N° 1055

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 juin 2018

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2017 (n° 980),

 

PAR M. Joël GIRAUD,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 21
 

 

ÉCONOMIE

 

 

COMMERCE EXTÉRIEUR

____

 

Rapporteur spécial : M. NICOLAS FORISSIER

 

Député

____

 

 

 


–  1  –

 

SOMMAIRE

___

Pages

SYNTHÈSE DES RECOMMANDATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

PREMIÈRE PARTIE : L’EXÉCUTION DES CRÉDITS EN 2017

I. POUR UNE POLITIQUE COORDONNÉE DU COMMERCE EXTÉRIEUR

A. UN MANQUE DE PILOTAGE

B. UNE DISPERSION DES CRÉDITS

II. BUSINESS FRANCE, ACTEUR CENTRAL DU DISPOSITIF DE SOUTIEN À L’EXPORTATION

A. LA DIMINUTION DES SUBVENTIONS À DESTINATION DE BUSINESS FRANCE

B. UNE ÉVALUATION BIAISÉE DE LA PERFORMANCE

III. LES FINANCEMENTS PUBLICS DE SOUTIEN À L’EXPORT

A. LES GARANTIES DE L’ÉTAT À L’EXPORT

B. LA RÉMUNÉRATION DE BPIFRANCE ASSURANCE EXPORT

C. LA CRÉATION D’UN FONDS À L’INTERNATIONALISATION DES PME

IV. L’EXPERTISE NÉCESSAIRE DU RÉSEAU INTERNATIONAL DU TRÉSOR

DEUXIÈME PARTIE : LE SOUTIEN aux EXPORTATIONS agricoles et agroalimentaires

I. LES EXPORTATIONS AGRICOLES ET AGROALIMENTAIRES SONT UN ATOUT PUISSANT DANS UN CONTEXTE COMMERCIAL MOROSE

A. 61,1 milliards D’EUROS D’EXPORTATIONS EN 2017

B. UN SOLDE EXCÉDENTAIRE MAIS EN NETTE DÉGRADATION

II. UN SOUTIEN PUBLIC EN RECHERCHE DE COHÉRENCE

A. UN SAUPOUDRAGE DE FINANCEMENTS, VIA DIFFÉRENTS ACTEURS

B. DEUX NOUVELLES STRATÉGIES POUR STRUCTURER LE SOUTIEN À L’EXPORT

1. La stratégie du Gouvernement pour le commerce extérieur

2. La stratégie du ministère de l’agriculture pour le développement des exportations

III. LES RECOMMANDATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Fixer des objectifs ambitieux face au défi alimentaire mondial

2. Incarner le commerce extérieur au sommet de l’état

3. Maintenir l’effort budgétaire de soutien à l’export

4. Poursuivre la restructuration du secteur et la coordination des acteurs

5. Regrouper les acteurs derrière une marque « France »

TRAVAUX DE LA COMMISSION

PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL


—  1  —

   SYNTHÈSE DES RECOMMANDATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

Recommandations générales

Recommandation n° 1 : nommer un ministre dédié au commerce extérieur qui bénéficie d’un positionnement interministériel.

Recommandation n° 2 : créer un secrétariat général aux affaires économiques internationales, chargé du commerce extérieur.

Recommandation n° 3 : créer une mission Commerce extérieur au sein du budget de l’État afin d’identifier et d’assurer le suivi du financement de cette politique publique.

Recommandation n° 4 : sanctuariser la subvention pour charges de service public de Business France dans le contrat d’objectifs et de performance liant l’opérateur à l’État.

Recommandation n° 5 : définir de nouveaux indicateurs pour évaluer la performance de Business France.

Recommandation n° 6 : garantir le maintien de l’assurance prospection.

Recommandation n° 7 : inscrire les indicateurs de performance relatifs à BpiFrance Assurance Export sur le programme 134.

Recommandation n° 8 : maintenir l’expertise économique dans nos réseaux à l’étranger.

 

Recommandations sur le thème d’évaluation

Recommandation n° 9 : renforcer les positions de la France dans les négociations internationales et améliorer l’accès aux marchés étrangers.

Recommandation n° 10 : maintenir l’effort budgétaire de soutien public aux exportations agricoles et agroalimentaires.

Recommandation n° 11 : évaluer le soutien public filière par filière.

Recommandation n° 12 : améliorer le dispositif de veille concurrentielle sur les marchés.

Recommandation n° 13 : accélérer et simplifier les procédures de certifications sanitaires.

Recommandation n° 14 : encourager les entreprises françaises à construire des stratégies communes à l’export.

Recommandation n° 15 : regrouper les acteurs derrière une marque « France » pour la promotion des produits.

   PREMIÈRE PARTIE : L’EXÉCUTION DES CRÉDITS EN 2017

Si plusieurs indicateurs économiques s’améliorent, c’est loin d’être le cas du commerce extérieur. Le solde commercial de la France s’est encore creusé en 2017 : le solde des biens et services a enregistré un déficit de 38,3 milliards d’euros (26,8 milliards d’euros en 2016), le solde des biens au sens des Douanes affichant un déficit de 62,3 milliards d’euros, soit près de 30 % de plus que l’année précédente.

I.   POUR UNE POLITIQUE COORDONNÉE DU COMMERCE EXTÉRIEUR

A.   UN MANQUE DE PILOTAGE

La forte dégradation du déficit commercial est liée à la facture énergétique (solde importations-exportations) qui s’est alourdie de 23,8 % par rapport à 2016, à 39 milliards d’euros. Hors énergie, les exportations sont reparties à la hausse (+ 4 %) mais ont augmenté moins vite que les importations.

Ce constat est connu et, malgré le fait qu’un emploi sur quatre dépende directement ou indirectement de l’export, le soutien à l’internationalisation des entreprises françaises ne fait pas l’objet d’une attention suffisante.

Pour la première fois depuis 1995, aucun ministre ou secrétaire d’État n’est spécifiquement en charge au commerce extérieur, alors que même la situation actuelle exigerait plus qu’à aucune autre époque une impulsion politique particulière.

Depuis 2014, la diplomatie économique est confiée au ministre chargé des affaires étrangères. Le décret du 24 mai 2017 relatif aux attributions du ministre de l’Europe et des affaires étrangères énonce qu’« en liaison avec le ministre de l'économie et les autres ministres intéressés, [le ministre] prépare et conduit les négociations commerciales internationales, qu'elles soient multilatérales, européennes ou bilatérales. Il coordonne l'action des services qui concourent à promouvoir les intérêts économiques de la France à l'étranger. Pour l'exercice de ses attributions au titre du commerce extérieur, il est associé à la politique de financement des exportations ». Ainsi, il dispose de la direction générale du Trésor pour l’exercice de ses attributions en matière de commerce extérieur et a autorité « conjointement avec le ministre de l’économie » sur les services économiques à l’étranger.

