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N° 1055

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 juin 2018

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2017 (n° 980),

 

PAR M. Joël GIRAUD,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 9
 

 

COHÉSION DES TERRITOIRES :

 

POLITIQUE DES TERRITOIRES

 

 

 

 

Rapporteur spécial : M. Mohamed LAQHILA

 

Député

____

 

 


—  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

I. Une exécution 2017 marquée par les économies budgétaires

A. Une mission fortement affectée par les mesures de régulation budgétaire

1. Une contribution de la mission aux annulations de crédits sans précédent

2. Un taux d’exécution en baisse

B. Un poids des dépenses fiscales toujours considérable au sein de la mission

C. Une Évolution des dépenses maÎtrisÉe

II. Focus : un nécessaire renforcement de l’efficacité des dispositifs de promotion de l’emploi dans la politique des territoires

A. Une évaluation complexe mais perfectible des dispositifs de promotion de l’emploi

1. Des dispositifs qui font l’objet de cofinancements et d’objectifs multiples dans le programme 112 Politique des territoires

a. Les pôles de compétitivité, un dispositif favorisant l’innovation et la compétitivité

b. Business France, une agence principalement financée par la mission Économie

c. L’emploi, une priorité transversale aux contrats de plan État-régions

2. Des dispositifs qui interviennent en complément des crédits de droit commun dans le programme 147 Politique de la ville

3. Un renforcement nécessaire de l’évaluation des zones franches urbaines

B. Une revalorisation indispensable de la prime d’aménagement du territoire

Travaux de la commission

Personnes auditionnÉEs par le rapporteur spÉcial

La mission Politique des territoires a pour objet, selon le rapport annuel de performances, de « contribuer au développement durable des territoires dans une perspective de développement solidaire et équilibré ». Elle comprend les programmes 112 Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire, 162 Interventions territoriales de l’État et 147 Politique de la ville.

I.   Une exécution 2017 marquée par les économies budgétaires

Les crédits consommés en 2017 s’élèvent à 732,3 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 630,6 millions d’euros en crédits de paiement (CP). Ils sont inférieurs de 29 % en AE et 14 % en CP à la prévision de la loi de finances initiale (LFI).  

Exécution de la mission Politique des territoires

(en millions d’euros)

 

Exécution 2016

LFI 2017(1)

Exécution 2017

Évolution 2016-2017

Exécution/
prévision

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Programme 112

169,9

223

462,8

258,0

322,6

214,9

+ 90 %

– 4 %

– 30%

– 16,7 %

Programme 162

38,6

36,3

52,7

49,3

43,3

47,1

+ 12 %

+ 30 %

– 18%

– 4 %

Programme 147

389,6

390,7

514,7

429,7

366,4

368,6

– 6 %

– 6 %

– 29%

– 14 %

Total

598,1

650

1 030,2

737

732,4

630,6

+ 22 %

– 3 %

– 29 %

– 14 %

Source : commission des finances, d’après les données du rapport annuel de performances.

() Y compris prévisions de fonds de concours et attributions de produits.

 

 

 

 

A.   Une mission fortement affectée par les mesures de régulation budgétaire

1.   Une contribution de la mission aux annulations de crédits sans précédent

Les différents mouvements de crédits intervenus en cours d’année, hors lois de finances rectificatives, fonds de concours et attribution de produits, ont réduit les crédits disponibles de la mission de 213 millions d’euros en AE et de plus de 31 millions d’euros en CP.  La contribution de la mission aux annulations de crédits est d’une ampleur sans précédent : les annulations ont représenté 222,8 millions d’euros en AE et 46,6 millions d’euros en CP, ce qui représente près d’un quart des AE et 13 % des CP ouverts en LFI (en 2016, elles représentaient 8 % des AE et 9 % des CP).

Ces annulations ont été effectuées essentiellement par le décret d’avance n° 2017-1182 du 20 juillet 2017. Elles ont excédé le montant de crédits mis en réserve et donc contraint le responsable de programme à réorganiser sa gestion au milieu de l’année.

