CPF permettra à chacun d’entre nous d’acheter, de consommer de la formation, d’y avoir accès pour des choses très classiques – acquérir la maîtrise du logiciel Excel, passer le permis de conduire, préparer le TOEIC (Test of english for international communication) – et de rester employable.

M. Adrien Quatennens. Je remercie mes collègues Fabre et Maillard pour leurs éléments de réponse qui contribuent à notre discussion. Je comprends le souci d’améliorer l’accès à la formation, bien que je ne sois pas certain que le projet y contribue. Quoi qu’il en soit, leurs interventions ne répondent pas à mon interpellation sur les effets de la monétisation. Les calculs que j’ai détaillés montrent qu’elle provoque une diminution du nombre d’heures de formation pour un salarié, compte tenu du coût horaire des formations. Sur ce point, je n’ai pas d’éléments de réponse à ce stade et c’est la raison pour laquelle nous voterons contre cet article.

M. Boris Vallaud. Comme nous allons présenter d’autres amendements, nous nous abstiendrons sur ces amendements de suppression. Cela dit, nous partageons certaines des interrogations et des critiques qui sont formulées.

Nous comprenons mal le sens de la suppression du CIF qui fonctionnait bien, notamment parce que la personne continuait à être rémunérée à 80 % de son salaire pendant la durée de sa formation. Nous comprenons également mal en quoi la réforme simplifie le dispositif. Vous proclamez que les droits formels vont devenir des droits réels mais nous voyons que l’opération sert essentiellement à individualiser les droits. Alors que ce ne sont pas les personnes les plus formées qui vont naturellement à la formation, le volet accompagnement nous paraît défaillant. Nous craignons que cette individualisation des droits ne conduise, en réalité, à moins de formation pour ceux qui en ont le plus besoin.

M. Gérard Cherpion. Je ne crois pas que l’on puisse dire que l’on passe d’un droit formel à un droit réel. Le droit existe et il est utilisé même si, j’en conviens, il ne l’est pas par suffisamment de personnes. Rappelons que la loi date de 2014, qu’elle a commencé à être appliquée en 2015, et que les premiers CPF ont été ouverts en 2016, c’est-à-dire il n’y a pas si longtemps. La montée en puissance du dispositif montre que le droit est réel.

J’ai moi-même déposé des amendements à cet article qui pose des problèmes car il supprime des dispositifs comme le CIF et prévoit une monétarisation qui, à mon avis, n’est pas une bonne solution. Le CIF fonctionnait très bien même s’il n’était utilisé que par 500 000 personnes par an. Au moins, à l’issue de leur formation, ces personnes trouvaient une solution : un emploi dans une autre entreprise ou une promotion à l’intérieur de la leur. Nous sommes inquiets quant au devenir du CIF.

Sans aller jusqu’à approuver la suppression de l’article, je vais m’abstenir sur ces amendements.

M. Patrick Hetzel. Je suis sur la même ligne que notre collègue Cherpion, ce qui ne vous surprendra pas. Il ne faut sans doute pas supprimer tout l’article, mais il apparaît clairement que l’alinéa 2, par exemple, recèle un risque d’iniquité du seul fait des différences de coûts de formation. Cette donnée a été manifestement sous-estimée lors de la préparation du texte.

Autre problème : le processus de co-construction de la formation entre l’employeur et le salarié est mis à mal. La logique du texte revient à déplacer le curseur. Le souci n’est pas seulement d’assurer l’employabilité de nos concitoyens, il faut faire en sorte que celle-ci puisse correspondre à certains besoins du marché de l’emploi. Or, la rédaction actuelle de l’article 1er ne nous permet pas de nous en assurer.

Au sein de notre groupe, nous avons des inquiétudes. Cette réforme doit aussi servir à réduire significativement le nombre de nos concitoyens qui se retrouvent au chômage, notamment en favorisant les processus de co-construction. Or, la rédaction actuelle de cet article ne le permet pas. Nous le regrettons très vivement. C’est la raison pour laquelle nous défendrons plusieurs d’amendements.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Merci, mes chers collègues, d’avoir précisé vos positions. Pourquoi pensons-nous que l’accès au droit sera beaucoup plus effectif ? La désintermédiation va faciliter l’accès à l’inscription à une formation. Le salarié pourra accéder directement à cette formation, sans passer par un système opaque et illisible dont les utilisateurs finaux ne comprennent pas l’organisation. De plus, ils seront aidés pour y parvenir car des moyens supplémentaires vont être consacrés à l’accompagnement. De ce fait, ils pourront tout à fait accéder à leur droit de manière directe et éclairée.

Quant au coût horaire de la formation, estimé à 14,28 euros, il est supérieur au coût moyen de l’ancien système. Je m’inscris en faux par rapport aux propos de M. Quatennens.

Nous aurons l’occasion de revenir sur le CIF et le CPF de transition.

La commission rejette les amendements.

Elle examine l’amendement AS1060 de Mme Cendra Motin.

Mme Cendra Motin. Comme nous l’ont rappelé Sylvain Maillard et la rapporteure, très peu de salariés ont ouvert un CPF, notamment pour des raisons techniques. Ayant des difficultés à appréhender l’outil internet, nombre de personnes se sont découragées en cours de route.

Avec cet amendement, je souhaite proposer que, à compter de janvier 2021, le CPF puisse être ouvert automatiquement sur la base de la déclaration sociale nominative (DSN) qui présente l’avantage de contenir l’essentiel des informations nécessaires à l’identification d’un salarié. Cette ouverture automatique éviterait à certains de se décourager, leur permettant ainsi de mieux profiter de leurs droits.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Votre amendement rejoint l’un des objectifs majeurs de l’article 1er : la montée en charge du CPF. Toutefois, je ne pense pas que votre rédaction réponde à l’esprit du CPF, qui repose sur une démarche volontaire du salarié, s’appuyant sur une initiative personnelle.

L’amendement est retiré.

La commission examine les amendements AS470 et AS874 de Mme Justine Benin.

Mme Justine Benin. Éricka Bareigts a dressé un constat de la situation des outre-mer. Nous connaissons les défis auxquels sont confrontés nos territoires, tels que le fort taux d’illettrisme et le grand nombre de décrocheurs. C’est la raison pour laquelle, avec l’amendement AS470, il est proposé une expérimentation : que le CPF soit ouvert aux jeunes de moins de vingt-cinq ans n’ayant pas exercé d’activité professionnelle salariée.

L’amendement AS874 propose que l’expérimentation dure trois ans à compter de la promulgation de la présente loi.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Le cas de tout jeune de moins de vingt-cinq ans qui recherche un emploi ou qui est accompagné dans un projet d’insertion professionnelle est déjà couvert. Vos amendements sont donc satisfaits.

Les amendements sont retirés.

La commission en vient aux amendements identiques AS299 de M. Gérard Cherpion, AS577 de M. Pierre Dharréville et AS796 de Mme Éricka Bareigts.

M. Gérard Cherpion. Par le biais de cet amendement, nous demandons la suppression de l’alinéa 2 de l’article 1er, ce qui a des conséquences sur les alinéas 42, 49 et 60.

Le Gouvernement propose une motivation du CPF. L’objectif affiché est d’améliorer la lisibilité du dispositif, de permettre une meilleure appropriation du compte par l’ensemble des actifs et d’aligner les pratiques des financeurs. Dans les faits, cela va se traduire par une baisse des droits inscrits, étant donné le prix de conversion des heures à 14,28 euros. Ce montant est certes plus élevé que les quelque 9 euros de Pôle emploi, mais il est très inférieur à celui des OPCA qui varie entre 30 euros et 35 euros en moyenne. Ces comptes ont donc perdu plus de la moitié de leur valeur.

La formation risque d’être perçue comme un bien de consommation, ce qui va favoriser certaines dérives. La réforme va aussi créer des iniquités dans l’accès à l’information, du fait des différences de coût des formations. Elle rendra plus difficile toute négociation d’un projet de co-construction. D’ailleurs, la co-construction avec l’employeur n’apparaît pas très clairement dans votre texte.

Nous avons donc toute une série d’amendements qui, comme celui-ci, visent à rétablir le CPF en heures.

M. Pierre Dharréville. Je m’inscris dans la logique de notre collègue Cherpion. Cet amendement vise à rétablir le CPF en heures et à supprimer sa monétisation pour éviter que les salariés n’aient à financer leur formation. Il a pour objectif de réduire les inégalités d’accès à des actions de formation. Certaines formations risquent d’être abandonnées en raison de leur coût au profit de formules low cost. Nous devons sortir de cette logique de monétisation et essayer d’améliorer l’actuel CPF en heures.

Mme Éricka Bareigts. Le quinquennat précédent aura permis de jeter les bases d’une véritable sécurité sociale professionnelle avec le CPA qui regroupe les droits du salarié : le CPF, le compte professionnel de prévention et le compte d’engagement citoyen.

En outre, la loi de 2014 avait permis de renforcer la place des partenaires sociaux, en plaçant la formation professionnelle au centre du dialogue social et en rappelant notre attachement profond à sa décentralisation vers les régions.

La monétisation du CPF nous paraît problématique à plus d’un titre.

Tout d’abord, au plan des principes, l’individualisation nous semble marquer une régression. La monétisation du CPF, adoptée contre l’avis unanime des syndicats, participe à ce mouvement individualiste, tandis que la co-construction avec l’employeur deviendra plus difficile.

Ensuite, dans les modalités d’application, les barèmes retenus pour la conversion en euros nous paraissent problématiques. Derrière l’égalité se cache l’iniquité. À première vue, que chacun des actifs ait 500 euros semble juste, surtout lorsque l’on sait que les moins qualifiés, définis comme les personnes ayant un niveau égal à cinq, disposeront de 800 euros. Cependant, cette égalité est source de profondes iniquités entre les actifs. Un cadre pourra aisément se former à distance en langue, par exemple, grâce à des logiciels ou au numérique, et à un coût restreint. En revanche, la formation d’un boucher sera beaucoup plus onéreuse : elle suppose des plateaux techniques, du matériel et surtout de la viande, c’est-à-dire un bien de première nécessité très coûteux. C’est pourquoi la monétisation à 500 euros ou à 800 euros nous semble une fausse bonne idée.

En réalité, quand on y regarde de plus près, les actifs sont perdants. Il leur faudra trois ans pour réunir la somme nécessaire pour payer un bilan de compétences, alors qu’avec le CPF en heures, ils peuvent faire ce bilan au bout d’un an. Pour une validation des acquis de l’expérience, il faudra trois voire quatre ans de CPF monétisé contre moins d’une année de CPF en heures.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l’alinéa 2 et des alinéas 42, 49 et 60 de cet article 1er.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Pour les raisons déjà exposées, j’émets un avis défavorable à ces amendements.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Avant de parler de sa conversion en euros, revenons au CPF lui-même, issu de l’accord national interprofessionnel du 14 décembre 2013, négocié entre les partenaires sociaux, qui a été transposé dans la loi du 5 mars 2014. Je pense qu’une majorité de députés s’accordera à dire que c’est un bon dispositif car il prévoit des droits individuels garantis collectivement. Il ne s’agit pas d’une individualisation hors sol. Aux termes de l’accord du 22 février 2018, les partenaires sociaux ont souhaité renforcer ce CPF, en rappelant qu’il était un vecteur de progrès pour les salariés.

Nous proposons de le convertir en euros pour trois raisons.

Première raison : assurer une meilleure égalité des chances. Vous connaissez tous les chiffres : un ouvrier ou un employé a deux fois moins de chance qu’un cadre d’entrer en formation ; le salarié d’une petite entreprise a deux fois moins de chance que celui d’un grand groupe d’entrer en formation. L’heure de formation d’un cadre est plus chère. Le séminaire de marketing avancé pour cadre bancaire à HEC est plus coûteux que la plupart des formations destinées aux ouvriers et employés. En convertissant le CPF en euros, nous rétablissons une égalité des chances puisque les droits seront proportionnellement plus élevés pour les personnes qui en ont peut-être le plus besoin.

Deuxième raison : ce droit n’est plus formel mais il devient réel. Peut-être avez-vous eu le courage et la curiosité d’aller jusqu’au bout de votre inscription, en surmontant la complexité technique ? Une fois arrivé à ce stade, vous avez votre nombre d’heures. Encore faut-il qu’un organisme accepte de transformer ces heures en droit réel : il faut que l’OPCA approuve votre formation. Dans la pratique, les OPCA privilégient la discussion avec les entreprises – plutôt les grandes que les petites – pour qu’un surplus du plan de formation soit financé en utilisant les CPF. Le salarié, dont projet ne s’inscrit pas dans l’optique de d’entreprise, n’a quasiment aucune chance de pouvoir utiliser son CPF. Nous voulons faire en sorte que l’individu puisse prendre, en bénéficiant de conseils, des décisions qui concernent son avenir sans être totalement dépendant de l’entreprise. Dans la plupart des cas, la formation se fera dans le cadre d’un accord individuel, collectif ou de branche avec l’entreprise. Cependant, certains salariés qui veulent changer de métier ou d’entreprise pourront le faire.

Dans le CPF, il y aura de vrais euros qui seront transférés à la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Celle-ci deviendra, d’une certaine façon, la banque du CPF. Le salarié qui s’engagera dans une démarche de formation sera sûr de pouvoir la suivre ; il n’aura pas besoin de demander d’approbation ; il pourra décider lui-même. C’est en ce sens que le droit à la formation devient réel. C’est une émancipation. L’individu aura son mot à dire, il sera le conducteur et non pas le passager arrière. Telle est la philosophie qui fonde la conversion en euros.

Troisième raison : le monde de la formation est en pleine mutation. Les formations numériques, à distance, sur le temps de travail et sous des formes multiples sont en train de se développer. Tout ce pan de formations – dont le coût est d’ailleurs relativement moins élevé – est inutilisable si nous raisonnons en heures. Or, elles se développent à tous les niveaux, concernant aussi bien les cadres que les ouvriers et employés, les grandes entreprises que les TPE-PME, les zones rurales que les zones urbaines. Les formations innovantes n’entrent pas non plus dans un système en heures.

Pour résumer, le système est plus égalitaire, il rend les droits réels et l’individu décisionnaire – avec une aide gratuite en cas de besoin –, et il permet d’intégrer toutes les formes pédagogiques.

Quant aux montants, je vous ai dit que les coûts de formation étaient en train de baisser compte tenu du fait que nous mélangeons aujourd’hui des systèmes différents. Cela dit, les calculs ont été réalisés en transposant exactement l’accord des partenaires sociaux, qui a proposé une augmentation du nombre d’heures, sur une base de 14,28 euros, sachant qu’en moyenne Pôle emploi, c’est 9 euros. Les OPCA ne peuvent être comparés car ce sont des formations bien plus élevées que l’épargne formation d’entreprise ; c’est ce qui fait monter le prix du marché de façon excessive car les excédents sont utilisés et dans bien des cas il n’y a pas de négociation réelle.

Le fond du sujet, c’est plus d’égalité, des droits qui deviennent réels à la main de chaque actif, et avec toutes les formes pédagogiques possibles. C’est pourquoi nous avons proposé que ce soit en euros. Plusieurs sondages ont été réalisés et les premières réactions à ces annonces dans l’opinion publique sont un plébiscite. Nos concitoyens veulent avoir leur mot à dire : seulement 6 % des ouvriers, 12 % des employés et 25 % des cadres disent aujourd’hui avoir leur mot à dire sur leurs formations. Il faut aller vers un système où l’entreprise et l’actif décident ensemble.

M. Boris Vallaud. Je ne crois pas que ce soit une organisation syndicale qui ait suggéré la monétisation, mais c’est dans votre lettre de cadrage : c’est vous qui les y invitiez, mais il ne se trouve pas une organisation syndicale aujourd’hui pour la défendre.

Vous parlez de 14 euros mais le coût moyen d’une formation est de 38,80 euros de l’heure : c’est ce qui ressort de vos propres documents. Et les 500 euros annuels annoncés sont loin d’être l’équivalent des trente-cinq heures qui avaient été souhaitées par les partenaires sociaux. En réalité, 500 euros, cela équivaut à environ treize heures de formation, à comparer aux vingt-quatre heures aujourd’hui. Dans ces conditions, on ne peut pas dire qu’il y ait plus de droits à formation pour les salariés.

Enfin, le titre même du texte, « liberté du choix de son avenir professionnel », suscite l’inquiétude. La liberté de choisir sa formation est évidemment importante, mais le plus important, et vous l’avez vous-même suggéré sans apporter de réponse, c’est qu’il y ait concordance entre les intérêts des salariés et ceux de l’entreprise. On trouve au contraire une forme de dissociation et, comme il est plus facile de licencier, la crainte est que l’entreprise préfère, plutôt que d’investir dans ses salariés, les chercher sur le marché du travail.

M. Gérard Cherpion. Le texte ne prévoit pas de co-construction du parcours de formation. En outre, des comptes d’heures étaient plus favorables aux demandeurs d’emploi qu’une somme de 14,28 euros qui ne correspond pas à la réalité de la valeur d’une formation.

M. Pierre Dharréville. Vous ne nous apportez pas la preuve, madame la ministre, que cette monétisation garantira globalement le même niveau d’investissement dans la formation professionnelle que celui que nous connaissons actuellement.

Vous évoquez la baisse tendancielle des coûts de formation, mais à quel prix, y compris pour le personnel qui forme et se trouve bien souvent dans une grande précarité ? Je doute que cette baisse des coûts s’accompagne d’une augmentation de la qualité.

Vous avez parlé de l’internet mais bien souvent, pour qu’une formation fonctionne, il faut garantir une relation humaine. Quels garde-fous prévoyez-vous ? J’ai assisté à des formations dans le domaine de la sécurité : elles nécessitent une présence physique.

Le forfait en euros risque de faire se développer des formations à 500 euros, que j’appelle « low cost », alors qu’auparavant un temps de formation était garanti et que les droits du salarié étaient plus importants. Dans mon territoire, une formation de soudeur, c’est de 10 000 à 12 000 euros : avec 500 euros, on ne va pas très loin !

M. Adrien Quatennens. Le coût moyen d’une formation est d’environ 31 euros de l’heure, soit, par an, 750 euros. Puisque vous nous parlez, madame la ministre, de 500 euros, c’est bien, de fait, une réduction. Vous avez pris l’exemple d’une formation à 9 euros de l’heure : je vous demande dans quelles conditions on forme à ce tarif et surtout à quoi on forme.

La commission rejette ces amendements.

Elle examine l’amendement AS1265 de M. Hugues Renson.

M. Sacha Houlié. Cet amendement vise, dans le cadre de la transformation profonde et salutaire du compte personnel de formation (CPF) afin d’ouvrir au plus grand nombre l’accès à la formation professionnelle, à garantir une évolution et une actualisation de ce compte. Comptabilisé en euros pour être plus mobilisable, le CPF devrait faire l’objet de dispositions réglementaires fixant ses modalités d’alimentation à hauteur de 500 euros par an, dans la limite d’un plafond de 5 000 euros. La volonté est, dans le même temps, de réformer les formations pour qu’elles coûtent moins cher, mais il conviendrait d’actualiser à la fois le montant du CPF et l’abondement annuel, mais également le plafond.

C’est pourquoi nous présentons deux amendements, le présent, qui tend à indexer l’abondement sur l’évolution du SMIC, ainsi que l’amendement AS527, qui vise à fixer par mesure réglementaire non seulement l’abondement mais aussi le plafond.

C’est en cohérence avec la contribution qui sera versée puisque cette contribution est indexée sur la masse salariale, et que plus les salariés sont formés et plus ils devraient être payés cher ; c’est en tout cas la volonté que nous portons.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Votre amendement vise à garantir une revalorisation du niveau d’alimentation du CPF afin de tenir compte de l’évolution des prix. Bien que le taux actuel d’inflation – 1 % seulement – ne rende pas le risque de dévalorisation immédiat, il apparaît indispensable, de définir un mécanisme pérenne. Cependant, la rédaction que vous proposez, dans son placement comme dans sa formulation, ne me paraît pas idéale. Je vous propose donc de retirer l’amendement pour que nous le retravaillions ensemble d’ici à la séance.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Il faut de toute façon envisager qu’il y aura des évolutions du CPF. Je rappelle que, dans les OPCA, les taux incluent l’abondement de l’entreprise. En outre, cela couvre les périodes de professionnalisation, qui n’ont rien à voir. Il faut donc un système de revoyure. Même si le montant n’est pas dans la loi, je trouve bon que le Parlement se penche de nouveau sur le sujet au bout d’un certain nombre d’années.

M. Stéphane Viry. Je comprends l’esprit de cet amendement mais j’observe que le dispositif proposé par le Gouvernement cherche à simplifier et à rendre les choses moins complexes, moins opaques. La monétisation pose déjà des questions pour la suite ; je m’interroge donc sur la pertinence de passer de l’heure à la monnaie. Le volume d’heures est plus lisible, c’est une meilleure garantie pour les salariés et les demandeurs d’emploi.

M. Sacha Houlié. Je crois quant à moi que l’évolution des droits est claire et j’accepte la main tendue par la rapporteure et le Gouvernement pour travailler à une clause de revoyure.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AS634 de M. Jean-Charles Grelier.

M. Gilles Lurton. Le présent amendement vise à transférer le CPF d’un salarié à la dernière entreprise au sein de laquelle il a été salarié si celui-ci consent à lui en faire don lorsqu’il ne peut plus les mobiliser à titre personnel, conformément aux conditions mentionnées aux 1° à 3° de l’article L. 5421‑4 du code du travail. Ainsi, l’entreprise bénéficiaire pourra utiliser ces fonds pour financer la formation d’un de ses salariés.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Vous soulevez une idée intéressante mais le CPF repose sur une logique de droits individuels, rattachés à la personne. Avis défavorable.

M. Patrick Hetzel. Je ne comprends pas bien l’argument de la rapporteure. Ce sont des droits individualisés, en effet, mais l’amendement dit que la personne à laquelle sont rattachés ces droits a la possibilité de les transférer vers l’entreprise quand elle ne peut plus en bénéficier. C’est dans la logique de se préoccuper de la formation au sens large du terme. Juridiquement, à tout le moins, rien ne s’oppose à ce qu’on procède ainsi.

M. Adrien Quatennens. Nous soutenons cet amendement car il révèle pour nous la dérive de la formation professionnelle telle qu’elle est pensée aujourd’hui. L’entreprise confie au salarié et à la société le soin de se former aux compétences dont elle a besoin, elle, alors que, selon nous, la formation est de la responsabilité des employeurs. Le salarié devrait donc bénéficier de ses droits même s’il passe dans une autre entreprise, dans un autre secteur.

La commission rejette cet amendement.

Elle examine l’amendement AS717 de M. Jean-Charles Grelier.

M. Gilles Lurton. Je ne comprends pas votre argumentation, madame la rapporteure. L’amendement que j’ai présenté traite de la situation où le salarié ne peut plus mobiliser ses crédits formation à titre personnel. L’objectif du Gouvernement avec ce projet de loi est que les salariés puissent bénéficier d’un maximum de formation ainsi que des meilleures formations.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Le droit de 500 euros est avant tout un droit à se former individuellement, qui se cumule de 500 euros en 500 euros par an, et rattaché à une personne. L’employeur doit lui-même respecter une obligation de former ses salariés, à partir de ses propres dispositifs dans l’entreprise. Ce sont deux responsabilités différentes, deux accès à la formation différents, et il ne convient pas de les mélanger.

M. Gilles Lurton. Au risque de me répéter, il s’agit de la situation où l’employé ne peut plus en bénéficier à titre personnel. S’il y a moyen de lui faire bénéficier de ses droits accumulés dans une entreprise, dans l’entreprise suivante, je ne vois pas pourquoi on l’en priverait. Le raisonnement que vous nous opposez est en contradiction avec l’esprit du texte.

M. Patrick Hetzel. Même si dans l’esprit les deux sont différents, juridiquement rien ne s’y oppose. Cela signifie que votre opposition est de principe, et ce n’est pas un problème de nature juridique.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Il faut revenir à l’origine du CPF voulu par l’accord interprofessionnel en 2014. Le principe de transférabilité du CPF s’applique tout au long de la carrière pour la même personne. La contribution relative au CPF n’existe qu’à condition que l’individu le réalise, à partir d’une garantie collective mutualisée ; si quelqu’un n’utilise pas tous ses droits, et d’ailleurs beaucoup de salariés n’utiliseront pas tous leurs droits, le système est mutualisé. L’amendement est un détournement de ce qu’ont voulu les partenaires sociaux et de ce que la loi a entériné au sujet du CPF. Si l’on vous suivait, il faudrait des systèmes de transférabilité en cas de non-utilisation dans tous les régimes mutualisés, mais ce n’est pas comme cela que ça fonctionne : il s’agit d’un droit individuel garanti collectivement et incessible.

M. Adrien Quatennens. Je pensais qu’il s’agissait de permettre à un salarié de partir d’une entreprise en gardant son contingent d’heures : je me suis trompé. Je ne soutiens pas ces amendements.

M. Francis Vercamer. Notre groupe ne votera pas cet amendement car l’esprit initial est la portabilité des droits et la dissociation du droit individuel du contrat de travail. L’amendement porte un coup de canif à cette portabilité puisqu’il est question pour un salarié de céder ses droits à un autre. Cette faculté de cession ferait perdre au salarié de la capacité à piloter son parcours professionnel.

M. Gérard Cherpion. Que va-t-il se passer ? La personne n’utilisera pas ses droits, ils existent, un montant est versé à la CDC : qu’est-ce que cela devient ?

M. Boris Vallaud. J’y vois moi aussi un coup de canif au principe de portabilité des droits, et le risque d’un système parallèle de trafic de droits à formation qui ne serait pas sain. Mais on en revient à la question de la monétisation et au fait qu’en monétisant le CPF, vous réduisez les droits à formation ; nous sommes donc obligés de trouver des systèmes de substitution.

La commission rejette cet amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AS1290 de la rapporteure.

Elle examine ensuite les amendements identiques AS256 de Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, AS432 de Mme Justine Benin, AS790 de M. Gérard Cherpion et AS1120 de Mme Sarah El Haïry.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. Le projet de loi limite la mobilisation du CPF aux actions de formation. L’objectif de cet amendement est de permettre la mobilisation des droits acquis au titre du CPF pour favoriser l’obtention d’une validation des acquis de l’expérience (VAE) ou d’un bilan de compétences, afin de valoriser les compétences et expériences professionnelles et permettre qu’elles soient utilisées comme instruments de négociation pour un emploi ou une évolution de carrière.

Mme Justine Benin. Il nous semble important de compléter l’alinéa 6 par les mots : « ou aux actions mentionnées au II de l’article L. 63236 ». Le projet limite la mobilisation du compte aux actions de formation. L’objectif est de permettre la mobilisation des droits acquis au titre du CPF pour la réalisation d’une action VAE ou d’un bilan de compétences pour l’ensemble de nos jeunes.

M. Gérard Cherpion. Le projet de loi limite la mobilisation du compte aux actions de formation et il nous semble essentiel de pouvoir mobiliser ces droits pour une de VAE ou un bilan de compétences.

J’ajoute qu’avec cette limitation aux seules actions de formation, quand on regarde la modification des articles du code du travail, on constate que l’illettrisme a disparu d’un certain nombre de sujets.

Mme Sarah El Haïry. L’omission de la VAE et du bilan de compétences n’était peut-être qu’un oubli. L’essence même du texte, tel que je l’ai compris, c’est un CPF rattaché à la personne, et cette liberté de choisir son avenir est aussi la possibilité d’acquérir les grilles nécessaires pour comprendre et accompagner. La VAE et le bilan de compétences ne se substituent pas à la formation mais complètent ce choix afin qu’il reste totalement libre.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Le projet de loi ne limite pas la mobilisation du CPF aux seules actions de formation. Votre rédaction vise en réalité les retraités, qui ne peuvent effectivement mobiliser les droits inscrits sur leur CPF au titre du CEC que pour acquérir de nouvelles compétences en lien avec leur activité de volontaire ou de bénévole. Avis défavorable.

L’amendement AS256 est retiré.

La commission rejette les amendements AS432, AS790 et AS1120.

Elle examine l’amendement AS1119 de Mme Ericka Bareigts.

Mme Hélène Vainqueur-Christophe. La formation professionnelle continue des agents publics est un enjeu essentiel tant pour l’amélioration des connaissances des agents que pour la capacité de l’État à exercer ses missions face aux nouveaux enjeux. Or, le présent projet de loi introduit un traitement différencié entre les agents publics et les salariés du privé : si les premiers conservent une valorisation de leur compte personnel de formation en heures, les seconds disposent d’une valorisation en euros. Pourquoi exclure les fonctionnaires de votre réforme de monétisation des droits ? Il y a là quelque chose qui nous échappe.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Vous soulevez l’enjeu fondamental de l’accès des fonctionnaires au CPF, corollaire de l’universalité du dispositif. L’alimentation actuelle en heures, prévue par l’ordonnance du 19 janvier 2017 ayant étendu le CPA à la fonction publique, devra donc être supprimée au profit d’un abondement en euros.

La rédaction que vous proposez n’est toutefois pas satisfaisante car elle reviendrait à créer une accroche dans le code du travail pour le CPF des fonctionnaires, régis par les lois de 1983 pour la fonction publique d’État, de 1984 pour la fonction publique territoriale et de 1986 pour la fonction publique hospitalière. Il faudra donc modifier directement les trois statuts de la fonction publique pour procéder à l’adaptation du CPF des fonctionnaires. Avis défavorable.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Je note avec intérêt que ce que sous-entend votre amendement, c’est qu’il serait bon que les fonctionnaires puissent avoir les mêmes droits – c’est-à-dire un compte personnel en euros – que les salariés du privé. Je suis d’accord et souhaite vous dire qu’une concertation s’est ouverte en mars 2018 pour refonder le contrat social avec les agents publics. C’est dans le cadre d’un projet de loi sur la fonction publique, a priori en 2019, que ce sujet devra être étudié.

Mme Éricka Bareigts. Il n’y aura pas pour la fonction publique de CPF en euros mais un CPF en heures, en attendant les discussions futures, c’est bien ça ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. La concertation avec les organisations syndicales dans le secteur public a démarré en mars 2018. Il n’y a pas de position arrêtée du Gouvernement sur le sujet aujourd’hui. C’est juste une question d’agenda : il faut laisser la concertation avoir lieu.

M. Pierre Dharréville. À ma connaissance, la concertation a effectivement eu lieu sur ce point avec les organisations du secteur privé, mais elles y étaient plutôt opposées, et cela se retrouve quand même dans le projet de loi…

La commission rejette cet amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AS1291 de la rapporteure.

La commission est saisie de l’amendement AS798 de Mme Ericka Bareigts.

Mme Éricka Bareigts. Lorsque le coût de la formation est supérieur au montant dont dispose l’individu sur son CPF, le texte prévoit plusieurs canaux d’abondement complémentaire. Le titulaire lui-même peut par exemple financer sa formation. Il est à craindre que le financement des formations professionnelles qui bénéficient aux titulaires eux-mêmes mais également à l’entreprise dans laquelle ils exercent et à l’économie française tout entière, ne soit progressivement pris en charge que par les seuls titulaires. Il n’est d’ailleurs pas anodin que le titulaire soit la première personne mentionnée lorsqu’il s’agit d’abondements complémentaires ; l’employeur nous paraîtrait bien plus indiqué, tout comme l’opérateur de compétences. Il n’est pas souhaitable que la loi affirme cette possibilité car, même si cette pratique existe, elle ne saurait être un point d’horizon pour le législateur. Par ailleurs, nous ne comprenons pas comment le salarié s’y prendra demain, lorsqu’il y aura besoin de financements complémentaires pour mobiliser les sources potentielles d’abondement prévues par les alinéas suivants. Nous souhaitons des précisions.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Je suis un peu étonnée car le projet de loi n’introduit pas de modification sur ce point : cette possibilité a été ouverte en 2014 et doit à mon sens être préservée. Elle permet à l’individu d’être véritablement acteur de son projet professionnel. Avis défavorable.

La commission rejette cet amendement.

Elle examine les amendements identiques AS707 de M. Francis Vercamer et AS1038 de Mme Frédérique Lardet.

M. Francis Vercamer. Cet amendement participe de la volonté de simplification du Gouvernement. Nous souhaitons en effet que chaque salarié ait réellement la capacité de construire son projet professionnel et le parcours qui y correspond. Dans l’hypothèse où le coût de la formation est supérieur au montant des droits inscrits sur le compte du salarié, le projet de loi prévoit que l’employeur peut abonder en droits complémentaires pour assurer le financement de celle-ci. Cet amendement propose de faciliter la participation de l’employeur prévoyant une gestion unique et simplifiée par les opérateurs de compétences qui gèrent déjà le CPF de transition, en lien avec la CDC. Permettre à l’opérateur de compétences de l’entreprise d’intervenir en cas d’abondement renforce l’investissement des entreprises dans les compétences de leurs salariés et va dans le sens de la simplification.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. L’abondement complémentaire du CPF par l’employeur constitue un outil clef de co-construction du projet professionnel avec son salarié. Il n’y a toutefois pas lieu de prévoir une nouvelle modalité de gestion du CPF : celui-ci restera géré par la CDC, qui recevra ces financements complémentaires. Avis défavorable.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. La philosophie du CPF, c’est qu’il s’agit d’un droit à la formation portable tout au long de la vie professionnelle pour sécuriser les parcours, à la main de l’individu. En cas d’abondement de l’employeur, le salarié reste acteur. Pourquoi voulez-vous que quelqu’un se substitue à lui pour gérer ? Pense-t-on que les salariés sont incapables de gérer leurs droits ?

M. Francis Vercamer. L’objectif principal est que le salarié puisse faire sa formation. Dès lors que le montant de la formation dépasse le CPF, il faut bien que quelqu’un finance. L’idée est que les opérateurs de compétences participent au financement ; ils deviennent dès lors acteurs de la formation du salarié.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. L’employeur peut abonder le CPF de manière directe et n’a pas besoin de passer par un intermédiaire. L’idée est de simplifier la procédure de l’abondement.

M. Francis Vercamer. À mon avis, on le fait payer deux fois dans ce cas, car il cotise à l’Urssaf.

La commission rejette ces amendements.

Elle examine l’amendement AS193 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. La philosophie de ce projet de loi est de responsabiliser l’individu dans son choix d’avenir professionnel. C’est la raison pour laquelle cet amendement propose de rendre éligible une action de formation au CPF lorsqu’elle prépare et non lorsqu’elle sanctionne. Il est en effet de la responsabilité de l’individu de réussir les examens auxquels il se présente, et non pas aux organismes de formation de porter la responsabilité.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. La modification sémantique que vous proposez ne me paraît pas nécessaire en l’absence de difficultés particulières aujourd’hui, dès lors que la rédaction en vigueur vise déjà les formations « sanctionnées » par une certification professionnelle. Il s’agit de la terminologie habituelle. Avis défavorable.

La commission rejette cet amendement.

Elle examine l’amendement AS199 de M. Gérard Cherpion.

M. Stéphane Viry. Le projet de loi simplifie l’éligibilité des formations au CPF en supprimant le « système de listes », qui rend les formations parfois peu lisibles. Le nouvel article L. 6323‑6 du code du travail prévoit que sont notamment éligibles au CPF les actions de formation sanctionnées par les diplômes et titres à finalité professionnelle enregistrés au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) et au répertoire spécifique, ou celles sanctionnées par des attestations de validation de bloc de compétences. Or, de nombreux certificats de qualification professionnelle (CQP) inscrits sur les listes des branches professionnelles, et par conséquent éligibles au CPF, ne sont pas enregistrés au RNCP. L’objet du présent amendement est de pouvoir les intégrer parmi les formations éligibles, dans l’attente de la rénovation du répertoire national.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. La suppression du système de listes implique de définir un outil de régulation a minima. L’orientation de la mobilisation du CPF vers les formations les plus nécessaires reste d’actualité. Le critère d’inscription au RNCP paraît donc à la fois utile et nécessaire pour définir un niveau de qualité minimal. Cette inscription permettra une montée en qualité via une incitation claire à bénéficier de l’enregistrement au répertoire. Avis défavorable.

M. Patrick Hetzel. Vous avez raison de dire que les formations ont vocation à intégrer le RNCP et les auteurs de l’amendement n’y sont pas hostiles, mais vous savez que certains CQP peuvent donner lieu à des financements, et ce qu’il faut c’est sécuriser le processus transitoire. Pour avoir pratiqué le RNCP, je sais que le processus reste long et il faut donc trouver une solution pour ne pas bloquer le système. Soit vous adoptez l’amendement soit vous nous présentez une autre solution car il faut faire face au problème.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Il y a deux sujets différents. L’un est de savoir si changer la sémantique change quelque chose : je pense que ça ne change rien.

En revanche, vous pointez un sujet très important : aujourd’hui, la vitesse moyenne de rénovation d’un diplôme ou d’un titre est de cinq ans. Le temps de se rendre compte du problème, de rénover le titre et que les premières cohortes sortent, cela prend en gros dix ans : on est sûr d’être en retard, avec la vitesse d’évolution des métiers. Face à cela, il existe deux leviers. Le premier : nous voulons donner aux branches professionnelles, de façon paritaire, un rôle de co-construction des diplômes. Le second, c’est un système qui permette d’inscrire les formations émergentes dans un répertoire ou inventaire. C’est a priori d’ordre réglementaire.

La commission rejette cet amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS300 de M. Gérard Cherpion, qui fait l’objet du sous-amendement AS1456 de la rapporteure.

M. Stéphane Viry. Pour plus de clarté, il importe que la loi mentionne explicitement la possibilité d’accéder au certificat « CléA », qui permet de valider les formations du socle de connaissances et de compétences professionnelles par le biais du compte personnel de formation.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Mon sous-amendement vise à mentionner dans la loi le certificat « CléA » sans l’enfermer dans une référence à un décret. Nous ne pouvons préjuger des évolutions réglementaires à venir.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Le certificat « CléA » a une grande importance. Il fait partie des cinq demandes les plus fortes d’utilisation des heures du compte personnel de formation actuel. Sécuriser la possibilité d’accéder à ce certificat en le mentionnant dans la loi me paraît une bonne chose.

La commission adopte le sous-amendement puis l’amendement sous-amendé.

Elle est saisie des amendements identiques AS257 de Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, AS433 de Mme Justine Benin et AS793 de M. Gérard Cherpion.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. Cet amendement complète l’alinéa 27 en précisant les conditions et les modalités définies par le décret afin de ne pas compromettre l’obtention des actions mentionnées.

Mme Justine Benin. Nous souhaitons préciser la portée du décret régissant les conditions et les modalités d’éligibilité des actions mentionnées à l’alinéa 27.

M. Stéphane Viry. Il s’agit de préciser les conditions d’ancienneté et de fréquence pour le suivi de certaines formations.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Vos amendements reposent sur une rédaction restrictive : ils définissent des critères qui apparaîtront comme autant de conditions dans la mobilisation du CPF. Mieux vaut maintenir ouverte l’éligibilité de l’ensemble des actions mentionnées à l’alinéa 27.Avis défavorable.

Les amendements AS257 et AS433 sont retirés.

La commission rejette l’amendement AS793.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS1292 et AS1293 de la rapporteure.

Elle examine les amendements identiques AS194 de M. Gérard Cherpion, AS346 de Mme Véronique Louwagie, AS400 de M. Bernard Perrut, AS709 de M. Francis Vercamer, AS1073 de M. Jean-François Cesarini et AS1127 de M. Sylvain Maillard.

M. Gérard Cherpion. Notre amendement AS194 a pour but de rendre le permis poids lourd éligible au CPF dans le cadre d’une évolution professionnelle.

M. Francis Vercamer. Les métiers du transport routier, de marchandises et de voyageurs, pourvoyeurs d’emplois, sont confrontés à des difficultés de recrutement. Rendre éligible au CPF le permis poids lourd faciliterait l’évolution vers ces emplois.

M. Jean-François Cesarini. À côté des diplômes et des compétences, le CPF doit prendre en compte les aptitudes, qui permettent également de trouver du travail.

Mme Fadila Khattabi. Comme l’ont souligné mes collègues, les métiers du transport routier ont des besoins importants de recrutement, notamment parce qu’il faut combler les départs massifs à la retraite. Rendre éligible le permis poids lourd favoriserait la mobilité professionnelle des salariés.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Je souscris à l’ensemble de ces arguments. Rendre éligible le permis poids lourd constitue un levier supplémentaire dans l’accès à l’emploi. Avis favorable.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Le permis poids lourd correspond à une forte demande du côté des salariés comme des demandeurs d’emploi car beaucoup n’ont pas les moyens de le financer. En outre, la profession fait état d’un besoin de recrutement de 23 000 personnes. Le rendre éligible serait donc une très bonne chose.

La commission adopte ces amendements.

Elle en vient à l’amendement AS301 de M. Gérard Cherpion.

M. Stéphane Viry. Le projet de loi fait du CPF rénové le seul accès à la formation, laissé à l’initiative du salarié, et le transforme en un lieu de liberté et de totale autonomie. Il en fait un outil « désintermédié » qui permettra de choisir et d’acheter de la formation à partir d’une seule application numérique. L’équilibre du dispositif était assuré dans l’ANI par des modalités de co-construction des parcours alors que le projet de loi prévoit une simple autonomisation des actifs.

Dans ces conditions, il convient a minima de rendre éligibles au CPF les actions de formation qui répondent à la nouvelle définition de « l’offre de formation » selon l’article 4 et qui font l’objet d’un cofinancement de l’employeur. Cela ferait du CPF un outil souple et agile donnant accès à des formations non nécessairement certifiées. L’abondement par l’entreprise garantirait qu’elles correspondent à un besoin partagé ou qu’elles répondent à des besoins émergents, dans le cadre de la transformation numérique des métiers, par exemple.

Le présent amendement maintient toutefois la possibilité prévue par le Gouvernement d’alimenter le CPF des salariés à temps partiel dont la durée du travail est égale ou supérieure à la moitié de la durée légale au même niveau que celui des salariés à temps plein.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Aujourd’hui, les formations éligibles au CPF sont celles qui sont inscrites au répertoire national des certifications professionnelles ou au répertoire spécifique dans une logique de certification et de qualité. L’abondement de l’employeur ne me paraît pas être un critère suffisant pour rendre une action de formation éligible. Avis défavorable.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Aucun des récents accords nationaux interprofessionnels n’a précisé que les formations abondées par l’employeur pouvaient être éligibles au CPF car cela est déjà prévu sous trois formes : par accord de branche, notamment dans les métiers en tension ; par accord d’entreprise pour tel ou tel type de qualification ; par accord individuel.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AS540 de M. Sacha Houlié.

M. Sacha Houlié. La réécriture de l’article L. 6323-6 du code du travail modifie le régime des formations éligibles au financement du compte personnel de formation pour assurer pleinement l’efficacité de la formation professionnelle des individus. Remettre à plat l’intégralité du dispositif pourrait toutefois conduire à placer au même niveau que d’autres des certifications professionnelles n’ayant pas démontré leur pertinence, point sur lequel plusieurs syndicats ont appelé notre attention.

À titre transitoire, il serait utile que le Gouvernement puisse, par voie de décret et avec les partenaires sociaux, continuer à s’appuyer sur le système des listes afin de maintenir un levier de régulation pour les nouvelles formations éligibles dans le cadre de la certification professionnelle.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Nous portons une attention particulière aux modalités de transition prévues par ce projet de loi. Toutefois, s’agissant de l’enjeu spécifique que constitue la disparition du système de listes, l’entrée en vigueur au 1er janvier 2019 ne me paraît pas poser de difficultés : les certifications déjà enregistrées au RNCP ou au répertoire spécifique seront éligibles, ce qui constitue une simplification immédiate pour l’usager.

Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer votre amendement.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. La transition ne pose pas problème en ce domaine car le répertoire national couvre déjà 12 000 qualifications. Les listes tendent à complexifier le système.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AS1043 de M. Jean-François Cesarini.

M. Jean-François Cesarini. Le compte personnel de formation peut être utilisé pour se former à des compétences non strictement professionnelles, nous l’avons vu avec le code de la route ou le permis poids lourd. Dans cette logique, nous proposons de rendre éligibles les formations aux gestes de premiers secours.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Les formations aux gestes de premier secours ne me paraissent pas aussi déterminantes pour l’insertion professionnelle que le permis de conduire. Avis défavorable.

M. Francis Vercamer. Le groupe UDI, Agir et Indépendants soutiendra cet amendement. Il me paraît important que l’ensemble des Français soient formés aux premiers secours.

M. Adrien Quatennens. Le groupe de La France insoumise soutient également cet amendement même s’il estime que les gestes de premiers secours, en tant qu’impératif de la vie citoyenne, devraient être enseignés à toutes et à tous gratuitement. Nous saluons la volonté de notre collègue de sortir de la définition trop restreinte de la formation professionnelle qui prévaut dans ce projet de loi.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Le législateur doit garder une cohérence sous peine de rendre la loi illisible pour nos concitoyens. Le compte personnel de formation a pour but de sécuriser les parcours professionnels. La formation aux premiers gestes ne saurait être inscrite au répertoire national des qualifications car elle ne correspond pas à un diplôme donnant accès à un métier.

Elle constitue toutefois un enjeu très important sur lequel nous aurons l’occasion de revenir dans quelques mois car ma collègue Agnès Buzyn et moi-même allons nous pencher sur la santé au travail et sur la prévention, à laquelle la diffusion dans la population de la connaissance des gestes de premiers secours contribue, bien évidemment.

M. Francis Vercamer. Cet amendement instaure non pas une obligation mais une faculté. Si un salarié estime que cette formation aux gestes de premiers secours est nécessaire, je ne vois pas pourquoi on l’empêcherait d’utiliser son compte personnel de formation dans ce but. Pensons, par exemple, aux chauffeurs d’autocar.

M. Boris Vallaud. J’ajoute, sous le contrôle de Mme la ministre, que les gestes de premiers secours font partie des formations obligatoires pour certains métiers.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Je le confirme.

M. Jean-François Cesarini. Je comprends votre raisonnement, madame la ministre, mais je maintiens que la formation aux gestes de premiers secours est susceptible de faciliter l’embauche. Un employeur peut fort bien considérer que la capacité à sauver des vies constitue un plus pour retenir telle ou telle candidature.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Il faut distinguer les métiers pour lesquels cette formation est obligatoire, donc à la charge de l’employeur, de ceux pour lesquels elle ne l’est pas. Si nous ne nous concentrons pas sur le fait que le CPF doit rassembler uniquement des qualifications professionnelles alors nous aurons de multiples débats sur les choses utiles à la société que nous pouvons y faire entrer.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Cette formation aux premiers secours peut être un élément déterminant dans une embauche. Pensons, par exemple, à la garde d’enfants de plus de trois ans.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AS640 de Mme Fadila Khattabi.

Mme Fadila Khattabi. Notre amendement vise à supprimer l’alinéa 33 qui abroge l’article L. 6323-7 du code du travail. Ce dernier donne une traduction concrète au droit à une durée complémentaire de formation qualifiante mentionné à l’article L. 122‑2 du code de l’éducation. Cette disposition concerne les jeunes de moins de vingt-cinq ans sans diplôme qui, pour réaliser leur projet professionnel et finaliser leur parcours de formation qualifiante, bénéficient d’un abondement de leur compte personnel de formation qui vient s’ajouter aux droits déjà inscrits dans le CPF. L’objectif est clair : permettre à tous les jeunes de maîtriser des savoirs de base à l’issue de la scolarité obligatoire. Cette durée complémentaire de formation qualifiante peut véritablement constituer un tremplin vers un premier emploi.

Supprimer cette disposition reviendrait à nier le droit à la formation différée, ce qui ne correspond pas à la logique du présent projet qui favorise un meilleur accès à la formation pour tous tout au long du parcours professionnel, en particulier pour les jeunes les moins qualifiés.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Le droit à une durée complémentaire de formation qualifiante restera ouvert aux décrocheurs dans le cadre du financement par les régions du service public régional de l’orientation professionnelle. L’article L. 6121-2 du code du travail prévoit le droit pour « toute personne cherchant à s’insérer sur le marché du travail, quel que soit son lieu de résidence, d’accéder à une formation professionnelle afin d’acquérir un premier niveau de qualification ». La duplication de cette disposition dans le régime du CPF n’apparaît donc pas nécessaire.Mme Fadila Khattabi. Dans la mesure où ce droit reste ouvert, je retire mon amendement.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie des amendements identiques AS195 de M. Gérard Cherpion et AS401 de M. Bernard Perrut.

M. Gérard Cherpion. L’alinéa 36 de l’article 1er prévoit que « Chaque titulaire d’un compte a connaissance du montant des droits inscrits sur son compte et des abondements dont il bénéficie en accédant à un service dématérialisé gratuit. » Notre amendement vise à remplacer « bénéficie » par « peut bénéficier » de manière à élargir les informations fournies par le site dématérialisé à tous les types d’abondements auxquels un salarié a droit.

M. Bernard Perrut. Si on veut rendre le salarié réellement responsable de son parcours professionnel, il faut en effet lui fournir toutes les informations nécessaires au lieu de se limiter aux droits inscrits sur son compte personnel de formation.

Mme Catherine Fabre, rapporteure.  Je partage votre objectif : la plateforme du CPF doit recenser l’ensemble des abondements dont peut bénéficier un titulaire de compte.

La commission adopte ces amendements.

Elle est saisie de l’amendement AS579 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. La nature de l’application numérique prévue par le texte suscite des interrogations. Telle qu’elle est conçue, elle conduira à une individualisation des parcours de formation allant jusqu’à des modes de paiement individuels. Chacun est renvoyé à sa propre responsabilité en matière d’employabilité. C’est le règne du chacun pour soi. En outre, nombre de rapports montrent que la numérisation des procédures d’accès au droit entraîne une hausse du taux de non-recours et tend à éloigner les citoyens des services publics. On peut donc redouter que cette application constitue un recul en termes d’accès au droit et engendre des inégalités sociales et territoriales dangereuses. Elle sera avant tout un outil de commercialisation et permettra même des démarches de marketing.

Aujourd’hui, le choix d’une action de formation est fait avec des organismes qui accompagnent les salariés dans la construction de leur parcours professionnel. Cela fait partie notamment des compétences des missions locales qui s’occupent des jeunes de moins de vingt-six ans.

L’objectif de notre amendement est de maintenir pour l’inscription, l’élaboration des choix et le paiement, un accompagnement humain, par ce que vous appelez les corps intermédiaires, madame la rapporteure. Cela favorisera l’accès de chacun à une formation qui lui corresponde.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Vous savez, monsieur Dharréville, que je ne peux pas vous suivre dans cette voie. Nous estimons en effet que l’une des avancées majeures de l’article 1er est la possibilité d’utiliser le CPF de manière libre et autonome, ce qui ne signifie nullement que les organismes ne pourront plus accompagner les salariés.

Précisons que la Caisse des dépôts et consignations travaille à un « parcours usager » guidant l’utilisateur du début à la fin de son inscription en formation.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Monsieur Dharréville, nous partageons la même préoccupation : certains demandeurs d’emploi ont besoin d’un accompagnement soit qu’ils aient à mûrir leur projet, soit qu’ils éprouvent des difficultés à manier l’outil numérique. L’accord que nous reprenons dans la loi prévoit que le conseil en évolution professionnelle sera accessible à tous les salariés, non pas en recourant au CPF, mais grâce à la mutualisation globale. Les missions locales et Pôle emploi continueront de remplir leur rôle de conseil.

M. Boris Vallaud. Nous partageons l’inquiétude que vient d’exprimer Pierre Dharréville. L’application conduit à une individualisation des droits et à un affaiblissement de l’accompagnement. La réponse que vous nous avez donnée, madame la ministre, ne nous convainc pas. Plusieurs rapports, dont ceux du Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles, ont montré que plus un salarié est éloigné de l’emploi moins il se forme. Votre réforme ne répond pas à ces cas. Le risque de non-recours est donc considérable.

M. Gérard Cherpion. M. Dharréville a raison : certaines personnes ont besoin d’un accompagnement et il me paraît nécessaire de le préciser dans la loi de façon à responsabiliser les organismes collecteurs dans le rôle qui est le leur.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Le projet de loi ne prévoit pas d’autre organisme collecteur que l’URSSAF. Ce rôle d’accompagnement ne saurait donc revenir à ces organismes. Mais nous partageons votre préoccupation : il faut un accompagnement personnel pour les personnes qui en ont besoin. Une autre partie du projet de loi prévoit un conseil en évolution professionnelle, financé par des fonds mutualisés, accessible gratuitement sur l’ensemble du territoire.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AS1147 de M. Sylvain Maillard.

Mme Fadila Khattabi. Notre objectif est la simplification mais aussi la lisibilité. Le projet de loi définit le cadre du nouveau système d’agrément mais l’énumération de l’ensemble des opérateurs n’est pas exhaustive. Cet amendement vise à garantir l’identification claire et opérationnelle des opérateurs du conseil en évolution professionnelle, disposition qui se situe dans le droit fil du projet de loi : permettre aux titulaires de CPF de s’approprier le dispositif pour avoir plus d’autonomie et de liberté de choix dans leurs démarches de formation. Le futur service dématérialisé gratuit qu’est la plateforme du CPF constituerait un support idéal pour remplir la mission que nous venons d’évoquer.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. La publicité des opérateurs du conseil en évolution professionnelle est en effet une condition essentielle du succès de ce dispositif encore trop peu connu. Elle sera prévue dans la plateforme CPF.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement AS1061 de Mme Cendra Motin.

Mme Valérie Petit. Cet amendement vise à encourager les employeurs à communiquer sur le CPF et les autres droits dont les salariés bénéficient, en organisant une demi-journée d’information éligible au plan de développement de compétences.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Toutes les initiatives de terrain destinées à faire connaître le CPF sont nécessaires et doivent être saluées. L’entreprise constitue un lieu particulièrement propice pour les développer.

Toutefois, la modification que vous proposez ne relève pas du domaine de la loi. En outre, cette possibilité existe déjà et la demi-journée risque de contraindre les actions menées dans un format qui apparaîtra, selon les cas, insuffisant ou excessif.L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement de cohérence rédactionnelle AS1294 de la rapporteure.

Elle examine l’amendement AS302 de M. Gérard Cherpion.

M. Stéphane Viry. Nous savons que nous n’emportons pas votre adhésion au maintien du système en heures au sein du CPF mais nous restons préoccupés par la phase de transition du système actuel vers le nouveau. Pour rassurer les salariés, nous proposons de revaloriser les droits acquis : l’alimentation du compte passerait de 24 à 35 heures annuelles dans la limite d’un plafond de 400 heures au lieu de 150, conformément à ce qui a été décidé dans l’ANI du 22 février dernier.

Mme Catherine Fabre, rapporteure.  Cette disposition contredit directement l’objectif d’un CPF en euros, lisible et accessible.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. En 2019, le CPF continuera d’être alimenté en heures, lesquelles viendront s’ajouter aux heures déjà acquises. Leur total sera converti en euros dans l’application avant la fin de l’année. Il n’y aura donc pas de problème de transition. C’est seulement au 1er janvier 2020 que l’on passera aux euros.

M. Boris Vallaud. N’oublions pas que l’année de transition devra aussi respecter les résultats des négociations avec les partenaires sociaux qui ont abouti à des choix plus généreux que ceux opérés par le Gouvernement.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AS976 de Mme Michèle de Vaucouleurs.

Mme Michèle de Vaucouleurs. L’article 1er redéfinit les modalités du CPF en instituant un abondement en euros. Il est prévu notamment que les personnes travaillant à temps partiel au-delà de 50 % de la durée légale bénéficieront du même abondement que les salariés à temps plein, ce qui est l’une des mesures essentielles de ce projet de loi. Une lacune a toutefois été pointée par le Conseil d’État dans son avis : aucune réévaluation des montants acquis n’est prévue. Notre amendement propose donc une réévaluation indexée sur l’inflation selon une périodicité déterminée par décret. Cela permettra de coller à la réalité économique et de garantir des droits effectifs sur la durée.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Comme déjà évoqué, il s’agit d’une question importante sur laquelle nous devons nous pencher d’ici à la séance.

L’amendement est retiré.

La commission en vient aux amendements identiques AS62 de M. Paul Christophe, AS74 de Mme Alexandra Valetta-Ardisson. AS413 de M. Bernard Perrut et AS799 de Mme Gisèle Biémouret.

M. Paul Christophe. Cet amendement, qui s’inspire d’un avis rendu par le Conseil national consultatif des personnes handicapées, prévoit de majorer financièrement le compte personnel de formation des travailleurs en situation de handicap. Nous savons que ceux-ci sont fortement touchés par le chômage et qu’ils ont des besoins de formation plus importants, plus spécifiques et plus coûteux. Cette majoration favoriserait une meilleure sécurisation de leur parcours professionnel.

Mme Alexandra Valetta-Ardisson. Il nous paraît important de prévoir un abondement spécifique sous la forme d’une majoration définie par décret pour les bénéficiaires de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés.

M. Bernard Perrut. Nous avons évoqué à plusieurs reprises l’emploi des personnes en situation de handicap devant cette commission, madame la ministre, et nous savons combien vous y êtes attentive.

Ce projet de loi comprend déjà deux mesures qui pourraient leur bénéficier.

L’article 1er augmente le montant annuel d’alimentation des droits ainsi que son plafonnement pour tous les actifs n’ayant pas un niveau V de qualification, ce qui devrait concerner un grand nombre de personnes handicapées.

Par ailleurs, il est prévu que les salariés à temps partiel dont la durée annuelle de travail dépasse 50 % de la durée légale voient leur compte crédité d’un montant annuel forfaitaire, quelle que soit leur quotité de travail. Or nous savons que les travailleurs handicapés sont nombreux à travailler à temps partiel, très majoritairement de manière subie.

Il serait bon d’ajouter une autre mesure en leur faveur en inscrivant dans la loi une majoration de l’abondement au CPF.

Mme Gisèle Biémouret. Une telle majoration nous semble en effet s’imposer.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Le soutien à la formation professionnelle des personnes en situation de handicap constitue un axe fort de ce projet de loi : nous aurons l’occasion d’y revenir.

Accédant plus difficilement aux qualifications, les travailleurs handicapés bénéficient d’ores et déjà, pour beaucoup, de l’abondement majoré prévu pour les salariés les moins qualifiés.

Je ne souhaite néanmoins pas préjuger des conclusions qui suivront la fin de la concertation avec les partenaires sociaux à ce sujet la semaine prochaine et vous propose donc d’en débattre en séance une fois ces éléments connus.

M. Bernard Perrut. Il s’agit d’un enjeu particulièrement important et nous aimerions recevoir des assurances de la part de Mme la ministre. Ce texte ne saurait faire l’impasse sur les personnes en situation de handicap, qui ont besoin de tout notre soutien.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. La concertation n’étant pas achevée, je ne peux prendre de position définitive. Je tiens toutefois à vous indiquer quel est l’état d’esprit du Gouvernement.

Il faut reconnaître qu’en matière d’emploi des personnes handicapées, nous sommes collectivement en semi-échec.

Aujourd’hui, l’obligation d’employer 6 % de travailleurs handicapés n’est respectée qu’à hauteur de 3,4 % dans les entreprises. Comme cela a été dit, il y a 500 000 demandeurs d’emploi handicapés, ce qui est énorme. Leur niveau de qualification est plus bas que celui de la moyenne des demandeurs d’emploi, car la génération concernée n’a pas bénéficié de l’accompagnement à l’école, tel qu’il existe aujourd’hui. Elle se trouve donc pénalisée.

Le sujet de l’accès à la qualification et à la formation, qui constitue pour ainsi dire un rattrapage de formation, est fondamental pour permettre aux travailleurs handicapés d’accéder à l’emploi ou à un développement de carrière. Ce sujet me paraît donc important. Il est abordé au cours de la concertation avec les partenaires sociaux et fera sans doute l’objet d’un amendement en séance publique.

Sur le sujet du temps partiel, on prévoit, dans le compte personnel de formation, les mêmes droits à mi-temps et à temps plein. Cela est conçu notamment en faveur des femmes, qui représentent 80 % des travailleurs à temps partiel. Quant à savoir ce qui peut faire l’objet d’un abondement, c’est un sujet qui est également à l’ordre du jour de la concertation en cours. Je proposerai un amendement en séance à ce sujet.

M. Paul Christophe. Après avoir entendu votre préambule sur l’égalité des chances, je trouve que le texte manque d’ambition sur cette question. Aussi suis-je, madame la ministre, très heureux de vos propos, que je ne demande qu’à croire.

Mme Alexandra Valetta Ardisson. Compte tenu de ces propos, je retire mon amendement, en conservant toutefois la possibilité de le déposer à nouveau, si je ne voyais aucun mouvement.

Mme Gisèle Biémouret. Quant à moi, je le maintiens.

M. Gilles Lurton. Vous comprenez que nous soyons un peu dépités de votre réponse, je trouve cependant dommageable que la concertation se poursuive alors même que nous sommes en train d’examiner le texte en commission et qu’il viendra en séance publique d’ici une dizaine de jours.

Je relève en tout cas une très forte volonté politique de favoriser la formation des travailleurs handicapés ; c’est aussi celle des membres de cette commission. Nous souhaitons qu’elle soit vraiment prise en compte.

M. Pierre Dharréville. De manière générale, je ne suis pas un partisan de la monétisation, mais je partage l’intention qui sous-tend l’amendement : donner des droits effectifs aux personnes en situation de handicap. Je propose donc de l’adopter, puisque le Gouvernement a la volonté manifeste d’aller dans cette direction. S’il dépose ensuite son propre amendement, cela ne lui posera pas de difficulté mais nous aurons déjà inscrit ce principe dans la loi, marquant ainsi notre volonté d’avancer. Au besoin, la séance nous permettra de poursuivre la discussion.

M. Sylvain Maillard. Le groupe LaREM ne se désintéresse pas de cette discussion, qui est au cœur de notre projet et nos préoccupations. Nous l’avons d’ailleurs déjà menée avec la ministre, avant de décider d’attendre la séance publique, en prenant le temps d’une concertation pleine et entière. Car on ne peut décider à quelques-uns ; il faut que l’ensemble des acteurs se saisissent du sujet.

Cette temporalité heurte certes le calendrier d’examen de la commission. Mais il est essentiel d’aboutir à une solution efficace et qui convienne à toutes les personnes en situation de handicap car ce sont elles qui ont le plus besoin de formation professionnelle.

M. Bernard Perrut. Je maintiens mon amendement, pour donner un signe fort, sans remettre cependant en cause l’expression et l’engagement de la ministre.

M. Sylvain Maillard. Pour montrer sa bonne foi, mon groupe s’abstiendra.

L’amendement AS74 est retiré.

La commission adopte les amendements AS62, AS413 et AS799.

Elle en vient à l’amendement AS485 de M. Jean-Hugues Ratenon.

M. Jean-Hugues Ratenon. Nous sommes convaincus que le passage d’un compte personnel de formation alimenté en heures à un compte alimenté en euros entraîne, pour un certain nombre de salariés, des projets de formation revus à la baisse.

Si l’heure de formation est valorisée, comme il est prévu, à 14,8 euros, il sera beaucoup plus difficile d’accéder à des formations débouchant sur l’acquisition du permis de conduire ou l’obtention de certificats en langue étrangère. Or, il conviendrait de permettre à celles et ceux qui ne bénéficient pas assez des mécanismes de formation professionnelle d’y accéder. Je pense notamment aux techniciens et aux demandeurs d’emploi.

La technicité de certains métiers ou corps de métiers demande une formation longue et complète. Le CPF, tel que prévu par le Gouvernement, ne le permet aucunement. Il ne serait alimenté qu’à hauteur de 500 euros par an, alors qu’une heure de formation peut parfois coûter jusqu’à 31 euros. Il paraît pourtant difficile de former un salarié ou un demandeur d’emploi à un poste technique en 16 heures.

Le projet de loi offre la possibilité aux bénéficiaires d’un CPF de quémander un financement auprès de la région de son employeur ou de son opérateur de compétences ou d’un autre organisme. Si le salarié n’est pas à l’aise avec les démarches administratives, ou si sa demande est refusée, il sera néanmoins obligé de payer un reste à charge élevé pour pouvoir suivre sa formation.

Nous demandons donc à ce que le montant d’alimentation du CPF puisse être revu à la hausse, en fonction du poste et des besoins.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. La possibilité de définir, par la négociation collective de branche, des modalités d’alimentation du CPF plus favorables que celles définies par le droit commun est déjà prévue. Votre objectif est donc satisfait. Il est aussi possible de financer des formations plus coûteuses par le biais du CPF de transition.

M. Boris Vallaud. Certes, cette faculté existe, mais l’amendement prévoit d’en faire une obligation. Rappelons que certaines formations dispensées sur plateau technique coûtent 60 euros de l’heure et que tout ne relève pas du financement par le CPF de transition.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine AS303 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Cet amendement est la suite de mon amendement AS302. Il est proposé d’aligner la revalorisation du CPF selon les crédits négociés par les partenaires sociaux dans l’ANI du 22 février 2018 pour l’accompagnement des évolutions professionnelles.

Les salariés n’ayant pas atteint le niveau CAP ou BEP bénéficieraient ainsi d’une revalorisation de 48 à 55 heures annuelles dans la limite d’un plafond qui passerait de 400 à 550 heures.

Cela permet de mieux définir la période de transition et de prendre en compte l’ANI de 2018.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Avis défavorable.

M. Boris Vallaud. Nous sommes favorables au respect de l’ANI du 22 février, donc à cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements AS1457 de la rapporteure et AS1097 de Mme Ericka Bareigts.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Cet amendement vise à garantir une majoration claire du niveau d’alimentation du CPF des salariés les moins qualifiés. Ce niveau sera défini par décret et devra être au moins égal à 1,6 fois celui défini pour l’alimentation de droit commun. Pour une alimentation fixée à 500 euros par an, le CPF des non-salariés sera donc abondé – comme l’exposé des motifs du projet de loi le prévoit d’ailleurs – de 800 euros. Un même écart sera garanti pour le plafond de droits inscrits.

Nous explicitons ainsi le différentiel entre l’alimentation du CPF de droit commun et celui des moins qualifiés.

Mme Justine Benin. Il est proposé d’ajouter : « À titre expérimental pour une durée de trois ans, le montant des droits à formation inscrits sur le compte est majoré afin de tenir compte des coûts de formation propres à ces collectivités. Un décret en Conseil d’État fixe la valeur et les modalités de la majoration. »

La valorisation du compte personnel du salarié de manière uniforme au niveau national ne tient pas compte des spécificités des collectivités régies par l’article 73 de la Constitution. Les chiffres de Pôle emploi montrent que les coûts unitaires moyens complets des formations financées en 2017 par Pôle emploi aux demandeurs d’emploi résidant outre-mer sont supérieurs aux coûts moyens nationaux.

Le différentiel de coût horaire est de l’ordre de 30 % par rapport aux coûts pratiqués dans l’Hexagone. Le coût moyen en Martinique est même de 58 % plus élevé que le coût moyen national – de 37 % et 36 % en Guadeloupe et en Guyane.

Ce coût supplémentaire peut aussi s’expliquer par une durée supérieure des formations comme en Martinique, mais aussi par la rémunération du stagiaire par Pôle emploi pendant la formation pour les stagiaires n’ayant pas l’allocation de retour à l’emploi, qui est plus utilisée dans les départements d’outre-mer que dans l’Hexagone.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Votre amendement vise à majorer l’alimentation du CPF des salariés les moins qualifiés outre-mer.

Si les enjeux spécifiques de coût des formations et de besoin en formation professionnelle dans ces territoires doivent être gardés à l’esprit, il ne m’apparaît toutefois pas souhaitable de définir un régime ad hoc.

La problématique du coût des formations couvrant l’ensemble des salariés, pourquoi limitez-vous par ailleurs ce régime dérogatoire aux seuls salariés les moins qualifiés ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Je ferai quelques remarques sur ces deux amendements. Le principe de l’ANI selon lequel les droits du salarié dépourvu de diplômes ou de qualifications sont plus importants mérite d’être repris dans le projet de loi. Mais il est toujours dangereux d’être trop précis sur une matière évolutive.

Qui nous dit qu’un coefficient variant de 1 à 1,6 sera encore le bon dans quatre ans, au vu de l’évolution du marché du travail et des qualifications ? Les partenaires sociaux et les pouvoirs publics doivent pouvoir examiner alors la question. Reprenons plutôt cette discussion en séance publique. Inscrivons le principe dans la loi, mais sans le figer en précisant la valeur de 1,6.

À l’occasion de mon audition par votre délégation aux outre-mer, j’ai partagé les préoccupations de ses membres, tous bancs confondus. Les spécificités sont différentes d’un territoire outre-mer à l’autre. En outre, nos préoccupations quant au manque de qualifications valent plus encore pour l’outre-mer.

C’est pourquoi je proposerai que le Gouvernement soit habilité à légiférer par ordonnance pour adapter la loi aux différents cas, notamment sur la question du choix des opérateurs de compétences et sur la manière d’organiser la réforme en outre-mer. Nous devons en effet y réfléchir encore un peu avant de graver dans le marbre quelque chose de définitif. Voilà ce que j’ai aussi proposé à la délégation aux outre-mer.

Nous regarderons bien sûr ensemble quel cadre tracer pour ces ordonnances.

Mme Ericka Bareigts. Je vous remercie, madame la ministre, pour ces précisions. Dans mon amendement, je n’ai pas fixé de niveau exact, contrairement à ce que j’avais fait pour mon amendement précédent.

En effet, lors de votre audition par notre délégation aux outre-mer, nous avons entendu votre point de vue, à savoir le choix d’un renvoi à une loi d’habilitation. C’est pourquoi nous proposons un renvoi à des décrets d’application, pour que vous puissiez en effet fixer le bon niveau en fonction des territoires. À mon sens, mon amendement répond aux préoccupations que nous partageons : ne pas fixer de taux et renvoyer à un décret pour être au plus près de la réalité des territoires. Je le maintiens donc.

Mme Justine Benin. Je suis également en faveur d’un maintien.

M. Francis Vercamer. J’ai du mal à vous suivre, madame la ministre. L’intérêt de passer à un compte personnel de formation décompté en euros, et non plus en heures, était de favoriser les moins qualifiés. Ce nouvel amendement en leur faveur est nécessaire. Pourquoi avoir alors effectué ce passage, point sur lequel je n’ai d’ailleurs pas encore de religion ?

Il semble en effet que l’heure de formation doive coûter moins cher pour eux ; ils auraient donc pu en obtenir davantage grâce à la monétisation du compte personnel de formation. Mais vous nous dites maintenant exactement l’inverse, puisqu’il faudrait abonder plus spécialement les comptes des moins qualifiés !

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Il me semble important de consacrer le principe symbolique d’une différenciation et d’une majoration des droits pour les moins qualifiés. Puisque la ministre nous garantit que ces éléments seront retenus au stade de la séance publique, j’accepte de retirer mon amendement et de travailler à sa réécriture en vue de la séance publique.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Nous avons annoncé que les droits seraient différents selon que les salariés sont qualifiés ou non. Les droits des salariés seraient augmentés de 500 à 5 000 euros par an pour les salariés de droit commun, mais de 800 jusqu’à 8 000 euros pour ceux qui n’ont pas de qualification. Nous reprenons ainsi le contenu et le principe, très positif, de l’ANI validé par les partenaires sociaux.

Ma remarque portait seulement sur le fait qu’il ne fallait pas figer le coefficient, car il peut y avoir différents critères à prendre en compte, relatifs au territoire, au type de qualification, à l’évolution du marché du travail… Le coefficient devra peut-être, sur cette base, être fixé à 1,5 ou 1,7 dans quelques années.

Le mécanisme du coefficient fonctionne en tout cas très bien que le compte soit en heures ou en euros. Si nous permettons d’ouvrir des formations à 8 000 euros pour des personnes non qualifiées, nous leur proposons ainsi des formations longues et chères qui leur permettent vraiment d’acquérir une première qualification.

M. Pierre Dharréville. Je partage les interrogations de notre collègue Francis Vercamer sur le transfert de la gestion des comptes en heures à des comptes en euros. Vous prétendez que cela a un intérêt particulier pour les moins qualifiés. Mais je m’interroge. Quels avantages réels ont-ils réellement à attendre ? Quels sont en réalité les objectifs poursuivis par cette monétisation ? Quels avantages comptez-vous en tirer pour votre part ? Car je ne les vois toujours pas. Nous voulons un éclairage sur cette question, à la faveur des jours de discussion qui viennent.

L’amendement AS1457 est retiré.

La commission rejette l’amendement AS1097.

Elle en vient à l’amendement AS1099 de Mme Nathalie Elimas.

Mme Nathalie Elimas. L’article premier prévoit que le montant annuel d’alimentation des droits, ainsi que le plafonnement du compte personnel de formation, seront supérieurs pour tous les salariés n’ayant pas un niveau de formation sanctionné par un diplôme classé au niveau V, soit le niveau du CAP.

Compte tenu de l’importance que représente la formation pour l’inclusion des personnes handicapées dans l’emploi, mais aussi de l’investissement, du coût et du temps qu’elle peut nécessiter, il est logique qu’elles bénéficient des mêmes conditions d’alimentation du compte personnel de formation que les salariés non qualifiés.

Cet amendement propose donc que les personnes bénéficiaires de l’obligation d’emploi voient leur compte personnel de formation alimenté à son plus haut niveau, en déterminant un montant supérieur à celui fixé pour l’ensemble des salariés. En outre, il est précisé que cette disposition s’applique quelle que soit la durée de travail effectuée, afin de ne pas pénaliser les travailleurs handicapés à temps partiel.

Cet amendement s’écarte ainsi, par des nuances, sur deux points de l’amendement présenté tout à l’heure par notre collègue Christophe : le lien établi entre le CPF des travailleurs handicapés et le CPF des moins qualifiés ; une application quelle que soit la durée de travail effectué.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. L’amendement est satisfait par les dispositions que nous avons précédemment adoptées.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AS977 de Mme Michèle de Vaucouleurs.

Mme Michèle de Vaucouleurs. L’amendement modifie le dispositif prévu à l’article L. 6323–13 du code du travail. Il porte sur les sanctions applicables aux entreprises d’au moins de 50 salariés, dont les salariés n’auraient pas bénéficié des mesures mentionnées à l’article L. 6315, soit la réalisation d’un entretien professionnel et d’au moins deux des quatre mesures suivantes : suivi d’au moins une action de formation ; acquisition des éléments de certification par la formation ou par une validation des acquis de son expérience ; bénéfice d’une progression salariale ou professionnelle ; abondement de son compte personnel de formation par l’employeur pour un montant au moins équivalent à la moitié des droits acquis par le salarié – ce qui constituerait une nouvelle obligation.

Sans remettre en cause ces obligations, le présent amendement prévoit que le dispositif de sanctions ne s’applique que si le salarié n’a pas bénéficié des entretiens prévus et d’au moins une action de formation autre que les actions de formation obligatoires, c’est-à-dire n’étant conditionnée ni par l’exercice d’une activité ni par l’exercice d’une fonction, en fonction d’une convention internationale ou de dispositions légales ou réglementaires.

L’objectif est donc de simplifier les sanctions et de promouvoir les actions de formation non obligatoires.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Vous soulevez l’enjeu central du contenu de l’état des lieux récapitulatif tous les six ans. C’est un sujet important, mais je vous propose d’en rediscuter à l’article 6, consacré à l’entretien professionnel.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AS801 de Mme Ericka Bareigts.

Mme Ericka Bareigts. La loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle a créé une obligation d’entretien professionnel consacré à la formation professionnelle tous les deux ans. Nous notons que le projet de loi ne remet pas en cause cette obligation. Dans votre texte, vous ajoutez une quatrième possibilité dans les conditions à remplir pour que l’entreprise ne soit pas pénalisée. Ces critères sont aujourd’hui au nombre de trois : suivi d’au moins une action de formation ; acquisition des éléments de certification par la formation ou par une validation des acquis de son expérience ; bénéfice d’une progression salariale ou professionnelle.

L’article 6 y ajoute donc la condition d’« avoir bénéficié d’une proposition d’abondement de son compte personnel de formation par l’employeur au moins équivalente à la moitié des droits acquis par le salarié ».

Auparavant, l’entreprise devait avoir satisfait à deux critères sur les trois pour ne pas être pénalisée. Maintenant, ce sera deux sur quatre. Vous introduisez donc une souplesse supplémentaire pour les employeurs qui ne nous paraît pas opportune. C’est pourquoi nous proposons que l’employeur devra avoir satisfait à trois des quatre critères, ce qui nous semble plus équitable.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. L’état des lieux récapitulatif tous les six ans doit permettre de vérifier, pour tout salarié, l’accès à la formation, la progression professionnelle et salariale et la bonne mise en œuvre des entretiens professionnels.

Là aussi, je pense que nous pourrons avoir un débat plus collectif à l’occasion de l’examen de l’article 6, qui porte sur ces dispositions : je proposerai une rédaction alternative.

Mme Éricka Bareigts. Si nous sommes tous d’accord, nous pouvons adopter l’amendement dès maintenant.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AS304 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Le projet de loi fait du CPF le principal vecteur d’accès du salarié à la formation ; or, les entreprises de plus de 50 salariés ne pourront plus bénéficier de financements mutualisés pour financer le futur plan de développement des compétences ; de plus, les périodes de professionnalisation sont supprimées.

Comme, dans l’ANI, le Gouvernement fait du CPF le réceptacle des droits à la formation mais sans prévoir expressément les modalités de co-construction des parcours de formation pour faire coïncider la montée en compétences du salarié et les besoins de son entreprise ou de son secteur d’activité.

Il importe donc de prévoir les modalités d’une co-construction et d’un co‑investissement des parcours, par le biais soit d’un dialogue direct avec l’employeur, soit du dialogue social au niveau de l’entreprise, du groupe ou de la branche.

Le présent amendement propose donc d’encourager le dialogue au sein de l’entreprise sur ce sujet majeur de la formation professionnelle et de replacer le CPF dans une logique certes individuelle, mais pouvant répondre également à une logique partagée au sein d’un collectif de travail.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Vous proposez une rédaction qui vise à donner du corps au principe de co-construction du projet professionnel, sur lequel nous nous rejoignons.

Je m’interroge toutefois sur la répartition que vous effectuez entre la co-construction par accord de d’entreprise et celle par accord de branche.

Plus fondamentalement, je suis convaincue que la co-construction ne passera pas par une inscription dans le code du travail, mais par une communication claire sur la plateforme du CPF et, surtout, par une appropriation sur le terrain.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Toutes ces modalités de co-construction – accord de branche, accord d’entreprise, accord de groupe – existent déjà. Il n’est donc pas nécessaire de prévoir pour elles d’autorisation législative, puisqu’elles sont de droit.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AS305 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. L’alimentation de 500 euros annuels limitera l’accès des salariés aux formations longues ou chères : pour faciliter l’accès à la formation des salariés qui ont peu de droits inscrits, il est proposé de permettre aux salariés d’abonder leur CPF par le versement de sommes correspondant à des jours de repos non pris, en fixant toutefois une double limite : ce versement ne pourra pas dépasser dix jours annuels et il ne pourra s’appliquer qu’au-delà de vingt-quatre jours ouvrables.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Il s’agit d’une idée intéressante. Toutefois, elle ne doit pas déresponsabiliser l’employeur dans son objectif de co-construction du projet professionnel du salarié. Il faut aussi veiller à maintenir le droit au repos du salarié.

M. Gérard Cherpion. Il ne s’agit ni de déresponsabiliser l’employeur, ni de prendre sur le temps de repos du salarié. On s’adresse à des personnes qui veulent aller plus vite et plus loin, en accédant à des formations qui leur sont aujourd’hui fermées.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Mes remarques porteront sur la faisabilité. Aujourd’hui, dans le cadre d’un compte épargne temps, les charges sociales et fiscales ne sont pas à la charge du salarié. Il faudrait donc créer une exonération particulière de ces charges, car le salarié ne serait pas partisan qu’elles lui soient transférées. On ne peut en revanche créer d’exonération de fait.

Deuxièmement, l’idée peut sembler intéressante, mais n’est pas mûre et réclame une réflexion plus globale sur la place de l’épargne temps dans le compte personnel d’activité conçu comme un réceptacle de droits individuels ; en outre, ce sont plutôt les cadres qui disposent d’un compte épargne temps. Les conditions de faisabilité ne sont donc pas réunies aujourd’hui pour adopter cet amendement : des difficultés techniques et politiques s’y opposent.

Mais il faudra sans doute engager une réflexion de long terme sur l’épargne temps.

La commission rejette l’amendement.

Elle passe à l’amendement AS434 de Mme Justine Benin.

Mme Justine Benin. L’étude d’impact du projet de loi confirme la disparition des dispositifs de congé bilan et de congé VAE qui sont opposables à l’employeur, durant le temps de travail. Afin de renforcer les possibilités de choix, de sécurisation de leur parcours et d’accompagnement des salariés et, compte tenu de leur courte durée, à savoir moins de 24 heures, l’objectif est de préserver la possibilité pour les salariés de réaliser ces congés bilan et congés VAE durant leur temps de travail.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Une fois l’autorisation d’absence obtenue par le salarié, la mobilisation du CPF est libre – y compris pour la VAE et pour « CLéA ». Je suggère donc le retrait de votre amendement.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AS306 de M. Gérard Cherpion.

M. Stéphane Viry. L’article propose d’instaurer une autorisation d’absence par l’employeur. Il nous paraît cependant nécessaire que le salarié puisse s’engager dans une formation sans avoir à quémander l’autorisation de l’employeur, lorsqu’il s’agit de suivre les formations « CLéA », les formations prévues par accord collectif ainsi que les formations mobilisant l’abondement de l’employeur prévu en cas d’absence de progression depuis six ans. Pour ces trois formations spécifiques, le salarié devrait avoir le droit de monter en compétences sans avoir à quémander l’autorisation de son employeur.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Du point de vue de l’organisation de l’entreprise, cela me semble difficile. Comment un salarié pourrait-il s’absenter sans aucune concertation a priori ? Cherchons plutôt un accord en bonne intelligence sur le temps d’absence.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AS576 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. Au nom de la simplification, le projet de loi sacrifie le projet individuel de formation, dispositif issu d’une réforme de 1971. Ce seul outil à la main des salariés qui bénéficie d’un financement propre offrait la possibilité de bénéficier d’une formation de 1 200 heures ou d’un an à taux plein pour se reconvertir. Pendant cette période, le salarié conservait le lien contractuel avec l’entreprise – et son salaire.

À l’époque, les organisations syndicales voyaient dans ce dispositif une promesse d’émancipation, apportée par la formation permanente pendant le temps libéré par la suspension du contrat de travail. Avec cette réforme, nous en sommes loin. À la place du CIF, vous aménagez un CPF de transition professionnelle, soit une variante du dispositif revue à la baisse.

Le projet de loi dit peu de chose, puisqu’il renvoie de manière systématique à des décrets. Au final, les salariés en CDI et souhaitant une reconversion professionnelle voient leurs droits se réduire. La nouvelle procédure implique que le salarié devra adresser sa demande de reconversion à l’opérateur de conseil en charge de l’évolution professionnelle, puis la faire valider par une commission paritaire, enfin, être pris en charge par l’opérateur de compétences de la branche à laquelle appartient l’entreprise du salarié demandeur.

Auparavant, il y avait un opérateur unique, le FONGECIF. Où est la simplification ? C’est tout l’inverse que vous proposez. Nous voulons donc rétablir le CIF, en élargissant éventuellement le champ des publics qui y sont éligibles.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. À mon sens, le CPF de transition ne modifie pas les droits. Il reprécise le fait qu’il est intéressant de se focaliser sur des objectifs de reconversion ou de transition, au vu des enjeux forts qui nous attendent de ce point de vue.

Ensuite, il cherche à adapter le parcours de formation au passé et aux compétences déjà acquises par le salarié. Je souhaite donc conserver les modifications introduites par le projet de loi.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Le projet de loi reprend les termes de l’accord national interprofessionnel du 22 février 2018. Les partenaires sociaux ont choisi d’adapter le congé individuel de formation, en en conservant l’esprit, parce que si le CIF est qualitativement intéressant, il plafonne à 40 000 ou 42 000 bénéficiaires par an, très loin de la demande, pour 1,2 milliard de fonds mutualisés. Ils ont aussi, à juste titre, pris en compte l’ouverture d’un accès réel et gratuit au conseil en évolution professionnelle – ce conseil existait, mais les 19 millions de salariés n’y avaient pas accès, il s’agissait de l’un de ces fameux droits formels non financés, ce qui n’est plus le cas désormais. Les partenaires sociaux ont également pris en compte le fait qu’il fallait adapter les formations en fonction des acquis : une VAE est nécessaire en amont des formations longues durant lesquelles les salariés sont trop souvent amenés à recommencer des parties de cursus déjà validées.

Le CPF transition professionnelle résulte de la transformation du congé individuel de formation. Il vise toujours à accompagner les projets de transition professionnelle, mais de manière plus souple et plus lisible, tout en étant ouvert à un plus grand nombre. L’accord et la loi prévoient le financement du dispositif.

Je confirme que le financement des formations très longues sera possible, mais il s’articule avec l’ensemble de la réforme.

Je vous invite à suivre l’avis des partenaires sociaux.

M. Pierre Dharréville. Pouvons-nous avoir des précisions sur l’intérêt de la nouvelle procédure ? Elle semble plus compliquée que ce qui existait pour le CIF.

Quel sera le sort réservé au FONGECIF (Fonds de gestion des congés individuels de formation) et à ceux qui y travaillent aujourd’hui ?

M. Boris Vallaud. Il faut préciser que les partenaires sociaux n’étaient pas demandeurs de la négociation sur ce sujet : c’est la feuille de route qui a posé le principe de la suppression du CIF. Ils n’ont eu à négocier que sur les modalités de son remplacement et non sur le principe – ils y sont d’ailleurs presque tous opposés.

Je partage l’interrogation de M. Pierre Dharréville concernant le bien-fondé de la suppression du CIF au bénéfice d’un CPF de transition. Cela déstabilise tout l’édifice pour mettre en place – en tout cas avant que nous n’examinions le prochain amendement du Gouvernement –, un dispositif que le Conseil d’État a qualifié d’usine à gaz. Pourtant, le CIF fonctionnait, le FONGECIF manquait de moyens, mais il fonctionnait, et le travail effectué dans les régions par les OPCA et les organismes paritaires agréés au titre du congé individuel de formation (OPACIF) portait ses fruits. Nous ne comprenons pas le sens de ce qui est proposé.

M. Adrien Quatennens. Le groupe La France Insoumise soutient l’amendement, car le congé individuel de formation était un très bon dispositif. Il fonctionnait de façon efficace.

Avec le CPF, le salarié devra justifier d’une certaine ancienneté pour avoir droit à une formation. Nous sommes opposés à cette vision des choses.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine les amendements identiques AS435 de Mme Justine Benin et AS788 de M. Gérard Cherpion.

Mme Justine Benin. La rédaction actuelle prévoit un CPF transition professionnelle uniquement pour des projets de formation certifiante ou qualifiante. L’étude d’impact omet de citer le congé VAE actuellement financé au même titre que le congé bilan ou le congé individuel de formation. Leur prise en compte, explicite, dans le CPF transition professionnelle est une garantie permettant de renforcer la liberté de choix professionnels des individus.

Le coût actuel du bilan de compétences est de 45 millions d’euros environ, qui sera financé par les économies réalisées sur des projets de formation qualifiés, adaptés aux besoins réels des individus et ajustés dans leur durée et leur contenu. La durée dévolue à un bilan de compétences pouvant être modularisée, elle devra permettre, soit de diminuer le budget global, soit de toucher plus d’actifs avec la même enveloppe. De même, le coût global dévolu à l’accompagnement VAE financé dans le cadre du CPF transition professionnelle doit servir à optimiser les temps de formation, donc les budgets alloués, en permettant de valider des modules ou parties de certification, et d’alléger la durée de formation.

M. Stéphane Viry. Le projet de loi comporte une incohérence par rapport à la page 37 de l’étude d’impact selon laquelle la disparition du congé bilan de compétences serait compensée par son éligibilité au CPF de transition professionnelle. Selon ce qui a été dit, il semblerait que le CPF transition ne soit éligible que pour des projets de formation certifiante ou qualifiante.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Dans la mesure où la VAE et le bilan de compétences sont des préalables à un projet de transition professionnelle ou de reconversion, il semble opportun de les financer grâce à un CPF classique, quitte à enclencher un CPF transition une fois le projet en question validé.

M. Gérard Cherpion. Nous fermons des portes à des personnes qui veulent choisir librement leur formation. Ils n’auront plus accès à une préparation qui constitue une première marche vers la formation. Nous transformons un droit individuel et une liberté en une contrainte. J’ai un peu de mal à comprendre cette démarche.

La commission rejette les amendements.

Elle en vient à l’amendement AS 1243 de Mme Christine Cloarec.

Mme Christine Cloarec. Il s’agit d’harmoniser la rédaction de l’alinéa 68, qui ne parle que de « formation », avec le début de l’article 1er dans lequel on utilise les mots « action de formation ».

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements identiques AS63 de M. Paul Christophe, AS75 de Mme Alexandra Valetta Ardisson, et l’amendement AS1100 de Mme Nathalie Elimas.

M. Paul Christophe. Cet amendement vise à supprimer la condition d’ancienneté pour le salarié qui est en risque d’inaptitude avéré reconnu par le service de santé au travail ou qui a changé d’emploi à la suite d’un licenciement pour inaptitude, et qui n’a pas suivi une action de formation entre le moment de son licenciement et celui de son réemploi.

Mme Alexandra Valetta Ardisson. Il paraît opportun d’étendre la disposition aux personnes licenciées pour inaptitude, remplissant les mêmes conditions.

Mme Nathalie Elimas. L’amendement AS1100 constitue une partie d’un amendement que j’avais souhaité déposer avant qu’il soit scindé en trois par les services. Avec votre autorisation, madame la présidente, je présente également l’amendement AS1192, qui modifie l’alinéa 69 de l’article, et l’amendement AS1193 qui modifie l’alinéa 71.

L’article 1er prévoit la création d’une modalité particulière du compte personnel de formation : le compte personnel de formation de transition professionnelle. Dans ce cadre, la personne est accompagnée dans son projet professionnel et une prise en charge de la rémunération est possible au-delà des frais pédagogiques.

Afin de permettre une plus large utilisation de ce dispositif pour les bénéficiaires de l’obligation d’emploi, les amendements AS1100 et AS1192 proposent de ne pas exiger pour eux de condition d’ancienneté. Une telle disposition est déjà prévue pour le salarié qui a changé d’emploi à la suite d’un licenciement pour motif économique et qui n’a pas suivi d’action de formation entre son licenciement et son réemploi.

L’amendement AS1193 vise à permettre d’associer un représentant de l’association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des handicapés (AGEFIPH) à la commission créée dans ce cadre pour apporter son expertise spécifique en cas de demande émanant d’un bénéficiaire de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Plusieurs amendements demandent la suppression de la condition d’ancienneté concernant divers dispositifs. Je propose que nous puissions retravailler le périmètre concerné d’ici la séance publique.

Les amendements AS75 et AS1100 sont retirés.

M. Francis Vercamer. Le sujet de l’inaptitude est important : alors que l’on demande aux personnes inaptes au travail de faire un effort de reclassement, vous refusez d’introduire les dispositions nécessaires dans l’article du projet de loi qui correspond au reclassement ! J’ai un peu de mal à vous comprendre.

Vous voulez réétudier le sujet d’ici à la séance, mais je ne vois pas ce que vous pourriez étudier. L’amendement est très simple : il vise directement le salarié en risque d’inaptitude. Que pourriez-vous « retravailler » pour la séance ? Autant nous dire si vous êtes favorable à l’amendement ou non !

La commission rejette l’amendement AS63.

Les amendements AS1192 et AS1193 sont retirés, de même que l’amendement AS190 de Mme Alexandra Valetta Ardisson.

La réunion est suspendue entre dix-neuf heures quarante et dix-neuf heures quarante-cinq.

La commission examine l’amendement AS1464 du Gouvernement.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Il vise à mettre en place un système simple pour examiner les projets proposés pour le CPF de transition grâce à la création de commissions paritaires interprofessionnelles régionales. Simplification supplémentaire, l’amendement permet également que le passage par un opérateur de conseil en évolution professionnelle pour constituer son projet ne constitue pas un prérequis pour bénéficier d’un CPF transition.

Nous proposerons plus loin dans le texte que la même commission paritaire interprofessionnelle examine les projets des démissionnaires. Dès lors qu’un examen paritaire est également nécessaire et qu’il s’agit d’examiner des projets individuels qu’ils soient de formation pour le CPF transition, ou de reconversion et de création d’entreprise pour les démissionnaires, nous n’allions pas créer deux commissions. Il est bon que cela soit géré au niveau régional, au plus près du terrain. Cela garantira l’examen approfondi du dossier grâce à des moyens adaptés, financés grâce à la mutualisation.

M. Boris Vallaud. Je m’étonne qu’un amendement aussi important qui réécrit profondément le projet de loi soit déposé dans ces conditions. Il ne s’agit pas du seul amendement essentiel que le Gouvernement dépose en commission : il y en a une trentaine. Pour ma part, j’estime que le Gouvernement doit soumettre ses projets de loi au Parlement lorsqu’ils sont prêts. Manifestement, ce n’est pas tout à fait le cas avec ce texte.

Cet amendement est aussi l’aveu que le système que vous aviez conçu initialement était bien l’usine à gaz que le Conseil d’État décrivait. Vous le simplifiez en créant une nouvelle commission paritaire régionale, dont acte ! Cependant, les questions que nous avions posées demeurent. Pourquoi supprimez-vous le CIF qui fonctionne depuis 1971 ? Pourquoi une version dégradée du CIF avec le CPF transition ? Pourquoi ne pas avoir simplement renforcé les moyens du FONGECIF qui en manquait ? L’accompagnement était un service public que vous privatisez : pourquoi ? Au bénéfice de qui ? Pourquoi ne confiez-vous pas les missions des OPCA et OPACIF aux opérateurs de formation plutôt qu’aux commissions paritaires régionales que vous créez ?

M. Francis Vercamer. Comme M. Vallaud, je m’étonne de voir arriver à la dernière minute, en commission, une trentaine d’amendements du Gouvernement, que nous n’avons pas eu le temps d’étudier et qui ne bénéficient d’aucune étude d’impact. Cela est d’autant plus préjudiciable qu’il s’agit d’amendements assez lourds qui modifient fortement l’architecture de concertation locale en matière de formation. Je dis « locale », mais j’observe que la région est absente de vos commissions régionales alors qu’elle joue un rôle.

M. Gérard Cherpion. Je m’interroge également sur la méthode. Le fait qu’un grand nombre d’amendements importants soient déposés par le Gouvernement avant que la moindre discussion ait commencé en commission constitue une première dans la vie parlementaire. Cela témoigne d’une évidente impréparation. Ce sentiment se confirme lorsque le Gouvernement laisse les députés sans réponse, en invoquant une concertation en cours, après qu’ils ont défendu leurs amendements.

Vous détruisez le CIF, outil qui fonctionnait très bien – il aurait suffi de renforcer les moyens et, éventuellement de revoir certaines conditions – pour le remplacer par une commission paritaire interprofessionnelle dont on ne connaît pas la composition. J’ajoute que dans les régions, il y a déjà les conseils paritaires interprofessionnels régionaux pour l’emploi et la formation (COPAREF), qui, à mon avis, disparaîtront dans votre nouveau système, et les comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (CREFOP). Les régions étaient présentes au sein de ces instances, mais peut-être souhaitez-vous les écarter du processus de décision s’agissant de compétences qui sont les leurs, comme le supposait M. Francis Vercamer.

Je ne vois pas l’intérêt du nouveau système que vous mettez en place un peu rapidement. Pourquoi créer, « au coin du bar », une commission dont nous ne connaissons ni la composition ni le fonctionnement ? On ne sait même pas par qui elle est agréée – par une autorité administrative, mais laquelle ? La direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) ? Le préfet ?

Le nombre d’incertitudes qui demeurent autour de cet amendement le rend difficilement acceptable.

M. Pierre Dharréville. Je ne suis pas certain que cet amendement réponde aux critiques que j’ai émises sur le dispositif qui permet de bénéficier du CPF transition professionnelle.

Je reprends à mon compte les arguments de M. Boris Vallaud, relatifs aux FONGECIF et aux logiques de privatisation à l’œuvre. Je m’inquiète du rôle que joueront les commissions paritaires interprofessionnelles. Nous n’en avons pas discuté. Dans quel sens travailleront-elles ? Nous ne disposons d’aucun élément sérieux sur tout cela.

Ce sujet mériterait un travail approfondi d’autant que nous légiférons dans un contexte un peu compliqué et que les textes défilent sans fin en procédure accélérée. Je profite de cette occasion pour dire que ce n’est pas une bonne manière de travailler.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Pour ma part, je préfère que les amendements arrivent en commission, ce qui nous laisse dix jours avant l’examen dans l’hémicycle, plutôt que de les voir déposés en séance. Je ne parle pas du fond, mais, de la forme : les amendements déposés en commission permettent de travailler sur le texte, ce qui est l’objet même de nos réunions. Quant à l’approfondissement évoqué, il reste dix jours pour s’y consacrer !

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Je crains que nous ne mélangions plusieurs sujets.

Comme nous l’avions indiqué dès l’origine, une grande partie des amendements évoqués n’ont été déposés qu’après la fin de la concertation sur l’égalité salariale entre les hommes et les femmes et la prévention du harcèlement sexuel et sexiste, il y a quelques semaines, alors que le projet de loi avait déjà été transmis au Parlement. Nous avons voulu vous présenter ces amendements le plus tôt possible, mais nous aurions parfaitement pu attendre la séance.

Parmi les amendements que souhaitaient déposer des députés, certains, que le Gouvernement trouvait intéressants, étaient irrecevables en application de l’article 40 de la Constitution. Nous avons choisi de les reprendre : c’est le cas de celui que nous examinons.

Par ailleurs, certains amendements du Gouvernement sont de conséquence.

Il n’y a aucune impréparation. Au contraire, nous avons voulu coller au plus près de l’agenda de la commission afin qu’un nombre minimal d’amendements soit déposé en séance par le Gouvernement – pour les raisons que je vous ai données, ce sera le cas des amendements consacrés au handicap. Nous voulions qu’un travail approfondi puisse bien avoir lieu en commission.

Depuis l’accord passé entre les partenaires sociaux, ces derniers nous ont demandé de réfléchir à un examen des dossiers du CPF transition au niveau régional afin de garantir une certaine proximité. C’est dans la discussion avec eux qu’est venue l’idée de la création d’une commission paritaire au niveau régional – les partenaires sociaux y sont habitués.

La représentativité répond à des règles très simples : cinq organisations syndicales représentatives et trois organisations patronales siégeront ensemble pour étudier aussi bien les dossiers des salariés qui demandent à bénéficier d’un CPF transition que ceux des démissionnaires. Cela nous évite de multiplier les instances. Il y aura donc une seule adresse, et les commissions bénéficieront d’une expérience élargie

Personne à ce jour n’a jamais réclamé que les régions s’intéressent aux dossiers individuels dans le cadre des congés individuels de formation. L’examen de cas individuels a toujours été une compétence des partenaires sociaux, compétence que les régions, qui ne veulent pas prendre des décisions individuelles concernant des salariés, ne réclament pas.

Je pense que ce système devrait fonctionner de manière assez simple.

M. Boris Vallaud. Sur le fond, votre réponse ne nous a pas convaincus : les solutions simples existent. Il n’était nécessaire ni de créer une instance nouvelle, ni de supprimer le CIF et les FONGECIF.

Sur la forme, madame la ministre, permettez-nous de vous suggérer de terminer les concertations avant de nous présenter un projet de loi en commission.

M. Pierre Dharréville. Madame la présidente, madame la ministre, je vous en donne acte : il est préférable de disposer de ces amendements aujourd’hui plutôt que dans dix jours.

Il reste que la précipitation dans laquelle le travail législatif est conduit mène à des situations de ce type. Il aurait été préférable que nous ayons un peu plus de temps pour travailler, et cela vaut pour l’ensemble des textes que nous examinons. Tout cela peut avoir des conséquences.

Comment prendrez-vous en compte les droits déjà acquis par les salariés ? Comment pourront-ils être intégrés dans le système que vous proposez ?

Mme Hélène Vainqueur-Christophe. Je commence à être vraiment très inquiète, même si je l’étais déjà. Plus nous avançons dans la discussion, et plus je me rends compte que ce texte est inapplicable outre-mer. J’ai entendu Mme la ministre parler d’ordonnances concernant l’outre-mer, mais je découvre un amendement gouvernemental relatif à une commission qui suivra la mise en œuvre du conseil en évolution professionnelle dans le territoire régional, « composée de représentants des organisations syndicales d’employeurs et de salariés représentatives au niveau national interprofessionnel ». Comment une telle commission fonctionnerait-elle chez nous alors que les syndicats les plus importants outre-mer n’ont pas de représentation nationale ?

M. Gérard Cherpion. Madame la ministre, vous nous expliquez que les régions n’ont jamais rien demandé et qu’il s’agit de traiter de dossiers individuels de salariés. Je rappelle que les demandeurs d’emploi sont également concernés par le CPF transition. Cela m’amène à vous interroger sur votre amendement qui précise : « Le projet est présenté à la commission paritaire interprofessionnelle régionale mentionnée à l’article L. 6323176 dont relève l’entreprise qui emploie le salarié. » Que devient le conseil en évolution professionnelle (CEP) ? Il semble disparaître du dispositif.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. L’amendement du Gouvernementsimplifie le dispositif prévu par le projet de loi. Certains d’entre vous ont évoqué la complexité du texte, et nous en avions fait le constat lors des auditions. Le Gouvernement prend acte des remarques qui lui sont faites ; c’est tout à son honneur d’améliorer le texte jusqu’en commission !

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Monsieur Cherpion, le CPF transition professionnel, comme le CIF hier, ne concerne que les salariés. Il y a un consensus depuis quarante ans sur le fait que ni l’État ni les régions n’interviennent s’agissant des cas individuels de salariés. Il n’y a aucun changement en la matière ; nous en restons à cette approche simple qui fonctionne.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements AS462 de Mme Justine Benin, AS542 de Mme Hélène Vainqueur-Christophe, AS934 de M. Francis Vercamer, AS1173 de Mme Sarah El Haïry, AS196 de M. Gérard Cherpion, AS402 de M. Bernard Perrut, AS638 de Mme Fadila Khattabi, AS712 de M. Francis Vercamer, AS76 de Mme Alexandra Valetta Ardisson, AS1113 de M. Michel Castellani, AS1193 de Mme Nathalie Elimas, AS197 de M. Gérard Cherpion, et AS403 de M. Bernard Perrut tombent.

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS1296 de la rapporteure.

Elle en vient aux amendements identiques AS436 de Mme Justine Benin, et AS787 de M. Gérard Cherpion.

Mme Justine Benin. La rédaction actuelle fait du conseil en évolution professionnelle le passage obligé pour accompagner le projet de CPF transition d’un actif. L’objectif poursuivi est de veiller à ce que la commission amenée à se prononcer sur l’engagement du CPF transition soit saisie des projets qualifiés. Or, l’objet du bilan de compétences est précisément de permettre à des travailleurs d’analyser leurs compétences professionnelles et personnelles ainsi que leurs aptitudes et leurs motivations afin de définir un projet professionnel et, le cas échéant, un projet de formation.

Un document de synthèse est d’ailleurs établi à l’issue du bilan de compétences. Un système efficace est un système articulé dans ses dispositifs. Exiger un passage devant le CEP après un bilan de compétences revient à ajouter une étape sans valeur ajoutée dans le parcours. Le texte de loi doit veiller à simplifier le processus d’accès au CPF transition après un bilan de compétences et supprimer dans ce cas le passage devant le CEP.

M. Gérard Cherpion. La rédaction actuelle fait du CEP le passage obligé pour accompagner le projet de CPF transition. L’objectif poursuivi est tout à fait louable. Mais, l’objet du bilan de compétences est précisément, selon l’article L. 6313-10 du code du travail de « permettre à des travailleurs d’analyser leurs compétences professionnelles et personnelles ainsi que leurs aptitudes et leurs motivations afin de définir un projet professionnel et, le cas échéant, un projet de formation » Un document de synthèse est d’ailleurs établi à l’issue du bilan de compétences. Exiger un passage devant le CEP après un bilan de compétences revient à introduire une nouvelle étape sans intérêt. Je vous invite à simplifier les choses, conformément à vos ambitions.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Nous venons de supprimer l’obligation de passer par le CEP dans le cadre d’un CPF de transition.

La commission rejette les amendements.

2.   Réunion du mardi 29 mai 2018 à 21 heures 30 (article 1er suite à l’article 4)

La commission des affaires sociales procède à la suite de l’examen de des articles du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel (n° 904) (Mmes Nathalie Elimas, Catherine Fabre et M. Aurélien Taché, rapporteurs).

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.6082439_5b0da8560f389.commission-des-affaires-sociales--liberte-de-choisir-son-avenir-professionnel-suite--29-mai-2018

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Nous poursuivons l’examen du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

La commission est saisie de l’amendement AS1062 de Mme Cendra Motin.

Mme Cendra Motin. Cet amendement vise à sécuriser les personnes qui demandent à bénéficier du compte personnel de formation (CPF) de transition. Dans le cadre de la nouvelle procédure, France compétences étudiera absolument toutes les demandes de formation, avant même que l’employeur ait pu les repousser – ce qu’il fait assez souvent, et qui dissuade souvent le salarié de redéposer un dossier plus tard. Nous proposons donc que l’accord donné par l’opérateur de compétences sur la validité d’un projet de formation soit valable pendant vingt-quatre mois de façon à ce que le demandeur puisse s’en prévaloir une fois que l’employeur aura pris les mesures nécessaires à son remplacement dans l’entreprise.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Le CPF de transition sera soumis aux mêmes règles que le congé individuel de formation (CIF).

L’amendement AS1062 est retiré.

Puis la commission aborde les amendements identiques AS167 de M. Paul Christophe et AS1257 de Mme Annie Vidal.

M. Paul Christophe. Notre pays a besoin de salariés diplômés, formés et qualifiés dans le secteur de la santé afin d’assurer la continuité des soins quotidiens. Cet amendement vise à garantir la possibilité d’évolution professionnelle des salariés du secteur sanitaire qui souhaitent acquérir de nouveaux diplômes ou titres. Il permet d’octroyer des financements fléchés sur certains secteurs dont les besoins en professionnels diplômés sont cruciaux, et les formations longues et coûteuses. L’amendement AS167 répond ainsi aux objectifs que s’est fixé le ministère des solidarités et de la santé dans le cadre du plan d’appui à la transformation du système de santé.

Mme Annie Vidal. Le projet de loi supprime la période de professionnalisation au profit du compte personnel de formation. Celle-ci était notamment utilisée par les employeurs du secteur médico-social pour permettre à leurs employés en poste de se professionnaliser. Le secteur s’inquiète des conséquences des dispositions du projet de loi en matière de formation professionnelle. Mon amendement AS1257 vise à garantir que les employés du secteur médico-social auront toujours la possibilité d’accéder à des diplômes d’aides-soignants ou d’infirmières, afin de répondre au défi de la transition démographique et aux besoins du secteur.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. L’idée n’est pas de cibler certains secteurs particuliers mais de faire en sorte que les dossiers soient instruits de manière individuelle et que la pertinence de chaque projet soit analysée au regard des besoins..

Mme Caroline Fiat. Madame la rapporteure, vous n’êtes pas sans savoir que Mme la ministre annoncera demain la présence d’infirmières de nuit dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Les aides-soignantes de nuit seront intéressées par une formation à ce métier. Il me semble donc utile de prévoir une disposition à ce sujet dans un projet de loi sur l’avenir professionnel.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. La possibilité existe et la nécessité pour les salariés de monter en compétences vaut pour de nombreux secteurs. De plus, les besoins sont susceptibles de varier avec le temps. Plutôt que de figer les choses en les inscrivant dans le marbre, nous avons plutôt intérêt à rester sur une analyse individuelle de la pertinence du projet – incontestable dans le cas que vous citez.

Mme Annie Vidal. Si l’on est assuré de pouvoir garantir la professionnalisation des secteurs médico-sociaux et l’accès de leurs salariés à une formation diplômante, je retire mon amendement.

L’amendement AS1257 est retiré.

La commission rejette l’amendement AS167.

Elle en vient aux amendements identiques AS437 de Mme Justine Benin et AS794 de M. Gérard Cherpion.

Mme Justine Benin. Je retire l’amendement AS437.

M. Gérard Cherpion. L’objectif de l’amendement AS794 est de garantir l’égal accès de tous les actifs à un bilan de compétences de qualité. Il ne peut pas y avoir, d’un côté, un bilan de compétences prescrit par le conseil en évolution professionnelle (CEP), mobilisant les fonds du CPF transition, et de l’autre, un bilan de compétences au contenu revu à la baisse du fait du faible capital de CPF de la personne ou de la faiblesse de ses ressources propres. Le bilan de compétences concerne en effet en particulier les personnes les plus en difficulté et les moins dotées financièrement. Cet amendement vise donc à permettre la demande argumentée d’un bilan de compétences dans le cadre d’un CPF transition, directement par l’individu, auprès de la commission chargée d’en autoriser le financement.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Nous avons déjà examiné des amendements similaires. Je rappelle que l’objectif du CPF transition est de permettre des transitions et des reconversions professionnelles longues et qualifiantes. La validation des acquis de l’expérience (VAE) et le bilan de compétences ont plutôt vocation à être mobilisés via le CPF simple.

L’amendement AS437 est retiré.

La commission rejette l’amendement AS794.

Elle est saisie de l’amendement AS1250 de Mme Christine Cloarec.

Mme Fiona Lazaar. Le projet de loi définit l’action de formation comme un parcours pédagogique permettant d’atteindre un objectif professionnel. Cet amendement vise à rester fidèle à la notion englobante de parcours en visant « l’action de formation » et non « une action de formation ».

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Cette précision est bienvenue.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AS308 de M. Gérard Cherpion.

M. Stéphane Viry. L’objectif du projet de loi est d’assurer une montée en compétence généralisée des salariés et des demandeurs d’emploi en intensifiant l’utilisation du compte personnel de formation. Plus de 80 % des projets sont mis en œuvre avec l’accord de l’employeur pendant le temps de travail et l’entreprise bénéficie d’une prise en charge partielle des frais de rémunération du salarié.

Afin de permettre à tout un chacun de monter en compétences sans risque financier et de favoriser le développement du CPF, mon amendement propose d’organiser la prise en charge de la rémunération du salarié mobilisant son CPF sur son temps de travail, soit par la Caisse des dépôts et consignations au titre de la mutualisation des moyens, soit par l’opérateur de compétences selon les cas.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Les frais pédagogiques et ceux afférents à la formation professionnelle seront demain pris en charge par la Caisse des dépôts et consignations. Lui faire également prendre en charge la rémunération affecterait fondamentalement le coût de la mesure et dépasse largement le droit en vigueur.

M. Francis Vercamer. Nous voterons cet amendement. Il nous paraît intéressant de prendre en charge la rémunération en plus des frais pédagogiques.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Le CPF répond à deux cas de figure.

Si la formation concerne les métiers de l’entreprise, la première chose qui sera négociée dans l’accord de branche ou d’entreprise sera la prise en charge de la rémunération des salariés. Dans tous les cas où la formation intéressera l’entreprise, la rémunération et, souvent, une partie du financement de la formation, seront donc bien sûr prises en charge.

Mais il peut arriver aussi que le salarié ait envie de se former dans le cadre d’un projet qui n’intéresse pas nécessairement l’entreprise dans laquelle il travaille. Il n’y a plus grand monde qui travaille toute sa vie dans la même entreprise. Il faut donc donner la liberté aux actifs de se former. Beaucoup de salariés expriment d’ailleurs le souhait d’évoluer sur le plan professionnel. Le CPF transition présente l’intérêt de permettre aux salariés de prendre une décision indépendamment de l’entreprise.

Il faut que les deux options soient possibles : rendre la rémunération obligatoire reviendrait à supprimer toutes les formations librement choisies par le salarié mais non approuvées et cofinancées par l’entreprise, et donc à restreindre la liberté du choix de son avenir professionnel.

La commission rejette l’amendement AS308.

Puis elle adopte l’amendement de cohérence rédactionnelle AS1298 de la rapporteure.

La commission examine les amendements identiques AS405 de M. Bernard Perrut et AS1178 de M. Gilles Lurton.

M. Bernard Perrut. L’amendement AS405 vise à appeler l’attention sur le secteur sanitaire dont les besoins en professionnels diplômés sont cruciaux et les formations longues et coûteuses. Il vise à garantir la possibilité d’évolution professionnelle des salariés du secteur sanitaire désireux d’acquérir de nouveaux diplômes ou titres et à permettre aux employeurs de les accompagner dans leur projet. La prise en compte des spécificités de ces métiers permet de garantir l’offre en salariés diplômés, formés, et qualifiés pour assurer la continuité des soins quotidiens dans ces établissements qui accueillent nos aînés, mais également l’évolution de ces professionnels prônée dans le volet « ressources humaines » du plan d’appui à la transformation du système de santé de la ministre des solidarités et de la santé.

M. Gilles Lurton. Mon amendement AS1178 vise à garantir aux salariés du secteur sanitaire souhaitant acquérir de nouveaux diplômes ou titres la possibilité d’évoluer professionnellement et aux entreprises la possibilité de les accompagner.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Comme je l’ai expliqué précédemment, nous ne souhaitons pas flécher le CPF sur certains secteurs.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Je rappelle que la compétence dans le domaine de la formation des demandeurs d’emploi dans le secteur sanitaire et social est explicitement dévolue aux régions ; nous ne remettons pas en cause cette décentralisation. Et nous sommes tous d’accord sur le fait que les besoins dans ce secteur ne risquent pas de diminuer avec le vieillissement de la population.

Se pose ensuite la question des salariés qui souhaitent se former en vue d’une promotion interne, par exemple pour passer d’un emploi d’aide-soignante à un emploi d’infirmière. Ce type de formation entre typiquement dans le cadre du CPF transition professionnelle, et le CPF simple ne suffira pas. Simplement, on ne va pas fixer à l’avance des quotas par métier. Il appartiendra à la commission paritaire de se prononcer sur ces demandes de formation en tenant compte à la fois des souhaits des intéressés et des besoins du secteur.

Notre réponse, qui vise à la fois les demandeurs d’emploi et les salariés, est assez complète.

M. Gilles Lurton. Il serait tout de même bon de dissiper l’inquiétude sur ce point dans le secteur sanitaire. Nous confirmez-vous, madame la ministre, que les professionnels du secteur sanitaire et social qui souhaiteraient changer de métier ou de profession pourront bénéficier du compte personnel de formation ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Oui, bien sûr, ces professionnels, qui sont majoritairement des femmes, seront tout à fait éligibles au dispositif dans les conditions de droit commun – mais c’était la même chose avec le CIF. Vous aurez bien compris que le CPF de transition permettra de financer des formations plus longues, et de surcroît prises en charge de façon mutualisée. Et pour les demandeurs d’emploi, cela relèvera de la compétence décentralisée des régions.

M. Gilles Lurton. Dans ce cas, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas ajouter dans la loi que l’on prend en compte la spécificité des métiers et des besoins de certains secteurs. Cela clarifierait les choses pour tout le monde.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Les commissions paritaires régionales prendront en compte à la fois les demandes des intéressés et les besoins des territoires. Il n’y a rien de spécifique au secteur sanitaire et social, même si nous sommes d’accord sur le fait qu’il sera demandeur de formations. On ne peut pas tout réglementer à la place des acteurs. Il faut faire confiance au dialogue social.

M. Pierre Dharréville. Il est des choses qui vont mieux en les disant. Cet amendement ne vous coûterait pas très cher, madame la ministre.

La commission rejette les amendements AS405 et AS1178.

Elle étudie l’amendement AS802 de M. Boris Vallaud.

M. Boris Vallaud. Vous avez continuellement affirmé que c’était à la personne de prendre seule l’initiative d’utiliser les heures de formation inscrites sur son CPF, qu’elle soit salariée ou demandeur d’emploi. Or l’alinéa 95 dispose que l’entrée en formation du demandeur d’emploi implique ipso facto l’utilisation de ses heures de CPF, ce qui contredit totalement le principe d’accord exprès de l’individu. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet alinéa, pour rester en cohérence avec l’esprit de votre texte.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Le texte prévoit effectivement que lorsqu’un demandeur d’emploi donne son accord pour une formation, son CPF est débité. Cela étant, je suis tout à fait d’accord avec vous : il faut que le principe de l’accord du demandeur soit maintenu. Il faudra que les textes réglementaires le précisent.

M. Gérard Cherpion. L’alinéa 95 est clair : lorsque le demandeur d’emploi accepte une formation financée par la région, Pôle emploi ou l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des handicapés (AGEFIPH), son compte personnel de formation « est débité du montant de l’action ». Autrement dit, on ne lui demande pas son avis. L’amendement AS802 est tout à fait justifié.

M. Francis Vercamer. Cet alinéa est un vrai frein à la formation des demandeurs d’emploi, pour deux raisons. D’abord, parce que le demandeur d’emploi à qui l’on proposera une formation aura tendance à estimer qu’on vient prendre dans son portefeuille le financement de la formation proposée par la région – alors que celle-ci a des moyens prévus à cet effet. C’est un premier frein psychologique. Ensuite, il va devoir gérer son compte et essayer de ne pas dépenser au-delà de ses moyens. Je voterai donc cet amendement qui vise à trouver une solution pour les demandeurs d’emploi – qui, rappelons-le, sont les moins formés et ceux qui se forment le moins.

M. Boris Vallaud. Nous pourrions aussi amender l’alinéa 95 pour préciser que le CPF est débité « avec l’accord du demandeur d’emploi ».

M. Pierre Dharréville. Je soutiendrai moi aussi cet amendement. Les dispositions de l’alinéa 95 peuvent avoir des effets pervers pour les demandeurs d’emploi.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Je ne suis pas favorable à la suppression de cet alinéa mais je le serais à un amendement précisant que le compte est débité avec l’accord du demandeur d’emploi.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Encore faudrait-il qu’il ait été déposé…

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Je vous propose de revenir en séance publique avec la rédaction que vous proposez.

M. Boris Vallaud. En votant cet alinéa, vous reviendrez sur l’état du droit qui prévoit une faculté et pas une obligation. Je vous propose donc d’adopter cet amendement et d’en déposer un autre en séance publique si jamais vous avez un cas de conscience.

La commission rejette l’amendement AS802.

Elle en vient à l’amendement AS1150 de M. Sylvain Maillard.

Mme Fiona Lazaar. Cet amendement vise le cas où le demandeur d’emploi bénéficie d’une action collective financée en totalité par Pôle emploi ou par une région et celui où il décide de manière autonome de suivre une formation totalement financée par son CPF. Il s’agit d’acter explicitement la faculté autonome du demandeur d’emploi de mobiliser son compte personnel de formation pour se former sans préjudice de son inscription à Pôle emploi. Enfin, il conforte le demandeur d’emploi et le conseiller dans leur relation.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Votre rédaction clarifie le régime de prise en charge des frais pédagogiques et des frais afférents à la formation lorsque le demandeur d’emploi mobilise son CPF pour suivre une formation achetée par la région, Pôle emploi ou l’AGEFIPH. Dans ce cas, l’ensemble de ces frais seront bien pris en charge par la puissance publique.

La commission adopte l’amendement.

M. Francis Vercamer. J’observe que la rapporteure a demandé le retrait de l’amendement visant à supprimer l’alinéa 95 pour qu’il soit retravaillé d’ici à la séance publique, mais qu’elle vient de donner un avis favorable à un amendement qui ne prévoit nulle part l’accord du demandeur d’emploi et qui va exactement dans le sens inverse de ce qu’elle avait dit précédemment.

La commission étudie l’amendement AS803 de M. Boris Vallaud.

M. Boris Vallaud. Je rappellerai à M. Vercamer la formule latine : « Ce qui est permis à Jupiter n’est pas permis aux bœufs… ».

Aujourd’hui, selon le nombre d’heures inscrites sur le compte personnel de formation, la formation peut être prise en charge par le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP). La prise en charge inclut non seulement les frais pédagogiques mais également les frais de transport, les repas et l’hébergement. Elle est limitée au nombre d’heures inscrites sur le CPF. Si la formation ne peut pas être totalement prise en charge, d’autres financements peuvent être recherchés soit auprès des régions, soit auprès de Pôle emploi.

L’alinéa 97 dont nous proposons de supprimer la fin dispose que la prise en charge par le FPSPP ne sera possible que si aucun financement complémentaire n’est envisagé. Dès lors que d’autres acteurs comme les régions apporteraient des financements, il leur appartiendrait de supporter l’ensemble des frais pédagogiques qui ne pourront plus être remboursés par France compétences.

On sait pourtant que l’importance de la prise en charge de ces frais de restauration, de déplacement et d’hébergement par un individu détermine souvent sa décision de se former ou pas. On sait également que les personnes en recherche d’emploi n’accumulent que peu d’heures sur leur CPF – trente heures en moyenne si j’en crois l’étude d’impact du projet de loi. Il y a donc de fortes chances pour que, dans de nombreux cas, le CPF du demandeur d’emploi ne suffise pas à couvrir l’ensemble des frais liés à la formation. Et vous renvoyez à d’autres le soin de couvrir ces frais… Ce n’est pas acceptable.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Le texte prévoit que si ce n’est pas la Caisse des dépôts et consignations qui prend en charge ces frais, ce sera un autre acteur tel que la région ou Pôle emploi et non pas le demandeur d’emploi lui-même. Votre amendement remet en cause la viabilité financière du dispositif en écartant la possibilité de faire appel à des financeurs complémentaires.

Mme Éricka Bareigts. Ce sont bien souvent les personnes vivant dans des régions très isolées et moins riches qui ont des frais de déplacement et de restauration. C’est la double peine : on reporte ainsi la charge sur des régions déjà très fragiles, ce qui risque de creuser les écarts et les injustices.

M. Pierre Dharréville. Comment comptez-vous assurer le financement de la charge que vous créez ? On sait très bien que les dotations des régions sont en baisse. Il paraît donc étonnant de reporter sur elles une charge de façon aussi imprécise.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. En l’occurrence, nous ne changeons rien au mode de fonctionnement actuel, si ce n’est que ce ne sera plus l’organisme paritaire collecteur agréé (OPCA), mais la Caisse des dépôts et consignations qui prendra en charge les dépenses. Les autres financeurs resteront les mêmes.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Je rappelle que depuis les lois de décentralisation, les régions ont une compétence générale en matière de formation des demandeurs d’emploi ; par ailleurs, elles sont compétentes en matière de mobilité. Il n’y a rien de changé sur ce plan-là.

La commission rejette l’amendement AS803.

Elle en vient à l’amendement AS1278 de M. Sylvain Maillard.

Mme Fiona Lazaar. La modification proposée vise à prendre en compte les situations concrètes dans lesquelles un demandeur d’emploi autonome souhaiterait suivre une formation plus coûteuse que le montant dont il dispose sur son CPF et solliciterait, pour ce faire, un complément de financement de Pôle emploi, via une aide individuelle à la formation. La modification proposée vise également les demandeurs d’emploi sollicitant l’aide individuelle d’une région. Imaginons qu’un demandeur d’emploi souhaitant mobiliser son CPF identifie sur son application mobile une formation d’un coût de 2 500 euros répondant à son besoin de développement de compétences. Il mobilisera son CPF à hauteur des 1 500 euros dont il dispose, qui seront versés par la Caisse des dépôts et consignations, et demandera à Pôle emploi une aide individuelle à la formation complémentaire de 1 000 euros, qui sera versée par Pôle emploi et qui pourra couvrir, outre les frais pédagogiques et de certification, les frais annexes. La situation est analogue dans le cas d’une formation financée à la fois par le CPF du demandeur d’emploi et par une aide individuelle de la région, telle que le chèque formation par exemple.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Cet amendement complète celui que vous avez défendu précédemment et clarifie la rédaction.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AS1279 du même auteur.

Mme Fiona Lazaar. Il me semble que cet amendement est tombé du fait de l’adoption du précédent.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Je ne pense pas. Je trouve pour ma part que cette rédaction complète le dispositif précédemment adopté et j’y suis favorable.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. S’il est satisfait, vous pouvez le retirer.

M. Sylvain Maillard. Cet amendement complète effectivement les précédents.

La commission adopte l’amendement AS1279.

Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels AS1300 et AS1301 de la rapporteure.

La commission examine l’amendement AS957 de Mme Frédérique Lardet.

Mme Frédérique Lardet. Cet amendement propose une bonification du CPF pour des métiers sous forte tension comme ceux du secteur médico-social. Cette bonification, qui permettrait de renforcer l’attractivité de ces métiers, pourrait porter le crédit du CPF de 500 à 800 euros par an, selon des modalités et dans des métiers précisés par voie réglementaires.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Vous renvoyez à un arrêté le soin d’identifier les métiers concernés et prenez ainsi le risque d’opposer des secteurs et des métiers entre eux.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Le CPF repose sur la liberté pour chaque individu de choisir sa formation. Dans les secteurs sous tension, les branches et les entreprises ont bien l’intention de signer des accords pour identifier les métiers qui bénéficieront d’abondements non pas individuels mais collectifs – parce qu’on manque par exemple de chauffeurs routiers, de soudeurs ou de mécaniciens de maintenance de systèmes automatiques. Ces abondements viendront se combiner avec le CPF, mais n’allons pas charger le CPF du financement de tous les aspects de la formation professionnelle. La formation continue, par exemple, relève du devoir qu’ont les entreprises d’adapter leurs salariés aux évolutions de l’emploi. En outre, la liste des métiers sous tension évolue sans cesse et on ne peut pas créer des droits qui ne seront pas financés.

Mme Frédérique Lardet. Depuis vingt-cinq ans que je travaille dans le secteur des centres hospitaliers régionaux (CHR), celui-ci est sous tension. Je vais retirer mon amendement, mais l’idée était de porter le crédit annuel du CPF à 800 euros pour le niveau 5 dans les secteurs des EHPAD et des CHR qui ont un vrai problème de recrutement, notamment parce que les métiers proposés manquent de « sex appeal » aux yeux des jeunes d’aujourd’hui. Il s’agirait donc de convaincre ces derniers d’entrer dans ces filières en leur permettant de bénéficier de financements complémentaires pour pouvoir suivre une formation et ainsi passer dans un autre secteur d’activité in fine.

L’amendement AS957 est retiré.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS1302, AS1303, AS1286, AS1304, AS1305 et AS1306 de la rapporteure.

Elle aborde en discussion commune les amendements AS743 de M. Bernard Perrut et AS309 de M. Gérard Cherpion.

M. Bernard Perrut. L’alinéa 141 de l’article 1er précise que la Caisse des dépôts et consignations rend trimestriellement compte à France compétences de l’utilisation de ses ressources et de ses engagements financiers dans des conditions qui seront prévues par décret. Mon amendement AS743 vise à pouvoir disposer d’éléments statistiques précis concernant l’utilisation du compte personnel de formation. Ces éléments sont indispensables si l’on souhaite connaître la typologie des personnes bénéficiaires d’actions de formation au titre du CPF ainsi que les caractéristiques des formations suivies. Ils permettront d’analyser les choix de formation et de les croiser avec les besoins en compétences des entreprises.

M. Stéphane Viry. Le projet de loi risque de décliner deux marchés de la formation selon qu’il s’agit de formations dimensionnées par le CPF ou de formations répondant aux besoins en compétences des entreprises. Il faut s’assurer d’une homogénéité ou de l’existence de passerelles entre les deux. C’est la raison pour laquelle mon amendement AS309 prévoit de publier trimestriellement des données statistiques concernant le nombre et la typologie des personnes ayant mobilisé leur compte personnel de formation ainsi que les caractéristiques des formations suivies dans ce cadre. C’est un amendement de bon sens…

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Le projet de loi prévoit déjà un rapport annuel de la Caisse des dépôts et consignations mentionnant ce type d’informations. Il ne me paraît pas nécessaire d’aller plus loin.

M. Stéphane Viry. Chacun convient que les métiers évoluent très vite, et que ce secteur est très mouvant, il va innover et se réinventer en permanence. Ce faisant, les CPF vont également devoir s’ajuster en permanence. Et un rythme d’un rapport par an, a fortiori à titre rétroactif, risque de provoquer un décalage entre l’information et la réalité du marché de formation. C’est la raison pour laquelle disposer de statistiques une fois par trimestre me paraît nécessaire pour ajuster et être aussi pertinent que possible.

Je souhaite donc que la publication des données se fasse plus fréquemment que sur un rythme annuel.

M. Sylvain Maillard. Il est question de statistiques postérieures, alors que nous voulons être plus en amont, et aller chercher les formations futures. Pour nous, le travail est de comprendre de quelles formations nous allons avoir besoin. Le marché en lui-même va s’organiser, il est important que nous concentrions nos forces sur ce qui va arriver, et que l’ensemble des organisations parties prenantes dans France compétences ou les opérateurs de compétence se consacrent à la prospective. Pour nous, votre proposition n’entraînera que de la statistique supplémentaire.

La commission rejette successivement les amendements AS743 et AS309.

Elle est saisie de l’amendement AS530 de Mme Hélène Vainqueur-Christophe.

Mme Hélène Vainqueur-Christophe. Cet amendement renforce la transparence du nouveau système de formation. Cette transparence est attendue par nos concitoyens, et elle permettrait de mettre fin aux suspicions quant à la prétendue mauvaise gestion des fonds de la formation.

Plus précisément, cet amendement prévoit que le rapport annuel de gestion du compte personnel de formation remis à France compétences par la Caisse des dépôts et consignations donne lieu à une publication officielle et ouverte.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Je proposerai moi-même de transmettre ce rapport annuel au Gouvernement et au Parlement, ce qui garantira son caractère public. Je vous propose donc de retirer cet amendement.

Mme Hélène Vainqueur-Christophe. Je ne le retire pas, car mon amendement suivant, AS532, propose également que ce rapport soit remis au Parlement.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de trois amendements en discussion commune, AS532 de Mme Hélène Vainqueur-Christophe, AS1020 de Mme la rapporteure et AS1270 de M. Hugues Renson.

Mme Hélène Vainqueur-Christophe. Dans un souci de transparence, le rapport annuel de gestion du compte personnel de formation remis à France compétences par la Caisse des dépôts et consignations doit être remis au Parlement.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. L’amendement AS1020 vise à garantir la transmission du rapport annuel de gestion du CPF au Parlement. Il corrige par ailleurs une erreur rédactionnelle.

M. Sacha Houlié. L’amendement de la rapporteure ayant toutes chances d’être adopté, je retire l’amendement AS1270.

L’amendement AS1270 est retiré.

La commission rejette l’amendement AS532.

Puis elle adopte l’amendement AS1020.

La commission adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels AS1307, AS1308 et AS1309 de la rapporteure.

Elle en vient à l’amendement AS1280 de M. Sylvain Maillard.

Mme Fiona Lazaar. L’ajout de la mention « sessions d’information » dans le nouvel article L. 6111-7 du code du travail permettra la transmission par les organismes de formation de données utiles pour la bonne information des bénéficiaires et des conseillers CEP et optimiser les places des formations conventionnées.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. La publicité des sessions d’information sur les différentes formations complétera utilement le dispositif.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1310 de la rapporteure.

Elle est saisie de l’amendement AS438 de Mme Justine Benin.

Mme Justine Benin. Cet amendement complète l’alinéa 152. Les champs qui y sont listés correspondent à la réalité des dispensateurs de formations certifiantes ou qualifiantes, mais pas forcément à celle des organismes de formations dispensant les actions prévues au futur article L. 6323-6 II. Ainsi, le bilan de compétences n’a pas pour but de délivrer un certificat ; l’accompagnement VAE vise l’obtention d’une certification mais n’est pas en soi une action qualifiante ou certifiante. Le texte de loi doit prendre en compte la spécificité des actions qui entrent dans le champ de la formation.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. La liste des informations publiées par la Caisse des dépôts et consignations couvre l’ensemble de l’offre de formation. Je ne suis donc pas favorable à l’ajout de cette disposition qui compliquerait la lecture de l’alinéa.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AS1267 de M. Hugues Renson.

M. Sacha Houlié. Le projet de loi prévoit de créer un système d’information national géré par la Caisse des dépôts et consignations, dans lequel seront recensées les informations relatives à l’offre de formation, notamment celles relatives aux formations, aux tarifs, aux modalités d’inscription et les certifications.

Cet amendement prévoit de mettre à disposition, en open data, toutes les données qui seront collectées dans le système d’information. C’est le cas de nombreuses données aujourd’hui : le registre du commerce et des sociétés, les données des collectivités territoriales, l’open data des retraites et des solidarités de la Caisse des dépôts ou les comptes, ou les comptes de campagne des candidats aux différentes élections.

L’ouverture des données peut permettre à l’écosystème de créateurs de services innovants, à l’occasion d’un événement de type hackathon, de faire émerger des idées nouvelles et des services personnalisés à valeur ajoutée.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Cette proposition intéressante doit être soutenue.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, l’amendement AS65 de M. Paul Christophe, les amendements identiques AS78 de Mme Alexandra Valetta Ardisson, AS805 de Mme Gisèle Biémouret et AS1114 de Mme Nathalie Elimas, ainsi que l’amendement AS943 de Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel.

M. Paul Christophe. Malgré certaines dispositions législatives, trop de formations restent encore inaccessibles aux personnes en situation de handicap. Or la visibilité de l’offre de formation est une première étape vers un meilleur accompagnement des personnes en situation de handicap. Afin de résoudre en partie cette difficulté, mon amendement AS65 propose que France compétences communique à la Caisse des dépôts et consignations la liste des formations accessibles et adaptées aux travailleurs en situation de handicap.

Mme Alexandra Valetta Ardisson. Mon amendement AS78 a le même objet.

Mme Gisèle Biémouret. Notre amendement AS805 également. Nous souhaiterions un accompagnement plus poussé concernant les personnes porteuses de handicap, afin qu’elles puissent faire un choix éclairé de formation.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Mon amendement AS1114 propose que France compétences communique à la Caisse des dépôts et consignations la liste des formations accessibles et adaptées aux travailleurs handicapés. Malgré les dispositions législatives de la loi de 2005, trop de formations restent inaccessibles aux personnes handicapées du fait du cadre bâti – locaux, environnement – et de l’absence de mise en œuvre de mesures d’aménagement raisonnable – pédagogie, supports, méthodes.

Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel. Mon amendement AS943 répond aux mêmes motivations. Une publication spécifique des formations accessibles et adaptées aux personnes en situation de handicap pourrait les éclairer dans leur évolution professionnelle.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Toutes ces informations sont en effet indispensables. Il est prévu qu’elles soient disponibles sur l’application du CPF, pour informer sur les formations accessibles à tous. Ces informations seront conjuguées à la géolocalisation pour identifier les formations appropriées proposées à proximité. Les précisions nécessaires seront apportées par voie réglementaire. Tout cela me semble de nature à répondre aux préoccupations exprimées par les auteurs de ces amendements.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Je comprends l’intention, que nous partageons totalement : il est évident que toutes les offres de formations qualifiantes et certifiantes d’organismes agréés devront préciser si elles accueillent les personnes en situation de handicap, et quel type de handicap, le cas échéant.

Mais il n’est pas nécessaire du tout de passer par France compétences, qui n’a pas vocation à tout centraliser. France compétences sera chargé de la régulation des flux financiers, du coût au contrat, et de l’accréditation des organismes qui vont permettre de certifier.

En revanche, le cahier des charges de l’application est déjà en cours d’examen par la Caisse des dépôts, en lien avec la direction générale à l’emploi et la formation professionnelle et des experts informatiques qui mettent d’ores et déjà au point la future application, afin d’être prêts si vous votez cette disposition, car c’est un gros travail. Bien évidemment, nous prévoyons dans le cahier des charges que tous les organismes devront indiquer s’ils accueillent des handicapés ou pas, et dans quelles conditions. Et l’application sera accessible à tout le monde. Nous entrons dans un système d’information beaucoup plus direct et fluide ; mais les informations données sur l’application seront opposables, et un tri sera possible. Les personnes en situation de handicap pourront chercher toutes les formations dans un métier qui les intéresse, géographiquement proches, et qui accueillent les personnes en situation de handicap.

Je comprends et partage l’intention des auteurs de ces amendements, mais tout est d’ores déjà prévu dans le cahier des charges sans qu’il soit nécessaire de passer par France compétences. Ce serait ajouter une étape pour rien.

M. Gilles Lurton. J’ai du mal à comprendre qu’après le vote de la loi de 2005, nous soyons encore obligés de nous poser ce type de questions. En principe, une formation qui accueille du public, comme tout établissement qui accueille du public, a une obligation d’accessibilité. Je peux admettre que celle-ci ne soit pas encore totalement respectée : en tant que membre du groupe de travail chargé d’étudier l’accessibilité de l’Assemblée, je sais que cela exige des travaux souvent longs et coûteux. Mais depuis trois ans, une nouvelle loi a obligé tous les établissements à souscrire à des agendas d’accessibilité programmés. Cette question ne devrait plus se poser d’ici très peu d’années. Ou alors, cela signifie que l’on renonce au principe même de la loi de 2005, auquel cas il faut le dire clairement ; mais personnellement, je trouverais cela très regrettable.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Je suis d’accord avec vous, c’est du droit commun. Mais pour certaines formations, par exemple une formation en TOEIC (Test of English for International Communication), encore faut-il savoir si elle est adaptée pour les déficients visuels, ou auditifs. Le principe est celui du droit pour tous, mais dans la pratique, toutes les formations ne sont pas forcément accessibles à tous les types de handicap. Même à l’Assemblée nationale, certaines choses sont encore compliquées, il suffit de s’y promener pour comprendre qu’il y a encore du travail… L’accessibilité physique ne fait pas débat, mais la personne en situation de handicap qui s’inscrit doit savoir dans quelles conditions elle va pouvoir se former. L’information sera fournie par l’application, ce qui nous permettra au passage de réaliser facilement des statistiques et de vérifier que les organismes de formation ont tous bien intégré ces obligations : par définition, si le demandeur d’emploi ou le salarié a l’information, nous l’avons aussi. Cela permettra aussi le contrôle. La loi est claire, mais il y a encore un long chemin à faire pour la mettre en exécution : nous ne sommes pas le pays le plus en avance dans ce domaine, j’en suis bien d’accord.

Mme Gisèle Biémouret. Comme nous le verrons plus tard en étudiant d’autres amendements, vous vous appuyez toujours sur les applications numériques, mais bon nombre de personnes porteuses de handicap ne pourront pas avoir accès à ces informations, pour de multiples raisons. Je maintiens mon amendement AS805 afin que les personnes handicapées puissent faire un choix de formation éclairé.

Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel. Même si je partage les propos de M. Lurton, je retire mon amendement AS943.

Mme Alexandra Valetta Ardisson. Mme la ministre ayant indiqué que cette information figurera dans le cahier des charges de la Caisse des dépôts, je retire mon amendement AS78.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Je retire également mon amendement AS1114 au bénéfice des explications de Mme la ministre.

Les amendements AS943, AS78 et AS1114 sont retirés.

La commission rejette successivement les amendements AS65 et AS805.

