N° 1185

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 juillet 2018

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE sur légal accès aux soins des Français sur l’ensemble du territoire et sur l’efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale
en milieu rural et urbain,

 

TOME I
RAPPORT

 

Président

M. Alexandre FRESCHI

 

Rapporteur

M. Philippe VIGIER

 

Députés

 

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 Voir les numéros : 673 et 733


La commission d’enquête sur l’égal accès aux soins des Français sur l’ensemble du territoire et sur l’efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieu rural et urbain, est composée de : M. Didier Baichère, Mme Valérie Beauvais, Mme Gisèle Biémouret, Mme Josiane Corneloup, M. JeanPierre Cubertafon, M. Marc Delatte, Mme Jacqueline Dubois, M. Jean-Paul Dufrègne, Mme Caroline Fiat, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, Mme Pascale Fontenel-Personne, M. Alexandre Freschi, M. Guillaume Garot, M. Éric Girardin, M. Jean-Carles Grelier, Mme Nadia Hai, M. Cyrille Isaac-Sibille, M. Jean-Michel Jacques, M. Christophe Lejeune, M. Thomas Mesnier, Mme Monica Michel, M. Bernard Perrut, Mme Stéphanie Rist, Mme Mireille Robert, M. Vincent Rolland, M. Stéphane Testé, M. Jean-Louis Touraine, Mme Nicole Trisse, et M. Philippe Vigier.

 

 

 


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   SOMMAIRE

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Pages

SOMMAIRE

Avant-propos du président

Introduction

Première partie : Des difficultÉs d’accÈs aux soins qui s’aggravent sur l’ensemble du territoire

I. Des mÉdecins en nombre insuffisant et diversementpartis sur le territoire

A. Une Évolution rÉcente du nombre de mÉdecins qui ne permet pLus de rÉpondre À des besoins de santÉ grandissants

1. Un défaut d’anticipation des mutations de la demande et de l’offre de soins

a. Un numerus clausus inadapté aux besoins de santé de la population et de plus en plus contourné par des médecins formés à l’étranger

b. La baisse du temps médical disponible

c. Un décalage entre l’offre et la demande de soins qui devrait s’accentuer jusqu’en 2025-2030

2. Une pénurie de médecins dans le secteur libéral, mais aussi dans le secteur hospitalier

a. Le déclin de l’exercice libéral au profit du salariat

b. Une pénurie qui n’épargne pas l’hôpital où les services d’urgence sont de plus en plus engorgés

B. Des INÉgalitÉs de rÉpartition plus accentuÉes pour les mÉdecins spÉcialistes que pour les MÉdecins gÉnÉralistes

1. Des médecins généralistes en sous-effectif au regard des besoins de santé

2. Des médecins spécialistes en nombre insuffisant et très inégalement répartis sur le territoire

C. L’Échec des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la dÉsertification mÉdicale en milieux rural et urbain

1. L’absence de visibilité sur les aides des collectivités territoriales

2. Le bilan très mitigé des aides fiscales

3. L’impact quasi-nul et les effets d’aubaine des aides conventionnelles à l’installation

4. Le bilan très modeste des aides contractuelles à l’installation sous forme de garantie de revenu

a. Le contrat de praticien territorial de médecine générale (PTMG)

b. Le contrat de praticien territorial de médecine ambulatoire (PTMA)

c. Le contrat de praticien territorial médical de remplacement (PTMR)

5. La montée en charge poussive du contrat d’engagement de service public (CESP)

6. L’absence persistante de dispositif de régulation pour les médecins

II. Des difficultés d’accÈs aux soins moins marquÉes pour les autres professionnels de santÉ

A. Des professions à la dÉmographie dynamique et au sein desquelles l’exercice libÉral reste attractif

1. Les autres professions médicales

a. Le cas particulier des chirurgiens-dentistes : des effectifs stables depuis quinze ans, notamment du fait d’un afflux important de diplômés à l’étranger

b. Les sages-femmes, une démographie très dynamique

2. Les pharmaciens, des effectifs en croissance légère mais régulière

3. Les auxiliaires médicaux

a. Les infirmiers, profession de santé la plus nombreuse en France, aujourd’hui à son maximum historique

b. Les professionnels de la rééducation : une démographie en forte croissance, soutenue par les diplômés formés à l’étranger

B. Des disparités territoriales compensées par des mesures de régulation démographique

1. Des mesures incitatives pour la plupart des professionnels de santé

2. Une régulation stricte des installations

a. Les pharmacies d’officines : des ouvertures strictement réglementées

b. Le conventionnement sélectif déjà applicable aux sages-femmes, aux infirmiers et aux masseurs-kinésithérapeutes

seconde partie : Des propositions de court, moyen et long termes pour améliorer l’accÈs aux soins sur l’ensemble du territoire

I. Décloisonner notre systÈme de santÉ

A. La coopération entre professionnels de santé, publics comme privés, une urgence pour optimiser le temps médical et améliorer la qualité des soins

1. Sortir d’un système médico-centré et faire une vraie place à tous les professionnels de santé

a. Utiliser et valoriser pleinement les compétences qui existent déjà

b. Développer les coopérations pluri professionnelles

c. Étendre les compétences des professionnels de santé

2. L’exercice coordonné, indispensable pour optimiser le temps médical

a. Encourager l’exercice regroupé

b. Privilégier des outils de coordination souples, à l’image des Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS)

B. Le développement de la télémédecine, un espoir exceptionnel

1. Donner une place privilégiée à la télémédecine dans la régulation des soins non programmés, grâce à la mise en place d’un numéro unique de santé

2. Développer une nomenclature valorisant et précisant le rôle des professionnels de santé non médicaux dans la télémédecine

C. Faire sauter les verrous entre ville et Hôpital, public et privé

1. Des Groupements hospitaliers de territoire (GHT) aux Groupements de santé de territoire (GST)

2. Développer les consultations avancées

a. Un outil qui fait consensus

b. Des obstacles juridiques et financiers qui subsistent

3. Créer des ponts entre ville et hôpital pour les professionnels de santé

a. Donner un véritable statut à l’exercice mixte ville-hôpital

b. Ouvrir l’hôpital à la ville pour améliorer la prise en charge des soins non programmés

II. Penser l’avenir en réformant les études médicales

A. Substituer des Épreuves classantes rÉgionales au classement national de l’internat

B. Renforcer temporairement le contrat d’engagement de service public dans les zones sousdenses

C. RÉformer la PACES

D. SuBStituer au numerus clausus existant un « numerus apertus rÉgionalisÉ » permettant une hausse significative du nombre d’Étudiants en mÉdecine

E. En finir avec l’hospitalo-centrisme en dÉveloppant massivement Les stages ambulatoires aux diffÉrents stades des Études de mÉdecine

1. Le « CHU hors les murs »

2. Des médecins libéraux-maîtres de stage plus nombreux, rémunérés convenablement et mieux intégrés au sein des équipes d’enseignement des facultés

a. L’augmentation du nombre de maîtres de stage

b. La revalorisation financière de la maîtrise de stage

c. L’accès des praticiens libéraux aux fonctions d’enseignement

3. Un meilleur accompagnement des stages

F. Étendre le dispositif de conventionnement sÉlectif aux mÉdecins

Liste des propositions de la commission d’enquête

Examen en commission

Contributions

Contribution de M. Cyrille ISAAC-SIBILLE

Contribution du groupe La République En Marche

Contribution du groupe Les Républicains

Annexe 1 : liste des personnes auditionnées

Annexe 2 : liste des personnes auditionnées par le rapporteur


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   Avant-propos du président

Notre commission d’enquête a été créée par la Conférence des présidents de l’Assemblée nationale le 13 mars 2018, à la demande du groupe UDI, Agir et Indépendants (UAI). Depuis sa réunion constitutive du jeudi 29 mars 2018, la commission a conduit 31 auditions au cours desquelles elle a entendu 121 personnes représentant l’ensemble des acteurs du système de santé : professionnels de santé, étudiants, usagers et patients, pouvoirs publics, élus locaux, etc.

L'enjeu des travaux de notre commission d'enquête relève des intérêts de l'ensemble des Français, enjeux supérieurs à ceux portés par nos simples groupes politiques respectifs. C'est dans cette disposition d'esprit que chaque commissaire s'est investi sans a priori et dans la concorde, pour répondre au seul objectif d'apporter des propositions qui viendraient palier la difficulté croissante d'accès aux soins, en zone rurale comme urbaine.

Je tiens à remercier l’ensemble des membres de la commission d’enquête pour leur assiduité ainsi que pour la qualité des échanges tenus lors de nos rencontres. Les membres de la commission ont adopté le rapport porté par monsieur Philippe Vigier (UDI), le 19 juillet 2018. Accompagné de 27 propositions, ce rapport remporte globalement l’approbation de la commission. Toutefois, certaines propositions portées par monsieur le rapporteur ne suscitent pas l’adhésion de l’ensemble des commissaires, ce qui justifie la présente note.

Notre travail commun sera venu confirmer le diagnostic d'une présence médicale en constante dégradation ces dernières années. L'urgence à répondre à cette situation par des propositions pragmatiques pour garantir l'accès aux soins des Français est indiscutable.

Et si, par la situation subie sur certains territoires, je comprends la tentation d'apporter sans attendre des propositions coercitives et autoritaires, je préfère pourtant de loin, comme nombre de commissaires, valoriser la volonté actuelle des professionnels de santé de travailler, expérimenter et innover ensemble pour œuvrer à la transformation en profondeur de l'organisation des soins.

C'est là le chemin que j’estime être celui à emprunter, afin de porter des réformes utiles et convergentes.

Le 26 juin dernier, lors de son audition au sein de notre commission, la ministre des Solidarités et de la Santé, madame Agnès Buzyn a estimé que voilà plus de 30 ans que des mauvais choix ont été faits (dont la forte baisse du numerus clausus dans les années 2000 est un exemple parmi d’autres).

Notre enquête mène au constat d'une certaine mainmise de la technostructure sur nos politiques territoriales depuis plusieurs décennies. Les nombreux dysfonctionnements observés semblent toutefois pouvoir être corrigés, en particulier en s'appuyant sur les dynamiques qui se font jour partout sur les territoires : maisons et centres de santé, mise en réseaux, nouvelles pratiques. La refonte de l'organisation des soins ne réussira que sur la base d'une redéfinition des ARS dans des missions coordinatrices de projets, plus en lien avec les acteurs de territoire, et moins inscrites dans des objectifs de gestion budgétaire.

Il y a certes urgence à améliorer l’accès aux soins (pour une qualité de soin performante) et à former un nombre suffisant de médecins face à la pénurie sur tous les territoires (métropoles et zones rurales). Mais à travers nos auditions, s’engager vers un système de régulation ou de coercition ne nous a pas toujours semblé être la méthode la plus pertinente, en mesure de satisfaire ces écueils durablement.

Il faut du temps pour former des médecins de ville ou hospitalier (de 10 ans pour un généraliste à 14 ans pour certaines spécialités), or l’urgence face à l’absence de présence et à la diminution du temps médical est déjà là.

Le numérique offre des possibilités qu’il nous faut penser de manière efficiente et avec une vision à moyen et long termes. Ainsi, nous sommes favorables à repenser la formation afin que celle-ci soit en accord avec les besoins d’aujourd’hui tout comme ceux de demain (intelligence artificielle médicale, télémédecine, téléconsultation, etc.).

De la même manière, nombre de projets et innovations existent déjà qui pourraient aider à lutter contre les déserts médicaux, avec un management renouvelé et proactif. Ces dispositifs portés par les acteurs du monde médical ne demandent qu'à se développer sous l'accord et la bienveillance de l'administration, par des mesures d'accompagnement et de la souplesse dans les processus.

Voilà des pistes :

• l'ambulatoire doit s'accompagner d'une meilleure efficience, notamment à travers une réhumanisation du service ;

• il convient de faciliter la vie des jeunes médecins : dégager du temps médical face à une lourdeur administrative trop grande, mieux les intégrer dans le système de permanence des soins, etc.

• développer la télémédecine partout et vite ;

• croiser les expériences de terrain à travers des échanges ;

• proposer une formation continue et renforcée aux médecins ;

• conserver au niveau national les ECN et adapter en fonction de besoins anticipés ;

• intégrer les médecins francophones diplômés à l’étranger sous condition de passer une PAE certifiée de façon à dispenser de la période probatoire triennale les lauréats des épreuves anonymes de vérification des connaissances qui sont candidats aux professions des santé (médecins, pharmaciens, etc.) déficitaires à la condition qu’ils s’engagent à exercer à titre libéral ;

• recentrer les missions des ARS en favorisant un nouvel et meilleur équilibre entre médecins et administration dans un climat de confiance garant d’une amélioration de l’organisation de la qualité des soins sur un territoire.

Comme l'a bien compris la CNAM, il est nécessaire de redonner de l'espoir aux acteurs de santé des territoires en les associant. De même il est absolument indispensable de revoir et développer la communication entre tous les acteurs de santé pour créer du lien et de la confiance. Il pourrait par exemple être proposé aux responsables administratifs qu'ils soient directement en prise (2 mois par an) avec les réalités de terrain, à travers des immersions totales in situ.

La montée en puissance des Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) peut être un moyen de mieux assurer la concertation à partir du terrain. Elles sont, précisons-le, un des axes clés du Président de la République dans le déploiement d’une politique de santé sur tout le territoire.

Enfin, adapter les initiatives innovantes aux spécificités des territoires nous apparaît comme une démarche positive, porteuse et durable.

Dans cet esprit, les commissaires LaREM, entre autres, saluent les initiatives très favorables de madame la ministre Buzyn concernant les pratiques avancées et les nouveaux modes d'exercice médical, le développement des contrats incitatifs, la réforme des zonages, le soutien à l'ambulatoire. Tout cela contribue à dessiner un nouvel environnement positif pour la santé.

Aux côtés des commissaires qui se sont opposés à certaines propositions du rapporteur, je considère que chaque mesure doit être proposée sans sur-réaction, en tenant compte des initiatives en cours et du recul nécessaire pour les évaluer, avec une vision à moyen et long termes, en faveur des Français sans toutefois renforcer les appréhensions des futurs jeunes médecins.

 

 


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   Introduction

La commission d’enquête sur l’égal accès aux soins des Français sur l’ensemble du territoire et sur l’efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieu rural et urbain, a été créée par la Conférence des présidents de l’Assemblée nationale le 13 mars 2018, à la demande du groupe UDI, Agir et Indépendants (UAI).

À l’origine de la création de cette commission d’enquête, il y avait la colère d’un élu d’un département, l’Eure-et-Loir, et d’une région, le Centre-Val de Loire, particulièrement frappés par la pénurie de médecins et de professionnels de santé.

Depuis sa réunion constitutive du jeudi 29 mars 2018, la commission a conduit 31 auditions au cours desquelles elle a entendu 121 personnes, représentant l’ensemble des acteurs du système de santé : professions de santé, étudiants, usagers et patients, pouvoirs publics, élus locaux. En complément des travaux de la commission d’enquête, nécessairement contraints par des procédures et des délais, son rapporteur a également procédé à 20 auditions et a reçu de nombreuses contributions qu’il a décidé de publier sur le site internet de l’Assemblée nationale.

Cette commission a confirmé l’extrême gravité de la crise traversée par notre système de santé.

Que ce soient les élus locaux, les professionnels de santé ou les patients, tous ont souligné l’urgence vitale qu’il y avait à prendre des décisions concrètes pour enrayer la progression des déserts médicaux. Tous leurs témoignages ont ainsi fait écho au titre du livre « Santé : explosion programmée, il faut agir maintenant », que M. Patrick Bouet, président en exercice du Conseil national de l’Ordre des médecins, vient de faire paraître.

À travers les auditions qu’elle a menées, la commission a également mesuré combien la capacité d’innovation de start-up ou l’engagement personnel, l’intelligence et la volonté de travailler ensemble de professionnels de santé profondément attachés à leur territoire étaient en train de transformer en profondeur l’organisation de notre système de soins. Ces initiatives dynamiques, mais encore trop isolées, constituent une partie des solutions pour construire la médecine de demain.

Le déficit de pilotage politique sur l’accès aux soins et la mainmise de la technostructure sur nos politiques territoriales depuis plusieurs décennies se traduisent aujourd’hui par une situation dramatique : les difficultés d’accès aux soins touchent en effet de plus en plus de zones géographiques, bien au-delà des traditionnels cantons ruraux enclavés, pour englober de plus en plus de zones urbaines ou périurbaines.

Cette contagion révèle un véritable malaise de l’exercice de la profession de médecin, notamment dans la spécialité de médecine générale et en mode libéral. Mais elle illustre aussi la crise de l’ensemble du système de santé dont les indices sont nombreux : pénurie de médecins à l’hôpital public avec des taux de vacance de postes proches de 30 % en moyenne, impossibilité de faire fonctionner les services d’urgence pendant la période estivale sauf à mobiliser la réserve sanitaire et sociale, disparités insupportables des implantations territoriales des médecins spécialistes, recours de plus en plus massif à des professionnels de santé présentant des diplômes étrangers plus ou moins comparables aux titres français. À la suite de ces dysfonctionnements, ce sont les Français qui sont confrontés chaque jour à un véritable parcours d’obstacles pour se faire soigner, ce sont des drames humains pour les patients qui rencontrent des difficultés pour être pris en charge.

Les travaux de la commission d’enquête ont montré que cette situation critique allait encore s’aggraver, puisque le pic de la crise de la démographie médicale est attendu entre 2021et 2025, c’est-à-dire demain. Cette crise résulte de nombreux départs en retraite des médecins mais aussi des effets délétères et à retardement de la baisse du numerus clausus opérée au cours des années 80 et 90 par des experts et des décideurs politiques qui se sont fortement trompés dans leurs anticipations et leurs analyses.

Il est plus que temps de prendre des décisions fortes pour remédier à cette situation. Or nous pouvons craindre que le dernier plan gouvernemental destiné à renforcer l’accès territorial aux soins, annoncé le 13 octobre 2017, ne permette pas de pallier les défaillances de toute une série d’autres plans issus des précédents gouvernements depuis une vingtaine d’années.

Ces précédents rendent humble quant à la sagacité des politiques publiques en matière de santé mais ils nous obligent aussi à réagir en présentant des propositions audacieuses qui peuvent surprendre parce qu’elles n’ont jamais été tentées mais que votre rapporteur endosse car il en a le devoir à l’égard de nos concitoyens qui souffrent d’un accès aux soins de plus en plus difficile.

La commission d’enquête a fait le choix de proposer des mesures à court, moyen et long termes. Ses membres se sont efforcés de proposer des mesures novatrices qui devront traiter les différentes composantes du problème et poser les bases d’une nouvelle manière de concevoir et d’exercer la médecine.

Cela suppose une refonte en profondeur de notre système de santé, qui passera par une réorganisation des études de santé afin d’encourager les vocations pour la médecine libérale, par un effacement des frontières entre public et privé et ville et hôpital devant l’intérêt du patient, par un virage numérique ambitieux et efficace du secteur de la santé, afin de faire émerger de nouvelles solutions comme les plateformes d’orientation des malades et les téléconsultations, par une lutte contre la bureaucratie tatillonne et un soutien accru aux professionnels de santé et aux nouveaux modes d’exercice qu’ils souhaitent développer.

Certaines de ces propositions (trois sur vingt-sept) n’ont pas rassemblé une majorité de la commission d’enquête mais le rapporteur remercie ses membres de l’autoriser à les présenter à titre personnel car il est intimement convaincu que du débat naîtront les solutions.

Il y a urgence à les mettre en œuvre. Les Françaises et les Français souffrent depuis trop longtemps des fractures territoriales, et plus particulièrement de la désertification médicale. Ils vivent désormais avec le sentiment d’avoir été abandonnés par la République et d’avoir été mis à l’écart des solidarités qu’elle offre. Ils attendent des réponses fortes, dont dépend l’avenir même de notre cohésion nationale.

 

 

 

 


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   Première partie : Des difficultÉs d’accÈs aux soins qui s’aggravent sur l’ensemble du territoire

« Le nombre de maternités est passé de 1 500 environ en 1970 à 500 environ aujourd’hui : il a donc été divisé par trois. […] Soixante-dix élus ont rendu leur écharpe pour protester contre la fermeture des urgences de nuit à Clamecy ; à Montceau-les-Mines, 60 [élus] ont formulé cette même menace ; dans le Jura, 500 personnes ont brûlé leur carte électorale ». À Châteaudun, en Eureet-Loir, et à Vierzon, dans le Cher, des milliers de personnes sont descendues dans la rue pour dire non à la fermeture de leur maternité.

Combien faudra-t-il encore de témoignages semblables à celui porté devant la commission d’enquête par M. Michel Antony, président fondateur de la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité, pour que les pouvoirs publics prennent conscience du degré de gravité des inégalités en matière d’accès aux soins sur notre territoire et de l’urgence qu’il y a répondre aux attentes, aux besoins, voire à la détresse de nos concitoyens ?

Comme ce dernier l’a rappelé, « les statistiques sur la renonciation aux soins publiées par le Secours populaire français, l’Union confédérale CFDT des retraités ou divers organismes, montrent que 20 % à 30 % des gens n’achètent plus de prothèses, consultent moins ou même ne consultent plus du tout » – et ce non seulement pour des motifs d’ordre financier, mais aussi et surtout en raison de l’éloignement de l’offre de soins. Un sondage de la société BVA pour la fondation April publié en avril dernier a ainsi révélé que « plus de 7 Français sur 10 ont renoncé au moins une fois à se soigner, quelle que soit la raison », que « c’est avant tout du fait de délais d’attente trop longs pour obtenir un rendezvous (51 %), puis de l’impossibilité de trouver un médecin en dehors des horaires standards (39 %) ou du fait du refus de prendre de nouveaux patients (38 %) » et enfin « par manque de moyens financiers (33 %) » ([1]).

Cet éloignement affecte non seulement des zones rurales, mais aussi des zones urbaines ou péri-urbaines et il procède davantage des caractéristiques de la démographie et de la répartition des médecins que de celles des autres professionnels de santé.

En effet, quand les médecins sont très diversement répartis sur le territoire et en nombre très insuffisant au regard de l’évolution des besoins de santé d’une population plus nombreuse et vieillissante (I), les autres professionnels de santé connaissent, eux, une forte croissance démographique qui permet d’atténuer les effets liés à l’hétérogénéité relative de leur répartition – hétérogénéité que sont venus corriger des dispositifs de régulation auxquels les médecins n’ont, pour l’heure, jamais été soumis (II).

I.   Des mÉdecins en nombre insuffisant et diversement rÉpartis sur le territoire

« Le nombre de médecins augmente en France » titrait le journal Les Échos, le 4 mai dernier, en s’appuyant sur une étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES). Parue la veille, cette étude se félicitait de ce qu’au 1er janvier 2018, la France comptait 226 000 médecins en activité, soit « 10 000 médecins de plus depuis 2012 », que, « depuis six ans, l’effectif de médecins a progressé de 4,5 % sous l’effet de la hausse du nombre de médecins hospitaliers » et qu’« en matière d’accès aux médecins généralistes, les inégalités de densités départementales n’ont pas augmenté depuis les années 1980 et 98 % de la population réside à moins de 10 minutes du généraliste le plus proche en 2016 » ([2]).

On répète ainsi à l’envi que la France n’a jamais compté autant de médecins et que les « déserts médicaux » dont tout le monde parle résulteraient non pas d’une démographie médicale insuffisamment dynamique, mais d’une répartition territoriale hétérogène.

Certes, selon le directeur général de la DREES, M. Jean-Marc Aubert, le creux de la démographie médicale devrait générer un besoin « de l’ordre de 15 000 médecins » généralistes libéraux d’ici 2025-2030, mais, selon M. William Joubert, secrétaire général du Syndicat des médecins libéraux (SML), « plutôt que de changer l’organisation, il faut utiliser tous les moyens qui permettent de passer ce trou d’air de quelques années » ([3]). Et M. Luc Duquesnel d’ajouter, pour la Confédération des syndicats médicaux de France (CSMF), qu’« on gère la pénurie [de médecins]. Si déjà ces créations [de maisons de santé] ont réussi à ce que vous n’en perdiez aucun, c’est cela l’indicateur de réussite » ([4]).

Ce point de vue n’est pas celui du rapporteur : les graves difficultés d’accès aux soins que l’on constate aujourd’hui tiennent non seulement à ce que la répartition territoriale des médecins, en particulier spécialistes, est marquée par de criantes inégalités (B), mais aussi à ce que les effectifs de médecins, spécialistes comme généralistes, et le temps médical disponible sont très en deçà des besoins de santé grandissants d’une population qui augmente, vieillit et souffre de plus en plus souvent de maladies chroniques (A). Et au vu de l’échec des dispositifs jusqu’ici mis en œuvre pour lutter contre les inégalités d’accès aux soins en milieux rural et urbain (C), on ne saurait se contenter de « gérer la pénurie » sans rien changer à l’organisation de notre système de santé.

A.   Une Évolution rÉcente du nombre de mÉdecins qui ne permet pLus de rÉpondre À des besoins de santÉ grandissants

D’après l’Atlas de la démographie médicale en France en 2017, publié par le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM), notre pays dénombrait, au 1er janvier 2017, 290 974 médecins inscrits au tableau de l’Ordre, dont :

– 215 941 étaient en activité totale – soit seulement 0,9 % de plus qu’en 2007 ([5]) ;

– 16 853 étaient en situation de cumul emploi-retraite ;

– 58 180 étaient retraités sans activité médicale.

232 794 médecins étaient donc en activité au 1er janvier 2017. Si l’on rapproche ce chiffre de celui de 226 000 médecins en activité au 1er janvier 2018, fourni par la DREES dans sa récente étude sur l’évolution du nombre de médecins depuis 2012 ([6]), on constate alors qu’il y a bien un problème d’effectifs médicaux dans notre pays – et pas seulement de répartition de l’offre médicale.

Cette analyse est du reste partagée par le président de la Conférence des doyens des facultés de médecine, M. Jean Sibilia, qui, lors de son audition, a expliqué que « l’on entend un peu partout qu’il y a suffisamment de médecins en France et que le problème est simplement celui de leur répartition par défaut d’attractivité. C’est faux. Un rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ([7]) a montré que, fin 2014, la France comptait 3,3 médecins pour 1 000 habitants [quand la moyenne des 34 pays de l’OCDE était alors précisément de 3,3 médecins pour 1 000 habitants ([8]) et que ce ratio s’élevait à 4,1 en Allemagne]. Mais, plus inquiétant encore, nous sommes à l’avant-avant-avant dernier rang des pays de l’OCDE en matière de croissance de formation des médecins. Cela signifie qu’au cours des quinze dernières années, nous en avons formé beaucoup moins que les autres pays. Quoi que l’on dise, il y a bien un véritable problème démographique quantitatif. Nous sommes en décroissance », alors que des pays comme le Royaume-Uni ou l’Australie ont vu le nombre de leurs médecins augmenter respectivement de 50 % et de 65 % entre 2000 et 2013, au point qu’au Royaume-Uni, « on s’inquiète maintenant de l’éventualité d’excédents de certaines catégories de médecins dans les prochaines années » ([9]).

Preuve supplémentaire, s’il en fallait, de ce que les difficultés d’accès aux soins résultent non seulement de l’hétérogénéité de la répartition des médecins, mais aussi du dynamisme insuffisant de leur démographie : l’Intersyndicale nationale des internes (ISNI) indique, dans la contribution qu’elle a remise à la commission, qu’« en 2017, le ministère de la Santé a travaillé sur les nouveaux critères de rationalisation de la notion de zone de tension ou de déficit ([10]) » et que « ces nouveaux critères ont amené les ARS [agences régionales de santé] à définir des cartes [qui] ne montrent pas un problème de répartition mais un problème de nombre global de médecins » ([11]).

Cette pénurie généralisée, qui concerne aussi bien le secteur libéral que le secteur hospitalier (2), est en grande partie la conséquence de choix de régulation de la démographique médicale, via le numerus clausus, qui, depuis trente ans, n’ont pas su anticiper l’évolution des besoins de santé de la population et du temps médical disponible (1).

1.   Un défaut d’anticipation des mutations de la demande et de l’offre de soins

Instauré en 1971, le numerus clausus désigne le nombre de places disponibles en deuxième année pour les étudiants inscrits en première année commune aux études de santé (PACES). Il est fixé chaque année par arrêté conjoint des ministres chargés de la Santé et de l’Enseignement supérieur, pour chaque unité de formation et de recherche (UFR) et chaque filière (médecine, odontologie, pharmacie et maïeutique).

Censé adapter le nombre d’étudiants aux capacités d’accueil des établissements hospitaliers universitaires chargés de leur formation, le numerus clausus a en réalité été pensé comme un moyen pour l’État de réguler non seulement l’accès aux professions médicales, mais aussi, et par contrecoup, la démographie médicale, l’offre de soins et donc la consommation de soins, selon la logique suivante : « moins de médecins, donc moins de prescriptions, donc moins de dépenses ».

La même logique a inspiré le mécanisme d’incitation à la cessation d’activité (MICA) qui a été mis en œuvre pendant quinze ans (de 1988 à 2003), afin d’inciter les médecins libéraux à cesser de manière anticipée leur activité à partir de 57 ans ([12]) … alors qu’aujourd’hui, on déploie des trésors d’imagination pour persuader les médecins retraités de poursuivre leur activité dans le cadre du cumul emploi-retraite.

En somme, comme l’a fort bien résumé le président du CNOM, M. Patrick Bouet, dans un entretien récemment accordé au Journal du dimanche, « depuis le premier choc pétrolier, les budgétaires ont bel et bien triomphé sur les sociaux. L’économie de la santé et ses disciples ont imposé leur dictature dans les cabinets ministériels, la haute administration, au détriment de l’exigence de solidarité et d’innovation thérapeutique » ([13]).

Ainsi, de l’aveu même de la ministre des Solidarités et de la Santé, Mme Agnès Buzyn, les « très mauvaises décisions prises par les gouvernements successifs » ont « abouti à la catastrophe que nous connaissons aujourd’hui » ([14]).

Le résultat est en effet que la population des médecins diplômés en France vieillit, au point qu’il faille faire toujours plus appel à des médecins diplômés à l’étranger en contournant un numerus clausus qui a été fixé sans anticiper ni le vieillissement d’une population plus nombreuse ni le développement de pathologies chroniques impliquant de nouvelles formes de prise en charge (a), ni l’évolution du mode de vie des médecins (b)… tant et si bien que les besoins actuels en médecins devraient s’accentuer jusqu’au tournant des années 2025‑2030 (c).

a.   Un numerus clausus inadapté aux besoins de santé de la population et de plus en plus contourné par des médecins formés à l’étranger

Fixé à 8 588 en 1971, le numerus clausus médical n’a cessé d’être abaissé de la fin des années 1970 au milieu des années 1990, chutant jusqu’à 3 500 en 1993, avant d’être relevé de manière très nette entre 2000 et 2006, puis de façon plus modérée entre 2007 et 2015. Quarante-sept ans après sa création, il n’a toujours pas retrouvé son niveau originel, puisqu’il s’élève, pour l’année 2018, à 8 205 (hors passerelles) : c’est regrettable car chacun sait que l’incidence du nombre d’étudiants formés sur les effectifs de la profession de médecins reste relative dans la mesure où tous les médecins diplômés ne pratiquent pas.

Évolution du numerus clausus médical de 1971 à 2015

Source : DREES, Portrait des professionnels de santé, 2016, p. 85.

Les choix qui ont présidé à cette évolution du numerus clausus médical ont été faits sans anticiper correctement ni l’augmentation de la population française ni l’évolution de ses besoins de santé liés à son vieillissement et au développement des affections de longue durée (ALD).

En effet, selon les données de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et de l’Institut national d’études démographiques (INED), la population française a augmenté de plus de 20 % entre 1979 (53 481 073 habitants) et 2018 (67 609 062 habitants) ([15]).

Dans le même temps, la part des personnes âgées de 65 ans ou plus est passée de 13,9 % en 1990 à 18,8 % en 2016, et le nombre de personnes de 65 ans et plus a progressé de 1,9 % par an entre 2008 et 2013, quand la population totale augmentait de 0,5 % par an ([16]). Selon les projections de l’INSEE, au 1er janvier 2070, la France pourrait compter 76,4 millions d’habitants, soit 10,7 millions de plus qu’en 2013. La quasi-totalité de la hausse de la population d’ici 2070 concernerait les personnes de 65 ans ou plus (+ 10,4 millions) ([17]). Jusqu’en 2040, la proportion de personnes âgées de 65 ans ou plus devrait progresser fortement, en raison de l’arrivée à ces âges des générations nombreuses issues du « babyboom », nées entre 1946 et 1975. En 2040, environ un habitant sur quatre (26 %) aura 65 ans ou plus (contre 18 % en 2013).

Or, comme le note la DREES dans une récente étude, « les personnes âgées consultent davantage les professionnels de premier recours que les personnes plus jeunes. Ainsi, en 2016, les patients de 70 ans ou plus ont eu 2,3 fois plus recours aux médecins généralistes, 4,0 fois plus aux masseurskinésithérapeutes et près de 15,8 fois plus aux infirmiers que les personnes plus jeunes » ([18]).

Cette hausse des besoins de santé des personnes âgées tient en large part à ce que « sur un plan sanitaire, le vieillissement de la population se traduit par le développement continu des affections chroniques dans un contexte de plus en plus fréquent de polypathologies. [Or] les progrès diagnostiques et thérapeutiques permettent de traiter des personnes pour lesquelles auparavant aucune prise en charge n’était possible, amenant à des soins au long cours là où l’espérance de vie était des plus limitée » ([19]).  Selon la Cour des comptes, « l’effectif des assurés du régime général en ALD a doublé en vingt ans, passant de près de 5 millions en 1996 à 9,8 millions en 2014, tandis que la population augmentait de 10,7 % sur la même période, soit un rythme de progression dix fois plus rapide » ([20]).

Les besoins de santé de la population française ne devraient donc pas cesser de croître au cours des prochaines années… Or, dans le même temps, le nombre de médecins formés en France n’a pas connu une évolution en adéquation avec cette forte hausse de la demande de soins. Comme l’a montré la DREES l’an dernier, « de 1991 à 2005, la croissance [de la population médicale] a été particulièrement soutenue (1,2 % par an en moyenne). Elle était supérieure à celle de la population. Le nombre moyen de médecins par habitant a donc augmenté au cours de cette période. Depuis 2006, les effectifs de médecins poursuivent leur progression mais à un rythme moindre (0,5 % par an en moyenne). Au cours de cette période, pour la première fois depuis 1991, le nombre de médecins par habitant a légèrement baissé » ([21]), alors que la demande de soins continue d’augmenter.