Récapitulation des mouvements de crédits

(en millions d’euros)

 

Programme 112

Programme 162

Programme 147

Mission

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

LFI

452,1

247,3

29,9

29,3

514,4

429,4

996,4

705,9

LFR

– 0,3

– 0,3

 

 

 

 

– 0,3

– 0,3

Total des mouvements de crédit(1) dont :

– 93,7

– 22,5

39,3

64,0

 – 158,7

– 72,6

– 213,1

– 31,1

reports

2,7

2,8

21,0

25,6

1,9

3,0

25,6

31,4

virements

 0,2

 0,2

 

 

 0,2

 0,2

 0,4

 0,4

transferts

0,1

0,1

0,4

0,4

 16,0

 16,0

 15,5

 15,5

décrets d'avance

 96,3

 25,2

17,9

38,0

– 144,4

– 59,4

 222,8

 46,6

Fonds de concours et attribution de produits

7,3

7,3

0

20,0

0,3

0,3

7,6

27,6

Total crédits ouverts

355,8

222,0

47,8

67,2

369,9

369,9

773,5

659,2

Crédits consommés

322,6

214,9

43,3

47,1

366,4

368,6

732,4

630,6

Consommation des crédits ouverts

91 %

97 %

91 %

70 %

99 %

99,6 %

74 %

89 %

() Hors fonds de concours et attribution de produits.

Source : commission des finances, d’après les données du rapport annuel de performances.

 

Le programme 112 a été affecté massivement par les annulations de crédit, ce qui l’a conduit à annuler intégralement sa réserve de précaution (constituée l’origine à 0,5 % des crédits ouverts titre 2 et 8 % hors titre 2 soit 34,2 millions d’euros en AE et 17,8 millions d’euros hors titre 2). L’ensemble des actions du programme a ensuite été affecté par ces annulations.

Le programme 147 a été affecté par une annulation d’un quart de ses AE. L’effort a principalement porté sur le financement de l’ANRU, puisque l’État a annulé l’intégralité des crédits prévus pour financement du Nouveau Programme National de Renouvellement Urbain (NPNRU) en 2017 (100 millions d’euros en AE et 15 millions en CP). Le retour de la participation de l’État dans le financement de la rénovation urbaine a donc été retardé, même si l’impact sur l’avancée du projet est limité puisque l’année 2017, comme le précise la Cour des Comptes, a essentiellement été consacrée à la réalisation d’études, ce qui pose la question d’une éventuelle surbudgétisation ([1]) ([2]). Les crédits d’intervention de la politique de la ville ont également été diminués à hauteur de 27 millions d’euros.

En outre, l’exécution du programme 147 a été marquée par une modification importante de l’estimation du montant de la compensation due au titre des exonérations de charges sociales accordées dans le cadre du dispositif des Zones Franches Urbaines (ZFU). Le responsable de programme a donc décidé de redéployer 7 millions d’euros de la ligne des contrats de ville vers celle dédiées aux exonérations de ZFU pour limiter la dette de l’État envers l’ACOSS. Cette dette s’élèverait à 36,3 millions d’euros fin 2017 d’après les estimations prévisionnelles ([3]).

2.   Un taux d’exécution en baisse

Du fait de ces fortes annulations, le niveau d’exécution des crédits a fortement chuté par rapport à 2016 : il a été de 74 % seulement pour les AE et de 86 % pour les CP contre 86 % pour les AE et 89 % pour les CP en 2016.

Les restes à payer du programme 112 sont en hausse de 26,6 % par rapport à 2016 (516,5 millions d’euros) mais cette augmentation s’explique par la mise en place de deux nouveaux dispositifs en 2017 (les contrats de ruralité et les pactes État-métropoles), ce qui a nécessité l’ouverture et la consommation et de montants importants d’AE. Si l’on fait abstraction de ces modifications de périmètre, les restes à payer sont en nette diminution, notamment ceux sur les CPER (-7 %).

