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N° 1055

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 juin 2018

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2017 (n° 980),

 

PAR M. Joël GIRAUD,

Rapporteur général

Député

 

——

 

 

ANNEXE N° 35
 

 

RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE

 

PENSIONS

 

 

 

Rapporteur spécial : M. Olivier DAMAISIN

 

Député

____

 

 

 

 

SOMMAIRE

___

Pages

I. Le Compte d’affectation spéciale (cas) pensions

A. L’exécution des dépenses et des recettes s’est révélée conforme aux prévisions de la loi de finances initiale

1. Caractérisé par une bonne prévision, le rythme des dépenses de pension s’est accéléré (+ 1,2 %)

a. Les dépenses du compte d’affectation spéciale sont en hausse

b. Les dépenses progressent toutefois plus modérément que la tendance de long terme

2. Les recettes sont conformes aux prévisions

a. Les recettes en 2017 s’élèvent à 59 646 millions d’euros, soit un montant légèrement inférieur à la prévision de 225 millions d’euros  ( 0,4 %).

b. Néanmoins, les recettes du CAS ont progressé en 2017.

B. Le solde cumulé du CAS Pensions atteint un niveau record de 5,1 milliards d’euros

C. Une bonne capacité de prévision et une amélioration de la gestion

II. La mission régimes sociaux et de retraite

A. une sous-évaluation récurrente de la subvention d’équilibre versée au régime de retraite de la SNCF et une dette à l’égard de la caisse gestionnaire

B. Les difficultés de prévision des dépenses du congé de fin d’activité des conducteurs routiers

C. Un coût de gestion des régimes maîtrisé mais une récupération des indus à améliorer

III. La perspective de l’intégration du régime de retraite des fonctionnaires de l’État dans un régime universel

A. Le nouveau régime de retraite universel améliorerait la lisbilité du système après une période de transition nécessaire

1. Assurer une meilleure lisibilité du système des retraites français

2. La transition du système de retraites actuelles vers le futur régime universel

B. Le projet de loi de mise en place d’un régime universel de retraite est prévu en 2019

C. l’intégration du régime des fonctionnaires de l’État nécessite l’adoption de dispositifs spécifiques

1. La compatibilité du statut de la fonction publique d’État avec un régime de retraite universel

2. Le maintien d’un taux de remplacement effectif proche de 75 %

3. Le déroulement des carrières administratives et le montant des pensions

4. L’insertion de la rémunération indemnitaire des fonctionnaires de l’État dans l’assiette de cotisation vieillesse

5. La prise en compte de la pénibilité dans le nouveau régime de retraite

travaux de la commission

Personnes auditionnées par le rapporteur spécial


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I.   Le Compte d’affectation spéciale (cas) pensions

Le compte d’affectation spéciale (CAS) Pensions regroupe les opérations relatives aux régimes de retraite et d’invalidité des agents de l’État. Il est composé de trois programmes d’une importance inégale. Le programme 741, regroupant les crédits destinés au paiement des pensions de retraite civiles et militaires, est le plus important de la mission et représente 93,4 % des crédits du CAS Pensions en 2017.

– le programme 741 Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d’invalidité retrace ainsi en dépenses 53,88 milliards d’euros. Ces dépenses représentent les pensions versées au titre du code des pensions civiles et militaires de retraite (CPCMR) ainsi que les allocations temporaires d’invalidité.

Le CAS Pensions également composé de deux autres programmes de moindre envergure.

– le programme 742 Ouvriers des établissements industriels de l’État retrace les opérations liées au régime spécial de retraite et aux rentes d’accident du travail des ouvriers d’État. Les dépenses du programme sont de 1,9 milliard d’euros, soit 3,3 % des dépenses du CAS Pensions ;

– le programme 743 Pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre et autres pensions regroupe enfin les opérations relatives aux pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre ainsi que les  autres pensions versées par l’État au titre des engagements historiques et de reconnaissance de la Nation. Les dépenses du programme s’élèvent à 1,92 milliard d’euros, soit 3,3 % des dépenses du CAS Pensions.