Certes, les modalités de détermination du numerus clausus ont été, lors de la dernière décennie, aménagées afin qu’il tienne « compte des besoins de la population, de la nécessité de remédier aux inégalités géographiques et des capacités de formation des établissements concernés » ([22]). En outre, depuis 2012, les relèvements successifs du numerus clausus ont été ciblés sur les zones déficitaires en offre de soins ([23]). Mais les critères sur le fondement desquels est arrêté le numerus clausus ne sont toujours pas déterminés de façon à garantir un accès aux soins équitable sur l’ensemble du territoire. La Cour des comptes l’a encore récemment déploré : « les décisions sur le numerus clausus […] s’appuient sur des projections démographiques trop peu fréquemment actualisées et non territorialisées et sur un recensement des besoins qui se limite pour l’essentiel à ceux des établissements hospitaliers » ([24]).

Comme l’explique le CNOM dans son Atlas de la démographie médicale, « certes le nombre de médecins inscrits à l’ordre ne cesse de croître mais majoritairement au bénéfice des médecins retraités » ([25]).

Le CNOM s’alarme ainsi d’« un vieillissement préoccupant des médecins inscrits au tableau de l’Ordre. Actuellement, les médecins âgés de 60 ans et plus représentent 47 % de l’ensemble des médecins inscrits au tableau de l’Ordre contre 27 % en 2007 » ([26]) et « l’âge moyen des médecins en activité régulière France entière est de 51,2 ans contre 50 ans en 2007 » ([27])… ce qui signifie que la composition de la profession se fragilise car la pyramide des âges sera déséquilibrée au cours des prochaines années, ce qui doit nous alerter fortement.

Selon la DREES, « 47 % [des médecins actifs] sont âgés d’au moins 55 ans (alors que c’est le cas de 18 % des cadres et professions intellectuelles supérieures) et 30 % d’au moins 60 ans. Si l’âge moyen des médecins est élevé, c’est que les générations actuellement proches de la retraite sont issues des numerus clausus élevés des années 1970 (proches des niveaux actuels, autour de 8 000), tandis que les générations suivantes ont connu des numerus clausus plus bas (inférieurs à 4 000 dans les années 1990) » ([28]).

Pyramides des âges des médecins inscrits au tableau de l’Ordre en 2007 et en 2017

Source : CNOM, Atlas de la démographie médicale en France, 2017, p. 32.

Ce vieillissement est en outre plus ou moins marqué selon les territoires. Ainsi, « l’approche territoriale de la variation des effectifs des médecins en activité totale sur la période 2007/2017 met en évidence deux France :

 Une France dont la population médicale croît, incluant essentiellement tous les départements de la façade atlantique sans exception, […] et de façon géographiquement isolée quelques départements hospitalo-universitaires (Nord, Somme, Haute Garonne, Doubs, Hérault, Indre et Loire, Maine et Loire, Vienne) ;

 Une France qui perd ses médecins, représentée largement par une diagonale de l’intérieur du territoire, du Nord-Est au Sud-Ouest de l’hexagone, et par la région PACA [Provence-Alpes-Côte d’Azur] » ([29]).

Approche territoriale de la variation des effectifs de médecins en activité totale entre 2007 et 2017

Source : CNOM, Atlas de la démographie médicale en France, 2017, p. 36.

Si les représentants du CNOM ont, lors de leur audition, prétendu ignorer le nombre de ces médecins qui, diplômés à l’étranger, exercent sur le sol français, tout en assurant qu’il était inférieur à 22 000, un simple calcul réalisé à partir d’une récente étude de la DREES permet d’avoir une idée du nombre de médecins concernés… et d’affirmer qu’il est vraisemblablement supérieur à 22 000. En effet, selon la DREES, 226 000 médecins étaient en activité en France au 1er janvier 2018 et « 11 % des médecins exerçant en France ont obtenu leur diplôme à l’étranger » ([30]). On peut donc déduire d’un rapide calcul que le nombre de médecins exerçant en France après avoir obtenu leur diplôme à l’étranger avoisine 24 860 ([31]). La DREES précise que « plus des trois quarts d’entre eux sont des spécialistes, alors que c’est le cas de 55 % des médecins diplômés en France » ([32]).

Le fait est que « depuis dix ans, la démographie médicale est particulièrement soutenue par les flux de médecins diplômés à l’étranger. Alors qu’ils étaient entre 500 et 1 000 par an à s’installer en France au début des années 2000, leurs effectifs ont fortement augmenté en 2007 pour s’établir à environ 1 500 médecins par an, niveau auquel ils se maintiennent depuis » ([33]).

Ce constat a été corroboré par le président de la Confédération des syndicats médicaux de France (CSMF), M. Jean-Paul Ortiz, qui, lors de son audition, a indiqué que « depuis quelque temps, un quart des nouveaux inscrits au Conseil de l’Ordre possèdent un diplôme délivré par une faculté étrangère, européenne ou non ». Si l’on en croit l’Atlas de la démographie médicale publié par le CNOM en 2017, ce serait, pour l’année 2016, un cinquième des médecins nouvellement inscrits à l’Ordre qui serait titulaire d’un diplôme étranger ([34]).

Pour l’avenir, la DREES estime que « les médecins diplômés à l’étranger installés récemment représenteraient ainsi rapidement une part importante des effectifs : 80 % des nouveaux médecins diplômés à l’étranger sont des spécialistes, une proportion restée stable depuis cinq ans après une forte augmentation. Ces praticiens viendraient donc essentiellement grossir les rangs de cette catégorie de médecins, faisant ainsi augmenter le nombre de spécialistes de 2,7 % entre 2015 et 2023. Sans l’afflux de médecins diplômés à l’étranger, ce nombre diminuerait de 5 % au cours de la même période. Ces arrivées permettraient de maintenir en particulier les effectifs en ophtalmologie et radiodiagnostic et imagerie médicale, qui sinon baisseraient de 20 % entre 2015 et 2040. L’arrivée de médecins diplômés à l’étranger pourrait également permettre d’atténuer la baisse des effectifs de médecins généralistes : entre 2015 et 2023, celle-ci devrait se limiter à 0,5 %, alors qu’elle atteindrait 2,8 % sans cet apport » ([35]).

Parmi les médecins titulaires d’un diplôme étranger exerçant en France, la part de ressortissants français ne doit pas être négligée. Ainsi que l’a expliqué le président de la Conférence des doyens des facultés de médecine, M. Jean Sibilia, devant la commission, « les étudiants français formés en Roumanie à Cluj sont 600 ([36]). […] Ces étudiants qui vont en Roumanie ne sont plus uniquement ceux en échec, mais aussi des étudiants primants. Cela change tout. Les étudiants y vont directement »… avant de revenir en France soit à l’issue de leurs études, soit à l’issue de l’externat. M. Jean Sibilia a ainsi confessé qu’il était « obligé de faire inscrire dans les facultés, pour les épreuves classantes nationales (ECN), 200 étudiants étrangers de plus que l’an dernier. Ils sont près de 600 étudiants et l’on en annonce 800 l’an prochain. Ce sera intenable », selon son propre aveu ([37]).

Ce constat a été confirmé par les représentants de l’Académie nationale de médecine. Le professeur Patrice Queneau a ainsi expliqué que « beaucoup de Français reviennent de l’étranger soit qu’ils aient d’abord échoué au concours en France, soit qu’ils se soient dit : “Inutile de le passer ici, je vais tout de suite à Bucarest ou à Athènes, et je reviens ensuite, c’est dans la poche… ” ».

Atrophie de la population médicale diplômée en France au regard des besoins, recrudescence du nombre de médecins exerçant en France sur le fondement d’un diplôme obtenu à l’étranger : tel est le résultat aberrant des choix faits dans les années 1980-1990 pour un numerus clausus médical qui est désormais largement contourné.

Cela peut être lourd de conséquences pour les usagers, et susciter de légitimes inquiétudes quand on sait que, d’après Mme Françoise Durandière, conseiller médical à la Fédération des établissements hospitaliers et d’assistance privés à but non lucratif (FEHAP), « actuellement, dans certains services d’urgence, des médecins ne parlent pas le français ».

Pourtant, la procédure d’autorisation d’exercice (PAE) organisée par l’article L. 4111-2 du code de la santé publique prévoit que les personnes titulaires d’un diplôme étranger et autorisées à exercer par le ministre de la Santé, après avis favorable d’une commission du CNOM, « doivent avoir satisfait à des épreuves anonymes de vérification des connaissances [EVC], organisées par profession, discipline ou spécialité, et justifier d’un niveau suffisant de maîtrise de la langue française » – étant précisé que « le nombre maximum de candidats susceptibles d’être reçus à ces épreuves […] pour chaque discipline ou spécialité est fixé par arrêté du ministre chargé de la Santé en tenant compte, notamment, de l’évolution [du numerus clausus] ». Les lauréats candidats à la profession de médecin doivent en outre justifier de trois années de fonctions qui ne peuvent être accomplies que dans un service ou organisme agréé pour la formation des internes, ce que le rapporteur déplore car cette condition conduit à flécher des praticiens titulaires de diplômes étrangers et parfaitement compétents presqu’uniquement vers des établissements publics où ils exercent des fonctions hospitalières en qualité de praticien attaché, d’attaché associé ou d’assistant associé (suivant le nombre de vacations effectuées), au détriment de l’exercice libéral dans des zones sousdotées.

Par ailleurs, il faut noter que les alinéas 4 et 5 du I de l’article L. 4111-2 précité ajoutent que « les médecins titulaires d’un diplôme d’études spécialisées obtenu dans le cadre de l’internat à titre étranger sont réputés avoir satisfait aux épreuves de vérification des connaissances » et que « les fonctions exercées avant la réussite à ces épreuves peuvent être prises en compte » pour l’appréciation de la condition de trois ans de fonctions accomplies dans un service ou organisme agréé pour la formation des internes.

Ces assouplissements peuvent ouvrir la voie à l’exercice, sur notre territoire, de professionnels de santé dont la formation à l’étranger n’est pas aussi exigeante que celle prévue en France. Le professeur Patrice Queneau l’a reconnu à demi-mot lors de son audition, expliquant qu’« on nomme dans les hôpitaux à peu près 700 médecins étrangers par an, mais [que] certains jurys hésitent à retenir les 700 candidats ». Force est en effet de constater que le niveau de formation des diplômés en France est de qualité sensiblement supérieure à celle de la plupart des diplômés à l’étranger.

À l’inverse, la PAE peut aussi, faute d’un nombre suffisant de places offertes, laisser de côté des médecins diplômés à l’étranger qui présentent toutes les garanties de connaissances et compétences cliniques. Ainsi Mme Vanessa Fortané, vice-présidente du Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGJIR), a déploré que des cardiologues étrangers fassent « office de vache à lait de l’hôpital » et qu’ils soient « employés en tant que “ faisant fonction d’internes ” qui sont payés moins qu’un interne [alors que] ce sont eux qui assurent les gardes et font tourner l’hôpital [, qu’] ils sont médecins [et qu’] ils ont leur diplôme ».

Il est clair que des établissements de santé continuent de recruter, en dehors de tout cadre légal, des praticiens titulaires de diplômes étrangers qui exercent la médecine sans être inscrits à l’Ordre des médecins et dont le nombre est difficile à connaître de manière précise dans la mesure où, bien qu’ayant des fonctions médicales, ces praticiens seraient rémunérés sur des postes de professionnels de santé autres que des médecins (infirmiers, aides-soignants, etc.), d’après le président du CNOM, M. Patrick Bouet.

Ce dernier a d’ailleurs fait part au rapporteur du souhait exprimé par le CNOM de voir tous ces professionnels enregistrés auprès de lui, qu’ils exercent dans le secteur public ou privé.

L’exercice de la médecine sans inscription à l’Ordre des médecins

Plusieurs cas de figure permettent à des professionnels de santé, hors ceux qui suivent un cursus de formation initiale en France, d’exercer la médecine en France, de manière plus ou moins temporaire, sans la plénitude d’exercice que confère une inscription à l’Ordre des médecins.

La première catégorie de professionnels correspond à celle des praticiens étrangers venant suivre une formation en France, dans le cadre d’un diplôme de formation médicale spécialisée (DFMS) ou d’un diplôme de formation médicale spécialisée approfondie (DFMSA), d’un accord de coopération bilatérale avec un pays du Golfe ou encore du concours d’internat à titre étranger. Ces étudiants sont employés en qualité de « faisant fonction d’interne ». Leur nombre, variable selon les années, peut être estimé en moyenne entre 800 et 900. Ces professionnels n’ont pas vocation à être inscrits à l’ordre ni à exercer en France (à l’exception de ceux admis au concours d’internat à titre étranger).

La deuxième catégorie est constituée de professionnels qui souhaitent intégrer le système de santé français, et obtenir le plein exercice en empruntant l’une des deux voies d’accès suivantes ouvertes aux praticiens à diplôme hors Union européenne (PADHUE) :

- L’accès via un concours (dit « liste A ») qui est organisé chaque année et dans le cadre duquel est ouvert par arrêté un certain nombre de places par spécialité (PAE). Le concours a lieu à l’automne et les lauréats peuvent entamer leur période probatoire et triennale de fonctions hospitalières à compter du mois de janvier de l’année suivante. 500 places ont été ouvertes au concours en 2017. Il y a donc chaque année entre 1 500 et 1 700 praticiens (chiffre variable selon le nombre de prolongations de fonctions probatoires demandées) qui exercent sans inscription à l’Ordre dans le cadre de la réalisation de ces fonctions probatoires.

- Un dispositif ad hoc existe par ailleurs pour les candidats réfugiés, apatrides et bénéficiaires de la protection subsidiaire, leur permettant de se soumettre à un examen (dit « liste B »). Leur nombre est aussi éminemment variable selon les périodes mais peut être évalué en moyenne entre 50 et 100.

La troisième catégorie est constituée de professionnels exerçant depuis de nombreuses années au sein des établissements de santé français, et qui, soit de manière définitive, soit de manière temporaire et dérogatoire, se voient accorder l’autorisation d’exercer sans la pleine capacité d’exercice qui permet par exemple de signer les certificats de décès ainsi que les certificats d’admission, de 24 heures ou de quinzaine prévus pour les hospitalisations en soins psychiatriques sans consentement  :

- Les PADHUE recrutés avant le 28 juillet 1999 (avant l’interdiction du recrutement et l’instauration d’un nouveau dispositif) sont estimés à environ 250. Ils sont autorisés à exercer sans la pleine capacité et sans limitation de durée.

- Il existe par ailleurs une catégorie de professionnels exerçant dans les établissements de santé depuis la fin des années 2000, auxquels l’accès au plein exercice était rendu possible via un examen professionnel (« liste C ») mais qui n’ont pu satisfaire à cet examen et qui demeurent dans une situation précaire.

Un dispositif transitoire a en effet été instauré en 2007 pour traiter la situation spécifique de praticiens recrutés sans plein exercice, après 1999 pour la filière médicale, par des établissements publics, en dehors du cadre légal, pour répondre à des besoins médicaux. Ces professionnels ont la possibilité de présenter un examen en lieu et place du concours de « liste A ».

Ils ont été autorisés à poursuivre leurs fonctions en qualité d’associés jusqu’initialement au 31 décembre 2011. Cette procédure a été reconduite en 2012 jusqu’au 31 décembre 2016, puis jusqu’au 31 décembre 2018, compte tenu du nombre encore important de professionnels dont la situation n’était alors pas régularisée (environ 4 000 fin 2011). Les examens annuels successifs, réservés aux professionnels qui exerçaient en France au 31 décembre 2011, ont permis de ramener ce nombre à 300 environ au terme du dernier examen organisé en 2017.

Les candidats qui ont satisfait à cet examen doivent également justifier de fonctions hospitalières probatoires de trois ans, effectuées sous statuts d’associés (sans plein exercice) dans des services agréés pour la formation des internes, afin d’évaluer leurs pratiques professionnelles.

Enfin, au-delà de ces trois catégories permettant à des professionnels non titulaires d’un diplôme de formation médicale français d’exercer sans être inscrits à l’Ordre, et par conséquent sans plein exercice, un certain nombre de professionnels non lauréats du concours de la liste A, ni éligibles à l’examen de la liste C, ont manifestement continué à être recrutés par des établissements de santé depuis 2012, hors de ces procédures, pour pallier des difficultés démographiques. Ils se trouvent aujourd’hui dans une situation de non droit au regard de l’exercice de la profession de médecin en France. Leur nombre est indéterminable de façon fiable.

Source : DGOS

Interrogée l’an dernier à ce sujet par notre collègue Thomas Mesnier, la ministre de la Santé, Mme Agnès Buzyn, a indiqué qu’« une évolution de la législation actuelle est à l’étude afin d’améliorer l’ensemble du dispositif de sélection des praticiens titulaires de diplômes hors Union européenne [PADHUE] pour accéder à la plénitude de l’exercice médical en France » ([38]).

Du point de vue du rapporteur, qui, ces dernières années, a déposé plusieurs amendements en ce sens sur les projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) successifs, tout médecin titulaire d’un diplôme étranger devrait être inscrit au tableau de l’Ordre pour pouvoir exercer en France.

Proposition n° 1 : inscrire au tableau de l’Ordre des médecins tout médecin titulaire d’un diplôme étranger qui exerce en France, en révisant la procédure d’autorisation d’exercice (PAE) de façon à dispenser de la période probatoire triennale les lauréats des épreuves anonymes de vérification des connaissances théoriques et pratiques qui sont candidats à la profession de médecin, à la condition qu’ils s’engagent à exercer à titre libéral.

Lors de leur audition, aussi bien M. Samuel Valero, vice-président de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF), que M. Jean-Baptiste Bonnet, président de l’Intersyndicale nationale des internes (ISNI), se sont d’ailleurs prononcés en faveur de l’inscription au tableau de l’Ordre de tous les médecins exécutant des actes de leur profession en France, qu’ils soient titulaires d’un diplôme français ou étranger.

Une telle mesure deviendra tôt ou tard inéluctable, compte tenu de l’augmentation de la proportion des médecins diplômés à l’étranger parmi les médecins exerçant en France – augmentation qui tient non seulement à l’incapacité d’une population médicale vieillissante à faire face aux besoins de santé de nos concitoyens, mais aussi à la baisse du temps médical disponible.

b.   La baisse du temps médical disponible

Comme l’a fort justement fait observer le président de la Fédération des communautés professionnelles territoriales de santé (FCPTS), M. Claude Leicher, lors de son audition, « le fait que le nombre de médecins en France augmente encore […] est trompeur. En réalité, du fait de différents facteurs comme le rajeunissement et la féminisation de la profession, le changement culturel qui affecte les hommes comme les femmes [et qui a été nourri par les lois « Aubry » fixant la durée légale du travail à 35 heures par semaine], le temps de travail diminue. Il n’est plus pensable qu’un médecin fasse 70 heures par semaine comme dans les générations précédentes. Donc le temps médical effectif est en baisse, alors même que les besoins de santé ont augmenté ».

C’est en effet moins en nombre de médecins qu’en nombre d’heures médicales disponibles qu’il faut raisonner, car, comme l’a expliqué Mme Ghislaine Sicre, présidente du syndicat Convergence infirmière, « quand on est sur le terrain, on remarque que certains médecins ferment leur cabinet à dixsept heures, que souvent ils ne travaillent plus le mercredi après-midi, et qu’ils arrêtent le vendredi soir à seize heures ». Et Mme Élisabeth Maylié, présidente de l’Organisation nationale des syndicats d’infirmiers libéraux (ONSIL), a ajouté que « les médecins […] sont absents le samedi, le dimanche, les jours fériés, et renvoient les patients vers le numéro d’un confrère surchargé, qui fait des consultations – même pas de la télémédecine – au téléphone ».

Ce ressenti des acteurs du terrain a été étayé par une récente étude de la DREES qui a montré que « la féminisation et le renouvellement des générations de la population de médecins libéraux devraient conduire à une baisse de l’offre de soins (c’est-à-dire du nombre de médecins converti en ETP [équivalents temps plein]) d’une ampleur plus importante que celle des effectifs : de 23 % (entre 2016 et 2027) pour la première contre 14 % pour les seconds » ([39]).

S’agissant des médecins généralistes, une enquête réalisée en 2011 auprès d’un échantillon représentatif l’avait déjà suggéré. Selon cette enquête, publiée en mars 2012 par la DREES, si « 78 % des médecins généralistes déclarent travailler 50 heures ou plus par semaine » et si « la durée moyenne d’une semaine de travail est de 57 heures » ([40]), cette durée « est en revanche moins élevée pour les médecins femmes (53 heures contre 59 heures pour les hommes) et les praticiens de 45 ans ou moins (55 heures contre 58 heures pour les 45 ans ou plus) » ([41]).

Il est vrai que la féminisation de la profession médicale – dont on ne peut que se féliciter – contribue au recul du temps médical disponible, compte tenu des exigences de conciliation entre vie professionnelle et vie privée et familiale. Or, d’après l’Atlas de la démographie médicale, en 2017, « les femmes représentent 47 % des médecins en activité régulière contre 38 % en 2007 » et « parmi les classes d’âge les plus jeunes, les femmes représentent 61 % des médecins » ([42]).

Mais la féminisation de la population médicale est loin d’être la cause exclusive de la raréfaction du temps médical disponible. Les exigences des jeunes générations de médecins en termes de conditions de vie et de travail, et leur aspiration à un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle y sont aussi pour beaucoup. Les propos tenus devant la commission par Mme Vanessa Fortané, vice-présidente du Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGJIR), l’ont d’ailleurs fort bien illustré : « ce n’est pas forcément d’argent que nous avons besoin : nous en gagnons quand même et plus que la moyenne des gens. Ce qui nous intéresse, c’est de prendre des vacances pour dépenser l’argent que nous gagnons ».

Enfin, last but not least, le temps médical disponible est de plus en plus amputé par l’alourdissement des tâches administratives de gestion, de secrétariat et de comptabilité. L’enquête menée par la DREES en 2011 a révélé que « les médecins déclarent une durée moyenne de consultation au cabinet d’un peu moins de 18 minutes » et qu’« en multipliant cette durée déclarée par le nombre d’actes effectués en moyenne chaque semaine et recensés par l’assurancemaladie, il est possible d’estimer le temps effectif que les médecins passent au contact des patients de leur cabinet. Selon ce calcul, ce temps serait d’environ 33 heures par semaine » ([43])… ce qui tend à suggérer que, sur une durée hebdomadaire moyenne de travail de 57 heures, une vingtaine d’heures est consacrée à d’autres types d’activités que les consultations ([44]).

Selon cette enquête, « les généralistes déclarent avoir consacré en moyenne 4 heures aux tâches de gestion, secrétariat et comptabilité […] ce qui représente 7 % de leur temps de travail hebdomadaire moyen », étant précisé que « 44 % des généralistes assurent eux-mêmes leur secrétariat » et que « 22 % des médecins tiennent eux-mêmes leur comptabilité » ([45]).

À cet égard, plusieurs des personnes entendues par la commission ont fait valoir avec force la nécessité d’une véritable simplification administrative. Lors de son audition, le directeur général de la Caisse nationale d’assurance-maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), M. Nicolas Revel, n’a pas manqué de mettre en exergue les efforts fournis pour « essayer de simplifier l’exercice quotidien de la profession de médecin », particulièrement en matière de tiers payant (suppression des motifs de rejet des factures établies dans ce cadre) et pour ce qui est des démarches administratives liées au suivi des patients atteints d’ALD (suppression du contrôle a priori pour les modalités d’entrée dans le dispositif, simplification des modalités de son renouvellement) ([46]).

Ces efforts semblent devoir être poursuivis et amplifiés si l’on en croit Mme Sophie Bauer, secrétaire générale du Syndicat des médecins libéraux (SML), qui a déploré que « le nombre de pages du dossier de la maison départementale de l’autonomie a[it] été multiplié par deux. Ce sont les médecins qui le remplissent, sans être financés, et les patients en ont absolument besoin. Quant aux services mis en ligne par la CNAMTS ([47]), ils sont parfois plus longs à remplir qu’un document papier. Autre exemple, on a calqué le compte rendu de sortie d’hospitalisation des établissements privés sur celui des hôpitaux où il y a des  petites mains pour remplir ces comptes rendus. Cela fait maintenant quatre pages, que le généraliste n’aura probablement pas le temps de lire ». S’ils sont dotés de « petites mains », les hôpitaux aussi croulent sous la charge administrative : Mme Rosine Leverrier, vice-présidente de la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité, a ainsi expliqué qu’« avec la tarification à l’activité (T2A), le système de cotation est tellement complexe que certains médecins consacrent des journées à saisir les cotations ».

Et quand les médecins ne passent pas leur temps à « faire de la paperasse », ils le consacrent à « passer le balai ». En effet, selon l’enquête conduite en 2011 par la DREES, « 14 % [des médecins généralistes interrogés] entretiennent eux-mêmes les sols de leurs locaux ». Or, « le temps passé à l’entretien des sols des locaux n’est pas non plus négligeable lorsque les médecins assurent eux-mêmes cette tâche : ils déclarent alors y consacrer 80 minutes par semaine en moyenne. Un quart d’entre eux y consacre deux heures ou plus » ([48]).

Toutes ces tâches empiètent sur le temps médical disponible qui, au demeurant, n’est pas nécessairement consacré par les médecins exclusivement à leur patientèle. Comme l’enquête précitée l’a montré, « au fil de l’analyse des activités pratiquées par les médecins, différents emplois du temps se dessinent : moins d’un médecin sur trois (28 %) se consacre exclusivement à la patientèle du cabinet. Les deux tiers (72 %) ont également des activités de permanence des soins, ou de soins, de coordination, d’expertise dans une autre structure, ou enfin au sein d’une organisation professionnelle ». En effet, « 60 % des médecins généralistes participent aux gardes dans le cadre de la permanence des soins. […] Les médecins impliqués dans un dispositif de gardes en effectuent en moyenne 10 heures par semaine. […] En sus de leurs activités au cabinet et de celles exercées dans le cadre de la permanence des soins, 30 % des médecins déclarent des activités de soins, de coordination ou d’expertise dans une structure telle qu’un établissement de santé (14 %), une maison de retraite en tant que médecin coordonnateur (8 %), une crèche (4 %), etc. […] 11 % des médecins ont des activités auprès d’organisations professionnelles (URPS [Unions régionales de professionnels de santé], Conseil de l’ordre, syndicats, sociétés savantes) ».

Enfin, facteur aggravant de l’inégalité d’accès aux soins, il faut souligner que le temps médical disponible varie selon les territoires – en grande partie au détriment des zones sous-dotées en médecins. Ainsi, selon l’enquête de la DREES, si la durée hebdomadaire moyenne de travail des médecins généralistes est de 57 heures, « elle s’élève à 60 heures en moyenne en zone rurale contre 56 heures en zone urbaine » ([49]). La surcharge de travail en zones rurales peut nuire à l’attractivité de territoires déjà sous-dotés car, comme l’ont écrit les sénateurs Jean-Noël Cardoux et Yves Daudigny, « dans leur choix de lieu d’exercice, les professionnels semblent privilégier, de plus en plus, la recherche d’une certaine qualité de vie, en termes à la fois d’organisation du travail mais aussi d’environnement social, économique et culturel pour eux et leur famille, plutôt qu’une rémunération plus élevée, une fois un certain niveau de revenu atteint » ([50]).

Ainsi, les exigences des jeunes générations de médecins en matière de conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle ne favorisent pas leur installation dans des territoires où le temps médical disponible pourrait cependant être augmenté par l’allongement de la durée d’activité des médecins si le cumul emploi-retraite était davantage encouragé et facilité.

Or les mesures prises en ce sens restent trop timorées. Certes, dans le cadre de son « Plan pour l’égal accès aux soins dans les territoires », le Gouvernement a pris, le 22 décembre 2017, un arrêté qui a relevé de 11 500 à 40 000 euros le plafond de revenu annuel en-deçà duquel les médecins exerçant en situation de cumul emploi-retraite dans les zones en tension peuvent demander à être dispensés de cotiser au régime de prestation complémentaire vieillesse (PCV) ([51]).

Toutefois, comme l’a souligné, lors de son audition, le président du Syndicat des médecins libéraux (SML), M. Philippe Vermesch, « cela ne va pas assez loin, puisqu’ils continuent à payer une cotisation retraite pénalisante sans obtenir en retour une majoration de leurs revenus ».

Ce « problème des cotisations sociales qui restent à taux plein et non proportionnelles à l’activité […] peut gêner des médecins d’un certain âge qui veulent continuer [à exercer] », ainsi que l’a expliqué, devant la commission, M. Pascal Gendry, président de la Fédération française des maisons et pôles de santé (FFMPS).

En effet, le médecin retraité qui poursuit ou reprend une activité est aujourd’hui tenu de cotiser aux régimes de base et complémentaire d’assurance vieillesse, sans que ces cotisations ne lui ouvrent de droits supplémentaires.

Le rapporteur propose d’inciter plus fortement les médecins retraités toujours actifs à aller exercer en zones sous-dotées en les faisant bénéficier à ce titre d’un allègement de leurs charges sociales, dans le cadre d’une contractualisation avec les ARS, qui se traduirait par une exonération totale de cotisations retraite, sans condition de plafond de revenu annuel.

Proposition n° 2 : exonérer de toute cotisation retraite, sans condition de plafond de revenu annuel, les médecins exerçant en situation de cumul emploi-retraite dans les zones en tension.

Un tel dispositif d’exonération de cotisations contribuerait à rendre le cumul emploi-retraite plus attractif, à mobiliser rapidement de la ressource médicale, à accroître le temps médical disponible et, par conséquent, à répondre, au moins partiellement, au besoin en médecins qui devrait s’accentuer au cours des dix prochaines années.

c.   Un décalage entre l’offre et la demande de soins qui devrait s’accentuer jusqu’en 2025-2030

Si l’on en croit les projections disponibles, en admettant que les comportements actuels des médecins et la législation en vigueur se maintiennent, « le nombre de médecins en activité devrait être quasiment stable entre 2016 et 2019, puis repartir à la hausse dès 2020 », mais « l’offre médicale devrait [néanmoins] croître moins vite que la demande, au cours des dix prochaines années » ([52]) dans la mesure où :

– les effectifs de médecins spécialistes de médecine générale évolueraient de manière moins dynamique que ceux des autres spécialistes qui, eux, bénéficieraient davantage des installations de médecins diplômés à l’étranger ;

– la hausse du nombre d’entrants dans la vie active ne suffira pas à contrebalancer les cessations d’activité des médecins âgés ; 

– la féminisation et le renouvellement des générations de la population des médecins libéraux devraient conduire à une baisse de l’offre globale de soins, et notamment du nombre d’heures médicales disponibles, d’une ampleur plus importante que celle des effectifs ;

– en raison du vieillissement de la population, les besoins de soins devraient augmenter plus rapidement que le nombre d’habitants.

Ce n’est qu’à l’horizon des années 2030 que la population médicale et l’offre de soins devraient être en meilleure adéquation avec la demande de soins. Selon la DREES, « jusqu’en 2025, les effectifs de médecins augmenteraient moins que les besoins de soins de la population. […] La densité médicale, c’est-à-dire le nombre de médecins pour 1 000 habitants, chuterait davantage que les effectifs, en raison de l’augmentation de la population française de 10 % au cours de la période. Elle baisserait de 3,27 à 3,18 médecins pour 1 000 habitants entre 2015 et 2021, atteignant à cette date un point bas égal à la densité de 2006, avant de remonter pour retrouver en 2028 le niveau de 2015. En 2040, la densité de médecins serait supérieure de 18 % à la densité de 2015 » ([53]).

Le creux de la démographie médicale est donc devant nous, et si rien n’est fait, les inégalités d’accès aux soins, déjà difficilement supportables, pourraient encore s’aggraver ces prochaines années. Selon le directeur général de la DREES, M. Jean-Marc Aubert, « dans l’hypothèse de la stagnation du numerus clausus et compte tenu de la répartition actuelle des internes, nous devrions voir dans les prochaines années se poursuivre la baisse, déjà constatée, du nombre de médecins généralistes libéraux par rapport à la population consommatrice de soins. Cette baisse devrait être d’environ 30 % à l’horizon 2025-2030 », de sorte qu’il nous faudrait « former l’équivalent de 30 % des quelque 55 000 médecins généralistes libéraux actuels, soit de l’ordre de 15 000 médecins ».

Il sera impossible d’y parvenir sans mesures fortes, tant la pénurie de médecins est aujourd’hui sévère et généralisée, touchant aussi bien le secteur libéral que le secteur hospitalier.

2.   Une pénurie de médecins dans le secteur libéral, mais aussi dans le secteur hospitalier

Passés de 118 842 en 1979 ([54]) à 290 974 au 1er janvier 2017 ([55]), les effectifs de médecins inscrits au tableau de l’Ordre comprenaient, au 1er janvier 2018 :

– parmi les médecins en activité : 45 % de spécialistes de médecine générale ; 55 % de spécialistes hors médecine générale – étant précisé que les spécialités regroupant les effectifs les plus importants sont la psychiatrie (6,8 % des médecins), l’anesthésie-réanimation (5,1 %) et le radiodiagnostic et l’imagerie médicale (3,9 %) ; 46 % de médecins exerçant exclusivement à titre libéral ; 12 % de médecins ayant fait le choix d’un exercice mixte (cumulant ainsi activités salariée et libérale) ; 44 % de médecins exerçant tout ou partie de leur activité à l’hôpital ([56]) ;

– 25 000 médecins non-répertoriés dans le fichier du Système national d’information inter-régimes de l’assurance-maladie (SNIIRAM), d’après le professeur Pierre Simon ([57]).

Confirmant le déclin de l’exercice libéral (a), ces chiffres sont issus d’une étude qui montre que, si, depuis six ans, l’effectif de médecins a progressé de 4,5 %, c’est essentiellement sous l’effet de la hausse du nombre de médecins hospitaliers dont les contingents restent cependant eux aussi insuffisants (b).

a.   Le déclin de l’exercice libéral au profit du salariat

L’Atlas de la démographie médicale publié l’an dernier par le CNOM étaye, s’il en était encore besoin, le déclin de l’exercice libéral chez les médecins qui se tournent toujours davantage vers le salariat, en particulier en début de carrière. Comme l’indique ce document, lors de la première inscription au tableau de l’Ordre, seuls 12,1 % des médecins fraîchement diplômés font le choix d’exercer en secteur libéral ou mixte ([58]), soit un peu plus d’un dixième d’entre eux.