 

Un point d’attention doit être porté sur le taux d’exécution en CP du programme 162 (de 70 % seulement) malgré une amélioration de ce taux (64 % en AE et 59 % en CP en 2016). L’exécution des crédits a été affectée, comme en 2016, par un rattachement trop tardif du fonds de concours versé par l’AFITF au financement du Programme exceptionnel d’Investissement (PEI) Corse pour permettre la consommation des crédits concernés. En outre, le niveau des restes à payer du PEI Corse (197,2 millions d’euros) est toujours élevé en 2017. La sous-consommation des crédits engagés a conduit le gouvernement à présenter un amendement en commission des affaires économiques, le 19 mai 2018, afin de prolonger de deux ans la durée du PEI Corse ([4]).

B.   Un poids des dépenses fiscales toujours considérable au sein de la mission

Le montant des dépenses fiscales est évalué dans le PAP 2018 à 903 millions d’euros pour l’année 2017, en baisse par rapport à 2016 (917 millions d’euros). Ce montant reste cependant très élevé qu’il est supérieur à celui des CP ouverts en LFI.

Ces dépenses fiscales représentent 466 millions d’euros pour le programme 112, soit près du double des CP ouverts en LFI. Elles connaissent de plus une tendance particulièrement dynamique à la hausse (+ 5 % par rapport à 2016).

Outre les exonérations accordées aux entreprises créées dans les zones de revitalisation rurale ou les zones d’aide à finalité régionale, les dispositifs les plus coûteux concernent la Corse : taux particuliers de TVA (175 millions d’euros), crédit d’impôt pour l’investissement (54 millions d’euros) et exonération temporaire des mutations par décès portant sur des immeubles ou des droits immobiliers. Une fois de plus, la Cour des comptes recommande d’évaluer la pertinence des dépenses fiscales en faveur de la Corse ([5]).

Les dépenses fiscales liées à la politique de la ville représentent 475 millions d’euros. Elles sont donc supérieures aux crédits d’intervention du programme et portent sur 14 dispositifs dont deux représentent 70 % des dépenses : les exonérations pour les entreprises implantées en ZFU-territoires entrepreneurs (196 millions d’euros) et le taux réduit de TVA à 5,5 % pour l’accession sociale dans les quartiers prioritaires (140 millions d’euros). Ces deux dépenses sont en augmentation par rapport à 2016 : + 4 millions d’euros pour l’exonération en ZFU et + 20 millions d’euros pour le taux de TVA réduit dont le périmètre a été élargi par l’article 30 de la LFI pour 2017 ([6]).

C.   Une Évolution des dépenses maÎtrisÉe

La consommation des AE est en hausse de 22 % par rapport à 2016 et celle des CP est en baisse de 3 %. Le montant des AE ouverts était en très forte hausse par rapport à 2016 (+ 51 %), principalement du fait de la hausse des crédits alloués au programme 112, et celui des CP était stable.

La forte hausse de la consommation des AE par rapports à 2016 sur le programme 112 (+ 90 %) est liée à la mise en place de deux nouveaux dispositifs (contrats de ruralités et pactes État-métropoles). Ces dispositifs, financés par le Fonds de soutien à l’investissement local (FSIL) bénéficient d’importants transferts en provenance du programme 119 Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements de la mission Relations avec les collectivités territoriales (216 millions d’euros en AE et 30 millions d’euros en CP pour les contrats de ruralité et 20 millions d’euros en AE et 2,8 millions d’euros en CP pour le pacte État-métropoles). Les dépenses liées à ces deux nouveaux dispositifs ont été engagées en 2017 : la LFI pour 2018 ouvre donc un montant beaucoup plus limité d’AE sur le programme (194,3 millions d’euros).

Le programme 147 est le seul programme de la mission dont la dépense diminue à la fois en AE et en CP (– 6 %) malgré des crédits ouverts en LFI pour 2017 en augmentation par rapport à 2016.

Comme les années précédentes, la programmation 2017 a été très fortement contrainte par les restes à payer des années antérieures pour les programmes 112 et 162. Sur le programme 162 Interventions territoriales de l’État (PITE), les restes à payer représentaient 79 % des crédits ouverts en LFI.