Écarts d’exécution par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale pour le CAS Pensions

(en millions d’euros)

 

2017

Recettes

Dépenses

Solde d’exécution prévisionnel

Solde d’exécution

LFI

Exécution

LFI

Exécution

Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d’invalidité

56 063,10

55 875,69

53 824,70

53 880,35

2 238,40

1 995,34

Ouvriers des établissements industriels de l’État

1 867,61

1 852,27

1 888,45

1 903,85

– 20,84

– 51,58

Pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre et autres pensions

1 940,86

1 918,51

1 940,86

1 923,80

0,00

– 5,29

TOTAL

59 871,57

59 646,48

57 654,01

57 708,01

2 217,56

1 938,47

Source : Cour des comptes.

A.   L’exécution des dépenses et des recettes s’est révélée conforme aux prévisions de la loi de finances initiale

L’exécution des crédits du CAS Pensions s’est déroulée conformément aux prévisions inscrites en loi de finances initiale. Les écarts d’exécution en dépenses et en recettes sont mineurs et la progression des dépenses est maîtrisée en 2017.

1.   Caractérisé par une bonne prévision, le rythme des dépenses de pension s’est accéléré (+ 1,2 %)

Les dépenses du compte d’affectation spéciale sont relativement conformes aux prévisions. Néanmoins, la croissance des dépenses s’est accélérée en 2017 même si celle-ci reste modérée par rapport à la tendance de long terme.

a.   Les dépenses du compte d’affectation spéciale sont en hausse

Les dépenses du CAS Pensions se sont élevées à 57 708 millions en 2017, soit 54 millions d’euros de plus que la prévision de la loi de finances initiale (+ 0,1 %)

La légère surexécution des dépenses de la mission est causée principalement par une dépense supérieure aux prévisions de 55 millions d’euros du programme 741. La cause principale de cette surexécution du programme 741 est une dépense de compensation démographique supérieure à la prévision (98 millions d’euros) liée à une dégradation plus forte que prévue de l’équilibre démographique des autres régimes de retraite.

À l’inverse, les dépenses de pensions civiles et militaires ont été inférieures aux prévisions de 50 millions d’euros pour les fonctionnaires civils et de 36 millions d’euros pour les militaires. Cette sous-exécution s’explique par une mortalité supérieure aux prévisions et à une sous exécution constatée en 2016 plus importante qu’anticipée lors de la loi de finances initiale pour 2017.

b.   Les dépenses progressent toutefois plus modérément que la tendance de long terme

Entre 2016 et 2017, les dépenses ont augmenté de 681 millions d’euros, soit une croissance de 1,2 %. Le rythme de progression des dépenses du CAS Pensions s’accélère après une croissance de 0,45 % en 2015 et 0,9 % en 2016. Cependant, cette augmentation reste modérée en comparaison du taux de croissance moyen des dépenses entre 2007 et 2012 qui était de 3,2 % par an.

Le rythme de progression des dépenses s’est accéléré en 2017 en raison de la hausse de l’inflation impliquant une revalorisation des pensions supérieure aux prévisions et de la fin de montée en charge de l’augmentation de la durée d’âge qui a eu pour conséquence une ré-augmentation des flux de départs annuels (59 500 fonctionnaires civils).

2.   Les recettes sont conformes aux prévisions

La prévision en recettes du CAS est également très proche des recettes constatées en fin d’exercice. Le taux de croissance annuel des recettes s’accélère en 2017 en raison d’une augmentation des effectifs de la fonction publique et de la croissance de l’assiette de cotisation.

a.   Les recettes en 2017 s’élèvent à 59 646 millions d’euros, soit un montant légèrement inférieur à la prévision de 225 millions d’euros
(– 0,4 %).

La sous-exécution des recettes en 2017 concerne les trois programmes du CAS Pensions. Les recettes du programme 741 ont été inférieures de 187 millions d’euros, soit un très faible écart de 0,33 %, dû à des assiettes de cotisation moins élevées qu’anticipé. De plus, les recettes du programme 742 sont inférieures de 15 millions d’euros aux prévisions compte tenu d’une compensation démographique moindre qu’anticipé. Enfin, les recettes du programme 743 sont inférieures de 22 millions d’euros par rapport à la prévision en raison d’un ajustement exceptionnel autorisé par la direction du budget de l’appel de fonds adressé aux ministères.

b.   Néanmoins, les recettes du CAS ont progressé en 2017.