Dans les faits, le ministre de l’Europe et des affaires étrangères n’a pas le temps de se consacrer à ces questions. Pour le secteur agroalimentaire, le ministre de l’agriculture est davantage tourné vers Bruxelles que vers l’ouverture de nouveaux marchés. Le secrétaire d’État auprès du ministre des affaires étrangères, M. Jean-Baptiste Lemoyne, s’investit sur ce sujet mais il ne dispose pas de la visibilité que confère le titre de ministre.

Force est de constater que la politique en matière de commerce extérieur souffre d’un déficit de pilotage clair et de l’absence d’un chef de file identifié. La situation se complique encore en matière agricole compte tenu du rôle traditionnellement dévolu au ministre chargé de l’agriculture.

Il apparaît pourtant nécessaire à votre Rapporteur spécial de donner un visage au commerce extérieur de la France. Un pilotage politique identifié est primordial pour négocier et obtenir l’ouverture de nouveaux marchés et maintenir l’accès aux marchés existants.

Actuellement, aucun ministre ne porte en propre cette responsabilité d’« ouvrir des portes ». Votre Rapporteur spécial est convaincu que ce portage politique doit s’inscrire au plus haut niveau. Un positionnement interministériel lui serait utile pour dépasser les querelles de chapelle qui peuvent exister entre les différents ministères.

Si la création d’un « secrétariat d’État » auprès du Premier ministre peut paraître séduisante, il considère que le terme est préjudiciable en matière internationale, compte tenu de sa traduction anglaise. C’est donc la création d’un ministère qu’il juge préférable.

Recommandation n° 1 : nommer un ministre dédié au commerce extérieur, qui bénéficie d’un positionnement interministériel.

En appui du ministre, la création d’une administration dynamique, dédiée à l’export, lui semble également nécessaire. Il préconise la création d’un secrétariat général aux affaires économiques internationales, sur le modèle du secrétariat général aux affaires européennes, qui aurait la tutelle sur l’ensemble des services de l’État et des opérateurs en charge de l’export.

Recommandation n° 2 : créer un secrétariat général aux affaires économiques internationales, chargé du commerce extérieur.

B.   UNE DISPERSION DES CRÉDITS

Les crédits consacrés au soutien au commerce extérieur et à l’attractivité de la France ne sont pas portés par un programme dédié.

Comme en témoigne le document de politique transversale, annexé pour la première fois au projet de loi de finances pour 2018, les crédits qui concourent à la politique du commerce extérieur sont répartis sur douze programmes différents du budget de l’État. Seuls ceux inscrits dans les missions Économie et le compte de commerce Soutien financier au commerce extérieur sont individualisés, ce qui permet une traçabilité spécifique. Les autres, inscrits au sein des missions Action extérieure de l’État ou Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales, s’inscrivent dans une politique plus large et ne font pas l’objet de commentaires particuliers dans les documents budgétaires.

Il convient également de mentionner les nombreuses dépenses fiscales, rattachées au programme 134 Développement des entreprises et du tourisme, qui, sans viser directement le soutien à l’export, permettent d’améliorer la compétitivité de nos entreprises.

Cette situation nuit à la lisibilité de l’effort que l’État consacre à une politique essentielle au soutien de la croissance de notre pays. Elle souligne que le pilotage budgétaire du soutien à l’internationalisation des entreprises n’est pas coordonné. Le soutien public financier provient de nombreuses sources différentes (taxes affectées pour les chambres de commerce et d’industrie, subventions des régions, crédits budgétaires de l’État éclatés dans douze programmes…) dont le suivi et l’exécution sont insuffisamment concertés.

Votre Rapporteur spécial considère que le commerce extérieur devrait faire l’objet d’une mission au sein du budget de l’État, afin de mieux coordonner les acteurs et que les crédits y afférents puissent faire l’objet d’un suivi parlementaire.

Recommandation n° 3 : créer une mission « Commerce extérieur » au sein du budget de l’État afin d’identifier et d’assurer le suivi du financement de cette politique publique.

II.   BUSINESS FRANCE, ACTEUR CENTRAL DU DISPOSITIF DE SOUTIEN À L’EXPORTATION

Business France résulte de la fusion de l’Agence française pour les investissements internationaux (AFII) et d’Ubifrance (l’Agence française pour le développement international des entreprises), entrée en vigueur au 1er janvier 2015, afin de doter l’État d’un opérateur unique, visible et structuré, disposant d’une expertise sur toute la chaîne de valeur de l’internationalisation.

Cet établissement public industriel et commercial est chargé de favoriser le développement international des entreprises implantées en France, de promouvoir l'attractivité du territoire national et les investissements étrangers et de mettre en œuvre une stratégie de communication et d’influence visant à développer l’image économique de la France à l’international. Il s’agit du principal opérateur de la mission Économie.

A.   LA DIMINUTION DES SUBVENTIONS À DESTINATION DE BUSINESS FRANCE

Business France, placé sous la tutelle conjointe du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, du ministère de l’économie et des finances et du ministère de la Cohésion des territoires, bénéficie de trois subventions de l’État :

– la principale vient du ministère de l’économie (sur l’action 7 du programme 134) ;

– une deuxième vient du ministère de la cohésion des territoires via le Commissariat général à l’égalité des territoires (sur l’action 1 du programme 112 Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire) ;

– et une troisième du ministère de l’agriculture (sur l’action 21 du programme 149).

On observe une nette diminution de ces subventions depuis quelques années.

évolution des subventions de Business France depuis 2015

(en millions d’euros)

Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires.

La subvention versée à Business France au titre de la mission Économie diminue chaque année et s’établit à 92,1 millions d’euros pour 2017, soit 4,2 millions d’euros de moins que l’année précédente, alors que la loi de finances initiale prévoyait une dotation de 97,8 millions d’euros. Outre la mise en réserve initiale (3,6 millions d’euros), cette subvention a subi une seconde coupe de 2 millions d’euros dans le décret du 20 juillet 2017.

Cette enveloppe doit pourtant couvrir le coût des missions de service public définies dans le contrat d’objectifs et de performance liant Business France à l’État, à savoir l’export, l’attractivité et la promotion de l’image de la France à l’international. La Cour des comptes note ainsi que « cette réduction très sensible des moyens alloués à Business France […] semble contradictoire avec les prévisions internes » qui prévoyaient dès le mois d’avril une insuffisante dotation. La Cour ajoute qu’ « en trois ans, les moyens budgétaires alloués à Business France ont chuté de plus de 10 % en lois de finances et de près de 13 % en exécution » ([1]).

La subvention venant du Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) date du transfert des activités de l’AFII à l’occasion de la fusion avec Ubifrance. La Cour des Comptes recommande cependant le transfert de cette SCSP vers le programme 134 afin de faciliter le pilotage de la performance de l’opérateur. Elle s’établit à 5,8 millions d’euros.