II.   Focus : un nécessaire renforcement de l’efficacité des dispositifs de promotion de l’emploi dans la politique des territoires

Le rapporteur spécial a souhaité faire porter ses travaux d’évaluation dans le cadre du projet de loi de règlement pour 2017 sur les dispositifs de promotion de l’emploi dans la politique des territoires et la politique de la ville. Son objectif était simple : relever le nombre d’emplois créés grâce à ces dispositifs afin d’en évaluer efficacité.

Il s’est rapidement heurté aux difficultés méthodologiques qui entourent l’évaluation de ces dispositifs. Déterminer le nombre d’emplois créés par dispositif s’avère complexe pour la plupart des politiques publiques menées. Elles nécessitent en particulier la systématisation de la remontée de l’information et des crédits supplémentaires dédiés.

De plus, le rapporteur s’est particulièrement intéressé au dispositif de la prime d’aménagement du territoire, qui lui est apparu comme un dispositif bien évalué et efficace en termes de création d’emplois. Il propose donc de revaloriser le montant des crédits qui lui sont alloués.

A.   Une évaluation complexe mais perfectible des dispositifs de promotion de l’emploi

Les effets des dispositifs de promotion de l’emploi sont difficiles à évaluer d’un point de vue méthodologique. En effet, ils ont bien souvent des objectifs plus larges que la création ou le soutien à l’emploi. Il est donc difficile d’isoler les effets sur l’emploi des autres effets plus globaux sur l’attractivité d’un territoire ou sur l’innovation par exemple.

De plus, le commissariat général à l’égalité des territoires, qui est chargé de concevoir, mettre en œuvre et assurer le suivi de la politique nationale d’égalité des territoires, ne finance qu’une partie de ces dispositifs.

 

Exécution des crédits finançant des dispositifs de promotion de l’emploi

(en millions d’euros)

 

Exécution 2016

LFI 2017

Exécution 2017

Évolution 2016-2017

Exécution/
prévision

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Contrats de plan État-Région rattachés à l’attractivité économique et la compétitivité des territoires

33,5

26,2

36,8

30,1

24,8

26,6

– 26 %

2 %

– 33 %

– 12 %

Prime d’Aménagement du territoire

13,5

21,3

20

19

18,2

17,7

35 %

– 17 %

– 9 %

– 7 %

 Pôles de compétitivité

2,5

2,6

2,5

2,5

2,5

2,5

0 %

– 4 %

0 %

0 %

Plan d’accompagnement des territoires confrontés à la fermeture d’installations militaires

11,6

8,3

6

12

2,1

5,5

– 82 %

– 34 %

– 65 %

– 54 %

Subvention pour charge de service public versée à Business France

6,1

6,8

6

6

5,8

5,8

– 5 %

– 15 %

– 3 %

– 3 %

Total programme 112

67,2

65,2

71,3

69,6

53,4

58,1

– 21 %

– 11 %

– 25 %

– 17 %

EPIDe

25

25

28,9

28,9

25,3

25,3

1%

1%

– 12%

– 12%

Compensation des exonérations de cotisations sociales en ZFU

42,1

42,1

26,7

26,7

41,5

41,5

– 1 %

– 1 %

55 %

55 %

Pilier emploi et développement économique

40,6

40,6

48,6

48,6

35,9

35,9

– 12 %

– 12 %

– 26 %

– 26 %

Total programme 147

107,7

107,7

104,2

104,2

102,7

102,7

– 5 %

–5 %

– 1,5 %

 1,5 %

Total

174,9

172,9

175,5

173,8

156,1

160,8

– 11 %

– 7 %

– 11 %

– 7 %

Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires.


1.   Des dispositifs qui font l’objet de cofinancements et d’objectifs multiples dans le programme 112 Politique des territoires

a.   Les pôles de compétitivité, un dispositif favorisant l’innovation et la compétitivité

Créés en 2005, les pôles de compétitivité français ont pour objectif principal l’accroissement de la compétitivité de l’économie française par l’innovation. Actuellement en fin de troisième phase, ce dispositif a aussi vocation à générer des emplois, notamment dans la recherche et le développement.