Elle est saisie de l’amendement AS414 de M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut. Cet amendement va dans le même sens. Cet après-midi, nous avons adopté un amendement important dont le but était de sécuriser le parcours professionnel des personnes en situation de handicap et de majorer financièrement leur compte personnel ; encore faut-il que les personnes en situation de handicap puissent accéder à la formation qu’elles souhaitent, et que le système d’information national soit accessible et adapté à toutes les personnes handicapées.

Pourquoi ne pas poursuivre dans la logique que nous suivons depuis cet après-midi en donnant un signe très fort à toutes les personnes qui attendent de nous cette considération ?

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Comme précisé précédemment, cette information sera bien communiquée.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS1311, AS1312 et AS1313, de la rapporteure.

Elle en vient à l’amendement AS483 de M. Jean-Hugues Ratenon.

M. Jean-Hugues Ratenon. L’article 1er de ce projet de loi est particulièrement dense : il compte 177 alinéas. Au cœur de ce texte, deux alinéas très discrets auront des conséquences désastreuses s’ils sont adoptés. Les alinéas 166 et 167 suppriment un chapitre entier du code du travail, consacré au congé individuel de formation, qui offre au salarié la possibilité de suivre une formation qui lui permettra d’accéder à un niveau supérieur de qualification, de changer d’activité ou de profession. Par ailleurs, vous supprimez également le congé d’enseignement et de recherche.

Le CIF est un véritable acquis social pour les salariés : c’est le seul dispositif permettant de suivre une formation longue, pouvant aller jusqu’à 1 200 heures, sans perdre son emploi ni son salaire.

Si ce texte était véritablement en faveur des salariés et de leur orientation professionnelle, ce dispositif serait renforcé, et non supprimé. C’est là que vos intentions sont les plus claires : vous décidez d’assigner les travailleurs dans des formations courtes qui les rendent dépendants des employeurs, plutôt que de leur permettre un vrai choix de formations qui seraient en adéquation avec leur volonté et qui pourraient leur permettre de changer de métier.

Par cet amendement qui tend à supprimer les alinéas 166 et 167, nous voulons tout simplement sauver le congé individuel de formation.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Le CPF de transition professionnelle est un CIF rénové, c’est une nouvelle forme de congé qui permet les reconversions et les transitions, et qui est plus adaptée au profil des personnes. Je préfère le CPF de transition au CIF…

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AS806 de Mme Éricka Bareigts.

Mme Éricka Bareigts. Cet amendement proposant aussi le maintien du CIF, je ne referai pas le débat qui a déjà eu lieu sur l’utilité de cet outil, connu par les actifs et dont l’efficacité a été démontrée.

Nous nous inquiétons du devenir des salariés des fonds de gestion des congés individuels de formation, qui n’ont pas démérité. Ils ont réalisé un travail extraordinaire et ont pu accompagner nombre de gens dans de vrais projets de transition professionnelle. Que vont devenir ces salariés après la disparition des FONGECIF ?

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Je ne reviens pas sur le principe du CIF. S’agissant des salariés des FONGECIF, un amendement à l’article 3 prolonge de six mois supplémentaires l’activité des OPACIF et des FONGECIF, dans le but précisément de répondre à au problème de gestion de ces emplois.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AS307 de M. Gérard Cherpion.

M. Jean-Pierre Door. Dans ce projet de loi, le passage du compte personnel de formation au congé individuel pose une question. Il semble qu’il y ait un trou entre le début du CPF transition et la fin du CIF, mais aussi une incertitude sur les moyens de la commission paritaire du CREFOP. Pour ne pas bloquer la situation lors de ce passage, nous proposons de confier transitoirement et directement aux opérateurs de compétences la validation des premiers dossiers du CPF transition.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. À mon sens, cette transition ne soulève pas de problèmes. L’échéance du 1er janvier 2019 est un cap à maintenir. Les opérateurs de compétences eux-mêmes seront concernés par leur propre renaissance au 1er janvier 2019. Je ne pense pas que le problème se pose dans les faits, à supposer que la mesure que vous préconisez soit à même d’y remédier.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 1er, modifié.

Après l’article 1er
 

La commission est saisie de l’amendement AS556 de Mme Hélène Vainqueur-Christophe.

Mme Hélène Vainqueur-Christophe. Cet amendement a pour objet de créer un dispositif incitatif ayant vocation à encourager l’investissement dans la formation professionnelle, dans le cadre de formations longues, et notamment de reconversions professionnelles.

Il s’agit, pour les salariés qui font le choix d’abonder individuellement leur compte personnel d’activité, d’instaurer un crédit d’impôt leur permettant de suivre une formation professionnelle. Ce crédit d’impôt interviendrait en complément du CPF afin de faciliter son activation par un mécanisme simple et attractif. Ce dispositif serait néanmoins bordé, puisque le plafond global des dépenses serait fixé à 12 000 euros par an. Cela permettrait aussi d’encourager les individus à poursuivre des formations longues.

Cet amendement propose un mécanisme à double taquet : un crédit d’impôt formation de 50 % pour les actifs domiciliés en métropole, et de 75 % pour ceux domiciliés dans les outre-mer. Ce taux plus incitatif outre-mer est justifié par les plus grands besoins en formation de ces territoires.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. La piste de l’incitation fiscale pour abonder les droits à formation me paraît intéressante, parce qu’elle est de nature à impliquer l’individu et lui permettre de s’engager pleinement dans cette voie.

En revanche, votre rédaction soulève plusieurs questions. Pourquoi viser le CPA et non le CPF ? Pourquoi prévoir une majoration aussi importante pour les outre-mer ? Avez-vous pu chiffrer le coût d’une telle mesure ?

Mme Michèle de Vaucouleurs. J’avais également présenté un amendement tendant à instituer un crédit d’impôt sur les dépenses engagées au titre de la formation par les personnes qui investissent elles-mêmes dans la formation, mais il a été déclaré irrecevable. J’ai du mal à comprendre qu’il n’en soit pas allé de même pour celui-ci.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Il faut vous enquérir auprès de la commission des finances des raisons de cette irrecevabilité.

M. Gérard Cherpion. Cet amendement n’introduit pas une dépense, mais il réduit les recettes ; il n’est donc pas recevable au titre de l’article 40. Un des amendements que je proposais a été refusé au motif qu’il confiait une mission supplémentaire à France compétences, que cela créait un surcroît de travail pour les fonctionnaires et donc que cela coûterait de l’argent… J’ai du mal à comprendre que celui-ci ait échappé au même sort.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS558 de Mme Hélène Vainqueur-Christophe.

Mme Hélène Vainqueur-Christophe. Cet amendement de repli propose d’instaurer ce mécanisme au seul bénéfice des salariés des outre-mer, avec un taux de 50 %.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

La commission est saisie de l’amendement AS593 de M. Pierre Cabaré.

M. Pierre Cabaré. Cet amendement est issu de la recommandation n° 11 du rapport de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Il prévoit de mettre en place une évaluation de l’impact de la monétisation du compte personnel de formation prévue par l’article 1er du projet de loi.

Au sein du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle, sur neuf avis prononcés, sept sont défavorables. Ce rapport nous permettrait de mesurer l’impact de cette loi qui transforme un crédit exprimé en heures en un financement.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Je suis d’accord sur le fait qu’il nous faudra évaluer précisément les conséquences de la monétisation du CPF. Le rapport annuel que nous demandons à la Caisse des dépôts et consignations devrait nous le permettre ; il n’est peut-être pas nécessaire de faire un deuxième rapport sur le même sujet. Je vous demande donc de retirer votre amendement. Mais il pourrait être intéressant de faire un rapport sur l’accès des femmes à la formation dans le cadre de l’ensemble du projet. Nous pourrions nous mettre d’accord pour demander un rapport dans un cadre un peu plus large.

M. Pierre Cabaré. Dans la mesure où nous pouvons nous mettre d’accord sur un rapport, j’accepte de retirer mon amendement.

L’amendement est retiré.

Article 2
Conséquences de la rénovation du compte personnel de formation sur le compte personnel d’activité et le compte d’engagement citoyen

La commission est saisie de l’amendement AS908 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. L’article 2 reprend la logique de l’article 1er, dont j’avais déjà demandé la suppression. Il supprime le caractère volontaire de la mobilisation par le salarié de son compte personnel d’activité, et convertit le compte d’engagement citoyen en euros, un compte qui a pour objectif d’accorder des droits à la formation en échange d’activités bénévoles et associatives. C’est tout un symbole.

Le compte personnel d’activité était un projet intéressant à l’origine, mais il n’a pas connu de traduction suffisante. Si nous ne sommes pas des supporters inconditionnels des comptes individuels, ce compte regroupe différents droits portables au sein d’un compte unique, notamment le compte de pénibilité, hélas vidé de sa substance par les ordonnances sur la loi travail.

Avec cet article 2, vous rendez la mobilisation du compte personnel d’activité plus difficile, tout en réduisant les droits à leur aspect monétaire. Cela nous pose un problème de philosophie, tout comme pour l’article 1er. Nous sommes opposés à la monétisation des droits sociaux. La logique sous-jacente, une fois de plus, conduit à une hyper-individualisation des droits. Nous demandons donc la suppression de cet article.

Je regrette enfin, madame la présidente, qu’un amendement que j’avais déposé après l’alinéa 8 visant à intégrer l’aide apportée par des proches aidants à des personnes en situation de handicap ou en perte d’autonomie n’ait pas été déclaré recevable.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. L’article 2 procède à des modifications de coordination et de conséquence rendues indispensables par l’article 1er, avec en premier lieu le passage à l’euro. Par ailleurs, la liberté pour le salarié de mobiliser ses droits ou non, par ailleurs, est maintenue à l’article L. 5151-1.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS482 de M. Jean-Hugues Ratenon.

M. Jean-Hugues Ratenon. Le code du travail dispose que les heures de formation acquises sur le compte personnel ne peuvent être mobilisables qu’avec l’accord du titulaire du compte. Le CPA comprend trois dispositifs de formation différents : le compte personnel de formation, le compte professionnel de prévention et le compte d’engagement citoyen.

Dans les trois cas, ces dispositifs permettent au citoyen de bénéficier de formations particulières de son choix. Dans le projet de loi, il est prévu que la mobilisation des heures acquises sur le CPA puisse se faire sans l’accord du titulaire, et qu’un refus de celui-ci pourrait constituer une faute.

Par ailleurs, le compte d’engagement citoyen permet de financer des formations dans le cadre d’activités bénévoles extérieures à l’entreprise. Quel est donc l’objet de cet alinéa 5 si l’employeur décide des formations que son employé doit suivre dans le cadre de son engagement associatif ? C’est une intrusion terrible dans la vie des travailleurs, et un recul que nous ne pouvons accepter. C’est pourquoi nous proposons la suppression de l’alinéa 5.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. En tout état de cause, le CPA inclut le CPF, et cette liberté d’initiative et d’utilisation fait partie intégrante de l’ensemble du principe du CPF. Elle est donc maintenue.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS979 de Mme Michèle de Vaucouleurs.

Mme Michèle de Vaucouleurs. En vigueur depuis le 1er janvier 2017, le compte d’engagement citoyen a pour objectif de valoriser les activités citoyennes telles que le bénévolat ou les activités de réserviste ou de maître d’apprentissage.

Cet amendement demande au Gouvernement une évaluation de ce nouveau dispositif. En effet, si l’objectif poursuivi de valorisation de l’engagement citoyen est louable et correspond aux valeurs qui sont les nôtres, il semble que le compte d’engagement citoyen soit aujourd’hui méconnu et peu mobilisé. Il apparaît donc judicieux de revoir ses conditions de mobilisation et d’utilisation et son financement, si celles-ci n’étaient pas satisfaisantes.

Nous proposons donc d’insérer après l’alinéa 14 de l’article 2 un III ainsi rédigé : « Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er janvier 2019, un rapport sur le financement du compte engagement citoyen, sur les modalités de sa mobilisation actuelle et sur l’utilisation qui en est faite. »

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Le compte d’engagement citoyen est encore trop méconnu, et nous partageons l’objectif de valoriser le volontariat et le bénévolat. Il me semble également utile de faire le point deux ans après sa mise en service.

La commission adopte l’amendement.

M. Pierre Dharréville. Je me permets de suggérer à la rapporteure de réfléchir à la manière dont on pourrait intégrer la problématique des proches aidants dans cet article, ce que je n’ai pas pu faire, sans doute à cause de l’article 40. Je souhaite qu’une réflexion soit engagée sur ce sujet, car même si la formation des aidants a été confiée à la CNSA, aucun dispositif spécifique ne permet de soutenir leur droit à la formation afin d’envisager un retour à l’emploi ou une reconversion professionnelle.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Nous en tiendrons compte dans nos réflexions, et vous connaissez ma position sur l’article 40.

La commission adopte l’article 2, modifié.

Article 3
Déploiement d’un conseil en évolution professionnelle enrichie

La commission est saisie de l’amendement AS907 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. Nous sommes bien évidemment favorables au conseil en évolution professionnelle (CEP), qui permet à toute personne de bénéficier d’un droit à l’accompagnement gratuit tout au long de sa vie.

Dans le projet de loi, le Gouvernement privatise cet accompagnement pour les salariés par la mise en place d’appels d’offres. Pour nous, c’est une nouvelle attaque en règle contre le service public. Les appels d’offres dans les régions ont occasionné de nombreux dégâts : baisse de la qualité de l’offre de formation et mise en difficulté des organismes de formation.

De même, la privatisation des prestations d’accompagnement de Pôle emploi, avec les opérateurs privés de placement, est jugée décevante par comparaison avec l’efficacité de l’accompagnement par le service public.

Avec cet article, vous ouvrez la voie à la marchandisation du conseil en évolution professionnelle. Nous y sommes opposés et prônons, au contraire, un véritable service public de l’accompagnement dans la formation professionnelle. Au-delà de la formation, c’est bien d’un accompagnement dont les personnes privées d’emploi ont besoin pour retrouver un emploi ou évoluer dans leur parcours.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Le rapport 2017 du CNEFOP sur la mise en œuvre du CEP en dresse un portrait en demi-teinte. Ce dispositif ambitieux, créé par la loi du 5 mars 2014, constitue un droit pour chaque individu mais reste malheureusement méconnu. Il reste encore trop limité et inégalement approprié par les cinq opérateurs définis par la loi. Les régions, par ailleurs, n’ont pas ou trop peu utilisé la possibilité de désigner des opérateurs supplémentaires.

En ouvrant la délivrance du CEP à de nouveaux opérateurs sélectionnés par France compétences via un appel à candidatures, dans le respect d’un cahier des charges national et exigeant, cet article corrige les faiblesses initiales du dispositif et permettra ainsi son essor.

M. Boris Vallaud. Nous soutiendrons cet amendement. Nous ne comprenons pas non plus le sens de la privatisation du conseil en évolution professionnelle, ni le sens de l’argumentation de la rapporteure. Dressant un constat en demi-teinte du fonctionnement actuel, elle propose d’en revoir radicalement la philosophie.

M. Sylvain Maillard. Vous êtes déterminés à supprimer cet article, mais en même temps, à entendre vos commentaires, vous constatez comme nous que le système actuel ne fonctionne pas correctement alors que son rôle est essentiel. Le conseil en évolution professionnelle est au cœur de nos préoccupations et de la formation professionnelle. Nous proposons une autre façon de l’organiser, plus dynamique, qui nous semble concertée. Évidemment, nous voterons contre cet amendement, en espérant vous convaincre, car vous semblez rester sur des considérations plus politiques que pragmatiques.

M. Pierre Dharréville. Pour continuer à faire de la politique de la manière la plus pragmatique possible, je persiste à penser que cette fonction d’accompagnement professionnel est décisive dans le projet qui nous occupe. Il y a donc besoin d’un engagement public fort. Développer un service public correspondant à cet engagement, avec la maîtrise publique qui va avec, pour donner les impulsions et les orientations nécessaires, me semble constituer la bonne voie.

Aujourd’hui, nous n’y sommes pas, et c’est peut-être là le problème. Nous nous opposons sur le diagnostic, car vous pensez que vous allez régler le problème en privatisant, nous ne le pensons pas. Je maintiens que cette voie n’apportera pas les solutions dont nous avons besoin pour développer correctement l’accompagnement de ces publics.

Mme Gisèle Biémouret. Qu’en sera-t-il donc des plus exclus et des plus fragiles ? Un appel d’offres, on sait ce que ça veut dire, on sait comment peuvent être choisis les organismes ou les sociétés prestataires. Des résultats leur seront demandés et, pour en produire, les personnes dont le besoin d’accompagnement est le plus pressant seront exclues. Je voterai donc également cet amendement de suppression, parce que je pense que cette mission relève d’un service public.

Vous ne parlez pratiquement jamais de l’accompagnement dans ce projet de loi alors qu’il est primordial, pour lutter contre l’exclusion, d’accompagner les plus fragiles vers le travail. Les autres y arriveront toujours, parce qu’ils ont la force, les compétences et les qualités requises, mais vous ne parlez pas des plus fragiles. Vous allez créer des inégalités encore plus flagrantes que celles que vous dénoncez aujourd’hui en prétendant, sans en apporter la preuve, que le dispositif en vigueur ne fonctionne pas.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Point positif : je constate que nous sommes tous d’accord sur le fait que le conseil en évolution professionnelle est un élément capital de cette réforme.

Qui joue le rôle de conseil en évolution professionnelle pour les demandeurs d’emploi ? Pôle emploi, les missions locales et, pour les cadres, l’Association pour l’emploi des cadres (APEC). Mais pour les salariés, ce système ne fonctionne pas, car il n’est pas financé ni régulé. Nous allons mettre en place une régulation publique, grâce à l’établissement public France compétences, où siégeront des représentants de l’État, des régions et des partenaires sociaux. Ce sont eux qui élaboreront le cahier des charges en vue de l’appel d’offres. Ce sera un appel d’offres national mais conditionné à une implantation territoriale de proximité. Nous sommes bien d’accord : l’accessibilité, aux moins qualifiés comme aux autres, est impérative, et la proximité est nécessaire. Tout ne se fera pas en ligne.

Ce cahier des charges national permettra une maîtrise de la qualité grâce à une régulation publique. Pourront candidater à ces appels d’offres non seulement des organismes privés mais aussi des organismes publics – l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), dont les compétences en la matière sont nombreuses, postulera certainement. Les marchés seront attribués pour trois ans, à l’issue desquels une évaluation de la qualité de l’accompagnement du conseil en évolution professionnelle permettra de juger de la nécessité de lancer un nouvel appel d’offres et de recourir à un autre prestataire. Ce n’est pas le caractère public ou privé de l’organisme qui postule qui déterminera l’attribution du marché, mais bien la qualité de l’accompagnement des salariés. C’est ce qu’ont proposé les partenaires sociaux dans l’accord qu’ils ont conclu cette année. Enfin, point très important, ce service sera gratuit pour les demandeurs d’emploi – les jeunes comme les salariés.

M. Gérard Cherpion. Madame la ministre, il me semble que vous prenez, avec l’AFPA, l’exemple qu’il ne faut pas prendre : nous avons là un organisme de formation qui, au contraire des autres organismes, se retrouvera à la fois conseil et prescripteur.

M. Pierre Dharréville. Ce que vous dites confirme mes inquiétudes, madame la ministre : il y aura bien des opérateurs à but lucratif et des opérateurs à but non lucratif. Je pense que cette mise en concurrence du privé et du public ne fonctionnera pas. Votre projet de gérer l’accompagnement humain de cette façon pose un certain nombre de problèmes philosophiques.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1314 de la rapporteure.

Elle en vient ensuite aux amendements identiques AS3 de M. Dino Cinieri, AS198 de M. Gérard Cherpion, AS391 de M. Bernard Perrut, AS602 de M. Joël Aviragnet et AS667 de M. Francis Vercamer.

M. Gilles Lurton. L’article 3 du projet de loi sort le conseil en évolution professionnelle du périmètre du service public régional de l’orientation et l’organise dans le cadre d’une procédure nationale pilotée par le futur établissement public administratif France compétences, sous tutelle de l’État. Il est donc procédé à une recentralisation du dispositif du conseil en évolution professionnelle et, en corollaire, à un affaiblissement du service public régional de l’orientation, au moment même où le Gouvernement exprime la volonté de confier toute l’orientation professionnelle aux régions. Vous revenez également sur un engagement pris le 9 février 2018 par le Premier ministre, qui annonçait des cahiers des charges régionaux. Ce choix n’est donc ni opportun ni cohérent car le conseil en évolution professionnelle doit faire partie intégrante du service public régional de l’orientation. Aussi l’amendement AS3 réinsère-t-il le conseil en évolution professionnelle au sein du service public régional de l’orientation.

M. Jean-Pierre Door. Madame la ministre, vous opérez une certaine recentralisation à plusieurs niveaux, et la création de France compétences y contribue par l’intégration du conseil en évolution professionnelle, ce qui contredit votre volonté de confier l’orientation aux régions. Notre amendement AS198 vise à revenir sur ce transfert.

M. Bernard Perrut. Le CEP s’est imposé comme un outil d’accès à un conseil personnalisé mais nous en voyons toutes les limites. Vous faites d’ailleurs, madame la rapporteure, le constat de ces insuffisances. Des modifications sont apportées en droit par ce projet de loi : ainsi, la mention explicite d’une mise en œuvre dans le cadre du service public régional est supprimée. Cependant, l’article L. 6111-3 du code du travail dispose que « la région coordonne les actions des autres organismes participant au service public régional de l’orientation ». Il faudrait que tout cela soit cohérent, qu’il ne soit pas précisé à tel article que c’est au cœur du service public régional et à tel autre que, d’une certaine façon, cela ne l’est pas.

La meilleure façon de clarifier tout cela est de laisser le conseil en évolution professionnelle dans le périmètre du service public régional de l’orientation. Il y aurait là quelque logique, puisque le Gouvernement veut confier toute l’orientation professionnelle aux régions. Mon amendement AS391 permet donc de mettre un peu de clarté dans le dispositif.

M. Joël Aviragnet. Plutôt que de recentraliser l’accompagnement gratuit et personnalisé proposé à toute personne souhaitant faire le point sur sa situation, il faut renforcer le service public régional de l’orientation et confier le conseil en évolution professionnelle aux régions, plus proches des territoires et de leurs besoins, en lien évidemment avec les branches professionnelles. Ce serait également plus cohérent avec l’engagement en faveur de cahiers des charges régionaux pris par le Premier ministre le 9 février dernier.

M. Francis Vercamer. Le service public régional de l’orientation relève de la compétence de la région depuis la loi du 5 mars 2014, qui marque une étape décisive dans ce domaine puisqu’elle envisage l’orientation tout au long de la vie. C’est donc sur l’ensemble du parcours professionnel que les régions exercent leur mission au titre du service public régional de l’orientation, avec une diversité de situations qu’elles seules, en lien avec les bassins d’emploi et leurs partenaires dans les territoires, peuvent appréhender.

Le conseil en évolution professionnelle était donc proposé dans le cadre décentralisé du service public régional de l’orientation ; or, avec cet article 3, nous assistons à une forme de recentralisation : l’offre de services entrant dans le périmètre du CEP est définie par un cahier des charges national et les régions n’apparaissent pas parmi les organismes et institutions qui en assurent la mise en œuvre. En précisant, comme nous le proposons par l’amendement AS602, que le CEP est mis en œuvre dans le cadre du service public régional de l’orientation, nous réaffirmerions l’importance de l’échelon des territoires dans l’évolution des parcours professionnels dès lors qu’ils ont eux aussi une compétence à exercer dans le cas du développement économique.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Monsieur Perrut, ce n’est pas l’existence du CEP qui m’inspire quelque regret, mais le fait que sa configuration actuelle ne lui a pas permis de prendre son envol. Il me semble cependant important au regard des enjeux. Faisons donc en sorte qu’il puisse suffisamment se développer.

Le conseil en évolution professionnelle s’inscrira demain encore dans le cadre du service public régional de l’orientation, il n’y a aucun doute à ce sujet. D’ailleurs, M. Perrut l’a bien rappelé, c’est inscrit à l’article L. 6111-3 du code du travail ; il ne me paraît pas nécessaire de le repréciser.

M. Francis Vercamer. À quel article cela figure-t-il, madame la rapporteure ?

Mme Catherine Fabre, rapporteure. À l’article L. 6111-3 du code du travail, tel qu’issu de la loi du 5 mars 2014, et qui définit les missions du service public de l’orientation tout au long de la vie.

La commission rejette les amendements.

Puis elle en vient à l’amendement AS980 de Mme Michèle de Vaucouleurs.

Mme Michèle de Vaucouleurs. L’objectif du conseil en évolution professionnelle est ainsi défini à l’article 3 : favoriser l’évolution et la sécurisation des parcours professionnels. Il est précisé à l’alinéa 4 que « l’opérateur du conseil en évolution professionnelle accompagne la formalisation et la mise en œuvre des projets d’évolution professionnelle ». Or pour atteindre l’objectif assigné au conseil en évolution professionnelle, il est primordial que l’opérateur, avant la formalisation et avant la mise en œuvre, procède à cette phase d’identification des potentiels et compétences mobilisables. Face à certaines personnes qui ont déjà une idée précise de leurs besoins de formation, l’opérateur n’aura pour rôle que de formaliser ces besoins dans un projet concret et opérationnel, mais d’autres personnes auront besoin d’un accompagnement plus poussé car elles n’auront pas pu identifier elles-mêmes leurs besoins. Pour réaffirmer l’importance de cette phase, la première de la mission du conseil en évolution professionnelle, nous proposons de la mentionner dès la première phrase de l’article qui définit les missions du CEP, en insérant, après le mot « accompagne », les mots : « la personne dans l’identification de ses potentiels et compétences mobilisables et dans ».

Mme Catherine Fabre, rapporteure. L’expression des besoins et l’identification du potentiel de la personne accompagnée constituent deux enjeux clefs du CEP. Il me semble intéressant de le préciser.

La commission adopte cet amendement.

Elle se saisit ensuite de l’amendement AS479 de M. Jean-Hugues Ratenon.

Mme Caroline Fiat. Quelle différence entre la vente d’un Airbus A380 à la compagnie Emirates et le développement des petites lignes de train dans les zones enclavées de la France ? Quelle différence entre la publicité pour un Kinder Bueno et les soins prodigués à une personne âgée par une auxiliaire de vie à domicile ? Quelle différence entre le développement d’un nouveau produit de manucure par un ingénieur et l’enseignement du français à des réfugiés ? D’un côté, nous avons des activités lucratives mais dont l’utilité sociale est limitée ; de l’autre, nous avons des activités peu lucratives mais pourtant vitales pour notre société.

L’idéologie libérale prétend que l’économie alloue les ressources de manière naturellement juste ; nous ne partageons pas cette philosophie. De nombreuses activités, pourtant d’utilité sociale, ne sont pas valorisées monétairement. Les conseils en évolution professionnelle ne sauraient être fonction de la seule rentabilité des formations. Nous proposons que le conseil en évolution professionnelle prenne en compte les besoins économiques et sociaux du pays et non exclusivement les besoins économiques. Une fois encore, il nous semble important de rappeler que le travail n’est pas exclusivement voué à la satisfaction des besoins de l’économie capitaliste : il répond aussi, en France, à des besoins en matière de services publics, de santé, de solidarité, de préservation de l’environnement. Dans un souci de pragmatisme, précisons donc que le conseil en évolution professionnelle doit se faire « en lien avec les besoins économiques et sociaux ».

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Quoique je ne souscrive pas entièrement à votre propos, je suis d’accord avec vous sur ce point, chère collègue : il faut aussi prendre en compte les besoins sociaux de nos territoires. Songeons au défi de la dépendance ou à des enjeux plus globaux de solidarité. Je suis favorable à la précision que vous proposez.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle examine les amendements identiques AS439 de Mme Justine Benin, AS521 de M. Jean-Carles Grelier et AS739 de M. Gérard Cherpion.

Mme Justine Benin. L’identification et la formalisation des compétences de la personne font déjà l’objet du bilan de compétences prévu à l’actuel article L. 6111-6 du code du travail. Mon amendement AS439 vise à rétablir la clarté dans l’articulation des dispositifs et évitons une redondance susceptible de créer la confusion. Nous proposons donc de supprimer, à la dernière phrase de l’alinéa 4, les mots « les compétences de la personne », qui ne figuraient d’ailleurs pas dans le texte soumis au Conseil d’État.

M. Gilles Lurton. Mme Benin vient de défendre brillamment l’excellent amendement identique AS521 de mon collègue Grelier !

M. Gérard Cherpion. L’alinéa 4 dispose effectivement que « l’opérateur du conseil en évolution professionnelle accompagne la formalisation et la mise en œuvre du projet d’évolution professionnelle, en lien avec les besoins économiques existants et prévisibles dans les territoires ». Nous sommes tout à fait d’accord, mais il dispose également que cet opérateur « facilite l’accès à l’information en identifiant les compétences de la personne, les qualifications, les formations ». Or les compétences sont déjà identifiées. Il n’est donc pas nécessaire de les mentionner à nouveau. D’autre part, et ce point me paraît plus important, cette stipulation ne figurait pas dans le texte soumis au Conseil d’État. C’est pourquoi mon amendement AS739 propose de la supprimer.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Le conseil en évolution professionnelle, qui est ou a vocation à devenir le pilier de l’accompagnement des actifs, a besoin de cette analyse de compétences pour que l’accompagnement ait du sens. Et l’identification des compétences n’interdit pas, par ailleurs, de recourir à un bilan de compétences, plus exhaustif, plus complet, plus approfondi. Ces amendements, à mon sens, n’ont pas lieu d’être.

La commission rejette les amendements identiques.

Elle se saisit ensuite de l’amendement AS981 de Mme Michèle de Vaucouleurs.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Nous l’avons évoqué lors de la présentation de l’amendement AS980 : l’accompagnement proposé par le conseil en évolution professionnelle doit inclure une phase d’analyse des compétences et besoins de la personne afin d’élaborer puis de mettre en œuvre avec elle un projet de formation. Des techniques pédagogiques existent, qui ont fait leurs preuves depuis de nombreuses années, par exemple la guidance professionnelle personnalisée, mise en place par les maisons d’information sur la formation et l’emploi, dont le réseau s’étend sur cinq régions. La guidance professionnelle personnalisée est un précurseur du conseil en évolution professionnelle, avec un accueil personnalisé, une phase d’écoute, une information claire sur les métiers et les offres de formation, mais aussi sur l’économie locale, une orientation, une élaboration du projet qui contribue à l’émergence des potentialités et un suivi personnalisé de la mise en œuvre de celui-ci.

Plus généralement, il est souhaitable que le cahier des charges prévu accorde une place particulière aux techniques pédagogiques et aux approches souhaitées, et il faut que les opérateurs se portant candidats puissent prendre en compte cet aspect d’accompagnement personnalisé. C’est pourquoi nous proposons de compléter l’alinéa 4 par les deux phrases suivantes : « Pour ce faire, l’opérateur mobilise des techniques pédagogiques reconnues favorisant l’émergence des potentialités et assure un suivi personnalisé de la mise en œuvre des projets. Les appels d’offres prévoient de s’assurer que les candidats ont la maîtrise d’une ou plusieurs techniques pédagogiques, leur permettant d’offrir aux bénéficiaires le conseil le plus pertinent possible. »

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Je ne sais si je parlerais de techniques pédagogiques pour un conseil en évolution professionnelle qui relève plutôt de l’accompagnement que de la formation. En outre, les précisions de ce type ont plutôt vocation à figurer dans le cahier des charges, qui définira les critères d’un accompagnement efficace.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Je ne doute pas du fait qu’il en sera tenu compte dans le cahier des charges.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AS440 de Mme Justine Benin.

Mme Justine Benin. Cet amendement vise à renforcer la neutralité des opérateurs de conseil en évolution professionnelle au regard de l’offre de formation certifiée et qualifiante prévue au I de l’article L. 6323-6 du code du travail. Nous proposons donc d’insérer l’alinéa suivant après l’alinéa 4 : « L’opérateur du conseil en évolution professionnelle ne peut dispenser d’actions de formation relevant du I de l’article L. 6323-6. »

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Je suis d’accord avec vous, chère collège : il faut éviter les conflits d’intérêts entre un opérateur de conseil en évolution professionnelle et un organisme de formation, mais c’est également le genre de précision qui figurera dans le cahier des charges parmi les critères de sélection.

Mme Justine Benin. J’entends ces explications, mais restons vigilants à propos de ce cahier des charges. Beaucoup de régions comptent des établissements publics industriels et commerciaux (EPIC), et des maisons de formation qui font un peu de tout – de l’achat, des actions de formation, etc. – et qui voudraient bien faire du conseil en évolution professionnelle.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement AS713 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. La mise en œuvre du conseil en évolution professionnelle doit pouvoir tenir compte des progrès technologiques et des possibilités offertes par le développement du numérique. Cet amendement vise à élargir le champ de compétence géographique de l’opérateur, avec un accompagnement qui puisse être réalisé à distance.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Je vous confirme qu’il sera possible de délivrer, en tout ou partie, des prestations de CEP à distance, mais cela relèvera du cahier des charges. C’est pourquoi je suis défavorable à votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

La séance, suspendue à 23 heures 30, est reprise à 23 heures 40.

La commission examine l’amendement AS1102 de Mme Nathalie Elimas.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Le conseil en évolution professionnelle est conçu pour les publics les plus fragiles et les plus exposés à la précarité, à la désinsertion professionnelle et au chômage.

Dans une logique de justice sociale redistributive, le CEP est ouvert aux personnes en situation de handicap mais sans que soient forcément prises en compte les compétences et connaissances nécessaires pour répondre aux besoins des personnes en situation de handicap dans le cadre de leur projet de maintien dans l’emploi ou de transition professionnelle. Il est nécessaire que le CEP soit adapté.

Nous proposons donc d’insérer l’alinéa suivant après l’alinéa 5 : « Il accompagne les salariés ou demandeurs d’emploi reconnus en situation de handicap au titre des articles L. 5213-1 à L. 5213-3 du code du travail en situation de handicap et atteints d’une maladie chronique évolutive inscrite dans la liste des affections de longue durée de l’assurance maladie, dans le cadre de leur projet de transition professionnelle, de leur maintien dans l’emploi et de leur recherche d’emploi. »

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Je partage votre préoccupation, mais toute personne peut bénéficier du CEP. Votre amendement est donc satisfait.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement AS1103 de Mme Nathalie Elimas.

Mme Justine Benin. Le conseil en évolution professionnelle est conçu pour les publics les plus fragiles et les plus exposés à la précarité, à la désinsertion professionnelle et au chômage.

Les proches aidants sont amenés à reconsidérer ponctuellement ou durablement leurs priorités, à concilier autant qu’ils le peuvent activité professionnelle et appui à la personne aidée, parfois à remettre en cause leur situation sur le marché du travail. Ils peuvent être amenés à renoncer temporairement à une activité professionnelle ou à définir un projet professionnel plus adapté à leur situation. Ils peuvent également souhaiter revenir sur le marché du travail, après s’en être plus ou moins longtemps éloignés. Cet amendement a donc pour but de prévoir un cas de figure particulier et d’inscrire la possibilité d’adapter le conseil à la situation spécifique des proches aidants.

Nous proposons d’insérer l’alinéa suivant après l’alinéa 5 : « Il accompagne les proches aidants mentionnés à l’article R. 245-7 du code de l’action sociale et des familles de personnes en situation de handicap ou atteintes d’une maladie chronique évolutive inscrite dans la liste des affections de longue durée de l’assurance maladie, dans le cadre de leur projet de transition professionnelle, de leur maintien dans l’emploi et de leur recherche d’emploi. »

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Plutôt que dresser un inventaire des différents publics, il me paraît préférable et plus pertinent de nous en tenir au principe générique : toute personne peut bénéficier du CEP. Cela couvre tous les publics que vous visez.

Mme Justine Benin. Nous retirons donc cet amendement, mais nous y insistons : il est parfois très difficile aux personnes en situation de handicap d’accéder à la formation et à l’inclusion professionnelles.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Je précise que la suspension du contrat de travail n’affecte en rien le droit au CEP. Cela vaut notamment pour les aidants qui ont souvent mis leur carrière entre parenthèses pour quelque temps ou les personnes en congé parental. Le compte personnel de formation peut aussi être utilisé pendant la suspension de contrat. Une suspension longue, de plusieurs années, peut rendre nécessaire une réflexion sur la suite de la carrière. Celle-ci ne prend pas forcément la forme d’une reprise à l’identique des fonctions occupées antérieurement. Un conseil en évolution professionnelle sera très précieux dans ce cas.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS1315 de la rapporteure.

Puis elle examine les amendements identiques AS443 de Mme Justine Benin et AS1159 de Mme Sarah El Haïry.

Mme Justine Benin. La parution de l’arrêté mentionné à l’alinéa 6 conditionne la mise en place du nouveau service de CEP. Il me semble donc important d’en préciser la date. Mon amendement AS443 propose donc d’insérer, après le mot « publié », la date : « le 31 décembre 2018 ».

Mme Sarah El Haïry. Mon amendement AS1159 répond au même souci. Mieux vaut faire mention de cette date de parution de l’arrêté, même si cela alourdit la rédaction de l’alinéa 6 pour dissiper toute inquiétude.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Je comprends votre préoccupation, chères collègues. Cependant, l’entrée en vigueur de cet article étant fixée au 1er janvier 2019, l’arrêté sera nécessairement publié auparavant. Il n’est pas nécessaire de le préciser.

Les amendements AS443 et AS1159 sont retirés.

La commission examine l’amendement AS948 de Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel.

Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel. La détermination de l’orientation est cruciale. À tout le moins, le Gouvernement doit s’assurer que chaque bénéficiaire en situation de handicap, ainsi que les proches aidants, puisse rencontrer, chez les opérateurs chargés de délivrer le conseil en évolution professionnelle, un référent handicap en capacité de répondre à leurs situations spécifiques. Tel est l’objet de cet amendement qui tend à prévoir la présence de référents formés à la spécificité des parcours des personnes en situation de handicap dans le cahier des charges fixant l’offre de service du CEP.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Il est tout à fait prévu que ces précisions sur les besoins spécifiques de certains figurent dans le cahier des charges.

L’amendement est retiré.

La commission se saisit de l’amendement AS715 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. La formation n’est pas une fin en soi ; encore faut-il qu’elle soit efficace. La formation doit être gage de retour à l’emploi ou de maintien dans l’emploi. Il est donc nécessaire de prendre en considération le bassin d’emploi dans lequel l’actif réside.

Par cet amendement, madame la rapporteure, je vous demande de l’audace, toujours de l’audace, encore de l’audace… Je vous propose d’expérimenter une adaptation du cahier des charges du CEP en fonction des besoins locaux afin de mieux prendre en compte l’aménagement du territoire et la spécificité d’un certain nombre de milieux professionnels. Les besoins en termes d’emploi varient d’une région à l’autre, certains bassins d’emploi connaissent des pénuries de compétences dans certains domaines d’activité et d’autres non. Un cahier des charges régionalisé permettra une meilleure prise en compte de la diversité des activités au niveau régional.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Il est tout à fait possible, dans un cahier des charges national, d’exiger une offre adaptée aux spécificités locales, et il me semble plus simple de recourir à un seul cahier des charges, qui offre des garanties communes à l’ensemble des actifs sur le territoire national. Je vous prie donc, cher collègue, de bien vouloir retirer cet amendement.

M. Francis Vercamer. Madame la rapporteure, votre réponse n’est pas convaincante. Décliner au niveau régional un cahier des charges national me paraît très compliqué. C’est bien la raison pour laquelle je proposais, à titre expérimental, un cahier des charges régionalisé.

M. Sylvain Maillard. Nous avons, en France, un réel problème de mobilité.

La proposition de M. Vercamer est intéressante : il faut évidemment, dans un souci d’efficacité, que le conseil en évolution professionnelle soit au plus près des réalités du bassin. Cependant, il faut aussi une coordination nationale pour favoriser la mobilité. Ne faisons pas passer cette préoccupation fondamentale au second plan. En France, au XXIe siècle, il faut faire les deux en même temps.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement AS719 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Pour connaître le terrain, il est essentiel que les opérateurs du conseil en évolution professionnelle rencontrent des représentants de la région, des organisations d’employeurs et des organisations syndicales du territoire. Cet échange permettra aux opérateurs d’être informés des besoins, de savoir quels secteurs recrutent ou ne recrutent pas. Le comité de pilotage dont nous proposons la création permettra un échange précieux entre ces acteurs dont émaneront les orientations de la rédaction du cahier des charges. Chacun correspond à un maillon de la chaîne qui mène au plein-emploi. Les associer étroitement permettra de réduire le chômage. Il faut que les opérateurs du CEP connaissent les besoins des entreprises. Il est de nombreux domaines où, la reprise aidant, elles veulent recruter dans le cadre de cette reprise économique.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Il y aura des représentants des régions au sein de France compétences, et ils participeront à la rédaction du cahier des charges. De ce point de vue, votre amendement est satisfait, cher collègue. Il n’est pas nécessaire d’aller plus loin.

La commission rejette l’amendement.

Elle se saisit ensuite de l’amendement AS480 de M. Jean-Hugues Ratenon.

M. Jean-Hugues Ratenon. Composé à 97 % d’organismes privés, le marché de la formation professionnelle est très lucratif et se développe. De ce fait, une logique de rentabilité pèse sur la qualité de l’offre de formation. L’atomisation qui en résulte nuit à la transparence et au contrôle de la qualité de l’offre. En 2014, seuls 630 prestataires sur 76 500, soit moins de 1 %, ont été contrôlés par l’État. Les arnaques à la formation, hélas ! ne manquent pas.

Plutôt que de s’attaquer à l’opacité de ce marché, le projet de loi lui ouvre des possibilités nouvelles. Le conseil en évolution professionnelle pourra ainsi être dévolu à ces organismes de formation, déjà si peu contrôlés, mais quelles garanties les travailleurs ont-ils que ces organismes seront compétents et les orienteront avec rigueur ? Et pourquoi un organisme opérateur de conseil en évolution ne mettrait-il pas en avant les formations qu’il propose, même si celles-ci ne sont pas réellement appropriées ? Selon nous, c’est plutôt une reprise en main de ce secteur profondément hétéroclite et dérégulé qui s’impose. D’où la modification de l’alinéa 7 proposée par notre amendement AS480.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Je crains, monsieur Ratenon, que nous ne soyons en désaccord… Un appel d’offres et un cahier des charges qui définira des critères qualité permettront précisément de désigner l’opérateur qui remplira le mieux les critères de qualité formulés. Une montée en qualité est donc plus probable que le contraire – l’idée est de prendre le meilleur opérateur qui se présente. C’est ainsi que nous tirerons le mieux parti du potentiel, pour l’heure largement inexploité, du CEP.

La commission rejette l’amendement.

La commission examine l’amendement AS808 de M. Boris Vallaud.

M. Boris Vallaud. L’article 3 prévoit l’ouverture du conseil en évolution professionnelle à de nouveaux opérateurs financés à l’issue d’un appel d’offres. Or, les opérateurs actuels sont présents dans l’ensemble des régions, et ils ont investi et développé le CEP en en respectant le cahier des charges. L’ouverture au marché casserait la dynamique en cours, pourtant réelle, entraînerait des licenciements chez les opérateurs, notamment les FONGECIF – dont la situation ne nous paraît pas garantie au-delà du délai de six mois évoqué tout à l’heure – et dégraderait la qualité et la proximité du service rendu. C’est pourquoi cet amendement vise à supprimer l’ouverture du CEP au marché.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Votre amendement vise à rétablir une possibilité ouverte il y a quatre ans et que les régions n’ont hélas pas utilisée. Elles ont certes joué un rôle clé lors des premiers pas du CEP, soit directement – avec les conseils régionaux dans le cadre du service public régional de l’orientation (SPRO) – soit indirectement, via l’action du réseau des CARIF-OREF (Centres animation ressources d’information sur la formation — observatoires régionaux emploi formation), mais elles n’ont pas tiré parti de l’option que vous préconisez, pourtant ouverte par la loi. C’est pourquoi nous avons prévu une solution alternative consistant à confier à France compétences la désignation d’opérateurs supplémentaires.

La commission rejette l’amendement.

Elle passe à l’amendement AS310 de M. Gérard Cherpion.

M. Jean-Pierre Door. Dans sa nouvelle rédaction, l’article L. 6111-6 du code du travail ne prévoit plus la possibilité de désigner des opérateurs régionaux du conseil en évolution professionnelle. La suppression de cette compétence des régions est regrettable car elle menace l’existence même du maillage territorial du CEP dont parlait M. Maillard. Ce conseil doit rester accessible sur tout le territoire. Les représentants des conseils régionaux nous ont alertés ici même sur cette question. Dans le cas contraire, a fortiori dans la perspective d’un CPF désintermédié, les actifs seront laissés seuls. Il faut donc confier l’organisation des appels d’offres aux CREFOP, qui participaient jusqu’alors au processus de désignation des opérateurs régionaux, afin de préserver la concertation avec les régions. Il est impératif d’éviter la rupture du maillage territorial.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. L’organisation d’appels d’offres nationaux n’empêche pas l’attribution de lots régionaux : certains opérateurs interviendront dans telle région, d’autres dans telle autre, mais ils n’interviendront pas sur l’ensemble du territoire. Nous préservons justement la liberté de choisir le meilleur opérateur pour chaque territoire.

D’autre part, contrairement à ce que vous affirmez, le lien du CEP avec les régions est préservé.

M. Jean-Pierre Door. Vous ne me convainquez pas : je m’inquiète que l’on retire une compétence aux régions – que l’on dérégionalise le CEP, en somme.

M. Sylvain Maillard. Peut-être M. Door a-t-il mal compris mes propos : il va de soi que le maillage territorial du CEP est au cœur de notre projet, car c’est ce conseil qui permettra l’évolution professionnelle. Tout le sens de notre réforme consiste précisément à renforcer ce maillage territorial. Cela étant, à l’indispensable vision régionale à l’échelle des bassins d’emploi, il faut ajouter une vision nationale – c’est ce que je disais à M. Vercamer. Encore une fois, cela ne signifie naturellement pas qu’il faut remettre en cause le maillage territorial.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Nous sommes tous attachés à parler des choses telles qu’elles sont, dans l’intérêt des salariés et des demandeurs d’emploi. Depuis 2014, les régions pouvaient organiser des appels d’offres pour habiliter des opérateurs du CEP ; or elles ne l’ont quasiment jamais fait. Pôle Emploi, en revanche, a organisé – sur la base de cahiers des charges nationaux, j’y reviendrai – des appels d’offres régionaux, voire infrarégionaux, par exemple dans de vastes régions où des départements ou autres entités ont plus de sens. Le cahier des charges national est important, et pour cause : vous avez relevé plusieurs éléments qui doivent impérativement figurer dans un cahier des charges. Sans cahier des charges national, il est difficile de garantir qu’ils soient repris dans les dix-huit régions. En revanche, l’appel d’offres national sera l’occasion d’attribuer des lots régionaux. Les régions étant associées à la gouvernance de ce mécanisme, elles feront valoir leurs spécificités et préconiseront l’échelle – régionale ou infrarégionale selon les cas – à laquelle doivent être découpés les lots. Autrement dit, le cahier des charges national permettra de garantir qu’un salarié bénéficiera de la même qualité de service partout sur le territoire – c’est l’essentiel ; viendront ensuite les lotissements territoriaux, à l’échelle régionale ou autre, déclinés en concertation avec les régions et les partenaires sociaux.

M. Stéphane Viry. Plusieurs amendements viennent de soulever la question de la proximité et de la territorialité du CEP, ce très bel outil créé en 2014 qui resté sous-utilisé. J’entends vos arguments, madame la ministre : il est certes possible que le cahier des charges laisse une marge de manœuvre aux régions, mais ce n’est pas certain. En revanche, il me semble prématuré de juger que les régions n’utilisent pas la possibilité qui leur est offerte de tirer parti de cet outil d’accès à la formation et de supprimer purement et simplement les CREFOP au motif qu’ils n’ont pas su tirer leur épingle du jeu. À mon sens, il faut préserver la territorialité et le lien avec le potentiel des bassins économiques locaux. Il me semble donc pertinent de maintenir la compétence d’organisation des appels d’offres aux CREFOP, de sorte que cette territorialité ne soit pas une simple éventualité dans le cahier des charges national mais une réalité régionale.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Comprenons-nous bien : les CREFOP ne sont en aucun cas supprimés ; simplement, ce sont des organismes consultatifs et non régulateurs ou décisionnels. Ils poursuivront leur travail de consultation de l’ensemble des acteurs régionaux sur la formation, l’emploi, le lien avec le monde économique. Ils ne sont pas concernés par le sujet très précis qui nous occupe, c’est-à-dire l’attribution de la compétence d’agrément du CEP. À cet égard, les régions participent à la gouvernance de France compétences, non pas sur un strapontin mais à part entière. Nous devons veiller à l’existence d’une offre partout sur le territoire et selon les mêmes critères de qualité – ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui –, d’où le cahier des charges national. Encore une fois, les lotissements seront régionaux et les régions pourront faire prévoir leur vision. Il va de soi qu’une concertation préalable avec les CREFOP serait bénéfique.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS1042 de Mme Frédérique Lardet.

Mme Frédérique Lardet. Cet amendement vise à ce que les opérateurs financés par France compétences n’entretiennent aucun lien capitalistique avec les organismes de formation vers lesquels ils orientent les salariés qu’ils accompagnent. L’objectif est d’éviter tout conflit d’intérêts en prescrivant dans la loi l’indépendance tant juridique que capitalistique des opérateurs que désignera prochainement France compétences.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Le risque que vous soulevez est réel et les critères prévus dans le cahier des charges devront être rédigés de telle sorte qu’il ne pourra pas se concrétiser.

L’amendement AS1042 est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AS1047 de Mme Lardet.

Mme Frédérique Lardet. Cet amendement vise à interdire les opérateurs désignés par France compétences de dispenser des formations dans le cadre d’un CPF, dans le même objectif que le précédent : éviter les conflits d’intérêts. Je le retire également.

L’amendement AS1047 est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements AS459 de Mme Justine Bénin et AS311 de M. Gérard Cherpion.

Mme Justine Benin. L’article 3 du projet de loi modifie la liste des opérateurs légalement habilités à dispenser le conseil en évolution professionnelle. Si les actuelles habilitations de Pôle Emploi, de l’association pour l’emploi des cadres (APEC), du réseau des missions locales et des Cap emploi sont maintenues, celles qui étaient conférées aux OPACIF sont supprimées. Ces organismes, qui assurent la plupart des accompagnements dispensés aux actifs en emploi, ne pourront donc assurer à l’avenir le CEP que s’ils sont désignés par France compétences selon des conditions à préciser par décret.

Afin de permettre aux salariés accompagnés au 31 décembre 2018 par les OPACIF et les FONGECIF de finaliser leur démarche sans avoir à changer d’opérateur en cours de route et de garantir aux salariés l’effectivité, dès le 1er janvier 2019, du CPF qu’ils ont mobilisé dans le cadre de transitions professionnelles, mon amendement AS459 propose de proroger l’habilitation des OPACIF et des FONGECIF en prévoyant que, jusqu’au 31 décembre 2020, le conseil en évolution professionnelle est également assuré par les organismes paritaires agréés en application de l’article L. 63333 dans la version en vigueur antérieurement à la date d’application de la présente loi qui n’auront pas été désignés par l’organisme défini à l’article L. 633218.

M. Stéphane Viry. En effet, tant que ce nouvel appel d’offres ne sera pas engagé, il me semble opportun de maintenir un dispositif qui fonctionne afin d’assurer la montée en puissance du CEP, désormais renforcé et financé, et obligatoire dans le cadre d’un projet de transition professionnelle mobilisant le CPF transition, qui prend le relais du CIF. Le maillage actuel du CEP sera remis en cause, notamment en raison du recul des opérateurs actuels. Je m’inquiète de la transition et de la bonne articulation d’une situation à l’autre. C’est pourquoi l’amendement AS311 propose de laisser les anciens opérateurs intervenir jusqu’au 31 décembre 2020, avant l’avènement du cahier des charges national, pour sécuriser le dispositif – dont on sait qu’il est destiné à monter en puissance.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. La question de la transition est centrale. Je conviens que l’entrée en vigueur de l’article au 1er janvier 2019 paraît peu réaliste, puisque c’est aussi la date de création de France compétences. En revanche, il me semble excessif de proposer une prorogation de deux ans. Je défendrai dans un instant un amendement visant à proroger l’habilitation des OPACIF à dispenser le CEP jusqu’au 30 septembre 2019 ; ce délai de neuf mois supplémentaires me paraît plus pertinent au regard de l’objectif poursuivi.

M. Stéphane Viry. À cette condition, je retire l’amendement.

M. Justine Benin. Je retire également le mien.

Les amendements sont retirés.

La commission examine l’amendement AS1364 de la rapporteure.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. C’est l’amendement dont je viens de parler. Il faut laisser le temps à France compétences de signer des conventions avec les opérateurs sélectionnés tout en évitant que les salariés souhaitant recourir à ce service n’aient aucun interlocuteur. Pour ce faire, nous proposons de prolonger de neuf mois – jusqu’au 30 septembre 2019 – la délivrance du CEP par les OPACIF-FONGECIF et d’assurer ainsi une transition réussie avant l’entrée en vigueur du nouveau dispositif.

M. Jean-Pierre Door. Nous avions donc eu raison de détecter un problème de date en défendant un amendement tout à l’heure…

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Je vous avais justement répondu en renvoyant la discussion à cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 3 modifié.

Après l’article 3
 

La commission examine l’amendement AS468 de Mme Justine Benin.

Mme Justine Benin. Parmi les opérateurs du conseil en évolution professionnelle, seuls Pôle emploi, les missions locales et le réseau des Cap emploi peuvent prescrire de plein droit des périodes de mise en situation en milieu professionnel. Les autres opérateurs doivent conclure avec eux une convention leur ouvrant la possibilité de prescrire ces périodes, ce qui alourdit considérablement la mise en œuvre de ce dispositif lorsque l’accompagnement vise un salarié. Cet amendement vous propose d’étendre cette possibilité aux autres opérateurs du CEP.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Les périodes de mise en situation en milieu professionnel sont généralement réservées aux publics les plus éloignés de l’emploi. C’est pourquoi elles relèvent le plus souvent des missions locales, de Pôle emploi et du réseau Cap emploi, et non pas des opérateurs de CEP qui reçoivent des salariés.

L’amendement est retiré.

Chapitre II
Libérer et sécuriser les investissements pour les compétences des actifs

Section I : Champ d’application de la formation professionnelle

Article 4
Redéfinition des actions entrant dans le champ de la formation professionnelle

La commission examine l’amendement AS478 de M. Jean-Hugues Ratenon.

Mme Caroline Fiat. Pourquoi vouloir faire moins quand on pourrait faire mieux ? Par cet article 4, vous entendez réduire le champ de la formation professionnelle de sorte qu’elle ne réponde qu’à des critères économiques. Suppression des formations de sensibilisation à la lutte contre les stéréotypes sexistes et pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes : trop ringardes. Suppression des actions de formation continue relatives au développement durable et à la transition énergétique : trop ringardes encore. Suppression des actions de lutte contre l’illettrisme : trop ringardes aussi… Et je passe sur tous les autres alinéas que vous entendez faire disparaître.

Par cet article 4, les quatorze types d’actions qui forment le champ de la formation professionnelle sont réduits à quatre catégories seulement, qui ne constituent pas une synthèse des actions actuelles mais se traduisent par l’élimination pure et simple d’actions de formation. En réalité, cette prétendue simplification est un appauvrissement considérable. Si cet article est adopté, la formation professionnelle ne servira plus qu’à ajuster les salariés aux aléas de l’économie sans égard pour tout ce qui constitue un lieu de travail digne d’intérêt. Cette vision court-termiste nie l’importance qu’il y a à s’épanouir au travail et à y trouver du sens.

Dernier exemple : vous proposez de supprimer les formations relatives à l’économie et à la gestion de l’entreprise. Cette mesure s’inscrit dans la continuité des ordonnances sur le travail. Elle consiste à creuser l’écart qui existe entre une caste qui détiendrait les codes de l’entreprise et une masse de salariés qui n’y aurait pas accès.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. À mon sens, l’article 4 vise à rénover et à resserrer la définition de l’action de formation. Si nous faisons ce choix, c’est parce que jusqu’à présent, les formations étaient déclinées sous la forme d’un catalogue, au risque d’oublier tel ou tel domaine pourtant couvert par la définition générale. Nous préférons adopter une définition plus claire, à la fois restreinte et synthétique, qui couvre tout le champ de ces quatorze actions de formation pour éviter une segmentation excessive.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Regardons les choses en face : ce n’est pas parce qu’il existe quatorze types d’actions de formation – une vraie usine à gaz, du point de vue des entreprises – que le droit à la formation s’en trouve enrichi. La France est le seul pays d’Europe qui caractérise autant d’actions, mais elle n’est pas la meilleure en ce qui concerne l’accès à la formation de ceux qui en ont le plus besoin. Le droit à la formation ne gagne rien à la complexité des cases dans lesquelles il faut s’insérer.

Mme Caroline Fiat. Jusqu’à présent, ces quatorze types d’actions fonctionnaient très bien et ne posaient aucune difficulté aux organismes de formation, comme ils nous l’ont dit ! Vous prétendez simplifier à tout va mais ce que vous appelez une usine à gaz permettait tout de même de fixer des critères importants. Loin de simplifier, ramener le nombre d’actions à quatre ne fera que compliquer les choses.

La commission rejette l’amendement.

Elle passe à l’amendement AS809 de Mme Ericka Bareigts.

Mme Ericka Bareigts. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 1 de l’article 4. L’intitulé actuel du code est le suivant : « La formation professionnelle continue ». Vous proposez de supprimer le terme « continue ». Cette suppression n’est pas anodine, car elle permet d’englober l’apprentissage. C’est l’un des signes de la volonté qu’a le Gouvernement de tirer l’apprentissage hors de la formation initiale. Ce glissement est lourd de sens : vous transformez un service public non marchand en activité marchande assimilée à la formation professionnelle continue. Vous oubliez que l’apprentissage forme certes des professionnels de talent, mais aussi des citoyens. C’est pourquoi il doit être protégé des lois du marché et continuer de relever de la formation initiale.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. C’est précisément parce que nous ne voulons pas mélanger l’apprentissage avec la formation professionnelle continue que nous supprimons le terme « continue ». Cela permettra de distinguer entre les différents types de formation professionnelle – la formation initiale, comme l’apprentissage, et la formation continue – étant entendu qu’il s’agit toujours de formations professionnelles.

De surcroît, il peut être intéressant de rassembler les deux types de formation dans cet article pour montrer que la formation professionnelle se fait tout au long de la vie, qu’elle soit initiale ou continue.

M. Boris Vallaud. Votre explication entretient la confusion et l’inquiétude. Sauf erreur de ma part, un de vos amendements visera à intégrer au statut de stagiaire de la formation continue les jeunes en formation préparatoire à l’apprentissage, ce qui montre bien qu’en réalité, vous allez inclure l’apprentissage dans la formation continue.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS580 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Cet amendement vise à rédiger l’alinéa 9 de façon à élargir le champ des actions d’apprentissage à l’ensemble de l’alternance. Les contrats de professionnalisation permettent en effet d’acquérir une qualification professionnelle reconnue par l’État ou par la branche. Leur premier objectif est l’emploi. Les professionnels qui les utilisent s’engagent pleinement en faveur de la formation des jeunes de seize à vingt-cinq ans sortis du système scolaire, des demandeurs d’emploi de plus de vingt-six ans ou de salariés en contrat à durée indéterminée dont la qualification n’est pas adaptée. Ils participent à la politique de formation professionnelle en permettant à ces salariés de bénéficier d’une formation en alternance grâce à la part de 15 % à 25 % de la durée du travail consacrée à un temps d’enseignement et de tutorat au sein de l’entreprise.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. L’alinéa 9 de l’article ne vise pas les contrats mais les actions d’apprentissage. Les contrats de professionnalisation entrent dans le champ de la formation professionnelle et, à ce titre, sont déjà couverts.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement de cohérence rédactionnelle AS1287 de la rapporteure.

Elle est saisie des amendements identiques AS444 de Mme Justine Benin, AS738 de M. Gérard Cherpion et AS1162 de Mme Sarah El Haïry.

Mme Justine Benin. L’article 4 ne fait pas état des actions liées à la formation d’accompagnement ni au conseil à la création ou à la reprise d’une activité, qui figurent pourtant dans le II du futur article L. 6323-6. Par cohérence, mon amendement AS444 propose de les mentionner après l’alinéa 9.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Cet amendement est un exemple de ces listes à la Prévert que j’évoquais : il évoque un type particulier de formation qui est déjà couvert par la définition générale que nous voulons donner de l’action de formation. Plusieurs autres amendements seront présentés dans le même sens, pour mentionner telle ou telle action de formation spécifique relevant de tel secteur ou de tel objectif. Je ne les retiendrai pas parce que toutes ces actions sont englobées dans la définition plus large que donne l’article, et qu’il faut se garder de commencer à établir des listes.

M. Stéphane Viry. Cette liste à la Prévert mérite peut-être d’être étudiée, madame la rapporteure. Le II du futur article L. 6323-6 intègre les actions de formation liées à la création ou à la reprise d’une activité. Par souci de cohérence, de clarté et d’efficacité, il me semble que l’article 4 doit à cet égard être explicite. D’où notre amendement AS738.

Mme Sarah El Haïry. Sans dresser une liste trop exhaustive, mais en rendant tout de même hommage à Jacques Prévert, il me semble utile de s’interroger sur la cohérence du texte, non pas pour donner une définition trop détaillée mais parce que les actions de formation en question figurent au II du futur article L. 6323-6. Mon amendement AS1162 est, de fait, un amendement de cohérence rédactionnelle.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. L’article qui nous occupe donne une définition plus large qui couvre déjà le champ des actions de formation ou de conseil à la création ou à la reprise d’une activité.

La commission rejette les amendements.

Elle examine l’amendement AS203 de M. Gérard Cherpion.

M. Jean-Pierre Door. Il ne nous semble ni nécessaire ni utile de supprimer du champ d’application des dispositions relatives à la formation professionnelle la participation d’un salarié ou d’un retraité à un jury d’examen ou de validation des acquis de l’expérience. Cet amendement vise à l’y rétablir.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Cette disposition n’a pas vocation à être maintenue dans la loi car elle relève du domaine réglementaire. Elle permet la prise en charge des frais associés par les opérateurs de compétences.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AS899 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. La redéfinition des actions de formation à l’article 4 traduit une vision réductrice de la formation professionnelle, qui ne serait qu’au service d’un objectif professionnel. Au contraire, cet amendement vise à élargir les objectifs de l’action de formation à l’acquisition et à l’amélioration des qualifications pour favoriser l’évolution professionnelle. Nous proposons d’intégrer dans cette définition l’objectif d’une éducation permanente des salariés au service de leur évolution professionnelle et la nécessité de penser cette formation en termes de qualifications, et non pas seulement en termes de compétences. Plus généralement, nous prônons l’instauration d’un droit à la qualification tout au long de la vie qui soit articulé avec la progression des salaires selon une grille de classification négociée dans chaque branche. Les objectifs de la formation professionnelle doivent favoriser une logique de long terme, à rebours de la philosophie court-termiste sur laquelle repose ce projet de loi.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Je ne fais pas la même lecture que vous de l’expression « objectifs professionnels », qui me semble assez large et englobe naturellement l’acquisition de qualifications. Votre proposition paraît donc plus restrictive que la définition actuelle, ce que je ne juge pas souhaitable.

M. Pierre Dharréville. Je ne vais pas satisfaire votre demande, car je crois au contraire qu’il faut fixer des objectifs ambitieux de formation. Je crains qu’en n’affichant pas les objectifs que j’ai indiqués, vous ne finissiez par restreindre la formation.

La commission rejette l’amendement.

Elle passe à l’amendement AS517 de M. Guillaume Chiche.

M. Guillaume Chiche. Le présent amendement vise à permettre la prise en charge des coûts de formation par les financeurs de la formation professionnelle sous la forme d’un abonnement, moyennant un coût pédagogique forfaitaire, sans considération du temps effectivement passé en formation. L’abonnement correspond à la prise en charge du coût forfaitaire d’accès à une plateforme de formations accessible pendant une durée déterminée par un stagiaire, durant laquelle celui-ci réalise des travaux évalués par l’organisme de formation en vue d’atteindre l’objectif professionnel visé.

Dans un contexte de transformation numérique accélérée et d’émergence de nouveaux métiers, la formation des individus tout au long de leur carrière doit désormais s’adapter aux capacités d’apprentissage de l’individu, notamment sur des temps quotidiens courts, intégrés dans le travail. La formule de l’abonnement permettrait ainsi l’intégration des séquences de formation dans un rythme quotidien afin de faciliter l’ancrage mémoriel et s’adapter à la charge de travail, et l’accès de l’ensemble des actifs susceptibles de mobiliser leur CPF à une offre de formation au contenu régulièrement réactualisé, sachant que les compétences numériques et émergentes ont une durée de vie limitée.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Je souscris pleinement à votre objectif : les nouvelles modalités de formation et les innovations pédagogiques vont bouleverser la manière de dispenser les formations. Néanmoins, votre amendement est satisfait dans la mesure où la notion de « parcours pédagogique » englobe les formations à distance via des plateformes numériques.

M. Guillaume Chiche. Si vous m’assurez que mon amendement est satisfait, madame la rapporteure, j’accepte de le retirer.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AS312 de M. Gérard Cherpion.

Mme Claire Guion-Firmin. L’article restreint l’accès à la formation professionnelle en instaurant un critère cumulatif qui s’applique à deux publics différents : les personnes sans qualification professionnelle et les personnes sans contrat de travail. Ces deux catégories ne sont pas interchangeables, mais sont prioritaires en matière d’accès à la formation, raison pour laquelle nous proposons de remplacer « et » par « ou » à l’alinéa 15.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. La nouvelle rédaction ne modifie pas le droit en vigueur. Je ne suis pas convaincue de la nécessité d’en changer : l’objectif d’accès à l’emploi, par construction, concerne en priorité ceux qui n’en ont pas. Il faut donc maintenir cette double situation comme priorité de l’action de formation dans sa dimension d’accès à l’emploi.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement de cohérence rédactionnelle AS1316 de la rapporteure.

Elle passe à l’amendement AS475 de M. Jean-Hugues Ratenon.

Mme Caroline Fiat. J’ai déjà dit combien il était important d’étendre le champ de la formation professionnelle à d’autres aspects que la simple requalification du travailleur en salarié rentable. En effet, la formation professionnelle devrait pouvoir embrasser les formations relatives à l’économie et à la gestion de l’entreprise, comme c’est le cas dans la loi. Comment sont calculées les marges de l’entreprise ? Qui décide de ses grandes orientations ? Quels sont les droits des travailleurs ? Comment sont distribués les bénéfices ? Que se passe-t-il en cas de faillite ? Comment envisager le futur et adapter l’entreprise aux changements en cours ? Autant de questions auxquelles le travailleur a encore le droit de chercher des réponses à l’occasion d’une formation, mais plus pour longtemps.

Si ce texte est adopté en l’état, l’intérêt de se poser ces questions sera réduit à néant. Les travailleurs qui n’auront pas bénéficié d’une formation initiale en la matière devront se comporter comme de bons petits soldats obéissant à la direction. Nous ne voulons pas de ce big bang ! Nous ne voulons pas créer les conditions du burn-out au travail faute d’avoir créé celles de l’émancipation ! Nous voulons au contraire que les travailleurs puissent apprivoiser l’environnement dans lequel ils travaillent et qu’ils puissent, s’ils le souhaitent, se former à la macroéconomie et améliorer leur culture économique. Nous voulons qu’ils puissent analyser, critiquer, argumenter, s’impliquer dans la vie de leur entreprise, qu’ils puissent saisir dans quel écosystème global ils se trouvent pour ne pas être victimes de son fonctionnement actuel et de ses évolutions. Nous voulons tout simplement que les travailleurs puissent choisir des formations permettant leur épanouissement et leur compréhension des enjeux auxquels ils sont confrontés.

Nombreux sont ceux ici qui, j’en suis sûre, souhaitent le renforcement d’un dialogue concret dans l’entreprise, s’appuyant sur des arguments de part et d’autre pour améliorer les conditions de travail et la vie de l’entreprise. Il ne fait donc aucun doute que cet amendement sera retenu !

Mme Catherine Fabre, rapporteure. J’ai déjà expliqué pourquoi nous étions opposés à l’idée de liste.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient ensuite à l’examen de l’amendement AS476 de M. Adrien Quatennens.

M. Adrien Quatennens. Selon une étude du Défenseur des droits publiée en mars 2015, une femme sur cinq a déjà été victime de harcèlement au travail. Les gestes et propos à connotation sexuelle, les blagues à caractère sexuel, le chantage sexuel ou l’envoi de messages à caractère pornographique sont les manifestations les plus fréquemment rapportées du harcèlement dont elles sont victimes.

La sensibilisation et la formation sont des vecteurs essentiels de la lutte contre ce phénomène et le caractère discriminant des rapports entre les femmes et les hommes. À ce titre, les actions de promotion de la mixité dans l’entreprise, de sensibilisation à la lutte contre les stéréotypes sexistes et pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes sont mentionnées par le code du travail comme entrant dans le champ de la formation professionnelle continue. Notre amendement vise à les inclure dans le champ de l’ensemble de la formation professionnelle et à y ajouter la prévention du harcèlement.

Le 9 mai dernier, madame la ministre, vous présentiez avec la secrétaire d’État Marlène Schiappa vos « quinze actions pour en finir avec les inégalités salariales et lutter contre les violences sexistes et sexuelles ». Parmi celles-ci figure la nécessité de mieux former et de lutter contre les stéréotypes de genre. Cet amendement est un bon moyen de mettre en cohérence votre projet de loi avec les déclarations du Gouvernement…

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Soyez certain que je partage votre volonté de lutter contre les stéréotypes sexistes et de sensibiliser l’ensemble des acteurs de l’entreprise à ces questions. Toutefois, l’objet de votre amendement est déjà pris en compte dans la définition large de l’action de formation. En outre, l’égalité entre les femmes et les hommes et la prévention du harcèlement et du sexisme seront traitées dans le titre III du projet de loi, à l’article 62. Nous pourrons donc en discuter ultérieurement de manière plus précise.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS477 de M. Adrien Quatennens.

M. Adrien Quatennens. Le changement climatique est en cours et nous concerne toutes et tous, sans exception. L’accord de Paris sur le climat, signé en 2015, visait à définir un cadre international pour le limiter à deux degrés d’ici à la fin du siècle. Cette limite n’a pas été choisie par hasard. Si personne ne peut sérieusement évaluer les conséquences d’un réchauffement supérieur à deux degrés, nous savons néanmoins qu’il aurait un impact direct et dramatique sur notre quotidien, notamment sur nos conditions de travail, en raison d’une exposition accrue à la chaleur et d’une plus grande diffusion des maladies infectieuses.

Tel est l’objet d’un rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail publié le 19 avril dernier. Deux des trois principales préconisations de ce rapport concernent directement la formation, donc ce projet de loi. L’ANSES incite en effet à promouvoir la sensibilisation aux effets du changement climatique sur la santé par l’information et la formation et demande que ces effets soient, dès maintenant, intégrés dans les démarches d’évaluation des risques. Dans la même logique, nous proposons que le développement des compétences liées à l’anticipation et à l’adaptation aux impacts du changement climatique sur les conditions de travail soit intégré dans le champ de l’apprentissage.

Mais nous souhaitons aller plus loin en y incluant le développement de pratiques vertueuses telles que la lutte contre le gaspillage, le recyclage ou les économies d’énergie. Il nous paraît impératif de rappeler ainsi que, contrairement à ce qui est prévu dans le projet de loi, la formation professionnelle et l’apprentissage ne doivent pas être à la remorque des marchés et de la recherche du profit à court terme. Ce sont des moyens d’acquérir de nouveaux savoirs et d’influer collectivement sur le mode d’organisation de la société ; il faut donc en profiter.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Votre amendement s’inscrit, là encore, dans une logique de liste.

La commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS578 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Il me semble important d’ajouter à la liste des objectifs des actions de formation l’amélioration des conditions de travail. En effet, si l’adaptation du travailleur au poste de travail et à l’évolution des emplois ainsi qu’au développement des compétences est déjà mentionnée à l’article 4, tel n’est pas le cas des nombreux aspects sociaux, psychologiques, environnementaux, organisationnels ou physiques que regroupe la notion de conditions de travail du salarié. Or, la pénibilité ou les relations sociales tendues font l’objet de plaintes fréquentes dans le monde du travail – chacun peut en témoigner – et peuvent nuire à la productivité de l’entreprise. En outre, ces situations sont souvent à l’origine des démissions et des besoins de mobilité ou de requalification.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Il s’agit, là encore, d’ajouter un nouvel objet aux actions de formation. J’émettrai donc un avis défavorable, d’autant que l’amélioration des conditions de travail est déjà couverte par l’obligation générale de maintien dans l’emploi.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS714 de Mme Béatrice Piron.

Mme Fiona Lazaar. La lutte contre l’illettrisme est une priorité. Les actions de formation doivent donc se concentrer de manière explicite sur les notions fondamentales : lire, écrire, compter et savoir se comporter. Outre qu’elle est nécessaire à l’exercice de la citoyenneté, la maîtrise de ces notions est un préalable à toute qualification professionnelle. Elle est en effet indispensable à l’adaptation d’une personne à son poste de travail et à d’éventuelles évolutions professionnelles. J’ajoute que la lutte contre le phénomène de « désapprentissage » de ces notions est également prise en compte par cet amendement.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Vous proposez également, je le crains, une nouvelle catégorie, couverte par la définition de l’action de formation. J’ajoute que la maîtrise des compétences fondamentales est déjà une obligation pour l’employeur, au titre du maintien dans la capacité des salariés à occuper un emploi.

Mme Fiona Lazaar. Puisqu’il est satisfait, je le retire.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AS1281 de M. Gérard Cherpion.

M. Stéphane Viry. La participation d’un salarié, d’un travailleur non salarié ou d’un retraité à un jury d’examen ou de validation des acquis de l’expérience est exclue du champ d’application de la formation professionnelle. Ces dispositions doivent cependant être rétablies afin de permettre la prise en charge, selon les cas, par les opérateurs de compétences, lorsqu’un accord de branche le prévoit, ou par d’autres organismes compétents, de tout ou partie des frais inhérents à l’absence des salariés, travailleurs non-salariés et retraités désignés au sein d’un jury.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Cette disposition n’a pas vocation à figurer dans la loi, mais elle est prévue au niveau réglementaire.

M. Stéphane Viry. Nous prenons acte du fait que cette disposition figurera dans un décret à venir.

L’amendement est retiré.

La commission examine les amendements identiques AS445 de Mme Justine Benin et AS543 de M. Jean-Carles Grelier.

Mme Justine Benin. Le projet de loi entretient la confusion entre la durée de la prestation et la durée de l’absence du salarié à son poste de travail pour réaliser un bilan de compétences. Or, le déroulement pédagogique d’un bilan de compétences est déconnecté des besoins d’absence du collaborateur. La loi peut donc fixer la durée d’absence maximale du salarié à son poste de travail pour réaliser un bilan, un décret ou un arrêté définissant le cahier des charges du bilan de compétences qui précise les modalités pédagogiques mises en œuvre.

Mon amendement AS445 propose donc de rédiger ainsi l’alinéa 25 de l’article 4 : « La durée de l’autorisation d’absence du salarié pour la réalisation d’un bilan de compétences ne peut excéder vingt-quatre heures du temps de travail, consécutives ou non ».

M. Gilles Lurton. L’amendement AS543 est défendu.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Le projet de loi ne modifie pas la rédaction de la disposition relative à la durée maximale du bilan de compétences, fixée à vingt-quatre heures ; il ne fait que la déplacer dans le code du travail, à l’endroit où figure la définition du bilan de compétences.

Ces amendements sont retirés.

La commission est saisie de l’amendement AS446 de Mme Justine Benin.

Mme Justine Benin. Le projet de loi tend à renforcer le Conseil en évolution professionnelle en prévoyant la publication d’un cahier des charges rénové. Dans le but de permettre l’articulation efficace des dispositifs, de clarifier les finalités de chacun d’entre eux et de permettre les nécessaires évolutions du bilan de compétences, un cahier des charges précisant le contenu, les modalités d’individualisation et de mise en œuvre et les finalités du bilan de compétences ainsi que ses interactions avec le CEP doit être élaboré et publié. Il permettra de réguler les opérateurs de bilans de compétences et d’en renforcer les exigences qualitatives.

Il vous est donc proposé d’insérer, après l’alinéa 25, l’alinéa suivant : « Les modalités pédagogiques, le modèle économique et les critères qualité du bilan de compétences professionnelles sont définis par un cahier des charges publié par voie d’arrêté du ministre chargé de la formation professionnelle ».

Mme Catherine Fabre, rapporteure. L’articulation entre le bilan de compétences et le CEP doit plutôt être évoquée, me semble-t-il, dans le cadre du cahier des charges de ce dernier, prévu dans le projet de loi. Il ne me paraît pas nécessaire de prévoir un second cahier des charges.

L’amendement est retiré.

La commission adopte successivement l’amendement rédactionnel AS1319 et l’amendement de clarification rédactionnelle AS317, tous deux de la rapporteure.

Elle examine ensuite l’amendement AS958 de Mme Josiane Corneloup.

M. Gilles Lurton. De même que le projet de loi fait le choix de ne retenir que les certifications enregistrées au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), il offre une définition restrictive de la finalité des actions de validation des acquis de l’expérience. En effet, est exclue du dispositif de VAE l’obtention d’un diplôme, d’un titre à finalité professionnelle ou d’un certificat de qualification. La mobilité professionnelle est pourtant un des objectifs mis en avant par le Gouvernement dans la conduite d’une formation. À cet égard, cette restriction paraît contre-productive : un diplôme, tout comme une certification professionnelle, est un outil qui permet de valider une compétence nécessaire pour candidater dans le cadre de passerelles professionnelles. Cet amendement de Mme Corneloup propose de s’inspirer de la rédaction initiale de l’article L. 631311, en réintégrant les diplômes et les contrats de qualification comme point d’aboutissement d’une validation des acquis de l’expérience.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Le périmètre de la VAE est actuellement limité aux diplômes ou aux certifications inscrites au RNCP. La VAE devant permettre une montée en qualification ; il ne me semble pas souhaitable d’étendre ce périmètre.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Tous les diplômes, les titres à finalité professionnelle ainsi qu’une partie des certifications de qualification professionnelle figurent déjà au RNCP. Il est donc inutile de le préciser.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement l’amendement rédactionnel AS1318 et les amendements de cohérence rédactionnelle AS1288 et AS1366, tous de la rapporteure.

Elle examine ensuite l’amendement AS1221 de M. Frédéric Petit.

Mme Michèle de Vaucouleurs. L’article 8 du titre II du traité de fonctionnement de l’Union européenne, dit « Traité de Lisbonne », ratifié par la France, dispose que « la citoyenneté européenne s’ajoute à la citoyenneté nationale ». Cet amendement tend donc à rappeler l’indissolubilité de l’exercice des deux citoyennetés – la citoyenneté européenne ne remplace pas la citoyenneté nationale – et à développer la dimension européenne du projet de loi en rédigeant comme suit l’alinéa 32 : « 3° De contribuer au développement des connaissances, des compétences et de la culture nécessaires à l’exercice des citoyennetés française et européenne ».

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Dans le texte, la notion de citoyenneté est entendue au sens large – la formation d’un citoyen signifie notamment lui transmettre certaines valeurs – et recouvre donc la double dimension, nationale et européenne.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Dans la mesure où cet amendement a été écrit par mon collègue Frédéric Petit, je le maintiens.

La commission rejette l’amendement. Puis elle est saisie de l’amendement AS725 de Mme Béatrice Piron.

Mme Fiona Lazaar. Il est défendu.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AS135 de la commission des affaires culturelles.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Cet amendement tend à supprimer le mot « technologique » de l’alinéa 33 de l’article 4. En effet, il serait superflu, voire restrictif, de dresser une liste exhaustive des voies dans lesquelles les actions actuelles d’apprentissage contribuent à développer l’aptitude d’un apprenti à poursuivre ses études. De fait, l’enseignement secondaire peut-être professionnel, technologique ou général. Ainsi, il semble préférable de ne pas restreindre le champ de cet article, la voie de l’apprentissage étant une voie de formation initiale d’excellence, qui offre la possibilité de suivre toutes les voies possibles, secondaire, universitaire ou supérieure, professionnelle ou non.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Votre amendement contribue à une définition synthétique, qui évite les listes de déclinaisons ; c’est une très bonne chose. Bien entendu, l’apprentissage ne doit pas être limité à une filière particulière et doit constituer une voie d’excellence pour l’ensemble des enseignements.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS473 de M. Jean-Hugues Ratenon.

M. Jean-Hugues Ratenon. Cet amendement vise à intégrer dans le champ de l’apprentissage la sensibilisation à l’environnement et l’acquisition de compétences liées à celui-ci. Les jeunes qui commencent un apprentissage seront confrontés, au cours de leur vie de travailleur, à un monde en mutation. Le changement climatique modifiera notamment les conditions de travail des Français, comme le démontre un rapport de l’Agence Nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail publié le 19 avril dernier. D’ici à 2050, les changements climatiques qui bouleversent actuellement la planète auront des conséquences sur les conditions de travail des individus : exposition à la chaleur, aux vecteurs de maladies infectieuses dans certaines régions du monde, tels que les moustiques, augmentation des risques liés aux intempéries… Parmi ses recommandations, l’Agence incite l’ensemble des acteurs de la santé au travail à intégrer dès à présent les impacts du changement climatique déjà perceptibles ou ceux qui peuvent être anticipés.

Nous proposons donc d’intégrer dans le champ de l’apprentissage le développement des compétences liées à l’anticipation du changement climatique et à l’adaptation à ses impacts sur les conditions de travail, ainsi que celui des pratiques vertueuses sur le plan écologique. Être formé à la lutte contre le gaspillage, au recyclage et aux économies d’énergie nous semble impératif dans la période que nous vivons. Ce faisant, nous souhaitons infléchir la logique de ce projet de loi, qui met la formation professionnelle et l’apprentissage à la remorque des cycles du marché du travail et de l’économie, en rappelant que notre rapport aux savoirs est aussi un moyen de modifier le cours naturel des choses et d’agir, au plan individuel et collectif, sur notre destin.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. En cohérence avec nos échanges précédents, je ne pense pas qu’il soit souhaitable de mentionner des objets sectoriels ou thématiques, même s’ils sont pertinents et doivent être pris en compte. Une telle précision nous ferait entrer, en effet, dans une logique d’inventaire peu lisible, ce que nous cherchons précisément à éviter.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS474 de M. Jean-Hugues Ratenon.

M. Jean-Hugues Ratenon. Dans le cadre de l’apprentissage, les individus entrent en contact avec le travail à un âge où se forme l’esprit critique et où ils s’éveillent à la citoyenneté. La démocratie ne s’arrête pas aux portes de l’entreprise, qui nécessite l’implication morale et politique du travailleur. Celui-ci peut ainsi siéger dans une instance représentative du personnel, devenir représentant syndical, lanceur d’alerte ou être tout simplement un collègue à l’écoute. Il nous semble donc essentiel que la formation des apprentis inclue l’acquisition de savoir-faire et de connaissances permettant un rapport sain et informé au monde du travail. Cela peut passer par la connaissance du droit du travail, de l’histoire sociale, des équilibres microéconomiques et macroéconomiques, de la santé au travail et d’éléments de sociologie et de psychologie sociale.

Le lien de subordination n’implique pas l’absence d’esprit critique du travailleur ; il doit pouvoir être remis en question par des esprits libres quand le contexte l’exige. Il s’agit de faire en sorte que les entreprises ne deviennent pas des lieux de sujétion.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Même si je juge intéressant que la formation de tout citoyen et de tout travailleur inclue ce type d’éléments, je vous propose de conserver une définition resserrée de l’objet de l’apprentissage.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS202 de M. Gérard Cherpion.

M. Jean-Pierre Door. La mission de préparation à l’apprentissage que le texte tend à créer pour celles et ceux qui souhaitent s’orienter dans cette voie est normalement dévolue aux CFA. Or, nous sommes, les uns et les autres, convaincus de la nécessité de développer l’apprentissage. Aussi la désignation, par la voie d’un arrêté, des CFA qui seraient aptes à assurer cette préparation ne nous paraît pas pertinente. Il faut, au contraire, ouvrir la voie à tous les CFA existants et compétents pour qu’ils s’engagent dans la préparation à l’apprentissage, que nous soutenons.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Mon amendement AS132 tend à clarifier également cette disposition. Puisque votre amendement a le même objet, j’y suis favorable.

M. Jean-Pierre Door. Vraiment ?

Mme Catherine Fabre. Oui. (Sourires.)

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement AS1320 de la rapporteure tombe.

La commission en vient à l’examen de l’amendement AS1470 du Gouvernement.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Cet amendement tend à compléter l’alinéa 34 de l’article 4 par la phrase suivante : « Les bénéficiaires des actions de préparation à l’apprentissage sont obligatoirement affiliés à un régime de sécurité sociale tel que défini à l’article L. 6342-1 du présent code. Par ailleurs, ils peuvent bénéficier d’une rémunération en application des dispositions de l’article L. 6341-1 ».

L’article 4 du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel vise à créer une préparation à l’apprentissage. Il s’agit ici de sécuriser le statut de ses bénéficiaires pendant cette période de préparation, car le projet de loi ne le prévoit pas explicitement. Les jeunes en « prépa » bénéficieront ainsi systématiquement d’une couverture sociale et pourront obtenir le statut de stagiaire de la formation professionnelle, sachant que la durée de cette préparation sera comprise entre deux et quatre mois.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Cet amendement tend à sécuriser la situation des bénéficiaires de la « prépa apprentissage » en garantissant leur protection sociale et en définissant leur statut.

M. Boris Vallaud. Comme je le disais tout à l’heure, ces jeunes auront le statut de stagiaires de la formation professionnelle, qui relève de la formation continue et non de la formation initiale. Ce faisant, nous faisons entrer l’apprentissage dans le champ de la formation continue et nous l’excluons donc de celui de la formation initiale. On voit bien la pente qui s’amorce.

M. Pierre Dharréville. Je souhaiterais comprendre l’intérêt, l’objectif et la nature de cette préparation à l’apprentissage. Cette disposition est d’autant plus intrigante que le statut auquel elle fait référence ne s’appliquerait pas à l’ensemble des apprentis. À quelle question tente-t-elle de répondre ? Tout cela me semble assez obscur.

M. Jean-Pierre Door. Madame la ministre, on sait que la rémunération des apprentis, lorsqu’ils sont jeunes, est très faible : de l’ordre de 400 à 600 euros. Quel niveau de rémunération pourrait être proposé à ceux qui suivront une préparation à l’apprentissage ?

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Il est indiqué à l’alinéa 34 que la liste des établissements qui pourront assurer cette préparation comprendra des établissements de l’éducation nationale, y compris, ai-je cru comprendre, des collèges – mais je me trompe peut-être. Or, il me paraît difficile de rémunérer des collégiens. Cela étant, la préparation à l’apprentissage me paraît intéressante, car il s’agit d’inculquer aux jeunes des « savoir être » et des savoirs transversaux qu’ils n’auraient pas acquis et de les remettre ainsi à niveau en vue d’un apprentissage.

M. Gilles Lurton. Madame la ministre, je souhaiterais savoir s’il existe une limite d’âge pour suivre cette préparation à l’apprentissage. Quoi qu’il en soit, cette mesure me paraît tout à fait satisfaisante et susceptible de remédier aux difficultés que l’on peut rencontrer lorsqu’on souhaite faire sortir de l’enseignement général des jeunes qui y semblent inadaptés, pour les orienter vers l’enseignement professionnel ou l’apprentissage.

M. Brahim Hammouche. La rédaction me paraît un peu floue. Cette période de préapprentissage me paraît très incertaine et très « insécurisante » pour un jeune qui n’a pas encore définitivement choisi son orientation.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Tout d’abord, une précision sur ce qu’est la « prépa apprentissage ». Elle s’adresse à des jeunes qui ont l’âge d’entrer en apprentissage, soit seize ans révolus – et non aux élèves de troisième concernés par la découverte des métiers évoquée par Jean-Michel Blanquer lors de ses annonces sur le lycée professionnel –, et qui souhaitent s’orienter vers la voie professionnelle, mais qui ont besoin d’une préparation, pour deux raisons.

Première raison : il existe une catégorie de jeunes qui ne parviennent pas à accéder à l’apprentissage ou dont le contrat est très précocement rompu, pour des raisons liées non pas à leurs capacités cognitives, mais à des difficultés relationnelles et comportementales parce qu’ils ne maîtrisent pas ce que l’on appelle les « savoir être » professionnels. Ils ont du mal à se lever le matin, à travailler en équipe, à communiquer avec les autres… Ces difficultés sont très fréquemment identifiées par les organismes de formation.

Deuxième raison : certains jeunes peuvent être intéressés par les métiers de bouche, par exemple, mais ne savent pas encore s’ils veulent suivre une formation de boucher, de charcutier-traiteur, de boulanger ou de pâtissier. En leur permettant, pendant une période de trois ou quatre mois, de faire différents stages et de découvrir différents environnements, on peut leur éviter un échec dû au fait qu’ils se sont trompés de métier.

Cette préparation n’est pas obligatoire ; c’est une faculté qui leur est offerte d’apprendre – je rappelle que l’apprentissage est à la fois un contrat de travail et une formation initiale – les codes du « savoir être » professionnel et d’affiner leur choix. Elle évitera beaucoup de ruptures, toujours vécues comme un échec par les jeunes. Encore doivent-ils, pendant cette période, bénéficier d’une couverture sociale et pouvoir percevoir une rémunération, qui sera fixée par décret en référence à celle des stagiaires de la formation professionnelle et de la durée de cette « prépa ». Je rappelle que la rémunération de ces derniers est actuellement comprise entre 130 euros et 650 euros par mois. Il faut que nous étudiions cette question, car on peut suivre une « prépa apprentissage » à 16 ans comme à 28 ans : c’est lié au besoin, pas forcément à l’âge.

Cette innovation me paraît intéressante. En tout cas, elle est très demandée par les centres de formation des apprentis, les missions locales et les jeunes eux-mêmes qui, soit n’entrent pas en apprentissage, soit quittent très tôt leur formation, pour les raisons que j’ai indiquées. Cette mesure simple, pragmatique, les aidera en leur permettant de mettre toutes les chances de leur côté.

M. Laurent Pietraszewski. J’abonde dans le sens de Mme la ministre. Que ce soit à l’École de la deuxième chance d’Armentières, où je me suis rendu au début de la semaine, ou lors de nos échanges avec les missions locales, j’ai pu constater combien il est important, pour un certain nombre de jeunes qui ne sont pas encore prêts à entrer en apprentissage, de pouvoir travailler les bases du « savoir être ». Ce dispositif contribuera donc à leur intégration. Quant à l’amendement du Gouvernement, il est tout à fait cohérent, car il est important que ces jeunes en préapprentissage aient un statut et bénéficient d’une protection sociale.

Mme Caroline Fiat. N’oublions pas qu’il existe déjà un dispositif qui permet aux gamins de choisir leur apprentissage : je veux parler des fameuses troisièmes DP6, qui sont ouvertes à tous et fonctionnent bien. On nous dit qu’il faut leur apprendre le « savoir être » mais, si un apprenti est très peu payé, c’est parce qu’il n’est pas un salarié, un ouvrier qualifié : il est précisément là pour apprendre avec son employeur, y compris le « savoir être ». Pourquoi celui-ci licencierait-il le gamin qui a du retard, sauf, bien sûr, si c’est systématique ? Le but de l’apprentissage est d’apprendre un savoir-être, et le rôle de l’employeur est de lui inculquer. Je ne comprends donc pas l’intérêt de cet amendement.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Tout d’abord, le contrat d’apprentissage relève du code du travail : il s’agit bien d’un contrat de travail. Il est, certes, d’une nature particulière, car il a pour objectif la formation, mais je ne peux pas laisser dire qu’il ne s’agit pas d’un contrat de travail.

Mme Caroline Fiat. Je n’ai pas dit cela. J’ai dit que l’apprenti n’était pas un ouvrier qualifié !

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Ensuite, bien entendu, cette préparation ne se substituera pas aux classes de troisième et, probablement demain, de seconde qui permettent de choisir un métier. Mais, vous le savez, de nombreux jeunes quittent l’école, soit parce qu’ils atteignent l’âge de seize ans, soit parce que ce sont des décrocheurs. Or, ces jeunes, les CFA, les missions locales, les établissements pour l’insertion dans l’emploi (EPIDE), les écoles de la deuxième chance, estiment qu’ils pourraient être emmenés vers l’apprentissage et suivre une véritable qualification. Mais il faut les y aider, en leur permettant d’acquérir les codes sociaux de l’entreprise et les « savoir être » professionnels et de choisir leur voie professionnelle. Faisons confiance aux acteurs de terrain, qui sont à leurs côtés tous les jours !

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 4 modifié.

3.   Réunion du mercredi 30 mai 2018 à 9 heures 30 (après l’article 4 à l’article 8)

La commission des affaires sociales procède à l’examen de la suite des articles du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel (n° 904) (Mmes Nathalie Elimas, Catherine Fabre et M. Aurélien Taché, rapporteurs).

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.6084959_5b0e50c1c2bc2.commission-des-affaires-sociales--liberte-de-choisir-son-avenir-professionnel-suite-30-mai-2018

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Nous poursuivons l’examen des articles, avec une série d’amendements portant article additionnel après l’article  4.

Article additionnel ‑ Article 4 bis
Redéfinition des actions entrant dans le champ de la formation professionnelle

La commission examine les amendements identiques AS106 de M. Paul Christophe, AS423 de M. Brahim Hammouche, AS811 de Mme Éricka Bareigts.

M. Paul Christophe. Cet amendement vise à ouvrir la procédure de validation des acquis de l’expérience (VAE) aux travailleurs effectuant depuis au moins douze mois des activités solidaires au sein d’organismes d’accueil communautaire et d’activités solidaires, comme les compagnons d’Emmaüs. Ce dispositif leur apportera une certification qualifiante et facilitera ainsi leur insertion professionnelle.

Mme Éricka Bareigts. Les travailleurs solidaires participent aux communautés Emmaüs en restaurant des meubles, en prenant part aux activités de restauration ou d’informatique, en travaillant dans l’agriculture ou le recyclage. Ces travailleurs solidaires s’inscrivent dans des parcours d’insertion ou de réinsertion sociale. Il s’agit de dispositifs bénéfiques pour l’individu, mais aussi pour la société tout entière. Il est essentiel de faire en sorte que cette insertion sociale soit aussi une insertion professionnelle. C’est pourquoi il est proposé que les travailleurs solidaires bénéficient d’une procédure de VAE au terme d’une présence d’au moins douze mois au sein d’organismes d’accueil communautaire et d’action solidaire.

Les travailleurs solidaires pourront faire valoir une certification qualifiante auprès de leurs futurs employeurs, et renforcer ainsi leur insertion professionnelle.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Tout travailleur pouvant justifier de douze mois d’activité, continue ou non, peut engager une démarche de VAE. Si une activité, professionnelle ou bénévole, est constatée, elle peut donc déjà donner lieu à une VAE.

M. Gérard Cherpion. La reconnaissance du travail des travailleurs solidaires et la promotion sociale que constitue une VAE doivent être inscrites dans la loi et non constituer une simple possibilité. Nous soutiendrons ces amendements.

M. Pierre Dharréville. Inscrire dans la loi cette reconnaissance ne peut que faire du bien à la société.

Mme Éricka Bareigts. Il est nécessaire d’inscrire clairement dans la loi que ces personnes qui s’investissent et font du bien à la société peuvent s’engager dans la voie professionnelle, solidaire et sociale qu’elles ont choisie. C’est un message que nous leur adressons en adoptant ces amendements.

M. Paul Christophe. Comme je l’ai dit hier au sujet du handicap, il faut savoir de temps à autre envoyer des signaux forts.

La commission adopte les amendements.

Après l’article 4 bis
 

La commission examine l’amendement AS810 de Mme Gisèle Biémouret.

Mme Gisèle Biémouret. Cet amendement vise à permettre aux personnes en situation de handicap de bénéficier d’un tiers-temps lors du test de positionnement.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Le bénéfice d’un tiers-temps est nécessaire. Toutefois, cette précision ne relève pas du niveau législatif.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, elle rejette successivement les amendements AS488 et AS489 de M. Martial Saddier.

Section 2 : Qualité

Article 5
Généralisation d’une certification qualité des organismes

La commission examine l’amendement AS1465 du Gouvernement.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Cet ajout tire les conséquences de l’adoption de l’amendement du Gouvernement à l’article 1er, relatif à la création des commissions paritaires interprofessionnelles régionales L’inscription des organismes financés par la nouvelle structure dans le champ de la certification qualité est indispensable.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AS1321 de la rapporteure.

Elle est ensuite saisie des amendements identiques AS407 de M. Bernard Perrut, AS982 de Mme Michèle de Vaucouleurs, AS1083 de Mme Fadila Khattabi, AS1145 de M. Sylvain Maillard, AS1164 de Mme Sarah El Haïry et AS1176 de M. Gilles Lurton.

M. Bernard Perrut. Il convient d’appliquer les mêmes règles, notamment la démarche qualité, à l’ensemble des établissements qui mettent en œuvre des actions de formation dispensées par la voie de l’apprentissage. Nous proposons d’insérer à l’alinéa 4 la référence aux établissements inscrits à l’alinéa 11, qui n’ont pas les mêmes obligations que les établissements d’apprentissage. Il s’agit d’une mesure générale, qui garantit la qualité de l’ensemble des actions de formations et leur reconnaissance par toutes les filières professionnelles, sur tous les territoires.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Disposer de formations de qualité est essentiel pour réussir pleinement la réforme de l’apprentissage. Cette démarche de qualité doit s’appliquer à l’ensemble des acteurs concernés. La certification visée par l’article 5 doit donc concerner tous les établissements, sans exception aucune.

Mme Fadila Khattabi. Notre amendement vise à inclure tous les établissements, privés comme publics, y compris l’enseignement supérieur, dans une démarche qualité. Tous doivent être jugés de la même façon.

M. Sylvain Maillard. La qualité n’est pas un label, un tampon, mais une démarche de progression, tout au long de l’existence d’un établissement. Nous souhaitons une qualité unique pour tous.

Mme Sarah El Haïry. L’apprentissage est une voie d’excellence. Ces amendements identiques, émanant de différents groupes, ont vocation à garantir la qualité de l’apprentissage, selon un principe d’égalité.

M. Gilles Lurton. Je ne saurais mieux dire !

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Le choix d’un régime distinct applicable aux établissements d’enseignement secondaire et supérieur publics ou aux établissements supérieurs privés d’intérêt général répond à un objectif de simplicité et d’efficacité : les services ministériels et la commission des titres d’ingénieurs évaluent d’ores et déjà leur qualité.

Qu’il s’agisse de l’évaluation lors de la reconnaissance du grade ou de celle effectuée lors de son renouvellement, des mécanismes de contrôle de la qualité des actions de formation sont déjà appliqués. Le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur et la Commission consultative des établissements d’enseignement supérieur privés exercent cette mission.

J’entends votre volonté de généraliser l’obligation de certification qualité à tous les établissements d’apprentissage. M. Blanquer a fait part de sa volonté d’engager l’apprentissage dans une voie d’excellence. Cette réforme suppose de mettre en place diverses mesures. Il me semble que nous pourrions donner un délai supplémentaire pour l’obligation de certification et retravailler les amendements en ce sens.

Mme Sylvie Charrière. C’est bien d’une mue que le ministre de l’éducation nationale a parlé : créer des unités de formation par apprentissage (UFA) dans tous les lycées professionnels entraînera des modifications profondes. Outre la mise en parallèle des deux voies, il faudra procéder au toilettage des diplômes et travailler avec les branches professionnelles pour mettre en place des diplômes permettant une véritable insertion. Au niveau pédagogique, les enseignants devront accepter d’avoir face à eux des publics mixtes et de faire évoluer leur enseignement en recourant, au besoin, à la formation continue.

Comme Mme la rapporteure, je pense qu’il faut donner aux établissements publics du secondaire un délai – trois ans, par exemple – pour accomplir cette mue. Bien évidemment, ils seront soumis à la même certification et à la même labellisation que les CFA. Notre ambition commune est que l’apprentissage, voie d’excellence, se développe. Nous n’y parviendrons pas par la contrainte, mais grâce à un travail concerté. Il faut revoir la rédaction de ces amendements afin qu’elle prévoie une date butoir pour la mise en place de l’obligation de certification.

M. Gérard Cherpion. Cet amendement met à égalité de certification l’ensemble des établissements du public et les CFA. Il est nécessaire que les règles soient communes. Beaucoup d’établissements publics sont certifiés et je ne vois pas pourquoi les établissements de l’éducation nationale ne seraient pas concernés.

Un délai de mise en œuvre pourra sans doute être prévu dans le décret d’application, mais nous devons aujourd’hui affirmer que les établissements de l’éducation nationale et les CFA doivent être soumis à la même certification. Ce n’est mettre en difficulté ni les uns ni les autres ; c’est reconnaître la pertinence du système.

M. Sylvain Maillard. J’entends les arguments avancés par la rapporteure et par Sylvie Charrière : nous sommes dans une démarche de construction avec le ministère de l’éducation. Pour autant, notre groupe votera ces amendements car il faut envoyer un signal fort. Nous devons tendre à un langage commun de la qualité. Nous aurons l’occasion de discuter des modalités, mais cette tendance doit figurer dans la loi.

M. Francis Vercamer. J’ai déposé un amendement tendant à supprimer l’alinéa 11, qui tombera avec l’adoption de ces amendements. L’esprit est le même : il s’agit de s’assurer que les établissements d’enseignement seront certifiés, comme l’ensemble des organismes privés de formation.

M. Bernard Perrut. Ces amendements ont été défendus par divers groupes – c’est dire si nous pouvons nous réunir sur cet objectif. Il appartiendra au Gouvernement de proposer les modalités d’application de cette mesure, qui demandera sans doute du temps. Mais il est de notre devoir de décider de l’inscription de ce principe général, fort et clair.

Mme Sarah El Haïry. Cette certification imposée à tous les établissements est la condition nécessaire de la confiance et de la réussite de la démarche. Elle répond à la volonté de la majorité, et du Gouvernement, je l’espère, de faire de l’apprentissage une voie d’excellence.

M. Patrick Hetzel. Nous sommes plusieurs à avoir déposé, dans le même esprit, des amendements visant à supprimer l’alinéa 11. Ceux-ci tomberont du fait de l’adoption des présents amendements mais l’objectif recherché est le même : l’équité de traitement entre les organismes de formation professionnelle.

M. Cyrille Isaac-Sibille. L’équité de traitement entre les établissements publics et les établissements privés nous semble très importante ; c’est la raison pour laquelle le groupe MODEM votera ces amendements.

M. Adrien Quatennens. Ces amendements nous posent problème car on ne peut évaluer de la même manière des organismes privés et des lycées professionnels, d’autant que le contrôle de qualité pourra être effectué par des organismes privés. Le public évalué par le privé : cela nous semble une bien mauvaise idée !

Mme Martine Wonner. L’argument que nous venons d’entendre n’est pas satisfaisant. Dans tous les autres champs, comme celui du médico-social, les structures, qu’elles soient publiques ou privées, sont évaluées et certifiées selon les mêmes règles. Je ne vois pas pourquoi des règles différentes devraient s’appliquer dans un domaine où nous voulons tendre à l’excellence. Nous nous retrouvons tous sur ces amendements, et je les voterai.

Mme Sylvie Charrière. L’idée n’est pas de soustraire à la certification commune les lycées professionnels, donc les UFA qui y seront adossés, mais de leur donner le temps d’accomplir leur mue, en fixant une borne, une date.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, les amendements AS111 de M. Patrick Hetzel, AS581 de M. Francis Vercamer, AS633 de Mme Émilie Guerel, AS1182 de M. Gilles Lurton, AS313 de M. Gérard Cherpion et AS358 de M. Vincent Descoeur tombent.

La commission examine l’amendement AS447 de Mme Justine Benin.

Mme Justine Benin. Les actions prévues au futur article L. 6323-6 ont des spécificités, du fait de leur nature essentiellement individuelle et des objectifs poursuivis. Ces spécificités doivent être prises en compte. De la même manière qu’il existe un cahier des charges, et donc un référentiel propres au CEP, un référentiel de qualité propre au bilan de compétences doit être envisagé.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. La rédaction prend déjà en compte ce type d’actions. Autant il apparaît justifié que le référentiel national prenne en compte la spécificité de l’apprentissage – qui ne relève pas de la formation professionnelle continue – autant l’intégration de l’ensemble des autres actions paraît inutilement lourde.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS112 de M. Patrick Hetzel. 

M. Patrick Hetzel. Du fait de l’adoption des amendements visant à instaurer une égalité de traitement, je retire cet amendement de repli qui n’a plus lieu d’être.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS 1322 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 5 modifié.

Après l’article 5
 

La commission examine l’amendement AS1040 de Mme Josiane Corneloup.

Mme Josiane Corneloup. La valorisation des acquis de l’expérience constitue une possibilité intéressante pour valider une expérience par un diplôme et apporter de la valeur ajoutée lors d’une reconversion professionnelle.

Elle est toutefois limitée par l’appréciation qui est faite du lien du domaine d’activité du demandeur avec le diplôme visé. Si ce lien doit exister, il conviendrait de rendre moins restrictive l’offre des diplômes, en laissant aux universités le soin d’apprécier l’acceptation d’une demande de VAE, au regard du champ exhaustif des activités professionnelles du demandeur.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. L’exigence d’un rapport direct entre l’activité effectuée et la certification visée au titre de la VAE est au coeur du dispositif. Elle permet de garantir une adéquation entre l’expérience acquise et les compétences reconnues.

La commission rejette l’amendement.

Article 6
Création du plan de développement des compétences et aménagement du régime de l’entretien professionnel

La commission est saisie des amendements identiques AS753 de M. Jean-Hugues Ratenon et AS906 de M. Pierre Dharréville.

M. Adrien Quatennens. De nombreux Français ne connaissent pas leurs droits à la formation. Ils attendent de leurs supérieurs des propositions de formation, qui, bien souvent, n’arrivent jamais. L’enquête européenne sur la formation continue des entreprises a montré qu’en France, 28 % des entreprises de 10 à 49 salariés n’ont formé aucun salarié et que 32 % d’entre elles n’ont formé qu’un quart de leurs salariés. Pour que le droit à la formation professionnelle soit effectif et correctement appliqué, il faudrait aussi renforcer les devoirs de l’employeur.

Avec cet article, vous proposez l’inverse, en réduisant considérablement les obligations du patronat. Parmi les nombreuses régressions, je citerai : la possibilité, par accord d’entreprise, de déroger aux obligations de formation ; la possibilité de programmer des actions de formation en dehors des heures de travail et de définir la limite horaire par salarié ; la possibilité de déroger à l’obligation de réaliser un entretien professionnel tous les six ans et de respecter certaines modalités d’appréciation du parcours professionnel du salarié ; la fin de l’obligation pour l’entreprise de prendre en compte les efforts de formation de ses salariés hors du temps de travail ; la fin de l’obligation pour l’entreprise de fournir à l’employé une allocation de formation d’un montant égal à un pourcentage de rémunération nette de référence du salarié, dans le cas d’une formation accomplie en dehors du temps de travail ; la fin de l’obligation pour l’entreprise de ne pas assimiler l’allocation de formation à une rémunération ; la fin de l’interdiction pour l’employeur de considérer comme une faute ou un motif de licenciement le fait pour un salarié de refuser une action de formation… Les deux minutes dont je dispose ne suffisent pas pour énoncer l’ensemble des droits auxquels l’entreprise pourra désormais déroger par accord d’entreprise.

Ces possibilités offertes aux employeurs ne nous semblent pas souhaitables. Les travailleurs ont besoin de dispositifs pensés collectivement pour inciter les personnes les plus éloignées de la formation professionnelle à en suivre une. Faut-il rappeler que les travailleurs ont une vie en dehors du travail, une famille, des amis, des activités ? Nous sommes évidemment opposés à cet article.

M. Pierre Dharréville. L’article 6, relatif au « plan de développement des compétences », supprime la distinction entre les formations d’adaptation au poste et les formations de développement des compétences. Une nouvelle distinction est créée entre les formations obligatoires et les autres formations.

Il intègre la possibilité pour l’employeur de refuser des formations dans le cadre du temps de travail qu’il ne considère pas comme essentielles à la productivité de l’entreprise.

Ces dispositions sont symptomatiques de la logique de ce texte, qui vise à externaliser la formation en dehors de l’entreprise, tout en allégeant les obligations qui incombent aux employeurs en la matière. Nous en demandons la suppression.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Bien au contraire, l’article 6 affirme l’intérêt et le devoir pour l’employeur d’accompagner et d’encourager l’évolution professionnelle de l’ensemble de ses salariés.

La suppression de la distinction entre les formations d’adaptation au poste et les formations de développement des compétences vise à rendre plus opérationnel le plan de développement des compétences. Cette distinction est en effet très difficile à faire et porte à discussion.

Cet article permet précisément de replacer ces questions au cœur des négociations au sein de l’entreprise. M. Dharréville a expliqué que les entreprises pourraient déroger à certaines obligations par accord. Les accords peuvent justement permettre de travailler au sein de l’entreprise ou au sein de la branche à des dispositions mieux adaptées, qui permettent de consolider l’accompagnement de l’évolution professionnelle des salariés.

Cet article est très prometteur et permettra de répondre aux enjeux de l’évolution professionnelle des salariés.

M. Sylvain Maillard. L’article 6 modernise et simplifie l’investissement des entreprises dans la formation de leurs salariés. Le plan de formation devient le « plan de développement des compétences », tandis que le congé individuel de formation et la période de professionnalisation sont supprimés.

Les entreprises ne seront plus contraintes de construire un plan en distinguant les actions d’adaptation et les actions de développement des compétences. Les formations obligatoires, qui conduisent au maintien de la rémunération et se déroulent sur le temps de travail sont désormais distinctes. D’autres formations, par accord collectif ou, en l’absence d’accord collectif, avec l’accord du salarié, peuvent se dérouler hors du temps de travail effectif, dans une limite de 30 heures par an.

Enfin, tous les six ans, l’entretien professionnel dressera un récapitulatif des actions de formation en entreprise, selon les modalités définies par accord de branche ou, à défaut, par accord d’entreprise. Cet article met en avant le dialogue social.

M. Boris Vallaud. Ce que nous craignons, c’est la dissociation entre l’intérêt des entreprises et celui des salariés dans l’objectif de formation. Avec la suppression des différentes catégories, les entreprises seront moins enclines à former sur le temps de travail et à s’attacher au développement des compétences. Avec la facilitation des licenciements, elles seront incitées à licencier, afin de recruter une compétence sur le marché du travail, plutôt qu’à former en entreprise, dans un esprit de gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC).

M. Pierre Dharréville. Ce débat nous renvoie nécessairement à notre conception de la formation professionnelle, et plus largement à notre conception du travail. Nous estimons que la formation ne doit pas être limitée, ou le moins possible, à une adaptation à des postes de travail. Il ne s’agit pas de rechercher des compétences qui s’appliquent uniquement à un poste de travail, mais de permettre à chaque travailleur d’élever son niveau de compétence, de comprendre dans quelle chaîne de production il s’inscrit, afin qu’il s’épanouisse pleinement dans le travail et apporte à son entreprise son savoir-faire et sa créativité. La distinction, telle qu’elle est proposée, conduit à réduire la voilure. De plus en plus, ce sont des granules de formation qui sont proposés par les organismes : c’est une vision assez étroite, finalement, de la formation professionnelle.

M. Adrien Quatennens. Nous ne pensons pas que les accords d’entreprise déboucheront naturellement sur une sorte de concorde universelle. Par ailleurs, monsieur Maillard, vous venez de contredire les propos que vous avez tenus hier soir. Vous dites que votre objectif est de faciliter la mobilité. Si l’objectif de la formation est de répondre à une adaptabilité à un poste ou à des compétences attendues par une entreprise spécifique, cela ne concourt pas à la mobilité que vous appelez de vos vœux et à cette flexibilité qui permet de passer d’une entreprise à l’autre. Pour mille raisons, et pas seulement celle de la mobilité professionnelle, nous pensons que la formation doit aller au-delà de l’adaptabilité à un poste ou à une profession donnée.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Le plan de développement des compétences ne se limite pas aux formations qui permettent de maintenir l’adaptabilité à un poste. Nous proposons simplement de supprimer la distinction entre les deux catégories, qui nous semble souvent artificielle – il arrive fréquemment qu’une formation suivie par deux salariés appartienne à l’une et l’autre des catégories. Il s’agit de distinctions formelles, un peu théoriques, difficiles à mettre en œuvre. L’article 6 ne remet nullement en cause le fait que le plan de formation a aussi vocation à comprendre des formations de développement des compétences. Son titre, d’ailleurs, est assez clair.

L’obligation ferme concerne les éléments d’adaptation au poste. Comme c’est le cas aujourd’hui, l’employeur doit veiller à l’évolution professionnelle de ses salariés. C’est la raison pour laquelle l’article contient des dispositions visant à mettre en place des entretiens professionnels réguliers et à établir un bilan tous les six ans de l’évolution professionnelle.

La commission rejette les amendements.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, elle rejette l’amendement AS1076 de Mme Éricka Bareigts.

Elle examine l’amendement AS416 de M. Brahim Hammouche. 

M. Brahim Hammouche. L’amendement vise à ne pas priver les salariés, en particulier ceux des TPE et des PME, du bénéfice d’un plan de développement des compétences lorsque la demande du salarié recueille l’assentiment de l’employeur, et même si ce dernier n’en est pas à l’initiative.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. L’un des enjeux de cette réforme est d’impliquer les salariés et de leur permettre d’être partenaires de leur formation. Il est essentiel que les personnes formées soient convaincues de l’intérêt de la formation ; qu’elles puissent prendre la main paraît tout à fait souhaitable.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle aborde l’amendement AS314 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Le projet de loi renforce l’entretien professionnel qui met légitimement les entreprises face à leurs responsabilités en matière de formation de leurs salariés. L’article 6 va dans ce sens, puisqu’il enrichit l’article L. 6312-1 du code du travail en précisant que l’accès du salarié à la formation professionnelle se fait à son initiative comme à celle de l’employeur. Les deux ne doivent en effet pas être dissociés, et le projet de formation doit bien être le fruit d’une co-construction. C’est l’objet de cet amendement.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. L’amendement comporte le risque de voir l’entreprise s’accaparer le CPF. S’il est important que la co-construction irrigue au quotidien la relation entre l’employeur et le salarié, il n’est néanmoins pas souhaitable d’aller jusqu’à prévoir un dispositif organisé par l’employeur, car cela pourrait aboutir à un détournement de l’esprit originel du CPF.

M. Gérard Cherpion. Il ne s’agit aucunement d’une accaparation du CPF par l’entreprise, mais de permettre à l’employeur et au salarié de se retrouver, car leurs intérêts finissent par se rencontrer : l’entreprise est un lieu où les hommes et les femmes travaillent ensemble, dans le même esprit, et je trouve dommage de ne pas renforcer les capacités de rencontre entre l’employeur et les salariés.

M. Boris Vallaud. Nous partageons ce qui vient d’être dit et voterons l’amendement.

M. Francis Vercamer. Notre groupe soutient également cet amendement de bon aloi.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS1021 de la rapporteure.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Cet amendement vise à garantir l’information du salarié sur le conseil en évolution professionnelle (CEP) lors de son entretien professionnel. C’est une demande des partenaires sociaux, qui me semble en effet propre à renforcer l’information et l’accompagnement du salarié dans la construction de son projet professionnel. C’est un gage d’autonomie et de liberté car, pour agir de façon libre et autonome, il faut être éclairé dans ses choix.

M. Gérard Cherpion. Cet amendement me paraît superfétatoire. De deux choses l’une : soit les opérateurs du CEP font leur travail, ce dont je ne doute pas, surtout compte tenu de la manière dont vous ouvrez le dispositif à de nouveaux intervenants ; soit il ne le font pas, ce qui est une remise en cause a priori de leurs aptitudes.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. L’employeur est l’interlocuteur naturel du salarié, notamment lors de ses entretiens professionnels. Il est donc un médiateur tout indiqué pour l’informer de ses droits en matière de formation.

J’ai évidemment toute confiance dans les opérateurs du CEP pour se faire connaître, mais je sais aussi que, par le passé, le système de formation professionnelle a souffert de sa complexité et de son manque de lisibilité. Nos efforts de simplification devraient le rendre plus lisible, mais nous ne devons nous priver d’aucun outil susceptible d’améliorer l’information des salariés. Nous visons l’ensemble des salariés et, en particulier, ceux qui ne se tourneraient pas spontanément vers un conseil en évolution professionnelle.

M. Sylvain Maillard. Les propos de la rapporteure sont frappés au coin du bon sens. On sait à quel point la formation professionnelle fonctionne en silo et souffre d’un déficit criant de visibilité. Certains regrettaient encore, hier, que l’ancien CPF, qui était un outil extraordinaire, ait pourtant été si mal connu. La réalité, c’est que, si une minorité de salariés savent ce qu’ils veulent et parviennent à s’orienter, ce n’est pas le cas de la grande majorité d’entre eux. Nous voterons donc cet amendement.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Au cours des auditions, les partenaires sociaux ont fait savoir qu’ils considéraient comme primordial que les salariés soient informés sur le conseil en évolution professionnelle lors de leurs entretiens professionnels. Cet amendement a donc du sens, et nous le voterons.

M. Boris Vallaud. L’entretien professionnel est obligatoire tous les deux ans depuis la loi de 2014, mais disposez-vous déjà d’une évaluation du dispositif ?

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Il serait en effet indispensable de disposer d’une évaluation. C’est l’objet d’un de mes amendements ultérieurs.

La commission adopte l’amendement.

Elle en vient ensuite à l’amendement AS1028 de la rapporteure.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Cet amendement vise à valoriser la place de la négociation collective dans la définition du contenu des éléments pris en compte dans l’état des lieux récapitulatif prévu tous les six ans.

Ainsi, un accord collectif d’entreprise – ou, à défaut, de branche – pourra définir des modalités plus favorables d’abondement du CPF des salariés, cet élément ayant vocation à être pris en compte à l’occasion de l’état des lieux.

L’amendement maintient par ailleurs la possibilité ouverte par la rédaction initiale du projet de loi de définir, par cette même négociation, d’autres modalités d’appréciation du parcours professionnel du salarié, ainsi qu’une autre périodicité des entretiens professionnels.

Il est essentiel en effet de laisser la négociation collective s’emparer de cette question de l’évolution professionnelle, d’autant qu’on peut parier que nombreuses seront les entreprises qui, au moment du bilan, en 2020, six ans après le vote de la loi de 2014, n’auront pas mis en place les dispositifs propres à encourager la formation professionnelle. Pour qu’elles progressent de manière ambitieuse, la voie de la négociation collective me paraît la meilleure, d’une part car elle favorisera l’instauration d’une culture du dialogue sur la formation professionnelle au sein des entreprises et, d’autre part, parce que, dans les cas où l’entreprise n’aurait pas respecté ses obligations en la matière, la négociation d’un accord bénéficierait aux salariés.

En d’autres termes, un accord négocié me semble préférable et plus efficace qu’un mécanisme de sanction prenant la forme d’un abondement, lequel ne contribuerait absolument pas à développer la culture de la formation au sein de l’entreprise, ce qui est l’un de nos buts.

M. Patrick Hetzel. Il est tout à fait légitime de vouloir laisser sa place à la négociation collective pour parvenir à un accord d’entreprise ou à un accord de branche. Je note néanmoins un décalage entre les arguments développés dans l’exposé sommaire et le texte proprement dit de l’amendement. Celui-ci ouvre bien la possibilité d’une négociation collective, mais ne garantit nullement qu’elle permettra de définir des modalités plus favorables d’abondement du CPF des salariés.

M. Pierre Dharréville. Ce n’est pas si fréquent, mais je suis d’accord avec Patrick Hetzel. Cet amendement, qui s’inscrit dans la logique des ordonnances, montre que la majorité a de la suite dans les idées. L’amendement que vous nous proposez consiste en effet à tolérer que ce qui est inscrit dans la loi puisse ne pas s’appliquer. C’est une disposition étonnante ! Si vous souhaitez intégrer dans le texte des dispositions plus favorables aux salariés, il faut rédiger autrement cet amendement. Je voterai donc contre.

M. Adrien Quatennens. Nous revoilà en effet dans la logique des ordonnances. Je vous propose donc, si votre intention est louable, comme je n’en doute pas, de modifier votre amendement, madame la rapporteure, et de préciser qu’un accord collectif « devra » définir des modalités plus favorables. Ce sera plus clair.

M. Sylvain Maillard. Nous sommes en effet proche de l’esprit des ordonnances, pour la simple raison que nous voulons favoriser le dialogue social et qu’il faut pour cela que les partenaires sociaux discutent au sein des entreprises et qu’ils aient du grain à moudre. Le dialogue social ne se construit pas du haut vers le bas mais grâce au temps et à une confiance mutuelle, qui procède d’une communauté de destins. Cet amendement est donc important et nous le voterons.

M. Gérard Cherpion. Il y a en effet un écart entre le dispositif de l’amendement et l’exposé sommaire. Par ailleurs, vous supprimez l’alinéa 12, qui précisait que, dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, lorsque, au cours des six années écoulées, le salarié n’a pas bénéficié des entretiens prévus et d’au moins deux des quatre mesures mentionnées à l’article L. 6315-1 du code du travail, son compte personnel est abondé – M. Dharréville appréciera…

Mme Michèle de Vaucouleurs. Le MODEM est favorable à ce que les accords collectifs puissent revenir sur des mesures existantes, néanmoins nous proposerons avec notre amendement AS983 de garantir un seuil minimum de droits aux salariés.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Monsieur Cherpion, si l’entreprise n’a pas rempli ses obligations, il y aura bien un abondement du CPF. Si l’alinéa 12 est supprimé, c’est que cet abondement correctif est mentionné deux fois dans le texte. Mais c’est précisément en m’appuyant sur cette menace de sanction que j’affirme que la négociation collective ne pourra que déboucher sur un accord favorable aux salariés, car l’employeur aura envie d’échapper à cette obligation d’abondement. En outre, la conclusion d’un accord se fait avec l’aval des partenaires sociaux qui n’accepteront pas une solution qui ne soit pas favorable aux salariés, puisqu’en l’absence d’accord, il y aurait un retour à la loi. Les choses me paraissent donc bordées.

Par ailleurs, en l’état, le projet de loi propose qu’au moment du bilan d’étape, il soit vérifié que l’entreprise a au moins mis en œuvre en faveur du salarié deux des quatre actions énumérées dans le code. Je propose pour ma part d’indiquer qu’elle doit en avoir accompli au moins deux sur trois, ce qui est une manière de renforcer sa responsabilité, tout en laissant à la négociation collective la liberté de définir, le cas échéant, une quatrième modalité d’appréciation du parcours professionnel.

M. Patrick Hetzel. Il y a quelque chose d’assez paradoxal à vouloir lutter contre l’inflation normative et à amender dans le même temps un projet de loi pour pouvoir y déroger. On est en droit de se demander, dans ces conditions, à quoi sert votre loi. Si, au bout du compte, on en revient aux accords collectifs et que tout le reste n’est que de la communication, ce n’est pas la peine ! Or, après avoir défini un cadre légal, vous décrétez finalement que c’est « open bar »…

M. Adrien Quatennens. M. Hetzel a raison de s’interroger sur le fait que vous proposiez en même temps un cadre législatif et les moyens d’y déroger.

Pour le reste, vous avez le droit de penser, madame la rapporteure, que les partenaires sociaux, et notamment les syndicats, disposeront de tous les moyens d’obtenir des accords favorables ; pour ma part, je pense le contraire, mais peu importe ce que nous pensons, nos vœux pieux ou nos intentions. Vous n’êtes pas sans savoir que l’entreprise est le théâtre de rapports de forces, même si elle ne se résume pas à cela. On sait que, dans certaines entreprises, les salariés ont dû accepter des accords qui leur étaient défavorables. Certains accords sont obtenus sous la contrainte, à coup de chantage à l’emploi ou à la délocalisation. Les garanties proposées par votre amendement ne sont donc pas suffisantes.

M. Laurent Pietraszewski. J’aime ces moments où nous sommes attaqués à la fois sur notre gauche et sur notre droite, car cela illustre en creux les évolutions que porte La République en Marche.

Les explications de la rapporteure ont été extrêmement claires et correspondent à un procédé légistique on ne peut plus classique. Il s’agit en effet de créer les conditions de la négociation – c’est le sens de l’amendement – tout en préparant des mesures supplétives, au cas où ces négociations n’aboutiraient pas. L’amendement va même plus loin puisqu’il propose de retenir deux actions sur trois parmi la liste des actions de formation. Il est excellent et notre groupe le votera.

M. Francis Vercamer. Notre groupe est favorable à la négociation collective et, lorsque un accord vient se substituer à la loi, nous ne voyons pas d’inconvénient à ce qu’il s’applique ; nous jugeons d’ailleurs cela préférable aux mesures imposées par le sommet à la base. J’étais donc favorable à la loi pour le renforcement du dialogue social que nous avons adoptée en juillet dernier et il n’y a aucune raison que j’ai changé d’avis. Je trouve donc que cet amendement va dans le bon sens.

M. Pierre Dharréville. Je voudrais faire observer à Laurent Pietraszewski que, si toute une partie de la droite critique le caractère trop libéral de ce projet, cela devrait inciter la majorité à se poser quelques questions. Ce n’est pas le cas : dont acte.

Le fait d’autoriser les entreprises à déroger à leurs obligations en matière de formation professionnelle traduit finalement le manque d’ambition de ce projet de loi, puisque toutes les mesures dont nous débattons pourront être contournées à la faveur de cet amendement. Si nous voulons donc être à la hauteur de nos ambitions, il ne faut pas le voter, à moins d’inscrire explicitement dans la loi que les dérogations ne peuvent être autorisées que pour des mesures plus favorables que les mesures légales.

Mme Caroline Janvier. Il n’y a pas lieu de refaire les débats que nous avons déjà eus lors de la loi sur le renforcement du dialogue social, mais nous proposons en effet une nouvelle approche du droit du travail, qui consiste à inscrire dans la loi un cadre et de grands objectifs en laissant toute latitude aux acteurs de terrain et aux partenaires sociaux, qui sont les mieux placés pour prendre les bonnes décisions, pour statuer sur les questions concrètes qui relèvent du quotidien des salariés. Le législateur a pour mission de définir un cadre légal, mais il ne lui revient pas de définir de façon trop précise et trop concrète la façon dont doivent être gérées la carrière et la formation des salariés.

M. Brahim Hammouche. L’amendement propose une simplification conforme à l’esprit de ce projet de loi, qui entend adapter aux besoins les outils dont disposent les acteurs de terrain. C’est une approche pragmatique que soutient le groupe MODEM, et que nous complétons d’ailleurs avec l’un des amendements qui suit.

M. Boris Vallaud. Faut-il comprendre que la négociation permettra également de revenir sur le régime des sanctions prévues lorsque l’entreprise n’a pas permis aux salariés d’évoluer en compétences ?

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Le projet de loi prévoit certes des sanctions, mais – et j’aimerais emporter votre conviction unanime sur ce point – l’essentiel n’est pas là. Ce que nous voulons, c’est faire vivre la problématique de la formation et de l’évolution professionnelles au sein de l’entreprise, qu’elle devienne un sujet d’échanges. Notre but n’est pas que les choses restent en l’état et que, tous les six ans, les sanctions tombent. Il est au contraire de faire progresser la formation professionnelle en la replaçant au cœur de la négociation sociale. Tout l’enjeu est donc que la négociation remplace l’abondement correctif.

J’insiste de nouveau sur le fait qu’en renforçant les obligations de l’employeur, qui devra désormais avoir fait bénéficier le salarié de deux mesures de progression professionnelle sur trois, et non plus de trois sur quatre, comme le prévoyait le projet de loi ; nous renforçons les exigences qui pèsent sur lui. Nous ne renonçons donc à aucune ambition.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements AS816 de Mme Ericka Bareigts, AS983 et AS984 de Mme Michelle de Vaucouleurs tombent.

La commission en vient à l’amendement AS1210 de M. Dominique Da Silva.

M. Dominique Da Silva. À la question : « Êtes-vous favorable à la possibilité de mobiliser un compte personnel de formation dans le cas d’une action de formation construite avec l’employeur ? », tous les représentants des syndicats de salariés que notre commission a auditionnés la semaine dernière ont répondu oui, à la condition que les employeurs jouent le jeu et que l’intérêt des salariés soit respecté.

C’est donc l’objet de cet amendement qui introduit un volet de co-construction lors de la mobilisation du CPF, lequel permet de limiter les inconvénients d’une individualisation excessive de ce compte. L’employeur pourra ainsi proposer au salarié, à l’occasion de l’entretien professionnel biennal, de mobiliser son CPE pour suivre une action de formation co-construite avec lui, à la condition que l’employeur participe à hauteur d’au moins 30 % au coût total de la formation convenue avec le salarié, que cette formation s’effectue pour toute sa durée pendant le temps de travail du salarié et qu’en cas de rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur dans les cinq ans qui suivent la fin de la formation, la participation à la charge du salarié pour ladite formation lui soit intégralement remboursée par abondement de son CPF.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. La possibilité de co-construire une action de formation dans le cadre de l’entretien professionnel existe déjà. Le systématiser me paraît en revanche une mauvaise idée. Il ne faudrait pas que cela aboutisse à intégrer le CPF dans le plan de développement des compétences.

M. Dominique Da Silva. Quand vous dites que cette co-construction est déjà possible, est-ce grâce à la mobilisation du CPF ?

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Oui. Dans le cadre de l’entretien professionnel, l’employeur et le salarié peuvent discuter du projet professionnel de ce dernier et définir ensemble un projet co-construit, qui suppose un investissement du salarié et un investissement de l’employeur.

M. Gérard Cherpion. L’amendement n’impose aucune obligation de co-construction, il en ouvre simplement la possibilité, ce qui me semble intéressant.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AS756 de M. Jean-Hugues Ratenon.

M. Adrien Quatennens. La logique qui sous-tend ce projet de loi – nous le comprenons à mesure que le débat avance – conduit le salarié à devenir responsable de sa propre formation et de son adaptation au marché du travail et aux besoins des entreprises.

C’est faire fausse route, car cette responsabilité incombe non seulement aux salariés, mais aussi à l’employeur et à la collectivité tout entière. Il est faux de penser que la formation professionnelle n’est qu’un moyen parmi d’autres de favoriser ce que les néo-libéraux appellent l’employabilité. La formation professionnelle est, avant toute chose, un moyen offert aux salariés de mieux comprendre leur environnement de travail, les mécanismes financiers et de production, de mieux saisir la dynamique collective à l’œuvre sur le marché du travail. Elle a pour but d’apporter de nouvelles connaissances, non seulement pour améliorer la productivité du collectif au travail mais aussi pour favoriser l’émancipation du salarié. C’est un vrai sujet. Jean Jaurès nous rappelait que, si la grande Révolution française avait fait de l’homme un citoyen dans la cité, il l’avait laissé serf dans l’entreprise – ce qui est encore vrai aujourd’hui. Or l’aliénation au travail a pour inévitable corollaire la rupture entre le travailleur et l’objet de son travail, la perte de sens, la baisse de la qualité du travail et de sa productivité.

Les connaissances ne profitent pas qu’à celui qui les acquiert mais également à la collectivité, et l’entreprise, comme la société, ont intérêt à favoriser la formation de celles et ceux qui travaillent ou cherchent à le faire.

Cet amendement vise donc à rappeler la responsabilité des entreprises dans leur devoir de formation et à assurer leur participation effective à ce qui est bon pour tous.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. J’aimerais, comme vous, que tous les salariés et, plus largement, l’ensemble de la population, puissent comprendre les mécanismes productifs et financiers. De là à en faire une obligation pour l’employeur, il y a un pas qui me paraît difficile à franchir, ne serait-ce que parce qu’il est difficile d’évaluer la compréhension de ces mécanismes par les salariés, ce qui peut donner lieu à de nombreux contentieux.

En revanche, la redynamisation du dialogue social au sein de l’entreprise me paraît tout à fait propre à accroître la compréhension des mécanismes productifs et financiers chez les salariés, dès lors qu’ils mesureront, au travers de la concertation, que cela a un réel intérêt. Je le redis ici : ma préférence va au dialogue social plutôt qu’à la loi.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS813 de Mme Éricka Bareigts.

Mme Éricka Bareigts. Permettez-moi de vous lire l’alinéa 3 de l’article L. 6321-1 du code du travail supprimé par la réforme : « [L’employeur] peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu’à la lutte contre l’illettrisme, notamment des actions d’évaluation et de formation permettant l’accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret. »

Aujourd’hui, le code du travail prévoit que l’employeur peut, dans le cadre son plan de formation, proposer à ses salariés des formations qui participent au développement ainsi qu’à la lutte contre l’illettrisme. Vous supprimez cette possibilité, ce qui nous paraît particulièrement regrettable tant pour les salariés que pour les entreprises.

En 2011, selon l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme, plus de 2,5 millions de personnes étaient illettrées dans notre pays, soit 7 % de la population âgée de 18 à 65 ans. Je précise que, suivant une fâcheuse habitude des organismes statistiques, ces chiffres n’intègrent pas les outre-mer.

La dimension territoriale a pourtant toute son importance. La moitié des personnes en situation d’illettrisme vit dans des zones faiblement peuplées ou rurales, l’autre moitié vivant dans des zones urbaines, dont 10 % en zone urbaine sensible. Par ailleurs, plus de la moitié des personnes en situation d’illettrisme ont un emploi. Il est donc vital que les entreprises puissent continuer à organiser des formations permettant de lutter contre l’illettrisme. Il me semble que cet objectif devrait tous nous rassembler.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. La lutte contre l’illettrisme est en effet absolument essentielle. Il me semble néanmoins qu’elle est couverte par l’obligation générale faite à l’employeur d’assurer le maintien dans l’emploi de ses salariés, et il n’est donc pas nécessaire de la mentionner explicitement.

Je voudrais juste attirer votre attention sur le fait que cette disposition a beau être déjà inscrite dans la loi, l’illettrisme reste un problème dans les entreprises. C’est là encore, à mon avis, un sujet sur lequel le dialogue social peut permettre des progrès.

Mme Éricka Bareigts. L’illettrisme est un véritable fléau. Une personne en situation d’illettrisme n’est pas un citoyen à part entière, il ne peut pas participer à ce mouvement d’émancipation que vous défendez avec force. Être émancipé, c’est en effet pouvoir exercer ses droits librement, sans accompagnement ; être illettré, c’est ne pas pouvoir comprendre ses droits, ne pas y avoir accès.

Si vous effacez le mot du projet de loi, comment voulez-vous que s’opère la prise de conscience nécessaire pour combattre ce fléau ? Cette mention me paraît donc loin d’être superfétatoire : elle est vitale, pour les individus et pour la collectivité.

M. Gérard Cherpion. La lutte contre illettrisme n’apparaît plus comme une priorité, alors que c’en est une. Nous avons renforcé le socle de connaissances et de compétences professionnelles, et cette certification doit être un moyen de lutter contre l’illettrisme, car sortir de l’illettrisme est la première des conditions pour accéder à une formation, puis à un emploi.

J’appuie donc résolument l’amendement de Mme Bareigts.

M. Pierre Dharréville. Il y a dans le code du travail des dispositions extrêmement contestables et problématiques, mais il y en a aussi qui doivent y figurer, et les mesures contre l’illettrisme en font partie. Je voterai donc cet amendement.

Mme Justine Benin. J’apporte également mon soutien à cet amendement car les personnes en situation d’illettrisme éprouvent une culpabilité et une honte qui les tiennent éloignées du développement des compétences.

M. Adrien Quatennens. Nous soutiendrons cet amendement, car nous nous inquiétons de voir que ce projet de loi entend supprimer la formation contre l’illettrisme.

M. Francis Vercamer. La rapporteure n’a pas tort de faire observer que la mention supprimée ne portait pas obligation pour l’employeur de lutter contre l’illettrisme mais lui en offrait la possibilité. Néanmoins, la suppression de cet alinéa est un mauvais signal. Nous voterons donc cet amendement.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Ce projet de loi propose des définitions resserrées qui couvrent l’ensemble des périmètres. L’illettrisme est inclus dans le champ des obligations de l’employeur ; c’est pourquoi j’ai donné un avis défavorable tout à l’heure.

Toutefois, j’entends que vous percevez cette position comme un signal négatif, or mon objet n’est pas de vous inquiéter, particulièrement parce que la question de l’illettrisme est déjà prise en compte, et qu’il n’est pas dans notre intention de l’ignorer.

Dans ces conditions, afin que tout soit clair et que l’on ne puisse pas penser que je suis animée d’une intention négative, je donne un avis favorable à cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement AS754 de M. Jean-Hugues Ratenon tombe.

La commission est saisie de l’amendement AS755 de M. Jean-Hugues Ratenon.

M. Jean-Hugues Ratenon. Nous avons précédemment proposé de préserver la possibilité d’offrir des formations participant au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu’à la lutte contre l’illettrisme, et je me réjouis que l’amendement de Mme Bareigts ait été adopté.

Nous proposons cette fois que les formations qui participent au développement des compétences et à la lutte contre l’illettrisme soient rendues obligatoires, notamment pour réduire les risques psychosociaux liés à ces situations.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. L’employeur est soumis à une obligation générale de maintien de l’employabilité des salariés, mais il conserve la liberté de mobiliser les outils de son choix. Cette liberté doit être maintenue au regard de la spécificité de chaque organisation professionnelle.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS814 de M. Boris Vallaud.

M. Boris Vallaud. Les besoins en compétences procèdent des choix stratégiques de l’entreprise. Cette responsabilité incombe à l’employeur et relève d’une consultation du comité social et économique. Les écarts de compétences au regard de l’évolution des besoins représentent un risque professionnel en termes de déqualification des salariés, que la seule adaptation au poste de travail ne suffit pas à prévenir.

Or dans le même temps, les politiques managériales imposent de plus en plus aux salariés un investissement personnel dans leur travail, sans garantir en contrepartie leur employabilité durable. La nécessaire loyauté de l’exercice du contrat de travail doit donc conduire à rééquilibrer l’engagement réciproque des parties, en faisant du développement des compétences une responsabilité de l’employeur de même nature que celle relative à la sécurité au travail.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Je vous remercie pour cette piste intéressante, qui témoigne de la difficile identification de ce que recouvre la notion de maintien de l’employabilité. Je crains néanmoins que la rédaction que vous proposez n’ouvre la voie à de nombreux contentieux et ne judiciarise encore davantage cette notion déjà difficile à analyser.

M. Boris Vallaud. Le code du travail comporte de nombreux autres termes sujets à interprétation, y compris par le juge. Je vous mets ainsi au défi de me dire ce qu’est une « action de formation » telle qu’elle est mentionnée dans le code du travail ; or l’exercice de définition de cette expression est toujours reporté.

Loin de créer une incertitude juridique supplémentaire, mon amendement est plutôt de nature à enrichir le texte.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle étudie l’amendement AS726 de M. Adrien Quatennens.