Business France a également perçu 3,2 millions d’euros du ministère de l’agriculture et de l’alimentation au titre de la reprise des activités de Sopexa.

Malgré la diminution des financements publics, Business France rémunère 1 543 ETPT, soit 19 de plus qu’en 2016, en raison d’une augmentation des emplois hors plafond. Les charges de personnel sont en augmentation de 3,1 % par rapport à l’an dernier et atteignent 101,9 millions d’euros. Ainsi, les subventions de l’État ne couvrent même pas les dépenses de personnel de l’opérateur.

évolution des emplois de business France

(en ETPT)

 

Réalisation 2015

Réalisation 2016*

LFI 2017

Réalisation 2017

PLF 2018

ETPT

1 521

1 524

1 523

1 543

1 513

* En 2016, Business France a bénéficié du transfert de 17 ETP en provenance de la SOPEXA.

Sources : documents budgétaires.

Le modèle économique de Business France n’est donc soutenu que par l’augmentation de ses ressources propres, qui atteignent 344,7 millions d’euros selon le compte financier de 2017. Cependant, 248,7 millions d’euros correspondent aux indemnités relatives aux 9 793 volontaires internationaux en entreprises (VIE), qui ne font que transiter par les comptes de Business France avant d’être reversées aux volontaires. Business France facture les prestations d’accompagnement à l’export qu’elle propose aux entreprises à un niveau « prix de marché » (c'est-à-dire en intégrant la couverture de ses coûts complets, ainsi qu’une marge), quand celles-ci sont hors du cadre de ses activités de service public.

Compte tenu de la diminution des subventions dont il bénéficie, l’opérateur Business France est contraint d’augmenter ses tarifs aux dépens des entreprises accompagnées.

En vue de la négociation du nouveau contrat d’objectifs et de performance de Business France en 2018, le Rapporteur spécial recommande que soit garantie la stabilité des subventions pour les années à venir.

Recommandation n° 4 : sanctuariser la subvention pour charges de service public de Business France dans le contrat d’objectifs et de performance.

B.   UNE ÉVALUATION BIAISÉE DE LA PERFORMANCE

L’efficience du dispositif d’aide à l’internationalisation des entreprises fait l’objet d’un indicateur dans le projet annuel de performance. Il est mesuré par le ratio entre le nombre de nouveaux courants d’affaires réalisés par les PME et ETI bénéficiaires de prestations individuelles ou collectives ou utilisatrices du VIE et le nombre de projets d’investissements étrangers aboutis en France accompagnés par Business France, d’une part, et les subventions pour charges de service public versées à Business France d’autre part.

La diminution de 16,3 % du montant de subvention par opération d’internationalisation d’entreprises est censée traduire une meilleure efficience du dispositif. Cependant, comme le nombre d’opérations d’internationalisation n’est pas fourni dans les documents budgétaires, il semble difficile de conclure en ce sens. Mécaniquement, une diminution des subventions à Business France sans augmentation du nombre d’opérations d’internationalisation entraîne une amélioration de l’indicateur. Cet indicateur a donc pour effet pervers d’encourager une diminution des subventions pour accroître artificiellement la performance du programme. En outre, la Cour des comptes souligne que « la pertinence du ratio n’est pas avérée car une augmentation du nombre d’opérations financées par la dotation budgétaire peut être le signe d’un émiettement plutôt que d’une meilleure efficacité » ([2]).

Pour une meilleure information des parlementaires et des citoyens, votre Rapporteur spécial souhaiterait a minima que le Gouvernement transmette le nombre d’opérations comptabilisées dans cet indicateur. Il serait sinon préférable de définir de nouveaux indicateurs pour mesurer la performance du soutien à l’exportation des entreprises françaises.

Recommandation n° 5 : définir de nouveaux indicateurs pour évaluer la performance de Business France.


III.   LES FINANCEMENTS PUBLICS DE SOUTIEN À L’EXPORT

A.   LES GARANTIES DE L’ÉTAT À L’EXPORT

Depuis le 31 décembre 2016 ([3]), Bpifrance Assurance Export est chargé de la gestion des garanties publiques prévues par les articles L. 432-1 à L. 432‑5 du code des assurances, qui couvrent des opérations d’assurance (assurance-crédit, garantie du risque exportateur, garantie de change, garantie du risque économique, assurance prospection) pour le compte de l’État, sous son contrôle et en son nom ([4]). Ces garanties étaient auparavant gérées par Coface.

L’intégration des garanties publiques à l’export au sein du catalogue de procédures de Bpifrance permet de simplifier la relation des entreprises avec l’écosystème du développement économique et se justifie également par le maillage territorial dont bénéficie BpiFrance. Ce transfert conforte, par ailleurs, la mise en place d’un point d’entrée unique doté d’une palette d’interventions couvrant tous les stades du développement des entreprises.

Compte tenu de ce transfert d’activité de la Coface à Bpifrance Assurance Export, aucune dépense n’a eu lieu sur l’action 4 du programme 114 Appels en garantie de l’État en 2017 et le paiement des garanties précédentes a été couvert par le solde excédentaire du compte des procédures publiques à la Coface.

L’ensemble des flux relatifs aux garanties publiques à l’export a été retracé sur un nouveau compte de commerce intitulé Soutien financier au commerce extérieur ([5]), qui reproduit – à l’exception de la ligne Garantie de taux d’intérêt Natixis – la présentation de l’action 4 du programme 114.

recettes et dépenses du compte de commerce « soutien financier au commerce extérieur » en 2017

(en millions d’euros)

Section

Recettes

Dépenses

Solde

Section 1 - Assurance-crédit et assurance-investissement

Dont reversement du solde de l’État à la Coface

Dont autres opérations

4 644

4 087

557

760

-

760

+ 3 884

+ 4 087

 203

Section 2 - Assurance-prospection

51

69

– 18

Section 3 – Change

24

17

+ 7

Section 4 - Risque économique ([6])

0

0

0

Section 5 - Risque exportateur

5

1

+ 4

Source : Cour des comptes, note d’analyse de l’exécution budgétaire du Compte de commerce « soutien financier au commerce extérieur ».

L’exécution de ce compte (3,9 milliards d’euros) est inférieure de 0,4 milliard à la prévision de loi de finances initiale (4,3 milliards d’euros), avec un impact sur le déficit budgétaire. Ce solde reste cependant exceptionnel, ce compte de commerce ayant vocation à être exécuté à l’équilibre.

Parmi ces outils, l’assurance prospection est l’un des principaux atouts du dispositif français à l’étranger, permettant une assurance pour les PME contre les risques d’échec de leurs actions de prospection.

Alors que le développement de cette activité devrait être valorisé et encouragé, il semble qu’au contraire, l’État demande à Bpifrance Assurance Export de maintenir le coût du dispositif à 28,5 millions d’euros en 2019 et 26,5 millions d’euros en 2020, ce qui reviendrait à freiner dès maintenant la distribution de ce produit efficace pour l’internationalisation des entreprises françaises.