Les pôles de compétitivité ne sont financés qu’à hauteur de 2,5 millions d’euros par le CGET ([7]) via le Fonds unique interministériel. Ces 2,5 millions sont répartis entre 17 pôles de compétitivité et 9 régions.

Plusieurs évaluations ont été menées sans qu’il soit possible d’isoler les effets précis des crédits versés par le CGET. Les évaluations portent en effet sur des effets macroéconomiques. La dernière en date réalisée par France Stratégie en 2017 estimait par exemple à 5,9 personnes supplémentaires embauchées en moyenne par les entreprises adhérant aux pôles de compétitivité en 2012.

Une évaluation est actuellement menée conjointement par le CGET et France Stratégie  sur les impacts économiques et territoriaux des pôles de compétitivité. Les premières constatations montrent qu’environ deux emplois supplémentaires sont créés dans les entreprises de moins de 250 salariés après adhésion à un pôle ce qui représente entre 25 000 et 35 000 emplois directs créés entre 2005 et 2013 (pour 15 000 établissements concernés).

 

Si les méthodologies utilisées lors des études d’impact successives se sont affinées, il n’est toujours pas possible en l’état d’effectuer une évaluation annuelle des créations d’emplois en raison d’une remontée d’information insuffisante des pôles et des entreprises. Ainsi, il serait pertinent, afin d’avoir une meilleure lisibilité sur cette politique publique, de systématiser le recueil des données auprès des pôles et des entreprises. Elle ne serait cependant pas suffisante puisqu’il faudrait ensuite isoler les effets de ce dispositif d’autres dispositifs d’aide à l’innovation qui ont eu un impact sur la création d’emplois.

b.   Business France, une agence principalement financée par la mission Économie

La même problématique se pose concernant les crédits attribués à Business France. Si l’objectif principal de sa branche « Invest » est bien d’attirer les investisseurs étrangers et donc de créer des emplois, Business France participe aussi à l’internationalisation de nos entreprises et la promotion de l’image de la France à l’international. D’après le rapport d’activité de l’entreprise, 33 489 emplois ont été créés ou maintenus en 2017 grâce à son action.

Le programme 112 n’a financé que 5,8 millions d’euros des crédits consommés au titre de la subvention versée pour charge de service public à Business France contre les 92,1 millions d’euros financés par le programme 134 de la mission Économie.

c.   L’emploi, une priorité transversale aux contrats de plan État-régions

Les contrats de plan État-Région (CPER) comportent un pilier rattaché à l’attractivité économique et à la compétitivité des territoires à hauteur de 26,6 millions d’euros en crédits de paiements exécutés en 2017. L’emploi est une priorité transversale aux CPER qui ont une double finalité par le financement d’une part des opérations nouvelles sur le territoire (notamment dans le domaine des infrastructures de transports et du BTP, secteurs pourvoyeurs d’emplois) et d’autre part, à plus long terme, le développement de l’emploi par le renforcement de l’attractivité des territoires et le soutien aux territoires les plus fragiles.

En 2016, le CGET a essayé d’estimer le nombre d’emplois créés par les CPER 2007-2014 à partir d’un échantillon d’opérations. Il a conclu à la création de 155 000 emplois temporaires entre 2007 et 2014 mais a été dans l’incapacité d’évaluer le nombre d’emplois durablement créés.

De plus, une partie du soutien à l’emploi via les CPER est aussi financée par le programme 103 de la mission Travail et Emploi.

2.   Des dispositifs qui interviennent en complément des crédits de droit commun dans le programme 147 Politique de la ville

Les crédits budgétaires du budget général de l’État pour promouvoir l’emploi dans les quartiers prioritaires sont d’abord ceux pilotés par le Ministère du Travail et mobilisés par le service public de l’emploi. Les dispositifs de promotion de l’emploi du programme 147 interviennent principalement en complément des crédits de droit commun mobilisés par le Ministère du Travail.

C’est notamment le cas des actions développées dans le cadre du volet développement économique, emploi et soutien entrepreneurial financé par la mission Cohésion des territoires à hauteur de 33,1 millions d’euros.