L’Atlas précité retrace l’évolution des parts respectives de l’exercice libéral et salarié au cours des dix dernières années et montre que, sur les quelque 197 859 médecins en activité régulière recensés au 1er janvier 2017 :

– 42,8 % exerçaient exclusivement à titre libéral (soit 84 738 médecins), c’est-à-dire 10,5 % de moins qu’en 2007 ;

– 46,5 % exerçaient à titre salarié (soit 91 851 médecins) – parmi lesquels 66,3 % étaient des praticiens hospitaliers –, ce qui, au cours de la dernière décennie, représente une augmentation de 10,7 % de la part des médecins salariés au sein de l’ensemble de la population médicale en activité régulière ;

– 10,7 % pratiquaient l’exercice mixte (soit 21 123 médecins) – parmi lesquels 68,6 % étaient des libéraux-hospitaliers –, ce qui, sur la période 2007‑2017, constitue une hausse de 9,7 % de la part des médecins optant pour l’exercice mixte parmi l’ensemble des médecins en activité régulière ([59]).

Le déclin de l’exercice libéral au profit de l’exercice mixte et du salariat devrait se poursuivre si l’on en juge par les projections de la DREES qui estime qu’à l’horizon de 2040, « selon [son] scénario tendanciel, la part de médecins libéraux exclusifs reculerait fortement, passant de 47 % en 2016 à 38 % en 2040 tandis que les proportions de médecins mixtes (c’est-à-dire ayant une activité libérale et une activité salariée) et salariés augmenteraient (respectivement de 11 à 15 % et de 42 à 46 % au cours de la même période) » ([60]).

Au-delà de son recul, il faut souligner que l’exercice libéral est marqué par une progression du remplacement. En effet, outre que, parmi les médecins qui se sont inscrits à l’Ordre en 2017, 63 % sont salariés – soit une proportion nettement plus élevée que parmi les médecins en exercice (43 %) –, « les deux tiers des nouveaux médecins libéraux exercent en tant que remplaçants » ([61]).

L’exercice en qualité de remplaçant se développe de façon significative puisque, l’an dernier, lors de leur première inscription au tableau de l’Ordre, 21,3 % des jeunes générations de médecins avaient privilégié ce type d’exercice ([62]) – le CNOM précisant qu’« au 1er janvier 2017, le tableau de l’Ordre recens[ait] 12 011 médecins remplaçants », que « sur les dix dernières années, les effectifs [de remplaçants] ont augmenté de 24,6 % » et que « selon [les] projections, il y a une forte probabilité que d’ici à 2025, les effectifs continuent d’augmenter pour atteindre plus de 14 300 médecins remplaçants » ([63]).

Selon le CNOM, l’augmentation de 25 % de la part des médecins remplaçants au cours de la dernière décennie tient à ce que « les jeunes générations souhaitent exercer en tant que remplaçant ou en tant que salarié durant les trois ou quatre premières années qui suivent leur première inscription au tableau de l’ordre » ([64]).

Mais là encore, certains territoires attirent davantage les médecins remplaçants que d’autres. Si « l’ensemble des régions recense une hausse plus ou moins significative du nombre de médecins remplaçants sur la période 20102017, allant de + 1,2 % pour la région Île-de-France à + 150 % pour Mayotte » ([65]), « la carte à l’échelle des bassins de vie de la variation des effectifs des médecins remplaçants sur la période 2010-2017 met en évidence une France rurale de l’intérieur qui semble être peu attractive pour les médecins remplaçants » ([66]).

Afin de corriger ce phénomène, en particulier chez les jeunes médecins qui choisissent le remplacement pendant leurs premières années d’exercice, le CNOM a formulé une proposition intéressante consistant à créer un statut d’assistant de territoire inspiré de l’assistanat des hôpitaux et de l’assistanat partagé ville-hôpital.

Proposition n° 3 : créer un statut de « médecin - assistant de territoire ».

Ce statut permettrait, selon le CNOM, de flécher l’exercice des jeunes médecins qui ne souhaitent pas encore franchir le cap de l’installation vers des zones en tension où ils pourraient exercer aussi bien dans des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) que dans des centres de santé ou des centres hospitaliers locaux (CHL), en contrepartie d’avantages sociaux et conventionnels.

Le statut de « médecin – assistant de territoire » proposé par le CNOM

Les données démographiques du CNOM montrent, chez les jeunes médecins faisant le choix de l’exercice libéral, un temps de latence moyen de cinq ans entre la fin du diplôme d’études spécialisées (DES) et l’installation.

Ces cinq premières années après l’obtention du diplôme de docteur en médecine sont consacrées à la « découverte » des différents modes d’exercice, notamment par la multiplication des remplacements auprès de médecins libéraux, particulièrement en médecine générale. Cela tendrait à démontrer que la formation initiale des médecins ne permet pas, aujourd’hui, de bâtir un projet d’exercice professionnel en dehors de l’hôpital.

L’encouragement à exercer devrait être conçu sur le mode de ce qui est fait aujourd’hui à l’hôpital, à travers le recrutement de jeunes médecins dans le post-internat immédiat sous le statut contractuel d’assistant spécialiste des hôpitaux ou d’assistant généraliste des hôpitaux. Outre la prime versée à l’occasion du recrutement initial (5 329 euros pour 2 ans ; 10 658 euros pour 4 ans), ces jeunes médecins ont l’assurance de débuter leur carrière dans le cadre rassurant d’un travail en équipe et de bénéficier d’un statut sécurisant en termes notamment de droits sociaux (rémunérations encadrées, congés maladie, maternité et paternité, droit au chômage en fin de contrat, etc.)

Le CNOM propose de s’engager vers la création d’un statut équivalent pour l’exercice libéral : le « médecin-assistant territorial ».

Il s’agirait d’un statut « de médecin-assistant de territoire » de deux ans renouvelables selon les modalités permises par le statut d’assistant des hôpitaux.

Sous ce statut, le jeune médecin s’engagerait dans une zone en tension démographique actuelle ou imminente. Cet engagement se ferait, à l’instar de l’assistanat hospitalier, sur la seule base du volontariat.

Il permettrait à de jeunes médecins, quelle que soit leur spécialité, de débuter dans l’exercice de leur profession dans un environnement professionnel attractif, en étant notamment intégrés à une équipe de soins ambulatoires.

Cet engagement volontaire comme « médecin-assistant territorial » ouvrirait le droit aux mêmes contreparties que celles garanties aux assistants des hôpitaux et aux assistants partagés ville-hôpital :

- l’intégration dans un travail d’équipe ;

- une ouverture à des droits sociaux sécurisants, en termes notamment de congés maladie, de congés pour la formation, ou encore de congés maternité ou paternité.

- une ouverture aux mêmes avantages conventionnels que ceux dont bénéficient les anciens assistants des hôpitaux, après deux ans d’assistanat.

Ce statut de « médecin-assistant de territoire » contribuerait, tout en permettant aux jeunes médecins de construire leurs projets professionnels en harmonie avec leur choix de vie personnelle, de remplir une mission de service public rémunérée comme telle et une mission d’accès aux soins rémunérée comme professionnel libéral.

Source : CNOM. Voir le lien suivant : https://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/cnom_medecin_assistant_territoire.pdf

Ce statut d’« assistant de territoire » ne se confondrait pas avec celui de « médecin adjoint » qui mériterait d’ailleurs d’être précisé et conforté… car il est aujourd’hui fragilisé par les velléités manifestées par certains services de l’administration fiscale d’assujettir les médecins adjoints à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur leurs honoraires… alors que, d’après les informations transmises au rapporteur par la direction générale des finances publiques (DGFiP), « au regard des règles applicables en matière de TVA, le recours à un médecin adjoint doit être assimilé au remplacement occasionnel d’un praticien ». Or, de la même façon que « le 1° du 4 de l’article 261 du code général des impôts (CGI) exonère de la taxe les prestations de soins à la personne, c’est-à-dire toutes les prestations qui concourent à l’établissement des diagnostics médicaux ou au traitement des maladies humaines, [dès lors qu’elles sont] dispensées notamment par des membres des professions médicales ou paramédicales réglementées », de même, « dès lors que l’interne en médecine est autorisé à exercer la médecine à titre de remplaçant d’un docteur en médecine, les actes de prévention, de diagnostic et de soins qu’il pratique peuvent bénéficier de l’exonération de TVA au même titre que ceux dispensés par les médecins (omnipraticiens ou spécialistes), docteurs en médecine ».

L’exercice de la médecine en tant que remplaçant, adjoint ou collaborateur

• L’exercice en qualité de remplaçant est strictement encadré :

- afin d’assurer la continuité des soins à ses patients, un médecin, indisponible, peut se faire temporairement remplacer par un confrère ou un étudiant en médecine remplissant les conditions fixées par l’article L. 4131-2 du code de la santé publique (c’est-à-dire ayant suivi ou validé la totalité du deuxième cycle des études médicales, et validé, au titre du troisième cycle, un nombre de semestres déterminé selon la spécialité suivie, sans pour autant avoir soutenu sa thèse) ;

- le remplacement est personnel et ne concerne qu’un seul médecin ;

- il doit être autorisé par le conseil départemental de l’Ordre des médecins (CDOM) ;

- il est prévu pour un temps limité ;

- le médecin remplacé doit cesser toute activité médicale libérale pendant la durée du remplacement ;

- sauf clause contraire, un médecin ou un étudiant qui a remplacé un de ses confrères pendant trois mois consécutifs ou non, ne doit pas, pendant une période de deux ans, s’installer dans un cabinet où il puisse entrer en concurrence directe avec le médecin remplacé (article R. 4127-86 du code la santé publique).

• L’exercice en qualité d’adjoint à un médecin peut être autorisé par le CDOM, pour une durée maximale de trois mois renouvelable, « en cas d’afflux exceptionnel de population » constaté par un arrêté du préfet, conformément à l’article L. 4131-2 précité.

Il peut concerner les étudiants en médecine remplissant les mêmes conditions que celles mentionnées pour le remplacement, à savoir ceux qui, bien que « non thésés », ont validé leur cursus de troisième cycle et sont en possession d’une autorisation de remplacement.

Ce dispositif diffère du remplacement puisque le médecin et son adjoint peuvent exercer en même temps – étant précisé que le médecin adjoint utilise le matériel informatique et les feuilles de soins du médecin installé.

Par ailleurs, une instruction ministérielle du 24 novembre 2016 adressée aux ARS a confirmé l’interprétation déjà mise en œuvre par plusieurs conseils départementaux de l’Ordre des médecins dont celui d’Eure-et-Loir, en explicitant que le recours au statut d’adjoint, prévu en principe « en cas d’afflux exceptionnel de population constaté par un arrêté du représentant de l’État dans le département », puisse s’entendre « comme visant l’exercice dans des zones caractérisées par une situation de déséquilibre entre l’offre de soins et les besoins de la population, générant une insuffisance voire une carence d’offre de soins, dans une ou plusieurs spécialités ».

Dans un rapport de mission présenté en décembre 2016 et intitulé « Améliorer l’offre de soins : initiatives réussies dans les territoires », M. François Arnault, délégué général aux relations internes du CNOM, a suggéré qu’« on pourrait étendre cet assistanat en autorisant des lieux d’exercices multiples, toujours en partenariat et en assistance à un médecin installé dans une commune pivot ».

• La possibilité pour un médecin de s’attacher le concours d’un médecin collaborateur libéral est prévue par le code de déontologie médicale (article R. 4127-87 du code de la santé publique). Chacun d’eux exercent leur activité médicale en toute indépendance, sans lien de subordination.

Plus globalement, les statuts de « médecin remplaçant » et de « médecin adjoint » gagneraient à être assouplis afin de mobiliser plus facilement la ressource médicale disponible, et notamment celle des quelque 25 000 médecins qui sont inscrits à l’Ordre sans être pour autant répertoriés dans le fichier du Système national d’information inter-régimes de l’assurance-maladie (SNIIRAM).

Dans cette optique, le président du CNOM, M. Patrick Bouet, a suggéré, lors de son entretien avec le rapporteur, de :

– substituer au régime d’autorisation, par les CDOM, de l’exercice en qualité de médecin adjoint ou remplaçant un régime déclaratif (auprès de ces mêmes CDOM) ;

– supprimer, pour l’exercice en qualité de médecin adjoint, la condition de constat, par arrêté préfectoral, d’un afflux exceptionnel de population ou d’une situation de déséquilibre entre l’offre de soins et les besoins de la population ([67]).

Proposition n° 4 : substituer un régime déclaratif au régime d’autorisation, par les conseils départementaux de l’Ordre des médecins (CDOM), de l’exercice en qualité de médecin adjoint ou remplaçant.

Le rapporteur ne peut que souscrire à ces propositions de simplification qui semblent frappées au coin du bon sens. À ses yeux, on pourrait même aller plus loin en permettant à des médecins « thésés » de venir ponctuellement en appui d’autres médecins, en particulier de ceux installés en zones sous-denses.

Ces médecins complémentaires et « volants » bénéficieraient d’un statut propre qui ne se confondrait :

– ni avec celui des médecins remplaçants dans la mesure où les médecins « épaulés » n’auraient pas à cesser leur activité médicale libérale du fait de l’arrivée d’un confrère en appoint ;

– ni avec celui des médecins adjoints dans la mesure où les médecins venant en renfort exerceraient pour leur propre compte, sans utiliser les feuilles de soins du médecin installé et sans rétrocession d’honoraires, en qualité de travailleurs non-salariés (TNS).

Pour les « médecins volants », ce statut de TNS aurait l’avantage de limiter le poids des charges sociales, de les soumettre à un régime d’assurance‑maladie aligné sur celui des salariés et de leur ouvrir la possibilité de se constituer une protection complémentaire (notamment au titre de la retraite et de la prévoyance).

Proposition n° 5 : créer un statut de « médecin volant » qui permettrait à des médecins « thésés » de venir ponctuellement épauler d’autres médecins, en particulier ceux installés en zones sous-denses, en qualité de travailleurs nonsalariés (TNS).

Lors de son entretien avec le rapporteur, le président du CNOM, M. Patrick Bouet, s’est montré ouvert à l’idée de créer ce nouveau statut de « médecin de renfort », tout en déclarant espérer que les assouplissements des statuts de « médecin remplaçant » et de « médecin adjoint » contribueront à endiguer la pénurie de médecins qui affecte le secteur libéral et qui n’épargne pas davantage le secteur hospitalier.

b.   Une pénurie qui n’épargne pas l’hôpital où les services d’urgence sont de plus en plus engorgés

Lors de son audition, le président de la Fédération hospitalière de France (FHF), M. Frédéric Valletoux, a indiqué que « quelque 26 % des postes de praticiens hospitaliers à temps plein ne sont pas pourvus, et 46 % des postes de praticiens hospitaliers à temps partiel ». C’est en effet ce qui ressort d’une enquête menée en 2016 pour le compte de la FHF auprès de 5 600 médecins et étudiants en médecine ([68]).

Il en résulte que certains établissements de santé n’ont guère d’autre choix que de recourir, parfois massivement, à l’intérim médical, avec le risque que se crée une spirale infernale aux conséquences financières désastreuses.

Ainsi, dans une question écrite adressée en novembre 2017 à la ministre des Solidarités et de la santé, la sénatrice Frédérique Gerbaud a cité le cas des hôpitaux de l’Indre – et notamment celui de Châteauroux – qui, à l’été 2017, ont fait face à une grave pénurie de médecins dans leurs services d’urgences et ont donc dû « recourir de plus en plus à des praticiens intérimaires, dont ils se disputent les services au prix fort », à tel point qu’« en juillet-août 2017, les hôpitaux de la région Centre Val-de-Loire se sont livrés à une surenchère indécente pour en recruter. Des rémunérations allant de 1 800 à plus de 2 000 euros pour 24 heures de garde ont été observées » ([69]).

Au-delà du cas de la région Centre-Val-de-Loire, M. François Simon, président de la section « exercice professionnel » du CNOM, a reconnu lors de son audition que « des hôpitaux dépensaient des sommes faramineuses pour faire venir des médecins, avec des sommets en radiologie et en anesthésie, en fonction de l’activité fournie, parfois dérisoire ». Un rapport publié par le député Olivier Véran en 2013 estimait le coût annuel de l’intérim médical pour les hôpitaux à environ 500 millions d’euros ([70]) – ce qui correspond à la moitié du déficit des hôpitaux publics en 2017 ([71]).

Certes, le décret n° 2017-1605 du 24 novembre 2017 relatif au travail temporaire des praticiens intérimaires dans les établissements publics de santé a plafonné la rémunération journalière versée à ceux que l’on qualifie parfois de « médecins mercenaires », afin de réduire le décalage entre la rémunération de ces derniers et celle des praticiens hospitaliers qui sont deux à quatre fois moins bien payés ([72]). En principe, en application de l’arrêté du 24 novembre 2017 fixant le montant du plafond des dépenses engagées par un établissement public de santé au titre d’une mission de travail temporaire, les médecins intérimaires ne peuvent désormais percevoir plus de 1 404 euros pour une journée de vingt-quatre heures de travail effectif, depuis le 1er janvier dernier. Cette rémunération devrait évoluer de manière dégressive pour atteindre 1 287 euros en 2019 et 1 170 euros à compter de 2020.

Il semblerait toutefois que certains médecins « mercenaires » tentent d’ores et déjà de contourner ce dispositif d’encadrement, ce qui, aux yeux du rapporteur, devrait conduire à des sanctions très fermes. Ainsi que l’a expliqué Mme Bernadette Mallot, directrice du centre hospitalier d’Auxonne et déléguée régionale de l’Association nationale des centres hospitaliers locaux et des hôpitaux de proximité (ANCHL) pour la région Bourgogne-Franche-Comté, « les médecins établissent désormais des listes noires et ne vont pas dans certains établissements qui refusent de les payer plus que le montant fixé par décret ».

À cet égard, le président de la Fédération hospitalière de France (FHF), M. Frédéric Valletoux, a appelé, lors de son audition, à un « renforcement des contrôles du Conseil de l’Ordre », précisant que la FHF l’avait « saisi plusieurs fois à propos du comportement non déontologique de certains médecins qui appellent au boycott des établissements respectant “ trop ” les grilles de rémunérations ». Selon lui aussi, « il circule des listes d’hôpitaux que l’on incite à éviter quand ils proposent des missions d’intérim, parce qu’ils veulent appliquer la tarification réglementaire ».

D’après M. Samuel Valero, vice-président de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF), certains médecins intérimaires ont « créé un syndicat dans le Grand Ouest et exercé, il y a trois semaines, un chantage sur tous les centres hospitaliers de la zone pour que ces derniers augmentent leur rémunération de manière globale ».

Si regrettable que cela soit, le risque d’un contournement de la réglementation applicable au recours à l’intérim médical dans les hôpitaux publics persistera tant qu’on sera contraint de faire appel à des « médecins mercenaires » pour pallier la pénurie de praticiens hospitaliers.

L’hôpital public paie en effet le prix non seulement d’une pénurie de médecins généralisée, mais aussi d’un défaut d’attractivité. Selon Mme Rachel Bocher, présidente nationale de l’Intersyndicale des praticiens hospitaliers, « un praticien perçoit entre 2 500 et 6 500 euros [par mois]. 6 500 [euros], c’est le salaire d’un débutant dans le privé » ([73]).

Comme l’a fort justement signalé la sénatrice Frédérique Gerbaud, « cette anomalie aboutit à la constitution d’un corps de médecins intérimaires qui reviennent excessivement cher aux hôpitaux, et elle incite les praticiens titulaires “ plein temps ” à démissionner ou à se mettre en disponibilité pour se consacrer à l’intérim, plus rémunérateur » ([74]).

Autrement dit, l’hôpital public se retrouve prisonnier d’un cercle vicieux où la pénurie de médecins nourrit le recours à l’intérim qui lui-même aggrave la pénurie…

Or cela n’est pas sans faire peser des risques sur la qualité de la prise en charge des patients. Comme l’a expliqué M. Michel Ballereau, délégué général de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP), « au-delà d’un certain nombre d’intérimaires, la sécurité n’est plus assurée » ([75]).

C’est en particulier le cas des quelque 719 structures des urgences que compte notre pays. Devant faire face à un nombre annuel de passages ayant évolué de 10 millions en 1996 à 21 millions en 2016 ([76]), les services d’urgences se trouvent en situation de saturation, étant confrontés tout à la fois à l’augmentation de la demande de soins, à la pénurie de médecins hospitaliers – en particulier des urgentistes – et aux conséquences de la pénurie de médecins libéraux. En effet, comme l’a dit justement dit la représentante de l’ANCHL, Mme Bernadette Mallot, « on sait bien que la raréfaction des médecins libéraux retombe sur les urgences : c’est indéniable ». Le rapporteur souligne que, conjuguée à la baisse des déplacements des services mobiles d’urgence et de réanimation (SMUR) et des ambulanciers, cette raréfaction retombe aussi sur les sapeurs-pompiers dont le nombre total d’interventions est passé de 3,4 millions en 1998 à 4,5 millions en 2017 (soit une hausse de 33 % en vingt ans) – étant précisé que la proportion des secours d’urgence aux personnes sur ce total a, dans le même temps, bondi de 54 % à 84 % ([77]) .

Dans un récent rapport sur notre système de santé, le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance‑maladie (HCAAM) l’a du reste confirmé ([78]).

C’est aussi le constat du directeur de l’IRDES, M. Denis Raynaud, qui a expliqué lors de son audition que « sans surprise, le recours aux urgences est beaucoup plus élevé dans les endroits où l’offre est défaillante. […] La carence de l’offre de premier recours – médecin généraliste, infirmier, kinésithérapeute – conduit à une sollicitation accrue des services d’urgences. […] En la matière, l’indicateur clé est le recours aux urgences non suivi dhospitalisation qui, dans la littérature internationale, est retenu comme l’un des signes de la mauvaise qualité de l’organisation des soins ».

Or, à cet égard, la Cour des comptes a observé en 2014 que, si « en 2012, pas moins de 10,6 millions de personnes, près d’un sixième de la population française, sont venues se faire soigner, parfois à plusieurs reprises dans l’année, dans les services d’urgence hospitaliers » et si « ceux-ci ont enregistré ainsi plus de 18 millions de passages, soit 30 % de plus en dix ans » ([79]), « un passage sur cinq n’a pas nécessité d’autre acte qu’une consultation, soit en première analyse de l’ordre de 3 600 000  passages évitables  » ([80]).

D’après M. Karim Tazarourte, vice-président de la Société française de médecine d’urgence (SFMU), « la proportion des patients d’un service d’urgence qui souffrent d’une pathologie relevant de la médecine générale […] varie, mais elle est comprise entre 30 % et 40 % ».

Pour leur part, les sénateurs Laurence Cohen, Catherine Génisson et René‑Paul Savary estiment, en s’appuyant sur des chiffres fournis par la Cour des comptes, que « 43 % des passages aux urgences relèvent d’une simple consultation médicale, et [que] 35 % auraient pu obtenir une réponse auprès d’un médecin généraliste » ([81]). Il y a donc urgence à refonder en profondeur le système d’accès aux soins.

L’engorgement des services d’urgence des hôpitaux publics mais aussi privés ([82]) est en effet l’une des conséquences du « décalage croissant entre une demande de soins non programmés en hausse et une offre ambulatoire en voie de raréfaction » ([83])

Pour reprendre la formule de M. Karim Tazarourte, « l’un des drames, actuellement, de ces services [d’urgence], c’est qu’ils apparaissent à la population comme une solution mais que celle-ci n’est pas adaptée en termes d’efficience ». Par exemple, « l’évènement aigu qui conduit une personne âgée à se rendre aux urgences doit pouvoir être traité rapidement, mais en s’insérant dans un parcours de soins et non pas, comme nous le vivons actuellement, en créant de toutes pièces ce parcours qui ne l’a pas été au cours des années précédentes ». Or, « aux urgences, nous sommes régulièrement confrontés à des événements indésirables dus à l’incapacité totale d’obtenir des informations. Ce n’est pas parce que le collègue exerçant en ville n’a pas souhaité les mettre à disposition, mais parce qu’il y a des ruptures de charge ».

Celles-ci ont d’ailleurs encore récemment été dénoncées par la Fédération hospitalière de France (FHF). Selon M. Jean-Pierre Jardry, administrateur de la FHF, « si le décret n° 2016-995 du 20 juillet 2016 relatif à la lettre de liaison impose une transmission des informations en amont et en aval de l’hospitalisation entre les professionnels de santé, ce réflexe indispensable à la bonne coordination du parcours ne semble pas encore acquis » ([84]). À cet égard, M. Karim Tazarourte a déploré les lenteurs que connaît la mise en œuvre du dossier médical personnel, désormais baptisé « dossier médical partagé » (DMP). Sorte de « carnet de santé numérique », le DMP a été institué par la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance‑maladie, afin de favoriser la coordination, la qualité et la continuité des soins, et, en cas d’urgence, de simplifier et accélérer la consultation des antécédents médicaux du patient. Alors qu’il devait être généralisé à tous les bénéficiaires de l’assurance-maladie pour le 1er juillet 2007, ce n’est toujours pas le cas plus de dix ans plus tard. À la fin de l’année 2015, seuls 600 000 DMP avaient été ouverts, et l’on ne dénombrait que 6 000 médecins libéraux utilisateurs et 500 établissements de santé équipés ([85]).

De son côté, la ministre des Solidarités et de la Santé, Mme Agnès Buzyn, a appelé nos concitoyens à raisonner leur recours aux services d’urgence ([86]) qui est, selon elle, régi par un « besoin d’immédiateté » parfois excessif.

Ce besoin n’est aujourd’hui pas satisfait par une offre médicale – en particulier libérale – qui est caractérisée par de très fortes inégalités de répartition sur le territoire inacceptables dans un pays qui, comme la France, consacre une fraction considérable de sa richesse aux dépenses de santé ([87]).

B.   Des INÉgalitÉs de rÉpartition plus accentuÉes pour les mÉdecins spÉcialistes que pour les MÉdecins gÉnÉralistes

Lors de son audition, le directeur général de la DREES, M. Jean-Marc Aubert, a dressé un constat qui se voulait plutôt rassurant, expliquant que « les médecins généralistes libéraux sont aussi bien répartis qu’en 1980 » et que « simplement, après des décennies de croissance de leur nombre, on a assisté à une stagnation puis désormais une baisse de ce nombre par rapport à la population consommatrice de soins ». On peut ainsi lire, dans une récente étude de la DREES, qu’« en matière d’accès aux médecins généralistes, les inégalités de densités départementales n’ont pas augmenté depuis les années 1980 », « 98 % de la population réside à moins de 10 minutes du généraliste le plus proche en 2016 » et « moins de 0,1 % de la population, soit 52 000 personnes environ, doit parcourir un trajet de 20 minutes ou plus en voiture pour consulter un généraliste » ([88]). La commission estime néanmoins que cet indicateur ne reflète pas la réalité des difficultés d’accès aux soins : à quoi bon faire un trajet de seulement dix minutes, à supposer que l’on dispose d’un véhicule, si le médecin croule sous les sollicitations et se trouve dans l’incapacité de vous recevoir rapidement ? Le rapporteur considère que ces données théoriques se fracassent sur les réalités du quotidien.

D’autres études paraissent plus proches de la vérité. Ainsi, en juin 2016, l’UFC-Que choisir a publié une étude sur la « fracture sanitaire » qui a analysé l’offre exhaustive de soins de ville pour quatre spécialités (généralistes, pédiatres, ophtalmologistes et gynécologues) et dont il ressort qu’entre 2012 et 2016, l’accès géographique aux médecins généralistes (à moins de 30 minutes du domicile) s’est dégradé pour plus du quart de la population (27 % exactement). L’accès aux médecins spécialistes a diminué pour 38 % des Français en ce qui concerne les ophtalmologistes, 40 % pour les pédiatres et même 59 % de la population pour l’accès aux gynécologues. Selon les spécialités, ce serait entre 14,6 millions (pour les généralistes) et 21,1 millions (pour les pédiatres) d’usagers qui vivraient dans un territoire où l’offre de soins libérale est notoirement insuffisante.              

Ainsi, 23 % de la population métropolitaine ont des difficultés à consulter un médecin généraliste à moins de trente minutes de route de leur domicile. Et pour les ophtalmologistes, gynécologues et pédiatres, l’accès dans un trajet maximal de 45 minutes est difficile pour 28 à 33 % de la population métropolitaine.

Qui plus est, lorsque l’on cherche à se soigner sans dépassement d’honoraires, ce serait plus de 8 Français sur 10 qui n’auraient pas suffisamment d’ophtalmologistes ou de gynécologues près de chez eux ([89]).

  S’appuyant sur cette étude, le vice-président de l’UFC-Que Choisir, M. Daniel Bideau, a estimé, lors de son audition, que « jusqu’à̀ un Français sur cinq, selon la spécialité étudiée, vit dans un désert médical ». Et le responsable des études de l’UFC-Que Choisir, M. Mathieu Escot, a précisé que « ce recul concerne toutes les régions de France, y compris l’Île-de-France ou la ProvenceAlpes-Côte d’Azur (PACA) ».

Afin d’affiner la cartographie de l’offre de soins, la DREES et l’IRDES ont développé en 2012 un indicateur : « l’accessibilité potentielle localisée (APL) » qui fournit une mesure de l’offre disponible en tenant compte du nombre de consultations que fait le médecin, de la distance entre le médecin et le patient, de la demande adressée au médecin et de l’âge de la population qui adresse cette demande. Un médecin généraliste est ainsi considéré comme disponible s’il se trouve à moins de 30 minutes de trajet, et un médecin spécialiste à moins 45 minutes de trajet.

Désormais utilisé par plusieurs agences régionales de santé (ARS) pour construire les zones servant de base à leur politique territoriale, cet indicateur est exprimé en nombre annuel de consultations par habitant avec des paramètres définis par un groupe de travail commun à la DREES, à l’IRDES, au secrétariat général des ministères sociaux, à la direction générale de l’offre de soins (DGOS), à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et au Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET).

Il ressort du rapport des sénateurs Jean-Noël Cardoux et Yves Daudigny que « l’accessibilité moyenne aux médecins généralistes libéraux est de 4,11 consultations par an et par habitant en 2015, sachant que 22 % des assurés du régime général ne consultent pas dans l’année. Sur le critère d’un nombre de consultations inférieur à 2,5 par an et par habitant, 8 919 communes sont situées dans des zones sous-dotées, soit une population de 5,2 millions de personnes et 8,1 % de la population. Dans ces communes sous-denses, l’indicateur APL moyen est de 1,99 et l’APL médian de 2,14. Quel que soit le seuil retenu, les régions les plus touchées sont les Antilles-Guyane, la Corse, le Centre Val-de-Loire, Auvergne Rhône-Alpes, Bourgogne Franche-Comté et l’Île-de-France » ([90]).

Ce constat recoupe, dans une certaine mesure, les données fournies par le CNOM dans son Atlas de la démographie médicale où il est par exemple indiqué que « la région Île-de-France a la particularité d’être la seule région de France dont aucun département n’enregistre une augmentation des effectifs de médecins en activité régulière durant ces sept dernières années » ([91]).

D’après le CNOM, les disparités en termes de répartition territoriale des médecins en activité régulière se situent surtout à l’échelle infra-régionale. Par exemple, « la Nouvelle-Aquitaine (région qui enregistre une augmentation des effectifs sur la période 2010-2017) est divisée en deux : six départements recensent une hausse des effectifs et six autres une diminution ». De la même façon, « la région Auvergne/Rhône-Alpes, également composée de douze départements, recensent huit départements dont les effectifs en activité régulière augmentent, deux départements dont les effectifs diminuent et enfin deux départements dont les effectifs stagnent sur ces sept dernières années » ([92]).

Si l’on raisonne en termes de densité médicale à l’échelle départementale, celle-ci variait l’an dernier du simple au quintuple. En effet, si la densité médicale moyenne en métropole et dans les départements d’outre-mer (DOM) s’élevait, toutes spécialités confondues, à 330,7 médecins pour 100 000 habitants au 1er janvier 2017, elle oscillait, à la même date, entre 133,1 médecins pour 100 000 habitants dans le département de Mayotte et 681,2 médecins pour 100 000 habitants dans le département de Paris qui est ainsi 5,1 fois plus doté que celui de Mayotte ([93]).

L’accès aux soins dans les outre-mer

Selon les précisions de la Direction générale des outre-mer (DGOM), « Mayotte est le plus grand désert médical français avec une densité de 7 médecins libéraux pour 100 000 habitants, ce qui est 20 fois plus faible que dans l’Hexagone. Concernant les médecins généralistes libéraux, la densité pour trois des quatre départements d’outre-mer, la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane, est très inférieure à la moyenne nationale. Certes, La Réunion est aussi bien pourvue, voire mieux, que l’Hexagone concernant les médecins généralistes mais comme les autres DOM, elle souffre d’un manque de spécialistes. Ainsi, les quatre collectivités précitées enregistrent les densités de médecins spécialistes les plus faibles des régions françaises ».

Par ailleurs, des inégalités persistent à l’intérieur d’un même territoire de par l’étendue, l’isolement (comme en Polynésie-française avec ses 138 îles ou à Wallis-et-Futuna) et le manque d’équipement.

Même si l’État a entrepris un effort de rattrapage à Wallis-et-Futuna, la situation de ce territoire reste spécifique. En effet, la DGOM rappelle que « l’agence de santé joue un rôle central dans le système de santé. À Wallis-et-Futuna, il n’y a pas de médecine libérale ni de pharmacie, toutes ces fonctions sont assurées par les centres de santé de proximité qui assurent les consultations médicales, la dispensation des médicaments et la prévention. Les consultations de spécialités, elles, ne sont possibles qu’à l’hôpital ».

À Saint-Pierre-et-Miquelon n’exerce qu’un seul médecin libéral. La médecine spécialisée est exclusivement assurée au centre hospitalier. Par ailleurs, le territoire dispose également d’un centre de santé permettant de compléter l’offre de soins hospitaliers.

[…] Les outre-mer doivent également anticiper le vieillissement de la population médicale. Ainsi, en Guyane, 70 % des spécialistes libéraux sont âgés de 55 ans ou plus.