Votre Rapporteur spécial a interrogé à deux reprises les ministres en charge sur l’avenir de l’assurance prospection, sans obtenir de réponse satisfaisante. Il souhaiterait que ce dispositif soit maintenu et renforcé.

Recommandation n° 6 : garantir le maintien de l’assurance prospection.


B.   LA RÉMUNÉRATION DE BPIFRANCE ASSURANCE EXPORT

Bpifrance Assurance Export reçoit, au titre de cette gestion des garanties publiques pour le compte de l’État, une rémunération inscrite dans l’action 7 du programme 134. La consommation des crédits s’élève à 59,9 millions d’euros pour BpiFrance, composée de 46 millions d’euros de dépenses de fonctionnement et de 13,9 millions d’euros de frais induits par le transfert des activités, notamment la migration informatique. La dépense est donc bien inférieure à la prévision initiale. Pour mémoire, la consommation des crédits atteignait 97,5 millions d’euros en 2016, lorsque la gestion était assurée par la Coface.

évolution de la rémunération de Bpifrance Assurance Export

(en millions d’euros)

 

Prévision 2017

Réalisation 2017

Prévision 2018

 

AE / CP

AE / CP

AE

CP

Action 07
du programme 134

72,6

59,9

58,6

59,6

Source : documents budgétaires.

Ce versement pourra cependant faire l’objet d’une régularisation en 2018 puisque la rémunération de BpiFrance Assurance Export prévoit une part variable calculée en 2017 sur la base d’estimations, alors que la valeur définitive des indicateurs de performance ne sera connue qu’en 2018.

Les indicateurs de performance des garanties publiques à l’export sont encore publiés dans les documents budgétaires relatifs au programme 114. Le Rapporteur spécial considère que, par mesure de cohérence, ils devraient être désormais inscrits sur le programme 134.

Recommandation n° 7 : inscrire les indicateurs de performance relatifs à BpiFrance Assurance Export sur le programme 134.

Ainsi, en matière d’assurance prospection pour les PME, l’indicateur 3.1 mesure l’effet de levier du dispositif, c’est-à-dire le montant d’exportations générées par euro d’indemnité versé afin de mesurer l’impact de l’assurance prospection sur l’activité à l’exportation des entreprises bénéficiaires. Or, cet « effet de levier » est estimé à une valeur d’exportation de 8,07 euros par euro indemnisé. Non seulement il s’avère loin de l’objectif de moyen terme (20 euros de valeur d’exportation par euro d’indemnité), mais aussi il se dégrade par rapport à 2016 (10,93 euros). Le taux de retour en fin de période de garantie (indicateur 3.2) s’établit à 24,96 %, également en légère diminution par rapport à 2016. Le Rapporteur spécial considère que la performance du dispositif de garantie à l’exportation n’est donc pas à la hauteur de nos ambitions.

C.   LA CRÉATION D’UN FONDS À L’INTERNATIONALISATION DES PME

Le Rapporteur spécial note avec intérêt la création d’un « fonds à l’internationalisation des PME » prévu à l’action 7 du programme 423 Accélération de la modernisation des entreprises de la mission Investissements d’avenir. Le troisième volet des programmes d’investissements d’avenir prévoit de créer un outil d’accélération permettant d’effectuer des interventions ponctuelles en capital développement, voire en capital-risque, afin d’accompagner les prises de position stratégiques des PME et ETI françaises à l’étranger. Ce fonds, dont la gestion est confiée à BpiFrance, doit être doté de 200 millions d’euros et la souscription doit intervenir dans les premiers mois de 2018. Votre Rapporteur spécial soutient ce projet et ne manquera pas de suivre la concrétisation de cette action.

IV.   L’EXPERTISE NÉCESSAIRE DU RÉSEAU INTERNATIONAL DU TRÉSOR

L’action 7 du programme 134 couvre également les dépenses du réseau international de la Direction générale du Trésor, constitué de 31 circonscriptions, placées sous l’autorité des chefs des services économiques régionaux, en charge de coordonner et d’animer l’activité des services économiques des ambassades de leur zone de compétence. Dans le respect des attributions de Business France, le réseau international du Trésor conserve les missions régaliennes de soutien aux entreprises, notamment via le suivi des situations économiques, la surveillance des conditions d'accès au marché et l’appui aux grands contrats. Ce réseau de la DG Trésor comprend des implantations immobilières dans 111 pays.

évolution des crédits à destination du réseau international du Trésor

(en millions d’euros)

 

Exécution 2016

Prévision 2017

Exécution 2017

Prévision 2018

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 02 du programme 305

83,3

83,4

84,5

85,4

85,0

85,8

Sources : Rapport annuel de performances 2016, LFI 2017, PLF 2018

Le budget consacré au réseau international du Trésor, inscrit à l’action 2 du programme 305 correspond essentiellement à des dépenses de personnel (71,8 millions d’euros en 2017) et à des dépenses de fonctionnement, tels que loyers, charges immobilières et dépenses informatiques (13 millions d’euros). 691 ETPT concourent à la mise en œuvre de cette politique.

L’indicateur 3.1 de la mission mesure l’efficacité du réseau international de la DG Trésor à travers la proportion des services économiques mettant à disposition du public via le site internet de la DG Trésor une information économique actualisée de leur pays de résidence. En 2017, l’indicateur est en nette progression de 10 points, et dépasse la cible initialement fixée en s’établissant à 92 %.

Dans ce contexte, votre Rapporteur spécial n’est pas favorable au projet du Gouvernement de rattacher les correspondants du Trésor au ministère des Affaires étrangères. Il rappelle que les services économiques à l’étranger sont déjà sous l’autorité des ambassadeurs. Sous prétexte de simplification, ce projet pourrait faire peser un risque de captation du budget et des emplois, sans garantie que l’effort et la qualité de service en faveur de nos entreprises soient maintenus.

Le Premier ministre a demandé une économie de 10 % de la masse salariale des 12 000 agents de la France à l’étranger d’ici 2022 ainsi que le transfert au Quai des fonctions supports et des budgets de fonctionnement et d’immobilier à l’étranger des autres ministères. Une cartographie des efforts budgétaires doit être décidée fin juin sous l’égide du Premier ministre.

Votre Rapporteur considère que ce projet, qui risque de faire la part belle au Quai d’Orsay aux dépens de l’expertise en matière économique, est à contre-courant de l’histoire. La France a besoin que ses intérêts à l’étranger soient défendus par des experts de l’économie et non par des diplomates généralistes.

Recommandation n° 8 : .maintenir l’expertise économique dans nos réseaux à l’étranger.