M. Jean-Hugues Ratenon. Aujourd’hui, la chaîne de cafés Starbucks a décidé de fermer l’ensemble de ses magasins pour dispenser à son personnel une formation contre le racisme. Cette initiative prend place après qu’un fait divers particulièrement choquant, relevant de ce qu’il est convenu d’appeler le racisme ordinaire, s’est déroulé dans une de ses succursales de Philadelphie. C’est une belle initiative que de reconnaître que de tels faits sont survenus au sein de l’entreprise et de décider de former les employés afin d’éviter que ce genre d’évènements ne se reproduisent.

Par l’institution de cette formation annuelle obligatoire, il s’agit d’instaurer au cœur du collectif de travail un cadre formateur rétablissant la lutte contre les discriminations. En insistant sur ces luttes, l’objectif est de participer à une émancipation collective et individuelle. Rendre familières au sein de l’entreprise les conditions et les circonstances de la discussion de façon récurrente constitue un pas en avant vers l’évolution des mœurs et l’égalité de tous.

Nous proposons donc que les entreprises françaises soient astreintes à une obligation de formation annuelle contre toutes les discriminations, qu’elles soient sexistes, racistes, homophobes, etc.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Je souhaite moi aussi une diminution des discriminations, mais votre dispositif, s’appliquant de surcroît à l’ensemble des entreprises, y compris les TPE, est d’une lourdeur et d’un formalisme excessifs.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS729 de M. Jean-Hugues Ratenon.

M. Adrien Quatennens. Le changement climatique constitue le principal défi auquel nous allons être confrontés durant au moins le reste du siècle ; universel, il concerne l’humanité entière. Nos façons de produire et de consommer ont une incidence directe sur ce phénomène.

Que nous le voulions ou non, et indépendamment de nos différends politiques, le changement climatique bouleversera notre quotidien et nos manières d’agir. Il est temps de changer notre façon de penser afin de nous en prémunir et d’en limiter les effets. J’exprime à nouveau ma déception après votre décision de rejeter les amendements qui proposaient d’inclure dans le champ des formations les dispositions relatives à la sensibilisation et la lutte contre le changement climatique. Pourtant, les premiers pas vers la transition écologique sont ceux de la prise de conscience et de responsabilité.

Notre responsabilité de législateurs est de faire de la transition et de la planification écologique des priorités. Nous pensons qu’instaurer un temps obligatoire de formation aux enjeux environnementaux peur participer à l’évolution des pratiques individuelles et collectives au travail.

Pourquoi organiser cette formation dans le cadre de la formation professionnelle et la rendre obligatoire ? Parce que la définition de l’entreprise repose avant tout sur un collectif mettant en commun ses connaissances et ses compétences, loin de la réalité de lieux déshumanisés, le collectif doit participer à l’émancipation et au développement des savoirs afin de répondre aux besoins de la société et de l’intérêt général. Aujourd’hui, servir l’intérêt général c’est notamment lutter contre le changement climatique ; c’est pourquoi nous soumettons cet amendement qui instituera une formation obligatoire à l’usage raisonné de l’énergie.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Pour les mêmes raisons qu’à l’amendement précédent, je pense qu’il n’est pas judicieux d’imposer des séries de formations portant sur toutes sortes de sujets, ce qui serait trop lourd à organiser ; quand bien même ces thèmes sont intéressants.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AS757 de M. Jean-Hugues Ratenon.

M. Jean-Hugues Ratenon. Cet amendement va dans le même sens que mon amendement AS726 qu’à mon grand regret la commission a rejeté.

Selon le conseil supérieur de l’égalité professionnelle, huit femmes sur dix rapportent avoir été confrontées à des attitudes sexistes dans leur vie professionnelle.

Selon une étude BVA de novembre 2016 réalisée auprès d’un panel de femmes salariées non-cadres, 74 % d’entre elles considèrent que, dans le monde du travail, les femmes sont régulièrement confrontées à des attitudes ou des décisions sexistes, contre 54 % des hommes ; 81 % des femmes non-cadres victimes de comportements sexistes à leur travail ont déjà adopté une conduite d’évitement afin de ne pas avoir à affronter des propos ou comportements sexistes et 40 % d’entre elles n’ont pas réagi parce que cela « ne sert à rien ».

Si la vague de témoignages suscitée par l’affaire Weinstein à l’automne 2017 a mis en lumière ce phénomène, peu de mesures concrètes ont été réellement mises en œuvre.

L’obligation de formation annuelle au sexisme aurait l’immense mérite de mettre des mots sur un phénomène mal connu des hommes et trop bien connu des femmes.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Cet amendement se situe dans la continuité des précédents, auxquels je me suis montrée défavorable. Ces discussions sur le sexisme trouveront de façon plus approfondie leur place dans le titre III du projet de loi.

La commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS509 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Le présent amendement vise à coordonner le plan de développement des compétences avec le dialogue social dans l’entreprise sur les questions de formation professionnelle, lorsqu’il existe, ou à l’inscrire dans le cadre de la consultation annuelle du comité social et économique sur les orientations stratégiques de l’entreprise, qui traite à la fois de la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences et des orientations sur la formation professionnelle.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Je rejoins totalement votre objectif d’une meilleure articulation entre les outils au service de la formation dans l’entreprise et la négociation sur la GPEC ou celle sur les orientations de la formation professionnelle.

Néanmoins, la portée de la rédaction reste à préciser : que recouvre précisément la formule « s’inscrit dans » ? Cela implique-t-il un rapport de compatibilité, voire de conformité, qui pourrait à l’occasion être contesté ? Cette proposition ne restreint-elle pas le cadre du plan de développement des compétences ?

À ce stade, la rédaction n’est pas satisfaisante, mais ces questions méritent réflexion ainsi qu’une nouvelle rédaction en perspective de l’examen du texte en séance publique.

M. Gérard Cherpion. Je comprends mal votre réponse : si vous considérez que l’amendement est intéressant, il faut l’adopter tel qu’il est. Le Gouvernement aura tout loisir de proposer une nouvelle rédaction dans l’hémicycle.

La commission rejette l’amendement.

Elle aborde ensuite l’amendement AS422 de M. Brahim Hammouche.

M. Brahim Hammouche. Cet amendement procède de l’audition de la ministre du travail que j’avais interrogée sur le temps de formation : elle m’avait répondu que ce temps serait prioritairement prélevé sur le temps de travail.

Je reprends donc les propos de notre ministre pour graver dans le marbre de la loi que les entreprises sont incitées à favoriser les formations de développement des compétences pendant le temps de travail.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Votre objectif est satisfait par la rédaction de l’article : une formation qui constitue un temps de travail effectif et donne lieu à rémunération se déroule sur le temps de travail.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS204 de M. Gérard Cherpion.

M. Stéphane Viry. Le présent amendement entend préciser le cadre juridique applicable pour les salariés dont la durée de travail est fixée par une convention de forfait en jours ou en heures sur l’année.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. J’établis le même constat que vous, et votre amendement sera satisfait par l’amendement AS1464 que je présenterai plus loin.

La commission rejette cet amendement.

Elle se saisit ensuite de l’amendement AS594 de M. Pierre Cabaré.

M. Pierre Cabaré. Cet amendement est issu de la recommandation n° 6 du rapport de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Il prévoit de fixer un plafond de nombre d’heures de formation pouvant être organisées en dehors des heures de travail, y compris dans le cas où existe un accord collectif.

Dans ces formations, en effet les femmes sont beaucoup moins représentées que les hommes avec 12 heures pour les femmes et 20 heures pour les hommes. L’horaire de formation n’est pas neutre et a des effets sur la vie des salariés, singulièrement les femmes, qui, par exemple, gardent les enfants.

Compte tenu de ces enjeux, il est dangereux d’élargir le plafond de 30 heures lorsqu’il existe un accord collectif, qui pourrait parfaitement décider de ne pas tenir compte de ces enjeux d’articulation de la vie professionnelle et de la vie familiale. Aller au-delà de ce nombre d’heures serait très dommageable pour l’égal accès des hommes et des femmes à la formation. En outre, un maximum fixé à 30 heures ne remet nullement en cause le crédit de formation de 500 à 800 euros par an.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Votre amendement soulève l’enjeu de la bonne articulation entre vie professionnelle et vie personnelle.

Néanmoins, tout l’enjeu du renvoi à la négociation collective est de pouvoir définir un plafond supérieur, permettant de dépasser – seulement en cas d’accord – le plafond fixé à titre supplétif. Votre rédaction reviendra à ne pas négocier sur cet enjeu.

M. Pierre Cabaré. Je le maintiens et le rédigerai différemment en vue de la séance.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine les amendements identiques AS421 de M. Brahim Hammouche et AS529 de M. Guillaume Chiche.

M. Brahim Hammouche. Notre amendement vise à la suppression de l’alinéa 20 qui, combiné avec l’alinéa 21, provoquerait une situation de grande incertitude pour le salarié.

Il s’agit donc de rétablir une relation de confiance entre le salarié et l’employeur.

M. Guillaume Chiche. Je propose d’en rester à l’état actuel du droit, qui dispose que la formation du salarié peut être organisée hors temps de travail sous réserve de son consentement et après accord de son employeur, dans la limite de 80 heures par an, et non de ramener cette limite à 30 heures par an en l’absence d’accord collectif

Il importe en effet de proposer un volume d’heures de formation en dehors du temps de travail suffisant pour tirer parti de la souplesse qu’offre désormais le numérique en matière de formation, grâce à des modules courts accessibles à tout moment sur différents supports.

Pour que les salariés puissent mieux répondre à la nécessité de maintenir leur employabilité sur un marché du travail en proie à d’importants bouleversements, il faut leur permettre de se former selon leurs propres choix et modalités, y compris en dehors du temps de travail s’ils le souhaitent et de s’ouvrir à d’autres emplois et compétences, qui pourront à terme les conduire vers d’autres entreprises ou d’autres postes.

La formation en dehors du temps de travail est donc une solution souple et adaptée non seulement aux usages numériques mais aussi aux formations à distance.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Ces amendements auraient pour effet d’écraser la disposition supplétive qui prévoit 30 heures de formation hors temps de travail. Cela ne me semble pas souhaitable.

La commission rejette les amendements.

Elle examine l’amendement AS1328 de M. Brahim Hammouche.

M. Brahim Hammouche. Par cet amendement de repli, je propose d’inciter les entreprises à favoriser les formations visant au développement des compétences sur le temps de travail et de rappeler que les exceptions, en l’absence d’accord collectif, donnent lieu au versement par l’entreprise d’une allocation de formation conformément au droit existant.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Votre rédaction ne revient pas à rétablir l’allocation de formation, les articles L. 6321-10 et L. 6321-12 du code du travail se rapportant désormais aux contrats saisonniers ou publics.

M. Brahim Hammouche. Je le reformulerai en vue de la séance publique.

L’amendement est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements AS1462 de la rapporteure et AS1329 de M. Gérard Cherpion.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Mon amendement vise à réintroduire dans le dispositif le cas des salariés dont la durée du travail est fixée par une convention de forfait.

M. Jean-Pierre Door. Dans la ligne de l’amendement défendu tout à l’heure par Stéphane Viry, et en complément de votre propre amendement, madame la rapporteure, nous entendons préciser le cadre juridique applicable pour les salariés dont la durée de travail est fixée par une convention de forfait en jours ou en heures sur l’année.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Votre amendement est satisfait par le double dispositif que je présente, qui maintient un plafond à 5 %.

M. Gérard Cherpion. C’est exactement le même amendement. Pourquoi adopter l’un et pas l’autre ?

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. S’ils sont indiqués comme faisant l’objet d’une discussion commune, c’est qu’ils ne sont pas identiques, vous le savez comme moi…

M. Francis Vercamer. Celui de M. Cherpion ne sera satisfait que si la commission adopte l’amendement de la rapporteure…

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. C’est ce que vous ne m’avez pas laissé finir de dire !

La commission adopte l’amendement AS1462.

En conséquence, l’amendement AS1329 tombe.

La commission est saisie de l’amendement AS417 de M. Brahim Hammouche.

M. Brahim Hammouche. Cet amendement vise à pallier le manque d’anticipation et de responsabilité de l’employeur en autorisant de droit les demandes de formation de développement des compétences du salarié dès lorsqu’elles sont réalisées en dehors du temps de travail et que l’employeur n’a pas organisé de plan de formation six années durant.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Votre amendement pose une difficulté sur le fond : il se focalise sur le plan de formation alors que ce dernier ne constitue pas une obligation pour l’employeur, qui peut définir lui-même les outils de formation.

L’amendement est retiré.

L’amendement AS418 de M. Brahim Hammouche est également retiré.

La commission se penche sur l’amendement AS815 de M. Boris Vallaud.

M. Boris Vallaud. L’alinéa 23 prévoit que, s’il y a accord de branche ou d’entreprise, le salarié ne pourra plus, comme c’est le cas aujourd’hui, refuser une formation hors temps de travail sans que cela constitue ni une faute ni un motif de licenciement.

Le Conseil d’État, dans son avis sur le projet de loi, a dénoncé cette mesure. Il estime en effet « préférable de ne pas préjuger dans la loi du caractère réel et sérieux du motif d’un licenciement qui résulterait du refus du salarié de suivre une formation hors temps de travail prévu par un accord collectif, et de laisser au juge compétent le soin de définir les conséquences d’un tel refus en fonction des données de l’espèce ».

Cette disposition constitue une régression qui n’est pas acceptable. C’est pourquoi nous en demandons la suppression.

Mme Catherine Fabre, rapporteure, Je m’interroge sur la rédaction de cet alinéa, qui me semble source de confusion. Je vais demander des éclaircissements au cabinet de la ministre.

M. Boris Vallaud. Je propose que la commission adopte plutôt l’amendement, quitte à ce qu’il soit modifié en séance.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Cela ne me paraît pas souhaitable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AS1323 de la rapporteure.

Puis elle examine les amendements identiques AS419 de M. Brahim Hammouche et AS817 de M. Boris Vallaud.

M. Brahim Hammouche. Nous proposons de supprimer l’alinéa 25, qui abroge sans contrepartie pour le salarié trois articles du code du travail : l’article L. 6321-8, qui définit les engagements que l’entreprise prend après la formation du salarié afin de reconnaître effectivement une évolution dans la qualification de son salarié et la prise en compte des efforts réalisés par celui-ci ; l’article L. 6321-10, qui instaure le versement d’une allocation de formation ; l’article L. 6322-12, qui rappelle que l’allocation de formation et, le cas échéant, sa majoration ne revêtent pas un caractère de rémunération.

Mme Éricka Bareigts. Les trois articles supprimés par l’alinéa 25 ont trait au plan de formation dans l’entreprise. L’article L. 6321-8 traite des engagements de l’employeur quand un salarié suit une action de développement des compétences dans le cadre du plan de formation. Les articles L. 6321-10 et L. 6321-12 traitent de l’allocation de formation due au salarié par l’employeur en cas de formation de développement des compétences hors temps de travail.

Leur suppression n’est pas souhaitable. Alors que le salarié qui va se former en dehors de son temps de travail mais dans le cadre du plan de formation de son entreprise a aujourd’hui droit à une allocation de formation de la part de son employeur, il n’y aura plus droit dans le nouveau système.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. L’objectif est de rapprocher le régime des deux grands outils de formation – l’un à la main du salarié, le CPF ; l’autre à la main de l’employeur, le plan de développement des compétences – lorsque la formation est suivie en dehors du temps de travail. Dès lors qu’elle ne sera pas rémunérée, nous définissons un plafond inférieur aux 80 heures actuelles : un maximum de 30 heures nous paraît cadrer de façon raisonnable le dispositif, tout en offrant une certaine souplesse pour les formations à distance.

La commission rejette les amendements.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS420 de M. Brahim Hammouche.

M. Brahim Hammouche. Cet amendement de repli vise à revenir sur la suppression de l’allocation de formation pour les formations réalisées en dehors du temps de travail et conditionne les engagements de l’entreprise pris pour l’évolution effective du salarié aux seules formations réalisées en dehors du temps de travail, reprenant ainsi les dispositions en vigueur avant l’entrée en vigueur de la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale. De cette sorte, les formations de développement des compétences seront bien prioritairement réalisées sur le temps de travail.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AS1026 de la rapporteure.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Il s’agit de prévoir l’information du comité social et économique (CSE) par l’employeur sur la mise en œuvre des entretiens professionnels.

Nous disions tout à l’heure que nous n’étions pas sûrs de savoir à quoi nous en tenir au sujet de ces dispositions relatives à l’entretien professionnel. Pour que cette pratique s’implante de façon durable dans l’entreprise, il me semble souhaitable que le CSE puisse en être informé afin que ce sujet devienne un thème de concertation et de discussion.

Il s’agit de favoriser l’appropriation de cette pratique par les organisations représentatives du personnel et la bonne transmission des données disponibles. Un des piliers de la réforme de la formation professionnelle sera l’implication de l’ensemble des acteurs concernés par ces problématiques, afin qu’ils se les approprient pleinement.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement 1022 de la rapporteure.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Dans le même ordre d’idées, il s’agit d’avoir une vision plus claire de ces entretiens professionnels, qui doivent devenir le temps d’échange privilégié entre les besoins de l’entreprise et le projet du salarié. Nous ne disposons toutefois pas d’informations relatives à leur mise en œuvre effective.

Cet amendement prévoit donc la remise d’un rapport au Parlement relatif à la mise en place des entretiens professionnels tous les deux ans, dans la perspective de l’état des lieux récapitulatif en 2020 et de la sanction qui incombera aux entreprises n’ayant pas respecté leurs obligations en la matière.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 6 modifié.

La séance est suspendue de onze heures trente-cinq à onze heures quarante-cinq.

Article additionnel ‑ Article 6 bis
Inclure l’évolution professionnelle dans le champ de la base de données économiques et sociales

La commission se saisit de l’amendement AS1324 de la rapporteure.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Cet amendement prévoit l’inscription, dans la base de données économique et sociale (BDES), des informations relatives à l’évolution professionnelle des salariés au sein de l’entreprise.

Là encore, l’enjeu consiste à rendre visible cet objectif d’évolution professionnelle des salariés afin que l’ensemble des acteurs concernés puissent mieux se l’approprier. Car je crois beaucoup à l’information du public pour faire avancer les différents sujets.

M. Gérard Cherpion. Cet amendement rend le système plus complexe ; il est sans intérêt particulier.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite les amendements AS1023, AS1030, AS1033, AS1039 et AS1044 de Mme Éricka Bareigts.

Mme Éricka Bareigts. Ces amendements ont pour objet de reposer l’ambition de lutter contre les discriminations, puisque vous savez mes chers collègues que cette formation professionnelle tout au long de la vie constitue une obligation nationale, mais qui néanmoins reste très inégalitaire.

L’amendement AS1023 porte sur la question de l’âge, car, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), une personne sur deux en emploi âgée de 25 à 54 ans avait bénéficié d’une formation en 2012, contre une sur trois seulement entre 55 et 64 ans.

L’amendement AS1030 a trait aux inégalités territoriales. Comme le montre une étude de l’INSEE de 2016, la concentration des centres de formation des apprentis (CFA) varie sensiblement d’un territoire à l’autre. La Corse en compte très peu, contrairement à la région Hauts-de-France où l’on dénombre plus de 300 centres. L’éloignement géographique auxquels sont particulièrement sujets les Corses et les Ultramarins peut rendre très difficile l’accès à une formation qualifiante.

Par ailleurs, si « la formation professionnelle tout au long de la vie constitue une obligation nationale », l’accès à la formation professionnelle demeure très inégalitaire. D’après un rapport remis en février 2018 par Catherine Smadja en collaboration avec le Conseil supérieur à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (CSEP), le taux d’accès des femmes à la formation professionnelle n’est que de 43 %, contre 45 % pour les hommes. L’amendement AS1033 a pour objet de combattre cette inégalité.

L’amendement 1039 concerne le niveau de qualification initiale, car selon l’Insee, 66 % des personnes ayant un niveau supérieur à bac + 2 avaient participé à au moins une formation en 2012, contre 25 % des personnes n’ayant aucun diplôme. Nous souhaitons donc supprimer cette barrière de la qualification initiale.

L’amendement 1044, enfin, vise à favoriser la mobilité sociale des individus, y compris à l’échelon européen et international. En effet, la formation permet de dynamiser le développement des compétences de chacun, et offre une réelle chance de promotion sociale.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Le droit à la formation professionnelle tout au long de la vie s’applique, par construction, quel que soit l’âge.

Plus généralement, le droit à la formation professionnelle tout au long de la vie est un droit garanti à tout actif, c’est-à-dire que l’ensemble des critères que vous énumérez sont couverts par la définition actuelle. Dès lors, le fait de préciser chacun de ces points n’a pour effet que d’alourdir la rédaction du texte, tout en suscitant le risque d’oublier un cas particulier. J’émets donc un avis défavorable aux amendements AS1023, AS1030, AS1033 et AS1039, qui visent à décliner ces différents éléments dans la définition du droit à la formation professionnelle.

De même, la mobilité sociale me paraît être le corollaire de l’acquisition par tout actif d’un certain niveau de qualification. Dans la mesure où il ne me semble pas souhaitable de modifier la rédaction en vigueur, j’émets donc également un avis défavorable à l’amendement AS1044.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle est saisie de l’amendement AS484 de M. Jean-Hugues Ratenon.

Mme Caroline Fiat. L’article L. 6314-1 du code du travail dispose, en son premier alinéa, que tout travailleur doit pouvoir trouver des formations « correspondant aux besoins de l’économie prévisibles à court ou moyen terme ». C’est à ce type de disposition qu’une vraie réforme du code du travail aurait pu s’attaquer, mais le Gouvernement a préféré affaiblir les salariés par ordonnance, les flexibiliser, les soumettre encore un peu plus à la volonté à court terme d’une partie du patronat. Pourtant, cette injonction est à la fois irréaliste et dogmatique.

Elle est d’abord irréaliste, parce que la prévision des besoins de l’économie est un véritable objet de recherche, une science humaine loin d’être exacte, et que faire porter aux travailleurs la responsabilité d’obtenir une information que des dizaines d’économistes sont incapables d’établir est invraisemblable – même les éminents spécialistes qui ont soutenu et conseillé le candidat Macron se sont beaucoup trompés.

Elle est également dogmatique, car en complet décalage avec ce dont nous avons tous besoin. Cette mention vise en effet à faire croire que le travail n’aurait d’autre raison d’être que de satisfaire des besoins de court et de moyen terme. Pourtant, la définition classique de l’économie est « l’ensemble des activités d’une collectivité humaine relatives à la production, à la distribution et à la consommation des richesses ». En d’autres termes, l’économie est ce que nous en faisons, à savoir, trop souvent, la recherche de profits à court terme.

Nous refusons cette vision du monde où ce serait aux humains de s’adapter à l’économie au bénéfice de quelques-uns, et considérons que l’économie a pour objet de répondre aux missions que nous lui donnons dans l’intérêt du plus grand nombre. Il n’y a pas de main invisible qui, planant au-dessus de nos têtes, nous ferait injonction de nous plier à sa volonté – seuls les libéraux du vieux monde ont encore cette croyance.

Pour notre part, mes chers collègues, nous estimons qu’il faut faire un choix clair en faveur de la réponse aux besoins humains, au respect de la dignité et aux défis posés à la société. Selon nous, la formation professionnelle peut être un moyen d’orienter le fonctionnement de l’économie dans le sens de ce qui participe à l’intérêt général. Nous souhaitons donc remplacer la notion de réponse aux besoins de l’économie à court et moyen terme par celle de réponse aux besoins de la société.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Le droit à la qualification professionnelle garantit la possibilité pour tout actif de progresser au cours de sa vie professionnelle d’au moins un niveau en acquérant une qualification correspondant aux besoins de l’économie prévisibles à court ou moyen terme.

Les besoins de la société, aussi fondamentaux soient-ils, ne relèvent pas de la même logique, c’est pourquoi j’émets un avis défavorable à cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AS1231 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. Le conseil en évolution professionnelle est un dispositif récent qui a principalement bénéficié aux demandeurs d’emploi – on comptait 1,5 million de bénéficiaires en 2016, dont 90 % de demandeurs d’emploi. Afin d’en faire un droit universel, il convient d’élargir les canaux d’information au profit des salariés. Cela dit, mon amendement AS1231 étant satisfait par l’amendement AS1021 de Mme la rapporteure, que nous avons adopté précédemment, je le retire.

L’amendement AS1231 est retiré.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement AS1112 de Mme Éricka Bareigts.

Chapitre III
Transformer l’alternance

Section I : Conditions contractuelles de travail par apprentissage

Article 7
Assouplissement du cadre juridique du contrat d’apprentissage

La commission est saisie des amendements identiques AS818 de Mme Éricka Bareigts et AS879 de M. Adrien Quatennens.

Mme Éricka Bareigts. Avec l’article 7, nous entamons la discussion sur un sujet qui fait l’unanimité contre lui, à savoir la réforme de l’apprentissage. Cet article vise à rapprocher le régime juridique applicable aux apprentis de celui du droit commun. Pour justifier de telles évolutions, vous procédez dans votre étude d’impact à une comparaison européenne partant d’un postulat récurrent : il n’y a pas assez d’apprentis en France, regardez donc l’Allemagne !

Cette affirmation, entendue à plusieurs reprises lors des auditions de Mme la ministre, mériterait d’être analysée. Pour être honnête dans la comparaison, il ne faudrait pas comparer les seuls effectifs d’apprentis, mais le nombre de jeunes engagés dans une voie professionnelle. L’Allemagne comptant environ 1,5 million d’apprentis contre 400 000 pour la France, il est aisé de dire que notre pays est en mauvaise posture. Cette comparaison serait valide si la voie de l’apprentissage était en France l’unique voie de formation professionnelle des jeunes. Or, on sait que ce n’est pas le cas : 665 000 jeunes sont scolarisés en lycée professionnel, 430 000 dans les filières technologiques des lycées, 260 000 en section de technicien supérieur (STS), 115 000 en institut universitaire de technologie (IUT), 150 000 en écoles d’ingénieurs et autant dans les écoles de commerce et de gestion – sans compter les 170 000 jeunes en contrat de professionnalisation.

Dans votre étude d’impact, vous évoquez les nombreux freins à l’apprentissage pour justifier vos mesures. Pourtant, lors de son audition devant notre commission le 23 mai dernier, Mme la ministre a affirmé que l’analyse de la situation l’avait plutôt conduite à relever la méconnaissance de la législation en vigueur plutôt qu’à la fustiger. Certes, les procédures peuvent être améliorées, et nous avons toujours œuvré à leur simplification, notamment avec les décrets d’avril 2015, mais nous ne partageons pas la philosophie qui anime l’ensemble de vos dispositions sur l’apprentissage et qui vise à transformer le contrat d’apprentissage en contrat de professionnalisation à terme.

Chercher des freins à l’apprentissage partout – la faute aux régions, la faute aux pouvoirs publics, la faute aux normes – n’est pas suffisant. Si l’on veut plus d’apprentis, il faut surtout responsabiliser les acteurs et rappeler que les bons résultats allemands s’expliquent aussi par l’investissement financier mis sur la table par les entreprises outre-Rhin : 2,5 milliards d’euros, c’est-à-dire cinq fois plus qu’en France…

M. Jean-Hugues Ratenon. La modification de l’article L. 6211-1 du code du travail est caractéristique de l’esprit qui préside à l’actuel projet de loi, introduisant dans son principe une confusion grave entre l’apprentissage et la voie professionnelle proprement dite.

Le premier alinéa de l’article L. 6211-1 précise que l’apprentissage « concourt aux objectifs éducatifs de la nation ».

L’apprentissage ne se réduit pas à l’insertion professionnelle : s’il participe sous la direction de son maître d’apprentissage à la vie de l’entreprise, qui constitue l’aspect pratique de son enseignement, l’apprenti suit également une formation théorique auprès d’un centre de stage ou d’un établissement scolaire. En effet, l’acquisition d’un diplôme ou d’une qualification nécessite que la formation pratique soit couplée avec une formation théorique.

La suppression du terme « jeunes » témoigne d’une même volonté de diluer la spécificité de l’apprentissage eu égard à l’insertion professionnelle proprement dite. L’apprentissage complète un temps de formation théorique par une formation pratique, mais sans s’y substituer.

La disposition introduite par l’article 7 constitue une porte ouverte à l’allongement indéfini de l’âge légal requis pour suivre un apprentissage, permettant à des entreprises peu scrupuleuses d’embaucher des salariés à bas coût, renforçant de lourdes logiques concurrentielles.

À terme, cela ne peut que fragiliser le statut et les conditions de travail de l’ensemble des travailleurs, suivant une logique de moins-disant social, délétère pour notre cohésion sociale et nationale. C’est pourquoi nous proposons de supprimer l’article 7 du projet de loi.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Ces deux amendements de suppression me donnent l’occasion de rappeler ce qu’est l’esprit de la réforme du contrat d’apprentissage portée aux articles 7, 8 et 9 du projet de loi.

À la suite des auditions qui ont été menées dans le cadre de la préparation de ce texte, j’ai pu constater qu’en dépit de ce qui vient d’être dit, la mesure proposée ne faisait pas du tout l’unanimité contre elle au sein des partenaires sociaux. Nombre d’entre eux, du côté salarial comme du côté patronal, se sont en effet déclarés très intéressés par le projet. De même, plusieurs acteurs du monde de l’apprentissage ont expliqué à quel point ils estimaient que l’on allait dans le bon sens.

Sur le diagnostic, vous évoquez des chiffres comparables entre la France et l’Allemagne sur la filière professionnelle, mais nous ne parlons pas de la même chose. La question n’est pas seulement de savoir combien de jeunes sont respectivement dans la voie professionnelle dans notre pays et outre-Rhin, mais de savoir si nous avons assez de jeunes qui recourent à l’alternance, c’est-à-dire à une double formation en établissement et en entreprise. Le principe de l’alternance est très performant du point de vue de la formation professionnelle initiale et, en la matière, le différentiel est clairement marqué.

Par ailleurs, si certains freins ont été levés au cours de la législature précédente, d’autres persistent, et ils n’ont pas seulement été pointés par le Gouvernement, l’étude d’impact ou cette majorité, mais par une concertation menée avec l’ensemble des partenaires et plusieurs rapports parlementaires ou de corps d’inspection qui l’avaient précédée. Nous proposons de simplifier la passation du contrat, les relations contractuelles et les conditions de la rupture du contrat dans la droite ligne des propositions qui ont déjà été faites à maintes reprises.

Enfin, le rapprochement du régime de l’apprentissage avec celui du contrat de professionnalisation n’est pas un problème pour nous, au contraire. Je vous rappelle que ces dernières années ont été marquées par une forte accélération des recrutements de jeunes de 16 à 25 ans – le public cible de l’apprentissage – en contrat de professionnalisation, et nous pensons qu’il ne faut pas y voir l’effet du hasard, mais le fait que ces contrats répondent mieux aux contraintes et aux besoins des uns et des autres.

Pour toutes ces raisons, je suis évidemment défavorable à ces amendements de suppression.

Mme Fadila Khattabi. Il est important de maintenir l’article 7, qui a pour objectif de présenter simplement les conditions d’exécution du contrat d’apprentissage, désormais simplifiées – or, la simplification est nécessaire si nous voulons développer l’apprentissage. Cet article prévoit que le contrat sera désormais déposé auprès d’un opérateur de compétences et – dans la mesure où l’apprentissage est une voie de formation gratuite – qu’aucune contrepartie financière ne peut être demandée ni à l’apprenti, ni à l’employeur.

La commission rejette les amendements.

Elle examine l’amendement AS384 de M. Patrick Hetzel.

Mme Geneviève Levy. L’apprentissage étant une forme d’éducation alternée concourant aux objectifs éducatifs de la nation, le principe de son financement de droit nous paraît devoir être affirmé.

Ce principe a été énoncé par le Premier ministre, dès octobre 2017, lors de la présentation de sa feuille de route méthodologique : « un contrat égale un financement ».

La définition de nouvelles règles de financement et de nouveaux circuits financiers ne doit pas laisser entendre que ce principe pourrait être remis en cause. Il y va de la politique sociale pour l’avenir des jeunes et de la politique économique à destination des entreprises.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Cette précision me semble redondante avec les dispositions des articles 17 et, plus encore, 19 du projet de loi, qui posent clairement le principe d’un financement obligatoire du contrat. L’amendement étant satisfait, j’émets un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement de précision AS1334 de la rapporteure.

Elle est ensuite saisie des amendements identiques AS534 de Mme Barbara Bessot Ballot et AS694 de M. Jean François Mbaye.

Mme Barbara Bessot Ballot. Le présent projet de loi prévoyant la suppression de la procédure d’enregistrement des contrats d’apprentissage et son remplacement par une simple procédure de dépôt, les contrats d’apprentissage vont se trouver insécurisés au détriment des jeunes comme des entreprises. L’amendement AS534 vise à y remédier par la mise en place d’une procédure de dépôt suspensif.

M. Olivier Véran. Les contrats d’apprentissage concernent majoritairement des jeunes de 18 ans et moins. Pour beaucoup d’entre eux, il s’agit d’une première expérience sur le marché du travail, qu’il convient de sécuriser. Plus de 70 % des entreprises embauchant des apprentis ont moins de 50 salariés et sont donc souvent dépourvues de spécialistes en droit du travail. À titre d’exemple, le réseau des chambres de commerce note que près de 40 % des contrats reçus par les services d’enregistrement font l’objet d’erreurs et sont potentiellement source de contentieux.

C’est pourquoi l’amendement AS694 propose de renforcer la procédure du dépôt par un dépôt suspensif permettant de ne pas engager les jeunes et les entreprises dans un contrat qui ne serait pas juridiquement correct – le qualificatif « suspensif » ouvrirait la possibilité de mettre un terme provisoire au contrat s’il est invalide juridiquement. L’amendement propose également que cette étape soit dévolue aux chambres consulaires, acteurs expérimentés en la matière.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Il me semble que le contrôle suspensif par les chambres consulaires pose plus de problèmes qu’il n’en résout. D’une part, l’aspect suspensif peut se révéler problématique, d’autre part, il s’agit d’une procédure particulièrement lourde, puisque nous parlons de 280 000 contrats chaque année.

On ne peut pas dire que l’enregistrement du contrat apporte une sécurité juridique absolue. Sa suppression faisait l’objet de l’une des préconisations du rapport Brunet, qui avait recueilli un très large consensus. Je note par ailleurs que le contrat de professionnalisation fonctionne sur ce modèle sans que cela ne pose des problèmes particuliers. Enfin, les chambres consulaires ont à mon sens des activités ayant plus de valeur ajoutée que celle-ci, qu’il ne me paraît donc pas pertinent de laisser à leur charge.

Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable à cet amendement ainsi qu’aux amendements suivants ayant le même objet.

M. Gérard Cherpion. Cet amendement présente l’intérêt d’attirer l’attention sur le fait qu’au sein des petites entreprises, le dépôt du contrat est une formalité complexe entraînant un risque juridique. La mise en place d’un contrat suspensif consiste à mettre en place un échelon supplémentaire, alors que le système d’enregistrement fonctionnait très bien et que les chambres consulaires – qu’il s’agisse des chambres de métiers, des chambres d’agriculture ou des chambres de commerce et d’industrie – accomplissaient un travail sécurisé tout à fait satisfaisant.

La commission rejette les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AS1335 de la rapporteure.

Puis elle examine l’amendement AS582 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. L’article 7 du présent projet de loi transfère aux opérateurs de compétences la charge de l’enregistrement des contrats d’apprentissage. Cet amendement vise à assurer la gratuité réelle de l’enregistrement auprès des opérateurs de compétences, en tant que mission de service public.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Votre amendement est satisfait par l’article L. 6221-2 du code du travail, qui prévoit que le dépôt du contrat ne fait l’objet d’aucune contrepartie financière. J’émets donc un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS1463 du Gouvernement.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. J’émets un avis favorable à cet amendement qui permet de clarifier les missions des chambres consulaires alors que leurs missions d’enregistrement des contrats disparaissent du code du travail.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AS1385 de la rapporteure.

Puis elle examine l’amendement AS205 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Comme les salariés, les apprentis doivent passer une visite médicale lors de leur embauche. Il y a aujourd’hui en France environ 5 000 médecins du travail pour 28 millions d’actifs, c’est-à-dire un médecin du travail pour 6 000 salariés – autant dire que la mission revenant aux médecins du travail est impossible à assumer. La loi El Khomri a prévu un certain nombre de mesures afin d’y remédier, mais elles sont insuffisantes. Or, si la visite d’embauche ne peut avoir lieu, le chef d’entreprise est en contravention.

Avec cet amendement, il est donc proposé que les apprentis puissent passer cet examen médical avec un médecin de ville, au cas où il serait impossible d’obtenir un rendez-vous avec la médecine du travail dans les deux mois suivant l’embauche.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Le sujet mérite une réflexion approfondie, mais comment justifier que l’exemption ne s’applique qu’aux apprentis, alors que le manque de médecins du travail concerne potentiellement tous les salariés ? Par ailleurs, comme vous l’avez signalé, un assouplissement a déjà été mis en place il y a peu de temps.

En l’état, j’émets donc un avis défavorable à cet amendement.

M. Sylvain Maillard. Notre collègue Cherpion nous alerte sur ce qui constitue un véritable frein à l’embauche et à l’accueil des apprentis par les chefs d’entreprise, en ajoutant une difficulté à une organisation déjà complexe. Or, tout ce qui peut conduire à la décision de ne pas prendre un apprenti est néfaste, c’est pourquoi, à titre personnel, je voterai pour cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 7 modifié.

Article 8
 

La commission examine les amendements identiques AS758 de M. Jean-Hugues Ratenon et AS905 de M. Pierre Dharréville.

Mme Caroline Fiat. L’article 8 introduit des régressions majeures pour les droits des personnes en apprentissage. Alors que ce projet de loi devait apporter plus de sécurité et de nouveaux droits aux travailleurs, le Gouvernement trahit manifestement son engagement et continue à déréguler le droit du travail. Par cet article, il s’attaque directement aux jeunes travailleurs parmi les plus fragiles : les apprentis.

Ainsi, il introduit la possibilité d’étendre la durée hebdomadaire du travail à 40 heures, ce qui constitue un retour à la situation de 1936 – quant à la journée de travail de 8 heures elle date de 1919 ! Cette augmentation du temps de travail va à rebours de la nécessité d’un meilleur partage entre les actifs, dans un contexte de pénurie d’emploi. La possibilité d’allonger la durée du travail des apprentis rompt l’équilibre entre temps de travail, temps d’étude et temps de repos. Le parfait équilibre entre ces temps est pourtant une condition indispensable à un apprentissage de qualité et à la réussite des études.

Malgré les annonces et les louables intentions, cet article va en réalité rendre plus difficile la poursuite de l’apprentissage et tendre à affaiblir cette voie d’études. Nous demandons donc la suppression de l’article 8, d’autant plus qu’il comporte aussi des dispositions ayant pour objet de faire passer la limite d’âge de 26 à 29 ans, une mesure qui pose question à plus d’un titre. Mise en place à titre expérimental dans neuf régions en 2017, elle doit donner lieu à la remise d’un rapport au Parlement courant 2020. Proposer sa généralisation dès maintenant revient une nouvelle fois à court-circuiter le rôle des parlementaires.

M. Pierre Dharréville. Nous demandons également la suppression de l’article 8, qui traduit un affaiblissement du statut de l’apprenti. La limite d’âge passerait de 25 ans à 29 ans, ce qui signifie que des adultes de 30 ans avec un haut niveau de qualification pourraient être payés au SMIC. Par ailleurs, il est prévu que la durée minimale de contrat soit ramenée d’un an à six mois, ce qui est un facteur supplémentaire de précarité. La durée maximale du travail pour les apprentis passerait de 35 à 40 heures, et il pourrait être dérogé à la durée quotidienne de 8 heures dans certaines branches. Comme on le voit, l’article 8 vise à réduire les protections des apprentis alors qu’ils aspirent à de nouveaux droits. Les 30 euros d’augmentation prévus ne suffiront pas à régler leur situation, notamment leurs problèmes d’hébergement, de restauration et de transport.

L’article 8 constitue une dérégulation complète de l’apprentissage au service des besoins locaux. Bref, le Gouvernement va livrer les apprentis et l’apprentissage au monde économique, en en faisant une main-d’œuvre bon marché. Cet article s’inscrit dans la même logique que les ordonnances Travail, consistant à assouplir le contrat de travail et à offrir moins de protection pour les apprentis. Pour toutes ces raisons, nous proposons de supprimer cet article.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Personne ne s’étonnera que j’émette un avis défavorable à ces amendements de suppression de l’article 8, qui comporte des avancées essentielles telles que le relèvement de la limite d’âge pour l’apprentissage – qui permet à des personnes qui se cherchent encore, à l’issue d’un parcours universitaire, de prendre un nouveau départ avec un projet en apprentissage –, l’assouplissement du cadre horaire tout en maintenant un cadre protecteur et, enfin, une amélioration du cadre juridique pour la mobilité des apprentis.

M. Sylvain Maillard. Je reviens un instant sur les amendements qui visaient à la suppression de l’article 7. Ceux de nos collègues qui les ont défendus semblent oublier qu’il y a en France 1,3 million de jeunes qui n’ont ni qualification, ni emploi. Dans les pays voisins, notamment les pays scandinaves, la Suisse ou l’Autriche, où l’apprentissage est beaucoup plus développé qu’en France, comme par hasard, le taux d’emploi est bien plus élevé qu’en France, pour l’ensemble de la population et singulièrement pour les jeunes.

J’en viens à me demander si certains groupes croient vraiment en l’apprentissage… En effet, proclamer que l’apprentissage est une voie d’excellence sans le doter des moyens de nature à en faire une réussite finit par semer le doute. Pour notre part, nous voterons contre ces amendements de suppression.

M. Gérard Cherpion. Si ce texte contient un très bon article, c’est bien l’article 8, qui donne un nouvel élan à l’apprentissage, à la fois par le relèvement de l’âge limite – ce qui n’est pas une nouveauté puisque dans la région Grand Est, ce dispositif mis en place à titre expérimental fonctionne très bien, notamment pour les jeunes en échec à l’université, qui trouvent dans ce dispositif une occasion de prendre un nouveau départ.

Pour ce qui est de l’adaptation du temps de travail, elle va permettre de mettre fin à certaines situations absurdes où, du fait des obligations légales, il arrivait qu’un apprenti doive attendre dans le camion que le chantier soit terminé – ce qui n’était valorisant ni pour lui, ni pour son employeur. La possibilité de ramener la durée de l’apprentissage à six mois, en particulier pour les personnes maîtrisant déjà un socle de connaissances, mais ayant besoin d’une formation pratique, me semble aller dans le bon sens.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS115 de M. Patrick Hetzel.

Mme Geneviève Levy. L’amendement AS115 vise à prévoir la possibilité de permettre l’entrée en apprentissage à 14 ans. Une disposition qui l’autorisait a été abrogée en 2013 par le ministre de l’éducation, qui avait considéré que tous les élèves devaient au moins finir le collège pour acquérir le socle commun de connaissances.

Pourtant en donnant aux jeunes qui ne veulent plus du système scolaire classique, une formation professionnelle le plus tôt possible, on les prépare mieux au monde de l’entreprise.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Plusieurs amendements visent à diminuer l’âge du contrat d’apprentissage.

L’apprentissage a toujours été ouvert à partir de 16 ans, en corrélation avec l’obligation scolaire telle qu’elle existe depuis 1959. Aujourd’hui, il existe des aménagements bienvenus, mais seulement pour donner un peu de souplesse au dispositif.

Vous faites allusion à des dispositifs dérogatoires qui existaient auparavant. J’imagine qu’il s’agit notamment de la loi Borloo de 2006, qui prévoyait un apprentissage junior à 14 ans, sous statut scolaire et ne contenant que quelques stages. Quant à la loi Cherpion de 2011, elle créait un pré-dispositif d’un an de découverte des métiers en CFA, mais toujours sans contrat. Il ne s’agit donc pas de revenir à un droit antérieur qui, en réalité, n’a jamais existé.

À mon sens, l’apprentissage à 14 ans n’est pas une bonne chose, ni pour les jeunes, qui doivent auparavant acquérir un socle minimum pour réussir leur apprentissage, ni pour les entreprises, qui ont besoin de jeunes matures et formés.

En revanche, je suis évidemment favorable à tout ce qui peut aider un jeune connaissant une scolarité difficile à s’approcher progressivement de l’apprentissage, notamment grâce à des « prépas » à l’apprentissage, qui permettent à un jeune qui ne serait pas à l’aise dans la filière scolaire générale.

Pour toutes ces raisons, je serai défavorable à tous les amendements dont l’objet est de diminuer l’âge d’entrée en contrat d’apprentissage.

M. Boris Vallaud. En dépit de l’avis défavorable que vient d’émettre Mme la rapporteure, je ne suis pas tout à fait rassuré par sa réponse, qui ne me paraît pas très claire. Pour notre part, nous affirmons clairement que nous sommes contre l’apprentissage à 14 ans – autrement dit, contre le travail des enfants –, a fortiori quand il est proposé de le permettre dans le cadre d’un rapprochement entre la formation professionnelle continue et l’apprentissage.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. J’ai dit très clairement, et je le répète, que je suis contre l’apprentissage à 14 ans, dans la mesure où il y a une obligation scolaire jusqu’à 16 ans.

M. Gérard Cherpion. La loi de 2011 ouvrait la possibilité, par l’intermédiaire de l’éducation nationale, d’une préparation à l’apprentissage sous statut scolaire – j’insiste sur ce dernier point. Je sais que des amendements du Gouvernement ont pour objet de permettre que des enfants travaillent à partir de 14 ans au titre de la formation professionnelle continue, ce qui me paraît constituer un problème.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS537 de Mme Barbara Bessot Ballot.

Mme Barbara Bessot Ballot. Cet amendement vise à permettre aux élèves ayant terminé leur classe de troisième et titulaires de leur diplôme national du brevet de s’orienter vers l’apprentissage, plutôt que de fixer un seuil de 16 ans qui peut obliger des élèves sachant déjà qu’ils veulent s’orienter vers l’apprentissage – surtout ceux nés en fin d’année – à faire une année de scolarisation supplémentaire après leur troisième, ce qui les retarde dans la formation à laquelle ils aspirent réellement.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Cet amendement est satisfait dans la mesure où les jeunes de 15 ans peuvent entrer en apprentissage dès lors qu’ils sont titulaires du brevet et ne sont donc plus au collège. J’y suis donc défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AS721 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Cet amendement, qui reprend une préconisation du rapport de concertation sur l’apprentissage, vise à supprimer la limite d’âge supérieure pour l’apprentissage.

En permettant l’apprentissage à tout âge, on favoriserait la mobilité professionnelle, notamment vers les métiers manuels. Cela permettrait de proposer une formation diplômante en alternance à tout âge, notamment dans le cadre d’une reconversion professionnelle, dans une société où les seniors rencontrent des difficultés à retrouver un emploi, notamment en cas de licenciement économique. Les branches de métiers dits « en tension » souffrant d’une pénurie de main-d’œuvre, cela permettrait de créer un nouveau vivier. Le développement de l’apprentissage est un moyen de lutter contre le chômage. Enfin, si l’objectif est de reconnaître l’apprentissage comme une voie de formation d’excellence, cette modalité de formation doit pouvoir être accessible à tout moment dans le parcours professionnel, sans qu’une personne ne se voie opposer de limite d’âge.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Le relèvement de la limite d’âge supérieure pour l’apprentissage se justifie par la prise en compte de la situation des jeunes qui auraient mis du temps à trouver leur voie. Avec une limite à 30 ans, on reste dans une logique de formation initiale. Je suis donc défavorable à cette proposition de supprimer toute borne supérieure.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS759 de M. Jean-Hugues Ratenon.

Mme Caroline Fiat. L’article 8 généralise le recours à l’apprentissage jusqu’à 29 ans révolus. Or, je rappelle que les possibilités de contracter un apprentissage ou une alternance au-delà de 26 ans existent déjà, lorsque certaines conditions le justifient, par exemple la poursuite d’une qualification à un niveau supérieur, un handicap ou une maladie. Ces possibilités permettent d’adapter la carrière professionnelle aux aléas de la vie du travailleur et encouragent la croissance de ses ambitions.

Cependant, il est déraisonnable de vouloir repousser l’apprentissage outre mesure, et les dérives d’une telle orientation sont connues : nombre d’entreprises et de salariés, apprentis ou ex-apprentis, nous rapportent à ce sujet des témoignages saisissants. Une fois un certain niveau de qualification atteint, l’individu est suffisamment autonome pour travailler seul et tenir un poste : dès lors, lui proposer un contrat d’apprentissage relève d’une volonté de nier son intégration à part entière dans l’entreprise. De nombreux postes exigeant un diplôme situé entre « bac plus 3 » et « bac plus 5 » sont destinés à des apprentis non intégrés à l’entreprise à la fin de leur contrat et remplacés par d’autres apprentis. Des postes de travail sont alors supprimés de l’entreprise pour être livrés à des travailleurs en formation. Ceux-ci sont rattachés à des tuteurs fictifs, parfois très éloignés des tâches auxquelles les apprentis sont affectés au quotidien.

Dans un contexte de chômage de masse persistant, une telle mesure risque de susciter l’illusion d’une fausse reprise d’activité pour les inactifs et les chômeurs de longue durée. L’apprentissage doit rester une formation noble permettant à un jeune public, dans des circonstances particulières, d’acquérir des qualifications. Il ne doit pas devenir une arme de précarisation massive et les apprentis ne doivent pas, à leurs dépens, faire pression vers une baisse des salaires en proposant l’exécution de tâches similaires pour des rémunérations inférieures. L’âge limite de 26 ans, qui peut être augmenté dans les conditions précises indiquées précédemment, est garant de certaines limites nécessaires dans le monde de l’emploi.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. J’ai un peu de mal à saisir la logique de votre argumentaire. Pour certains jeunes, l’apprentissage est souvent le moyen d’accéder à des formations qu’ils n’auraient pas les moyens financiers de suivre si elles étaient dispensées au sein de structures privées. Par ailleurs, il est aujourd’hui fréquent que des personnes âgées de 26 à 30 ans aient mis un peu de temps à trouver leur voie : pour elles, l’apprentissage peut constituer une solution. Je rappelle que la formation en apprentissage constitue une voie d’excellence, et je ne vois pas ce qui justifie de priver certaines personnes d’accéder à un cursus de ce type en raison de leur âge. Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. Pierre Dharréville. Mises bout à bout, toutes ces dispositions relatives à l’apprentissage ont pour effet d’en modifier la nature. Pour ma part, je suis convaincu du fait que le contrat d’apprentissage actuel n’est pas adapté aux personnes âgées de plus de 25 ans. En sortant l’apprentissage de la formation initiale, qui comportait une importante dimension éducative, vous lui donnez un tout autre sens. Nous ne souscrivons pas à cette philosophie du texte et avons donc déposé plusieurs amendements visant à préserver l’esprit de l’apprentissage.

M. Sylvain Maillard. Comme à son habitude, Mme Fiat nous a livré un long exposé, que l’on pourrait ici résumer en une phrase : le groupe La France insoumise ne croit pas en l’apprentissage – ce qui paraît d’autant plus étonnant quand on se souvient que son président a été ministre de la formation professionnelle…

M. Olivier Véran. On ne compte plus, en France, les expériences positives de gens ayant tout plaqué pour aller faire autre chose, en particulier des métiers de bouche ou d’autres métiers manuels. De nos jours, l’apprentissage n’est donc plus réservé à la formation des très jeunes gens : dispensant une formation pratique et rapide, il est aussi parfaitement adapté à la reconversion à un âge plus avancé. Si l’évolution des métiers à laquelle on assiste actuellement se poursuit, il faudra réfléchir aux moyens de faciliter les reconversions professionnelles ; en attendant, l’apprentissage représente une solution très intéressante.

Mme Caroline Fiat. Il existe heureusement d’autres types de contrats pour les adultes que l’apprentissage, étant entendu qu’on est alors en dessous du SMIC.

Je voudrais remercier M. Maillard : je commençais à être fatiguée et à me dire que je n’allais peut-être pas défendre tous mes amendements. Compte tenu de son intervention fort sympathique (Sourires), j’irai jusqu’au bout des deux minutes auxquelles j’ai droit à chaque fois. Merci à lui pour son soutien et ses encouragements.

M. Gérard Cherpion. Quand on des convictions, on les défend, et c’est très bien comme ça. Néanmoins, il n’est pas question de formation initiale en l’espèce : c’est parfaitement clair. Il y a des jeunes, et des moins jeunes, qui sont vraiment confrontés à un besoin, après avoir connu des difficultés sur le plan personnel ou dans leur parcours universitaire, ou qui découvrent tardivement une envie, à la suite d’un déclic. Je ne vois pas pourquoi on les empêcherait de réaliser leur rêve ou de vivre leur passion. Cet amendement est assez méchant, si je puis dire, à l’égard de ces personnes car il les montre du doigt. Je suis prêt à vous accompagner en Lorraine pour que vous puissiez rencontrer des jeunes qui vivent de telles situations. Ils disent que c’est difficile, parce que leurs lieux de travail, d’étude et de résidence sont différents, mais ils sont animés d’une vraie volonté. Certains d’entre eux finiront même ingénieurs après un apprentissage universitaire. Je leur tire mon chapeau, et je considère que le texte va dans le bon sens.

M. Pierre Dharréville. Je voudrais réagir aux propos d’Olivier Véran. Il existe d’autres manières de travailler à une reconversion professionnelle, par exemple avec un contrat de professionnalisation. Je ne suis absolument pas convaincu que l’apprentissage, dans sa forme actuelle – notamment du fait du contrat de travail que cela implique – soit ce qui convient le mieux. On peut certes réfléchir à l’utilisation d’autres moyens, mais peut-être pas le contrat d’apprentissage.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement de cohérence AS1386 de la rapporteure.

Elle examine ensuite l’amendement AS116 de M. Patrick Hetzel. 

Mme Geneviève Levy. Cet amendement prévoit que les jeunes de 15 ans ayant accompli leur scolarité au collège peuvent suivre une formation en alternance. Cette disposition a été supprimée en 2013, alors qu’elle répondait à un réel besoin chez des jeunes nés en fin d’année.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Pour les mêmes raisons que précédemment, avis défavorable.

M. Gérard Cherpion. Il y a une réelle difficulté. Dans le cadre du dispositif d’initiation aux métiers en alternance (DIMA), des jeunes ayant atteint l’âge de 15 ans avant le 1er juillet peuvent entrer en apprentissage à la fin de l’année scolaire, alors que ceux nés entre le 1er juillet et le 31 décembre sont pénalisés : ils doivent intégrer un lycée ou une autre formation avant d’entrer, éventuellement, en apprentissage en cours d’année. Nous devons nous assurer que tous puissent accéder à l’apprentissage sous statut scolaire.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS1015 de Mme Frédérique Lardet.

Mme Frédérique Lardet. Je voudrais m’exprimer au nom des personnes éloignées du monde du travail qui rêvent d’un contrat d’apprentissage. Mon amendement permettra à des seniors actifs, âgés de 45 à 49 ans, d’accéder à un contrat d’apprentissage, par exemple dans le cadre d’une transition professionnelle – mais pas seulement. De nombreuses femmes quittent leur emploi vers l’âge de 30 ans pour se consacrer à l’éducation de leurs enfants, puis souhaitent se réinsérer dans la vie professionnelle mais n’y parviennent pas. Comme elles ne travaillent pas, elles n’ont pas de compte personnel de formation (CPF). On peut avoir besoin d’un contrat d’apprentissage pour retrouver un emploi ou, comme Olivier Véran l’a souligné, pour changer de profession.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. J’émets un avis défavorable, pour les raisons que j’ai indiquées tout à l’heure. Dans les situations que vous évoquez, on peut bénéficier d’un contrat de professionnalisation, qui répond à l’objectif souhaité.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS223 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. L’article 8 du projet de loi doit permettre l’embauche d’apprentis tout au long de l’année, d’une manière qui sera donc moins contrainte par le rythme scolaire, ce qui est intéressant. Néanmoins, il supprime une disposition permettant aux jeunes de commencer un cycle de formation en amont de la conclusion d’un contrat d’apprentissage et de bénéficier, pendant une durée limitée à trois mois, du statut protecteur de stagiaire de la formation professionnelle et de l’assistance d’un centre de formation d’apprentis (CFA) pour la recherche d’un employeur. Notre  amendement vise à rétablir cette possibilité.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Malgré la disparition de ce dispositif, il y a la possibilité d’entrer en apprentissage tout au long de l’année, et des passerelles assez souples sont favorisées : on peut ainsi commencer sa formation en lycée professionnel puis la continuer en apprentissage lorsque l’on a trouvé un contrat. Je donne donc un avis défavorable.

M. Gérard Cherpion. Des passerelles existent depuis 1986. C’est d’ailleurs un grand Vosgien, Philippe Séguin, qui les a mises en place quand il était ministre. Mais tout le monde se rend compte, aujourd’hui, qu’elles ne fonctionnent pas. L’idée est d’avoir un sas permettant d’intégrer les jeunes dans un CFA pendant une période de trois mois, de manière à ce qu’ils ne perdent pas de temps – on peut ainsi commencer à apprendre son métier avant d’entrer en formation chez un employeur.

Mme Martine Wonner. Je crois que le principal frein est lié au financement : il y a un gap lorsque l’on passe d’un lycée professionnel à un CFA au moyen d’une passerelle. Or cette problématique financière disparaît, me semble-t-il.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS760 de M. Jean-Hugues Ratenon.

M. Jean-Hugues Ratenon. Les apprentis peuvent travailler 35 heures par semaine, dans la limite de 8 heures par jour pour les apprentis mineurs et de 10 heures pour les majeurs. Leur temps de travail se confond donc avec celui d’un salarié lambda. Or les apprentis ne sont pas des salariés comme les autres : ils sont contraints d’avoir une double journée de travail, l’une pratique et l’autre théorique. Pour éviter qu’ils ne soient surchargés, nous devons leur permettre de passer moins de temps dans l’entreprise que leurs collègues. Nous proposons ainsi qu’ils ne puissent pas travailler plus de 6 heures 30 par jour et de 32 heures par semaine, qu’ils soient mineurs ou majeurs. Quel que soit leur âge, ils doivent en effet mener de front une activité professionnelle et une formation qualifiante. Selon un palmarès publié en 2017 par le journal L’Etudiant, 80 % des étudiants préparant un brevet de technicien supérieur (BTS) ont obtenu leur diplôme contre seulement 74 % de ceux en apprentissage. Une des raisons de cet écart peut être la surcharge de travail et le manque de temps de révision des apprentis.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Je donne un avis défavorable à cet amendement et, plus globalement, à tous ceux qui visent à réduire le temps de travail des apprentis. Un des objectifs de l’article 8 est de faciliter, autant que possible, leur intégration  au sein des entreprises dans les conditions réelles de travail, afin qu’ils puissent se former au mieux. Pour la même raison, je suis défavorable aux amendements revenant sur la durée maximale de 40 heures de travail par semaine, laquelle est possible en l’état du droit, mais dans le cadre d’une procédure très contraignante.

La commission rejette l’amendement.

4.   Réunion du mercredi 30 mai 2018 à 17 heures 15 (article 8 à l’article 9)

La commission des affaires sociales procède à la suite de l’examen des articles du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel (n° 904) (Mmes Nathalie Elimas, Catherine Fabre et M. Aurélien Taché, rapporteurs).

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.6094281_5b0ebe684fafc.commission-des-affaires-sociales--liberte-de-choisir-son-avenir-professionnel-suite-30-mai-2018

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Mes chers collègues, nous reprenons l’examen du projet de loi.

Article 8 (suite)
Assouplissement du cadre juridique du contrat d’apprentissage

Mme Éricka Bareigts. Madame la présidente, avant de poursuivre nos travaux, je souhaiterais faire un point sur les conditions d’examen de ce texte en commission des affaires sociales.

Depuis le début de la discussion, nous avons découvert en effet que des amendements gouvernementaux avaient été déposés de façon intempestive sur l’ensemble de ce texte. Il s’agit non pas d’amendements rédactionnels ou de coordination, mais d’amendements de fond, qui nécessiteraient une analyse approfondie. Depuis hier, le Gouvernement en a déjà déposé trente-quatre, dont un, hier, AS1249 à l’article 17, qui constitue un revirement majeur par rapport au texte initial. Quelques heures plus tard, cet amendement a été retiré par le Gouvernement, pour être finalement redéposé ce matin par notre rapporteure.

Ces dépôts intempestifs témoignent de l’impréparation du Gouvernement. Il eût été préférable, et nous l’avons dit hier, d’achever les concertations en cours avant de soumettre ce texte à notre assemblée.

Madame la présidente, madame la ministre, j’aurai donc trois questions très précises à poser. Quelles raisons ont présidé au retrait, par le Gouvernement, quelques heures avant son examen devant notre assemblée, de son amendement à l’article 17 ? Pourquoi cet amendement a-t-il été repris par notre rapporteure ? Le Gouvernement compte-t-il encore déposer, pendant nos travaux en commission, des amendements sur ce projet de loi ?

Mes chers collègues de la majorité, est-il raisonnable d’examiner un texte si important mais aussi instable ? Pouvons-nous accepter de découvrir au fil du temps ces amendements, alors même que nous siégeons et que nous travaillons ?

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Madame, je déplore que notre réunion débute ainsi : nous avons déjà eu ce débat hier, et on vous a répondu. Je considère que le travail en commission est celui que l’on est en train d’effectuer, et il se déroule de manière extrêmement sereine et constructive.

Maintenant, si Mme la ministre et Mme la rapporteure souhaitent vous répondre, je leur laisse volontiers la parole.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Je ferai la même remarque que Mme la présidente. Le but est de déposer les amendements à temps pour pouvoir en discuter en commission. Cela dit, tous les amendements déposés par le Gouvernement l’ont été vendredi avant dix-sept heures. Ceux qui l’ont été après correspondent à la reprise d’amendements irrecevables au titre de l’article 40. Nous respectons les lois.

M. Gilles Lurton. Nous nous posons les mêmes questions que nos collègues, ayant effectivement constaté que de nombreux nouveaux amendements avaient été déposés.

Pour ma part, je voudrais revenir sur l’organisation des travaux.

Nous sortons en effet d’un long débat sur le projet de loi sur l’agriculture, auquel j’ai souhaité participer parce que le dossier m’intéressait beaucoup. Nous allons commercer  aujourd’hui l’examen d’un texte sur le logement qui n’est pas du tout anodin pour la commission des affaires sociales. Et quelques jours plus tard, nous discuterons en séance de ce  projet de loi sur la formation professionnelle et l’apprentissage.

Au moment même où le ministre va présenter le projet de loi (ELAN) dans l’hémicycle, nous sommes en commission et nous ne pouvons pas écouter son intervention. Personnellement, je le regrette beaucoup.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Monsieur Lurton, je tiens à vous rappeler que je ne maîtrise pas l’ordre du jour. Ce point a été évoqué en conférence des présidents. Je ne peux donc pas vous répondre. Et en tout cas, cela ne doit pas interférer sur nos travaux en commission, qui sont programmés depuis très longtemps.

La commission est saisie des amendements identiques AS826 de Mme Éricka Bareigts et AS1037 de M. Jean-François Cesarini.

Mme Éricka Bareigts. Par cet article, vous portez la durée de travail hebdomadaire des « jeunes travailleurs » – c’est-à-dire mineurs – de 35 à 40 heures. La durée quotidienne maximale reste fixée à 8 heures. Mais pour certaines activités, dont la liste sera fixée par décret, et lorsque l’organisation collective le justifie, cette durée peut être majorée dans la limite de deux heures par jour, après information de l’inspecteur du travail et du médecin du travail. Dans tous les cas, la compensation se fait uniquement par l’attribution de repos compensateurs. Quant à la procédure prud’homale en cas de rupture, elle disparaît du paysage.

Le Conseil d’État est déjà venu corriger la copie, puisqu’il a circonscrit la possibilité d’accorder des dérogations en raison d’impératifs liés à l’organisation collective du travail, que vous envisagiez de définir par branches, aux seules activités qui le justifient, désignées par décret en Conseil d’État.

Par ces dispositions, vous vous apprêtez à satisfaire de vieilles revendications patronales, alors que des assouplissements ont déjà été accordés. Vous mettez à mal la protection particulière dont bénéficie l’apprenti pendant sa période de formation théorique et pratique.

J’ajoute qu'il est pour le moins curieux de lire dans ce même texte que « l’apprentissage sera mieux rémunéré pour les 1620 ans » alors que rien de tel ne figure dans le projet, puisque ce sujet relèvera d’un décret ultérieur.

Pour toutes ces raisons, nous proposons la suppression de l’alinéa 18.

M. Jean-François Cesarini. Il est important de conserver les temps de travail actuellement en vigueur, à savoir que les jeunes travailleurs ne peuvent être employés à un travail effectif excédant huit heures par jour et trente-cinq heures par semaine.

En effet, il ne faut pas oublier que le dispositif de l’apprentissage s’adresse à des personnes en formation qui doivent préparer un examen et suivre une formation théorique pour laquelle ils doivent apprendre des leçons et faire des devoirs. Avec 40 heures de travail par semaine, les apprentis ne pourront qu’avoir du mal à concilier apprentissage pratique et apprentissage théorique, ce qui risque de les pousser à favoriser l’un au détriment de l’autre, et de mettre en danger leur chance de réussite à l’examen. Une hausse du nombre d’heures de travail pourra avoir pour effet d’augmenter les risques de décrochage scolaire.

De plus, le dispositif s’adresse à des apprentis à partir de quinze ans, ce qui, avec 40 heures de travail hebdomadaire, représente un trop gros volume horaire.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Avis défavorable. Nous avons déjà évoqué ce point en fin de matinée. La disposition prévue à l’alinéa 18 facilite l’intégration de l’apprenti dans des conditions de travail réelles et doit être maintenue.

M. Patrick Hetzel. Manifestement, c’est un point qui semble diviser la majorité présidentielle. On nous dit qu’il y a un front uni, mais en réalité, ce front n’est pas aussi uni que cela. J’espère qu’à un moment ou à un autre, les masques vont tomber.

L’hypothèse selon laquelle il n’y aurait pas de clivage gauche-droite ne pourra pas tenir. Cet amendement montre très clairement qu’il y a des sujets de clivage, que vous ne pouvez pas ignorer. En tout cas, c’est un fait politique.

M. Adrien Quatennens. Je sais, par expérience personnelle, que si certaines entreprises s’investissent vraiment dans le parcours de l’apprenti, y compris scolaire, en prenant connaissance des bulletins et des appréciations des professeurs, en allant même  rencontrer ces derniers, d’autres utilisent les apprentis comme de la main-d’œuvre servile, à bon marché. Des abus en matière de temps de travail sont même possibles. Il faut donc être vigilant et rappeler que si l’apprenti signe un contrat de travail, il n’est pas un travailleur comme les autres.

M. Pierre Dharréville. Je voudrais appuyer les arguments qui viennent d’être employés par les différents orateurs, s’agissant de la particularité des apprentis dans le milieu du travail. Il est choquant d’entendre que pour faire comprendre aux apprentis les difficultés auxquelles ils seront confrontés quand ils seront salariés d’une entreprise dans le cadre d’un contrat de travail classique, il faut immédiatement leur imposer les horaires de travail de ces mêmes salariés. Non : ils sont dans une situation d’apprentissage, et sont censés, pour une grande part d’entre eux, être plus jeunes que les autres salariés de l'entreprise. Il faut vraiment prendre en compte cette réalité. En tout cas, je ne crois pas aux vertus éducatives de cette mesure, que vous mettez en avant.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. D’abord, cette mesure est conforme à la directive européenne. Ensuite, je voudrais insister sur le fait que les 40 heures incluent la formation et la situation de travail.

Cet alinéa vise à répondre aux situations particulières de certains secteurs. Dans le secteur du bâtiment, par exemple, lorsque le jeune part sur un chantier dans la camionnette de l’artisan, il ne peut pas revenir tout seul. En l’état actuel des choses, le vendredi après-midi, il reste dans la camionnette, sans être payé. Demain, il sera payé en heures supplémentaires, et avec compensation. Il sera donc gagnant.

Cette mesure vise à prendre en compte la réalité des métiers. Si l’entreprise est à 35 heures, l’apprenti restera à 35 heures. Dans la grande majorité des cas, cela ne changera rien pour lui. Mais pour des secteurs, comme celui du bâtiment ou le secteur agricole, le jeune pourra toucher des heures supplémentaires et des compensations, au lieu d’attendre sur son lieu de travail sans être payé.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Tout le monde aura intérêt à être bienveillant vis-à-vis du jeune qui démarre en apprentissage, y compris le CFA. Si le contrat est rompu, cela pourra en effet avoir un impact sur des statistiques ou des indicateurs, qui montreront que le centre en question n’a pas bien accompagné le jeune dans le monde de l’entreprise et du travail. De la même façon, si l’entreprise n’accueille pas l’apprenti avec soin et ne lui permet pas de s’adapter correctement, elle aura perdu son temps.

J’ai visité une maison familiale rurale, qui demande précisément aux entreprises de ne pas imposer tout de suite un volume horaire important aux jeunes, notamment dans le secteur de la restauration, pour leur permettre de s’adapter progressivement au monde du travail. Je pense qu’on peut faire confiance aux personnes concernées pour faire preuve de bienveillance.

Ces amendements sont rejetés.

La commission examine l’amendement AS819 de M. Boris Vallaud.

M. Boris Vallaud. Défendu.

Mme Catherine Fabre, rapporteur. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS825 de Mme Michèle Victory

M. Boris Vallaud. Défendu.

Mme Catherine Fabre, rapporteur. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS820 de Mme Gisèle Biémouret.

Mme Gisèle Biémouret. Si on veut que l’apprentissage soit un succès, et tel est l’objet, je crois, de votre projet de loi, il faut que les jeunes soient accueillis avec bienveillance comme le disait notre collègue, qu’on leur transmette le goût du métier qu’ils apprennent, et ce dans les meilleures conditions. On connait les déplacements et la charge de travail des apprentis. Je ne crois pas que c’est en portant la durée de travail hebdomadaire de 35 heures à 40 heures, que nous les mettrons dans de bonnes conditions pour effectuer leur apprentissage.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Même argument que précédemment. Défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine alors l’amendement AS824 de M. Joël Aviragnet.

M. Joël Aviragnet. Cet amendement a le même objet que le précédent.

N’oublions pas qu’il s’agit de jeunes qui ont quinze ou seize ans. Ce sont des adolescents, et l’adolescence n’est pas la période la plus facile de la vie. Souvenons-nous que l’on a affaire à des mineurs et que, même si les entreprises cessent généralement leur activité le vendredi soir à dix-neuf heures, elles pourraient aussi finir le dimanche soir à vingt heures. Jusqu’où risquons-nous d’aller ?

Il est important de faire confiance aux entreprises mais on sait aussi que dans la réalité, cela ne se passe pas toujours comme il le faudrait. Il faut donc imaginer ce qui peut arriver, et garder en mémoire que ce sont des mineurs.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Je suis d’accord, il convient de prendre en compte que ce sont des jeunes. Mais il est également important qu’ils puissent participer à l’ensemble du travail qui peut être réalisé par l’équipe. Nous avons d’ailleurs souvent entendu dire que cela n’avait pas de sens d’avoir un apprenti assis et ne faisant rien, parce qu’il ne peut plus travailler. Se contenter de regarder et attendre que cela se passe n’a rien de valorisant. L’intégrer au travail de l’équipe du début à la fin de la journée de travail témoigne du respect qu’on lui porte.

Avis défavorable.

M. Sylvain Maillard. Amendement après amendement, vous essayez d’enlever à l’apprentissage ce qui fait sa spécificité. Comme l’a dit notre collègue, les masques tombent ! Et comme je l’ai dit tout à l’heure, vous ne croyez pas en l’apprentissage. C’est très clair ! Vous cherchez sans relâche à diminuer tout ce qui fait la force de l’apprentissage, qui est d’apprendre un métier au contact de l’entreprise.

M. Francis Vercamer. Je remarque que le groupe Nouvelle Gauche a réfléchi depuis ce matin, lorsqu’il nous expliquait que l’apprentissage ne pouvait pas commencer avant seize ans. M. Aviragnet vient d’évoquer des « jeunes de quinze-seize ans ». Nos collègues ont donc mûri !

Mme Caroline Fiat. Je tiens à préciser que nous ne sommes pas contre l’apprentissage. Je vais d’ailleurs vous donner un exemple personnel.

Mon fils, qui a fait un apprentissage en menuiserie, adorait les vendredis : comme il ne partait pas sur les chantiers, il restait à l’atelier. Le vendredi matin, il passait donc du temps avec les comptables, le DRH, la secrétaire. Il voyait comment sont préparés en interne les chantiers, et assistait aux visites des clients. Il pouvait voir autre chose tout en poursuivant sa formation. Cela signifie qu’on n’a pas besoin de passer à 40 heures. Tout fonctionne très bien avec trente-cinq heures dans les métiers du BTP qui ont été pris comme exemple.

M. Pierre Dharréville. C’est un sujet important qui fait débat entre nous. Il est donc utile de prendre le temps d’en discuter.

Certains ont mis en avant des arguments liés à la journée de travail. Je rappelle qu’on parle ici du temps de travail hebdomadaire, et que dans une entreprise, l’organisation du temps de travail hebdomadaire peut se gérer. Utiliser ce genre d’arguments pour augmenter le temps de travail des jeunes n’est pas raisonnable.

Effectivement, nous sommes attachés à une certaine conception de l’apprentissage. De notre point de vue, les transformations que vous prévoyez vont ouvrir des brèches préoccupantes. J’ajoute que pour nous, l’apprentissage reste dans la formation initiale, qui a des vertus éducatives particulières.

Patrick Hetzel souhaite voir les masques tomber, et a pointé quelques contradictions au sein de la majorité. Certes,  il est sain qu’il puisse y avoir des débats. Mais j’ai le regret de lui dire qu’à mon avis, le choix de la majorité est déjà fait, entre la gauche et la droite, comme Mme la rapporteure l’a confirmé à plusieurs reprises à l’occasion de cet amendement.

M. Joël Aviragnet. Adapter le temps de présence de l’apprenti dans l’entreprise n’est pas une question de volume horaire. Sur la semaine, on peut ne pas travailler un jour, et travailler un peu plus un autre jour. C’est cela l’adaptation.

Quant à dire qu’on est contre l’apprentissage, c’est une position qui vous appartient, qui est dogmatique et idéologique, mais qui n’a rien à voir avec la question.

Mme Jeanine Dubié. Je trouve dommage de poser cette question de l’augmentation du temps de travail de l’apprenti en opposant ceux qui seraient pour l’apprentissage, et ceux qui seraient contre.

Il y a des métiers pénibles et difficiles. Je pense notamment à la restauration, où l’apprentissage se développe. Je rencontre aussi beaucoup d’employeurs qui se désolent parce que leur apprenti n’a pas tenu le coup, et qu’il est parti.

L’idée n’est pas tant d’augmenter le temps de travail des apprentis que de les accompagner dans la connaissance du métier et de les aider à supporter cette pénibilité. Et cela ne passera pas forcément par une augmentation du temps de travail. L’objectif à atteindre est tout de même de fidéliser les jeunes et de leur permettre de s’épanouir dans un métier.

On peut s’accorder sur la nécessité d’adapter le temps de travail dans certains secteurs. Aujourd’hui, dans la restauration, les apprentis ne peuvent pas assurer le service du soir et c’est gênant pour l’employeur. Mais cela n’a rien à voir avec l’augmentation du temps de présence de l’apprenti dans l’entreprise.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Cette évolution est attendue par plusieurs corps de métiers, comme cela ressort de toutes les auditions auxquelles nous avons procédé. La durée actuelle du temps de travail des jeunes travailleurs constitue un véritable frein au développement de l’apprentissage.

Il ne s’agit pas de permettre tout et n’importe quoi, mais d’harmoniser la présence du jeune avec celle de ses autres collègues sur le terrain. En dehors de cette durée légale, le travail des jeunes reste strictement encadré. Je trouve dommage de faire un débat d’idées de cette question, qui relève du pragmatisme pur et simple.

Mme Carole Grandjean. Je soutiens le propos de ma collègue. Cette mesure vise simplement à prendre en compte la réalité des différentes missions assurées dans l’entreprise. L’apprenti reste soumis au droit du travail, avec des temps de repos, de week-end, et des temps de formation en alternance qui lui permettent de se concentrer sur ses enseignements. Tout cela n’est évidemment pas remis en question.

Il s’agit de lui permettre de s’approprier la mission qui lui est confiée, de s’adapter à la vie de l’entreprise et d’aller sur des missions diverses et variées. Les missions administratives assurées dans l’entreprise peuvent aussi faire partie de son temps d’apprentissage et être prises en compte dans ce volume d’heures hebdomadaire, même si cela ne correspond pas à sa formation première.

M. Gérard Cherpion. Il ne faut pas faire un faux procès à cet article. Comme je l’ai dit, je n’approuve pas toutes les dispositions de ce texte. Mais je reconnais que la volonté du Gouvernement est bien de donner à des jeunes la possibilité de s’épanouir dans leur travail.

Je rencontre beaucoup de jeunes apprentis. Certains me demandent pourquoi ils ne peuvent pas participer à la fin d’un chantier et sont obligés de rester dans le camion. Pour eux, c’est frustrant, et ils préfèreraient travailler plutôt que de passer deux ou trois heures assis à ne rien faire.

Il n’est évidemment pas question de contraindre tous les entrepreneurs à porter la durée de travail de leurs apprentis à 40 heures, sous le fouet. Il s’agit de permettre au menuisier qui a travaillé pendant quinze jours dans son atelier, à un rythme de travail normal, pour fabriquer des fenêtres, d’emmener l’apprenti avec lui lorsqu’il ira les poser, même si cela représente un surcroît de travail. Pour l’apprenti, qui a participé à la fabrication de ces fenêtres, il est valorisant d’aller chez le client pour les poser, plus que de s’entendre dire qu’il doit rester dans le camion. – il y a de quoi vous détourner de l’apprentissage.

J’ajoute que de nombreux chefs d’entreprise sont des mères ou des pères de familles. Ils savent que ce sont des enfants et ils ont une idée de la façon dont les jeunes évoluent. Soyons clairs et lucides : l’apprentissage, ce n’est pas de l’esclavagisme.

M. Cyrille Isaac-Sibille. C’est une question d’adaptation. Il faut faire concorder les souhaits de l’apprenti et ceux de l’entreprise.

Je remarque que les étudiants, qui ont le même âge que les apprentis, travaillent parfois plus de quarante heures. Et certains, en plus, font des petits boulots pour se nourrir. L’apprenti apprend et travaille en même temps.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS821de Mme Josette Manin.

Mme Josette Manin. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 23. J’avancerai les mêmes arguments que mes collègues du groupe Nouvelle Gauche.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est alors saisie de l’amendement AS822 de Mme Éricka Bareigts.

Mme Éricka Bareigts. Défendu.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS761 de Mme Caroline Fiat.

M. Jean-Hugues Ratenon. Les apprentis sont régis par le code du travail. Ils sont pourtant des salariés particuliers, alliant leur activité professionnelle à une formation qualifiante. A mi-chemin entre le quotidien scolaire ou estudiantin et le salariat, les apprentis sont souvent obligés de cumuler une double journée pour s’assurer de l’acquisition pratique et théorique du diplôme qu’ils préparent. Pénalisés par une rémunération ne pouvant dépasser 80 % du SMIC alors qu’ils sont parfois engagés dans des formations de haute qualification dont les salaires sont supérieurs au SMIC dès le début de carrière, les apprentis ne bénéficient pas d’un confort temporel compensant cette exigence de formation et cette pénalisation de rémunération. Il serait normal qu’un temps de congés payés supplémentaires leur soit alloué afin de préparer au mieux leur diplôme sans subir une surcharge de travail.

Nous connaissons les effets néfastes d’un cumul études et emploi sur les résultats aux examens. L’instauration d’une sixième semaine de congés payés viendrait pallier les conditions défavorables qu’ils connaissent, par rapport aux salariés de l’entreprise et par rapport à leurs collègues en formation initiale.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de modifier le droit en vigueur concernant ces semaines de congés payés. Avis défavorable.

M. Gérard Cherpion. Je suis très étonné du contenu de cet amendement. Je ne connais pas de cas dans lesquels l’apprenti aurait travaillé chez le même employeur pendant au moins dix jours de travail effectif. Je pense que c’est totalement contraire à l’esprit même de l’apprentissage. Pour moi, un tel amendement n’a pas d’objet.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS823 de Mme Éricka Bareigts.

Mme Éricka Bareigts. Défendu.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS827 de Mme Éricka Bareigts.

Mme Éricka Bareigts. Défendu.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1387 de la rapporteure.

Elle est alors saisie de l’amendement AS1215 de Mme Éricka Bareigts.

Mme Hélène Vainqueur-Christophe. Cet amendement vise à permettre et à promouvoir l’apprentissage dans l’environnement géographique, au sens de la loi du 5 décembre 2016. S’il était accepté, il permettrait, à titre expérimental, pour une durée de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, que le contrat d’apprentissage soit exécuté en partie à l’étranger, dans cet environnement géographique.

La loi de 2016, relative à l’action extérieure des collectivités territoriales et à la coopération des outre-mer dans leur environnement régional, vise très opportunément à faciliter l’insertion régionale et le développement des échanges avec les pays voisins.

L’intégration des territoires dans l’environnement régional doit aussi se traduire dans l’apprentissage. Tout jeune doit disposer dans sa formation d’un droit à la mobilité au sein du bassin géographique de son environnement régional. Or les dispositifs existants ne prévoient une mobilité que vers l’Hexagone ou l’Espace économique européen. Cependant, le rapport remis le 19 janvier 2018 à la ministre du travail par M. Jean Arthuis préconise d’expérimenter, pour l’apprentissage, les mobilités dans des pays du même bassin océanique en outre-mer. La mise en place, pour une durée de trois ans, d’une telle expérimentation permettrait aux jeunes de se confronter au monde et de sortir de leur zone de confort, ce qui favoriserait leur autonomie et améliorerait leur qualification.

Cela va dans le sens du discours que le Président de la République, Emmanuel Macron, a prononcé à Cayenne, selon lequel l’internationalisation des outre-mer était essentielle pour le développement de nos territoires. De son côté, Mme la ministre du travail Muriel Pénicaud, lors de son audition à la Délégation des outre-mer le 24 mai 2018, a estimé qu’il fallait aller plus loin et que l’État devait initier des accords régionaux avec l’Afrique du Sud et l’île Maurice, par exemple, pour que les Réunionnais ou les Mahorais puissent réaliser leurs contrats de professionnalisation dans ces pays.

Ce serait une chance supplémentaire pour les jeunes ultramarins de découvrir leurs bassins régionaux, et d’acquérir des compétences tant personnelles que professionnelles grâce cet apprentissage mené à l’étranger.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. L’ordonnance qui est prévue à l’article 66 du projet de loi traitera de ce genre de proposition. Dans cette perspective, je vous propose de retirer cet amendement, pour pouvoir y travailler de manière plus approfondie dans ce cadre.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Il s’agit d’utiliser la proximité régionale comme vecteur de formation des jeunes. Cette idée, qui a en effet été évoquée au sein de la Délégation aux outre-mer, est très intéressante. Il faudra la retravailler dans le cadre plus large de l’ordonnance.

Nous devrons nous intéresser aux conditions juridiques qui seront faites à ces jeunes. Hors de l’espace européen, si la notion de contrat d’apprentissage n’existe pas dans le pays, quel sera leur statut ? De quelle protection sociale pourront-ils bénéficier ? Il faudra vérifier juridiquement comment  mettre en place ce type de mobilité dans le cadre d’un accord bilatéral. Il faudra enfin voir si le programme Erasmus Mundus peut s’appliquer.

Je vous propose donc de retirer votre amendement qui, tel quel, ne permet pas de sécuriser juridiquement la situation, ni de protéger suffisamment les jeunes qui pourraient être concernés.

M. Jean-Philippe Nilor. Je soutiens totalement cet amendement, qui est marqué du sceau du bon sens. Qu’on le veuille ou pas, le bassin naturel, c’est le bassin géographique. C’est aussi, bien souvent, le bassin culturel.

Cet amendement présente en outre l’avantage de nous faire sortir de cette logique qui fait que les jeunes de l’outre-mer qui veulent suivre des formations professionnelles à l’extérieur sont obligés d’aller à Paris : cela coûte très cher aux familles, et les jeunes sont beaucoup plus dépaysés que dans un pays caribéen voisin.

La question sera traitée dans le cadre de l’ordonnance, dites-vous. On en prend acte. Mais en quoi le travail mené à ce titre serait-il plus complet que le travail parlementaire ? Le texte ne passant en séance publique que dans quelques semaines, vous avez largement le temps de vérifier tous ces éléments juridiques.

Symboliquement, il serait bon qu’une décision aussi emblématique soit le fruit du travail parlementaire et ne relève pas que de l’action du Gouvernement. L’adoption de cet amendement serait à l’honneur de l’Assemblée.

Mme Éricka Bareigts. Je voudrais remercier Mme la ministre pour son écoute et l’intérêt qu’elle manifeste à cette question.

Il est vraiment très compliqué d’inverser la façon de voir les choses. Depuis Paris, on a l’impression que nos jeunes gens n’ont pas d’autres possibilités pour suivre des formations que de venir dans l’Hexagone. C’est une option. Il en existe une autre au niveau de l’Europe. Mais il y en a une autre encore, très simple et très pratique, qui consiste à se former dans les pays de la zone, que ce soit en Afrique, au Brésil, etc.

Comme l’a dit M. Nilor, le dispositif proposé est marqué du sceau du bon sens, il coûte moins cher et il augmente les taux de réussite puisque le jeune est dans un environnement culturel qu’il connaît. L’enrichissement sera plus grand encore.

Madame la ministre, il y a bien sûr encore beaucoup de travail à faire, mais si nous inscrivons dans la loi que la France est désormais un territoire océanique et plus seulement hexagonal et continental, nous engagerons une vraie révolution dans notre approche.

J’appelle donc mes collègues à impulser ce mouvement qui sera source d’enrichissement pour nos jeunes jeunes.

M. Gérard Cherpion. En fait, cette proposition est un Erasmus + +, auquel le Gouvernement est favorable, je crois. Lors de l’examen du projet de loi ratifiant diverses ordonnances de la loi travail, nous avons vu apparaître en effet dans la sixième ordonnance la ratification d’Erasmus +, à la suite du rapport rédigé par Jean Arthuis. Si, sur le fond, je ne doute pas que le Gouvernement a l’intention d’inscrire cette disposition dans les textes à venir, sur la forme je n’accepterai pas que cela se fasse selon la méthode utilisée pour ratifier la sixième ordonnance, celle-ci ayant été examinée seulement en commission mixte paritaire au Sénat et pas en amont à l’Assemblée nationale.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. L’idée est bien d’inscrire cette mesure, soit dans la loi, soit dans le cadre des ordonnances. Dans la mesure où son inscription dans la loi constituerait un message fort, je vous propose d’adopter cet amendement, étant entendu qu’il faudra s’assurer que le droit international permet de prendre une telle disposition, et apporter, le cas échéant, les corrections nécessaires.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Comme je l’ai dit devant la délégation aux outre-mer, je suis favorable à l’intention : faire en sorte que l’apprentissage puisse être effectué dans le bassin régional pour des raisons géographiques, économiques, de proximité, etc. Mais je ne voudrais pas susciter un espoir qui serait ensuite déçu si le droit ainsi crée ne tient pas la route. Notre souci, c’est la sécurité juridique du texte. Il va falloir  prévoir des accords bilatéraux, par exemple entre la Guyane et le Brésil.

Travaillons ensemble, d’ici à l’examen du texte en séance publique, pour vérifier s’il ne convient pas de prévoir une précaution supplémentaire, notamment en matière de protection sociale et de statut du jeune. Nous n’aurons peut-être plus les moyens juridiques de le faire ensuite. Or on ne peut évidemment pas envoyer un jeune dans un autre pays sans protection sociale. Dans le cadre du programme Erasmus Pro au niveau européen, nous avons trouvé la solution. Cela n’a pas été simple. Mais cela ne signifie pas que ce sera impossible au niveau bilatéral. En tout état de cause, il me semble dangereux pour la représentation nationale de voter un texte qui ne prévoit pas cette sécurité pour les jeunes.

J’entends aussi ce que disent les députés d’outre-mer : voter la disposition dans la loi ou dans le cadre d’une ordonnance – même si une loi de ratification devra être votée par le Parlement – n’a pas la même portée.

Vous avez donc deux possibilités : soit adopter l’amendement en l’état et apporter, en séance publique, les modifications pour sécuriser le cadre juridique, soit en déposer un nouveau qui prévoira d’éventuels compléments. Je m’en remets donc à la sagesse de la commission.

M. Sylvain Maillard. C’est un dispositif que nous portons, sur lequel les commissaires du groupe de La République en Marche de la commission des affaires sociales ont travaillé. À titre personnel, j’ai suivi le programme Erasmus + et j’ai vu combien il était difficile en effet de construire des accords de portabilité des droits avec nos partenaires européens. Ce sera sans doute plus compliqué encore dans le bassin océanique.

Il ne s’agit pas de créer seulement un droit, encore faut-il qu’il soit applicable sur le terrain. À cet égard, nous nous sommes heureux d’entendre, Madame la ministre, que vous allez travailler sur ce dossier. Il nous semble évident en effet, au XXIe siècle, alors que la France a la chance d’avoir des territoires partout dans le monde, que l’apprentissage puisse être effectué à cette échelle.

Nous voterons donc cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement AS545 de Mme Hélène Vainqueur-Christophe.

Mme Éricka Bareigts. Je tiens à remercier Mme la rapporteure et Mme la ministre pour ce travail, car cela représente pour nous dix ans de réflexion collective. Je sais qu’une telle disposition est compliquée à mettre en œuvre, mais tout ce qui est compliqué a aussi notre faveur. J’espère que l’on aboutira à des mesures concrètes. (Applaudissements.)

Mme Hélène Vainqueur-Christophe. Je tiens à remercier mes collègues pour avoir adopté l’amendement précédent qui était défendu par tous les députés d’outre-mer, quelle que soit leur sensibilité politique.

J’en viens à l’amendement AS545, qui est très important pour les acteurs du secteur associatif, notamment dans le domaine sportif. Le développement de l’apprentissage dans le secteur associatif peut être entravé par la difficulté de désignation d’un maître d’apprentissage.

Comme vous le savez, les organisations comptent souvent peu ou pas de salariés, et le bénévole est souvent la seule personne susceptible d’assurer l’encadrement d’un apprenti, et de posséder les compétences et l’expérience requises. C’est pourquoi nous proposons que le bénévole puisse exercer les fonctions de maître d’apprentissage.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. À mon tour, je me félicite que les travaux de notre commission permettent d’affiner des propositions qui présentent un enjeu important. C’est tout l’intérêt des débats de cette semaine.

Le contrat d’apprentissage prépare bien sûr une qualification mais surtout une insertion professionnelle. Il est donc important pour un apprenti d’avoir un maître d’apprentissage qui soit un professionnel, afin qu’il puisse ainsi regarder ce que font les salariés dans la structure. Je ne vois donc pas à ce titre ce qu’un bénévole peut apporter, même si on peut envisager qu’il participe à encadrer l’apprenti. En outre, il ne pourra pas assurer le même niveau de professionnalisme qu’un maître d’apprentissage professionnel.

C’est pourquoi je suis défavorable à cet amendement.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles. Nous appelons de tous nos vœux le développement des baccalauréats professionnels dans le domaine de l’animation, du sport. Je souhaite que le travail des commissions professionnelles consultatives (CPC) et celui que le ministère de l’éducation nationale va engager avec les branches qui, je l’espère, vont se structurer, notamment dans ce domaine, permette d’aboutir à des propositions intéressantes.

M. Gérard Cherpion. Cet amendement est intéressant, aucun secteur n’étant à rejeter en matière d’apprentissage. Comme il est difficile de trouver des personnes compétentes, capables de délivrer la formation, on pourrait peut-être prévoir que les personnes qui ont passé un certain nombre d’années dans le monde associatif et qui ont validé cette expérience exercent la fonction de maître d’apprentissage.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Je comprends la philosophie de votre amendement : tous ceux qui peuvent contribuer à encadrer et former des jeunes sont les bienvenus. Toutefois, le maître d’apprentissage doit avoir les compétences nécessaires en matière de formation. En outre, il assume des responsabilités légales en termes de sécurité qui ne peuvent pas peser sur un bénévole. Il n’est donc pas possible qu’un bénévole soit un maître d’apprentissage. Cela dit, ce que font les associations avec les jeunes des quartiers prioritaires de la ville, et qui relève davantage du parrainage, a une valeur énorme – je pense notamment à l’association Nos quartiers ont des talents. Peut-être faudrait-il réfléchir à la manière dont pourraient être encadrés les jeunes en formation, en apprentissage, notamment ceux qui sont le plus en difficulté.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle étudie l’amendement AS1260 de M. Hugues Renson.

M. Hugues Renson. Il s’agit de réfléchir à la définition du maître d’apprentissage et de faire en sorte que celle-ci ne soit pas trop restrictive.

Je propose, avec mes collègues Sacha Houlié et Pierre Person, un amendement de précision qui permet d’envisager les cas, rares j’en conviens, où le maître d’apprentissage ne serait pas salarié de l’entreprise mais y exercerait tout de même une activité professionnelle à temps plein. Ainsi, les avocats en collaboration libérale dans des cabinets d’avocat, les prestataires extérieurs sous contrat dans une entreprise, les ingénieurs consultants dans une société ne sont pas des salariés, mais pourraient exercer la fonction de maître d’apprentissage.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Vous évoquez effectivement des situations relativement rares. Aussi, je me demande si ce besoin existe réellement. Peut-être pourriez-vous nous donner des précisions, monsieur Renson. En attendant, je suis plutôt défavorable à cet amendement.

M. Hugues Renson. Ces cas nous ont été signalés. La logique est justement de faire en sorte que la définition du maître d’apprentissage ne soit pas trop restrictive. Si vous considérez que l’amendement ne concerne pas suffisamment de situations, je suis prêt à le retirer. Cela dit, je souhaitais faire écho à des demandes qui nous ont été adressées.

M. Gérard Cherpion. Une réponse existe déjà. La loi de 2011 a en effet prévu qu’un organisme de travail temporaire peut être maître d’apprentissage. Par exemple, un jeune pourra travailler six mois chez un avocat puis six mois chez un autre. Ce système fonctionne, mais il est peu développé. En tout cas, il peut répondre à la question qui est soulevée ici.

Mme Fadila Khattabi. Certes cet amendement est intéressant, mais n’oublions pas que le maître d’apprentissage a une responsabilité vis-à-vis du jeune et de l’entreprise, et que le CFA a besoin d’avoir un interlocuteur.

M. Mustapha Laabid. Les formations de tuteurs, qui sont prises en charge par les OPCA, permettent à toutes les entreprises de former un salarié qui devient le maître d’apprentissage pour tout apprenti intégrant la structure. Former l’entrant, c’est bien ; mais former l’accueillant, c’est encore mieux.

M. Patrick Hetzel. L’amendement de nos collègues Renson, Houlié et Person soulève une autre difficulté. En confiant les questions d’apprentissage aux branches professionnelles se pose le problème du développement de formations interdisciplinaires. On voit bien que tout ce qui relève des métiers juridiques rentre dans ce cadre-là.

Madame la ministre, comme l’indiquent nos collègues à travers cet amendement, il faut veiller à ce que ce texte ne contribue pas à atrophier certains pans de l’offre de formation, mais permette au  contraire de la faire évoluer. Comment, par exemple, une formation aux ressources humaines pourra-elle exister, puisque ce sujet peut concerner plusieurs branches ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Monsieur Hetzel, vous élargissez le le débat à d’autres sujets.

Soyons clairs : si l’avocat est salarié, il peut être tuteur ; s’il exerce en libéral, il est associé et il peut être employeur, donc tuteur de l’apprenti. Dans un cas comme dans l’autre, il peut être maître d’apprentissage. Ensuite, comme l’a indiqué M. Cherpion, un organisme de travail temporaire peut être maître d’apprentissage. Enfin, un apprenti peut avoir plusieurs employeurs. Il existe donc toute une panoplie de possibilités.

L’important est de garder un lien entre la responsabilité de maître d’apprentissage et le jeune. Le danger, c’est d’être maître d’apprentissage pour compte de tiers, et c’est ce qui est proposé dans l’amendement. Je propose donc son retrait.

M. Hugues Renson. Compte tenu de ces précisions, je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

La commission examine, en présentation commune, les amendements AS600 et AS601 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. La nouvelle obligation de formation prévue à l’article L. 6223-1 risque de constituer une barrière importante à l’accueil d’apprentis au sein des très petites entreprises (TPE).

Ces amendements prévoient que les chefs d’entreprise de moins de onze salariés, issus d’une formation en apprentissage, ou qui ont au moins trois ans d’expérience à la tête de leur entreprise, soient exonérés de cette formation qui peut s’avérer très chronophage et serait un frein au développement de l’apprentissage dans ces TPE.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Il ne faut pas perdre de vue le fait que l’on peut être un bon professionnel et un mauvais pédagogue. Ce qui vaut pour les salariés de l’entreprise vaut aussi pour l’employeur. Le critère de l’ancienneté de l’employeur me paraît peu convaincant.

Vous proposez que le maître d’apprentissage qui est lui-même issu d’une formation en apprentissage soit exonéré de la formation. Si l’idée est intéressante, il me semble difficile de l’appliquer. Je vous propose donc de retirer cet amendement au profit de la responsabilisation des branches sur ce point prévue dans ce texte.

M. Francis Vercamer. Je retire l’amendement AS601 parce que je reconnais que fixer un critère de trois ans d’ancienneté peut poser problème.

En revanche, il me semble intéressant d’exonérer de la formation le maître d’apprentissage qui est lui-même issu d’une formation en apprentissage parce qu’il a toute la capacité et toute la compétence de l’apprenti lui-même puisqu’il a suivi le parcours de l’apprentissage. S’agissant de l’amendement AS600, je m’en remets donc à la sagesse de mes collègues qui, j’en suis sûr, seront favorables à cette idée formidable qui permet de développer l’apprentissage.

L’amendement AS601 est retiré.

La commission rejette l’amendement AS600.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1388 de la rapporteure.

En conséquence, les amendements identiques AS723 de M. Francis Vercamer et AS986 de Mme Michèle de Vaucouleurs tombent.

La commission étudie l’amendement AS315 de M. Gérard Cherpion.

M. Stéphane Viry. Le présent projet de loi renvoie à la négociation toutes les conditions de compétences nécessaires pour devenir maître d’apprentissage et permettrait une prise en charge des coûts liés à l’exercice de cette fonction par les opérateurs de compétences.

Toutefois, au-delà des conditions d’exercice de leur fonction, il importe d’envoyer aux tuteurs un message pour que leur engagement pour bien former, qui peut être lourd, soit reconnu parce que c’est le cœur même de la réussite de l’apprentissage et de la transmission des savoirs.

Il est ainsi proposé d’accorder au maître d’apprentissage qui souhaite accéder à la validation des acquis de l’expérience une équivalence du diplôme requis pour la préparer, dès lors qu’il aura formé trois jeunes ayant obtenu avec succès leur certification. Cette équivalence ne l’exonérera pas de l’étape de validation par le jury constitué et présidé conformément au règlement et aux dispositions régissant le diplôme, le titre ou le certificat de qualification auquel il postule.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Il est important que la VAE puisse se faire de manière complète. Le fait qu’il suffise de former trois jeunes pour pouvoir bénéficier d’une équivalence de diplôme me semble un peu léger.

En outre, le Gouvernement travaille à un diplôme de maître d’apprentissage. C’est peut-être une piste intéressante qu’il serait bon de creuser.

Je suis donc défavorable à cet amendement.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Effectivement, une mission est en cours sur la reconnaissance d’un titre qui permettrait de valoriser le maître d’apprentissage, y compris dans les conventions collectives.

Je comprends l’objet de ces amendements visent à s’assurer que l’on utilise tout le potentiel du maître d’apprentissage, notamment dans les petites et moyennes entreprises. Le présent projet de loi n’est pas rigide sur ce point. Il renvoie en effet à un décret qui sera discuté avec les partenaires sociaux. Il y sera question de formation mais aussi d’expérience. Il y a aujourd’hui 420 000 apprentis et 200 000 ou 300 000 maîtres d’apprentissage. Nous n’allons donc pas créer une formation obligatoire pour tous ces maîtres d’apprentissage qui réussissent très bien dans cette fonction. Nous nous inscrivons dans une durée et il faut trouver les modalités qui permettent cette reconnaissance.

Tous les thèmes autour de la VAE et de la formation se justifient. Les branches voudront aussi, certainement, prendre des initiatives sur ce sujet de façon paritaire. Ne rigidifions pas la loi. Le dispositif va prospérer sous différentes formes. Tous les chemins sont bons, à condition que les maîtres d’apprentissage soient compétents, qualifiés et qu’ils encadrent bien les jeunes.

M. Gérard Cherpion. Il ne s’agit ni de complexifier ni de galvauder, mais de prendre en compte le fait que les maîtres d’apprentissage ont formé trois jeunes qui ont eu leur certification. On leur ouvre seulement la possibilité d’accéder à la VAE – ce n’est pas une obligation – de façon plus simple et plus automatique.

Les tuteurs nous disent souvent qu’ils passent beaucoup de temps à aider les jeunes à monter en compétences sans bénéficier d’aucune reconnaissance. Je le répète, nous proposons seulement d’ouvrir aux tuteurs la possibilité d’accéder à la VAE.

M. Patrick Hetzel. Je partage les propos de M. Cherpion.

Cette mesure permettrait d’inciter les chefs d’entreprise à prendre des apprentis, mais aussi de motiver les maîtres d’apprentissage. Je ne comprends donc pas pourquoi vous n’y êtes pas favorables, surtout après la précision apportée par M. Cherpion. Ce dispositif incitatif est dans l’esprit de votre texte de loi, madame la ministre.

Mme Justine Benin. Je soutiens l’amendement de M. Cherpion tant il est difficile parfois pour une entreprise de trouver des maîtres d’apprentissage. L’esprit de la loi, c’est la prise de responsabilité des branches et des opérateurs de compétences. Le dispositif n’est qu’incitatif.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Les précisions que vous venez de nous donner, monsieur Cherpion, sont bienvenues. Je n’avais pas compris en effet qu’il s’agissait juste d’ouvrir une possibilité.

Comme il faut prendre le temps de la réflexion, je vous propose de revenir sur cette question en séance publique. À ce stade, je maintiens mon avis défavorable sur cet amendement, à moins que vous ne souhaitiez le retirer.

M. Gérard Cherpion. Je ne retire pas mon amendement. Il faut inscrire ce principe dans la loi pour envoyer un signal fort en direction des tuteurs. Ensuite, si le Gouvernement le souhaite, il pourra toujours le sous-amender en séance publique.

M. Boris Vallaud. La difficulté à trouver des maîtres d’apprentissage est telle que cette incitation pourrait être bienvenue. On pourrait, comme on l’a fait tout à l’heure avec l’amendement de nos collègues d’outre-mer, adopter le présent amendement puis le modifier en séance publique après avoir l’avoir retravaillé.

M. Pierre Dharréville. Mon intervention va dans le même sens que celle de M. Vallaud : avançons et votons cet amendement.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Je suis d’accord pour que l’on adopte cet amendement, quitte à apporter des précisions en séance publique si c’est nécessaire. Avis favorable donc.

La commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS187 de la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques.

Mme Graziella Melchior, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Je présente cet amendement au nom de la commission des affaires économiques, saisie pour avis sur les articles 7 à 9,12, et 17 à 19. Je précise que ce texte a reçu un avis favorable de notre commission et que peu d’amendements ont été déposés. Seul celui-ci, inspiré par deux de ses membres, a été adopté.

Il concerne les personnes éloignées de l’emploi se trouvant dans une situation de chômage de longue durée, qui sont 1 254 000 en France, soit 4,2 % des demandeurs d’emploi.

Leur ouvrir l’apprentissage, filière dite d’excellence, quel que soit leur âge, leur donnerait la chance de réintégrer le monde du travail par l’alternance et d’acquérir de nouvelles compétences. Ainsi, les actifs au chômage depuis plus d’un an, avec ou sans diplôme, quel que soit leur âge, souhaitant se reconvertir ou démarrer une nouvelle carrière, trouveraient avec l’apprentissage un dispositif complémentaire à ceux existant. Ces apprentis d’un nouveau type auraient une motivation due à un parcours choisi et non subi qui serait particulièrement appréciée en entreprise.

Néanmoins, afin de mesurer les risques liés à cette dérogation, comme la capacité des CFA à s’adapter à l’hétérogénéité des publics par exemple, nous proposons pour l’ouverture à l’apprentissage des chômeurs de longue durée une expérimentation limitée dans l’espace et dans le temps.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Je ne suis pas favorable à l’ouverture de l’apprentissage au-delà de vingt-neuf ans.

M. Patrick Hetzel. Madame la rapporteure, votre argumentation est un peu courte. Pourrait-on savoir pourquoi vous n’y êtes pas favorable ?

La disposition pourrait répondre à des projets personnels. De plus, elle est proposée à titre expérimental pour une durée de trois ans, à compter du 1er janvier 2019, dans les régions volontaires. Cela permettrait de voir in situ si elle est pertinente ou non. Elle mérite au moins une contre-argumentation. À défaut, nous ne ferions pas notre travail ici.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. L’apprentissage est à la fois un contrat de travail et une formation initiale. Il ne peut pas devenir une formation de reconversion. Cela ne veut pas dire qu’il ne faille pas prévoir des formations en alternance compte tenu de l’évolution des métiers. Nous aurons d’ailleurs l’occasion d’y revenir ultérieurement, lors de la présentation d’un autre amendement.

Comme vous le savez, nous avons ouvert en 2017 une expérimentation pour les jeunes de vingt-six à trente ans qui a concerné 6 700 apprentis. Les CFA nous ont fait savoir que cela leur demandait beaucoup d’efforts d’adaptation. Gérer dans une même classe des jeunes de dix-sept ans et d’autres de vingt-sept, cela a encore du sens mais ce n’est déjà pas facile. Si l’on se retrouve dans la même section d’apprentissage que ses parents, c’est encore autre chose…

Les chômeurs de longue durée ont souvent des problématiques sociales assez lourdes. En outre, ils peuvent bénéficier d’un contrat de professionnalisation. L’expérimentation, c’est bien mais n’en ajoutons pas une autre sans vérifier si l’on n’est pas en train de changer de nature.

Je ne dis pas qu’il n’est pas nécessaire de proposer des formations en alternance tout au long de la vie, mais prévoir la possibilité de passer un contrat d’apprentissage tout au long de la vie change la nature de ce dernier. Cela risque de brouiller le message. Alors que l’on arrive enfin, grâce à nos efforts collectifs, à commencer à intéresser les entreprises et les jeunes à l’apprentissage, on risque de créer une confusion dans les esprits et dans la motivation, et de mettre en difficulté les CFA, qui ne pourront pas gérer, dans une même section, des gens qui ont cinquante ans et des jeunes de seize ans. Franchir cette ligne-là demande beaucoup de réflexion car les effets pervers possibles sont très importants.

La commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS316 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. La rémunération des apprentis est un sujet qui revient régulièrement puisqu’elle est liée à la fois à l’âge et au diplômé préparé. Nous n’avons pas encore trouvé la clé de ce système. Il y a d’un côté des jeunes qui ont plus de besoins parce qu’ils sont plus âgés, et de l’autre des problèmes liés au diplôme et à l’entreprise. On entend parfois dire que l’apprenti coûte plus cher qu’un salarié payé au SMIC.

Je souhaite donc que le Gouvernement nous présente, dans les douze mois suivant la promulgation de la loi, un rapport analysant le système afin que l’on puisse le comprendre et trouver une solution adéquate. Il y a des différences très importantes selon les publics et les entreprises. Par exemple, les Compagnons du devoir payent plus généreusement que d’autres entreprises leurs apprentis alors qu’ils forment aussi à des métiers artisanaux.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. L’expérimentation qui a permis d’ouvrir l’apprentissage aux jeunes de vingt-cinq à vingt-neuf ans a connu un grand succès, à la fois auprès des régions volontaires et des apprentis puisque le nombre de contrats d’apprentissage a connu une hausse de 40 % entre juin 2017 et février 2018. On voit que la rémunération n’a pas constitué un frein à la signature des contrats. Aussi, ce rapport ne me semble pas nécessaire à ce stade de la réflexion. Avis défavorable donc.

M. Stéphane Viry. L’étude d’impact me paraît encore un peu maigre, alors que la question de la rémunération des apprentis liée soit à l’âge, soit au diplôme préparé est prégnante. Nous vous demandons seulement d’aller au-delà de cette étude d’impact, afin de nous donner les moyens peut-être de légiférer de façon complémentaire pour permettre à davantage d’hommes et de femmes de recourir à l’apprentissage, et surtout à davantage d’entreprises de recourir à des appentis. C’est la raison pour laquelle je peine à comprendre votre motivation. Je vous rappelle que nous n’avons pas demandé beaucoup de rapports sur la question de la rémunération liée à l’âge alors qu’elle me paraît fondamentale.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement AS987 de Mme Michèle de Vaucouleurs.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Le projet de loi propose une avancée majeure en permettant désormais de rejoindre la filière de l’apprentissage jusqu’à vingt-neuf ans révolus. Nous proposons qu’un rapport soit remis au Parlement avant le 31 décembre 2021 sur l’extension proposée aujourd’hui, afin de voir comment les acteurs se seront adaptés, comment les techniques pédagogiques auront évolué, comment les apprentis de vingt-six à vingt-neuf ans se seront intégrés et dans quelle proportion. Ce retour d’expérience nous permettra de voir s’il est ainsi pertinent d’étendre demain l’apprentissage au-delà de la limite proposée aujourd’hui.

Ce rapport s’intéressera aux conditions de mise en œuvre de cette extension, à son impact sur le nombre d’apprentis, à la bonne intégration des personnes concernées au sein du dispositif de l’apprentissage, à l’évolution des méthodes pédagogiques intervenue du fait de cette extension à de nouveaux publics.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. La présente demande de rapport fait écho à la précédente. En outre, monsieur Viry, il n’était nullement question de rémunération dans la rédaction de l’amendement que vous proposiez, c’est pourquoi je ne vous ai pas répondu spécifiquement sur cette question. L’analyse de l’expérimentation de la généralisation de l’ouverture de l’apprentissage aux personnes ayant jusqu’à vingt-neuf ans révolus montre que les résultats sont très bons, que l’accueil à cette idée est très favorable. On peut donc réserver la rédaction de rapports à des mesures paraissant plus incertaines quant à leurs résultats. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 8 modifié.

Après l’article 8
 

La commission examine l’amendement AS763 de Mme Caroline Fiat.

M. Jean-Hugues Ratenon. La recherche perpétuelle de la productivité, au sein des entreprises, a des effets néfastes sur l’accueil d’un élève en alternance. En effet, nous avons recueilli de nombreux témoignages d’apprentis faisant part d’un sentiment d’abandon par leur tuteur, ou de témoignages de tuteurs qui n’ont pas le temps de s’occuper suffisamment de leurs élèves et s’en sentent coupables.

Dans certaines entreprises où il n’y a pas de véritable culture de l’accueil, les tuteurs n’ont pas assez de temps pour prendre en charge des alternants, ils ne sont pas valorisés financièrement pour cette charge de travail supplémentaire et ils ne reçoivent pas de formation adéquate pour la mener à bien.

Il en résulte le plus souvent une mauvaise expérience à la fois pour l’alternant et pour le tuteur, et qui a tendance à rendre l’apprentissage moins attractif pour l’ensemble des protagonistes. C’est pourquoi nous souhaitons créer un véritable statut du tuteur en entreprise incluant un temps de formation, la prise en compte du temps de travail tutoral, une valorisation salariale et une validation des acquis de l’expérience.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. La valorisation du maître d’apprentissage est une question très importante au point que nous y avons beaucoup réfléchi en travaillant sur cet article. La formation, si elle est intéressante pour valoriser le maître d’apprentissage, ne doit toutefois pas constituer une obligation dès lors qu’il s’agit de développer au maximum la modalité prévue, qui offre de très bonnes perspectives en matière d’insertion professionnelle. Il ne faudrait pas qu’un excès de contraintes finisse par empêcher certains contrats d’apprentissage d’être conclus.

En outre, je ne pense pas que la rémunération et le crédit d’heures soient les meilleurs moyens de valoriser les maîtres d’apprentissage. L’acquisition de diplômes, une validation des acquis de l’expérience (VAE) correspondent mieux à une valorisation liée à l’apprentissage.

À ce stade – où l’apprentissage est encore faiblement développé –, il ne semble pas nécessaire ni souhaitable d’instaurer des obligations systématiques. Il doit revenir à chaque entreprise d’apprécier le moyen le plus incitatif de valorisation de l’apprentissage. Avis défavorable.

M. Pierre Dharréville. Deux de mes amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution. Ils visaient eux aussi à valoriser les maîtres d’apprentissage en bonifiant leurs trimestres par apprenti formé. Il y a là une piste à étudier sur laquelle je souhaite connaître l’avis de la ministre.

M. Boris Vallaud. Je m’interroge également – sans pour autant partager les propositions qui viennent d’être faites – sur les moyens à trouver pour inciter à devenir maître d’apprentissage.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Le point positif, c’est qu’il y a un consensus sur le fait qu’il faut inciter à être maître d’apprentissage et valoriser l’apprentissage. Ensuite, la motivation d’un maître d’apprentissage n’est pas forcément liée à l’obtention de points pour la retraite. Déjà, et tout le monde est d’accord sur ce point, il faut reconnaître qu’il s’agit d’une compétence qui, dans une carrière, doit être valorisée, reconnue – c’est le plus important pour commencer car de nombreux maîtres d’apprentissage ont aujourd’hui l’impression, parfois justifiée, de faire beaucoup pour les jeunes, sans qu’on le reconnaisse. Les branches professionnelles nous ont fait savoir leur volonté de s’impliquer en la matière. Reste que la conception de la valorisation de l’apprentissage n’est peut-être pas la même – et je vous parle d’expérience – pour un artisan et pour un grand groupe.

Il me paraît prématuré – et trop rigide – de définir cette revalorisation dans la loi. Il faut laisser les acteurs en inventer les différentes formes, quitte à les compléter ultérieurement par des dispositions législatives, mais, pour l’heure, ils semblent mettre plutôt en avant la reconnaissance des acquis de l’expérience, la reconnaissance d’un titre, surtout, qui sera au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP).

La commission rejette l’amendement.

L’amendement AS1167 de M. Éric Girardin est retiré.

La commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements AS764 de Mme Caroline Fiat et AS524 de M. Pierre Dharréville.

M. Adrien Quatennens. Par l’amendement AS764, nous proposons que le salaire de l’apprenti ne puisse être inférieur au seuil de pauvreté et qu’il tienne compte de la qualification visée. Jusqu’à l’âge de vingt et un ans, le seuil maximal de rémunération d’un apprenti est d’environ 65 % du SMIC, à savoir, en 2018, 974 euros. Plus jeune, un apprenti reste sous le seuil de pauvreté. Cela rompt avec deux principes essentiels : celui de bonne appréhension du travail salarié, selon lequel un revenu doit être proportionné aux qualifications ; et celui consistant à assurer un niveau de vie permettant de vivre dignement, ce qui n’est pas possible avec les rémunérations que je viens de mentionner.

Le texte vise à revaloriser l’apprentissage. Eh bien, nous pensons que cette revalorisation passe également par celle de la rémunération. Cela permettra sinon d’éviter, du moins de diminuer les effets d’aubaine liés à l’embauche d’un apprenti et ne pourra qu’améliorer sa relation avec l’entreprise qui l’embauche.

M. Pierre Dharréville. L’objectif de l’amendement AS524 est que le salaire des apprentis ne puisse être inférieur à 80 % du SMIC afin d’éviter une nouvelle atteinte aux droits des plus jeunes et de lutter contre les effets d’aubaine potentiels permettant aux entreprises d’avoir facilement recours à une main-d’œuvre peu payée. D’ailleurs, selon une enquête menée en 2011, 70 % des apprentis affirment être mal payés, ce qui s’explique par la grille de rémunération qui n’est pas attirante pour les jeunes – ; ils ont par ailleurs des frais relativement importants, selon l’activité professionnelle qu’ils ont choisi d’exercer. S’y ajoutent des frais importants pour la restauration, les déplacements, le logement… Grâce à notre proposition, les apprentis auront des conditions de vie dignes.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Je tiens à rappeler que l’apprenti ne travaille pas à temps plein dans l’entreprise mais à temps partiel, certaines semaines, parfois moins. Ensuite, on sait bien que les jeunes apprentis ne sont pas aussi productifs qu’un salarié, ce qui est logique. Enfin, les employeurs expliquent que les apprentis rémunérés à hauteur de 70 % ou 80 % du SMIC, compte tenu des heures de présence dans l’entreprise, coûtent plus cher qu’un salarié au SMIC, ce qui pose tout de même un problème d’attractivité.

Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable.

M. Sylvain Maillard. Nous ne pouvons pas laisser passer les propos tenus par nos deux collègues. Que ce soit clair : un jeune vient en apprentissage non pas parce qu’il s’agirait d’un emploi à part entière mais pour apprendre. On ne peut donc pas appréhender ce jeune comme s’il était un travailleur – ce serait une erreur. La rapporteure l’a rappelé : combien de représentants de branches nous ont dit qu’il coûtait plus cher d’avoir un apprenti au taux horaire qu’un salarié au SMIC ! On a envie d’approuver ce que vous dites, on a envie de mieux payer les gens ; mais si l’on accède à vos demandes, il n’y a plus d’apprentissage possible. Ce qui me conduit à nouveau à vous poser la question de savoir si vous voulez vraiment favoriser l’apprentissage.

M. Boris Vallaud. Les apprentis sont-ils éligibles à la prime d’activité et si oui dans quelles conditions ?

M. Gérard Cherpion. La présente discussion montre bien l’intérêt du rapport que j’ai demandé tout à l’heure, visant à dresser un état des lieux et à définir un équilibre global.

M. Adrien Quatennens. Assez de ce procès d’intention, monsieur Maillard, selon lequel nous ne voudrions pas revaloriser l’apprentissage. Nous vous avons expliqué maintes et maintes fois que nous ne sommes pas opposés à l’apprentissage par principe mais à son développement tous azimuts au point qu’il remplace la formation professionnelle.

J’ai moi-même été apprenti dans une formation d’environ trente-cinq personnes. Eh bien, selon l’entreprise où l’on va en tant qu’apprenti, la manière dont on est traité n’est absolument pas la même. Vous avez du reste tenu des propos justes : l’apprenti n’est pas là pour être un travailleur mais pour apprendre. Ayez donc une exigence égale pour les employeurs : faites le tour des entreprises et vous verrez que de nombreux employeurs considèrent l’apprenti non pas comme quelqu’un qui vient apprendre mais comme de la main-d’œuvre à bas coût.

On peut donc se dire qu’un bon point d’équilibre est dans une juste rémunération.

Par ailleurs, vous parlez de revaloriser l’apprentissage ; or la juste rémunération que nous réclamons y participe. N’ayez pas peur d’un système qui garantirait une juste rémunération pour un apprenti qui vient en effet apprendre et auquel on confierait un certain nombre de tâches, mais dont un suivi serait assuré par l’entreprise. Vous avez, j’y insiste, l’exigence à géométrie variable : vous êtes exigeants avec les apprentis – ils viennent seulement pour apprendre…

M. Sylvain Maillard. C’est bien le cas !

M. Adrien Quatennens. Certes, mais quand on évoque les obligations de l’employeur vous êtes moins exigeants. Ayez donc la même exigence des deux côtés, y compris en matière de rémunération.

M. Gérard Cherpion. Il ne faut pas non plus fustiger les employeurs. Si vraiment ils embauchaient des apprentis pour avoir de la main-d’œuvre à bas coût, eh bien nous aurions 600 000 ou 700 000 apprentis en France ! Ce n’est pas le cas puisque nous n’en avons pas suffisamment. Il faut donc prendre le problème dans le bon sens.

M. Pierre Dharréville. Dans nombre d’entreprises, former un apprenti pourrait être considéré comme un investissement pour l’avenir. Lorsqu’on a formé quelqu’un, qu’il connaît donc le travail, qu’il connaît l’entreprise, qu’il y est lui-même connu… continuer l’aventure ensemble peut être un avantage mutuel.

Il serait très utile de savoir, parmi les apprentis qui décrochent leur diplôme, combien sont gardés dans l’entreprise qui les a formés. C’est dans cette perspective qu’on peut envisager la question de la rémunération telle que nous la posons.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. La moitié des jeunes apprentis, après la fin de leur contrat d’apprentissage, restent dans l’entreprise où ils ont été formés.

La commission rejette successivement ces amendements.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements AS247 de Mme Élisabeth Toutut-Picard et AS118 de M. Patrick Hetzel.

Mme Élisabeth Toutut-Picard. L’article 77 de la loi du 8 août 2016 prévoit une expérimentation aux termes de laquelle les régions volontaires peuvent différer l’entrée en contrat d’apprentissage jusqu’à trente ans, l’âge limite légal étant de vingt-cinq ans. Les premiers résultats sont encourageants : en 2017, 1 754 contrats ont été conclus avec des apprentis âgés de vingt-six à trente ans. L’article 8 du présent projet de loi en tire la conséquence en généralisant l’extension de l’âge limite à trente ans.

L’amendement AS247 vise à renouveler l’expérimentation, dans les régions volontaires, pour permettre l’entrée en apprentissage, cette fois jusqu’à quarante ans. Il ne s’agit pas de faire de la surenchère, mais des personnes souhaitant se reconvertir après une première carrière professionnelle – je pense aux femmes qui ont interrompu leur activité pour élever leurs enfants – peuvent en effet être tentées par l’apprentissage pour concrétiser leur nouveau projet. Il convient donc d’ouvrir le champ des possibles afin de ne pas décourager les vocations.

M. Patrick Hetzel. L’amendement AS118 est quelque peu différent : il ne s’intéresse pas à la limite d’âge mais à l’âge minimum. Que se passe-t-il en effet entre quatorze et seize ans ? Nous savons que les jeunes de cette tranche d’âge sont particulièrement sujets au décrochage. Des spécialistes de l’éducation savent que si on veut les motiver, leur proposer la possibilité de faire de l’apprentissage peut avoir du sens. J’ajoute que, selon les promoteurs du texte, il faut absolument renforcer l’apprentissage pour les niveaux V et IV, à savoir de titulaires du certificat d’aptitude professionnelle (CAP) ou du baccalauréat professionnel.

Pour aller dans ce sens, il faut faire en sorte de ne pas obliger certains jeunes à rester dans le système classique jusqu’à l’âge de seize ans parce que les récupérer ensuite pour l’apprentissage se révèle problématique. Le présent amendement signifie donc que se pencher sur ce problème a du sens. Puisque nous n’avons pas, nous parlementaires, la possibilité de faire une étude d’impact, nous demandons, dans les six mois qui suivent la promulgation du texte, que le Gouvernement nous remette un rapport sur la possibilité de permettre l’apprentissage dès l’âge de quatorze ans, en alternance, et sur la possibilité de le développer au niveau régional. Quand vous regardez une carte de l’Europe, vous vous rendez compte que les pays où l’apprentissage est le plus développé, sont ceux où il est permis dès l’âge de quatorze ans.

Notez que nous faisons confiance au Gouvernement puisque nous souhaitons nous appuyer sur un rapport qu’il remettrait au Parlement.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Nous avons déjà discuté de l’apprentissage avant seize ans. Je pense qu’une telle mesure n’est pas souhaitable : il est important qu’un jeune puisse rester dans le système scolaire jusqu’à seize ans. Je vous rejoins toutefois pour considérer qu’un jeune qui ne se retrouve pas dans le parcours scolaire classique doit pouvoir trouver sa place dans d’autres dispositifs – nous allons bientôt examiner un amendement sur les « prépas métiers », déjà discuté en commission des affaires culturelles et de l’éducation, et qui me paraît répondre à cet enjeu. En effet, avec des pédagogies innovantes il doit être possible d’amener le jeune en question à s’intéresser à la filière professionnelle et d’apprentissage et, petit à petit, lui permettre de découvrir des métiers tout en poursuivant son apprentissage des savoirs fondamentaux. J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement AS118.

En ce qui concerne l’amendement AS247 de Mme Toutut-Picard, je réaffirme notre souhait de maintenir l’apprentissage dans une optique de formation initiale et donc qu’il soit réservé à des jeunes – dont l’âge varie, certes, en fonction de leur parcours universitaire, de leur éventuelle réorientation, et qui peuvent se chercher au point d’atteindre l’âge de trente ans… Vous avez soulevé le cas, réel, de personnes qui auraient besoin de suivre des formations en alternance pour monter en qualification, pour se reconvertir, pour bénéficier d’une promotion. Là aussi, je proposerai à l’article 13 l’instauration d’un dispositif très ambitieux en la matière. Je vous invite par conséquent à retirer votre amendement, sinon j’émettrai un avis défavorable.

M. Adrien Quatennens. L’amendement de M. Hetzel nous a particulièrement étonnés. Si on veut développer l’apprentissage dans de bonnes conditions, on doit pouvoir se garder de faire travailler des enfants – à quatorze ans, on est encore un enfant. Je ne sais pas combien d’entre vous ont des enfants apprentis ni combien d’entre vous ont été apprentis, mais je vous prie de croire qu’à quatorze ans, on est beaucoup trop jeune pour accomplir même les tâches demandées à un apprenti. Gardons-nous de ce type d’excès.

M. Patrick Hetzel. Évidemment je ne suis pas d’accord avec ce que vient de dire notre collègue pour une raison toute simple : la question de la motivation. L’avantage du dispositif que nous proposons est que le jeune a un pied de chaque côté : un à l’école et l’autre dans la vie professionnelle. Surtout, vous avez avancé un argument, madame la rapporteure, auquel je ne souscris en rien : j’ose espérer que l’innovation pédagogique ne se limite pas à la tranche d’âge des quatorze-seize ans lorsqu’ils sont en situation de décrochage. J’ose espérer qu’elle concernera, si je puis dire, tous les étages et tous les dispositifs de formation, y compris l’apprentissage conventionnel.

J’entends vos arguments, je ne les partage pas ; voilà donc une nouvelle ligne de démarcation entre nous. Encore une fois, c’est par expérience que je m’exprime, mon expérience, en particulier, de recteur d’académie : quand vous échangez avec des enseignants, ils vous demandent clairement quoi faire avec ces jeunes qui perturbent la classe – c’est un vrai problème –, que par ailleurs on démotive et qui sont donc, à l’âge de seize ans, très difficiles à récupérer pour l’apprentissage.

M. Boris Vallaud. L’apprentissage ne doit pas être la voie d’exfiltration de l’éducation nationale – ce ne serait en tout cas pas très satisfaisant de le considérer ainsi puisque ce serait en donner une bien piètre image.

Il est déjà difficile de faire accepter des mineurs à des maîtres d’apprentissage, alors imaginez des enfants – puisque c’est d’enfants qu’il s’agit – de quatorze ans : ils se verraient opposer refus sur refus. Je ne suis pas sûr qu’ainsi nous n’émousserions pas une vraie motivation à s’engager, deux ans plus tard, dans la voie de l’apprentissage.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Il est difficile pour certains enfants de se reconnaître dans l’enseignement classique. Nous devons vraiment réfléchir à un enseignement appliqué différent du système scolaire plus abstrait – car, quoi qu’on dise, le collège reste en partie assez abstrait. Une réflexion, je le répète, reste à mener – et c’est l’objet de l’amendement que je vais bientôt défendre – sur ces jeunes pourvus d’une intelligence pratique, mais vraiment pratique, et qui ne peut pas s’exprimer : elle est bridée. Alors on peut la brider longtemps, mais, à un moment donné, quand on ne peut pas s’exprimer, on perd le goût des choses et on perd le goût d’apprendre.

M. Pierre Dharréville. Le décrochage, l’échec scolaire, les différentes envies des jeunes, l’adaptation de l’école à différents profils, toutes ces questions sont importantes mais je ne crois pas que l’apprentissage en soit la réponse. Nous devons mener un débat beaucoup plus vaste, et c’est pourquoi je regrette que le texte traite à la fois de la formation professionnelle et de l’apprentissage tant l’apprentissage aurait en soi mérité un projet de loi. La professionnalisation ne devrait en effet pas être le seul angle sous lequel envisager l’apprentissage.

Je ne voterai donc pas l’amendement de M. Hetzel : je n’ai pas besoin de rapport du Gouvernement pour savoir que je suis opposé à l’extension de l’apprentissage à quatorze ans.

M. Gérard Cherpion. J’aimerais être d’accord avec notre collègue Vallaud mais je dois bien constater qu’il existe encore dans l’éducation nationale des fiches par lesquelles on soumet aux parents la possibilité de faire redoubler leur enfant ou de les inscrire en apprentissage. Est-ce une manière de valoriser l’apprentissage ?

M. Boris Vallaud. Certes, monsieur Cherpion, cela dit, je ne sais pas de quand datent ces fiches puisque le redoublement avait été supprimé…

Mme Michèle de Vaucouleurs. On ne peut pas souscrire à l’idée d’un apprentissage à un très jeune âge. On entend bien, toutefois, que des jeunes ont vraiment envie d’aller au travail. Il faut donc absolument que nous favorisions des dispositifs de professionnalisation mais, ici, plutôt sous forme de stages et non avec la contrainte, à quatorze ans, d’avoir un employeur, de mener déjà une vie d’adulte.

M. Denis Sommer. Merci de m’accueillir au sein de votre commission – j’appartiens moi-même à la commission des affaires économiques. On constate que des gamins sont en difficulté, en situation de décrochage et l’idée géniale serait de les mettre au boulot alors que c’est loin d’être la seule solution. Vous avez ainsi évoqué, madame la ministre, les quartiers de la politique de la ville, mais on peut également orienter les jeunes en question vers le développement culturel, le théâtre, l’apprentissage des arts – qui donnent aussi d’excellents résultats.

Nous avons ainsi créé, avec plusieurs villes de notre agglomération, un « orchestre des quartiers ». Parmi ses membres, des mômes étaient en difficulté scolaire et du fait d’être associés à cette démarche ils se trouvent dans une meilleure situation – y compris à l’école. En effet, ils ont travaillé en groupe, ils ont appris la patience, ils ont appris à communiquer avec les autres – quand on joue d’un instrument au sein d’un orchestre symphonique, on apprend à être avec les autres. L’apprentissage, je le répète, n’est pas la bonne solution au décrochage ; c’est souvent une solution par défaut : le gamin se sent mal à l’école et donc se dit qu’il va aller bosser. Mais n’oublions pas que près de 30 % des contrats d’apprentissage sont rompus dès la première année – et ce sont donc des jeunes qui les rompent.

Aussi, prendre les choses comme vous le faites, c’est encore contribuer, me semble-t-il, à dévaloriser l’apprentissage. Notre société doit offrir plus d’ouvertures que cela.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Je vais mettre ces amendements aux voix… Je vois que vous demandez la parole, monsieur Hetzel, mais vous l’avez déjà eue trois fois ; je suis navrée, je viens d’annoncer que j’allais mettre les amendements aux voix…

M. Patrick Hetzel. Puis-je tout de même vous demander, auparavant, de retirer mon amendement ? Est-ce possible ?

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Je vais surtout vous demander de me parler autrement, monsieur Hetzel.

M. Patrick Hetzel. La réciproque est aussi valable, madame la présidente.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Tout à fait. Habituellement, dans cette commission, les choses se passent toujours très bien…

M. Patrick Hetzel. Vous vouliez me refuser la parole !

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Je ne vous refuse pas la parole, je vous l’ai donnée à trois reprises…

M. Patrick Hetzel. Je voulais simplement dire que je retirais mon amendement et vous ne vouliez pas me le permettre, c’est tout de même incroyable !

L’amendement AS118 est retiré.

La commission rejette l’amendement AS247.

Article additionnel ‑ Article 8 bis
Création d’une troisième « prépa-métiers »

La commission examine, en discussion commune, les amendements AS136 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, AS1041 de Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe et AS340 de M. Gérard Cherpion.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles. L’amendement AS136 vise tout d’abord à supprimer du code de l’éducation le dispositif d’initiation aux métiers en alternance (DIMA), dont les résultats se sont avérés décevants et dont les objectifs seront repris par les dispositifs de préparation à l’apprentissage prévus à l’article 4.

Il vise, en outre, à créer une nouvelle classe de troisième, dite « prépa-métiers », destinée à accueillir les élèves souhaitant s’orienter vers la voie professionnelle du lycée ou vers l’apprentissage afin qu’ils approfondissent leur connaissance de ces filières et des métiers et puissent formuler leurs souhaits d’orientation en étant informés. Cette classe devra s’appuyer sur des pédagogies innovantes notamment des pédagogies de projet, de type mini-entreprise ou Manufacto – il s’agit de partir du concret pour donner du sens.

J’entends qu’on souhaite mettre en valeur toutes les formes d’intelligence ; il faudra bien, dans les cours donnés au collège, qu’on mette en valeur l’intelligence de la main.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Le préapprentissage vise à faire découvrir les métiers et les formations, la voie professionnelle ou à préparer à l’entrée en apprentissage. Des dispositifs se sont succédé ces dernières années – j’ai même connu les classes préparatoires à l’apprentissage (CPA). Le dispositif d’initiation aux métiers de l’alternance (DIMA), en place depuis plusieurs années, vise à préparer le jeune à la pédagogie de l’alternance, qui permet l’expression d’une intelligence plus pratique, plus professionnelle et qui donne au jeune confiance en soi et l’envie d’apprendre.

Or, comme le souligne le rapport de Sylvie Brunet, remis le 31 janvier 2018, ce dispositif demeure très marginal et souffre d’une attractivité très limitée puisqu’il ne concerne que 5 000 jeunes et ne débouche pas nécessairement sur une orientation vers l’apprentissage. Outre le préapprentissage, d’autres dispositifs tournés spécifiquement vers les jeunes en décrochage scolaire se développent depuis quelques années avec le réseau des écoles de la deuxième chance (E2C).

Il me paraît intéressant d’évaluer les dispositifs en vigueur, comme le suggèrent Marc Ferracci et Pierre Cahuc dans leur ouvrage intitulé L’apprentissage, donner la priorité aux moins qualifiés. C’est ce que propose l’amendement AS1041. C’est important dans la perspective d’améliorer l’efficacité de l’intervention publique et de donner le goût de l’apprentissage, de mieux aider les jeunes qui ne se retrouvent pas dans un système classique d’apprentissage.

M. Stéphane Viry. Nous avons précédemment évoqué l’apprentissage dès l’âge de quatorze ans, les classes « prépa-métiers »… Je vous propose pour ma part une solution qui permettrait à un jeune de conserver la possibilité de poursuivre une scolarité classique tout en éprouvant son aptitude à un métier. L’amendement AS340 propose ainsi une formation d’apprenti junior qui viserait bien sûr à l’obtention d’une qualification professionnelle et qui comprendrait parallèlement un parcours d’initiation aux métiers, le tout, j’y insiste, dans le cadre scolaire. L’idée est qu’ensuite le jeune suive une formation en apprentissage. Ce serait une solution pour inciter à l’apprentissage – puisque c’est bien ce dont il s’agit ici – des jeunes qui ne seraient pas à l’aise dans leur cursus scolaire.

Le dispositif proposé est différent de ceux en vigueur ailleurs en Europe et notamment en Allemagne où l’on demande parfois à un jeune dès onze ou douze ans de choisir entre la formation classique et la formation professionnelle.

Le présent amendement prévoit la remise d’un rapport car des questions se posent sur ce dispositif : quid de la définition du projet pédagogique du jeune, quid de sa possibilité de reprendre sa scolarité dans un collège, quid de la nature des enseignements dispensés ainsi que des modalités d’un stage en milieu professionnel, quid de la possibilité de signer un contrat d’apprentissage anticipé dès lors que le jeune est prêt – éventuellement dès l’âge de quinze ans –, enfin quid du rôle de la région ?

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Ces trois amendements cherchent des solutions susceptibles de convenir à certains jeunes qui ne se sentiraient pas à l’aise dans un cursus scolaire classique. L’idée de mettre en place des « prépa-métiers » en troisième a déjà été discutée au sein de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Cette solution, proposée par l’amendement AS136, paraissant la bonne, j’y suis favorable et c’est pourquoi je suis défavorable aux propositions contenues dans les amendements AS1041 et AS340 qui, malgré leur intérêt, me paraissent insuffisamment précises.

M. Gérard Cherpion. Supprimer le DIMA me semble une erreur. Il a en effet été mis en place pour amener des jeunes vers l’apprentissage par le biais de classes dont l’esprit est semblable à celui des classes de sport étude. Grâce au DIMA, des jeunes, tout en restant sous statut scolaire, peuvent découvrir des métiers. Ce dispositif ne fonctionne pas comme on le voudrait pour deux raisons : d’abord, l’éducation nationale souhaite garder les enfants ; ensuite, le DIMA devait concerner des jeunes atteignant l’âge de quinze ans dans l’année civile – or l’éducation nationale a interprété le texte différemment et considéré qu’il s’agissait des jeunes célébrant leur quinzième anniversaire au cours de l’année scolaire, si bien que tous ceux nés après le 1er juillet ne peuvent pas bénéficier du DIMA ; il me semble du reste que cet obstacle est aujourd’hui levé.

Ensuite, si les amendements AS1041 et AS340 prévoient la remise de rapports, c’est pour contourner l’article 40 de la Constitution et donc éviter de proposer une aggravation de la dépense publique.

Il faut se rappeler que dans certains coins de notre pays, mais aussi en région parisienne, des jeunes décrochent dès l’âge de douze ans, quand ce n’est pas avant. Il ne faut pas laisser ces gamins à la rue – et c’est en les accompagnant vers l’apprentissage tout en les gardant dans un cadre scolaire qu’on leur permettra de s’en sortir. Car cela coûte beaucoup plus cher de les récupérer ensuite.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Je ne propose pas un rapport pour proposer un rapport. Vous l’avez dit vous-même, madame la rapporteure, nous balbutions encore et – je suis un peu têtue –, je pense qu’il est important d’évaluer ce qui existe déjà pour ensuite soit, comme le propose M. Cherpion, étendre le dispositif en vigueur, mieux le promouvoir, soit le modifier. Mais vouloir l’étendre sans prendre le temps de bien comprendre ce qui se passe, je trouve que c’est dommage.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur Cherpion, la difficulté des DIMA tenait au fait qu'ils étaient implantés en lycée professionnel et donc centrés sur un champ professionnel. Quand un DIMA était implanté dans un lycée du bâtiment, les jeunes allaient découvrir les métiers du bâtiment et exclusivement ceux-là : peintre, maçon et autres. Sur une classe, seulement cinq ou six jeunes continuaient leur formation sur la voie professionnelle dans ce type de structure. Je me réfère à des constats qui ont été faits par l'éducation nationale. Je n’invente pas l'eau chaude mais je me fie à l'éducation nationale qui a tiré les conséquences de ces dispositifs et je pense que ce n’est pas uniquement une histoire d'âge.