Les recettes du compte d’affectation spéciale ont progressé de 3,2 % par rapport à 2016 sous l’effet de plusieurs facteurs :

– le relèvement du taux de cotisation salariale des fonctionnaires de 0,35 point en 2017, s’élevant à 10,29 % en 2017 ; le taux de cotisation salariale devrait continuer d’augmenter pour converger vers les taux de cotisation salariaux du secteur privé et atteindre 11,10 % en 2020 ;

– l’augmentation des assiettes de contributions pour les employeurs civils et militaires en raison de l’augmentation du traitement indiciaire moyen soumis à cotisations salariales et contributions prévue par le protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » et de l’augmentation des effectifs de la fonction publique de l’État en 2017 (14 000 ETPT).

B.   Le solde cumulé du CAS Pensions atteint un niveau record de 5,1 milliards d’euros

Conformément à l’article 21 de la loi organique n°2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), le CAS Pensions doit respecter l’équilibre des comptes annuels et disposer d’une marge de trésorerie minimum d’un milliard d’euros. Le solde cumulé de 5 100 millions d’euros ne correspond donc pas à une immobilisation de trésorerie. Il s’agit d’une projection théorique de l’ensemble des soldes annuels depuis la création du CAS. En pratique, les crédits prévus en loi de finances ne sont pas ouverts en cours d’année lorsque le montant prévu est supérieur aux besoins constatés.

Le solde du CAS est excédentaire pour l’exercice 2017 de 1 938 millions d’euros même s’il est inférieur de 279 millions d’euros à la prévision initiale. Ce solde a fortement progressé depuis 2015 (+ 779 millions d’euros en 2015 et + 762 millions d’euros en 2016).

Cependant, selon les prévisions d’équilibre du CAS, les dépenses devraient progresser de façon plus dynamique dans les prochaines années et ainsi réduire le solde annuel à un niveau d’un milliard d’euros en 2020. De ce fait, une réduction du taux de cotisation employeur, stable depuis 2014 à un niveau de 74,28 %, n’est pas envisagée par la direction du budget.

Solde cumulÉ du cas « pensions » en fin d’année

(en millions d’euros)

 

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Solde cumulé
en fin d’année

1,2

0,4

0,8

1,2

1,3

1,0

0,8

1,0

1,6

2,4

3,2

5,1

Source : rapport annuel de performances du compte d’affectation spéciale Pensions pour 2017.

C.   Une bonne capacité de prévision et une amélioration de la gestion

Les prévisions de dépenses et recettes des pensions sont conformes aux objectifs définis dans le projet annuel de performances. Pour le programme 741, l’écart entre la prévision et l’exécution est de 0,16 % alors que l’objectif du
PAP 2017 était de 0,8 %. Pour le programme 742, l’écart entre prévision et exécution est de 0,95 pour une prévision inférieure à 1.

Les coûts de gestion des régimes de retraite de la mission ont diminué en 2017. Pour le programme 741, le coût de gestion d’un ressortissant est de 15,75 euros contre 15,78 en 2016 pour le SRE et de 26,37 euros contre 26,70 euros pour le coût de gestion global. Pour le programme 742, le coût global de contrôle a baissé de 6 % par rapport à la prévision initiale. En revanche, le coût unitaire de contrôle est supérieur à la prévision du PAP 2017.

Au regard de l’analyse des indicateurs de performance de la mission, le rapporteur spécial souligne la nécessité de poursuivre le transfert des missions de liquidation de pensions et de relations avec les pensionnés au service des retraites de l’État afin de réduire davantage le coût de gestion du régime de retraites des fonctionnaires civils et militaires.


II.   La mission régimes sociaux et de retraite

La mission Régimes sociaux et de retraite regroupe les subventions versées par l’État à certains régimes spéciaux de retraite ou à des dispositifs de pré-retraite comme le congé de fin d’activité des routiers ainsi qu’une subvention forfaitaire au régime complémentaire agricole introduite lors de la loi de finances pour 2017. Malgré la diversité des dispositifs financés par la mission, celle-ci ne permet pas d’avoir une présentation complète des subventions versées aux régimes spéciaux de retraite ([1]) car certaines subventions sont inscrites dans d’autres programmes.