—  1  —

   DEUXIÈME PARTIE : LE SOUTIEN aux EXPORTATIONS agricoles et agroalimentaires

I.   LES EXPORTATIONS AGRICOLES ET AGROALIMENTAIRES SONT UN ATOUT PUISSANT DANS UN CONTEXTE COMMERCIAL MOROSE

A.   61,1 milliards D’EUROS D’EXPORTATIONS EN 2017

Les produits agricoles et l’industrie agroalimentaire demeurent deux secteurs stratégiques du commerce extérieur français, générant un solde commercial excédentaire de 5,6 milliards d’euros en 2017. Les produits agricoles et agroalimentaires (bruts et transformés) constituent le troisième excédent commercial de la France derrière les produits chimiques, parfums et cosmétiques (12,5 milliards d’euros) et le matériel de transport (6,9 milliards d’euros).

En 2017, le total des exportations de produits alimentaires et agroalimentaires s’établit à 61,1 milliards d’euros, soit 2,3 milliards d’euros de plus qu’en 2016. Le début de l’année 2018 semble suivre, à ce stade, la même trajectoire.

évolution mensuelle des exportations de produits agricoles et agroalimentaires (2016-2018)

(en millions d’euros)

Source : commission des finances, d’après les données publiées par le ministère de l’agriculture et de l’alimentation.

Les exportations françaises se composent de produits issus de l’agriculture, de la sylviculture et de la pêche (13,9 milliards en 2017) mais surtout de produits des industries agroalimentaires (47,2 milliards d’euros en 2017).

répartition par catégories de produits des exportations agricoles et agroalimentaires françaises en 2017

Source : commission des finances, d’après les données publiées par le ministère de l’agriculture et de l’alimentation.

La performance française à l’export repose sur un nombre réduit de secteurs : les vins et spiritueux, les semences, céréales, oléagineux et les produits laitiers. Hors vins et spiritueux, le solde des échanges de produits transformés est négatif.

principales exportations françaises

(en milliards d’euros)

Source : ministère de l’agriculture et de l’alimentation.

 

B.   UN SOLDE EXCÉDENTAIRE MAIS EN NETTE DÉGRADATION

Si le solde commercial demeure excédentaire pour les produits agricoles et agroalimentaires, on note toutefois sa nette dégradation lorsqu’on étudie des séries longues. Cette dégradation tient davantage à l’augmentation des importations qu’à une diminution des exportations. La diminution de l’excédent est particulièrement notable depuis 2013.

évolution du solde commercial des produits agricoles et agroalimentaires depuis 2007

(en millions d’euros)

 

Source : commission des finances, d’après les données publiées par le ministère de l’agriculture et de l’alimentation.

La France est le 6ème exportateur mondial de produits agricoles et agroalimentaires ([7]), derrière les États-Unis, les Pays-Bas, l’Allemagne, la Chine et le Brésil. Les cinq premiers clients de la France sont des États membres de l'Union européenne : Allemagne, Belgique, Royaume-Uni, Italie et Espagne, suivis des États-Unis et de la Chine. Si 63 % des exportations françaises sont à destination de l’Union européenne, on relève une forte progression des exportations vers des pays tiers (+ 7 % depuis 2014).

Alors que la France représentait 7,7 % des parts de marché mondial en 2000, elle n’en détient plus que 4,5 % en 2016.

La principale cause de cette dégradation est la concurrence internationale sur les secteurs d’exportation traditionnels de la France. Par exemple, pour les céréales, la France subit la concurrence de la Russie et des pays de la Mer noire dans ses exportations au Proche-Orient et au Maghreb.

La dégradation tient également à des caractéristiques intrinsèques du secteur, encore trop peu structuré pour l’export. L’agriculture compte 7 556 entreprises exportatrices en 2016 (- 0,4 % par rapport à 2015) et les industries agroalimentaires 19 226 (+ 2 %) selon les Douanes, sur un total de 124 114 exportateurs de biens. Cela représente moins de 20 % des entreprises françaises du secteur, tandis qu’en Allemagne 80 % des entreprises agroalimentaires exportent leurs produits. Plus encore, la part du chiffre d’affaires réalisé à l’étranger varie en moyenne entre 10 % et 20 % en France, alors qu’elle est de 50 % en Allemagne – une part que seulement 6 % des entreprises françaises du secteur français atteignent. 2 % des entreprises agroalimentaires en France réalisent aujourd'hui les 2/3 du chiffre d'affaires à l'export.

ÉVOLUTION DES EXPORTATIONS ET DES PARTS DE MARCHÉ DES PRODUITS AGROALIMENTAIRES DE LA France ENTRE 2000 et 2015

Source : ministère de l’Agriculture.

Ces faibles résultats témoignent aussi du fait qu’en matière agricole, l’export n’est pas toujours vu comme un objectif en soi mais plutôt comme une alternative en cas de tension sur le marché français.

II.   UN SOUTIEN PUBLIC EN RECHERCHE DE COHÉRENCE

A.   UN SAUPOUDRAGE DE FINANCEMENTS, VIA DIFFÉRENTS ACTEURS

Sur le budget de l’État, l’un des principaux financements publics de soutien à l’exportation est la subvention pour charges de service public accordée par le ministère de l’économie à Business France. Cette subvention est en baisse constante : de 105,4 millions d’euros en 2015, elle n’est plus que de 92,1 millions d’euros en 2017. Business France agit dans tous les secteurs de l’économie, même si M. Christophe Lecourtier, son directeur général, estime que 40 % des entreprises faisant appel à Business France interviennent dans le secteur agricole ou agroalimentaire. Il estime ainsi que, dans le réseau de Business France, 110 personnes travaillent spécifiquement sur les sujets agricoles et agroalimentaires.

La politique de compétitivité du secteur agricole et agroalimentaire est portée par le programme 149 Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales sous la responsabilité de la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises au ministère de l’agriculture et de l’alimentation.

Sur les crédits de ce programme, seule une infime part finance des dispositifs de soutien à l’export. La subvention du ministère de l’agriculture pour FranceAgriMer atteint 119,9 millions d’euros en 2017, mais les missions de cet établissement public administratif ne sont pas concentrées uniquement sur l’export. Les actions de promotion en direction des pays tiers financées par FranceAgriMer proviennent de crédits européens : ils sont essentiellement destinés au secteur du vin (30 à 40 millions d’euros par an).

Pour l’export, cette action finance surtout des dispositifs de promotion internationale, à hauteur de 8,3 millions d’euros, via quatre organismes :

– la Sopexa par le financement de la délégation de service public pour la promotion et la défense de la culture alimentaire française et l’accompagnement des entreprises sur les marchés extérieurs (3,7 millions d’euros) ;

– l’Association de développement des échanges internationaux de produits et techniques agricoles (Adepta) pour le financement de sa mission de promotion et de défense du savoir-faire français dans les domaines agricole et agro-industriel (0,9 million d’euros) ;

– le Centre national des expositions et concours agricoles (CENECA) pour le financement du Salon International de l’Agriculture (SIA) et plus particulièrement du Concours général agricole (CGA) (0,5 million d’euros) ;

– Business France pour les statistiques de commerce extérieur et le financement d’études sur les marchés à l’exportation (3,2 millions d’euros).