Source : Conseil économique, social et environnemental (CESE), Les déserts médicaux, par Mme Sylvie Castaigne et M. Yann Lasnier, décembre 2017, p. 12.

Là encore, il ne faut pas occulter l’existence de fortes disparités de densités au sein d’une même région : par exemple, « bien que la Vendée se situe dans une région (Pays-de-la-Loire) qui a vu sa population médicale et générale augmenter depuis plusieurs années, il n’en reste pas moins que ce département se place en 5ème position des départements ayant la plus faible densité » ([94]).

Il ne faut pas non plus négliger d’importantes différences, en termes de répartition territoriale, mais aussi de démographie, selon qu’il s’agit des médecins généralistes (1) ou des médecins spécialistes (2).

1.   Des médecins généralistes en sous-effectif au regard des besoins de santé

Dans la contribution écrite qu’elle a fournie à la commission, la DREES note que « les généralistes sont aussi bien répartis que les pharmaciens » sur le territoire ([95]).

Pourtant, des études de la DREES montrent qu’en 2016, 8,6 % de la population (soit près de 5,7 millions de personnes) accédaient à 2,5 consultations de généraliste ou moins par an, alors que la moyenne nationale s’élevait à 4,1 consultations annuelles par habitant. L’indicateur de l’APL révèle en effet que « les 10 % des personnes les mieux loties ont une accessibilité égale à 5,7 consultations par an et par habitant, tandis que les 10 % les moins favorisés ont accès à 2,7 consultations par an et par habitant » ([96]).

La DREES constate ainsi « des inégalités d’accessibilité plus liées aux types d’espace qu’à des différences régionales ». Au total, 9 142 communes sont en situation de sous-densité, soit un quart des communes de notre pays – étant précisé que, pour les soins non programmés, la situation est beaucoup plus grave. C’est « dans les communes rurales des périphéries des grands pôles et dans les communes hors influence des pôles que la part de la population ayant l’accessibilité la plus faible aux médecins généralistes est la plus grande » ([97]).

Ce constat rejoint celui des sénateurs Jean-Noël Cardoux et Yves Daudigny qui remarquaient, l’an dernier, que « la répartition des médecins généralistes sur le territoire est hétérogène, mais [qu’] elle l’est moins que pour d’autres spécialités médicales ou d’autres professions de santé » et que « dans tous les cas, les disparités s’observent le plus au niveau infrarégional » ([98]).

Selon la Cour des comptes, « pour les généralistes libéraux, 90 % des inégalités de répartition s’observent entre les bassins de vie d’une même région et seulement 10 % des inégalités sont entre régions » ([99]).

Si, pour l’heure, la répartition des médecins généralistes sur le territoire est, globalement, moins disparate que celle d’autres spécialités médicales, la situation va s’aggraver compte tenu de l’évolution démographique défavorable de cette spécialité.

En effet, lors de son audition, M. Serge Smadja, secrétaire général de la Fédération SOS Médecins France a prévenu la commission que, « si nous connaissons depuis des années des difficultés de prise en charge des soins quand les cabinets médicaux sont fermés, nous en rencontrons désormais même quand les cabinets médicaux sont ouverts, du fait de l’insuffisance de la démographie médicale ».

Ces propos ont été corroborés par la contribution écrite fournie à la commission par la Société française de médecine d’urgence (SFMU) qui souligne que « l’accès aux soins programmés devient difficile dans beaucoup de villes où pourtant le ratio médecin/habitant n’est pas en dessous de la moyenne nationale » et que, pour ce qui concerne l’accès aux soins non-programmés, « l’implication de la médecine libérale pour la permanence des soins est très variable selon les territoires et plutôt en décroissance ».

M. Daniel Bideau, vice-président de l’UFC-Que Choisir a abondé en ce sens, signalant qu’« en ce qui concerne les généralistes, […] ce phénomène s’amplifie : il n’est plus limité aux campagnes mais s’étend désormais aux zones urbaines, où des problèmes se posent lorsque les médecins prennent leur retraite sans être remplacés ».

Le fait est – et l’Atlas de la démographie médicale publié l’an dernier le confirme – qu’avec 88 137 médecins généralistes en activité régulière (tous modes d’exercice confondus) au 1er janvier 2017, les effectifs de cette spécialité ont diminué de 9,1 % depuis 2007 ([100]). Selon le CNOM, « la tendance à la baisse a une forte probabilité de se confirmer jusqu’en 2025 pour atteindre 79 262 médecins généralistes en activité régulière » ([101]).

Cela a pour conséquence que :

- d’une part, nos compatriotes renoncent aux soins car, comme l’a montré le sondage de la société BVA pour la fondation April paru en avril dernier, lorsque l’on demande aux quelque sept Français sur dix qui ont déjà renoncé au moins une fois à se soigner, quels étaient les professionnels de santé ou les soins auxquels ils ont renoncé, 31 % d’entre eux (et même 49 % chez les étudiants) citent avant tout le médecin généraliste ([102]) ;

  - d’autre part, nos compatriotes se trouvent en situation d’errance médicale au point que, d’après les données de la DREES qui ont été transmises au rapporteur, 11,8 % des patients consommant n’avaient pas de médecin traitant en 2017.

Part des patients consommant qui n’ont pas de médecin traitant (2017)

Source : CNAM

S’il est vrai qu’« à l’exception de la région des Pays-de-la-Loire et de l’ensemble des DOM, toutes les régions enregistrent une baisse du nombre de médecins généralistes en activité régulière sur la période 2010-2017 », la diminution du nombre de médecins généralistes est plus marquée sur certains territoires que dans d’autres. Sur cette période, elle a été de 30 % en Bretagne, de 18,3 % en Occitanie et de 15,5 % en Île-de-France ([103]). Dans cette dernière région, « une commune sur deux n’a pas de médecin généraliste »  et un sondage réalisé par Ipsos a récemment révélé que « plus du tiers des Franciliens a déjà dû renoncer à des soins, principalement pour raisons financières mais aussi à cause de délais d’attente trop longs » ([104]). « 78 % des habitants de la grande couronne (Seine-et-Marne, Yvelines, Essonne, Val-d’Oise) et 71 % des habitants de la petite couronne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne) déclarent avoir des difficultés d’accès aux soins, contre seulement 32 % des Parisiens. […] Ce sont désormais plus de 9,1 millions de Franciliens (soit 76 % de la population et 2,5 fois plus qu’auparavant) qui résident dans des zones considérées comme déserts médicaux » ([105]).

Certes, des mesures spécifiques ont récemment été prises pour augmenter rapidement, mais légèrement, à hauteur d’un effectif de 200 ([106]), le nombre de médecins généralistes dans les zones sous-dotées, à travers le décret n° 2018-213 du 28 mars 2018 relatif à l’inscription universitaire des personnes ayant validé la formation du résidanat et n’ayant pas soutenu leur thèse.

Les résidents en médecine générale « privés de thèse »

Jusqu’en 2004, les étudiants en médecine générale ne subissaient pas le concours de l’internat, mais poursuivaient, à l’issue du deuxième cycle des études médicales, un « résidanat » de deux ans et demi (porté à trois ans pour les promotions de résidents à compter de 2001). Depuis 2004, afin d’aligner la formation en médecine générale sur celle des autres spécialités médicales, le résidanat a été abandonné et les étudiants en médecine générale doivent, comme les étudiants des autres spécialités, passer des épreuves classantes nationales informatisées (ECNi) débouchant sur l’internat.

Afin de ménager une période transitoire entre les deux régimes de formation, les « résidents » en médecine générale ont été autorisés à soutenir leur thèse dans un délai de six ans à l’issue de leur cursus. En revanche, ceux qui, pour telle ou telle raison, n’avaient pas soutenu leur thèse à la fin de l’année 2012 se sont vu interdire l’installation et l’exercice de la médecine.

Ce n’est qu’au bout de quatre ans que la loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne a levé cette interdiction. Son article 93 a modifié l’article L. 632-4 du code de l’éducation afin de confier à un décret en Conseil d’État le soin de déterminer « les conditions et les modalités selon lesquelles les personnes ayant validé en France la formation pratique et théorique du résidanat de médecine et n’ayant pas soutenu, dans les délais prévus par la réglementation, la thèse [de doctorat en médecine], peuvent être autorisées à prendre une inscription universitaire en vue de soutenir leur thèse, après avis d’une commission placée auprès des ministres chargés de l’Enseignement supérieur et de la Santé. Ce décret précise que l’autorisation est conditionnée à l’engagement d’exercer en zone sous-dotée ».

Il a fallu attendre à nouveau un an et demi pour que soit pris le décret du 28 mars 2018 qui autorise les personnes ayant validé en France la formation pratique et théorique du résidanat de médecine mais n’ayant pas soutenu leur thèse dans les délais à « 1° soit s’inscrire à l’Université en vue de soutenir leur thèse ; 2° soit s’inscrire à l’Université afin de valider, dans un délai maximum de six années, un complément de formation en stage et hors stage dispensé dans le cadre du troisième cycle des études de médecine, puis de soutenir leur thèse ».

Cette autorisation d’inscription (sous statut d’étudiant) est subordonnée à l’avis d’une commission devant laquelle les dossiers de candidature devront avoir été déposés d’ici 2021. Placée auprès des ministres chargés de l’Enseignement supérieur et de la Santé, cette commission est composée :

– du directeur général de l’offre de soins (DGOS) ;

– du directeur général de l’Enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle ;

– de deux représentants du CNOM désignés par son président ;

– de deux enseignants titulaires ou associés en médecine générale ;

– de quatre médecins qualifiés en médecine générale ou qualifiés spécialistes en médecine générale ;

– du président de la conférence des directeurs d’unité de formation et de recherche (UFR) de médecine ;

– de deux membres proposés par les organisations syndicales représentatives des médecins généralistes.

Lorsque l’étude de son dossier le nécessitera, la commission pourra décider de convoquer le candidat qui pourra être entendu par visioconférence.

En contrepartie de la possibilité qui leur est offerte de soutenir leur thèse, les résidents en médecine générale devront s’engager sur l’honneur à exercer, pendant au moins deux ans, dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins.

Afin de s’assurer de l’exécution de cet engagement, le décret du 28 mars 2018 prévoit qu’à l’issue de délais de trois mois et de quinze mois après leur inscription à l’Ordre des médecins, les personnes ayant obtenu le diplôme d’État de docteur en médecine en application du dispositif exposé transmettent au DGOS des attestations délivrées par l’ARS de la région dans laquelle elles ont déclaré leurs lieux d’exercice confirmant que ces derniers se situent dans une ou plusieurs des zones sous-dotées.

Selon, M. Philippe Marissal, président de la Fédération des soins primaires (FSP), l’autorisation faite aux résidents en médecine générale privés de thèse de reprendre leurs études pour pouvoir s’installer et exercer dans des zones déficitaires en offre de soins pourrait porter ses fruits en deux ans.

Mais force est d’admettre que cette mesure, si louable soit-elle, a été prise de manière très tardive, et bien peu réactive. Plusieurs des personnes entendues par la commission ont déploré les lenteurs dans la constitution de la commission chargée de l’examen des dossiers des candidats qui, aux yeux du rapporteur, ne devrait pas durer plus de trois mois.

Par ailleurs, une telle mesure ne suffira pas à inverser la tendance à l’atrophie démographique de la population des médecins généralistes, qui contraste fortement avec l’évolution dynamique des autres spécialités médicales.

2.   Des médecins spécialistes en nombre insuffisant et très inégalement répartis sur le territoire

Alors qu’entre 2007 et 2017, les effectifs de médecins généralistes ont reculé de près de 9 %, ceux des autres spécialistes ont, eux, progressé de 7 %, pour atteindre le nombre de 84 862 médecins spécialistes en activité régulière au 1er janvier 2017 ([107]), auxquels il faut ajouter 24 287 médecins spécialistes chirurgicaux en activité régulière, dont le nombre a crû de 9,6 % sur la même période.

Il convient cependant de nuancer ce constat car, comme l’ont mis en exergue les sénateurs Jean-Noël Cardoux et Yves Daudigny, « plusieurs spécialités en accès direct, comme l’ophtalmologie, pour lesquelles le nombre de postes ouverts n’a été rehaussé que tardivement, devraient connaître des tensions accrues sur leurs effectifs : déjà en baisse de plus de 5 % depuis 2007, le nombre de praticiens – notamment libéraux – devrait encore diminuer jusqu’en 2025 (de plus de 6 % d’après les prévisions de l’ordre des médecins), compte tenu d’une moyenne d’âge élevée (54 ans) » ([108]).

Qui plus est, cette relative vigueur démographique n’a, pour l’instant, pas pour effet de corriger la répartition très inégalitaire des médecins spécialistes.

Selon une étude publiée par la DREES en 2016, « les spécialistes [et les chirurgiens-dentistes] sont répartis de manière nettement plus déséquilibrée [que les médecins généralistes] : concernant l’accessibilité aux chirurgiens-dentistes, aux gynécologues et aux ophtalmologues, les 10 % des habitants les mieux lotis ont une accessibilité 6 à 8 fois supérieure à celle des 10 % des habitants les moins bien lotis. Les disparités les plus marquées concernent l’accessibilité aux pédiatres et aux psychiatres. […] Le rapport interdécile atteint 14 pour les pédiatres et 19 pour les psychiatres » ([109]).

Si l’on met de côté l’unité urbaine de Paris qui occupe une situation particulière dans la mesure où la faible accessibilité aux médecins généralistes est contrebalancée par une forte accessibilité aux spécialistes en accès direct et par « l’offre pléthorique de l’Assistance publique Hôpitaux de Paris (AP-HP) », pour reprendre la formule de M. Claude Leicher, président de la FCPTS, on constate, comme pour les médecins généralistes, que « plus qu’entre régions, les disparités sont fortes entre types de communes : les habitants des grands pôles urbains ont une meilleure accessibilité que ceux des communes des périphéries » ([110]), ce qui invite à prendre en considération l’échelle infra-régionale.

L’Atlas de la démographique médicale fait ainsi apparaître qu’« alors que la région Grand-Est recense une augmentation de 3 % des effectifs, le département de la Haute-Marne comptabilise une baisse de 20 % du nombre de spécialistes médicaux sur la période 2010-2017 » et que « le département de la Meuse, quant à lui, compte une diminution de 17 % » ([111]).

Ainsi que l’a noté la Cour des comptes, « les plus fortes inégalités de répartition sont infra-départementales : les concentrations de professionnels de santé libéraux sont à la fois littorales et urbaines. Les zones délaissées sont rurales et suburbaines, notamment, pour ce dernier cas, dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville » ([112]). Cela tient notamment à ce que l’« on ne peut pas dissocier la problématique de l’installation d’un médecin en zone rurale de celle de l’installation d’une école, d’un boulanger, d’un bureau de poste ou encore de la 4G », comme l’a expliqué lors de son audition le président de la Conférence des doyens des facultés de médecine, M. Jean Sibilia.

Par ailleurs, comme le fait justement observer l’UFC-Que choisir, dans la contribution qu’elle a remise à la commission, « pour les spécialistes, il faut en outre tenir compte des dépassements d’honoraires, qui aux déserts des champs ajoutent les déserts des villes, pour qui ne peut pas payer les dépassements exigés. D’un strict point de vue géographique, 12 % à 19 % des Français vivent dans un désert pour les spécialités étudiées [ophtalmologie, pédiatrie, gynécologie], à 45 minutes de route autour de chez eux. Si l’on considère uniquement l’offre de soins au tarif opposable (c’est-à-dire sans dépassement d’honoraires), c’est alors entre 29 % (pédiatres) et la moitié de la population (gynécologues et ophtalmologistes) qui subit une offre médicale notoirement insuffisante » ([113]).

La combinaison des critères d’accessibilité géographique et financière explique pourquoi 47 % des Français estiment n’avoir pas assez de médecins spécialistes près de chez eux, alors que « seuls » 29 % d’entre eux jugent n’avoir pas assez de médecins généralistes près de chez eux ([114]).

Ce ressenti s’explique sans doute aussi parce que les disparités en termes de répartition des médecins spécialistes sont décorrélées des besoins de santé des territoires. Comme le notent les sénateurs Jean-Noël Cardoux et Yves Daudigny, « la densité médicale en région Hauts-de-France est plus faible que la moyenne nationale, avec des disparités parfois fortes (le département de l’Aisne se situe dans les 15 départements les moins dotés de France), alors que les indicateurs sanitaires sont parmi les plus inquiétants : la région présente une surmortalité de 21 % par rapport à la moyenne de la métropole et une surmortalité prématurée de 30 % par rapport au niveau métropolitain ; la surmortalité par cancer y est supérieure de plus de 18 % » ([115]).

Tous ces facteurs aboutissent aux aberrations fort bien décrites, lors de son audition, par le vice-président de l’Association des maires ruraux de France (AMRF), M. Dominique Dhumeaux : des personnes vivant en zones rurales prennent le train pour consulter des médecins spécialistes à Paris et des parisiens viennent se soigner en province parce que c’est moins cher.

Déconnectée des besoins de santé de la population, marquée par de criantes inégalités qui ne font que s’aggraver, la répartition des médecins spécialistes illustre l’échec patent des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural comme urbain.

C.   L’Échec des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la dÉsertification mÉdicale en milieux rural et urbain

Depuis plus de dix ans, les pouvoirs publics se sont évertués à corriger les inégalités d’accès aux soins en multipliant les dispositifs incitatifs à destination des médecins, plutôt que de privilégier la solution régulatrice qui a pourtant été appliquée à d’autres professionnels de santé. De l’aveu de la ministre des Solidarités et de la Santé, Mme Agnès Buzyn, « c’était un mauvais calcul. Non pas que ce ne soit pas utile, dans certains cas du moins, mais cela a également créé beaucoup d’effets d’aubaine, en attirant notamment des médecins étrangers qui venaient s’installer pour un ou deux ans dans un territoire puis repartaient, empêchant toute fidélisation des patients » ([116]).

État, agences régionales de santé (ARS), collectivités territoriales, assurance-maladie ont en effet lancé, « en ordre dispersé, sans véritable stratégie d’ensemble », des initiatives dont l’« articulation est imparfaite et [qui] se sont superposées sans évaluation intermédiaire » ([117]), pour reprendre la formule des sénateurs Jean-Noël Cardoux et Yves Daudigny qui, dans leur rapport, regrettent que « par la diversité des intervenants (ARS, services fiscaux, collectivités territoriales, assurance maladie...),  les différentes aides à destination des professionnels de santé dans les zones sous-dotées constituent un paysage assez peu lisible, ce qui entrave leur portée » ([118]).

Aides fiscales, aides contractuelles à l’installation sous forme de garantie de revenu gérées par les ARS (contrats de praticien territorial de médecine générale – PTMG –, de médecine ambulatoire – PTMA – et de remplacement – PTMR), aides conventionnelles à l’installation négociées avec la CNAMTS : autant de dispositifs incitatifs dont M. Michel Antony, président fondateur de la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité, a jugé, lors de son audition, qu’ils constituaient des « mesurettes […] très insuffisantes pour attirer les médecins ».

Outre qu’« un réel effort de simplification doit être engagé pour  débureaucratiser  les modalités d’obtention et de maintien de ces aides », comme l’a souligné le Syndicat des médecins libéraux (SML) dans la contribution écrite qu’il a remise à la commission, l’attribution de ces aides repose sur des zonages qui ne sont pas les mêmes selon qu’il s’agit de l’administration fiscale, des ARS et de la CNAMTS et sur des données insuffisamment actualisées. Ainsi, dans leur rapport sur les mesures incitatives au développement de l’offre de soins primaires dans les zones sous-dotées, les sénateurs Jean-Noël Cardoux et Yves Daudigny déplorent « le chevauchement imparfait des différents zonages, entre ceux servant de base d’application aux mesures fiscales, ceux définis par les ARS et ceux pris en compte par l’assurance-maladie pour les aides conventionnelles, et leur déconnexion de la réalité des besoins parfois constatés sur le terrain, […] leur manque d’actualisation ou la non prise en compte de situations particulières ayant un impact sur l’accès réel aux soins (par exemple, le fait qu’un médecin travaille à temps partiel) » ([119]). Comme ces parlementaires l’ont fait remarquer, « en fonction des dispositifs, des zonages différents [peuvent] trouver à s’appliquer : les contrats d’engagement de service public pouvaient être mis en œuvre sur les mêmes territoires que les contrats de praticien territorial de médecine générale, mais pas de façon systématique. Plus récemment, […] les derniers zonages ont été définis par les ARS pour la période 2012-2016 dans le cadre des schémas régionaux d’offre de soins, les SROS ambulatoires, sans véritable processus de concertation avec les élus locaux, ni avec les professionnels de santé » ([120]).

On aurait pu espérer que la situation s’améliore à l’occasion de la révision des zonages servant de base à l’attribution des aides incitatives des ARS et de l’assurance-maladie ([121]). Les auditions menées par la commission d’enquête ont toutefois déçu ces espoirs.

En premier lieu, plusieurs des personnes entendues ont mis en garde contre les imperfections de l’indicateur d’« accessibilité potentielle localisée » (APL) utilisé pour déterminer ceux des quelque 2 739 territoires de vie (sous‑ensembles des bassins de vie) qui devaient être caractérisés comme « fragiles ». Tout en présentant l’indicateur d’APL comme « un progrès par rapport aux indicateurs antérieurs qui se fondaient sur la seule densité en médecins pour 100 000 habitants », dans la mesure où il devrait permettre d’élargir les zones éligibles aux aides incitatives de façon à porter de 7 % à 18 % la part de la population couverte par le nouveau zonage, M. Éric Lajarge, directeur de cabinet adjoint du Commissaire général à l’égalité des territoires, a concédé que cet indicateur pouvait sans doute être encore amélioré.

Il semble que ce doive être le cas si l’on en croit les propos tenus devant la commission par Mme Céline Legendre, secrétaire générale de la Fédération nationale des centres de santé (FNCS). Selon elle, « le nouvel indicateur pour identifier les territoires carencés, celui de l’accessibilité potentielle localisée (APL), a donné en Île-de-France des résultats ubuesques » que l’ARS aurait heureusement « corrigés en partie […] en tenant compte du cumul des facteurs de fragilité des territoires ». En effet, d’après Mme Aude Bourden, conseillère nationale santé-médico-social de l’Association des paralysés de France (APF)-France Handicap, « cet indicateur met de côté tous les quartiers prioritaires de la politique de la ville, alors que l’accès aux soins dans ces quartiers est problématique ».

Le président de l’Union syndicale de médecins de centres de santé (USMCS), M. Éric May, a porté un jugement encore plus sévère sur cet indicateur, estimant qu’il « n’est pas probant. Ainsi, la population de Seine-Saint-Denis serait bien desservie car tout patient est à moins de trente minutes d’un professionnel. Mais encore faut-il que ce médecin puisse le recevoir, et que le patient ait la capacité financière de se déplacer et de payer ! » Cet indicateur serait selon lui la traduction d’une approche dépassée de la désertification médicale, qui a consisté à l’aborder « en se centrant sur les médecins, ce qu’ils désirent, comment leur offrir des conditions attractives, jusqu’à établir une concurrence entre collectivités, voire du débauchage », alors qu’« en réalité, c’est le patient qu’il faut mettre au centre ».

En second lieu, l’association des élus et des professionnels de santé, en particulier libéraux, à la mise en œuvre des différents dispositifs de lutte contre la désertification médicale semble encore perfectible. Comme l’a fort bien résumé, lors de son audition, la présidente du syndicat Convergence infirmière, Mme Ghislaine Sicre, « les infirmiers libéraux et même la médecine libérale dans son ensemble n’apparaissent nulle part dans les projets régionaux de santé de deuxième génération : c’est vous dire combien les ARS nous considèrent ! »

Ce témoignage corrobore le constat fait par les sénateurs Jean-Noël Cardoux et Yves Daudigny d’un « décalage entre les attentes des acteurs de terrain et l’approche du sujet par l’administration, à savoir notamment les ARS et les administrations centrales du ministère en charge de la santé » et d’un « fonctionnement perçu comme technocratique et rigide, du fait d’une réticence de certaines ARS à accompagner des idées sortant des cadres “ classiques  » ([122]) qui sont souvent portées par les collectivités territoriales (1) et qui peuvent s’avérer tout aussi utiles (si ce n’est plus efficientes) que les aides fiscales (2), les aides conventionnelles (3) et contractuelles (4) à l’installation ou le CESP (5).

1.   L’absence de visibilité sur les aides des collectivités territoriales

Bien que l’organisation de l’offre de soins ne soit pas à proprement parler une de leurs compétences, les communes, leurs groupements, les départements et les régions ont, depuis longtemps, investi ce terrain afin de pallier les carences de l’État et d’apporter des réponses innovantes à des situations d’urgence. Les élus se sont en effet retrouvés en première ligne face au désarroi de nos concitoyens et ont dû concevoir et développer des politiques d’amélioration de l’accès aux soins.

En application de l’article L. 1511-8 du code général des collectivités territoriales, ces aides peuvent concerner :

– l’installation ou le maintien de professionnels de santé dans les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins ;

– les centres de santé, employant des professionnels de santé salariés ;

– le financement de structures participant à la permanence des soins, notamment des maisons médicales ;

– la réalisation d’investissements immobiliers destinés à l’installation de professionnels de santé ou à l’action sanitaire et sociale dans les zones sous‑dotées, les zones de revitalisation rurale (ZRR) ou les territoires ruraux de développement prioritaire ;

– l’octroi d’indemnités de logement et de déplacement aux étudiants de troisième cycle de médecine générale lorsqu’ils effectuent leurs stages dans les zones dans lesquelles est constaté un déficit en matière d’offre de soins ;

– l’octroi d’indemnités d’étude et de projet professionnel à tout étudiant, titulaire du concours de médecine, inscrit en faculté de médecine ou de chirurgie dentaire, en contrepartie d’un engagement contractuel de cet étudiant à exercer en tant que médecin généraliste, spécialiste ou chirurgien-dentiste au moins cinq années dans une zone déficitaire.

Ces aides foisonnantes ne font l’objet ni d’un inventaire exhaustif, ni d’un bilan par le ministère chargé de la Santé, ce que la Cour des comptes et plusieurs parlementaires déplorent depuis bien des années maintenant. En effet, il y a déjà sept ans, la Cour des comptes s’étonnait que « ces mesures ne [fassent] pas toutes l’objet d’un recensement des aides effectivement accordées ni d’une évaluation, avec pour conséquence le risque de redondance et de concurrence entre territoires, en l’absence de coordination nationale, pour attirer de jeunes internes ou des médecins » ([123]).

Ne disposant toujours pas d’évaluation deux ans plus tard, le sénateur Hervé Maurey a demandé un bilan directement aux vingt-six ARS qui « dans leur très grande majorité, ont répondu qu’elles n’étaient pas en mesure de [lui] communiquer d’éléments chiffrés » ([124]). Six ans après le constat de carence établi par la Cour des comptes, les sénateurs Jean-Noël Cardoux et Yves Daudigny ont regretté l’an dernier qu’aucun recensement exhaustif des initiatives prises par les collectivités territoriales n’ait pu leur être fourni par les administrations centrales ([125]).

Interrogée à ce sujet par le rapporteur, la direction générale de l’offre de soins (DGOS) a indiqué qu’« il n’est pas question de conduire un recensement exhaustif » de ces initiatives car, « en raison de leur grande diversité et du grand nombre de collectivités concernées », « un tel recensement s’avérerait […] extrêmement lourd dans sa réalisation » ([126]). Selon Mme Ève Robert, inspectrice des Affaires sociales, « leur examen demanderait un travail colossal pour une plus-value sans doute limitée » ([127]).

Ce sentiment n’est visiblement pas du tout partagé par les représentants des collectivités territoriales entendus par la commission. « On ne sait même plus à quel point c’est financé », a déploré, lors de son audition, Mme Isabelle Maincion, vice-présidente de l’Association des maires de France (AMF). Tout comme M. Dominique Dhumeaux, vice-président de l’Association des maires ruraux de France (AMRF), et M. André Accary, président du département de Saône-et-Loire, représentant de l’Assemblée des départements de France (ADF), Mme Isabelle Maincion a regretté la concurrence exacerbée que se livrent certains territoires pour attirer (financièrement) des médecins et qui aboutit parfois à l’apparition de « poches surmédicalisées ».

Si cette concurrence entre communes et intercommunalités a été quelque peu apaisée en Saône-et-Loire par la proposition d’une offre de soins à l’échelle départementale grâce à la création d’un centre départemental de santé – sur lequel le rapporteur reviendra –, M. André Accary n’en a pas moins plaidé pour une régulation et une homogénéisation des aides à l’installation de médecins multipliées par les collectivités territoriales, ce qui passe par leur recensement.

Outre qu’elles ne sont pas soumises à une évaluation globale, certaines des aides attribuées par les collectivités territoriales doublonnent des dispositifs nationaux : c’est par exemple le cas des indemnités d’étude et de projet professionnel qui ont préfiguré le contrat d’engagement de service public (CESP).

2.   Le bilan très mitigé des aides fiscales

L’outil de la fiscalité a été l’un des premiers mobilisés par les pouvoirs publics pour tenter de corriger les inégalités de répartition des médecins sur le territoire.

La loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux a créé des zones de revitalisation rurale (ZRR) dans lesquelles la fiscalité favorise l’installation d’entreprises, y compris de professionnels de santé, et prévu, spécifiquement pour ces professionnels, une exonération d’impôt sur le revenu au titre de la participation à la permanence des soins.

Ce dispositif semble avoir connu un succès croissant si l’on en juge par la forte progression de la part du coût de la dépense fiscale concernant les professionnels de santé, qui a été multipliée par trois entre 2013 et 2015, passant de 4 à 12 millions d’euros.

D’après les informations transmises au rapporteur par la direction générale des finances publiques (DGFiP), le coût de la dépense fiscale au profit des professionnels de santé serait passé à 55 millions d’euros en 2017 (soit 44,7 % de la dépense fiscale totale au titre du dispositif « ZRR » en 2017, qui était de 123 millions d’euros). Cette très forte augmentation s’explique en grande partie par une évolution du périmètre et de la méthode de chiffrage dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2019.

Malgré l’explosion de son coût, ce dispositif serait d’une efficacité des plus limitées d’après la DGFiP. Celle-ci a indiqué au rapporteur qu’« il apparaît que les exemptions d’impôts ne constituent pas le facteur majeur d’implantation des entreprises et que les mesures offertes en ZRR, partiellement connues, souffrent d’une technicité excessive. De plus, les aides fiscales conditionnées à la localisation d’activités dans des territoires précis peuvent conduire à des effets d’aubaine. En effet, il a pu être observé que, dans le cadre des ZRR, certaines activités professionnelles particulièrement mobiles relocalisaient plus facilement leur activité pour bénéficier de ces exonérations (secteur médical, professions réglementées, etc) sans création nette d’emploi ».

Par ailleurs, il faut souligner que, d’après les sénateurs Jean-Noël Cardoux et Yves Daudigny, « ce dispositif n’[est] pas toujours appliqué de la même façon par les directions régionales des finances publiques, s’agissant, notamment des reprises d’activité », de sorte qu’« il en résulte une incertitude préjudiciable aux choix d’installation qui devrait pouvoir être levée par les ARS en liaison avec les services fiscaux » ([129]).

Enfin, le zonage servant de base au dispositif des « ZRR » ne recoupe pas celui qui détermine les exonérations fiscales spécifiques aux médecins.

La dépense fiscale associée à ce dispositif d’exonération a fortement augmenté entre 2013 et 2016, passant de 16 à 23 millions d’euros sur cette période. Et le gain moyen par an et par professionnel de santé est passé, dans le même intervalle de temps, de 2 712 à 3 122 euros.

ExonÉration d’impÔt sur le revenu de la rÉmunération perçue au titre de la permanence des soins par les mÉdecins ou leurs remplaçants installÉs dans certaines zones rurales ou urbaines

(en millions d’euros)

 

2013

2014

2015

2016

2017 (p)

Assiette de la dépense fiscale

57

71

79

nd

nd

Coût de la dépense fiscale

16

18

19

23

23

Nombre de bénéficiaires

5 900

6 350

6 850

7 368

nd

Source : DGFIP

Selon les sénateurs Jean-Noël Cardoux et Yves Daudigny, « bien qu’ayant connu une montée en puissance et atteignant une dépense globale significative, ces montants ne paraissent pas de nature à motiver une installation en zone sous-dense mais plutôt à fluidifier, pour les ARS, l’organisation de la PDSA » ([131])

C’est bien le signe que les incitations fiscales restent impuissantes à remédier aux disparités de répartition des médecins, tout comme les aides conventionnelles négociées avec la CNAMTS, du reste.

3.   L’impact quasi-nul et les effets d’aubaine des aides conventionnelles à l’installation

Initialement, cette mesure devait trouver sa contrepartie dans une diminution symétrique de 20 % de la participation de l’assurance-maladie aux cotisations sociales des médecins généralistes décidant de s’installer dans les zones qualifiées de « très sur-dotées ». Mais cette contrepartie n’a jamais vu le jour, compte tenu de l’opposition du corps médical à sa mise en œuvre.

Par ailleurs, cette mesure a eu un effet d’aubaine. Alors qu’elle a engendré une dépense cumulée de 63,4 millions d’euros entre 2007 et 2010, cette mesure ne s’est traduite que par un apport net de l’ordre de 50 médecins dans les zones déficitaires sur la même période. En outre, la majoration de 20 % des honoraires a représenté en moyenne 27 000 euros par médecin concerné et a même dépassé 100 000 euros pour l’un d’entre eux, ce qui a conduit la Cour à s’interroger sur la réalité de l’activité correspondante et sur l’absence de plafonnement de l’aide.

– une « option démographie » a ouvert à tout médecin qui s’engage à s’installer ou à demeurer installé dans une zone sous-dotée, ou à proximité immédiate (5 kilomètres en zone rurale, 2 kilomètres en zone urbaine), et qui y exerce, pour une durée de trois ans, au moins deux tiers de son activité en groupe ou au sein d’un pôle de santé, un droit à une aide forfaitaire à l’investissement (5 000 euros par an pour les médecins exerçant en groupe, 2 500 euros par an pour ceux membres d’un pôle de santé) et une aide à l’activité (selon le mode d’activité, 10 % des honoraires annuels dans la limite de 20 000 euros par an ou 5 % des honoraires annuels dans la limite de 10 000 euros par an) ;

– une « option santé solidarité territoriale » a ouvert à tout médecin libéral (généraliste comme spécialiste) qui s’engage à exercer, pendant trois ans, au minimum 28 jours par an dans une zone déficitaire sous la forme de vacations, un droit à une aide à l’activité (à hauteur de 10 % des honoraires annuels dans la limite de 20 000 euros par an) ainsi qu’à une prise en charge des frais de déplacement.