M. Gérard Cherpion. Dans le département des Vosges, nous avons soixante ou soixante-quinze jeunes qui sont en DIMA dans un CFA et non pas dans un lycée professionnel, et cela fonctionne.

La commission adopte l'amendement AS136.

En conséquence les amendements AS1041 et AS340 tombent.

Après l’article 8 bis
 

La commission examine l'amendement AS1124 de M. Éric Girardin.

M. Belkhir Belhaddad. Cet amendement vise à élargir les missions pouvant être réalisées par un apprenti, en limitant les interdictions trop systématiques liées à la dangerosité des tâches. Interdire sans précision les activités dangereuses revient à restreindre considérablement les missions de l’apprenti et à nuire à la qualité de son apprentissage. La dangerosité étant appréciée de manière très large, les activités de peinture réalisées à l'aide d'une échelle, par exemple, sont interdites aux apprentis. Nous proposons une reformulation qui limite l'interdiction aux missions d’une dangerosité particulière.

La définition du code du travail étant large, même si des décrets viennent la préciser et l’aménager, le principe de précaution pèse lourdement. Pour les activités dangereuses, nous proposons d'accroître les obligations à la charge du tuteur ou du maître d'apprentissage, en renforçant celles-ci dans le domaine de l'information, de la formation mais aussi de la surveillance et de l'accompagnement. C'est au tuteur qu’il revient, en premier lieu, de ne pas proposer des activités trop dangereuses à l’apprenti. Notre formulation nous paraît respecter un juste équilibre entre protection de l'apprenti et acquisition de savoirs et de compétences.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Pour les mineurs, le code du travail prévoit déjà des dérogations qui ont été simplifiées par un décret de mai 2015. Vous proposez de laisser l'employeur plus libre de définir ce que son apprenti est autorisé à faire ou non. À mon sens, votre proposition ne sécurise ni le jeune ni l'employeur ni le maître d'apprentissage. Elle ne me paraît pas judicieuse. Les maîtres d'apprentissage connaissent leur métier mais sont-ils toujours aptes à définir eux-mêmes ce qu’est une activité dangereuse ? Je pense qu’il faut continuer à cadrer ces activités avec vigilance et je suis donc défavorable à cet amendement.

M. Gérard Cherpion. Cet amendement est dangereux. En fait, les jeunes qui entrent en apprentissage devraient suivre un module sur la sécurité avant d’être envoyés sur un chantier. Sur ce point, nous pourrions nous entendre et trouver une solution. En revanche, cet amendement ouvre la porte à n'importe quoi. Le risque est énorme. Je ne vois pas quel chef d'entreprise sensé prendra un apprenti en estimant lui-même la dangerosité des travaux qu’il lui confie. En cas d’accident – nous aimerions que cela ne se produise jamais –, ce chef d'entreprise serait condamné et en subirait les conséquences pour le reste de ses jours. À mon avis, cet amendement n'est pas acceptable.

M. Sylvain Maillard. Madame la présidente, comme je n’ai pas eu l’occasion de prendre la parole depuis l’intervention de M. Hetzel, je voudrais saluer la façon dont vous présidez les débats. Ce serait bien qu’ils continuent à se dérouler de manière aussi sereine.

Pour rebondir sur les propos de M. Cherpion, je dirais que cet amendement, qui paraît intéressant, fait peser une insécurité juridique sur le maître d’apprentissage. Les chefs d’entreprise risquent d’être encore moins enclins à prendre des apprentis s’ils doivent eux-mêmes évaluer la dangerosité des missions qu’ils leur confient. Suivant l’avis de la rapporteure, nous ne voterons pas pour cet amendement.

L'amendement est retiré.

La commission est saisie de l'amendement AS1053 Mme Frédérique Lardet.

Mme Frédérique Lardet. Cet amendement propose de modifier l'article L. 4153-6 du code du travail pour renforcer la protection des apprentis ou employés mineurs dans les établissements titulaires d'une licence de boissons, tout en simplifiant les procédures d'accueil de ces jeunes.

Tout d’abord, la mention « à consommer sur place » est supprimée pour que les apprentis ou employés mineurs soient également protégés, quelle que soit la licence autorisant la vente d’alcool. Au passage, je signale qu’il y a aussi de l’alcool dans les points de vente à emporter.

Ensuite, afin de simplifier l’accueil des mineurs, la procédure d’agrément est remplacée par une déclaration préalable. Cet allégement procédural se justifie par le fait que dans tous les cas de figure, les professionnels de la branche cafés, hôtels, restaurants (CHR) doivent, pour accueillir des alternants, suivre une formation préalable sanctionnée par un permis de former.

Ce même alinéa corrige une anomalie concernant l’embauche d’un jeune ayant la qualification professionnelle nécessaire. Actuellement, un jeune qui obtient cette qualification avant sa majorité doit attendre d’avoir dix-huit ans pour être embauché. L’amendement permet d’autoriser l’embauche dès que le jeune possède cette qualification, lui évitant une entrée inutilement retardée sur le marché du travail.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Cet amendement tend à élargir le champ de l'interdiction du travail des mineurs dans les débits de boissons. Je ne peux que repousser votre proposition car nous cherchons, au contraire, à assouplir un régime qui, de l'avis de tous, est trop rigide pour les débits de boissons. Concrètement, certains jeunes apprentis doivent demander une autorisation pour exercer une activité dans l'hôtellerie lorsque l'établissement est aussi un débit de boissons. Je suis donc défavorable à votre amendement.

Mme Frédérique Lardet. L'amendement se décompose en deux temps. Dans le premier temps, nous proposons d’appliquer le système à tous les établissements, qu’ils fassent de la vente sur place ou à emporter. Dans un deuxième temps, on demande un assouplissement pour que les propriétaires de débits de boissons puissent employer des mineurs en faisant une simple déclaration préalable, sans être obligés de demander un agrément. L’amendement est peut-être mal rédigé mais, en fait, il tend plutôt à assouplir le système, notamment en permettant aux mineurs diplômés de pouvoir travailler dans un restaurant. Actuellement, un jeune diplômé de seize ou dix-sept ans ne peut pas être embauché dans un restaurant détenteur d’une licence 3. Mon explication est-elle plus claire, madame la rapporteure ?

Mme Catherine Fabre, rapporteure. En fait, l’assouplissement dont vous parlez est prévu à l’amendement AS1154 que nous allons examiner dans un instant et auquel je suis favorable.

L'amendement est retiré.

Article additionnel ‑ Article 8 ter
Assouplissement du cadre juridique applicable aux mineurs dans un débit de boissons à consommer sur place

La commission en vient à l'amendement AS621 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je le retire.

L'amendement est retiré.

La commission examine l'amendement AS1154 de M. Sylvain Maillard.

M. Guillaume Chiche. Le code du travail pose le principe selon lequel l’emploi de jeunes âgés de moins de dix-huit ans est interdit dans les débits de boissons à consommer sur place.

Des aménagements à ce principe sont toutefois prévus pour les jeunes âgés de plus de seize ans et de moins de dix-huit ans embauchés ou accueillis dans un débit de boissons à consommer sur place, sous réserve de l’obtention par l’exploitant d’une autorisation administrative préalable, un agrément du préfet. En général, les préfets délèguent cette compétence aux directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE).

En application des textes du code du travail, dès lors qu’ils envisagent d’accueillir un jeune âgé de plus de seize ans et de moins de dix-huit ans dans le cadre d’une formation continue alternée ou d’un stage en entreprise intégré à un cursus de l’enseignement professionnel, les exploitants des débits de boissons sont tenus de demander un agrément, et cela indépendamment du poste d’affectation du jeune. Il s’agit des exploitants des débits de boissons à consommer sur place qui sont titulaires de la licence de troisième ou quatrième catégorie, de ceux qui sont titulaires de la petite licence restaurant, de la licence restaurant, ainsi que les exploitants de débits de boissons temporaires autorisés par le maire.

Actuellement, cette procédure d’agrément préfectoral, qui revêt une certaine lourdeur, ne se justifie plus, au regard notamment des derniers assouplissements introduits par un décret du 17 avril 2015 concernant d’accueil en entreprise de ces jeunes.

Ce texte a considérablement simplifié les formalités des employeurs en remplaçant l’ancien régime d’autorisation de dérogation aux travaux interdits par la mise en place d’une formalité déclarative. Au vu de ces éléments, et dans le contexte de la réforme de l’apprentissage, il apparaît nécessaire de simplifier le dispositif d’agrément, en cohérence avec les mesures de simplification prises en 2015, tout en maintenant un niveau de protection suffisant pour les jeunes.

Le présent amendement vise à modifier le code du travail et le code de la santé publique afin de restreindre le champ de l’agrément aux seuls exploitants de débits de boisson à consommer sur place accueillant des mineurs affectés au service du bar.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. En effet, les agréments demandés sont actuellement indépendants du poste d'affectation du jeune. Il me paraît opportun et nécessaire de restreindre le champ de l'agrément aux mineurs qui sont affectés au service du bar. Avis favorable.

La commission adopte l'amendement.

Article 9
Assouplissement du cadre juridique du contrat d’apprentissage

La commission est saisie de l'amendement AS520 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. Actuellement, la rupture d'un contrat d'apprentissage peut nécessiter l'intervention du conseil de prud'hommes. L'article 9 prévoit des possibilités de rupture dans quatre cas : accord écrit des parties ; licenciement pour faute grave ou inaptitude ; licenciement dans le cadre de l'exclusion définitive d'un apprenti de son CFA ; rupture à l'initiative de l'apprenti.

L'article proposé précarise, une fois de plus, le jeune apprenti qui se trouve sous la pression de l'employeur. Un risque de chantage à la rupture de contrat peut exister. Cet article est dans la droite ligne des ordonnances réformant le code du travail. Vous aviez annoncé que la loi sur la formation professionnelle protégerait. Cet article va dans la direction inverse : les possibilités de rupture de contrat, sans possibilité de faire appel aux prud'hommes, sont une déréglementation du droit du travail au service des intérêts économiques.

L'objectif, au contraire, devrait être de sécuriser le parcours de formation de l’apprenti afin de lui permettre de poursuivre, dans de bonnes conditions, sa formation pratique et théorique, facilitant ainsi son insertion professionnelle.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Cette procédure est une véritable exception du régime contractuel de l'apprentissage, sans équivalent dans le droit du travail. Or notre objectif est de rapprocher autant que possible ce contrat du droit commun.

De nombreux rapports, dont celui de l'IGAS en 2013 ou celui issu de la concertation, ont proposé la fin de cette procédure. Cette mesure fait l'objet d'un relatif consensus chez les principaux intéressés.

Le juge pourra toujours être saisi en cas de litige entre les parties sur les conditions de la rupture. Le droit au juge peut être garanti sans qu'on l'oblige à se prononcer dans des affaires qui ne le justifient pas.

Pour ces raisons, je suis défavorable à votre amendement et à tous ceux qui visent à revenir sur cet assouplissement de la procédure.

M. Gérard Cherpion. Je vais défendre cet article 9 en prenant un exemple concret : le cas d’un jeune apprenti dans les métiers du bois et dont le maître d'apprentissage, un homme d'une quarantaine d'années qui travaillait seul, s’est récemment tué en forêt. Le contrat d'apprentissage ne peut pas être rompu. On lui a dit d’aller aux prud'hommes, qui se sont déclarés incompétents étant donné que la personne qui peut signer la rupture du contrat n'est pas présente, et pour cause puisqu'elle est décédée. Ce jeune pourrait être embauché par une autre entreprise, par un glissement de contrat, mais on ne peut pas le faire. J’ai contacté la DIRECCTE mais, en l’état actuel de la législation, on ne peut pas rompre le contrat. Ce n’est peut-être pas si exceptionnel puisque j’ai vu deux cas de ce type cette année.

La commission rejette l'amendement.

Puis elle en vient à l’amendement AS762 de Mme Caroline Fiat.

Mme Caroline Fiat. Cet amendement de suppression des alinéas 2 à 8 vise à raccourcir le délai de saisine des prud'hommes.

En l'état actuel du droit, le contrat d'apprentissage peut être rompu par l'une ou l'autre des parties durant les deux premiers mois. Passé ce délai, la rupture du contrat peut être prononcée par le conseil des prud'hommes en cas de faute grave ou de manquements répétés de l'une des parties à ses obligations. Le droit actuel est donc parfaitement satisfaisant puisqu'il permet la rupture de contrat pour des motifs légitimes et garantit les droits des deux parties.

Cet article tend à supprimer le dispositif actuel pour le remplacer par plusieurs dispositions beaucoup moins protectrices pour les jeunes en apprentissage. Il introduirait une inégalité de traitement inadmissible entre l'apprenti et l'employeur. À cet égard, je relève deux dispositions. La première facilite le licenciement de l’apprenti puisqu'en cas de rupture de contrat après quarante-cinq jours, les apprentis ne pourraient plus saisir les prud'hommes afin de contester les motifs et la validité de cette rupture. La seconde mesure laisserait à l'exécutif le soin de définir par décret les modalités selon lesquelles l'apprenti pourrait rompre le contrat. Or nous savons de quels intérêts le Gouvernement a tendance à prendre la défense, et nous avons tout à crainte du décret qu'il pourrait prendre sans contrôle du Parlement.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression des alinéas 2 à 8 de cet article.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Sans revenir sur le principe général de la suppression du recours automatique aux prud'hommes, je voudrais apporter une précision sur les deux dispositions différenciées que vous mentionnez.

Pourquoi renvoyons-nous au droit commun du licenciement pour l’employeur et au décret en cas de démission de l’apprenti ? Dans le cas d'un licenciement de la part de l'employeur, il nous semble qu’il faut protéger l’apprenti et donc renvoyer aux dispositions de droit commun du code du travail. À l'inverse, quand l'apprenti démissionne ou rompt le contrat – ce qui peut s'apparenter à une démission –, cela n'appelle pas autant de précisions. L'apprenti est plus libre de démissionner que l’employeur n’est libre de le licencier. Notre dispositif est donc plus protecteur pour l’apprenti. Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Puis elle passe à l’amendement AS828 de Mme Éricka Bareigts.

M. Boris Vallaud. Vous supprimez une obligation posée par le code du travail : la rupture du contrat d’apprentissage, à l’initiative de l’employeur, doit être prononcée par le conseil des prud’hommes.

La loi du 5 mars 2014 avait apporté une réforme majeure en matière de résiliation du contrat d’apprentissage, en donnant compétence au conseil des prud’hommes mais aussi en lui permettant de statuer en référé pour des raisons d’efficacité et de rapidité.

Dans votre étude d’impact, vous ne précisez pas les raisons pour lesquelles une telle évolution est proposée. Aucun chiffre ne permet de savoir ce qu’il en est de l’efficience – ou au contraire des carences – de la procédure ouverte il y a un peu plus de quatre ans.

C’est pourquoi nous demandons la suppression de ces deux alinéas.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Conformément à mon argumentaire précédent et au fait que, de manière assez consensuelle, le recours systématique au conseil des prud'hommes ne soit pas considéré comme souhaitable, j'émets un avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AS1345 de la rapporteure.

Puis elle examine l’amendement AS829 de Mme Éricka Bareigts.

M. Boris Vallaud. Vous supprimez une obligation posée par le code du travail : la rupture du contrat d'apprentissage, à l'initiative employeur, doit être prononcée par le conseil des prud'hommes.

Le rapport Brunet sur l'apprentissage prévoyait que le contrat ne pouvait être rompu pour faute grave ou inaptitude qu'après l’intervention d'un tiers en la personne d'un représentant du personnel de l'entreprise ou du conseiller du salarié, en l'absence de représentants du personnel dans l'entreprise. Or vous ne suivez pas ces recommandations en préférant que l'apprenti soit accompagné par un médiateur consulaire. Pour notre part, nous proposons de suivre les recommandations du rapport Brunet.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. En réalité, nous avons suivi les préconisations du rapport Brunet qui proposait un entretien préalable avec l'employeur, accompagné d'un représentant du personnel ou d'un conseil. Le médiateur des chambres consulaires est un acteur incontournable puisque sa mission est de prévenir les litiges à l'occasion d'un contrat. Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS1390 de la rapporteure.

Puis elle examine l’amendement AS988 de Mme Michèle de Vaucouleurs.

Mme Michèle de Vaucouleurs. La rédaction initiale du texte conditionne la rupture du contrat, à l’initiative de l’apprenti mineur, à une cosignataire du représentant légal.

Dans diverses situations, pointées notamment par les missions locales, il n’est pas possible d’obtenir cette signature dans un délai raisonnable. Si ces situations de blocage – maladie, absence, non-maîtrise de la langue et autres – ne sont pas majoritaires, elles sont néanmoins fréquentes, paralysantes pour l’apprenti et non motivées par une opposition du représentant légal à la rupture du contrat.

Cet amendement ne remet pas en cause l’autorité parentale puisque le représentant légal conserve la possibilité de s’opposer à la signature d’un acte de rupture de contrat. Il vise à lever les difficultés auxquelles sont confrontés les apprentis en cas de carence de signature de leur représentant légal.

Nous proposons de supprimer la mention « l’acte de rupture doit être conjointement signée par son représentant légal » et de rédiger ainsi la fin de la troisième phrase de l’alinéa 7 : « l’instance de médiation adresse ses conclusions au représentant légal qui dispose d’un délai, fixé par décret, pour s’opposer à la signature d’un acte de rupture. »

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Je comprends votre souci de répondre à certaines situations délicates. Comme vous le soulignez, ces situations sont assez rares. Sont-elles suffisamment fréquentes pour bouleverser les équilibres juridiques qui dépassent le régime du contrat d'apprentissage ? Nous sommes ici dans les dispositions sur la minorité. Il est essentiel que les parents puissent donner leur avis. C'est aussi une manière de s'assurer que ces décisions sont mûrement réfléchies. Avis défavorable.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Il n'est pas question ici de remettre en cause l'autorité parentale puisque les parents conservent la possibilité de s'opposer à la signature d'un acte de rupture. Il s’agit de lever une difficulté réelle rencontrée par les agents qui travaillent dans les missions locales. Ils sont parfois obligés de bloquer le parcours d'un jeune en raison de l’absence des parents et d’un défaut de consentement.

M. Gérard Cherpion. Je ne suis pas sûr que l'amendement réponde à la question posée. Je tiens cependant à témoigner du fait que l’absence des parents ou d’un représentant légal est une source de problème pour certains jeunes, accueillis notamment dans les missions locales, quand il s’agit de conclure un contrat d’apprentissage. Je ne crois pas que l’amendement réponde à ce réel problème mais nous devons trouver une solution pour ces jeunes.

Mme Justine Benin. Je veux renchérir sur les propos de ma collègue Michèle de Vaucouleurs. L’idée est de lever des freins et non pas de s'opposer à l'autorité parentale. Après avoir auditionné nombre de représentants de missions locales, je puis vous dire qu'il y a beaucoup de difficultés en raison de l’absence des représentants légaux de mineurs qui veulent signer ou rompre un contrat d'apprentissage.

La commission rejette l'amendement.

Mme Justine Benin. Il est très dommage que cet amendement ait été rejeté. Nous allons le représenter en séance.

La commission examine l'amendement AS1219 de Mme Michèle de Vaucouleurs.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Notre amendement vise à faire intervenir le médiateur mentionné à l’article L. 6222-39 avant toute exclusion définitive d'un CFA.

L’article 9 du projet de loi prévoit que le médiateur soit saisi en cas de demande de rupture du contrat émanant de l'apprenti. Nous proposons donc d’étendre les missions de ce médiateur dans l'optique de limiter autant que possible les ruptures de contrat évitables. Le dialogue, facilité par une partie neutre, permet souvent de résoudre des situations complexes.

Cette extension de la mission dévolue au médiateur est particulièrement pertinente dans la perspective d'ouverture de CFA par des organismes de formation ne disposant pas de dispositif de médiation en vigueur notamment dans les établissements relevant de l'éducation nationale.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. L’intervention d’un médiateur me paraît importante dans le cadre de la relation entre un employeur et un apprenti, qui implique la signature d’un contrat de travail et qui peut donner lieu à des incompréhensions entre les deux parties. L’intervention d’un médiateur se justifie moins pour régler les problèmes qui peuvent survenir entre un CFA et un jeune. Organisme de formation, le CFA est habitué à recevoir des jeunes et il est censé savoir discuter et échanger avec eux. Il me semble que ces explications et ces échanges doivent avoir lieu au sein du centre, comme cela peut se faire dans les établissements scolaires. Avis défavorable.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Vous me dites que ce n’est pas un souci dans les CFA actuels mais qu’en sera-t-il dans ceux qui seront ouverts par des organismes de formation qui sont peut-être assez éloignés des relations de médiation et pédagogiques avec les jeunes ? Dans la perspective de cette ouverture, il ne nous paraît pas inutile d'offrir cette possibilité de médiation pour éviter des risques de rupture de contrat.

Mme Sarah El Haïry. Pour compléter les propos de notre collègue Michèle de Vaucouleurs, j’indique qu’il s’agit d’éviter les situations dans lesquelles les jeunes sont le plus en difficulté. C’est un amendement plutôt protecteur car, comme le précédent, il permet de favoriser le dialogue. Dans des situations un peu complexes, il vaut mieux ne pas en faire l’économie.

Mme Fadila Khattabi. Pour avoir passé vingt-quatre ans dans un CFA, je peux vous dire que la médiation y est bien réelle. D’ailleurs, on n'attend pas d'avoir des difficultés pour y recourir. Dès que l'apprenti nous dit qu'il est en difficulté dans l'entreprise, on va voir ce qui se passe et on essaie de trouver une solution. C'est la raison pour laquelle je ne suis pas tellement favorable à cet amendement.

M. Gérard Cherpion. L'amendement est relatif à l’exclusion définitive d’un apprenti de son CFA. Une telle exclusion répond à des critères tout à fait particuliers et précis. Il ne faut pas confondre l'exclusion définitive d’apprentis et l'accompagnement qui doit être fait pour ceux qui sont en difficulté. Je crois que nous sommes en train de mélanger les deux. Lorsqu’un apprenti est en difficulté, le médiateur intervient pour essayer de régler le problème, quelle qu’en soit l’origine – le jeune, le CFA ou l’entreprise. Le cas d’une exclusion définitive est totalement différent puisqu’il répond à des critères très précis.

L'amendement est retiré.

La commission adopte l'amendement rédactionnel AS1346 de la rapporteure.

Puis elle en vient à l’amendement AS1472 du Gouvernement.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. L'idée est de sécuriser le parcours du jeune. En cas de rupture anticipée de son contrat, le jeune se retrouve sans rien. La rupture peut avoir des causes différentes : il a découvert que ce n’était pas le métier qu’il voulait faire ; il a rencontré dans l’entreprise un problème relationnel qui n'est pas forcément de son fait. Quoi qu’il en soit, certains jeunes entrent dans un cycle d'échec parce qu’ils se retrouvent le bec dans l’eau après une rupture de contrat ou une défaillance d’entreprise comme celle, dramatique, qu’évoquait Gérard Cherpion.

Avec cet amendement, je propose qu’en cas de rupture de contrat, le jeune puisse continuer sa partie formation théorique dans le CFA pendant une durée de six mois, le temps que le centre l'aide à trouver une autre entreprise. Une telle mesure va éviter beaucoup de ruptures dramatiques et permettre à des jeunes de continuer leur parcours.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Cette possibilité me semble tout à fait bienvenue. Compte tenu du nombre de ruptures de contrat d’apprentissage, il faut absolument trouver des moyens de sécuriser le parcours des jeunes. Cette disposition, qui avait été annoncée, me paraît absolument nécessaire. Avis favorable.

M. Gérard Cherpion. On ne peut qu’approuver cet amendement qui va effectivement dans le bon sens. J’ai toutefois une question, madame la ministre, sur la prise en charge du coût.

Dans le système actuel, les apprentis ayant subi une rupture de leur contrat d’apprentissage, dont ils ne sont pas à l’initiative, peuvent poursuivre leur formation en CFA pendant trois mois, et leur rémunération est alors prise en charge par la région. Si l’on passe à six mois, est-ce que la région – qui n’a plus les recettes – devra aussi prendre en charge les rémunérations ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Le coût au contrat continue puisqu'il n’y a pas de rupture de l'action de formation. Le jeune prépare le même diplôme. Il faut retrouver un contrat d'entreprise.

La commission adopte l'amendement.

Puis elle adopte l’article 9 modifié.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Chers collègues, je vous informe que, compte tenu du ralentissement de notre rythme cet après-midi, je vais ouvrir trois séances vendredi. Vous allez recevoir une convocation rectifiée en ce sens.

5.   Réunion du mercredi 30 mai 2018 à 21 heures 30 (article 10 à l’article 13)

La commission des affaires sociales procède à la suite de l’examen des articles du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel (n° 904) (Mmes Nathalie Elimas, Catherine Fabre et M. Aurélien Taché, rapporteurs).

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.6097614_5b0ef9bad9950.commission-des-affaires-sociales--liberte-de-choisir-son-avenir-professionnel-suite-30-mai-2018

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Nous poursuivons l’examen du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

Section II : L’orientation et l’offre de formation

Article 10
Modification des compétences sur l’orientation

La commission examine trois amendements de suppression de l’article AS765 de Mme Caroline Fiat, AS889 de Mme Michèle Victory et AS914 de M. Pierre Dharréville.

M. Boris Vallaud. Au plan national, le réseau de l’Office national d’information sur les enseignements et les professions (ONISEP) accompagne depuis toujours la politique du ministère de l’éducation nationale et du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Il élabore des supports d’information pour les jeunes en situation de handicap, pour les « élèves décrocheurs », pour l’égalité filles-garçons…

Il s’est fortement mobilisé lors du lancement de Parcoursup. L’office a par exemple développé, à la demande du ministère de l’éducation nationale, le site « Terminales 20172018 », en vue de donner toutes les informations et ressources aux lycéens pour réussir leur passage vers l’enseignement supérieur. Ce site a totalisé un million de visites depuis son ouverture.

Sans l’ONISEP, la mise en œuvre de Parcoursup aurait été encore plus chaotique. Malgré ce travail, le Gouvernement a décidé de transférer aux régions, par cet article 10, les directions régionales de l’ONISEP, les DRONISEP.

S’il apparaît nécessaire de réfléchir à une nouvelle organisation de notre système d’orientation et à une meilleure coordination avec les régions, ce transfert menace, à brève échéance, l’activité de l’ONISEP qui perd ses ressources en DRONISEP. Quelles seront, en définitive, ses missions quand il aura perdu toutes ses compétences et la reconnaissance régionale dont il bénéficie ?

Si l’article 10 prévoit que l’ONISEP sera coordonné avec les régions et services de l’État, comment cela sera-t-il possible puisqu’il perd son organisation en réseau et ses ressources humaines ?

Tout cela traduit une grande impréparation de cette réforme de l’orientation. Nous sommes convaincus qu’il faut renforcer le service public régional d’orientation (SPRO), en lien avec les ONISEP, et réfléchir à une meilleure coordination avec les actions des missions locales et des points information jeunesse.

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a remis le 11 avril un avis sur l’orientation des jeunes comportant vingt-neuf préconisations. La préconisation n° 9 recommande de « rendre lisible et disponible l’information sur les formations et sur les métiers à travers des sites internet labellisés et des lieux physiques d’information identifiés et accessibles à tous les jeunes. Cela passe par une offre d’information nationale, via l’ONISEP, et qui se complète de façon territorialisée ».

Cette réforme impréparée nous fait craindre une fragilisation du service public de l’orientation et ainsi une multiplication de services payants d’officines privées. Elle a d’ailleurs reçu des avis défavorables du Conseil supérieur de l’éducation le 12 avril et du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche le 16 avril, et a provoqué l’opposition des associations de parents d’élèves.

Si une plus grande régionalisation de l’orientation peut être envisagée, cette réforme doit se faire dans la concertation avec les acteurs et concerner l’ensemble du système d’orientation. La réforme que le Gouvernement propose ne contente pas les régions et suscite des inquiétudes importantes chez les agents de l’ONISEP.

Cet amendement propose donc la suppression de l’article 10 afin que le Gouvernement organise une réelle réflexion et une réelle concertation sur l’avenir de notre système d’orientation.

M. Pierre Dharréville. Je suis inquiet et opposé à la mesure proposée. L’efficacité de l’ONISEP repose justement sur son lien avec les directions régionales sur le terrain, qui aident à documenter les formations, à les tenir à jour. La suppression ou en tout cas l’altération de ce lien organique pose donc problème pour l’efficacité de l’organisation de l’information sur l’orientation. Par ailleurs, cet organisme est essentiel à la qualité de l’information et pour qu’elle échappe à toute tentative de marchandisation.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. L’article 10 propose un changement important, consistant notamment à mieux outiller les régions pour qu’elles puissent activement participer à la présentation des métiers, y compris en milieu scolaire. Dans ces conditions, nous avons évidemment intérêt à ce qu’elles soient outillées avec les DRONISEP, chargées de produire la documentation d’intérêt régional. Il est donc naturel d’envisager ce transfert qui permettra de mutualiser les compétences. Avis défavorable.

M. Gérard Cherpion. Je ne suis pas favorable à la suppression de l’article 10 mais je considère que ce qui a été dit par M. Vallaud est intéressant car cela pose véritablement le problème de l’orientation, l’un des points faibles de ce texte. Si l’apprentissage ne fonctionne pas, c’est parce qu’il existe un problème d’orientation. L’ONISEP reste nationale, les DRONISEP sont régionales, on ne sait pas très bien ce que deviennent les centres d’information et d’orientation (CIO). Une réflexion plus approfondie devrait avoir lieu sur une réorganisation totale de l’orientation au sein du SPRO.

M. Sylvain Maillard. Nous ne voterons pas la suppression de cet article. Oui, monsieur Cherpion, il y a un problème dans l’orientation à l’heure actuelle, nous en sommes bien conscients, et c’est pourquoi nous refondons son organisation, avec un leadership des régions. Ne gardons pas une structure dont nous constatons qu’elle ne marche pas.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l'éducation. Je ne pense pas, monsieur Vallaud, que l’idée soit de couper les moyens de l’ONISEP, une instance nationale que beaucoup de pays nous envient. Nous garderons une instance nationale qui permettra d’assurer l’équité, en termes d’information, dans l’ensemble du territoire.

Nous pointons que le système actuel ne marche pas, que nous avons besoin, en termes de connaissance du monde de l’entreprise, d’outiller beaucoup mieux les établissements et, compte tenu de la compétence économique de la région, c’est celle-ci qui devrait, et ce en réalité depuis un certain temps déjà, avec le SPRO, être aux manettes pour la diffusion de l’information. L’important est également l’accompagnement, autre grand sujet dont nous parlerons plus tard.

M. Pierre Dharréville. Des propos quelque peu contradictoires ont été tenus sur le diagnostic du travail de l’ONISEP. Je considère que c’est un travail de qualité, par une institution à laquelle il faut donner les moyens d’être à la hauteur des enjeux de notre temps. Mais il convient de s’entendre sur le diagnostic. C’est un organisme national et, pour garantir sa mission d’information nationale, il faut un lien fort avec les territoires. Je ne vois pas comment le système que vous proposez serait plus efficace.

S’agissant des CIO, j’ai rencontré des personnels et je suis inquiet du risque de disparition de ces lieux physiques d’accueil du public.

M. Boris Vallaud. Loin de nous l’idée de considérer que le service public de l’orientation fonctionne parfaitement, mais entre réforme et liquidation il y a tout de même un grand pas. Il faut être modeste, aucun gouvernement ne décide de faire perdurer ce qui ne fonctionne pas. Dans votre dispositif, j’ai du mal à voir ce qui permettra une meilleure orientation. L’argument que vous avancez pour un transfert aux régions est parfaitement transposable à l’idée de maintenir l’apprentissage aux régions et non aux branches.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Nous avons déposé un amendement sur cette question mais, dans la mesure où il risque de tomber, je souhaite en dire un mot à présent.

Nous aurions souhaité qu’un établissement public soit créé pour que le transfert de l’organisation de l’information aux régions soit structuré au niveau national. Comme une telle création n’est pas recevable, notre amendement vise à compléter le transfert de l’orientation aux régions voulu par le projet, en faisant en sorte que l’information soit facilement accessible au niveau national. Il s’agirait pour cela de laisser à l’ONISEP sa fonction d’information sur l’orientation au niveau national. En effet, si la région doit avoir un rôle informatif quant aux formations dispensées dans son territoire, il semblerait opportun qu’un élève souhaitant obtenir une information plus globale, au niveau national, ait un site internet de référence.

La compétence d’information sur l’orientation passant à la région, une mise en réseau nationale est également nécessaire. Le dispositif de l’article 10 tel qu’il est prévu ne favorise pas la mobilité des élèves et étudiants, qui n’auront que difficilement accès à une information complète quant aux formations dispensées en France.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Je travaille très étroitement avec Jean-Michel Blanquer et Frédérique Vidal. L’orientation veut dire deux choses : l’information sur les métiers et l’affectation individuelle. Pour lever toute ambiguïté : l’affectation individuelle ne relèvera pas des régions mais continuera de relever d’un dialogue entre l’éducation nationale, les parents et les jeunes. Nous parlons donc de l’information, de la sensibilisation, de la connaissance des métiers pour aider au choix des jeunes et des familles.

L’orientation en tant qu’information est quelque chose d’extrêmement important, c’est une des clés pour l’apprentissage mais aussi pour l’enseignement professionnel. Nous faisons confiance aux régions, qui sont déjà têtes de file dans les lois de décentralisation sur les compétences d’orientation au sens d’information sur les métiers. Dans ce projet, nous renforçons cette compétence car les régions, qui ont en outre la compétence économique, travaillent tous les jours avec les secteurs professionnels et ont vocation à faire des choix d’investissement dans les lycées professionnels et les centres de formation d’apprentis (CFA), sont à même de travailler en coopération avec les collèges et lycées à la découverte des métiers. Les collèges et lycées, dans un cadre coordonné par les régions, avec les professionnels, pourront faire découvrir les métiers à bien plus de jeunes, qui parfois n’y connaissent rien, parce qu’ils sont issus d’un milieu familial avec très peu de liens avec les métiers, voire pas du tout quand les parents sont au chômage. Il existe une vraie inégalité dans l’accès aux réseaux et la connaissance des métiers. Jean-Michel Blanquer et moi, nous voulons que l’accès à la connaissance des métiers, à l’interaction avec les métiers soit ouvert à tous les jeunes.

Nous renforçons donc la compétence des régions qui le souhaitent et sont prêtes à relever le défi. J’ai évoqué tout à l’heure cinquante-quatre heures en classe de seconde, ce sera élargi ensuite à d’autres classes. Cela pourra prendre des formes très diverses : témoignages d’apprentis, d’entrepreneurs, visites d’entreprise, speed dating, forums, en ligne ou physiques… Certaines régions font déjà des choses très innovantes dans ce domaine mais nous voulons que ce soit possible dans tous les collèges et lycées.

Tout le reste en découle, et les conséquences sont au nombre de quatre. La première, c’est l’évaluation des proviseurs et principaux de lycée et de collège. Jusqu’à il y a un ou deux mois, la dotation pour les principaux de collège était proportionnelle au taux d’élèves allant vers l’enseignement général – les meilleures notes – puis technologique, puis professionnel, puis vers l’apprentissage. Désormais tout est sur le même plan. Il faut que toutes les mentalités changent, chez les jeunes, chez les parents, chez les enseignants… Nous mettons toutes les filières sur le même plan, en disant que ce sont des voies pédagogiques différentes qui correspondent à des élèves ayant des aspirations, des possibilités différentes, et il faudra des passerelles de l’une à l’autre, du statut scolaire à l’apprentissage et réciproquement.

La deuxième conséquence, c’est le redoublement avec apprentissage. Affelnet est le logiciel en sortie de troisième. Il y avait des rectorats où l’on parlait encore de « redoublement ou apprentissage ». C’est terminé. Nous savons que les jeunes qui réussissent sont ceux qui choisissent une voie, pour qui l’orientation n’est pas subie : il faut la passion et le travail.

La troisième conséquence concerne les DRONISEP. L’ONISEP reste rattaché au ministre de l’éducation nationale. C’est important car c’est là que s’élaborent les fiches métiers, la connaissance des différents métiers, la vulgarisation sur l’évolution des métiers. Une telle banque de données doit être nationale, car un métier de web-développeur ou de cuisinier du futur est le même partout. Ce qui a été proposé aux régions, c’est que les DRONISEP se placent sous leur autorité. À quatorze, seize ou dix-huit ans, peu de jeunes sont mobiles ; il faut donc une connaissance intime de l’offre régionale et même infrarégionale. Les directions régionales resteront connectées avec l’ONISEP au point de vue fonctionnel. Il faut raisonner en matriciel : au plan « métiers » l’ONISEP continuera de guider l’action mais pour actualiser les possibilités dans les régions il faut que les DRONISEP puissent travailler auprès des régions.

Le sujet des CIO est différent. Jean-Michel Blanquer est en train de rapprocher les CIO – qui ne sont pas supprimés, contrairement à ce que disent certains – des jeunes et des familles, et pour cela il faut qu’ils soient dans les établissements, dont ils sont parfois physiquement éloignés aujourd’hui. Or, ceux qui ont le plus besoin de conseils sont les moins susceptibles de faire trente ou cinquante kilomètres pour s’y rendre.

Enfin, s’agissant des parcours, certains jeunes savent en seconde ce qu’ils veulent, d’autres savent ce qui les intéresse mais pas exactement ce qu’ils veulent faire. Il y aura donc des secondes de métier un peu plus larges qui permettront de resserrer les choses petit à petit et d’aller soit vers un statut scolaire soit vers l’apprentissage soit vers un enchaînement des deux.

Au total, l’objectif est que le jeune ait beaucoup plus de choix qu’aujourd’hui.

M. Pierre Dharréville. Je suis très dubitatif. La découverte des métiers, cela fait partie du travail de l’éducation nationale, et c’est en partie pour cela que l’organisation a été pensée telle qu’elle est. En quoi les régions sont-elles mieux outillées pour discuter, réfléchir avec un jeune ? Les conseillers d’orientation-psychologues travaillent dans les CIO et les établissements : ils sont dans les deux. C’est une formule qui a fait ses preuves et je ne vois pas comment celle que vous proposez améliorera les choses.

Le travail des DRONISEP avec les régions a déjà lieu. Parfois, les régions tiennent même leurs informations des DRONISEP.

M. Joël Aviragnet. Les représentations ont la vie dure. Vous prenez, madame la ministre, l’exemple d’un jeune dont les parents ne sauraient pas ce qu’est l’apprentissage, « quand ils sont au chômage ». Vous auriez pu dire « quand ils sont cadres supérieurs », car je ne pense pas que les cadres supérieurs aient une connaissance plus fine de l’apprentissage que les chômeurs. On voit bien de quel côté vous renvoyez l’apprentissage. Ce n’est pas que pour les métiers du bâtiment, que pour les enfants de chômeurs. Il faut être vigilant à ce sujet, car, avec nos représentations, nous tirons l’apprentissage de ce côté-là et ne le valorisons pas.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. L’accompagnement des étudiants, Monsieur Dharréville, n’est pas dans la compétence des régions : ce travail autour des projets personnels reste de la compétence des conseillers-psychologues, qui seront maintenant dans les établissements et restent de la responsabilité de l’État. Mme la ministre a présenté les deux piliers de l’orientation, qui fonctionnent ensemble mais ne procèdent pas de la même logique. La région semble armée pour le pilier de la connaissance des métiers car elle a la compétence économique et connaît bien le tissu économique local ; il y a de ce point de vue plus de synergies entre le travail des DRONISEP et celui des régions qu’entre les DRONISEP et l’ONISEP. L’autre logique est celle de l’accompagnement de l’éducation nationale et des psychologues. Les deux supposent des compétences et expertises différentes. Sur ces deux axes forts, la réforme apporte des réponses plus adaptées qu’auparavant.

Je n’ai pas entendu, monsieur Aviragnet, la même chose que vous dans les propos de la ministre. Elle a fait le constat, que l’on peut tous faire, que les personnes qui ont un parcours professionnel sans embûches et avec des responsabilités fortes, ont généralement plus de réseaux à faire valoir auprès de leurs enfants que des personnes qui ne sont pas insérées dans le marché de l’emploi. Mes parents n’étaient pas députés et n’avaient pas le réseau professionnel que je peux avoir aujourd’hui. C’est un constat et ce n’est pas insulter les gens que de le faire. La mission du service public est d’apporter aux enfants qui n’ont pas la chance de disposer du réseau professionnel de leurs parents un accès à l’information. On sait que les jeunes qui connaissent le mieux les filières de l’enseignement et sont le mieux orientées sont les enfants d’enseignants. Je pourrais citer de nombreux autres exemples.

La commission rejette les amendements.

Elle examine, en discussion commune, les amendements AS890 de Mme Michèle Victory et AS137 de la commission des affaires culturelles.

M. Boris Vallaud. Cet amendement propose d’associer l’ONISEP à la définition de la politique d’orientation des élèves et des étudiants par l’État. En plus de lui permettre de délivrer l’information nécessaire sur les voies de formation aux élèves et aux étudiants, cet amendement propose également que l’ONISEP soit chargé d’accompagner les élèves, étudiants ou apprentis pour trouver leur voie de formation.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Aujourd’hui, l’ONISEP fournit une information de qualité, que ce soit par voie numérique ou format papier, et les informations diffusées sont devenues plus faciles à utiliser par les usagers. En revanche, il reste difficile, notamment pour les plus jeunes ou les personnes les plus éloignées du système scolaire, de savoir ce qu’ils souhaitent chercher et dans quelle mesure chercher ces informations. Un accompagnement de ces personnes devient ainsi encore plus nécessaire que la simple fourniture d’informations. Cet amendement vise donc à ajouter la notion d’accompagnement à celle d’information en ce qui concerne le rôle de l’État en ce domaine.

Ainsi, l’État définit, au niveau national, la politique d’orientation des élèves et des étudiants dans les établissements scolaires et les établissements d’enseignement supérieur. Avec l’appui, notamment, des centres publics d’orientation scolaire et professionnelle et des services communs internes aux universités, il met en œuvre cette politique dans les établissements scolaires et d’enseignement supérieur et délivre à cet effet, non seulement l’information nécessaire sur toutes les voies de formation aux élèves et aux étudiants, mais aussi l’accompagnement utile aux élèves, étudiants ou apprentis pour trouver leur voie de formation.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Ces amendements précisent la mission d’accompagnement de l’État. L’ONISEP produit de l’information sur les métiers et les voies d’accès à ces métiers. Il ne faut pas mélanger ses missions avec celles des CIO, qui réalisent l’accompagnement dont vient de parler Mme Charrière, qui consiste à guider l’élève dans sa recherche d’une voie qui lui conviendrait. Je suis défavorable à l’amendement AS890, qui introduit une confusion, et favorable à l’amendement AS137, qui précise les missions de chacun des organismes.

M. Pierre Dharréville. Les compétences sont déjà bien réparties. Mais, sur la réponse que vous m’avez précédemment apportée, madame la rapporteure, les conseillers d’orientation-psychologues ont déjà la double qualification qui leur permet d’accompagner les jeunes et de connaître les filières de formation et les métiers. La déconnexion des deux que propose le Gouvernement risque de nous faire tomber dans une logique adéquationniste qui balaiera le second volet pourtant déterminant.

La commission rejette l’amendement AS890.

Elle adopte l’amendement AS137.

Elle examine l’amendement AS572 de M. Erwan Balanant.

M. Erwan Balanant. Mme de Vaucouleurs a présenté cet amendement. Nous pensons qu’il est pertinent que la région assume cette compétence d’orientation. Il faudra être vigilant – mais les propos de la ministre m’ont en partie rassuré – à ce que l’information circule entièrement sur le territoire national. Un jeune de Montbéliard qui serait passionné par l’industrie nautique pourrait vouloir suivre des études dans une formation proposée chez moi, en Bretagne ; il faut qu’il puisse recevoir l’information. C’est pourquoi je pense pertinent d’introduire dans le texte que les formations recensées dans chaque région soit centralisées pour être consultables de façon simple partout en France.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. L’ONISEP demeure et dispose de ce genre d’informations, et les échanges seront bien sûr maintenus entre l’office et les directions régionales. Avis défavorable.

La commission rejette cet amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS138 de la commission des affaires culturelles.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Cet amendement vise à ce que la région organise des actions d’information sur les métiers et les formations, non seulement en direction des élèves mais aussi de leurs familles, car on a oublié les familles.

Il prévoit également que, lorsque ces actions sont réalisées dans des établissements scolaires, elles se déroulent en coordination avec les psychologues de l’éducation nationale et les enseignants volontaires et formés à cet effet. C’est important car les enseignants ne connaissent parfois pas le monde de l’entreprise de tout leur cursus personnel. Il s’agit de garantir un accompagnement individualisé des élèves afin de compléter l’information reçue sur les métiers et les formations. À cet égard, il pourrait être utile de renforcer la formation des enseignants en matière d’orientation au sein des écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE) et des dispositifs de formation continue.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Par l’intermédiaire des régions, il y aura beaucoup plus de découverte des métiers et d’informations sur les métiers au sein des établissements scolaires. Les premiers prescripteurs des élèves sont les parents et les enseignants, et il est donc essentiel de favoriser le rapprochement des mondes de l’éducation et de l’entreprise. Dans mon entourage, bien des professeurs de collège et de lycée m’ont témoigné de leur envie d’en savoir plus sur les métiers ; il existe une réelle ouverture et tout le monde gagnera à ce rapprochement. De même, il est très intéressant que les professionnels puissent entrer dans l’école, parler des métiers, mais aussi pour découvrir l’institution scolaire et se départir de représentations qui peuvent parfois être erronées de leur côté. Cela va dans les deux sens. Avis favorable.

La commission adopte cet amendement.

En conséquence, les amendements AS105 de M. Martial Saddier, AS131 de M. Vincent Descoeur, AS539 de Mme Barbara Bessot Ballot, AS699 de M. Jean François Mbaye, AS873 de M. Claude de Ganay, AS28 de M. Vincent Descoeur, AS206 de M. Gérard Cherpion, AS366 de M. Jean-Carles Grelier, AS392 de M. Bernard Perrut, AS566 de Mme Corinne Vignon, AS603 de M. Joël Aviragnet, AS670 de M. Francis Vercamer, AS968 de Mme Josiane Corneloup, AS989 de Mme Michèle de Vaucouleurs, AS961 de Mme Josiane Corneloup, AS595 de M. Pierre Cabaré, AS59 de M. Vincent Descoeur, AS428 de M. Gérard Cherpion, AS429 de M. Jean-Carles Grelier, AS430 de M. Bernard Perrut, AS1452 de Mme Corinne Vignon, AS1453 de M. Joël Aviragnet, AS1454 de Mme Josiane Corneloup, AS1455 de Mme Michèle de Vaucouleurs, AS671 de M. Francis Vercamer, AS354 de Mme Sophie Panonacle et AS1207 de Mme Sarah El Haïry tombent.

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS1393 de la rapporteure.

Elle examine les amendements identiques AS4 de M. Dino Cinieri et AS604 de M. Joël Aviragnet.

M. Joël Aviragnet. Nous proposions à l’article 3 de réintroduire le conseil en évolution professionnelle au sein du périmètre du service public régional de l’orientation afin d’avoir une approche territoriale de l’accompagnement professionnel. Cet amendement est en cohérence avec notre proposition à l’article 3 : il confie aux régions le conseil en évolution professionnelle (CEP) plutôt que de l’attribuer au futur établissement public administratif France compétences qui présente tous les attributs d’une structure centralisée, pilotée depuis Paris et éloignée de la réalité des territoires.

Madame la rapporteure, j’ai seulement dit que la ministre avait pris l’exemple de parents chômeurs. Vous pouvez l’interpréter comme vous voulez. J’ai bien entendu que votre père n’était pas député : si vous voulez tout savoir, le mien était déménageur.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Mon avis est défavorable, en cohérence avec ma position sur les amendements déposés à l’article 3. Le conseil en évolution professionnelle doit être mis en œuvre par des acteurs choisis pour cela.

La commission rejette ces amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AS1395 de la rapporteure.

Elle est saisie de l’amendement AS1011 de M. Denis Sommer.

M. Denis Sommer. Cet amendement précise que « la région anime, coordonne et fédère également le réseau des partenaires dans les territoires pour valoriser l’apprentissage et renforcer la connaissance des métiers ». Par partenaires, nous entendons les branches professionnelles, les chambres consulaires, les lycées, les centres de formation d’apprentis ou les centres de formation pour adultes.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Votre amendement est satisfait par la rédaction et l'esprit de l'article 10 qui donne à la région un rôle d’animation. Il n’y a pas lieu d’ajouter des précisions supplémentaires. Avis défavorable.

M. Denis Sommer. Cela ne me semble pas aussi clair que cela. Il importe d’affirmer le rôle de la région.

En matière d’apprentissage, je suis confiant dans le rôle essentiel que joueront les branches professionnelles. Celles-ci se tournent toutefois vers nous pour insister sur la nécessité pour la région d’assurer un rôle de pilotage assis sur une vision globale du territoire.

N’imaginons pas qu’une fois opéré le rapprochement entre apprentissage et branches, tout ne sera qu’un long fleuve tranquille. Il faudra structurer l’action pour pouvoir se tourner vers le moyen et le long terme, ce qui nécessite d’avoir une vision. De ce point de vue, les régions ont un rôle important à jouer. Nous avons besoin de relais locaux forts. Je sais les positions qu’ont adoptées certaines régions, je sais aussi la disponibilité dont d’autres font preuve pour assurer ce travail.

M. Gérard Cherpion. L’amendement me paraît intéressant. Il replace les régions au centre de la coordination des diverses actions en ce domaine. Nous voterons donc en sa faveur.

M. Boris Vallaud. Nous le voterons également.

M. Francis Vercamer. Tout comme nous.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Ce sera également notre position.

Mme Caroline Fiat. Le groupe de La France insoumise le votera aussi.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. La région va jouer un rôle important, elle coordonnera et elle fédérera : elle attirera des partenaires, ira vers les entreprises, déploiera des actions, organisera des forums. Mais pour assurer une équité à travers le territoire, il est important aussi qu’il y ait un cadrage national. Ce sera le cas à travers le contrat de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelles (CPRDFOP) par lequel la région collaborera avec le rectorat, donc indirectement avec l’État, en s’appuyant sur une sorte de cahier des charges. C’est ce deuxième élément qui me semble manquer dans votre amendement, monsieur Sommer.

Mme Monique Iborra. Les régions étaient jusqu’à ce jour chef de file de l’orientation et, honnêtement, personne ne s’en est aperçu car elles n’ont pas mené les actions nécessaires. Je veux bien que l’on reconnaisse que les régions jouent un rôle indispensable en matière d’orientation mais elles devront prouver qu’elles sont en mesure d’assurer cette compétence. Leur faire jouer un rôle de coordination de l’ensemble des partenaires ne correspondrait absolument pas à l’objet du projet de loi. Notre groupe ne votera donc pas cet amendement.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. La région est très bien placée pour diffuser les informations sur les métiers, le bassin d’emploi et l’activité économique. En faire un pilote, en revanche, irait à l’inverse de ce que nous voulons pour l’apprentissage. Nous souhaitons donner une plus grande liberté aux organismes de formation en leur laissant la possibilité d’ouvrir de nouvelles formations lorsque celles-ci manquent. Par le passé, nous avons pu constater des rigidités : des autorisations n’étaient pas délivrées par les régions alors qu’elles auraient pu l’être à maints égards. Nous sommes fortement opposés au retour en arrière que vous proposez, monsieur Sommer.

M. Boris Vallaud. Notre adhésion à cet amendement est aussi motivée par notre inquiétude quant à la capacité des branches, qui n’ont ni consistance juridique, ni moyens, à jouer un rôle en matière d’apprentissage. Au total, seulement trois d’entre elles fonctionnent vraiment et sont territorialisées. Face à la déstabilisation de l’apprentissage auquel conduit votre projet de loi, nous tentons de retrouver des repères.

M. Denis Sommer. Je pense qu’il faut un pilote dans l’avion : les régions doivent jouer un rôle de coordination.

Permettez-moi de vous faire part de l’expérience extrêmement intéressante que la région de Bourgogne-Franche-Comté vient de lancer avec le rectorat : dans l’enseignement technique secondaire, une année au minimum sera organisée sous forme d’alternance pour faire découvrir les métiers et le monde de l’entreprise aux élèves.

À l’avenir, les lycées deviendront de véritables campus de formation tout au long de la vie…

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Bien sûr !

M. Denis Sommer.…et organiseront des filières d’apprentissage. En l’absence d’autorité chargée de la coordination, qu’est-ce qui empêchera telle ou telle branche de venir concurrencer les formations qu’ils mettront en place, y compris en accord avec des professionnels ?

Il y a besoin d’un espace pour débattre des projets et les coordonner. Cela ne remet pas en cause le rôle prépondérant qu’accorde le projet de loi aux branches professionnelles dans le développement de l’apprentissage.

M. Laurent Pietraszewski. Je crains que l’adhésion des différents groupes à cet amendement n’exprime une forme de nostalgie. Si les régions avaient été performantes en matière de formation, nous le saurions. Nous n’avons pas peur de proposer un nouveau dispositif qui permette d’atteindre des taux d’apprentissage similaires à ceux des principaux pays industrialisés de l’Europe.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Je veux dissiper tout malentendu. Nous considérons qu’il faut donner aux régions les moyens de remplir leurs missions d’information et c’est pour cela que nous nous sommes déclarés favorables à l’amendement mais nous ne souhaitons pas qu’elles interfèrent dans la logique que nous sommes en train de mettre en place à travers le projet de loi.

M. Sylvain Maillard. Je vous remercie, Madame la présidente, de nous laisser prendre la parole : il est important que chacun puisse exprimer son point de vue. J’invite mes collègues à relire cet amendement : il implique un retour en arrière. Faire reposer la coordination sur les régions ne correspond pas à l’idée que nous nous faisons de l’apprentissage d’aujourd’hui et de demain. Pour l’article 10, nous nous sommes appuyés sur ce qui fonctionne bien chez nos partenaires européens. Nous n’avons pas tout inventé.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. L’amendement propose que la région anime, coordonne et fédère le réseau de partenaires pour valoriser l’apprentissage. C’est revenir à l’organisation ancienne de l’apprentissage, qui est totalement contraire à l’esprit de la réforme.

Mais peut-être, monsieur Sommer, considérez-vous que la région doit coordonner l’information sur les métiers et l’apprentissage ? Auquel cas, l’article 10 vous donne satisfaction.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Compte tenu des précisions qui ont été apportées, le groupe du Mouvement démocrate et apparentés ne votera pas cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS1012 de M. Denis Sommer.

M. Denis Sommer. En cohérence avec l’amendement précédent, cet amendement vise à supprimer l’alinéa 4 et à confirmer la responsabilité de l’ONISEP dans l’élaboration de brochures sur les métiers, tâche qui n’a pas à revenir aux régions.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. En cohérence avec ma position sur l’amendement précédent : avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AS891 de Mme Michèle Victory.

M. Boris Vallaud. Afin de conforter le rôle de l’ONISEP, cet amendement propose d’affirmer sa place dans l’élaboration de la documentation de portée régionale sur les enseignements et les professions, au même niveau que la région. L’ONISEP bénéficie en effet d’une vision nationale des formations et des débouchés professionnels : son activité est complémentaire de celles des régions.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Il n'y a pas de doute sur le positionnement national de cet organisme rattaché à l'éducation nationale et concentré sur des missions de documentation. Votre amendement détricote l’organisation du partenariat entre régions et l’ONISEP, nécessaire au bon fonctionnement du nouveau système. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AS1394 de la rapporteure.

Elle est saisie de l’amendement AS538 de Mme Barbara Bessot Ballot.

Mme Barbara Bessot Ballot. Cet amendement rend obligatoire l’organisation annuelle d’une session de formation à partir de la classe de quatrième jusqu’à la classe de terminale. Il s’agit de permettre aux élèves de bénéficier d’une approche collective, qui permette à chacun d’envisager son avenir,

Mme Catherine Fabre, rapporteure. L’article 10 prévoit que des informations soient fournies aux élèves tout au long de leur cursus de la quatrième jusqu’à la terminale. Plus de cinquante heures seront dédiées chaque année au lycée à l’information sur les métiers et aux parcours d’avenir. Votre amendement est déjà satisfait.

Mme Barbara Bessot Ballot. Notre amendement vise à rendre cette diffusion d’informations obligatoire sur plusieurs années.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Cela figure déjà dans le code de l’éducation à l’article L. 331-7.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AS207 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Le projet de loi confie l’orientation aux régions. Afin de mener à bien cette mission essentielle, elles doivent pouvoir s’appuyer sur des données précises et exhaustives portant sur la situation de l’emploi sur leur territoire. C’est la raison pour laquelle le présent amendement propose de mettre à leur disposition les observatoires des branches professionnelles.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Je m’interroge sur la portée normative de votre amendement : que se passerait-il, par exemple, si la région ne souhaitait pas s’appuyer sur la vision de la branche parce qu'elle estime que son territoire est singulier ?

Notre rôle est de décider des compétences que nous confions aux uns et aux autres. Nous n’avons pas forcément à décrire les pratiques qui seront celles des opérateurs, branches et régions.

M. Gérard Cherpion. Aucune pratique n’est spécifiée dans cet amendement. Il précise simplement que les branches mettent leurs observatoires à disposition des régions afin de leur permettre d’accomplir au mieux leurs missions.

Mme Monique Iborra. Les centres d’animation, de ressources et d'information sur la formation et les observatoires régionaux de l’emploi et de la formation, les CARIF-OREF, et d’autres structures similaires rassemblant branches professionnelles et régions permettent déjà un partage des informations. Il ne me paraît donc pas indispensable de faire figurer une telle mention dans la loi.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie des amendements identiques AS208 de M. Gérard Cherpion, AS273 de M. Paul Christophe et AS605 de M. Joël Aviragnet.

M. Gérard Cherpion. Afin de tirer toutes les conséquences du transfert de la compétence de l’orientation aux régions, nous proposons de donner la majorité aux régions au sein du conseil d’administration de l’ONISEP.

M. Paul Christophe. Il importe en effet de renforcer la présence des régions au sein du conseil d’administration de l’ONISEP.

M. Joël Aviragnet. Compte tenu du rôle accru des régions en matière d’orientation des élèves et des étudiants et de la nécessaire coordination entre les politiques d’orientation conduites à l’échelle régionale et nationale, il apparaît nécessaire que les représentants des régions deviennent majoritaires au sein du conseil d’administration de l’ONISEP. Cette démarche garantirait la pérennité de la présence de l’office national aux côtés des régions dans un objectif d’efficacité et d’amélioration des échanges d’informations.

Mme Catherine Fabre, rapporteur. Les régions se voient transférer les DRONISEP, pas l’ONISEP lui-même. Dans ces conditions, je ne vois pas l’intérêt de modifier les équilibres au sein de cet établissement public national. Avis défavorable.

La commission rejette ces amendements.

Elle en vient à l’amendement AS894 de Mme Michèle Victory.

Mme Gisèle Biémouret. Au plan national, le réseau ONISEP accompagne la politique du ministère de l’éducation nationale et du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Il élabore des supports d’information consacrés à des sujets tels que les jeunes en situation de handicap, les élèves décrocheurs ou l’égalité entre filles et garçons.

Il s’est fortement mobilisé lors de la mise en place de Parcoursup. L’Office a par exemple développé, à la demande du ministère de l’éducation nationale, le site « Terminales 2017-2018 » en vue de donner toutes les informations et ressources nécessaires aux lycéens pour réussir leur passage vers l’enseignement supérieur. Depuis son ouverture, il a totalisé un million de visites.

Sans l’ONISEP, la mise en œuvre de Parcoursup aurait été encore plus chaotique. Malgré ce travail, le Gouvernement a décidé de transférer les délégations régionales de l’ONISEP aux régions. Nous y sommes opposés. Cet amendement propose donc de supprimer les dispositions organisant le transfert des missions jusqu’ici confiées aux DRONISEP.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Avis défavorable : le transfert des DRONISEP est l’un des principaux axes de l’article 10.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements AS606 de M. Joël Aviragnet et les amendements identiques AS209 de M. Gérard Cherpion et AS274 de M. Paul Christophe.

M. Joël Aviragnet. L’amendement AS606 vise à combler une lacune du projet de loi en précisant la date du transfert aux régions des missions des délégations régionales de l’ONISEP. La date que nous proposons – le 1er janvier 2020 – accorde un délai suffisant de concertation aux agents de l’ONISEP concernés par un éventuel transfert vers les régions

M. Gérard Cherpion. Notre amendement vise à combler une lacune du projet de loi en précisant la date du transfert aux régions des missions des délégations régionales de l’ONISEP.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Avis défavorable : la date de transfert prévue par décret ne me paraît pas poser problème.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AS1352 de la rapporteure.

Elle examine, en discussion commune, l’amendement AS990 de Mme Michèle de Vaucouleurs et les amendements identiques AS210 de M. Gérard Cherpion, AS276 de M. Paul Christophe, AS395 de M. Bernard Perrut et AS608 de M. Joël Aviragnet.

Mme Michèle de Vaucouleurs. L’article 10 prévoit à titre expérimental une mise à disposition aux régions des agents de l’éducation nationale pour une durée de trois ans. L’amendement AS990 vise à s’assurer que l’expérimentation sera menée dans l’ensemble des régions qui en expriment le désir. Une expérimentation à la marge ne permettrait pas d’évaluer dans de bonnes conditions le nouveau dispositif. Les régions semblent aujourd’hui l’acteur le plus pertinent pour favoriser le développement de l’apprentissage et des autres formations, au plus près des réalités économiques des territoires. En ce sens, il est souhaitable de favoriser l’expérimentation la plus large possible. Par ailleurs, procéder par expérimentation et non par un transfert direct facilitera la co-construction d’une politique d’orientation ambitieuse et partagée.

M. Paul Christophe. Cet amendement prévoit le transfert aux régions des agents des centres d’information et d’orientation (CIO), après accord de ces derniers, plutôt que leur mise à disposition, comme le prévoit le projet. Tout en conservant le cadre expérimental, cela permettra de mieux préciser la situation statutaire des agents en identifiant clairement la région comme leur employeur.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Le Gouvernement a l’intention d’ouvrir le plus largement possible cette expérimentation aux régions volontaires, qui sont peu nombreuses aujourd’hui à avoir fait part de leur souhait d’y participer. Au transfert automatique, nous préférons la mise à disposition à titre expérimental.

Je demande à Mme de Vaucouleurs de bien vouloir retirer son amendement, qui est satisfait, et donne un avis défavorable aux amendements identiques.

L’amendement AS990 est retiré.

La commission rejette les amendements identiques.

Elle examine l’amendement AS1155 de M. Sylvain Maillard.

M. Sylvain Maillard. L’article 10 organise l’extension des missions des régions en matière d’orientation pour accompagner le parcours de formation des jeunes.

Pour l’exercice de la mission d’information des élèves et des étudiants sur les formations et les métiers, transférée aux régions, une expérimentation est ouverte pour une durée de trois ans. Elle permettra de définir les conditions de participation des centres d’information et d’orientation au service public régional de l’orientation.

Le Gouvernement, dans ses vingt mesures pour l’apprentissage, a notamment proposé que tous les jeunes bénéficient d’une information transparente sur la qualité des formations en apprentissage qu’ils peuvent choisir et sur les salaires des emplois visés par la formation, ainsi que de plusieurs journées annuelles d’information sur les métiers et les filières en classe, au collège et au lycée. Ces journées seront organisées par les régions avec le monde professionnel, en lien avec les départements pour les collèges.

Le présent amendement vise à intégrer au projet de loi la notion de parcours d’information et de sensibilisation en direction des collégiens, des lycéens et des étudiants, non seulement à travers de journées d’information mais aussi de stages d’initiation.

C’est dans la durée, par des échanges et par la pratique, que les jeunes pourront le mieux discerner les domaines dans lesquels ils voudront construire leur avenir professionnel.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Je suis très favorable à cet amendement : toutes les précisions qu’il apporte sont bienvenues. C’est en effet dans la durée, par des échanges et par la pratique, que les jeunes pourront le mieux se familiariser avec les métiers et construire leur avenir professionnel.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 10 modifié.

Après l’article 10
 

La commission est saisie de l’amendement AS668 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Cet amendement a pour objet de revaloriser la place de la découverte des métiers dans le cadre des enseignements dispensés dans les collèges et lycées. Tout le monde s’accorde en effet sur la nécessité de reconnaître l’apprentissage et l’enseignement professionnel comme des voies d’excellence pour l’accès à un milieu professionnel. Pourtant, force est de reconnaître que la concrétisation de cette pétition de principe reste un vœu pieu.

Trop souvent, l’enseignement professionnel apparaît comme une voie d’insertion pour celles et ceux qui connaissent des difficultés avec l’enseignement général. L’enseignement général reste, quant à lui, éloigné de la réalité du milieu professionnel, des métiers et des professions tels qu’ils sont exercés en dépit des stages de découverte, désormais plus fréquents dans les parcours scolaires,

Pour réduire cette divergence, le présent amendement vise à faire de la découverte des métiers une matière à part entière des enseignements généraux. Elle permettrait d’enseigner la réalité des métiers, de faire découvrir leur évolution passée et à venir, de faciliter les immersions en milieu professionnel et de favoriser les liens et les échanges entre monde du travail et monde éducatif.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Votre amendement est satisfait : cinquante-quatre heures seront consacrées à l’orientation dans les programmes scolaires aujourd’hui au lycée, demain au collège.

M. Francis Vercamer. Mon amendement ne prévoit pas seulement des heures dédiées à l’orientation, il fixe des règles concrètes.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AS248 de Mme Élisabeth Toutut-Picard.

Mme Élisabeth Toutut-Picard. L’amendement propose de donner la possibilité aux collèges, dans le cadre de la dernière année de scolarité, de dispenser des heures d’enseignement consacrées à la présentation des différents métiers et filières.

J’ai bien entendu, madame la rapporteure, que le code de l’éducation le propose déjà mais si autant de députés déposent des amendements pour organiser de façon plus systématique ces modules relatifs à l’orientation, c’est que le système actuel est inefficace. Il faut apporter des modifications pour que les élèves soient conscients le plus tôt possible des choix qui s’offrent à eux et leur éviter ainsi des erreurs d’orientation.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Cet amendement est déjà satisfait, pour les raisons que j’ai exposées précédemment. Je vous demande donc de le retirer.

La commission rejette l’amendement.

Article 11
Nouveau cadre juridique pour les centres de formation d’apprentis (CFA)

La commission est saisie des amendements identiques AS766 de Mme Caroline Fiat et AS904 de M. Pierre Dharréville.

Mme Caroline Fiat. La nouvelle rédaction de l’article L. 6231‑1 du code de l’éducation que propose l’article 11 fait disparaître la mention de la « progression sociale », ce qui constitue pour nous tout un symbole.

Mais ce n’est pas tout, l’article 11 affaiblit le rôle de l’inspection de l’apprentissage et le contrôle des CFA par la refonte intégrale du titre V du livre II de la sixième partie du code du travail.

Pour toutes ces raisons, nous souhaitons le supprimer.

M. Pierre Dharréville. L’article 11 libéralise les ouvertures de CFA qui seront désormais considérés comme de simples organismes de formation. Leur financement variera selon le nombre de contrats d’apprentissage et ne sera plus calculé de manière forfaitaire. Nous savons les problèmes auxquels cela conduit, le président de l’Association des régions de France les a soulignés lors de son audition devant notre commission.

En outre, il est prévu que les régions perdent leurs compétences en matière d’apprentissage au profit des branches professionnelles, ce qui les empêchera de réguler et d’investir dans l’offre d’apprentissage. Les inégalités territoriales risquent donc de s’amplifier car les CFA les plus petits et les plus fragiles seront menacés de fermeture tout en étant en concurrence avec d’autres organismes.

Ces dispositions instaurent une logique de marché dans le système d’apprentissage, réduit à servir les besoins locaux, parfois parcellaires, au détriment de la qualité des formations et de la capacité à répondre à des besoins réels qui ne se mesurent pas à l’aune du nombre d’inscriptions dans telle ou telle formation.

Nous ne pouvons souscrire à cet article, qui détricote un pan de l’organisation de l’apprentissage.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Vous ne vous étonnerez pas que j’émette un avis défavorable à ces amendements de suppression. Je crois beaucoup en l’article 11 qui met fin à un système administré et instaure la possibilité pour les organismes de formation d’ouvrir des centres de formation d’apprentis grâce à une organisation beaucoup plus fluide. Cela favorisera grandement une adaptation aux besoins du terrain.

La commission rejette ces amendements

La commission examine l’amendement AS139 de la commission des affaires culturelles.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Outre l’information relative aux métiers et aux formations, il vise à renforcer, au bénéfice des élèves et de leurs familles, la transparence de celle relative aux formations dispensées en CFA et en lycée professionnel.

Il propose d’élargir la liste des informations rendues publiques pour chaque CFA et chaque lycée professionnel, pour y inclure la valeur ajoutée de chaque établissement et le taux d’interruption en cours de formation. Pour les centres de formation d’apprentis, il propose également de publier le taux de rupture des contrats d’apprentissage.

Il précise la définition du taux d’insertion professionnelle qui doit être rendu public pour chaque CFA et chaque lycée professionnel, en prévoyant que ce taux est calculé sur l’ensemble du territoire national et pour le bassin d’emploi où est situé l’établissement concerné.

La direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministère de l’éducation nationale définit la valeur ajoutée d’un établissement scolaire en fonction de ce qu’un établissement a ajouté au niveau initial de ses élèves. Elle mesure la différence entre les résultats obtenus et les résultats qui étaient attendus, compte tenu des caractéristiques scolaires et sociodémographiques des élèves.

Il conviendrait que le taux d’interruption en cours de formation soit décomposé en un taux de personnes interrompant leur formation en CFA ou en lycée professionnel pour s’engager dans une autre formation, et un taux de personnes interrompant leur formation en CFA ou en lycée professionnel sans s’engager dans une autre formation.

Nous souhaitons augmenter les sources statistiques d’information à destination des familles pour qu’elles soient complètement éclairées sur la plus-value d’un établissement. Fait-il tout ce qu’il faut pour aller chercher des jeunes qui ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation, les NEET – pour Neither in Employment nor in Education or Training soit ni étudiant ni employé ni stagiaire – les décrocheurs, éloignés du système scolaire, qui ne sortent pas nécessairement de classe de troisième ? Ces indicateurs ne peuvent qu’aider les familles.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. La mise à disposition des parents et des élèves de ces informations, dans une logique d’orientation, leur sera extrêmement utile. Une telle mesure participe de la philosophie du projet qui vise à mettre à la disposition de ceux qui sont concernés une information fiable et pertinente afin qu’ils fassent des choix éclairés.

Les jeunes qui n’ont pas les relations qu’il faut pour obtenir des informations par le bouche-à-oreille y auront maintenant accès. Tout le monde disposera de la même information.

De plus, la publicité des données incitera le CFA à un fonctionnement vertueux – si le taux de rupture est élevé il sera amené à tout faire pour corriger le tir, améliorer l’accompagnement et le lien avec l’élève en entreprise, développer les échanges lorsque des signaux faibles de démotivation ou des problèmes sont perçus. Tout cela me paraît très vertueux et je donne bien sûr un avis favorable à cet amendement.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Cet amendement s’inscrit dans la philosophie de la transformation de l’apprentissage que nous appelons de nos vœux. Tout l’article 11 vise d’abord à ouvrir les possibles, nous le verrons, en supprimant l’autorisation administrative ou en rendant possible de développement de sections d’apprentissage dans les lycées, dans les CFA, dans les entreprises, dans les collectivités territoriales ou dans les organes des formations. Nous verrons également que des contraintes financières seront supprimées.

Il s’agit ensuite de responsabiliser tout le monde. Donner des éléments pour la décision et le choix des jeunes et des familles est un acte citoyen, la marque d’une démocratie moderne ; c’est, profondément, un acte démocratique. L’introduction de la notion de valeur ajoutée, déjà expérimentée dans les lycées, est très importante pour éviter le phénomène de sélection. On ne demande pas à un CFA ou à un lycée professionnel de sélectionner les meilleurs au départ – ce serait facile. Il faut qu’ils prennent les jeunes tels qu’ils sont et qu’ils les emmènent le plus loin possible. Leur capacité à le faire sera désormais une donnée publique. La transparence donne aux familles et aux jeunes un véritable pouvoir de décision. Ils ne subiront plus ; ils choisiront. Nous sommes au cœur de la philosophie du projet de loi.

M. Pierre Dharréville. Je vous crois volontiers, et c’est bien ce qui m’inquiète et m’effare. Voilà bien le symbole de ce que vous nous proposez.

Madame la rapporteure, vous considérez que les CFA relèvent aujourd’hui d’un « système administré ». J’ai du mal à vous croire. On doit pouvoir trouver exemple plus éloquent. Ce que vous appelez « système administré », moi j’appelle cela « politiques publiques », et lorsque vous en sortez, vous faîtes prévaloir la libre loi du marché.

Finalement, avec cet amendement, vous ne nous proposez pas simplement de rendre public certains critères – ils sont tout à fait discutables et il en existe d’autres pour rendre compte de la qualité d’un établissement – ; vous nous proposez un classement, comme ceux que l’on voit fleurir à la une des hebdomadaires au mois de mai et juin. Vous organisez vous-mêmes la mise en concurrence des établissements, une guerre économique sans merci, et la marchandisation de l’apprentissage.

Nous parlons de prendre des jeunes en charge et de leur donner une meilleure formation. Je ne doute pas que les CFA œuvrent aujourd’hui dans cette direction. Il faut évidemment leur donner les moyens de le faire, établir des règles et prévoir des contrôles. En revanche, je suis absolument effrayé par votre démarche et votre logique, par la « philosophie », comme vous dites, qui sous-tend votre projet de loi.

M. Gérard Cherpion. Je m’interroge sur ce qu’apporte l’amendement au texte du projet. Il ne modifie l’alinéa 2 de l’article 11 que pour ajouter un cinquième item parmi les données rendues publiques : « la valeur ajoutée de l’établissement ». J’aimerais bien que l’on m’explique de quoi il s’agit.

M. Erwan Balanant. J’ai du mal à comprendre la cohérence des propos de M. Pierre Dharréville qui se dit effrayé par la démarche sous-tendue par l’amendement, alors que La France Insoumise ne cesse de prôner le développement de l’open data

Mme Catherine Fabre, rapporteure. M. Dharréville est membre du groupe de la Gauche démocrate et républicaine !

M. Erwan Balanant. Je suis un peu fatigué, monsieur Dharréville, je vous prie de bien vouloir m’excuser ! Cela dit, c’est la même chose : presque tous les groupes politiques mettent en avant la transparence, l’open data, la publication d’indicateurs… L’amendement propose une mesure de bon sens qui permet d’informer les jeunes, les parents, et les professionnels de la formation qui auront ainsi les moyens de progresser.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Il s’agit uniquement d’assurer la transparence et d’améliorer l’accompagnement par les CFA – en publiant les taux de rupture de contrat, nous leur montrons dans quel sens ils doivent aller. L’idée n’est absolument pas celle d’un classement.

Nous incluons d’ailleurs la valeur ajoutée, car nous ne sommes pas pour la sélection : nous voulons que les établissements fassent un effort d’accompagnement. Il s’agit d’une logique de sécurisation et d’aide aux jeunes, et je ne comprends décidément pas la réaction de M. Pierre Dharréville.

Les lycées professionnels sont aussi concernés. Un grand effort en matière de toilettage des diplômes devra être accompli afin de ne pas orienter les jeunes vers des formations qui ne seraient plus ou pas « insérantes ».

Mme Audrey Dufeu Schubert. Monsieur Dharréville, ces mesures me font penser à la démarche qualité des établissements de santé qui ont adopté des indicateurs spécifiques, comme les taux de pertinence ou de réussite. Nous entrerions dans un cercle vertueux en développant une véritable démarche qualité avec plus de transparence, et en passant d’une logique de moyens à une logique de résultats au service de nos jeunes.

M. Pierre Dharréville. Un certain nombre d’organisations commencent à montrer et dénoncer les effets pervers d’une telle politique du chiffre. Des stratégies d’évitement et de contournement s’élaborent, qui rendent encore plus inaccessible la possibilité d’atteindre les objectifs annoncés concernant l’accompagnement des jeunes et leur formation. Votre démarche induit des logiques extrêmement perverses. On commence d’ailleurs à en mesurer les résultats pour les établissements de santé.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements AS630 de M. Cyrille Isaac-Sibille, et AS1188 de M. Adrien Taquet tombent.

La commission est saisie de l’amendement AS1223 de M. Dominique Da Silva.

M. Dominique Da Silva. En 2015, selon les chiffres de l’OCDE, mais je sais qu’il en existe d’autres, la France comptait un 1,8 million de jeunes NEET, soit 16,6 % des 15-29 ans, un jeune sur six. Chaque année, on compte près de 100 000 nouveaux décrochés scolaires.

C’est une évidence : tous ces publics n’auront pas un contrat d’alternance en apprentissage ou en professionnalisation, faute de places offertes, mais aussi de motivation de la part des jeunes comme des entreprises.

L’amendement vise donc à permettre la formation par l’apprentissage en situation de travail pour l’obtention – uniquement pour l’obtention – d’un certificat de qualification professionnelle qui atteste de la maîtrise de compétences liées au métier.

Cette mesure permettra de ne pas laisser des centaines de milliers de jeunes vivre en marge du marché du travail et, d’une certaine façon, de la société. Ce dispositif est certes disruptif, il bouscule l’idée que nous nous faisons aujourd’hui, de l’apprentissage en alternance, mais il est pensé au bénéfice des publics les plus rétifs à la culture scolaire, ou trop éloignés d’un établissement pour le métier visé, et pour les milliers de TPE et PME désireuses de s’engager dans une formation complète et reconnue pour les postes de travail dont elles ont véritablement besoin.

Cette nouvelle liberté offerte en matière d’apprentissage ne s’oppose pas, bien évidemment, à l’apprentissage en centre de formation pour l’obtention d’un diplôme ou d’un titre professionnel, elle cherche simplement à offrir la possibilité de déroger à un enseignement externalisé, pour l’obtention d’une certification créée et délivrée par une branche professionnelle, ce qui, de fait, n’entraîne aucune dépense publique supplémentaire.

Pour venir à bout du chômage de masse, il faut encourager fortement la formation en situation de travail, et aussi la certification de qualification professionnelle aux métiers qui recrutent et qui recruteront demain. Comme nous l’avons fait pour le dialogue social, nous devons faire confiance aux branches professionnelles pour développer la formation en situation de travail pour ces publics. C’est bon pour notre économie, pour notre cohésion sociale, et c’est aussi bon pour l’état de nos finances publiques.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Avis défavorable. L’obtention d’un certificat de qualification professionnelle n’est pas possible en apprentissage.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AS1269 de M. Hugues Renson.

M. Sacha Houlié. Le contrôle pédagogique des formations par apprentissage doit être élargi, au-delà de celles qui permettent l’obtention d’un diplôme, à celles qui conduisent à l’obtention d’un titre à finalité professionnelle.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Avis favorable. Il s’agit d’un amendement de précision.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AS830 de Mme Ericka Bareigts.

Mme Ericka Bareigts. Il vise à supprimer l’alinéa 10 qui abroge toute la partie du code du travail relative à l’inspection et au contrôle de l’apprentissage. Certes, les CFA acquièrent un statut juridique d’organisme de formation avec des obligations de droit commun, mais il n’est pas acceptable que l’inspection du travail ne puisse plus contrôler les centres dans les termes prévus par le code du travail actuel.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Avis défavorable. La suppression du chapitre sur l’inspection de l’apprentissage s’accompagne d’un contrôle par les services déconcentrés – comme pour les organismes de formation –, et par des représentants des branches et des chambres consulaires. L’encadrement pédagogique est donc très fort.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AS1451 de la rapporteure.

Elle est saisie de l’amendement AS768 de Mme Caroline Fiat.

Mme Caroline Fiat. L’article 11 vise à autonomiser totalement les CFA et à les débarrasser de toute inspection. Ne voyez-vous pas le risque de dérive et de rupture avec l’universel républicain ? Comment savoir si l’ensemble des centres dispensent des formations dans des conditions optimales ? Vers qui les formateurs pourraient-ils se tourner en cas de litige avec leur administration ? Indéniablement les centres ont besoin d’être rattachés à une institution neutre, garante de l’autorité de l’État et de l’égalitarisme républicain.

N’oublions pas que les CFA délivrent des formations qualifiantes ! À l’heure où il est de mise de valoriser les compétences, je vous rappelle que les qualifications font état de capacités reconnues sur l’ensemble du territoire, appartenant à l’individu, rattachées à une grille salariale. On ne peut donc pas transiger avec les institutions qui délivrent ces sésames.

Ainsi le projet de désaffiliation à l’État que l’article propose amorce une rupture entre le CFA et les autres organisations délivrant des diplômes. Un monde du travail à deux vitesses va-t-il advenir ?

Nous proposons de restaurer l’autorité de l’État. Pour y parvenir, il apparaît important de rattacher les CFA aux lycées professionnels de leur secteur, ce qui garantirait d’un maillage uniforme des établissements sur l’ensemble du territoire.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Défavorable. Premier point, madame Fiat, il n’y a pas toujours de lycée professionnel dans le secteur des CFA. Votre amendement ne respecte donc pas de logique de couverture uniforme du territoire. Second point, la qualité des CFA sera garantie par le système de certification mis en place pour les organismes de formation – leurs spécificités sont évidemment prises en compte.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AS140 de la commission des affaires culturelles.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Il vise à confier aux centres de formation d’apprentis la mission d’accompagner dans leur démarche les personnes en situation de handicap souhaitant suivre une formation par apprentissage.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Avis favorable. Il est important que nous inscrivions dans les missions du CFA sa mission d’accueil des apprentis en situation de handicap.

La commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AS141 de la commission des affaires culturelles.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. L’objectif de cet amendement est de confier aux centres de formation d’apprentis la mission de préparer ces derniers à leur entrée dans la vie professionnelle en les informant de leurs droits et devoirs en tant qu’apprentis et en tant que salariés. Ils sont également informés des règles applicables en matière de santé et de sécurité en milieu professionnel.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Favorable. Il s’agissait d’une préconisation judicieuse du rapport de Sylvie Brunet.

La commission adopte l’amendement.

L’amendement AS1478 de la rapporteure est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AS1473 du Gouvernement.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Il vise à permettre aux apprentis de bénéficier de la protection sociale, et, le cas échéant, d’une rémunération en tant que stagiaire de la formation professionnelle lorsqu’ils poursuivent leur formation en CFA après une rupture de leur contrat d’apprentissage.

Vous avez adopté un amendement qui leur permet, en cas de rupture du contrat, de poursuivre leur formation durant six mois au sein du CFA en tant que stagiaires de la formation professionnelle, pendant qu’ils cherchent un autre contrat. Il fallait compléter ces dispositions afin de régler des points complémentaires relatifs à la protection sociale ou au statut.

M. Gérard Cherpion. Certes, nous sommes dans la lignée de ce que nous avons adopté, mais des questions se posent. Qui rémunérera le jeune stagiaire de la formation professionnelle dès lors qu’il n’est plus apprenti ?

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Je suis très favorable à cet amendement. En cas de rupture du contrat de l’apprenti, il est important de prévoir la préservation de son régime de sécurité sociale. Cela illustre bien une démarche de sécurisation du parcours des jeunes.

La commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AS1104 de Mme Nathalie Elimas.

Mme Nathalie Elimas. L’état de santé, les soins ou les traitements nécessaires aux personnes en situation de handicap ou malade peuvent rendre difficile le déroulé des formations en alternance.

Afin de prévenir ou de résoudre toute difficulté, de faciliter la continuité de la formation, et d’éviter toute rupture inopinée, il est proposé d’ajouter un item relatif à la santé à l’alinéa 24 qui aborde des sujets pour lesquels le service public de l’emploi doit pouvoir apporter un soutien au centre de formation des apprentis.

Cet amendement s’inscrit dans une démarche visant à démocratiser la pratique de l’apprentissage par des personnes handicapées.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Il me semble que ce n’est pas nécessairement au CFA d’apporter un accompagnement médical aux personnes en situation de handicap. En revanche, nous avons tous le souci que les CFA soient « inclusifs ». Nous travaillons sur un amendement instituant un référent au sein du CFA. Cela rejoint votre préoccupation et me semble plus opérationnel. Je vous propose donc de retirer votre amendement, à défaut, je donnerai un avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS1361 de la rapporteure.

Elle est saisie, en discussion commune, des amendements AS949 de Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, et AS1105 de Mme Nathalie Elimas.

Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel. L’amendement AS949 promeut ce CFA inclusif que vous appelez de vos vœux, madame la rapporteure.

Les centres de formation d’apprentis jouent un rôle déterminant dans la construction des parcours de leurs élèves, que ce soit en matière de compétences développées ou en termes de socialisation.

Afin de lever les freins qui empêchent l’inclusion des personnes en situation de handicap par le travail, il est nécessaire de sensibiliser les formateurs, les maîtres de stage et les apprentis à la question du handicap, tout en menant une politique d’orientation et de promotion des formations qui mette en avant les avantages de l’inclusion dans le milieu ordinaire.

Mme Nathalie Elimas. Alors que le projet de loi envisage une dynamisation de l’apprentissage, il ne faudrait pas que les personnes en situation de handicap soient oubliées.

Aujourd’hui seules 1 % d’entre elles bénéficient de formations en apprentissage. Pourtant la législation en vigueur a permis la mise en place d’un cadre qui leur est théoriquement favorable : il n’y a pas de limite d’âge, et les modalités sont aménagées, qu’il s’agisse du temps de travail en entreprise, de l’organisation du temps de formation en centre de formation, de la durée de l’apprentissage ou de la pédagogie.

Il s’agit d’impulser une dynamique positive qui permettra d’augmenter la part des personnes en situation de handicap dans les formations en apprentissage.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Des concertations sur ces sujets sont en cours, et je vous propose que nous remettions la discussion de ces amendements au passage en séance publique. Si vous ne les retirez pas, j’émettrai à ce stade un avis défavorable.

Mme Martine Wonner. L’amendement AS949 traite d’un sujet majeur. Le ministre de l’éducation nationale s’est véritablement engagé en faveur d’une école inclusive, en particulier s’agissant de la formation des professeurs du premier et du second degré. Il faut faire un parallèle et permettre aux apprentis en situation de handicap d’être accompagnés par des formateurs eux-mêmes formés en la matière.

Précisons que cela concerne toutes les formes de handicaps : moteurs, mentaux ou psychiques.

M. Gérard Cherpion. Il y a un problème avec l’apprentissage dans le secteur public. Je ne veux montrer personne du doigt, mais il faut savoir que, dans le public, on trouve très peu d’apprentis, et, parmi ces derniers, rares sont les porteurs de handicap. Nous passons cela sous silence, mais nous devons rappeler au service public son obligation de recruter des apprentis, et, parmi eux, un certain nombre de personnes porteuses de handicap.

Il y a quelques années, j’avais diffusé le nombre de personnes porteuses de handicap qui travaillaient dans les administrations centrales de ministères : il était si faible que le Premier ministre m’avait fait passer un message se demandant pourquoi je faisais sortir des chiffres pareils. Nous pouvons demander des efforts au privé, mais il faut demander les mêmes au secteur public.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. D’ici à la semaine prochaine, les partenaires sociaux auront indiqué les points sur lesquels ils sont tombés d’accord. Si les amendements que vous défendez ne sont pas satisfaits, nous pourrons en discuter en séance publique. Ma demande de retrait traduit uniquement mon souci de respecter la concertation en cours.

Les amendements sont retirés.

La commission examine, en discussion commune, les amendements AS143 de la commission des affaires culturelles, et AS596 de M. Pierre Cabaré.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Au-delà de la question de l’égalité entre les sexes, le formateur doit également être sensibilisé contre d’autres formes de discriminations en raison de l’orientation sexuelle, du handicap…

M. Pierre Cabaré. Issu de la recommandation n° 14 du rapport de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, de l’Assemblée, cet amendement vise à inclure parmi les missions des centres de formation d’apprentis la promotion de la mixité des métiers et de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Le projet de loi prévoit que les CFA ont pour mission de favoriser la mixité au sein de leurs structures en sensibilisant les formateurs, les maîtres d’apprentissage et les apprentis à la question de l’égalité entre les sexes, et en promouvant la mixité grâce à la lutte contre la répartition sexuée des métiers.

Compte tenu de l’importance du sujet, il me semble toutefois nécessaire d’aller encore plus loin. Plus nous sensibiliserons les jeunes, les élèves, les apprentis, plus vite nous parviendrons à faire disparaître les inégalités. Pour atteindre cet objectif, il faut organiser des actions spécifiques.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Monsieur Cabaré, l’idée « d’encourager la mixité des métiers et l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes en organisant des actions d’information sur ces sujets à destination des apprentis » correspond à nos ambitions. Il reste encore du travail à faire si l’on regarde le taux de féminisation dans l’apprentissage. Nous avons également un problème de stéréotypes de genre associés aux différents métiers. Votre amendement est judicieux, et j’y suis favorable. En conséquence, je suis défavorable à l’amendement AS143

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Aujourd’hui, l’apprentissage, filière de réussite et d’excellence, ne compte que 30 % de filles. Selon les métiers, les stéréotypes sont extrêmement forts, on est dans le « genré » total. Une disposition comme celle qui est proposée ne sera pas du luxe, elle ne pourra faire que du bien.

La commission rejette l’amendement AS143, puis elle adopte l’amendement AS596.

Elle en vient à l’amendement AS1246 de M. Frédéric Petit.

M. Frédéric Petit. La mobilité internationale est souvent considérée comme un luxe, mais elle est très utile pour les « jeunes ayant le moins d’opportunités » (JAMO). L’amendement complète l’alinéa 26 en les citant. Dans le cadre des efforts consentis en Europe pour l’Erasmus des apprentis, cela nous permettra de tous disposer des mêmes nomenclatures et objectifs.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Ce qui compte pour développer la mobilité des plus modestes, c’est de donner de la souplesse au dispositif. L’article 8 du projet de loi participe de cette démarche, et, à mon sens, il n’est pas nécessaire d’aller plus loin.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS789 de Mme Marion Lenne.

Mme Véronique Riotton. Il précise le rôle du personnel des centres de formation d’apprentis dans l’encouragement de la mobilité internationale.

Pour répondre à l’objectif de porter à 15 000 par an le nombre d’apprentis inscrits au programme Erasmus, il est impératif de développer l’apprentissage des autres langues de l’Union européenne au sein des CFA.

Plus particulièrement, il est urgent de renforcer l’autonomie linguistique dans tous nos territoires, surtout dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, où le taux d’illettrisme est deux fois supérieur à la moyenne.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Avis défavorable. Si je souscris à l’objectif légitime de l’amendement, le dispositif me paraît un peu restrictif. De fait, le développement d’Erasmus Plus renforcera la maîtrise des langues étrangères. Il est inutile de préciser davantage les choses à ce stade.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AS1251 de M. Frédéric Petit.

M. Frédéric Petit. Cet amendement est le prolongement de l’amendement AS1246. Je ne comprends pas pourquoi vous m’avez renvoyé tout à l’heure à l’article 8 du projet de loi. Si la mobilité internationale des apprentis est recréée à l’article 26, il faut insister pour qu’elle ne soit une exigence et non un gadget, sans quoi les apprentis français ne partiront pas à l’étranger et réciproquement.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. J’ai fait référence à l’article 8 car il comporte les précisions relatives à la mobilité des apprentis dans le cadre d’Erasmus Plus.

Je suis défavorable à votre amendement car il est satisfait par l’alinéa 32 de l’article 4 du projet, qui prévoit de dispenser « aux apprentis originaires de l’Union européenne en mobilité en France une formation générale associée à une formation technologique et pratique, qui complète la formation reçue en entreprise et s’articule avec elle ».

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Le programme Erasmus Pro, l’Erasmus + des apprentis, est extrêmement exigeant. Notre ambition est non seulement de faire passer de 6 800 à 15 000 par an le nombre d’apprentis qui pourront en bénéficier mais aussi d’accueillir de jeunes apprentis en provenance de toute l’Europe. Ce programme consiste actuellement en de stages de découverte de deux ou trois semaines, certes utiles mais nous voudrions offrir aux apprentis la possibilité de valider dans le cadre de leur cursus des trimestres ou des semestres entiers à l’étranger. C’est pourquoi nous avons besoin de lever certains freins. Nous avions d’ailleurs déjà parlé dans cette commission de la question de la suspension du contrat d’apprentissage. Je tire mon chapeau à tous ceux qui ont déjà expérimenté le dispositif, les Compagnons du devoir notamment, en prenant tous les risques que cela impliquait en l’absence de cadre juridique : ils ont montré à quel point ce programme était bénéfique aux jeunes qui en ressortent plus épanouis et plus mûrs, ayant découvert d’autres techniques et d’autres cultures. Ces jeunes en sont transformés – ils le disent eux-mêmes – et comprennent ce qu’est l’Europe en en devenant de véritables citoyens. Ce programme formidable et, encore une fois, extrêmement exigeant suppose évidemment que nous travaillions les questions linguistiques et interculturelles. Cela étant, ces enjeux étant au cœur même d’Erasmus Pro, je ne crois pas que la loi ait besoin de les mentionner. Il faut surtout qu’on fasse sauter les verrous empêchant le développement du programme.

M. Frédéric Petit. Je remercie Mme la ministre de son plaidoyer. Je signale quand même qu’en tant que député des Français établis hors de France, je connais bien l’Allemagne mais aussi la ville de Varsovie où j’habite.

Madame la rapporteure, l’article que vous m’avez lu va dans le sens inverse de l’objet de mon amendement et vise plutôt l’adaptation des ressortissants de l’Union européenne à nos formations. Il faudra évidemment qu’ils apprennent la langue. Cela étant, un établissement qui n’adapte pas sa stratégie d’emploi et de formation à l’internationalisation des cursus accueillera certes des apprentis étrangers parce qu’il leur aura demandé d’apprendre la langue et de comprendre les métiers en France mais ne sera pas dans une perspective d’européanisation ni d’échanges. Le système que je connais fonctionne parce que les efforts sont faits pour.

Mme Fadila Khattabi. La mobilité à l’international, a fortiori en Europe, est bien sûr très importante. Vous l’avez dit, madame la ministre : les jeunes en reviennent complètement transformés. En revanche, chaque fois qu’on a voulu organiser des départs, cette organisation fut très lourde. La première chose à faire est de convaincre l’employeur, soumis à des contraintes, de laisser partir son apprenti. Il y a plusieurs freins à lever et il faut faire preuve de pédagogie, y compris auprès des jeunes qui ont parfois des blocages psychologiques – quand ce ne sont pas leurs parents qui en ont. Une fois qu’on réussit à les convaincre de partir, ils le font et nous reviennent complètement épanouis.

La commission rejette l’amendement AS1251.

Elle étudie l’amendement AS1254 de M. Frédéric Petit.

M. Frédéric Petit. Il s’agit d’un amendement de repli ressemblant beaucoup au précédent. Dans l’exemple qu’on vient de citer, on a beaucoup parlé du fait que l’employeur devait laisser partir ses apprentis mais, si le système est adapté, des apprentis étrangers viendront aussi travailler chez nous, la mobilité fonctionnant dans les deux sens. Il faut donc que nous adaptions notre mode de pensée. Nous parlons ici de la dimension interculturelle de cette mobilité et non pas seulement d’apprentissage des langues.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. De quel type d’adaptation parlez-vous, concrètement ? De l’organisation de cours d’anglais ? Vous parlez de la Pologne mais il n’est pas question pour les apprentis étrangers de suivre des cours dans leur langue d’origine. J’émets un avis défavorable à ce stade mais suis intéressée par vos propositions concrètes, dans la perspective de la séance publique.

M. Frédéric Petit. Je suis tout à votre disposition pour retravailler la question dans le temps qui nous reste. Quand on parle d’adaptation à l’international, cela va au-delà de la question linguistique. Si les gens reviennent transformés de leur mobilité, ce n’est pas parce qu’ils ont appris une langue supplémentaire mais bien parce que les comportements et les rapports entre les sexes, de même que les rapports avec le monde de l’entreprise, diffèrent selon les pays. Je ne parlais pas tant de la Pologne que de l’Allemagne et de l’Autriche qui sont aussi dans ma circonscription. La culture du travail et la culture de l’entreprise sont différentes selon qu’on travaille dans un Mittelstand allemand ou dans une PME française. Si aucune réflexion n’est menée avec détermination par les CFA, on aura du mal à s’adapter.

La commission rejette l’amendement AS1254.

Elle en vient à l’amendement AS212 de M. Gérard Cherpion.

M. Stéphane Viry. Il vous est proposé de faire figurer dans la loi la possibilité d’accueillir des apprentis originaires de l’Union européenne en mobilité en France.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Votre amendement est satisfait par l’alinéa de l’article 4 que j’ai lu tout à l’heure. Avis défavorable.

L’amendement AS212 est retiré.

La commission en vient à l’amendement AS146 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. L’article L. 122-2 du code de l’éducation prévoit que tout élève qui, à l’issue de la scolarité obligatoire, n’a pas atteint un niveau de formation sanctionné par un diplôme national ou un titre professionnel enregistré et classé au niveau V du répertoire national des certifications professionnelles, doit poursuivre des études afin d’acquérir ce diplôme ou ce titre.

Il importe que les CFA permettent aux jeunes qui ont mis fin à leur formation ou qui n’ont pu obtenir de diplôme à l’issue de leur formation en CFA de faire valoir leur droit à la formation initiale en les orientant vers des personnes ou des organismes qui soient à même de les aider à définir un projet de poursuite de leurs études. Je pense en particulier aux psychologues de l’éducation nationale et aux missions locales.

Cet amendement vise à expliciter qu’au cas où le contrat d’apprentissage d’un jeune a été rompu, que ce jeune n’est pas suffisamment mûr pour accéder au monde du travail ou que la voie qu’il a choisie ne lui convient pas, ce jeune ne doit pas être laissé au bord du chemin et qu’il faut éviter qu’il rejoigne les NEET.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Il est utile de préciser que les CFA jouent un rôle de prise en charge des décrocheurs car il y a des risques de rupture des contrats d’apprentissage. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AS1230 de M. Frédéric Petit.

M. Frédéric Petit. Cet amendement vise à ajouter, sur la façade des CFA, la devise de l’Europe « Unis dans la diversité », aux côtés du drapeau français et de la devise de la République française.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. L’alinéa 34 reprend la rédaction du droit en vigueur. C’est pourquoi la devise européenne ne figure pas dans le texte. Ce serait une nouvelle obligation pour les CFA que je trouve un peu lourde.

M. Frédéric Petit. Je reconnais que c’est une nouveauté mais il y a du nouveau depuis un an en matière de symboles de l’Europe et de la République. On pourrait donc être pionniers en la matière et faire évoluer le droit. Cela me semble d’autant plus souhaitable que la devise est belle.

M. Gérard Cherpion. Je rejoins l’auteur de l’amendement. Nous sommes dans une période où l’Europe est dans le doute et doit s’affirmer. Notre positionnement européen est important, en particulier dans le cadre du programme Erasmus Pro. Nous faisons des échanges avec des Européens : apposons donc le drapeau européen sur la façade nos CFA.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Le drapeau européen est déjà apposé sur la façade des CFA. Cette ambition européenne est donc déjà affirmée. D’autre part, pourquoi ne viser que les CFA ? Si on souhaite affirmer une ambition européenne, il faudrait le faire dans tous les établissements pour que cela ait une portée et de la visibilité. Cela ne me semble pas opportun ici.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS767 de Mme Caroline Fiat.

M. Jean-Hugues Ratenon. L’alinéa 37 permet aux entreprises de former leur personnel hors les murs dans un centre de formation des apprentis. Cette mesure nous pose particulièrement problème.

En effet, il nous semble dangereux que des apprentis puissent bénéficier d’enseignements organisés et conçus par une entreprise privée. Là où l’éducation nationale, voire les régions, prodiguent une formation neutre, pluridisciplinaire et qualitative, une entreprise privée vise d’abord la rentabilité de ses enseignements. Les conséquences qualitatives se feront nécessairement ressentir. L’éducation doit rester du seul ressort des pouvoirs publics. C’est une régression très importante que des travailleurs soient dépendants, du fait de leur formation, d’une seule entreprise.

Cela entraînera aussi d’importantes inégalités de traitement, totalement contraires à la vocation égalitaire de toute formation initiale. Cela présente un recul intolérable de la puissance publique, garante d’équité, de neutralité et d’efficacité.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. La formation hors les murs, notamment en entreprise, est nécessaire pour soutenir certaines filières très spécialisées dans lesquelles les compétences sont dans les entreprises. Elle est par ailleurs un moyen de mutualiser des moyens, un plateau technique par exemple.

Il ne s’agit donc pas d’une subordination supplémentaire de l’apprenti qui reste libre de signer ou pas un contrat d’apprentissage, de prendre ou pas cette formation dans l’entreprise ou encore de rester ou pas dans l’entreprise après son contrat. C’est une modalité de formation intéressante que vous proposez de supprimer ici.

Avis défavorable.

M. Sylvain Maillard. Connaissez-vous vraiment ce type de formations, monsieur Ratenon ? C’est un service supplémentaire que l’on offre ici. Dans la région Auvergne Rhône-Alpes, ces formations permettent aux enseignants d’aller d’une entreprise à une autre pour rejoindre directement les apprentis. Sans cela, compte tenu de leur difficulté à se déplacer, les apprentis ne pourraient pas suivre de formation en CFA. C’est une innovation pédagogique qui existe déjà.

La commission rejette l’amendement.

Elle étudie l’amendement AS1233 de Mme Josette Manin.

Mme Josette Manin. Cet amendement vise à permettre au Gouvernement et au législateur de mesurer l’impact des nouvelles obligations des centres de formation dans les collectivités territoriales de l’article 73 de la Constitution. La présente loi prévoit plusieurs dispositions dont le financement n’est pas précisé alors que ces mesures vont créer de nouvelles obligations pour les CFA. L’article 11 établit qu’à compter du 1er janvier 2020, tout nouveau centre de formation des apprentis devra être déclaré organisme de formation et obtenir une certification qualité pour ouvrir des formations pour les apprentis. La conformité des CFA à une démarche qualité nécessite des ressources et peut avoir des effets négatifs dans les départements des outre-mer où une majorité des centres sont moins dotés que dans l’Hexagone.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Votre amendement est satisfait par l’article 66 qui prévoit la possibilité d’adapter les dispositions aux départements d’outre-mer. Je vous demanderai donc de le retirer.

L’amendement AS1233 est retiré.

La commission examine l’amendement AS1190 de M. Adrien Taquet.

M. Adrien Taquet. En matière de handicap, on semble se diriger vers un dispositif cohérent même s’il reste pour l’instant théorique, beaucoup d’amendements ayant vu leur examen reporté à la séance publique pour tenir compte de la concertation en cours. J’espère d’ailleurs que les conclusions de cette concertation concerneront non seulement le titre III mais aussi le titre premier du projet de loi.

Un amendement tombé tout à l’heure du fait de la modification de l’alinéa 2 visait à sensibiliser les formateurs à la question du handicap et prévoyait la présence d’un référent handicap.

Dans un même souci de transparence et afin de créer un cercle vertueux, voire une émulation entre les établissements, on pourrait imaginer que le taux d’accueil des personnes en situation de handicap soit publié. Enfin, dernière proposition, le référent handicap pourrait remettre une charte d’accueil aux apprentis en situation de handicap. Cela se pratique avec succès dans certaines régions comme les Pays de la Loire et l’Auvergne Rhône-Alpes. Cette charte d’accueil rendrait lisible l’offre inclusive des différents CFA et détaillerait les actions mises en œuvre pour garantir aux personnes en situation de handicap une formation adaptée à leurs besoins spécifiques.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Il est effectivement assez frustrant de reporter d’une semaine ces discussions. Nous sommes d’accord sur le principe de l’instauration d’un référent handicap et de la distribution d’une charte d’accueil mais je vous propose de reporter l’examen de cet amendement à la séance publique. Je vous invite donc à le retirer.

M. Aurélien Taquet. Je ne suis pas sûr que la remise de chartes d’accueil ou la sensibilisation des formateurs compromette la concertation en cours mais je retire l’amendement.

L’amendement AS1190 est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS1362 de la rapporteure.

Elle en vient à l’amendement AS211 de M. Gérard Cherpion.

M. Stéphane Viry. Les centres de formation d’apprentis doivent disposer, au 1er janvier 2020, date d’entrée en vigueur du nouveau dispositif de financement de l’alternance introduit par le présent projet de loi, de ressources suffisantes pour garantir la continuité de leur activité pédagogique. Or, le projet de loi organise un reversement des excédents constatés au 31 décembre 2019 au titre de la taxe d’apprentissage et de la contribution supplémentaire à France compétences en vue d’une affectation par ce dernier selon des modalités fixées par décret. Ce faisant, le projet de loi n’apporte pas les garanties suffisantes à la pérennité de l’activité des CFA dès le 1er janvier 2020, garanties que le présent amendement entend rétablir.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Nous avons eu confirmation qu’il était bien prévu d’assurer la continuité des contrats déjà engagés. Votre amendement est donc satisfait.

M. Stéphane Viry. On ne parle pas du financement des contrats mais de celui des CFA dans leur globalité. Je ne puis donc me satisfaire de votre réponse.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. L’alinéa 90 de l’article 11 dispose que les excédents constatés au 31 décembre 2019 issus des fonds de la taxe d’apprentissage et de la contribution supplémentaire à l’apprentissage seront reversés à l’établissement France compétences qui, au titre de sa mission, les affectera au financement des centres de formation d’apprentis.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Le changement de mode de financement des formations se fera au 1er janvier 2020. Rien ne changera après l’adoption de la loi en matière d’investissements : ceux-ci resteront financés par les régions. S’agissant des dépenses de fonctionnement, la dotation aux régions ne changera pas jusqu’au 31 décembre 2019. Pour toute l’année 2018 et toute l’année 2019, les régions continueront à financer les centres de formation d’apprentis selon les modalités actuelles, grâce à une dotation qui suit d’ailleurs une évolution dynamique. Il ne faudrait donc pas que les rares régions qui laissent à penser qu’elles n’ont plus les moyens de financer les CFA le disent trop fort car nous regarderons les choses de près. Les modalités de collecte changeront en 2020, date d’entrée en vigueur du financement au contrat. Nous ménageons donc une transition de dix-huit mois.

De nombreux autres aspects de la réforme, concernant notamment les entreprises et les jeunes, entreront en vigueur soit en septembre, soit en janvier prochain.

La disposition relative au reversement des excédents a été demandée par le Conseil d’État. France compétences pourra utiliser ces excédents pour faire de l’innovation pédagogique ou mener toute autre action en faveur de l’alternance et de l’apprentissage.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement de coordination AS1479 de la rapporteure.

Elle aborde ensuite l’amendement AS1141 de M. Sylvain Maillard.

M. Sylvain Maillard. Il s’agit d’une disposition transitoire et d’amorçage de la libéralisation de l’offre de formation par apprentissage. À ce jour, la création d’un centre de formation des apprentis nécessite obligatoirement la conclusion d’une convention avec la région, et ce, notamment, dans le cadre du financement du CFA par cette dernière.

L’article 11 du projet apporte des modifications substantielles en matière de création de centres de formation d’apprentis et pose les principes d’une période transitoire pour l’année 2019. L’objet du présent amendement est de permettre pendant cette période, par anticipation, l’ouverture d’un CFA ou d’une section d’apprentissage hors convention régionale. Dans ce cas de figure, le centre de formation a accès au financement du quota des entreprises et doit être inscrit comme tel sur la liste publiée par le préfet à cet effet au 31 décembre 2018. Les centres de formation auront donc un délai compris entre la date de la promulgation de la loi cet été et le 31 décembre 2018 pour organiser l’ingénierie administrative et pédagogique permettant de développer l’offre de formation par apprentissage, sans accord et financement de la région dès l’année 2019.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Il me semble utile de prévoir la manière dont se créeront de nouveaux CFA pendant la phase de mise en place du nouveau système. Avis favorable.

M. Gérard Cherpion. Entre la publication de la loi et le 31 décembre prochain, des décrets d’application devront être pris. Je ne suis donc pas certain que ces centres auront suffisamment de temps pour préparer cette ingénierie.

Mme Fadila Khattabi. La création d’un CFA prend peut-être un peu de temps mais pas l’ouverture d’une section. Les CFA connaissent à peu près les besoins des entreprises et les territoires. Ils peuvent donc être très réactifs et ouvrir des sections dès la rentrée prochaine.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AS1363 de la rapporteure.

Elle est saisie de l’amendement AS200 de M. Jean-Félix Acquaviva.

M. Jean-Félix Acquaviva. Il est nécessaire de prendre en compte les spécificités de nos territoires, sur le plan tant économique que social. C’est pourquoi nous proposons que l’article 11, qui est au cœur du projet de loi, ne s’applique pas à la Corse, qui a une économie faiblement industrialisée et peu diversifiée, avec 90 % de TPE. Autrement dit, les branches n’y existent pas.

La loi du 22 janvier 2002 portant statut de la Corse donne des prérogatives importantes à la collectivité en matière d’éducation et de formation. L’assemblée territoriale élabore une carte globale des formations, intégrant chaque domaine de formation et tenant compte de la spécificité du territoire – son insularité.

L’apprentissage en Corse doit pouvoir continuer à bénéficier d’une programmation politique et d’une vision de long terme dans les secteurs existants et les secteurs à développer, d’autant que les résultats sont probants. En commission des affaires culturelles, j’ai pris l’exemple de la filière bois qui a un fort potentiel mais ne bénéficie pas d’un réseau d’entreprises pour se développer. Cette filière mérite pourtant de bénéficier d’une politique d’apprentissage pour répondre aux objectifs fixés en matière d’économies d’énergie.

Pour toutes ces raisons, nous demandons que l’article 11 ne s’applique pas à la Corse.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Je crois en la philosophie de cet article. Il n’y a pas de raison qu’elle ne puisse pas être mise en pratique en Corse. Avis défavorable.

M. Jean-Félix Acquaviva. J’ai entendu dire tout à l’heure qu’il fallait prendre en compte les attentes du terrain. On ne peut pas se satisfaire que le haut impose sa vision au bas : il faut aussi qu’on entende ce que dit le terrain ! Vous allez prendre là une décision allant à l’encontre de l’avis de 100 % des élus, des entreprises et du corps social. Il est assez surprenant de dire que cela va aller mieux pour tout le monde en procédant ainsi alors que nous avons obtenu des résultats grâce à une gestion de proximité prenant en compte les spécificités de la Corse. Je ne pense pas qu’on puisse faire le bonheur des gens malgré eux, surtout si on ne les écoute pas !

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 11 modifié.

Suspendue à minuit vingt, la réunion reprend à minuit trente.

Article additionnel ‑ Article 11 bis
Valorisation de l’activité de formation des établissements publics d’enseignement supérieur

La commission examine l’amendement AS1151 de M. Sylvain Maillard.

Mme Audrey Dufeu-Schubert. Le présent amendement vise à développer l’offre de formations, notamment en apprentissage. Il mentionne explicitement l’offre de formation initiale et l’offre de formation tout au long de la vie des établissements publics d’enseignement supérieur afin de leur permettre de dégager des revenus qui seront dédiés au financement et au développement de leur offre de formation, au sein d’un marché concurrentiel.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Cet amendement vise à développer l’activité de formation en apprentissage au sein des établissements d’enseignement supérieur. Il poursuit un objectif que nous partageons. Avis favorable.

M. Gérard Cherpion. Je suis favorable à l’amendement mais si l’apprentissage aux niveaux supérieurs connaît un certain essor, il ne faut pas pour autant négliger l’apprentissage aux niveaux IV et V, sans quoi on risque de déséquilibrer l’ensemble du système. Les niveaux IV et V sont nécessaires à l’épanouissement personnel des apprentis mais sont aussi au fondement de la formation tout au long de la vie, les salariés ayant la possibilité de partir du niveau V pour terminer au niveau I.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 11 bis
 

La commission étudie, en discussion commune, les amendements AS525 de Mme Véronique Riotton, AS1226 de M. Bernard Perrut, AS628 de M. Cyrille Isaac-Sibille et AS865 de M. Gérard Cherpion.

Mme Véronique Riotton. Les écoles de production permettent depuis de nombreuses années d’accueillir des jeunes en difficulté. Ces cursus permettent avec un réel succès d’intégrer ces jeunes dans le monde professionnel. L’amendement AS525 vise à donner aux écoles de production un cadre juridique permettant leur développement et sécurisant leurs ressources par la perception d’une part de la taxe d’apprentissage.

M. Bernard Perrut. L’amendement AS1226 a pour but de garantir le financement des écoles de production, établissements privés d’enseignement technique à but non lucratif formant des jeunes à partir de quinze ans et préparant aux diplômes et certifications du CAP et du bac professionnel. Ces écoles, qui enregistrent un taux de réussite de 93 %, permettent de lutter efficacement contre le décrochage scolaire et contre le chômage des jeunes. Elles accueillent un public à 90 % en difficulté. On peut juger de leurs résultats au taux d’abandon de leurs élèves, inférieur à 5 %, à leur taux moyen de réussite aux examens académiques de l’État, qui est de 90 %, et au taux de placement en entreprise des élèves qui en sortent, qui avoisine les 100 %. C’est dire combien ce modèle est efficace.

Pourtant, le texte, dans sa rédaction actuelle, condamne ces écoles de production à l’asphyxie en supprimant 40 % à 70 % de leurs crédits de fonctionnement. Il existe vingt-cinq écoles de ce type en France et il y en aura peut-être cent demain, grâce au soutien de certaines entreprises. On se rend en effet compte de l’efficacité de ces établissements quelque peu différents des CFA traditionnels puisque les jeunes y suivent leur formation théorique et leur apprentissage dans le même lieu. Il faut garantir à ces écoles de production l’obtention de financements et la possibilité de s’étendre. Leur finalité est d’accueillir des jeunes et de les faire réussir.

Mme Patricia Gallerneau. Il faut absolument donner un statut aux écoles de production. En plaçant les élèves dans la réalité concrète du monde du travail et en appliquant le principe du « faire pour apprendre », les écoles de production constituent une offre complémentaire à celle existante dans les lycées professionnels et les centres de formation d’apprentis.

Les écoles de production sont actives et performantes sur le créneau des jeunes qui ne sont pas adaptés à la pédagogie classique du collège. Ceux-ci ont trop souffert jusqu’à la troisième pour continuer sur le même modèle au lycée professionnel, qu’ils n’ont souvent pas choisi : 27 % l’abandonnent. Ils ne sont souvent pas assez mûrs ou solides pour trouver un employeur qui les embauche en apprentissage et, quand ils y parviennent, 40 % abandonnent le CFA avant terme.

Les résultats des vingt-cinq écoles de production réparties dans l’ensemble du territoire national sont spectaculaires pour un public jugé ailleurs difficile et fragilisé lors de leur entrée dans l’école : moins de 5 % d’abandon, 12 à 20 points de mieux pour les pourcentages de réussite aux examens académiques du CAP et du BAC Pro, 45 % de poursuite d’études en sortie d’école et quasiment 100 % d’embauche dans les deux mois pour les autres.

Le projet est d’offrir aux jeunes cent écoles d’ici dix ans pour que « chaque jeune trouve une école à proximité de chez lui ».

M. Gérard Cherpion. Tout a été dit pour défendre les écoles de production. C’est un modèle remarquable, un modèle microéconomique, car le nombre de ces écoles est faible – seulement vingt-cinq –, ce ne sont pas de grands bataillons, mais c’est une richesse dans la mesure où les jeunes arrivent souvent en difficulté, et ressortent non seulement avec une qualification, mais aussi avec un emploi, dans la plupart des cas.

Le coût n’est pas très important, et nous pourrions les accompagner, sachant que cet accompagnement induira un certain nombre de contraintes, en particulier administratives.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Nous en arrivons à la question des écoles de production. Je partage les points de vue qui ont été exprimés sur les performances et l’intérêt du modèle que proposent ces écoles.

La question est toutefois délicate. La rédaction proposée par ces amendements ne satisfait pas l'ensemble du secteur, notamment au regard des modalités de contrôle pédagogique qui pourraient s'imposer à ces écoles dans le cas où vos demandes seraient satisfaites.

Je sais que le Gouvernement travaille à une nouvelle rédaction de ce statut. Je vous propose par conséquent, compte tenu de ces éléments, de retirer vos amendements en attendant qu'il y ait un accord sur une rédaction qui satisfasse toutes les parties, qui serait présentée en séance publique. Dans l’absolu, nous partageons l’objectif que ces écoles de production perdurent et qu’elles puissent se développer.

Mme Véronique Riotton. Je retire l’amendement, mais je souhaite être informée des avancées des négociations. Nous en avions déjà parlé la semaine dernière, et nous n’avons pas eu d’informations, c’est la raison pour laquelle j’ai déposé cet amendement. J’accepte donc de le retirer, mais je souhaite rester dans la boucle.

L’amendement AS525 est retiré.

M. Sylvain Maillard. De nombreux groupes ont déposé un amendement sur les écoles de production. Nous ne l’avons pas fait, pourtant c’est au cœur de nos préoccupations et c’est un dossier sur lequel bon nombre de députés de notre groupe sont mobilisés.

Pour le moment, il n’y a pas d’accord sur la définition du statut que souhaitent les écoles de production. Ce qui fonctionne bien, c'est qu’elles sont en dessous du radar, elles n’adoptent pas l’organisation classique d’un CFA, mais ont des modes de fonctionnement et une organisation propres. En les faisant entrer dans un modèle plus classique, nous risquons de casser leur spécificité, largement rappelée sur ces bancs, et qui a montré son efficacité.

Nous voterons contre les amendements s’ils ne sont pas retirés, mais nous souhaitons arriver en séance avec une solution à même de satisfaire les écoles de production pour qu’elles puissent pleinement s’épanouir dans le nouveau système. Mais évidemment, il nous faudra atterrir rapidement.

M. Gérard Cherpion. Je suis prêt à retirer l’amendement, mais il faut une certaine sécurité, et obtenir l’assurance qu’en séance publique, nous aurons une proposition. Si nous avons un engagement de la ministre sur ce point, je veux bien retirer mon amendement, sinon nous allons à nouveau reporter le problème. Et je suis particulièrement conscient qu’un certain nombre de difficultés sont liées à l’âge d’entrée. Le passage dans les lignes actuelles rendra probablement impossible l’entrée à quatorze ans. Je suis conscient des difficultés, je souhaite avoir l’avis de la ministre, et un calendrier.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Je partage le point de vue de toutes les personnes qui se sont exprimées. Les écoles de production sont un dispositif innovant, qui a fait ses preuves et qui tient une place particulière. Il permet de faire de la prévention à l’égard des jeunes décrocheurs en proposant une formule originale, qui réussit très bien pour un certain type de jeunes. Nous sommes d’accord sur ces points.

Deux questions sont posées aujourd’hui. L’une porte sur le financement, l’autre sur le statut juridique.

S’agissant du financement, je tiens à rassurer tout le monde ici et à clarifier un point : le hors quota de l’apprentissage – qui s’appellera ensuite la contribution professionnalisante – est maintenu en l’état et permettra de continuer à financer les écoles de production, les EPIDE (établissement pour l'insertion dans l'emploi), les écoles de la deuxième chance, les lycées et les universités. Il n’y aura pas de changement du financement, ni du recours à la portion de la taxe qu’ils utilisaient. Les écoles de production ont des projets de développement importants, qu’un certain nombre d’entreprises se sont engagées à accompagner. Au plan financier stricto sensu, il n’y a pas d’inquiétudes à avoir.

Ensuite, les écoles de production ayant maintenant plusieurs années d’expérience sont à la recherche d’une certaine sécurisation juridique à long terme. C’est un peu plus compliqué, et je pense que c’est le sens des propos de Sylvain Maillard. Soit l’évolution se fait vers un modèle d’apprentissage adapté, soit elle se fait vers un enseignement technique privé sous contrat, alors qu’il est aujourd’hui hors contrat. On ne peut pas, à moins de changer complètement l’enseignement technique privé ou de changer l’apprentissage – mais je ne pense pas que nous allons changer tous les dispositifs pour 800 jeunes – avoir les avantages des deux systèmes.

Si l’évolution se fait vers l’apprentissage, alors les jeunes doivent avoir un contrat de travail, dont les modalités peuvent être adaptées, mais il y a forcément un contrat de travail, avec une alternance. Et dans ce cas, ce n’est pas possible pour les jeunes de quatorze ans. Un jeune qui a seize ans dans l’année peut entrer, donc certains jeunes de quinze ans le pourraient, mais pas ceux de quatorze ans.

L’autre voie, qui semble privilégiée aujourd’hui à la lecture des amendements déposés par les uns et les autres, est de continuer dans l’enseignement technique privé, qui permet d’avoir des jeunes de quatorze ans. Mais pour avoir une meilleure reconnaissance et plus de financements, il faut que ces écoles passent sous contrat. Ce qui implique des contraintes : des contrôles administratifs et pédagogiques, mais aussi des règles pour les enseignants et l’enseignement. Et cela peut modifier le projet pédagogique.

Je détaille ce sujet car je pense que beaucoup de gens de bonne volonté souhaitent aider les écoles de production à se développer. Il faut juste que ces écoles et ceux qui les conseillent mesurent si, en souhaitant se protéger d’une menace qui pour le moment ne s’est jamais avérée, car tout le monde a toujours soutenu ces écoles de production, le mieux ne risque pas d’être l’ennemi du bien. Opter résolument pour une solution ou une autre, alors qu’elles représentent aujourd’hui une troisième voie acceptée par tous, ne risque-t-il pas d’être un handicap plutôt qu’une force ?

Vous le voyez, je suis d’une totale transparence. Je pense que les écoles de production sont un modèle intéressant, elles sont en petit nombre, mais c’est très important pour les jeunes qu’elles accueillent et ce modèle marche très bien. Je crois que ces écoles et la représentation nationale doivent mesurer quelle est la meilleure solution pour qu’elles puissent se développer de manière sereine, continuer à accueillir plus de jeunes qui en ont besoin, mobiliser d’autres entreprises, car manifestement, les entreprises répondent bien à ce sujet. Prenons garde de ne pas créer de problèmes là où il n'en n’existe pas.

Les différentes options sont discutées depuis plusieurs mois. Aujourd’hui, la demande des écoles de production est celle qui figure dans les amendements. Le dilemme juridique se posera de toute façon, opter pour un modèle ou un autre – ce que personne ne leur demande – entraînera d’autres contraintes et imposera d’adapter leur modèle. Les acteurs doivent dire ce qu’ils souhaitent.

M. Bernard Perrut. Merci madame la ministre, vos propos font apparaître votre connaissance du sujet, peut-être même vous êtes-vous rendue sur place pour constater l’importance du travail qui est mené ? Nous avons entendu votre réflexion, le problème du cadre juridique, la complexité : les amendements ne répondent peut-être pas à toutes les questions.

Vous nous donnez l’assurance que l’ensemble des financements seront maintenus pour les écoles de production, et qu’elles pourront poursuivre leurs ambitions. Aujourd’hui, elles sont vingt-cinq, et elles envisagent de s’implanter fortement et de porter leur nombre à cent, parce qu’elles sont soutenues par les entreprises, les élus, les collectivités et les branches professionnelles.

Ce qui est important, c’est qu’elles entendent de votre part l’assurance que tous les financements sont maintenus, qu’elles pourront continuer leur action et la faire évoluer. C’est leur préoccupation majeure, elles ont peur d’une asphyxie, d’une fermeture, parce qu’elles ne rentrent pas dans le texte. Quelles mesures juridiques dans ce texte pourraient conforter les écoles de production, pour qu’elles soient bien reconnues ?

Vous évoquez le problème des modèles. C’est là que l’organisation de notre système français manque certainement de souplesse. Lorsque nous avons des écoles de production qui réussissent, qui mènent 100 % des jeunes vers un métier, dans de très bonnes conditions, pourquoi ne pas prévoir des dispositifs qui s’adaptent ? Le but est de réussir, pas d’avoir des carcans qui limitent, contraignent, et empêchent de donner la liberté de réussir. C’est en cela qu’il faudrait aller plus loin : plus de souplesse dans l’organisation de notre système de formation, quel qu’il soit, pour permettre des exemples aussi intéressants que celui-là.

Madame la ministre, dans la mesure où vous assurez que les financements sont maintenus avec le texte actuel et qu’il n’y aura pas de difficultés sur le sujet, nous pouvons retirer l’amendement. Mais quelle certitude est donnée dans le texte à ces écoles ? Comment, aujourd’hui, les écoles de production qui suivent nos travaux auront l’assurance qu’elles peuvent continuer ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Le système de hors quota, la future contribution professionnalisante, repose sur les décisions des entreprises. Ce sont les entreprises qui décident d’affecter cette partie. Cela ne changera pas. Ce n’est pas un système de subventions décidées par les pouvoirs publics, cette enveloppe reste dans le cadre de la taxe d’apprentissage, qui changera de nom. Cette source d’alimentation reste la même.

Il appartiendra aux écoles de production de convaincre les entreprises d’utiliser le hors quota, la contribution professionnalisante, à leur bénéfice. Mais compte tenu du réseau d’entreprises qui soutient les écoles de production, il me semble qu’il n’y a pas d’inquiétudes à avoir. Une de leurs forces est justement d’être très soutenues par le monde industriel, pour des raisons sociales et industrielles. Ces entreprises pourront continuer de librement affecter le hors quota, c’est prévu à l’article 17.

M. Bernard Perrut. Je retire mon amendement, mais cette question reviendra en séance publique pour que nous ayons à nouveau des assurances, voire une concrétisation juridique dans le texte.

L’amendement AS1226 est retiré.

Mme Patricia Gallerneau. Comme M. Perrut, nous retirons l’amendement et nous le présenterons en séance.

Les amendements AS628 et AS865 sont retirés.

La commission est saisie de deux amendements identiques AS629 de M. Cyrille Isaac-Sibille et AS1380 de M. Gérard Cherpion.

Mme Patricia Gallerneau. Au-delà des assurances que nous a données la ministre sur les ressources, il s’agissait de consolider le fonctionnement et le développement des écoles de production. Nous retirons cet amendement et nous le présenterons en séance.

Les amendements sont retirés.

La commission est saisie de l’amendement AS732 de M. Adrien Quatennens.

M. Jean-Hugues Ratenon. La complexité des dispositifs de formation professionnelle a un effet direct sur leur accès pour toute une frange de la population. Si les cadres moyens et supérieurs des grandes entreprises n’ont pas de soucis à trouver une formation adéquate et à en bénéficier, les chômeurs ne sont que 15 % à faire valoir ce droit.

Cette complexité provient d’abord de la multiplication du nombre d’opérateurs privés, qui provoque une répulsion évidente, et un chaos palpable. Surtout, elle entraîne des abus récurrents et intolérables – organismes bidons, majoration artificielle du nombre d’heures de formation, fausses listes d’émargements – mais aussi des escroqueries d’ampleur, comme celle mise à jour en 2013, qui mêlait une soixantaine d’organismes soupçonnés de fraude fiscale et d’usage de faux.

Cet amendement vise donc à lancer, sur le modèle de la formation initiale, l’expérimentation d’un service public de la formation professionnelle, qui nous semble nécessaire pour se défaire de la vision court-termiste de la recherche à tout prix du profit de la part des opérateurs privés, et pour répondre aux défis contemporains auxquels nous sommes toutes et tous confrontés.

Ce serait aussi un moyen de permettre aux entreprises d’enfin passer au XXIe siècle, celui du défi climatique et de la citoyenneté au travail. Il est temps de se défaire de la vision archaïque du libéralisme économique.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Cette proposition n’est pas dans l’esprit de la réforme, qui consiste à favoriser les initiatives diverses. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Section III : L’aide aux employeurs d’apprentis

Article 12
Aide unique

La commission adopte l’article 12, sans modifications.

Section IV : Contrats de professionnalisation et autres formes d’alternance

Avant l’article 13

La commission est saisie de l’amendement AS673 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Il s’agit d’un amendement d’appel. Je profite de la présence de la ministre, qui pourra peut-être apporter une réponse. Aujourd’hui, M. Maillard l’a d’ailleurs souligné précédemment au cours de nos débats, dans certaines filières, le coût horaire des contrats en alternance, et particulièrement du contrat de professionnalisation, est parfois plus élevé que celui des salariés avec un contrat classique.

Cet amendement vise à demander un rapport au Gouvernement pour préciser les modalités d’une baisse de coût de ces contrats.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Le rapport demandé porte sur les « charges » pesant sur les contrats de professionnalisation. Aujourd'hui, la politique d'incitation sur le contrat de professionnalisation repose davantage sur la rémunération que sur les cotisations sociales. Par ailleurs, je vous rappelle que la dynamique des contrats est déjà très bonne, leur nombre est en augmentation de 5 % entre 2015 et 2016. Le coût ne semble donc pas être un frein ce stade. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 13
Contrats de professionnalisation, suppression des périodes de professionnalisation et préparation opérationnelle à l’emploi

La commission est saisie de l’amendement AS1481 de la rapporteure.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Cet amendement tend à créer un dispositif de reconversion ou de promotion par l’alternance. Je suis très heureuse de pouvoir vous le présenter, car il va permettre d'enrichir le texte de manière substantielle.

Vous le savez, l'article 13 supprime la période de professionnalisation qui avait manqué sa cible et mobilisé beaucoup des moyens dédiés pour l'alternance, parfois pour financer ce qui relevait en fait du plan de formation de l'entreprise. Elle avait donc été détournée de sa cible vers un autre objet.

D’autre part, nous avons constaté que dans certains secteurs d'activité, la période de professionnalisation pouvait être un outil précieux lorsqu’elle vise bien la cible pour laquelle elle a été créée.

Forte de ce constat, j'ai souhaité travailler à une rédaction permettant de maintenir ces bonnes pratiques. Beaucoup d'amendements déposés poursuivent le même objectif de cibler des publics particuliers sur des objectifs de formation ambitieux.

La rédaction que je vous propose crée un nouveau dispositif : la reconversion et promotion par alternance – nous verrons si ce nom reste, ou si nous trouvons un intitulé plus « sexy ». Ce dispositif est à destination des salariés qui sont déjà en emploi et qui auraient besoin d'acquérir de nouvelles formations pendant leur temps de travail.

Ce nouveau dispositif comprend sept articles. Il est ouvert aux salariés en CDI ou en CUI qui manquent de qualification. Nous visons donc une cible particulière. Il vise des formations qualifiantes. C'est une formation en alternance, il est financé sur la part « alternance » de la contribution unique. Il peut être ouvert pendant le contrat sans y mettre fin, par un simple avenant déposé auprès de l'opérateur de compétences. Cette période de formation peut se dérouler hors temps de travail, comme la période de professionnalisation. Enfin, il permet le maintien de la rémunération du salarié.

Notre volonté est vraiment de renforcer l’alternance et de la proposer pour une cible particulière de personnes en emploi, qui pourraient accéder à des formations longues et qualifiantes. C’est une réelle avancée pour la sécurisation des parcours professionnels, qui permet soit la reconversion, soit la promotion.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Je trouve cet amendement très intéressant car il est complémentaire du compte personnel de formation, dans lequel chaque actif est libre d’aller vers une formation qualifiante ou certifiante, en dehors de l’entreprise ou en accord avec elle, nous en avons longuement discuté hier.

Mais nous devrons aussi faire face, dans les années qui viennent, à des mutations technologiques d’ampleur qui vont faire changer beaucoup de métiers. Des métiers vont s’adapter, mais il y aura des transformations profondes, et de nouvelles qualifications seront nécessaires.

Il y a aussi des professions réglementées dans lesquelles, pour avoir une promotion, il faut passer des diplômes ou des certifications longues. Comment faire quand on est salarié ? Le risque, par rapport à l’ampleur des mutations, est que les salariés actuellement qualifiés qui voudraient avoir une promotion pour laquelle il y a des emplois à pourvoir – donc l’employeur est intéressé –, ou dans des métiers en profonde transformation qui imposent une reconversion, doivent sortir de l’entreprise pour faire une reconversion. Je pense qu’il est intéressant de pouvoir rester dans l’entreprise avec son contrat de travail, en CDI, avec la même rémunération, tout en suivant une formation en alternance pour préparer un diplôme, une certification d’un niveau supérieur ou acquérir de nouvelles qualifications qui correspondent à des besoins futurs. La condition pour le faire est qu’il y ait une partie mutualisée d’alternance, mais les dispositifs prévus dans la loi le permettent.

Cela peut être extrêmement sécurisant pour les parcours, et pour les entreprises qui pourront accompagner les mutations et dont les mêmes salariés pourront suivre les mutations plutôt qu’il y ait des départs pour manque de qualification et de nouvelles embauches. Les mutations internes sont nettement préférables. Pour les salariés, c’est une occasion de promotion ou de reconversion par la qualification et la certification en restant à l’intérieur de l’entreprise. C’est quelque chose de nouveau, dans l’esprit du compte personnel de formation, mais dans une démarche plus organisée, au sein de l’entreprise et souvent collective. C’est un complément intéressant auquel le Gouvernement est tout à fait favorable. Cela sera évidemment réservé à des formations qualifiantes et certifiantes d’au moins cent cinquante heures : il ne s’agit pas de détourner le plan de formation ordinaire, mais d’avoir un étage supérieur qui permette, en mutualisant, des reconversions en restant dans l’entreprise et en changeant de diplôme.

La commission adopte l’amendement.

Elle est saisie, en discussion commune, des amendements identiques AS217 de M. Stéphane Viry, AS546 de Mme Hélène Vainqueur-Christophe et AS1051 de Mme Christelle Dubos, ainsi que l’amendement AS870 de Mme Justine Benin.

M. Stéphane Viry. Cet amendement s’inscrit dans la veine de ce qui vient d’être expliqué. Il est proposé, à l’instar de la disposition équivalente existant pour le contrat d’apprentissage, d’ouvrir la possibilité à un employeur et un salarié consentants d’accéder au contrat de professionnalisation dans le cadre d’une suspension d’un contrat à durée indéterminée.

Je ne détaillerai pas la totalité des quatre alinéas de cet amendement, il contient quelques précisions qui ne figuraient pas dans celui de la rapporteure. Je vous demande d’admettre qu’il parfait votre dispositif, et d’y donner une suite favorable.

Mme Ericka Bareigts. La période de professionnalisation est très répandue dans un certain nombre de secteurs, notamment ceux qui relèvent de l’économie sociale et solidaire, et permet d’assurer le financement de formations longues répondant aux besoins spécifiques de ces secteurs, en particulier celles qui visent l’obtention de certifications conditionnant l’accès à des professions réglementées. Ces dernières ne sont en effet ouvertes qu’aux personnes en emploi, selon les modalités de l’alternance.

Le II de l’article 13 du présent projet de loi abroge les dispositions du code du travail relatives à la période de professionnalisation, sans que soit définie une réelle alternative pour la prise en charge de ces besoins.

Par conséquent, nous proposons d’ouvrir l’accès au contrat de professionnalisation aux salariés en contrat de travail à durée indéterminée, sur le modèle des dispositions du code du travail relatives à l’apprentissage.

Mme Graziella Melchior. Cet amendement prévoit la possibilité pour un employeur et un salarié consentant d’accéder au contrat de professionnalisation dans le cadre de la suspension d’un contrat à durée indéterminée. Il me semble tout à fait satisfait par l’amendement de la rapporteure, je le retire.

L’amendement AS1051 est retiré.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Ces amendements sont satisfaits par l’amendement AS1481 que nous venons d’adopter. Le dispositif suit exactement les mêmes objectifs.

Monsieur Viry, s’agissant de la comparaison avec votre amendement, les modalités de durée de suspension de contrat et de rémunération sont les mêmes. Le public éligible est plus large dans le dispositif que je propose, puisqu’il ne prévoit pas de conditions d’ancienneté. La formation éligible est en revanche plus restreinte, puisqu’il est prévu d’orienter ce dispositif vers les formations de niveau III, IV et V, donc des populations moins qualifiées que la moyenne. Globalement, je pense que cet amendement répond à vos souhaits.

M. Stéphane Viry. Je retire mon amendement.

L’amendement AS217 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements AS546 et AS870.

Elle examine l’amendement AS992 Mme Michèle de Vaucouleurs.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Aujourd’hui, il est possible de prolonger à titre dérogatoire un contrat de professionnalisation jusqu’à vingt-quatre mois. Une dérogation dont le cahier des charges est publié dans un arrêté du 8 mars 2017 précise le cadre de cette expérimentation prévue par la loi « travail » du 8 août 2016.

De nombreux cycles de formations se réalisant en trois ans – bacs professionnels, licences professionnelles – il apparaît légitime de pouvoir prolonger le contrat de professionnalisation jusqu’à une durée de trente-six mois, comme c’est le cas pour les contrats d’apprentissage.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Il me semble tout à fait pertinent de prévoir cette possibilité. Vous avez cité les bacs professionnels et les licences professionnelles comme exemples de formations se déroulant sur trois ans. Cet amendement ouvre de nouvelles possibilités pour le contrat de professionnalisation, avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1365 de la rapporteure.

Elle en vient à l’amendement AS1259 de M. Frédéric Petit.

M. Frédéric Petit. Cet amendement vise à encourager les solutions transfrontalières, dans le cadre de la relance de la coopération franco-allemande, comme le modèle d’apprentissage transfrontalier de la région Grand Est et la région de la Ruhr, où des efforts sont faits pour définir de nouvelles régions transfrontalières.

Il est proposé d’ajouter à la fin de l’alinéa 8 la mention : « sauf conventions transfrontalières. » afin de ne pas bloquer des travaux et des efforts que l’Assemblée fait par ailleurs.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. La durée prévue par le texte est déjà assez importante. Sur un contrat de dix-huit mois, la durée possible à l'étranger est d’un an. Le texte offre donc déjà des possibilités intéressantes de ce point de vue. Avis défavorable.

M. Frédéric Petit. Je crois que vous m’avez répondu sur l’amendement suivant. Il faut prévoir une exception pour les conventions transfrontalières sinon nous allons bloquer des collègues qui sont en train de faire des travaux absolument extraordinaires.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Je vous ai bien répondu sur cet amendement.

M. Frédéric Petit. Alors je ne comprends pas. Vous parlez de dix-huit mois, j’espère que des Français vont aller faire des formations longues dans leur bassin transfrontalier, qui peuvent durer trois ans.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AS1256 de M. Frédéric Petit.

M. Frédéric Petit. Cet amendement est plus technique, mais toujours dans le même esprit. À l’alinéa 17, il faudrait substituer aux mots : « le cas échéant », les mots : « pour les mobilités longues ». Dans le cas d’une mobilité internationale dans le cadre d’une convention d’apprentissage, il faut que l’organisme de l’autre pays ne soit pas uniquement là « le cas échéant » : sa présence est obligatoire.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. L'objet des conventions prévues par l'article est de prévoir une sécurisation au cas par cas des échanges. Il n'est donc pas question de systématiser ces conventions, au risque de rendre le processus excessivement lourd. Si un apprenti trouvait une mobilité à l'extérieur, son organisme devrait signer une convention générale et pérenne, alors qu’il s’agit d’un cas ponctuel. Avis défavorable.

M. Frédéric Petit. Je pense qu’il est un peu dangereux de considérer que si l’on est en mobilité dans le cadre de l’apprentissage, l’organisme partenaire peut n’être associé à la convention que le cas échéant, il faut en faire quelque chose de systématique.