En 2017, les dépenses de la mission ont augmenté de 0,2 % par rapport à 2016. Toutefois, à périmètre constant, celles-ci ont baissé de 0,7 %, soit 46 millions d’euros. Les dépenses de la mission s’élèvent ainsi à 6,3 milliards d’euros, soit une surexécution de 0,34 % par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale. Ces dépenses sont composées à 99,8 % de dépenses d’intervention. La mission comprend trois programmes :

– le programme 198 Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres, regroupant principalement les subventions d’équilibre aux régimes de retraite de la SNCF et de la RATP et représente 64,4 % des crédits de la mission ;

– le programme 197 Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins regroupant les subventions versées à l’Établissement national des invalides de la Marine et représente 13 % des crédits de la mission ;

– le programme 195 Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers regroupe les versements à des régimes en déclin démographique prononcé ou fermés et la subvention forfaitaire au régime de retraite complémentaire agricole et représente 22,5 % des crédits de la mission.

A.   une sous-évaluation récurrente de la subvention d’équilibre versée au régime de retraite de la SNCF et une dette à l’égard de la caisse gestionnaire

L’exécution du programme 198 a été marquée par une sous-budgétisation de l’action 3 destinée au financement de la subvention d’équilibre versée à la caisse de prévoyance et de retraite des personnels de la SNCF.

Ce besoin de financement à hauteur de 18 millions d’euros a nécessité des mouvements de crédits en cours d’exercice. En effet, un décret du 10 novembre 2017 a procédé au transfert de 4 millions d’euros depuis le programme 195 vers le programme 198 et la loi de finances rectificative pour 2017 a ouvert 14 millions d’euros de crédits supplémentaires en décembre 2017.

Ce besoin de financement de la subvention d’équilibre au régime de retraite de la SNCF est récurrent depuis 2015. Si le besoin supplémentaire exprimé en 2017 de 18 millions d’euros est inférieur à celui de 2016 (51 millions d’euros, soit une baisse de 65 % par rapport en 2016), les crédits de cette action sont sous-budgétés de façon récurrente depuis 2015.

Cette hausse des charges de la caisse est liée à un nombre de départs en retraite plus élevé qu’anticipé en 2016 et 2017 et à une baisse des recettes du régime liée à l’annulation du taux de cotisation employeur T1 pour la période 2013-2016, une diminution des effectifs cotisants supérieure à la prévision et une évolution du salaire moyen plus modéré qu’anticipé.

Ainsi, l’État a contracté une dette envers la caisse gestionnaire du régime de retraite de la SNCF, la CPRP-SNCF, d’une hauteur de 99,8 millions d’euros en 2017 au titre des décisions d’annulation des taux de cotisation T1 pour les années 2013, 2014 et 2015. Le remboursement de cette dette a été repoussé en 2018. Cette dette sera remboursée selon les marges disponibles et en fonction du calendrier de remboursement des dettes de l’État envers l’ensemble des régimes de retraites.

B.   Les difficultés de prévision des dépenses du congé de fin d’activité des conducteurs routiers

Sur ce même programme 198, l’État a consacré 88,7 millions d’euros de crédits de paiement au financement du congé de fin d’activité des conducteurs routiers en 2017. Durant cet exercice, la sous-action destinée au financement du congé de fin d’activité a connu un besoin de financement s’élevant à 9,3 millions d’euros.

L’AGECFA et la FONGECFA, les deux organismes paritaires de gestion du congé de fin d’activité, ont souligné l’absence de base démographique suffisante pour évaluer le nombre de bénéficiaires de ce dispositif de pré-retraite. La dynamique du dispositif s’expliquerait, selon ces organismes, par des comportements individuels dans un contexte de difficultés économiques.

Nombre d’entrées par année dans le dispositif CFA

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

1 790

1 118

2 025

1 816

1 135

1 844

2 578

Source : Rapport annuel de performances de la mission Régimes sociaux et de retraite.


En 2011, l’État a contracté une dette de 13,5 millions d’euros vis-à-vis du gestionnaire du dispositif, KLESIA. Une partie de la dette de l’État vis-à-vis du dispositif a été remboursée durant l’année 2017. La dette vis-à-vis du FONGECFA de 3,1 millions d’euros a été intégralement remboursée. À l’inverse, la dette vis-à-vis de l’AGECFA a été liquidée de 3,3 millions d’euros. Le solde restant s’établit au 31 décembre 2017 à 4,5 millions d’euros.