S’agissant de l’« option démographie » : pour reprendre le constat dressé par l’UFC-Que choisir dans la contribution écrite qu’elle a remise à la commission, « elle s’est traduite par un effet d’aubaine flagrant : 90 % des bénéficiaires étaient déjà installés dans ces territoires [sous-dotés], et l’aide reçue par les nouveaux installés est inférieure à celle des anciens ! ». M. Mathieu Escot, responsable des études à l’UFC-Que Choisir, a déclaré, lors de son audition, y voir la « preuve du défaut de conception de ces aides et de leur inefficacité ».

En effet, d’après les données de l’assurance-maladie datant de fin 2014, seuls 190 médecins nouvellement installés en 2013 et 2014 dans les zones déficitaires (dont 185 médecins généralistes) ont adhéré au dispositif ([132]) et ces derniers ont perçu des aides d’un montant moyen plus faible que celui des aides versées aux praticiens déjà installés, du fait de leur indexation sur le volume d’activité (11 300 euros par an – dont 4 902 euros pour l’aide forfaitaire et 6 932 euros pour l’aide à l’activité – pour les nouveaux installés, contre 15 600 euros par an pour les médecins déjà installés).

D’après les sénateurs Jean-Noël Cardoux et Yves Daudigny, « le nombre de médecins nouvellement installés dans les zones fragiles ayant bénéficié de l’option  démographie ” ne représentait en 2014 que 39 % des nouveaux installés dans les zones concernées, probablement en raison d’une méconnaissance du dispositif ou d’une aide trop tardive par rapport à l’installation ([car] versée plusieurs mois après l’installation) » ([133]).

S’agissant de l’« option santé solidarité territoriale », qui visait à favoriser une solidarité entre médecins face à la difficulté des praticiens exerçant en zones déficitaires pour se faire remplacer, le moins que l’on puisse dire est qu’elle est loin d’avoir rencontré le succès escompté. D’après les données de la CNAMTS, seuls 31 médecins en ont bénéficié entre 2012 et 2016, ce qui a conduit M. Mathieu Escot à constater devant la commission que « le coût de conception de ce dispositif par les services de l’assurance-maladie et du ministère de la Santé excède très largement le bénéfice qu’il représente ».

En somme – et là encore, l’UFC-Que Choisir le résume bien dans sa contribution écrite –, « l’échec de ces mesures de  saupoudrage incitatif ” est patent ».

Preuve en est que, si l’on examine les données fournies par la CNAMTS sur l’évolution des installations des médecins libéraux en zones fragiles et non fragiles entre 2010 et 2016, la part des installations de ces médecins dans les premières zones n’a progressé que de 0,5 point sur cette période, passant de 9,6 % à 10,1 %.

Évolution des installations des mÉdecins libÉraux dans les zones fragiles entre 2010 et 2016

 

Nombre d’installations

Part des installations

 

Zone fragile

Zone non fragile

Total

Zone fragile

Zone non fragile

2010

246

2 320

2 566

9,6 %

90,4 %

2011

284

2 956

3 240

8,8 %

91,2 %

2012

436

3 884

4 320

10,1 %

89,9 %

2013

433

3 532

3 965

10,9 %

89,1 %

2014

419

3 622

4 041

10,4 %

89,6 %

2015

451

3 503

3 954

11,4 %

88,6 %

2016

425

3 797

4 222

10,1 %

89,9 %

 

 

 

 

+ 0,5 point

- 0,5 point

Source : Cnamts

L’assurance-maladie évaluait alors l’impact financier de ces nouveaux dispositifs à 10 millions d’euros. Lors de son audition, le directeur-général de la CNAMTS, M. Nicolas Revel, a revu cette estimation à la hausse, le coût annuel des quatre nouveaux contrats avoisinant 30 millions d’euros, dont deux tiers bénéficieraient aux médecins déjà installés et un tiers (soit 10 millions d’euros seulement) aux médecins s’apprêtant à s’installer.

 

Les contrats issus de la nouvelle convention mÉdicale DE 2016

 

CAIM

Contrat daide

à linstallation des médecins

COSCOM

Contrat de stabilisation et de coordination pour les médecins

COTRAM

Contrat de transition pour les médecins

CSTM

Contrat de solidarité territoriale médecin

Objet

Favoriser linstallation des médecins via une aide forfaitaire versée dès linstallation pour faire face aux frais dinvestissement

Valoriser la pratique des médecins sinscrivant dans une démarche de prise en charge coordonnée des patients

Soutenir les médecins préparant leur cessation d’exercice en accueillant un médecin nouvellement installé dans leur cabinet

Favoriser lintervention ponctuelle de médecins dans les zones fragiles

Bénéficiaires

decin conventionné secteur 1 ou Optam, primo-installant ou installé depuis moins d’un an

decin conventionné, toutes spécialités, tous secteurs dexercice

decin conventionné, toutes spécialités,

âgé de 60 ans et plus

decin conventionné, toutes spécialités, tous secteurs dexercice

Aides

 

jusqu’à 50 000 € pour un exercice dau moins 4 jours/semaine

 

Majoration de 2 500 € en cas dexercice partiel dans un pital de proximité

 

– 5 000 /an

 

 Majoration de 1 250 /an en cas dexercice partiel dans un hôpital de proximité

 

 Majoration de 30/mois en cas de maîtrise de stage et daccueil de stagiaire

 

– Valorisation de + 10 % des honoraires conventionnés, plafonnée à 20 000 /an

 

Valorisation de + 10 % des honoraires conventionnés liés à lactivité en zone fragile, plafonnée à 20 000 /an

Prise en charge des frais de déplacement engagés

Engagements socles ou optionnels

 

 Sinstaller en zone fragile et y exercer en libéral pendant 5 ans

 

 Exercer au moins 2,5 jours/semaine

 

 Participer à la permanence des soins (PDSA)

 

 Réaliser une partie de lactivité au sein d’un hôpital de proximité (optionnel)

 

 Être installé en zone fragile et y exercer une activité libérale conventionnée

 

 Exercer en groupe ou en communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) ou équipe de soins primaires (ESP)

 

 Réaliser une partie de lactivité au sein d’un hôpital de proximité (optionnel)

 

 Exercer des fonctions de maître de stage (optionnel)

 

 Être installé en zone fragile

 

 Accueillir, au sein du cabinet, un médecin libéral conventionné âgé de moins de 50 ans qui sinstalle dans la zone ou y est installé depuis moins d’un an et accompagner linstallation libérale de ce confrère

 

 Être installé hors d’une zone fragile

 

 Exercer au minimum 10 jours par an en zone fragile (dans une ou plusieurs de ces zones) selon différentes modalités possibles

Due

 

Contrat de 5 ans non renouvelable

 

Contrat de 3 ans renouvelable par tacite reconduction

 

Contrat de 3 ans renouvelable une fois

 

Contrat de 3 ans renouvelable par tacite reconduction

Source : Cnamts, convention médicale 2016

D’après la CNAMTS, au 31 mars 2018, 315 médecins avaient adhéré au CAIM, 486 au COSCOM ([134]), 22 au COTRAM et 28 au CSTM. Ce premier bilan peut sembler plutôt modeste, compte tenu de l’engagement, réitéré par la CNAMTS dans la contribution qu’elle a fournie à la commission, que « l’assurance-maladie fera la promotion des contrats adoptés dans le cadre de la dernière convention médicale ».

On peut même douter de l’énergie investie par les pouvoirs publics dans la promotion du CSTM dont la directrice de la Sécurité sociale, Mme Mathilde Lignot-Leloup, a indiqué, lors de son audition, qu’elle cherchait à le « faire monter en charge », pour atteindre un nombre de 300 contrats signés d’ici 2022 ([135]), alors qu’il n’a enregistré qu’à peine une trentaine de bénéficiaires en un an et demi. En effet, en juin dernier, un sixième avenant à la convention médicale de 2016 a été signé par quatre des cinq syndicats représentant les médecins libéraux, qui prévoit notamment de renforcer l’attractivité du CSTM en portant de 10 à 25 % la majoration des honoraires conventionnés liés à l’activité des médecins bénéficiaires du contrat en zone fragile.

Sans doute aurait-on été tout aussi bien inspiré de revaloriser le tarif de la consultation chez l’ensemble des médecins généralistes établis en zone sous-dense pour le porter de 25 à 35 euros, plutôt que d’attribuer jusqu’à 50 000 euros d’aides à des médecins s’installant dans ces zones dans le cadre des CAIM.

Proposition n° 6 du rapporteur : revaloriser le tarif de la consultation chez l’ensemble des médecins généralistes établis en zone sous-dense pour le porter de 25 à 35 euros.

Il aurait également été bienvenu de permettre le versement des aides au titre des COSCOM à la collectivité des professionnels de santé membres d’une CPTS plutôt qu’à certains d’entre eux, individuellement. Comme l’a déploré le Dr Bertrand Joseph, médecin coordonnateur de la maison de santé pluriprofessionnelle (MSP) de Grindelle Châteaudun et président de la CPTS Sud 28, « ces 5 000 euros tombent dans la poche du seul médecin alors que nous travaillons dans un cadre pluri-professionnel. Imaginez la discorde que cela peut créer au sein d’une équipe, surtout lorsque la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) insiste lourdement sur cet avantage dont bénéficie le médecin par rapport aux autres […] Nous serions les rois du monde si ces 5 000 euros étaient versés à l’association de la CPTS : ils nous permettraient de développer beaucoup plus rapidement nos pistes de travail, les groupes et le projet de santé ».

Quoi qu’il en soit, ces contrats apparaissent comme autant de rustines financières dont on ne saura si elles auront été efficaces que dans quelques années, quand notre pays sera confronté au creux de la démographie médicale.

Dans la mesure où, comme l’a justement fait remarquer le sénateur Hervé Maurey, « une incitation financière supplémentaire n’est pas déterminante dans le choix d’un médecin de s’installer en zone sous-dotée, puisque son activité y sera déjà spontanément supérieure à celle d’un confrère en zone sur-dotée » ([136]), on peut légitimement douter de la pertinence de ces nouveaux contrats incitatifs, comme de celle des aides contractuelles à l’installation prenant la forme de garantie de revenu.

4.   Le bilan très modeste des aides contractuelles à l’installation sous forme de garantie de revenu

a.   Le contrat de praticien territorial de médecine générale (PTMG)

La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2013 ([137]) a créé un dispositif qui offre aux « praticiens territoriaux de médecine générale » (PTMG) qui exercent en zones sous-dotées une garantie de revenu pendant deux ans au maximum.

Destiné à de jeunes diplômés qui viendraient soutenir et prendre le relais des professionnels qui partent à la retraite, le dispositif prévoit que les ARS peuvent conclure, avec de jeunes médecins généralistes non-installés ou installés en cabinet libéral depuis moins d’un an, ou avec des assistants spécialistes à temps partiel au sein d’un établissement public de santé, des contrats sur la base desquels ces derniers percevront une rémunération complémentaire aux revenus tirés de l’activité de soins qu’ils devront exercer, pendant une durée contractuellement fixée, en qualité de « PTMG », dans des zones définies par l’ARS et caractérisées par une offre médicale insuffisante ou des difficultés dans l’accès aux soins ([138]).

Ces contrats comportent des engagements individualisés qui peuvent porter sur les modalités d’exercice, le respect des tarifs opposables, la prescription, des actions d’amélioration des pratiques, des actions de dépistage, de prévention et d’éducation à la santé, des actions destinées à favoriser la continuité de la coordination des soins, la permanence des soins ainsi que sur des actions de collaboration auprès d’autres médecins.

Sous réserve que le « PTMG » réalise 165 consultations par mois et qu’il pratique les tarifs du secteur 1 de la Sécurité sociale, il se voit garantir un complément de rémunération calculé par la différence entre un revenu mensuel brut garanti de 6 900 euros brut et le montant des honoraires qu’il a perçus (actes et majorations associées) au titre de son activité réelle. Le montant maximal versé est de 3 105 euros brut par mois, étant précisé que, pour le calcul du complément de rémunération, ne sont inclus ni les revenus perçus au titre des aides conventionnelles (notamment l’« option démographie » et la rémunération sur objectifs de santé publique – ROSP) ni les revenus issus de la permanence des soins organisée (honoraires et rémunérations forfaitaires au titre des astreintes et de la régulation).

En plus de ce complément de rémunération, le PTMG bénéficie d’un dispositif avantageux en matière de protection sociale (maladie, maternité). Sous réserve d’être PTMG depuis au moins trois mois et d’avoir réalisé au moins 495 consultations durant le trimestre précédent, il est indemnisé en cas de maladie – pour tout arrêt de travail supérieur à 7 jours – et en cas de maternité durant toute la durée du congé. En cas de maladie, l’indemnisation correspond à la moitié du complément de rémunération maximal, soit 1 552,50 euros brut par mois. Elle est versée pendant 3 mois maximum par arrêt maladie. En cas de congé de maternité, l’indemnisation correspond au complément de rémunération maximal, soit 3 105 euros brut par mois.

Enfin, afin de faciliter l’installation du PTMG, l’ARS peut mettre à sa disposition un local et des moyens techniques.

L’engagement n° 2 du « pacte territoire santé n° 2 » présenté en novembre 2015 par Mme Marisol Touraine, alors ministre des Affaires sociales et de la Santé, visait un objectif de 1 000 installations de médecins généralistes ou d’autres spécialistes d’ici 2017, grâce aux contrats de praticien de médecine générale (PTMG) ([139]).

D’après la DGOS, depuis la création du dispositif en 2013, 954 contrats de « PTMG » ont été signés, pour un montant total de 7,5 millions d’euros, pris en charge sur les crédits du fonds d’intervention régional (FIR). Seuls 352 contrats étaient actifs en décembre 2017.

Qui plus est, rappelant que « seuls 40 % des contrats donnent lieu à un versement de complément de rémunération dans le mois », les sénateurs Jean-Noël Cardoux et Yves Daudigny font observer que « la garantie joue donc peu dans les faits, essentiellement les premiers mois du contrat, le temps que le praticien nouvellement installé constitue sa patientèle. Dans les zones en tension, le volume d’activité supérieur au minimum garanti est atteint assez rapidement : ce n’est pas tant le manque d’activité qui pose question que parfois son tropplein » ([140]).

b.   Le contrat de praticien territorial de médecine ambulatoire (PTMA)

La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 ([141]) a étendu la garantie offerte en cas d’interruption de l’activité pour maladie, maternité ou paternité à l’ensemble des médecins libéraux (toutes spécialités médicales confondues) souhaitant s’installer ou exercer dans des zones sous-dotées, en qualité de « praticiens territoriaux de médecine ambulatoire » (PTMA) ([142]).

Tout médecin conventionné, qu’il soit généraliste ou spécialiste, peut, depuis le 1er janvier 2015, conclure avec l’ARS un contrat d’une durée comprise entre trois et six ans, aux termes duquel il bénéficie d’un complément de rémunération forfaitaire et financé par le FIR – jusqu’à 3 100 euros brut par mois en cas de congé maternité et jusqu’à 1 116 euros brut par mois en cas de congé paternité – s’il installe une activité médicale libérale dans une zone définie par l’ARS comme sous-dotée, s’il respecte les tarifs opposables du secteur 1 ou modère ses dépassements d’honoraires en cas d’exercice en secteur 2 et se fait remplacer en cas de congé maternité ou paternité ([143]) .

À ces conditions s’ajoute, comme pour les contrats de « PTMG », le respect d’engagements individualisés pouvant porter sur les modalités d’exercice, des actions d’amélioration des pratiques, de dépistage, de prévention et d’éducation à la santé, ainsi que des actions destinées à favoriser la continuité et la coordination des soins et la permanence des soins ambulatoires.

Le bilan du dispositif des « PTMA » est encore plus décevant que celui des « PTMG » : d’après la DGOS, seuls 17 contrats de « PTMA » ont été signés en 2017, dont 14 étaient actifs au 1er décembre dernier, pour un montant total de 46 575 euros.

c.   Le contrat de praticien territorial médical de remplacement (PTMR)

La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017 ([144]) a ajouté aux deux précédents dispositifs un nouveau contrat de « praticien territorial médical de remplacement (PTMR) » afin de faciliter l’intervention des médecins remplaçants dans les zones sous-dotées.

Ouvert aux médecins spécialistes en médecine générale ayant soutenu leur thèse depuis moins de trois ans, exerçant à titre de remplaçants et non-installés, aux internes autorisés à effectuer des remplacements et aux assistants spécialistes à temps partiel au sein d’un établissement public de santé, ce contrat garantit à son bénéficiaire que l’ARS lui fournira, pendant une durée de 12 mois, renouvelable par tacite reconduction, dans la limite maximale de 72 mois pour les étudiants en médecine et de 36 mois pour les médecins non-installés :

– une rémunération complémentaire forfaitaire qui lui permettra de couvrir les périodes de disponibilité entre deux contrats de remplacement et qui sera équivalente à 200 consultations de médecine générale au tarif opposable lorsqu’il exerce à temps plein (soit 4 600 euros brut) ou 100 consultations de médecine générale au tarif opposable lorsqu’il exerce à temps partiel (soit 2 300 euros brut) ;

– un complément de rémunération en cas d’interruption de l’activité pour maladie (supérieur à 7 jours), pour maternité ou pour paternité ;

– un service d’appui à la gestion de ses remplacements.

En contrepartie, le « PTMR » s’engage à exercer, pendant une durée fixée par le contrat, une activité libérale de remplacement dans un ou plusieurs cabinets médicaux implantés dans les zones fragiles identifiées par l’ARS. Cette activité devra correspondre à un volume minimal de 5 000 consultations par an pour une activité à temps plein et de 2 500 consultations par an pour une activité à temps partiel (y compris les consultations réalisées au titre de la permanence des soins organisée) ([145]).

La précédente majorité avait fixé un objectif de 200 contrats de PTMR par an, ce qui correspond à environ 2 % des effectifs de médecins remplaçants en 2015. On ignore si cet objectif a été atteint car, d’après la DGOS, « aucun bilan chiffré n’a été établi pour l’instant » ([146]).

352 contrats de PTMG et 14 contrats de PTMA actifs en décembre 2017 : force est de constater que ces dispositifs, qui tiennent plus de la rustine ou du replâtrage que d’une rénovation complète du dispositif d’installation des médecins sur le territoire, peinent à rencontrer le succès escompté, ce qui a également été longtemps le cas du contrat d’engagement de service public (CESP).

5.   La montée en charge poussive du contrat d’engagement de service public (CESP)

Afin d’inciter les étudiants et internes en médecine à s’orienter vers les zones du territoire déficitaires en offre de soins, la loi dite « HPST » du 21 juillet 2009 ([147]) a créé, en s’inspirant des indemnités d’étude et de projet professionnel versées par certaines collectivités territoriales, des contrats d’engagement de service public (CESP) permettant à un étudiant ou à un interne de bénéficier d’une bourse en contrepartie de son engagement à s’installer dans une zone sous‑dotée.

En effet, ces contrats proposent aux étudiants et internes en médecine, en sus des rémunérations auxquelles ils peuvent prétendre du fait de leur formation, une allocation mensuelle de 1 200 euros, à partir de la deuxième année ou plus tardivement, et jusqu’à la fin de leurs études médicales ([148]). En contrepartie, les étudiants et internes s’engagent à exercer leurs fonctions, à titre libéral ou salarié, dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou des difficultés dans l’accès aux soins, et à appliquer les tarifs conventionnels du secteur 1 – et ce à compter de la fin de leur formation et pendant une durée qui est équivalente à la durée de versement de l’allocation et qui ne peut être inférieure à deux ans ([149]).

Il faut cependant noter que les médecins ou les étudiants ayant signé un CESP peuvent se dégager de leur obligation d’exercice moyennant le paiement d’une indemnité dont le montant dégressif égale au plus les sommes perçues au titre de ce contrat, majorées d’une pénalité (« clause de rachat »).

Néanmoins, ils peuvent, depuis 2013, être dispensés de pénalité en cas de rupture du contrat lorsque la zone indiquée dans le projet professionnel qu’ils ont communiqué à l’ARS n’est plus identifiée en tant que zone sous-dotée.

Initialement conçu pour les seuls étudiants et internes en médecine, le dispositif du CESP a été étendu aux étudiants en odontologie par la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2013.

L’engagement n° 2 du « pacte territoire santé n° 2 » présenté en 2015 par Mme Marisol Touraine visait un objectif de 1 700 CESP d’ici 2017 ([150]).

Entre 2010-2011  et 2014-2015, sur un total de 2 134 CESP proposés aux étudiants et internes en médecine, 1 141 contrats ont été signés (soit un peu plus de la moitié des contrats offerts), au profit de 743 étudiants et de 398 internes. En 2017-2018, sur près de 650 contrats offerts, 85 % ont été signés (549 exactement).

Au total, d’après la DGOS, depuis la mise en place du dispositif en 2010, plus de 2 800 CESP ont été conclus et seuls 69 ont été rompus, étant précisé qu’aucun allocataire n’aurait bénéficié de la dispense de pénalité introduite en 2013.

Selon les sénateurs Jean-Noël Cardoux et Yves Daudigny, « si les entrées dans le dispositif des étudiants se sont faites de façon globalement équilibrée entre les deuxième et sixième années, ce sont dans une large majorité les internes en médecine générale qui ont signé le CESP (plus de 89 % des contrats signés par les internes), le plus souvent dès la première année d’internat » ([151])

Évolution du nombre de CESP Offerts et signÉs par annÉe universitaire
(en mÉdecine puis en mÉdecinE et odontologie À compter de 2013-2014)

Source : CNG au 14 juin 2018

Le coût du dispositif de CESP est passé de 8,5 millions d’euros en 2013 à 33 millions d’euros en 2018.

CoÛt du dispositif de CESP

(en cumulÉ par an)

(en millions d’euros)

Année

Coût

2013

8,5

2014

12,9

2015

18,0

2016

23,0

2017

29,5

2018 (prévisionnel)

33,0

Source : DGOS

Si la montée en charge du dispositif du CESP a été poussive, c’est notamment parce qu’il repose sur le volontariat et qu’il est trop peu connu par le public visé.

Aujourd’hui encore, bien des étudiants et internes en médecine rechignent à s’engager dans des CESP, dans la mesure où, avant d’avoir passé les épreuves classantes nationales (ECN), ils ne savent pas encore quelle sera leur spécialité, ni quel sera leur lieu de formation en troisième cycle, ni, a fortiori, quelle pourra être leur région d’exercice.

On note du reste que les ruptures de contrat interviennent principalement au moment du choix du poste d’interne. Selon le président de l’Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG), M. Maxence Pithon, « entre 2010 et 2015, 35 contrats ont été rompus, dont un bon tiers au moment de la sixième année, avant les ECN, pour des questions de choix de la spécialité. Les étudiants avaient choisi en deuxième année une spécialité dans laquelle, au moment de leur arrivée en sixième année, aucun poste n’était ouvert, de sorte qu’ils ont décidé de rompre leur contrat ».

Par ailleurs, les zones sous-dotées dans lesquelles ils devront obligatoirement exercer ne sont pas exactement connues au moment où ils contractent, car le zonage évolue. Les étudiants sont donc réticents à s’engager alors qu’ils ne connaissent ni les postes ciblés ni les lieux d’exercice potentiels.

Preuve en est, selon M. Maxence Pithon, qu’alors qu’« entre 2010 et 2015, 1 509 CESP ont été signés, 229 médecins ne sont pas encore installés. Si la grande majorité d’entre eux n’ont pas fini leur thèse, 26 internes sont concernés par un report de leur installation [car] ils attendent les zonages ARS. Ils ne peuvent donc s’engager sur un projet professionnel tant qu’ils ne sauront pas quelles zones feront partie de la liste ».

Pour rendre les CESP plus attractifs et éviter les déconvenues, les sénateurs Jean‑Noël Cardoux et Yves Daudigny ont donc proposé l’an dernier « de mieux cibler, dès la signature du contrat, les zones d’activité [afin] de donner aux étudiants et internes une meilleure visibilité quant à la portée de leur engagement » ([152])

En outre, l’origine sociale de bon nombre d’étudiants en médecine, de plus en plus issus de milieux favorisés et urbains, contribue au relatif insuccès du dispositif qui, selon le sénateur Hervé Maurey, « semble surtout conçu comme une aubaine pour certains étudiants qui ont déjà, pour des raisons personnelles, un lien d’attache avec un territoire bien précis » ([153]).

De l’aveu d’un représentant du CNOM entendu par la commission, « le succès est modeste, et variable d’une faculté à l’autre ».

Selon Myriam Garnier, secrétaire générale du Conseil national de l’Ordre des chirurgiens-dentistes (CNOCD), « le CESP fonctionne pour les étudiants en dentaire, pas forcément pour la médecine. D’ailleurs, ils ne sont pas tous pourvus »… si peu pourvus, du reste, que, dans sa contribution écrite, le CNOCD suggère de redistribuer aux étudiants en chirurgie dentaire les CESP non pourvus par les étudiants en médecine.

6.   L’absence persistante de dispositif de régulation pour les médecins

Faute de pouvoir disposer, de la part des administrations de l’exécutif, d’une évaluation précise du coût global des nombreux dispositifs de rééquilibrage territorial de l’offre de soins, les sénateurs Jean-Noël Cardoux et Yves Daudigny ont tenté, l’an dernier, d’établir leur propre estimation approximative de ce coût, à partir de données de 2015 et 2016 ([154]).

D’après eux, si l’on met de côté les aides qui sont versées sous diverses formes par les collectivités territoriales et qui ne sont pas recensées par le ministère chargé de la Santé, les aides fiscales, les aides conventionnelles de l’assurance-maladie, les aides contractuelles (PTMG, etc.), le CESP et les aides versées aux centres et maisons de santé (y compris au titre des nouveaux modes de rémunération), coûteraient chaque année environ 125 millions d’euros à la collectivité nationale…

Si l’on utilise des données plus récentes fournies au rapporteur par la DGOS et la DGFiP et présentée dans le tableau ci-dessous, alors le coût annuel des aides fiscales, conventionnelles et contractuelles visant à rééquilibrer la distribution territoriale de l’offre de soins approche 225 millions d’euros… alors que les aides fiscales sont d’une efficacité toute relative, que les aides conventionnelles présentent plus d’effets d’aubaine que de réel impact, que les aides contractuelles sont de portée très modeste et que le CESP peine à monter en charge.

CoÛt des dispositifs en faveur du rÉÉquilibrage territorial
de l’offre de soins

Financeur

Dispositif

Montant

ARS

(FIR)

Dispositifs contractuels (PTMG, PTMR, PTMA)

2,24 millions deuros

(exécution FIR 2016)

Maisons de santé

6,68 millions deuros

(exécution FIR 2016)

Centres de santé

1,6million deuros

(exécution FIR 2016)

lémédecine

 

20 millions d’euros

(exécution FIR 2016)

Plateformes territoriales d’appui

5,7 millions d’euros

(exécution FIR 2016)

État - Exonérations fiscales

Permanence des soins ambulatoires (articl151 ter CGI)

23 millions deuros

(2017)

Zones de revitalisation rurale (ZRR)

55 millions deuros

(2017)

Assurance maladie

Aides conventionnelles (toutes professions)

46,2 millions deuros

(2016 versées en 2017), dont

32 millions pour l’« option démographie » bénéficiant aux médecins

Accord conventionnel interprofessionnel

(maisons de santé)

35,6 millions deuros

(2017)

Contrat dengagement de service public (CESP)

29,5 millions d’euros
(2017)

Collectivités territoriales

Investissements immobiliers,

bourses, aides aux stages

ND

Source : DGOS, DGFiP

C’est dire si les dispositifs incitatifs, qui ont fait la preuve de leur insuffisance, s’avèrent en outre coûteux…

La Cour des comptes s’en est inquiétée, à l’automne 2017, jugeant que « les aides financières à l’installation des professionnels de santé libéraux s’ajoutent les unes aux autres sans vision consolidée des coûts en résultant », que « ces initiatives dispersées ont conduit, depuis le début des années 2010, à une forme de fuite en avant, sans évaluation ni de l’efficacité globale, ni du rapport coût/avantage qui en résulte » et que « ces dispositifs timides et partiels de régulation à l’installation, qui jouent quasi exclusivement sur des incitations financières, ne sont manifestement pas à la hauteur des enjeux » ([155]) .

Et pourtant, à en croire M. Denis Morin, président de la 6e chambre de la Cour des comptes, il faudrait en rester là. Alors que la Cour des comptes a, en 2014 comme en 2017, recommandé d’étendre aux médecins des dispositifs contraignants comme le conventionnement sélectif ([156]), M. Denis Morin a lancé un « appel à la stabilité » et exhorté la commission d’enquête à ne surtout rien entreprendre d’aussi coercitif dans l’attente du complet déploiement et de l’évaluation des politiques publiques mises en œuvre au cours des dernières années pour lutter contre les inégalités d’accès aux soins.

La même logique attentiste semble animer le directeur général de la CNAMTS, M. Nicolas Revel, pour qui la cessation du conventionnement des médecins qui s’installeraient à l’avenir dans des zones surdotées n’aurait pas les effets escomptés – alors même que le même Nicolas Revel a, lors de son audition, expliqué à la commission qu’une régulation coercitive avait été globalement efficace pour les autres professionnels de santé.

Cette logique, de nombreux élus, de tous bords, l’ont au contraire refusée, depuis plus d’une décennie. Sous la XIIIe législature, l’ancien sénateur Jean-Marc Juilhard, avait évoqué, dès 2007, la possibilité de recourir à un conventionnement sélectif dans les zones surmédicalisées ([157]).

Un an plus tard, l’ancien député Marc Bernier, en conclusion des travaux d’une mission d’information sur l’offre de soins sur l’ensemble du territoire ([158]), avait recommandé, « sans remettre en cause le principe de la liberté d’installation des médecins libéraux, [de] mettre des freins à l’installation de professionnels de santé dans les zones déjà sur-dotées en offre de soins, dans un premier temps par des mesures “désincitatives” comme, par exemple, une modulation de la prise en charge de leurs cotisations sociales par l’assurance maladie ».

En février 2011, les anciens députés Jean‑Marc Ayrault et Marisol Touraine, alors dans l’opposition, cosignèrent une proposition de loi pour l’instauration d’un bouclier rural au service des territoires d’avenir ([159]), dont l’exposé des motifs insistait sur la nécessité de « revoir sans tabou le dogme de la liberté d’installation des praticiens médicaux » et appelait la représentation nationale à prendre ses responsabilités à l’égard des populations dépourvues d’accès aux soins. Ce texte fut rejeté par l’Assemblée nationale… comme la proposition de loi visant à garantir un accès aux soins égal sur l’ensemble du territoire, que le rapporteur et plus d’une cinquantaine de ses collègues de la majorité de l’époque déposèrent en novembre 2011 ([160]).

Sous la XIVe législature, les initiatives parlementaires se sont multipliées, émanant aussi bien de l’opposition que de la majorité.

Le rapporteur et plusieurs de ses collègues du groupe Union des démocrates et indépendants (UDI) défendirent à nouveau des propositions de loi visant à garantir un accès aux soins égal sur l’ensemble du territoire ([161]). Elles furent rejetées, en novembre 2012 comme en novembre 2016.

Le même sort s’abattit sur l’amendement de l’ancienne députée socialiste Annie Le Houerou qui proposait un dispositif de conventionnement sélectif des médecins libéraux dans les zones « sur‑dotées » et qui, adopté par la commission des Affaires sociales, dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2017 ([162]), se heurta en séance publique à l’opposition du Gouvernement d’alors…

Le fait est qu’en dépit de toutes les solutions qui leur ont été proposées par des élus de tous horizons politiques, les gouvernements successifs se sont ingéniés, les uns après les autres, à multiplier les dispositifs incitatifs plutôt que d’envisager, pour les médecins, l’éventualité de dispositifs plus contraignants – comme le conventionnement sélectif – qui ont pourtant montré leur utilité pour les autres professionnels de santé auxquels ils ont été étendus sans atermoiements de la part des pouvoirs publics ni résistance ou ressentiment de la part des professionnels concernés.

II.   Des difficultés d’accÈs aux soins moins marquÉes pour les autres professionnels de santÉ

Alors que tous les interlocuteurs auditionnés par la commission d’enquête ont fait part de leurs inquiétudes quant au manque de médecins que connaissent aujourd’hui nos territoires, ces inquiétudes ne concernent que plus marginalement les autres professionnels de santé.

Cela ne signifie pas pour autant que ces professionnels soient parfaitement répartis sur le territoire. C’est avant tout l’évolution démographique de ces professions, tirée par l’augmentation des capacités de formation ou du nombre de diplômés à l’étranger – qui ne manque pas de poser des questions – qui a permis d’éviter une situation de pénurie similaire à celle générée par la gestion inadéquate du numerus clausus médical (A). Ce dynamisme démographique a également rendu plus acceptables les mesures de régulation territoriale décidées par plusieurs gouvernements, permettant d’assurer l’accès aux soins sur l’ensemble du territoire mais également d’éviter une concurrence trop forte entre professionnels (B).

A.   Des professions à la dÉmographie dynamique et au sein desquelles l’exercice libÉral reste attractif

1.   Les autres professions médicales

a.   Le cas particulier des chirurgiens-dentistes : des effectifs stables depuis quinze ans, notamment du fait d’un afflux important de diplômés à l’étranger

Contrairement aux autres professions de santé, la situation des chirurgiens-dentistes se rapproche davantage de celle des médecins, et se distingue principalement par l’augmentation du nombre de diplômés à l’étranger.

Selon les données de la DREES, ([163]) les effectifs de chirurgiens-dentistes sont restés stables au cours des quinze dernières années, et n’ont augmenté que d’un point entre 2000 et 2016. Ils étaient 41 200 au 1er janvier 2016. Du fait de l’augmentation de la population française, la densité de ces praticiens a même diminué, passant de 67 chirurgiens-dentistes pour 100 000 habitants à 62 en 2016.