De plus cela encouragerait les coopérations internationales entre CFA. Je ne sais pas si nous parlons vraiment des mêmes réalités.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AS1089 de Mme Ericka Bareigts.

Mme Justine Benin. La loi du 5 décembre 2016 relative à l’action extérieure des collectivités territoriales et à la coopération des outre-mer dans leur environnement régional vise très opportunément à faciliter l’insertion régionale et le développement des échanges avec les pays voisins.

Dans le même esprit, les entreprises cherchent à se développer dans leur espace économique régional, comme en témoignait déjà, en 2010, la création de l’Union régionale Antilles-Guyane. L’extension du périmètre de l’aide au fret, prévue par l’article 71 de la loi du 28 février 2017, favorise l’intégration des départements et collectivités des outre-mer dans leur bassin économique régional, en abaissant le coût du fret des produits importés depuis des pays tiers à l’Union européenne.

L’intégration des territoires dans l’environnement régional doit avoir aussi une traduction dans la formation professionnelle. Tout jeune doit disposer dans sa formation d’un droit à la mobilité au sein du bassin géographique de son environnement régional, nous en avons parlé en début de soirée.

Le Président de la République notait dans son discours de Cayenne que l’internationalisation des outre-mer était essentielle pour le développement de nos territoires : « nous devons réussir à repenser le tissage très particulier de l’universel et du particulier sur chacun de nos territoires ».

En ce sens, cet amendement vise à promouvoir l’alternance dans les départements d’outre-mer et à faciliter la mobilité des bénéficiaires ultramarins dans des pays géographiquement plus proches que ceux de l’Union européenne.

À titre expérimental, il permet d’organiser la mobilité à l’international de ces alternants dans les mêmes conditions que celles prévues pour les périodes de mobilité dans l’Union européenne, notamment les conditions ayant trait à la santé et à la sécurité au travail, à la rémunération, à la durée du travail, au repos hebdomadaire et aux jours fériés, et la couverture sociale.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Cet amendement est le pendant de celui que nous avons voté précédemment pour le contrat de professionnalisation. Avis favorable.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Le Gouvernement lève le gage.

La commission adopte l’amendement ainsi corrigé.

Mme Justine Benin. Je tiens à exprimer mes remerciements à la ministre, qui tient les engagements qu’elle a pris à mon égard depuis le début de la législature.

La commission en vient aux amendements identiques AS319 de M. Gérard Cherpion et AS642 de Mme Fadila Khattabi.

M. Stéphane Viry. Plus de six bénéficiaires sur dix d’une période de professionnalisation appartiennent aux catégories socio-professionnelles ouvriers et employés. La suppression des périodes de professionnalisation risque de se faire au détriment de l’évolution professionnelle et du maintien dans l’emploi de ces salariés, les moins qualifiés.

Il est donc proposé de prolonger le dispositif existant jusqu’à la fin de l’année 2019, afin d’assurer le financement des périodes intégrées dans les plans de formation pour 2018 et d’aménager une période de transition qui laissera aux entreprises les moyens d’adapter leur politique de professionnalisation. Il faut éviter que la suppression brutale des périodes de professionnalisation déstabilise les modalités de formation du personnel de certaines entreprises.

Mme Fadila Khattabi. Cet amendement prolonge les périodes de professionnalisation jusqu’au 31 décembre 2019. J’ai bien entendu la rapporteure nous expliquer les raisons pour lesquelles ces périodes de professionnalisation ont été supprimées, et je me réjouis du nouveau dispositif de reconversion et de promotion par alternance permettant de répondre à la fois aux besoins des entreprises et des salariés, notamment les plus vulnérables, qui ont besoin de monter en compétence grâce à des formations certifiantes. Je retire donc mon amendement.

L’amendement AS642 est retiré.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Comme vient de le noter Mme Khattabi, ces amendements sont satisfaits par l’adoption du dispositif de reconversion et de promotion par alternance.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Vous avez pu vous en rendre compte avec les ordonnances, notre but est que les décrets d’application sortent rapidement après le vote de la loi. Nous avons jusqu’au 31 décembre pour publier ces décrets, je n’irai pas jusqu’à dire que c’est confortable selon nos nouveaux standards, mais en tout cas, n’ayez pas d’inquiétudes, il n’y aura pas de trou entre les deux systèmes.

Au passage, j’ajoute que le nom complet du dispositif est : « reconversion et promotion par alternance », et je propose que de manière courante, il soit baptisé PRO-A, qui reprend professionnalisation et alternance, et aussi promotion et reconversion par alternance. Pour une fois, nous aurons un sigle prononçable.

La commission rejette l’amendement AS319.

Elle examine l'amendement AS221 de M. Gérard Cherpion.

M. Stéphane Viry. L’article 13 introduit une expérimentation portant sur le contrat de professionnalisation, qu’il réserve à certains territoires. Or, dans l’objectif de l’alternance répondant aux besoins des entreprises, cette expérimentation doit pouvoir être ouverte dans l’ensemble du territoire national.

De plus, le projet associe l’opérateur de compétences à la définition des compétences dont l’acquisition est visée dans le cadre du contrat de professionnalisation. Le contrat de professionnalisation étant un contrat de travail associant un employeur et un salarié, la définition des compétences doit relever de la compétence exclusive de l’employeur en accord avec le salarié.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. C'est le propre d'une expérimentation que d'avoir des territoires « test » et des territoires de référence dans lesquels le droit en vigueur n'est pas modifié. Il nous paraît important que les territoires soient volontaires. Avis défavorable.

La commission rejette cet amendement.

Puis, suivant l'avis défavorable de la rapporteure, elle rejette l'amendement de repli AS222 de M. Gérard Cherpion.

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements identiques AS216 de M. Stéphane Viry, AS460 de Mme Justine Benin, AS993 de Mme Michèle de Vaucouleurs et AS1016 de Mme Christelle Dubos, ainsi que des amendements AS219 de M. Stéphane Viry, AS831 de Mme Ericka Bareigts, AS1055 de Mme Christelle Dubos et AS872 de Mme Justine Benin.

M. Stéphane Viry. Il nous a paru indispensable, compte tenu des difficultés d’accès à l’emploi connues par certains publics, de prévoir un dispositif d’insertion, et je propose de créer un contrat de professionnalisation inclusion, avec des conditions envisagées davantage dans le secteur non marchand. Je considère que mon dispositif est différent de celui évoqué il y a un instant ; il complète bien, me semble-t-il, ce que vous avez prévu par votre amendement, madame la rapporteure. Je vous suggère donc de donner un avis favorable à cet amendement, dont les professionnels de l’insertion attendent l’aboutissement aussi rapidement que possible.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Nous proposons également d’expérimenter un contrat de professionnalisation « inclusion » qui s’adresserait sans condition d’âge aux demandeurs d’emploi n’ayant pas atteint, non le niveau III, mais le niveau IV, qui correspond davantage à la barrière établie dans les missions d’insertion dans le cadre de ce projet de loi.

Mme Graziella Melchior. L’amendement AS1016 a le même objet, avec un public des niveaux IV et V. Mme Dubos souhaite cependant le réécrire.

L'amendement AS1016 est retiré, de même que l’amendement AS993.

Mme Graziella Melchior. L’amendement AS1055 vise à inscrire l’insertion par l’activité économique dans l’expérimentation de nouveaux contrats de professionnalisation, pour faciliter des suites qualifiantes de parcours d’insertion au sein des structures d’insertion.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Dans la mesure où le dispositif du contrat de professionnalisation est possible pour les demandeurs d’emploi, et que le niveau du dispositif qui vient d’être voté est possible pour les salariés dans la configuration que vous présentez, ces amendements sont satisfaits. J’émets donc un avis défavorable.

L'amendement AS1055 est retiré.

La commission rejette successivement les autres amendements.

Elle adopte l'article 13 modifié.

6.   Réunion du jeudi 31 mai 2018 à 9 heures 30 (après l’article 13 à l’article 16)

La commission des affaires sociales procède à la suite de l’examen des articles du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel (n° 904) (Mmes Nathalie Elimas, Catherine Fabre et M. Aurélien Taché, rapporteurs).

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.6102210_5b0fa23945e0b.commission-des-affaires-sociales--liberte-de-choisir-son-avenir-professionnel--suite-31-mai-2018

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Mes chers collègues, nous reprenons l’examen des articles du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

Article additionnel ‑ Article 13 bis
Évaluation des effets du projet de loi sur la promotion de la mobilité des alternants

La commission examine l’amendement AS1128 de M. Sylvain Maillard.

M. Thierry Michels. Je l’ai indiqué dans le rapport d’information que j’ai présenté au nom de la commission des affaires européennes et Mme la ministre du travail l’a encore rappelé hier : les dispositions de ce projet de loi sont de nature à favoriser, dans une mesure déterminante, la mobilité européenne des apprentis salariés ou en contrat professionnalisation. Ces dispositions jettent les fondations de ce statut de l’apprenti européen que nous appelons de nos vœux, mais lever les freins à la mobilité est un moyen, non une fin en soi. Il faut que l’ensemble des parties prenantes – les jeunes, les centres de formation d’apprentis (CFA), les entreprises, les branches professionnelles – se saisissent de ces nouvelles possibilités pour concrétiser notre volonté de renforcer l’apprentissage en tant que filière d’excellence.

Par cet amendement, nous demandons une évaluation deux ans après la promulgation de la loi pour nous assurer que l’objectif ambitieux d’accroître la mobilité des apprentis au sein de l’Union européenne est bien atteint et , le cas échéant, identifier les éventuels correctifs nécessaires.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Il est effectivement nécessaire d’évaluer ces nouveaux dispositifs, d’autant que l’enjeu de la mobilité nous tient à cœur. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 13 bis
 

La commission examine l’amendement AS1237 de Mme Josette Manin.

Mme Josette Manin. Cet amendement vise à permettre et faciliter la mobilité des formateurs vers les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution. Afin d’éviter toute concurrence avec les organismes de formations des collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, je propose que des formateurs de l’extérieur ne puissent être sollicités que lorsque, faute de compétences au niveau local, les appels d’offres se révèlent infructueux.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Faute de prévoir un cadre spécifique ni les conditions dans lesquelles les formateurs pourraient exercer leurs compétences dans les territoires d’outre-mer, votre dispositif est assez restrictif. Je vous invite par conséquent à retravailler cette question d’ici à la séance. Nous regarderons ce qu’il est possible de faire en l’état actuel des choses, notamment au regard du droit international. Je vous suggère de revoir ces questions en séance, en présence de la ministre.

L’amendement est retiré.

Chapitre IV
Refonder le système de construction et de régulation des diplômes et titres professionnels

Article 14
Régulation renouvelée de l’offre de certifications professionnelles

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS1401 et AS1289 de la rapporteure.

Puis elle se saisit de l’amendement AS674 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Cet important amendement permettra au salarié qui suit une formation de la valoriser dans son cursus professionnel. Toute formation sera obligatoirement sanctionnée par un diplôme qui attestera de sa réalité et certifiera l’acquisition de qualifications professionnelles. Il sera ainsi possible de la mentionner dans son curriculum vitae.

La délivrance du diplôme permettra aussi d’attester que la formation a réellement été suivie. En audition, les représentants de certains organismes nous ont indiqué que certains salariés ne venaient pas forcément, ou seulement le premier jour. Le diplôme permettrait de s’assurer que la formation a bien été suivie, qu’elle a une utilité et est d’une qualité qui répond aux attentes.

Mme Catherine Fabre, rapporteur. Je comprends votre objectif, cher collègue, mais le champ de votre amendement se limite aux seuls diplômes, qui ne correspondent qu’à la formation initiale, excluant donc toutes les certifications privées, les certificats de qualification professionnelle et les certifications aujourd’hui inscrites à l’inventaire. À l’inverse, en visant « toute formation », vous incluez dans le dispositif des formations de très courte durée, qui n’impliquent pas d’évaluation des compétences à leur issue. Cela aussi pose une difficulté, notre objectif étant d’orienter vers des formations certifiantes et qualifiantes.

M. Francis Vercamer. J’entends bien votre objection, madame la rapporteure. J’employais le mot « diplôme » au sens littéral du terme ; un diplôme, c’est également un titre. Je réécrirai, en tenant compte de vos remarques, cet amendement en vue de la séance. La question n’en est pas moins importante : les organismes nous ont rapporté le problème de ces salariés qui s’inscrivent sans finalement venir aux formations.

Mme Audrey Dufeu Schubert. M. Vercamer a tout à fait raison. Il faut travailler sur l’assiduité des professionnels inscrits aux formations, mais c’est tout l’enjeu et le sens de cette réforme : nous voulons rendre les salariés plus acteurs de leur parcours de formation. Leur assiduité ne pourra qu’en être améliorée.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement AS320 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Soumettre à l’avis conforme des partenaires sociaux, les projets de création, révision et suppression des diplômes et titres est une avancée importante, que nous saluons. Elle permettra à l’enseignement professionnel de s’adapter à la fois aux besoins de l’entreprise et en même temps à la vie économique.

Il importe que les partenaires sociaux impliqués soient représentatifs non seulement au niveau des branches mais aussi au niveau interprofessionnel et multiprofessionnel. Pour aller au bout de cette logique, mon amendement AS320 prévoit la possibilité d’adaptation du référentiel et des diplômes et titres aux particularités économiques de certains territoires régionaux.

L’objectif est, en fait, de dépasser la logique de branches pour accompagner des activités économiques qui nécessitent un certain dialogue. Par exemple, dans le Sud de la France, le succès des croisières de luxe exige des formations adaptées afin de disposer du personnel compétent. Il faut pouvoir adapter le référentiel aux besoins spécifiques d’un territoire – j’aurais aussi pu prendre l’exemple des territoires de montagne ou d’autres encore.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Les certifications doivent conserver un caractère national, qui garantit leur validité sur tout le territoire et même au-delà.

La commission de France compétences chargée de la certification professionnelle pourra néanmoins prendre en compte les spécificités régionales dans le contenu des formations, puisque les régions y sont représentées. Et n’oublions pas la possibilité d’intégrer des spécificités régionales aux formations sans changer le référentiel. Il ne me paraît donc pas nécessaire d’adapter le référentiel lui-même à ces spécificités.

M. Patrick Hetzel. J’entends vos arguments, madame la rapporteure, mais qu’en est-il concrètement sur le terrain ? Prenons le cas de l’éducation nationale : ce sont les inspecteurs généraux qui décident ; évidemment, le caractère national est garanti, mais, du coup, on éprouve parfois les pires difficultés, sur le terrain, à faire reconnaître des spécificités territoriales – je vous parle d’expérience.

Vous pourriez par ailleurs arguer que la question relève non de la loi mais du règlement. En réalité, je suis persuadé qu’il faut absolument l’inscrire dans la loi. Sinon, les inspecteurs généraux de l’éducation nationale – il en est de même de l’inspection générale des affaires sociales –, seront d’une rigidité sans nom, profondément contraire à l’esprit même du projet de loi.

M. Francis Vercamer. Le groupe UDI, Agir et Indépendants soutiendra cet amendement, d’autant que nous en avons déposé un quasiment identique, qui sera examiné dans quelques instants.

Harmonisation ne veut pas dire uniformisation. Il faut une adaptation en fonction des territoires. Même s’il s’agit de la même filière, les métiers peuvent être différents d’une région, d’un secteur à un autre, en raison de spécificités locales. Il faut impérativement pouvoir aménager les référentiels de façon à éviter des difficultés sur certains territoires.

M. Sylvain Maillard. Donnons des exemples précis. Vous avez parlé des croisières tout à l’heure ; une école d’hôtellerie que j’ai visitée dans le 17e arrondissement de Paris a reproduit une cabine de navire pour dispenser la formation appropriée. Je suis donc un peu étonné que vous prétendiez qu’une formation doit correspondre à un territoire. La réalité, c’est qu’un référentiel bien fait se décline partout en fonction des emplois recherchés. Partir d’un point de vue purement régional me paraît un peu inapproprié.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Effectivement, il faut permettre une certaine mobilité à ceux qui se forment ; à cet égard, l’idée d’un tronc commun me paraît intéressante. Ce qui n’interdit pas la possibilité de mentions complémentaires, un peu plus spécifiques, à la portée plus régionale.

M. Gérard Cherpion. Le référentiel reste le référentiel, c’est évident, mais il y a des spécificités territoriales auxquelles il doit pouvoir s’adapter si on veut vraiment ouvrir des formations et développer l’emploi. En l’absence d’une certaine flexibilité, la stricte application du référentiel ne fonctionnera pas et on se privera d’un certain nombre de formations. Nous pouvons vous donner des exemples, dans la région Grand Est ou ailleurs. Et ces adaptations seraient décidées par l’ensemble des partenaires sociaux réunis, non sur un coin de table. Nous allons passer par d’autres systèmes, mais il est dommage que la loi n’ouvre pas cette possibilité.

M. Adrien Quatennens. Je veux dire l’opposition du groupe La France insoumise à cet amendement. Adapter les diplômes aux spécificités régionales reviendrait à enchaîner les apprentis à leur région d’origine et contreviendrait à la logique du libre choix de son avenir. Les apprentis seraient, au contraire, soumis à des logiques de spécificités économiques, dont nous ne voulons pas.

M. Pierre Dharréville. Je réaffirme notre attachement au caractère national des formations, déjà largement entamé. Qui plus est, certaines des aspirations de nos collègues pourront, je le crains, trouver un écho dans le projet de loi avec l’abaissement global des formations proposées, ce qui effectivement n’est pas une bonne nouvelle – même si ce n’est pas forcément l’objectif visé par la majorité. Je suis défavorable à cet amendement.

M. Boris Vallaud. Je redis à mon tour notre attachement au monopole de la collation des diplômes. Ensuite, je comprends bien l’idée que défendent les auteurs de l’amendement, mais j’ai du mal à voir ce que cela signifierait d’un point de vue opérationnel. Quelle peut être la différence entre un apprentissage de chauffagiste en Alsace et un apprentissage de chauffagiste en Aquitaine ? Je ne vois pas ce qui pourrait relever des spécificités locales, à part le climat.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Il est important que soit lisible la valeur nationale des diplômes. Mais cela ne compromet nullement la possibilité de modules spécifiques qui tiennent compte de particularités régionales. De la même façon, le travail qui a été conduit sur les diplômes universitaires a permis d’améliorer grandement la lisibilité et l’harmonisation de leur présentation, sans pour autant interdire la possibilité d’adaptations dans leur contenu.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS1402, AS1403 et AS1404 de la rapporteure.

Elle en vient ensuite aux amendements identiques AS675 de M. Francis Vercamer et AS1080 de M. Bernard Perrut.

M. Francis Vercamer. L’amendement AS675 s’inscrit dans le prolongement de l’amendement AS320 dont nous venons de débattre.

M. Bernard Perrut. L’amendement AS1080 est défendu.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Je suis défavorable à ces amendements identiques, pour les mêmes raisons que j’étais défavorable à l’amendement AS320.

La commission rejette les amendements identiques.

Elle se saisit de l’amendement AS718 de Mme Laëtitia Romeiro Dias.

Mme Laëtitia Romeiro Dias. L’alinéa 16 du projet de loi prévoit que les certificats de qualification professionnelle sont établis par une ou plusieurs commissions paritaires nationales de l’emploi de branches professionnelles. Mon amendement vise à ajouter les mots « qui peuvent confier l’organisation du cursus de la formation à un ou plusieurs organismes de formation habilité au terme d’une procédure de mise en concurrence ».

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Vous soulevez l’enjeu central du droit de propriété intellectuelle des référentiels et des contenus des certificats de qualification professionnelle (CQP) créés par les branches. Cet amendement relatif à la délivrance de ces certificats par des organismes habilités et l’amendement AS736 que vous présenterez dans quelques instants, chère collègue, traitent la problématique de manière pertinente. J’y suis donc favorable.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1405 de la rapporteure.

Elle en vient ensuite à l’amendement AS736 de Mme Laëtitia Romeiro Dias.

Mme Laëtitia Romeiro Dias. Ainsi que l’a dit à l’instant Mme la rapporteure, il s’agit aussi d’introduire une mesure visant à protéger les CQP.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1406 de la rapporteure.

Elle se saisit ensuite des amendements identiques AS224 de M. Gérard Cherpion et AS404 de M. Bernard Perrut.

M. Gérard Cherpion. L’article 14 prévoit qu’une commission de France compétences spécifiquement chargée de la certification professionnelle enregistre les certifications selon le principe de l’avis conforme. Cela ne pose évidemment pas de problème, mais il est essentiel que cet avis repose sur des critères objectifs et transparents, qu’il soit motivé, rendu public et notifié à l’organisme certificateur. C’est ce qui se pratiquait, un peu indirectement, pour un certain nombre de certifications au niveau du Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (CNEFOP). Il s’agit simplement d’assurer la transparence de la certification.

M. Bernard Perrut. Il est important, effectivement, de préciser que les avis doivent être fondés sur des critères, motivés, rendus publics et notifiés à l’organisme certificateur. On pourrait penser que cela va de soi, mais il est bon que la loi le prescrive, comme le propose mon amendement AS404.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Ce que vous demandez est assez naturel, chers collègues, mais cela relève du domaine réglementaire. Je suis donc défavorable à ces amendements.

M. Patrick Hetzel. Comme l’ont dit M. Cherpion et M. Perrut, il s’agit d’être transparent. C’est le souhait d’un certain nombre d’organismes de formation. France compétences devra rendre des avis argumentés, mais c’est tout de même la moindre des choses ! Il est un peu surprenant, madame la rapporteure, que vous balayiez cela d’un revers de main, d’autant que le sujet n’est pas que réglementaire. Il faut sécuriser juridiquement cette transparence, ce que permet l’inscription dans la loi de cette exigence. L’argument selon lequel cela relève du pouvoir réglementaire est un peu court. La transparence mérite mieux.

Mme Michèle de Vaucouleurs. À titre personnel, je ne vois pas en quoi inscrire ces exigences dans le texte que nous examinons pose problème. Il n’y a jamais d’abus de transparence !

M. Sylvain Maillard. Un décret, c’est aussi la transparence ! Évitons les lois bavardes. L’essentiel est que les exigences soient connues de tous et explicites ; en l’occurrence, cela ne relève pas de la loi.

La commission rejette les amendements identiques.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1407 de la rapporteure.

Elle en vient à l’amendement AS321 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. L’alinéa 23 renvoie à un décret les conditions simplifiées d’enregistrement des compétences que France compétences aura identifiées comme étant « en évolution ». La montée en puissance de la numérisation des métiers, qui est en train de changer radicalement les référentiels de compétences, nécessite une grande réactivité du système de certifications des diplômes et des titres. C’est pourquoi mon amendement AS321 propose d’étendre cette possibilité d’enregistrement simplifié aux métiers en compétences « en émergence ».

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Il est effectivement important d’identifier les compétences qui prendront de l’ampleur, mais, précisément, France compétences jouera ce rôle d’identification des compétences et métiers. C’est en tout cas ce que prévoit la rédaction actuelle du texte.

M. Patrick Hetzel. Il faut distinguer deux sujets. Effectivement, le projet de loi vise expressément les métiers existants qui sont « en évolution ». Cependant, comme le dit notre collègue Gérard Cherpion, se pose aussi la question – que la rédaction actuelle de l’article ne prend pas en compte – des secteurs émergents, le numérique ou d’autres à venir. Ils feront pourtant sans doute l’économie de demain. Pourquoi donc vous y opposer, madame la rapporteure ? Si vous refusez cet amendement, c’est que vous ne voulez pas prendre en compte cette réalité, et cela pose problème.

M. Sylvain Maillard. Votre propos est particulièrement caricatural. L’ensemble de ce projet de loi s’articule autour du souci d’une définition bien plus rapide des référentiels et de leur plus grande souplesse et adaptabilité. Prenons un exemple très clair : aujourd’hui, on cherche partout en France des codeurs, car la numérisation est partout. Nous les formons, mais nous savons que dans six ou sept ans nous n’en aurons plus besoin, grâce aux progrès de l’intelligence artificielle. Autrement dit, on crée et on ferme. Il s’agit d’être beaucoup plus rapide pour arrêter des référentiels, pour ouvrir et pour fermer. Nous pouvons certes en discuter, mais prétendre que nous passons à côté de cette problématique relève de la caricature.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS1408, AS1409, AS1410, AS1411, l’amendement de cohérence rédactionnelle AS1412 et l’amendement rédactionnel AS1413, tous de la rapporteure.

Elle adopte ensuite l’article 14 modifié.

Article additionnel ‑ Article 14 bis
Accès des personnes en situation de handicap aux attestations de compétences

La commission se saisit de l’amendement AS832 de Mme Gisèle Biémouret.

M. Boris Vallaud. En vertu de la circulaire n° 2016-186 du 30 novembre 2016, « l’insertion professionnelle est une des principales finalités de l’école. Elle doit être préparée dans le cadre du projet d’orientation et facilitée par l’obtention d’un diplôme professionnel. À défaut, une attestation de compétences peut être délivrée par le recteur d’académie, pour les élèves en situation de handicap des établissements publics ou privés sous contrat. Elle mentionne la spécialité du diplôme professionnel visé, précisé par son arrêté de création.

« L’attestation de compétences professionnelles vise à expliciter, formaliser et valoriser le parcours. Elle constitue un cadre utile pour la construction d’un projet professionnel et l’accès aux dispositifs de validation d’acquis d’expérience.

« L’obtention d’un diplôme n’étant pas toujours possible pour certains élèves en situation de handicap, il est essentiel de pouvoir leur permettre de justifier les compétences acquises au regard des référentiels du diplôme préparé. »

À l’heure actuelle, la délivrance d’une telle attestation dépend du bon vouloir des recteurs d’académie et cela se passe différemment d’une académie à l’autre. Nous proposons, dans un souci d’équité, qu’une telle attestation soit uniformisée et généralisée au niveau national.

Par ailleurs, les chefs d’établissement, en contact direct avec les personnes en situation de handicap, les équipes pédagogiques et les éventuels employeurs seraient plus à même de délivrer cette attestation que les recteurs eux-mêmes, d’autant plus le nombre de dossiers à traiter est particulièrement élevé.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Ce que vous proposez est d’ores et déjà prévu en droit, les académies en ont été informées par la circulaire du 30 novembre 2016 et des modèles d’attestation leur ont été transmis. Il me semble cependant intéressant de généraliser cette pratique. Je suis donc favorable à cet amendement.

M. Gérard Cherpion. Je suis favorable à ce que les choses se passent ainsi : c’est une proposition pragmatique, mais c’est précisément le genre de mesure qui relève du pouvoir réglementaire.

La commission adopte l’amendement.

Article additionnel ‑ Article 14 ter
Adaptation du régime des établissements publics
d’enseignement supérieur et de recherche

La commission examine l’amendement AS1152 de M. Sylvain Maillard.

M. Jacques Marilossian. Cet amendement s’inscrit dans la logique d’expérimentation du projet de loi. Il a pour objet d’autoriser les établissements publics d’enseignement supérieur et de recherche à développer, par le biais de filiales de droit privé, des activités de formation de courte durée ou des formations non diplômantes utiles et nécessaires à la formation continue et au développement professionnel.

L’article L. 711-1 du code de l’éducation n’autorise la filialisation dans ces établissements que pour les activités relevant de la valorisation de la recherche.

Le rapport relatif à la promotion de la formation professionnelle tout au long de la vie remis par François Germinet le 6 novembre 2015 soulignait le potentiel de développement des établissements publics d’enseignement supérieur et de recherche dans le domaine de la formation continue. Il préconisait ainsi de créer des sociétés d’accélération de la formation continue (SAFC) sur le modèle des sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT). Tel qu’il sera rédigé si cet amendement est adopté, l’article L. 711-1 permettra cette expérimentation et encouragera l’offre de formation continue par les établissements publics d’enseignement supérieur et de recherche.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Il me paraît effectivement nécessaire de permettre aux établissements d’enseignement supérieur de délivrer des formations courtes. Je suis donc favorable à cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Chapitre V
Gouvernance, financement, dialogue social

Section I : Principes généraux et organisation institutionnelle de la formation professionnelle

Article 15
Rôle des acteurs

La commission examine les amendements identiques AS770 de Mme Caroline Fiat et AS903 de M. Pierre Dharréville.

M. Adrien Quatennens. Chers collègues, plutôt que d’améliorer l’enseignement professionnel et technologique public, vous choisissez de mettre fin à l’égalité des formations sur notre territoire en transférant aux régions une partie des missions aujourd’hui remplies par l’État. À La France insoumise, nous défendons une formation professionnelle gage de qualité avec un maillage fin de lycées polytechniques sur l’ensemble du territoire français. Malheureusement, cet article interdit toute possibilité d’y parvenir. Faire de la formation professionnelle un service public régional favorise l’assignation à résidence des jeunes et participe surtout d’un démantèlement du service public national.

L’État est garant des équilibres nationaux, du droit égal de toutes et tous sur l’ensemble du territoire en matière de formation professionnelle. Il ne doit pas être cantonné à ses seules compétences régaliennes ; c’est pourtant ce à quoi aboutit cette décentralisation massive. Par cet article, vous introduisez une logique de compétition entre les territoires et vous favorisez des inégalités de traitement ; mais la formation professionnelle n’est pas une marchandise !

Enfin, les régions ont déjà pour mission de modeler sur leur territoire le paysage économique. Si une formation n’intéressait pas une région, car elle n’offre pas de débouchés sur ce territoire, elle pourrait disparaître. Le conflit d’intérêts dans lequel risquent de se retrouver les régions pourrait porter préjudice à certains jeunes qui ne souhaiteraient pas quitter leur région le temps de leur formation.

Nous demandons donc la suppression de l’article 15.

M. Pierre Dharréville. Je profite de la discussion de ces amendements de suppression pour revenir un instant sur l’amendement AS1152, qui me semble extrêmement préoccupant en ce qu’il contribue à modifier les missions d’un certain nombre d’établissements publics et à organiser une privatisation rampante. Ce qui s’inscrit bien dans la philosophie de votre projet de loi, mais que je conteste fortement. Je serai donc amené, hélas (!) à déposer un amendement de suppression en séance.

Mais revenons à l’article 15. Les régions ont la responsabilité de l’apprentissage et déterminent avec les partenaires sociaux, organisations syndicales salariales et patronales, les ouvertures et fermetures de sections d’apprentissage. Cet article réduit donc au profit de l’État leurs compétences en matière de formation par apprentissage au profit de l’État. Elles ne conserveraient que la formation des demandeurs d’emploi, et les centres d’information et d’orientation, comme le dispose l’article 10, seraient sous leur responsabilité.

Les conséquences peuvent être dangereuses, et d’abord pour la régulation, avec les partenaires sociaux. Ensuite, l’orientation et la formation par apprentissage ne seraient proposées aux demandeurs d’emploi qu’en fonction des seuls besoins exprimés par les grands acteurs économiques et non plus en lien avec les projets de la personne. C’est une vision très utilitariste de la formation des demandeurs d’emploi qui se profile. Par ailleurs, un certain nombre d’articles de ce projet de loi vont contraindre les demandeurs d’emploi à accepter des offres d’emploi au rabais.

Derrière ce transfert de compétences se dissimule la volonté de répondre, une fois de plus, aux exigences du MEDEF et de faire travailler à moindre coût. Nous demandons par conséquent la suppression de cet article.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Chers collègues, vos propos montrent effectivement que nos approches sont difficilement conciliables.

Vous nous reprochez de trop décentraliser au détriment de l’équité de traitement, mais parfois aussi de retirer trop de compétences aux régions ! Je crois au contraire que ce texte est de nature à instaurer un équilibre entre les différents acteurs et à permettre une offre plus réactive en sortant d’un système trop administré. Les missions de la région en matière d’apprentissage sont recentrées sur le développement économique et l’aménagement du territoire. De son côté, l’État s’investit beaucoup – à hauteur de 15 milliards d’euros – dans le cadre du plan d’investissement dans les compétences. Les branches quant à elles seront davantage responsabilisées, notamment pour la création du contenu des diplômes. Je suis donc défavorable à ces amendements de suppression.

La commission rejette les amendements.

Puis elle se saisit des amendements identiques AS11 de M. Dino Cinieri et AS322 de M. Gérard Cherpion.

M. Patrick Hetzel. Avec l’amendement AS11, nous touchons au cœur du réacteur de cet article 15, objet d’un vif désaccord de notre part dans la mesure où nous maintenons que les régions n’ont pas démérité en matière d’apprentissage. Ainsi l’Alsace, dont je suis originaire, aujourd’hui fondue dans la région Grand Est, a toujours joué un rôle moteur.

La manière dont la réforme est aujourd’hui conduite risque d’entraîner un certain nombre de problèmes. Quand il s’agit notamment de bien articuler emploi et formation, retirer la compétence de l’apprentissage aux régions aux régions n’est pas une bonne idée. Le président de Régions de France, Hervé Morin, écrit d’ailleurs clairement, dans son rapport, que c’est sans doute la suppression de 700 CFA qui se profile à l’horizon. Il est dommage que l’étude d’impact du Gouvernement n’ait pas cherché à contredire ces chiffres – et votre argumentation pas davantage, madame la rapporteure.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Je suis défavorable à cette proposition qui n’a d’autre but que de détricoter complètement le dispositif que nous souhaitons mettre en place.

Nous pensons précisément que ce nouveau système dans lequel les régions ne décident plus des ouvertures de sections de CFA ou de places devrait réellement dynamiser l’apprentissage, dont on connaît le fort potentiel de développement. Et pour ce qui est des CFA, cher collègue, les chiffres que vous citez, s’ils étaient vérifiés en diraient long sur la gestion actuelle de l’alternance et sur les difficultés économiques qu’ils rencontrent.

M. Gérard Cherpion. La suppression de la compétence générale des régions en matière d’apprentissage sera source de beaucoup d’incertitude. J’ai du mal à comprendre : comment le travail accompli, certes plus ou moins bien, par treize régions, sera-t-il mieux fait par 400 branches qui ne couvrent pas la totalité des métiers de notre pays ? Et je vous mets au défi de m’en citer dix qui soient suffisamment bien structurées pour se substituer aux régions !

La fin de cette compétence mettra aussi en concurrence directe lycées professionnels et CFA. Dans certains lycées professionnels, nous avons des professeurs qui font un excellent travail et pourraient très bien travailler avec des CFA. Non seulement vous ne vous engagez pas sur la voie de cette complémentarité, mais vous allez raviver la concurrence.

Certains secteurs, notamment en zone rurale, perdront des lycées professionnels, et vous assisterez à une dévitalisation à rebours de notre objectif : non pas défendre les lycées professionnels ou les CFA, mais donner à nos jeunes la possibilité d’avoir à la fois une qualification et un emploi. Voilà pourquoi nous proposons notre amendement AS322.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. En lycée professionnel comme en CFA, il faut trouver une entreprise d’accueil disposée à vous accueillir en stage pendant vingt-deux semaines. En l’absence d’un tissu économique local, toute la logique de la formation par un professionnel, toute la logique, donc, de l’alternance se trouve compromise. Il faut que l’offre corresponde à la réalité.

Nous défendons cependant également le développement des Campus des métiers et des qualifications pour faciliter la mobilité des jeunes lorsque le tissu économique local ne leur offre pas les métiers qui les intéressent. Il faut des internats et des manières de faire qui permettent la mobilité.

Un CFA de Lyon, où je me suis rendue, consacré aux métiers d’art, a créé un modèle intéressant : la formation théorique est dispensée à l’internat de Lyon, la formation pratique près du lieu d’habitation.

Des modèles peuvent forcément être créés, qui évitent aux jeunes d’être assignés à résidence et favorisent leur mobilité, tout en correspondant à la réalité du terrain. Je pense que l’une des premières missions de la région doit être le développement économique. Si une stratégie de développement économique se met en place, les jeunes trouveront des stages et la formation en alternance sera possible.

M. Sylvain Maillard. Nous nous doutions bien qu’à un moment ou à un autre, la discussion prendrait un tour plus politique, puisque nous avons auditionné Hervé Morin. Cela dit, j’ai été très surpris d’entendre le groupe Les Républicains défendre à ce point la centralisation ou l’étatisation, au motif que la formation professionnelle et l’apprentissage seraient mieux gérés par les régions et que celles-ci « n’auraient pas démérité », comme je l’ai entendu. Comment peut-on utiliser de tels termes ? À moins qu’il ne s’agisse d’un lapsus…

Je prendrai deux exemples. Actuellement, en Normandie, la région d’Hervé Morin, 10 000 places d’apprentissage financées ne sont pas pourvues. En PACA, en 2016, sur les 145 millions alloués à l’apprentissage, seulement 97 millions ont été effectivement dépensés. Estimez-vous vraiment que les régions n’ont pas démérité ? Il ne s’agit pas de distribuer des bons et des mauvais points, mais force est de reconnaître que le dispositif fonctionne – on le constate dans les pays scandinaves, en Autriche, en Suisse – lorsque les entreprises, les branches, déterminent elles-mêmes l’organisation de l’apprentissage et de la formation professionnelle. Comment les libéraux que vous êtes peuvent-ils s’accrocher à un archaïsme qui a manifestement montré ses limites ?

M. Jacques Marilossian. Ce sont des colbertistes !

Mme Thierry Michels. Dans la région Grand Est, selon vos chiffres, 90 % des CFA seraient menacés de fermeture. Comme disait Talleyrand, « tout ce qui est excessif est insignifiant ». Au lieu de tenir un discours anxiogène pour tous les acteurs de l’apprentissage, mieux vaudrait prendre le temps d’examiner chaque situation. Mme la ministre a elle-même annoncé qu’elle vérifierait, dans un certain nombre de régions, la situation des CFA et traiterait les problèmes au cas par cas. Au demeurant, il faut bien accepter que les choses évoluent. Plutôt que des classes vides, nous voulons une adéquation entre le nombre d’apprentis et l’offre des entreprises. Nous devons nous adapter à leurs besoins réels, et non répondre à ce que souhaitent faire, pour des raisons diverses, les uns et les autres.

M. Boris Vallaud. Tout d’abord, puisque l’on a évoqué les comparaisons internationales, je rappelle qu’entre l’apprentissage et les lycées professionnels, la proportion est la même en France et en Allemagne. À ceci près que les entreprises allemandes consacrent 2,5 milliards à l’apprentissage, contre 500 millions pour les entreprises françaises… La comparaison n’est donc pas forcément valable.

Ensuite, c’est parce que nous croyons en l’apprentissage et que nous constatons un certain nombre de carences que nous nous demandons s’il est bien raisonnable de confier ce secteur à 400 branches qui, pour plus de 350 d’entre elles, ne fonctionnent pas. N’aurait-il pas fallu commencer, comme cela est envisagé depuis longtemps, par réduire leur nombre pour qu’elles deviennent opérantes et territorialisées ? Le pari que vous faites nous paraît dangereux et risque de provoquer une déstabilisation massive du dispositif.

Si nous partageons vos constats, nous n’en tirons pas comme vous la conclusion qu’il est impossible d’améliorer le fonctionnement du dispositif actuel, qui forme tout de même des centaines de milliers d’apprentis. Et je ne suis pas certain qu’en confiant le système aux branches, dont certaines ne se sont pas réunies depuis des années, on augmentera le nombre de ces apprentis. Vous faites un pari qui nous semble risqué, alors qu’il serait parfaitement légitime d’imposer aux régions que l’argent de l’apprentissage aille à l’apprentissage ; nous serions prêts à défendre ce principe avec vous.

Nous ne tenons pas un discours anxiogène pour les acteurs de l’apprentissage ; ceux-ci ont également des choses à dire, qui ne sont pas plus bêtes que les remarques que nous formulons. Les corps intermédiaires ne sont pas des trucs ridicules : le fait que la pauvreté ou le racisme perdurent ne disqualifie pas les associations de lutte contre la pauvreté ou contre le racisme… De la même façon, on ne saurait prendre prétexte des carences qui peuvent exister dans le dispositif de l’apprentissage pour disqualifier les acteurs de ce secteur.

Encore une fois, nous croyons en l’apprentissage ; nous en voyons bien les vertus. C’est pourquoi nous vous alertons : un certain nombre de mesures, loin d’améliorer les choses, nous paraissent de nature à les compromettre.

M. Francis Vercamer. Il faut éviter de caricaturer le dispositif actuel en critiquant les régions. Il faut, partout, s’efforcer d’améliorer les choses. Je pourrais faire remarquer que les branches ne sont pas forcément exemptes de tout reproche : les frais de gestion des organismes collecteurs paritaires agréés (OPCA) s’élèvent à 17 %, la formation professionnelle ne forme que les plus formés… Mais l’important, c’est que l’ensemble des acteurs économiques – qui sont les seuls à pouvoir développer l’apprentissage et la formation professionnelle, puisque ceux-ci doivent être adaptés à l’évolution de l’économie – coopèrent avec la région, elle-même compétente en matière d’économie. Ou alors on la supprime ! On ne peut pas maintenir sa compétence dans le domaine du développement économique et l’exclure de la réflexion sur l’apprentissage et la formation professionnelle ; elle en est forcément un acteur important. Nous ne demandons pas qu’elle fasse tout, mais seulement qu’elle ne soit pas exclue.

M. Patrick Hetzel. Nous sommes les premiers à reconnaître qu’une évolution est nécessaire. Mais là, vous libéralisez à tout vent, au point que, si les branches n’ont plus les moyens, des formations disparaîtront alors même qu’elles pourraient répondre à un besoin, sur le moyen et le long terme, à l’échelle régionale. C’est un véritable problème ! Vous supprimez l’instance de régulation ou, disons-le plus précisément, vous la reconcentrez au niveau de France compétences. Ce faisant, vous êtes, certes, fidèles au projet de la « Macronie », mais vous éloignez les prises de décision du terrain. Nous avons là un véritable différend, de nature politique. Nous considérons, quant à nous, que certaines décisions doivent être prises au plus près du terrain et que, même lorsqu’on libéralise, l’État protecteur et régulateur doit être préservé non seulement à l’échelle nationale, mais aussi à celle des régions. En fait, vous êtes en train de détricoter la décentralisation, qui a été un processus continu. C’est bien dommage, et pour les régions, que nous ne défendons pas plus que cela, et pour notre pays.

M. Pierre Dharréville. La première question qui se pose est celle du diagnostic : les acteurs de l’apprentissage ont-ils établi un bilan partagé du système actuel ? Je ne le crois pas, si je m’en tiens à ce qu’en disent les élus régionaux. Ainsi, hier soir, en écoutant notre collègue Acquaviva nous raconter ce qui se passait en Corse, j’ai plutôt eu le sentiment qu’ils avaient été écartés de ce diagnostic et que les nombreuses inquiétudes exprimées tant par les élus locaux en charge de l’apprentissage que par les acteurs au quotidien de ces formations n’avaient pas été entendues.

Par ailleurs, je ne crois pas que le système que vous proposez sera plus efficace. Or, tel est bien l’enjeu. En réalité, vous appliquez le modèle de l’État libéral : centralisation des décisions et privatisation de la gestion sur le terrain. C’est pourquoi je crains que vous ne déstabilisiez le système de formation dans les territoires. Le pilotage privé tel que vous l’organisez permettra-t-il de faire mieux qu’aujourd’hui ?

Enfin, les corps intermédiaires ont été beaucoup critiqués, au plan politico-philosophique, par votre majorité. À cet égard, le projet de loi ELAN est du même tonneau : on écarte les élus locaux, en dépit de leur expertise et du mandat que leur ont confié les électeurs. En réalité, les seuls corps intermédiaires – on pourrait discuter de ce que ce terme recouvre – qui trouvent grâce à vos yeux, ce sont les acteurs économiques, et c’est bien là le problème.

M. Bernard Perrut. L’objet de ce projet de loi est de faire évoluer l’apprentissage ; c’est notre seule ambition, aux uns comme aux autres. Or, il est effectivement permis de s’interroger sur ce choix d’ignorer totalement les régions, tant il est vrai que le développement de l’apprentissage suppose une mobilisation de l’ensemble des acteurs, publics et économiques. De fait, une stratégie régionale qui tienne compte de la diversité des territoires, des besoins et des perspectives d’investissement et de développement est nécessaire. On peut adresser des reproches à certaines régions, mais vous passez d’un extrême à l’autre : ignorer complètement le rôle des régions, qui sont au plus près du territoire, me semble un non-sens. Comment ces collectivités, qui sont dotées de la compétence en matière de développement économique, peuvent-elles être exclues du système qui, précisément, accompagne les jeunes vers l’économie ?

Cette mesure témoigne d’une certaine ignorance de la France des territoires, que l’on retrouve dans d’autres textes – et ce n’est pas une critique à l’emporte-pièce, mes chers collègues. Nous devons trouver une solution qui permette d’élaborer une stratégie régionale dans le cadre d’un véritable copilotage de l’apprentissage.

Mme Monique Iborra. Sans doute nos collègues sont-ils sincères, mais ils versent dans la dramatisation. Nous sommes un certain nombre à savoir comment les choses se passent sur le terrain. Les régions exercent la compétence économique, même si elles ne sont pas les seules puisqu’elles la partagent avec les métropoles. Les acteurs locaux de toute nature sont donc présents, et c’est une bonne chose quand on est favorable à la décentralisation. Mais il a été courageusement constaté par tous, sans désigner de bouc émissaire, que l’apprentissage, malgré toutes les mesures qui ont été prises par les gouvernements successifs, ne produisait pas les résultats escomptés. Dès lors, il est tout de même normal que les responsables nationaux réfléchissent à un changement du système, sans présumer qu’il fonctionnera mieux – on le vérifiera. En tout cas, on sait que l’actuel ne fonctionne pas.

Par ailleurs, c’est dramatiser les choses que de laisser croire que, soudainement, les régions ne travailleront plus avec les branches professionnelles, et réciproquement. Nous savons en effet très bien que cela ne se passera pas ainsi. En réalité, les branches professionnelles – et on peut comprendre que les régions réagissent à ce changement un peu brutal – seront libres, non pas de faire ce qu’elles veulent, mais d’ouvrir les CFA, en indiquant les raisons de leur décision. De fait, on sait très bien qu’actuellement, pour des raisons souvent financières du reste, on ne va pas au bout des choses.

Chers collègues, je comprends bien votre démarche, qui est de soutenir la position des régions. Mais la représentation nationale doit dépasser cela, et se prononcer au vu des évaluations et retours d’expérience. Évitons en tout cas la dramatisation inutile, au risque d’inquiéter et de décourager les jeunes pour qui ces mesures sont tout de même positives.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Les propos de Monique Iborra rejoignent le message que je veux faire passer.

On prétend que ce sont les branches qui vont désormais piloter le dispositif. Mais nous ne sommes pas en train de substituer les branches aux régions. Actuellement, celles-ci ont, pour ainsi dire, le droit de vie et de mort sur un CFA. Or, je pourrais vous citer de nombreux cas dans lesquels les étudiants se dépêchent de trouver une entreprise avec laquelle conclure un contrat d’apprentissage pour être certains de pouvoir s’inscrire dans la formation qu’ils souhaitent, parce qu’il n’y a que quinze places pour une trentaine de candidats. Du coup, ils acceptent n’importe quoi. On marche sur la tête ! Et ces situations sont dues au fait que le système est administré. Il n’est donc pas prévu de le remplacer par un système administré par les branches. Notre objectif est de faire en sorte que l’initiative soit prise au plus près du terrain, au niveau des organismes de formation et des entreprises, là où les besoins émergent, pour permettre la création d’un beaucoup plus grand nombre de places en apprentissage. J’ajoute que le système que nous souhaitons mettre en place a déjà été expérimenté dans d’autres domaines, qu’il s’agisse des contrats de professionnalisation ou des maisons familiales rurales, et qu’il fonctionne bien.

J’abonde donc dans le sens de Monique Iborra : ne dramatisons pas ! Nous ne faisons pas n’importe quoi. Le système que nous proposons a montré, dans d’autres pays, qu’il donnait des résultats intéressants. Cette évolution part du constat que le dispositif actuel entrave le développement de l’apprentissage, que nous appelons tous de nos vœux parce que nous reconnaissons tous l’efficacité de modèle de formation, fondé sur l’alternance : c’est, du reste, ce qui le distingue des formations dispensées dans les lycées professionnels, monsieur Vallaud : on ne peut pas se contenter d’additionner les unes et les autres pour dire que nous sommes au même niveau que l’Allemagne ou l’Autriche.

Enfin, l’état économiquement fragile de certaines branches pourrait-il mettre les CFA en situation précaire ? Non. Les contrats d’apprentissage ne seront pas financés par les branches mais par un système de péréquation. Ainsi, même si la branche contribue peu, ils seront financés dans la mesure où les entreprises développent l’apprentissage en leur sein. C’est, du reste, un élément très intéressant, car cela permettra de financer les secteurs qui souhaitent développer l’apprentissage au détriment de ceux qui ne font pas d’efforts en la matière. Il s’agit donc d’un dispositif assez équilibré.

La commission rejette ces amendements.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS1367 de la rapporteure.

Puis elle examine, en discussion commune, l’amendement AS41 de M. Descoeur, les amendements identiques AS279 de M. Paul Christophe, AS613 de M. Joël Aviragnet, AS746 de M. Bernard Perrut et AS971 de Mme Josiane Corneloup, et l’amendement AS323 de M. Gérard Cherpion.

M. Gilles Lurton. Par l’amendement AS41, nous proposons que la région élabore, en lien avec les acteurs économiques et les partenaires sociaux, une stratégie pluriannuelle des formations en alternance. Cette stratégie ne remettrait pas en cause la liberté d’ouverture des CFA et des sections d’apprentissage : elle permettrait d’assurer une offre de formation professionnelle initiale cohérente sur l’ensemble du territoire régional et de répondre aux besoins en compétences, de définir la politique régionale d’investissement en faveur des centres de formation d’apprentis, en particulier dans une logique d’aménagement du territoire, d’organiser la complémentarité des formations dispensées par les lycées professionnels et les centres de formation d’apprentis, en favorisant notamment la mutualisation de leurs plateaux techniques, et, enfin, de développer les campus des métiers et des qualifications.

M. Francis Vercamer. L’apprentissage ne peut pas se développer sans que soit défini un cadre stratégique global. Il est donc proposé, par l’amendement AS279, que la région élabore, en lien avec les acteurs économiques et les partenaires sociaux, une stratégie pluriannuelle des formations en alternance. La stratégie proposée déterminera les besoins en compétences des territoires et organisera la complémentarité ainsi que les mutualisations possibles entre les deux voies professionnelles, les CFA et les lycées professionnels.

Mme Gisèle Biémouret. Jusqu’à présent, les régions étaient compétentes en matière d’apprentissage et élaboraient les cartes de formation en fonction des besoins, dans un souci d’aménagement du territoire et d’égalité dans l’accès aux formations. Ce dispositif nous semble adapté aux besoins des jeunes qui connaissent des difficultés pour se déplacer et ont besoin de lieux de formation de proximité. Or, par cette réforme, le Gouvernement cherche à recentraliser cette compétence régionale, ce qui est une première depuis 1982 et la création des régions comme collectivités territoriales de plein exercice.

Cela traduit une vision parisienne et centralisatrice du pouvoir, alors même que les régions ont, dans leur immense majorité, un bilan positif en matière d’apprentissage. Ainsi, en Occitanie, grâce à la reprise économique et une politique volontariste du conseil régional, les résultats sont là : la région comptait, au 1er janvier 2018, 36 438 apprentis, soit 4,4 % de plus qu’en 2017 ; le taux de réussite aux examens est de 85 % et, six mois après la fin de leur formation, 75 % des apprentis ont un emploi ou poursuivent leurs études. Faut-il interrompre cette dynamique vertueuse ? Nous ne le pensons pas.

C’est pourquoi nous proposons, par l’amendement AS613, que la région élabore, en lien avec les acteurs économiques et les partenaires sociaux, une stratégie pluriannuelle des formations en alternance. Cette stratégie ne remettrait pas en cause la liberté d’ouverture des CFA et des sections d’apprentissage. Elle permettrait d’assurer une offre de formation professionnelle initiale cohérente sur l’ensemble du territoire régional, de répondre aux besoins en compétences, de définir la politique régionale d’investissement en faveur des centres de formation d’apprentis, en particulier dans une logique d’aménagement du territoire, d’organiser la complémentarité des formations dispensées par les lycées professionnels et les centres de formation d’apprentis, en favorisant notamment la mutualisation de leurs plateaux techniques, et de développer les campus des métiers et des qualifications.

M. Bernard Perrut. Quelles que soient les intentions du Gouvernement et la bonne volonté de Mme la rapporteure, sans stratégie régionale, l’apprentissage ne se développera pas, du moins pas suffisamment. Parce que son développement suppose la mobilisation de tous les acteurs, publics et économiques, il faut favoriser une stratégie régionale pluriannuelle qui tienne compte des perspectives économiques des territoires, des investissements et des projets, connus des élus régionaux, lesquels établissent précisément un schéma de développement des activités économiques. L’amendement AS746 ne remet pas en cause le fondement de votre texte ; il cherche seulement à l’adapter pour le rendre efficace.

Une telle stratégie permettrait en effet d’assurer une offre de formation professionnelle initiale cohérente sur l’ensemble du territoire régional, de répondre aux besoins en compétences au plus près du terrain, de définir la politique régionale d’investissement en faveur des centres de formation d’apprentis, en particulier dans une logique d’aménagement du territoire, d’organiser la complémentarité des formations dispensées par les lycées professionnels et les centres de formation d’apprentis, en favorisant notamment la mutualisation de leurs plateaux techniques. Qui, en effet, peut mieux que la région favoriser une telle complémentarité ? Les responsabilités doivent être partagées en matière d’apprentissage. Vous le voyez, nous ne souhaitons pas revenir au système antérieur, mais faire montre de bon sens et permettre aux uns et aux autres, dans une stratégie régionale, de travailler ensemble.

M. Gilles Lurton. L’amendement AS971 est défendu.

M. Gérard Cherpion. Mon amendement AS323 est un peu différent. Le 9 février dernier, le Premier ministre évoquait « la mise en place d’un schéma rassemblant les conventions d’objectifs et de moyens signés avec les branches professionnelles et qui donnent une perspective pluriannuelle au développement de l’alternance, notamment des investissements, en fonction des perspectives économiques des territoires et du projet économique régional ». Cette volonté forte du Premier ministre ne se retrouve pas dans le texte. Or notre débat montre que donner toutes les clés soit aux régions, soit aux branches n’est pas satisfaisant. Les conventions d’objectifs et de moyens permettraient de garantir l’équilibre du système, sans remettre en cause le principe de liberté qui a été voté précédemment.

Ce schéma pluriannuel pourrait répondre aux besoins en compétences exprimés par les branches en construisant une offre de formation initiale cohérente sur l’ensemble du territoire, répartir les investissements selon une logique d’aménagement du territoire et, enfin, organiser la complémentarité entre lycées professionnels et CFA, plutôt qu’une mise en concurrence qui sera préjudiciable aux deux types d’établissements. Je rappelle que les lycées professionnels sont aussi financés par les entreprises, via ce que l’on appelait le « hors quota ». Je crois qu’il faut rester fidèle à l’esprit de la déclaration du Premier ministre.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Encore une fois, je répète que nous ne donnons pas toutes les clés aux branches. Vous le savez aussi bien que moi, les régions conservent la compétence d’investissement dans les lycées et les CFA, qui est très structurante. Elles auront, bien entendu, diverses occasions de discuter avec les branches et le tissu économique, qu’elles connaissent très bien. Il est évident que les unes et les autres auront un intérêt partagé à travailler ensemble autour de projets communs, comme vous l’appelez de vos vœux. Que ce soit en apportant un complément au coût de contrat ou un investissement dans le cadre de l’aménagement du territoire, ou en participant au dialogue autour du développement économique du territoire, les régions auront maintes occasions de discuter avec les branches et les entreprises des stratégies à mettre en œuvre de manière partenariale. Il ne faut pas revenir à un système dans lequel la région pilote ce type de réunions ; c’est précisément ce dont nous ne voulons plus. Avis défavorable à ces amendements.

M. Sylvain Maillard. Les propos de Mme la rapporteure sont parfaitement équilibrés : nous ne cherchons pas à opposer les régions aux branches. Nous avons besoin de l’ensemble des acteurs, mais à leur juste place. Pour cela, nous devons réorganiser le pilotage car si, à l’heure actuelle, les branches et les entreprises participent aux décisions, elles n’ont droit qu’à un strapontin. Ce que nous souhaitons, c’est que, désormais, l’initiative leur revienne. Nous avons entendu les inquiétudes d’Hervé Morin et des responsables régionaux que nous avons rencontrés concernant l’aménagement du territoire. Mais nous avons voulu nous assurer – il s’agissait, pour nous, d’une donnée importante – que les régions aient les moyens d’accompagner l’aménagement du territoire. Elles participeront toujours à la décision mais, pour que le système fonctionne de manière optimale, il ne faut pas qu’elles en assument le pilotage.

Ce qu’a dit M. Vallaud était en partie juste : en Allemagne, les entreprises consacrent beaucoup plus d’argent à l’apprentissage qu’en France. Mais on est plus enclin à financer un système lorsqu’on le pilote et qu’on en est responsable. C’est pourquoi je fais le pari qu’en 2022, un grand nombre de CFA se seront ouverts, qui mettront en œuvre des pédagogies dynamiques, et nous serons tous très heureux d’aller les inaugurer. Ils proposeront des formations beaucoup plus réactives, seront beaucoup plus dynamiques, tout en préservant un aménagement du territoire qui correspond aux besoins des entreprises. Encore une fois, nous ne voulons pas opposer les unes aux autres ; nous voulons uniquement que le pilotage s’inspire de celui des dispositifs qui fonctionnent bien en Europe.

M. Gérard Cherpion. Mme la rapporteure nous dit que les régions conserveront le pouvoir d’investir. Très bien ! Mais la dotation d’investissement qui sera attribuée à la région Grand Est, par exemple, s’élèvera à 12 millions d’euros. Or, lorsqu’on connaît le coût de la rénovation d’un CFA, on s’aperçoit qu’avec une telle somme, on ne pourra pas faire grand-chose. J’ai en tête la rénovation récente d’un CFA du bâtiment, comprenant la formation, les ateliers, le matériel, mais aussi toute la partie hôtelière. Cette rénovation n’aurait pas pu être financée par la branche, qui n’avait pas les moyens de le faire seule ; la région a donc apporté 6 millions, dans le cadre d’un cofinancement. Demain, comment pourra-t-elle rénover d’autres CFA dans nos dix départements avec l’enveloppe dont elle disposera ? Elle ne pourra jamais assurer les investissements nécessaires ! J’ai cru comprendre que la dotation serait révisée, mais nous aimerions connaître les chiffres. Pour l’instant, nous sommes dans le flou.

Mme Éricka Bareigts. Je souhaiterais revenir sur les propos de Mme la rapporteure et de M. Maillard. Nos conceptions sont très opposées, c’est un fait. La majorité estime – et c’est un constat que nous ne partageons pas entièrement – que les régions n’ont pas fait le job. En guise de réponse, on fait exploser le système et donne aux branches un pouvoir très important, tant et si bien que l’initiative d’ouvrir des CFA leur reviendra.

M. Maillard a indiqué que la situation de la France n’était pas comparable à celle de l’Allemagne parce que, jusqu’à présent, les entreprises françaises n’avaient pas eu intérêt à investir dans l’apprentissage. Cette affirmation soulève un problème de fond, celui de l’opposition entre l’intérêt général et les intérêts particuliers. Les élus sont désignés sur un programme politique, une vision, une connaissance de leur territoire ; ils investissent donc le plus et le mieux possible pour le développer. Les branches, quant à elles, agiront, dans ce domaine, en fonction de leurs propres intérêts, et cela ne contribuera pas à la réussite de nos jeunes gens et de nos jeunes filles. J’appelle donc votre attention là-dessus : vous êtes train de construire un système fondé uniquement sur les intérêts particuliers.

Enfin, dans certains territoires d’outre-mer, il n’y a aucune branche. Dans d’autres, une ou deux seulement sont structurées – le BTP, à La Réunion, par exemple. Comment ferons-nous ?

Mme Michèle de Vaucouleurs. La connaissance économique que les régions ont de leur territoire n’est nullement remise en cause, mais les entreprises ne sont pas hors sol : elles participent bien à des dynamiques de territoire. Du reste, les régions y contribueront grâce à l’enveloppe de péréquation qui leur sera confiée. N’oublions pas enfin une des principales innovations du projet de loi : le paiement au contrat, qui renforcera véritablement la capacité de développer l’apprentissage ; les CFA attendent impatiemment cette disposition.

Enfin, s’agissant de la mutualisation des moyens des lycées professionnels et des CFA, les régions continuant de piloter l’investissement, nous avons toutes les garanties qu’elle sera menée à bien – pour peu évidemment qu’elles jouent le jeu de la réforme, ce qu’elles ont tout intérêt à faire.

M. Pierre Dharréville. Je tiens à prendre la défense de nos collègues du groupe Les Républicains, à qui la majorité fait un mauvais procès en les présentant comme les défenseurs de l’économie administrée.

M. Patrick Hetzel. Ça se saurait !

M. Pierre Dharréville. Effectivement, ça se saurait… Leur libéralisme est peut-être plus pragmatique que le vôtre, chers collègues de la majorité, mais l’économie administrée, ce serait un tout autre système que la gestion actuelle des CFA ! Essayez de mieux choisir les mots…

La question qui se pose est celle de savoir si nous maintenons une capacité d’impulsion politique et, en effet, d’administration suffisante en matière de formation professionnelle. Éricka Bareigts vient de le souligner brillamment : vous nous proposez de laisser le marché décider. Mais où va-t-il ? Vous nous expliquez que ses vertus naturelles feront pousser les CFA comme des champignons. Je ne crois pas à cette perspective : le marché privilégie une logique de rentabilité et d’utilité « court-termiste » qui ne correspond pas aux enjeux de la formation professionnelle. C’est pourquoi la puissance publique doit intervenir pour garantir au mieux l’intérêt général.

Comment l’argent qui sera investi dans l’apprentissage sera-t-il utile aux apprentis et au développement de leurs compétences ? Là est la véritable question. À cet égard, vos propositions ne sont pas à la hauteur. Les nouveaux CFA vont permettre de régler le problème, dites-vous. Mais ceux qui existent aujourd’hui, que deviendront-ils ?

La commission rejette successivement ces amendements.

Elle est ensuite saisie des amendements identiques AS12 de M. Dino Cinieri, AS39 de M. Vincent Descoeur, AS225 de M. Gérard Cherpion et AS611 de M. Joël Aviragnet.

M. Patrick Hetzel. Les politiques d’achat de formations pour les demandeurs d’emploi sont insuffisamment efficaces puisque, pour l’attribution des aides individuelles à la formation, Pôle emploi intervient seul alors que, pour l’achat de formations collectives, ce sont les régions qui sont compétentes, étant précisé que Pôle emploi peut également intervenir sur ces formations dans le cadre d’une convention passée avec la région. Afin d’harmoniser le dispositif, l’amendement AS12 tend à confier une compétence de principe de la région pour l’ensemble des formations, individuelles et collectives, tout en maintenant la possibilité d’une intervention de Pôle emploi dans le cadre d’une convention conclue avec la région. Nous éviterions ainsi des écarts entre les politiques et nous assurerions une bonne coordination entre les questions de l’emploi et de la formation.

M. Vincent Rolland. L’amendement AS39 est défendu.

M. Gérard Cherpion. L’amendement AS225 ne vise pas à substituer la région à Pôle emploi, mais à les associer ; c’est, du reste, ce qui se passe dans les faits. Au demeurant, les régions ne revendiquent même pas l’achat de formations, qui pourrait très bien être assumé par Pôle emploi. Nous voulons seulement assurer une vision globale de l’ensemble du système.

Mme Gisèle Biémouret. L’amendement AS611 est défendu.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Les partenariats sont possibles dans le cadre de la politique de conventionnement actuellement menée, et avec succès. Ainsi, la mise en œuvre du Plan d’investissement compétences fait l’objet d’un conventionnement entre l’État et les régions. En revanche, le fait que la région puisse imposer ses conditions à Pôle emploi en matière de politique d’achat ne me paraît pas pertinent.

M. Francis Vercamer. Paul Christophe avait déposé un amendement identique à ceux-ci, mais je ne l’ai pas cosigné car le code des marchés publics, auquel les régions, en tout cas les acheteurs de formations sont soumis n’est pas adapté aux petites formations spécifiques. En fait, seules les grosses structures peuvent répondre aux appels d’offres ; or, elles ne sont pas intéressées par ces petites formations, dont la qualité risque donc d’être médiocre. Je n’ai pas déposé d’amendement, car c’est une matière complexe, mais nous devrions y réfléchir d’ici à l’examen du texte en séance publique.

M. Gérard Cherpion. Madame la rapporteure, les amendements font référence à une convention : il n’y a là aucune obligation. J’ai du reste précisé, et je réponds ainsi à la question de M. Vercamer, que l’achat de formations pouvait fort bien être confié à Pôle emploi, ce qui résoudrait le problème du marché public.

La commission rejette ces amendements.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Sachez que nous n’en sommes qu’à la moitié des amendements que nous devons examiner…

La commission examine l’amendement AS644 de Mme Fadila Khattabi.

Mme Fadila Khattabi. Cet amendement vise à permettre aux missions locales et aux Cap emploi de pouvoir accéder, à l’instar de Pôle emploi, aux informations concernant le déroulement des activités de formation des personnes qu’elles accompagnent.

Les missions locales jouent un rôle indispensable dans l’accompagnement des 15-25 ans. Rappelons que 40 % des jeunes soutenus par les missions locales ne sont pas inscrits à Pôle Emploi. Les Cap emploi assurent également une mission de service public en proposant un accompagnement personnalisé aux personnes en situation de handicap.

Cet amendement va donc dans le sens du présent projet de loi, qui place l’accompagnement et le suivi durable au cœur de la réussite des parcours de formation. Compte tenu de ces éléments, il me semble que ces structures ont,elles aussi, une légitimité à être informées de l’évolution des activités de formation des personnes qu’elles accompagnent.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Certes, l’idée est séduisante et intéressante à première vue. Mais après avoir creusé la question, je ne suis pas certaine de la faisabilité de ce circuit d’information sur le plan technique, dans la mesure où les différentes instances n’ont pas le même statut juridique. Cela paraît assez compliqué. Avis défavorable.

Mme Christine Cloarec. En tant que présidente d’une mission locale, je me dois d’intervenir. Les missions locales sont des acteurs du service public de l’emploi. Or 40 % des jeunes qu’elles soutiennent ne sont pas inscrits à Pôle emploi. Il n’est donc pas possible de savoir s’ils vont au bout de leur formation ou non, ni ce qu’ils font. Ce qui pose donc un vrai problème dans leur accompagnement et en fait des décrocheurs. Je ne comprends pas qu’on ne puisse pas adopter cet amendement : cela ne mange pas de pain et l’argument de la complexité du système ne me convainc pas. L’accès des missions locales à cette information est à mes yeux indispensable.

Mme Justine Benin. C’est en effet un amendement de bon sens. On sait que 40 % de ces jeunes ne sont pas inscrits à Pôle Emploi, et ne sont pas obligés de le faire. Il en va de même des travailleurs en situation de handicap suivis par les Cap emploi. La sagesse commande d’adopter cet amendement de bon sens, qui va dans le sens de l’accompagnement de notre public.

M. Gérard Cherpion. Je ne comprends pas non plus la position de notre rapporteure. J’ai moi aussi présidé une mission locale : on s’y rend compte des difficultés que peuvent rencontrer ces jeunes. Cet amendement est une porte ouverte qui n’engage à rien sur le plan financier, mais qui va faciliter l’accompagnement des jeunes, et donc leur réussite. Nous le voterons.

M. Boris Vallaud. J’appuie cette proposition. Nous rencontrons des difficultés avec la jeunesse. La majorité pénale est à seize ans, la majorité civique dix-huit ans pour la majorité civique, la majorité sociale à vingt-cinq ans. Tous ceux qui décrochent entre seize ans et vingt-cinq ans sont cassés. À chaque fois que nous avons une chance de les raccrocher, nous devons la saisir. Cet amendement le permettra.

M. Bernard Perrut. Il me semble important de prendre en considération les missions locales. Elles assurent le maillage du territoire, en accueillant les jeunes qui ne sont pas inscrits à Pôle Emploi, des décrocheurs qui ne sont pas forcément repérés. Ces missions locales méritent d’être reconnues, même si ce n’est pas à proprement parler l’objet de ce texte. Nous avons en tout cas besoin d’une réponse très claire du Gouvernement sur leur place, qui n’est pas toujours reconnue, au point qu’il leur est très difficile de récupérer certaines informations, et sur leurs relations avec Pôle emploi, parfois inexistantes dans certains territoires. On ne peut pas admettre qu’elles ne soient pas informées et associées à ce dispositif.

M. Francis Vercamer. Les missions locales sont des outils extrêmement importants dans les territoires ; les collectivités locales y sont d’ailleurs impliquées, ce qui garantit une bonne cohérence territoriale. Mon groupe votera en faveur de cet amendement.

Mme Gisèle Biémouret. Les missions locales réalisent un travail exceptionnel, notamment dans le cadre de la garantie jeunes. Ceux qu’elles accompagnent ainsi suivent souvent un apprentissage. On affirmait ce matin vouloir réduire les inégalités : c’est précisément ce que font les missions locales en accompagnant les jeunes qui sont le plus en difficulté.

Mme Justine Benin. Sur le terrain, Pôle emploi appelle à construire ces relations avec les missions locales, dans le cadre de l’accompagnement de leur public, ainsi qu’avec les Cap emploi. Je puis en témoigner comme ancienne de Pôle Emploi. Cette coconstruction est importante pour Pôle emploi dans le cadre de l’accompagnement renforcé du public des Cap emploi et des missions locales.

M. Sylvain Maillard. Le travail en commission a cette vertu de permettre de travailler sur les amendements. Celui-ci pose un problème technique sur l’organisation de la transmission de ces informations. Le groupe LaREM partage la volonté parfaitement exprimée par les orateurs des différents groupes. Je vous propose de retirer cet amendement pour le retravailler d’ici à la séance publique, où nous pourrons le présenter ensemble en étant assuré de sa faisabilité. Évitons de faire du droit inapplicable du fait, entre autres, des règles qui prévalent désormais en matière de transmission des données. Il nous reste une semaine : profitons-en pour faire de cette idée, que nous partageons tous, un amendement que nous pourrons adopter à l’unanimité.

M. Boris Vallaud. Nous avons inauguré hier une bonne méthode, respectueuse du débat en commission, qui consiste à adopter les amendements qui contenaient de bonnes idées, quand bien même ils réclameraient encore un peu de travail. Faisons de même en adoptant dès maintenant cet amendement, quitte à l’améliorer en séance publique. Ne dérogeons pas à cette bonne manière de faire.

M. Adrien Quatennens. Je suis d’accord avec mes collègues. Adoptons cet amendement et nous améliorerons le texte en séance publique. Les missions locales, que j’ai eu l’occasion de rencontrer dans ma circonscription, font un travail formidable et essentiel. Elles constituent le réseau des jeunes qui n’ont pas de réseau. C’est la raison pour laquelle nous devons soutenir cet amendement.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Je n’ai pas coutume de le faire, mais je m’exprime à titre personnel : il me semble en effet qu’il n’y a pas péril en la demeure à accepter cet amendement, quitte à le retravailler et à le sous-amender en concertation avec le Gouvernement, compte tenu de l’unanimité qui s’exprime. Nous gagnerions à revoir la question. (Applaudissements)

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Comme je le disais au début, je suis d’accord sur le principe. Mais j’ai eu des discussions avec les services du ministère sur la faisabilité d’un tel dispositif. Après avoir creusé la question, je crains que la mise en œuvre ne cause quelques soucis. Mais devant cette belle unanimité, nous allons essayer de trouver la solution technique appropriée, en espérant qu’elle existe. Sagesse.

Mme Fadila Khattabi. Je vous remercie, madame la présidente et madame la rapporteure. Je fais confiance aux services pour trouver une solution à ce problème purement technique.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS792 de Mme Béatrice Piron.

Mme Fiona Lazaar. La lutte contre l’illettrisme chez les jeunes sortis sans qualification du système scolaire est un enjeu essentiel pour notre pays : 4 % des personnes environ qui ont entre 18 et 25 ans seraient en situation d’illettrisme. Il apparaît primordial de répondre au besoin de former ces jeunes sans qualification aux notions fondamentales de l’écriture et de la lecture. L’État doit pouvoir engager une procédure de conventionnement avec des régions qui ne souscriraient pas à un programme national de formation puisque ce sont elles qui sont compétentes dans la lutte contre l’illettrisme sur le territoire régional, en application de l’article L. 1212 du code de l’éducation. La mention explicite et spécifique de l’illettrisme dans la loi, comme le propose cet amendement, permettrait d’insister sur l’importance de cet enjeu pour le Gouvernement et les parlementaires et de rappeler nos engagements pour lutter contre ce fléau.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. En mentionnant les personnes « sorties du système scolaire sans qualification », l’alinéa 21 que vous modifiez répond déjà pleinement à votre préoccupation. Les personnes sans emplois et sans qualification – elles seraient entre un et deux millions dans notre pays en fonction de ce qu’on appelle « sans qualification » – seront les principaux bénéficiaires de notre programme d’investissement dans les compétences. Je vous propose donc de retirer votre amendement.

Mme Fiona Lazaar. Il est important d’appuyer sur le point de la lutte contre l’illettrisme. Je maintiens mon amendement.

M. Gérard Cherpion. Je soutiendrai cet amendement. S’il y a bien un point sur lequel ce texte présente une grande faiblesse, c’est qu’il supprime des articles du code du travail qui mentionnaient l’illettrisme. Par cet amendement, nous montrons que la lutte contre ce fléau, qu’il faut à tout prix éradiquer, n’est pas seulement une priorité, mais bel et bien une valeur. Rappelons que l’illettrisme en France se situe aujourd’hui au même niveau qu’en 1916 ! L’illettrisme sévissait alors dans les milieux agricoles pauvres, il a aujourd’hui changé de nature, tout comme la société ; mais le nombre d’illettrés n’a pratiquement pas baissé. Cet amendement nous donne l’occasion de rappeler que la lutte contre l’illettrisme reste une grande cause nationale.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite les amendements identiques AS13 de M. Dino Cinieri, AS40 de M. Vincent Descoeur, AS226 de M. Gérard Cherpion et AS612 de M. Joël Aviragnet.

M. Gilles Lurton. Plus que d’envisager, comme le prévoit le projet de loi, un exercice de reporting des régions à France compétences sur les dépenses qu’elles ont engagées en matière d’apprentissage, il apparaît plus opportun, dans la mesure où les régions sont des collectivités territoriales et non des services déconcentrés de l’État, de prévoir que le montant de ces dépenses, tant en fonctionnement qu’en investissement, fera l’objet d’un débat annuel en conseil régional sur la base d’un rapport présenté par l’exécutif.

M. Vincent Rolland. Je défends mon amendement AS40 dans les mêmes termes.

M. Gérard Cherpion. Mon amendement AS226 a le même objet. Il est nécessaire de faire la transparence sur ces dépenses. Pour cela, il est proposé de remplacer cette obligation par un débat annuel en conseil régional, afin de faire preuve de transparence, avant de remettre un rapport sur la situation au représentant de l’État dans la région. L’État en aura ainsi pleine connaissance et pourra prendre ses responsabilités.

M. Joël Aviragnet. De la même manière, il apparaît plus opportun, dans la mesure où les régions sont des collectivités territoriales et non des services déconcentrés de l’État, de prévoir que le montant de ces dépenses, tant en fonctionnement qu’en investissement, fera l’objet d’un débat annuel en conseil régional, sur la base d’un rapport présenté par l’exécutif régional. D’où mon amendement AS612.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. L’idée des auteurs de ces amendements est l’idée de faire un bilan des deux derniers exercices de financement des CFA, de manière à pouvoir affiner la régulation des coûts selon les différents niveaux de prise en charge dans le nouveau système. Un débat au sein des conseils régionaux ne répondrait pas à ce souci. Avis défavorable.

M. Patrick Hetzel. Le vrai sujet n’est pas là. Il s’agit plutôt de savoir de quelle manière on considère les collectivités territoriales. Nous souhaitons qu’un débat ait lieu au sein des conseils régionaux sur ces questions ; ensuite, le président de l’exécutif régional le transmettra au représentant de l’État dans la région.

La philosophie développée dans ce texte de loi est celle d’une vassalisation des collectivités territoriales. Vous êtes en train de faire comme si, au cours des trente dernières années, les processus de décentralisation n’avaient jamais existé. Dans ce nouveau monde tel que vous le concevez, vous considérez que les élus locaux ne sont pas pertinents : c’est une erreur majeure. Nous sommes là pour rappeler que la France des territoires existe. Les régions n’ont pas à être subordonnées à France compétences. C’est une question de principe. On ne saurait laisser passer ce genre de choses.

La commission rejette les amendements.

Elle examine ensuite l’amendement AS1471 du Gouvernement.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Cet amendement a pour but d’ajuster les ressources destinées aux régions pour le financement de l’investissement dans les CFA à la réalité des dépenses. Je le trouve particulièrement opportun à l’heure où l’on entend dire beaucoup de choses sur les intentions du projet de loi vis-à-vis des régions. Ici, le signal est clair : il s’agit de maintenir une capacité d’investissement des régions comparable à ce qu’elle est aujourd’hui. J’émets un avis très favorable.

M. Francis Vercamer. Je trouve cet amendement un peu inique. Prendre pour base de calcul la période 2017-2018-2019, c’est retenir une période où les régions, du fait de l’organisation des fusions, avaient d’autres soucis en tête que l’investissement dans les CFA.

En outre, cette disposition fige dans le temps le montant qui leur est alloué, sans prendre en compte les besoins. Qu’en sera-t-il en 2040 ? On y sera encore et il n’y aura plus de moyens pour financer les CFA. C’est une erreur fondamentale. Le montant de cette enveloppe doit faire l’objet d’une négociation annuelle entre l’État et les régions et non être figé dans la loi.

Mme Éricka Bareigts. Je ferai les mêmes remarques : c’est totalement contradictoire avec les propos entendus tout à l’heure, où l’on nous parlait d’une dynamique extraordinaire, de laisser les choses se développer sur le territoire, des centres de formation qui se développeraient grâce à une collaboration entre les régions et les branches… Car, dans le même temps, on fige par cet amendement une dépense qui aurait dû être identifiée comme dynamique. Les régions ne pourront pas accompagner le développement des centres de formation sur les territoires.

M. Gérard Cherpion. Cet amendement va totalement bloquer l’investissement des régions dans les années à venir. Cela donnera finalement raison au Gouvernement : il aura beau jeu de soutenir, dans dix ans, que les régions ne font pas le boulot, puisqu’elles ne pourront plus investir dans les CFA !

Mme Catherine Fabre, rapporteure. La formule « sur la base des dépenses d’investissement » veut précisément dire qu’il ne s’agit que d’une base. L’amendement vise à donc rassurer les régions en retenant un ordre de grandeur comparable à l’enveloppe d’investissement antérieure, mais sans figer les dépenses pour l’avenir. Encore une fois, il ne s’agit que d’une base ; le montant sera déterminé chaque année.

Mme Michèle de Vaucouleurs. J’entends les arguments de la rapporteure ; si tel est le sens de cet amendement, à savoir qu’il faut ajuster les ressources aux dépenses, on ne peut qu’y être favorable. Je me demande toutefois s’il ne pose pas un problème de rédaction, en donnant l’impression qu’une révision n’est pas possible au-delà de la base des dépenses 2017, 2018 et 2019. Je ne doute pas des intentions du Gouvernement, mais m’interroge sur la rédaction.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite les amendements identiques AS42 de M. Vincent Descoeur, AS280 de M. Paul Christophe, AS324 de M. Gérard Cherpion et AS614 de M. Joël Aviragnet.

M. Gilles Lurton. Au-delà de l’alinéa 30 de cet article prévoyant que « les régions interviennent le cas échéant dans le cadre de conventions d’objectifs et de moyens avec les opérateurs de compétences agissant pour le compte des branches adhérentes », il convient que les conseils régionaux puissent, notamment dans l’optique de la définition de leur politique d’investissement en faveur de l’apprentissage, engager un dialogue de gestion avec les centres de formation d’apprentis (CFA). À cette fin, l’amendement AS42 prévoit que, chaque année, avant le 30 juin, les CFA transmettent à la région leurs documents comptables et financiers, dans la même logique que l’amendement que j’ai défendu tout à l’heure et qui a été malheureusement rejeté, sans doute à une courte majorité.

M. Francis Vercamer. Même argumentation pour l’amendement AS280.

M. Gérard Cherpion. Les régions gardent leurs compétences d’investissement en matière d’apprentissage, ainsi que la compétence de péréquation territoriale. Elles pourront majorer un certain nombre de prises en charge assurées par les opérateurs de compétences, pour certains contrats de territoire particuliers, dans les territoires délaissés notamment.

Pour organiser un dialogue efficient avec les opérateurs de compétences ainsi qu’avec France compétences – qui disposera des fonds de péréquation – il importe que les régions aient un regard sur les besoins de financement de leur territoire. Comment peuvent-elles connaître leurs besoins si elles ne disposent pas d’éléments ? C’est pourquoi nous demandons, par l’amendement AS324, que les CFA les transmettent à la région, en particulier les documents comptables et financiers.

M. Joël Aviragnet. L’amendement AS614 prévoit que chaque année avant le 30 juin, les CFA transmettent à la région leurs documents comptables et financiers, ce qui ne pourra qu’améliorer les relations de proximité entre les CFA et les régions.

Notre collègue Hetzel a remarqué que nous traversons une période où la volonté de recentraliser se fait jour, à rebours de ce qui s’est fait depuis des dizaines d’années. On avait pourtant pu vérifier qu’en rapprochant les besoins locaux des collectivités, on pouvait renforcer les actions et les moyens.

M. Sylvain Maillard. Je m’inscris en faux contre ce qui vient d’être dit. Nous n’avons aucune volonté de recentraliser. Nous plaçons seulement, pour chaque élément, le curseur à la place qui nous semble la plus juste. Mais il est parfaitement faux de prétendre que nous recentralisons. Nous ne stigmatisons pas les élus régionaux par rapport aux élus nationaux. Chacun doit tout simplement être à sa place.

M. Francis Vercamer. Monsieur Maillard se prend pour la rapporteure…

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. C’était en effet à la rapporteure de donner son avis.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Vous demandez à disposer des documents comptables et financiers ; mais nous ne sommes plus du tout dans cette logique. Ils pourront être nécessaires quand vous discuterez de projets de co-investissements. Mais de là à demander un contrôle systématique de la région sur les comptes des CFA, ce n’est pas du tout l’esprit du texte. Avis défavorable.

M. Patrick Hetzel. Nous ne cherchons pas à défendre les régions pour le plaisir de défendre les régions ; ce qui nous anime, c’est l’intérêt général. M. Maillard parle de mettre le curseur au bon endroit, mais nous voyons quelle place vous laissez aux élus territoriaux : c’est clairement la portion congrue !

Vous opérez donc bel et bien une recentralisation et une re-concentration, et surtout une mainmise de l’État sur les collectivités territoriales. Cela va à l’encontre de tout ce qui s’est fait depuis trente ans et c’est très mauvais signe pour notre démocratie.

Mme Audrey Dufeu Schubert. Monsieur Hetzel, vous dites que vous n’êtes pas là pour défendre les régions. Mais je voudrais revenir sur ce qu’a dit tout à l’heure notre collègue Dharréville, quand il a soutenu et défendu la position des Républicains. Je ne sais si vous défendez les régions ou pas ; j’observe en tout cas qu’il y a un mouvement et une volonté progressiste qui cherche à adapter la loi au plus près du terrain et des besoins, et en face une volonté conservatrice de ne rien changer et de s’en tenir au statu quo. Ce n’est pas notre état d’esprit.

M. Boris Vallaud. En 1968, on aurait parlé de paroles verbales… C’est un faux procès. Ce qui nous préoccupe tous, c’est que les choses fonctionnent bien. Chacun le fait valoir avec l’expérience qui est la sienne. Vous avez la vôtre et M. Hetzel la sienne ; elles sont toutes d’une égale valeur.

La commission rejette les amendements.

Elle examine ensuite les amendements identiques AS43 de M. Vincent Descoeur, AS325 de M. Gérard Cherpion et AS615 de M. Joël Aviragnet.

M. Gilles Lurton. En vertu de l’alinéa 30 de cet article, les régions, dans le cadre de la modulation du coût au contrat, pourront conclure des conventions d’objectifs et de moyens avec les opérateurs de compétences agissant pour le compte des branches adhérentes.

Toutefois, se limiter à ce seul niveau contractuel nous apparaît insuffisant. Il convient, en effet, dans le cadre de la capacité des régions à contribuer au financement des formations en alternance, que ces dernières puissent également conventionner avec les bénéficiaires finaux que sont les centres de formation d’apprentis et les lycées professionnels.

Tel est l’objet de l’amendement AS43.

M. Gérard Cherpion. Mon amendement AS325 est identique. Avec leurs nouvelles compétences en matière de péréquation territoriale, les régions conventionnent avec les opérateurs de compétences. Il serait assez logique qu’elles puissent conventionner directement avec les CFA et avec les lycées professionnels, puisqu’eux-mêmes seront bénéficiaires de fonds fléchés, notamment en matière d’investissement.

M. Joël Aviragnet. Les régions, dans le cadre de la modulation du coût au contrat, peuvent conclure des conventions d’objectifs et de moyens. Mais se limiter à ce seul niveau contractuel apparaît insuffisant. Il convient, en effet, dans le cadre de la capacité des régions à contribuer au financement des formations en alternance, que ces dernières puissent également conventionner avec les bénéficiaires finaux que sont les centres de formation d’apprentis et les lycées. Tel est l’objet de l’amendement AS615.

On ne peut que regretter qu’il n’y ait pas d’évaluation des effets de la loi de 2014, concernant le renforcement des régions en ce domaine. Cela nous éviterait d’avoir ce débat aussi passionné, auquel les éléments concrets font un peu trop défaut.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Je ne comprends pas la portée opérationnelle de ces amendements : rien n’empêche en l’état une convention entre ces différents acteurs. Il ne faut toutefois pas en faire une obligation. Cette possibilité de nouer des conventions entre régions et lycées professionnels ou CFA existant déjà, ces amendements sont satisfaits. Avis défavorable.

M. Gérard Cherpion. Il n’est pas question d’obligation : une convention n’a jamais été une obligation, elle crée seulement un cadre. Et en l’occurrence, il s’agit seulement de fixer un cadre qui soit sensiblement le même sur tout le territoire.

La commission rejette les amendements.

Elle examine ensuite les amendements AS16, AS15 et AS14 de M. Dino Cinieri.

M. Gilles Lurton. Ces amendements, dont le premier signataire est notre collègue Dino Cinieri, ont tous trois à peu près le même objectif.

En vertu de l’alinéa 30 de cet article, les régions, dans le cadre de la modulation du coût au contrat, peuvent conclure des conventions d’objectifs et de moyens avec les opérateurs de compétences agissant pour le compte des branches adhérentes. Toutefois, se limiter à ce seul niveau contractuel apparaît insuffisant. Il convient, en effet, dans le cadre de la capacité des régions à contribuer au financement des formations en alternance, que ces dernières puissent également conventionner avec les bénéficiaires finaux que sont les centres de formation d’apprentis et les lycées professionnels. Tel est l’objet de l’amendement AS16.

Au-delà de l’alinéa 30 de cet article prévoyant que « les régions interviennent le cas échéant dans le cadre de conventions d’objectifs et de moyens avec les opérateurs de compétences agissant pour le compte des branches adhérentes », il convient que les conseils régionaux puissent, notamment dans l’optique de la définition de leur politique d’investissement en faveur de l’apprentissage, engager un dialogue de gestion avec les centres de formation d’apprentis. À cette fin, l’amendement AS15 prévoit que chaque année, avant le 30 juin, les CFA transmettent à la région leurs documents comptables et financiers.

Enfin, l’amendement AS14 propose que la région, en lien avec les acteurs économiques et les partenaires sociaux, élabore une stratégie pluriannuelle des formations en alternance visant notamment à assurer une offre de formation professionnelle initiale sur l’ensemble du territoire régional, à définir la politique régionale d’investissement en faveur des centres de formation d’apprentis, et à organiser la complémentarité des formations dispensées par les lycées professionnels et les centres de formation d’apprentis.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Ainsi que je le disais à l’instant, des conventions sont déjà possibles. J’émets donc un avis défavorable à ces trois amendements.

M. Patrick Hetzel. Permettez-moi de revenir plus spécifiquement sur l’amendement AS15, qui propose que les CFA transmettent leurs données financières aux régions.

C’est bel et bien un sujet de nature opérationnelle. D’un côté, à travers votre projet de loi, vous considérez que les régions doivent pouvoir continuer à effectuer des investissements. Mais, de l’autre, vous ne leur donnez pas les moyens de le faire en leur fournissant l’outil qui leur permettra de savoir quels projets seront réalisés. Je vois là un hiatus.

L’amendement AS15 n’a d’autre but que de répondre à cette question et de lever d’ores et déjà les problèmes opérationnels qui ne manqueront pas de surgir dans quelques années. Cela ne remet aucunement en cause les autres orientations de votre texte. Il s’agit d’optimiser le processus et de permettre aux régions de pouvoir travailler correctement.

M. Sylvain Maillard. Ne mélangeons pas tout. Quand la région est partie prenante dans le financement d’un CFA, il y aura évidemment transmission des données financières. C’est ainsi que les choses se passent dans le monde réel… À l’inverse, si la région ne fait pas partie du tour de table dans le financement d’un CFA, au nom de quoi celui-ci devrait-il lui communiquer ses comptes ? Il n’y a aucune raison à cela. Un partenariat se créera naturellement en fonction des besoins des uns et des autres.

Je ne vois pas pourquoi les régions devraient être des censeurs de la bonne gestion des CFA. Si en revanche les uns et les autres sont partenaires, il y aura évidemment transmission des données financières.

M. Gérard Cherpion. Les régions devront réaliser un plan prévisionnel de l’ensemble des investissements qu’elles devront réaliser sur un territoire. Je veux bien que les CFA ne donnent pas leurs comptes à la région. Mais dans ce cas, qu’ils ne viennent pas leur demander d’autres financements, y compris pour leur fonctionnement ! Il y a tout de même un hiatus dans votre système. Je redis mon opposition.

M. Belkhir Belhaddad. Je rejoins totalement l’argument évoqué à l’instant par Sylvain Maillard. J’ajouterai simplement que, sur la partie investissements, la justification est liée au service fait. Et quand il s’agit de fonctionnement, le compte rendu fourni aux régions par les CFA ne retrace que l’emploi de la subvention de fonctionnement qui lui aura été allouée.

La commission rejette successivement ces trois amendements.

La séance, suspendue à 11 heures 45, est reprise à midi.

La commission examine l’amendement AS148 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Étant donné les mutations technologiques, il est important de mentionner les enjeux numériques dans le texte car ils font évoluer l’ensemble du monde professionnel et offrent de vastes perspectives de création d’emploi et d’activité.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Avis favorable. Cette précision est la bienvenue : le contrat de plan régional de développement de la formation et de l’orientation professionnelle (CPRDFOP) doit davantage tenir compte des enjeux numériques.

M. Pierre Dharréville. Permettez-moi, madame la présidente, d’intervenir sans lien avec l’amendement : j’apprends que mon nom a été cité pendant ma brève absence et je souhaite réagir. J’ai tenu un propos ironique à l’égard des membres du groupe Les Républicains, mais il me semble injuste de vouloir faire de nos collègues les chantres de l’économie administrée autrefois en vigueur en Union soviétique. Pour en avoir moi-même souffert, je sais tout ce que cela représente.

Certains d’entre vous cherchent à imposer leur vision des choses selon laquelle le nouveau monde s’opposerait à l’ancien. La mienne est beaucoup plus dialectique : le mouvement du monde se caractérise par un certain nombre d’évolutions très positives et d’autres qu’il faut combattre. De nombreuses ruptures sont nécessaires pour que la société se transforme de manière progressiste. En l’occurrence, le projet que vous nous proposez est un projet de marchandisation, de privatisation et de dérégulation, que je combats. Nous formulons de nombreuses propositions pour organiser les choses autrement, pour donner une ambition éducative à notre pays et pour développer la formation professionnelle sans en faire la propriété du marché ; vous aurez l’occasion de les entendre dans les prochains jours. Je regrette que vous restiez dans le pari de la croyance : vos mesures auront des effets très négatifs – ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas transformer le système existant.

La commission adopte l’amendement.

Elle passe à l’amendement AS149 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Cet amendement vise à encourager la signature, dans la partie consacrée aux jeunes des CPRDFOP, de conventions entre centres de formation d’apprentis et lycées professionnels afin de faciliter le passage des jeunes entre ces deux filières, qui sont aujourd’hui trop étanches entre elles, et la mutualisation des plateaux techniques entre CFA et lycées professionnels.

Il conviendra de veiller à ce que les connaissances et compétences acquises et validées par l’élève en lycée professionnel soient prises en compte par le CFA qui l’accueille, et, réciproquement, que les connaissances et compétences acquises et validées par un apprenti en CFA soient prises en compte par le lycée professionnel qui l’accueille, afin d’éviter toute redondance et toute perte de temps dans le parcours des jeunes concernés.

En clair, il s’agit de faciliter l’articulation et les passerelles entre les deux filières, mais aussi la mutualisation des plateaux techniques dans un souci d’économie et pour favoriser l’échange de pratiques entre enseignants des CFA et enseignants des lycées professionnels.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Cet amendement, qui permet de sécuriser les parcours et de fluidifier le lien entre apprentissage et lycées professionnels, mais aussi d’encourager la mutualisation des moyens, va tout à fait dans la direction que nous préconisons. Avis favorable.

M. Sylvain Maillard. Cet amendement important répond également à un objectif que nous partageons sur de nombreux bancs : aider à la montée en puissance des plateaux techniques, qui coûteront de plus en plus cher en exigeant des efforts croissants de mise aux normes, de rénovation et de suivi technologique. La mutualisation proposée est très pertinente ; sans doute faudra-t-il aller plus loin encore en permettant à d’autres publics d’utiliser ces plateaux techniques afin d’y investir davantage, de les rendre plus opérationnels et de permettre au plus grand nombre de se former tout au long de la vie.

Mme Justine Benin. Au-delà de la question du coût et de la mutualisation des moyens, et de celle du partage des compétences, cet amendement permettra également la rencontre de différents publics et la mixité sur les territoires. Nous le voterons.

M. Gérard Cherpion. En effet, cet amendement est très opportun car la mutualisation est nécessaire. Elle existe d’ailleurs déjà sans convention dans de nombreux cas. Je m’interroge cependant : la loi est-elle le bon moyen d’encourager la signature de conventions ? Sur le fond, cependant, cet amendement est tout à fait intéressant. Je souhaite en outre – peut-être est-ce une lacune de l’amendement – que les plateaux techniques soient utilisés pour la formation professionnelle continue de façon à ce qu’ils servent toute l’année, du 1er janvier au 31 décembre, aux CFA, aux lycées professionnels, et à la formation professionnelle continue.

M. Pierre Dharréville. Le sujet est sensible : selon la nature des conventions, cette mesure pourrait tout aussi bien ouvrir la voie à l’utilisation de fonds publics par des structures privées parfois à but lucratif – comme c’est le cas dans d’autres domaines. Je m’interroge donc sur les objectifs réels de cet amendement.

M. Francis Vercamer. Le groupe UDI-Agir et Indépendants votera cet amendement même s’il se contente de former un simple vœu, puisqu’il ne vise qu’à encourager la signature de conventions – il serait d’ailleurs inconstitutionnel de les imposer. C’est un amendement d’appel au bon vouloir des signataires des conventions.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1443 de la rapporteure.

Elle passe à l’amendement AS150 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis. Cet amendement vise à rendre obligatoire l’inscription dans le CPRDFOP des actions de formation professionnelle destinées aux personnes en situation de handicap afin de favoriser leur insertion en milieu ordinaire. Ces formations peuvent être proposées à des jeunes en situation de handicap dans le cadre de la formation initiale, mais aussi dans le cadre d’une réorientation professionnelle suite à un accident de la vie ou à une maladie dégénérative.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. La question du handicap nous tient tous à cœur, comme on le constate depuis le début du débat. Votre amendement l’aborde avec pertinence : la région joue un rôle majeur de coordination de l’offre et, à ce titre, est la mieux placée pour se saisir de la question. Le CPRDFOP est un outil adapté et pluriannuel. Avis favorable.

M. Gérard Cherpion. L’intention est louable, en effet : l’insertion des personnes en situation de handicap se heurte à un certain nombre de problèmes, y compris en matière de formation. De ce point de vue, le CPRDFOP est un outil tout à fait utile et adapté. Prenons garde toutefois à ne pas ghettoïser les personnes en situation de handicap dans certaines formations des CPRDFOP avec un système par trop restrictif et insuffisamment ouvert.

Mme Justine Benin. Nous allons voter cet amendement mais, sur certains territoires dont le mien, il est déjà appliqué par les CPRDFOP. Nous avions en effet adopté cette mesure alors que j’étais conseillère régionale chargée de la formation professionnelle : Cap emploi et l’AGEFIPH faisaient partie du CREFOP à titre consultatif.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS1447, AS1450, AS1444, AS1446 et AS1445 de la rapporteure.

Elle examine, en discussion commune, les amendements identiques AS227 de M. Gérard Cherpion et AS282 de M. Paul Christophe ainsi que l’amendement AS1369 de la rapporteure.

M. Gérard Cherpion. Le nouvel article L. 6211-3 du code du travail dispose que les régions pourront majorer la prise en charge des contrats réalisés par les opérateurs de compétences en fonction des besoins d’aménagement du territoire et de développement économique qu’elles poursuivent. L’étude d’impact du projet de loi précise que la loi de finances prévoira d’allouer à ce titre aux régions une dotation estimée à 180 millions d’euros sous la forme d’une attribution de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Toutefois, le montant de ce fonds semble nettement insuffisant au regard des missions confiées aux régions. C’est pourquoi mon amendement AS227 vise à reporter la date de remise du rapport sur la gestion de l’apprentissage par les régions.

M. Paul Christophe. Mon amendement AS282 a le même objet. Les auditions conduites par notre groupe ont fait apparaître la fragilité du mécanisme de budgétisation des investissements. Surtout, le report de la date de remise du rapport en question permettra de la caler sur la date des votes des comptes administratifs, qui sont également en lien avec ces investissements.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Un délai de cinq mois à compter de l’expiration de l’exercice visé me semble suffire pour remettre le rapport en question. J’émets donc un avis défavorable à ces deux amendements au bénéfice de mon amendement AS1369.

La commission rejette les amendements identiques AS227 et AS282, puis adopte l’amendement AS1369.

Elle adopte l’article 15 modifié.

Après l’article 15
 

La commission examine les amendements identiques AS283 de M. Paul Christophe et AS616 de M. Joël Aviragnet.

M. Paul Christophe. L’amendement AS283 vise à tirer les conséquences du compromis auquel Régions de France et le MEDEF sont parvenus en précisant que l’apprentissage est désormais copiloté par les régions et les branches professionnelles.

M. Joël Aviragnet. Ce projet de loi prévoit d’écarter les régions des politiques d’apprentissage au motif que certaines d’entre elles n’auraient pas pleinement joué le jeu. Or il apparaît que seules deux régions sur treize n’ont pas attribué l’intégralité de leur enveloppe dédiée à l’apprentissage. Il est donc faux de dire que les régions n’ont pas pris leurs responsabilités – surtout en l’absence d’évaluation sérieuse.

De plus, les régions détiennent la compétence de l’apprentissage depuis la loi de 2015. Moins de deux ans et demi après sa promulgation, il semble quelque peu précipité de dresser un bilan de cette compétence régionalisée.

En outre, dans les faits, l’apprentissage constitue un domaine copiloté entre les régions et les branches professionnelles, tant en termes d’accès que de financement. Pour garantir la réussite de l’apprentissage, il faut, comme le propose notre amendement AS616, conforter cette cogestion et non recentraliser l’apprentissage car, quoi qu’en dise M. Maillard qui s’évertue à répéter l’inverse, les faits parlent d’eux-mêmes : il s’agit bel et bien d’une recentralisation.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Dès lors que les branches et les régions conservent des compétences qui leur sont propres et que le principe retenu consiste à confier à chacun ce qu’il fait de mieux, ces amendements sont satisfaits. En outre, sur le plan juridique, confier une compétence conjointe à une collectivité territoriale et à des acteurs représentatifs du monde professionnel présenterait des difficultés pratiques et créerait une certaine confusion. Avis défavorable.

M. Gérard Cherpion. Les régions ont des compétences, les branches en ont d’autres. En quoi le fait que les unes et les autres travaillent conjointement compliquerait-il les choses ? Bien au contraire, les possibilités s’en trouveraient multipliées, chacun conservant ses propres compétences. Il est tout de même plus efficace de travailler en commun plutôt que séparément, dans des directions qui, à terme, risquent de diverger.

M. Sylvain Maillard. Ce n’est pas l’objet de ces amendements, qui relancent au fond la discussion sur la vision que nous avons, les uns et les autres, de l’apprentissage. Certes, le pilote de l’apprentissage ne sera plus le même, mais nous comptons évidemment sur les régions dont le rôle d’accompagnement et de gestion de l’orientation est fondamental. Nous l’avons répété à maintes reprises : ce rôle est central. Il va de soi que les régions sont pleinement associées à la réussite de l’apprentissage, ce qu’elles souhaitent ; mais nous redéfinissons les rôles de chacun.

La commission rejette les amendements.

Article 16
Création de France compétences

La commission examine les amendements identiques AS771 de Mme Caroline Fiat, AS833 de Mme Gisèle Biémouret et AS834 de M. Boris Vallaud.

M. Jean-Hugues Ratenon. Le système actuel de formation professionnelle est insatisfaisant. Nous sommes nombreux à ne pas nous y retrouver tant les acteurs sont nombreux et l’information insuffisante. Séduisante sur la forme, la création de France compétences en lieu et place des trois instances nationales actuelles pose un problème de fond concernant le rôle et la place des partenaires sociaux, en particulier les représentants des salariés. Laisser une large place aux partenaires sociaux, c’est assurer la continuité de la politique de formation professionnelle. C’est aussi garantir que la formation professionnelle répond aux attentes des travailleurs, puisqu’ils en auraient la gestion.

La quasi-étatisation que vous proposez avec une régulation quadripartite remet en question cette conquête sociale, d’autant qu’elle laisse une très large place aux acteurs privés à but lucratif. La mise à l’écart des représentants des salariés et des syndicats patronaux risque de rendre le dispositif encore plus technocratique. Dans le même temps, laisser libre cours à de nombreux opérateurs privés tandis que les salariés doivent se débrouiller seuls, isolés dans cette jungle, ne laisse rien présager de bon quant à la qualité et à l’efficacité des formations. C’est la raison pour laquelle notre amendement AS771 propose de supprimer l’article 16.

M. Boris Vallaud. L’amendement AS834 vise également à supprimer l’article. Une nouvelle agence, France compétences, remplacera les trois instances existantes – le FPSPP, le COPANEF et le CNEFOP – et prendra la main sur la gouvernance nationale de la formation professionnelle. Cette annonce surprise nous inquiète car, quoi que vous en disiez, vous procédez à la première vague de recentralisation depuis 1982. Ensuite, vous mettez sur pied un monstre administratif aux missions très techniques et floues, qui part certes d’un diagnostic sans doute fondé de faiblesse du dispositif existant ; il ne semble cependant pas optimal de concentrer toutes les difficultés dans une seule et même instance. Se pose aussi la question de la gouvernance et du poids de chaque collège ; sur ce point vous restez muets. Se pose enfin la question de la déclinaison régionale de France compétences : le texte fait certes référence au CREFOP, mais aucune articulation avec l’échelon régional n’est prévue.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Ces amendements visent à faire disparaître une avancée majeure : la création de France compétences. La gouvernance actuelle de la formation professionnelle est éclatée, illisible et peu opérationnelle. Comment peut-on espérer s’y retrouver avec cette superposition de tant d’acteurs – CNEFOP, CREFOP, COPANEF, COPAREF, FPSPP, CNNC, CNCP… – aux missions parfois redondantes ?

L’objectif est de créer un établissement public avec des missions claires et un rôle affirmé en matière de régulation. Pour exercer ses missions opérationnelles, cette instance que nous voulons solide doit avoir une gouvernance resserrée, gage de son efficacité. Il faut se garder de faire de France compétences un mastodonte – une critique que l’on peut adresser au système actuel – et ne pas en faire une instance de consultation, ce rôle incombant par ailleurs à d’autres organismes.

Je saisis l’occasion de cette discussion sur l’article pour rappeler les missions essentielles de France compétences, dans l’intérêt desquelles il est indispensable d’assurer la performance et l’efficacité de sa gouvernance. D’abord, cet établissement exercera une mission de péréquation financière. Ensuite, il contribuera au suivi et à l’évaluation de la qualité des actions de formation. Il participera à l’observation des coûts et des niveaux de prise en charge des formations par les fonds publics mutualisés. Enfin, il pourra émettre des recommandations aux pouvoirs publics et aux représentants des branches professionnelles et les rendre publiques.

Encore une fois, pour que France compétences puisse exercer toutes ces missions de manière opérationnelle, sa gouvernance doit être resserrée et performante. J’émets donc un avis défavorable aux amendements de suppression.

Mme Florence Granjus. Je me réjouis d’entendre Mme la rapporteure annoncer la réforme en profondeur de la gouvernance du système de formation professionnelle. Pour avoir travaillé dans le service public de l’emploi pendant trente ans, je peux témoigner qu’il est devenu particulièrement difficile de comprendre le rôle dévolu à chacun des nombreux acteurs du système, sans coordination, ni fluidité, ni performance. La création de France compétences, qui sera la clé de voûte du système, permettra de réformer la gouvernance de la formation professionnelle afin d’accroître sa performance, son efficacité, sa coordination, sa lisibilité. Aujourd’hui, même les professionnels de la formation s’y perdent – et, a fortiori, les bénéficiaires s’y perdent encore plus ! C’est pourquoi je me félicite sincèrement de cette évolution.

Mme Hélène Vainqueur-Christophe. Quelle sera la déclinaison de France compétences dans des territoires aussi éloignés que les territoires ultramarins ?

M. Gérard Cherpion. J’ignore si France compétences sera une « avancée majeure », madame la rapporteure, mais c’est certainement un changement majeur. Dans la mesure où cet organisme prendra la forme d’un établissement public administratif, il s’agit, que vous le vouliez ou non, d’une recentralisation administrative du système de formation – dans l’appellation même de France compétences. Je ne prétends pas qu’il n’y avait pas matière à simplifier et à fluidifier le système, mais France compétences englobera tout à la fois le COPANEF, le FPSPP et l’ancien CNEFOP en une entité administrative unique qui semble copier un modèle qui, hélas ! a montré qu’il ne fonctionne pas bien : celui de l’agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA). L’AFPA est un établissement public administratif où les uns et les autres sont représentés au conseil d’administration, mais où c’est l’État qui a le plus de sièges… D’où une gouvernance complètement déséquilibrée. Je nourris la même inquiétude au sujet de France compétences.

Mme Éricka Bareigts. Nous comprenons bien que France compétences sera un établissement public administratif – il s’agit donc bien d’une recentralisation. Nous avons moins bien compris comment, madame la rapporteure, cette recentralisation permettrait la concertation avec les territoires, étant donné l’affaiblissement du rôle des régions et des élus. D’autre part, France compétences sera doté de compétences énormes, en matière de régulation des formations mais également en matière budgétaire, puisqu’il sera chargé de la péréquation entre les territoires. En fonction de quels critères ? En s’appuyant sur quelle connaissance des territoires ? Ce mastodonte remet le tripartisme en question, car il possède un immense pouvoir de redistribution tandis que les territoires sont déconnectés.

M. Sylvain Maillard. France compétences est conçu pour être un établissement tripartite : l’État n’y sera pas seul, loin de là, puisque les régions seront clairement associées à son organisation, ainsi que les partenaires sociaux. Nous voulons cependant que cet organisme soit opérationnel.

Je siège au CNEFOP depuis quelques mois ; disons-nous les choses les yeux dans les yeux, monsieur Cherpion !

M. Gérard Cherpion. J’en sais quelque chose, je l’ai quitté !

M. Sylvain Maillard. Soyons réalistes, en effet : le CNEFOP n’est pas opérationnel. Il faut une structure beaucoup plus souple et agile. Le débat que nous avons est essentiel pour savoir où placer le curseur, mais nous pouvons tous nous rassembler autour de l’idée de créer un organisme agile et opérationnel où chacun sera représenté et dont l’objectif sera l’efficacité – qui manque au système existant.

M. Pierre Dharréville. Je me demande comment renforcer le service public de la formation professionnelle. L’AFPA, qui vient d’être citée, est absente de ce projet de loi. Allez-vous conserver une ambition pour les organismes existants, notamment l’AFPA, en matière de formation professionnelle ? La création de France compétences est une chose ; c’en est une autre de développer le service public de la formation professionnelle…

La commission rejette les amendements.

La commission examine, en discussion commune, les amendements AS835 de M. Boris Vallaud et AS1032 de la rapporteure.

M. Boris Vallaud. Le nouvel établissement public intègre certaines missions consultatives, notamment une partie de celles exercées par le CNEFOP. La commission nationale de la négociation collective (CNNC) voit son champ s’élargir à certains domaines de l’emploi et de la formation, non inclus dans France compétences. Suivant l’avis du Conseil d’État, nous proposons par notre amendement AS835 de renommer la CNNC, dont les missions vont au-delà de la négociation collective, « Commission nationale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle ».

Mme Catherine Fabre. Mon amendement AS1032 vise également à tirer les conséquences de l’écart entre la dénomination de la CNNC et ses nouvelles missions. Je propose pour ma part de conserver la notion de négociation collective en retenant la dénomination suivante : « Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle ».

Monsieur Vallaud, je vous demande de retirer votre amendement au bénéfice du mien, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

M. Boris Vallaud. Pourquoi la dénomination que vous proposez ne comprend-elle pas le mot « travail », ainsi que le recommande le Conseil d’État ?

Mme Catherine Fabre, rapporteure. C’est un aspect couvert par la négociation collective.

La commission rejette l’amendement AS835.

Elle adopte l’amendement AS1032.

La commission, suivant l’avis défavorable de la rapporteure, rejette l’amendement AS1110 de Mme Éricka Bareigts.

Elle adopte successivement les amendements de conséquence AS1357 et AS1029 de la rapporteure.

La commission est saisie de l’amendement AS231 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. L’article 16 précise que la commission nationale, que nous venons de rebaptiser, comprend, en plus des représentants de l’État, du Conseil d’État, et des organisations d’employeurs et de salariés représentatives au niveau national, des représentants des régions, des départements et des collectivités ultramarines, lorsqu’elle est consultée dans le domaine de la politique de l’emploi, de l’orientation et de la formation professionnelle initiale et continue ainsi que sur certains documents relatifs à l’assurance chômage.

À cette fin, mon amendement AS321 prévoit la création d’une sous-commission dédiée aux questions relatives à l’emploi, à la formation et à l’orientation professionnelles. Celle-ci comprendrait des personnes qualifiées.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Les missions de la commission sont déjà très riches. Si elle émet le souhait de fonctionner avec des sous-commissions, elle pourra le faire sans que cela doive être inscrit dans la loi. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de trois amendements identiques, AS284 de M. Paul Christophe, AS379 de M. Jean-Carles Grelier et AS676 de M. Francis Vercamer.

M. Paul Christophe. Pour permettre aux régions de coordonner les acteurs du service public de l’emploi, la loi NOTRe a prévu une faculté de délégation de compétence de l’État. Or, malgré plusieurs demandes de régions, aucune délégation n’est intervenue à ce jour. Mon amendement AS284 propose l’exercice de cette compétence à titre expérimental ; ainsi, les régions qui le souhaitent pourront se voir confier par l’État la mission de coordonner les interventions des acteurs du service public de l’emploi.

M. Gilles Lurton. Aucune délégation de compétence de l’État, dans le cadre de la loi NOTRe, n’est intervenue, bien que plusieurs régions en aient fait la demande. C’est la raison pour laquelle l’amendement AS279 propose l’exercice de cette compétence à titre expérimental. Il précise qu’une convention est conclue entre les représentants de l’État et le président du conseil régional, laquelle fixe les conditions de l’expérimentation.

M. Francis Vercamer. L’amendement AS676 a été excellemment défendu par Paul Christophe.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Plutôt que de prévoir un droit pour toutes les régions, il convient de maintenir la possibilité de délégation, qui relève du dialogue au cas par cas entre la région et le représentant de l’État. Ce dispositif étant récent, il ne semble pas nécessaire de le modifier. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Elle adopte l’amendement de conséquence AS1031 de la rapporteure.

La commission examine l’amendement AS229 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Au niveau national, la gouvernance de la formation professionnelle est confiée à une instance unique, France compétences. En région, le comité régional de l’emploi, de l’orientation et de la formation professionnelles (CREFOP) est maintenu, tandis que le comité paritaire interprofessionnel régional pour l’emploi et la formation (COPAREF) disparaît. Toutefois, le CREFOP ne voit pas évoluer ses missions. C’est la raison pour laquelle il est important de compléter ses missions et d’assurer une cohérence entre les décisions prises au niveau national et au niveau régional.

J’ajoute que France compétences ne peut connaître suffisamment bien le fonctionnement dans les territoires et que l’établissement n’exerce pas de mission de prospective des métiers, ce qui est dommage eu égard à l’ensemble de ses attributions.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Les CREFOP conservent une mission générale, définie à l’article L. 6123-3. Il n’est pas nécessaire de décliner des outils spécifiques, déjà couverts par cette rédaction globale. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de deux amendements identiques, AS549 de Mme Hélène Vainqueur-Christophe et AS938 de M. Francis Vercamer.

Mme Hélène Vainqueur-Christophe. L’amendement AS549 vise à élargir la composition de la nouvelle commission paritaire constituée au sein des CREFOP aux représentants des organisations d’employeurs représentatives au niveau multi-professionnel.

S’il paraît cohérent que cet organisme soit composé de représentants des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national interprofessionnel, lorsqu’il assurera des missions proches de celles du COPAREF actuel, il semble indispensable d’élargir sa composition à des représentants des organisations d’employeurs représentatives au niveau multi-professionnel, lorsqu’il se prononcera sur les projets de transition et de reconversion professionnelles.

Il est fondamental de prendre en considération les besoins de formation qui s’expriment dans le champ multi-professionnel, et notamment de faciliter les transitions et les reconversions professionnelles au sein ou en direction des secteurs d’activité représentés par les organisations d’employeurs multi-professionnelles, comme l’agriculture, l’économie sociale et solidaire, ou le spectacle vivant.

M. Francis Vercamer. L’amendement AS938 vise à intégrer les représentants des organisations d’employeurs représentatives au niveau multi-professionnel, notamment pour les secteurs d’activité tels que l’agriculture et l’économie sociale et solidaire.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. La commission interne aux CREFOP reprend la composition actuelle des COPAREF. Dans la mesure où le CREFOP ne se prononcera plus sur les sujets de transition et de reconversion professionnelles, cette question ne se pose plus. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Elle est saisie de l’amendement AS1466 du Gouvernement.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. L’amendement AS1466 du Gouvernement tire les conséquences de la création, à l’article 1er, des commissions paritaires interprofessionnelles régionales en charge de l’examen des projets de transition et de l’attestation du caractère réel et sérieux des projets de reconversion professionnelle des démissionnaires. Cette coordination est indispensable. Avis favorable.

M. Gérard Cherpion. Je ne regrette pas la suppression du CNEFOP, mais il faut aller jusqu’au bout de la logique et supprimer les CREFOP…

La commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de deux amendements identiques, AS47 de M. Vincent Descoeur et AS285 de M. Paul Christophe.

M. Gilles Lurton. Les compétences de l’État dans le domaine de l’apprentissage et de la formation professionnelle – responsabilité majeure des régions, et désormais des branches professionnelles – se limitant essentiellement à la fixation des normes, il n’apparaît pas cohérent de faire de France compétences un établissement public de l’État. L’amendement AS47 revient donc sur cette orientation en précisant simplement que France compétences est un établissement public à caractère administratif.

M. Paul Christophe. L’amendement AS285 est défendu.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Parler d’un établissement public à caractère administratif sans le rattacher n’a pas de sens. La rédaction retenue reprend la catégorie juridique traditionnelle et éprouvée d’un établissement public de l’État à caractère administratif. Il s’agit de distinguer cette structure des établissements publics de l’État à caractère industriel ou commercial et des établissements publics locaux. Avis défavorable.

M. Gilles Lurton. Il me semble qu’en droit français, la notion d’établissement public à caractère administratif a du sens !

La commission rejette les amendements.

Elle adopte l’amendement de coordination AS1482 de Mme la rapporteure.

Elle examine l’amendement AS682 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Il s’agit de s’assurer que France compétences finance aussi les formations dans les filières émergentes. Les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA), financés par des entreprises existantes, ont tendance à financer les formations dont celles-ci ont besoin. Malheureusement, les nouvelles filières dépendent, dans le meilleur des cas, d’organismes collecteurs différents, et n’obtiennent pas les moyens nécessaires. Et les filières émergentes n’ont, par définition, pas de moyens puisqu’elles n’existent pas encore.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. La question des filières émergentes incombe déjà à beaucoup d’acteurs : l’État, les régions via le CPRDFOP et les branches qui auront, de fait la main sur l’essentiel du dispositif de financement, en valorisant chaque formation au niveau de prise en charge souhaité, si toutefois les formations dont vous parlez relèvent bien de l’alternance.

Si les formations que vous envisagez n’ont pas de lien avec l’alternance, je vous mets en garde, comme j’ai pu le faire à l’article 13, sur le risque de dispersion des moyens : le principe selon lequel l’alternance finance l’alternance doit demeurer. Je vous demande de retirer votre amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

M. Gérard Cherpion. Je rappelle que le CPRDFOP est défini dans l’année qui suit l’élection du nouveau conseil régional. Il est évident que ce contrat ne peut comporter les formations émergentes. Je ne comprends donc pas l’argumentation de Mme la rapporteure. L’amendement de M. Vercamer est tout à fait justifié.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AS232 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Cet amendement vise à organiser, à compter de 2022, un financement de péréquation de l’alternance, sur les excédents financiers avec lesquels les opérateurs de compétences peuvent se retrouver. L’objectif du développement de l’alternance milite en faveur d’un schéma financier incitatif : les opérateurs de compétences reverseront à France compétences la part de leurs ressources non mobilisées, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État.

Toutefois, afin de garantir un financement de l’ensemble des contrats, sans rupture lors de la mise en œuvre des nouvelles dispositions, une mesure transitoire spécifique est prévue jusqu’au 31 décembre 2021.

Mme Catherine Fabre. Le mécanisme que vous proposez consiste à utiliser les excédents récupérés par France compétences, par un reversement prévu à l’alinéa 57 de l’article 19, afin de financer la péréquation entre branches. En l’absence d’excédents, chaque branche conserverait ses moyens et il n’y aurait plus de péréquation. Ce n’est pas ce que nous souhaitons : France compétences, dans sa mission de régulation, devra précisément distribuer avec vigilance ces fonds de péréquation. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

7.   Réunion du jeudi 31 mai 2018 à 14 heures 15 (article 16 suite à l’article 29)

La commission des affaires sociales procède à la suite de l’examen suite des articles du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel (n° 904) (Mmes Nathalie Elimas, Catherine Fabre et M. Aurélien Taché, rapporteurs).

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.6108888_5b0fe5188b7f9.commission-des-affaires-sociales--liberte-de-choisir-son-avenir-professionnel-suite-31-mai-2018

Article 16 (suite)
Création de France compétences

La commission examine les amendements identiques AS326 de M. Gérard Cherpion et AS609 de M. Joël Aviragnet.

M. Stéphane Viry. France compétences est chargée de verser aux régions les fonds de la péréquation territoriale selon des modalités qui seront fixées par décret. Il importe donc de déterminer les éléments qui seront pris en compte dans cette répartition : nombre d’apprentis, de CFA, de sections d’apprentissage, caractéristiques de la population…

En effet, il apparaît d’ores et déjà que les fonds alloués aux régions au titre de la péréquation, soit 250 millions d’euros, seront insuffisants pour leur permettre de remplir leur mission. L’enveloppe qu’elles consacrent actuellement aux territoires, en dehors des enveloppes destinées à la qualité des formations et à la mobilité européenne, est actuellement estimée à 380 millions d’euros.

Nul doute que la prise en compte de critères précis dans le décret pourrait rééquilibrer l’enveloppe du Gouvernement en fonction des besoins réels des CFA et des territoires vulnérables.

Nous avons un réel souci d’égalité territoriale et d’aménagement du territoire au regard de l’apprentissage.

M. Joël Aviragnet. Le projet de loi tend à confier au nouvel opérateur de l’État, France compétences, le versement aux régions des fonds alloués pour majorer la prise en charge des contrats suivant un objectif de péréquation.

Or, à la lecture de l’étude d’impact, on constate que le montant des fonds alloué aux régions sera de 250 millions d’euros alors que ces dernières évaluent à 390 millions d’euros leurs besoins. Elles ne pourront donc mener une politique volontariste en matière d’apprentissage, d’autant que les modalités de répartition des fonds au titre de la péréquation territoriale sont renvoyées à un décret, sans autre précision quant aux critères à prendre en compte.

Le présent amendement vise donc à préciser que cette répartition se fera en fonction de la population, de sa densité, du nombre d’apprentis, de CFA et de sections de formation par centre. Ainsi sera-t-il tenu compte des particularités territoriales, et le développement de l’apprentissage sera-t-il encouragé dans les territoires qui ont une politique volontariste.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Ces précisions relèvent du décret. Il me paraît préférable d’engager un dialogue entre l’État et les régions sur l’identification des critères les plus pertinents plutôt que de les figer sans concertation dans la loi.

La commission rejette les amendements.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS994 de Mme Michèle de Vaucouleurs.

Mme Michèle de Vaucouleurs. L’article 15, que nous avons voté ce matin, prévoit que la région peut contribuer au financement des CFA lorsque les besoins d’aménagement du territoire et de développement économique qu’elle identifie le justifient.

Elle peut notamment majorer la prise en charge des contrats d’apprentissage réalisés par les opérateurs de compétences et verser des subventions en matière d’investissement. Notre amendement a pour objet de préciser à l’alinéa 27 du présent article que le montant versé par France compétences aux régions permettra d’assurer cette mission. Des inquiétudes sur le montant de cette enveloppe, qui sera fixé par décret, ayant été exprimées, nous souhaitons nous assurer que le montant permettra bien aux régions de garantir une véritable politique d’équité territoriale en soutenant les CFA qui en auraient besoin.

Par ailleurs, l’article 15 disposant que les régions adressent le montant de leurs dépenses annuellement à France compétences, nous proposons d’inscrire dans la loi que le montant de l’enveloppe soit modulable en fonction des dépenses constatées dans les rapports annuels adressés à France compétences. Cet amendement fait écho à l’amendement AS1471 du Gouvernement.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. La région n’ayant plus de compétence en la matière, le financement doit rester ciblé. Le projet de loi donne ainsi deux objets aux interventions régionales : l’aménagement du territoire et le développement économique.

Mme Michèle de Vaucouleurs. J’aurais préféré que vous soyez plus précise dans vos explications, madame la rapporteure. Quelles sont les dispositions prévues pour que l’enveloppe dévolue permette effectivement aux régions d’assumer leurs missions ? Je pense que le fait de les caler sur leurs dépenses effectives était une bonne mesure.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Votre proposition d’ajuster le montant aux dépenses réelles des régions conduirait à vider de sa substance le transfert aux branches des fonds de l’alternance. À fonds constants, plus la région dépense, moins les opérateurs de compétences recevront de financements ; cela ne me paraît pas souhaitable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle étudie l’amendement 1117 de Mme Éricka Bareigts.

Mme Justine Benin. Le financement des CFA s’annonce plus difficile dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution. La taille réduite des territoires et le volume limité des publics pouvant y être accueillis les empêcheront de satisfaire aux objectifs fixés au niveau national.

La péréquation territoriale prévue à cet article ne détaillant pas les modalités de mise en œuvre, qui sont renvoyées à un décret ultérieur, il importe que les collectivités régies par l’article 73 soient mentionnées dans le texte afin que leurs spécificités soient prises en compte lors de la rédaction du décret.

Il est en effet à craindre que ces collectivités soient oubliées dans la répartition des fonds comme elles l’ont été dans l’étude d’impact, ainsi que le montre la carte figurant à la page 109 de ce document : on peut y voir le nombre de CFA par région ainsi que la part des CFA privés parmi l’ensemble des établissements en métropole, mais non dans les départements d’outre-mer, ce qui est particulièrement regrettable.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. La péréquation territoriale couvrira bien l’ensemble du territoire national, de l’Hexagone aux outre-mer. Votre amendement est donc satisfait.

La commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS617 de M. Joël Aviragnet.

M. Joël Aviragnet. Le fonds alloué aux régions s’élèvera à 250 millions d’euros alors que ces dernières évaluaient à 390 millions d’euros leurs besoins pour assurer correctement les compétences qui leur sont confiées. Cela ne leur permettra pas d’avoir une politique volontariste en matière d’apprentissage.

Il conviendrait de les faire bénéficier directement d’une fraction de la contribution unique à la formation professionnelle et à l’apprentissage, sur la base d’un montant de 390 millions d’euros susceptible d’évoluer chaque année en fonction de l’assiette de cette contribution. Tel est le sens de notre amendement.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Vous proposez de supprimer l’ensemble de la clé de répartition de la contribution unique ; je ne puis y être que défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS230 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. L’établissement public France compétences aura notamment pour mission d’assurer la répartition des fonds mentionnés aux articles L. 6132‑2, L. 6133‑2 et L. 6134‑2, selon des critères définis par décret, ainsi que leur versement à la Caisse des dépôts et consignations pour le financement du compte personnel de formation, à l’État pour la formation des demandeurs d’emploi, aux opérateurs de compétence pour l’aide au développement des compétences au bénéfice des entreprises de moins de 50 salariés.

Le présent amendement supprime la référence aux conditions d’effectifs et de catégories de public, qui n’est pas pertinente pour l’ensemble des versements.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. La précision que vous souhaitez supprimer permettra de cibler prioritairement certaines catégories : demandeurs d’emploi et salariés de petites entreprises. J’y suis donc défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle aborde les amendements identiques AS465 de Mme Justine Benin, AS550 de Mme Hélène Vainqueur-Christophe et AS1070 de Mme Christelle Dubos.

Mme Justine Benin. France compétences a notamment pour mission de répartir et de reverser aux opérateurs de compétences les fonds que cet établissement aura perçus, via les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF), au titre de l’aide au développement des compétences dans les entreprises de moins de 50 salariés.

La rédaction du projet de loi prévoit que cette répartition se fasse en fonction des « effectifs ». Or, le 3° de l’article L. 1111‑2 du code du travail retient que, pour la mise en œuvre des dispositions dudit code, les effectifs de l’entreprise sont calculés en appliquant la disposition suivante aux salariés à temps partiel.

Cette modalité de calcul ne manquerait pas de pénaliser très fortement les secteurs qui offrent une part importante de postes à temps partiel, notamment celui des services aux particuliers et celui de la santé et de l’action sociale. Or ces salariés à temps partiel sont fréquemment faiblement qualifiés et leur accès à la formation professionnelle doit être encouragé et non restreint.

Dès lors, il est proposé que, par dérogation à l’article L. 1111‑2, ce soit l’effectif physique des entreprises qui soit pris en compte lors de la répartition des fonds par France compétences.

Mme Hélène Vainqueur-Christophe. Le texte du projet de loi prévoit que la répartition des fonds se fasse en fonction des effectifs. Or, les effectifs de l’entreprise sont calculés en appliquant une méthode particulière pour les salariés à temps partiel. C’est pourquoi nous demandons que cette répartition par France compétences se fasse en fonction de l’effectif physique des entreprises.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. La notion d’effectifs retenue par le projet de loi est celle, récurrente, permettant de distinguer les seuils entre entreprises. Cette notion est aussi celle qui a été retenue pour établir la contribution. Elles ne sont donc pas différentes ; c’est pourquoi mon avis est défavorable.

La commission rejette les amendements.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS1477 du Gouvernement.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Il s’agit d’un amendement de coordination avec celui, adopté hier, disposant que les commissions paritaires régionales interprofessionnelles, qui sont en charge des CPF de transition professionnelle, décideront du sort des dossiers individuels. Le Gouvernement propose logiquement que leur soient versés les fonds permettant le financement des projets de transition professionnelle, selon des modalités fixées par décret.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Il est sain de prévoir le financement des nouvelles missions de ces commissions ; avis favorable.

M. Gérard Cherpion. Cet amendement illustre l’évolution du texte au fil du temps.

Dans l’exposé sommaire, vous affirmez vouloir confier la sélection des dossiers individuels aux commissions paritaires, ce qui est une bonne chose, et proposez donc de faire transiter par elles les fonds qu’elles affecteront à ces projets. Mais, plus loin, on peut lire : on lit : « Il est proposé, afin d’harmoniser la gestion de ces fonds et leur allocation, que France compétences puisse émettre des recommandations à ces commissions. » Cela veut donc bien dire que la décision en dernier ressort revient à France compétences au niveau national. Il y a là plus qu’une contradiction.

M. Boris Vallaud. Nous serions heureux d’obtenir des éclaircissements sur l’articulation entre les différents échelons.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Il est normal que, s’agissant du droit au CPF de transition professionnelle, ce soit France compétences, c’est-à-dire l’État, les régions et les partenaires sociaux, qui assure l’encadrement du dispositif et formule les recommandations de prise en charge.

De leur côté, les commissions paritaires prendront les décisions qui concernent les salariés en disant : monsieur ou madame Untel, vous voulez changer de métier, vous avez présenté un projet de reconversion professionnelle, nous acceptons votre dossier.

Il n’y a pas de raison que les règles du jeu soient différentes d’un bout à l’autre du territoire, faute de quoi une iniquité serait créée. En revanche, l’appréciation des dossiers individuels est entièrement laissée aux partenaires sociaux, qui ont d’ailleurs demandé que le traitement soit opéré à l’échelon régional – ce qui est de bon sens, l’échelon national n’apportant aucune valeur ajoutée. Pour ce faire, nous transférerons l’argent correspondant à la quote-part de ce que les partenaires sociaux pourront attribuer au niveau régional.

La commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AS548 de Mme Hélène Vainqueur-Christophe.

Mme Hélène Vainqueur-Christophe. Cet amendement vise à renforcer la transparence de notre système de formation, qui a été si souvent, et à juste titre, critiqué. Il s’agit de confier à France compétences la réalisation d’un rapport sur l’utilisation des fonds de la formation professionnelle, décliné territoire par territoire. Il est indispensable que ce devoir de transparence soit rempli chaque année afin d’assurer une information régulière sur l’usage des fonds publics et mutualisés dévolus à la formation.

Cet amendement ne coûte rien, et permettra un meilleur contrôle de l’utilisation des fonds.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. La synthèse des ressources de la formation professionnelle et de leur utilisation est déjà l’objet du « jaune » budgétaire annuel annexé au projet de loi de finances. Votre amendement est donc satisfait, et mon avis est défavorable.

Mme Hélène Vainqueur-Christophe. Il est important de procéder territoire par territoire ; sinon, France compétences sera une grosse machine centralisée.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AS1359 de la rapporteure.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Cet amendement vise à lever l’incertitude juridique rattachée à la notion de « coûts », qui renvoie aux charges constatées des CFA pour les contrats d’apprentissage par exemple. Il s’agit simplement d’un changement de rédaction.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS1216 de la rapporteure.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Cet amendement vise à intégrer dans les recommandations de France compétences l’enjeu de l’égal accès de l’ensemble des publics à la qualification et à la montée en compétences. Nous pensons en particulier aux personnes non qualifiées, aux habitants des outre-mer et aux personnes en situation de handicap.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, l’amendement AS836 de Mme Gisèle Biémouret et les amendements identiques AS66 de M. Paul Christophe et AS1107 de Mme Nathalie Elimas.

Mme Gisèle Biémouret. Étant donné le niveau de chômage auquel les travailleurs handicapés sont confrontés et leurs besoins spécifiques, il est nécessaire de doter France compétences d’une mission supplémentaire : celle de renforcer leur accès à la formation professionnelle et à l’apprentissage, en veillant notamment à l’accessibilité et au caractère adapté des formations proposées.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Nous proposons, de même, que France compétences ait, parmi ses missions, celle de renforcer l’accès des personnes en situation de handicap à la formation professionnelle et à l’apprentissage.

Mme Patricia Gallerneau. Compte tenu des difficultés rencontrées par les personnes en situation de handicap dans d’accès à la formation et à l’emploi, et afin de s’assurer que cette préoccupation est pleinement incluse dans les missions de France compétences, nous proposons de préciser qu’il incombe à l’établissement public de formuler des recommandations sur leur accès à l’orientation, à la formation professionnelle continue et à l’apprentissage.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Ces amendements reprennent une préoccupation partagée par tous, et qui doit constituer une priorité de notre politique de formation professionnelle continue et d’apprentissage. Ils sont satisfaits par l’amendement plus général que nous avons adopté tout à l’heure à mon initiative, et qui couvre les personnes non qualifiées, les habitants des outre-mer et les personnes en situation de handicap. J’émets donc un avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Mme Gisèle Biémouret. Je voudrais poser une question : comment seront pris en compte les travailleurs handicapés ? Comment seront-ils accompagnés ? Rien, dans le projet de loi, n’a trait spécifiquement à ces questions. Ce que nous demandons n’a rien d’extraordinaire ; c’est même la moindre des choses.

La commission est saisie de l’amendement AS1476 du Gouvernement.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. L’objet de cet amendement est d’harmoniser les conditions de prise en charge des CPF de transition professionnelle, donc le fonctionnement des commissions paritaires, de façon à garantir un traitement homogène des dossiers et d’éviter des ruptures d’égalité.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

Puis elle étudie l’amendement 1126 de Mme Éricka Bareigts.

Mme Hélène Vainqueur-Christophe. La compétence en matière de formation professionnelle et d’emploi n’est pas du ressort de l’État dans les collectivités régies par l’article 74 de la Constitution.

L’étude d’impact présentée par le Gouvernement rappelle, à la page 164, que le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) a noué des partenariats avec la Nouvelle-Calédonie, puis avec la Polynésie française, sur une base légale relativement fragile.

Il est cependant nécessaire que, si ces collectivités en font la demande, des conventions puissent être passées entre les instances en charge de la formation professionnelle au sein de ces collectivités et le nouvel établissement public France compétences. Ces partenariats peuvent contribuer au développement de la formation professionnelle sur ces territoires, mais aussi à l’articulation des politiques menées en la matière par l’État et les différentes collectivités d’outre-mer, notamment celles régies par l’article 74 de la Constitution. Tel est l’objet de notre amendement.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Les partenariats du FPSPP avec quelques-uns de ces territoires comme la Polynésie française n’ont pas fait preuve de leur efficacité et ne doivent donc pas être poursuivis. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Ensuite elle examine les amendements AS1234, AS1236 et AS1235 de Mme Josette Manin.

Mme Josette Manin. L’amendement AS1234 tend à permettre au Gouvernement et au législateur de mesurer les impacts directs et indirects, pour les centres de formation des apprentis (CFA) opérant dans les collectivités territoriales régies par l’article 73 de la Constitution, pour lesquels le financement des nouvelles missions n’est précisé que par décret.

L’amendement AS1236 vise à doter France compétences d’une mission d’évaluation de l’action des centres et organismes de formation en ce qui concerne l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes et la lutte contre les violences sexuelles et sexistes au travail

Enfin, l’amendement AS1235 consiste à permettre au Gouvernement et au législateur de mesurer l’impact des dispositions de la présente loi sur le réseau de formation et d’apprentissage dans les collectivités territoriales régies par l’article 73. Sachant que 96 % des entreprises ultramarines sont des TPE, il faut des éléments statistiques permettant aux acteurs de la formation professionnelle et de l’apprentissage de prendre les mesures nécessaires au pilotage et au bon fonctionnement du dispositif.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Concernant votre premier amendement, je vous renvoie à l’annexe au projet de loi de finances (PLF) qui, chaque année, recense notamment le financement des CFA dans tous les territoires visés.

S’agissant de votre proposition de faire évaluer par France compétences l’effet des dispositions en faveur de l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes, je souligne que l’ensemble des mesures contenues dans le titre III feront l’objet d’une évaluation ; nous aurons donc l’occasion de revenir sur ces sujets.

Quant à votre demande d’un rapport d’évaluation de l’application du texte outre-mer, il me semble qu’il revient à nos propres organes d’évaluation, notamment ceux de notre délégation aux outre-mer, de procéder à cette analyse.

J’émets donc un avis défavorable sur chacun de ces trois amendements.

Mme Justine Benin. J’entends vos arguments, mais je rappelle que Mme la ministre s’est engagée à prendre une ordonnance spécifique aux outre-mer pour la formation professionnelle. J’insiste à nouveau pour que ses conseillers prennent bonne note de notre amendement, défendu tout à l’heure, relatif au passage de conventions entre France compétences et les collectivités régies par l’article 74 de la Constitution. Quant aux présents amendements, il faudra en discuter à nouveau le moment venu.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. France compétences doit rester une structure légère. Pour les études, la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) fournit en permanence des données abondantes sur toutes les questions sociales, et je lui ai explicitement demandé que, lorsqu’elle dresse des cartes, les outre-mer y soient systématiquement représentés. Il s’agit d’un effort collectif impliquant à la fois le ministère et les collectivités concernées, car nous n’avons pas toujours la visibilité suffisante. La dimension territoriale est essentielle, et tous les rapports publics devraient inclure cette préoccupation.

Il faut donc ne pas tout demander à France compétences, et laisser plutôt chaque acteur agir dans le champ qui lui est assigné.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle examine ensuite l’amendement AS1163 de Mme Éricka Bareigts.

Mme Hélène Vainqueur-Christophe. La création de France compétences ne doit pas conduire à nier ou à ignorer les spécificités des collectivités régies par l’article 73 de la Constitution.

Il est en effet à craindre qu’elles ne soient oubliées, comme elles l’ont été dans l’étude d’impact : la carte figurant à la page 109 de ce document et montrant le nombre de CFA par région et la part des CFA privés parmi l’ensemble des établissements fait état de l’Hexagone et de la Corse, mais fait l’impasse sur les départements d’outre-mer. Il est particulièrement regrettable que le Gouvernement oublie ces territoires dans une partie intitulée « Panorama des centres de formation d’apprentis en France » !

Il y a donc lieu de s’assurer que le nouvel établissement public tiendra compte des spécificités des outre-mer et disposera de la capacité d’adapter ses politiques aux collectivités régies par l’article 73 de la Constitution.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Les spécificités des collectivités ultramarines seront bien prises en compte dans le cadre des missions de France compétences, qui ont vocation à être mises en œuvre sur l’ensemble des territoires – je pense notamment à la mission de péréquation et à celle d’observation des coûts.

Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle étudie ensuite l’amendement AS996 de Mme Michèle de Vaucouleurs.