C.   Un coût de gestion des régimes maîtrisé mais une récupération des indus à améliorer

Le coût de gestion des régimes de retraite de la mission a été réduit en 2017. Pour le programme 198, le coût unitaire d’une primo liquidation est de 296 euros à la CPRP-SNCF pour un objectif de 305 euros dans le projet annuel de performances et de 237 euros pour un objectif de 365 euros à la CPRP-RATP. Pour le programme 197, le coût de primo-liquidation de l’Enim est de 734 euros, en baisse de 6,26 % par rapport à 2016, pour un objectif de 761 euros. Pour le programme 195, les performances sont conformes aux prévisions.

Par contre, la récupération des indus et trop versés par les caisses des régimes de retraite est inférieure aux prévisions. Pour le programme 198, le taux de récupération des indus est de 94 % pour une prévision de 97 % dans le PAP 2017 pour la CPRP-SNCF. Le taux de récupération des indus de la
CPRP-RATP de 71 % est inférieur à la prévision (96 %) malgré une hausse de 38,2 % par rapport à 2016.


III.   La perspective de l’intégration du régime de retraite des fonctionnaires de l’État dans un régime universel

Le régime de retraites des fonctionnaires de l’État est concerné par la mise en place d’un régime de retraite universel durant le quinquennat. Ce projet de loi devrait être discuté au Parlement en 2019 sur la base des négociations menées en 2018. Toutefois, l’intégration du régime de retraite des fonctionnaires de l’État soulève plusieurs enjeux particuliers à la fonction publique qui nécessiteront des aménagements spécifiques.

A.   Le nouveau régime de retraite universel améliorerait la lisbilité du système après une période de transition nécessaire

Comme il a été souligné lors des différentes auditions, la mise en place d’un régime de retraite universel vise à assurer une meilleure lisibilité du régime de retraite et une plus grande prévisibilité du montant de la pension perçue pendant la retraite. La soutenabilité financière du régime de retraite n’est pas l’enjeu de la réforme portée par la majorité et une réforme globale de son financement n’est pas prévue. En effet, le système des retraites actuel ne souffre d’aucun problème de financement ou de soutenabilité à long terme.
Le haut-commissaire à la réforme des retraites a d’ailleurs confirmé la volonté de réformer le système des retraites à « enveloppe constante ». Les dépenses de retraite évaluées à 312,7 milliards d’euros, soit 14 % du produit intérieur brut, ne seront donc pas modifiées par ce projet.

1.   Assurer une meilleure lisibilité du système des retraites français

Le régime de retraite par annuités actuel est difficilement lisible pour les actifs en raison des multiples règles qui s’appliquent en fonction des différents régimes de base et complémentaires obligatoires. De plus, le salaire de référence utilisé comme base de calcul du montant de la pension n’est connu qu’à la fin de la carrière professionnelle. La capacité de prévision du montant de la pension dans le système actuel est d’autant plus réduite pour les fonctionnaires de l’État car le salaire de référence correspond au salaire indemnitaire perçu lors des six derniers mois.

La mise en place d’un régime de retraite en points aurait pour conséquence de simplifier le fonctionnement du système des retraites et d’assurer une plus grande prévisibilité du montant des pensions. En effet, dans un régime par points, un cotisant peut calculer le montant de sa pension à tout moment en multipliant le nombre de points acquis par la valeur de service du point. Il est également plus juste car un euro cotisé ouvre les mêmes droits à la retraite.

2.   La transition du système de retraites actuelles vers le futur régime universel

La mise en place d’un régime universel de retraite nécessite une période de transition pour assurer le passage du système actuel en annuités au système par points. Le Conseil d’orientation des retraites a étudié les possibilités ouvertes de transition lors de ses travaux de février 2017.

Le Conseil d’orientation des retraites note que les deux options de transition immédiate et de transition progressive du système actuel vers le nouveau sont possibles. Une transition immédiate nécessite de calculer les droits acquis avec les règles de l’ancien système et de les convertir en points. Puis le nouveau système s’applique à l’ensemble des actifs pour le reste de leur carrière et ses règles s’appliquent lors de la liquidation de la pension.

Une transition progressive consiste en l’introduction progressive des paramètres de calcul du nouveau régime en fonction des générations. La transition progressive aboutit à la gestion de deux régimes de retraite simultanée par le calcul d’une pension de retraite selon l’ancien système et d’une deuxième pension au titre du nouveau régime. Le calcul de la pension perçue serait le résultat d’un partage entre ces deux pensions selon un coefficient fixé pour chaque génération. Le coefficient appliqué à l’ancien régime de retraite diminuant progressivement jusqu’à son extinction.