La faiblesse des crédits de promotion internationale témoigne de la marginalisation croissante de deux acteurs historiques que sont la Sopexa et l’Adepta. Depuis 2017, la délégation de service public dont bénéficiait la Sopexa pour organiser les rencontres et mini-expositions BtoB ont été transférées à Business France le 1er janvier 2016 et l’activité pavillons français sur les salons internationaux le 1er janvier 2017.

On pourrait y ajouter les crédits de modernisation des exploitations, à hauteur de 76,7 millions d’euros en 2017, cofinancé par le fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER).

Il faut également compter les réseaux français à l’étranger. En matière agricole, le ministère de l’agriculture dispose de son propre réseau de conseillers agricoles présents dans une vingtaine de pays stratégiques de l’Union européenne et des pays tiers. Son coût est évalué à 6,5 millions d’euros pour 2017.

Outre les programmes budgétaires du ministère de l’agriculture, le Programme d'Investissements d'Avenir (PIA), dédie une action spécifique à la compétitivité des secteurs agricole et agroalimentaire. Elle a été lancée en 2015 dotée de 120 millions d'euros pour la période 2015-2017. Selon les données transmises par le secrétariat général pour l’investissement, seuls 31 millions d’euros ont été décaissés sur cette action fin 2017.

Le réseau de la DG Trésor, financé sur le programme 134 de la mission Économie, a bénéficié de 85 millions d’euros en 2017 pour un réseau de 691 ETPT. On pourrait aussi ajouter une part du coût du réseau diplomatique, désormais également en charge de la diplomatie économique. Aucun élément ne permet cependant d’identifier quelle part de financement de ces réseaux soutient les exportations agricoles et agroalimentaires.

Sur les territoires, les régions ont la compétence exclusive en matière de développement économique du territoire. Cette compétence, récemment renforcée, s’exerce notamment dans le cadre d’agences créées à cette fin. Le financement régional du soutien à l’exportation des produits agricoles et agroalimentaires ne fait pas l’objet d’une consolidation nationale.

Enfin, les Chambres de Commerce et d’Industrie (CCI) ont un rôle d’information, d’accompagnement et d’animation du réseau, piloté au niveau national par l’établissement public « CCI France ». Ce réseau compte 125 établissements : 18 CCI de région (CCIR), 107 CCI territoriales (CCIT). Leur activité est prolongée par le réseau des CCI françaises à l’international, présent dans 85 pays. Les CCI sont financées essentiellement par des taxes affectées qui ont connu un fort dynamisme : depuis 2013, les lois de finances abaissent le plafond de ces taxes affectées aux CCI. Dernièrement, l’article 44 de la loi de finances pour 2018 prévoit une baisse de 150 millions d’euros des ressources des CCI.

La France est également le premier bénéficiaire de la politique agricole commune de l’Union européenne. Sur la période 2014-2020, la France devrait bénéficier de 62,4 milliards d’euros, provenant essentiellement du premier pilier qui regroupe les mesures de soutien aux marchés et aux revenus des agriculteurs. Difficile dans ce cadre d’identifier la part de ces financements pouvant constituer un soutien à l’exportation.

À ces acteurs publics s’ajoutent plusieurs acteurs privés. Une centaine de sociétés d’accompagnement à l’international (SAI), pour la plupart des petites et moyennes entreprises, sont spécialisées par secteurs d’activité et/ou zones géographiques. L’OSCI (Opérateurs spécialisés du commerce international) est l’organisation représentant le secteur. Le MEDEF International accompagne également les entreprises dans leur développement à l’international, notamment en organisant des missions, avec les pouvoirs publics notamment. Il dispose de délégations dans 30 pays.

Compte tenu du nombre important d’acteurs, et de l’absence d’identification, au sein de leurs budgets, des crédits destinés au soutien à l’export, il est très difficile d’évaluer l’effort budgétaire en la matière. Votre Rapporteur spécial regrette ce manque de lisibilité.

B.   DEUX NOUVELLES STRATÉGIES POUR STRUCTURER LE SOUTIEN À L’EXPORT

Conscient de l’inadaptation du système français de soutien à l’export, le Premier ministre a annoncé le 23 février 2018 une réforme de la stratégie de la France pour le commerce extérieur. En même temps, le ministère de l’agriculture et de l’alimentation publiait son « plan stratégique 2018-2022 pour le développement des exportations et l’internationalisation des filières agricoles, agroalimentaires, forêt-bois et des produits bio-sourcés ».

1.   La stratégie du Gouvernement pour le commerce extérieur

Cette stratégie, largement inspirée du rapport de M. Christophe Lecourtier, directeur général de Business France, se fonde principalement sur la création d’un « guichet unique à l’export », afin de rationaliser le dispositif. Trop d’acteurs sont impliqués, si bien qu’une entreprise, notamment les petites et moyennes, ne sait pas à quelle porte frapper. L’information est disséminée, la coordination des acteurs fragile.

Votre Rapporteur partage pleinement ce constat et prône depuis près de 20 ans la nécessité de mettre en place ce « guichet unique ». Il soutient donc pleinement cette réforme, qu’il espère voir aboutir rapidement. Elle suppose un véritable engagement de la part des services de l’État, des opérateurs, des collectivités territoriales et du milieu entrepreneurial.

Dans cette stratégie, le rôle des régions est confirmé. Des guichets uniques en région doivent associer les collaborateurs des chambres de commerce et d’industrie et ceux de Business France afin d’apporter aux entreprises des « conseils de proximité ». Deux projets pilotes de cette "Team France" à l'export sont déjà en cours d'expérimentation en Normandie et en Provence-Alpes-Côte d'Azur.

En matière d’accompagnement à l’étranger, selon un principe de subsidiarité, les correspondants pourront être des agents de Business France, des chambres de commerce et d’industrie ou des acteurs privés sur délégation de service public. Business France doit jouer un rôle de chef de file, afin de déterminer quel est le meilleur dispositif à mettre en œuvre en fonction des caractéristiques de chaque pays et de la nature de nos échanges. Il appartient également à l’opérateur d’en suivre la mise en œuvre, afin d’en contrôler l’efficience et la garantie de l’égalité de traitement entre les entreprises.