Mme Michèle de Vaucouleurs. France compétences sera une instance nationale assurant une mission de régulation, de veille, d’évaluation, de répartition et de recommandation. Il paraît important qu’elle exerce ses missions en collaboration avec les comités régionaux de l’emploi de la formation et de l’orientation professionnelles (CREFOP). Un lien entre les échelons régional et national paraît en effet essentiel au succès de la réforme. Les CREFOP, qui sont au cœur des politiques régionales de l’emploi et de la formation, nous paraissent être l’interlocuteur idoine. Tel est le sens de notre amendement.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. France compétences disposera de la personnalité morale et pourra donc dialoguer et passer des conventions avec les CREFOP en toute autonomie.

Par ailleurs, les recommandations exprimées par France compétences seront discutées dans un cadre quadripartite : partenaires sociaux, régions, État. Avis défavorable, donc.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Nous souscrivons aux intentions qui sous-tendent le projet de loi, mais nous ne percevons pas toujours sa déclinaison territoriale. Cet amendement qui n’est pas contraignant propose une vision plus claire des modalités de mise en œuvre des actions ; c’est pourquoi nous souhaitons que soit inscrite cette mission de dialogue avec les CREFOP.

M. Gérard Cherpion. La question posée par cet amendement est celle de l’articulation entre les systèmes. Elle est aujourd’hui très forte, mais quelle sera l’articulation entre les CREFOP, France compétences et l’instance régionale qui va être créée ? Les CREFOP ont-ils encore leur utilité ? Ce matin, notre collègue Maillard évoquait ces organismes dans des termes assez peu élogieux, que je ne suis pas loin de partager. Ne vaudrait-il pas mieux, finalement, les supprimer ?

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS724 de M. Francis Vercamer.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Cet amendement prévoit que le conseil d’administration de France compétences comprenne un député et un sénateur, afin que le Parlement puisse exercer sa mission de contrôle de cet établissement public de l’État. La demande est parfaitement légitime, car l’étude d’impact jointe au projet de loi rappelle que la nation garantit l’égal accès des adultes à la formation professionnelle. Intégrer un député et un sénateur dans le conseil d’administration de France compétences, c’est y intégrer la nation.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. La gouvernance de France compétences sera quadripartite, avec un fonctionnement par collèges. La présence de parlementaires ne paraît pas indispensable, car il a été décidé de resserrer au minimum le nombre des membres des organes de gouvernance. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

L’amendement AS1238 de Mme Josette Manin est retiré.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement AS995 de Mme Michèle de Vaucouleurs.

Elle adopte l’amendement de précision AS1389 de la rapporteure.

Puis elle en vient à l’amendement AS1057 de Mme Christelle Dubos.

Mme Graziella Melchior. Cet amendement vise à associer le secteur de l’insertion par l’activité économique aux travaux de France compétences, notamment à la définition des politiques de formation professionnelle. Ce secteur pourra apporter son expertise et ses moyens d’action en matière de formation des chômeurs de longue durée.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Nous souhaitons que le conseil d’administration de France compétences soit resserré afin que son fonctionnement soit efficace et opérationnel. Je suis défavorable à cet amendement et à tout amendement qui tendrait à augmenter le nombre de collèges, car cela reviendrait à créer un conseil d’administration pléthorique.

M. Sylvain Maillard. Ce matin, nous avons longuement discuté du Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (CNEFOP). Ceux qui l’ont pratiqué connaissent les limites du fonctionnement actuel. Nous ne souhaitons donc pas recréer un nouvel organisme sur le même modèle, mais un outil pleinement opérationnel, répondant aux enjeux de la formation professionnelle et de l’apprentissage. De cette façon, les professionnels qui le composent seront entièrement dédiés à cette tâche.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Il me semble que ces amendements dénotent un malentendu : France compétences sera un établissement très opérationnel et non une instance de consultation sur les projets de loi ou de définition des politiques de la formation professionnelle. Ces dernières sont et seront définies par le Parlement, le Gouvernement et les partenaires sociaux et, pour ce qui les concerne, les régions.

La section 3 de l’article 16 du projet de loi détaille les missions de France compétences : verser des fonds aux régions pour le financement des centres de formation des apprentis ; organiser la péréquation ; financer le conseil en évolution professionnelle ; observer la qualité et la transparence des coûts ; contribuer à l’évaluation des actions de formation dispensées ; établir les répertoires nationaux des qualifications.

France compétences ne sera pas le parlement de la formation professionnelle, si vous me permettez l’expression ! Le Parlement, c’est vous, Assemblée nationale et Sénat. Les politiques sont déterminées ici, en liaison avec le Gouvernement, après concertation et négociation avec les partenaires sociaux.

La gouvernance de France compétences doit répondre à l’objet social de cet établissement public, chargé de la régulation, du financement, des coûts et de la qualité de la formation professionnelle. Il s’assurera de la bonne gestion et de la transparence des fonds publics mutualisés. Depuis l’origine, vous le savez, la France a fait le choix d’une importante mutualisation des fonds de la formation professionnelle. Ce sera toujours le cas à l’avenir. Sur les 32 milliards d’euros dédiés à la formation professionnelle en France, 13 milliards vont aux salariés et 8 à l’alternance – apprentissage inclus. Plus de la moitié de ces fonds, en provenance des entreprises, sont mutualisés, ce qui est considérable.

France compétences est simplement chargé de vérifier que les règles définies par la loi et les décrets sont respectées et chargé d’attribuer rapidement les financements sans créer de blocages. Cela justifie une gouvernance resserrée : seuls les acteurs directement intéressés par la gestion des fonds doivent être représentés – État, partenaires sociaux et régions.

D’autres lieux sont dédiés à la nécessaire concertation avec l’ensemble des partenaires : le Conseil économique, social et environnemental (CESE), le Parlement et toutes les instances de consultation.

Mme Gisèle Biémouret. Madame la ministre, j’ai cru comprendre que le Conseil national de l’insertion par l’activité économique (CNIAE) serait supprimé. Comment informerez-vous les personnes en insertion dans les entreprises – celles qui ont le plus besoin de formation ? Quelle instance sera désormais compétente pour traiter de ce sujet ? Quelle est la philosophie de votre projet de loi si les personnes qui ont d’importantes difficultés d’insertion en sont exclues ? S’agit-il uniquement de favoriser ceux qui sont performants et déjà formés, et qui veulent se réorienter ?

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AS535 de Mme Barbara Bessot Ballot.

Mme Barbara Bessot Ballot. Il me semble important d’intégrer les réseaux consulaires au sein de la gouvernance, et donc du conseil d’administration, de France compétences. Ils représentent la moitié des apprentis en France.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Mes arguments seront les mêmes que pour les amendements précédents. Nous souhaitons que la gouvernance de France compétences soit resserrée. Mon avis sera donc défavorable.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Il y a confusion des genres… Les organismes bénéficiaires de fonds ne peuvent pas siéger au conseil d’administration de l’établissement qui les contrôle ! Le conflit d’intérêts est évident.

Mme Biémouret, je ne peux pas vous laisser dire que l’on supprime le CNIAE que l’on aidera moins ceux qui en ont le plus besoin. C’est tout le contraire !

En revanche, et nous y reviendrons à l’occasion de l’examen du titre III du projet de loi, l’article 47 remplace ce Conseil par un organisme aux missions plus larges. En effet, nous souhaitons que l’ensemble des politiques publiques pratiquent l’inclusion. Le nouveau comité d’orientation de l’inclusion dans l’emploi traitera de l’insertion économique et de tous les dispositifs innovants et associatifs – y compris en direction du handicap – qui ne sont actuellement pas couverts.

La commission rejette l’amendement.

Elle passe à l’amendement AS734 de M. Adrien Quatennens.

M. Adrien Quatennens. Selon la DREES placée sous la tutelle du ministère du travail, seuls 15 % des demandeurs d’emploi accèdent à une formation qualifiante et utile à la recherche d’un nouvel emploi.

C’est le conseiller Pôle Emploi qui prescrit les formations. Soumis à des conditions de travail dégradées en raison de la baisse des effectifs et des injonctions contradictoires de la part de sa direction, mais aussi du ministère, le conseiller n’est souvent pas en mesure de proposer des formations adéquates aux demandeurs d’emploi.

La grande masse de chômeurs mise en formation vise seulement à maquiller les chiffres du chômage : ces fameux grands plans de formation sont une opportunité pour le Gouvernement d’inverser la courbe. En effet, un demandeur d’emploi en formation n’est plus considéré comme chômeur ! Tout est bon pour faire baisser les chiffres du chômage, même le recours à des organismes de formation plus ou moins compétents.

Par ailleurs, les formations à destination des personnes en situation de handicap ne sont pas toujours adaptées. Les organismes de formation doivent les accueillir sur un temps partiel ou discontinu, selon des modalités et une durée adaptées au handicap. Or ces conditions ne sont pas toujours réunies.

France compétences ne doit pas devenir un organisme au sein duquel les représentants de l’État, des régions et du patronat se mettent d’accord sur des formations uniquement tournées vers les besoins des entreprises. Les missions de l’agence doivent avant tout être d’intérêt général et tournées vers les besoins des personnes recherchant une formation professionnelle qualifiante.

C’est pourquoi nous proposons d’inclure des représentants des demandeurs d’emploi, des personnes en situation de handicap et des précaires dans le conseil d’administration de l’établissement public.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Ce projet de loi se préoccupe de l’accès à la formation des personnes handicapées. Pour autant, comme je l’ai déjà dit, nous souhaitons que la gouvernance de France compétences soit resserrée et quadripartite. Je vous rappelle que des représentants des partenaires sociaux composent deux des collèges de l’établissement. Mon avis sera donc défavorable.

Mme Florence Granjus. L’ajout de représentants des personnes en situation de handicap, des précaires et des chômeurs ne facilitera aucunement la formation des demandeurs d’emploi…

Par ailleurs, à l’heure actuelle, de nombreux et efficaces plans de formation sont mis en œuvre pour la plus grande satisfaction des demandeurs d’emploi.

Enfin, l’objectif de Pôle Emploi est clair : être au plus près des préoccupations des entreprises et de demandeurs d’emploi et en proposant une offre de formation adaptée.

M. Gérard Cherpion. Il me semble que l’amendement est satisfait. Les partenaires sociaux sont membres soit du collège « salariés », soit du collège « employeurs ». Il reviendra au collège « salariés » de désigner des représentants des catégories que vous énumérez, monsieur Quatennens.

M. Adrien Quatennens. Les associations de chômeurs – comme « Agir contre le chômage » – font un travail essentiel. Elles ont toute leur place dans le dispositif. C’était le sens de notre amendement.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AS1255 de Mme Christine Cloarec.

Mme Christine Cloarec. Les missions locales ont été créées il y a trente-six ans. Elles se sont toujours adaptées aux différentes politiques publiques, y compris lors de la mise en œuvre de la garantie jeunes – réponse de la France à la « garantie jeunesse » de l’Europe.

Grâce à elles, les jeunes accueillis bénéficient des trois niveaux du conseil en évolution professionnelle. L’accompagnement global réalisé par les missions locales touche la santé, la mobilité, le logement, l’accès au droit. Elles constituent également un observatoire de la condition des jeunes empêchés, décrochés et de ceux qui ont des difficultés d’accès à l’emploi et la formation.

Or, au titre de ses missions, France compétences est chargée d’émettre des recommandations sur la qualité des formations effectuées, notamment au regard de leurs résultats en matière d’accès à l’emploi et à la qualification, à l’articulation des actions en matière d’orientation, de formation professionnelle et d’emploi.

Je trouve dommage que l’on ait écarté les missions locales de ce conseil d’administration : les jeunes ne seront plus représentés. Comme nous l’avons souligné ce matin, 40 % des jeunes ne sont pas inscrits à Pôle Emploi et sont accueillis par les missions locales : qui va désormais les représenter ?

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Pôle Emploi ne fait pas non plus partie de son conseil d’administration car, contrairement au CNEFOP, France compétences n’est pas une instance de consultation mais un établissement opérationnel, responsable de la péréquation des fonds, de leur répartition, de la surveillance et de la certification des formations. Je le redis, nous souhaitons une gouvernance resserrée autour de l’État, des régions et des deux collèges des partenaires sociaux.

Les représentants du système de formation professionnelle sont quant à eux présents dans les instances consultatives qui participent à la définition des politiques publiques de formation professionnelle.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Je trouve paradoxal qu’autant d’amendements proposent que des acteurs bénéficiaires de fonds participent à la gouvernance de l’organisme gestionnaire des fonds… Je le répète, France compétences n’est pas un organisme consultatif, mais celui qui va vérifier la bonne affectation des fonds issus de la mutualisation à destination de l’alternance et du compte personnel de formation et qui va s’assurer que les montants collectés auprès des URSSAF ont bien été transférés à la Caisse des dépôts et consignations – à l’euro près.

Si tous les bénéficiaires de fonds et les 80 000 organismes de formation, ainsi que l’ensemble des opérateurs de terrain – missions locales, Pôle Emploi, Cap Emploi, etc. – devaient participer à la gouvernance de France compétences, ce ne serait pas viable !

Cet établissement public sera un organisme institutionnel de gestion et de certification des formations, c’est tout. D’autres instances de concertation existent pour débattre. Restons cohérents, sinon nous allons encore lister vingt ou trente organismes…

Mme Christine Cloarec. Madame la ministre, je comprends votre réponse. Mais quelle sera l’instance chargée de la concertation sur les politiques publiques d’accès à l’emploi – en particulier pour les jeunes ? Je ne trouve pas de réponse dans ce projet de loi.

M. Gérard Cherpion. Nous devons nous rappeler notre histoire sociale : le quadripartisme a été mis en place par la volonté d’un gouvernement – que je n’ai d’ailleurs pas soutenu. Que signifie-t-il ? Que la société est représentée afin que l’intérêt général se manifeste, d’une manière ou d’une autre ! Donc, rien ne sert de vouloir représenter chaque secteur de la société.

Le quadripartisme peut être critiqué, mais c’est un autre débat. Ne mélangeons pas les instances de dialogue. Beaucoup – peut-être trop – d’organismes locaux, régionaux ou nationaux permettre la discussion. Chacun est responsable de la transmission des informations à ses représentants.

Mme Florence Granjus. Le quadripartisme est important, mais également la qualité des personnes nommées, qui nous permettra de disposer d’un organe de gouvernance performant. Or, la qualité n’est pas exclusivement liée à l’origine des intervenants.

Mme Justine Benin. Je suis d’accord avec M. Cherpion, Mme la ministre et Mme la rapporteure, mais ce projet de loi est une telle révolution que beaucoup s’interrogent, ce qui est normal. Dans les régions, au Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie (CNFPTLV) ou dans les CREFOP, quatre-vingts à cent cinquante personnes se retrouvaient autour de la table. Le quadripartisme permettra d’améliorer la qualité et l’efficience des débats et de révolutionner le monde de l’apprentissage.

Nous devons avoir confiance. Nous pourrons par ailleurs réaliser une étude d’impact d’ici un ou deux ans pour évaluer le nouveau dispositif.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AS1165 de Mme Éricka Bareigts.

Mme Hélène Vainqueur-Christophe. Cet amendement fixe les modalités de représentation des collectivités régies par l’article 73 de la Constitution dans les différents collèges du conseil d’administration de France compétences. La création de cette nouvelle agence ne doit pas conduire à ce que les spécificités de ces collectivités soient niées ou minorées. J’ai bien entendu l’engagement de Mme la ministre concernant la place des politiques publiques outre-mer, mais les outre‑mer doivent être représentées au sein des différents collèges du conseil d’administration de France compétences.

Ainsi, au sein du collège de l’État, la présence du ministère des outre-mer est souhaitable car lui seul dispose de l’expertise et de la connaissance des marchés du travail et des besoins en formation professionnelle des différents territoires. De même, au sein du collège des régions, il est important que les présidents des régions d’outre-mer – y compris des collectivités uniques comme la Guyane ou la Martinique – soient représentés. Enfin, au sein du collège des organisations syndicales de salariés, la présence des organisations syndicales ultramarines est souhaitable. Madame la ministre, aucune concertation syndicale n’a été organisée outre-mer, alors que certaines organisations syndicales n’ont pas de représentation nationale.

Au sein du collège des organisations professionnelles d’employeurs, le schéma serait un peu différent – il n’existe pas d’organisations propres aux outre-mer. Mais le décret pourrait indiquer que la présence de représentants ultramarins des organisations professionnelles d’employeurs serait souhaitable.

Ces garde-fous permettraient d’assurer la représentativité des collectivités de l’article 73 dans le conseil d’administration de France compétences.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Un décret en Conseil d’État définira la composition du conseil d’administration, et donc la clé de répartition par collège. Lorsque ce cadre aura été fixé, il reviendra à chaque collège de définir sa composition interne, la représentation des collectivités d’outre-mer pouvant alors être évoquée. Les dispositions que vous proposez ne sont pas du ressort de la loi. Mon avis sera donc défavorable.

La commission rejette l’amendement.

L’amendement AS241 de M. Stéphane Viry est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements AS328 de M. Gérard Cherpion et AS619 de M. Joël Aviragnet.

M. Gérard Cherpion. Notre amendement précise qu’aucun des collèges précités ne peut être majoritaire à lui seul au sein du conseil d’administration de France compétences, ni en nombre de représentants, ni en droits de vote. Les plus anciens se souviendront d’un précédent récent de gouvernance d’un organisme public : la répartition y était équitable en nombre de sièges, mais un collège était largement favorisé en nombre de voix…

Je ne voudrais pas que cela se reproduise.

M. Boris Vallaud. Notre amendement vise à garantir le quadripartisme au sein de France compétences et à éviter une mainmise de l’État sur cet organisme. Il prévoit qu’aucun des collèges qui le composent ne pourra être à lui seul majoritaire au sein du conseil d’administration.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. C’est le principe même du quadripartisme : aucun collège ne peut être majoritaire. Ne nous enfermons pas dans de faux débats. J’ai compris votre clin d’œil, mais mon avis sera défavorable.

M. Boris Vallaud Si vous l’avez compris, votons ces amendements : ils ne proposent que de conforter votre certitude que personne ne prendra le dessus…

M. Gérard Cherpion. C’est mon expérience du « vieux monde » qui explique le dépôt de mon amendement… Le problème récent qu’a rencontré l’Agence pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) n’est, à ce jour, toujours pas traité. De même, Sylvain Maillard le sait, le fonctionnement du CNEFOP est bloqué du fait d’une représentation déséquilibrée des différents partenaires. Par expérience et par pragmatisme, je propose donc cet ajout !

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Les règles de fonctionnement seront définies par décret en Conseil d’État. Je propose d’en rester là.

M. Boris Vallaud. Pourrait-on entendre la ministre sur cette question ?

La commission rejette successivement les amendements.

Elle en vient à l’amendement AS620 de M. Joël Aviragnet.

M. Boris Vallaud. Nous vous proposons un compromis pragmatique, fondé sur la confiance. Nous souhaitons préciser que le poste de président et les postes de vice-président du conseil d’administration sont déterminés de manière équilibrée entre les représentants des collèges mentionnés au 1° à 4°, afin que le quadripartisme soit respecté et garanti.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Le décret en Conseil d’État définira ces équilibres. Cela ne relève pas de la loi. Avis défavorable.

M. Gérard Cherpion. Les masques tombent ! Le rejet de nos amendements prouve que l’équilibre ne sera pas respecté et le quadripartisme biaisé… Vous partez sur de mauvaises bases ; cette recentralisation larvée de l’ensemble du système constitue une forme regrettable d’étatisation de la formation professionnelle.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. J’entends le procès d’intention. J’apporterai deux précisions : en premier lieu, nous avons convenu avec les représentants des régions et les partenaires sociaux de discuter de cette répartition en amont de la rédaction du décret. C’est la raison pour laquelle je ne prends pas position publiquement, ces discussions n’ayant pas eu lieu.

En second lieu, je rappelle qu’un président et un vice-président ne sont jamais du même collège, dans aucun organisme : sinon, le poste de vice-président perd sa raison d’être.

M. Gérard Cherpion. Pour ma part, j’entends votre message, mais c’est au législateur de légiférer, donc de déterminer les conditions de fonctionnement de tout nouveau système.

Or, en l’espèce, vous nous expliquez que vous souhaitez d’abord discuter. Imaginez que les régions se mettent d’accord avec les partenaires sociaux pour demander un certain nombre de sièges. Que faites-vous alors l’intérêt général ? Le législateur ne saurait déléguer la fixation des règles communes. Je souhaite que ce cadre – assez souple par ailleurs – soit inscrit dans la loi.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AS728 de M. Francis Vercamer.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Cet amendement soumet les membres du conseil d’administration de France compétences à une déclaration d’intérêts. Il vise à se prémunir des situations de conflit d’intérêts publics ou privés qui peuvent interférer avec les missions de ces membres. Les relations entre l’État et cet établissement public doivent être transparentes. En effet, France compétences est amené à verser des fonds supplémentaires liés aux contrats d’apprentissage et de professionnalisation aux opérateurs de compétences, ainsi que des fonds aux régions. Il est donc normal de veiller à ce que les membres de son conseil d’administration ne disposent pas de connexions de nature interférer dans ses décisions.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Dans la mesure où les exigences de transparence et de probité devront pleinement s’appliquer à France compétences, il me semble effectivement intéressant de prévoir une déclaration d’intérêts des membres du conseil d’administration. Je soutiens cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AS329 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Cet amendement vise à préserver le quadripartisme, en limitant le poids de l’État au sein de France compétences. Il s’agit de prévoir que le directeur général ne peut être nommé par le Gouvernement qu’après avis conforme du conseil d’administration.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Un avis conforme serait excessif. Il pourrait être source de blocage. Avis défavorable.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Je m’interroge sur les amendements précédents, comme sur celui-ci : pourquoi créer des règles différentes pour France compétences ? C’est un établissement public doté de plusieurs collèges. Il faut que son fonctionnement relève du droit commun des établissements publics : les présidents sont ainsi toujours nommés après avis conforme du conseil d’administration, mais c’est rare pour les directeurs généraux – ce n’est pas le cas pour Pôle Emploi ni pour l’AFPA, par exemple.

Nous n’avons pas d’autre ambition qu’une régulation et une gouvernance efficaces, mais de droit commun. La création de France compétences ne doit pas être l’occasion de créer des règles différentes et plus lourdes. Nous allons donc vérifier ces points.

M. Gérard Cherpion. Je vous rappelle que le directeur général de Pôle Emploi, récemment reconduit, a été auditionné par la commission des affaires sociales, qui s’est ensuite prononcée aux deux tiers de ses membres. Dans ces organismes publics ou parapublics de la plus haute importance, l’équilibre et le contrôle sont importants.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AS731 de M. Francis Vercamer.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Nous voulons rapprocher l’entreprise de la formation professionnelle. Pour cela, les acteurs de la formation professionnelle doivent disposer d’une bonne connaissance du milieu professionnel, notamment de la vie professionnelle en entreprise.

Cet amendement propose de renforcer la légitimité du directeur général de France compétences. Il devra justifier d’une expérience significative en entreprise et avoir une connaissance du terrain.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Je peux comprendre la logique de votre amendement, mais une telle disposition n’est pas du domaine législatif. On se rapproche ici d’un curriculum vitae. Mon avis sera défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle passe à l’amendement AS730 de M. Francis Vercamer.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Au même titre que pour d’autres dirigeants d’organismes publics tels que la Haute Autorité de Santé, notre amendement propose que le directeur général soit auditionné par le Parlement avant sa prise de fonctions.

Cette audition permettra aux députés et aux sénateurs de disposer d’un exposé précis des orientations que le candidat entend donner à l’établissement, tout en échangeant avec les représentants de la nation sur leurs priorités.

L’audition du directeur général de France compétences s’inscrit dans le cadre des prérogatives de contrôle et d’évaluation des politiques publiques du Parlement.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Il n’est pas indispensable d’auditionner le directeur général avant sa nomination. Dans le cadre de notre activité de contrôle, il pourrait être plus légitime de le faire à l’occasion d’un bilan d’activité, à l’appui par exemple d’un rapport. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient aux amendements identiques AS228 de M. Gérard Cherpion et AS547 de Mme Hélène Vainqueur-Christophe.

M. Stéphane Viry. Nous souhaitons que, comme pour tous les établissements publics à caractère administratif, les relations entre l’État et France compétences soient entièrement transparentes. L’amendement AS228 prévoit à cet effet que la convention régissant leurs relations soit rendue publique, à la signature initiale et lors de son renouvellement.

Mme Hélène Vainqueur-Christophe. Dans un objectif de transparence, nous souhaitons que la convention triennale passée entre l’État et France compétences soit rendue publique. Cette demande est légitime dans la mesure où tous les établissements publics à caractère administratif sont soumis à cette obligation.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Cette publicité est assurée par la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA). La précision n’est donc pas nécessaire. Avis défavorable.

M. Boris Vallaud. Votre réponse n’est pas satisfaisante ! Nous voulons que la publicité soit automatique, alors que la CADA est saisie dans le cadre d’un processus administratif. Votre réponse ne correspond pas à notre demande.

M. Stéphane Viry. La CADA répond aux requêtes des citoyens quand ils ne peuvent pas avoir accès spontanément à une information. Notre demande est différente : nous souhaitons que la transmission soit automatique.

Au regard des missions dévolues par l’État à France compétences, il est normal que nous ayons connaissance de son périmètre de compétences et de son fonctionnement. Notre quête de transparence est parfaitement légitime, d’autant plus qu’il s’agit d’un établissement public administratif.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Tout d’abord, cette convention devra être approuvée par le conseil administration.

En ce qui concerne sa publication, ne nous amusons pas à créer pour France compétences des règles nouvelles qui pourraient faire jurisprudence. Je rappelle qu’il s’agit d’un petit organisme, de cinquante à quatre-vingts personnes, auquel il n’y a aucune raison de ne pas appliquer les règles qui s’appliquent aux établissements publics administratifs, et qui n’ont pas besoin d’être précisées ici puisqu’elles relèvent du droit commun. Pourquoi faudrait-il déroger au droit commun pour France compétences, quand la convention de Pôle Emploi, organisme beaucoup plus important, est soumise au conseil d’administration mais n’est pas publiée, ce qui n’empêche pas qu’elle soit diffusée ? Je ne vois pas l’utilité pratique d’une telle proposition, et je m’interroge sur l’intention qui sous-tend ces amendements.

M. Stéphane Viry. France compétences est voué à jouer un rôle majeur dans la réforme que vous entendez conduire. Sans être particulièrement suspicieux, nous demandons simplement la plus grande transparence sur cet organisme. Vous évoquez le conseil d’administration, mais on sait l’influence prépondérante qu’y aura l’État. La publication de cette convention serait donc de nature à rassurer tout le monde.

La commission rejette les amendements.

Puis elle examine l’amendement AS1175 de Mme Éricka Bareigts.

Mme Éricka Bareigts. Il s’agit d’une demande de rapport qui répond à un souci de transparence. Il est précisé que ce rapport d’évaluation devra couvrir l’ensemble du territoire français, c’est-à-dire l’hexagone, la Corse et les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution.

Mme Catherine Fabre, rapporteur. Au regard de l’ampleur des missions de France compétences, votre demande me paraît légitime. J’y suis favorable et souhaiterais la compléter en proposant que ce rapport soit également remis au Parlement.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Nous aurions donc un amendement rédigé de la façon suivante : « Un rapport d’activité est remis chaque année au Parlement et au ministre chargé de la formation professionnelle, pour indiquer la mise en œuvre des missions dévolues à France Compétences dans l’hexagone, en Corse et dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution. »

La commission adopte l’amendement AS1175 ainsi rectifié.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS1392 et AS1360 de la rapporteure.

Elle en vient ensuite à l’amendement AS622 de M. Francis Vercamer.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Cet amendement vise à inscrire dans la loi l’obligation faite à France compétences, établissement public administratif, de remettre chaque année au Parlement et au Gouvernement un rapport d’activité. Il s’inscrit dans le respect des prérogatives de contrôle et d’évaluation des politiques publiques reconnues au Parlement. Ainsi, France compétences, placé sous la tutelle du ministre chargé de la formation professionnelle, pourra faire état de son activité, rendre compte de l’exécution de ces missions, partager également une analyse prospective de la formation professionnelle et faire des propositions d’amélioration de la qualité, de l’efficacité et de l’efficience de cette politique.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Cet amendement est satisfait par l’amendement rectifié que nous venons d’adopter.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 16 modifié.

Après l’article 16
 

La commission est saisie de l’amendement AS1118 de Mme Éricka Bareigts.

Mme Éricka Bareigts. Cet amendement demande que les membres des collèges et le directeur général de France compétences soient soumis aux mêmes obligations de transparence, définies par la loi du 11 octobre 2013, que les autres acteurs de la vie publique.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Il ne me paraît pas utile d’aller au-delà de l’amendement que nous avons déjà adopté en la matière. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

La séance est suspendue de seize heures dix à seize heures trente.

Section 2 : Financement de la formation professionnelle

Article 17
Contribution unique à la formation professionnelle et à l’apprentissage

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Nous abordons à présent l’examen de l’article 17, qui est un article central de ce projet de loi. Sur cet article, notre commission est saisie de deux amendements de suppression, puis d’un amendement de la rapporteure proposant une réécriture globale de l’article, qui fait l’objet de quatre sous-amendements et dont l’adoption aurait pour effet de faire tomber tous les autres amendements et d’empêcher leurs auteurs de s’exprimer.

Je vous propose donc, pour qu’un débat complet ait lieu quand même, de procéder à une sorte de discussion générale sur cet article en donnant la parole aux auteurs d’amendements, de sorte que toutes les positions puissent s’exprimer.

M. Stéphane Viry. L’essentiel est que le débat puisse se tenir sur cet article. Les modalités que vous nous proposez nous agréent et nous nous y conformerons en faisant usage de notre liberté de parole.

M. Pierre Dharréville. Je tiens à faire remarquer que si mon amendement de suppression était adopté, cela ferait aussi tomber l’ensemble des amendements à l’article 17… (Sourires.)

La commission examine les amendements identiques AS840 de Mme Gisèle Biémouret et AS901 de M. Pierre Dharréville, tendant à supprimer l’article, ainsi que l’amendement AS1480 de la rapporteure, qui fait l’objet des sous-amendements AS1510 de Mme Ericka Bareigts, AS1512 de M. Gérard Cherpion, AS1509 et AS1511 de Mme Ericka Bareigts.

Mme Gisèle Biémouret. L’étude d’impact indique que « le financement dédié au compte personnel de formation peut s’estimer, compte tenu de l’évolution de la masse salariale, à 2,1 milliards d’euros par an en 2019 et 2020, à 2,2 milliards d’euros en 2021 et à 2,3 milliards d’euros en 2022 ». Or, la France compte environ 25 millions de salariés, dont 16 millions dans le secteur privé. Si chaque salarié se voit verser 500 euros sur son compte personnel de formation (CPF), le besoin de financement est donc de 12,5 milliards d’euros. Seuls 20 % des salariés pourront donc effectivement utiliser leur compte.

Cela confirme bien que l’absence de régulation du CPF est un problème majeur, comme nous l’avons déjà souligné lors votre audition, madame la ministre, devant notre commission. Les euros qui s’afficheront sur les 5,5 millions de comptes déjà ouverts et sur ceux à venir seront de la monnaie de singe.

Pourtant les enjeux de l’ingénierie du CPF sont énormes. Quelque 40 millions d’actifs, en effet, seront dotés d’un compte : 28 millions de travailleurs salariés, 4 millions de travailleurs non-salariés, 5 millions de fonctionnaires et 3 millions de demandeurs d’emploi. Comme le craignent certains experts, le risque de thésaurisation est grand, puisque ces salariés verront leur compte crédité chaque année de 500 euros, soit 5 000 euros en dix ans.

Ce risque de thésaurisation risque de contrarier l’objectif affiché de la réforme, qui entend promouvoir la formation professionnelle dans le cadre du développement des compétences. Mais, au-delà de ce risque, votre schéma financier montre bien qu’il y aura une baisse des fonds dédiés à la formation professionnelle, sans parler de ceux dédiés à l’apprentissage.

Après avoir mis à mal les espaces collectifs de dialogue social autour de la formation dans les entreprises, notamment celles où il n’y a pas de représentants élus, vous procédez à une ultra-individualisation des droits. N’oublions pas en effet que les salariés les moins formés sont aussi les moins spontanément demandeurs de formation et que, par ailleurs, les entreprises ont une très faible appétence pour la négociation sur la formation professionnelle, comme le souligne le bilan annuel de la négociation collective diffusé par vos services.

L’argument selon lequel vous renforceriez les droits individuels des personnes ne tient donc pas, a fortiori puisque vous y consacrez moins d’argent. Je tiens d’ailleurs à souligner ici le manque de transparence des documents sur lesquels vous vous appuyez. Le législateur que nous sommes doit mener l’enquête pour comprendre où passent les flux financiers et quels en sont les montants.

C’est pourquoi nous proposons la suppression de cet article.

M. Pierre Dharréville. Nous touchons avec l’article 17 à une incohérence de ce projet de loi, puisque vous prétendez renforcer l’accès à la formation des actifs à travers la mobilisation de leur compte personnel de formation, tout en entérinant dans le même temps une baisse des contributions des employeurs au titre de la formation professionnelle, qui sont affectées notamment au financement du CPF. Les contributions au titre de la formation et de l’apprentissage passeraient de 1,68 % de la masse salariale à une contribution unique de 1,48 % dans les entreprises de 11 à 250 salariés ; pour les plus grandes entreprises, elles passeraient de 1,68 % à 1,60 % de la masse salariale. Un tel constat laisse supposer que les droits individuels à la formation, dans leur nouvelle version, ne seront pas financés, ou qu’en tout cas votre réforme sera sous-financée.

Vous nous opposez souvent l’argument consistant à distinguer les droits réels des droits formels, mais vous contribuez ici précisément à créer des droits purement formels. On peine donc à comprendre votre logique, à moins qu’il ne s’agisse d’alléger les obligations des employeurs sans les inciter davantage à investir dans la formation de leurs salariés.

Vous faîtes le pari hasardeux que les employeurs financeront la formation de leurs salariés sur leurs fonds propres. Nous préférons, quant à nous, leur imposer une obligation légale de financement, dont nous pensons même qu’il est possible d’augmenter le montant. C’est une des propositions que nous défendrons, et c’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Le projet de loi relatif à la liberté de choisir son avenir professionnel vise à simplifier les circuits de financement de la formation professionnelle, notamment ceux de l’alternance, en unifiant les circuits de collecte de l’apprentissage et de la formation continue – l’idée étant de n’avoir plus qu’un seul collecteur au lieu des cinquante-sept existants –, en permettant une gestion commune, à la disposition des branches professionnelles, de l’ensemble des fonds relatifs aux contrats d’alternance, avec des principes de financement harmonisés entre contrats d’apprentissage et de professionnalisation. Ces principes centraux sont maintenus dans la nouvelle rédaction, puisqu’il n’y a plus qu’un collecteur – les URSSAF – et un répartiteur – France Compétences.

Toutefois, avec la mise en place d’une contribution unique, certains effets induits non souhaitables sont apparus. Le nouveau dispositif aurait provoqué en effet une augmentation significative de l’obligation de financement pour certains employeurs jusque-là exemptés de la taxe d’apprentissage – je pense en particulier aux secteurs associatif et agricole,  aux employeurs assujettis aux bénéfices non commerciaux (BNC), aux TPE dont la masse salariale est inférieure à six fois le SMIC et accueillant au moins un apprenti, ainsi qu’aux entreprises du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, qui bénéficiaient de taux dérogatoires.

Or cette réforme ambitieuse ne doit pas avoir pour effet d’augmenter les prélèvements obligatoires, notamment des TPE et PME qui emploient beaucoup d’apprentis et pourraient donc être mises en difficulté. Aussi le présent amendement propose-t-il de conforter les objectifs initiaux de la réforme, tout en maintenant une contribution unique avec deux tuyaux de financement distincts, la taxe d’apprentissage et la contribution à la formation professionnelle, l’une et l’autre étant collectées en même temps par les URSSAF.

Par ailleurs, les dispositifs d’exonération dont bénéficient certains employeurs sont conservés, afin de ne pas pénaliser les petits employeurs, les entreprises agricoles ou les associations.

L’unification complète des ressources relatives à la formation professionnelle et à l’apprentissage sera réalisée au sein de France compétences, destinataire des obligations de financement des entreprises et chargé de leur répartition entre les organismes – opérateurs de compétences, État, Caisse des dépôts… – qui gèrent le financement des actions de formation.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Avant d’examiner les sous-amendements à l’amendement de la rapporteure, nous allons, comme je l’ai dit, entendre tous les autres auteurs d’amendements qui le souhaitent.

M. Adrien Quatennens. Nous avons expliqué, au début de la discussion du projet de loi, en quoi le passage à la monétisation du compte de formation permettait également, selon nous, de diminuer sa dotation, compte tenu de ce que coûte en moyenne une heure de formation. Nous vous mettons donc en garde contre ce dispositif qui diminue les obligations de l’employeur, y compris en termes de financement.

C’est la raison pour laquelle nous soutenons les amendements de suppression de cet article qui conduit à une baisse de la contribution financière des entreprises au titre de la formation professionnelle.

M. Boris Vallaud. J’aimerais avant tout souligner qu’il est un peu problématique qu’un article soit ainsi réécrit intégralement au moment même où nous l’examinons, d’autant que nous avions appelé votre attention, madame la ministre, lorsque vous avez annoncé cette mesure, sur les conséquences que pouvait avoir pour les associations la contribution unique.

La monétisation nous inquiète parce que, de facto, elle va signifier moins de droits non seulement formels mais réels pour ceux qui se formeront.

Par ailleurs, nous aurions besoin de quelques éclairages sur les circuits financiers que nous avons du mal à reconstituer, même si nous avons l’intuition que votre nouvelle tuyauterie comporte quelques fuites et que la formation professionnelle risque de voir lui échapper 400 millions d’euros. Mais nous ne demandons qu’à être démentis.

M. Pierre Dharréville. Vous prétendez, madame la rapporteure, vouloir simplifier les circuits de financement. Ce n’est manifestement pas si facile, et je ne suis pas convaincu que la nouvelle rédaction que vous proposez aille dans ce sens.

Non seulement vous n’apportez pas de réponses à nos questions sur la baisse globale des ressources dévolues à la formation professionnelle et sur la baisse de la contribution des entreprises, mais votre manière de procéder a le grave défaut de ne pas être accompagnée d’une étude d’impact suffisamment précise pour nous permettre d’évaluer correctement les effets du nouveau dispositif. Enfin, je voudrais savoir si ces nouvelles dispositions ont été discutées avec les partenaires sociaux et ce qu’ils en ont pensé. Pour notre part, nous considérons qu’elles ne changent en rien l’esprit de cet article, dont nous continuons à penser que les dispositions qu’il contient sont mauvaises. Nous persistons donc à demander sa suppression.

M. Sylvain Maillard. Nous voulons simplifier la collecte en ne gardant qu’un seul tuyau et deux subdivisions. Par ailleurs, il n’y a aucune inquiétude à avoir sur le financement, puisque le nouveau dispositif fonctionnera à enveloppe constante.

Soyons clairs : l’idée n’est pas de baisser le budget de la formation, puisque celle-ci est au cœur de notre projet. Nous avons besoin, tout au long de notre vie, de nous former. C’est essentiel, non seulement en termes de développement personnel mais également pour la compétitivité de notre économie et la pérennité de notre modèle social.

Mme Justine Benin. L’article 17 réforme le financement de la formation professionnelle et de l’apprentissage en créant une nouvelle contribution unique qui se substituera à l’actuelle contribution relative à la formation professionnelle et à la taxe d’apprentissage, à compter de 2019. La contribution supplémentaire à l’apprentissage due par les employeurs d’au moins 250 salariés est renommée contribution supplémentaire à l’alternance, et certaines exonérations historiques sont supprimées. Par ailleurs, une contribution au développement des formations professionnalisantes est créée.

J’accueille avec joie votre amendement proposant une nouvelle rédaction, car il corrige bien des imperfections. J’espère que cette nouvelle rédaction garantit bien que la contribution additionnelle de 0,08 % due par les entreprises de 11 à 250 salariés financera réellement la formation professionnelle.

Je salue enfin le basculement de la collecte des opérateurs de compétences vers les URSSAF.

Mme Michèle de Vaucouleurs. La rédaction initiale de l’article 17 du projet de loi mettait en place un assujettissement progressif à la fraction alternance de la contribution unique s’appliquant aux employeurs aujourd’hui exonérés de la taxe d’apprentissage. Ainsi les employeurs associatifs auraient-ils été, au terme d’une période transitoire, assujettis au taux de contribution du droit commun, ce qui aurait représenté un alourdissement de leurs charges financières pouvant mettre en péril leur équilibre économique et faire peser un risque sur leur pérennité et celle des emplois qui leur sont associés. Votre réécriture lève cette difficulté et nous y sommes donc très favorables.

M. Gérard Cherpion. Si je me réjouis pour ma part de cet amendement, c’est qu’il met en évidence le fait qu’il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Il s’agit en effet d’un rétropédalage manifeste, visant à corriger une erreur qui aurait eu de lourdes conséquences, notamment sur les entreprises des secteurs associatif et agricole.

Conformément aux annonces faites, le dispositif semble instaurer une taxe unique, à ceci près que cette taxe semble se subdiviser immédiatement après en une taxe d’apprentissage, d’un côté, et contribution à la formation professionnelle, de l’autre.

Le projet de loi prévoyait par ailleurs trois seuils ; il n’en reste plus que deux, au détriment des TPE et PME pour lesquelles le taux global n’est plus abaissé.

Enfin, le « hors quota », renommé « quota alternance » semble réintégré au sein de la taxe alors qu’il en était sorti : comment sera-t-il fléché, sachant que le texte prévoyait un versement direct de la part des entreprises, qui a disparu dans cette version ? J’avais déposé des amendements pour éviter que les abondements non fléchés s’égarent dans les caisses du Trésor public, mais je crains que ce ne soit le cas avec ce nouveau dispositif.

En ce qui concerne toujours le « hors quota », il est question d’un solde de 13 % et non plus de 23 %, mais je veux penser qu’il s’agit d’une faute de frappe.

Vous avez beau avoir affirmé hier, madame la ministre, qu’il n’y aurait pas de baisse de financement des écoles de production, il me semble que, si les fonds diminuent, les financements baisseront automatiquement, puisqu’on ne pourra plus s’appuyer sur le « hors quota ».

Bref, il semble que le texte qui nous est proposé n’est pas tout à fait mûr. Vous proposez certes des rectifications bienvenues, mais si nous vous demandons certaines modifications supplémentaires, c’est que nous avons le sentiment que le nouveau dispositif mis en place comporte certains risques et que votre réforme, loin d’améliorer le système, va le casser et mettre en péril un certain nombre de formations.

M. Stéphane Viry. La collecte et les prélèvements destinés au financement de la formation professionnelle et de l’apprentissage étaient les gros points faibles du système antérieur, et c’est leur réorganisation qui vous a sans doute conduit à vouloir refondre entièrement le système et à proposer un nouveau dispositif de contribution des entreprises.

Je considère, comme Gérard Cherpion, que la nouvelle version que vous proposez avec cet amendement est un rétropédalage visant à revenir sur une erreur que les amendements que nous avions déposés entendaient corriger,  car elle aurait pu emporter des conséquences dramatiques dans certains secteurs d’activité.

Il n’en demeure pas moins que cette nouvelle rédaction n’efface pas mes inquiétudes quant au risque de voir certaines formations privées de financement et certains secteurs d’activités assujettis à des contributions au-delà du raisonnable, même si on a cru comprendre que vous reveniez à la raison pour ce qui concernait les secteurs associatif et agricole.

Je crains également que vos propositions n’améliorent pas l’intelligibilité du système et ne le simplifient pas davantage. Je vous fais crédit, madame la rapporteure, de vouloir, comme vous le dites, améliorer les choses, ce à quoi s’efforcent également tous les parlementaires, qui consacrent ici beaucoup de leur temps à un travail parfois fastidieux mais indispensable. Néanmoins, cela ne lève ni nos doutes ni nos interrogations.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Je suis, comme mes collègues, un peu surprise de cette méthode qui consiste à apporter au projet de loi une modification d’une telle ampleur par le biais d’un amendement. Selon que l’on incline vers le vélo ou le tennis, on parlera de rétropédalage ou d’amortie… (Sourires.) Quoi qu’il en soit, je pense qu’il était indispensable de corriger le dispositif prévu à l’origine, en particulier pour ce qui concerne le secteur agricole au sujet duquel, nous avions déjà interpellé le Gouvernement.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Notre but à tous est d’aboutir à un système qui soit simple et efficace pour ceux à qui il est destiné, c’est-à-dire les entreprises, les salariés, les jeunes, les organismes de formation et d’apprentissage. J’entends cependant que certains aient d’emblée des difficultés pour tout comprendre, car c’est toute la mécanique du système qui est repensée.

En matière de financement, la simplification était primordiale car, pour des PME comme pour de grandes entreprises, le fait que coexistent 57 organismes de collecte équivalait à faire marcher une usine à gaz. Nous faisons donc en la matière un progrès énorme, ce qui a des répercussions sur tout l’aval du système, puisque nous mettons en place une contribution unique, que gèrera et répartira ensuite France Compétences, car les URSSAF vont se charger de la collecte mais elles n’ont pas de compétence pour en répartir le produit.

En second lieu, l’accord interprofessionnel signé par les partenaires sociaux ne prévoyant pas de prélèvement obligatoire supplémentaire, nous avons fait avec eux le pari de faire plus et mieux avec le même argent, grâce à la fongibilité. Nous considérons en effet qu’en France, aujourd’hui, ce n’est pas un déficit d’argent qui empêche la formation professionnelle de fonctionner ; peut-être manquerons-nous d’argent dans dix ou quinze ans, dans une société de connaissances et de compétences où tout le monde aura accès à une formation efficace, mais ce n’est pas le cas au stade où nous sommes.

Quoi qu’il en soit, le maître-mot reste la simplification, car de nombreuses TPE, par exemple, n’utilisent pas les aides à l’apprentissage ne sachant pas se repérer dans les quatre mécanismes qui existent. De même, toutes les études montrent que beaucoup de salariés renoncent à une formation, ne sachant à qui s’adresser ; d’où le compte personnel de formation, qui sanctuarise les droits de chacun. Notre philosophie est donc que chaque salarié, chaque entreprise puisse décider de ce qui lui convient. Pour cela, la tuyauterie est essentielle, mais ce n’est qu’un moyen.

En ce qui concerne l’amendement de la rapporteure, le Gouvernement y est très favorable, et je me permets à cet égard de faire remarquer que vous ne pouvez pas à la fois réclamer que le débat parlementaire ait lieu et refuser que la rapporteure ou le Gouvernement déposent des amendements : c’est un droit que leur octroie la Constitution !

Sur le fond, il ne s’agit absolument pas d’un rétropédalage, mais nous avons entendu l’avis du Conseil d’État, selon lequel la solution retenue dans le projet initial n’était pas la bonne. Les objectifs restent les mêmes – contribution unique, affectations identiques – mais nous y arrivons par d’autres voies, qui ne pénalisent pas les entreprises artisanales et le secteur associatif.

En ce qui concerne le « hors quota » évoqué par M. Cherpion et rebaptisé « contribution au développement des formations professionnalisantes », les pourcentages et les montants demeurent les mêmes et recouvrent toujours les subventions que font librement des entreprises aux écoles de production, aux établissements pour l’insertion dans l’emploi (EPIDE), aux écoles de la deuxième chance, aux lycées professionnels, privés et publics, et à l’enseignement supérieur.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Après cette discussion générale de l’article, je vais mettre aux voix les amendements de suppression, puis s’ils ne sont pas adoptés, j’appellerai les sous-amendements à l’amendement de la rapporteure.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette les amendements de suppression de l’article AS840 et AS901.

Mme Éricka Bareigts. Votre amendement, madame la rapporteure, prévoit que ce sont les URSSAF qui collecteront les contributions. Nous craignons dès lors que celles-ci soient assimilées à des charges sociales comme les autres, ce qui risque de rompre un lien important entre les opérateurs de compétences et les entreprises. C’est particulièrement vrai pour les petites entreprises, qui ont souvent besoin d’explications. Or ce ne sont sûrement pas les URSSAF qui pourront leur dispenser un conseil aussi fin que celui des OPCA, d’autant plus qu’aux contributions légales s’ajoutent bien souvent des contributions conventionnelles ou volontaires au titre du plan de formation, qui représentent à peu près le double des contributions légales.

Tel est le sens de notre sous-amendement AS1510.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Plusieurs raisons ont présidé au choix de la collecte unique. Le premier avantage est que cela permet aux opérateurs de compétences de se concentrer sur la mission sur laquelle ils ont la plus forte valeur ajoutée pour les utilisateurs finaux, à savoir l’accompagnement des branches et des entreprises, notamment, des TPE et PME ; ensuite, le collecteur unique est bien connu des entreprises, qui ne devraient donc pas être déstabilisées ; enfin, les URSSAF pourront réaliser des prélèvements mensuels et sur l’année en cours, ce qui est préférable à la collecte différée, telle qu’elle se pratiquait jusqu’alors. Je suis donc défavorable à ce sous-amendement.

La commission rejette le sous-amendement AS1510.

M. Gérard Cherpion. Je propose, par mon sous-amendement AS1512, de revenir aux 23 % du « hors quota » tel qu’il existe aujourd’hui. En effet, vous nous avez assuré, madame la ministre, qu’il n’y aurait pas de baisse des financements, mais je vois au moins deux raisons pour qu’il y en est une. La première est que le taux passe de 23 % à 13 % ; la seconde est que les destinataires de l’ancien « hors quota » sont élargis, puisque vous y intégrez les établissements à but lucratif, qui peuvent désormais en bénéficier.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Je tiens en premier lieu à vous confirmer que le taux et le rendement restent inchangés par rapport à la rédaction du projet de loi, puisque 13 % de 0,68 % – soit le taux de la taxe d’apprentissage –font bien 0,08 %, le taux de la contribution prévue dans le projet de loi.

Par ailleurs, il faut avoir présent à l’esprit que les 23 % de « hors quota » mentionnés dans l’ancienne rédaction n’étaient pas voués intégralement affectés à la formation initiale, soit parce qu’ils n’auraient pas été affectés, soit parce que l’entreprise peut déduire une partie de ses dépenses d’apprentissage de sa contribution au titre du « hors quota ». Au total donc, là où le « hors quota » représentait à peu près 430 millions d’euros dans le système en vigueur, il devrait, dans le nouveau système, avoir un rendement de 466 millions d’euros. Il n’y a donc pas de pertes.

Quant aux établissements à but lucratif, leur mention avait disparu de la rédaction précédente, mais ils font bien partie des bénéficiaires selon le droit en vigueur, ainsi que  le prévoit l’article L. 6241-9 du code du travail.

J’émets donc un avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement AS1512.

Mme Éricka Bareigts. Comme dans le texte initial, un problème perdure : ainsi que l’indique le III de l’article L. 6131‑1 du code du travail, que nous vous proposions de supprimer par notre précédent sous-amendement, les 13 % du nouveau « hors quota » ne sont pas collectés. Alors quels seront les moyens de contrôler que les employeurs les auront bien dépensés ?

Aujourd’hui, quand un employeur verse sa taxe, il peut indiquer sur le bordereau de collecte qu’il affecte telle ou telle somme à tel ou tel établissement. C’est alors le collecteur qui effectue le versement. Mais si l’employeur n’affecte pas, l’argent n’est pas perdu pour autant car c’est le collecteur qui affecte. Comment cela fonctionnera-t-il dans le nouveau système ?

Par ailleurs, je rappelle que ces 13 % de la taxe sont très inférieurs à l’actuelle fraction « hors quota » de la taxe – 23 % –, qui avait le même usage. J’ai entendu les explications que vous venez de fournir, madame la rapporteure, mais, à nos yeux, ce sont clairement des moyens potentiels en moins pour les formations professionnelles hors apprentissage, en particulier celles des lycées professionnels et technologiques.

Tel est le sens de notre sous-amendement AS1509.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Le fait que les organismes de formation aient un lien direct avec les entreprises à travers le versement direct des contributions peut être incitatif pour les entreprises. C’est en tout cas un souhait exprimé par les organismes de formation.

Pour autant, le versement de cette contribution fera évidemment l’objet d’un contrôle par l’URSSAF, puisque c’est une obligation fiscale. Je suis donc défavorable à ce sous-amendement.

La commission rejette le sous-amendement 1509.

Mme Éricka Bareigts. Aujourd’hui, les OPCA peuvent prendre en charge les dépenses de fonctionnement des établissements d’enseignement privés du second degré à but non lucratif remplissant certaines conditions et qui concourent, par leurs enseignements technologiques et professionnels, à l’insertion des jeunes sans qualification.

Contrairement à la rédaction initiale du projet de loi, vous avez élargi ce dispositif à l’ensemble des établissements d’enseignement privé. Pourquoi avoir procédé à un tel changement ? Notre sous-amendement AS1511 tend à revenir sur cette modification.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Comme je l’ai indiqué précédemment, il s’agit du droit en vigueur. J’émets donc un avis défavorable à ce sous-amendement.

La commission rejette le sous-amendement AS1511.

Puis elle adopte l’amendement AS1480.

L’article 17 est ainsi rédigé.

En conséquence, les amendements AS678 de M. Francis Vercamer, AS551 de Mme Hélène Vainqueur-Christophe, AS1200 de Mme Sarah El Haïry, AS1088 de Mme Éricka Bareigts, AS711 de M. Patrick Hetzel, AS235 de M. Gérard Cherpion, AS21 de M. Dino Cinieri, AS50 de M. Vincent Descoeur, AS163 de Mme Isabelle Valentin, AS288 de M. Paul Christophe, AS618 de M. Joël Aviragnet, AS179 de M. Jean-Carles Grelier, AS192 de M. Sébastien Leclerc, AS345 de Mme Véronique Louwagie, AS349 de M. Christophe Bouillon, AS623 de M. Francis Vercamer, AS387 de M. Patrick Hetzel, AS233 de M. Gérard Cherpion, AS409 de M. Bernard Perrut, AS839 de Mme Éricka Bareigts, AS1017 de Mme Fiona Lazaar, AS900 de M. Pierre Dharréville, AS710 de M. Patrick Hetzel, AS1093 de Mme Éricka Bareigts, AS180 de M. Jean-Carles Grelier, AS214 de M. Sébastien Leclerc, AS350 de M. Christophe Bouillon, AS1282 de M. Francis Vercamer, AS1284 de Mme Véronique Louwagie, AS389 de M. Patrick Hetzel, AS704 de M. Jean-François Mbaye, AS1378 de M. Cyrille IsaacSibille, AS1381 de M. Gérard Cherpion, AS431 de M. Didier Baichère, AS511 de M. Guillaume Chiche, AS451 de Mme Justine Benin, AS1191 de M. Jean-Bernard Sempastous, AS330 et AS234 de M. Gérard Cherpion, AS1095 de Mme Éricka Bareigts, AS182 de M. Jean-Carles Grelier, AS220 de M. Sébastien Leclerc, AS351 de M. Christophe Bouillon, AS1283 de M. Francis Vercamer, AS1285 de Mme Véronique Louwagie, AS388 de M. Patrick Hetzel, AS452 de Mme Justine Benin, AS1189 de M. Jean-Bernard Sempastous, AS331 de M. Gérard Cherpion, AS887 de M. Yves Jégo, AS450 de Mme Justine Benin et AS1096 de Mme Éricka Bareigts tombent.

Article 18
Contribution unique à la formation professionnelle et à l’apprentissage

La commission est saisie de l’amendement AS236 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Le législateur a relevé que l’accès des salariés des petites et moyennes entreprises à la formation professionnelle demeure insuffisant. En ce sens, le présent projet de loi propose une définition de l’action de formation modernisée, un plan de formation rénové ainsi qu’une mutualisation financière spécifique.

Or, le projet de loi prévoit que pourront seules bénéficier de ces fonds les entreprises d’une taille inférieure à 50 salariés. Ce faisant, le projet de loi crée un nouveau seuil particulièrement pénalisant pour les PME de 50 à 300 salariés, dont les problématiques de mise en œuvre de la formation sont similaires, sans omettre les effets négatifs sur la formation et la sécurisation des parcours professionnels des salariés concernés.

Le présent amendement propose en conséquence de relever ce seuil à 300 salariés.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Je vous suggère de retirer cet amendement, au profit d’un autre ayant pour objet de supprimer le plafond.

M. Gérard Cherpion. Je préfère le maintenir.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AS1143 de M. Sylvain Maillard.

M. Sylvain Maillard. Les salariés intermittents du spectacle sont une catégorie spécifique de salariés, et le code du travail prévoit une protection sociale particulière de ceux-ci en raison de leur situation spécifique d’emploi – notamment en ce qui concerne l’assurance chômage et la formation professionnelle. La formation représente un élément fondamental de la sécurisation de leurs parcours professionnels tant en termes de maintien dans l’emploi que de développement des compétences. Outre l’accès à une offre certifiante, les salariés intermittents du spectacle ont besoin de mobiliser des formations métiers, plus courtes et non certifiantes et donc non couvertes par l’objet du CPF.

La situation des salariés intermittents du spectacle se caractérise par l’absence de lien durable avec leurs employeurs. La durée moyenne d’un contrat de travail est de 2,7 jours. Ainsi, l’accès à la formation des intermittents au titre du plan de formation s’est toujours réalisé en dehors de l’entreprise par l’intermédiaire de l’OPCA, qui se substitue à l’employeur. Par ailleurs, du fait de ce lien contractuel avec des employeurs multiples et de l’impossibilité de rattacher ces salariés à une catégorie de taille d’entreprise, les contributions finançant les dispositifs de formation des intermittents sont collectées sans considération du seuil d’effectif de l’entreprise, dès le premier salarié intermittent.

Ainsi, la notion d’aide au développement des compétences au bénéfice des entreprises de moins de 50 salariés n’apparaît pas adaptée à la situation de l’intermittent du spectacle, car c’est bien l’action de formation de la personne qui est financée par l’OPCA et non une aide apportée à l’employeur de cette personne. Plus encore, le maintien de cette terminologie supposerait une mutualisation comptable au sein d’une même section financière avec les salariés permanents des entreprises, alors même que les cotisations des intermittents ont vocation à être spécifiques et dédiées à cette population.

Ainsi, il est proposé de rebaptiser cette catégorie : « aide au développement des compétences ». Les sommes seraient reversées à l’opérateur de compétences pour permettre de financer les actions de formation des intermittents du spectacle.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Je suis favorable à cet amendement qui tient compte de la spécificité du statut des intermittents.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS1370, AS1371, AS1372, AS1384, AS1373, AS1374, AS1375, AS1376, AS1377 et AS1448 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 18 modifié.

Après l’article 18

La commission est saisie des amendements AS560 et AS561 de Mme Hélène Vainqueur-Christophe.

Mme Hélène Vainqueur-Christophe. L’amendement AS560 vise à instaurer un crédit d’impôt formation de 30 % pour les entreprises qui font le choix d’investir dans la formation professionnelle.

Il s’agit d’un dispositif incitatif ayant vocation à encourager cet investissement au caractère stratégique, tant pour l’individu que pour les entreprises françaises alors que la France souffre d’une pénurie des compétences et forme deux fois moins d’actifs que les pays voisins. Or les pays de l’Union européenne en pointe dans la formation ont tous instauré avec succès ce crédit d’impôt pour les entreprises.

Ce mécanisme simple, attractif et lisible est à la main des chefs d’entreprises pour faciliter la montée en compétences de leurs employés. Il consacre la formation professionnelle comme un investissement stratégique indispensable à la croissance, la compétitivité, l’innovation et la survie des entreprises. Il intervient en complément du CPF rénové par la présente loi, afin de faciliter son activation par un maximum d’individus.

Il pèse de manière raisonnable sur les finances publiques au regard des enjeux de croissance et d’attractivité en France liés à son déficit de compétences, et va permettre de capitaliser sur une augmentation à terme du PIB rendue possible par l’augmentation de l’accès à la formation.

Quant à l’amendement AS561, il a pour objet d’instaurer le même crédit d’impôt formation, mais uniquement au profit des entreprises situées dans les territoires ultramarins. Cet amendement de repli se justifie par le tissu économique particulier de l’outre-mer, constitué à 80 % de TPE et de PME, mais aussi par le chiffre croissant du chômage – on compte dans les territoires ultramarins plus de 50 % de jeunes au chômage – et par le nombre d’individus n’ayant pas accès à la formation professionnelle. Le crédit d’impôt proposé vise à inciter les entreprises à permettre à leurs employés de suivre des formations professionnelles.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Je suis défavorable au mécanisme proposé, notamment en raison des effets d’aubaine que ce crédit d’impôt très massif risque de susciter.

La commission rejette successivement les amendements AS560 et AS561.

Article 19
Création des opérateurs de compétences

La commission examine l’amendement AS772 de Mme Caroline Fiat.

M. Adrien Quatennens. L’article 19 entend transformer les organismes paritaires collecteurs agréés en opérateurs de compétences, ce qui pose problème à plusieurs titres.

On observe d’abord un glissement sémantique : si on parle de plus en plus de « compétences », c’est-à-dire de qualités reconnues par certains employeurs, mais n’ouvrant droit à aucune reconnaissance sur le plan national, à l’inverse, la « qualification » est définie par l’État et les syndicats.

Au-delà de l’usage d’un terme libéral pour définir ce que seront les nouveaux opérateurs de compétences, nous observons plusieurs changements de fond susceptibles de causer des difficultés.

Alors que les OPCA peuvent collecter les versements des entreprises donnant lieu à exonération de la taxe d’apprentissage et les reverser aux établissements autorisés à la recevoir, cette mission de collecte risque de leur être retirée. Une future ordonnance aux contours encore flous pourrait définir les modalités de ce transfert de la collecte des contributions pour la formation continue des OPCA vers les URSSAF. Les OPCA devront ainsi se contenter de financer des contrats en alternance.

En mars dernier, un spécialiste de la formation professionnelle, nous alertait à ce sujet dans Le Monde : « La formation professionnelle est fondée sur des règles fixées par la loi, mais aussi sur des obligations conventionnelles – issues d’accords signés par les partenaires sociaux qui prévoient des dispositions spécifiques dans les branches professionnelles (par exemple mutualiser des ressources au profit des TPE-PME). Or les URSSAF ne savent pas gérer ce type de singularités ».

La suppression de certaines missions et la fusion des opérateurs vont, sans aucun doute, entraîner une casse sociale dans un secteur comptant environ 6 000 salariés. Le personnel et les syndicats de ces opérateurs sont très inquiets : certains redoutent la perte de la moitié de leurs postes.

Enfin, les regroupements doivent avoir lieu autour des champs professionnels et des filières économiques, sans quoi l’État ne délivrera pas d’agrément et l’autorité administrative pourra désigner elle-même l’opérateur agréé. L’État s’arroge ainsi le pouvoir de définir les critères de constitution des opérateurs de compétences, dans la mesure où un décret en Conseil d’État va déterminer les conditions d’application du chapitre en question, ainsi que les règles relatives à la constitution, aux attributions, au fonctionnement des opérateurs de compétences.

Nous ne voulons pas de ce grand chamboulement, qui n’apporte aucune avancée. À l’extrême opposé de la vision individualiste de ce texte de loi, qui passe par la destruction des OPCA, nous proposons un véritable service public de la formation professionnelle, associant l’État et les représentants des salariés.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Pour ma part, je me félicite de voir les opérateurs de compétences renforcés dans leurs missions de service et de conseil, et j’émets donc un avis défavorable à cet amendement.

M. Sylvain Maillard. M. Quatennens nous brosse un tableau apocalyptique qui n’a pas grand-chose à voir avec ce qui est prévu par l’article 19, à savoir des opérateurs qui vont se concentrer sur leur vrai travail, consistant à apporter du conseil aux entreprises et aux salariés : réjouissons-nous de les voir pleinement mobilisés pour accomplir cette mission qui représente l’essentiel de la valeur ajoutée !

Pour ce qui est de la collecte, qui est assez simple à organiser, l’objectif de la réforme proposée n’est pas de se livrer à la casse sociale, mais de permettre aux personnes concernées de se concentrer sur l’aspect le plus important de leur travail. De ce point de vue, nous pensons que la transformation des OPCA en opérateurs de compétences va permettre à ceux-ci d’avoir une vision plus transversale et d’être plus à l’écoute des nouveaux métiers qui sont amenés à apparaître au cours des prochaines années.

M. Adrien Quatennens. Nos interventions respectives montrent bien le désaccord qui nous sépare : vous m’accusez de dresser un tableau apocalyptique de la situation mais, de votre côté, vous nous gratifiez de votre habituel verbiage libéral ! Pour ma part, je reste convaincu que nous avons besoin d’un service public de la formation professionnelle associant les différents acteurs.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS998 de Mme Michèle de Vaucouleurs.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Le projet de loi introduit le financement au contrat des contrats d’apprentissage, ce qui représente un véritable bouleversement. Ce financement sera assuré par des opérateurs de compétences selon un coût fixé par les branches. Cependant, nous estimons qu’un coût de contrat unique par branche ne permet pas de prendre en compte les différences de qualité existant entre les CFA. Ceux-ci ne sont pas uniformes, et l’accompagnement qu’ils proposent, notamment aux apprentis, pour faciliter leur insertion professionnelle, ainsi que les innovations pédagogiques dont ils font preuve, ne sont pas partout du même niveau.

Nous proposons donc, avec l’amendement AS998, que la fixation des niveaux de prise en charge par les branches puisse se faire dans le cadre d’une fourchette, selon des limites fixées par décret et en tenant compte de critères précis – l’insertion professionnelle des apprentis sur le territoire national et le bassin d’emploi, le taux de réussite aux examens, le taux de rupture des contrats et le taux de rupture en cours de formation, le taux de poursuite des études. Ces critères nous semblent valoriser les CFA, qui accompagnent leurs apprentis vers l’emploi ou la poursuite d’études. La fixation des niveaux de prise en charge par les branches dans le cadre d’une fourchette leur permettrait de continuer à œuvrer en ce sens.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Plusieurs amendements à l’article 19 cherchent à fixer le coût au contrat dans la loi, ce à quoi je suis opposée. Nous devons en effet veiller à conserver une certaine souplesse au dispositif, compte tenu de l’ampleur du changement apporté. Sans doute quelques ajustements seront-ils nécessaires dans les premiers temps, c’est pourquoi il faut éviter de figer les choses dans la loi.

Par ailleurs, il est à noter qu’actuellement, la loi ne fixe pas le coût des contrats de professionnalisation, ce qui ne pose aucun problème.

Je suis donc défavorable à cet amendement, comme je le serai à tous ceux visant à fixer trop précocement ce que nous devons mettre dans le coût au contrat.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AS684 de M. Francis Vercamer.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Cet amendement est lié à l’amendement AS682 que nous avons présenté à l’article 16, précisant que France Compétences avait notamment pour mission d’assurer le financement des actions de formation pour les filières professionnelles émergentes. Il s’agit ici d’appliquer la même logique aux opérateurs de compétences, dont le périmètre d’action doit également prendre en compte les besoins de ces filières nouvelles.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Avis défavorable : j’estime que nous devons veiller à ce que les opérateurs de compétences se concentrent sur leurs missions principales, afin de rester aussi performants que possible.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS1467 du Gouvernement.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Cet amendement de coordination a pour objet de supprimer l’alinéa 8 de l’article 19, en cohérence avec les modifications apportées relatives au financement et à la gestion du projet de transition professionnelle et la création de commissions paritaires régionales, qui seront chargées de la gestion du CPF de transition professionnelle. Il s’agit donc de retirer la mission de gestion du CPF de transition professionnelle aux opérateurs de compétences, et à mettre fin à la délégation de fonds qui permettait le financement de ces projets.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements AS1072 et AS457 tombent.

La commission examine l’amendement AS1036 de la rapporteure.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. L’amendement AS1036 vise à énoncer clairement l’intérêt que pourrait avoir une politique active de promotion, par les opérateurs de compétences, de la formation à distance (FOAD) et de la formation en situation de travail (FEST) – deux nouvelles modalités pédagogiques reconnues par l’article 4 du projet de loi – dans les entreprises de moins de 50 salariés qui ne connaissent pas toujours tous les dispositifs existants.

La commission adopte l’amendement.

Elle est saisie des amendements identiques AS466 de Mme Justine Benin et AS565 de Mme Hélène Vainqueur-Christophe.

Mme Justine Benin. Actuellement, certains OPCA bénéficient également d’un agrément en qualité d’OPACIF et, à ce titre, sont des opérateurs du conseil en évolution professionnelle depuis le 1er janvier 2015.

Pendant ces plus de trois années, ils ont développé une réelle expertise dans l’accompagnement des salariés de leurs entreprises adhérentes, et disposent désormais d’équipes aguerries et d’outils performants pour appuyer les démarches des bénéficiaires de CEP.

Afin que cette capacité d’accompagnement spécifique ne soit pas perdue et qu’ils puissent répondre aux projets d’appels d’offres régionaux qui seront lancés par France Compétences, il est proposé de compléter la liste des missions des opérateurs de compétences en y ajoutant, sur option de leur part, la mission de conseil en évolution professionnelle. Tel est l’objet de l’amendement AS466.

Mme Hélène Vainqueur-Christophe. L’amendement AS565, identique à celui que vient de présenter Mme Benin, vise à compléter la liste des missions des opérateurs de compétences en y ajoutant, sur option de leur part – donc de façon facultative –, la mission de conseil en évolution professionnelle. Depuis 2015, de nombreux OPCA ont développé, notamment en Guadeloupe, cette expertise dans l’accompagnement des salariés dans le cadre de divers dispositifs, tel celui des emplois d’avenir. L’amendement AS565 vise à ce que cette capacité d’accompagnement spécifique ne soit pas perdue, et que ces opérateurs, en nombre insuffisant sur nos territoires, soient en mesure de répondre aux projets d’appels d’offres régionaux qui seront lancés par France Compétences.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Le CEP est soumis à appel d’offres, et vos amendements anticipent sur celui qui doit être lancé par France Compétences. J’y suis donc défavorable.

La commission rejette ces amendements.

Elle examine l’amendement AS458 de Mme Justine Benin.

Mme Justine Benin. Depuis le 1er juillet 2014, les structures d’insertion par l’activité économique (SIAE) utilisent exclusivement le contrat à durée déterminée d’insertion (CDDI). Les salariés en insertion sont toutefois constamment confrontés à l’extrême tension qui existe sur les disponibilités financières réglementairement mobilisables pour accompagner leurs projets de formation. Dans ce contexte, la réforme de la formation professionnelle de 2014 a été un levier bienvenu grâce à l’ouverture de la « période de professionnalisation » aux salariés en CDDI.

Dès lors, l’ensemble des structures de l’insertion par l’activité économique (IAE) sont montées au créneau pour demander la prise en charge par les opérateurs de compétences, sur la section financière consacrée à l’alternance, des formations certifiantes suivies par les salariés en CDDI.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Si le dispositif de l’IAE mérite effectivement d’être soutenu, ce que vous proposez ne me paraît pas répondre aux contraintes qui lui sont propres. Je suis donc défavorable à votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AS1379 de la rapporteure.

Elle est saisie de l’amendement AS467 de Mme Justine Benin.

Mme Justine Benin. Comme l’indiquait encore récemment Mme la ministre du travail devant l’Association des journalistes de l’information sociale (AJIS), ce n’est pas toujours un manque de ressources financières qui entrave le développement de la formation professionnelle, notamment dans les petites et moyennes entreprises ou pour les actifs les moins qualifiés. En réalité, ce sont souvent des freins périphériques qui entravent les départs en formation et, plus généralement, le développement des compétences.

Des branches professionnelles et des entreprises entendent se mobiliser pour lever ces freins à la formation et à l’emploi et donner ainsi à leurs salariés une meilleure maîtrise de leur devenir professionnel. Dès lors, il est proposé d’élargir l’objet de ces contributions supplémentaires.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Il me semble nécessaire de conserver le périmètre actuel des formations finançables par les opérateurs de compétences. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AS562 de Mme Hélène Vainqueur-Christophe.

Mme Hélène Vainqueur-Christophe. Par cet amendement, il s’agit d’élargir l’objet des contributions supplémentaires conventionnelles ou volontaires que peuvent collecter et gérer les futurs opérateurs de compétences, en permettant le renforcement des moyens à disposition des entreprises en faveur d’actions en lien avec le développement des compétences, et plus généralement de l’emploi.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Avis défavorable, pour les mêmes raisons.

La commission rejette l’amendement.

L’amendement AS237 de M. Gérard Cherpion est retiré.

La commission examine l’amendement AS1491 du Gouvernement.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. En cohérence avec la création de commissions paritaires régionales, cet amendement de coordination vise à supprimer la mission de gestion du CPF de transition professionnelle aux opérateurs de compétences, et à mettre fin à la délégation des fonds qui permettaient le financement de ces projets.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement AS1483 de coordination de la rapporteure.

Elle est saisie des amendements identiques AS563 de Mme Hélène Vainqueur-Christophe et AS1052 de Mme Christelle Dubos.

Mme Hélène Vainqueur-Christophe. Le présent projet de loi supprimant la période de professionnalisation, il nous apparaît nécessaire d’offrir de nouveaux moyens contribuant à la sécurisation effective des parcours professionnels des contrats à durée déterminée d’insertion en leur dédiant un financement pérenne.

Nous proposons donc, par l’amendement AS563, de permettre la prise en charge par les opérateurs de compétences, sur la section financière consacrée à l’alternance, des formations certifiantes suivies par les salariés en CDDI.

Mme Graziella Melchior. L’amendement AS1052 est défendu.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Avis défavorable.

La commission rejette ces amendements.

Elle examine l’amendement AS878 de Mme Justine Benin.

Mme Justine Benin. L’amendement AS878 est défendu.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS564 de Mme Hélène Vainqueur-Christophe.

Mme Hélène Vainqueur-Christophe. Comme pour l’amendement AS547 présenté à l’article 16, il s’agit avec l’amendement AS564 de rendre publique la convention triennale passée entre l’État et chacun des opérateurs de compétences, dans un souci de transparence.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Je trouve le principe intéressant pour renforcer la culture de la performance chez les opérateurs de compétences, et émets donc un avis favorable à cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AS334 de M. Gérard Cherpion.

M. Stéphane Viry. Le projet de loi instaure une solidarité entre les grandes entreprises et les TPME, mais seules celles dont l’effectif est inférieur à 50 salariés pourront bénéficier d’une prise en charge des formations au titre de leur plan de développement des compétences.

Or, cela ne fait que renforcer la brutalité du seuil de 50 salariés : le présent amendement propose donc d’ouvrir l’accès aux financements mutualisés qui n’auraient pas été engagés au 31 décembre de l’année précédente au profit des entreprises de moins de 50 salariés, afin de favoriser la montée en compétence de leurs salariés.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie des amendements AS335 et AS336 de M. Gérard Cherpion.

M. Stéphane Viry. Le projet de loi transfère le recouvrement de la collecte « légale » – soit la contribution unique – aux URSSAF, mais les futurs opérateurs de compétences continueront à collecter les contributions complémentaires des entreprises, à savoir les versements conventionnels et volontaires, qui s’élèvent actuellement à une somme assez conséquente.

Or, si le projet de loi autorise toujours cette collecte, il ne prévoit pas de section financière pour assurer sa mobilisation par les entreprises. Il convient donc de réparer cet oubli, d’autant plus que le Gouvernement attend des entreprises une logique d’investissement vers la formation professionnelle basée sur le volontariat. Tel est l’objet de l’amendement AS335.

Par ailleurs, le projet de loi maintient des financements mutualisés au profit des TPME de moins de 50 salariés, qui bénéficieront désormais d’une péréquation pour financer leur plan de développement des compétences.

Toutefois, le projet de loi supprime la sous-section financière qui réceptionne actuellement les fonds des OPCA pour le financement du plan de formation des TPE de moins de 11 salariés et regroupe l’ensemble des entreprises de moins de 50 salariés au sein d’une seule section financière : pour éviter que les financements échappent aux TPE, il est proposé avec l’amendement AS336 de rétablir la sous-section financière qui leur est actuellement réservée.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Mon avis portera également sur l’amendement AS334, sur lequel j’ai peut-être été un peu trop concise précédemment.

Le choix que nous avons fait de concentrer les moyens sur les entreprises moins de 50 salariés se justifiait par notre volonté de permettre aux opérateurs de compétences de consacrer tous leurs efforts d’accompagnement sur ces entreprises : c’est pourquoi je ne suis pas favorable à ce que les excédents soient redistribués aux PME de plus de 50 salariés – étant précisé que ces excédents reviennent à France Compétences et ne sont donc pas perdus pour la formation professionnelle.

Pour ce qui est des amendements AS335 et AS336, la question évoquée ne pose pas de problème sur le plan technique, la détermination des sections financières dans la loi n’empêchant pas les opérateurs de gérer les contributions volontaires. Je suis donc également défavorable à ces deux amendements.

La commission rejette successivement les amendements AS335 et AS336.

Elle examine l’amendement AS1054 de Mme Christelle Dubos.

Mme Graziella Melchior. Depuis le 1er juillet 2014, les structures d’insertion par l’activité économique utilisent exclusivement le contrat à durée déterminée d’insertion (CDDI), un contrat de travail approchant le droit commun, dans leurs relations contractuelles avec les salariés en insertion. Ces contrats permettent un accompagnement ajusté aux besoins de la personne, tant sur la durée du contrat que sur la souplesse des horaires, ce qui permet de s’adapter au mieux aux capacités des bénéficiaires.

Les salariés en insertion sont toutefois constamment confrontés à l’extrême tension qui existe sur les disponibilités financières réglementairement mobilisables pour accompagner leurs projets de formation. Or, le modèle des SIAE intègre la mise en œuvre de formations au profit des salariés en insertion, celles étant réalisées en interne – en situation de travail – ou en externe dans des organismes de formation – formations théoriques et pratiques. Ces formations, aujourd’hui financées par les OPCA, visent notamment la validation de formations certifiantes en lien avec les attentes du marché du travail, et participent ainsi à un renforcement de leur employabilité.

Ainsi, le modèle pédagogique effectivement mis en œuvre dans les SIAE correspond bien à une alternance de formations pratiques et de formations théoriques en situation de travail. De plus, l’accompagnement proposé dans ces structures s’apparente à un tutorat notamment pour ce qui est l’acquisition des compétences professionnelles nécessaires à l’exercice d’un métier.

Dès lors, il est justifié de proposer de permettre la prise en charge par les opérateurs de compétences, sur la section financière consacrée à l’alternance, des formations certifiantes suivies par les salariés en CDDI, afin de leur offrir un moyen de financement pérenne.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Je comprends votre préoccupation mais, comme je l’ai dit tout à l’heure, les dispositifs proposés ne répondent pas aux contraintes de l’IAE, c’est pourquoi j’émets un avis défavorable.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. L’insertion par l’économique est globalement une réussite, en ce qu’elle permet à des personnes très éloignées du monde du travail de disposer d’un marchepied pour y accéder en deux étapes : ces personnes sont placées dans un environnement de travail, tout en bénéficiant d’un accompagnement et d’une formation. Le diagnostic que nous avons établi avec le Conseil national de l’insertion par l’activité économique (CNIAE) et les acteurs de terrain, c’est qu’aujourd’hui, la partie « formation » du dispositif est insuffisamment développée au sein du triptyque constitué par une situation de travail, un accompagnement personnalisé – permettant de répondre aux problèmes que les publics visés rencontrent généralement dans différents domaines, notamment la santé, le logement, l’emploi et la formation – et de la formation.

On rencontre deux cas de figure. Soit la formation est qualifiante, et tous les dispositifs de droit commun que nous évoquons depuis trois jours fonctionnent. Soit il s’agit de formations assez courtes – c’est le cas le plus fréquent – et les OPCA ont tendance à considérer que les personnes titulaires d’un CDDI ne sont pas prioritaires pour accéder à ces formations – alors qu’étant salariées, ces personnes se voient également refuser le bénéfice des financements réservés aux demandeurs d’emploi !

Pour y remédier, nous avons pris deux types de mesures. Premièrement, en début de semaine, j’ai signé avec tous les grands réseaux d’insertion par l’économique et les OPCA un accord visant à ce que ces derniers – qui seront demain les opérateurs de compétences – puissent bénéficier de financements destinés à la formation.

Deuxièmement, dans le cadre du plan d’investissement dans les compétences, j’ai prévu une enveloppe importante pour développer le volet formation de l’insertion par l’économique.

Comme vous le voyez, il ne s’agit pas de mesures de nature législative, mais de nature pratique et opérationnelle, visant à développer le volet formation et à faire en sorte que l’insertion économique permette aux personnes en bénéficiant de progresser sur le plan de l’estime de soi, de la prise de confiance et de la réacclimatation aux situations de travail, tout en suivant une formation qualifiante.

Mme Graziella Melchior. Madame la ministre, je vous remercie d’avoir entendu mon appel et d’y répondre. Je retire mon amendement.

L’amendement AS1054 est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AS999 de Mme Michèle de Vaucouleurs.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Cet amendement vise à garantir par la loi que les opérateurs de compétences assureront une prise en charge totale du coût de la formation du contrat d’apprentissage pour les entreprises de moins de 50 salariés, à défaut de dispositions spécifiques prévues par les accords de branche. Ces entreprises constituent un vivier important de recrutement, et ne pas leur assurer une prise en charge totale, c’est-à-dire un « reste à charge » égal à zéro, peut avoir pour conséquence de refréner les embauches. Il est essentiel de créer un effet d’entraînement positif et un environnement sécurisant pour ces entreprises, afin d’assurer la réussite de cette réforme, dont l’un des objectifs majeurs est bien d’augmenter le nombre d’apprentis de manière importante.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Il me paraît nécessaire de conserver une limite à la prise en charge du coût des formations : à défaut, les opérateurs de compétences se retrouveraient à devoir financer des formations pouvant être très chères, sans que les entreprises soient responsabilisées.

Par ailleurs, la notion de prise en charge totale n’a pas vraiment de sens au plan pratique, puisque précisément tout dépend des critères de prise en charge, et que tout passe par le coût au contrat. À mon sens, l’argent doit plutôt aller au développement quantitatif des contrats.

Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable à cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AS337 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. De nombreuses incertitudes pèsent sur la fixation du coût unique du contrat d’alternance par les branches : on sait que la fixation de ce coût se fera avec l’appui des opérateurs de compétences et dans le cadre des recommandations de France Compétences.

En revanche, on ne connaît pas à ce stade le champ des dépenses qui seront effectivement couvertes pour chaque contrat, c’est pourquoi cet amendement propose d’y inclure l’ensemble des postes de dépenses relativement prévisibles – ingénierie, fonctionnement et accompagnement.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Avis défavorable.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Nous sommes en train de travailler, avec les régions, les partenaires sociaux, les maisons familiales rurales (MFR) et l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA), sur ce que nous inclurons dans le coût au contrat. Cependant, le fait de dresser une liste présente un inconvénient, celui de figer les choses, alors que la discussion aurait vocation à les faire évoluer. Si je n’ai aucune objection de fond sur ce que vous proposez, il ne me paraît pas opportun de le faire figurer dès maintenant dans la loi, alors que nous avons prévu d’agir de manière plus souple, en prenant des décrets. Par exemple, si nous avions établi une liste il y a deux ans, nous n’aurions jamais pensé à y intégrer la mobilité internationale, qui a pourtant vocation à y figurer. J’émets donc un avis défavorable à cet amendement.

M. Gérard Cherpion. Mon amendement était avant tout un amendement d’appel afin de savoir comment vous envisagiez les choses, madame la ministre. Vous avez répondu à mon interrogation et je retire donc mon amendement.

L’amendement AS337 est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AS1004 de M. Francis Vercamer.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Compte tenu des explications que vient de donner Mme la ministre, je retire mon amendement.

L’amendement AS1004 est retiré.

La commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements AS536 de Mme Barbara Bessot Ballot et AS240 de M. Stéphane Viry.

Mme Barbara Bessot Ballot. Les coûts affichés par les CFA sont très différents pour une même formation. Si on ne les couvre pas, il risque d’y avoir une perte de qualité dans les formations assurées et dans l’accompagnement des jeunes et des entreprises. Dans ces conditions, l’amendement AS536 vise à moduler la prise en charge selon des critères qualitatifs, en tenant compte de la situation géographique des CFA et des taux d’obtention des diplômes ou des titres professionnels, de poursuite des parcours en formation et d’insertion professionnelle, dans des conditions déterminées par un décret.

M. Stéphane Viry. Les opérateurs de compétences auront pour mission d’assurer le financement des CFA selon des niveaux de prise en charge fixés par les branches professionnelles. Le coût sera ainsi le même pour tous les diplômes sur l’ensemble du territoire, en fonction des priorités et des besoins des entreprises – c’est la philosophie de ce projet de loi. Nous craignons que cette disposition ne méconnaisse la réalité et la diversité de l’apprentissage et des coûts de formation dans l’enseignement supérieur. Si les CFA affichent parfois des coûts très différents pour une même formation, cette variation s’explique objectivement par la grande variété des prestations offertes. Certains établissements proposent, par exemple, des formations de haute qualité qui font appel à des pratiques pédagogiques innovantes et comprennent un accompagnement et un suivi personnels en matière d’insertion professionnelle. Afin de préserver la qualité des formations, l’existence d’un accompagnement personnalisé et le développement de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur, l’amendement AS240 introduit plusieurs critères de modulation des coûts.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette successivement ces amendements.

Puis elle est saisie de l’amendement AS238 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Par cet amendement, je vous propose de supprimer les mots suivants à l’alinéa 68 : « visant à financer les équipements ». L’article L. 6332-14 du code du travail précise les dépenses que l’opérateur de compétences peut prendre en charge au titre du financement de l’alternance. Avec cet amendement, toutes les dépenses d’investissement nécessaires à la réalisation des formations seront éligibles. Comme vous l’avez dit tout à l’heure, madame la ministre, il ne faut pas se limiter au financement des équipements.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, l’amendement de coordination AS1484 de la rapporteure et les amendements identiques AS453 de Mme Justine Benin et AS553 de Mme Charlotte Lecocq.

Mme Justine Benin. L’amendement AS453 vise à pérenniser le financement de la formation des bénéficiaires de la préparation opérationnelle à l’emploi, qui permet à un jeune ou à un demandeur d’emploi d’acquérir les prérequis lui faisant défaut pour répondre à une offre d’emploi. Ce dispositif bénéficie d’un taux de retour à l’emploi de plus de 70 %, et il convient d’assurer son financement.

Mme Charlotte Lecocq. L’amendement AS553 concerne également la préparation opérationnelle à l’emploi. Ce dispositif permet de lever un frein pour les petites entreprises : la formation d’une personne nouvellement embauchée représente un investissement important pour elles.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Laissons le budget « alternance » financer l’alternance. La préparation opérationnelle à l’emploi est prise en charge par Pôle emploi. J’émets donc un avis défavorable.

Les amendements AS453 et AS553 sont retirés.

L’amendement AS184 est adopté.

Puis la commission en vient à l’amendement AS1074 de Mme Frédérique Lardet.

Mme Élisabeth Toutut-Picard. Cet amendement vise à remédier à un oubli dans le projet de loi : il est prévu que les opérateurs de compétences pourront conclure des conventions cadres de coopération avec l’État, mais la question du financement est laissée de côté. L’article L. 6332-1 du code du travail prévoit ainsi des conventions cadres ayant pour objet la « participation à l’amélioration et à la promotion des formations technologiques et professionnelles initiales, notamment l’apprentissage, ainsi que la promotion des métiers ». Nous proposons de faire appel à la contribution unique dédiée à l’alternance.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Le texte n’est pas limitatif et il n’y a pas lieu d’intégrer de telles dépenses parmi celles qui sont obligatoires. Par conséquent, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS1333 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. L’article 8 du projet de loi doit permettre l’embauche d’apprentis tout au long de l’année, d’une manière moins contrainte que si l’on suit le rythme scolaire. Néanmoins, il supprime une disposition permettant aux jeunes de commencer un cycle de formation en amont de la conclusion d’un contrat d’apprentissage et de bénéficier, pendant une durée limitée à trois mois, du statut protecteur de stagiaire de la formation professionnelle et de l’assistance d’un centre de formation d’apprentis (CFA) pour la recherche d’un employeur. Notre amendement vise à rétablir cette possibilité, qui va dans le sens d’une augmentation du nombre d’apprentis.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Nous avons déjà abordé ce sujet lorsque nous avons examiné les dispositions relatives à l’apprentissage. J’émets un avis défavorable.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Vous avez adopté hier une disposition relative aux prépas-apprentissage qui permettra à des jeunes d’aller dans des CFA pour découvrir les métiers et apprendre les codes de l’entreprise. Je pense donc que votre demande est déjà satisfaite.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. On pourra bénéficier d’un contrat d’apprentissage à tout moment de l’année et les passerelles avec les lycées professionnels seront facilitées. En revanche, nous avons rejeté hier l’idée selon laquelle on pourrait entrer en CFA sans avoir au préalable un contrat.

M. Gérard Cherpion. L’amendement ne concerne pas exclusivement les jeunes ayant moins de 16 ans. Outre le cas de figure que vous venez de décrire, il existe des jeunes de plus de 16 ans qui ne sont pas intégrés dans le système scolaire et n’ont pas de contrat d’apprentissage, mais souhaitent bénéficier d’une formation de ce type.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Il y aura, d’une part, des prépas-métiers en classe de troisième pour des jeunes d’âge scolaire et, d’autre part, des prépas-apprentissage pour ceux de plus de 16 ans, dans le cadre des CFA – on peut avoir quitté l’école sans avoir trouvé un apprentissage, sans savoir quel métier choisir et sans bien connaître les codes de comportement en entreprise. Il sera possible d’aller en prépa-apprentissage à 20 ou 22 ans.

M. Gérard Cherpion. Je retire l’amendement, mais je le redéposerai en séance.

L’amendement AS1333 est retiré.

La commission est ensuite saisie de l’amendement AS1474 du Gouvernement.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Cet amendement de cohérence est relatif aux contrats d’apprentissage rompus de manière anticipée. Les dispositions adoptées à l’article 9 du projet de loi précisent les différents cas de rupture et permettent le maintien en CFA des jeunes concernés pendant une période pouvant aller jusqu’à six mois. Il convient également de prévoir, dans les missions des opérateurs de compétences, la possibilité de prendre en charge les actions mises en œuvre après la rupture anticipée d’un contrat d’apprentissage. Si le jeune passe alors quelques mois dans un CFA pour continuer sa formation, il faut que l’opérateur de compétences soit habilité à le prendre en charge. J’ai répondu hier qu’il n’y avait pas d’ambiguïté sur ce point, mais il est quand même préférable d’apporter cette précision.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

 

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1382 de la rapporteure.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS1077 de Mme Frédérique Lardet.

Mme Élisabeth Toutut-Picard. Cet amendement vise, à nouveau, à pérenniser le financement de la formation des bénéficiaires de la préparation opérationnelle à l’emploi, pour les raisons que j’ai déjà exposées.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Comme précédemment, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS455 de Mme Justine Benin.

Mme Justine Benin. Il s’agit, une fois encore, de remédier à un oubli du projet de loi : il permet aux opérateurs de compétences de conclure des conventions cadres de coopération avec l’État, mais omet la question du financement. Au regard de l’objet de ces conventions, nous proposons que le financement soit assis sur la contribution unique pour l’alternance.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Même réponse que tout à l’heure : mon avis est défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine les amendements identiques AS1056 de Mme Christelle Dubos et AS1344 de Mme Carole Grandjean.

Mme Graziella Melchior. L’amendement AS1056 vise à rendre éligibles au financement prévu pour l’alternance les actions de formation des salariés entrant dans le cadre de l’insertion par l’activité économique, ce qui permettra aux structures concernées d’accéder à des financements à la hauteur de leurs besoins et de leurs capacités. Cette disposition contribuera à reconnaître que l’insertion par l’activité économique constitue, dans son fonctionnement actuel, une forme d’alternance adaptée pour les personnes très éloignées de l’emploi. Je retire néanmoins l’amendement afin de le retravailler d’ici à la séance publique.

M. Sylvain Maillard. Mme Melchior a parfaitement expliqué l’objet de ces amendements identiques. Nous avons également besoin de davantage de temps pour travailler sur notre amendement AS1344, qui n’est pas pleinement abouti.

Les amendements AE1056 et AS1344 sont retirés.

La commission adopte ensuite l’amendement de coordination AS1383 de la rapporteure.

Puis elle est saisie de l’amendement AS1492 du Gouvernement.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. C’est encore un amendement de coordination, qui vise notamment à tenir compte de la création de commissions paritaires régionales.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS1078 de Mme Éricka Bareigts.

Mme Éricka Bareigts. Comme j’ai déjà eu l’occasion d’évoquer cet amendement, je n’y reviens pas en détail.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Elle en vient ensuite à l’amendement AS448 de Mme Justine Benin.

Mme Justine Benin. Je retire cet amendement : il me semble qu’il est satisfait par l’article 17 tel que nous l’avons adopté.

L’amendement AS448 est retiré.

Puis la commission examine l’amendement AS1493 du Gouvernement.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Il s’agit, à nouveau, d’un amendement de coordination, relatif au CPF de transition professionnelle.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS1228 du Gouvernement.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Je vous propose de réviser le calendrier prévu pour la création des nouveaux opérateurs de compétences. Le but est d’avoir défini leur périmètre au 1er janvier 2019, ce qui ne signifie pas qu’ils devront être opérationnels à 100 % dans ce format : il y a aura encore une année pour réaliser la transition. Néanmoins, on doit accélérer le calendrier, sans quoi ces acteurs ne pourront pas aider les branches à définir les coûts des contrats, ce qui constituerait un handicap pour la mise en œuvre de la réforme de l’apprentissage en 2020 – tous les systèmes doivent être en place à ce moment-là.

Afin d’aider à la reconfiguration des périmètres et d’objectiver les rapprochements, j’ai confié hier une mission à Jean-Marie Marx, président du Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (CNEFOP), et à René Bagorski, président de l’Association française de réflexion et d’échange sur la formation (AFREF), qui me proposeront différents scénarios dans le cadre d’un échange avec les professions, avant la fin du mois d’août. Nous aurons ensuite quelques mois pour nous assurer qu’une carte des opérateurs de compétences voie bien le jour avant la fin 2018, là encore dans le cadre d’un échange. Nous pourrons ainsi démarrer à temps.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. J’émets un avis favorable.

M. Boris Vallaud. Comme vous l’avez souligné, vous n’avez créé qu’hier cette mission. Le calendrier nous paraît très court, et l’amendement comporte une phrase montrant que vous aussi : il est prévu qu’en l’absence de convention de branche transmise à l’autorité administrative au 31 octobre 2018, celle-ci désigne un opérateur de compétences agréé. Je ne suis pas certain que le délai soit suffisant pour permettre aux branches de travailler sérieusement, ce qui renvoie aux discussions que nous avons depuis le début de l’examen du texte. Seules certaines branches seront en mesure de travailler convenablement.

M. Sylvain Maillard. Mon groupe votera évidemment pour cet amendement. La période de transition que nous allons vivre après l’adoption de ce texte, jusqu’au début de l’année 2020, est essentielle à nos yeux, et il est important de gagner du temps comme vous le proposez.

M. Gérard Cherpion. Je crois que le délai sera court et difficile à tenir, mais soit. En revanche, je ne comprends pas bien l’exposé sommaire de l’amendement, qui fait référence à « la date actuellement prévue dans le projet de loi du 15 septembre 2019 » : il doit y avoir un problème de rédaction. Un peu de clarté serait utile pour l’application de la loi.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Cet amendement présente des avantages sous certains angles : il donnera plus de visibilité aux acteurs, qui connaîtront à l’avance leurs interlocuteurs, mais nous nous interrogeons fortement sur la faisabilité du calendrier. La mission d’accompagnement que vous venez de créer nous rassure en partie. Néanmoins, que se passera-t-il si la mission conclut à l’impossibilité de respecter le calendrier prévu ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. De quoi s’agit-il très concrètement ? Vous savez qu’il existe une vingtaine d’organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA), dont beaucoup vont postuler pour devenir opérateurs de compétences : ils connaîtront une mutation de leur métier, puisqu’ils abandonneront la collecte de fonds pour jouer un plus grand rôle en matière d’ingénierie et de conseil, notamment auprès des PME. Des problèmes de périmètre se posent néanmoins. À l’heure actuelle, des entreprises appartenant à un même secteur peuvent relever de trois OPCA différents : dans ces conditions, comment pourrait-il y avoir une véritable gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, une vraie stratégie pour les qualifications de demain et un coût au contrat établi avec l’aide des opérateurs de compétences ? Aujourd’hui, la répartition est davantage liée à la collecte qu’à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Afin que le dispositif soit cohérent et ait du sens, il faudra que le périmètre des futurs opérateurs repose sur des filières professionnelles.

Nous ne partons pas d’une page blanche, car beaucoup d’acteurs ont commencé à réfléchir depuis plusieurs mois. La mission que j’ai créée permettra d’aider à finaliser ces réflexions. Nous ne demandons pas que les changements techniques, administratifs et comptables nécessaires aient lieu au 1er janvier 2019, mais que l’on définisse les périmètres. Il s’agit de déterminer, par exemple, s’il doit y avoir un seul opérateur de compétences pour l’industrie, ou plusieurs, et ce que l’on fait pour l’artisanat. Ce n’est quand même pas très compliqué.

En ce qui concerne les branches, vous savez – puisque vous avez voté cette mesure dans le cadre des lois d’habilitation et de ratification des ordonnances – qu’un processus de rapprochement est engagé : nous sommes désormais autour de 550 branches, alors qu’il y en avait 750 auparavant. Le processus se poursuit : nous arriverons probablement aux environs de 200 branches. Mais ce n’est pas un préalable à la création des opérateurs de compétences, car leur champ est plus large et transversal que celui des branches. De nombreux secteurs sont d’accord pour avoir un opérateur de compétences commun, et il n’est pas nécessaire qu’une négociation collective ait lieu dans le cadre de chaque branche.

La mission que j’ai créée permettra, je l’ai dit, de finaliser les réflexions et de regarder ce qui resterait illogique. Il faut arriver à des périmètres permettant d’assurer une vraie gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Nous sommes un des premiers pays à en avoir inscrit le principe dans la loi, mais nous ne sommes pas les plus en avance pour ce qui est de la mise en œuvre – sur ce sujet comme sur d’autres, d’ailleurs. Dans certains pays européens, les professionnels se sont organisés de manière paritaire pour réfléchir bien davantage que nous à cette question. On doit le faire aussi en France afin d’accompagner les TPE et les PME, par un rapprochement des acteurs ayant des métiers, des filières ou des secteurs en commun, souvent au-delà des branches. Cela constitue un vrai changement : on ne concentrera plus sur la collecte de fonds, mais sur l’avenir des métiers, des salariés et des entreprises.

M. Gérard Cherpion. Merci pour cette démonstration, madame la ministre. Il y avait 120 OPCA il y a une dizaine d’années, c’est-à-dire dans le « vieux monde ». Leur nombre a été ramené à 20. Il était nécessaire de faire ce travail : cela n’a pas forcément été très simple, mais les opérateurs ont fait des efforts. Vous voulez restreindre le nombre des opérateurs de compétences (OPCOM) par rapport à celui des OPCA, mais je pense que le véritable problème, que vous avez souligné, concerne les branches. Si l’on veut un système fort, il faut qu’elles-mêmes le soient. C’est d’ailleurs la faiblesse de ce texte, d’une certaine manière. Certaines branches sont très structurées, mais on ne pourrait pas en citer plus de dix, sur plus de 500. La priorité est de réduire le nombre de branches, afin qu’elles soient plus efficaces. Les OPCOM le seront aussi en conséquence. Je ne suis donc pas sûr que l’on aborde le problème sous le bon angle.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Merci pour votre remarque qui me donne l’occasion de revenir sur ce sujet, que nous devons avoir bien en tête. Dans un jardin à la française, c’est-à-dire de façon théorique, il faudrait que les branches fusionnent dans un premier temps, avant de choisir leur opérateur de compétences. Nous avons déjà accéléré le travail mené avec les branches, dans un cadre paritaire, mais tout ne peut pas se faire du jour au lendemain : il y a, en effet, bien d’autres questions à traiter que la formation.

Vous avez souligné la réforme des OPCA : c’est grâce à elle que la réforme d’aujourd’hui, plus qualitative, va pouvoir avoir lieu – les aspects de gestion ont été traités. Les professionnels se sont mis d’accord depuis des années pour se regrouper quand il s’agit des compétences et de la formation. À titre d’exemple, il y a 17 fédérations professionnelles dans l’agroalimentaire, mais pas de branche, et pourtant il n’y a qu’un OPCA.

Dans d’autres cas de figure, en revanche, un OPCA a été reconnu par la branche ou les branches, mais un certain nombre d’entreprises vont voir ailleurs, pour différentes raisons. Cela signifie qu’il n’y a personne pour aider les branches en matière de gestion prévisionnelle. Ce sera le rôle des futurs opérateurs de compétences.

Nous sommes tous convaincus que l’on ne doit pas faire de la formation pour de la formation, mais pour permettre aux salariés de se préparer aux métiers d’aujourd’hui et de demain, de pouvoir bénéficier de promotions, et aux entreprises d’avoir les compétences dont elles ont besoin. Cela nécessite une réflexion collective sur les métiers et les compétences – on y arrive bien dans certains pays, mais pas encore en France.

Il y a un consensus au sein des branches sur le fait que le périmètre doit être bien plus large que le leur. C’est pour cette raison que nous n’avons pas besoin de conditionner cette réforme à la fusion des branches, qui constitue par ailleurs un objectif. Je crois même que le travail réalisé sur les compétences va aider à réaliser la fusion des branches : comme elles travailleront déjà ensemble sur ce sujet, elles verront qu’elles peuvent le faire aussi sur d’autres questions.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement AS877 de Mme Laëtitia Romeiro Dias est sans objet.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la commission adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS1327 du Gouvernement.

Elle examine ensuite l’amendement AS1326 du Gouvernement.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Cet amendement de cohérence vise à ne pas faire référence à l’année 2020 mais à 2019.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS249 de Mme Élisabeth Toutut-Picard.

Mme Élisabeth Toutut-Picard. Le secteur de l’artisanat est éclaté entre plusieurs OPCA. Mon amendement propose qu’il y ait un seul opérateur de compétences, à savoir le réseau des chambres de métiers. En s’appuyant sur lui, on favorisera une bonne adéquation entre les formations et les besoins des entreprises au niveau local et on évitera la création, coûteuse, de nouvelles structures.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Un tel choix ne me paraît pas relever du législateur. J’émets donc un avis défavorable.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Je pense en effet que le législateur ne doit pas préempter ce sujet. Je me suis rendue hier à l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA) : ce secteur réfléchit à la question, et fera ou non des propositions. Pour être opérateur de compétences, il faudra d’abord candidater – on ne sera pas simplement désigné.

Je saisis cette occasion pour vous faire part d’une nouvelle qui réjouira tous ceux qui veulent le succès de l’apprentissage : l’APCMA a déclaré hier que cette réforme permettrait d’augmenter de 40 % le nombre d’apprentis en ce qui la concerne, soit 60 000 jeunes supplémentaires en formation d’ici à cinq ans. C’est un vrai signe de confiance (Applaudissements).

La commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS1325 du Gouvernement.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Cet amendement de cohérence est relatif au calendrier de création des nouveaux opérateurs de compétences. Il précise que le III de l’article 19 entrera en vigueur dès la promulgation de la loi.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 19 modifié.

Après l’article 19

La commission examine l’amendement AS1014 de M. Denis Sommer.

M. Denis Sommer. Nous vous proposons de préciser les éléments compris dans le coût au contrat : les dépenses pédagogiques dans le cadre de l’alternance, les dépenses de structure, notamment les frais de personnel et le coût de la matière d’œuvre, et les aides versées aux apprentis au titre des dépenses de transport, d’hébergement et de restauration.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Nous avons déjà largement traité de ce sujet. J’émets un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 20
Création des opérateurs de compétences

La commission examine l’amendement AS338 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Les OPCA qui ont vocation à devenir des opérateurs de compétences auront notamment pour mission d’aider au développement des compétences dans les TPE et les PME de moins de cinquante salariés. Néanmoins, les futurs OPCOM ne joueront plus un rôle de collecteur et n’auront plus à ce titre certaines informations sur les entreprises qu’ils sont censés accompagner. Il faudrait donc que l’ordonnance prévue à l’article 20 règle aussi la question de la transmission d’informations par les URSSAF aux opérateurs de compétences, notamment le numéro SIRET des entreprises, les conventions collectives et l’identité des dirigeants.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Il est utile qu’un certain nombre d’informations soient transmises, mais je vous propose de retirer votre amendement au profit de celui de Mme Benin, que nous allons examiner dans un instant. Il laisse au pouvoir réglementaire le soin de fixer les modalités de transmission, ce qui me paraît plus approprié.

M. Gérard Cherpion. Qui peut le plus peut le moins : il est important de le préciser dans la loi.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS680 de M. Francis Vercamer.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Limiter les coûts inhérents au recouvrement des contributions des entreprises au financement de la formation professionnelle est un principe de bonne gestion. L’importance de ces coûts dans le système actuel a été régulièrement soulignée sans qu’on parvienne à les limiter davantage. Le projet de loi doit démontrer qu’il permet d’amorcer un tournant réel en la matière. C’est pourquoi nous vous proposons de préciser que les coûts de la gestion de la collecte des contributions des entreprises au financement de la formation professionnelle doivent être strictement encadrés. L’objectif pourrait consister à ne pas dépasser les coûts de gestion actuels des URSSAF dans l’exercice de leurs prérogatives de recouvrement.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Votre amendement sera satisfait par les futures conventions d’objectifs et de moyens de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS). Par conséquent, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS449 de Mme Justine Benin.

Mme Justine Benin. Cet amendement vise à permettre aux futurs opérateurs de compétences de disposer des informations nécessaires pour assurer les missions qui leur sont assignées par la loi, en particulier l’accompagnement des entreprises et des salariés et la promotion de l’alternance. Afin de savoir quelles entreprises accompagner et quels sont les dispositifs utilisables, les opérateurs de compétences devront notamment avoir connaissance du numéro SIRET, de la convention collective applicable, du nom du dirigeant, du montant des contributions légales versées, de l’assujettissement à la TVA, et du statut de l’entreprise à l’égard du versement de ses cotisations. Comme les OPCOM ne disposeront plus de ces informations, aujourd’hui transmises via le bordereau de collecte, il faudra que les nouveaux organismes collecteurs les transmettent. Tel est l’objet de l’amendement.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. J’émets un avis favorable. Je crois qu’il est nécessaire d’organiser un circuit permettant de partager l’information. Comme je l’ai dit tout à l’heure, ce sera dans le cadre d’un décret.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 20 modifié.

Après l’article 20

La commission examine l’amendement AS239 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Le Gouvernement a prévu de confier aux URSSAF le recouvrement, l’affectation et le contrôle de la contribution unique pour la formation professionnelle et l’apprentissage, de la contribution due au titre des salariées en CDD, de la contribution supplémentaire à l’alternance et de la contribution additionnelle pour l’enseignement technique, ce qui pose un certain nombre de problèmes. Il est essentiel que nous ayons une évaluation de l’efficacité et de la pertinence de cette mesure dans les trois ans suivant son entrée en vigueur : nous demandons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur ce sujet.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Un tel rapport me paraît d’autant plus lointain qu’un certain nombre d’étapes intermédiaires nous attendent. Il nous appartiendra de nous saisir de l’ordonnance relative aux nouvelles modalités de collecte, qui pourront faire l’objet de rapports d’application ou d’évaluation. J’émets donc un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 21
Contrôle de l’obligation de participation au développement de la formation professionnelle

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS1449 de la rapporteure.

Puis elle est saisie de l’amendement AS1494 du Gouvernement.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Il s’agit d’un nouvel amendement de coordination, qui est lié à la création des commissions paritaires régionales en charge du financement des projets de transition professionnelle. Cet amendement permettra à l’État d’exercer un contrôle sur l’usage des fonds gérés à ce titre.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS1468 du Gouvernement.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Il s’agit d’un autre amendement de coordination sur le même sujet : mêmes causes, mêmes effets.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement AS624 de M. Francis Vercamer.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. De même que nous avons demandé à l’article 16 que France Compétences remette chaque année un rapport au Parlement et au Gouvernement, nous vous proposons que le Gouvernement nous adresse tous les ans un rapport sur le financement de la formation professionnelle. Cela nous permettra d’avoir un bilan du contrôle administratif et financier qui est exercé sur les actions de formation financées par l’État, les collectivités territoriales, Pôle emploi et les opérateurs de compétences.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Je peux comprendre que l’on demande des rapports, mais je pense que nous ne devons pas les multiplier. Je privilégierais plutôt la remise d’un autre rapport, demandé par un amendement qui viendra ultérieurement en discussion. J’émets donc un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 21 modifié.

Chapitre VI
Dispositions outre-mer

Article 22
Dispositions applicables dans les départements et dans certaines collectivités de l’outremer

La commission adopte l’article 22 sans modification.

Chapitre VII
Dispositions diverses et d’application

Article 23
Ratification d’ordonnances relatives à l’universalisation du compte personnel d’activité et au droit du travail applicable à Mayotte

La commission adopte l’article 23 sans modification.

Article 24
Correction d’erreurs de références juridiques

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS1414 et AS1415 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 24 modifié.

Article 25
Entrée en vigueur du titre I

La commission adopte l’article 25 sans modification.

Article additionnel ‑ Article 25 bis
Évaluation du titre I du projet de loi

La commission examine l’amendement AS660 de Mme Valérie Petit.

Mme Valérie Petit. Cet amendement propose d’évaluer l’impact de l’ensemble des mesures du titre Ier. Il s’inscrit dans la démarche d’évaluation des politiques publiques. Pour mémoire, une évaluation d’impact n’est pas un suivi de la mise en application d’un texte : elle vise à vérifier – scientifiquement, si possible – si les dispositions votées produisent les effets recherchés, en l’occurrence relancer l’apprentissage.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Cette double démarche d’évaluation des politiques publiques, tant dans la mise en application des textes que dans leur impact, devenant systématique, votre amendement va dans le bon sens. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement AS660.

Suspendue à dix-huit heures trente-cinq, la réunion reprend à dix-huit heures cinquante.

Titre II
Une indemnisation du chômage plus universelle et plus juste

Chapitre Ier
Créer de nouveaux droits à indemnisation et lutter contre la précarité et la permittence

Section 1 : Créer de nouveaux droits pour sécuriser les parcours et les transitions professionnelles

Article 26
Ouverture du régime d’assurance chômage aux démissionnaires et aux travailleurs indépendants

La commission étudie l’amendement AS841 de M. Boris Vallaud.

M. Boris Vallaud. Nous voudrions avec cet amendement souligner la modestie de la réforme prévue par cet article au regard du nombre de ses bénéficiaires. On est évidemment très loin de ce qui a été annoncé comme devant être une assurance universelle. Au moment où le Gouvernement annonce vouloir faire des économies sur les dépenses sociales et s’interroge, entre autres choses, sur l’opportunité de supprimer l’allocation de solidarité spécifique (ASS) qui permet aux demandeurs d’emploi en fin de droits de continuer à percevoir un revenu de remplacement, il ne nous paraît pas raisonnable d’instituer un dispositif coûteux d’indemnisation des salariés démissionnaires qui bénéficiera à très peu d’actifs, et principalement aux plus qualifiés d’entre eux.

Par ailleurs, la démission est-elle un bon moyen d’assurer les transitions professionnelles ? Cet article n’entre-t-il pas en contradiction avec d’autres dispositifs que vous souhaitez promouvoir ?

Nous souhaitons au contraire privilégier le renforcement du congé individuel de formation ou du compte personnel de formation de transition. C’était le sens des amendements que nous avons discutés au début de nos travaux à l’article 1er.

M. Aurélien Taché, rapporteur pour le titre II. L’article 26 traduit un engagement fort de campagne du Président de la République et de la majorité : permettre aux salariés démissionnaires de bénéficier de l’assurance chômage. Je suis un peu surpris de vous entendre dire que ce dispositif ne serait pas suffisant et, dans le même temps, qu’il faut le supprimer parce que c’est une mauvaise idée et qu’il existe d’autres manières de gérer les transitions professionnelles.

Nous proposons une mesure encadrée. Pour bénéficier de l’assurance chômage, le salarié souhaitant démissionner devra d’abord faire appel à un conseiller en évolution professionnelle (CEP) qui devra l’aider à bâtir un projet de reconversion. Une commission ad hoc statuera ensuite sur le caractère réel et sérieux de ce projet. Ce dispositif est construit dans un esprit de responsabilité et devrait bénéficier à plusieurs dizaines de milliers de personnes chaque année selon nos prévisions. Il permettra à de nombreux Français de concrétiser leur projet professionnel. Beaucoup d’entre eux hésitent en effet à quitter leur entreprise quand ils ont un projet de création d’entreprise ou un projet de reconversion. Je suis assez surpris – pour ne pas dire déçu – que le groupe Nouvelle Gauche, que je croyais attaché à l’idée de progrès social, s’oppose à la création de ce nouveau droit. J’émets un avis défavorable à cette suppression de l’article.

M. Boris Vallaud. Un amendement de suppression a toujours quelque chose d’excessif. Il reste, quoi que vous en disiez, que l’on est très loin d’une assurance chômage universelle. Si nos débats permettent d’instaurer un vrai système de gestion des transitions professionnelles ne concernant pas seulement quelques dizaines de milliers de salariés, et à faire en sorte que le compte personnel d’activité redevienne un outil de gestion de ces transitions professionnelles, peut-être considèrerons-nous qu’il y a vraiment un progrès. En attendant, cet article n’est qu’un progrès très modeste.

Mme Monique Iborra. Monsieur Vallaud, vous reconnaissez donc que c’est quand même un progrès, ce qui n’est déjà pas si mal ! Comme l’a dit Aurélien Taché, cette mesure traduit une promesse du Président de la République. En outre, les conditions fixées dans le projet de loi ont été définies par les partenaires sociaux dans le cadre de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 22 février dernier sur l’assurance chômage. Sachant à quel point vous défendez et respectez les partenaires sociaux, je ne comprends pas très bien le sens de votre intervention.

M. Boris Vallaud. Si la proposition des partenaires sociaux est modeste, c’est peut-être parce qu’ils n’étaient pas demandeurs de cette réforme et qu’ils s’interrogent sur son financement.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Il y a deux façons de voir les choses. On peut dire qu’on est très loin d’un régime universel d’assurance chômage ou, au contraire, qu’on n’en a jamais été aussi près avec la présente mesure.

La commission rejette l’amendement AS841.

Elle aborde l’amendement AS1067 de Mme Cendra Motin.

Mme Valérie Petit. L’amendement est défendu.

M. Aurélien Taché, rappporteur. Cette proposition relevant du niveau réglementaire, j’y suis défavorable.

La commission rejette l’amendement AS1067.

La commission adopte successivement l’amendement rédactionnel AS1330 et les amendements de précision AS1331 et AS1332, tous du rapporteur.

Elle examine en discussion commune l’amendement AS1469 du Gouvernement, l’amendement AS342 de Mme Patricia Gallerneau et les amendements identiques AS571 de Mme Hélène Vainqueur-Christophe et AS944 de M. Francis Vercamer.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Nous proposons un amendement de coordination, consécutif à la création des commissions paritaires gérant le projet de transition professionnelle.

Mme Patricia Gallerneau. Le 2° du II de l’article L. 5422‑1 du code du travail tel que rédigé dans le projet de loi prévoit un contrôle en amont du projet du salarié démissionnaire par une entité qu’il sera nécessaire de créer et dont la forme et les moyens ne sont pas définis.

Non seulement cela aura un coût élevé, l’étude d’impact tablant sur environ 30 000 dossiers à traiter par an mais, en plus, ce contrôle qui vise à lutter contre un prétendu aléa moral ne semble pas pertinent. Les conditions pour qu’un démissionnaire puisse bénéficier de l’assurance chômage semblent suffisamment strictes pour éviter un effet d’aubaine. Le contrôle a posteriori des démarches effectuées par le demandeur d’emploi démissionnaire semble suffisant pour lutter contre un effet d’aubaine, avec la possibilité offerte à Pôle Emploi de cesser d’indemniser le demandeur d’emploi démissionnaire qui n’effectuerait pas les démarches nécessaires pour sa formation, la reprise ou la création d’une entreprise.

Mme Hélène Vainqueur-Christophe. L’amendement AS571 est similaire à celui que j’ai déposé à l’article 16. Il vise à élargir aux représentants des organisations d’employeurs représentatives au niveau multiprofessionnel la composition de la nouvelle commission paritaire constituée au sein des comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle (CREFOP).

S’il paraît cohérent que le CREFOP soit composé de représentants des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national interprofessionnel quand il assure des missions proches de celles du comité paritaire interprofessionnel régional pour l’emploi et la formation professionnelle (COPAREF) actuel, il est important d’élargir sa composition à des représentants des organisations d’employeurs représentatives au niveau multiprofessionnel lorsque l’organisme se prononcera sur les projets de transition professionnelle et de reconversion professionnelle.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. L’amendement AS944 vise à prévoir que la commission paritaire des CREFOP sera également composée de représentants d’organisations d’employeurs représentatives au niveau multiprofessionnel, notamment pour prendre en compte le secteur de l’économie sociale et solidaire (ESS). Si je prends l’exemple de ce secteur, c’est qu’il occupe une part importante de l’activité économique nationale. Les chiffres communément admis font apparaître que l’ESS représente 10 % du PIB, 200 000 entreprises, 2,38 millions de salariés, 54,4 milliards d’euros de masse salariale, 12,7 % des emplois privés en métropole, une progression de 24 % de l’emploi privé depuis l’an 2000 et surtout, 600 000 recrutements d’ici à 2020 en raison des départs à la retraite. Au regard du poids de l’ESS et des enjeux de formation professionnelle qu’il pourrait y avoir dans ce secteur dans les années qui viennent, il serait souhaitable d’intégrer les organisations représentatives de cesemployeurs au sein des organes de gouvernance de la formation professionnelle.

M. Aurélien Taché, rapporteur. J’émets un avis favorable à l’amendement du Gouvernement.

L’amendement de Mme Gallerneau propose que les salariés démissionnaires puissent être inscrits sur la liste des demandeurs d’emploi avant qu’on ait reconnu le caractère réel et sérieux de leur projet. J’y suis évidemment défavorable puisqu’il remet en cause la logique générale de responsabilité qui doit présider à l’ouverture de l’assurance chômage aux démissionnaires. C’est cette logique qu’ont précisément retenue les partenaires sociaux dans l’ANI, comme l’a rappelé Monique Iborra. Il ne serait dans l’intérêt de personne qu’on ouvre ce droit sans reconnaissance préalable de la solidité du projet de reconversion. Si le projet était disqualifié après l’inscription de la personne, Pôle Emploi devrait récupérer les indus et le demandeur d’emploi se retrouverait en difficulté en ayant démissionné sans avoir construit un véritable projet. Si vous ne retirez pas cet amendement, j’y serai défavorable.

Quant aux amendements AS571 et AS944, ils visent à inclure les organisations représentatives d’employeurs multiprofessionnelles telles que l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (UDES) au sein de la commission chargée d’examiner le caractère réel et sérieux des projets des salariés démissionnaires. L’assurance chômage obéit aux règles usuelles du paritarisme : les seules organisations habilitées à négocier les accords et à gérer le régime sont celles qui sont représentatives au niveau national et interprofessionnel. Vos amendements auraient pour effet de rompre avec ces règles usuelles pour le seul examen des projets des démissionnaires. Or le projet de loi ne modifie en rien les règles de représentativité et nous n’avons pas l’intention de le faire à l’occasion d’un amendement. Je suis donc défavorable à ces amendements identiques.

Mme Patricia Gallerneau. Avant de retirer mon amendement, je voudrais dire que notre philosophie générale consiste quand même à simplifier et à alléger le code du travail. Le contrôle a posteriori par Pôle Emploi existant déjà, on n’est pas obligé de bâtir une usine à gaz. Cependant, je retire mon amendement.

L’amendement AS342 est retiré.

La commission adopte l’amendement AS1469.

En conséquence, les amendements AS571 et AS944 deviennent sans objet.

La commission est saisie de l’amendement AS842 de M. Boris Vallaud.

M. Boris Vallaud. Une solution avait été envisagée pendant la négociation interprofessionnelle ayant précédé l’élaboration du projet de loi. Elle permettrait de concentrer davantage les moyens et donc de mieux prendre en charge les personnes les plus fragiles. Cet amendement propose de limiter le bénéfice du dispositif de l’article 26 aux actifs les moins qualifiés. Le seuil de qualification maximal serait fixé par décret.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Vous proposez de limiter le nouveau droit à l'assurance chômage aux seuls salariés démissionnaires les moins qualifiés. La fixation par décret du seuil de qualification ne serait pas aisée. Surtout, j’avais cru comprendre de votre défense de l’amendement de suppression de l’article que vous vous étiez rallié à la logique d’universalisation, à laquelle le présent amendement s’oppose. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement AS842.

Elle adopte l’article 26 modifié.

Sous-section 1 Ouverture du régime d’assurance chômage aux démissionnaires

Article 27
Prévention des démissions insuffisamment préparées et dispositif de contrôle spécifique aux démissionnaires

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement AS845 de M. Boris Vallaud.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS1336 et AS1337 du rapporteur.

Elle aborde l’amendement AS1092 de Mme Fabienne Colboc.

Mme Fabienne Colboc. Le présent amendement vise à garantir que le travailleur salarié qui choisit de démissionner bénéficiera d’une information la plus exhaustive possible sur ses droits et obligations de futur demandeur d’emploi, ce afin d’éviter les situations d’incertitude et d’incompréhension, notamment sur les conditions d’ouverture de droits à l’allocation d’aide au retour à l’emploi.

Comme Pôle Emploi n’interviendra pas pour délivrer de conseil en évolution professionnelle ni aiguiller le salarié qui souhaite démissionner, il est essentiel de s’assurer que ce dernier prendra sa décision en ayant connaissance des droits et obligations liés au statut de demandeur d’emploi.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Je comprends votre volonté de vous assurer que le salarié aura mûrement réfléchi avant de démissionner de son entreprise. Cependant, les droits et obligations du demandeur d’emploi sont des informations publiques. De plus, le texte prévoit une phase préalable auprès d’un conseiller en évolution professionnelle. On peut donc penser que les opérateurs en CEP rappelleront au salarié ces droits et devoirs. Pôle Emploi peut aussi délivrer ce type d’informations. Je préférerais donc que vous retiriez cet amendement.

Mme Fabienne Colboc. Je le retire.

L’amendement AS1092 est retiré.

La commission en vient à l’amendement AS344 de Mme Patricia Gallerneau.

Mme Patricia Gallerneau. Le démissionnaire qui ne peut justifier de la réalité de démarches pour mettre en œuvre son projet professionnel doit pouvoir être « sanctionné » par Pôle Emploi et rembourser les allocations d’assurance chômage perçues illégitimement.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Vous prévoyez la possibilité pour Pôle Emploi de notifier un trop-perçu à un démissionnaire indemnisé à tort. Cependant, les démissionnaires seront soumis aux mêmes règles de récupération des indus que l’ensemble des assurés. Ces règles, définies aux articles L. 5426-8-1 et suivants du code du travail, prévoient la reprise des trop-perçus. Je vous invite donc à retirer votre amendement.

Mme Patricia Gallerneau. Satisfaite par l’explication du rapporteur, je retire mon amendement.

L’amendement AS344 est retiré.

Puis la commission adopte l’article 27 modifié.

Sous-section 2 : L’indemnisation des travailleurs indépendants en cessation d’activité

Article 28
Création de l’allocation des travailleurs indépendants

La commission est saisie de l’amendement AS843 de Mme Gisèle Biémouret.

Mme Gisèle Biémouret. La réforme de l’assurance chômage pour les indépendants est insatisfaisante et comporte des dangers. Le nouveau dispositif devrait permettre à moins de 30 000 des 2,8 millions d’indépendants de bénéficier des droits au chômage.

Là encore, il s’agit de la transposition d’une promesse de campagne d’Emmanuel Macron mais force est de constater que le dispositif envisagé n’est pas à la hauteur des enjeux et qu’il ne répond pas aux besoins de sécurisation des parcours professionnels des nouveaux actifs indépendants, et notamment de ceux qui travaillent en lien avec des plateformes numériques.

Dans le Gers, petit département rural peuplé de moins de 200 000 habitants, 700 bénéficiaires du RSA sont des travailleurs indépendants. J’imagine que dans certains départements, ce chiffre est encore plus important.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Le groupe Nouvelle Gauche est constant puisqu’il propose de supprimer tous les nouveaux droits instaurés par le titre II du projet de loi. Nous essayerons donc dans la majorité de faire preuve de la même constance en défendant nos engagements de campagne. Celui qui est repris à l’article 28 est extrêmement important puisque pour la première fois dans l’histoire sociale de notre pays, on va permettre aux travailleurs indépendants de bénéficier de l’assurance chômage. Vous dites que le dispositif n’est pas à la hauteur. Je vous ferai donc la même réponse qu’à votre collègue Vallaud : si vous êtes d’accord avec l’esprit de la mesure, proposez plutôt de l’améliorer que de la supprimer. Ce d’autant que les tentatives qui ont été faites par la majorité précédente en faveur des travailleurs indépendants en lien avec des plateformes numériques n’ont pas été fructueuses. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement AS843.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS1338 et AS1339 du rapporteur.

Elle en vient à l’amendement AS1368 du même auteur.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Il s’agit de préciser que la nouvelle allocation des travailleurs indépendants sera financée exclusivement par des ressources fiscales, affectées à l’avenir à l'assurance chômage par l’article 30 du projet de loi. Pour clarifier les choses, il est préférable de préciser ces modalités de financement dès l’article 28. Il est tout à fait logique que cette allocation qui n’appelle pas de contribution spécifique des indépendants soit financée par une ressource fiscale universelle plutôt que par des contributions patronales qui ont plus naturellement vocation à financer l’allocation d'assurance chômage de droit commun. Cet amendement répond à une demande forte des partenaires sociaux.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AS1501 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 28 modifié.

Après l’article 28

La commission étudie l’amendement AS778 de Mme Caroline Fiat.

M. Jean-Hugues Ratenon. L’économie collaborative a donné naissance à un nouveau type de travailleurs reconnus par la loi comme indépendants mais qui, dans les faits, ne sont ni salariés, ni indépendants. Il s’agit notamment des chauffeurs de véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC) et des livreurs à vélo. Prestataires de services multiples et au volume grandissant, ces travailleurs ne sont pas libres de fixer leur tarif ni d’établir leur rythme de travail et, dans de plus en plus de cas, ils ne possèdent pas leur outil de travail. Un uniforme est imposé à certains – les livreurs à vélo, notamment.

Ces travailleurs ne sont pas, de fait, indépendants car ils n’ont aucune des libertés liées à ce statut. Hélas, ils n’ont pas non plus les protections liées au statut de salarié : leurs accidents du travail ne sont pas indemnisés et leur plateforme n’est pas responsable. Ils n’ont pas de représentants du personnel ni de salaire minimum. Ils n’ont en fait aucune garantie compensatrice de leur position de subordination.

Au Royaume-Uni, les tribunaux londoniens ont imposé à la société Uber le paiement de ses chauffeurs au salaire minimum, reconnaissant de facto leur lien de subordination. En France, la précarité des travailleurs faussement indépendants augmente à mesure que les tarifs fixés unilatéralement par la plateforme baissent. Pour s’être endettés pour l’achat de leur outil de travail, beaucoup des travailleurs de plateforme se retrouvent piégés dans une structure sans droits ni libertés.

Il est temps pour le pays de faire évoluer sa législation pour reconnaître la situation de subordination dans laquelle se trouvent les travailleurs de l’économie collaborative et, le cas échéant, de leur permettre de faire valoir leurs droits. D’où la nécessité de compléter l’article L. 8221-6-1 du code du travail.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Le code du travail définit le travailleur indépendant comme « celui dont les conditions de travail sont définies exclusivement par lui-même ou par le contrat les définissant avec son donneur d’ordre ». Vous estimez que la subordination économique est de nature à elle seule à remettre en cause cette indépendance et vous préconisez la requalification des travailleurs indépendants comme salariés. Vous soulevez avec cet amendement une vraie question – celle des travailleurs indépendants qui sont économiquement dépendants. Vous aurez peut-être vu, en lisant dans le projet de rapport le commentaire de l’article 28, que nous y avons beaucoup réfléchi. L’Inspection générale des affaires sociales et l’Inspection générale des finances y consacrent d’importants développements dans un rapport récent.

Cependant, on ne peut pas remettre en cause l’indépendance de ces travailleurs, uniquement parce qu’il y aurait un lien économique particulier avec certains donneurs d’ordres. En outre, la requalification de cette relation professionnelle en salariat n’est pas la solution idéale.

Nous répondons en partie au problème de la protection sociale de ces travailleurs en proposant la création de cette allocation. Cependant, le développement de ce type d’activité correspond aussi à des aspirations fortes d’un nombre croissant de Français qui trouvent dans le travail indépendant une liberté. Notre responsabilité, en tant que législateur, est d’apporter des protections adaptées et non pas d’imaginer que la requalification en salariat serait forcément la chose à faire. Je ne crois pas que votre amendement permette de répondre aux questions que vous soulevez. Je sais que le Gouvernement réfléchit à une protection adaptée. Je m’associe en tant que rapporteur à ces réflexions et préférerais que vous retiriez votre amendement, sans quoi j’y serai défavorable.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Votre amendement, monsieur Ratenon, est une mauvaise réponse à une bonne question. Il est vrai que dans tous les pays, les formes de travail se diversifient et qu’une de celles qui se sont amplifiées ces dernières années est le travail indépendant, ce dernier recouvrant des réalités extrêmement différentes.

Il y a déjà une jurisprudence importante sur les travailleurs indépendants des plateformes. La Cour de cassation a ainsi reconnu récemment ce caractère de travail indépendant. Il n’y a donc pas de doute sur ce point. Il n’en reste pas moins que ces nouvelles formes de travail supposent d’être assez inventif en matière de de protection. On ne peut pas cependant protéger ces travailleurs indépendants comme des salariés puisqu’ils n’en sont pas. Nous avons de plus en plus besoin de filets de sécurité universels dans une société où l’on change de statut tout au long de sa vie – puisqu’on peut être un jour salarié, un autre jour travailleur indépendant, redevenir salarié, devenir entrepreneur, etc.

Nous menons effectivement une réflexion avec les plateformes. En ce qui concerne l’assurance chômage, nous prévoyons un filet de sécurité financé par l’impôt, c’est-à-dire par la solidarité collective. Se posent aussi des questions de protection sociale, d’accidents du travail et de formation – questions qui ne sont pas l’apanage du salariat mais qui concernent tous les actifs. La diversité des formes d’activité ne doit pas nous empêcher de prévoir des protections pour tous mais celles-ci doivent être adaptées aux différents statuts. Encore une fois, la réflexion est en cours. Le filet de sécurité que nous mettons en place ici concernera aussi bien les agriculteurs, les commerçants, les artisans, les auto-entrepreneurs que les travailleurs de plateforme.

M. Pierre Dharréville. La notion de travail indépendant recouvre des réalités extrêmement diverses. Ce qu’on a appelé « l’ubérisation » de la société est un phénomène assez préoccupant, et résulte d’une offensive de dérégulation massive visant, dans certains secteurs, à contourner le code du travail. L’objectif est de remplacer de nombreux salariés par des personnes relevant d’autres statuts. Il convient donc de s’interroger sur la nécessité de requalifier parfois certains en emplois.

La création de ces modèles économiques ne répond pas toujours à un désir des indépendants. Si ces derniers s’engagent dans une telle démarche, c’est peut-être parce que cette option leur a semblé la meilleure au regard du chômage de masse que nous connaissons et des difficultés d’accès à l’emploi. Je ne crois pas qu’il faille pour autant valider ce modèle et l’accompagner. Partout, les travailleurs concernés revendiquent des droits – et c’est normal. Ce fut notamment le cas des livreurs Deliveroo. Les plateformes devraient faire l’objet d’une étude particulière et sans doute être mises à contribution.

Mme Monique Iborra. Ce sujet important, en devenir, mérite effectivement réflexion. Cela étant, je ne suis pas tout à fait de votre avis : la requalification systématique ne correspondrait pas du tout à l’aspiration des personnes qui choisissent d’être indépendantes. Il en est évidemment pour lesquelles ce n’est pas un choix mais les jeunes générations souhaitent souvent s’engager pendant un certain temps puis passer à autre chose. Légiférer et décider à leur place ne me paraît pas opportun.

Par contre, nous avons le devoir de réfléchir avec les plateformes. Nous les avons d’ailleurs largement reçues pendant la phase préparatoire à l’examen de ce projet de loi : elles ont compris qu’il était aussi dans leur intérêt de trouver des solutions protectrices autant que respectueuses du souhait de ceux qui veulent en profiter.

M. Jean-Hugues Ratenon. Je maintiens mon amendement. Si au Royaume-Uni, les tribunaux ont imposé à la société Uber le paiement du salaire minimum à ses chauffeurs, cela veut dire qu’il est nécessaire de faire évoluer notre droit en ce domaine. Notre proposition vient du terrain : elle mérite donc d’être adoptée par notre commission.

M. Stéphane Viry. Nous sommes favorables au travail indépendant et considérons que dans une période de mutations économiques, c’est un nouveau format qui crée de l’activité et propose un travail à des hommes et à des femmes souhaitant prendre en main leur destin et produire quelque chose à commercialiser ou à offrir sous forme de prestations. Ce faisant, la question se pose du statut du travail indépendant – dont nous souhaitons la massification. La protection des travailleurs indépendants implique que leur soit offerte une porte de sortie, une garantie au titre de la solidarité nationale.

Notre divergence de vue avec la solution que vous proposez concerne le financement de cette solidarité. Nous aurons l’occasion d’y revenir dans un amendement ultérieur.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Pour pouvoir requalifier une activité en salariat, il faut qu’il y ait lien de subordination, ce qui suppose de réunir une série de critères. Vous citiez l’exemple du Royaume-Uni, cher collègue, mais en France, il n’y a eu quasiment aucune requalification de ce type par le juge. La seule fois où il y a eu requalification, il s’agissait d’une société ayant prévu une clause d’exclusivité. Ce type de clause n’existe plus et les travailleurs sont le plus souvent liés à plusieurs plateformes. La subordination n’existe alors pas car ces travailleurs organisent leur travail comme ils le souhaitent.

Monsieur Dharréville, la question qui se pose est celle des droits et non du statut. On peut imaginer, pour ces travailleurs indépendants, un système présentant à la fois les avantages de la liberté et de la flexibilité et ceux de la protection. Je rappellerai, non sans une pointe d’ironie, que le salariat fut inventé par le patronat pour rendre captifs les travailleurs.

M. Pierre Dharréville. Cette dernière affirmation est un peu discutable mais elle nous entraînerait dans un débat philosophique qui n’a pas lieu d’être à cette heure. Le salariat garantit aussi des droits et des protections.

Les entreprises concernées se sont engouffrées dans une brèche et ont de fait inventé des statuts low cost. Or, on ne peut pas laisser ces travailleurs indépendants dans cette situation. Qui doit les assurer ? Qui doit financer ? Les plateformes, qui tirent des bénéfices du travail de ces femmes et de ces hommes, sont-elles exonérées de leur responsabilité ?

Je défends effectivement les droits de ces travailleurs indépendants et je ne vois pas la différence entre les droits et le statut, un statut garantissant des droits.

M. Adrien Quatennens. Ce que vous dites n’est pas raisonnable, monsieur le rapporteur. Deliveroo utilise le statut d’auto-entrepreneur pour ne pas devoir respecter certaines règles : ses livreurs n’ont pas de congés payés, pas d’arrêt maladie ni de salaire minimum garanti. Par ailleurs, cette plateforme impose à ses salariés une tenue obligatoire et leur interdit de travailler pour une autre plateforme. Vous ne pouvez donc pas soutenir l’idée que ces travailleurs s’organiseraient eux-mêmes et feraient le choix de travailler pour plusieurs plateformes. Les livreurs à vélo apprécieront. Il faut savoir que certaines plateformes coupent carrément l’accès de ces travailleurs indépendants à leur application dès lors que ces derniers n’atteignent pas les objectifs. Votre propos est irresponsable.

La commission rejette l’amendement AS778.

Section 2 : Lutter contre la précarité et la permittence

Article 29
Possibilité de faire varier le taux de la contribution patronale d’assurance chômage en fonction du nombre de fin de contrats

La commission examine l’amendement AS779 de M. Adrien Quatennens.

M. Adrien Quatennens. Le contrat à durée indéterminée (CDI), même s’il a subi de nombreuses attaques avec les ordonnances réformant le code du travail, est toujours censé constituer la règle. Pourtant, plus de 80 % des contrats signés sont des contrats précaires, l’exception devenant ainsi la règle. Or par cet article, le Gouvernement souhaite introduire un système de bonus-malus sur le recours aux contrats courts. Les entreprises qui respectent le droit du travail et n’abusent pas de ce type de contrat verraient leurs cotisations sociales baisser et participeraient donc moins à l’effort collectif – pourtant essentiel – au seul motif, j’y insiste, qu’elles respectent les règles.

Nous refusons fermement que le budget de la sécurité sociale soit menacé par le fait que les entreprises respectent le droit du travail. Les cotisations sociales doivent être payées par toutes les entreprises.

Pour lutter contre le recours abusif aux contrats courts et précaires, nous ne sommes pas contre l’instauration d’un malus portant sur les cotisations sociales des entreprises, mais on voit bien que si les bonus dépassent les malus, on met en danger le budget de la sécurité sociale. Faut-il rappeler que ce budget est fragile, menacé et pourtant vital pour notre société – hôpitaux, établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), assurance maladie, allocations familiales, même si j’ai entendu M. Darmanin expliquer qu’il y avait trop d’aides sociales…, c’est tout cela que vous risquez de mettre à mal en l’indexant sur le respect ou non du code du travail par les entreprises.

Est-ce que, au motif que je respecte le code civil en ne commettant pas de vols, vous allez me proposer une exonération d’impôts ? Assurément non. En revanche, les voleurs doivent être punis, cela, oui.

Par ailleurs, les grandes entreprises vont être avantagées au détriment des très petites entreprises (TPE) et des petites et moyennes entreprises (PME). En effet, nombre de ces grandes entreprises auront les reins suffisamment solides pour assumer l’usage du travail précaire et payer les malus. Votre dispositif autorise donc les grandes entreprises à être de mauvaises élèves, alors qu’il oblige strictement les petites à être les plus disciplinées.

C’est pourquoi le présent amendement vise à la suppression de l’article 29.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Je suis surpris, monsieur Quatennens, que vous proposiez de supprimer l’article 29 et même que vous soyez opposé à cette idée de bonus-malus ou plutôt à l’existence du bonus. Je rappelle tout d’abord que le texte concerne l’assurance chômage et non le financement de la sécurité sociale. Il n’est nullement question de l’assurance maladie ici.

Je vous redis ma surprise que vous ne soyez pas engagé à nos côtés contre la multiplication des contrats courts que subissent les salariés, contrats qui demain seraient considérablement réduits si nous appliquions ce bonus-malus.