Les établissements publics d’insertion de la défense (EPIDE) ne sont financés qu’à hauteur 25,3 millions d’euros par le Ministère de la Cohésion des territoires, ce qui représente un tiers de la dotation de l’État à cet établissement. Leurs résultats font l’objet d’une évaluation annuelle : en 2017 parmi les 3 407 jeunes passés par les EPIDe, 48 % ont été insérés durablement avec une formation ou un contrat de travail. Cependant, seulement 29 % étaient issus des QPV.

Les écoles de la deuxième chance font l’objet d’un financement à hauteur de 2,8 millions d’euros. En 2017, 4 664 jeunes, dont 30 % résidant en QPV, ont été accompagnés. 61 % d’entre eux ont trouvé un emploi ou une formation à l’issue de leur parcours.

Le dispositif des emplois francs, dont l’expérimentation a été lancée en 2018, est quant à lui entièrement pris en charge par le Ministère du Travail. Il permet aux entreprises de bénéficier d’une prime pour l’embauche d’un demandeur d’emploi résidant dans un quartier prioritaire de la politique de la ville retenu dans l’expérimentation. 15 000 euros sont versés pour une embauche en CDI pendant 3 ans à hauteur de 5 000 euros par an et 2 500 euros sont versés par an pendant deux ans pour une embauche en CDD d’au moins 6 mois. Une enveloppe de 11,7 millions d’euros en CP et 180 millions d’euros en AE a été attribuée à ce programme, uniquement pour 2018.

3.   Un renforcement nécessaire de l’évaluation des zones franches urbaines

Le dispositif zones franches urbaines a été créé par la loi du 14 novembre 1996 pour redynamiser des quartiers de la politique de la ville présentant un cumul de difficultés particulièrement marqué. L’objectif était principalement de maintenir ou de créer des emplois au niveau local et d’ouvrir les quartiers sur l’extérieur. Il prévoyait des exonérations fiscales (exonérations d’impôt sur les bénéfices et d’impôts locaux) et de cotisations sociales dont pouvaient bénéficier les entreprises qui se créent ou s’implantent dans une des 100 zones franches urbaines.

Ce dispositif a été réformé par la loi de finances rectificative pour 2014 en « ZFU-Territoires entrepreneurs ». Il ne repose désormais plus que sur une exonération d’impôt sur les bénéfices. Depuis le 1er janvier 2015 et jusqu’au 31 décembre 2020, dans les 100 ZFU-TE, les entreprises qui s’y créent ou s’y implantent peuvent bénéficier de cette exonération pendant les 8 ans qui suivent le début de l’activité. De plus, une clause d’embauche locale renforcée a été ajoutée.

Cependant, le Ministère de la Cohésion doit toujours supporter le coût de la compensation des exonérations de cotisations sociales en zones franches urbaines.

L’évaluation insuffisante de ce dispositif tient principalement à deux facteurs :

– d’une part, le montant estimé des compensations est évalué de manière approximative au moment des prévisions faites par l’Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale (ACOSS) et qui sont fournies au ministère. Cela conduit à des hausses régulières du montant de la compensation due en cours d’année, soit une augmentation de 15 millions d’euros (+ 55 %) entre la prévision de 26,7 millions d’euros en LFI pour 2017 son exécution (41,5 millions d’euros), difficile à supporter pour un programme aux moyens limités. Le rapporteur spécial attire l’attention sur l’importance de mettre en place une véritable estimation prévisionnelle du montant de la compensation afin d’éviter les mouvements de crédits, difficiles à gérer pour le responsable de programme ;

– d’autre part, les études statistiques indépendantes basées sur une véritable méthodologie scientifique pour évaluer le nombre d’emplois créés grâce à ces zones franches urbaines sont insuffisantes. Une évaluation réalisée à ce titre par une équipe de chercheurs en 2012 ([8]) a mis en avant l’impact limité de ce dispositif pour la période 1993-2003 en région parisienne : le taux de retour à l’emploi des chômeurs n’a été que de 3 % et cet effet était localisé et significatif uniquement à court terme. Ils estiment cependant que le deuxième programme des ZFU lancé en 2004 n’a pas eu d’effet significatif sur le retour à l’emploi. Une étude de l’INSEE ([9]) publiée en mars 2012 évalue les emplois créés par les ZFU de première génération entre 41 000 et 57 000 emplois mais souligne le manque d’impact des ZFU de deuxième génération (rôle crise qui ralentit le développement).