Les grands axes de la stratégie du Gouvernement pour le commerce extérieur

1)      La diffusion d’une culture de l’export et de l’international, par le renforcement de la formation aux langues étrangères et au commerce international :

– développer la formation initiale en langues étrangères et former les étudiants à l’internationalisation d’une PME ;

– former les futurs salariés et dirigeants de PME au commerce international ;

2)      La réforme de l’accompagnement à l’export par un partenariat approfondi entre l’État et les régions en la matière et une grande simplification :

– un « guichet unique » en région : il vise à regrouper autour des CCI et Business France tous les acteurs de l’export (agences régionales de développement, sociétés d’accompagnement et de commerce international, et les acteurs du financement) ;

– déploiement d’une « plateforme de solutions » numérique, pilotée par Business France, pour regrouper les offres d’accompagnement et de financement à l’export : ces outils doivent faire le lien entre les guichets uniques en régions et les guichets uniques à l’étranger ;

– un correspondant unique à l’étranger, qu’il s’agisse de Business France ou d’un opérateur privé (chambres de commerce françaises à l’international ou sociétés de commerce international) via une délégation de service public ;

3)      La réforme des financements export dans le sens d’une plus grande lisibilité pour les entreprises et d’une plus grande compétitivité vis-à-vis de la concurrence internationale.

– conforter le rôle de BpiFrance comme interlocuteur privilégié des PME et ETI pour les financements exports publics ;

– rendre plus simples et plus accessibles les outils de financements à l’export (avance de trésorerie dans le cadre de l’assurance prospection, création d’un Pass’Export permettant un financement sur la durée)

– élargir la gamme de produits de financement pour répondre aux nouveaux besoins des entreprises (possibilité de couvrir des risques en l’absence de contrat-export, soutien des sous-traitants d’entreprises exportatrices, extension de la garantie de change à de nouvelles devises, doublement de l’enveloppe de prêts du Trésor)

Source : Gouvernement

Votre Rapporteur spécial s’engage à suivre la mise en œuvre de cette réforme et appelle le Gouvernement à agir rapidement.

2.   La stratégie du ministère de l’agriculture pour le développement des exportations

La stratégie du ministère de l’agriculture pour le développement des exportations et l’internationalisation des filières a été publiée en avril 2018. Elle diffère assez peu du plan stratégique publié sous l’ancien Gouvernement en mars 2017.

Ce plan stratégique s’articule autour de trois axes :

– accompagner les entreprises dans la durée, en ciblant prioritairement les entreprises de taille petite ou moyenne. Il s’agit de sensibiliser les entreprises sur les opportunités de l’export et de les guider dans leurs démarches :

– ouvrir de nouveaux marchés et maintenir l’accès aux marchés existants ;

– promouvoir les produits français, y compris en développant une présence française plus large sur le moyen de gamme.

III.   LES RECOMMANDATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

Votre Rapporteur spécial est convaincu qu’il n’y a pas de fatalité à la dégradation de la position de la France dans le commerce international. Un volontarisme politique, la mobilisation du milieu économique et une culture de l’export partagée par l’ensemble des acteurs publics comme privés sont les clés pour reconquérir les marchés.

1.   Fixer des objectifs ambitieux face au défi alimentaire mondial

Lors de ses vœux au monde agricole, le Président de la République a fixé comme objectif la souveraineté alimentaire de la France, en défendant une conception sociale et environnementale du rôle et de la place de l’agriculture.

Pour votre Rapporteur, la France doit voir plus loin : elle a une place à jouer face au défi alimentaire mondial.

Depuis l’an 2000, les échanges mondiaux de produits agricoles et agroalimentaires croissent de 8 % par an. Le marché mondial est le principal relais de croissance du secteur. D’une part, la croissance démographique est importante : d’ici 2050, la population mondiale devrait atteindre 9,77 milliards et, d’autre part, le défi environnemental sera de plus en plus prégnant.

Par conséquent, il faudra produire davantage, tout en préservant la planète. Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) ([8]), une augmentation de la production mondiale de 70 % par rapport à 2009 sera nécessaire pour répondre aux besoins, avec notamment une demande de céréales de 3 milliards de tonnes en 2050 contre 2,6 milliards de production en 2017 ([9]).

Dans ce contexte, votre Rapporteur souligne qu’il est urgent que l’ensemble des acteurs des secteurs alimentaires et agroalimentaires se coordonne afin de saisir l’opportunité que représente l’augmentation de la demande mondiale.

2.   Incarner le commerce extérieur au sommet de l’état

Malgré les efforts entrepris, le dispositif de soutien à l’exportation des produits agricoles et agroalimentaires manque toujours de cohérence et ce, notamment, en raison de la superposition des compétences de trois ministères (agriculture, économie et affaires étrangères).

Le ministère des Affaires étrangères a considéré l’agroalimentaire comme « filière prioritaire à l’export » et a nommé une fédératrice en 2013. De cette expérience en tant que fédératrice, Mme Catherine Chavrier a souligné le manque de pilotage global de la politique de soutien à l’export. Elle partage l’idée que les négociations agricoles ne doivent pas être traitées comme des questions à part.

Elle a été remplacée dans ses fonctions début 2018 par M. Jean-Philippe Girard, président de l’Association nationale des industries agroalimentaires (ANIA). Cette structuration en « familles prioritaires » permet de rassembler les acteurs, de poser un diagnostic et de proposer des solutions. Mais elle ne joue pas le rôle d’ouverture de marchés que pourrait permettre un ministère dédié ou un délégué interministériel.

Un ministre du commerce extérieur aurait un rôle de porte-voix de la France pour ouvrir de nouveaux marchés. Il s’agit essentiellement de défendre au mieux, dans le cadre des négociations au sein de l’Union européenne et avec des pays tiers, les intérêts des entreprises et des filières françaises.

Recommandation n° 9 : renforcer nos positions dans les négociations internationales et améliorer l’accès aux marchés étrangers.


3.   Maintenir l’effort budgétaire de soutien à l’export

La stratégie du Gouvernement pour le commerce extérieur va dans le sens d’une rationalisation des acteurs publics de soutien à l’internationalisation des entreprises. Votre Rapporteur soutient l’objectif de meilleure lisibilité pour les entreprises. Il ne faudrait cependant pas que cette « simplification » ne serve qu’à masquer la diminution des financements du dispositif de soutien à l’export, comme c’est déjà le cas pour Business France et les chambres de commerce et d’industrie.

Recommandation n° 10 : maintenir l’effort budgétaire de soutien public aux exportations agricoles et agroalimentaires.

Il est particulièrement complexe d’identifier les financements dont bénéficient les différentes filières. D’après Mme Catherine Chavrier, on observe de grandes disparités de financements : certaines filières sont largement soutenues quand d’autres semblent totalement oubliées du dispositif. Afin de mieux identifier les « trous dans la raquette », votre Rapporteur estime qu’il serait utile de procéder à un recensement des soutiens pour chacune des filières.

Recommandation n° 11 : évaluer le soutien public filière par filière.

4.   Poursuivre la restructuration du secteur et la coordination des acteurs

Pour répondre au défi alimentaire mondial, il ne s’agit pas de produire plus mais de savoir répondre à la demande. Dans les pays émergents, une classe moyenne émerge et, avec elle, des demandes spécifiques en matière de consommation.