Évolution du numerus clausus d’odontologie

Source : DREES

Comme pour les médecins, le numerus clausus d’odontologie a chuté entre sa création et le début des années 1990, se stabilisant ensuite autour de 800 places par an. Depuis 2004, ce numerus clausus a progressivement été relevé, bien que de manière moins marquée que le numerus clausus médical. Ce relèvement commence aujourd’hui à produire ses effets.

Au-delà des effets du numerus clausus, la dynamique démographique des chirurgiens-dentistes est en grande partie liée à la forte hausse du nombre de diplômés de l’étranger. Un tiers des praticiens inscrits pour la première fois à l’Ordre national des chirurgiens-dentistes en 2015 ont obtenu leur diplôme à l’étranger, et ce flux n’a fait qu’augmenter au cours des dix dernières années ([164]). La plupart ont obtenu leur diplôme dans un pays européen : 46 % en Roumanie, 22 % en Espagne, 17 % au Portugal.

L’exercice libéral reste extrêmement majoritaire chez les dentistes, puisqu’il concerne près de 90 % des praticiens.

b.   Les sages-femmes, une démographie très dynamique

Selon le Conseil national de l’Ordre des sages-femmes, la France compte aujourd’hui 29 000 inscrits à l’Ordre, et 23 000 sages-femmes en activité. Ces effectifs sont en croissance régulière depuis vingt ans, et la densité de sages-femmes – rapportée non pas à la population totale mais aux nombres de femmes en âge de procréer – a presque doublé sur la même période, grâce à l’augmentation continue du numerus clausus de maïeutique.

Selon les projections de la DREES, ([165]) le nombre de sages-femmes en activité devrait continuer d’augmenter jusqu’en 2040, mais à un rythme moins soutenu.

Évolution du numerus clausus de maïeutique

Source : DREES

Par ailleurs, comme l’a rappelé la présidente du Conseil national de l’ordre des sages-femmes lors de son audition par la commission d’enquête, la profession de sage-femme fait face à une progression très importante du nombre de sages-femmes exerçant en libéral, augmentant de 10 % chaque année depuis 2010.

2.   Les pharmaciens, des effectifs en croissance légère mais régulière

En dix ans, le nombre de pharmaciens inscrits au tableau de l’Ordre a augmenté de 1,6 % : 74 043 pharmaciens étaient enregistrés au 1er janvier 2018. Ces effectifs sont croissants depuis les années 1990, la baisse du numerus clausus ayant été beaucoup moins forte que pour les autres professions. A contrario des médecins, la France forme aujourd’hui plus de pharmaciens qu’en 1982.

Selon les projections de la DREES ([166]), la densité de pharmaciens devrait rester stable jusqu’en 2030.

Évolution du numerus clausus de pharmacie

Source : DREES

Le nombre d’officines est en revanche en nette diminution, puisqu’on en compte 905 de moins entre 2013 et 2017, fragilisant par là même le réseau d’accès aux soins.

Solde des fermetures et créations de pharmacies entre 2013 et 2017

Source : Conseil national de l’Ordre des pharmaciens. Démographie des pharmaciens, panorama au 1er janvier 2018

La France se situe toutefois, selon un récent rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’Inspection générale des finances (IGF) ([167]),  dans une situation médiane en Europe tant en ce qui concerne le nombre moyen d’habitants par officine – une officine pour 3 076 habitants en moyenne, que si l’on s’intéresse au nombre moyen de km2 couverts par officine – une officine pour 29 km² en moyenne.

3.   Les auxiliaires médicaux

a.   Les infirmiers, profession de santé la plus nombreuse en France, aujourd’hui à son maximum historique

Le nombre d’infirmiers en France atteint aujourd’hui un maximum historique, tant en ce qui concerne les effectifs – 638 000 en activité –  que la densité d’infirmiers – 972 infirmiers pour 10 000 habitants en 2016. Entre 2000 et 2017, le nombre d’infirmiers a augmenté de 70 %.

Évolution des effectifs d’infirmiers depuis 1999

Source : DREES

Selon les projections de la DREES, à législation et comportements des professionnels constants, le nombre d’infirmiers de 67 ans ou moins augmenterait de 53 % entre 2014 et 2040 pour atteindre 881 000 infirmiers en 2040, et la densité de professionnels infirmiers augmenterait de 40 %.

Cette densité doit toutefois être rapportée au vieillissement de la population, les personnes âgées étant plus particulièrement consommatrices de soins infirmiers : les plus de 75 ans en consomment quatre fois plus que les personnes de 65 à 74 ans et vingt-sept fois plus que les moins de 65 ans ([168]). Les malades chroniques, et notamment les diabétiques, sont également très gros consommateurs de soins infirmiers.

Sur le graphique ci-dessous, on peut constater qu’à scénario constant, si les effectifs et la densité d’infirmiers augmentent très rapidement, la densité standardisée, c’est-à-dire le rapport entre le nombre de professionnels de santé et le besoin de soins estimé en fonction de l’évolution démographique, elle, reste stable puis en légère diminution.

Projections d’évolution des effectifs et de la densité d’infirmiers,
à scénario constant

Source : DREES, Études et résultats n° 1062, mai 2018

Si des inquiétudes peuvent émerger sur l’effet inflationniste que pourrait avoir cette dynamique, elle correspond indubitablement à l’évolution parallèle de la demande de soins, et pourrait également répondre à la demande en matière de prévention et de qualité des soins, comme l’a expliqué Mme Catherine Kirnidis, présidente du Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (SNIIL) lors de son audition : « selon les zones, les personnes prises en charge par les infirmières ne sont pas tout à fait les mêmes. Dans les zones sur-dotées, les infirmières sont nombreuses et l’offre de soins permet de prendre davantage en charge la dépendance. Dans les zones où l’on manque d’infirmières, celles-ci vont se cantonner par nécessité aux actes dits techniques et prescrits par les médecins. De ce fait, on peut considérer qu’il y a inégalité d’accès aux soins. Lors de la canicule de 2003, dans les zones où il y avait beaucoup d’infirmières pour prendre en charge les patients dépendants, il y a eu beaucoup moins de décès ».

Si les infirmiers restent majoritairement salariés, l’exercice libéral ou mixte est en progression, et, selon les estimations de la DREES, pourrait passer de 17 % aujourd’hui à 23 % en 2040 – cette progression de l’exercice libéral étant probablement liée à une moindre attractivité de l’hôpital pour ces professionnels.

b.   Les professionnels de la rééducation : une démographie en forte croissance, soutenue par les diplômés formés à l’étranger

Les effectifs de masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, ergothérapeutes, psychomotriciens, orthophonistes et diététiciens sont en constante augmentation depuis la fin des années 1990.

Les masseurs-kinésithérapeutes représentent plus de la moitié de ces professionnels de la rééducation, et ont vu leurs effectifs considérablement augmenter au cours de ces dernières années.

M. Jean-François Dumas, secrétaire général de l’Ordre national des masseurs-kinésithérapeutes, est allé jusqu’à parler d’ « explosion démographique » lors de son audition, estimant que plus de 100 000 masseurs-kinésithérapeutes seraient en exercice d’ici deux ou trois ans. L’Association nationale française des ergothérapeutes a, quant à elle, rappelé que le nombre d’ergothérapeutes avait doublé en dix ans, et que : « alors que 500 professionnels arrivaient sur le marché du travail en 2014, ils seront 1 000 en 2018 ».

Si les modes d’exercice varient selon les professions, 79,3 % des masseurs-kinésithérapeutes ont une activité libérale ou mixte, et de moins en moins choisissent l’hôpital, en grande partie du fait d’un manque d’attractivité de l’exercice hospitalier. Lors de son audition, la présidente de l’Ordre des masseurs-kinésithérapeutes a évoqué une chute de 40 % du nombre de titulaires ces dernières années, du fait « des salaires extrêmement bas : 1 350 euros nets par mois en début de carrière à l’hôpital public, et ce après cinq années d’études » et de « l’absence totale d’attractivité et d’évolution possible à l’hôpital public ».

L’augmentation des effectifs de ces professionnels est fortement tirée par la hausse des diplômés à l’étranger, en particulier pour les masseurs-kinésithérapeutes et les orthophonistes.

En 2015, ces diplômés représentaient un cinquième de l’ensemble des masseurs-kinésithérapeutes autorisés à exercer en France, et 15 % des orthophonistes. Ces nouveaux diplômés sont majoritairement français (45 % des masseurs kinésithérapeutes à diplôme étranger autorisés à exercer en France au cours des trois dernières et 95 % des orthophonistes), et relèvent donc d’une stratégie de contournement des quotas mis en place en France. Ces chiffres doivent nous amener à conduire dès aujourd’hui une réflexion avec les autres pays européens à ce sujet.

Évolution des effectifs des professionnels de la rééducation

  Source : DREES, Portrait des professionnels de santé, 2016.

À ces chiffres doivent être ajoutés ceux de la croissance exponentielle des ostéopathes qui ne sont pas des professionnels de santé, mais dont les actes sont de plus en plus souvent remboursés par les assurances complémentaires santé : selon le registre des ostéopathes de France, ils étaient 15 545 en janvier 2016, contre 5 342 en janvier 2010.  ([169])

B.   Des disparités territoriales compensées par des mesures de régulation démographique

Des disparités territoriales existent pour tous ces professionnels de santé, et il ne s’agit pas, pour le rapporteur, de les nier. Toutefois, ces inégalités restent, pour toutes les professions étudiées – les dentistes restant un cas à part –, moindres que celles constatées pour les médecins spécialistes : cette meilleure répartition s’explique en partie par les mesures ambitieuses et courageuses de régulation qui ont été prises au cours des dernières années, par plusieurs gouvernements, avec le concours des professionnels concernés.

Ces mesures incitatives et coercitives se basent sur un zonage parfois obsolète qui doit être actualisé. La refonte de ce zonage a été engagée dans le cadre des négociations entre l’assurance maladie et les représentants des masseurs-kinésithérapeutes, sages-femmes, infirmiers et chirurgiens-dentistes, et devra ensuite être traduite par un arrêté ministériel avant d’être déclinée régionalement. Pour les orthophonistes, cet arrêté ministériel a été publié le 5 juin dernier.

 

Inégalités d’accessibilité potentielle localisée

 

 

Médecins généralistes

Chrirugiens-dentistes

Gynécologues

Ophtalmologues

Pédiatres

Psychiatres

Masseurs-kinésithérapeutes

Infirmiers

Sages-femmes

Pharmacies 2

Rapport interdécile¹

2,8

6,3

8,3

6,1

13,8

19,4

5,1

4,9

4,8

2,8

Rapport interquartile¹

1,7

2,4

2,9

2,5

3,8

4,5

2,2

2,3

2,2

1,5

 

1. Le rapport interdécile est le rapport entre le seuil qui délimite les 10 % des habitants qui disposent de laccessibilité potentielle localisée la plus élevée et le seuil qui délimite les 10 % pour qui elle est la plus faible. De même, le rapport interquartile est le rapport entre le seuil qui délimite les 25 % des habitants qui disposent de laccessibilité potentielle localisée la plus élevée et le seuil qui délimite les 25 % qui pour qui elle est la plus faible

2. Pour les pharmacies, on ne prend pas en compte le nombre de pharmaciens travaillant dans une pharmacie donnée.

Note > Les calculs sont effectués en pondérant chaque commune par sa population, ce qui permet de raisonner en termes de population plutôt quen nombre de communes.

Champ > Professionnels de santé libéraux (hors médecins à exercice particulier pour les généralistes), France entière hors Mayotte.

Source : DREES, Portraits des professionnels de santé, 2016

1.   Des mesures incitatives pour la plupart des professionnels de santé

Pour la plupart des professionnels de santé, comme pour les médecins, des aides conventionnelles à l’installation ou au maintien en zone sous-dotée ont été négociées avec l’assurance maladie. Ces aides incitatives sont versées en contrepartie du respect de certains engagements (notamment en matière de télétransmission ou de nombre de jours d’exercice).

 

Contrats incitatifs prévus par les conventions nationales

Chirurgiens-dentistes

Contrat, d’une durée de trois ou cinq ans, destiné aux chirurgiens-dentistes conventionnés s’installant ou déjà installés en zone sous-dotée : aide d’un montant de 15 000 euros pour les installations et prise en charge pendant trois ans (renouvelables) des cotisations sociales dues au titre des allocations familiales pour les praticiens libéraux déjà installés dans cette zone

Sages-femmes (trois nouveaux contrats prévus par l’avenant n° 4 à la convention nationale des sages-femmes, signé le 29 mai 2018, se substituant au dispositif existant à compter de l’entrée en vigueur du nouveau zonage)

Contrat d’aide à l’installation

Contrat d’une durée de 5 ans non renouvelable, destiné aux sages-femmes s’installant dans une zone sous-dotée : aide d’un montant de 28 000 euros maximum versés en plusieurs fois

Contrat d’aide à la première installation

Contrat d’une durée de 5 ans non renouvelable, destiné aux sages-femmes s’installant dans une zone sous-dotée et sollicitant pour la première fois leur conventionnement auprès de l’assurance maladie : aide d’un montant de 38 000 euros maximum versés en plusieurs fois.

Contrat d’aide au maintien

Contrat d’une durée de 3 ans renouvelable, destiné aux sages-femmes maintenant leur activité dans une zone sous-dotée. En contrepartie du respect de certains engagements, la sage-femme pourra percevoir une aide annuelle d’un montant de 3 000 euros

Infirmiers

Contrat, d’une durée de trois ans, destiné aux professionnels s’installant ou déjà installés en zone « très sous-dotée » : aide annuelle d’un montant de 3 000 euros pendant trois ans et prise en charge des cotisations sociales dues au titre des allocations familiales

Masseurs-kinésithérapeutes (trois nouveaux contrats se substituant au dispositif existant à compter de l’entrée en vigueur du nouveau zonage)

Contrat d'aide à la création d'un cabinet de masseurs kinésithérapeutes (CACCMK)

Contrat d’une durée de 5 ans non renouvelable destiné aux masseurs-kinésithérapeutes, exerçant seuls ou à plusieurs, s’installant dans une zone sous-dotée ou très sous-dotée dans le cadre d’une création de cabinet principal ou de reprise d’un cabinet : aide de 49 000 € (20 000 € à la signature du contrat, 20 000 € l’année suivante puis 3 000 € les trois années suivantes)

Contrat type national d’aide à l’installation des masseurs-kinésithérapeutes(CAIMK)

Contrat d’une durée de 5 ans non renouvelable proposé aux masseurs-kinésithérapeutes libéraux conventionnés exerçant en groupe ou sous une forme pluri-professionnelle et s’installant dans un cabinet déjà existant dans une zone très sous-dotée, aide de 34 000 € (12 500 € à la signature, 12 500 € l’année suivante puis 3 000 € les 3 années suivantes)

Contrat type national d’aide au maintien d’activité des masseurs-kinésithérapeutes (CAMMK)

Contrat, d’une durée de 3 ans renouvelable, proposé aux masseurs-kinésithérapeutes libéraux conventionnés déjà installés dans une zone sous-dotée ou très sous-dotée : aide de 3 000 € par an

Orthophonistes

Contrat d’une durée de trois ans destiné aux orthophonistes installés ou s'installant en zone « très sous-dotée » : prise en charge des cotisations sociales dues au titre des allocations familiales et :

1) pour les orthophonistes installés en zone « très sous-dotée » : aide d’un montant maximum 1 500 euros par an

2) pour les orthophonistes qui se sont installés dans une zone « très sous-dotée », alors que précédemment installés en zone « sur-dotée » (durée minimale de 5 ans) en y ayant perçu un honoraire moyen annuel de plus de 5 000 euros : aide d’un montant maximum de 3 000 euros par an

Les données transmises par la CNAMTS à la commission d’enquête montrent que l’effet de ces dispositifs incitatifs sur les nouvelles installations est extrêmement variable selon les professions.

– Ce dispositif semble répondre à ses objectifs pour les orthophonistes, parmi lesquels, en 2016, 55,9 % des adhésions correspondaient à un maintien dans la zone (567 contrats), 42,1 % à une aide à l’installation (428 contrats) et 2 % pour le passage d’une zone sur-dotée à une zone très sous dotée (20 contrats) ;

– Ce dispositif rencontre également un certain succès parmi les masseurs-kinésithérapeutes puisque, selon la CNAMTS, 1 809 contrats incitatifs étaient en cours fin décembre 2015 depuis l’entrée en vigueur du dispositif, soit près de 66 % de taux d’adhésion parmi les masseurs-kinésithérapeutes éligibles, ce qui démontre que ce dispositif reste attractif dans son ensemble, d’autant plus que, pour les deux tiers des professionnels adhérant au contrat incitatif, il s’agit d’une première ou d’une nouvelle installation. Le tiers restant concerne des professionnels déjà installés.

 A contrario, parmi les chirurgiens-dentistes, 73,2 % des adhésions (449 contrats) concernaient un maintien dans la zone et 26,8 % une adhésion pour nouvelle installation (164 contrats).

La progression du nombre d’adhérents à ces contrats est bien plus rapide pour les autres professionnels de santé que les médecins. En revanche, ces derniers bénéficient de près de 70 % des aides individuelles à l’installation versées par l’assurance maladie.

Contrats incitatifs prévus par les conventions nationales

Profession

Nombre d’adhérents

Évolution du nombre d’adhérents depuis 2013

Nombre d’éligibles aux aides

Montant moyen par professionnel

Aide versée en 2017 au titre de 2016 ([170])

% du montant total des aides versées

Médecins

Option

démographie

2376

+ 7 %

2157

14 866 €

32,07 M€

69,4

Option SST

31

16

3 036 €

0,49 M€

Chirurgiens-dentistes

575

+ 261 %

494

15 000 €

0,78 M€

1,7

Infirmiers

2 381

+ 19 %

2 074

2 780 €

5,77 M€

12,5

Masseurs-kinésithérapeutes

2 152

+ 35 %

1931

2 735 €

5,28 M€

11,4

Sages-femmes

649

+ 30 %

600

2 749 €

1,65 M€

3,6

Orthophonistes ([171])

1 012

+ 65 %

971

1 530 €

0,65 M€

1,4

Total

9 176

+ 33 %

8243

5 610 

46,24 M€

100

Source : CNAMTS, données transmises à la commission d’enquête.

2.   Une régulation stricte des installations

a.   Les pharmacies d’officines : des ouvertures strictement réglementées

Les pharmaciens sont les professionnels de santé les mieux répartis sur le territoire. La dispersion de leur accessibilité est très faible, avec un rapport interdécile de 2,8, égal à celui des médecins généralistes et inférieur à celui des autres professions de santé ([172]). D’après le rapport IGAS-IGF précité, 97 % de la population métropolitaine vit aujourd’hui à moins de 10 minutes en voiture d’une officine (0,5 % seulement se situant à plus de quinze minutes).

Cette bonne répartition des pharmacies sur le territoire est directement liée aux règles strictes applicables aux créations, transfert ou regroupement d’officines.

Comme l’a rappelé le Conseil national de l’ordre des pharmaciens lors de son audition, sur les 8 236 communes ayant une ou plusieurs pharmacies, 419 n’ont pas de médecin : dans ces communes, le pharmacien assure donc un rôle de premier plan dans l'accès aux soins.

Règles applicables aux créations, transferts ou regroupements d’officines

La création, le transfert ou le regroupement d’officines sont conditionnés à la densité de population : l’ouverture d’une nouvelle pharmacie dépend donc du nombre d’habitants recensés dans la commune où elle va être située.

L’ouverture d’une pharmacie, par transfert ou création, est possible dans les communes qui comptent plus de 2 500 habitants (ou 3 500 en Guyane, en Moselle et en Alsace).

Au-delà, l’ouverture ou le transfert de nouvelles pharmacies sont autorisés par tranche de 4 500 habitants : une seconde pharmacie pourra donc être implantée dans une commune qui compte plus de 7 000 habitants.

L’implantation d’une pharmacie dans une commune de moins de 2 500 habitants n’est pas autorisée, sauf si la commune a précédemment disposé d’une pharmacie qui desservait plus de 2 500 habitants.

L’ordonnance n° 2018-3 du 3 janvier 2018 relative à l’adaptation des conditions de création, transfert, regroupement et cession des officines de pharmacie a instauré des mesures propres à certains territoires où l’accès de la population au médicament est plus difficile, afin de préserver le réseau officinal, y compris dans les territoires ruraux. Elle assouplit notamment les conditions d’ouverture d’officines sur ces territoires, et permet l’ouverture d’une officine par voie de transfert ou de regroupement auprès d'un centre commercial, d’une maison de santé ou d’un centre de santé.

b.   Le conventionnement sélectif déjà applicable aux sages-femmes, aux infirmiers et aux masseurs-kinésithérapeutes

● Pour les infirmiers libéraux, cette mesure a d’abord été introduite dès 2008, à titre expérimental, dans l’avenant n° 1 à la convention nationale, avant d’être pérennisée par l’avenant signé en 2011, avec un doublement des zones concernées.

Dans les zones sur dotées qui comprenaient, selon les données fournies à la commission d’enquête par la CNAMTS, 27,2 % des effectifs d’infirmiers libéraux en 2011, l’accès au conventionnement ne peut désormais intervenir qu’en remplacement d’une cessation définitive d’activité dans la même zone. Entre 2010 et 2016, la part des installations en zones sur-dotées a été réduite de moitié, de 25 à 12,4 %. Parallèlement, la part des installations en zones très sous dotées a augmenté de 1,3 point. Les écarts de densité entre les départements de Métropole (hors Corse) sont passés de 1 à 8,13 en 2008, à 7,53 en 2011 et à 6,37 en 2016 (de 9,33 à 8,40 si on tient compte de la Corse et des DOM). L’indice de Gini – qui permet de mesurer les inégalités de répartition ([173])  –  pour les infirmiers est ainsi passé de 0,355 en 2008, à 0,344 en 2010 puis à 0,315 en 2016.

Ce mécanisme comporte évidemment des limites, et il faut en particulier souligner que ce mouvement s’est davantage fait en faveur de zones intermédiaires que de zones sous-dotées : ainsi, lors de son audition par la commission d’enquête, Mme Catherine Kirnidis, présidente du Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (SNIIL), soulignait que « la régulation a produit des effets positifs dans certaines zones et des effets moins positifs dans d’autres de nombreuses infirmières n’ont pas eu d’autre choix que de s’installer dans des zones – notamment périphériques – sans besoins particuliers, un phénomène qu’il a été difficile de contrôler et qui se traduit par une situation pour le moins complexe et quelque peu déséquilibrée ». Toutefois, les syndicats infirmiers auditionnés se sont montrés très favorables à ces dispositifs, et le directeur général de la CNAMTS a souligné que ce dispositif était « totalement porté par la profession ».

Écart trimestriel entre le taux d’installation et le taux de départ

Source : CNAMTS, documents transmis à la commission d’enquête

● Pour les sages-femmes libérales, un dispositif similaire a été introduit par l’avenant n° 1 à la convention nationale de 2012.

La mise en place de ce dispositif a eu un impact non négligeable sur les inégalités territoriales de répartition des sages-femmes, bien que ces inégalités restent considérables, allant de 83 sages-femmes en Seine-Saint-Denis à 1 158 sages-femmes en Martinique pour 10 000 naissances domiciliées.

L’évolution de la part des installations dans les zones sur-dotées est en effet sensible, celle-ci étant passée de près de 27,6 % en 2010, avant l’adoption de la mesure de régulation, à moins de 10 % en 2016.

Parallèlement, on observe depuis 2010 une part plus importante d’installations en zone « sous dotée », en zone « très sous dotée » et en zone « intermédiaire ». Ainsi, parmi les installations réalisées :

– 9,8 % ont lieu en zone « très sous dotée » en 2016 contre 3,6 % en 2010,

– 8,8 % ont lieu en zone « sous dotée » en 2016 contre 7,9 % en 2010,

– 61,2 % ont lieu en zone « intermédiaire » en 2016 contre 48,8 % en 2010.

La part des installations en zone déficitaire (très sous dotée et sous dotée) a donc augmenté de 7,1 points. L’indice de Gini est passé de 0,307 à fin 2010 à 0,215 à fin 2016. ([174])

Toutefois, selon le Conseil national de l’Ordre des sages-femmes, auditionné par la commission d’enquête, la répartition territoriale des sages-femmes libérales, déterminée dans le cadre de ce zonage, « ne permet pas aujourd’hui de couvrir l’ensemble des besoins en santé de la population sur le territoire français, entraînant ainsi une perte de chance pour les patients », notamment car ce zonage a été établi sur le seul nombre des naissances et non sur la demande de soins des femmes, ce qui limite le développement des activités de contraception, de dépistage et de vaccination des sages-femmes.

Sages-femmes : écart entre le taux d’installation et le taux de départ


Source : CNAMTS, documents transmis à la commission d’enquête

● Pour les masseurs-kinésithérapeutes libéraux, l’avenant n° 3 à la convention nationale, approuvé en 2012, prévoyait un dispositif similaire. Toutefois, ces dispositions ont fait l’objet d’une annulation par le Conseil d’État, le juge administratif ayant considéré que de telles mesures nécessitaient une base législative.

Les effets de cette première tentative sur la démographie des masseurs-kinésithérapeutes sont extrêmement difficiles à évaluer, puisque :

– celui-ci n’a connu, qu’une durée d’application très courte (entre 12 et 18 mois au mieux selon les régions et les dates de publication des arrêtés des ARS) ;

– le dispositif prévoyait une opposabilité progressive de la restriction au conventionnement dans ces zones : ce mécanisme de régulation n’a donc touché qu’une partie des professionnels ;

– la mise en place de ce dispositif a été précédée d’une vague d’installation de professionnels dans les zones excédentaires, par anticipation.

À la suite de cette annulation et de l’introduction d’une habilitation législative dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, l’avenant n° 5 à la convention de 2017 a réinstauré un dispositif de conventionnement sélectif dans les zones sur dotées : cet avenant prévoit que le conventionnement ne peut être accordé dans une zone « sur dotée » que si un autre masseur-kinésithérapeute a préalablement mis fin à son activité conventionnée dans cette zone. Ce dispositif sera définitivement mis en place en juillet 2018, et sous réserve de la publication effective du nouveau zonage dans la région.

● Désormais, le code de la sécurité sociale donne donc une base législative au conventionnement sélectif pour les sages-femmes, les masseurs-kinésithérapeutes et les infirmiers, mais également pour les chirurgiens-dentistes.

Pour ces derniers, l’article 3.2 de la convention signée en juin 2018 prévoit que « les partenaires conventionnels s’engagent à mettre en place un groupe de travail afin d’élaborer un dispositif démographique de régulation du conventionnement dans les zones qualifiées de sur dotées par le directeur général de l’ARS, en application de l’article L. 1434-4 du code de la santé publique, selon une méthodologie arrêtée par les partenaires conventionnels tenant compte de l’intégralité de l’offre de soins bucco-dentaire, c’est-à-dire de l’offre libérale mais aussi de celle offerte par les chirurgiens-dentistes exerçant dans les centres de santé dentaires et polyvalents ».

*

* *

Évidemment, l’accessibilité de ces professionnels ne se limite pas à leur densité, loin de là. Ainsi, alors que de moins en moins de médecins généralistes se déplacent à domicile, le rôle des infirmiers libéraux, qui effectuent 90 % de leur activité à domicile, est absolument primordial. L’obligation de continuité des soins qui incombe à ces derniers, de même que les services de garde et d'urgence assurés par les pharmaciens d’officine, facilitent également l’accès aux soins sur l’ensemble du territoire.

Le maillage dense sur l’ensemble du territoire de ces professionnels de santé, conjugué à cette obligation de continuité des soins, invite à s’appuyer plus largement sur ces professionnels afin de garantir l’accès aux soins des Français sur l’ensemble du territoire.

Il ne faut toutefois pas oublier que leurs décisions d’installation restent intrinsèquement liées à la présence d’un médecin généraliste sur le territoire. Comment exercer là où il n’y a pas de médecins, alors que 80 % du chiffre d’affaires d’une pharmacie d’officine est constitué par les médicaments prescrits par les médecins, et que les actes des auxiliaires médicaux ne peuvent être remboursés que s’ils ont initialement fait l’objet d’une prescription médicale ?

Cette interdépendance entre professionnels de santé explique en partie le cumul des inégalités d’accès aux soins dont souffre aujourd’hui notre pays : ainsi, selon la DREES, parmi les personnes ayant une faible accessibilité aux médecins généralistes, deux sur trois l’ont également envers les infirmiers.

La répartition des professionnels de santé doit donc être envisagée de façon globale et en réfléchissant au parcours de soins sur l’ensemble du territoire.

 

 


   seconde partie : Des propositions de court, moyen et long termes pour améliorer l’accÈs aux soins sur l’ensemble du territoire

Alors qu’il n’est plus possible de se voiler la face sur la pénurie de médecins que connaît aujourd’hui notre pays, les gouvernements successifs ont pour le moment échoué à mettre en place les mesures qui s’imposaient. Nous ne pouvons désormais plus perdre de temps, et c’est maintenant qu’il faut agir, car, comme l’a dit sans détours la ministre des Solidarités et de la Santé lors de son audition devant la commission d’enquête, « la situation va être très compliquée à gérer d’ici à 2025 ».

Certaines mesures évoquées précédemment, faciles à mettre en place, permettront de mobiliser du temps médical à très court terme : la suppression de la condition de plafond de revenu annuel du cumul emploi-retraite pour les médecins, la création du statut de médecin « volant », l’allégement des charges et contraintes administratives en font partie.

Ces mesures sont nécessaires, mais malheureusement loin d’être suffisantes pour répondre durablement au défi auquel nous devons faire face. Si notre système de santé est aujourd’hui à bout de souffle, c’est bien le résultat d’un défaut total d’anticipation par les pouvoirs publics : ne refaisons pas les mêmes erreurs. Garantir un accès aux soins satisfaisant sur l’ensemble du territoire nécessitera en effet, bien plus qu’un ensemble de mesures à la marge, un véritable changement de paradigme.

Alors que le temps médical est devenu une ressource rare, une organisation souvent inefficiente des soins telle que nous la connaissons aujourd’hui ne peut qu’aggraver les choses. Peut-on, dans le contexte de crise qui a été décrit, se contenter d’un système en silos, et d’une concurrence organisée entre la ville et l’hôpital, le public et le privé, et même entre les différentes professions de santé ? Non, bien évidemment. Or, chacun des acteurs de notre système de santé court aujourd’hui dans son propre couloir, sans avoir le temps de parler aux autres et encore moins de se coordonner avec eux.

Ce changement de paradigme doit passer par une réorganisation profonde de notre système de soins, et par la suppression des trop nombreux verrous qui conduisent aujourd’hui à ce fonctionnement en silos (I). Une réforme profonde des études médicales, qui aura des effets à moyen et à long termes, sera également nécessaire afin de revaloriser enfin la médecine de ville, et en particulier la médecine générale, au plus près de nos concitoyens (II).

I.   Décloisonner notre systÈme de santÉ

Comme l’a parfaitement résumé M. Gérard Raymond, vice-président de l’Union nationale des associations agréées d’usagers du système de santé France Assos Santé, l’accès aux soins pour tous impliquera « une véritable réorganisation du système de premier recours qui offre à chaque acteur la possibilité de jouer un rôle de prévention, d’accompagnement, d’information et de communication auprès du patient. Il faut également redéfinir le rôle de l’hôpital, ainsi que la liaison entre l’hôpital, la ville et le domicile. Cette réorganisation du système de premier recours est indispensable pour garantir l’accès aux soins sur l’ensemble du territoire ».

En effet, pour garantir l’accès à des soins de qualité sur tout le territoire, la solution ne peut être que dans la coopération et la recherche de complémentarités entre chacun des acteurs de notre système de santé.

Pour cela, c’est d’abord la complémentarité entre différentes professions de santé qu’il faudra organiser, en sortant du système de soins médico-centré qui s’est progressivement imposé en France : les autres professionnels de santé peuvent et doivent jouer un rôle majeur dans l’accès aux soins sur tout le territoire (A). La télémédecine sera amenée à fortement contribuer à ce décloisonnement au cours des années à venir (B). Mais le défi le plus grand qui attend notre système de soins sera probablement la mise en place d’une véritable coopération entre la ville et l’hôpital, prônée par tous les acteurs du système mais qui continue à se faire attendre. (C)

Comment envisager ce décloisonnement si nous ne disposons pas d’outils basiques de coordination ?

Un exemple est très révélateur : alors que la transmission des informations entre professionnels de santé avant et après l’hospitalisation est obligatoire, ([175]) ce qui semble évident et essentiel n’est toujours pas appliqué dans la pratique. L’immense retard pris par la France dans la mise en place d’un dossier médical partagé devrait normalement être rattrapé avec le déploiement de cet outil à l’automne, mais faut-il encore rappeler que la mise en place d’un « dossier médical personnel » avait déjà été instituée par la loi n° 2004-810 du 13 août 2004, et qu’elle n’a pas encore vu le jour ?

Le dossier médical partagé

La loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, complétée par le décret n° 2016-914 du 4 juillet 2016 relatif au dossier médical partagé, a fait évoluer le dispositif, notamment en le transférant à la CNAMTS. Ce transfert à la CNAMTS a permis la relance du projet, avec, selon la Cour des comptes, « de premiers résultats non négligeables » ([176]) (40% de créations de plus qu’en 2012 pour un périmètre de déploiement beaucoup plus restreint).

Après avoir été expérimenté depuis un an dans neuf régions, le DMP devrait donc, en principe, être progressivement généralisé par l’assurance-maladie d’ici la fin de l’année ([177]).

Facultatif, le DMP pourra être créé soit en ligne – la mise au point d’une application mobile étant prévue, avec des modes d’authentification très sécurisés –, soit en pharmacie d’officine, soit à l’accueil d’un établissement de santé, soit lors d’une consultation médicale – sous réserve que le médecin dispose des outils informatiques adaptés.

Il pourra contenir les comptes-rendus hospitaliers et radiologiques, les résultats d’analyses de biologie, les antécédents et allergies, les actes importants réalisés et les médicaments qui ont été prescrits et délivrés au patient.

Par souci de préservation du secret médical, le DMP ne sera accessible qu’au patient et aux professionnels de santé qui y auront été autorisés par ce dernier, étant précisé qu’en cas d’urgence, les professionnels de santé ainsi que le médecin régulateur du SAMU – Centre 15, pourront accéder au DMP, sauf si le patient a préalablement et expressément manifesté son opposition à un tel accès en pareilles circonstances. Le médecin traitant aura accès à l’ensemble des données du DMP.