Le choix du mode de transition sera discuté dans le cadre des négociations entre les différents partenaires durant l’année 2018. Néanmoins, en raison de l’indisponibilité d’historique de cotisation complet pour les fonctionnaires de l’État mais également pour certains régimes du secteur privé, un temps de transition incompressible est nécessaire afin de calculer les droits acquis dans le régime actuel par une reconstitution approximative des droits sur la base de carrières individuelles approchées.

B.   Le projet de loi de mise en place d’un régime universel de retraite est prévu en 2019

Le Président de la République avait annoncé lors de la campagne présidentielle la mise en place d’un régime universel « plus juste et plus transparent où un euro cotisé ouvre les mêmes droits pour tous ».
Le vendredi 30 mars 2018, le Président de la République a confirmé un calendrier de travail sur la future réforme des retraites. Le dépôt du projet de loi créant un nouveau régime universel est prévu pour le début de l’année 2019.

La méthode retenue pour la construction de la réforme est un dialogue permanent entre le Gouvernement, les partenaires sociaux et les parlementaires. Cette réforme devrait donc faire l’objet d’une coconstruction entre les différents acteurs et permettrait de faire émerger un consensus autour d’un constat des problèmes actuels du système des retraites français.

Afin d’élargir la coconstruction de la réforme à l’ensemble des Français, une consultation citoyenne est mise en place depuis le 31 mai afin de recueillir les propositions et les réflexions des Françaises et des Français sur ce sujet. Les contributions seront synthétisées et rendues publiques le 29 novembre 2018.

Un calendrier des discussions a été proposé par le haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, aux différents partenaires :

– jusqu’à la fin juillet, les discussions porteront sur les modalités d’intégration des régimes complémentaires et des régimes spéciaux dans ce nouveau régime universel ; des discussions seront également amorcées sur la nature et du financement des droits non-contributifs et des droits familiaux dans ce nouveau système ;

– d’ici la fin de l’année 2018, les modalités de pilotage, le sujet d’une part de capitalisation et la méthode de transition du système actuel vers le régime universel seront discutés.

Cette réforme vise à garantir l’équité du régime des retraites. À ce titre, la solidarité qui s’exprime par les droits non-contributifs et les droits familiaux sera préservée par l’attribution d’euros ou de points gratuits aux personnes remplissant les critères permettant d’obtenir ces droits. De plus, l’équité du système de retraite signifie que des règles spécifiques pourraient être mises en place afin de prendre en compte la diversité des situations professionnelles. Ainsi, les personnes effectuant des travaux pénibles ou ayant commencé leur carrière plus tôt auraient la possibilité de partir plus tôt en retraite pour un montant de pension égal.

Le nouveau système de retraite sera un système par répartition. Le haut-commissaire Jean-Paul Delevoye a annoncé que le système serait un système par points. L’âge légal de départ en retraite actuel, fixé à 62 ans, devrait être conservé selon le haut-commissaire. Cet âge légal permet d’éviter des départs anticipés avec un montant de retraite très faible, ce qui augmenterait les dépenses de solidarité du système.

Enfin, cette réforme pourrait comprendre la création de nouveaux droits liés aux évolutions actuelles de la société. Le rôle d’aidant familial ou l’engagement dans la réserve opérationnelle pourraient ouvrir des droits dans ce nouveau système.

C.   l’intégration du régime des fonctionnaires de l’État nécessite l’adoption de dispositifs spécifiques

Le régime de la fonction publique de l’État comporte des particularités qui nécessitent la mise en place de règles particulières pour assurer l’équité du régime universel de retraite. Des enjeux spécifiques à la fonction publique comme la dynamique des carrières ou l’assiette des cotisations vieillesses sont particulièrement importants.

1.   La compatibilité du statut de la fonction publique d’État avec un régime de retraite universel

Le premier enjeu de l’intégration du régime de retraite de la fonction publique de l’État dans un régime universel est la compatibilité avec la notion de statut de la fonction publique. En effet, le passage à un régime en points risquerait de changer la place de la grille indiciaire dans la rémunération des agents et de séparer le montant de pension de cette rémunération indiciaire et du grade atteint durant la carrière.

Lors de son audition en commission d’évaluation des politiques publiques, le ministre de l’action et des comptes publics a confirmé que le statut ne serait pas remis en cause par la réforme des retraites prévue.