De nouvelles évaluations sont nécessaires pour actualiser ces données et évaluer la pertinence réelle de ces zones franches urbaines, notamment du dispositif ZFU-territoires entrepreneurs. Des crédits pour l’évaluation de cette politique publique coûteuse pourraient donc y être consacrés.


B.   Une revalorisation indispensable de la prime d’aménagement du territoire

Créée par le décret n° 82-379 du 6 mai 1982 relatif à la prime d’aménagement du territoire (PAT), la PAT est un dispositif dont l’objectif est de soutenir la création d’emplois durables et le développement d’activités économiques dans certaines zones prioritaires du territoire national dont le périmètre est établi par la Commission européenne. Le décret n° 2014-1056 du 16 septembre 2014 relatif à la prime d’aménagement du territoire pour l’industrie et les services institue un dispositif réformé pour la période 2014-2020.

La prime d’aménagement du territoire est une aide directe à l’investissement attribuée par le Ministère de la Cohésion des territoires, de 15 000 euros maximum par emploi créé. Elle est accordée selon des critères d’éligibilité liés aux types de projets, à la taille de l’entreprise, aux conditions socio-économiques et au respect de seuils d’emploi et d’investissement.

Critère d’éligibilité à la PAT (pour les entreprises situées en zone AFR)

 

Type de projet

 

PME

Grande entreprise

Conditions et seuils

Création d’établissement

Éligible

Éligible

– Création de 20 emplois nets

– 3 millions d’euros d’investissements

Extension des capacités d’un établissement ou changement fondamental du processus de production

Éligible

Non éligible

Soit :

– Création de 20 emplois nets (représentant au moins 50 % de l’effectif) et 3 millions d’euros d’investissements

– Création de 40 emplois nets et 3 millions d’euros d’investissements

– 10 millions d’euros d’investissements

Diversification de l’activité

Éligible

Éligible (pour activité ni identique ni similaire)

Soit :

– Création de 20 emplois nets (représentant au moins 50 % de l’effectif) et 3 millions d’euros d’investissements

– Création de 40 emplois nets et 3 millions d’euros d’investissements

– 10 millions d’euros d’investissements

Acquisition d’actifs (reprise)

Éligible

Éligible (pour activité ni identique ni similaire)

– Situation de l’emploi très dégradée

– Rétablissement durable et structurel de la compétitivité de l’entreprise

– Maintien significatif de l’emploi dans l’entreprise

– Reprise de 50 emplois et 3 millions d’euros d’investissements

Source : ministère de la Cohésion des territoires, plaquette de présentation de la Prime d’aménagement du territoire.

Les effets en ont été évalués et sont très positifs : en 2017, 38 projets ont reçu une prime d’aménagement du territoire ; ce qui représente 23,4 millions d’euros, près de 6 400 emplois soutenus, dont 2 500 créations d’emplois, et 467 millions d’euros d’investissements. Parmi les 23,4 millions d’euros engagés, 4,9 millions ont dû être engagés en 2018 du fait du manque de crédits disponibles. Le coût par emploi soutenu sur l’année 2017 de ce dispositif représente donc environ 2 900 euros. En région PACA, 2 projets ont été primés permettant de soutenir la création de 105 emplois et 11 millions d’euros d’investissements.

L’évaluation à mi-parcours de la PAT, réalisée par Ernst & Young (EY) et publiée en décembre 2017, a mis en avant l’effet positif de cette subvention sur l’emploi et l’investissement. L’octroi d’une PAT a un véritable effet incitatif sur la décision d’investissement de l’entreprise en particulier pour les PME.