 

Plusieurs des personnes entendues par la commission ont déploré que l’architecture du DMP ait été « transformée en usine à gaz », pour reprendre la formule de Mme Agnès Ricard-Hibon, présidente de la Société française de médecine d’urgence (SFMU). À ses yeux, « le dispositif doit être simplifié, le partage des informations médicales va aider l’orientation dans la bonne filière de soins ainsi que dans la sécurisation du maintien à domicile et de la limitation du recours à la ressource médicale lorsque cela n’est pas nécessaire ». Or, selon M. Karim Tazarourte, « à l’heure où, sans vergogne, on n’hésite pas à divulguer sur Facebook énormément de données ultraconfidentielles, la pusillanimité portant sur les données médicales nous met en défaut au regard de notre besoin de savoir, qui n’est pas assumé ».

Ce « besoin de savoir » a notamment été exprimé par les représentants de la Fédération SOS Médecins France, dont le secrétaire général, M. Serge Smadja, a expliqué que « SOS Médecins doit pouvoir accéder au dossier médical partagé » en cas d’urgence.

L’audition de la ministre des Solidarités et de la Santé, Mme Agnès Buzyn, a permis de clarifier ce point : « toutes les structures y auront accès, y compris SOS Médecins ou les plateformes de régulation ».

Certains syndicats d’infirmiers ont aussi fait valoir ce « besoin de savoir ». C’est notamment le cas du Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (SNIIL) qui, dans la contribution écrite qu’il a fournie à la commission, fait remarquer que « les infirmières et infirmiers libéraux récupèrent en sortie d’hospitalisation des patients sur lesquels ils n’ont aucune information, ni diagnostic, ni antécédents, ni pronostic, ni plan de soins. D’où l’obligation de contacter le médecin traitant pour avoir les informations, lui faisant ainsi perdre du temps… De l’autre côté, hospitalier cette fois, cette situation engendre une difficulté supplémentaire à identifier clairement les professionnels de santé habituels du patient ». Pour ces raisons, la présidente du SNIIL, Mme Catherine Kirnidis, a revendiqué, lors de son audition, « que les infirmiers puissent avoir un large accès aux données de santé des patients via le DMP ».

Regrettant d’avoir « eu à prendre en charge un patient atteint du sida sans en avoir été informée », Mme Ghislaine Sicre, présidente du syndicat Convergence infirmière, a elle aussi dénoncé, lors de son audition, « un sérieux problème lié à l’absence totale de fiches de liaison », et prôné « la création d’un outil sécurisé comportant des indicateurs de suivi du patient et d’amélioration de la prise en charge » et permettant « d’extraire des fiches à inclure dans le DMP, qu’il est impossible [selon elle] de rendre accessible en permanence à tous les acteurs qui interviennent autour du patient – au risque de disposer d’une bibliothèque gigantesque dont nul ne saurait se servir ».

Il est indispensable que tous les professionnels de santé aient bien accès aux informations dont ils ont besoin au sein du DMP, par exemple en recourant à des codes cryptés avec des modes dégradés permettant une différenciation des modalités de consultation par catégorie de professionnels (médecins, infirmiers, biologistes médicaux, etc.). Il faudra également veiller à ce que chaque patient ait accès à son propre dossier via un système ergonomique, par exemple sur un support magnétique comme la carte Vitale.

Proposition n° 7 : permettre à tous les professionnels de santé d’avoir accès aux informations dont ils ont besoin au sein du dossier médical partagé, en recourant à des codes cryptés avec des modes dégradés permettant une différenciation des modalités de consultation par catégorie de professionnels.

● Au-delà de l’outil informatique, c’est évidemment la tarification des soins qu’il faudra faire évoluer pour parvenir à un tel décloisonnement. La tarification à l’acte, qui prévaut aujourd’hui en ville comme à l’hôpital, n’incite pas à développer ces logiques de complémentarité et conduit plutôt à une mise en concurrence des acteurs et entre professionnels.

Déjà, des rémunérations collectives et au parcours de soins se développent timidement. Lors de son audition, la ministre des Solidarités et de la Santé, Mme Agnès Buzyn, a d’ailleurs affirmé travailler à une tarification promouvant la coopération, et a annoncé que des propositions en ce sens seraient annoncées d’ici la fin de l’été.

● Si cette nécessité d’une meilleure coordination et coopération entre professionnels de santé semble aujourd’hui faire consensus, le risque est grand d’en rester au stade de l’incantation, bloquée par des « modes de financement inadaptés, mais aussi par des attitudes parfois corporatistes, des verrous ordinaux, et par le manque d’interopérabilité des systèmes d’information », comme l’a souligné M. Albert Lautman, directeur général de la Mutualité française. Une volonté politique forte sera indispensable pour faire sauter ces verrous.

A.   La coopération entre professionnels de santé, publics comme privés, une urgence pour optimiser le temps médical et améliorer la qualité des soins

« Notre système de soins actuel a été pensé dans les années 1970, autour de la distinction binaire entre soins primaires, visant à traiter des maladies peu graves, et soins hospitaliers, visant à traiter les accidents et les maladies graves ou contagieuses. Or, avec le vieillissement de la population, la typologie des pathologies a largement évolué. Nous avons maintenant des pathologies chroniques et complexes qui nécessitent une bien meilleure articulation entre les différents professionnels, notamment les professionnels paramédicaux, qui participent à la prise en charge de ces pathologies chroniques, ce qui n’était pas le cas quand le médecin généraliste était juste là pour soigner une grippe ou une entorse. »

De l’aveu de la Ministre des Solidarités et de la Santé elle-même, la coordination entre professionnels de santé est la clé de l’optimisation du temps médical mais aussi et surtout –  de l’amélioration du service rendu aux patients. Cette coordination passera à la fois par une redéfinition du rôle de chacun et par la mise en place de structures de coordination souples, à l’initiative des professionnels eux-mêmes.

1.   Sortir d’un système médico-centré et faire une vraie place à tous les professionnels de santé

Le rapporteur considère, comme Mme Vanessa Fortané, vice-présidente du Regroupement autonome des généralistes installés et remplaçants, qu’« il faut sortir de la croyance que les médecins (…) ont des super pouvoirs et peuvent tout faire », et, comme M. Albert Lautman, président de la Mutualité française, que « l’urgence est aussi de sortir d’une forme de féodalité dans laquelle le rôle de certains professionnels de santé n’est pas celui qu’il devrait être dans la coordination du parcours de soins » et que « l’idée selon laquelle seul le médecin peut-être le coordonnateur du parcours de soins est un mythe ». Mme Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, l’a très justement rappelé : c’est un véritable effort de pédagogie qu’il faudra faire, puisque « pour la grande majorité de nos concitoyens, le réflexe premier est de consulter un médecin alors que, pour beaucoup de prises en charge, ils pourraient voir d’autres professionnels ».

Alors que le manque de médecins va inéluctablement s’amplifier d’ici 2025, et que les auxiliaires médicaux sont de plus en plus nombreux et bien répartis sur notre territoire, il est plus qu’urgent de sortir de ce système médico-centré et de donner aux autres professionnels de santé toute la place qu’ils méritent.

Le partage de tâches que la commission d’enquête appelle de ses vœux avec une grande insistance, permettra d’optimiser le temps médical et de recentrer le temps dont dispose les médecins sur leur « cœur d’activité », mais cela ne doit pas être sa finalité : c’est avant tout un moyen de diversifier et de renforcer la prise en charge du patient, en développant notamment la place de la prévention.

Ce partage de tâche correspond à une forte demande de ces professionnels, mais également des usagers. M. Gérard Raymond, vice-président de France Assos Santé, a ainsi plaidé lors de son audition par la commission d’enquête pour que l’on permette « à d'autres professionnels de santé que les médecins, comme les pharmaciens ou les infirmiers, de devenir la porte d’entrée dans le système de santé, d’orienter les patients et de participer à des parcours de coordination en particulier en ce qui concerne les maladies chroniques. ».

Le Professeur Yves de Prost, de l’Académie nationale de médecine, a également considéré lors de son audition que « la solution n’est pas tellement d’augmenter le nombre de médecins, mais plutôt celui des professionnels paramédicaux qui les aident ».

Il faut aller encore plus loin et ne pas cantonner les auxiliaires médicaux à une « aide » médicale, mais avant tout développer leur rôle spécifique d’acteurs de la chaîne de soins.

Il faut désormais penser la complémentarité entre professionnels de santé et raisonner en filières de soins, par exemple entre infirmiers puériculteurs et pédiatres, sages-femmes et gynécologues. Là où il manque des gynécologues, l’accent pourrait par exemple être mis sur le rôle des sages-femmes, en adaptant si nécessaire le zonage en conséquence.

Pour que cette démarche fonctionne, il faudra trouver un juste équilibre entre accès facilité aux soins et maîtrise des dépenses, et oser poser la question de l’accès direct, sans prescription médicale préalable, à un auxiliaire médical pour certaines pathologies ou prescriptions spécifiques, ainsi que la question du droit de prescription de ces professionnels. Le déverrouillage de ces deux sujets, encore tabous pour certains, est nécessaire pour un véritable renforcement du rôle de ces professionnels, sans quoi les problèmes ne seront pas réglés.

a.   Utiliser et valoriser pleinement les compétences qui existent déjà

Beaucoup parlent aujourd’hui de délégations de tâches et de pratiques avancées, mais pourquoi ne pas d’abord utiliser pleinement les compétences qui existent déjà ?

● Comme l’a souligné Mme Catherine Kirnidis, présidente du SNIIL, les infirmiers n’ont « pas forcément besoin que des tâches [leur] soient déléguées, car [ils] en [ont] déjà beaucoup : notre décret de compétences est très riche. Si déjà, [ils avaient] la possibilité, au domicile, d’exploiter l’ensemble des compétences figurant dans [leur] décret de compétences, bien des problèmes disparaîtraient. » Mme Ghislaine Sicre, présidente de Convergence infirmière, a également déploré que toutes les compétences reconnues aux infirmiers « ne figurent (…) pas dans la nomenclature » et ne [puissent] donc pas être exercées de manière pleine et entière comme à l’hôpital, en donnant notamment l’exemple de la possibilité d’une « consultation de surveillance clinique infirmière ».

Dans le même ordre d’idée, le SNIIL a illustré très clairement ce problème en rappelant que « depuis 2012, les infirmières et infirmiers libéraux ont la possibilité de prescrire les contraceptifs oraux (en renouvellement à l’identique) ainsi que les patchs nicotiniques. Or, n’étant pas autorisée à réaliser une consultation ou, au moins, une évaluation de la situation, rien n’incite l’infirmière libérale à prendre la responsabilité de telles prescriptions. De fait, cette mesure n’est donc pas mise en œuvre, ce qui oblige les patients à retourner chez leur gynécologue ou leur médecin pour le renouvellement d’ordonnance avec perte de temps médical à la clef. Dans le cas des patchs nicotiniques, la situation est d’autant plus ubuesque que l’infirmière libérale n’a, à cette heure, aucune possibilité selon la nomenclature infirmière en vigueur de mettre en place des séances d’éducation à la santé, de prévention et de suivi du sevrage tabagique. Et ce malgré les compétences en la matière que lui reconnaît le code de la santé publique ».

● L’Ordre des pédicures-podologues a également fait état de blocages similaires, en rappelant que le code de la santé publique leur reconnaît un droit de prescription pour les orthèses plantaires, mais que cette capacité n’est pas retranscrite dans le code de la sécurité sociale : « le patient vient donc nous consulter en première intention pour réaliser des orthèses plantaires, alors qu’une prescription est nécessaire pour la prise en charge. Notre prescription n’est pas valable au regard de la sécurité sociale, le patient doit donc repasser chez le médecin généraliste ».

● L’Ordre des sages-femmes a également évoqué de tels obstacles.

Alors que la loi de santé de 2016 a élargi les compétences des sages-femmes en ce qui concerne la prise en charge de l’IVG médicamenteuse, beaucoup de sages-femmes exerçant en libéral ont des difficultés à exercer cette compétence, car elles doivent pour cela signer une convention de partenariat avec les centres hospitaliers à proximité, ce que beaucoup refuseraient.

Plus généralement, depuis la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 relative à l’hôpital, aux patients, à la santé et aux territoires (HPST), les sages-femmes peuvent assurer des consultations en matière de gynécologie préventive et de contraception auprès des femmes en bonne santé, tout au long de leur vie et pas uniquement pendant la grossesse : malheureusement, trop peu de Françaises le savent et ne voient toujours pas la sage-femme comme un professionnel de santé de premier recours.

Le rapporteur considère que ce sont d’abord ces blocages, à la fois juridiques et culturels, qu’il faut lever. Les compétences existent déjà, il y a urgence à les utiliser pleinement.

b.   Développer les coopérations pluri professionnelles

Les compétences des auxiliaires médicaux sont aujourd’hui définies par des décrets relatifs à chaque profession. La délégation d’actes ne faisant pas partie de ce décret de compétence à l’un de ces professionnels est par ailleurs possible, à condition d’être encadrée juridiquement, sous le contrôle d’un médecin.

L’article 51 de la loi HPST a permis la mise en place, à titre dérogatoire et à l’initiative des professionnels sur le terrain, de tels transferts d’actes ou d’activités de soins.

Selon le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM), 21 protocoles de coopérations et près de cent expérimentations régionales ont été mis en place ([178]).

Parmi ces expérimentations, on compte principalement des délégations de l’ophtalmologiste à l’orthoptiste, du radiologue au manipulateur radio (en particulier pour les échographies), le suivi des patients diabétiques, le dépistage de certaines pathologies comme la rétinopathie diabétique, la prescription et la réalisation de vaccinations et de sérologies par des infirmiers.

L’expérimentation Asalée

Le dispositif d’Action Santé Libérale en équipe (Asalée) a été mis en place dès 2004 dans les Deux-Sèvres par l’association éponyme, afin d’améliorer la prise en charge des maladies chroniques grâce à la coopération entre médecins généralistes et infirmiers dédiés à cette activité. Intégré aux dérogations mises en place dans le cadre de l’article 51 de la loi HPST, ce dispositif a ensuite été intégré fin 2012 à l’expérimentation sur les nouveaux modes de rémunération en équipe (ENMR).

La dérogation porte sur les quatre activités suivantes :

– suivi du patient diabétique de type 2 (rédaction et signature de prescriptions, réalisation et interprétation des examens des pieds) ;

– suivi des patients à risque cardiovasculaire (prescription et réalisation des électrocardiogrammes) ;

– suivi du patient tabagique à risque de broncho-pneumopathie chronique obstructive (prescription, réalisation et interprétation de la spirométrie) ;

– repérage des troubles cognitifs et réalisation de tests de mémoire chez les personnes âgées.

D’après les informations transmises à la commission d’enquête par la direction de la sécurité sociale, les premiers éléments d’évaluation tendent à montrer que cette forme de coopération permettait de dégager 10 % de temps médical dans les équipes concernées.

Le dispositif concernait au 31 décembre 2017 533 infirmiers, représentants 267 équivalents temps plein, exerçant dans 753 cabinets avec 1 959 médecins, majoritairement en zone rurale. L’avenant à la convention qui lie l’association ASALEE à la CNAM, à la DSS et à la CPAM de Niort, signé en avril 2018 prévoit de financer 100 ETP supplémentaires d’infirmiers, ce qui portera le nombre total d’ETP d’infirmiers Asalée à 367 sur 638 000 infirmiers.

La mise en place d’une telle expérimentation de délégation de tâches, détaillée à l’article L. 4011-1 du code de la santé publique, est aujourd’hui très lourde, puisque ces protocoles doivent être autorisés par voie d’arrêté par le directeur général de l'agence régionale de santé, lui-même pris après avis conforme de la Haute Autorité de santé (HAS), et, pour les protocoles impliquant un financement dérogatoire, après avis du collège des financeurs dédié.

Les professionnels concernés par ces délégations d’actes s’engagent également à procéder, pendant une durée de douze mois, au suivi de la mise en œuvre du protocole et à transmettre les informations relatives à ce suivi à l’ARS et à la HAS.

L’article 55 de la LFSS pour 2018 permet la mise en œuvre d’une procédure accélérée pour les projets de protocole de coopération relevant de priorités nationales définies par le Gouvernement, pour lesquels les avis de la HAS et de la conférence des financeurs doivent être rendus dans un délai de six mois après transmission de l’ARS. Selon les informations transmises par la direction de la sécurité sociale, « aujourd’hui, deux protocoles de bilan visuel par un orthoptiste pour le renouvellement et ou l’adaptation des corrections optiques chez l’adulte de 16 à 50 ans et chez l’enfant de 6 à 15 ans ont bénéficié de cette procédure lors de la réunion du collège des financeurs de janvier 2018 ». D’après le CNOM, dans le cadre d’expérimentations dans la Sarthe et en Rhône-Alpes, ces délégations de compétences entre ophtalmologistes et orthoptistes ont permis, dans certains partenariats, de réduire le délai de prise de rendez-vous de douze mois à quinze jours pour une prescription de lunettes. ([179])

La question du modèle économique de ces délégations devra également être posée. Pour le moment, ce modèle économique n’est pas clairement défini :

– dans le cadre d’Asalée, c’est l’association elle-même qui salarie les infirmiers du projet ;

– dans le cadre des coopérations entre ophtalmologistes et orthoptistes, la rémunération liée aux délégations est versée à l’ophtalmologiste, qui salarie l’orthoptiste.

Ce modèle du salariat n’est pas forcément le plus efficace ou le plus valorisant pour les professionnels concernés, et d’autres modèles, notamment la rémunération en équipe, devraient être envisagés. La ministre des Solidarités et de la Santé, Mme Agnès Buzyn, s’est d’ailleurs clairement exprimée en ce sens lors de son audition par la commission d’enquête : « Mon objectif, avec la délégation de tâches n’est donc surtout pas d’augmenter la rémunération à l’acte – ou à l’activité, s’agissant de l’hôpital. Mon objectif est de mettre en place d’autres modes de rémunération, qui obligent aux coopérations ; en d’autres termes, des rémunérations forfaitaires ou des rémunérations au parcours, qui permettent de bien rémunérer les professionnels mais n’induisent pas une inflation systématique d’actes dès qu’un professionnel entre dans la boucle. »

c.   Étendre les compétences des professionnels de santé

Au-delà de délégations ponctuelles d’actes, il est aujourd’hui nécessaire de repenser le rôle de chaque acteur de notre système de santé afin de garantir l’accès aux soins de tous sur notre territoire.

Les rôles du pharmacien et de l’infirmier, qui représentent déjà les premières portes de l’accès aux soins pour beaucoup de Français, doivent notamment être reconnus et renforcés.

● Le rapporteur considère avec le Conseil national de l’ordre des pharmaciens (CNOP) que « le pharmacien pourrait être autorisé à renouveler un traitement déjà prescrit (au-delà du dépannage) lorsque le patient a déjà eu les mêmes symptômes et a eu un traitement prescrit par son médecin, dans un délai de 1 à 2 ans, comme cela se pratique au Canada. Ainsi depuis plus de 2 ans, les pharmaciens du Québec peuvent prolonger l’ordonnance d’un médecin, pour autant qu’il ne s’agisse pas de stupéfiants ou de substances contrôlées. La durée maximale de prolongation est celle de l’ordonnance initiale, sans pouvoir excéder un an ».

Toujours selon le CNOP, le pharmacien pourrait également, « avec l’accord du médecin et selon ses consignes, avec bien évidemment un retour d’information, prendre la tension ou mesurer la glycémie afin de suivre les patients ; le pharmacien pourrait également être autorisé à prescrire certains examens de biologie médicale (INR, Hbc, TSH par exemple) utiles au suivi des traitements, dont les résultats seraient transmis au médecin traitant. Dans le cas de l’épisode du Levothyrox, les pharmaciens auraient pu être autorisés à prescrire des dosages de TSH et orienter ainsi les patients vers leur médecin en cas de déséquilibre ou rassurer les autres ».

Une expérimentation portant sur la vaccination antigrippale par les pharmaciens, autorisée par l’article 66 de la LFSS pour 2017, est déployée depuis le mois d’octobre 2017 dans les régions Auvergne Rhône-Alpes et Nouvelle-Aquitaine. Forte de son succès, elle devrait être étendue à deux nouvelles régions pour la campagne 2018-2019 (Occitanie et Hauts de France). Il faut dépasser ce cadre expérimental, et généraliser dès maintenant la vaccination par les pharmaciens.

Des protocoles expérimentaux ont été mis en place dans la région Auvergne-Rhône Alpes avec le concours de l’Union Régionale des Professionnels de Santé Pharmaciens, pour les tests de glycémie capillaire, les « tests rapides d'orientation diagnostique » de la grippe en EHPAD ou le dépistage de la rétinopathie diabétique, mais il faut ici là aussi dépasser ce cadre expérimental.

Le droit de prescription de substituts nicotiniques devrait également être donné aux pharmaciens.

Le dispositif NetCare mis en place en Suisse peut être une source d’inspiration. Avec ce dispositif, les pharmaciens s’appuient sur des arbres décisionnels pour prendre en charge certaines pathologies bénignes ([180]). Ces consultations peuvent ensuite, si nécessaire, donner lieu à renvoi vers un médecin généraliste ou vers un service d’urgence. Il apparaît que la majorité de ces consultations concernent des cystites (41 %), des conjonctivites (23 %) et des pharyngites, et que la consultation simple par le pharmacien s’avère suffisante dans 75 % des cas. Parmi ces consultations simples, seules 9 % ont ensuite donné lieu à une consultation par un médecin ([181]).

Selon le CNOP, la mise en place d’un dispositif similaire en France permettrait de contribuer au désengorgement des urgences, des cabinets médicaux en cas d’épidémie ou en cas d’absence de médecins.

Selon les éléments transmis par le ministère de la Santé à la commission d’enquête, « plusieurs projets ayant un important potentiel en matière d’accès aux soins ont d’ores et déjà été identifiés, en particulier un protocole permettant aux paramédicaux et aux pharmaciens de répondre, dans le cadre d’équipes de soins volontaires et structurées, à des demandes de soins non programmés concernant un petit nombre de pathologies ciblées (cystite non fébrile, lombalgie, pharyngite…). L’accompagnement des équipes porteuses est en cours, dans l’objectif d’une validation par la HAS et le collège des financeurs dans le courant de l’année ».

Le législateur avait déjà prévu, dans la loi HPST de 2009, une ouverture en ce sens, en précisant que le pharmacien peut « proposer des conseils et prestations destinés à favoriser l’amélioration ou le maintien de l’état de santé des personnes ». ([182]) Près de dix ans plus tard, aucun texte d’application de cette disposition n’a été pris par les gouvernements successifs. Après un contentieux perdu contre le Conseil national de l’ordre des pharmaciens, à l’issue duquel le Conseil d’État a enjoint au Premier ministre de prendre ce décret dans un délai de six mois ([183]), il semblerait – mieux vaut tard que jamais – que le ministère envisage de publier ledit décret. Selon les informations transmises à la commission d’enquête par le ministère de la Santé, ce texte « mettrait en avant » le rôle des pharmaciens « dans l’accompagnement des patients atteints de pathologies chroniques, notamment en matière d’auto-mesure de la pression artérielle et de la glycémie ».

Pour le rapporteur, le retard pris dans l’application de cette disposition montre bien les réticences qui subsistent sur ce sujet. Il conviendra d’être vigilant sur le contenu de ce décret, qui devra être ambitieux. Une action similaire devrait être entreprise pour les biologistes.

● D’importantes extensions de compétences devraient également être envisagées pour les sages-femmes, dans la continuité de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé : leur compétence pourrait ainsi être étendue à l’IVG instrumentale, et, selon Mme Anne-Marie Curat, présidente du Conseil national de l’Ordre des sages-femmes, au suivi des couples et non plus des seules femmes « pour la surveillance des infections sexuellement transmissibles (IST), le suivi tabacologique, la surveillance vaccinale ».

● Pour les infirmiers, le SNIIL a également formulé de nombreuses propositions en ce sens, relatives à :

– la vaccination : « les infirmières libérales disposent déjà du droit de vacciner les populations les plus fragiles hors primo-injection contre la grippe en toute autonomie. Il est nécessaire d’élargir ce droit aux populations non-fragiles, et, donc, en toute logique, présentant moins de risques. Et ce, d’autant plus que les infirmières détiennent déjà le droit d’injecter sur simple prescription orale d’un médecin du Samu une ampoule d’adrénaline en cas de choc anaphylactique. Il convient également d’étendre ce droit à toutes les vaccinations hors primo-injection en lien avec le médecin traitant » ;

– la prescription : « depuis 2012, les infirmières et infirmiers libéraux sont autorisés à prescrire une liste de dispositifs médicaux pour perfusion à domicile, accessoires nécessaires à l’utilisation d’une chambre à cathéter implantable ou cathéter central tunnélisé, ainsi qu’articles pour pansements. En revanche, les infirmières et infirmiers libéraux ne sont pas autorisés à prescrire les solutions et produits antiseptiques indispensables au nettoyage des plaies et à la désinfection des tissus au motif qu’il s’agit, pour la plupart, de médicaments […] Cette contrainte d’interdiction de prescription de solutions et produits antiseptiques oblige donc le patient à retourner chez le médecin pour obtenir une prescription médicale qui lui permettra de se faire délivrer et rembourser ces produits ».

Lors de son audition, le président du Conseil national de l’ordre des infirmiers, M. Patrick Chamboredon, est allé dans le même sens, affirmant que « le corollaire de la consultation, c’est la prescription » et rappelant que « les infirmiers qui se déplacent à domicile ne peuvent pas prescrire des antiseptiques pour faire les pansements qu’ils vont réaliser ».

La prescription infirmière au Royaume-Uni

Depuis le début des années quatre-vingt-dix, la prescription a progressivement été élargie aux infirmiers britanniques, dans différent cas de figures ([184]) :

– les infirmiers intervenant au domicile peuvent prescrire, après une formation spécifique d’une vingtaine de jours, une liste de produits normalement prescrits par le médecin (Community Practitioner Nurse Prescribers) ;

– les infirmiers titulaires d’une formation de « prescription indépendante » (Nurse Independent Prescribers) comprenant 26 jours d’enseignement théorique et 12 jours de formation pratique sous la supervision d’un médecin peuvent prescrire de façon autonome les produits inscrits sur une liste beaucoup plus large, dans le cadre d’une liste de situations chroniques précises.

Une possibilité dite de « prescription supplémentaire » est ouverte aux infirmiers mais également aux sages-femmes et aux pharmaciens dans le cadre d’un protocole de soins défini par le médecin.

– l’adaptation de certains médicaments : en développant les protocoles de gestion de certains médicaments (anticoagulants et insuline notamment) pour les malades chroniques. « Alors qu’elles récupèrent les résultats biologiques des patients et qu’elles savent les interpréter, les infirmières libérales doivent attendre une prescription médicale pour adapter, chaque jour, les dosages d’AVK et d’insuline dès lors que le médecin n’a pas établi de protocole de soins. La plupart du temps, cette attente est longue. Ainsi, 68 % des infirmières et infirmiers libéraux reconnaissent avoir des difficultés à obtenir la prescription médicale de la nouvelle posologie des anticoagulants, a complété le SNIIL.

Certaines expérimentations en ce sens ont déjà lieu : en Normandie, un document de recommandation pour l’élaboration de protocoles pluriprofessionnels de soins de premiers recours pour la gestion des médicaments anticoagulants (AVK) chez l’adulte est paru en janvier 2018. Ce protocole permet notamment de donner aux infirmiers l’autorisation de modifier les posologies des AVK, sous réserve des accords préalables du médecin traitant et du patient ou résident.

Le Conseil national de l’Ordre des masseurs-kinésithérapeutes a également fait des propositions en ce sens à la commission d’enquête, suggérant notamment de déléguer aux masseurs-kinésithérapeutes certaines responsabilités dans le cadre de la petite traumatologie, des problèmes respiratoires ou des douleurs aigües du dos, et que la première consultation post-opératoire en chirurgie orthopédique soit assurée par le masseur-kinésithérapeute du service, comme dans les pays anglo-saxons.

● Ces réflexions amènent nécessairement à s’interroger sur les pratiques avancées. Comme l’a justement rappelé Mme Cécile Courrèges, directrice générale de l’offre de soins, « notre système a été conçu selon deux niveaux : il y a les professions médicales, nécessitant dix ans d’études, et les professions paramédicales, qui en demandent trois ou quatre, sans que rien [à l’exception des pharmaciens] n’existe entre les deux ».

Au contraire, de nombreux pays – dont les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, les Pays-Bas et l’Irlande – ont développé depuis plusieurs dizaines d’années des professions intermédiaires, et en particulier la profession « d’infirmier de pratique avancée », disposant notamment d’un droit plus ou moins étendu de prescription. Aux États-Unis, ces infirmiers représentaient en 2015 près de 6 % de ces professionnels ([185]).

La France a enfin décidé de prendre ce tournant lors du vote de la loi de modernisation de notre système de santé en 2016.

Son article 119 a créé en effet un nouvel article L. 4301-1, I, au sein du code de la santé publique, qui dispose que « les auxiliaires médicaux peuvent exercer en pratique avancée au sein d'une équipe de soins primaires coordonnée par le médecin traitant ou au sein d'une équipe de soins en établissements de santé ou en établissements médico-sociaux coordonnée par un médecin ou, enfin, en assistance d’un médecin spécialiste, hors soins primaires, en pratique ambulatoire ». La loi prévoit que les activités de ces professionnels peuvent comprendre :

– des activités d’orientation, d'éducation, de prévention ou de dépistage ;

– des actes d’évaluation et de conclusion clinique, des actes techniques et des actes de surveillance clinique et paraclinique ;

– la prescription de produits de santé non soumis à prescription médicale obligatoire, des prescriptions d'examens complémentaires et des renouvellements ou adaptations de prescriptions médicales.

Près de deux ans et demi après le vote de cette disposition, son décret d’application est enfin paru le 18 juillet 2018 ([186]). Il s’est heurté aux réticences tant des professionnels médicaux que des professionnels paramédicaux, les uns y voyant un risque de concurrence, et les autres demandant une plus grande autonomie.

Lors de leur audition par la commission d’enquête, le SNIIL et la Fédération nationale des infirmiers ont en effet estimé que l’infirmier de pratique avancée tel que prévu par ce décret sera « encore trop sous la coupe des médecins » et a été « vidé (…) de sa substance pour produire des assistantes médicales ». Le président du Conseil National de l’Ordre des infirmiers a, à son tour, considéré que « le texte manque d’ambition sur la pratique avancée, sur le rôle et la place des infirmiers » et que le champ de la pratique avancée devrait notamment être étendu à la santé mentale.

Interrogée par la commission d’enquête sur les critiques opposées à ce texte, rejeté par le Haut Conseil des professions paramédicales, la directrice générale de l’offre de soins a considéré que « certains représentants du monde médical ont vu l’arrivée des infirmières en pratique avancée comme une concurrence éventuelle, qui pourrait leur retirer les tâches ou les consultations les plus faciles, ce qui alourdirait finalement leur travail quotidien […]. D’un autre côté, certaines organisations infirmières avaient d’autres formes de revendications, qui étaient un exercice totalement autonome où l’on pourrait décider soi-même quels patients on prend en charge et quelle est la thérapeutique associée. […] L’infirmière en pratique avancée est à mi-chemin entre ce que certains représentants de la profession infirmière auraient souhaité, dans le cadre de leurs revendications pour leur profession, assez légitimes et que l’on peut entendre, et les positions d’autres professions, qui avaient d’autres craintes à l’égard du modèle proposé ».

La ministre des Solidarités et de la Santé elle-même, lors de son audition par la commission d’enquête, a admis que ce décret était le résultat d’un « consensus mou ». Si ce texte n’est pas tout à fait satisfaisant, espérons toutefois qu’il permette de poser les bases d’un développement de la pratique avancée en France.

Les dispositions prévues par le décret du 18 juillet 2018

Ces infirmiers de pratiques avancées pourront prescrire des médicaments et des dispositifs médicaux non soumis à prescription médicale obligatoire ; des examens de biologie médicale et le renouvellement de certaines prescriptions médicales, dont les listes seront précisées par arrêté.

Pour exercer en pratique avancée, un infirmier devra satisfaire à trois conditions :

– être titulaire du diplôme d’état infirmier et avoir obtenu le diplôme d’État d’infirmier en pratique avancée délivré par l’Université. ([187]) La première promotion d’infirmiers de pratiques avancées doit, selon les informations communiquées par la DGOS, débuter sa formation dès septembre 2018, avec un contingent d’environ 500 étudiants ;

– justifier d’un exercice antérieur d’au minimum trois années en équivalent temps plein en tant qu’infirmier avant l’inscription en master ;

– exercer dans le cadre d’une équipe cordonnée par un médecin : au sein d’une équipe de soins primaires (dont les MSP et CDS) ou en assistance d’un médecin spécialiste hors soins primaires, ou bien en établissement de santé.

Sur ces bases, il devra être enregistré auprès du service ou de l’organisme désigné à cette fin par un arrêté du ministre chargé de la santé.

Selon la DGOS, c’est à ce jour une rémunération forfaitaire qui est envisagée pour ces infirmiers de pratiques avancées.

La ministre a également annoncé lors de son audition par la commission d’enquête qu’il y aurait des pratiques avancées pour d’autres professions de santé, sans plus de précisions. Les Ordres des masseurs-kinésithérapeutes et des pédicures-podologues ont indiqué à la commission qu’ils travaillaient d’ores et déjà à des projets en ce sens.

L’Ordre des masseurs-kinésithérapeutes a par exemple suggéré que des kinésithérapeutes de pratique avancée, pourraient par exemple être particulièrement utiles dans le suivi des maladies chroniques respiratoires, et « effectuer les épreuves fonctionnelles respiratoires et les interpréter ». Là encore, des blocages devront être surmontés, puisque, toujours selon l’Ordre, aucune expérimentation en ce sens n’a pu avoir lieu pour le moment : « Une expérimentation a été conduite pour proposer un dépistage de la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), en demandant une mesure du flux expiratoire en cabinet libéral, avec de petits débitmètres de pointe. Une sorte de guerre a eu lieu entre les pneumologues et les généralistes, les pneumologues ne voulant pas que les généralistes effectuent ce dépistage ».

Proposition n° 8 : recenser toutes les compétences dont disposent les sages-femmes, pharmaciens et auxiliaires médicaux et qui ne peuvent pas être exercées pour des raisons juridiques ou financières, pour leur permettre de participer davantage à la chaîne des soins, et adapter leur formation en conséquence.