2.   Le maintien d’un taux de remplacement effectif proche de 75 %

Le régime de retraite des fonctionnaires de l’État est aujourd’hui un régime intégré qui comprend un régime de base et un régime complémentaire. Cette particularité explique la fixation du taux de liquidation à 75 % pour ce régime. Le passage à un régime par points et l’intégration des primes dans l’assiette de cotisation pour les fonctionnaires de l’État pourrait supprimer la référence au taux de liquidation de 75 % de la rémunération indiciaire. Dans ce nouveau système, le taux de remplacement pourrait varier selon la carrière individuelle de chaque agent.

En 2015, le Conseil d’orientation des retraites avait calculé le taux de remplacement des salariés du secteur privé et des fonctionnaires civils de l’État sur la base du salaire moyen des cinq dernières années de carrière. Malgré le fonctionnement très différent de ces deux régimes, le taux de remplacement est semblable. Pour les salariés du secteur privé, le taux de remplacement est de 75,2 % et de 73,9 % pour les fonctionnaires civils de l’État.

Ainsi, dans le cadre des discussions sur ce projet de réforme, il conviendra donc de trouver une solution qui permette de maintenir un taux de remplacement proche de 75 %, sans réduction du niveau des pensions, afin de préserver le niveau de vie des retraités de la fonction publique.

3.   Le déroulement des carrières administratives et le montant des pensions

La sensibilité du montant de pension au déroulement de la carrière au sein de la fonction publique pose directement la question des carrières administratives et de la progression des agents au sein de leur corps. En effet, dans le régime actuel, une progression tardive en fin de carrière a pour conséquence une hausse immédiate du niveau de pension de retraite. Dans un nouveau régime prenant en compte l’intégralité de la carrière, l’aménagement actuel des carrières correspondant à une progression tardive ne compenserait pas un niveau de cotisation inférieur durant les premières années de carrière.

De ce fait, des dispositifs complémentaires de la réforme des retraites devront assurer des carrières dans la fonction publique plus dynamiques afin d’assurer une progression salariale compatible avec le maintien des niveaux de pension.

4.   L’insertion de la rémunération indemnitaire des fonctionnaires de l’État dans l’assiette de cotisation vieillesse

Dans le régime de retraite actuel de la fonction publique de l’État, les cotisations vieillesse et le salaire de référence ne sont calculés que sur la base de la rémunération indiciaire des agents. Or le passage à un régime universel par points remet en cause cette règle essentielle du régime.

L’intégration des primes dans l’assiette de cotisation assurance vieillesse pourrait compenser partiellement l’effet négatif sur le montant des pensions de retraite de la prise en compte de l’ensemble de la carrière. Cependant, la prise en compte des primes ne garantirait pas une stabilité du montant des pensions pour l’ensemble des fonctionnaires. En effet, le taux de prime dans la rémunération des agents est très variable selon le corps de la fonction publique.

Par exemple, pour les fonctionnaires ayant un faible taux de prime dans leur rémunération, la baisse du taux de remplacement serait plus forte. Le rapport « Les pensions de retraite des fonctionnaires, des évolutions à poursuivre » de la Cour des comptes d’octobre 2016 souligne un impact sensible de la baisse du taux de remplacement dans le cas d’un allongement de la durée de référence à 10 ans avec l’intégration de 10 % du montant des primes dans l’assiette de cotisation pour les professeurs des écoles, corps dont la rémunération indemnitaire est faible. L’impact moyen mesuré pour un professeur des écoles serait une baisse de 3 points du taux de remplacement.

En conséquence, la mise en place d’un régime universel devrait comprendre des correctifs afin de maintenir le niveau de vie des retraités issus des corps ayant un faible niveau de prime. Ces dispositifs devront faire l’objet d’une discussion approfondie avec les syndicats de la fonction publique de l’État comme annoncé par le Gouvernement.

5.   La prise en compte de la pénibilité dans le nouveau régime de retraite

La prise en compte de la pénibilité dans la fonction publique est aujourd’hui assurée par l’intégration de certains corps dans la catégorie active, ce qui permet un départ à la retraite anticipée. Plus de 700 000 fonctionnaires relèvent des catégories actives pour les trois fonctions publiques. Les métiers présentant des risques particuliers, des conditions de travail insalubres ou pénibles, ou imposant des horaires de nuit ou décalés relèvent ainsi de la catégorie active. En 2013, les effectifs de la catégorie active pour la fonction publique de l’État s’élevaient à 156 000 personnes, ce qui représentait 11,8 % des fonctionnaires de l’État.