Des discussions sont en cours avec les branches pour réduire la précarité de l’emploi ; mais au cas où elles resteraient relativement inabouties, le Gouvernement, pourrait faire usage de ce nouvel outil de modulation de la contribution patronale d’assurance chômage. Après examen du « taux de séparation » des entreprises, qu’il s’agisse de nombreux contrats courts ou de nombreux licenciements – le bonus-malus portant sur l’ensemble de la masse salariale –, le Gouvernement pourrait majorer cette contribution patronale ou au contraire, pour les entreprises qui favorisent l’emploi de qualité, les emplois longs, et donc recourent aux CDI – ce que vous défendez –, minorer cette contribution.

Il faudra bien, d’une manière ou d’une autre, lutter contre la multiplication des contrats courts à cause desquels les salariés se retrouvent dans la précarité – ce qui coûte très cher à l’assurance chômage : les contrats courts coûtent trois fois plus qu’ils ne rapportent. Il en va in fine de la défense des droits des demandeurs d’emploi.

Je suis donc évidemment défavorable à votre amendement de suppression.

M. Adrien Quatennens. J’entends vos explications, monsieur le rapporteur, et, par le biais d’un amendement, si celui-ci n’était pas voté, je vous ferai une proposition pour vous aider à contribuer à la réduction de ces contrats courts.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS847 de M. Boris Vallaud.

Mme Éricka Bareigts. Nous proposons d’instituer un mécanisme simple pour répondre à ceux qui dénoncent la complexité potentielle d’un système de bonus-malus.

Il s’agirait d’instituer une contribution de 10 à 15 euros à chaque clôture de contrat de travail. Une telle contribution permettrait de rapporter 300 à 450 millions d’euros par an. Cette mesure pourrait éviter une multiplication des CDD, en particulier de très courte durée et aurait un impact positif sur la durée moyenne des CDD et le taux de recours aux CDI.

La Cour des comptes estimait dans son rapport de 2011 que CDD et intérim coûtaient 7,5 milliards d’euros à l’UNEDIC, tandis que les CDI, qui sont le support d’emploi de 87 % des salariés, dégageaient un excédent de 12,5 millions d’euros.

La mesure que nous proposons vise à taxer la précarité plutôt que l’emploi, et pourrait s’assimiler à des frais de dossier pour clôture du contrat de travail.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Vous proposez de remplacer la possibilité de moduler la contribution patronale à l’assurance chômage par une contribution forfaitaire sur chaque fin de contrat. Votre solution a le mérite de la simplicité mais présente aussi quelques défauts.

Le dispositif prévu par le Gouvernement permettra de moduler la contribution patronale à l’assurance chômage en fonction du rapport entre le nombre de fins de contrat donnant lieu à inscription sur la liste des demandeurs d’emploi, et l’effectif total de l’entreprise. La modulation se ferait donc entreprise par entreprise, en fonction de ce que l’étude d’impact appelle le « taux de séparation ».

Votre proposition est, si vous permettez, un peu plus rustique puisque vous voulez soumettre chaque fin de contrat à une contribution forfaitaire, quels que soient les effectifs de l’entreprise, et sans lien avec le salaire de la personne dont le contrat s’achève. Ce faisant, vous renoncez à distinguer les employeurs selon leur vertu qui serait fonction de leur utilisation des contrats courts.

Par ailleurs, votre mécanisme frapperait toutes les fins de contrat et pas seulement celles qui donnent lieu à inscription sur la liste des demandeurs d’emploi. Or, l’objectif poursuivi par l’article 29 est bien de viser les fins de contrat ayant des conséquences négatives sur l’assurance chômage.

La solution que vous proposez me semble donc beaucoup moins intéressante que celle, équilibrée, trouvée par le Gouvernement. Avis défavorable.

Mme Éricka Bareigts. J’entends bien ce que vous dites, monsieur le rapporteur, mais, pour la bonne tenue des débats, j’aimerais que nos échanges soient respectueux. Je fais une proposition que vous qualifiez de « simple », soit ; mais vous devriez vous en tenir là et ne pas employer certains mots comme « rustique », faute de quoi nos débats vont mal se passer ; or nous allons encore passer quelques heures ensemble. Le respect républicain est le minimum que nous nous devons les uns aux autres.

M. Jean-Hugues Ratenon. Très juste !

M. Aurélien Taché, rapporteur. Je n’avais vraiment pas l’intention de me montrer désagréable envers vous en utilisant ce mot et je le retire bien volontiers s’il vous a déplu.

Mme Éricka Bareigts. Je vous remercie.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient ensuite à l’amendement AS1121 de M. Dominique Da Silva.

M. Dominique Da Silva. Le présent amendement vise à revenir sur la poursuite de l’allégement général de cotisations patronales prévu par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, allégement applicable à partir du 1er janvier 2019 et étendu à l’assurance chômage pour tous les contrats de travail sans distinction. Par souci de simplification d’un dispositif de bonus-malus qui apparaît complexe, je propose d’exclure du champ de l’allégement général de cotisations patronales d’assurance chômage les rémunérations afférentes à des contrats courts de moins de trois mois. Le bonus de cette mesure, si je puis dire, est de faire l’économie d’environ 500 millions d’euros de dépenses publiques, le renforcement de l’allégement évoqué m’apparaissant comme un effet d’aubaine inutile pour les contrats courts concernés qui se développent sans problème avec les taux de cotisation en vigueur.

M. Aurélien Taché, rapporteur. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a fait entrer la contribution à l’assurance chômage dans le champ de l’allégement général de cotisations patronales, désormais plus large que les seules cotisations de sécurité sociale.

Il s’agit de renforcer la compétitivité de nos entreprises et d’encourager l’embauche de salariés peu qualifiés, les employeurs étant totalement exonérés de cotisations lorsque le salaire versé est proche du SMIC – l’allégement se réduisant et devenant nul lorsque le salaire atteint 1,6 SMIC.

Vous proposez par cet amendement de substituer au bonus-malus un autre dispositif. Il consisterait à sortir la contribution patronale d’assurance chômage du champ de l’allégement général, s’agissant des rémunérations des salariés embauchés pour moins de trois mois. Votre amendement pénaliserait les entreprises qui recourent aux contrats courts, indépendamment du fait de savoir si ces contrats se terminent et si leur fin donne lieu à inscription sur la liste des demandeurs d’emploi.

Encore une fois, l’intention du Gouvernement n’est pas de taxer les contrats courts en tant que tels, mais de désinciter les entreprises à recourir à ces contrats en lieu et place de CDI. Ce qu’il faut viser, ce n’est donc pas le recours à des contrats de moins de trois mois, mais la fin de contrat dès lors qu’elle a un impact sur l’assurance chômage.

Je précise enfin que le dispositif envisagé par le Gouvernement est plus désincitatif que le vôtre, car il permet de moduler la contribution d’assurance chômage sur la totalité de la masse salariale de l’entreprise, et pas seulement sur celle afférente aux contrats courts. Les fins de CDI qui donnent lieu à inscription à Pôle Emploi seraient également pénalisées et donc, de même, une entreprise qui mettrait fin à des CDI.

Je vous invite donc à retirer votre amendement.

M. Dominique Da Silva. Je ne vois pas d’inconvénient à retirer mon amendement mais les entreprises préféreraient peut-être un dispositif parfaitement lisible quitte à payer de façon systématique pour ces contrats. Nous allons revenir bientôt sur la notion de rupture de contrat ; or il semble que le dispositif prévu sera lui aussi rendu plus complexe qu’il n’est.

L’amendement est retiré.

La commission examine ensuite l’amendement AS780 de M. Adrien Quatennens.

M. Adrien Quatennens. L’intention du Gouvernement de sanctionner les entreprises en augmentant leurs cotisations sociales quand elles recourent abusivement aux contrats courts est selon nous louable : nous y sommes favorables et d’ailleurs cette mesure était inscrite dans notre programme L’avenir en commun.

Aujourd’hui, huit embauches sur dix sont faites par contrat court et précaire. Les salariés n’ont jamais été aussi « flexibles » et leur niveau de vie s’en ressent car il est très difficile de louer un logement décent sans la garantie d’un CDI. Il est presque impossible de contracter un prêt bancaire pour un achat important lorsqu’on cumule les contrats courts sans jamais accéder au CDI. Il est donc nécessaire de refaire du CDI le contrat de base, de limiter et d’encadrer plus strictement le recours aux contrats courts.

Nous serions par conséquent favorables à l’article 29, n’était l’incohérence profonde du bonus. Le Gouvernement entend certes sanctionner l’entreprise fautive mais aussi récompenser celle qui respecterait purement et simplement la loi. Si les fautifs doivent bien être sanctionnés, ceux qui respectent les règles n’ont pas à en être récompensés. On imagine mal, en effet, le Gouvernement délivrer des tickets carburant aux conducteurs qui respecteraient les limitations de vitesse. Par ailleurs, si le bonus est supérieur au malus, ce sont bien les comptes de l’assurance chômage qui seraient mis à mal.

Pourquoi cette bienveillance destinée uniquement aux grandes entreprises, les TPE et les PME étant assurément désavantagées par le dispositif prévu ? Cet article est en fait un nouveau moyen détourné de faire des cadeaux supplémentaires. Nous demandons donc la suppression de la partie bonus aux entreprises qui ne font que remplir leur devoir. Si le présent amendement était adopté, nous serions tout à fait disposés à voter en faveur de l’article pour sanctionner les entreprises qui enfreignent la règle. Et, au fait, pourquoi un bonus ?

M. Aurélien Taché, rapporteur. J’ai répondu en partie, par anticipation, à cet amendement à l’occasion de la présentation de votre amendement de suppression. J’ai bien compris que c’était le bonus qui vous gênait, même si nous partageons, et j’en suis heureux, l’objectif de lutter contre la précarité et donc contre la multiplication des contrats courts, a fortiori quand ils sont utilisés à mauvais escient – c’est-à-dire quand ils se substituent au CDI. Nous croyons toutefois en la combinaison d’un système de malus infligé à celles qui en abusent et de bonus accordé aux entreprises vertueuses. Votre démarche est uniquement punitive et nous ne parviendrons pas, sur ce point, à nous mettre d’accord. Avis défavorable.

M. Sylvain Maillard. Comme le rapporteur, j’ai été très surpris des propos de notre collègue Quatennens, tout à l’heure. Je rappelle seulement que la loi est la loi et conclure des CDD est légal et non hors la loi. Or le Gouvernement et la majorité souhaitent inciter les employeurs à avoir moins recours aux CDD. Il ne s’agit donc pas de les interdire mais de favoriser une démarche vertueuse consistant à privilégier les CDI. Et vous avez raison de souligner qu’il est beaucoup plus difficile de trouver un logement, de construire sa vie quand on est en CDD. C’est pourquoi nous plaidons pour une démarche beaucoup plus protectrice. L’article 29 va dans le bon sens et nous sommes surpris, j’y insiste, que vous y soyez opposé.

M. Pierre Dharréville. Nous constatons depuis quelque temps la volonté du patronat de ne pas avancer sur la question des contrats courts alors que des mesures publiques s’imposent en la matière et depuis longtemps.

Le fait d’instaurer un bonus, de donner une récompense à ceux qui se comportent correctement en n’abusant pas des contrats courts, ponctionne de fait des recettes qui pourraient être bien utiles pour l’assurance chômage.

Le malus me semble suffisamment incitatif pour ne pas faire de cadeaux supplémentaires à ceux qui se comportent normalement.

M. Adrien Quatennens. Vous qui appartenez à une majorité, monsieur Maillard, dont le projet politique est de faire des économies, vous pourrez compter sur nous pour multiplier les propositions, tout au long de la législature, destinées à récompenser les comportements vertueux. J’ai en effet de nombreuses idées à vous suggérer et nous verrons bien si vous serez à nos côtés.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS1158 de Mme Monique Iborra.

M. Denis Sommer. Je rappelle qu’à l’automne dernier nous avons largement débattu des ordonnances et je fais partie de ceux qui ont pleinement soutenu cette démarche puisque je pense que le monde a changé : nous sommes dans la mondialisation, il y a des cycles à la hausse, des cycles à la baisse, tout cela existe. Les entreprises ont besoin de s’adapter à ces réalités et nous leur avons donc offert un cadre qui le leur permet.

Je me rappelle nos débats d’alors et la question du bonus-malus a bel et bien été posée et la ministre l’a très explicitement abordée en séance publique. Nous vous proposons donc tout simplement de tenir ici un engagement.

La mesure envisagée me semble très utile et suit un principe assez « simple », pour reprendre un mot qui n’a rien d’injurieux : quand une entreprise est fortement contributrice de dépenses sociales, notamment vis-à-vis de l’assurance chômage, elle cotise plus qu’une entreprise vertueuse, qui prend du temps pour former de nombreux apprentis, qui prend du temps pour embaucher en CDI, qui fait le pari de la formation… Eh bien, je trouve qu’il y a une morale dans tout cela.

Nous avons confié il y a quelque temps une mission aux partenaires sociaux. Le temps de la concertation étant terminé, le Gouvernement prend ses responsabilités et entend inscrire dans la loi ce principe qui est profondément juste.

J’espère que le présent amendement enrichira le texte qui recèle peut-être une faiblesse. Il arrive qu’on fasse enchaîner à une personne des CDD souvent très courts, des périodes où elle bénéficie de l’assurance chômage, avant de renouer avec des CDD… Le projet de loi prévoit de pénaliser cette pratique sans toutefois résoudre le problème de l’intérim. En même temps que le nombre de CDD s’est accru – avec une augmentation de 34 % en deux ans – l’intérim s’est considérablement développé. Dans certains secteurs industriels on arrive à des taux d’utilisation de l’intérim insupportables, au point d’atteindre parfois le taux de 50 % si ce n’est plus.

Aussi le présent amendement propose-t-il que l’intérim soit pris en compte dans le calcul du bonus-malus ; il s’agit donc de considérer les intérimaires comme des salariés de l’entreprise cliente de l’intérim.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Je donne un avis très favorable à cet amendement qui permet d’appliquer le système du bonus-malus aux entreprises qui ont recours à l’intérim.

Mme Monique Iborra. Cet amendement, préparé par nos collègues Sommer et Barbier, a été repris par l’ensemble des députés du groupe La République en Marche.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS1122 de M. Dominique Da Silva.

M. Dominique Da Silva. La volonté du Gouvernement, on l’a bien compris, n’est pas de sanctionner les contrats courts en tant que tels mais bien l’abus de fins de contrat de travail. L’article L. 1242-2 du code du travail précise la nature de CDD qui, au sens de la loi, ne peuvent être conclus que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire : remplacement d’un salarié ou d’un chef d’entreprise salarié, accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise, emplois à caractère saisonnier, recrutement d’ingénieurs et de cadres au sens des conventions collectives... Il n’y a rien dans l’utilisation de ces CDD qui relèverait d’un acte antisocial de la part de l’employeur et qui justifierait un éventuel malus. C’est bien la reconduction de CDD, pour un même salarié, au-delà de ce que la loi autorise, qui justifie au contraire une sanction pécuniaire.

L’amendement vise donc à apporter cette précision et à rassurer les entreprises.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Je vais ici donner une réponse globale à plusieurs amendements du même type. Je suis défavorable à tous les amendements qui, d’une manière ou d’une autre, tendent à restreindre le champ d’application de l’article 29 soit parce qu’ils excluent du bonus-malus certaines fins de contrat, soit parce qu’ils ajoutent des critères de modulation mais qui, en fin de compte, poursuivent le même objectif de restriction du champ du bonus-malus.

Sur le premier point, il s’agit le plus souvent de tenir compte de la spécificité de certains contrats, qu’il s’agisse des CDD de remplacement ou des contrats saisonniers. L’inconvénient de ce raisonnement est qu’on ne prendrait pas en considération le fait que certaines de ces fins de contrat ne donnent pas lieu à inscription sur la liste des demandeurs d’emploi, or c’est bien ce qui est visé par le système de bonus-malus. Et cela aurait probablement pour effet pervers, si je puis dire, de conduire toutes les entreprises qui fonctionnent de cette manière à se replier sur le contrat qu’on exclurait du dispositif. Nous raterions donc l’objectif poursuivi.

D’autres amendements visent à éviter le bonus-malus pour les ruptures de contrat qui ne seraient pas imputables à l’employeur. La difficulté consiste ici à objectiver l’absence de responsabilité de l’employeur dans la rupture. Pour ce qui est de la rupture conventionnelle, que certains amendements souhaitent exclure du bonus-malus, je rappelle qu’elle peut toujours être refusée par l’employeur et qu’il n’y a donc pas de raison de la traiter différemment d’une autre fin de contrat.

Le dispositif proposé par le Gouvernement a le mérite de la généralité : il ne vise pas un type particulier de contrat mais toutes les fins de contrat – quelles que soient la nature et la durée des contrats. Le nombre de ces fins de contrat est ramené à l’effectif total de l’entreprise pour produire, je l’ai déjà évoqué, un taux de séparation. Ce dernier sera comparé à un taux de référence : si ce dernierest dépassé, la contribution patronale à l’assurance chômage pourra être majorée ; si le taux de référence n’est pas atteint, la contribution sera minorée.

Je défendrai donc l’équilibre ainsi prévu par l’article 29.

Mme Monique Iborra. Nous n’ignorons pas la difficulté que peut représenter le bonus-malus dès lors que son champ d’application est large. Notre démarche n’est pas punitive a priori contre les chefs d’entreprise. Je rappelle que notre philosophie consiste certes à libérer mais aussi à protéger. Or nous devons faire face à l’explosion des contrats courts. Si certains sont liés au secteur d’activité – on pense aux travailleurs saisonniers –, d’autres sont abusifs. Il est donc normal que la puissance publique intervienne, surtout au moment où il semble que l’économie reparte, pour rationaliser l’utilisation des différents contrats, les contrats courts créant de la précarité.

J’ajoute que les partenaires sociaux ont jusqu’au mois de décembre pour faire des préconisations que le Gouvernement pourrait suivre. En attendant, il est de notre responsabilité de soutenir le système du bonus-malus.

M. Dominique Da Silva. Je ne remets pas en cause le bonus-malus mais on ne sait pas trop où on va. Les CDD temporaires par nature n’ont pas vocation à précariser le salarié à long terme. La permittence, c’est bien souvent le salarié qui la veut. Cela lui permet d’interrompre son activité pour ensuite profiter de l’assurance chômage, sans qu’il y ait forcément consentement de l’employeur. Certes, des discussions sont en cours et nous verrons bien ce qu’il en ressortira mais, pour le dire familièrement, je ne le sens pas bien.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Je viens de vérifier les contrats mentionnés à l’article L. 1242-2 du code du travail. Le 3° fait référence aux « emplois à caractère saisonnier, dont les tâches sont appelées à se répéter ». Entrent également dans cette catégorie les CDD d’usage, utilisées notamment par les associations intermédiaires. Comment les appréhender dans le cadre du dispositif prévu ?

Mme Patricia Gallerneau. J’adhère totalement à ce que vient de déclarer Mme Iborra.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Ces contrats seront traités de la même manière que les autres, Mme de Vaucouleurs, puisque, comme je viens de le dire, c’est bien la fin de contrat qui donne lieu à inscription à Pôle Emploi, qui sera prise en compte pour le bonus ou pour le malus. Il n’y a pas de raison que les CDD d’usage donnent lieu plus que d’autres types de contrats à l’inscription à Pôle Emploi. On peut au contraire imaginer que les salariés d’un secteur où c’est l’usage de recourir à ces contrats passent d’un contrat à l’autre et donc ne sont pas inscrits à Pôle Emploi – aussi leur entreprise ne sera-t-elle pas pénalisée.

La commission rejette l’amendement.

8.   Réunion du jeudi 31 mai 2018 à 21 heures 15 (article 29 à après l’article 66)

La commission poursuit l’examen du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel (n° 904) (Mme Nathalie Elimas, Mme Catherine Fabre et M. Aurélien Taché, rapporteurs).

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.6117251_5b1047beb2a88.commission-des-affaires-sociales--liberte-de-choisir-son-avenir-professionnel-31-mai-2018

Article 29 (suite)
Possibilité de faire varier le taux de la contribution patronale d’assurance chômage en fonction du nombre de fin de contrats

La commission examine l’amendement AS932 de M. Francis Vercamer.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. En matière de lutte contre la permittence, les critères d’âge du salarié, la nature du contrat de travail, sa durée et la taille de l’entreprise instaurés en 2013 à la suite de l’ANI du 11 janvier 2013, n’ont pas permis de ralentir la hausse continue du recours aux CDD selon l’UNÉDIC, notamment des contrats de très courte durée – ceux de moins d’une semaine.

Il est donc nécessaire de redéfinir les critères de modulation du taux de contribution des employeurs afin de responsabiliser ces derniers quant aux conséquences de leur décision sur le coût financier et social de l’assurance chômage.

Le présent article introduit un critère portant sur le nombre de fins de contrats, à l’exclusion des démissions. Il apparaît cependant indispensable de compléter cette disposition afin de l’adapter au type de secteur dans lequel exerce l’entreprise. En effet, dans certains secteurs d’activité, il est d’usage constant de recourir à des CDD en raison de l’activité de l’entreprise et du caractère par nature temporaire de l’emploi concerné – hôtellerie-restauration, centres de loisirs, de vacances, agriculture. De même, il nous semble opportun de supprimer le critère d’âge établi, car il instaure de la complexité et n’a pas fait la preuve de son efficacité.

M. Aurélien Taché, rapporteur pour le titre II. Je l’ai dit dans mon propos liminaire sur l’article 29, il ne paraît pas pertinent d’exclure un type de contrat plutôt qu’un autre. Je suis donc défavorable à cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie, en discussion commune, des amendements AS781 de M. Adrien Quatennens, AS846 de Mme Gisèle Biémouret et AS1106 de Mme Nathalie Elimas.

Mme Patricia Gallerneau. L’article 29 ajoute un critère nouveau parmi ceux pouvant être utilisés par les accords d’assurance chômage pour majorer ou minorer les contributions patronales : le nombre de fins de contrats de travail, notamment les contrats courts, assortis d’une inscription sur la liste des demandeurs d’emploi, afin de responsabiliser les entreprises et de faire ainsi progresser l’emploi stable. Nous proposons d’ajouter un nouveau critère : le nombre des licenciements pour cause d’inaptitude, qui frappent près de 100 000 personnes chaque année. Il est essentiel d’encourager une responsabilisation des employeurs concernés en instaurant une mesure dissuasive.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Vous proposez d’ajouter un nouveau critère, le nombre de licenciements pour inaptitude, permettant de moduler à la hausse ou à la baisse cette contribution patronale. Je comprends que votre objectif est de lutter contre la précarité contractuelle des salariés atteints de handicap.

Sans méconnaître l’importance du sujet qui me paraît vraiment essentiel, j’avoue que je n’en mesure pas l’impact sur les comptes de l’assurance chômage. L’article 29 poursuit une finalité directement liée à l’assurance chômage en limitant le recours aux contrats courts qui pèse lourdement sur ces régimes. Je l’ai dit, le montant des dépenses générées par les contrats en question est trois fois supérieur à celui des recettes qu’ils dégagent, mais il ne me paraît pas opportun de rajouter un critère de modulation supplémentaire, de surcroît sans avoir une visibilité en termes d’équilibre sur l’assurance chômage.

Je précise enfin que les licenciements pour inaptitude seront de toute façon, comme l’ensemble des licenciements, constitutifs d’une fin de contrat et qu’ils entreront dans le champ d’application du bonus-malus. Je suis donc défavorable à ces amendements.

La commission rejette successivement ces amendements.

Elle en vient à l’amendement AS626 de M. Francis Vercamer.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Cet amendement vise à supprimer le critère d’âge pour majorer ou minorer les taux des contributions patronales d’assurance chômage en cas de recours à des CDD.

M. Aurélien Taché, rapporteur. La possibilité de moduler la contribution patronale en fonction de l’âge avait été introduite dans le droit par la loi de 2013 relative à la sécurisation de l’emploi. À l’époque, il s’agissait de permettre une exonération temporaire au profit des employeurs embauchant en CDI des jeunes de moins de vingt-six ans. Ce critère n’est pas modifié par l’article 29, mais la dernière convention d’assurance chômage a supprimé cette exonération. Pour autant, il n’apparaît pas pertinent de priver les partenaires sociaux de ce critère de modulation, si d’aventure ils souhaitaient y recourir à l’avenir. Peut-être la ministre pourra-t-elle nous en dire plus, mais je ne crois pas qu’il soit dans les intentions du Gouvernement de moduler en fonction de l’âge.

Je suis défavorable à cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Elle étudie l’amendement AS625 de M. Francis Vercamer.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Il vise à prendre en compte le secteur d’activité de l’entreprise pour majorer ou minorer les taux des contributions patronales d’assurance chômage.

M. Aurélien Taché, rapporteur. La modulation par secteur économique qui serait réalisable grâce au code NAF (nomenclature des activités françaises) des employeurs permettrait en effet de tenir compte, dans la mise en œuvre du bonus-malus, des spécificités de chaque type de secteur en appréciant le nombre de fins de contrats par secteur et non au seul niveau national. Les activités dans lesquelles les fins de contrats sont proportionnellement plus nombreuses seraient donc moins pénalisées. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Les amendements AS1007 et AS1008 de M. Denis Sommer sont successivement retirés.

La commission examine l’amendement AS1010 de M. Denis Sommer.

M. Denis Sommer. En cas d’application du bonus-malus à une entreprise, il est bon que le chef d’entreprise soit systématiquement informé des modalités de calcul du taux qui lui a été appliqué.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Vous souhaitez qu’en cas d’application du bonus-malus à l’employeur, les données et les sources soient transmises. J’imagine que vous prévoyez que cette transmission soit faite à l’employeur, même si ce n’est pas précisé dans votre amendement.

La mesure que vous proposez pose une vraie question en matière de protection des données, car il faudrait s’assurer finalement qu’aucune information nominative ne soit transmise à l’employeur. Je suis malheureusement contraint de donner un avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 29 modifié.

Après l’article 29
 

La commission est saisie de l’amendement AS782 de M. Adrien Quatennens.

M. Adrien Quatennens. Le recours aux contrats dérogatoires au CDI fragilise l’ensemble du tissu social. L’explosion des embauches en CDD à temps partiel ou en intérim est concomitante avec le maintien d’un taux le chômage élevé. Cela montre que le desserrement du cadre réglementaire et législatif en la matière n’a pas d’influence positive sur l’emploi. Par ailleurs, un contrat à durée déterminée ou à temps partiel ne permet aucunement aux salariés de se projeter sur le long terme. Il est par exemple souvent difficile d’apporter les garanties demandées pour la location d’un logement ou l’obtention d’un prêt pour l’achat d’une voiture. Les contrats atypiques précarisent davantage encore les populations déjà fragiles. 30 % des femmes sont salariées à temps partiel, contre seulement 7 % des hommes, un temps partiel sur trois est subi. Les salariés souhaiteraient travailler davantage.

L’instabilité de l’emploi a aussi des effets directs à moyen terme sur la santé des personnes, la qualité de l’éducation des enfants, la vie familiale. Le CDD et tous les types de contrats atypiques doivent donc rester l’exception.

D’un point de vue économique, la précarité conduit aussi à l’atrophie de la demande intérieure. En résumé, l’économie pâtit directement de la dérégulation qui prétendait justement lutter contre le chômage, d’autant que l’indemnisation après des contrats de moins d’un mois représente 40 % des dépenses de l’assurance chômage.

Nous souhaitons donc instaurer un plafond visant à limiter le recours aux contrats précaires par les entreprises. Ce plafond serait modulable en fonction de la taille de l’entreprise : 10 % pour les PME, 7 % pour les entreprises de taille intermédiaire et 5 % pour les grandes entreprises. Voilà un dispositif ô combien plus efficace que le fameux bonus-malus que vous défendez. Qu’en dites-vous, monsieur le rapporteur ?

M. Aurélien Taché, rapporteur. Cet amendement vise à plafonner la part des CDD qu’une entreprise pourrait conclure, cette part étant d’autant plus faible que l’entreprise est grande. Je ne suis vraiment pas certain de l’effet positif qu’aurait sur l’emploi une mesure aussi coercitive, qui s’appliquerait a priori alors que nous proposons, avec un bonus-malus a posteriori, un dispositif qui permettra de lutter efficacement contre la précarité dans l’emploi sans nuire à l’emploi lui-même.

Je suis donc défavorable à votre amendement.

M. Adrien Quatennens. En quoi ces plafonds seraient-ils nuisibles à l’emploi ?

M. Aurélien Taché, rapporteur. La limitation du volume des contrats conclus risque de décourager les entreprises qui auraient vraiment besoin de recruter du personnel pour une courte durée. Cela aurait donc un effet nuisible sur l’emploi.

Avec le système de bonus-malus, l’entreprise a intérêt à conclure des contrats plus longs, mais il n’y a pas d’interdiction a priori. Cela me semble donc de nature à atteindre le même objectif sans pénaliser l’emploi de manière générale.

M. Laurent Pietraszewski. Monsieur Quatennens, vous visez l’ensemble des CDD. Or, il y a différents motifs pour les contrats à durée déterminée. Ils sont parfaitement légaux et normaux. L’adoption de votre amendement poserait des problèmes pour remplacer les personnes en congés maladie et maternité, etc. Votre amendement n’est pas adapté au monde dans lequel nous vivons.

M. Adrien Quatennens. Le CDI doit rester la règle. Nous ne sommes pas opposés à l’usage de contrats courts, y compris les CDD, qui permettent de faire face à une charge exceptionnelle, soit parce qu’une activité temporaire le nécessite, soit en raison des contraintes que vous avez citées. Le CDD doit bien rester l’exception et, vous l’avez dit vous-même lors de l’examen des ordonnances travail, le CDI restera la règle. Pourtant, vous voyez bien que plus de 80 % des contrats signés sont des contrats courts. Que faites-vous concrètement pour que le CDI redevienne bien la règle ? Je ne pense pas que le bonus-malus aille suffisamment loin pour cela.

La commission rejette l’amendement.

Article additionnel ‑ Article 29 bis
Permettre le remplacement de plusieurs salariés
avec un seul contrat à durée déterminée

La commission étudie, en discussion commune, l’amendement AS1027 du rapporteur et les amendements AS169 et AS168 de M. Paul Christophe.

M. Aurélien Taché, rapporteur. L’amendement AS1027 vise à permettre l’embauche d’une seule personne en CDD pour remplacer plusieurs salariés.

La Cour de cassation fait actuellement une interprétation très littérale de l’emploi du singulier dans la loi. En conséquence, un employeur ne peut pas conclure un CDD avec une seule personne pour remplacer plusieurs salariés absents, qu’il s’agisse de l’absence simultanée de deux salariés à mi-temps ou d’absences successives.

Cet état du droit a donc pour effet mécanique d’augmenter le nombre de CDD, notamment de courte durée, dont la fin est beaucoup plus coûteuse pour l’assurance chômage, à laquelle ils coûtent trois fois plus cher qu’ils ne rapportent.

Cet amendement permet donc de remplacer plusieurs salariés par un salarié en CDD, dans le respect des autres règles encadrant le recours à ces contrats, qui ne sont pas modifiées.

Plusieurs collègues ont déposé des amendements proches – je tiens notamment à saluer le travail d’Annie Vidal – qui poursuivent exactement la même finalité, mais divergent simplement dans la rédaction. Je leur propose de se rallier à l’amendement AS1027.

M. Paul Christophe. Les amendements AS169 et AS168 visent à faire évoluer la législation qui contraint aujourd’hui les établissements à conclure un CDD par salarié remplacé et par motif d’absence.

Nous proposons de créer un contrat qui permettrait de remplacer plusieurs salariés absents successivement, ce qui réduirait le nombre de contrats courts et renforcerait la stabilité de l’emploi, dans l’intérêt tant des employeurs, confrontés à la pénurie de professionnels pour certains emplois, que du salarié.

Mme Monique Iborra. Le groupe la République en Marche soutient l’amendement AS1027. Toutefois, il convient d’être vigilant pour éviter que cette possibilité de remplacement ne devienne courante dans certaines structures – je pense notamment aux établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) – qui ne chercheraient pas à savoir quel est le motif des absences, alors que c’est nécessaire, en cas d’absences répétées, pour améliorer les conditions de travail.

Les amendements AS169 et AS168 sont retirés.

La commission adopte l’amendement AS1027.

L’amendement AS1009 de M. Denis Sommer est retiré.

Chapitre II – Un nouveau cadre d’organisation de l’indemnisation du chômage

Section 1 : Financement du régime d’assurance chômage

Article 30
Règles de financement du régime d’assurance chômage

La commission est saisie des amendements identiques AS850 de M. Boris Vallaud et AS923 de M. Pierre Dharréville.

M. Boris Vallaud. Nous proposons la suppression de l’article 30.

Le financement contributif de l’assurance chômage par le biais de cotisations salariales et patronales assises sur les salaires est un élément fondamental de notre système d’assurance chômage. En faisant basculer ce financement vers la CSG, on organise un glissement progressif de notre système de protection sociale vers un modèle beveridgien qui se traduira nécessairement par une diminution progressive du niveau de protection assuré par notre système d’assurance chômage.

M. Pierre Dharréville. L’article 30 s’inscrit dans la continuité de la réforme de la CSG inscrite dans la loi de financement de la Sécurité sociale, qui, on le voit bien aujourd’hui, vient préempter un peu le débat sur l’assurance chômage. En passant d’une logique de cotisation à une logique d’impôt, on remet en cause le caractère assurantiel, solidaire et contributif de ce régime.

L’assurance chômage a toujours eu vocation à couvrir un risque pour lequel le travailleur cotisait, celui de perdre son emploi. Cette philosophie est renversée au profit d’un système financé par l’impôt. On aurait pu espérer au moins que cette fiscalisation entraîne l’universalisation des droits, mais ce n’est pas le cas tant l’ouverture de l’assurance chômage aux démissionnaires et aux indépendants s’adresse à une minorité d’entre eux.

Par ailleurs, 2,5 millions seulement de chômeurs sont indemnisés, soit 45 % des chômeurs tenus d’être en recherche active d’emploi : on est très loin de l’universalité. Les perspectives qu’ouvre cette réforme nous semblent extrêmement dangereuses. Allons-nous vers un système d’assistance aux plus démunis, avec une allocation forfaitaire déconnectée du salaire gagné par la personne avant le chômage – une sorte de filet de sécurité ? Tout semble désormais possible avec un pilotage gouvernemental de l’assurance chômage, et on peut craindre que l’obsession pour la réduction des dépenses sociales l’emporte sur l’impérieuse nécessité de garantir un haut niveau de revenu de remplacement pour les travailleurs privés d’emploi ou sur l’élargissement du nombre des bénéficiaires.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Ces amendements de suppression de l’article 30, tout en regrettant une universalité insuffisante aux yeux de leurs auteurs, sont plutôt des pétitions de principe en faveur du financement assurantiel du risque chômage. C’est un débat de fond qui est ouvert depuis l’examen de ce titre II.

La majorité assume pleinement de financer à l’avenir une partie de cette assurance chômage par l’impôt, pour plusieurs raisons. D’abord pour universaliser, c’est-à-dire protéger tous les actifs, en leur offrant une liberté plus grande dans les transitions professionnelles, par exemple pour passer du statut d’indépendant à celui de salarié.

Ensuite, ce financement grève moins l’emploi et le pouvoir d’achat que ne le font les cotisations. Nous tirons ici les conséquences de mesures favorables pour notre économie qui avaient été prises dans la loi de financement de la sécurité sociale de 2018, d’une part en supprimant la cotisation maladie des salariés, ce qui fait gagner 263 euros par an à un salarié au SMIC, d’autre part en incluant la contribution patronale d’assurance chômage dans le champ de l’allégement général, afin d’accroître la compétitivité-coût de nos entreprises.

Enfin, c’est aussi une véritable avancée démocratique puisqu’il reviendra au Parlement de voter chaque année l’impôt affecté à l’assurance chômage.

Les mesures de la LFSS 2018 ont pour effet de réduire de 16 milliards les recettes de l’assurance chômage. La protection devenant plus universelle, il faut maintenant que nous avancions vers un financement plus universel.

Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable à ces amendements.

La commission rejette les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AS1340 du rapporteur.

Elle en vient à l’amendement AS339 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Dans la logique des exonérations votées en loi de financement de la Sécurité sociale pour 2018, le présent projet remplace la contribution salariale d’assurance chômage par une fraction de CSG affectée à l’UNÉdIc en loi de finances. Ce faisant, il remet en cause de manière assumée la nature contributive du régime, lequel sera donc désormais financé pour près de moitié par l’impôt. On passe d’un système assurantiel à un système de solidarité nationale, ce qui pose un certain nombre de problèmes dont nous reparlerons, je pense, dans l’hémicycle.

Au moment où la croissance repart, on prive l’assurance-chômage du caractère dynamique des cotisations salariales. C’est particulièrement regrettable, alors que l’UNÉDIC enregistre une dette de près de 35 milliards. Ce n’est pas ce système qui va permettre de rembourser la dette !

Le présent amendement vise donc à garantir la pérennité de l’assurance-chômage en s’assurant que la part d’impôt respecte le même dynamisme que la contribution des salariés.

M. Adrien Taché, rapporteur. Votre amendement vise à s’assurer que les ressources fiscales affectées au financement de l’allocation d’assurance représentent au moins 60 % du montant des contributions patronales.

Le texte prévoit que les ressources fiscales soient principalement destinées au financement de l’allocation d’assurance. Il y a une logique à cela. J’ai moi-même déposé un amendement pour indiquer qu’effectivement les ressources fiscales devaient en priorité financer cette nouvelle allocation dans une logique d’universalité, et que la cotisation patronale devait plutôt être fléchée vers l’assurance chômage de droit commun.

Votre intention est de conserver un lien entre les nouvelles ressources fiscales et l’actuelle assiette des cotisations, à savoir la masse salariale. J’avoue ne pas comprendre comment le taux de 60 % est construit. En tout état de cause, s’il s’agit de vous rassurer sur le lien entre la future ressource fiscale et la masse salariale, je peux le faire : la recette fiscale affectée à l’UNÉDIC sera en effet une fraction de CSG, impôt dont l’assiette est la même que celle des cotisations chômage.

Avis défavorable.

M. Gérard Cherpion. Je comprends bien l’explication de notre rapporteur. Aujourd’hui, nous avons, et c’est tant mieux, un peu de croissance. Cette croissance crée de l’emploi, qui lui-même dégage des ressources pour l’assurance chômage. En fait, s’il y a davantage d’emploi, il y a davantage de cotisations chômage, donc davantage de recettes que de dépenses. Jusque-là, tout va bien, mais si on passe à un impôt de solidarité nationale, on ne bénéficiera plus du dynamisme de l’emploi lorsque celui-ci revient avec la croissance. Je souhaite donc que l’on institue une forme d’indexation sur le dynamisme de l’emploi.

M. Adrien Taché, rapporteur. Je comprends votre préoccupation. Elle serait totalement justifiée si la ressource fiscale qu’on avait choisie n’était pas la CSG, qui est aussi assise sur la masse salariale. Donc, votre raisonnement qui consiste à dire que le financement devrait suivre l’évolution du taux d’emploi, qui est tout à fait juste, est satisfait par le basculement du financement des cotisations chômage vers la CSG.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS1271 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. Monsieur le rapporteur, je souhaiterais que, dans les interventions qui vont suivre, vous précisiez votre philosophie de l’assurance chômage, notamment sur cette notion de filet de sécurité que j’ai évoquée.

Telle qu’elle est prévue, l’ouverture de l’assurance chômage aux travailleurs indépendants est tellement conditionnée qu’elle ne bénéficiera qu’à 30 000 personnes par an. À cela s’ajoute le fait que l’allocation forfaitaire prévue au profit des indépendants sera financée par une fraction de CSG payée en partie par les salariés.

À travers cet amendement, nous proposons d’assurer un financement pérenne et ambitieux à l’assurance chômage des indépendants, en y affectant une contribution prélevée sur les dividendes versés aux actionnaires. Cette contribution, beaucoup plus efficace et juste, pourrait permettre de dégager 600 millions d’euros par an, avec des droits au chômage relevés pour les indépendants, sans menacer l’équilibre du régime d’assurance chômage des salariés.

M. Adrien Taché, rapporteur. À propos du filet de sécurité, une allocation nouvelle est créée pour les travailleurs indépendants, qui constitue une avancée de plus vers l’universalisation du chômage et qui est un plus pour les salariés. On reste bien dans un système qui garantit les mêmes droits et qui en ouvre même de nouveaux, aux salariés démissionnaires. Vous le voyez, notre conception de l’universalité est ambitieuse et n’est pas seulement destinée à créer un filet de sécurité pour tous.

S’agissant de la manière de financer cette assurance chômage, nous nous sommes attachés, nous l’avons dit à plusieurs reprises, à ne pas créer de nouveaux prélèvements. Or, ce que vous proposez là serait la création d’un nouveau prélèvement. Pour financer cette assurance chômage, nous utilisons bien une recette fiscale, mais – je viens de le dire à notre collègue Cherpion – assise sur la masse salariale et qui peut ainsi suivre le dynamisme de l’emploi.

Votre proposition ne répond pas à cet objectif de ne pas créer de nouveaux prélèvements. Donc, avis défavorable.

M. Pierre Dharréville. Monsieur le rapporteur, vous dites que vous ne voulez pas créer de nouveaux prélèvements, ce qui m’étonne. Les budgets de l’État et de la sécurité sociale votés cette année comportent au moins un nouveau prélèvement : l’augmentation de la CSG, qui s’applique notamment à sept millions de retraités de ce pays. Votre argument n’est pas tout à fait recevable.

M. Adrien Taché, rapporteur. Une petite précision : on ne crée pas de prélèvement, on bascule des cotisations vers la CSG. Tout cela est neutre, vous le savez.

M. Pierre Dharéville. Pas pour les 7 millions de retraités !

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS1341, AS1342 et AS1343 du rapporteur.

Elle adopte l’article 30 modifié.

Après l’article 30

La commission est saisie de l’amendement AS783 de M. Adrien Quatennens.

Mme Caroline Fiat. À ce jour, nous connaissons la dette accumulée de l’UNÉDIC – environ 36 milliards en 2018 – et le montant des intérêts : environ 400 millions. Nous savons aussi que 2 milliards ont été versés aux créanciers en six ans.

La dette de l’UNÉDIC est bien souvent décriée par le Gouvernement, mais celle-ci a bon dos : elle n’est pas la conséquence d’une mauvaise gestion.

Pour remédier à l’endettement de l’UNÉDIC, il est essentiel d’avoir un bon diagnostic de cette situation : d’où vient cette dette, qui sont les créanciers ? Son directeur lui-même n’en est pas informé. Comment les intérêts payés pourraient-ils évoluer ?

Un collectif citoyen de la dette de l’assurance chômage, conduit notamment par des chômeurs, des syndicalistes et des retraités, a publié un rapport intermédiaire en avril dernier. On y observe que la hausse de la dette de l’UNÉDIC ne relève pas de la responsabilité des demandeurs d’emploi, mais bien plutôt de sa participation au financement de Pôle Emploi à hauteur de 10 % de ses recettes, soit 3,3 milliards en 2016. Ainsi est-elle en charge, à la place de l’État, d’une large part de la contribution au service public de l’emploi – désormais pratiquement le double de celle de l’État, système que ce projet prolonge de deux ans, nous le verrons avec le prochain article.

Dans une lettre ouverte à la direction de l’UNÉDIC, à son conseil d’administration et au ministère du travail, le groupe d’audit citoyen lui demande de rendre public l’état détaillé de sa dette depuis dix ans, avec un historique du paiement des intérêts. Nous entendons leur demande et nous l’estimons légitime. C’est la raison de cet amendement.

M. Adrien Taché, rapporteur. Vous souhaitez que le rapport annuel de l’UNÉDIC au Parlement soit accompagné d’un audit de la dette de l’assurance chômage. Mais il semble très difficile de connaître à un instant T la structuration d’une dette qui est, par définition évolutive car placée sur des marchés des capitaux. À mes yeux, il est plus important de savoir comment réduire cette dette, et de maintenir les droits des demandeurs d’emploi. Comme je viens de le dire à Pierre Dharréville, nous y sommes particulièrement attachés.

J’ajoute que des informations sur la détention de la dette sont disponibles sur les sites internet de l’UNÉDIC et de l’Autorité des marchés financiers (AMF).

Je ne suis donc pas favorable à votre amendement.

Mme Caroline Fiat. J’entends bien, monsieur le rapporteur, que vous souhaitez faire en sorte que cette dette disparaisse ou du moins se réduise. Mais comment faire sans audit de l’objet de la dette ?

M. Adrien Taché, rapporteur. Je crois que l’objet de la dette est clair. Ce qui vous intéresse avec cet amendement est plutôt de savoir à qui appartient cette dette. Or, cela me semble beaucoup plus difficile à déterminer, et surtout moins prioritaire comme objectif.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AS897 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. En s’appuyant sur les travaux extrêmement documentés du groupe d’audit citoyen de la dette de l’assurance chômage, que je tiens à votre disposition, le présent amendement propose au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport évaluant les conditions de mise en place d’une large commission citoyenne, réunissant parlementaires, organisations syndicales, associations de chômeurs, et citoyens, en charge de la réalisation d’un audit citoyen de la dette de l'UNÉDIC, pour faire la lumière, de manière impartiale et démocratique, sur l’ensemble des facteurs ayant conduit à l’emballement de cette dette. Cet exercice est d’autant plus crucial que les intérêts de la dette menacent les droits à indemnisation des demandeurs d'emploi et l’équilibre du régime d’assurance chômage.

J’ai parfois entendu, lors des débats, que les chômeurs et les chômeuses en seraient responsables. Je crois que ceux-ci mériteraient qu’on se penche sur la question de savoir comment cette dette a été produite, et à qui elle appartient. Tel est le sens de cet amendement.

M. Adrien Taché, rapporteur. L’amendement précédent proposait de réaliser un audit de cette dette. Votre proposition semble encore plus compliquée puisqu’il faudrait créer une commission citoyenne pour réaliser cet audit. J’y suis encore moins favorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 31 : Disposition transitoire relative à la contribution globale de l’UNÉDIC au budget de Pôle emploi

La commission adopte l’article sans modification.

Section II : La gouvernance

Article 32
Cadrage des négociations des accords d’assurance chômage

La commission examine les amendements identiques AS708 de M. Jean-Hugues Ratenon, et AS922 de M. Pierre Dharréville.

Mme Caroline Fiat. La gestion paritaire de l’UNÉDIC est une conquête sociale. Cela signifie que ce sont les travailleurs eux-mêmes qui décident du montant et des conditions d’indemnisation à partir d’une convention entérinée par l’État tous les trois ans. Or, par cet article, le Gouvernement s’arroge, une fois de plus, un pouvoir supplémentaire. Si ce texte est voté, il pourra décider lui-même la trajectoire financière de l’UNÉDIC, le délai dans lequel la négociation doit aboutir, et le cas échéant, les objectifs d’évolution des règles du régime d’assurance chômage. Mais les dispositions de cet article vont plus loin encore, puisque si la convention à laquelle les partenaires sociaux ont abouti ne convient pas au Premier ministre, il pourra décider tout seul, par décret en Conseil d’État, du montant des cotisations et des conditions d’indemnisation.

La lettre de cadrage prévue par cet article est une étape supplémentaire vers la fin d’une véritable gestion paritaire de l’UNÉDIC. Alors que les allocations chômage baissent d’année en année et que le dernier PLFSS a encore réduit les recettes de l’UNÉDIC, on demande à celle-ci de prendre en charge une partie des contributions à Pôle Emploi, ce qui n’est pas son rôle. Le Gouvernement actuel ne cesse de pointer du doigt une dette injustement attribuée à une mauvaise gestion de l’assurance chômage. Ce sont les chômeurs qui seront les premières victimes de cette étatisation.

En outre, si, tous les cinq ans, les orientations de l’UNÉDIC changent brutalement, la continuité qu’assure une gestion réellement paritaire sera mise à mal.

Rien ne justifie ce paritarisme étatisé, pas même une dette que nous pourrions facilement résorber en augmentant les cotisations sociales patronales.

Voilà pourquoi nous souhaitons supprimer cet article.

M. Pierre Dharréville. L’article 32 prévoit une reprise en main par l’État du pilotage du régime d’assurance chômage, mettant fin à la gestion paritaire de l’UNÉDIC. Il s’agit d’un renversement sans précédent dans le fonctionnement de notre modèle social.

Dans ce cadre, les partenaires sociaux n’auront plus qu’un rôle subalterne : appliquer sans marges de manœuvre financières la feuille de route dictée par un Gouvernement qui vante pourtant les mérites du dialogue social.

On soumet ainsi l’assurance chômage à une logique comptable, de la même manière que l’on gère le budget de l’assurance maladie sans tenir compte des besoins en santé.

Sans possibilité d’agir sur le volet recettes, il est à craindre que les partenaires sociaux soient enfermés dans un cercle vicieux qui les amènera à réduire les dépenses, donc l’indemnisation des travailleurs privés d’emploi.

Je suis extrêmement attaché à l’idée du bien commun, et aux dynamiques d’appropriation sociale, de propriété commune d’un certain nombre de biens essentiels. Cette gestion démocratique mériterait d’être améliorée et la gestion paritaire, telle que nous la connaissons aujourd’hui, était un point de départ intéressant. La République doit accepter de diversifier ses formes de gestion, mais cette étatisation ne va pas dans la bonne direction.

C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article, qui ouvre la porte à une gestion du régime par les coûts et à une réduction des droits des demandeurs d’emploi.

M. Adrien Taché, rapporteur. Depuis le début de nos débats, on a dit qu’on allait vers plus d’universalisation, par le biais d’une fiscalisation de la recette et du financement, et l’ouverture de nouveaux droits. Il est donc logique que cette universalisation, ce financement de l’assurance chômage par une recette fiscale, la CSG, entraîne une réforme de la gouvernance et un droit de regard du Gouvernement.

Le Premier ministre adressera un document de cadrage aux partenaires sociaux avant le début de leurs négociations sur la convention d’assurance chômage qui, pour être agréée, devra respecter une trajectoire financière.

Cela ne remet pas fondamentalement en cause le paritarisme puisque les partenaires sociaux resteront bien, comme aujourd’hui, les seuls gestionnaires de l’UNÉDIC. Afin de tenir compte de leur souhait légitime d’être mieux informés et d’éviter, autant que faire se peut, un second document de cadrage au cours de la convention, j’ai déposé deux amendements : l’un prévoit, avant l’envoi du document de cadrage, une concertation entre le Gouvernement et les partenaires sociaux, afin de recueillir leur expertise dans les meilleures conditions ; l’autre vise à ce que le Premier ministre indique aux partenaires sociaux, pour leur donner de la visibilité, les hypothèses macroéconomiques sur lesquelles se fonde le document de cadrage, ainsi que les prévisions à trois ans du montant des ressources fiscales affectées.

Mes chers collègues, si j’espère recueillir votre soutien à ces amendements, vous comprendrez que je ne puisse pas accepter les amendements de suppression.

Mme Monique Iborra. Je voudrais tout de même rappeler que le responsable de la politique de l’emploi, c’est bien l’État, et que le fait d’opposer a priori les partenaires sociaux à l’État sur les politiques de l’emploi et la gestion de l’assurance chômage relève de la caricature, d’autant que, comme l’a dit M. le rapporteur, un élément nouveau est intervenu – avec lequel vous n’êtes peut-être pas d’accord, mais c’est un autre problème – qui est l’introduction de la CSG, c’est-à-dire de l’impôt, dans le financement de l’assurance chômage.

Je crois qu’il y a mieux à faire que d’opposer l’État, qui voudrait tout reprendre et recentraliser, aux partenaires sociaux. La lettre de cadrage – qui existait auparavant, mais de façon informelle – n’empêchera pas les partenaires sociaux de négocier, mais permettra à l’État, au Gouvernement, d’intervenir sur un certain nombre de dispositions.

M. Pierre Dharréville. Je ne suis pas très rassuré par les explications qui viennent de nous être fournies, d’autant que, depuis quelques années, on s’est un peu donné le mot à Bruxelles pour réduire les dépenses publiques et les dépenses sociales dans toutes leurs dimensions – celles des États, comme celles des systèmes de protection sociale et des collectivités territoriales. On est bien dans cette logique, que vous décrivez fort bien.

La tendance qui sera imprimée à l’assurance chômage et aux droits des demandeurs d’emploi ne peut que nous inquiéter. Encore une fois, on assiste à une reprise en main centralisée qui est très préoccupante. Les partenaires sociaux eux-mêmes ne doivent pas en être très heureux.

M. Gérard Cherpion. J’ai écouté les arguments des uns et des autres : il y a du vrai dans ce que dit M. Dharréville, et je pense qu’il a raison de s’interroger.

Par le basculement d’une partie de la CSG sur l’assurance chômage, on s’oriente vers un système de solidarité nationale. Mais, dans le même temps, le ministre des comptes publics déclare qu’on dépense trop pour la solidarité nationale. Je comprends que des craintes s’expriment.

Je ne vais néanmoins pas voter l’amendement de suppression,…

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Les barrières ne sont pas encore tombées !

M. Gérard Cherpion. …mais on peut comprendre que les citoyens et les partenaires sociaux s’inquiètent. D’ailleurs, les partenaires sociaux ont-ils encore leur place au sein de l’UNÉDIC ? La question se pose.

La commission rejette les amendements.

Elle est saisie de l’amendement AS1442 du rapporteur.

M. Adrien Taché, rapporteur. Le premier amendement auquel je faisais référence vise à instaurer une concertation préalable systématique avec les partenaires sociaux sur le contenu du document de cadrage des négociations relatives aux accords d’assurance chômage avant sa transmission au Premier ministre.

L’objectif est d’assurer, dès l’amont du document de cadrage, un dialogue entre l’État et les partenaires sociaux sur les objectifs des futures négociations. C’était une demande des partenaires sociaux, qui a été exprimée lors des différentes auditions. Elle est légitime puisqu’ils restent effectivement pleinement gestionnaires de l’UNÉDIC.

Ce document de cadrage indiquera une trajectoire financière, mais les partenaires sociaux seront consultés sur l’élaboration de cette trajectoire.

M. Pierre Dharréville. Je n’avais pas voulu être cruel en rappelant les propos de Gérald Darmanin, mais Gérard Cherpion a eu l’amabilité de le faire. De fait, ils ne sont pas de nature à nous rassurer.

Je reviens sur l’argument qui a été avancé à propos des nouveaux bénéficiaires de l’assurance chômage. On aurait pu tout à fait imaginer apporter des modifications à la gouvernance actuelle, afin d’intégrer de nouveaux acteurs. Ce n’est pas le choix que vous avez fait et je maintiens mon opposition à la philosophie générale qui vous anime.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte également l’amendement rédactionnel AS1347 du rapporteur.

Elle examine l’amendement AS848 de M. Boris Vallaud.

M. Boris Vallaud. Il s’agit de rétablir une réelle subsidiarité dans la gouvernance de l’assurance chômage. Les dispositions envisagées par cet article, en particulier celles des alinéas 12 à 19, déséquilibrent totalement le système que le Gouvernement entend mettre en place, et instituent un tripartisme de façade dans lequel les partenaires sociaux ne servent plus que d’alibi pour endosser les mesures d’économies que le Gouvernement entendra leur imposer.

M. Adrien Taché, rapporteur. Vous proposez de compléter l’alinéa 3 par les mots « qui fait l’objet d’une concertation entre le Premier ministre et ces organisations ». Cette préoccupation est satisfaite puisque l’amendement AS1442 que nous venons d’adopter instaure cette concertation avant l’élaboration du document de cadrage.

Mon avis est donc défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l'amendement AS254 de Mme Patricia Gallerneau.

Mme Patricia Gallerneau. Les organisations représentatives d’employeurs et de salariés ont émis des doutes sur leur possibilité de se réunir si aucun document de cadrage n'a été transmis. C’est pourquoi nous proposons de compléter l’alinéa 3 par la phrase suivante : « Les organisations représentatives d’employeurs et de salariés restent libres de se rencontrer avant la transmission de ce document de cadrage. »

M. Aurélien Taché, rapporteur. Je comprends d’autant plus votre préoccupation que j’étais présent lors des auditions où les partenaires sociaux avaient émis ce doute. Cette crainte était vraiment infondée. Nous avons vérifié et ils pourront bien se rencontrer pour les travaux préparatoires à ce document de cadrage, comme ils le souhaitent. Nous n’avons donc pas besoin de le mentionner dans la loi.

L'amendement est retiré.

La commission est saisie de l'amendement AS526 du rapporteur.

M. Aurélien Taché, rapporteur. C’est le deuxième amendement dont je vous avais parlé. Il prévoit que, dans ce document de cadrage qui sera transmis aux partenaires sociaux, figureront les hypothèses macroéconomiques sur lesquelles le Gouvernement se fonde pour construire la trajectoire financière, et aussi une prévision des recettes fiscales sur trois ans.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Je salue cette initiative. Il est très important que les partenaires sociaux aient le même niveau d'information que l’État sur les hypothèses macroéconomiques qui fondent la trajectoire financière. Cela fait partie de l’exercice démocratique. Il est logique de fixer une trajectoire financière quand une partie des montants vient de la solidarité et quand l’État garantit 33 milliards d’euros de dettes – 36 milliards l’année prochaine. Cette décision doit se prendre aux termes d’un débat durant lequel toutes les données auront été mises sur la table. C’est un signe de maturité démocratique.

La commission adopte l'amendement.

Elle adopte l’amendement de cohérence rédactionnelle AS1348 du rapporteur.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette successivement les amendements AS1495 et AS1496 de M. Boris Vallaud.

Elle adopte l’amendement de clarification rédactionnelle AS1349 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 32 modifié.

Article 33
Mise en œuvre transitoire par voie réglementaire de certaines mesures habituellement fixées par la convention d’assurance chômage

La commission est saisie de l'amendement AS1208 de M. Boris Vallaud.

M. Boris Vallaud. Cet amendement vise à supprimer la possibilité que s’octroie le Gouvernement de faire évoluer à court terme les règles sur les activités réduites.

Le Gouvernement s’offre la possibilité, par décret, après remise d’un rapport au plus tard le 1er janvier 2019, et en lieu et place de la négociation, de déterminer seul les taux de contributions et d’allocation d’assurance chômage ainsi que les conditions de cumul des allocations d’assurance chômage et des allocations de solidarité avec d’autres revenus. On ne peut laisser le Gouvernement décider seul du niveau des droits des demandeurs d’emploi. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

M. Aurélien Taché, rapporteur. L'article 33 permet, en effet, au Gouvernement de prendre par décret des mesures relevant habituellement de la convention d’assurance chômage.

Cette dérogation serait permise pendant un temps limité – du 1er janvier 2019 au 30 septembre 2020 – et son objet serait circonscrit.

Il s’agit tout d'abord de faire entrer en vigueur rapidement, sans attendre la prochaine convention de 2020, des mesures importantes : l’ouverture de l’assurance chômage aux démissionnaires et aux travailleurs indépendants. Il s’agit aussi de pouvoir lutter contre la multiplication des contrats courts qui pèsent sur l’assurance chômage.

Le Gouvernement n’agira par décret que si les partenaires sociaux ne proposent pas de mesures suffisantes début 2019, à l’issue de leurs négociations de branche. Le paritarisme est donc respecté, et la balle est dans le camp des partenaires sociaux.

Si leurs propositions sont insuffisantes, le Gouvernement pourra, grâce à cet article 33, mettre en œuvre le bonus-malus dont les principes sont posés à l’article 29, et aménager les règles de cumul entre revenus d’activité et allocation d’assurance. C’est l’articulation de ces deux dispositions qui permettrait une lutte efficace contre la précarité dans l’emploi.

Pour l’ensemble de ces sujets, je pense que nous avons besoin d’une action forte et rapide. Je suis donc défavorable à votre amendement.

La commission rejette l'amendement.

Elle adopte successivement les amendements de précision AS1355 et AS1356 du rapporteur.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, elle adopte l’amendement AS1209 de M. Boris Vallaud.

Elle adopte successivement l’amendement rédactionnel AS1354 et l’amendement de précision AS1353 du rapporteur.

Puis elle examine l’amendement AS487 de Mme Véronique Riotton.

Mme Véronique Riotton. Le travail saisonnier répond à des besoins spécifiques de nombreux territoires, notamment en montagne. Le présent amendement vise à inscrire dans la loi que les malus sur les contributions patronales des contrats courts ne peuvent pas porter sur les contrats saisonniers.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Dans mon développement global sur l’article 29, j’ai indiqué que nous ne souhaitons pas exclure par principe un type de contrat. Nous voulons préserver un dispositif général qui modulera la cotisation patronale à l’assurance chômage en fonction du taux de séparation dans l’entreprise. Si un type de contrat était exclu plutôt qu’un autre, nous raterions cet objectif. Je suis malheureusement contraint de donner un avis défavorable à votre amendement.

Mme Véronique Riotton. Ce n’est pas satisfaisant pour le travail saisonnier qui constitue une part importante de l’économie, notamment en montagne. Il faudrait trouver une solution qui permette de ne pas plomber ces contrats. J'aimerais avoir une réponse un peu plus explicite sur ce point.

M. Gérard Cherpion. Ces contrats particuliers sont beaucoup utilisés en montagne et en bord de mer. Certaines personnes ne travaillent que sous ce régime de saisonnier : ils vont dans les stations de ski en hiver et sur la côte pendant l’été. Il est nécessaire de tenir compte de ces métiers et de faire en sorte qu’ils ne soient pas pénalisés. Ces travaux saisonniers représentent énormément d’emplois, souvent peu qualifiés. Il serait dommage de freiner ces emplois qui sont nécessaires à l’économie de certains secteurs.

M. Aurélien Taché, rapporteur. M. Cherpion vient d’alimenter ma réponse. Les travailleurs saisonniers qui passent l’hiver en montagne et l’été sur les côtes ne se retrouvent pas souvent au chômage. Si ces contrats saisonniers ne donnent pas lieu à une inscription au chômage, il n’y a pas de pénalisation pour les entreprises. J’ajouterai un élément supplémentaire lié à un amendement que nous avons adopté : l’éventuel bonus-malus sera calculé en fonction d’une moyenne par secteur d'activité, ce qui répond à la préoccupation des domaines, tels que l’hôtellerie, qui utilisent beaucoup de contrats saisonniers.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Je souhaite profiter de cet amendement pour revenir sur la situation des CDD d’usage dans les associations intermédiaires. Les gens qui travaillent dans ces conditions sont généralement inscrits comme demandeurs d’emploi. Ils sont à la fois salariés et demandeurs d'emploi. Comment réglez-vous cette question ?

M. Aurélien Taché, rapporteur. Si certains secteurs recourent à des CDD d’usage, comme vous le dites, c’est que, a priori, les salariés passent d’un contrat à l’autre. Pour les situations qui seraient vraiment très caractérisées par un cumul avec les allocations emploi, l’article 33 apporte des réponses puisqu’il prévoit de traiter le cumul emploi-chômage et la situation des CDD à travers le bonus-malus. Les articles 29 et 33 traduisent notre volonté de responsabiliser l’ensemble des acteurs.

M. Gérard Cherpion. Je reviens à la migration de certains saisonniers. Dans une zone de moyenne montagne comme les Vosges, la saison d'hiver dure entre 90 et 120 jours les meilleures années. Le reste de l’année ne correspond pas à la saison en bord de mer. À un moment donné, le saisonnier passe obligatoirement par une période de chômage. À qui peut-on l’imputer ? C'est tout le problème. On va taxer le système alors que les gens sont de bonne volonté et ont envie de travailler. À la limite, il vaut mieux qu'ils ne reprennent pas d’emploi.

La commission rejette l'amendement.

Elle adopte l’article 33 modifié.

Chapitre III
Un accompagnement plus personnalisé des demandeurs d’emploi et une meilleure efficacité des obligations liées à la recherche d’emploi

Section I : Expérimentation territoriale visant à l’amélioration de l’accompagnement des demandeurs d’emploi

Article 34
Mise en œuvre à titre expérimental d’un journal de bord des demandeurs d’emploi

La commission est saisie des amendements identiques AS697 de M. Adrien Quatennens, AS849 de M. Boris Vallaud et AS921 de M. Pierre Dharréville.

M. Jean-Hugues Ratenon. L'instauration d’un journal de bord, que la personne privée d’emploi devrait remplir pour prouver ses recherches, est une mesure totalement injuste de flicage des chômeurs. Il faut revenir à la raison !

De nombreux conseillers de Pôle Emploi demandent d’ores et déjà aux personnes qu’ils accompagnent de réaliser un état d’avancement de leur recherche d’emploi, ce qui permet à ces dernières de mûrir leurs projets professionnels. Dans certains cas, cet état d’avancement n’est pas approprié et les conseillers s’adaptent à la grande diversité des situations qu’ils rencontrent : fracture numérique, illettrisme, autre priorité – quête d’une situation plus stable qui permettra ensuite de mener une recherche d’emploi plus efficace.

Selon les chiffres de Pôle Emploi, 86 % des privés d’emploi respectent déjà leurs obligations. Obliger les demandeurs d’emploi à réaliser ce suivi est un non-sens qui témoigne d’un mépris de leurs compétences. Conditionner le maintien sur la liste des demandeurs d’emploi à la bonne tenue de ce journal de bord est une insulte à tous les demandeurs d’emploi qui sont déjà assaillis par les contraintes administratives. Que de temps perdu à ne pas pouvoir procéder à ces recherches ou à réfléchir à son parcours professionnel !

Nous demandons la suppression de cette proposition indigne.

M. Boris Vallaud. L’article 34 propose l’exact inverse de l’intitulé du projet de loi : il veut restreindre encore davantage la liberté en augmentant le niveau de surveillance des demandeurs d’emploi par une nouvelle forme de contrôle, le compte rendu mensuel de l’échec de leurs recherches d’emploi.

La bonne foi se présume. C’est un principe général du droit. Les demandeurs d’emploi n’ont pas à supporter la suspicion constante et accusatrice de l’assureur qui cherche à éviter la mise en jeu de sa garantie.

M. Pierre Dharréville. L’assurance chômage est avant tout un droit pour des personnes ayant cotisé. Cette mesure de flicage administratif ne saurait les aider, en aucune manière, à trouver un emploi. Les objectifs de cette expérimentation ne pourront qu’accroître les difficultés dans lesquelles se trouvent nombre d’entre elles. Il faut renoncer à cette mesure.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Ce journal de bord suscite beaucoup d’incompréhension. Loin de vouloir « fliquer » qui que ce soit, nous proposons de nouveaux outils pour accompagner les demandeurs d’emploi.

Si on caricature, l’accompagnement actuel par Pôle Emploi est assez mécanique. D’abord, le projet personnalisé d'accès à l'emploi (PPAE) est défini au moment de l’inscription sur les listes de demandeurs d’emploi et il est réactualisé de loin en loin. Ensuite, le demandeur d’emploi doit se réinscrire sur la liste pour continuer à bénéficier de ses droits. Enfin, lorsqu’une offre raisonnable lui est proposée, il peut lui opposer un refus mais il est radié au second refus.

Ce processus assez rigide ne permet pas un vrai dialogue entre le demandeur d’emploi et son conseiller. Le journal de bord s’inscrit dans une logique beaucoup plus partenariale. Chaque mois, au moment de sa réinscription sur la liste, le demandeur d’emploi devra renseigner l’état d'avancement de sa recherche et indiquer les démarches qu’il a entreprises. C’est sur cette base que son conseiller pourra l’aider à affiner ses méthodes de recherche et ses objectifs, adapter l’accompagnement qui lui est prodigué aux difficultés particulières qu’il peut rencontrer, et proposer de nouveaux outils.

Dans le cadre de la préparation du rapport, j’ai auditionné le directeur général de Pôle Emploi qui voit vraiment ce journal de bord comme l’occasion d’offrir de nouvelles prestations et de nouveaux outils aux demandeurs d’emploi. Il ne l’envisage absolument pas comme un moyen de sanctionner.

M. Ratenon, vous avez rappelé que seulement 14 % des demandeurs d’emploi ne remplissaient pas leurs obligations. C’est effectivement ce qui ressort d’une expérimentation dont les résultats ont été récemment diffusés. Vous oubliez de mentionner que 20 % des autres étaient découragés. L’« aller vers » de Pôle Emploi a permis de remotiver des découragés, de les remettre dans une dynamique positive de recherche et de retour à l’emploi. On peut penser que la mise en place du journal de bord permettra à Pôle Emploi de repérer encore plus facilement ces gens en difficulté, qui n’y croient plus, et de leur apporter un accompagnement adapté.

Enfin, je rappelle que ce journal de bord sera expérimenté dans deux régions. Si les résultats n’étaient pas satisfaisants, il serait toujours possible d’abandonner l’expérience.

Mme Florence Granjus. Cette expérimentation peut être très appréciée car l’histoire s’écrit et se réécrit souvent comme un livre. Ce type de journal de bord a été utilisé dans le cadre des conventions de conversion destinées aux salariés licenciés pour motif économique. La convention de conversion était l’ancêtre du contrat de sécurisation professionnelle.

J’ai mis en place ce journal de bord lorsque j’étais directrice des conventions de conversion dans les Yvelines. Il était fortement apprécié puisqu’il permettait aux conseillers de faire le point régulièrement avec la personne en situation de recherche d’emploi. À l’époque, on allait même jusqu’à la contractualisation.

Cet outil était apprécié du demandeur d'emploi et du conseiller, et il permettait de tracer les actions conduites : évaluation, orientation, propositions d’offres d'emploi ou de formation. C'était vraiment un fil conducteur qui permettait de construire une stratégie de recherche d'emploi. Nous avions fait des enquêtes de satisfaction. Les résultats étaient tels que l’expérimentation avait été étendue puis généralisée à tous les services des conventions de conversion.

M. Pierre Dharréville. Je voudrais quand même rappeler que tout cela a commencé avec des histoires de vacances aux Bahamas – mes propos sont vérifiables. La culpabilisation des chômeurs dure depuis des années et on ne peut pas dire qu’elle ait régressé ces derniers temps.

Vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, les dispositions de contrôle existent. Vous avez même dit que Pôle Emploi avait adopté des dispositifs pour « aller vers », et c'est très bien. Il n’y a donc pas besoin d’outils tels que ce carnet de bord.

Vous avez une propension à écarter certaines de nos propositions au motif qu’elles seraient trop précises et vous voulez créer un outil dont on ne voit pas bien en quoi il relève du législatif. Il me semble que vous devriez réfléchir à deux fois avant de l’inscrire dans la loi.

M. Boris Vallaud. Quand nous l’avions auditionné il y a quelques mois, le directeur général de Pôle emploi avait dit que le contrôle était un faux sujet et qu’il ne fallait pas cultiver cette espèce de fantasme. Si ce compte rendu mensuel nous inquiète, ce n’est pas parce que nous sommes hostiles à l’accompagnement. Nous voyons que la logique d’accompagnement s’efface derrière la logique de contrôle. D’ailleurs, à Pôle Emploi, nous constatons que les propositions de création de postes sont destinées aux fonctions de contrôle alors que des suppressions de postes sont envisagées dans d’autres domaines.

C’est le contexte général qui nous inquiète. Nous n’avons pas de problème avec le contrôle des chômeurs et la sanction de ceux qui seraient des fraudeurs. D’une manière générale, les fraudes doivent être sanctionnées. Mais ne nous faites pas croire que le contrôle est de l’accompagnement : ce sont deux choses différentes.

Mme Justine Benin. En introduisant l’expérimentation du journal de bord numérique, l’article 34 vise à améliorer l’accompagnement personnalisé des demandeurs d’emploi et à détecter ceux qui sont en situation de grande fragilité, en plus d’assurer un suivi en continu de l’intensité de la recherche et de déclencher, le cas échéant, des dynamiques de remobilisation.

La commission rejette les amendements.

Elle en vient à l’amendement AS685 de M. Francis Vercamer.

M. Paul Christophe. Plus que le contrôle, c'est l’accompagnement du demandeur d’emploi qui reste le meilleur moyen de lui assurer un retour à l’emploi. Le fait de renseigner les démarches actives effectuées permet au conseiller de Pôle Emploi d’avoir regard sur le parcours de recherche du demandeur, de mieux appréhender les obstacles qu’il peut rencontrer quand il fait acte de candidature et de mieux l’orienter vers des structures susceptibles d’être intéressées par son profil.

Toujours dans cette optique d’un meilleur accompagnement, le demandeur d’emploi pourrait aussi mentionner les actions, notamment de formation, engagées dans le cadre du conseil en évolution professionnelle (CEP) qu’il aura été amené à mobiliser. Cela permettrait d’avoir regard plus complet sur la formulation, voire l'évolution, du projet professionnel du demandeur d'emploi. Tel est l’objet de cet amendement.

M. Aurélien Taché, rapporteur. À l’unisson des derniers orateurs, je peux dire que je suis, moi aussi, beaucoup plus favorable à l’accompagnement qu’au contrôle. Le journal de bord va dans ce sens.

S’agissant de cet amendement, les actions entreprises dans le cadre du CEP sont déjà indiquées à Pôle Emploi au moment de l’élaboration du PPAE. Je ne crois pas que la mesure proposée soit utile ni même d’ordre législatif. Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Elle examine l’amendement AS598 de M. Pierre Cabaré.

M. Erwan Balanant. Issu des recommandations du rapport de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, cet amendement prévoit d’intégrer à l’expérimentation du journal de bord, une prise en compte spécifique des difficultés rencontrées par les femmes sur le marché du travail.

Il ne s’agit pas de dire que les femmes sont, par principe, en situation de vulnérabilité. Cet amendement vise en revanche à rappeler que l’on constate statistiquement que les femmes rencontrent des difficultés sur le marché du travail et que ces obstacles ne s’expliquent par aucun élément.

Il faut, par exemple, que l’accompagnement des demandeurs d'emploi prenne bien en compte les difficultés rencontrées par les familles monoparentales. Je rappelle que, dans 85 % des cas, ce sont des femmes qui sont concernées. En présentant cet amendement, la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a souhaité rappeler cette réalité extrêmement regrettable.

Je suis certain que, au-delà de la discussion sur ce dispositif très certainement perfectible, nous nous accorderons tous quant à la nécessité de supprimer cette discrimination intolérable envers les femmes.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Nous sommes tous décidés à combattre les discriminations dont sont victimes les femmes sur le marché du travail, mais je ne suis pas sûr que le journal de bord soit un outil que l’on puisse adapter à ces discriminations spécifiques. Je vous demanderai donc de retirer cet amendement.

M. Erwan Balanant. Je ne peux pas retirer un amendement collectif de la délégation…

La commission rejette cet amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements AS951 de Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel et AS1115 de Mme Nathalie Elimas.

Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel. L’expérimentation d’un accompagnement plus personnalisé des demandeurs d’emploi dans le cadre d’une amélioration de l’offre de service dans leurs parcours d’accès ou de retour à l’emploi est une bonne chose. Il serait cependant dommageable que cette expérimentation n’accorde pas une vigilance spécifique aux travailleurs en situation de handicap, faisant perdre le bénéfice d’un retour d’expérience sur ces situations particulières. L’amendement propose donc d’intégrer cette dimension dans le champ expérimental.

Mme Patricia Gallerneau. Afin de ne pas pénaliser les demandeurs d’emploi en situation de handicap susceptibles d’entrer dans l’expérimentation, il est proposé que la loi précise de manière claire que cette expérimentation dématérialisée soit accessible immédiatement à tous les types de handicap et qu’aucune charge considérée comme disproportionnée ne puisse être mise en avant pour en limiter l’accessibilité et la compréhension. Il s’agit d’instaurer une dynamique inclusive de l’ensemble des services numériques mis à disposition des demandeurs d’emploi.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Vous souhaitez qu’une vigilance particulière soit accordée aux situations de handicap dans le cadre de l’expérimentation du journal de bord. Comme chaque fois qu’un nouvel outil d’accompagnement est créé, se pose la question de la fracture numérique de manière générale. J’ai moi-même déposé un amendement destiné à prendre en compte la situation des personnes maîtrisant mal la langue française pour qu’elles ne soient pas pénalisées par la création du journal de bord.

Je donne un avis favorable à l’amendement AS951 dont la rédaction me paraît meilleure.

La commission adopte l’amendement AS951.

En conséquence, l’amendement AS1115 tombe.

La commission est saisie de l’amendement AS950 de Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel.

Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel. Cet amendement est similaire au précédent. Il vise à lutter contre le chômage des personnes déclarées inaptes. Il est proposé un dispositif de prévention par une action de lutte contre la désinsertion.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Autant, pour avoir un journal de bord utile et adapté aux personnes de situation de handicap, votre amendement précédent était vraiment pertinent, autant nous sommes là sur un sujet bien plus lourd de politique publique d’emploi et je ne crois pas que ce texte soit le bon véhicule. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AS1487 du rapporteur.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Afin que le journal de bord ne pénalise pas les personnes dont la maîtrise de la langue française n’est pas bonne, personnes illettrées, personnes étrangères primo-arrivantes qui ne maîtrisent pas encore bien la langue française, sujet qui me tient particulièrement à cœur, je propose que l’on en tienne compte dans l’expérimentation.

La commission adopte cet amendement.

Elle examine l’amendement AS700 de M. Adrien Quatennens.

M. Jean-Hugues Ratenon. Vous voulez que les chômeurs remplissent de façon mensuelle un journal de bord pour prouver leurs démarches de recherche d’emploi. Je l’ai dit précédemment, nous sommes opposés à cette disposition qui impose un énième contrôle humiliant, voire culpabilisant dans certains cas. Ce genre de mesure correspond au discours qu’on entend depuis des mois venant des rangs de la majorité : ce serait de la faute des travailleurs privés d’emploi s’ils ne trouvent pas de travail. Pourtant, selon les chiffres de Pôle Emploi, 86 % des inscrits effectuent de manière méthodique ces recherches. Par cette mesure, le Gouvernement tente de masquer son incapacité à relancer la création d’emplois alors que des besoins existent dans divers domaines, notamment l’environnement. Le problème du chômage de masse est bien celui de la pénurie d’emplois.

Puisque vous estimez que les chômeurs doivent rendre des comptes, nous proposons une contrepartie : que la ministre du travail remplisse les mêmes obligations que celles qu’elle veut imposer aux travailleurs privés d’emploi, en remettant chaque trimestre un rapport sur l’évolution des chiffres du chômage, du mal-emploi, du halo du chômage et du nombre de contrats précaires, qui détaille les mesures prévues pour y remédier. En effet, nous estimons que le ministère du travail est largement responsable de la situation actuelle et qu’il doit montrer qu’il met tout en œuvre pour réduire le chômage.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Vous demandez la publication trimestrielle d’un rapport par le ministère du travail sur les chiffres du chômage. Si cette donnée est connue, et vous le savez, vous souhaitez également des éléments sur le mal-emploi, le halo du chômage, les contrats précaires, les mesures pour favoriser l’accès de toutes et tous à un emploi durable, socialement utile et écologiquement soutenable… Je fais le pari que, comme moi, vous préférez que les services du ministère œuvrent à la réduction du chômage plutôt qu’à la rédaction de rapports. Avis défavorable.

La commission rejette cet amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS1488 du rapporteur.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Il est proposé que l’évaluation de l’expérimentation du journal de bord dans deux régions soit transmis, au bout de dix-huit mois au Parlement, en même temps qu’au Gouvernement.

La commission adopte cet amendement.

L’amendement AS650 de Mme Valérie Petit est retiré.

La commission adopte l’article 34 modifié.

Avant l’article 35
 

La commission est saisie de l’amendement AS1148 de Mme Monique Iborra.

Mme Monique Iborra. Cet amendement de M. Marilossian propose d’intituler la section II : « Dispositions relatives aux droits et aux obligations de recherche d’emploi ».

M. Aurélien Taché, rapporteur. Je trouve très bien de rappeler que ce Gouvernement et cette majorité se battent pour les droits des demandeurs d’emploi. Avis favorable.

La commission adopte cet amendement.

Section II : Dispositions relatives aux obligations de recherche d’emploi

Article 35
Modernisation de la définition de l’offre raisonnable d’emploi

La commission examine l’amendement AS691 de M. Adrien Quatennens.

M. Adrien Quatennens. Les articles 34, 35 et 36 sont porteurs de lourdes régressions pour les droits des demandeurs d’emploi. Ils répondent directement aux demandes de la frange la plus radicalisée du patronat.

L’article 35 vise à revoir les critères de définition de l’offre raisonnable d’emploi. Il supprime les critères d’appréciation tels que la nature et les caractéristiques de l’emploi recherché, la zone géographique privilégiée et le salaire espéré. Aujourd’hui codifiée, cette définition se ferait désormais après discussion entre le demandeur d’emploi et son conseiller. C’est une rupture totale avec le principe d’égalité de traitement devant le service public.

Cette mesure n’a qu’un intérêt réel : contraindre les demandeurs d’emploi à accepter des contrats précaires de courte durée ou mal rémunérés sans lien évident avec l’emploi effectivement recherché. Nous attendons toujours de vrais arguments raisonnés et raisonnables pour nous expliquer ce qu’est une offre d’emploi de ce type. Sans doute ne pouvez-vous pas nous les livrer aujourd’hui puisqu’à l’heure actuelle la quasi-totalité des demandeurs d’emploi répondent à toutes les obligations auxquelles ils sont tenus. Même le Conseil d’État observe dans son avis sur ce projet de loi que cet article, je cite, « ne présente pas de garanties suffisantes contre le risque d’arbitraire ». C’est la raison pour laquelle nous en demandons la suppression.

M. Aurélien Taché, rapporteur. J’entends dans votre amendement l’appel à une forme de modestie de la part du Gouvernement puisqu’il ne serait pas le mieux armé pour définir exactement ce qu’est une forme raisonnable d’emploi. C’est précisément ce qu’entend faire cet article 35 car, en revenant sur la définition légale, administrative, qui prévoyait des paliers et qui revenait à dire, en substance, que plus on passe de temps sur la liste des demandeurs d’emploi, plus l’offre est considérée raisonnable, nous laissons bien plus de champ et de marges, dans le cadre du projet personnalisé d’accès à l’emploi défini avec le conseiller de Pôle Emploi, à la discussion et à la relation entre le demandeur d’emploi et son conseiller pour définir cette offre d’emploi raisonnable. Cela traduit une modestie bienvenue du législateur. Avis défavorable.

La commission rejette cet amendement.

Elle examine l’amendement AS1220 de M. Éric Girardin.

Mme Albane Gaillot. La mobilité est le troisième frein à l’emploi après le niveau de formation et l’âge ; c’est un sujet majeur qui est souvent négligé.

En secteur rural, notamment, en l’absence de transport public, la non-acquisition de permis de conduire peut être un grand obstacle à l’accès à l’emploi. L’aide à la mobilité peut ainsi être orientée vers les facilités à obtenir le permis de conduire ou à développer des plateformes de covoiturage pour accroître la mobilité des chercheurs d’emploi.

Dans certains quartiers prioritaires de la politique de la ville, les habitants ne disposent pas d’offres de transport pour se rendre sur des sites d’activité. Ces derniers peuvent n’être pas ou être mal desservis. Les horaires de travail peuvent être aussi en inadéquation avec le fonctionnement des services de transport public.

L’objectif de cet amendement est de lier la zone géographique de recherche ou d’acceptation de l’emploi avec les capacités de mobilité du travailleur pour mieux identifier les difficultés, adapter en conséquence l’aide à la mobilité nécessaire dans son projet et faciliter la reprise d’une activité.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Je comprends votre souci de tenir compte des capacités de mobilité du demandeur d’emploi, et cet élément sera dans le PPAE, avec à la fois le niveau de salaire attendu et la zone géographique privilégiée. Renseignements pris auprès du Gouvernement, votre demande est satisfaite. Je souhaite donc le retrait de l’amendement.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AS1132 de Mme Monique Iborra.

Mme Fadila Khattabi. Cet amendement vise à remettre au demandeur d’emploi un document lui rappelant ses droits et devoirs.

L’article 35 revoit, cela a été dit, la définition de l’offre raisonnable d’emploi en supprimant les critères habituels qui permettaient jusqu’alors d’apprécier l’offre en question. Désormais, la définition et l’actualisation de l’offre raisonnable seront actées conjointement entre le demandeur d’emploi et son conseiller référent dans le PPAE. Il me paraît donc essentiel de rappeler que le projet de loi favorise avant tout la relation de confiance qui doit s’instaurer entre le conseiller référent et le demandeur d’emploi, et que c’est à partir de cette relation de confiance et des échanges réguliers qu’ils auront que le projet du demandeur d’emploi pourra se concrétiser.

Cependant, il me semble très important de souligner le fait que la définition de l’offre raisonnable d’emploi repose aussi sur des droits. Cet amendement propose donc de renforcer les conditions de la bonne information du demandeur d’emploi en ajoutant un alinéa supplémentaire. La mesure est simple : le conseiller référent devra remettre au demandeur d’emploi un formulaire récapitulant les droits dont il dispose mais aussi les devoirs qui lui incombent face à l’acceptation ou au refus des offres d’emploi qui lui seront soumises. Le formulaire rappellera également les voies de recours possibles en cas de sanctions par Pôle Emploi.

M. Aurélien Taché, rapporteur. L’article R. 5411-4 du code du travail prévoit déjà que, lors de son inscription, le travailleur recherchant un emploi est informé de ses droits et obligations. L’information sur les voies et délais de recours est quant à elle donnée en cas de sanction. Votre amendement étant en pratique satisfait, je vous invite donc à le retirer.

Mme Fadila Khattabi. Il faut quand même que le demandeur d’emploi soit pleinement conscient que la discussion avec son conseiller n’est pas une discussion sur un coin de table mais un entretien sérieux qui l’engagera. Les publics les plus fragiles sont dans une situation de vulnérabilité et pas toujours conscients de ce qu’ils vont dire. Il faut donc que ce soit bien spécifié, en prévoyant des garanties au niveau à la fois des devoirs et des droits.

Mme Monique Iborra. Nous sommes bien conscients qu’une relation personnelle va s’établir, ce dont on peut se féliciter, mais elle peut aussi déboucher sur une situation problématique entre le demandeur d’emploi et le conseiller. Il faut la possibilité d’un recours. Nous soutenons cet amendement.

Mme Justine Benin. Je confirme les propos du rapporteur : cet amendement est satisfait. L’article 35 précise la redéfinition de l’offre raisonnable d’emploi pour la rendre plus opérante en supprimant les paliers d’évolution.

Sur le terrain, les agents de Pôle Emploi sont conscients du travail effectué. Même si cela fait deux ou trois ans que je ne suis pas retournée en agence, je peux dire que le contrat d’engagement réciproque existe déjà, depuis le plan d’aide au retour à l’emploi (PARE), le plan d’aide personnalisé (PAP) et tant d’autres dispositifs. Les agents de Pôle Emploi, anciennement ANPE-Assédic, sont, comme nous, conscients des difficultés des demandeurs d’emploi. Dans le cadre de l’ambition 2020 de Pôle Emploi, le contrat d’engagement réciproque sera renforcé dans les territoires : c’est une avancée pour les demandeurs d’emploi mais aussi pour les agents de terrain.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Je ne doute pas que le dispositif existe déjà dans les agences de Pôle Emploi puisque des contrats d’engagement réciproque avec des associations intermédiaires y sont signés.

M. Gérard Cherpion. Je peux vous dire, par expérience personnelle, que l’accueil dans les agences de Pôle Emploi est véritablement personnalisé, c’est un contact direct. Si nous le formalisons, ce sera plutôt un frein qu’un moteur, car le demandeur d’emploi, pour son premier rendez-vous, vient chercher un accompagnement moral, un encouragement, et non des contraintes liées aux droits ou aux devoirs.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 35 modifié.

Section III : Dispositions relatives au transfert du contrôle de la recherche d’emploi et aux sanctions

Article 36
Modernisation des règles de contrôle et de sanction des demandeurs d’emploi

La commission est saisie de l’amendement AS919 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. Je me contenterai de rappeler quelques chiffres : 86 % des demandeurs d’emploi remplissent bien leurs obligations en matière de recherche d’emploi. Sur les 14 % restants qui ont été radiés, 60 % ne sont pas indemnisés. Ce sont les chiffres donnés par Pôle Emploi il y a quelques mois. Et vous prenez des mesures de durcissement de plusieurs dispositifs de contrôle, dont on peut sérieusement douter de l’efficacité. En revanche, on voit l’impact qu’elles pourront avoir sur la situation d’un certain nombre de demandeurs d’emploi. Je demande la suppression de cet article.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Je ne voudrais pas qu’il y ait de méprise sur le sens de cet article 36. Il ne s’agit absolument pas de renforcer le régime de sanction des demandeurs d’emploi mais, d’une part, de transférer à Pôle Emploi des pouvoirs de sanction aujourd’hui exercés par les préfets, qui ne disposent plus des moyens nécessaires, les dossiers étant d’ailleurs en pratique instruits par Pôle Emploi ; d’autre part, de simplifier les règles de sanction, dont le cumul peut aboutir aujourd’hui à des situations objectivement très défavorables aux demandeurs d’emploi. Avis défavorable.

La commission rejette cet amendement.

Elle examine les amendements AS1075 et AS693 de M. Joël Aviragnet.

M. Joël Aviragnet. L’amendement AS1075 vise à supprimer le transfert à Pôle Emploi des pouvoirs de sanction – suppression du revenu de remplacement – aujourd’hui détenus par les préfets.

Le Gouvernement veut conférer à un établissement public administratif un pouvoir de sanction administrative, ce qui pose certains problèmes philosophiques et politiques au regard de l’organisation de notre administration. En effet, les pouvoirs de sanction administrative relèvent du préfet qui, en vertu de l’article 72 de la Constitution, a la charge « du contrôle administratif et du respect des lois ».

Avec l’article 36 de votre texte, vous portez un coup dur à notre ordre juridique, puisque vous confiez aux agents de Pôle Emploi la responsabilité du contrôle administratif et du respect des lois, alors que la Constitution ne leur confère aucun pouvoir administratif.

Il serait sage que le Gouvernement ait à cœur de respecter le principe de séparation des autorités de poursuite et de sanction. Confier à Pôle Emploi la responsabilité du contrôle des demandeurs d’emploi et des sanctions de ces derniers pose un sérieux problème de conflit d’intérêts, car Pôle Emploi est alors juge et partie.

Lorsque le pouvoir de radiation est confié au préfet, ce dernier assure un contrôle administratif des décisions prises par l’opérateur, ce qui renforce notre État de droit, et la séparation des pouvoirs.

L’amendement AS693 vise à supprimer des dispositions de l’article 36 du projet de loi, qui organisent un système de contrôle injustifié des demandeurs d’emploi.

Il n’apparaît pas opportun de renforcer le contrôle des demandeurs d’emploi ni de faciliter leur radiation de Pôle emploi en élargissant les motifs de radiation prévus à l’article L. 5412-1 du code du travail.

Contrairement à l’idée que le Gouvernement essaye de véhiculer, un contrôle accru des demandeurs d’emploi ne constitue pas une mesure efficace pour lutter contre le chômage. C’est la reprise économique qui crée l’emploi ; ce n’est pas par la sanction que l’on encourage les individus à travailler.

Comme le rappelait notre collègue Pierre Dharréville, 86 % des demandeurs d’emploi respectent leurs obligations légales, et font tous les efforts pour retrouver un emploi. Ainsi, la réforme du Gouvernement est particulièrement stigmatisante pour les demandeurs d’emploi, et elle n’est en rien pragmatique dans la lutte contre le chômage.

C’est la raison pour laquelle le groupe Nouvelle Gauche propose de supprimer les alinéas 7 à 12 relatifs au renforcement du contrôle des demandeurs d’emploi.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Je suis défavorable à l’amendement AS1075. Le transfert des pouvoirs de sanction constitue une mesure de cohérence qui met fin à une organisation un peu « baroque » critiquée à plusieurs reprises par la Cour des comptes. Les dossiers sont d’ores et déjà instruits par le service public de l’emploi auquel nous pouvons faire pleinement confiance pour mettre en œuvre des sanctions, dans les rares cas où elles sont nécessaires – je suis convaincu qu’elles le sont rarement. Cette organisation sera plus lisible et plus claire.

Je suis également défavorable à l’amendement AS693. Je le répète : notre objectif n’est absolument pas de durcir les sanctions, mais de rendre le dispositif plus juste, plus clair et plus lisible. Des motifs de radiation mal adaptés, donc inutilisés, sont supprimés, comme le refus d’une proposition de contrat d’apprentissage ou de contrat de professionnalisation. Des motifs sont aussi modifiés afin de les rendre plus clairs, telle la requalification du motif de refus de formation en absence ou abandon d’une formation. Encore une fois, il ne s’agit ni de durcir les motifs existants ni d’en créer de nouveau mais bien de clarifier ce qui existe.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AS1358 du rapporteur.

Elle est saisie de l’amendement AS1130 de Mme Monique Iborra.

Mme Monique Iborra. Sur proposition de notre collègue Guillaume Chiche, nous souhaitons nous assurer que « le motif de radiation est précisé et justifié au demandeur d’emploi ».

M. Aurélien Taché, rapporteur. Je vous invite à retirer votre amendement, car il est satisfait. L’article R. 5412-7 du code du travail prévoit déjà l’obligation de motiver toute décision de radiation.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement AS695 de M. Joël Aviragnet.

M. Joël Aviragnet. Il est défendu. J’en profite, monsieur le rapporteur, pour vous dire que je n’ai pas compris votre réponse au sujet du non-respect du principe de séparation des pouvoirs, concernant mon amendement AS1075.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement de cohérence AS1502 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 36 modifié.

Après l’article 36

La commission examine les amendements identiques AS751 de Mme Caroline Fiat, AS862 de M. Boris Vallaud, et AS892 de M. Pierre Dharréville.

Mme Caroline Fiat. Actuellement, le conseil d’administration de Pôle Emploi est composé des représentants de l’État, de représentants des employeurs et des salariés, de deux personnalités qualifiées, d’un représentant des régions et d’un représentant des autres collectivités territoriales. Étonnamment, il ne comprend pas les premiers concernés par les missions de Pôle Emploi : les usagers eux-mêmes.

Des représentants des usagers siègent pourtant aux conseils d’administration des établissements publics, sociaux ou médico-sociaux, et aux conseils d’administration des établissements publics de santé, comme l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, les centres de lutte contre le cancer, l’Établissement français du sang… Dans le domaine du travail, des représentants des usagers sont également présents au sein de certains conseils d’administration, comme celui de l’établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes.

Ces nombreux exemples ne sont pas anodins. Ils concernent des instances qui ont tout intérêt, pour s’améliorer, à prendre acte des retours de leurs usagers. Dans le domaine de la santé, ce besoin est particulièrement criant, mais c’est également vrai dans le domaine de la recherche d’emploi. En effet, nous observons une certaine déconnexion entre l’offre de Pôle Emploi, et ce qui est attendu par les usagers. Pour réduire ce fossé, donner aux usagers de Pôle Emploi une place à la table du conseil d’administration nous paraît constituer une décision de bon sens que vous entendrez, nous l’espérons.

M. Boris Vallaud. Dans la perspective de redonner au demandeur d’emploi le statut d’usager du service public de l’emploi, nous proposons de créer cinq sièges de représentant des usagers au conseil d’administration de Pôle Emploi.

M. Pierre Dharréville. Il s’agit, vous l’avez compris, de reconnaître au demandeur d’emploi un véritable statut d’usager du service public de l’emploi, en lui donnant le droit d’être représenté au conseil d’administration de Pôle Emploi, de la même façon que des représentants des usagers du système de santé participent à la gouvernance des établissements habilités à assurer le service public hospitalier.

Cette mesure, préconisée par les conclusions de nombreux rapports publics, est réclamée de longue date par les associations de chômeurs. Elle permettrait aux travailleurs privés d’emploi de participer à la détermination des politiques publiques de l’emploi, en les replaçant au cœur de l’action et du fonctionnement de l’institution. Alors que le projet de loi déséquilibre un peu plus la relation entre les demandeurs d’emploi et l’administration, il est impératif d’accorder des droits de représentation aux usagers du service public de l’emploi.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Je rappelle que les usagers ont un interlocuteur privilégié au sein de Pôle Emploi en la personne du médiateur. En outre, les deux modalités de désignation de ces représentants seraient assez curieuses, pour la première, et assez complexe pour la seconde.

Vous proposez de faire désigner des représentants, d’une part, par les organisations syndicales, qui sont déjà elles-mêmes représentées, et qui ont déjà vocation à représenter notamment les usagers – que deviendrait cette intermédiation à laquelle un certain nombre d’entre vous sont, comme moi, attachés ? –, d’autre part, par des associations représentant les intérêts des demandeurs d’emploi. Mais, comment sélectionner les associations jugées représentatives ?

J’ajoute qu’au niveau régional, il existe des comités de liaison qui comptent des représentants des associations des demandeurs d’emploi.

En conséquence, même si je comprends bien vos intentions, je suis défavorable aux amendements.

La commission rejette les amendements.

Elle est saisie des amendements AS893 et AS928, tous les deux de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. L’amendement AS893 propose d’instaurer un suivi médical pour les personnes privées d’emploi. Il pourrait être assuré par la médecine du travail, afin de prévenir les situations d’isolement et d’éloignement qui ont des effets néfastes sur la santé.

Les conséquences sur la santé de l’épreuve que constitue le chômage sont attestées par de nombreuses études. Face à ce constat, il n’existe pas de moyens de prévention. Après une perte d’emploi, les personnes ne bénéficient plus de la visite médicale auprès de la médecine du travail qui assure une mission essentielle de prévention.

La commission d’enquête en cours sur la santé au travail, dont je suis le rapporteur, confirme ce constat. À une prévention insuffisante pour les salariés en poste, s’ajoute un déficit une fois la relation de travail rompue. Il s’agit pourtant d’un enjeu de santé publique.

L’amendement AS928 propose d’aligner le droit des demandeurs d’emploi sur le droit des salariés en matière d’assistance lors des entretiens sur convocation délivrée par Pôle Emploi. Il prévoit également la mention obligatoire de cette faculté sur la convocation, afin de s’assurer que le demandeur d’emploi est bien informé de ses droits. Cette mesure correspond à l’une des préconisations du Défenseur des droits, annulée au mois de septembre 2017.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Je suis défavorable à l’amendement AS893. Vous souhaitez que les demandeurs d’emploi aient droit à une visite médicale dans les six mois suivant leur inscription. Parce qu’ils ne perdent pas leurs droits à l’assurance maladie, le seul effet de ce dispositif me semble être de mettre à la charge de l’employeur le coût d’une visite médicale qui pourrait se faire, sans cela, dans les conditions de droit commun. Je ne méconnais pas les conséquences du chômage sur la santé, mais je ne souscris pas pour autant à la philosophie de votre amendement.

Je suis également défavorable à l’amendement AS928. Vous proposez qu’un demandeur d’emploi convoqué par Pôle Emploi puisse être assisté d’une personne de son choix, notamment de son conseil, c’est-à-dire d’un avocat. Vous avez une vision assez conflictuelle de la relation entre le demandeur d’emploi et son conseiller. À l’inverse, pour notre part, nous souhaitons fluidifier cette relation, et nous faisons le pari de relations de confiance.

La commission rejette successivement les amendements.

Article additionnel ‑ Article 36 bis
Mention des voies et délais de recours dans la décision de Pôle Emploi relative à la mise en paiement de l’allocation d’assurance

Elle en vient aux amendements identiques AS852 de M. Boris Vallaud, et AS896 de M. Pierre Dharréville.

M. Boris Vallaud. Les courriers envoyés aux demandeurs d’emploi pour leur notifier les décisions de Pôle Emploi de leur refuser l’attribution de l’allocation d’assurance chômage n’indiquent pas les délais et voies de recours. Il en résulte que les demandeurs d’emploi, non seulement, ignorent ces délais et voies de recours, mais qu’ils ignorent parfois même qu’ils sont en mesure d’introduire une action en contestation de ces décisions.

L’amendement AS852 propose donc que Pôle Emploi signifie au demandeur d’emploi les délais et voies de recours dont il dispose pour contester la décision lui refusant l’attribution de l’allocation d’assurance chômage.

M. Pierre Dharréville. L’amendement AS896 prévoit les mêmes obligations.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Avis de sagesse.

M. Boris Vallaud. La mention des délais et voies de recours s’agissant des décisions administratives constitue une obligation : le rapporteur aurait pu y être favorable au lieu de se contenter de s’en remettre à la sagesse de la commission. Cela dit, merci tout de même !

La commission adopte les amendements.

Après l’article 36 ter
 

La commission est saisie de l’amendement AS861 de M. Boris Vallaud.

M. Boris Vallaud. Par un arrêt du 30 mai 2000, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que la caractérisation de la négligence fautive de l’organisme chargé de servir les allocations d’assurance chômage emportait un droit pour le demandeur d’emploi – obligé de restituer des sommes indûment versées – de solliciter réparation de son préjudice, et que le juge du fond avait souverainement apprécié le montant du préjudice causé par cette faute en lui allouant une somme correspondant au montant des allocations litigieuses. Cet amendement propose simplement de fixer cette jurisprudence dans la loi.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Défavorable. Vous dites vous-même que votre intention est satisfaite par une jurisprudence de la Cour de cassation. En matière contentieuse, il est parfois opportun de laisser sa liberté au juge, a fortiori si ses décisions sont favorables au demandeur d’emploi. Le titre II de ce projet de loi traite certes de l’assurance chômage, mais il n’a pas vocation à entrer dans le détail de questions contentieuses qui se situent trop au-delà de son périmètre.

M. Boris Vallaud. Vous avez fait adopter un amendement qui fixait la correspondance, nous pourrions faire de même avec la jurisprudence !

M. Aurélien Taché, rapporteur. Je le répète, votre amendement est trop éloigné du périmètre du projet de loi.

La commission rejette l’amendement.

Article additionnel ‑ Article 36 bis
Rapport au Parlement sur le non-recours aux droits
en matière d’assurance chômage

Elle en vient à l’amendement AS1253 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. Il n’existe aujourd’hui aucune étude sur le non-recours aux droits en matière d’assurance chômage. Ce non-recours peut aussi bien concerner le défaut d’inscription sur les listes des demandeurs d’emploi, empêchant les personnes de prétendre à certains droits, que le défaut de recours aux droits existants pour les demandeurs d’emploi régulièrement inscrits.

Il s’agit d’éclairer la représentation nationale de l’ampleur de ce phénomène.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Je comprends et je partage même pleinement votre préoccupation concernant le non-recours, en particulier s’agissant des demandeurs d’emploi. Nous observons ce phénomène en matière d’accès aux droits et aux minima sociaux.

Il serait intéressant d’approfondir la question concernant les demandeurs d’emploi, comme vous le proposez, mais votre demande d’un rapport à remettre dans les six mois suivant la publication de la loi semble très ambitieuse. Si vous voulez bien convenir qu’un tel sujet nécessite une expertise plus longue, je pourrais donner un avis favorable à l’amendement. Si le délai de six mois était maintenu, mon avis serait défavorable.

M. Pierre Dharréville. Ce qui m’importe, c’est que l’on puisse travailler sur cette question.

M. Aurélien Taché, rapporteur. Un délai de deux ans me paraîtrait raisonnable.

M. Pierre Dharréville. Mon amendement peut-être rectifié en ce sens.

La commission adopte l’amendement AS1253 ainsi rectifié.

Chapitre IV
Dispositions Outre-mer

Article 37
Dispositions relatives à l’outremer

La commission adopte l’article 37 sans modification.

Chapitre V
Dispositions diverses

Article 38
Actualisations rédactionnelles

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS1391 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 38 modifié.

Article 39
Modalités d’entrée en vigueur

La commission adopte l’article 39 sans modification.

La séance, suspendue à 23 heures 20, est reprise à 23 heures 55.

TITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES À L’EMPLOI

Chapitre Ier
Favoriser l’entreprise inclusive

Section I : Simplifier l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés

Article 40
Simplifier l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés

La commission se saisit de l’amendement AS1458 de la rapporteure.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. Cet amendement vise à sécuriser la procédure de révision du taux d’obligation d’emploi des travailleurs handicapés, en faisant du seuil de 6 % un plancher en deçà duquel il ne sera pas possible de descendre.

Aujourd’hui, la part des bénéficiaires de l’obligation d’emploi dans la population active est de 6,6 %. L’engagement de maintenir le taux d’OETH à au moins 6 % serait un signal fort en faveur de l’amélioration du taux d’emploi des personnes en situation de handicap.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle se saisit de l’amendement AS854 de Mme Gisèle Biémouret.

Mme Gisèle Biémouret. Après l’adoption de l’amendement AS1458 de Mme la rapporteure, nous sommes rassurés : le plancher de 6 % ne sera pas remis en cause. C’était un peu notre inquiétude, et celle des associations.

L’amendement est retiré.

La commission examine les amendements identiques AS735 de M. Adrien Quatennens et AS859 de Mme Gisèle Biémouret.

Mme Caroline Fiat. Comme l’indique l’exposé des motifs du projet de loi, en 2016, le taux d’emploi des personnes reconnues handicapées est de 36 %, alors que celui de l’ensemble de la population est de 64 %. Leur taux de chômage est quant à lui de 18 %, alors que celui de l’ensemble de la population est de 10 %. Selon les derniers chiffres, le taux d’emploi des travailleurs handicapés dans les entreprises privées est de 4,4 % en comptant l’emploi indirect et de 5,5 % dans le secteur public.

L’article 40 de ce projet de loi dispose que, tous les cinq ans, le taux concernant l’obligation pour l’employeur d’employer des travailleurs handicapés ou mutilés de guerre, qui date de la loi du 10 juillet 1987 en faveur de l’emploi des travailleurs handicapés, pourrait être revu, mais on ne sait selon quelles modalités. On sait que ce taux sera révisé en référence à la part des bénéficiaires de l’obligation d’emploi dans la population, mais on ne sait pas qui procédera à cette révision ni selon quels critères précisément.

Notre amendement AS735, comme l’amendement AS1499 que nous examinerons plus loin, vise à ce que ce taux ne soit révisé que si c’est nécessaire et après avis conforme du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH). Il nous semble important en effet que la révision se fasse sous la supervision d’une instance spécialiste du sujet. L’amendement AS735 apporte surtout une précision dont j’imagine qu’elle fera l’unanimité. Nous vous proposerons par d’autres amendements d’aller bien plus loin pour concourir à l’insertion des personnes handicapées.

Mme Gisèle Biémouret. Nous étions attachés au taux de 6 %. Comme il est maintenu, je retire mon amendement AS859.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. Chère collègue Fiat, vous proposez de rendre facultative la révision du taux de l’OETH, mais cela entraverait la dynamique positive que cette clause de révision est susceptible d’entraîner. C’est pourquoi je vous propose plutôt de mieux encadrer les modalités de révision de ce taux, avec la transformation du taux de 6 % en taux plancher et une réécriture des critères de révision du taux. Je vous invite donc à retirer, vous aussi, votre amendement ; sinon, j’émettrai un avis défavorable.

Les amendements sont retirés.

La commission en vient à l’amendement AS1475 de la rapporteure.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. Cet amendement vise à sécuriser la clause de révision du taux d’obligation d’emploi des travailleurs handicapés introduite par le projet de loi. Je propose de supprimer le mot « notamment », facteur d’incertitude quant aux critères qui seront retenus dans la procédure de révision du taux.

Un autre des amendements que j’ai déposés, que nous examinerons ensuite, permettra de compléter les critères de révision du taux pour prendre également en compte la situation des travailleurs handicapés au regard du marché du travail.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS1497 de la rapporteure.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. Ainsi que je l’ai dit à l’instant, je vous propose d’introduire un second critère de comparaison et de référence pour la fixation du taux d’OETH : la situation des travailleurs handicapés au regard du marché du travail. Au-delà du nombre de bénéficiaires de l’OETH rapporté à la population active totale, cela permettra de tenir compte de leur taux de chômage et de leur taux d’emploi lors de la révision du taux de l’obligation d’emploi.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques AS1499 de M. Adrien Quatennens et AS1500 de Mme Gisèle Biémouret et l’amendement AS1137 de Mme Carole Grandjean.

Mme Caroline Fiat. Depuis la loi du 10 juillet 1987 en faveur de l’emploi des travailleurs handicapés, imposant aux employeurs privés et publics comptant au moins vingt salariés d’employer plus de 6 % des travailleurs en situation de handicap, les discriminations persistent. Le taux de chômage des personnes en situation de handicap est environ le double de celui de la population active totale, et les personnes en situation de handicap restent en moyenne 200 jours de plus au chômage que les personnes valides. Ces inégalités sont notamment le fait d’entreprises privées qui préfèrent payer une amende plutôt que d’aménager des postes de travail pour pouvoir embaucher des personnes handicapées, sachant que cette possibilité leur est offerte par les articles L. 5212-9 à L. 5212-11 du code du travail que notre amendement AS1499 propose d’abroger : l’obligation d’embaucher des personnes handicapées n’est pas monnayable. Les entreprises doivent s’acquitter de leurs obligations, de même que les employeurs publics.

Mme Gisèle Biémouret. Je déplore que ce projet de loi ne fasse pas une plus grande place à l’accompagnement des personnes handicapées. Je vais toutefois retirer mon amendement AS1500 dans la mesure où le taux de 6 % est maintenu. Comme il s’agit d’un plancher, on peut espérer que, d’ici à cinq ans, le taux d’emploi des travailleurs handicapés aura doublé…

Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel. Comme nous venons de le voir, le texte prévoit le maintien de l’obligation d’emploi dans la loi et conserve son taux à 6 %. Toutefois, il introduit une clause de revoyure qui permet tous les cinq ans de le moduler.

Par l’amendement AS1137, nous proposons que la révision soit soumise à l’avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), les prérogatives de celui-ci étant d’assurer la participation des personnes handicapées à la mise en œuvre des politiques les concernant.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. Les auteurs de l’amendement AS1499 proposent de soumettre la révision du taux à l’avis conforme du CNCPH. Pour ma part, je préfère la rédaction de l’amendement AS1137, qui la soumet à un avis simple du CNCPH. Il me semble également important d’associer les personnes en situation de handicap à la mise en œuvre des politiques qui les concernent. C’est d’ailleurs la mission principale du CNCPH. Je suis donc favorable à la garantie supplémentaire qu’apporte l’avis du CNCPH dans la procédure de révision du taux.

L’amendement AS1500 est retiré.

La commission rejette l’amendement AS1499.

Puis elle adopte l’amendement AS1137.

Elle examine ensuite l’amendement AS1082 de Mme Éricka Bareigts.

Mme Gisèle Biémouret. Défendu.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. L’amendement AS1082 est satisfait par l’adoption de mon amendement faisant du taux de 6 % un plancher. J’en demande donc le retrait.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS1396 de la rapporteure.

Puis elle se saisit de l’amendement AS243 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Pour aider le Gouvernement à respecter son engagement de ne pas créer de charges nouvelles pour les entreprises, nous proposons de supprimer les alinéas 14 et 15 qui s’appliquent sans distinction à toutes les entreprises, y compris celles engagées dans des actions en faveur de l’insertion au maintien de l’emploi des personnes en situation de handicap.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. L’exclusion de la contribution des charges déductibles de l’assiette de l’impôt sur les sociétés relève d’une clarification juridique. Ce n’est pas une nouvelle forme de charge pour les entreprises. La contribution étant uniquement un mode d’acquittement de l’obligation d’emploi par les entreprises, elle n’est ni une cotisation sociale ni une contribution fiscale pouvant être déduite de l’impôt sur les sociétés. Cet amendement aurait par ailleurs un effet pervers, puisqu’il réduirait d’autant l’impôt des entreprises présentant un taux d’OETH faible et s’acquittant donc d’une contribution financière importante. J’y suis donc défavorable.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Nous avons tous ici la même conviction : ce qui compte, c’est avant tout de permettre à beaucoup plus de personnes handicapées d’accéder à l’emploi. Il y a 500 000 demandeurs d’emploi handicapés à Pôle emploi ! Tout ce qui freine leur accès à l’emploi, nous devons lutter contre ; tout ce qui le favorise, nous devons l’encourager. Alors que l’obligation légale des 6 % remonte à exactement trente et un ans, nous plafonnons à 3,4 %, après avoir mis presque cinq ou six ans à passer de 3,3 % à 3,4 % ! Qu’un dédommagement financier soit versé par ceux qui ne remplissent pas l’obligation, qui permette de faire mieux ailleurs, c’est logique. Mais rendre déductibles les charges sociales et les salaires versés parce qu’un salarié est handicapé serait un peu vicieux et contre-productif.

Le Gouvernement est donc lui aussi défavorable à cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1397 de la rapporteure.

Elle se saisit ensuite de l’amendement AS1459 de la rapporteure.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. L’objet de cet amendement est de mieux prendre en compte la diversité des rapports qui existent entre les entreprises assujetties à l’obligation d’emploi et les entreprises adaptées, les ESAT et les travailleurs indépendants handicapés.

Des partenariats ont été mis en place pour développer la formation ou l’investissement dans les entreprises adaptées, des ESAT et des travailleurs handicapés indépendants. Ces démarches méritent d’être soutenues.

C’est pourquoi je propose de permettre la déduction du montant de la contribution financière des dépenses afférentes à ces partenariats au même titre que les dépenses afférentes à des contrats de fourniture ou de sous-traitance conclus entre les entreprises assujetties et les entreprises adaptées.

La nature de ces dépenses de partenariat pourra être utilement précisée et qualifiée par un décret, déjà prévu à la fin de l’article.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AS855 de Mme Gisèle Biémouret.

Mme Gisèle Biémouret. L’article L. 5212-11 du code du travail dispose : « Peuvent être déduites du montant de la contribution annuelle, en vue de permettre à l’employeur de s’acquitter partiellement de l’obligation d’emploi, des dépenses supportées directement par l’entreprise et destinées à favoriser l’accueil, l’insertion ou le maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés au sein de l’entreprise, l’abondement du compte personnel de formation au bénéfice des personnes mentionnées à l’article L. 5212-13 ou l’accès de personnes handicapées à la vie professionnelle qui ne lui incombent pas en application d’une disposition législative ou réglementaire. […] La nature des dépenses mentionnées […] ainsi que les conditions dans lesquelles celles-ci peuvent être déduites du montant de la contribution sont déterminées par décret. »

Les personnes de plus de cinquante ans étant particulièrement touchées par le chômage, le présent amendement vise à renforcer le maintien en emploi des personnes handicapées. Je propose de prévoir par décret une survalorisation des dépenses déductibles qui les concernent spécifiquement.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. Il existe déjà un dispositif incitatif en faveur de l’emploi et du maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés âgés de plus de cinquante ans avec un mécanisme de minoration de la contribution financière.

Je suis évidemment sensible à la situation, sur le marché de l’emploi, des personnes en situation de handicap âgées de plus de cinquante ans. C’est pourquoi je serai très attentive aux conclusions de la concertation sur ce sujet et je vous propose, chère collègue, de réexaminer cette question en vue de la séance. En l’état, je suis défavorable à cet amendement.

Mme Gisèle Biémouret. Nous allons y retravailler car il se pose tout de même un problème. Souvent, ces personnes ont été déclarées inaptes au poste qu’elles occupaient, et elles rencontrent les plus grandes difficultés pour retrouver un emploi et pour se former. Nous devrons effectivement aborder ce sujet en séance.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Je vous confirme que le sujet des travailleurs handicapés âgés de plus de cinquante ans est abordé dans le cadre de la concertation en cours. Nous aurons donc l’occasion d’en reparler en séance.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 40 modifié.

Après l’article 40
 

La commission se saisit de l’amendement AS1489 de la rapporteure.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. Cet amendement s’inscrit dans la lignée de la réforme du télétravail engagée par les ordonnances réformant le code du travail, qui ont consacré un véritable droit au télétravail. Aujourd’hui, en vertu du droit opposable du salarié au télétravail, il appartient à l’employeur de se justifier s’il ne souhaite pas ou ne peut pas donner suite à la demande qui lui est faite.

Il s’agit d’aller plus loin pour faciliter effectivement le recours au télétravail pour les travailleurs handicapés et pour les salariés atteints d’une affection de longue durée de figurant sur la liste dite « ALD 30 ».

Je propose que l’employeur ne puisse plus s’opposer à une demande de recours au télétravail formulée par un salarié en situation de handicap, dès lors que le service de santé au travail a donné un avis favorable et que les caractéristiques du poste de travail le permettent.

Le télétravail représente pour bon nombre de travailleurs handicapés une opportunité de nature à faciliter le maintien dans l’emploi et, surtout, à améliorer leurs conditions de travail, en leur évitant notamment des trajets quotidiens fastidieux, voire impossibles.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS737 de M. Adrien Quatennens.

Mme Caroline Fiat. Il est défendu.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. L’obligation d’emploi des travailleurs handicapés est un dispositif qui a fait ses preuves et a permis une hausse du taux d’emploi des personnes handicapées.

Si le taux d’emploi des personnes en situation de handicap reste malheureusement toujours en deçà de celui du reste de la population, la suppression du dispositif de l’obligation d’emploi enverrait un signal très négatif et marquerait un retour en arrière de la politique en faveur de l’emploi des personnes en situation de handicap.

Je suis donc défavorable à cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle se saisit de l’amendement AS1490 de la rapporteure.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. Les dépenses liées à la rémunération des personnels salariés affectés à des missions d’accompagnement des élèves ou étudiants handicapés au sein des écoles, des établissements scolaires et d’enseignement supérieur peuvent être déduites de la contribution financière. Je propose de rétablir un plafonnement de cette déduction.

Comme le souligne un rapport conjoint de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale des affaires sociales, ces dépenses sont principalement concentrées au ministère de l’éducation nationale. En l’absence de plafonnement des dépenses déductibles, cela revient à exonérer le ministère de l’éducation nationale de la contribution financière et à ne plus le soumettre à l’incitation financière de l’obligation d’emploi.

La réintroduction d’un plafonnement à 80 % de la contribution due est donc une mesure d’équité en faveur de l’emploi des personnes en situation de handicap.

Mme Carole Grandjean. Notre groupe propose de reconsidérer cette question à l’issue des concertations en cours.

La commission rejette l’amendement.

Article 41
Transmission des informations relatives aux caractéristiques de l’emploi dans la déclaration sociale nominative

La commission adopte l’article 41 sans modification.

Article 42
Extension des dispositions précédentes aux employeurs publics

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS1398 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 42 modifié.

Section II : Renforcer le cadre d’intervention des entreprises adaptées

Article 43
Renforcer la cadre d’intervention des entreprises adaptées

La commission examine l’amendement AS599 de M. Pierre Cabaré.

M. Erwan Balanant. Issu de la recommandation n° 18 du rapport de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, cet amendement vise à compléter la définition des objectifs des entreprises adaptées qui promeuvent un environnement économique inclusif favorable aux femmes et aux hommes en situation de handicap. Il s’agirait précisément de compléter l’alinéa 6 par les mots : « favorable aux femmes et aux hommes en situation de handicap ».

Cet ajout permet en outre de tenir compte des inégalités qui pourraient exister entre hommes et femmes : les femmes en situation de handicap rencontrent souvent de plus grandes difficultés en matière d’accès à l’emploi, de conditions de travail et de trajectoires personnelles. Par exemple, parmi les personnes reconnues handicapées, 47 % des femmes travaillent à temps partiel, contre seulement 16 % des hommes. Il me semble donc nécessaire de compléter la définition des entreprises adaptées pour bien préciser que tout cadre inclusif en faveur des personnels en situation de handicap doit prendre en compte ces enjeux d’égalité entre les femmes et les hommes.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. L’ajout de cette mention complète bien la définition de la mission des entreprises adaptées. J’émets donc un avis favorable.

Mme Carole Grandjean. Notre groupe est favorable à cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS1399, AS1400 et AS1416, tous de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 43 modifié.

Section 3 : Accessibilité́

Article 44
Transposition de la directive relative à l’accessibilité des sites internet

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS1418 de la rapporteure.

Elle examine ensuite, en discussion commune, l’amendement AS1460 de la rapporteure et les amendements identiques AS68 de M. Paul Christophe et AS856 de Mme Gisèle Biémouret.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. L’amendement AS1460 tend à renvoyer à un décret pris en conseil d’État la définition de la notion de « charge disproportionnée ». Le décret devra préciser les modalités de définition de cette notion conformément aux critères spécifiés dans la directive, qui sont de niveau réglementaire.

M. Paul Christophe. L’amendement AS68 est un peu plus précis, puisqu’il vise à définir la notion de charge disproportionnée en s’inspirant du considérant 39 et de l’article 5 de la directive 2016/2102 du 26 octobre 2016 relative à l’accessibilité des sites internet et des applications mobiles des organismes du secteur public.

Mme Gisèle Biémouret. L’article 44 prévoit que l’accessibilité numérique aux personnes en situation de handicap est mise en œuvre uniquement si elle ne crée pas une « charge disproportionnée ». Cette notion, source d’exonérations potentiellement importantes, doit être appliquée inconditionnellement. Il est donc proposé dans notre amendement AS856 de la définir en s’appuyant sur le considérant 39 et l’article 5 de la directive 2016/2102 du 26 octobre 2016 relative à l’accessibilité des sites internet et des applications mobiles des organismes du secteur public. Cette dernière dispose que sont prises en compte les circonstances suivantes : la taille, les ressources et la nature de l’organisme du secteur public concerné ainsi que l’estimation des coûts et des avantages pour cet organisme par rapport à l’avantage estimé pour les personnes handicapées, compte tenu de la fréquence et de la durée d’utilisation du site internet ou de l’application mobile spécifique.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. Je vous propose de retenir mon amendement et donc de renvoyer à un décret en Conseil d’État la définition de la notion de charge disproportionnée. Je vous suggère donc de retirer les amendements AS68 et AS856 ; à défaut, j’y serai défavorable.

M. Paul Christophe. Comme je n’aime guère renvoyer, je maintiens l’amendement AS68…

Mme Gisèle Biémouret. Je maintiens également l’amendement AS856.

La commission adopte l’amendement AS1460.

En conséquence, les amendements AS68 et AS856 tombent.

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS1419 de la rapporteure.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AS69 de M. Paul Christophe et AS857 de Mme Gisèle Biémouret.

M. Paul Christophe. L’amendement AS69 vise à transposer dans notre droit l’article 7 de la directive 2016/2102 du 26 octobre 2016.

Mme Gisèle Biémouret. L’amendement AS857 est défendu.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. J’émets un avis tout à fait favorable à la transposition des dispositions de la directive relative à la déclaration d’accessibilité en format accessible ainsi qu’au mécanisme de notification par les usagers de toute absence de mise en conformité en matière d’accessibilité. La rédaction de l’amendement AS69 me paraît préférable car plus souple que celle proposée à l’amendement AS857.

M. Adrien Taquet. Transposer cette disposition est une très bonne chose, mais la véritable question – et nous aurons sans doute l’occasion d’en reparler en séance publique – est celle des sanctions prévues en cas de non-déclaration de mise en conformité. De fait, l’obligation existe déjà ; or une grande majorité des sites, me semble-t-il, ne font pas cette déclaration.

La commission adopte l’amendement AS69.

En conséquence, l’amendement AS857 tombe.

La commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements AS952 de Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel et AS70 de M. Paul Christophe.

Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel. La disposition de l’article 44 porte, à strictement parler, non pas sur l’accessibilité en situation de travail des personnes en situation de handicap, mais sur l’accessibilité des sites internet et des applications mobiles des organismes du secteur public. Toutefois, cette disposition a un impact global sur le quotidien des personnes en situation de handicap, dans une société de plus en plus dématérialisée. Compte tenu des dispositions déjà en vigueur mais non retranscrites dans le règlement, il est proposé, par l’amendement AS952, que le décret soit pris après avis conforme du Conseil national consultatif des personnes handicapées, car il s’agit du seul moyen d’assurer une large et efficace concertation avec l’ensemble des parties prenantes.

M. Paul Christophe. L’amendement AS70 tend à préciser que le décret est pris après avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées, afin d’assurer une large concertation avec l’ensemble des parties prenantes, et qu’il doit obligatoirement prévoir des sanctions pécuniaires – et non plus à titre de simple option. Le produit de ces sanctions sera destiné à alimenter le Fonds national d’accompagnement de l’accessibilité universelle.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. Avis favorable à l’amendement AS70, qui tend, ainsi que M. Christophe l’a indiqué, à soumettre le projet de décret à l’avis simple du Conseil national consultatif des personnes handicapées et à prévoir explicitement le versement des sanctions pécuniaires au Fonds national d’accompagnement de l’accessibilité universelle. Avis défavorable à l’amendement AS952.

La commission rejette l’amendement AS952.

Puis elle adopte l’amendement AS70.

Elle adopte ensuite l’article 44 modifié.

Article 45
Transposition de la directive à l’utilisation des œuvres protégées pour des personnes handicapées

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS1420, AS1421, AS1422, AS1423 et AS1424, tous de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 45 modifié.

Section IV : Inclure dans la représentation des salariés les bénéficiaires
de contrats uniques d’insertion

Article 46
Inclure dans la représentation des salariés les bénéficiaires de contrats unique d’insertion

La commission est saisie de l’amendement AS686 de M. Francis Vercamer.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. L’article 46 vise à modifier le dispositif de calcul des seuils d’effectifs, en intégrant dans ce calcul les titulaires de contrats uniques d’insertion. Si l’intention est louable, tant du point de vue de la conformité de notre législation à la jurisprudence communautaire que de la volonté de démontrer qu’un salarié en insertion est un salarié à part entière de l’entreprise, il n’en reste pas moins prématuré d’inscrire cette disposition dans le projet de loi.

En effet, la question des seuils sociaux et de leurs effets, dont nous savons combien ils peuvent dissuader l’embauche, n’a pas encore été traitée. Le passage des seuils de 11, 20 et 50 salariés soumet l’entreprise à des obligations sociales et fiscales nouvelles qui peuvent paraître difficilement maîtrisables aux chefs d’entreprise, surtout s’il s’agit de petites ou moyennes entreprises qui ne disposent pas de services leur permettant de gérer ce qui apparaît, à tort ou à raison, comme une complexité juridique supplémentaire.

Les ordonnances sur le renforcement du dialogue social n’ont pas abordé ce sujet, dont on nous dit qu’il doit faire l’objet de dispositions du futur projet de loi PACTE annoncé en Conseil des ministres le mois prochain. La presse s’est en effet fait l’écho d’un possible relèvement des seuils, en particulier de celui de 20 salariés, qui serait porté à 50, mais nous n’en connaissons pas encore le détail. Or, pour qu’elle ait un impact psychologique déterminant en faveur de l’embauche, la question des seuils doit faire l’objet d’un travail d’ensemble dans le cadre duquel il pourra éventuellement être question du décompte des salariés en insertion dans les effectifs. Pour l’heure, cette disposition semble donc prématurée. C’est pourquoi nous proposons de supprimer l’article 46.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. Avis défavorable à cet amendement de suppression.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement de précision juridique AS1425 de la rapporteure.

Puis elle est saisie de l’amendement AS244 de M. Stéphane Viry.

M. Stéphane Viry. Le texte prévoit que les titulaires de contrats aidés soient désormais pris en compte dans le calcul des effectifs dans le champ des institutions représentatives du personnel, afin de mettre notre législation en conformité avec la jurisprudence communautaire. Toutefois, cette disposition peut soulever des difficultés. En effet, la mission première des associations intermédiaires est d’accueillir, pendant un temps limité, des salariés en situation d’insertion qui sont mis à la disposition de tiers – particuliers, entreprises ou collectivités publiques –, afin qu’ils sortent le plus rapidement possible de ce dispositif. Or, donner à ses salariés le droit de participer à la désignation des institutions représentatives du personnel de l’association intermédiaire pourrait être compris comme une sécurité illusoire et leur laisser entendre que leur situation de salarié de l’association pourrait se pérenniser, ce qui est contraire à l’objectif d’une politique d’inclusion dynamique. Par cet amendement, je propose de ne pas dénaturer l’esprit des associations intermédiaires.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. L’objet de l’article 46 étant de mettre en conformité notre législation avec le droit de l’Union européenne en matière de droit à la représentation du personnel, il ne me paraît pas opportun d’y introduire une nouvelle exception. Avis défavorable.

M. Erwan Balanant. Ayant présidé une association intermédiaire pendant dix ans, je comprends la préoccupation de M. Viry. C’est un vrai problème : comment permettre à des salariés qui ne restent parfois dans la structure que trois ou quatre mois, voire moins, de participer à la désignation des représentants du personnel ? Nous nous y sommes essayés, en vain. De ce fait, bon nombre d’associations intermédiaires seront donc incapables d’appliquer cette disposition. Le fait de les placer dans l’illégalité serait inconfortable pour les salariés permanents de ces associations et pour leurs conseils d’administration. Je comprends que le droit européen doive s’appliquer, mais il va falloir trouver une solution à ce problème délicat.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS1426 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 46 modifié.

Article additionnel ‑ Article 46 bis
Informations contenues dans la déclaration de performance extra-financière des entreprises

La commission est saisie de l’amendement AS1133 de Mme Carole Grandjean.

Mme Mireille Robert. Cet amendement vise à compléter la déclaration de performance extra-financière des entreprises par les mesures prises en faveur de l’emploi et de l’insertion des personnes handicapées, afin qu’elle rende compte des efforts consentis par les entreprises en faveur d’une société plus inclusive.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. Votre amendement concerne les obligations de reporting extra-financier des grandes entreprises, dans le cadre de leurs obligations de Responsabilité sociale et environnementale (RSE). L’ajout de la mention : des « mesures prises en faveur des personnes handicapées » compléterait la mention : « des informations relatives aux actions visant à lutter contre les discriminations et promouvoir les diversités » pour garantir une prise en compte spécifique des personnes en situation de handicap. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS570 de M. Erwan Balanant.

M. Erwan Balanant. Cet amendement est le corollaire d’autres amendements que j’avais déposés à l’article 10 mais que je n’ai pas soutenus hier soir, croyant qu’ils tomberaient. Je les redéposerai donc en séance publique.

Il s’agit de modifier la définition législative du secteur de l’insertion par l’activité économique dans le code du travail pour faire apparaître officiellement la mission de formation et traduire dans la loi le triptyque accompagnement social-activité économique-insertion. En effet, l’action des structures d’insertion par l’activité économique doit s’adapter à la réalité d’un monde changeant. Il s’agit donc de faire de la formation un élément du parcours de toutes les personnes qu’elles accompagnent.

Actuellement, on sent un frémissement économique dans de nombreux territoires, mais des personnes déjà très éloignées de l’emploi vont regarder le train de la croissance partir sans elles, au risque de s’en éloigner davantage encore : on ne rattrape jamais un train qui est parti. Cette situation est assez paradoxale. Sachant que les personnes sans diplôme ont trois fois plus de risques de se retrouver au chômage que celles qui possèdent un bac + 2, l’objet de cet amendement est de permettre aux personnes en insertion de monter en compétence en prenant en compte le temps long, car elles ont souvent besoin de plus de temps que les autres pour retrouver une employabilité.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. Dans la rédaction proposée par votre amendement, l’ajout de la mention : « et d’une formation professionnelle » a pour conséquence de restreindre le champ des personnes susceptibles de bénéficier d’un accompagnement personnalisé pour l’accès à l’emploi. J’émets donc un avis défavorable, mais il pourrait être intéressant de retravailler la rédaction de cet amendement en vue de la séance publique.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite les amendements identiques AS568 de M. Erwan Balanant et AS1134 de Mme Carole Grandjean.

M. Erwan Balanant. L’amendement AS568 est défendu.

Mme Carole Grandjean. L’amendement AS1134 sera retravaillé en vue de l’examen du texte en séance publique ; je le retire.

Ces amendements sont retirés.

Chapitre II
Moderniser la gouvernance et les informations relatives à l’emploi

Article 47
Suppression du Conseil national de l’insertion par l’activité économique

La commission est saisie de l’amendement AS784 de M. Adrien Quatennens.

M. Adrien Quatennens. Le Conseil national de l’insertion par l’activité économique (CNIAE) est placé auprès du Premier ministre et se compose de neuf élus, de représentants du Gouvernement, d’un représentant de Pôle Emploi, de représentants des organisations syndicales et de personnalités qualifiées. Il se réunit au moins deux fois par an sur convocation de son président et peut proposer au Gouvernement des études et initiatives visant à l’insertion professionnelle. Il travaille en lien avec le réseau associatif, les structures d’insertion, et le Gouvernement peut le consulter sur les questions relatives aux politiques de l’emploi.

Supprimer le CNIAE, comme le prévoit l’article 47, reviendrait donc à se passer d’un interlocuteur légitime sur ce sujet essentiel. Certes, le Gouvernement promet la création prochaine d’un Conseil national de l’inclusion dans l’emploi (CNIDE), mais nous n’en connaissons pas la date. Dès lors, nous pouvons nous interroger sur les intentions réelles du Gouvernement. Pourquoi ne pas prolonger l’existence du conseil actuel jusqu’à la création du CNIDE ? Pourquoi tant d’empressement ? Y a-t-il, une fois de plus, urgence à détruire l’existant ? Nous ne le croyons pas.

Par ailleurs, le nouveau conseil serait créé par décret : le Gouvernement en fixerait donc les modalités d’organisation sans que le Parlement puisse se prononcer. Or, nous refusons de lui donner un tel blanc-seing : le fameux « pari de la confiance », mes chers collègues, ne peut se faire qu’avec des gens qui ont prouvé qu’on pouvait la leur accorder.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. Vous vous opposez à la suppression du CNIAE car vous craignez qu’il ne soit pas remplacé. Pourtant, l’intention du Gouvernement est bien de lui substituer un Comité d’inclusion dans l’emploi. Le texte transmis au Conseil d’État prévoyait la création de ce comité, mais le Conseil a estimé que celle-ci ne relevait pas du domaine de la loi. En revanche, il est nécessaire de recourir à la loi pour supprimer le CNIAE. Je vous suggère donc, à la faveur de ces précisions, de retirer votre amendement. Si vous le maintenez, j’émettrai un avis défavorable.

M. Adrien Quatennens. Je ne retirerai pas mon amendement, car il est motivé, non pas par la crainte que le CNIAE ne soit pas remplacé, mais par le fait que nous n’avons aucune garantie ni aucune information sur les délais dans lesquels il est envisagé de créer le futur comité. Si vous avez des éléments à me transmettre à ce sujet, je suis preneur.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. L’idée de substituer au CNIAE un comité qui couvrirait l’ensemble du champ de l’inclusion m’a été inspirée par le rapport que Jean-Marc Borello m’a remis le 16 janvier dernier, après avoir consulté plusieurs centaines d’acteurs de l’insertion professionnelle intervenant non seulement dans le cadre de l’insertion par l’activité économique (IAE), mais aussi dans tous les autres domaines de l’insertion. En effet, ces différents acteurs estiment que le fait que CNIAE soit limité à l’insertion par l’activité économique empêche certains débats et la participation de toute une série de partenaires. Par exemple, un dialogue extrêmement riche est en cours entre les entreprises adaptées et le secteur de l’insertion par l’activité économique, car une partie des personnes handicapées qui travaillent dans les entreprises adaptées sont susceptibles, avec l’aide de l’insertion par l’activité économique, d’occuper un emploi classique. Or ce type de débats ne peut avoir lieu au sein du Conseil, car son champ de compétence est trop restreint.

Cependant, le Conseil d’État a jugé que la création du nouveau comité relevait du domaine réglementaire. Or, nous ne pouvons pas prendre le décret si nous n’avons pas supprimé le conseil actuel : c’est le problème de la poule et de l’œuf… Je m’engage donc – et vous avez pu remarquer que je tenais mes engagements – à publier ce décret dès la promulgation de la loi.

M. Stéphane Viry. Je suis membre du CNIAE, et je crois nécessaire, comme vous l’avez dit, madame la ministre, de mener des actions d’inclusion sous toutes ses formes et de lui donner un second souffle. Ce conseil fonctionne très bien et son potentiel de création de situations de travail est avéré, mais je confesse que j’étais également d’avis d’en changer le format ; je forme le vœu que vous donniez à cette nouvelle entité des moyens d’action dont le CNIAE ne disposait pas, de sorte qu’il apparaissait, en dépit de son utilité, comme une caisse de résonance un peu vide. Sa capacité administrative notamment était trop maigre. Je souscris à votre projet de faire du neuf en la matière.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Maintenez-vous l’amendement, M. Quatennens ?

M. Adrien Quatennens. Dans le doute, je le maintiens.

La commission rejette l’amendement.

La commission examine l’amendement AS1135 de Mme Carole Grandjean.

Mme Michèle Peyron. Le rapport de M. Jean-Marc Borello, remis à Mme la ministre le 16 janvier et intitulé « Donnons-nous les moyens de l’inclusion », fondé sur le constat que l’inclusion est un gage de la cohésion sociale et doit être une priorité de notre société, préconise dix-neuf mesures, dont principale consiste à créer un fonds d’inclusion dans l’emploi. Il est également proposé de remplacer les emplois aidés par des parcours emploi-compétences. Toutefois, ces deux mesures supposent d’adapter la gouvernance à ces nouveaux dispositifs. C’est pourquoi la quinzième recommandation vise à transformer le conseil national de l’insertion par l’activité économique en conseil national de l’inclusion dans l’emploi, afin d’en renforcer l’action tout en élargissant le champ de ses missions. Le Gouvernement a suivi cette recommandation en proposant à l’article 47 la suppression du CNIAE.

La création d’une nouvelle instance qui reprendrait ses prérogatives n’étant pas encore actée, notre amendement vise à fixer la date de suppression du conseil national de l’insertion par l’activité économique au jour de création de la nouvelle entité, afin d’assurer la continuité du pilotage de l’insertion par l’activité économique et d’éviter tout vide dans l’intervalle.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. Au regard des explications claires de Mme la ministre et des engagements qu’elle vient de prendre, je vous propose le retrait de l’amendement ; à défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 47 sans modification.

Article 48
Suppression de la participation des missions locales aux maisons de l’emploi

La commission examine les amendements identiques AS688 de M. Francis Vercamer et AS915 de M. Pierre Dharréville.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. L’amendement AS688 est défendu.

M. Pierre Dharréville. L’article 48 du présent projet de loi prévoit que les missions locales ne participent plus aux maisons de l’emploi. Dans la continuité des coupes budgétaires décidées dans la loi de finances pour 2018, il concrétise la volonté du Gouvernement de supprimer à terme les maisons de l’emploi, qui sont pourtant des structures essentielles à l’animation territoriale des politiques de l’emploi et de la formation.

Rappelons que les maisons de l’emploi ont été créées en 2005 par Jean-Louis Borloo – décidément, les temps sont durs pour lui – dans le cadre de la politique de la ville. Par cette mesure, l’État envoie selon nous un signal négatif aux acteurs de l’emploi qui, sur les territoires et dans les quartiers, contribuent à accompagner les publics en difficulté. C’est pourquoi nous demandons, par l’amendement AS915, la suppression de cet article.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. La participation des missions locales aux maisons de l’emploi ne se justifie plus dans la mesure où elles ne jouent plus aucun rôle dans le service public de l’emploi depuis la création de Pôle Emploi. Leur raison d’être est l’accompagnement des jeunes dans et vers l’emploi. Le maintien dans la loi de la mention de leur participation à des structures qui n’ont plus aucune attribution en la matière n’a pas de sens. Je suis donc défavorable à la suppression de l’article 48, qui clarifie les choses.

La commission rejette les amendements.

Elle adopte l’article 48 sans modification.