Il est indispensable d’organiser des outils de veille et des relais d’information entre les demandes de clients potentiels à l’étranger et les filières organisées en France. Sur le papier, ce rôle de veille est partagé entre différents acteurs, qu’il s’agisse du réseau de la DG Trésor, des agents de Business France, des volontaires internationaux à l’étranger, des conseillers agricoles du ministère de l’agriculture. Pourtant, d’après les informations transmises par votre Rapporteur, ce travail de veille n’est pas satisfaisant.

Selon votre Rapporteur, ce travail de veille devrait être confié à un seul réseau d’acteurs pour une meilleure lisibilité. On pourrait notamment imaginer une plateforme numérique commune pour recenser les appels d’offres.

Recommandation n° 12 : améliorer le dispositif de veille concurrentielle sur les marchés.

L’une des spécificités du marché international de produits agricoles et agroalimentaires est l’existence de très nombreuses barrières non tarifaires que sont les réglementations environnementales, sanitaires et phytosanitaires.

Si les règles en la matière sont un gage de qualité des produits français, certains interlocuteurs de votre Rapporteur spécial se sont plaints de la lourdeur et de la complexité des procédures d’agrément et de certifications sanitaires. Si les délais d’agrément en tant qu’établissement exportateur ne dépendent pas de l’administration française mais du traitement des pays tiers, un effort pourrait être fait en matière de certifications sanitaires. Le développement de la plateforme informatique Expadon permet déjà une mise à disposition de l’information sanitaire mais mérite d’être développée afin que les démarches en matière de certificats sanitaires puissent être dématérialisées.

Recommandation n° 13 : accélérer et simplifier les procédures de certifications sanitaires.

5.   Regrouper les acteurs derrière une marque « France »

La France jouit d’une image de qualité et de raffinement des produits à l’international dont les principaux acteurs n’ont pas suffisamment conscience. Le repas gastronomique français est inscrit depuis 2010 sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.

Le haut respect des standards sanitaires et environnementaux – s’il peut représenter une contrainte importante pour les producteurs – est un atout qu’il convient de valoriser. Cependant, forts de cette image de qualité, voire de haut de gamme, les produits que la France propose sont parfois perçus comme chers – alors que la gamme de prix diffère assez peu de celle de nos voisins espagnols ou italiens.

Lors de son audition, M. Jean-René Buisson, président de la Sopexa, a souligné la réussite de certaines initiatives étrangères dont la France pourrait s’inspirer. A titre d’exemple, les entreprises italiennes se sont regroupées à l’export sous la chaîne privée « Eataly », fondée en 2004. Cette chaîne ne vend que des produits italiens, sous la même enseigne, aussi bien en vente au détail qu’en dégustation sur place. Elle possède des enseignes à Tokyo, New York, Chicago ou Dubaï. Ce dispositif présente l’avantage non négligeable d’une présence pérenne, contrairement aux actions de communication d’une journée ou d’une semaine généralement financées par la France.

Il semble que les entreprises françaises, contrairement aux italiennes ou aux espagnoles, n’ont pas pour habitude de « chasser en meute ». Lorsqu’une entreprise obtient une ouverture à l’export, elle n’entraîne pas avec elle d’autres entreprises françaises. Cette faible solidarité à l’export est un handicap pour la France. Les « clubs exports », structurés par filières, ou les principales associations d’entreprises d’un secteur pourraient permettre le développement d’une culture de l’export et inciter davantage à une solidarité à l’exportation.

Recommandation n° 14 : encourager les entreprises françaises à construire des stratégies communes à l’export.

En outre, la France ne dispose pas d’une marque France unique, visible et reconnu. L'identité « France agroalimentaire » s’est déployée dans les salons internationaux au travers de la démarche fédératrice « made in France made with love ». La structuration d’un « pavillon France » uni sous une même marque générique lors des salons dans le secteur est une évolution notable.

Cependant, cette identité n’a pas la visibilité que d’autre pays ont réussi à acquérir. Plusieurs marques ou logos portés par différents acteurs coexistent toujours dans le secteur agroalimentaire. Il est ainsi difficile de regrouper les acteurs français de l’export sous un même pavillon lors des salons internationaux. L’exemple des vins français est particulièrement notable : chacun défend son cépage alors que peu de consommateurs étrangers disposent d’une grille de lecture suffisamment fine pour faire la différence. Au lieu de promouvoir les vins français, chacun lance sa propre campagne de promotion, au risque de brouiller le message et de saupoudrer les financements de promotion.

Recommandation n° 15 : regrouper les acteurs derrière une marque « France » pour la promotion des produits.


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Lors de sa réunion de 9 heures, le jeudi 7 juin 2018, la commission des finances, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, a entendu M. Bruno Lemaire, ministre de l’économie et des finances et Mme Delphine GényStephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.

 

 

Le compte rendu de cette réunion est disponible sur le site de l’Assemblée nationale.

 

La vidéo de cette réunion peut être consultée sur le site de l'Assemblée nationale.

 

 

 

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   PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Business France

M. Christophe Lecourtier, directeur général

M. François RAFFRAY, directeur du département Relations institutionnelles

Direction générale du Trésor

Mme Astrid MILSAN, secrétaire générale

Mme Catherine CHAVRIER, ex-fédératrice de la filière prioritaire à l’export « Mieux se nourrir »

Ministère de l’agriculture et de l’alimentation, Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises

M. Jean-Baptiste FAURE, adjoint à la Sous-Directrice International

M. Xavier PACHOLEK, chef du bureau Exportation et Partenariats Internationaux

France Agrimer

Mme Christine AVELIN, directrice générale de FranceAgriMer

Mme Carole LY, cheffe de la mission affaires européennes et internationales

Sopexa

M. Jean-René BUISSON, Président directeur général de Sopexa

Mme Anaïs MAURY, directrice de la communication


([1]) Cour des comptes, note d’analyse de l’exécution budgétaire 2017 de la mission Économie, page 62-63.

([2]) Cour des comptes, note d’analyse de l’exécution budgétaire 2017 de la mission Économie, page 77.

([3])  Entrée en vigueur de l’article 103 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015.

([4]) Ce régime dit de « garantie directe » diffère du système de garantie dite « oblique » dans lequel l’Etat garantissait la Coface qui garantissait elle-même les entreprises. Ce changement a pour but de renforcer la lisibilité de la garantie de l’Etat, dans la mesure où des banques et des investisseurs refusaient de financer des crédits-exports français ou imposaient un surcoût, considérant les garanties de la Coface comme non souveraines.

([5]) Ce nouveau compte de commerce a été créé par l’article 47 de la loi de finances pour 2017.

([6])  Ce produit, en gestion extinctive, n’a pas généré de flux financiers en 2017.

([7])  La France est le 7ème exportateur mondial de produits agricoles et le 4ème exportateur de produits transformés.

([8])  FAO, Rapport « Comment nourrir le monde en 2050 », 2009.

([9])  FAO, Bulletin de la FAO sur l’offre et la demande de céréales, octobre 2017.