Cependant, cette évaluation a aussi pointé le manque de moyens de ce dispositif et l’absence de doctrine d’intervention du fait d’un positionnement stratégique trop large, ce qui en limite l’impact véritable en termes d’attractivité du territoire.

En effet, le dispositif connaît une diminution régulière de son enveloppe budgétaire et donc du nombre de projets soutenus. En 2017, la PAT a été abondée à hauteur de 18,2 millions d’euros en AE contre 36,7 millions d’euros en 2013 soit une division par deux du montant des crédits alloués à cette politique.

Lors du PLF pour 2018, le gouvernement avait prévu de diminuer encore le montant des crédits alloués à la PAT et prévoyait une enveloppe de seulement 10 millions d’euros. À l’issue de sa discussion devant les assemblées, un abondement à hauteur de 5 millions d’euros supplémentaires a finalement été adopté lors des discussions au Parlement. Ces crédits restent toutefois insuffisants pour financer les projets examinés par la Commission interministérielle d’aide à la localisation des activités prévue pour l’automne.

 

Ainsi, EY recommande d’augmenter fortement la dotation à destination de la PAT. A minima, il serait nécessaire de revenir à un budget de 30 à 40 millions d’euros afin de soutenir les grands projets mettant en concurrence la France avec d’autres sites et le soutien des petits investissements. Avec un budget de 60 à 100 millions d’euros, le dispositif remplirait le double objectif de cohésion et d’attractivité qui lui était initialement assigné.

 

Le rapporteur spécial émet donc plusieurs recommandations concernant la prime d’aménagement du territoire :

– Il encourage le Gouvernement à engager une véritable réflexion sur l’avenir de ce dispositif qui devra reposer sur une doctrine stratégique clarifiée.

– Il estime qu’une augmentation substantielle du montant des crédits alloués à la prime d’aménagement du territoire à hauteur d’au moins 60 millions d’euros est souhaitable afin d’atteindre le double objectif de cohésion et d’attractivité qui lui était initialement assigné.

– Il souhaite que cette enveloppe budgétaire soit sanctuarisée pour une meilleure lisibilité et stabilité du dispositif. 

 


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   Travaux de la commission

Lors de sa réunion de 8 heures 30, le mardi 12 juin 2018, la commission des finances, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, a entendu M. Julien DENORMANDIE, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires.

Le compte rendu de cette réunion est disponible sur le site de l’Assemblée nationale.

La vidéo de cette réunion peut être consultée sur le site de l'Assemblée nationale.

 

 

 

 

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   Personnes auditionnÉEs par le rapporteur spÉcial

Commissariat général à l’égalité des territoires, direction du développement des capacités des territoires : M. Charles-Louis MOLGO, sousdirecteur des mutations économiques, de l’emploi et de l’innovation et M. Étienne KALALO, adjoint au sous-directeur des mutations économiques, de l’emploi et de l’innovation

Commissariat général à l’égalité des territoires, direction de la ville et de la cohésion urbaine : Mme Anaïs BREAUD, sous–directrice du renouvellement urbain, du développement économique et de l’emploi et Mme Sabine THIBAUD, cheffe du bureau du développement économique et de l’emploi

 


([1])  Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2017, Politique des territoires

([2])  Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2017, p. 29.

([3])  Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2017, p. 29.

([4])  Amendement CE2716 du gouvernement adopté en commission en première lecture du projet de loi Logement et urbanisme : évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN).

([5]) Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2017, p. 52.

([6])  Le bénéfice de la TVA à taux réduit a été étendu de 300 à 500 mètres autour des QPV concernés par le NPNRU.

([7])  Sur un total d’environ 80 millions du FUI (programme 192) auxquels il faut ajouter un financement de 15 millions du programme 134 et des financements de 250 millions d’euros répartis sur plusieurs années d’un Programme d’Investissement d’Avenir : il est très complexe d’évaluer l’ensemble des crédits alloués à cette politique.

([8])  CEPREMAP, L’effet des Zones Franches Urbaines sur le Retour à l’Emploi, octobre 2017.

([9])  « Les zones franches urbaines : quel effet sur l’activité économique ? » ; INSEE Analyses n°4.