Article 49
Dispositions relatives à l’organisation de Pôle Emploi

La commission examine l’amendement AS689 de M. Francis Vercamer.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Cet amendement procède de notre volonté de laisser la main aux territoires pour définir et mettre en œuvre certaines des politiques d’accompagnement vers l’emploi. C’est cette logique qui avait inspiré la création des maisons de l’emploi sous l’égide de Jean-Louis Borloo : elles avaient pour but de coordonner les acteurs locaux de l’emploi afin de susciter des synergies locales en lien avec les besoins identifiés de main-d’œuvre des entreprises implantées dans les bassins d’emploi. Elles visaient également à intégrer les maires dans la définition des politiques locales de retour à l’emploi, parce que c’est le maire qui est aux premières loges en matière de lutte contre le chômage – comme dans d’autres domaines. C’est souvent lui que les personnes sans emploi sollicitent en premier ou dernier ressort pour trouver un emploi. C’est aussi l’interlocuteur des entreprises qui s’implantent. C’est le maire qui est le mieux placé pour discerner les évolutions du tissu économique sur le territoire communal, et qui peut distinguer, à partir de ses échanges avec les chefs d’entreprise, les besoins futurs de recrutement.

Avec cet amendement, ce ne sont pas les maires qui sont visés mais les régions. La disparition des maisons de l’emploi participe de cette volonté du Gouvernement de recentraliser les politiques de l’emploi. Au contraire, nous proposons de les décentraliser significativement en régionalisant Pôle Emploi, c’est-à-dire en donnant aux régions le contrôle de son conseil d’administration. En clair, cet amendement vise à redonner du poids aux élus locaux dans l’accompagnement vers l’emploi. Il prend en quelque sorte acte de votre volonté de faire disparaître les maisons de l’emploi et propose, en contrepartie, de donner aux élus régionaux et locaux plus de pouvoirs de décision au sein de Pôle Emploi.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. Le conseil d’administration de Pôle Emploi comprend actuellement cinq représentants de l’État et un représentant des régions. Vous proposez ni plus ni moins d’inverser cette proportion… C’est si excessif que nous allons considérer qu’il s’agit d’un amendement d’appel, que je vous invite à retirer ; à défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 49 sans modification.

Chapitre III
Mesures relatives au détachement des travailleurs et à la lutte contre le travail illégal

Avant l’article 50
 

La commission est saisie de l’amendement AS690 de M. Adrien Quatennens.

M. Adrien Quatennens. Cet amendement porte sur le travail détaché, qui constitue un véritable outil de dumping social à l’intérieur même des frontières européennes. Il permet en effet à un employeur d’embaucher un ressortissant d’un autre État membre, de le rémunérer et de payer les cotisations sociales en fonction des règles en vigueur dans son pays d’origine. En appliquant cette directive sur le travail détaché, le Gouvernement accepte et légitime une concurrence déloyale importée directement sur le territoire national.

Un employeur peut légalement décider d’employer un travailleur détaché dont la rémunération sera plus faible qu’un travailleur non détaché. En 2017, on comptabilisait 516 000 travailleurs détachés sur le territoire français. Ce chiffre a augmenté de 46 % en un an. Les négociations entamées par Emmanuel Macron n’y changeront rien pour la raison que les discussions, qu’il a présentées comme un succès, sont en réalité un échec. En effet, la durée maximale d’un contrat de travail détaché a certes été ramenée à douze mois, mais la durée moyenne de ces contrats en France n’est que de quarante-deux jours. Surtout, la rémunération du travailleur évolue toujours en fonction des minima salariaux, des taux de cotisations sociales et patronales et de leur assiette de calcul dans le pays d’origine. Autrement dit, le Gouvernement accepte que des entreprises françaises décident d’appliquer en France le droit social bulgare, roumain ou lituanien, alors que les cotisations sociales de ces pays sont parmi les plus faibles, de même que leur indice de développement humain, tandis que le taux de pauvreté y est le plus élevé d’Europe.

Pire encore : avec l’article 50 du présent projet de loi, le Gouvernement prévoit même de faciliter le recours au travail détaché. Cette décision profondément dogmatique va directement à l’encontre de ce dont nous avons besoin en matière d’emploi. Compétitivité et flexibilité ne peuvent se faire contre l’intérêt général. Vous délivrez un blanc-seing aux entreprises en leur disant en somme de produire tout ce qu’elles veulent, d’embaucher selon les critères qu’elles décideront et de se livrer une concurrence mortifère au motif qu’il en restera bien quelque chose.

Nous nous opposons fermement à cet article comme à la directive européenne elle-même. La France aurait eu une parole forte et indépendante en décidant unilatéralement de ne plus appliquer ce texte mortifère pour notre économie et pour les salariés. C’est la raison pour laquelle nous proposons, par l’amendement AS690, d’abroger le titre VI du livre II de la première partie du code du travail.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. Outre l’insécurité juridique que créerait l’abrogation de l’ensemble des dispositions relatives au travail détaché, votre proposition va clairement à l’encontre de la libre circulation des travailleurs au sein de l’Union européenne. Le cadre juridique du travail détaché offre des garanties et des droits aux salariés détachés tout en permettant le contrôle des détachements et des sanctions en cas de manquements ou de fraude. Avis défavorable.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Dans mon étonnement, j’hésite : ou bien votre information n’est pas à jour, monsieur le député, ou bien vous entendez supprimer des droits qui protègent de nombreux travailleurs contre le dumping social. Permettez-moi donc de faire le point.

Lorsque le travail détaché pose problème – mais nous pourrons bientôt en parler au passé –, c’est parce qu’il crée une concurrence déloyale entre les entreprises mais aussi parce que le flou qui l’entoure peut donner lieu à des pratiques de dumping social. Comme les autres États membres, la France devait ratifier les modifications de la directive de 1996 en juin dernier mais notre Gouvernement, tout juste nommé, ne l’a pas accepté. Sans relâche, nous avons discuté pendant des mois avec nos homologues des 27 autres États jusqu’à parvenir, lors du conseil européen des ministres du travail du 23 octobre 2017, à une négociation dans le cadre fixé par le Président de la République, qui a abouti à une directive meilleure. J’ai une très bonne nouvelle pour la commission : hier, le Parlement européen a définitivement adopté ces mesures – à 70 % des votants – qui affirment le principe suivant : à travail égal salaire égal sur le même lieu de travail, étant entendu qu’il est aussi tenu compte des éléments accessoires comme l’hébergement ou la restauration.

Ainsi, la directive qu’il vous sera bientôt proposé de transposer illustre l’évolution du droit en la matière et est protectrice, puisqu’elle mettra fin au dumping social. Elle comprend d’autres mesures relatives à la limitation des contrats de travail détaché dans le temps et au renforcement des contrôles, entre autres, mais nous aurons l’occasion d’y revenir.

L’article 50 qui vous sera proposé dans un instant ne vise évidemment pas encore à transposer la directive en question, mais il comprend des mesures d’accompagnement marginales qui permettent notamment de renforcer le régime de sanctions. Aujourd’hui, en effet, si une entreprise ne paye pas l’amende qui lui a été imposée suite à une infraction aux règles du travail détaché, le chantier ne peut pas être suspendu ; c’est dommageable. Nous proposons qu’en l’absence de mise en conformité immédiate avec le droit du travail et la directive, le chantier puisse être suspendu sur-le-champ. En clair, c’est un texte protecteur qui renforce les sanctions et s’inscrit dans le cadre d’une victoire française et européenne sur cette nouvelle directive adoptée hier, qui sera bientôt soumise à la ratification du Parlement. J’espère vous avoir convaincu de voter cet amendement… je veux dire de retirer cet amendement et de voter l’article 50 !

M. Adrien Quatennens. Je vous remercie, madame la ministre, pour cet avis favorable à mon amendement.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Je précise donc : j’espère que vous retirerez l’amendement et que vous voterez l’article !

M. Adrien Quatennens. Notre point de désaccord porte sur le principe « à travail égal salaire égal ». Vous aurez compris en m’entendant défendre l’amendement que selon moi, ce principe n’existe pas puisque vous savez comme moi que la directive prévoit que les cotisations sociales restent payées dans le pays d’origine. Dans ces conditions, « à travail égal salaire égal » n’est qu’une comptine sans effet concret.

La victoire dont vous nous parlez est une fausse victoire, en réalité. Dans le débat national, le Gouvernement a notamment défendu l’argument selon lequel la baisse des cotisations vaut augmentation des salaires, mais les cotisations font partie intégrante du salaire ; dès lors qu’elles sont payées dans le pays d’origine, il n’y a pas de salaire égal pour un travail égal. Le dumping social va pouvoir allègrement continuer. De même, on pourrait se réjouir de la limitation à douze mois des contrats de travail détaché mais la durée moyenne de ces contrats ne dépasse pas quarante-deux jours, bien loin de la limitation que vous avez obtenue ! C’est une victoire en trompe-l’œil, un pétard mouillé tout au plus.

La commission rejette l’amendement.

Article 50
Allègement des obligations applicables au détachement frontalier ou de courte durée

La commission examine l’amendement AS687 de M. Adrien Quatennens.

M. Adrien Quatennens. Je viens de le défendre.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS1427, AS1428 et AS1429 de la rapporteure.

Elle adopte l’article 50 modifié.

Article 51
Allègement des obligations applicables au détachement pour compte propre

La commission adopte l’article 51 sans modification.

Article 52
Suppression de la contribution forfaitaire détachement

La commission est saisie de l’amendement AS683 de M. Adrien Quatennens.

Mme Caroline Fiat. L’article 52 supprime l’article L. 1262-4-6 du code du travail qui impose aux employeurs établis hors de France qui détachent un salarié sur le territoire national de contribuer aux différents coûts du système dématérialisé de déclaration et de contrôle. La suppression de cet article aurait deux conséquences fâcheuses.

Tout d’abord, elle encouragerait le recours au travail détaché, pratique pourtant condamnable. Derrière les éléments de langage relatifs à la liberté, à la mobilité ou encore à la simplification se cache une réalité bien différente : certains employeurs jouent avec les écarts entre les normes sociales pour réduire le coût du travail et nivellent ainsi les droits sociaux vers le bas. Rappelons que le différentiel oscille entre dix et vingt points de cotisations sociales en moins selon les pays.

D’autre part, cette suppression mettrait fin à une contrainte financière négligeable pour les entreprises mais nécessaire au financement des contrôles et de l’administration. Sans ce financement, la lutte contre les irrégularités serait mise à mal. Là encore, derrière le discours affiché, la réalité est toute autre : nous observons déjà que le droit de timbre de 40 euros dû par les entreprises établies à l’étranger qui souhaitent détacher des travailleurs en France a été abrogé et n’est donc pas appliqué pour 2018. Nous sommes fermement opposés à ce recul toujours plus important et demandons la suppression de cet article.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 52 sans modification.

Article additionnel ‑ Article 52 bis
Introduction d’une nouvelle condition à la reconnaissance du statut de salarié détaché

La commission examine l’amendement AS1153 de Mme Carole Grandjean.

Mme Carole Grandjean. Par cet amendement, nous souhaitons apporter une clarification au code du travail en introduisant la notion de lieu de travail habituel des salariés sur le territoire d’un autre État que la France – souvent transfrontalier. Le lieu de travail habituel correspond au territoire de l’État dont le travailleur est censé être détaché à titre temporaire. Nous regrettons le développement de schémas de fraude et le détachement abusif en France de ressortissants français qui n’exercent pas habituellement dans le pays d’implantation de l’entreprise qui les détache. Nous observons également ce phénomène dans le secteur intérimaire, ce qui constitue un détournement de notre système et qui contrevient à la démarche engagée par la directive européenne sur le travail détaché de 1996, révisée avant-hier par un vote très majoritaire du Parlement européen. Par cet amendement, nous préciserons donc notre législation nationale afin d’éviter les abus consistant à détacher en France des Français n’exerçant pas habituellement leurs activités dans le pays d’implantation de leur employeur.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. Avis favorable : cet amendement vise à garantir que les salariés étrangers détachés en France exercent bien leur activité habituelle hors du territoire national afin d’éviter tout détournement de la logique du détachement.

La commission adopte l’amendement.

Article 53
Rehaussement du plafond des amendes administratives relatives aux prestations de service internationales et allongement de la période de prise en compte de la réitération

La commission examine l’amendement AS679 de M. Adrien Quatennens.

M. Adrien Quatennens. On dénombre quelque 3,4 millions d’entreprises en France, dont 94 % comptent moins de dix salariés, 5 % entre dix et cinq cents salariés et 1 % seulement plus de cinq cents salariés. Le tissu économique français est donc composé à 99 % de TPE et de PME qui, pourtant, sont souvent oubliées par le Gouvernement qui préfère se concentrer sur le 1 % de grandes entreprises. Non content de faire bénéficier 1 % des Français qui sont les plus riches de sa politique fiscale, celui-ci met en place une politique de l’emploi favorable avant tout au 1 % des plus grosses entreprises. Ainsi, Emmanuel Macron est définitivement le Président du 1 % contre les 99 autres pour cent.

Cet article n’y déroge pas, puisque les sanctions pesant sur les entreprises fraudeuses en matière de travail détaché ne tiennent compte ni de leur taille ni de leur chiffre d’affaires. Pourtant, il est évident que les entreprises n’entretiennent pas la même crainte des sanctions selon leur chiffre d’affaires, comme nous l’avons dit lors du débat sur le bonus-malus. C’est pourquoi cet amendement vise à moduler les sanctions en fonction du chiffre d’affaires afin que les grandes entreprises ne bénéficient pas d’un avantage comparatif par rapport aux petites en cas de fraude. La proportionnalité des peines est d’ailleurs un principe fondamental de notre droit, et nous entendons en assurer le respect par cet amendement aux vertus économiques et judiciaires. Nous espérons que la majorité l’adoptera.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. Je vais vous décevoir, cher collègue, en émettant un avis défavorable à cette modification des modalités de sanctions en cas de manquements aux obligations en matière de détachement, et ce pour deux raisons : non seulement elle entraînerait une plus grande complexité car il est plus difficile de déterminer le chiffre d’affaires d’entreprises étrangères, mais, de ce fait, les amendes administratives seraient plus difficiles à recouvrer.

La commission rejette l’amendement.

Elle passe à l’amendement AS677 de M. Adrien Quatennens.

Mme Caroline Fiat. Les sanctions administratives en matière de fraude au travail détaché sont largement insuffisantes. Le recours à des salariés locaux constitue un marché très lucratif pour certaines entreprises. En 2016, l’infraction commise par une entreprise marseillaise a entraîné à elle seule un manque à gagner de 70 millions d’euros pour l’État. La mise en place de montages toujours plus complexes s’appuyant sur des sociétés écrans met les enquêteurs en grande difficulté.

Par conséquent, ce sont les petites entreprises qui se font prendre, et qui sont assujetties à des amendes dissuasives de 2 000 euros. Les grosses entreprises, elles, ont les moyens de faire appel à un conseil juridique et de passer à travers les mailles du filet, mais aussi de payer des amendes de ce montant, qui est dérisoire. Rehausser le montant de l’amende en le portant à 3 000 euros ne fera que creuser cette inégalité entre les entreprises pour lesquelles ces montants sont ridiculement peu élevés et celles qui se sentent frappées de plein fouet. Pour que la sanction soit uniformément dissuasive, nous proposons de calculer le montant de la sanction en fonction du chiffre d’affaires des entreprises. En outre, cette mesure encouragera les enquêteurs à se tourner vers les plus grosses entreprises qui ont les moyens d’établir des montages complexes. Pour une peine proportionnée et respectueuse des différences entre les tailles des entreprises, nous demandons la modification du calcul des sanctions en cas de récidive.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. Même avis que précédemment : défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 53 sans modification.

Article 54
Suspension des prestations d’internationales en cas de nonpaiement des amendes administratives

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS1432 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 54 modifié.

Article 55
Suppression du caractère suspensif du recours formé contre les titres de perception d’amendes administratives

La commission adopte l’article 55 sans modification.

Article 56
Extension du champ de la sanction administrative de fermeture temporaire d’établissement

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS1433 et AS1434 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 56 modifié.

Article 57
Création d’un nouveau cas d’infraction de travail dissimulé par dissimulation d’activité

La commission adopte l’article 57 sans modification.

Article 58
Création d’une amende administrative pour absence de déclaration d’un chantier forestier ou sylvicole

La commission adopte l’article 58 sans modification.

Article 59
Diffusion des condamnations pour travail illégal en bande organisée

La commission adopte les amendements rédactionnels AS1435 et AS1436 de la rapporteure.

Elle adopte l’article 59 modifié.

Article 60
Renforcement des pouvoirs d’enquête de l’inspection du travail en matière de travail illégal

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS1437, AS1438, AS1439, AS1440 et AS1441 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 60 modifié.

Chapitre IV
Égalité de rémunération entre les femmes et les hommes et lutte contre les violences sexuelles et sexistes au travail

Avant l’article 61
 

La commission est saisie de l’amendement AS1505 de la rapporteure.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. Cet amendement rédactionnel vise à distinguer clairement les violences sexuelles des agissements sexistes. Ces deux réalités ne doivent pas être confondues : elles relèvent chacune d’une logique inacceptable mais distincte.

La commission adopte l’amendement.

Article 61
Mesure des écarts de rémunération et actions en faveur de l’égalité professionnelle

La commission examine l’amendement AS1503 de la rapporteure.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. L’enjeu de cet article n’est pas uniquement de sanctionner des écarts éventuels de rémunération, qui seraient théoriques, mais bien de supprimer ces écarts qui sont aujourd’hui réels. Cet amendement propose d’adapter l’intitulé du chapitre en conséquence

La commission adopte l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS1242 du Gouvernement, qui fait l’objet des sous-amendements AS1507 et AS1508 de la rapporteure et AS1514 de M. Cherpion.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Après avoir mené une concertation bilatérale avec les partenaires sociaux, nous avons procédé à une concertation multilatérale, qui a duré plusieurs mois, sur la base de leurs propositions qui ont fortement nourri le dialogue. Et les amendements que propose ici le Gouvernement découlent de ce que nous avons retenu de leurs contributions.

Il s’agit de rendre effectif le principe « à travail égal, salaire égal » entre les femmes et les hommes grâce à de nouvelles obligations de mesure des écarts, de transparence et de rattrapage salarial et une sanction en cas d’absence de résultat.

Depuis quarante-cinq ans que la loi impose l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, nous ne sommes toujours pas parvenus à une égalité réelle par le fait qu’elle ne prévoit qu’une obligation de moyens. Mais nous maintenons qu’il n’y a pas de fatalité : il nous faut passer d’une obligation de moyens à une obligation de résultat.

Avec l’obligation de moyens, l’entreprise est tenue de passer un accord avec les partenaires sociaux ou bien de mettre un œuvre un plan d’action, mais elle est laissée libre pour ce qui est de leur nature ou de leur qualité. C’est ce qui explique qu’une majorité d’entreprises ne soit pas parvenue à une égalité effective. Nous sommes donc dans un cas de figure très exceptionnel, celui d’une loi massivement inappliquée quarante-cinq ans après sa promulgation malgré de nombreuses actions de promotion de l’égalité salariale.

Il faut adopter une approche radicalement différente. Tout ne dépend pas de la loi – la mobilisation de l’État, des corps de contrôle, de l’inspection du travail, des partenaires sociaux revêt une grande importance – mais l’aspect législatif est fondamental.

Pour instaurer une obligation de résultat, le présent projet de loi prévoit trois leviers.

Premièrement, elle impose une méthodologie commune pour mesurer les écarts salariaux, ce qui rendra les indicateurs opposables.

Deuxièmement, elle institue une obligation de transparence : les entreprises devront publier les données relatives aux écarts.

Troisièmement, elle contraint les entreprises à prévoir une enveloppe pour effectuer un rattrapage qui devra s’opérer dans un délai de trois ans. Si à l’issue de cette période, aucun résultat n’est atteint, l’entreprise pourra être sanctionnée. Pourquoi trois ans ? Parce que l’expérience montre que les entreprises qui ont réussi à atteindre leurs objectifs en matière d’égalité salariale ont eu besoin de deux à trois ans. Si l’écart est trop important, il est considéré comme impossible à rattraper en un an et, l’année suivante, on refait le même constat, et rien n’avance ; c’est ainsi que cela dure depuis très longtemps. La progressivité du provisionnement de l’enveloppe de rattrapage favorisera la résorption de l’écart.

Tout cela s’accompagnera d’un engagement des partenaires sociaux à se mobiliser sur cet enjeu.

Cette obligation de résultat est un élément majeur. Elle constitue le socle de notre action en matière d’égalité salariale.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. Nous sommes favorables à cet amendement sous réserve de l’adoption d’un sous-amendement.

Le sous-amendement AS1507 prévoit que le décret définissant l’indicateur devra être pris en Conseil d’État, après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Il est indispensable que cet indicateur fasse l’objet de garanties claires en termes de confidentialité. La notion d’anonymisation, qui figurait dans le projet de loi initial, n’apparaît plus dans la nouvelle rédaction. Or la protection de la vie privée et des données personnelles doit être garantie, comme le Conseil d’État l’a lui-même rappelé dans son avis.

Le sous-amendement AS1508 est un sous-amendement de repli. Il maintient a minima un examen par le Conseil d’État. Les six mois qui sépareront la promulgation de la loi de l’entrée en vigueur du dispositif paraissent en effet largement suffisants pour procéder à un tel examen.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Le Conseil d’État n’a pas jugé la saisine de la CNIL nécessaire car les indicateurs ne reposent pas sur des données nominatives mais sur un traitement purement statistique opéré à partir du logiciel de paye ou de la déclaration sociale nominative (DSN). Je suggère le retrait de ce sous-amendement.

Pour le sous-amendement de repli AS1508, je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Stéphane Viry. L’inégalité salariale dont sont victimes les femmes doit disparaître. À cet égard, madame la ministre, je me félicite de l’instauration d’une obligation de résultat.

Pour mémoire, je rappellerai qu’un gouvernement de droite avait inscrit dans la loi portant réforme des retraites de 2010 une sanction de 1 % de la masse salariale en cas d’absence d’accord ou de plan d’action relatif à l’égalité professionnelle. Nous pouvons regretter qu’il n’y ait pas eu une prise de conscience assez large pour améliorer la situation, même si certaines entreprises se sont montrées vertueuses. Et je ne voudrais pas que celles qui ont adopté de bonnes pratiques, qui auraient pu servir d’exemple à d’autres, soient contraintes d’appliquer les indicateurs imposés par la loi alors qu’elles disposent déjà d’éléments leur permettant d’aller dans la direction que vous souhaitez. L’objet du sous-amendement AS1514 est donc de prévoir un principe de subsidiarité pour ne pas entraver les entreprises qui n’ont pas eu besoin de cette contrainte pour atteindre les résultats recherchés.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. Avis défavorable. Le principe « à travail égal, salaire égal » n’est toujours pas respecté bien qu’il soit inscrit dans le code du travail depuis quarante-cinq ans. Il est temps de passer aux actes. L’indicateur de mesure sera commun à l’ensemble des entreprises, ce qui garantira sa pertinence et permettra les comparaisons.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Même avis, mais je ferai deux remarques qui devraient vous rassurer, monsieur Viry.

Tout d’abord, le groupe de travail s’appuie notamment sur les bonnes pratiques mises en œuvre dans les entreprises qui ont atteint l’objectif d’égalité salariale. Celles-ci ont élaboré des indicateurs qui ont été une source d’inspiration.

Ensuite, nous sommes en train de rechercher des méthodologies reposant sur des traitements automatiques qui ne nécessiteront pas d’opérations supplémentaires de saisie, qu’elles utilisent la DSN ou les données de paye. Le but est de ne pas créer de charges supplémentaires.

Pour avoir un suivi au plan national et pour élaborer des comparaisons par branche, par secteur et par zone géographique, il est nécessaire de disposer d’un outil commun. Les entreprises que vous visez dans votre sous-amendement ne protestent absolument pas, elles font plutôt figure de modèles.

M. Erwan Balanant. S’il est adopté, l’amendement du Gouvernement, sous-amendé ou non, fera tomber une partie des amendements de la délégation aux droits des femmes. Vos propos nous ayant rassurés, madame la ministre, j’annonce que nous les retirons.

La commission rejette successivement les sous-amendements AS1507, AS1508 et AS1514.

Puis elle adopte l’amendement AS1242.

En conséquence, les amendements AS672 de M. Adrien Quatennens, AS341 de M. Gérard Cherpion, AS588 de M. Pierre Cabaré, AS716 de Mme Michèle Peyron, AS955 de Mme Fiona Lazaar et AS589 de M. Pierre Cabaré tombent, les amendements AS591 et AS590 ayant été retirés.

La commission en vient à l’amendement AS1229 du Gouvernement.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Cet amendement, issu de la concertation avec les partenaires sociaux, a pour objectif de préciser le contenu du bilan que les branches devront faire chaque année sur leurs actions en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Ce document fera chaque année l’objet d’une synthèse élaborée par la direction générale du travail.

Il s’agira de se concentrer sur les classifications. On observe que, d’une manière générale, dans les branches où la majeure partie des métiers sont exercés par des femmes, les classifications sont moins précises pour des raisons que l’on ne s’explique pas. Or sans classification, il est difficile de mesurer l’égalité réelle et l’incidence des promotions. Il est donc primordial que la qualité des bilans soit la même dans toutes les branches.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. Cet amendement clarifie le contenu des informations qui devront être rassemblées par les branches dans leur bilan annuel, en matière d’égalité professionnelle. La mixité des emplois et des diplômes et les outils de lutte contre le harcèlement et les agissements sexistes y trouveront toute leur place.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS1245 du Gouvernement.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Cet amendement prévoit de donner aux commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI) un rôle d’information, de prévention, de débat et d’avis en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes auprès des employeurs et des salariés des entreprises de moins de onze salariés.

En dessous de dix employés, il n’y a pas matière à mesure statistique puisqu’il faut au moins dix emplois similaires pour établir une comparaison valable. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’actions à mener dans les entreprises de moins de onze salariés en matière de prévention des actes de harcèlement sexuel et des agissements sexistes car ceux-ci ne connaissent pas de frontières : ils sont susceptibles de toucher toutes les entreprises, quels que soient leur taille, la zone géographique où elles sont implantées, le secteur auquel elles appartiennent, leur statut, public et privé.

Il est important que les CPRI, qui sont paritaires, puissent jouer ce rôle afin que la cause des femmes soit entendue aussi dans les entreprises de moins de onze salariés.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. La prévention du harcèlement sexuel et des violences sexistes doit concerner l’ensemble des entreprises, quelle que soit leur taille. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS1247 du Gouvernement.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Cet amendement a pour objet de préciser les éléments à prendre en compte lors des délibérations des conseils d’administration et des conseils de surveillance en matière d’égalité salariale. Ils devront notamment se pencher sur les indicateurs de mixité au sein des comités exécutifs et du top management. En plus du management et du dialogue social avec les organisations syndicales, il faut s’appuyer sur la gouvernance : tout le monde doit être sur le pont si nous voulons atteindre l’objectif d’égalité salariale. Et le fait que, d’ores et déjà, il y ait 40 % de femmes dans les conseils d’administration, ne peut pas nuire – je parle d’expérience.

Si un rapport établit que l’égalité n’est pas atteinte, il passera peut-être inaperçu la première année, mais moins la deuxième et encore moins la troisième. Cela permet d’exercer une influence et d’avoir un regard avisé sur les perspectives de carrière qui ne sont pas égales pour les hommes et les femmes, pour l’instant.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. La référence aux 10 % de postes à plus forte responsabilité est particulièrement utile, au regard du plafond de verre persistant et des obstacles existant dans l’accès aux postes de direction. Avis favorable.

Mme Catherine Fabre. Je veux simplement saluer le volontarisme dont fait preuve le Gouvernement.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement AS1504 de la rapporteure.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. Cet amendement vise à fournir au comité social et économique (CSE) des informations sur la méthodologie employée pour mesurer les écarts de rémunération et sur les données obtenues : la sincérité du mode de mesure et l’exhaustivité des résultats sont deux conditions de réussite de ce nouvel outil.

La commission adopte l’amendement.

Enfin, elle examine l’amendement AS1136 de Mme Carole Grandjean.

Mme Claire Pitollat. La cause de l’égalité salariale hommes-femmes est d’importance et je voudrais saluer à mon tour le volontarisme du Gouvernement.

Les chiffres ont de quoi plomber les bonnes volontés : même si la loi impose l’égalité salariale depuis plus de quarante ans, il y a encore un écart salarial de 25 % entre les hommes et les femmes, tous postes confondus, et de 9 % à poste équivalent. Il faut redoubler d’efforts.

Pour passer d’une obligation de moyens à une obligation de résultat, vous proposez d’instaurer un indicateur clair pour mesurer les écarts salariaux, dont la définition est renvoyée au pouvoir réglementaire. Il nous semble important que le Parlement soit informé de l’effectivité de cette obligation. C’est la raison pour laquelle nous proposons dans cet amendement que le Gouvernement lui remette un rapport, au plus tard le 1er janvier 2022, afin d’apprécier la réelle portée du dispositif.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. Cette demande de rapport à l’échéance de 2022 me paraît indispensable pour mesurer et évaluer l’outil créé à cet article. Nous nous situerons alors au terme des trois ans prévus pour les entreprises appliquant l’outil dès 2019. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 61 modifié.

Article 62
Information sur les voies de recours en matière de harcèlement sexuel sur le lieu de travail

La commission est saisie de l’amendement AS1506 de la rapporteure.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. Cet amendement étend l’obligation d’information relative aux voies de recours et aux services compétents au-delà du seul harcèlement sexuel, afin de couvrir les cas tout aussi injustifiables de harcèlement moral sur le lieu de travail.

Mme Carole Grandjean. Le harcèlement sexuel et le harcèlement moral sont deux notions bien distinctes. Cette extension m’inspire des réserves.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Les concertations ont souligné l’importance de clairement focaliser le dispositif sur la lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes. À chaque fois que l’on élargit le champ des mesures, on s’éloigne de la cible visée. Personnellement, je ne serai donc pas favorable à l’extension que propose Mme la rapporteure, qui risque d’affaiblir la portée pratique et symbolique des mesures que nous proposons.

Je précise, en outre, que nous avons, avec ma collègue Agnès Buzyn, lancé une mission sur la santé au travail. Nous reviendrons vers vous avant la fin de l’année avec des propositions nouvelles, qui prendront bien évidemment en compte le harcèlement moral.

Mme Albane Gaillot. L’employeur est légalement tenu d’encadrer cette obligation, dont il n’est pas opportun d’étendre le périmètre au risque de se perdre et d’en compromettre le respect. Le harcèlement sexuel est une grande cause pour laquelle il faut combattre, mais il faut rester dans un cadre très précis, sous peine de se perdre.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. J’ai bien entendu vos arguments, madame la ministre, ainsi que votre rappel portant sur l’objet de la concertation qui portait plus particulièrement sur les cas de harcèlement sexuel. Il me semble toutefois que l’un ne doit pas écarter l’autre, or il s’agit bien ici d’une obligation d’information ; et puisque nous la proposons pour le harcèlement sexuel – même si la mission sur la santé au travail formulera prochainement des propositions –, pourquoi ne pas l’inscrire dès à présent pour le harcèlement moral ? Si les deux formes de harcèlement sont distinctes, elles sont tout aussi intolérables ; je maintiens mon amendement.

Mme Michèle de Vaucouleurs. La différence qui distingue le harcèlement moral du harcèlement sexuel est parfois assez ténue ; ajouter la notion de harcèlement moral ne me semble donc pas totalement impertinent.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS1239 du Gouvernement.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. L’amendement AS1239, dont l’amendement suivant, AS1232, est le miroir, prévoit la désignation d’un référent chargé de la lutte contre le harcèlement sexuel et sexiste dans toutes les entreprises de plus de 250 salariés ; cette mesure résulte directement de la concertation.

Bon nombre de femmes ne savent pas à qui s’adresser. La démarche est difficile en termes de dignité, car les victimes ressentent souvent un sentiment de culpabilité – un comble, mais le phénomène est bien connu – et ignorent comment elles seront reçues. Le référent pourra faire partie de l’équipe chargée des ressources humaines (RH) ou de la responsabilité sociale et environnementale ; nous verrons plus loin que ces personnes seront formées au traitement de ce type de situations.

Le seuil de 250 salariés correspond, en gros, à la taille à partir de laquelle les entreprises ont un service de ressources humaines, et sont donc susceptibles de mettre en place un véritable référent pour ce sujet.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. La désignation de référents dans les entreprises d’au moins 250 salariés permettra effectivement aux personnes qui le souhaitent de s’orienter directement vers un interlocuteur compétent et disponible. Cela n’exclut pas la possibilité pour la victime de s’orienter vers d’autres interlocuteurs, mais au moins aura-t-elle un point d’entrée clairement identifié. Mon avis est donc favorable.

Mme Caroline Fiat. Alors que je partage pleinement votre point de vue, madame la ministre, je suis embarrassé par le seuil de 250 salariés que vous avez retenu. Après l’article 62, je défendrai un amendement semblable au vôtre ; j’entends bien que les entreprises d’une certaine taille disposent de services RH, mais n’oublions pas qu’en France, la moitié des salariés travaillent dans des entreprises de 10 à 50 salariés. Autrement dit, la moitié des salariés susceptibles de faire l’objet de ce type de harcèlement seraient laissés de côté. Ne serait-il pas possible d’abaisser le seuil et de former des gens pour ce faire ? Ce qui au regard du nombre de chômeurs dans notre pays pourrait en intéresser certains, et permettrait à plus de salariés de profiter de la belle avancée que propose votre amendement ?

En tout état de cause, vous me placez là devant un dilemme…

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Je peux vous aider à le résoudre en vous indiquant que mon amendement suivant prévoit la présence d’un référent au sein du comité social et économique (CSE) désigné parmi ses membres, ce qui atténue la contrainte de la taille de l’entreprise.

Par ailleurs, les accords de branche, dont nous débattrons plus loin, devront prévoir les modalités d’information, d’outils méthodologiques afin que chacun ait accès à un interlocuteur. Cette disposition n’est donc pas isolée, elle fait partie d’un ensemble de dispositions, l’idée étant de disposer d’un réseau d’interlocuteurs le plus large possible. Il est aussi prévu de former les personnels de la médecine du travail. L’idée est de faire en sorte que, quelle que soit l’entrée, il y ait toujours quelqu’un pour écouter et accompagner la personne ou le témoin d’une situation de harcèlement.

La commission adopte l’amendement.

Elle étudie ensuite l’amendement AS1232 du Gouvernement.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. C’est l’amendement miroir dont je parlais à l’instant, qui vise à instituer un référent attaché aux questions de harcèlement sexuel désigné parmi les membres du comité social et économique de l’entreprise.

Cet interlocuteur sera également formé et identifié ; il permettra aux intéressés de disposer aussi d’un référent du côté des représentants des personnels, car un salarié préférera peut-être s’adresser plutôt à un responsable du service des ressources humaines, ou plutôt à une organisation syndicale ou un élu du personnel : dès lors que la personne est formée et la victime écoutée, ce sera toujours la bonne entrée.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. Avis favorable.

La commission adopte cet amendement.

Puis elle adopte l’article 62 modifié.

Après l’article 62
 

La commission examine l’amendement AS654 de M. Adrien Quatennens.

Mme Caroline Fiat. Cet amendement vise à lutter contre la discrimination à l’embauche, qui est une réalité en France ; nous souhaitons augmenter la fréquence de formation aux discriminations à l’embauche, afin de déconstruire les préjugés et les méconnaissances autour de cette question, et l’étendre à l’ensemble des entreprises.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. L’intention de votre amendement est louable, mais elle se traduit par une obligation qui peut rapidement devenir excessivement lourde et formelle. Je vous suggère de le retirer votre amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.

Mme Caroline Fiat. Je suis désolée, je ne peux pas entendre que mon amendement portant sur la discrimination à l’embauche puisse être lourd et formel ; ce n’est pas possible ! Je le maintiens.

La commission rejette l’amendement.

Ensuite, elle étudie l’amendement AS657 de M. Adrien Quatennens.

Mme Caroline Fiat. Nous accueillons favorablement les mesures que vous proposez pour lutter contre les violences sexistes au travail ; mais elles nous paraissent trop faibles. Si ce projet de loi ne se muscle pas en la matière, il pourrait être vécu comme un renoncement par de nombreux observateurs. Vos mesures ne sont qu’incitatives alors qu’il faut des mesures coercitives. Nous parlons tout de même de pincements de fesses, d’organisation de rendez-vous dans une chambre d’hôtel, de remarques déplacées sur l’anatomie et de demandes de rapports sexuels.

Les cas de harcèlement sexuel sont nombreux, et dans 90 % des cas, c’est la victime – souvent une femme – qui quitte son emploi à la suite d’un licenciement ou d’une démission, bien que le code pénal punisse de tels actes de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. De leur côté, les harceleurs continuent en toute impunité à détruire mentalement et physiquement d’autres personnes.

En cas de refus de la victime de réintégrer son environnement habituel de travail, nous demandons que l’employeur applique la mise à pied avec effet immédiat du fautif ; et si l’employeur déroge à cette disposition, il pourra être tenu coupable de non-assistance à personne en danger.

Sur ce terrain la jurisprudence nous devance puisque, dans un arrêt du 6 janvier 2011, la chambre sociale de la Cour de cassation demandait déjà la mise à pied d’une personne coupable de harcèlement sur son lieu de travail. Pour rendre systématique ce type de décisions, il convient d’inscrire dans la loi que ce n’est pas à la personne harcelée de partir, mais au harceleur d’être renvoyé.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. Je vous concède qu’il est parfois difficile d’identifier clairement une situation devant déclencher une mise à pied conservatoire. Néanmoins, l’employeur est déjà tenu de respecter l’obligation qui lui revient de garantir la sécurité et la santé physique et morale des travailleurs. Avis défavorable.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. La question des sanctions en cas de harcèlement est importante. Vous l’avez évoqué : le droit et la jurisprudence prévoient d’ores et déjà une série de mesures, dont la mise à pied conservatoire.

En revanche, on constate que dans beaucoup d’entreprises, tant du côté des employeurs que des organisations syndicales, on ne connaît pas nécessairement ces sanctions. De ce fait, l’action pénale étant plus tardive, les intéressés redoutent qu’un harceleur qui serait mis à pied se tourne vers les prud’hommes et gagne, car il n’y aurait pas eu de jugement. Cette crainte est très répandue dans les entreprises. Et, vous avez raison, le constat est terrible, mais réel : dans un nombre non négligeable de cas, c’est la personne harcelée que l’on déplace pour la protéger… Mais, en définitive, c’est pour elle la double peine.

Voilà pourquoi, au cours de la concertation, nous sommes convenus avec les partenaires sociaux de rédiger ensemble un guide sur la prévention et le traitement des situations de harcèlement à l’usage de l’ensemble des intéressés – les victimes, l’employeur, les témoins, les organisations syndicales, les membres du service des ressources humaines – qui auront ainsi réponse à toutes les questions que l’on se pose en pareille circonstance : que dois-je faire, quelle est l’échelle des sanctions, etc. ?

La mise à pied conservatoire existant déjà, la question n’est pas tant le renforcement des sanctions que l’information sur le droit existant. Au demeurant, nous partageons votre intention, c’est pourquoi nous publierons ce guide ; je vous invite donc à retirer votre amendement.

Mme Caroline Fiat. J’entends vos arguments, madame la ministre. Dans ces conditions, un amendement proposant que ce soit le harceleur qui change de poste plutôt que la personne harcelée pourrait-il être adopté ? Cela éviterait aux victimes de subir la double peine…

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Je prendrais garde à ne pas en faire une disposition normée. Il est difficile de parler à la place des victimes et de savoir ce qu’elles préfèrent en pareille situation ; bien évidemment, le guide expliquera clairement que le départ de la victime n’est pas le but recherché, mais il ne faudrait pas en venir à interdire la mobilité d’une femme victime de harcèlement qui tiendrait à être déplacée : le cas peut se produire où il n’y a pas un harceleur, mais plutôt un contexte très lourd de culture sexiste dans un service ou une équipe, d’où l’intéressée préférerait partir. Il faut lui laisser cette liberté.

Mme Caroline Fiat. Au bénéfice de ces explications, je retire mon amendement.

L’amendement est retiré.

La commission examine les amendements identiques AS858 de Mme Ericka Bareigts et AS956 de M. Pierre Dharréville.

Mme Gisèle Biémouret. Quelque 80 % des emplois à temps partiel sont occupés par des femmes. Ce moindre nombre d’heures travaillées explique pour plus d’un tiers l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes.

Les salariés travaillant à temps partiel sont soumis à une précarité plus grande, justifiant une majoration de la prime. L’amendement AS858 vise donc à augmenter la prime de précarité pour les contrats à durée déterminée à temps partiel, en la fixant à 20 % de la rémunération totale brute de la personne salariée, contre 10 % pour les contrats à durée déterminée à temps plein.

M. Pierre Dharréville. L’amendement AS956, issu de la proposition de loi d’Huguette Bello et Marie-George Buffet sur l’égalité professionnelle, vise à augmenter la prime de précarité pour les contrats à durée déterminée à temps partiel, en la fixant à 20 % de la rémunération totale brute de la personne, contre 10 % pour les contrats à durée déterminée à temps plein. Au-delà du problème des salariés précaires, il s’agit surtout d’agir concrètement pour l’égalité professionnelle. En effet, les salariés travaillant à temps partiel, qui sont à 80 % des femmes, sont soumis à une précarité plus grande, ce qui justifie une majoration de la prime de fin de contrat.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. Vous soulevez l’enjeu clé de la double précarité subie par les salariés travaillant à la fois à temps partiel et en CDD. Nous savons que cette réalité concerne essentiellement les femmes et les enferme dans une spirale de précarité professionnelle et sociale.

Cette rédaction est d’autant plus pragmatique qu’elle maintient la confiance dans la négociation collective. La prime de précarité ne sera pas augmentée ; et pourra même être abaissée à 6 %, si des contreparties sont offertes à ces salariés, notamment par un accès renforcé à la formation professionnelle, avec des mesures comme un bilan de compétence.

La majoration de 20 % ne s’appliquera donc qu’à défaut, lorsque ni un accord de branche ni un accord d’entreprise ne se seront emparés de cette question.

Pour toutes ces raisons, mon avis est favorable.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Nous sommes tous d’accord sur le fait qu’il faut éviter la trappe à bas salaires, sans qualification, qui ne permet pas de sortir du temps partiel. Je crains toutefois qu’en renchérissant le coût du travail à temps partiel, les femmes soient finalement pénalisées dans la mesure où les employeurs pourraient être tentés de moins recourir à cette forme d’emploi. L’enfer est parfois pavé de bonnes intentions…

Je rappelle par ailleurs que, dans le titre premier du projet de loi, vous avez acté que, pour le compte personnel de formation les salariés employés à mi-temps et au‑dessus bénéficieront des mêmes droits que les salariés à temps plein. Cela constitue un vrai droit de protection positive, car aujourd’hui 80 % des salariés à temps partiel sont des femmes, et un tiers des femmes travaillent à temps partiel ; or elles avaient jusqu’à présent beaucoup moins accès à la formation.

L’égal accès à la formation, sans comporter de risque en termes d’emploi, garantira davantage de chances de promotion et de sortie des bas salaires et des faibles niveaux de qualification. Alors que le renchérissement du coût du travail pour une catégorie donnée a souvent pour effet d’y provoquer une petite perte d’emploi. D’où ma prudence.

Mme Carole Grandjean. Nous partageons cette réserve, même si la lutte contre le travail précaire, singulièrement à temps partiel pour les femmes, est un vrai combat, que nous sommes résolus à mener. Mais nous ne sommes pas convaincus que la mesure proposée réponde à cette problématique. Nous sommes donc défavorables à ces amendements.

La commission rejette les amendements.

Article additionnel ‑ Article 62 bis
Inclusion dans la négociation relative à l’égalité professionnelle
de l’enjeu de la lutte contre le harcèlement sexuel

Ensuite, elle est saisie de l’amendement AS1241 du Gouvernement.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Cet amendement est lui aussi issu de la concertation. Il prévoit une négociation obligatoire au niveau de la branche en matière de prévention du harcèlement sexuel. Une mesure concrète ne peut pas être adoptée à ce niveau, mais des outils et des méthodologies peuvent être mis à disposition des entreprises afin de prévenir et d’agir contre le harcèlement sexuel et les comportements sexistes. Cela devrait nous faire gagner des années ; c’est en tout cas le sens de ce qui est proposé.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. L’appropriation de l’enjeu de la lutte contre le harcèlement par les branches professionnelles est indispensable et permettra ensuite d’appuyer les entreprises dans leur propre politique de prévention. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 62 bis
 

Puis elle en vient à l’amendement AS663 de M. Adrien Quatennens.

Mme Caroline Fiat. La loi permet parfois aux mentalités et aux comportements de changer. C’est pourquoi, le 4 novembre dernier, des personnalités ont lancé au Président de la République l’appel suivant : « Rendez obligatoire la formation des salariés et des managers à la prévention du harcèlement sexuel au travail. Instaurez une négociation obligatoire en entreprise sur ce sujet. Protégez l’emploi des femmes victimes. »

S’il est vrai que ce sont massivement les femmes qui sont victimes de harcèlement sexuel sur le lieu de travail, nous entendons la demande exprimée dans cette pétition et nous tenons à l’étendre à toutes les victimes de harcèlement ou de violences sexuelles.

Selon le Défenseur des droits, 39 % des personnes homosexuelles déclarent souffrir de commentaires et d’attitudes négatives au travail. Une femme sur cinq a, hélas ! déjà été victime de harcèlement sur son lieu de travail. C’est pourquoi nous demandons que les personnes victimes ou dénonçant des actes de violence ou de harcèlement sexuel dans l’entreprise ou le groupe soient protégées contre le licenciement prévu au chapitre Ier du titre premier du livre IV de la deuxième partie du code du travail.

Dans l’espoir que cet appel sera entendu, ce qui est déjà le cas en partie, je vous invite à adopter cet amendement.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. Je ne considère pas que le statut de salarié protégé, construit pour les représentants du personnel et impliquant l’intervention de l’inspection du travail, a vocation à être étendu à toute personne qui subirait ou constaterait des actes de harcèlement. Cela pourrait être assimilé à un dévoiement de ce régime. Je vous suggère donc de retirer votre amendement.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Mon avis est le même que celui de Mme la rapporteure.

Afin qu’il n’y ait pas d’ambiguïté dans ce débat, je rappelle que, depuis un moment, nous parlons beaucoup de harcèlements sexuels ou de comportements sexistes contre les femmes, car nous savons qu’elles sont concernées dans la majorité des cas. Mais la rédaction du projet de loi parle bien de « personnes », qui peuvent donc être des femmes comme des hommes, hétérosexuels comme homosexuels ; autrement dit, tous les cas de figure que vous évoquez sont évidemment couverts.

Mme Caroline Fiat. J’ai reconnu qu’une grande partie de mes demandes avaient déjà été satisfaites. Mais vous comprenez bien que nous vivons dans une société dans laquelle des personnes peuvent avoir peur de dénoncer certaines situations, par crainte de perdre leur emploi, et qu’il est dommage en 2018 de ne pouvoir les protéger.

La commission rejette l’amendement.

La commission se saisit alors de l’amendement AS659 de M. Adrien Quatennens.

Mme Caroline Fiat. Compte tenu de l’amendement que vient de présenter Mme la ministre, je ne peux faire autrement que de considérer que mon amendement AS659, qui visait à mettre en place un délégué du personnel référent au sexisme, est pratiquement satisfait. Je n’avais cependant pas prévu que la désignation de ce délégué ne se ferait que dans les entreprises de plus de 250 salariés, c’est pourquoi je maintiens mon amendement. Nous y reviendrons en séance.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. Cet amendement étant satisfait, j’émets un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article additionnel ‑ Article 62 ter
Inclusion dans la négociation relative à l’égalité professionnelle
de l’enjeu d’accès à la formation et à la qualification

Elle examine l’amendement AS510 de M. Stéphane Viry.

M. Stéphane Viry. L’amendement AS510 vise à renforcer la négociation sur l’égalité professionnelle en son volet relatif à la lutte contre les discriminations, notamment en matière de formation. Il s’agit ainsi de favoriser l’accès de certains publics aux actions de formation, à la validation des acquis de l’expérience (VAE), au bénéfice d’une progression salariale ou d’un abondement spécifique du compte personnel de formation (CPF) par l’employeur, en vue d’équilibrer les parcours entre les femmes et les hommes.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. La mesure proposée fait écho au débat que nous avons eu à l’article 6 du projet de loi en matière d’accès à la formation professionnelle. Il me paraît intéressant de lier l’enjeu de l’égalité professionnelle à cet entretien et de soutenir l’accès aux mesures qui y sont associées, c’est pourquoi j’émets un avis favorable à cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Chapitre V
Mesures relatives au parcours professionnel dans la fonction publique

Article 63
Prise en compte de l’activité professionnelle exercée par le fonctionnaire en disponibilité

La commission est saisie des amendements identiques AS648 de M. Adrien Quatennens et AS931 de M. Pierre Dharréville.

M. Adrien Quatennens. Ce que l’on nomme communément le « pantouflage » est une pratique consistant pour un agent de l’État à aller travailler pour une entreprise privée. Très fréquente chez les hauts fonctionnaires, qui monnayent de cette manière leur connaissance des institutions et des réseaux de prise de décision, elle pose des soucis éthiques et déontologiques évidents et donne très souvent lieu à des conflits d’intérêts.

Pour le haut fonctionnaire sorti de l’ÉNA, travailler pour une entreprise privée présente l’avantage de pouvoir espérer une rémunération bien supérieure. En effet, contrairement à ce que laissent entendre celles et ceux qui veulent briser l’administration publique, les fonctionnaires ne sont pas des privilégiés, nantis d’un statut trop confortable, mais des agents au service de l’intérêt général, qui défendent un service public.

La grille salariale du secteur public a un avantage : elle limite les inégalités entre les agents, tandis que les grilles salariales du secteur privé favorisent souvent les grands cadres et les postes de direction. Pour des agents qualifiés, les perspectives de carrière sont bien meilleures dans le privé ; quand vient le moment où ils sont plus motivés par leur rémunération que par l’intérêt général, ils répondent donc à l’appel des grandes entreprises. Le pantouflage est d’abord et avant tout très profitable à ces entreprises, qui recrutent ainsi des agents qui maîtrisent parfaitement les rouages et les failles potentielles de nos institutions.

Cette pratique présente de graves dangers. D’abord, l’agent peut être tenté de s’attirer les bonnes grâces d’une entreprise par une prise de décision favorable, dans l’espoir d’une récompense sous la forme d’une embauche. Ensuite, grâce au débauchage, les intérêts privés disposent de ressources dont ils ne pourraient bénéficier autrement. Enfin, avec le rétro-pantouflage, c’est-à-dire le retour du haut fonctionnaire dans son administration d’origine, l’entreprise peut profiter d’un interlocuteur privilégié. Avec l’article 63, sous couvert de favoriser la mobilité des fonctionnaires, le Gouvernement facilite en fait cette pratique qui confond les intérêts publics et privés, alors que les fonctionnaires disposent déjà de droits leur permettant de se mettre en retrait de leurs fonctions. Nous demandons donc, par l’amendement AS648, la suppression de l’article 63.

M. Pierre Dharréville. L’article 63 du projet de loi vise à encourager les allers-retours des fonctionnaires de la fonction publique d’État avec le secteur privé, en aménageant les règles relatives à la mise en disponibilité. Loin de garantir le principe de neutralité inhérent au statut de la fonction publique, cet article promeut la mobilité professionnelle, au risque de créer des situations de pantouflage et de conflits d’intérêts, situations que l’on ne rencontre déjà que trop souvent dans la haute administration. C’est pourquoi nous proposons, avec l’amendement AS931, de supprimer l’article 63.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. Précisons que le texte dont nous débattons ce soir est bien consacré à la liberté de choisir son avenir professionnel… Or les articles 63 à 65 entrent parfaitement dans ce cadre dès lors qu’il s’agit, d’une part, de favoriser des allers-retours entre secteur public et secteur privé pour diversifier les expériences, les parcours et les carrières – l’accès aux postes de direction pourra tenir compte des expériences d’encadrement lors de cette disponibilité – et, d’autre part, de permettre à bien des agents, notamment des femmes, de ne pas subir une double peine lorsque l’on est conduit à aménager sa carrière dans la fonction publique pour suivre un conjoint ou élever un enfant. Le maintien du droit à l’avancement permettra de réduire le décrochage de rémunération. Par conséquent, j’émets un avis défavorable à ces amendements de suppression.

La commission rejette les amendements identiques AS648 et AS931.

Elle examine l’amendement AS1224 du Gouvernement.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. L’amendement AS1224 est le premier d’une série de trois amendements similaires visant à préciser que, pour être prises en compte en vue de l’accès aux grades à accès fonctionnel, les activités professionnelles exercées en disponibilité doivent être comparables aux emplois ou aux fonctions qui, au sein de l’administration, permettent l’accès à ce grade. L’amendement AS1224 pose ce principe pour la fonction publique d’État et les amendements AS1225 et AS1227 le déclinent respectivement pour la fonction publique territoriale et pour la fonction publique hospitalière.

Rappelons que lorsqu’un haut fonctionnaire en disponibilité souhaite travailler au sein d’une association ou d’une entreprise – en tout état de cause un autre employeur qui n’est pas de nature publique –, une commission de déontologie vérifie qu’il n’y a pas de conflit d’intérêts. Cette pratique étant strictement encadrée, je ne voudrais pas qu’on fasse un procès d’intention aux fonctionnaires.

L’amendement AS1224 a pour objet d’affirmer qu’en vertu du principe de liberté de choisir son avenir professionnel, les fonctionnaires doivent pouvoir valoriser les années leur ayant permis d’acquérir de nouvelles compétences, sous réserve d’avoir exercé dans le privé des activités comparables. L’appréciation du caractère comparable des activités se fera en commission administrative paritaire, ce qui permettra d’avoir une vue d’ensemble _ ce ne sera pas du gré à gré – et de porter une appréciation selon des lignes directrices communes.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. Je suis favorable à l’amendement AS1224, comme je le serai à ses deux déclinaisons.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 63 modifié.

Article 64
 

La commission est saisie de l’amendement AS942 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. L’article 64 du projet de loi vise à encourager les allers-retours des fonctionnaires de la fonction publique territoriale avec le secteur privé, en aménageant les règles relatives à la mise en disponibilité. Nous demandons donc sa suppression, pour les mêmes raisons que celles qui nous ont amenés à demander la suppression de l’article 63.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. Défavorables, pour les mêmes raisons que celles exposées à l’article 63.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AS1225 du Gouvernement.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. L’amendement AS1225, qui constitue la déclinaison de l’amendement AS1224 pour la fonction publique territoriale, est défendu.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 64 modifié.

Article 65
 

La commission est saisie des amendements identiques AS637 de M. Adrien Quatennens et AS945 de M. Pierre Dharréville.

Mme Caroline Fiat. Une fois de plus, nous avons affaire à un article qui rend plus poreuse la frontière entre fonction publique et secteur privé, et favorise en l’occurrence le pantouflage entre la fonction publique hospitalière et le secteur privé.

Mes chers collègues, je ne sais si vous êtes familiarités avec les trois obligations qui s’imposent aux fonctionnaires : celle de se consacrer entièrement à leur fonction, celle d’observer la plus grande discrétion ainsi que le secret professionnel, enfin celle de respecter le devoir de probité. Avec le pantouflage, comment peut-on espérer garantir ces obligations ? Imaginons, par exemple, un responsable des achats de médicaments et des dispositifs médicaux dans un hôpital, qui deviendrait visiteur médical hospitalier au service d’un grand laboratoire pharmaceutique – autrement dit chargé de promouvoir les produits de l’industrie pharmaceutique auprès des établissements hospitaliers… On pourrait citer bien d’autres cas, car les médecins et les fonctionnaires hospitaliers en général sont des cibles de choix pour les industriels désireux de s’attirer les bonnes grâces de ceux qui régulent leur marché et prescrivent leurs médicaments.

La connivence entre le secteur pharmaceutique et le milieu médical doit être combattue. Or, avec l’article 65, vous entretenez la défiance des citoyens envers les institutions de santé. La France est un des premiers producteurs au monde de produits pharmaceutiques ; les grandes firmes du secteur ont une influence considérable sur la régularisation du médicament et des politiques de santé en France, comme nous l’avons vu avec le Dépakine. L’industrie pharmaceutique n’attend qu’une chose : que cet article soit voté ! Nous vous faisons confiance, chers collègues, pour ne pas satisfaire les desiderata du Gouvernement en la matière : supprimer la disposition contenue dans cet article est un impératif pour la santé publique, et c’est ce que nous vous proposons avec l’amendement AS637.

M. Pierre Dharréville. L’amendement AS945 est défendu.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. J’émets un avis défavorable à ces amendements de suppression.

La commission rejette les amendements identiques AS637 et AS945.

Elle examine l’amendement AS1227 du Gouvernement.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. L’amendement AS1227, qui est la déclinaison de l’amendement AS1224 pour la fonction publique hospitalière, est défendu.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 65 modifié.

Après l’article 65
 

La commission est saisie de l’amendement AS639 de M. Adrien Quatennens.

M. Adrien Quatennens. L’état actuel du droit offre suffisamment de possibilités aux fonctionnaires pour se mettre en retrait de leur mission de service public afin de mettre leurs connaissances et leurs compétences au service d’autres secteurs, par exemple le secteur associatif. C’est toutefois le secteur privé qui en bénéficie le plus, notamment chez les hauts fonctionnaires, avec tous les risques de conflits d’intérêts que nous avons évoqués à l’instant. Les hauts fonctionnaires sont ainsi débauchés par de grandes entreprises afin de profiter de leur connaissance des rouages institutionnels.

Le projet de loi vise pourtant à faciliter cette pratique en offrant de plus grandes garanties en matière de rétro-pantouflage, une pratique à laquelle nous avons déjà eu l’occasion de montrer notre opposition, souhaitant pour notre part garantir l’intégrité du service public. Avec l’amendement AS639, nous voulons aller plus loin en interdisant à tout ancien fonctionnaire ou agent public d’effectuer des actions de lobbying pour des intérêts privés auprès d’une institution publique dans laquelle il a déjà travaillé, afin d’éviter toute situation de conflit d’intérêts.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. Je ne crois pas que la mesure proposée ait sa place dans le présent projet de loi. J’ajoute que notre assemblée a déjà eu l’occasion de se prononcer à ce sujet il y a moins d’un an. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AS584 de M. Pierre Cabaré.

M. Erwan Balanant. Issu de la recommandation n° 21 de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, l’amendement AS584 vise à renforcer le dispositif déontologique applicable aux fonctionnaires réintégrant le secteur public après avoir exercé des fonctions dans le secteur privé.

Les agents qui quittent le secteur privé pour le public sont soumis à un avis préalable de la commission de déontologie, destiné notamment à vérifier qu’il n’existe aucun conflit d’intérêts entre leurs fonctions passées et leurs fonctions à venir. Ce mécanisme n’existe pas pour les retours, alors même qu’ils peuvent donner lieu à conflits d’intérêts. Il est donc proposé que les nominations à des postes à hautes responsabilités d’agents publics ayant été en disponibilité durant les trois années précédentes ne puissent se faire que sous réserve d’un avis favorable de la commission de déontologie.

Je sais que des obligations de déclaration existent déjà pour ces postes, mais il me semble, comme l’a montré le rapport de M. Matras et de M. Marleix, qu’il faut encore renforcer les mécanismes déontologiques et de prévention des conflits d’intérêts.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Même argument que précédemment : cette mesure n’a pas sa place dans le texte dont nous débattons aujourd’hui. En outre, la question à laquelle elle a trait a déjà donné lieu à un rapport. Je suis donc défavorable à cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS645 de M. Adrien Quatennens.

M. Adrien Quatennens. Chaque année, un millier de hauts fonctionnaires d’État quittent le secteur public pour travailler dans le secteur privé, cédant aux sirènes des intérêts privés, bien souvent au détriment de l’intérêt général. Une certaine opacité entourant les conditions dans lesquelles ces « passerelles » sont régulièrement empruntées, une commission de déontologie a été mise en place pour éviter les conflits d’intérêts, mais son activité reste très marginale, et elle ne rend en moyenne que 2 % d’avis défavorables au pantouflage. Elle a ainsi validé sans sourciller l’embauche de Pierre Mariani, directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy à Bercy par BNP Paribas et Dexia, celle de Julien Pouget, conseiller économique de François Hollande par Total, ou encore celle d’Emmanuel Macron, inspecteur des finances et membre de la commission Attali par Rothschild… On pourrait multiplier à l’envie les cas de ce genre, sur lesquels il est permis de s’interroger.

Si 50 % des avis favorables sont soumis à conditions, celles-ci ne sont que très rarement respectées. François Pérol, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy a ainsi conduit la fusion de la Banque Populaire et la Caisse d’épargne en 2009, avant de prendre les rênes de la BPCE par la suite ! Le pantouflage est favorisé au sein même des instances gouvernementales : à Bercy, la mission de suivi personnalisé des parcours professionnels (MS3P) recense ainsi les offres d’emploi venues du privé – souvent d’entreprises du secteur financier – et les destine aux cadres du ministère. Le sociologue François Denord dénonce le fait que 75 % des inspecteurs des finances vont pantoufler au cours de leur carrière.

Si une obligation de service pendant une durée minimum de dix ans pèse sur les diplômés de l’ENA, nombre de grosses entreprises privées sont prêtes à racheter le reste du contrat obligatoire afin de bénéficier des compétences de ces personnes, mais surtout de leur connaissance des institutions. C’est pourquoi nous proposons d’insérer un article additionnel après l’article 65, visant à interdire à tout ancien fonctionnaire ou agent public d’exercer pendant dix ans une activité de conseil directement ou indirectement liée aux missions de service public attachées à ses anciennes fonctions – et je préviens votre objection, madame la rapporteure : cette mesure se rattache très clairement au sujet du texte dont nous débattons.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Je suis défavorable à cet amendement, toujours pour les mêmes raisons.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS636 de M. Adrien Quatennens.

M. Adrien Quatennens. L’amendement AS636 vise à renforcer l’obligation des diplômés de l’École nationale d’administration de respecter leur engagement décennal de service. L’ÉNA, qui prépare les futurs administrateurs de la fonction publique d’État, les rémunère durant toute leur période de formation : il s’agit d’un investissement sur l’avenir, mais les bénéficiaires sont tenus de rendre à la collectivité ce qu’elle leur a donné, en s’engageant à une obligation de service durant une période minimale de dix ans.

Cependant, cette obligation n’est pas toujours respectée. Nous voulons mettre fin à la possibilité de rompre cet engagement décennal pour tous les hauts fonctionnaires.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Une fois de plus, cet amendement est sans lien avec le projet de loi. J’y suis donc défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AS585 de M. Pierre Cabaré.

M. Erwan Balanant. Les articles 63 à 65 visent à mieux prendre en compte les périodes de disponibilité dans la carrière des fonctionnaires. La délégation aux droits des femmes observe qu’en réservant ce bénéfice aux seules personnes exerçant une activité professionnelle, on écarte de fait la majorité des femmes qui prennent une disponibilité, par exemple pour s’occuper d’un enfant ou d’un proche gravement malade.

Comment prendre en compte ces activités à caractère non professionnel, mais méritant cependant toute notre attention ? La DDF estime qu’il convient d’aborder plus largement la question de l’égalité entre les femmes et les hommes dans la fonction publique.

Issu de la recommandation n° 22 de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, l’amendement AS585 entend mettre l’accent sur le temps partiel dans la fonction publique d’État. À l’heure actuelle, 82 % des postes à temps partiel sont en effet occupés par des femmes. Des discussions ont été ouvertes sur ce point avec les partenaires sociaux, et le rapport annuel sur l’égalité dans la fonction publique comporte déjà des données précises sur l’égalité entre les femmes et les hommes dans la fonction publique, y compris en matière de temps partiel, mais il semble que les conséquences de cette proportion de femmes travaillant à temps partiel dans la fonction publique sur leur déroulement de carrière ou l’accession à certains postes restent encore méconnues et mal documentées. L’amendement AS535 vise à combler cette lacune.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Le constat dont vous faites état est bien connu, mais je vous invite à attendre le résultat de la négociation évoquée. En l’état actuel des choses, j’émets un avis défavorable à cet amendement.

Mme Carole Grandjean. Le groupe La République en Marche est défavorable à cet amendement. On peut en effet considérer qu’il est satisfait, dans la mesure où un rapport annuel sur l’égalité entre les femmes et les hommes dans la fonction publique sera publié chaque année par la Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP).

La commission rejette l’amendement.

Chapitre VI
Dispositions d’application

Article 66
Habilitation à prendre par ordonnances les mesures de coordination et de correction des dispositions du présent projet de loi

La commission est saisie de l’amendement AS1086 de M. Boris Vallaud.

M. Boris Vallaud. L’article 66 renvoie à une ordonnance ultérieure dont l’objet est, notamment, de corriger les erreurs matérielles contenues dans ce projet de loi ainsi que les erreurs de coordination. Au-delà du fait que ce gouvernement a trop pris l’habitude d’enjamber le Parlement en recourant aux ordonnances, voilà qu’on nous propose de voter un article constituant l’aveu que nous allons procéder, dans quelques minutes, au vote d’un texte mal ficelé, et montrant bien que le Gouvernement confond vitesse et précipitation.

Plutôt que de recourir aux ordonnances, il serait préférable que nous ayons le temps de procéder au « nettoyage » du texte et que nous adoptions un texte qui tienne la route sur le plan légistique : c’est pourquoi nous proposons la suppression des alinéas 2 et 3 de l’article 66.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. Des ordonnances permettront de rectifier les erreurs matérielles de la loi qui, avant l’ouverture de nos débats, comptait 66 articles et modifiait huit codes – ce qui, de mon point de vue, est un procédé tout à la fois courant et de bonne méthode. Je précise que tous les rapporteurs de ce projet de loi veilleront à ce que ces modifications ne déstabilisent pas les équilibres du texte, et j’émets un avis défavorable à cet amendement.

M. Boris Vallaud. Pourrions-nous au moins avoir l’engagement moral de Mme la ministre qu’il ne va pas être pris une « ordonnance balai » dont l’examen échapperait à l’Assemblée nationale ? Ce serait heureux…

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AS365 de M. Adrien Quatennens.

M. Adrien Quatennens. Dans le prolongement de ce que vient de dire notre collègue Boris Vallaud, je rappelle que les ordonnances sur le code du travail devaient initialement être au nombre de cinq et qu’une sixième ordonnance, de mise en cohérence rédactionnelle, avait été prévue pour apporter des corrections uniquement de nature orthographique ou sémantique. Appelée « ordonnance balai » par le Gouvernement, cette ordonnance s’est cependant révélée être une véritable sixième ordonnance, aboutissant à un détricotage en règle du code du travail, obtenu en enjambant le Parlement.

Des dispositions importantes, à l’impact négatif lourd, avaient alors été introduites : ainsi la possibilité accordée au conseil d’entreprise de négocier et de conclure des accords sur tous les sujets sans exception, en se passant totalement des organisations syndicales ; la baisse des heures de délégation dans le nouveau comité économique et social (CSE) ; la modification enfin des modes de représentation des agents de la RATP et de l’établissement public de sécurité ferroviaire. Ce faisant, le Gouvernement a manifestement trahi la confiance des parlementaires. Il est responsable devant le Parlement, or le Parlement, c’est nous : les Français n’ont pas élu des députés afin qu’ils acceptent toutes les décisions d’un gouvernement que les citoyens soutiennent d’ailleurs de moins en moins !

Notre République est fondée sur un État de droit, sur le respect des institutions ; le Gouvernement doit en être le garant et s’y tenir. Une relation de confiance n’étant manifestement plus possible, nous demandons par l’amendement AS365 de compléter l’alinéa 2 de l’article 66 par les mots suivants : « sans ajouter de nouvelles dispositions ou infléchir de façon significative le sens politique de la présente loi ».

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. Avis défavorable.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Je rappelle respectueusement à la représentation nationale que le Parlement a ratifié en début d’année toutes les ordonnances, y compris la sixième. Aujourd’hui, la loi est passée, et il ne sert à rien de vouloir rejouer le match : notre rôle se borne à appliquer le texte qui a été adopté.

Pour ce qui est de la disposition prévue dans ce nouveau projet de loi relatif à la liberté de choisir son avenir professionnel, je rappelle que la commission en a approuvé le principe : nous en avons en effet besoin afin que le texte soit adapté aux outre-mer, et c’est dans ce cadre qu’il est prévu de recourir à une ordonnance. Nous en avons longuement discuté avec les élus d’outre-mer.

M. Adrien Quatennens. Vous nous avez dit, la dernière fois, qu’une telle disposition était nécessaire pour corriger les fautes d’orthographe. Aujourd’hui vous invoquez les outre-mer, sans nous donner la garantie qu’il n’y aura pas de modification substantielle du texte. C’est pourquoi nous maintenons notre amendement.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 66 sans modification.

Après l’article 66

La commission examine l’amendement AS933 de Mme Fadila Khattabi.

Mme Fadila Khattabi. Je vous propose un amendement intéressant, qui s’inscrit pleinement dans l’esprit du projet de loi puisqu’il vise à accompagner les publics les plus vulnérables vers une insertion durable grâce à la formation. Il s’agit de renforcer le dispositif du travail à temps partagé, issu de la loi du 2 août 2005 en faveur des PME, qui permet à un salarié de travailler pour plusieurs entreprises, avec un seul contrat de travail : chacune des entreprises concernées emploie un salarié mis à disposition par un groupement d’employeurs. Ce dispositif a un double intérêt : l’entreprise peut satisfaire ses besoins de compétences avec plus de simplicité et de flexibilité, car le recrutement et la gestion du contrat sont assurés par le groupement d’employeurs ; pour le salarié, cela représente une véritable sécurisation, notamment parce que son contrat est un CDI.

L’amendement AS933 a pour objet de renforcer ce dispositif sous l’angle de l’employabilité du salarié, en visant son embauche par une entreprise utilisatrice – ce sera une nouveauté. Ajoutons que le travail à temps partagé pourra aussi concerner les personnes peu qualifiées, et des actions de formation devront avoir lieu pendant les périodes dites d’intermissions afin d’accroître les compétences. Formation des salariés, flexibilité pour les entreprises, sécurisation des parcours et, à terme, après une longue période de mise à disposition, une possibilité d’embauche : tous ces objectifs sont cohérents avec la philosophie qui inspire le projet de loi. Je suis convaincue que le dispositif du travail à temps partagé doit être renforcé et qu’il a toute sa place dans ce texte.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. L’objectif est louable, mais le modèle des entreprises de travail à temps partagé (ETTP) semble quelque peu hybride : à la différence de l’intérim, auquel on ne peut recourir que dans des cas limités, ce dispositif créerait un système d’intérim sans contraintes sur lequel il est permis de s’interroger. Par ailleurs, il me semble que la nature juridique du contrat est déjà assez claire : je ne comprends pas vraiment quelles précisions l’amendement entend apporter sur ce plan. Enfin, je rappelle que les ETTP ont jusqu’à présent connu un essor limité car l’équilibre économique est difficile à trouver dans le cadre de ces CDI dans la mesure où le risque économique pèse sur l’entreprise et non sur les clients. Je conçois que certaines structures parviennent à fonctionner de cette manière, mais on peut s’interroger sur la manière de viabiliser un tel modèle dans le cas de salariés très éloignés de l’emploi si l’on instaure des obligations fortes en matière de financement des formations. Par prudence, afin d’explorer plus en détail ces différents aspects, je vous propose de retirer l’amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme Fadila Khattabi. J’entends vos propos, madame la rapporteure. Néanmoins, de très belles expérimentations ont prouvé la validité de ce dispositif. Je connais notamment dans la région lyonnaise une entreprise, comptant aujourd’hui 850 salariés, qui promet d’en embaucher jusqu’à 1 900 si cet amendement est adopté. Le public visé est différent de celui des CDI intérimaires : ce sont des personnes ayant un faible niveau de qualification. Le but est de faire en sorte qu’une entreprise utilisatrice ayant employé un salarié pendant deux, trois ou quatre ans puisse finalement l’embaucher.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Je comprends l’intention, qui est vraiment intéressante. J’ai néanmoins un certain nombre d’interrogations juridiques, que je ne passerai pas en revue à cette heure bien tardive. Je vous propose de retirer votre amendement afin de le retravailler rapidement en vue d’aboutir à une solution plus sécurisée – il y a encore des angles morts.

Mme Fadila Khattabi. Madame la ministre, j’accepte cette main tendue et je vous en remercie.

L’amendement AS933 est retiré.

La commission est ensuite saisie de l’amendement AS953 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. Je tends également la main, à la ministre. (Sourires.) Notre amendement AS953 vise à porter le congé de naissance de trois à cinq jours. Cette durée, cumulable avec celle du congé de paternité prévu à l’article L. 1225-35 du code du travail, qui est seulement de 11 jours calendaires, permettrait notamment aux pères de disposer de davantage de temps pour s’occuper de leurs enfants au moment de leur naissance.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. Je partage évidemment votre démarche : les inégalités entre les femmes et les hommes sont en grande partie liées au fait que les premières s’investissent bien davantage dans la parentalité que les seconds. Je vous accorde qu’une telle situation est insatisfaisante pour les femmes, car elles en subissent les conséquences sur leur carrière professionnelle, et pour les hommes qui souhaiteraient pouvoir s’investir davantage dans l’éducation de leurs enfants. Le congé de naissance n’étant pas cumulable avec le congé de maternité, c’est en effet un outil permettant de viser directement les pères. La principale difficulté, dès lors que la rémunération du salarié est maintenue, tient au fait qu’il reviendra aux entreprises de payer le coût de l’augmentation de la durée légale. À vrai dire, j’ignore quels sont précisément les enjeux financiers sous-jacents, mais la ministre pourra peut-être nous donner des indications sur ce point. Je suis convaincue par l’utilité de dispositifs de ce type, mais je suis également sensible au poids qu’ils peuvent avoir sur les entreprises, que nous voulons soutenir. J’émets donc un avis défavorable, dans l’attente d’une solution qui permettrait de réconcilier ces deux logiques.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. La ministre des solidarités et de la santé a commandé à l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) un rapport sur le congé de paternité et son articulation avec le congé de naissance. Il faut se poser la question, mais la réponse que vous proposez me semble prématurée : le Gouvernement engagera des discussions une fois que le rapport aura été remis. Dans l’immédiat, je suggère le retrait de l’amendement, mais cela ne signifie pas que nous soyons fermés sur ce sujet.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS692 de M. Adrien Quatennens.

M. Adrien Quatennens. Pour bien terminer… Ce projet de loi devait apporter plus de sécurité, mais nous avons montré qu’il procède en réalité à de nombreuses régressions. Il trahit aussi plusieurs promesses faites par le Gouvernement. Au lieu d’ouvrir de nouveaux droits, vous avez décidé de renforcer les obligations incombant aux demandeurs d’emploi. Seuls 0,4 % d’entre eux fraudent l’assurance chômage selon Pôle emploi : 99,6 % respectent parfaitement les règles et obligations en la matière. Toujours selon Pôle emploi, la fraude à l’assurance chômage ne représente que 60 millions d’euros par an et le taux de recouvrement des indus atteint 90 %. Pourtant, le Gouvernement entend tripler dès cette année les effectifs dédiés au contrôle. Cette réorganisation aurait lieu à effectifs constants et donc au détriment des missions d’accompagnement des demandeurs d’emploi : les personnels de Pôle emploi seront davantage une police de l’indemnisation que de réels conseillers.

Des marges de manœuvre beaucoup plus importantes existent toutefois. La fraude patronale aux cotisations sociales est ainsi comprise, chaque année, entre 20 et 25 milliards d’euros, avec un taux de recouvrement est très faible, puisqu’il est de 1,5 %. Un effort accru de contrôle et de sanction à l’égard des patrons délinquants qui fraudent délibérément – ce n’est pas le cas de tous, heureusement – permettrait de combler le trou de la sécurité sociale. La lutte contre la fraude sociale patronale serait même de nature à dégager une marge de 6 milliards d’euros par an. En février dernier, la Cour des comptes a pointé le laxisme des pouvoirs publics en la matière. C’est pourtant aux demandeurs d’emploi que le Gouvernement a décidé de s’attaquer en triplant les effectifs de contrôle, au détriment des autres missions. Par cet amendement, nous demandons au Gouvernement qu’il remette au Parlement un rapport précisant comment il entend lutter contre la fraude patronale.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. Cet amendement ne me paraît pas opportun au regard de l’objet du projet de loi. Par ailleurs, je vous signale que le Gouvernement mène une politique déterminée de lutte contre la fraude fiscale et sociale, au moyen d’un arsenal qui a été particulièrement renforcé. Ce sujet étant bien documenté par la Délégation nationale à la lutte contre la fraude et par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), un rapport au Parlement me paraît superflu. J’émets donc un avis défavorable.

M. Adrien Quatennens. La détermination totale du Gouvernement à lutter contre l’évasion fiscale saute aux yeux de tous…

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’ensemble du projet de loi modifié.

 

http://www.assemblee-nationale.fr/15/ta-commission/r1019-a0.asp

 

 

 

 


—  1  —

   Annexes

Liste des personnes auditionnées par la rapporteure catherine fabre

(par ordre chronologique)

 

     M. Jean-Emmanuel Ray, professeur des universités

     M. Jean Pisany-Ferry, économiste (audition commune avec le rapporteur Aurélien Taché)

     Union nationale des entreprises adaptées (UNEA) (*) M. Cyril Gayssot, vice-président, M. Sébastien Citerne, directeur général, et M. Stéphane Cahen, chargé des relations institutionnelles

     Réseau CAP Emploi – Sameth – M. Lenice Gilles, délégué général Cheops

     Confédération française de l'encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC) – M. Foucard Jean-François, secrétaire national du secteur emploi-formation, M. Éric Freyburger, délégué national, et M. Clément Delaunay, conseiller technique

     Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) – M. Pierre Posseme, président, M. Dominique Schott, vice-président, et M. Philippe Dole, directeur général

     Table-ronde relative à l’accès des personnes en situation de handicap à la formation professionnelle et à l’apprentissage

 Ligue pour l’adaptation du diminué physique du travail (LADAPT), M. Emmanuel Constans, président

 Fédération FAGERH  M. Bernard Laferrière, président

 Agence Sabooj – Mme Marie-Hélène Delaux, fondatrice et dirigeante

     Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (CESP) – Mme Catherine Smadja-Froguel, auteure du rapport « Faire d’un système rénové de formation professionnelle un outil majeur d’égalité au travail entre les femmes et les hommes »

     Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH) – Mme Anne Baltazar, présidente, M. Didier Eyssartier, directeur général, et M. Hugues Defoy, directeur du pôle Métiers

     Mme Sylvie Brunet, présidente de section au Conseil économique, social et environnemental (CESE)

     Caisse des Dépôts  M. Michel Yahiel, directeur des retraites et des solidarités, M. Arnaud Cartron, directeur du projet compte personnel de formation, et M. Philippe Blanchot, directeur des relations institutionnelles

     MEDEF (*) – Mme Florence Poivey, présidente de la commission éducation, formation et insertion, Mme Élisabeth Tomé, directrice générale adjointe en charge des politiques sociales, et Mme Ophélie Dujarric, directrice des affaires publiques

     Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (CNEFOP) – M. Jean-Marie Marx, président, et Mme Catherine Beauvois, secrétaire générale

     Syndicat national des organismes de formation de l’économie sociale (SYNOFDES) – M. Michel Clezio, président, M. David Cluzeau et Mme Catherine Nasser, chargés de mission

     M. Bertrand Martinot, économiste

     Fongecif Ile-de-France – M. Eric Dumartin, vice-président, et M. Laurent Nahon, directeur

     Union des entreprises de proximité (U2P) (*) – M. Alain Griset, président, M. Pierre Burban, secrétaire général, et Mme Thérèse Note, chargée des relations parlementaires (audition commune avec Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis pour la commission des affaires culturelles et de l’éducation)

     Confédération française démocratique du travail (CFDT) – M. Yvan Ricordeau, secrétaire national, Mme Caroline Werkoff, secrétaire confédérale, et M. Yannick Ghoris, secrétaire confédéral

     Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) (*) – M. Jean-Michel Pottier, vice-président en charge des affaires sociales, M. Florian Faure, directeur des affaires sociales, Mme Sandrine Bourgogne, secrétaire générale adjointe, et M. François Falise, conseiller technique (audition commune avec Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis pour la commission des affaires culturelles et de l’éducation)


    

     Table ronde relative aux réseaux consulaires (commune avec Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis pour la commission des affaires culturelles et de l’éducation)

 CCI France (*) – M. Pierre Goguet, président, M. Didier Kling, vice-président en charge des questions de formation, M. Jérôme Pardigon, directeur des relations institutionnelles, M. Patrice Guezou, directeur emploi formation entrepreneuriat, et M.Yves Portelli, directeur général adjoint de la CCI Paris IDF

 Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA) – M. Bernard Stalter, président, M. Jacques Garau, directeur général, M. François-Xavier Huard, directeur entreprise, économie et formation de l’APCMA, et Mme Valérie Chaumanet, directrice des relations institutionnelles

     Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) – M. Jean-Marc Huart, directeur général, et Mme Brigitte Trocmé, adjointe de la sous directrice des lycées et de la formation professionnelle tout au long de la vie (audition commune avec Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis pour la commission des affaires culturelles et de l’éducation)

     Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) – M. Yann-Gaël Amghar, directeur général, Mme Estelle Denize, directrice des relations publiques et secrétaire générale du conseil d’administration, et M. Emmanuel Dellacherie, directeur de la réglementation du recouvrement et du contrôle

     Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) – M. Éric Courpotin, membre du Bureau, en charge du dossier assurance chômage, M. Maxime Dumont, secrétaire confédéral, en charge du dossier formation professionnelle, M. Michel Charbonnier, conseiller politique, Mme Aline Mougenot, membre de la Commission confédérale FPC

     Comité paritaire interprofessionnel national pour l’emploi et la formation (COPANEF) – M. Philippe Debruyne, président, et Mme Elisabeth Tomé, représentante du Medef et membre du Copanef (audition commune avec Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis pour la commission des affaires culturelles et de l’éducation)

     Audition conjointe de branches professionnelles :

 Fédération des entreprises de propreté et services associés (FEP) – Mme Fabienne Estrampes, directruce formation (FEP), et M. Christophe Pons, directeur formation (Onet, adhérent FEP)

 Fédération des particuliers employeurs de France (FEPEM) – Mme Marie Béatrice Levaux, présidente, et M. Adrien Dufour, responsable des affaires publiques

     Table ronde OPCA (commune avec Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis pour la commission des affaires culturelles et de l’éducation)

 Uniformation, OPCA de l’économie sociale  M. François Edouard, président, M. Antoine Prost, vice-président, et M. Thierry Dez, directeur général

 Opca Agefos PME   Mme Sylvia Rodriguez, déléguée en charge de la politique de formation et Mme Geneviève Salsat, présidente de Public Conseil, Conseil d'Agefos-Pme

 Opcalia  M. Yves Hinnekint, directeur général, et M. Vincent Graulet, directeur pour les relations institutionnelles et politiques

     Force ouvrière – M. Michel Beaugas, secrétaire confédéral en charge de l’Emploi et la Formation professionnelle, Mme Angéline Ledoux, conseillère technique formation professionnelle, et Mme Garance Desjours, conseillère technique formation professionnelle

     Ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social – Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) – Mme Carine Chevrier, déléguée générale, et M. Cédric Puydebois, sous-directeur (audition commune avec Mme Sylvie Charrière, rapporteure pour avis pour la commission des affaires culturelles et de l’éducation)

     Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) (*) – Mme Marianne Dutoit, agricultrice, membre du conseil d’administration de la FNSEA et présidente de VIVEA, M. Morgan Oyaux, directeur adjoint du département affaires sociales, et M. Jérôme Lachaux, chef du service éducation, formation de la FNSEA

 

 

 

 

 

 

(*) Ce représentant d’intérêts a procédé à son inscription sur le répertoire de la Haute Autorité de transparence pour la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale

 


—  1  —

Liste des personnes auditionnées par le rapporteur Aurélien Taché

(par ordre chronologique)

 

  M. Jean Pisany-Ferry, économiste (audition commune avec la rapporteure Catherine Fabre)

  Fédération des entreprises de propreté (FEP)  M. Philippe Jouanny, président délégué, et M. Loys Guyonnet, directeur juridique, social et des relations institutionnelles

  SMart  M. Sandrino Graceffa, administrateur délégué

  Observatoire du travail indépendant  M. François Hurel, président de l’Union des autoentrepreneurs (UAE), Mme Sophie Thierry, directrice exécutive, M. Matthieu Guillemin, directeur des affaires publiques, et Mme Sophia Ailane, consultante au cabinet Rivington

  Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et Inspection des Finances (IGF)  M. Clément Cadoret, M. Pierre-Marie Carraud, M. Laurent Caussat, et Mme Ève Robert, auteurs du rapport Ouverture de l’assurance chômage aux travailleurs indépendants

  France Stratégie  Mme Hélène Garner, directrice du département travail-emploi-formation, et Mme Cécile Jolly, cheffe de projet

  Association de protection des patrons indépendants (APPI) –M. Jacques Tessières, président, et M. André Gérard, vice-président

  Fédération nationale des auto-entrepreneurs (FEDAE)  M. Grégoire Leclercq, président

  Table ronde réunissant des organisations représentatives des employeurs :

 Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) (*)  M. Jean-Michel Pottier, vice-président chargé des affaires sociales, M. Florian Faure, directeur des affaires sociales, et Mme Sabrina Benmouhoub, chargée de mission affaires publiques

– Mouvement des entreprises de France (MEDEF) (*)  Mme Élisabeth Tomé-Gertheinrichs, directrice générale adjointe en charge des politiques sociales, et Mme Ophélie Dujarric, directrice des affaires publiques

‑ Union des entreprises de proximité (U2P)(*)  M. Pierre Burban, secrétaire général, et Mme Thérèse Note, conseillère technique chargée des relations avec le Parlement

     Association française des entreprises privées (AFEP)  M. François Soulmagnon, directeur général, et Mme Julie Leroy, directrice des affaires sociales

     Fédération du commerce et de la distribution (FCD)  M. Renaud Giroudet, directeur affaires sociales, Mme Cécile Rognoni, directrice des affaires publiques, et Mme Sophie Amoros, chargée de mission en affaires publiques

     Syndicat des professionnels de l’emploi en portage salarial (PEPS) –M Hubert Camus, président, et M. Samuel Baroukh, directeur affaires publiques du cabinet Domaines publics

     IGAS  M. Nicolas Amar et M. Louis-Charles Viossat, auteurs du rapport Les plateformes collaboratives, l’emploi et la protection sociale

     Table ronde réunissant des plateformes :

– Deliveroo  M. Hugues Decosse, general manager France, et M. Louis Lepioufle, responsable des affaires institutionnelles France

– Stuart  M. Damien Bon, directeur général, et M. Charles de Froment, directeur des affaires publiques

– Uber (*)  M. Jean-Baptiste Chavialle, legal director, employment, et Mme Clara Brenot, senior public policy associate

     Table ronde réunissant des organisations représentatives des salariés :

– Confédération française de l'encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC)  M. Jean-François Foucard, secrétaire national en charge de l’emploi et de la formation, et M. Camille Allex, chargé d’études emploi

– Force ouvrière (FO)  M. Michel Beaugas, délégué syndical, et Mme Laure Doucin, déléguée syndicale

     Pôle Emploi  M. Jean Bassères, directeur général, M. Nicolas Costes, conseiller politiques publiques et organisation auprès de la direction générale, et M. Thomas Rémond, chargé de mission relations institutionnelles

     M. Bruno Coquet, économiste

     Fondation « Travailler autrement »  M. Patrick Levy-Waitz, président

     Groupement des professions de Services (GPS)(*)  M. Christian Nibourel, président, Mme Christelle Martin, déléguée générale, M. Thierry Grégoire, délégué aux affaires sociales, à l’emploi et à la formation professionnelle de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH), et M. Pierre Cejka, chargé de mission

     Union nationale interprofessionnelle pour l’emploi dans l’industrie et le commerce (UNÉDIC)  Mme Patricia Ferrand, présidente, M. Éric Le Jaouen, vice-président, et M. Vincent Destival, directeur général

     Haut conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS) –Mme Mireille Elbaum, présidente, et M. Éric Lefebvre, secrétaire général

     Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP)  Mme Carine Chevrier, déléguée générale, et M. Hervé Léost, sous-directeur des mutations économiques et de la sécurisation de l’emploi

     Garantie sociale des chefs d’entreprise (GSC)  Mme Élodie Warnery, directrice générale, Mme Céline Gauthier, directrice générale adjointe, M. Anthony Stretcher, administrateur, et M. Arnaud Clerc, avocat

     Direction de la sécurité sociale  Mme Marie Daudé, cheffe de service, adjointe à la directrice, M. David Hoyrup, adjoint au sous-directeur du financement de la sécurité sociale, et M. Clément Lacoin, chef du bureau de la synthèse financière

     Table ronde réunissant des acteurs du conseil en évolution professionnelle (CEP) :

– Union nationale des missions locales (UNML)  M. Serge Kroichvili, délégué général

– Association pour l’emploi des cadres (APEC)  M. Bertrand Lamberti, directeur stratégie, marketing, expérience client et digital

– Fonds de gestion des congés individuels de formation (FONGECIF) Île-de-France  Mme Myriam Pesic, présidente, M. Éric Dumartin, vice-président, et M. Laurent Nahon, directeur

 

 

(*) Ce représentant d’intérêts a procédé à son inscription sur le répertoire de la Haute Autorité de transparence pour la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale

 


—  1  —

Liste des personnes auditionnées par la rapporteure Nathalie Elimas

(par ordre chronologique)

 

     Table ronde entreprises adaptées :

– Union nationale des entreprises adaptées (UNEA) (*) – M. Cyril Gayssot, vice-président, M. Erwan Pitois, vice-président, M. Sébastien Citerne, directeur général, et M. Stéphane Cahen, chargé des relations institutionnelles

– Réseau GESAT (Groupement d’établissements et de services d’aide par le travail et d’entreprises adaptées) – Mme Céline Delcroix, responsable communication, et M. François Denis, trésorier

– Association pour l’insertion et la réinsertion professionnelle et humaine des handicapés (ANRH)  Mme Annie Perez-Vieu, présidente, et M. Marc Joachim, directeur général

     Table ronde associations handicap :

– APF France Handicap (APF)  M. Jacques Zeitoun, vice-président, et Mme Véronique Bustreel, conseillère nationale travail-emploi-formation et ressources

– Union nationale des associations de parents et amis de personnes handicapées (UNAPEI)  M. Patrick Maincent, président de l’APAEI de Caen, et Mme Clémence Vaugelade, chargée de plaidoyer

– Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (FNATH)  M. Arnaud de Broca, secrétaire général

     Table ronde relative à l’égalité professionnelle :

– M. Michel Miné, Professeur au conservatoire national des arts et métiers (CNAM), titulaire de la chaire droit du travail et droits de la personne

– Mme Armelle Carminatti-Rabasse, membre du conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (CSEP), cofondatrice du laboratoire de l’égalité, membre de l’observatoire de la laïcité

     Audition commune :

– Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH) – Mme Anne Baltazar, présidente, M. Didier Eyssartier, directeur général, et M. Stéphane Clavé, directeur de la stratégie et de la prospective

– Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) – M. Dominique Perriot, président, M. Marc Desjardins, directeur, et Mme Hélène Berenguier, directrice adjointe

  Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP), M. Thierry Le Goff, directeur général, Mme Cécile Lombard, sous-directrice des compétences et des parcours professionnels, M. Xavier Marotel, chef du bureau de l’encadrement supérieur et des politiques d’encadrement et Mme Claire Balaresque, adjointe au chef de bureau.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(*) Ce représentant d’intérêts a procédé à son inscription sur le répertoire de la Haute Autorité de transparence pour la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale

 

 

 


—  1  —

Annexe article 11
tableau récapitulatif

Réécriture du titre III sur les centres de formation d’apprentis

Articles ou dispositions supprimés

Articles ou dispositions créés

TITRE SUR LES MISSIONS DES CFA

 

Le titre du chapitre I est complété par la notion d’« obligations » des centres de formation d’apprentis.

APPLICATION DU DROIT COMMUN DES ORGANISMES DE FORMATION.

 

L’article L. 6231-1 est réécrit en vue d’appliquer les dispositions du titre V sur les organismes de formation continue aux centres de formation d’apprentis, à l’exception des articles L. 6353-3 à L. 6353-7. Un tel renvoi implique l’application de nombreuses règles destinées jusqu’ici aux seuls organismes de formation professionnelle continue :

– la liberté de choix de l’organisme de formation pour l’employeur prévu à l’article L. 6351-1 ;

– le régime juridique de la déclaration d’activité prévu aux articles L. 6351-1 à L. 6351-8 ; les CFA devraient ainsi transmettre à la DIRECCTE une déclaration, vraisemblablement en précisant qu’il s’agit d’une activité de formation en apprentissage ;

– la justification des titres et qualités des personnels d’enseignement et d’encadrement qui interviennent dans les prestations de formation (art. L. 6352-1) et l’interdiction d’exercice en cas de condamnation pénale pour des faits constituant des manquements à la probité, aux bonnes mœurs et à l’honneur ;

– la création d’un règlement intérieur (article L. 6352-3) qui prévoit les mesures relatives à la santé et à la sécurité dans l’établissement, les règles en matière de discipline et la représentation des apprentis ; si le droit spécifique des CFA ne prévoit pas spécifiquement de règlement intérieur en plus de la convention constitutive, de nombreux centres en sont dotés en pratique ;

– des obligations comptables pour les dispensateurs de droit privé (bilan, compte de résultat, contrôle des comptes) (art. L. 6352-6 à L. 6352-9) ; un compte séparé pour les activités spécifiques (art. L. 6352-10) ; l’application de ces dispositions ne devrait pas poser de difficultés dès lors que les CFA privés doivent voir leurs comptes certifiés par un commissaire aux comptes comme le prévoit l’article R. 6233-3 ;

– la réalisation d’un bilan pédagogique et financier (article L. 6352-11) ; il s’agit d’une véritable nouveauté pour les centres qui avaient néanmoins l’habitude de rendre des comptes à l’organisme de gestion et à la région ;

– des règles relatives à la publicité (articles L. 6352-12 et L. 6352-13) qui imposent à l’organisme de préciser que son enregistrement ne vaut pas agrément de l’État, d’une part, et prohibent de faire état de l’imputabilité des dépenses proposées sur la contribution légale ;

– les règles applicables à la convention de formation entre l’acheteur de formation et l’organisme de formation (mentions obligatoires prévues par les articles L. 6353-1 et L. 6353-2) ;

– les obligations vis-à-vis du stagiaire : le contenu, le programme et les modalités d’évaluation de la formation doivent être renseignés (article L. 6353-8) ; l’interdiction de demander des informations qui n’ont pas pour finalité d’apprécier l’aptitude de l’action de formation (article L. 6353-9) ;

– les obligations vis-à-vis des organismes financeurs qui doivent être informés des interruptions et de l’achèvement de la formation (article L. 6353-10) ;

– des sanctions financières : la restitution des sommes indûment perçues en cas d’inexécution de la prestation de formation (article L. 6354‑1) ;

– des dispositions pénales qui sanctionnent  le fait de réaliser des prestations sans déclaration d’activité ; le fait de procéder à une déclaration d’activité irrégulière ; le fait de ne pas déclarer la cessation d’activité ; le fait de ne pas communiquer la déclaration d’activité ou les bilans financiers et pédagogiques au conseil régional ; le fait de ne pas justifier des titres et qualités des personnels ; le fait d’exercer une fonction de direction ou d’administration malgré une condamnation pénale incompatible ; le fait de ne pas avoir établi un règlement intérieur ; le fait d’avoir un règlement intérieur ne comprenant pas toutes les prescriptions légales ; le fait de ne pas avoir établi un bilan, un compte de résultat et une annexe ; le fait de ne pas établir de comptabilité distincte sur la formation professionnelle continue ; le fait de ne pas désigner de commissaire aux comptes ; le fait de ne pas respecter les règles de publicité ; le fait de ne pas avoir remis le programme de la formation ; l’ensemble de ces infractions sont passibles d’une amende de 4 500 euros et peuvent être assorties d’une peine complémentaire d’interdiction d’exercer temporairement ou définitivement l’activité ; en cas de méconnaissance de cette interdiction, l’organisme encourt une peine d’emprisonnement de deux ans et une amende de 15 000 euros ; une peine de 5 ans de prison et une amende de 37 500 euros pour l’employeur qui a éludé ses obligations financières ou l’organisme collecteur paritaire qui a frauduleusement utilisé les fonds collectés.

L’alinéa 20 prévoit que les dispositions spécifiques sont celles prévues à ce chapitre III.

LES MISSIONS DU CFA

Les dispositions de l’article L. 6231-1 relatif aux missions du centre de formation d’apprentis sont implicitement abrogées par sa réécriture (au bénéfice d’une disposition de renvoi). Les missions du CFA se trouvent déplacées et modifiées à l’article L. 6231-2 commenté ci-contre.

La réécriture de l’article L. 6231-2 reprécise les missions du CFA, initialement prévues à l’article L. 6231-1.

L’ordre des missions a été réaménagé et leur contenu parfois modifié.

 

Sont ainsi ajoutées les missions consistant à :

– permettre aux apprentis la poursuite de leur formation pendant six mois en les accompagnant dans la recherche d’un nouvel employeur ;

– évaluer les compétences acquises par les apprentis, y compris par le contrôle continu.

Certaines missions ont en revanche disparu de la nouvelle rédaction :

–  la dispensation d’une formation générale associée à une formation technologique et pratique qui figure par ailleurs toujours dans les articles définitoires de l’apprentissage ;

– le développement des connaissances, des compétences et de la culture nécessaires à la citoyenneté 

Si cette évolution des missions permet d’insister sur de nouveaux enjeux plus importants, elle ne devrait pas modifier profondément le fonctionnement quotidien des centres.

Ces missions peuvent être déléguées aux chambres consulaires dans des conditions renvoyées au pouvoir réglementaire.

 

LA DÉLÉGATION DE L’ACTIVITÉ D’ENSEIGNEMENT SOUS FORME DE CONVENTION DE PRESTATIONS DE SERVICE

Les dispositions de l’article L. 6231-2 prévoient qu’un CFA peut, par convention, confier une partie des enseignements technologiques et pratiques à une entreprise.

L’ensemble de ces dispositions sont réécrites et replacées à l’article L. 6232-1. La nouvelle rédaction confirme la faculté de déléguer par convention une partie de l’enseignement prévue dans le droit en vigueur par les articles L. 6231‑2 à L. 6231-4, ainsi que le maintien de la responsabilité du CFA pour les enseignements ainsi délégués.

Elles apportent toutefois plusieurs modifications au droit en vigueur :

– le droit proposé est moins limitatif sur le champ des entités délégataires puisqu’il pourrait s’agir d’un établissement d’enseignement, d’un organisme de formation (lequel n’était un délégataire possible dans le droit actuel qu’à condition de dépendre d’un ministère), ou d’une entreprise ;

– il est également plus souple puisque le droit en vigueur distingue non seulement les entités délégataires mais se montre précis quant aux enseignements qui peuvent être confiés à un tiers : s’agissant des entreprises, il s’agit des enseignements technologiques et pratiques ; s’agissant des établissements d’enseignement, de formation ou de recherche, l’ensemble des enseignements pouvait être délégué.

– enfin, au maintien de la responsabilité administrative et pédagogique s’ajoute le maintien de la responsabilité financière.

Les dispositions de l’article L. 6231-3 prévoient qu’un CFA peut, par convention, confier une partie des enseignements à un établissement public, privé sous contrat, d’enseignement technique ou professionnel reconnu ou agréé par l’État ou d’une école d’ingénieur ou d’un autre établissement de recherche ou de formation dépendant d’un autre ministère.

Les dispositions de l’article L. 6231-4 prévoient que lorsqu’une partie des enseignements est confiée à un autre établissement, les CFA conservent la responsabilité administrative et pédagogique des enseignements dispensés.

MENTION EXPRESSE DANS LES STATUTS DE L’ACTIVITÉ D’APPRENTISSAGE

 

L’article L. 6231-4 dans la rédaction proposée précise que les statuts de l’organisme, qui exerce en tant que CFA, mentionnent l’activité de formation en apprentissage.

Il s’agit d’une précision rendue indispensable par le fait que la création d’un CFA ne répond plus à une procédure spécifique qui ne laissait pas de doute sur la nature de l’entité créée.

CARTE D’ÉTUDIANT DES MÉTIERS

L’article L. 6231-4-1 prévoit la délivrance d’une carte portant la mention « Étudiant des métiers ».

 

SYMBOLES DE LA RÉPUBLIQUE

L’article L. 6231-4-2 prévoit une obligation de faire figurer à l’entrée des CFA la devise de la République, le drapeau tricolore et le drapeau européen, ainsi que la DDHC de 1789 à l’intérieur de l’établissement.

Ces dispositions sont reprises à l’identique dans un article L. 6231-6.

RENVOI AU POUVOIR RÉGLEMENTAIRE

L’article L. 6231-5 prévoit les normes réglementaires d’application du chapitre sur les missions des CFA.

Un chapitre III relatif aux dispositions d’application composé d’un article unique L. 6233-1 renvoie à un décret en Conseil d’État l’ensemble des mesures d’application.

 

 

 

 

L’article L. 6232-11 renvoie à un décret en Conseil d’État l’application du chapitre sur la création des CFA.

L’article L. 6233-10 renvoie à un décret en Conseil d’État les mesures d’application du chapitre sur le fonctionnement.

CHAPITRE SUR LA CRÉATION DES CFA

Le chapitre II consacré à la « Création de centres de formation d'apprentis et de sections d'apprentissage ». Cette dénomination n’a plus d’objet dès lors que la création n’est plus soumise au conventionnement.

Ce chapitre est renommé : « Organisation de l’apprentissage au sein des centres de formation d’apprentis »

Les dispositions de l’article L. 6232-1 prévoient que la création de CFA fait l’objet d’une convention entre la région, les OPCA, les collectivités territoriales, les établissements publics, les chambres consulaires, les établissements d’enseignement privés sous contrat, les OP, les associations, les entreprises ou leurs groupements ou toute autre personne.

 

L’article L. 6232-2 relatif à la convention type régionale

 

L’article L. 6232-3 instituant dans les CFA un conseil de perfectionnement.

L’article L. 6231-3 reprend les dispositions sur le conseil de fonctionnement.

L’article L. 6232-4 interdisant à un établissement de s’appeler CFA s’il n’a pas fait l’objet d’une convention.

L’article L. 6231-5 reprend ces dispositions tout en les adaptant à la suppression du conventionnement.

APPLICATION DES DISPOSITIONS DU CODE DE L’ÉDUCATION

L’article L. 6232-5 qui écarte l’application des sanctions prévues par le code de l’éducation applicable aux enseignements privés aux CFA. Dès lors que les CFA sont des organismes de formation à part entière, cette précision devient sans objet.

 

SECTIONS D’APPRENTISSAGE ET UNITÉS DE FORMATION PAR APPRENTISSAGE

La section II consacrée à la création de sections d’apprentissage et d’unités de formation par apprentissage est supprimée. La disparition du régime spécifique du conventionnement et la liberté accordée aux CFA en tant qu’organismes de formation rend inutile les distinctions entre CFA, section d’apprentissage et unité de formation par apprentissage. Les articles ci-dessous qui prévoient leur régime sont par conséquent abrogés.

 

L’article L. 6232-7 prévoit la conformité de la convention créant la section à une convention régionale type.

 

L’article L. 6232-8 prévoit que les enseignements en apprentissage peuvent être dispensés au sein d’une unité de formation en apprentissage au sein d’un autre établissement.

L’article L. 6232-9 prévoit que les conventions de création de sections d’apprentissage et d’unité de formation par apprentissage sont conclues dans le respect du contrat de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelles.

L’article L. 6232-10 précise les conditions d’application des dispositions générales relatives aux centres de formation d’apprentis aux sections d’apprentissage et aux unités de formation en apprentissage.

CHAPITRE FONCTIONNEMENT

Le chapitre III relatif au « fonctionnement des centres de formation d’apprentis et des sections d’apprentissage » n’a plus d’objet dans la nouvelle architecture de la partie du code spécifique au centre de formation d’apprentis (renvoi aux dispositions applicables au centre de formation des apprentis)

 

 

FINANCEMENT

L’ensemble de la section I est supprimée en raison de la réforme du financement prévue aux articles 17 et 19 qui rend sans objet les articles suivants sur les ressources apportées par la région.

 

Les dispositions de l’article L. 6233-1 prévoient le plafonnement des ressources du CFA par la région et que le montant excédentaire revient au fonds régional de l’apprentissage et de la formation professionnelle continue.

 

L’article L. 6233-1-1 interdit de conditionner l’inscription d’un apprenti au versement par son employeur d’une contribution financière. Remarque.

 

L’article L. 6233-2 interdit aux établissements bénéficiaires de fonds des OCTA et OCFA de payer un tiers qui aurait pour mission de capter des fonds des OCTA ou des OPCA. OCTA comme OPCA disparaissent à la faveur de la suppression de la taxe d’apprentissage prévue à l’article 17, de la création des opérateurs de compétences à l’article 19 et du transfert aux URSSAF de la collecte à l’article 20 du projet de loi.

 

PERSONNEL

La section II relative au « Personnel ».

 

L’article L. 6233-3 pose le principe que les membres du personnel de direction, d’enseignement et d’encadrement des CFA sont qualifiés, ce qui inclut des stages en entreprise pour les enseignants techniques et pratiques.

 

 

L’article L. 6233-4 prévoit une dérogation pour certains personnels qui ne satisfont pas aux conditions actuelles de qualifications mais à celles applicables avant le 1er juillet 1972. Cette disposition est sans objet dès lors qu’elle s’applique à des personnes qui auraient commencé leur carrière de formateur il y a plus de 46 ans.

 

L’article L. 6233-5 prévoit qu’un fonctionnaire peut être détaché à temps complet dans un centre de formation d’apprentis.

 

SANCTIONS

L’article L. 6233-6 prévoit que les personnels des CFA peuvent être sanctionnés en cas de faute professionnelle par l’organisme responsable du centre et être déférés au conseil académique de l’éducation nationale qui peut prononcer contre eux un blâme, une suspension temporaire ou l’interdiction d’exercer ses fonctions.

 

L’article L. 6233-7 prévoit que la procédure disciplinaire n’est pas applicable aux fonctionnaires et au personnel d’un établissement public.

 

FONCTIONNEMENT PÉDAGOGIQUE

La section III prévoit le « fonctionnement pédagogique des centres de formation d’apprentis ».

 

L’article L. 6233-8 prévoit que la durée de la formation dans les CFA est fixée par la convention de création du centre, en tenant compte des exigences de chaque qualification et à des orientations prévues, sans pouvoir être inférieure à un seuil. Cette disposition fait écho à celles sur la durée du contrat d’apprentissage (cf. commentaire des articles 7 à 9).

 

L’article L. 6233-9 prévoit que lorsque l’apprentissage a été prolongé, l’horaire minimum est fixé par la convention de création du centre sans pouvoir être inférieur à un seuil déterminé. Cette disposition est sans objet dès lors que la convention de création est supprimée.

 

DISPOSITIONS PÉNALES

Le chapitre IV prévoit les dispositions pénales, dès lors que celles-ci sont harmonisées avec le droit de la formation professionnelle.

 

L’article L. 6234-1 interdit de donner le nom de centre de formation d’apprentis à un établissement qui n’aurait pas été créé dans les conditions prévues. (mauvaise référence à l’article L. 441-3 du code de l’éducation).

L’article L. 6231-5 a remplacé la notion de conventionnement par celle de déclaration d’activité auprès de l’autorité administrative, prévoit une amende de 4 500 euros.

L’article L. 6234-2 prévoit une peine de 15 000 euros et la fermeture de l’établissement lorsque des mesures de suspension ou d’interdiction sont méconnues. Ces sanctions spécifiques sont remplacées par celles applicables aux organismes de formation professionnelle.

 

 

 

 

 

 

 


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Résultats de la consultation citoyenne

Lors de sa réunion du 21 février dernier, le Bureau de l’Assemblée nationale a décidé de permettre à chaque commission permanente d’organiser deux consultations citoyennes avant la fin du mois de septembre prochain, l’une sur des travaux législatifs, l’autre sur des travaux de contrôle ([1]). Cette décision s’inscrit dans le cadre des réflexions du groupe de travail sur la démocratie numérique et les nouvelles formes de participation citoyenne, mis en place à l’initiative du Président de l’Assemblée ([2]). La commission des affaires sociales a choisi d’expérimenter la consultation citoyenne sur le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. La décision du Bureau prévoyant que les commissions doivent donner une suite à la consultation, cette annexe en présente donc les principales conclusions.

● Les rapporteurs tirent un bilan contrasté de cette expérimentation.

Si une consultation ouverte, en amont de l’examen du projet de loi par la commission, est louable dans son principe, elle n’a toutefois pas été conclusive en l’espèce. Ni le nombre de participants – limité malgré un accès ouvert durant plus de deux semaines –, ni leur profil – correspondant davantage à des professionnels qu’à des usagers –, n’auront permis un exercice réellement participatif.

Le caractère difficilement exploitable des données et la multiplicité des propositions ne relevant pas du domaine législatif, en outre, n’auront pas permis une utilisation satisfaisante des informations recensées. Les rapporteurs le regrettent.

● Plus précisément, la consultation s’est déroulée au mois d’avril sur deux semaines, en ligne exclusivement ([3]).

Afin d’identifier à grand traits, la population des contributeurs, les deux premières des onze questions de la consultation portaient sur la qualité des répondants et leur niveau de formation. Si l’on devait dresser un portrait type du participant à la consultation, il s’agirait d’un professionnel de la formation professionnelle, doté d’un certain bagage universitaire : 61,2 % des contributeurs déclarent être des professionnels de la formation professionnelle, et 78 % des participants déclarent un niveau d’études d’au moins bac + 3.

Différents modes de participation ont été retenus : les questions fermées d’une part (questions 1 et 2), les questions fermées avec possibilité de commenter (questions 3 à 10), et enfin les questions ouvertes (question 11). Le nombre de réponses par question varie selon que l’on considère uniquement les votes comptabilisés, ou les commentaires additionnés à ces votes.

Les questions retenues pour la consultation

La question 1 portait sur l’origine du contributeur. Il pouvait s’agit d’un professionnel ou d’un utilisateur de chacun des champs retenus : de la formation professionnelle, de l’apprentissage ou de l’assurance chômage. Le contributeur pouvait répondre qu’aucune de ces propositions ne lui correspondait.

La question 2 portait sur le niveau de formation initiale du contributeur. Les réponses distinguaient un niveau « brevet », « baccalauréat », « bac + 2 » et « bac + 3 ».

La question 3 portait sur le choix d’une mesure de nature à faciliter l’accès à l’information sur les droits en matière de formation professionnelle. Les réponses permettaient de privilégier la mention des droits à la formation dans le contrat de travail, l’accès au compte personnel de formation à travers une application précisant l’ensemble des droits acquis, l’envoi annuel par papier ou par courriel des droits accumulés sur le compte personnel d’activité et le compte personnel de formation, ou toute autre idée.

La question 4 portait sur l’accès à l’information sur la bonne formation à suivre. Il était possible d’identier comme réponse l’affichage en ligne de l’évaluation des formations, de l’évaluation par les anciens bénéficiaires de la formation, l’accès à un accompagnement personnalisé pour construire son parcours de formation, l’existence  d’un label de qualité pour tous les organismes de formation ou toute autre idée.

La question 5 portait sur les mesures permettant de former plus massivement les salariés dans les très petites et moyennes entreprises. Le contributeur pouvait cibler les modalités assouplies de formation sur le lieu de travail, une plus grande place pour la formation à distance, un accompagnement des employeurs par des conseillers, des moyens financiers réservés à la formation au sein de ces entreprises ou toute autre idée.

La question 6 interrogeait les contributeurs sur les mesures de nature à permettre l’insertion professionnelle des personnes les plus éloignées de l’emploi. Parmi les réponses proposées, sans préjudice d’une autre proposition, on comptait le fait de donner un rôle aux entreprises dans la formation des demandeurs d’emploi, une meilleure identification des besoins des individus lors de l’entrée dans une période de chômage ou un accompagnement global dépassant les cloisonnements liés aux statuts professionnels.

La question 7 portait sur les moyens de développer l’apprentissage chez les jeunes. Il était ainsi possible d’appuyer plusieurs idées consistant à la découverte des métiers, à développer les stages courts en entreprise, à impulser une fête nationale des métiers, à développer les échanges entre l’éducation nationale et le monde de l’entreprise, à mettre en place des médiateurs pendant le contrat ou à faciliter les possibilités de transport et d’hébergement des apprentis. Toute autre idée pouvait être soumise comme réponse à la question.

La question 8 interrogeait les contributeurs sur les mesures de nature à développer l’apprentissage dans les entreprises comme une simplification des formalités liées au contrat d’apprentissage, la possibilité d’entrer en apprentissage tout au long de l’année, la sensibilisation des employeurs aux bénéfices de l’apprentissage, la facilitation de la mise en contact entre jeunes et employeurs ou la formation et l’accompagnement des maîtres d’apprentissage. D’autres idées pouvaient être recueillies.

La question 9 portait sur l’ouverture de l’assurance chômage aux personnes ayant démissionné. Le contributeur pouvait apporter deux réponses positives différentes (soit dans les mêmes conditions que les salariés, soit dans des conditions particulières), une réponse négative ou une autre réponse.

La question 10 interrogeait les contributeurs dans les mêmes termes et avec les mêmes possibilités de réponse sur l’ouverture de l’assurance chômage aux travailleurs indépendants.

La question 11 ouvrait complètement le champ des propositions tendant à mieux accompagner les chômeurs vers le retour à l’emploi.

Source : commission des affaires sociales.

 

réponses apportées aux questions

Question

Réponses
(Votes et commentaires additionnés)

Votes seuls

Commentaires exprimés

1

Question fermée

281

Question fermée

2

Question fermée

200

Question fermée

3

377

236

141

4

340

239

101

5

302

219

83

6

245

211

34

7

252

208

44

8

224

197

27

9

234

204

30

10

203

192

11

11

Question ouverte

Question ouverte

405

Source : commission des affaires sociales.

 

     Les votes comptabilisés seuls : les questions fermées

Les internautes ont pu voter en répondant aux questions dites « fermées » de la consultation.

votes comptabilisés sur les questions fermées

Si l’on tient compte uniquement des votes comptabilisés, la participation varie de de 281 votants (question 1) à 192 votants (question 10). Il est à noter qu’une personne peut avoir répondu à plusieurs questions et pas à d’autres ; en conséquence, l’addition des réponses par question ne donne pas le nombre total de répondants.

Sur le fond, la formation professionnelle est le sujet qui a le plus mobilisé : 236 votes pour la question 3 et 239 pour la question 4.

     Les commentaires

Les internautes ayant pris part à la consultation pouvaient rédiger des commentaires sur les questions. Ces commentaires, consultables par le lecteur curieux, ne constituent pas une base exploitable statistiquement.

votes et commentaires confondus sur les questions fermées

commentaires seuls
(questions fermées avec possibilité de commenter + question ouverte)

     Les questions ouvertes

La question 11 de la consultation était « ouverte ». C’est cette question ouverte qui a été assortie du plus grand nombre de commentaires.


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Glossaire

AAH : allocation adulte handicapé

ACOSS : Agence centrale des organismes de sécurité sociale

AFPA : Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes

AGEFIPH : Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des handicapés

ANI : accord national interprofessionnel

APEC : Association pour l’emploi des cadres

ARE : allocation d’aide au retour à l’emploi

ASFO : associations formation

ASS : allocation de solidarité spécifique

ATI : allocation des travailleurs indépendants

CARIF-OREF : centres d’animation, de recherche et d’information – observatoires régionaux de l’emploi et de la formation professionnelle

CAP : certificat d’aptitude professionnel

CDC : Caisse des dépôts et consignations

CEC : compte d’engagement citoyen

CEP : conseil en évolution professionnelle

CFA : centre de formation d’apprentis

CGSS : caisse générale de sécurité sociale

CIF : congé individuel de formation

CIO : centre d’information et d’orientation

CNEFOP : Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles

CNCP : Commission nationale de la certification professionnelle

CNNC : Commission nationale de la négociation collective

COFRAC : Comité français d’accréditation

COPANEF : Comité paritaire interprofessionnel national pour l’emploi et la formation

COPAREF : Comité paritaire interprofessionnel régional pour l’emploi et la formation

CPA : compte personnel d’activité

CPF : compte personnel de formation

CQP : certificat de qualification professionnelle

CQPI : certificat de qualification professionnelle interbranche

CPRDFOP : contrat de plan régional de développement des formations professionnelles

CREFOP : Conseils régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles

CSA : contribution supplémentaire à l’apprentissage

CSG : contribution sociale généralisée

C2P : compte professionnel de prévention

DGEFP : délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle

DIRECCTE : directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi

DSN : déclaration sociale nominative

EA : entreprises adaptées

ECAP : emplois exigeant des conditions d’aptitude particulières

ESAT : établissements et services d’aide par le travail

FAF : fonds d’assurance formation

FIPHFP : fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique

FPSPP : Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels

GRAF : grade à accès fonctionnel

IPR : instances paritaires régionales

LFSS : loi de financement de la sécurité sociale

LPFP : loi de programmation des finances publiques

MDPH : maison départementale des personnes handicapées

OCTA : organisme collecteur de la taxe d’apprentissage

OETH : obligation d’emploi des travailleurs handicapés

OGCFA : organisme gestionnaire de centre de formation d’apprentis

ONISEP : office national d’information sur les enseignements et les professions

OPACIF : organisme paritaire agréé au titre du congé individuel de formation

OPCA : organisme paritaire collecteur agréé

ORE : offre raisonnable d’emploi

PLFSS : projet de loi de financement de la sécurité sociale

POE : préparation opérationnelle à l’emploi

PPAE : projet personnalisé d’accès à l’emploi

RNCP : répertoire national des certifications professionnelles

RQTH : reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé

RSI : régime social des indépendants

SPRO : service public régional de l’orientation

TIED : travailleurs indépendants économiquement dépendants

UNÉDIC : Union nationale interprofessionnelle pour l’emploi dans l’industrie et le commerce

URSSAF : unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales

VAE : validation des acquis de l’expérience

 

 

 

 


—  1  —

Liste des textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen du projet de loi

Projet de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d'article

1er

Code du travail

L6323-2

1er

Code du travail

L6323-3

1er

Code du travail

L6323-4

1er

Code du travail

L6323-5 [abrogé]

1er

Code du travail

L6323-6

1er

Code du travail

L6323-7 [abrogé]

1er

Code du travail

L6323-8

1er

Code du travail

L6323-9

1er

Code du travail

L6323-10

1er

Code du travail

L6323-11

1er

Code du travail

L6323-11-1

1er

Code du travail

L6323-12

1er

Code du travail

L6323-13

1er

Code du travail

L6323-14

1er

Code du travail

L6323-15

1er

Code du travail

L6323-16

1er

Code du travail

L6323-17

1er

Code du travail

L6323-17-1 à L6323-17-5 [nouveaux]

1er

Code du travail

L6323-20

1er

Code du travail

L6323-20-1

1er

Code du travail

L6323-21

1er

Code du travail

L6323-22

1er

Code du travail

L6323-23

1er

Code du travail

L6323-24-1 [nouveau]

1er

Code du travail

L6323-25

1er

Code du travail

L6323-26

1er

Code du travail

L6323-27

1er

Code du travail

L6323-28

1er

Code du travail

L6323-29

1er

Code du travail

L6323-30

1er

Code du travail

L6323-31

1er

Code du travail

L6323-32

1er

Code du travail

L6323-33

1er

Code du travail

L6323-34

1er

Code du travail

L6323-35

1er

Code du travail

L6323-36

1er

Code du travail

L6323-37

1er

Code du travail

L6323-38

1er

Code du travail

L6323-41

1er

Code du travail

L6323-42 [nouveau]

1er

Code du travail

L6333-1

1er

Code du travail

L6333-2

1er

Code du travail

L6333-3

1er

Code du travail

L6333-4

1er

Code du travail

L6333-5

1er

Code du travail

L6333-6

1er

Code du travail

L6333-7

1er

Code du travail

L6111-7

1er

Code du travail

L4162-5

1er

Code du travail

L4163-8

1er

Code de la sécurité sociale

L432-12

1er

Code du travail

Chapitre II du titre II du livre III de la sixième partie [abrogé]

1er

Code du travail

L6323-20

1er

Code du travail

L6323-23

1er

Code du travail

L6323-32

1er

Code du travail

L6323-41

2

Code du travail

L5151-2

2

Code du travail

L5151-4 [abrogé]

2

Code du travail

L5151-7

2

Code du travail

L5151-9

2

Code du travail

L5151-10

2

Code du travail

L5151-11

3

Code du travail

L6111-6

3

Code du travail

L6111-6-1 [nouveau]

4

Code du travail

Intitulé du livre III de la sixième partie

4

Code du travail

Intitulé du chapitre III du titre Ier du livre III de la sixième partie

4

Code du travail

L6313-1 à L6313-3

4

Code du travail

L6313-4 à L6313-9 [abrogés]

4

Code du travail

L6313-12 [abrogé]

4

Code du travail

L6313-13 [abrogé]

4

Code du travail

L6313-14 [abrogé]

4

Code du travail

L6313-15 [abrogé]

4

Code du travail

L6313-4 [ancien L6313-10]

4

Code du travail

L6313-5 [ancien L6313-11]

4

Code du travail

L6313-6 à L6313-8

4

Code du travail

L6322-44 [abrogé]

5

Code du travail

Intitulé chapitre VI du titre Ier du livre III de la sixième partie

5

Code du travail

L6316-1

5

Code du travail

L6316-2 à L6316-5 [nouveaux]

5

Code du travail

L6316-1

5

Code du travail

L6313-3

5

Code du travail

L6316-5

6

Code du travail

L6312-1

6

Code du travail

L6315-1

6

Code du travail

L6321-1

6

Code du travail

L6321-2

6

Code du travail

L6321-6

6

Code du travail

L6321-7

6

Code du travail

Intitulés des sous-sections 1 et 3 de la section 2 du chapitre Ier du titre II du livre III de la sixième partie [supprimés]

6

Code du travail

L6321-8 [abrogé]

6

Code du travail

L6321-10 [abrogé]

6

Code du travail

L6321-12 [abrogé]

6

Code du travail

L6321-8 [ancien L6321-11]

6

Code du travail

L6321-9 [ancien L6321-13]

6

Code du travail

L6321-10 [ancien L6321-14]

6

Code du travail

L6321-11 [ancien L6321-15]

6

Code du travail

L6321-12 [ancien L6321-16]

7

Code du travail

L6211-1

7

Code du travail

L6221-2

7

Code du travail

L6222-22-1

7

Code du travail

Intitulé du chapitre IV du titre II du livre II de la sixième partie

7

Code du travail

L6224-1

7

Code du travail

L6211-4

7

Code du travail

L6224-2 à L6224-8 [abrogés]

7

Code du travail

L6227-11

7

Code du travail

L6227-12

8

Code du travail

L6222-1

8

Code du travail

L6222-22

8

Code du travail

L6222-7-1

8

Code du travail

L6222-8 à L6222-10 [abrogés]

8

Code du travail

L6222-11

8

Code du travail

L6222-12

8

Code du travail

L6222-12-1 [abrogé]

8

Code du travail

L3162-1

8

Code du travail

L6222-25

8

Code des transports

L5547-1

8

Code du travail

L6222-42

8

Code du travail

L6222-44

8

Code du travail

L6223-8-1 [nouveau]

8

Code du travail

L6222-27

9

Code du travail

L6222-18

9

Code du travail

L6222-18-1 [nouveau]

9

Code du travail

L6222-18-2 [nouveau]

9

Code du travail

L6222-21

9

Code du travail

L6225-3-1 [nouveau]

10

Code du travail

L6111-3

10

Code de l'éducation

L313-6

10

Code de l'éducation

L331-7

11

Code du travail

L6111-8

11

Code du travail

L6211-2

11

Code du travail

Titre V du livre II de la sixième partie [abrogé]

11

Code de l'éducation

L241-9

11

Code du travail

Titre III du livre II de la sixième partie [art. L6231-1 à L6233-1]

11

Code du travail

L6351-1

11

Code du travail

L6351-3

11

Code du travail

L6351-7

11

Code du travail

L6352-2

11

Code du travail

L6352-3

11

Code du travail

L6352-4 [abrogé]

11

Code du travail

L6352-7

11

Code du travail

L6352-10

11

Code du travail

L6352-11

11

Code du travail

L6352-13

11

Code du travail

L6353-1

11

Code du travail

L6353-2 [abrogé]

11

Code du travail

Intitulé de la section III du chapitre III du titre V du livre III de la sixième partie

11

Code du travail

L6353-8

11

Code du travail

L6353-9

11

Code du travail

L6353-10

11

Code du travail

L6354-3 [abrogé]

11

Code du travail

L6355-1

11

Code du travail

L6355-5 [abrogé]

11

Code du travail

L6355-7

11

Code du travail

L6355-8

11

Code du travail

L6355-11

11

Code du travail

L6355-14

11

Code du travail

L6355-17

11

Code du travail

L6355-24

12

Code du travail

L6243-1

12

Code du travail

L6243-1-1 [abrogé]

12

Code du travail

L6222-38

12

Code général des impôts

XXXII de la section 2 du chapitre IV du titre Ier de la première partie du livre Ier [abrogé]

13

Code du travail

L6325-4

13

Code du travail

L6325-14-1

13

Code du travail

L6325-24

13

Code du travail

Section 7 du chapitre V du titre II du livre III de la sixième partie [art. L6325-25 nouveau]

13

Code du travail

Chapitre IV du titre II du livre III de la sixième partie [art. L6324-1 à L6324-10 abrogés]

13

Code du travail

L6326-2

13

Code du travail

L6326-3

13

Code du travail

L6326-4

14

Code du travail

Titre Ier du livre Ier de la sixième partie [art. L6113-1 à L6113-10]

14

Code de l'éducation

L335-6 [abrogé]

15

Code du travail

L6121-1

15

Code du travail

L6131-3 [abrogé]

15

Code du travail

L6121-4

15

Code du travail

L6121-5

15

Code du travail

L6121-6

15

Code du travail

L6122-1

15

Code du travail

L6122-2 [abrogé]

15

Code du travail

L6211-3

15

Code de l'éducation

Intitulé de la section 3 du chapitre IV du titre Ier du livre II de la première partie

15

Code de l'éducation

L214-12

15

Code de l'éducation

L214-12-1

15

Code de l'éducation

L214-13

15

Code de l'éducation

L214-13-1

15

Code général des collectivités territoriales

Intitulé de la section 1 du chapitre II du titre III du livre III de la quatrième partie

15

Code général des collectivités territoriales

L4332-1

15

Code général des collectivités territoriales

L4424-34

16

Code du travail

L2271-1

16

Code du travail

L2272-1

16

Code du travail

Intitulé du chapitre III du titre II du livre Ier de la sixième partie

16

Code du travail

Section 1 du chapitre III du titre II du livre Ier de la sixième partie [art. L6123-1 à L6123-2 abrogés]

16

Code du travail

L6123-3

16

Code du travail

L6123-4

16

Code du travail

L6123-4-1 [abrogé]

16

Code du travail

Section 3 du chapitre III du titre II du livre Ier de la sixième partie [art. L6123-5 à L6123-13]

16

Code du travail

Sections 4 et 5 du chapitre III du titre II du livre Ier de la sixième partie [art. L6123-6 à L6123-7 abrogés]

16

Code du travail

Section 4 du chapitre II du titre III du livre III de la sixième partie [art. L6332-18 à L6332-22-2 abrogés]

17

Code du travail

L6131-1 [nouveau]

17

Code du travail

L6132-1 et L6132-2 [nouveaux]

17

Code du travail

L6133-1 à L6133-3 [nouveaux]

17

Code du travail

L6134-1 à L6134-4 [nouveaux]

17

Code du travail

L6135-1 à L6135-4 [nouveaux]

17

Code du travail

Chapitre Ier du titre IV du livre II et sections 1 à 3 du chapitre Ier du titre III du livre III de la sixième partie [art. L6241-1 à L6241-13 et L6331-1 à L6131-34 abrogés]

17

Code général des impôts

231 bis T [abrogé]

17

Code général des impôts

235 ter C à 235 ter KM [abrogés]

17

Code général des impôts

237 quinquies [abrogé]

17

Code général des impôts

1599 ter A à 1599 ter M [abrogés]

17

Code général des impôts

1678 quinquies [abrogé]

17

Code général des impôts

4 de l'article 1679 bis B [abrogé]

17

Code général des impôts

1° du V de l'article 44 quaterdecies

17

Code général des impôts

1609 quinvivies

17

Code général des impôts

1655 septies

17

Code de l'éducation

L361-5 [abrogé]

17

Code de la défense

L3414-5

17

Code de la construction

L313-4

17

Code rural et de la pêche maritime

L716-3

17

Loi n° 2014-1654 du 23 décembre 1988 de finances pour 1989

20

17

Loi n° 2014-1654 du 29 novembre 2014 de finances pour 2015

29 [abrogé]

17

Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels

76 [abrogé]

17

Loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative

III de l'article 38 [abrogé]

18

Code du travail

L6331-41

18

Code du travail

L6331-46 [abrogé]

18

Code du travail

L6331-55

18

Code du travail

L6331-56

18

Code du travail

L6331-60

18

Code du travail

L6331-63 et L6331-64 [abrogés]

18

Code du travail

L6331-69 et L6331-70 [nouveaux]

18

Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels

41

19

Code du travail

Intitulé du chapitre II du titre III du livre III de la sixième partie

19

Code du travail

L6332-1

19

Code du travail

L6332-1-1

19

Code du travail

L6332-1-2

19

Code du travail

L6332-1-3

19

Code du travail

L6332-2

19

Code du travail

L6332-2-1

19

Code du travail

L6332-3

19

Code du travail

L6332-3-1 à L6332-4 [abrogés]

19

Code du travail

L6332-6

19

Code du travail

Sous-section 1 de la section 2 du chapitre II du titre III du livre III de la sixième partie [art. L6332-7  et L6332-8 abrogés]

19

Code du travail

L6332-11

19

Code du travail

Intitulé section 3 du chapitre II du titre III du livre III de la sixième partie

19

Code du travail

L6332-14

19

Code du travail

L6332-15 et L6332-16-1 [abrogés]

19

Code du travail

L6332-15 [ancien L6332-17]

19

Code du travail

L6332-16

19

Code du travail

L6332-17 [nouveau]

19

Code du travail

L6332-17-1 [nouveau]

21

Code du travail

Intitulé du titre VI du livre III de la sixième partie

21

Code du travail

L6361-1

21

Code du travail

L6361-2

21

Code du travail

L6361-3

21

Code du travail

Sous-section 2 du chapitre Ier du titre VI du livre III de la sixième partie [art. L6361-4 abrogé]

21

Code du travail

L6362-1

21

Code du travail

L6362-2

21

Code du travail

L6362-3

21

Code du travail

L6362-4

21

Code du travail

L6362-5

21

Code du travail

L6362-6

21

Code du travail

L6362-6-1 et L6362-6-2 [nouveaux]

21

Code du travail

L6362-7

21

Code du travail

L6362-7-2

21

Code du travail

L6362-8

21

Code du travail

L6362-10

21

Code du travail

L6362-11

22

Code du travail

Intitulé du chapitre II du titre II du livre V de la sixième partie

22

Code du travail

L6521-3

22

Code du travail

Intitulé du chapitre III du titre II du livre V de la sixième partie

22

Code du travail

Intitulé de la section 1 du chapitre III du titre II du livre V de la sixième partie

22

Code du travail

L6523-1

22

Code du travail

L6523-2

22

Code du travail

L6523-5-3 [abrogé]

22

Code du travail

L6523-6-1

22

Code du travail

Section 3 ter du chapitre III du titre II du livre V de la sixième partie [art. L6523-6-2 et L6523-6-3 abrogés]

22

Code du travail

L6523-7

22

Code du travail

Chapitre IV du titre II du livre V de la sixième partie [abrogé]

23

Ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique

[ratifiée]

23

Ordonnance n° 2017-43 du 19 janvier 2017 mettant en œuvre le compte personnel d'activité pour différentes catégories d'agents des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers et de l'artisanat

[ratifiée]

23

Ordonnance n° 2017-1491 du 25 octobre 2017 portant extension et adaptation de la partie législative du code du travail, et de diverses dispositions relatives au code du travail, à l'emploi et à la formation professionnelle à Mayotte

[ratifiée]

24

Code du travail

L1442-2

24

Code du travail

L1453-7

24

Code du travail

L3142-44

24

Code du travail

L3341-3

24

Code du travail

L4141-4

24

Code du travail

L1243-9

24

Code du travail

L4153-6

24

Code du travail

L6112-4

24

Code du travail

L6121-2

24

Code du travail

L6313-11

24

Code du travail

L6325-6-2

24

Code du sport

L212-1

24

Code de la santé publique

L3336-4

26

Code du travail

L5421-1

26

Code du travail

L5421-2

26

Code du travail

L5422-1

26

Code du travail

Intitulé du titre II du livre IV de la cinquième partie

26

Code du travail

L2145-9

26

Code du travail

L5425-9

27

Code du travail

L5422-1-1 [nouveau]

27

Code du travail

Section 1 ter art. L5426-1-2 [nouveau]

28

Code du travail

Section 4 du chapitre IV du titre II du livre IV de la cinquième partie [art. L5424-24 à L5424-27 nouveaux]

28

Code du travail

L5312-1

28

Code du travail

L5422-3

28

Code du travail

L5423-1

28

Code du travail

L5425-1

28

Code du travail

L5427-1

29

Code du travail

L5422-12

30

Code du travail

L5422-9

30

Code du travail

L5422-10

30

Code du travail

L5422-14

30

Code du travail

L5422-24

30

Code du travail

L5424-20

30

Code du travail

L5427-1

30

Code du travail

L5429-2

30

Code du travail

L6332-17

30

Code de la sécurité sociale

L213-1

32

Code du travail

L5422-20

32

Code du travail

L5422-20-1 et L5422-20-2 [nouveaux]

32

Code du travail

L5422-21

32

Code du travail

L5422-22

32

Code du travail

L5422-23

32

Code du travail

L5422-25

32

Code du travail

L5424-22

32

Code du travail

L5424-23

35

Code du travail

L5411-6-1

35

Code du travail

L5411-6-3

35

Code du travail

L5411-6-4

36

Code du travail

L5312-1

36

Code du travail

L5412-1

36

Code du travail

L5421-3

36

Code du travail

Intitulé de la section 2 du chapitre VI du titre II du livre IV de la cinquième partie

36

Code du travail

L5426-2

36

Code du travail

L5426-5

36

Code du travail

L5426-7

36

Code du travail

L5426-6

36

Code du travail

L5426-9

37

Code du travail

L5524-2

37

Code du travail

L5524-3

37

Code du travail

L5524-10

37

Code du travail

L6523-3

37

Code du travail

L5531-1

38

Code du travail

L1233-68

38

Code du travail

L5312-13-1

38

Code du travail

L5411-1

38

Code du travail

L5411-2

38

Code du travail

L5411-6

38

Code du travail

L5411-10

38

Code du travail

L5422-16

38

Code du travail

L5424-2

38

Code du travail

L5426-1

38

Code du travail

L5427-2

38

Code du travail

L5427-3

38

Code du travail

L5427-4

38

Code du travail

L5411-4

38

Code du travail

L5413-1

38

Code du travail

L5422-4

38

Code du travail

L5424-21

38

Code du travail

L5422-16

38

Code du travail

L5426-8-3

38

Code du travail

Intitulé de la section 1 bis du chapitre VI du titre II du livre IV de la cinquième partie

38

Code du travail

L5422-2

38

Code du travail

L5423-4 [abrogé]

40

Code du travail

L5212-2

40

Code du travail

L5212-5

40

Code du travail

L5212-5-1

40

Code du travail

L5212-6 [abrogé]

40

Code du travail

L5212-9

40

Code du travail

L5212-10

40

Code du travail

L5212-10-1 [nouveau]

40

Code du travail

L5212-11

40

Code du travail

L5212-12

40

Code du travail

L5523-4 [abrogé]

41

Code de la sécurité sociale

L133-5-3

42

Code du travail

L323-2

42

Code du travail

L323-8 [abrogé]

42

Code du travail

L323-8-6-1

43

Code du travail

Intitulé de la sous-section 3 de la section 3 du chapitre III du titre Ier du livre II de la cinquième partie

43

Code du travail

L5213-13

43

Code du travail

L5213-13-1 [nouveau]

43

Code du travail

L3332-17-1

43

Code du travail

L5213-14

43

Code du travail

L5213-18

43

Code du travail

L5213-19

43

Code du travail

L344-2

44

Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées

47

45

Code de la propriété intellectuelle

L122-5

45

Code de la propriété intellectuelle

L122-5-1

45

Code de la propriété intellectuelle

L122-5-2

46

Code du travail

Titre préliminaire du livre III de la deuxième partie [art. L2310-1 nouveau]

47

Loi n° 91-1 du 3 janvier 1991

9

48

Code du travail

L5314-3 [abrogé]

49

Code du travail

L5312-5

49

Code du travail

L5312-10

50

Code du travail

Section 3 du chapitre II du titre VI du livre II de la première [art. L1262-6 à L1262-8 nouveaux]

51

Code du travail

L1262-2-1

51

Code du travail

L1262-4-4

52

Code du travail

L1262-4-6 [abrogé]

53

Code du travail

L1264-3

53

Code du travail

L8115-3

54

Code du travail

L1262-4-1

54

Code du travail

L1263-3

54

Code du travail

L1263-4-1

54

Code du travail

L1263-5

54

Code du travail

L1263-6

55

Code du travail

L1263-6

55

Code du travail

L1264-3

55

Code du travail

L1264-4

55

Code du travail

L8115-7

56

Code du travail

L8272-2

57

Code du travail

L8221-3

58

Code rural et de la pêche maritime

L719-12 [ancien art. L719-11]

58

Code rural et de la pêche maritime

L719-11

59

Code du travail

L8224-3

59

Code du travail

L8224-5

60

Code du travail

L8113-5-1 et L8113-5-2 [nouveaux]

61

Code du travail

Titre Ier bis du titre II du livre II de la troisième partie [art. L3221-11 nouveau]

61

Code du travail

L2232-9

61

Code de commerce

L225-37-1

61

Code de commerce

L225-82-1

61

Code de commerce

L226-9-1

62

Code du travail

L1153-5

63

Loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État

51

64

Loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction pubblique territoriale

72

65

Loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière

62

 


([1]) http://www2.assemblee-nationale.fr/15/le-bureau-de-l-assemblee-nationale/comptes-rendus-et-convocation/2018/reunion-du-mercredi-21-fevrier-2018

([2]) http://www2.assemblee-nationale.fr/qui/pour-une-nouvelle-assemblee-nationale-les-rendez-vous-des-reformes-2017-2022/democratie-numerique

([3]) https://consultation.democratie-numerique.assemblee-nationale.fr/formationprofessionnelle