A contrario, les fonctionnaires ne sont pas éligibles au compte professionnel de prévention qui s’applique dans le secteur privé. Le compte professionnel de prévention a été mis en place par l’ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017 afin d’accorder des droits aux personnes exposées à des facteurs de pénibilité. Dans le système actuel, ce compte professionnel de prévention permet de majorer sa durée d’assurance de huit trimestres maximum. Ce dispositif permet également de bénéficier d’un départ en retraite à 60 ans au lieu de 62 ans.

Étant donné la variété des conditions de travail des fonctionnaires d’État selon leur corps, des dispositifs adéquats de prise en compte de la pénibilité au travail dans le nouveau régime de retraite universel seront nécessaires. La conservation du statut de la catégorie active ou l’application des règles de prise en compte de la pénibilité dans le secteur privé sont des solutions envisageables. Dans un nouveau régime universel, ce type de dispositif pourrait être mis en place par l’attribution de points ou d’euros gratuits sur le compte personnel du fonctionnaire.

Cependant, le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale de l’administration de mars 2016 relevait le retard important de l’administration dans la mise en œuvre des obligations de traçabilité des expositions aux facteurs de pénibilité dans la fonction publique et jugeait prématurée la transposition aux agents publics du compte personnel de prévention de la pénibilité. Le travail sur la prise en compte de la pénibilité pour les fonctionnaires de l’État doit donc être poursuivi.


   travaux de la commission

Lors de sa réunion de 21 heures 30, le mercredi 30 mai 2018, la commission des finances, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, a entendu M. Gérald DARMANIN, ministre de l’action et des comptes publics.

Le compte rendu de cette réunion est disponible sur le site de l’Assemblée nationale.

 

La vidéo de cette réunion peut être consultée sur le site de l’Assemblée nationale.

 

 

 

 

 

 


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   Personnes auditionnées par le rapporteur spécial

M. Jean-Paul Delevoye, haut‑commissaire à la réforme des retraites

Conseil d’orientation des retraites : M. Pierre-Louis Bras, président du COR, M. Emmanuel Bretin, secrétaire général, M. Marco Geraci, chargé de mission, responsable de la veille et de la communication

Cour des comptes : M. Christian Charpy, conseiller maître, M. Yves Guégano, conseiller-maître, M. Daniel Vasseur, conseiller référendaire

Haut comité d’évaluation de la condition militaire : M. Bernard Pêcheur, président du Haut Comité, M. Olivier Maigne, contrôleur général des armées et secrétaire général du Haut Comité

Syndicats de personnels de la fonction publique : CGT Union fédérale des syndicats de l’État : M. Gilles Oberrieder, conseiller confédéral retraite, M. Christophe Prudhomme, administrateur de l’Ircantec. Solidaires Fonction publique : Mme Evelyne Ngo, déléguée adjointe fonction publique, M. René Dassonville, membre de la coordination Solidaires fonction publique. Fédération syndicale unitaire : Mme Bernadette Groison, secrétaire générale FSU, M. Benoît Teste, secrétaire national, M. Erick Staëlen, représentant au Conseil d’orientation des retraites. Union nationale des syndicats autonomes : M. Luc Farré, secrétaire général de l’UNSA Fonction publique, M. Gilles Frostin, conseiller national

Direction générale du Budget : Mme Sophie Mantel, cheffe de service et adjointe à la directrice du Budget, M. Philippe Briard, chef du Bureau des retraites et des régimes spéciaux, M. Florent Uro, membre du Bureau des retraites et des régimes spéciaux, M. Jérôme Charasse, membre du Bureau des retraites et des régimes spéciaux

Direction générale des Finances publiques : M. Alain Piau, directeur du service des retraites de l’État, M. Philippe Chataignon, chef du Bureau financier et statistiques, Service des retraites de l’État


([1]) Aux termes de l’article R. 711-1 du code de la sécurité sociale, sont considérés comme des régimes spéciaux de retraite : les régimes des trois fonctions publiques, des marins, des mines, de la SNCF, de la RATP, des chemins de fer d'intérêt général secondaire et d'intérêt local, des industries électriques et gazières, de la Banque de France, de la Comédie française et de l’Opéra de Paris.