Proposition n° 9 : permettre aux pharmaciens de vacciner, de renouveler certains traitements, de prescrire des substituts nicotiniques, de prendre certaines mesures utiles au suivi des traitements et de prendre en charge certaines pathologies bénignes.

Proposition n° 10 : étendre aux infirmiers, dans certains cas et sous certaines conditions, le droit de prescription, de vaccination, d’adaptation de certains traitements.

Proposition n° 11 : créer la pratique avancée pour d’autres professions que les infirmiers, notamment les kinésithérapeutes.

2.   L’exercice coordonné, indispensable pour optimiser le temps médical

Beaucoup a déjà été écrit sur l’exercice regroupé, qui répond à la fois aux aspirations des jeunes professionnels de santé en terme de conditions d’exercice (plus grande prévisibilité, travail en équipe, mutualisation du secrétariat et des tâches administratives) et à la nécessité de mieux coordonner le parcours de soins des patients.

a.   Encourager l’exercice regroupé

● Le développement de l’exercice regroupé en général, et des maisons de santé pluri professionnelles (MSP) en particulier, a été un objectif politique prioritaire lors de ces dernières années. Le Gouvernement actuel a également fait du soutien aux MSP une priorité, avec pour objectif de doubler leur nombre d’ici 2022.

Au cours des dernières années, leur croissance a été extrêmement rapide : alors qu’on partait de 20 en 2008, on en comptait 240 en 2013, 1 063 actuellement, et 328 en projet. Près de 4 000 médecins généralistes y travaillent.

Cette croissance rapide des MSP s’est faite malgré la lenteur des ARS pour monter ces dossiers, la création de celles-ci se révélant souvent un « parcours du combattant » éprouvant pour les professionnels de terrain.

Répartition des professionnels au sein des MSP

 

Effectifs

Personnels médicaux dont sages-femmes

4 798 dont 3 941 médecins généralistes

Auxiliaires médicaux

8 512

Chirurgiens-dentistes

604

Pharmaciens

848

Professionnels médico-sociaux et administratifs

1 597

Source : Direction générale de l’offre de soins.

Les centres de santé, au sein desquels les professionnels sont salariés, sont également apparus comme une solution pour renforcer l’accès au soin sur le territoire : on compte aujourd’hui 1 639 centres, le plus souvent municipaux ou associatifs, contre 1 220 en 2012. Parmi ces centres, 399 sont des centres polyvalents, 677 des centres dentaires, 462 des centres infirmiers et 101 des centres médicaux.

Le premier centre de santé départemental : le centre de santé de Saône-et-Loire

Pour recruter des médecins généralistes, le Conseil départemental de Saône-et-Loire a annoncé en juin 2017 la création d’un réseau de quatre centres de santé départementaux, et, à terme, de 45 antennes associées sur tout le territoire du département. Cette initiative innovante a déjà permis de recruter une dizaine de médecins généralistes sur un objectif fixé à 30 médecins minimum.

Ce centre de santé départemental propose aux jeunes médecins des contrats de trois ans, avec un salaire de base de 4 600 euros net par mois et trente-cinq heures par semaine, et la possibilité de faire des heures supplémentaires. Selon le président du Conseil départemental de Saône-et-Loire, M. André Accary, auditionné par la commission, le budget de ce centre, établit sur la base « d’un plan sur trois ans […] qui comprend le recrutement, le secrétariat, le matériel, est de deux millions d’euros », et « sera équilibré dès le recrutement du trentième médecin généraliste ». Il a toutefois souligné que le département n’avait pas, sur le long terme, vocation à recruter des médecins généralistes, et que cette solution était transitoire « en attendant que la situation s’améliore ».

L’échelle départementale est probablement la bonne, sur beaucoup de territoires, pour mettre en place un tel projet, afin d’éviter une concurrence néfaste entre communes ou intercommunalités.

Répartition des professionnels au sein des centres de santé

 

Effectifs

Professionnels médicaux dont sages-femmes

6 007 dont 273 médecins généralistes

Paramédicaux

10 820

Chirurgiens-dentistes

5 015

Pharmaciens

44

Professionnels médico-sociaux et administratifs

8 938

Source : Direction générale de l’offre de soins.

● Ces structures d’exercice coordonné constituent l’une des réponses possibles aux difficultés territoriales d’accès aux soins : si elles n’ont pas toujours permis d’attirer de nouveaux professionnels, les personnes auditionnées par la commission d’enquête ont souligné que ces structures permettaient a minima le maintien de la densité médicale là où elles sont implantées, analyse confirmée par les études de l’IRDES([188]). On observe notamment une différence entre les zones rurales, où la démographie médicale s’affaiblit moins vite là où sont implantées des maisons de santé, et les quartiers urbains sensibles, où les maisons de santé permettent d’attirer de nouveaux professionnels.

Le mode d’exercice regroupé à privilégier doit évidemment être adapté à la nature du territoire, comme l’a souligné la ministre des Solidarités et de la santé lors de son audition : « les MSP fonctionnent mieux dans certains types de territoires. Dans les zones périurbaines et dans les banlieues, sans doute faut-il privilégier les centres de santé avec des médecins salariés ». Il est parfois extrêmement difficile pour les professionnels de santé de porter un projet de MSP dans une grande ville, où ils doivent bien souvent endosser le rôle de « promoteur immobilier », selon M. Christophe Lannelongue, directeur général de l’ARS Grand Est.

Les MSP peuvent parfois être des coquilles vides : des projets construits uniquement sur une logique administrative, sans réelle association des professionnels du territoire et des élus, et privilégiant un projet immobilier à un projet de santé, ont parfois échoué à attirer des professionnels dans leurs murs. Selon M. Pascal Gendry, président de la Fédération française des maisons et pôles de santé, ce constat doit toutefois être relativisé : « sur 1 200 maisons de santé, plus de 600 ont signé l’accord conventionnel avec l’assurance maladie et en ont reçu une dotation. Pour toutes, l’enveloppe a été majorée. Quand on connaît les indicateurs retenus par l’accord conventionnel, c’est qu’elles correspondent bien au fonctionnement de base. Certaines maisons de santé n’ont pas signé l’accord car elles ne voulaient pas avoir de rapport avec l’assurance maladie. D’autres qui ne l’ont pas signé sont peut-être des coquilles vides. »

Les ARS contribuent – de façon hétérogène en fonction des régions –, à travers les crédits du fonds d’intervention régional (FIR), au financement des maisons et des centres de santé, pour le démarrage des projets ou pour leur fonctionnement : d’après les données fournies par le ministère de la Santé à la commission, le financement de ces structures par le FIR s’élève à 6,68 millions d’euros pour les maisons de santé et 1,65 million d’euros pour les centres de santé en 2016.

En parallèle, les structures pluri-professionnelles de proximité peuvent recevoir des aides au fonctionnement de l’assurance maladie, depuis l’expérimentation de nouveaux modes de rémunération en équipe. L’Accord conventionnel interprofessionnel (ACI) conclu en avril 2017 a en effet revalorisé les aides à ces structures, sous certaines conditions (notamment les horaires d’ouverture, l’existence de consultations sans rendez-vous, de réunions de coordination, de logiciels partagés).

D’après les données transmises par la direction de la sécurité sociale à la commission, le nombre de structures qui ont bénéficié de ce dispositif est passé en un an de 434 à 538. Au total, l'Assurance Maladie versera, selon la CNAMTS, près de 35,6 millions d’euros à ces structures au titre de l'année 2017, un montant en hausse de 96,7 % par rapport à 2016. Ce montant moyen est de 66 000 euros par MSP, soit une hausse de près de 59 % par rapport au montant moyen versé aux 434 structures en 2016.

b.   Privilégier des outils de coordination souples, à l’image des Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS)

● Pour le rapporteur, les MSP et les centres de santé ont l’avantage de garantir la coordination des soins entre professionnels de santé, qui constitue un aspect clé de la garantie de l’accès aux soins de tous sur tout le territoire. C’est avant tout cette coordination des soins, et notamment des soins primaires, qui est aujourd’hui nécessaire, mais elle ne nécessite pas forcément de passer par un regroupement physique.

Des maisons de santé « sans les murs » existent déjà : c’est par exemple le cas aujourd’hui du réseau de la montagne limousine (plateau de Millevaches). Ce réseau regroupe six médecins généralistes, dont trois en Corrèze et trois dans la Creuse, qui assurent, en dépit de leur faible nombre et de grandes distances (70 kilomètres entre les deux cabinets les plus éloignés), la permanence des soins, y compris les week-ends. Ce réseau fonctionne grâce au partage des dossiers médicaux, de la patientèle, et à un système de régulation téléphonique. Pour le rapporteur, il est primordial d’aider ce type de réseaux.

La loi de modernisation de notre système de santé de 2016 a permis d’instaurer des dispositifs souples, centrés autour des projets de santé : les équipes de soins primaires (ESP) et les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).

– Les ESP doivent fédérer plusieurs professionnels de santé assurant des soins de premier recours, dont au moins un généraliste, qui souhaitent améliorer les parcours de santé de leurs patients. Leur projet s’articule autour de leur patientèle.

– Les CPTS sont quant à elles organisées autour du bassin de vie qu’elles ont elles-mêmes définies ([189]). Comme les ESP, elles émanent directement de l’initiative des professionnels de santé, mais elles rassemblent une plus grande diversité d’acteurs : professionnels de santé de ville de premier et de second recours, mais également acteurs sociaux et médicaux-sociaux. Pour reprendre les mots du Dr Bertrand Joseph, président de la CPTS Sud 28, les CPTS sont « des MSP sans les murs, avec des couloirs qui représentent des voies de communication », « la maison de santé nous permet d’exercer notre métier, la CPTS permet d’organiser son exercice sur le territoire ».

La définition des CPTS par la loi de modernisation de notre système de santé

L’article L. 1434-12 du code de la santé publique, issu de l’article 65 de la loi de modernisation de notre système de santé, donne pour mission aux CPTS de mieux coordonner l’action des professionnels de santé sur le territoire, afin de structurer les parcours de santé et de réaliser les objectifs du projet régional de santé.

Les CPTS doivent être constitués d’une ou de plusieurs ESP, d’acteurs assurant des soins de premiers et de second recours et d’acteurs médico-sociaux et sociaux.

Les CPTS doivent définir un projet de santé, qui précise notamment son territoire d’action.

À défaut d’initiative des professionnels pour former une CPTS, l’ARS peut prendre cette initiative, en concertation avec les unions régionales des professionnels de santé et les représentants des centres de santé.

Aucun décret d’application n’a été prévu pour préciser ce cadre juridique, afin de garder une grande souplesse pour la constitution de ces CPTS.

Pour le rapporteur, ces outils sont l’avenir car ces projets ne sont pas imposés aux professionnels de santé mais construits par eux. Leur projet doit être adapté au contexte local et aux besoins de santé recensés sur le territoire. Lors des auditions menées par la commission d’enquête, la formule des CPTS a émergé comme un espoir majeur pour l’ensemble des interlocuteurs, la ministre des Solidarités et de la Santé, Mme Agnès Buzyn, allant jusqu’à les qualifier de « modèle idéal » lors de son audition par la commission. Mme Cécile Courrèges, directrice générale de l’offre de soins, a d’ailleurs rappelé à juste titre que « l’ensemble des organisations syndicales de médecins et des autres professions de santé adhèrent au modèle des CPTS ».

Les CPTS impliquent un véritable changement de paradigme, et une évolution vers une approche dite « populationnelle ». Pour illustrer cette approche populationnelle, M. Frédéric Valletoux, président de la FHF, a mentionné l’exemple du Québec, où, « dans un territoire dont les données pathologiques sont identifiées et où l’offre de soins est ce qu’elle est, l’État, qui souhaite des ratios de santé publique optimaux – avec, par exemple, la réduction des taux de diabète et de mortalité infantile – demande à tous les professionnels de santé de s’organiser pour parvenir à cet objectif, et juge de la réussite de l’organisation choisie à cette fin en fonction des données territoriales de santé publique collectées. Pour la France, cela signifie que l’on sorte du système de santé actuel, jacobin et hyper-centralisé, et que l’on admette que les professionnels de santé sont capables, ensemble et quel que soit leur statut, d’inventer des systèmes de prises en charge adaptés aux données épidémiologiques de la population et à l’offre de soins. »

Dans la pratique, à quoi peuvent ou doivent servir ces CPTS ?

Le HCAAM, dans son rapport précité, considère que les CPTS devraient a minima assurer dans une première étape les cinq missions de base suivantes :

– accès à un médecin traitant pour toute personne du territoire ;

– permanence des soins et prises en charge non programmées ;

– organisation de la continuité des soins ;

– orientation vers le bon niveau et le bon type de prise en charge en fonction des besoins ;

– organisation des dépistages et vaccination.

Dans un deuxième temps, les CPTS pourraient également avoir dans leurs missions :

– le maintien à domicile des personnes âgées ;

– l’organisation de processus de prise en charge de différentes pathologies chroniques, en fonction de l’état de santé de chaque territoire ;

– l’éducation thérapeutique pour les patients chroniques le nécessitant (en lien avec l’item précédent) ;

– le déploiement de programmes de santé publique.

Pour le rapporteur, ces différents axes permettraient de progressivement faire des CPTS l’acteur principal du maillage de la médecine de ville. Les CPTS permettront également aux partenaires extérieurs, en premier lieu l’hôpital et l’ARS, d’avoir un interlocuteur clairement identifié et représentatif de la médecine de ville sur chaque territoire.

180 CPTS sont actuellement en projet, mais, pour le rapporteur, l’objectif doit être celui d’un maillage de tout le territoire par des CPTS dans les trois ans à venir, ce qui correspondrait a minima à un millier de CPTS.

Cela nécessitera une forte volonté politique, mais également des outils concrets.

Lors de son audition par la commission, Mme Cécile Courrèges, directrice générale de l’offre de soins, a d’ailleurs considéré nécessaire « de passer à une autre étape en conférant un modèle économique aux CPTS, ce qui implique que nous sachions les définir en déterminant leurs missions de base ainsi que d’autres, plus optionnelles, pour ceux ayant atteint une certaine maturité, et que nous assurions les financements correspondants ».

D’ores et déjà, le rapporteur considère que l’une des clés du succès des CPTS réside dans la mise à disposition d’un équivalent temps plein financé par des crédits de l’assurance maladie ou des financements innovants, pour assurer l’ingénierie initiale du projet puis le fonctionnement quotidien de chaque CPTS. Le Dr Claude Leicher, président de la Fédération des CPTS, l’a rappelé lors de son audition : « les professionnels libéraux qui se lancent dans une telle entreprise se heurtent à de nombreux obstacles administratifs auxquels ils ne sont pas préparés. Il faudrait leur procurer une fonction support. Les institutions et la sécurité sociale n’ont pas encore tenu compte de cette évolution. ». Le Dr Olivia Galley-Allouch, médecin généraliste, a illustré de manière très concrète cette problématique lors de son audition : « Personnellement, je serais très intéressée par la constitution d’une CPTS ou d’équipes de soins primaires (ESP) avec mes confrères. J’y réfléchis depuis trois ans. Néanmoins, pour me lancer dans de tels projets, je dois prendre sur mon temps du soir (…) J’ai plein d’idées pour une CPTS ou une ESP : la personne âgée à domicile, le maintien, le repère de la fragilité, le suivi des bébés. Mais depuis trois ans, je ne trouve pas le temps ».

Alors que certains professionnels de santé plaident pour le financement du temps qu’ils dédient à ces projets, le rapporteur considère, avec le directeur général de la CNAMTS, qu’il « faut investir directement dans l’appui administratif, dans des outils et des ressources humaines permettant que des maisons et des pôles de santé se créent, de sorte que les CPTS soient non seulement une organisation informelle de médecins, mais apportent aussi des appuis administratifs, des ressources et des outils informatiques » et qu’il vaut mieux « directement rémunérer ce qui constitue le levier décisif d’un exercice coordonné ». Le Dr Bertrand Joseph a également insisté lors de son audition sur l’importance de rémunérer le temps de coordination administratif plutôt que les professionnels de santé directement.

Un exemple concret de mise en place d’une CPTS :
la CPTS Sud 28 en quelques points

1) Le moteur de la CPTS : la maison de santé pluri-professionnelle de Châteaudun (37 professionnels de santé).

2) La clé de la réussite de la CPTS : la mise à disposition d’une chargée de mission par la Mutualité Sociale Agricole « Beauce Cœur de Loire », chargée de la préparation et de la co-animation des réunions, de la réalisation des comptes rendus, de la rédaction du projet de santé et des demandes de financement, des rencontres avec les partenaires extérieurs.

3) Les principales caractéristiques de la CPTS :

– Une CPTS mise en place en moins d’un an (entre mars et décembre 2017) ;

– Un territoire regroupant 64 communes réparties sur 3 Communautés de Communes, soit 57 000 habitants, et défini sur la base de la cartographie des pôles d’attraction des médecins spécialistes en région Centre-Val de Loire, réalisée par l’Union régionale des professionnels de santé ;

– Les professionnels regroupés : (1) médicaux : trente-sept médecins généralistes, treize spécialistes, six chirurgiens, trois sages-femmes, quatorze dentistes, deux orthodontistes ; (2) : professionnels de la pharmacie : trente-six pharmaciens et six biologistes ; (3) auxiliaires médicaux : dix-huit kinésithérapeutes, cinquante-huit infirmières ; cinq orthophonistes, trois diététiciennes, onze pédicures podologues, deux ergothérapeutes, deux orthoptistes, sept opticiens, quatre audioprothésistes, six sociétés d’ambulance ; (4) autres : quinze ostéopathes, cinq psychologues, trois sophrologues, deux médecins du centre hospitalier, trois assistantes sociales, sept personnes de la maison départementale de l’autonomie, réseau santé social, un SSIAD ;

– Les trois axes du projet de santé : développer un système d’information, coordonner les parcours de santé et améliorer la démographie médicale et paramédicale ;

 La constitution de groupes de travail : communication,  gestion des troubles du comportement et psychiatrique, maintien à domicile, organisation des entrées et sorties de l’hôpital et notamment des urgences, amélioration du parcours du patient, prévention, démographie médicale.

● Pour permettre l’émergence de ces projets et optimiser le temps médical disponible, il faut développer des professions de la coordination de parcours de soins et d’appui aux professionnels de soins primaires.

La commission a notamment pu réaliser la grande utilité de ce type de services lors de son audition des « coursiers sanitaires et sociaux », qui viennent en appui aux médecins généralistes et à leurs patients en situation complexe, sur demande du médecin traitant et avec l’accord du patient. 153 cabinets de médecins généralistes utilisent aujourd’hui ce dispositif, inspiré des « case managers » qui existent déjà dans d’autres pays.

Mme Cécile Courrèges, directrice générale de l’offre de soins, a également insisté sur cette nécessité de développer ces nouveaux métiers : « toutes les activités de coordination vont se renforcer au fur et à mesure qu’il y aura de plus de plus de professionnels au sein de ces équipes – la coordination tend donc à devenir en soi une profession. C’est déjà le cas pour les maisons de santé les plus importantes comme en Mayenne où certains pôles de santé, qui comptent soixante professionnels, ont des coordonnateurs. L’accord conventionnel interprofessionnel (ACI) pour les maisons et pour les centres de santé doit prévoir la couverture, en plus de l’activité à l’acte, de ces charges de coordination ».

L’École des Hautes Études en Santé Publique (EHESP) organise désormais un programme de formation et d’appui destiné aux coordonnateurs d’équipes de soins primaires, en partenariat avec la HAS, et en lien avec la Fédération Française des Maisons et Pôles de Santé (FFMPS) et les ARS : de telles formations devraient être développées.

Proposition n° 12 : prévoir le maillage de tout le territoire par des Communautés Professionnelles Territoriales de Santé d’ici deux ans.

Proposition n° 13 : mettre à la disposition de chaque CPTS un animateur chargé de l’ingénierie initiale du projet et du fonctionnement de la structure.

B.   Le développement de la télémédecine, un espoir exceptionnel

La France a accumulé un retard non négligeable en matière de télémédecine, qu’il est urgent de combler.

Alors qu’Internet bouleverse tous les pans de notre société, comment penser que la santé en général, et la médecine en particulier, pourraient résister à cette vague ? Nous sommes aujourd’hui à la veille d’une révolution, qui offrira de formidables opportunités pour l’accès aux soins sur nos territoires si elle est correctement menée. Les jeunes professionnels de santé comme les patients sont demandeurs de telles solutions, et les énergies et idées sont déjà en place, comme l’ont montré les nombreuses start-up du secteur auditionnées par la commission d’enquête : les pouvoirs publics ne peuvent plus regarder le train passer.

Évidemment, la télémédecine ne pourra pas être une solution miracle aux déserts médicaux, car elle sera également consommatrice du temps médical dont nous manquons aujourd’hui cruellement. Elle constitue toutefois une véritable réponse à des difficultés d’accès aux soins dans des zones isolées ou pour des patients ayant des difficultés à se déplacer (résidents d’EHPAD notamment). Elle est aussi une solution pour faciliter l’accès à l’expertise pouvant manquer sur certains territoires, ou à une expertise très spécifique.

Afin de ne pas ajouter une fracture territoriale numérique à la fracture territoriale de santé, il faudra avant tout installer les bons tuyaux : le déploiement de la télémédecine nécessitera une couverture numérique en très haut débit sur l’ensemble du territoire, ce qui n’est pas encore le cas aujourd’hui, et qui doit être une priorité absolue.

Il faudra également définir très clairement le rôle, la rémunération et la responsabilité de chaque professionnel de santé dans la mise en œuvre de ces solutions innovantes.

La définition de la télémédecine

L’article L. 6316-1 du code de la santé publique définit la télémédecine comme « une pratique médicale à distance utilisant les technologies de l’information et de la communication ».

Constituent des actes de télémédecine :

– la téléconsultation (consultation à distance) ;

– la télé-expertise (sollicitation à distance de l’avis d’un ou de plusieurs professionnels médicaux par un professionnel médical) ;

– la télésurveillance médicale (interprétation à distance des données nécessaires au suivi médical d’un patient par un professionnel médical) ;

– la téléassistance médicale (assistance à distance d’un professionnel médical par un autre professionnel de santé au cours de la réalisation d’un acte) ;

– la réponse médicale apportée au titre de la régulation médicale dans le cadre de la permanence des soins.

● L’article 54 de la LFSS pour 2018 a enfin permis de mettre fin au cadre expérimental en vigueur – aux résultats très décevants ([190])  – pour deux actes de télémédecine : la téléconsultation et la télé-expertise –  la télésurveillance restant dans un cadre expérimental. Il a confié à l’Assurance Maladie ainsi qu’aux complémentaires et aux syndicats de médecins libéraux la responsabilité de définir, par la voie conventionnelle, les modalités de réalisation et les tarifs s’appliquant à ces nouveaux actes médicaux.

Après plusieurs mois de négociations, l’avenant n° 6 à la convention de 2016 a été signé le 15 juin 2018 par quatre syndicats de médecins libéraux (CSMF, MG France, Le Bloc, SML), ensuite rejoints par la FMF.

À partir du 15 septembre, la téléconsultation, c’est-à-dire la consultation à distance entre un médecin et un patient, sera prise en charge par l’assurance maladie de la même manière qu’une consultation classique.

Elle sera ouverte à tous les médecins, quelle que soit leur spécialité, y compris pour la prise en charge des consultations psychiatriques, mais devra s’inscrire dans le cadre traditionnel du parcours de soins, et donc passer par le médecin traitant.

L’accord signé prévoit toutefois que pour répondre aux difficultés d’accès aux soins, pour les patients n’ayant pas de médecin traitant ou dont le médecin traitant n’est pas disponible dans le délai compatible avec leur état de santé, il pourra être fait exception à ce parcours de soins et à l’obligation de connaissance préalable du patient par le médecin pratiquant la téléconsultation. Le recours à la téléconsultation devra alors être assuré dans le cadre d’une organisation territoriale spécifique entre des médecins (MSP, centres de santé, équipes de santés pluri professionnelles, CPTS).

Elle reposera sur le recours à un échange vidéo, et non pas sur une simple liaison téléphonique qui peut toutefois suffire au conseil médical, et sur la connexion à une solution informatique sécurisée. Sur conseil de son médecin, le patient pourra également se rendre dans une cabine de télémédecine à proximité.

La télé-expertise, qui permettra à un médecin de solliciter l’avis d’un de ses confrères grâce à des échanges par messagerie sécurisée de données médicales (photographies, tracés, analyses), sera déployée à partir de février 2019.

Certains projets sont déjà menés avec succès dans ce domaine : ainsi, en Ile-de-France, deux dermatologues libérales ont mis en place avec le soutien de l’ARS un service d’interprétation de photos conduisant à une priorisation des consultations d’onco-dermatologie. Plusieurs dizaines de médecins généralistes utilisent déjà ce dispositif.

La télé-expertise ne sera ouverte dans un premier temps qu’à certaines catégories de patients seulement : en affection longue durée, atteints de maladies rares, résidents en zones sous-denses et dès lors qu’ils n’ont pas de médecin traitant ou rencontrant des difficultés à consulter rapidement, résidents en EHPAD, détenus.

Elle donnera lieu à la fois à une rémunération pour le médecin sollicité et le médecin sollicitant cette expertise :

– le médecin requis sera rémunéré 12 euros pour une expertise simple (« de premier niveau ») et 20 euros pour une expertise plus complexe (« de second niveau ») ;

– le médecin requérant sera rémunéré 5 euros pour une expertise de premier niveau et 10 euros pour une expertise de second niveau, dans la limite de 500 euros par an.

Une aide forfaitaire sera versée aux médecins afin qu’ils puissent acquérir plus facilement les équipements nécessaires, et notamment leur abonnement à un service sécurisé de téléconsultation.

Le rapporteur considère que la télé-expertise entre médecins généralistes et médecins de second recours doit être ouverte dès aujourd’hui bien plus largement que ce que permet cet avenant.

Dans une note transmise à la commission d’enquête, le Professeur Pierre Simon a parfaitement résumé tous les bénéfices qui pourraient être tirés d’une ouverture la plus large possible de la télé-expertise :

«  Elle permet de réduire les consultations spécialisées en face à face qui deviendraient de deuxième avis après une téléexpertise de premier avis. Elle réduit ainsi les délais d’attente dans certaines spécialités et améliore la continuité des soins ;

 Elle est une forme clinique de formation continue permanente et ne peut que renforcer les compétences des professionnels de part et d’autre. Son libre accès rassure le jeune médecin traitant ;

 Elle doit être étendue aux pharmaciens d’officine qui sont les experts du bon usage des médicaments ;

 Elle désengorge les consultations de spécialistes qui peuvent ainsi raccourcir les délais de rendez-vous ;

Elle doit être organisée au niveau d’un territoire de santé en impliquant les médecins spécialistes des établissements de santé. »

Au vu de ces bénéfices attendus, il faut dès maintenant supprimer le plafond de 500 euros prévu par l’avenant pour les médecins requérants et l’ouvrir pour toutes les catégories de patients.

● Parallèlement, la ministre des Solidarités et de la Santé a annoncé lors de la présentation de sa feuille de route pour relever le défi du vieillissement à court et moyen termes un investissement de 40 millions d’euros sur la période 2018-2022 pour généraliser l’accès à la télémédecine en EHPAD.

● L’entrée en vigueur prochaine de cet avenant constitue une avancée considérable pour le développement de la télémédecine, qui va enfin sortir d’un cadre expérimental. Toutefois, pour le rapporteur, il est nécessaire d’aller encore plus loin en renforçant le rôle de la téléconsultation dans les soins non programmés, notamment grâce au téléconseil médical personnalisé, et en augmentant la place des professionnels de santé non médicaux dans le dispositif.

1.   Donner une place privilégiée à la télémédecine dans la régulation des soins non programmés, grâce à la mise en place d’un numéro unique de santé

● Comme l’a souligné le professeur Pierre Simon, ancien président de la Société française de télémédecine, lors de son audition, l’arrivée du smartphone a fait évoluer notre société « vers une société de l’immédiateté, où chacun veut pouvoir joindre un médecin quasi instantanément ». Ce sont aujourd’hui des plateformes privées qui répondent à ce besoin d’immédiateté.

Pour répondre à ces besoins nouveaux et éviter l’engorgement des urgences par des demandes de consultations ne nécessitant pas leurs compétences ou leur plateau technique, il faut intégrer des solutions de télémédecine dans la régulation des soins non programmés.

● Pour cela, il faudra au préalable repenser l’architecture de la régulation médicale elle-même, grâce à la création d’un numéro unique de santé.

Comme notre collègue Thomas Mesnier l’a très justement démontré dans son récent rapport sur les soins non programmés ([191]), « pour obtenir le meilleur usage de la population quant au caractère systématique d’un appel à la régulation avant toute saisine d’un service ou unité d’urgence ou de soins non programmés, la simplicité et la lisibilité doivent être impérativement privilégiées. Aussi est-il proposé que la régulation soit centralisée sur le 15, devenant le numéro unique santé ”, à charge pour les régulateurs, avec l’aide d’outils et de systèmes d’information améliorés, d’orienter les patients de façon optimale. Cette régulation doit donc être étendue la journée, 24 heures sur 24, là où elle ne l’est pas encore ».

D’après ce rapport, « plusieurs enquêtes montrent une méconnaissance de la conduite à tenir en cas de problème de santé quant au contact pertinent à solliciter, et une ambiguïté quant au recours au 15, une majorité de personnes considérant qu’il est réservé aux seules urgences graves. Les expériences étrangères semblent montrer qu’un important levier pour orienter les patients vers l’échelon pertinent du parcours de soins en cas d’urgence relative ressentie réside dans une régulation téléphonique préalable adaptée y compris en journée. Ainsi, comme déjà observé dans une étude publiée par la Revue française des affaires sociales en 2006, la création d’un centre d’appels unique couvrant des zones prédéterminées est une initiative qui tend à se développer en Europe ».

Le rapporteur considère que cette plateforme unique, rassemblant le 15, le 18 mais également le 116-117 (numéro de la permanence des soins), et associant sans l’intégrer SOS Médecins, devrait être mise en place au niveau départemental.

● L’intégration de la télémédecine au sein de la régulation a été proposée la Société française de médecine d’urgence dans une note transmise à la commission d’enquête :

« Actuellement la régulation s’exerce principalement par le dialogue singulier téléphonique médecin-appelant pour identifier la gravité potentielle des appels reçus et proposer à l’appelant une orientation et la mise à disposition de moyens (consultation médicale, envoi d’une ambulance...). La visio-conférence, en entretien singulier médecin-appelant, n’a pas été initiée ni développée. Alors même qu’une grande partie de la population est pourvue d’un smartphone et serait susceptible de pouvoir réaliser une visio-conférence.

D’un appel reçu par le médecin régulateur généraliste, et s’il estime que la pathologie pressentie relève d’une consultation de médecine générale, la proposition d’une téléconsultation programmée avec l’appelant permettra de réduire le recours aux structures de permanence des soins physiques ».

Lors de son audition, M. Karim Tazarourte, vice-président de la Société française de médecine d’urgence, avait ainsi illustré la manière dont la téléconsultation pourrait être intégrée à la régulation médicale : « Prenons l’exemple du parent dont l’enfant a de la fièvre. Il aurait intérêt à avoir rapidement un avis médical. S’il appelle la régulation médicale – ce que vous appelez télérégulation –, le médecin fait un tri rapide. On pourrait imaginer que cet appel non programmé soit reprogrammé : le médecin estime, compte tenu des informations qui lui sont données par téléphone, qu’il n’y a pas de caractère de gravité et propose au parent de le rappeler une heure plus tard pour réaliser une véritable vidéo-consultation. Là, ça change tout ! Nous faisons mieux, nous, pour les membres de notre famille, avec FaceTime ou WhatsApp, que la régulation qui, actuellement, ne bénéficie pas de la vidéo. Cette téléconsultation, avec l’aide de la vidéo, pourrait donner lieu à une téléprescription, faite par un médecin. »

Cette intégration de la téléconsultation au sein de la régulation devrait se faire dans le cadre des plateformes uniques proposées précédemment.

● Le téléconseil médical personnalisé, qui doit être différencié de la téléconsultation, pourrait également être développé au sein de ces plateformes, et son cadre juridique précisé. Les situations urgentes devraient clairement et dès le moment de l’appel être distinguées des situations non-urgentes, le téléconseil médical ne s’adressant qu’à ces dernières.

En France, des outils numériques intéressants sont aujourd’hui développés par les pouvoirs publics pour mieux orienter les citoyens dans le système de soins, à l’image du site internet sante.fr, mais il faudra aller beaucoup plus loin. 

 

Le site internet santé.fr

Le Service Public d’information en santé a été créé par l’article 88 de la Loi de modernisation de notre système de santé. Le nouvel article L. 1111-1-1 du code de la santé publique prévoit en effet qu’ « un service public, placé sous la responsabilité du ministre chargé de la santé, a pour mission la diffusion gratuite et la plus large des informations relatives à la santé et aux produits de santé, notamment à l'offre sanitaire, médico-sociale et sociale auprès du public. Les informations diffusées sont adaptées et accessibles aux personnes handicapées. Il est constitué avec le concours des caisses nationales d'assurance maladie, de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, des agences et des autorités compétentes dans le champ de la santé publique et des agences régionales de santé ».

Selon les informations transmises au rapporteur, on y trouve déjà recensés plus de 100 000 professionnels, établissements et services de santé dans les régions Île de France, Grand Est et Pays-de-la-Loire, et près de 3 000 articles visant à fournir aux utilisateurs de l’information fiable, indépendante, gratuite et actualisée relative aux questions de santé. Santé.fr sera progressivement élargi sur l’ensemble du territoire national au 1er semestre 2019.

Cette proposition rejoint celle formulée par le professeur Thierry Moulin, président de la Société Française de Télémédecine, qui a évoqué lors de son audition la création de « plateformes territoriales de téléconseil », « afin de ne pas relever de la seule responsabilité d’administrateurs privés, au risque d’entraîner une part d’ubérisation contre laquelle il faut lutter ». Le président de la Mutualité Française M. Albert Lautman a lui aussi considéré qu’« à défaut de parvenir à organiser la permanence des soins de façon entièrement satisfaisante, donner accès à un service pendant des plages horaires très étendues et à un premier avis médical rendu par télémédecine ne remplacera pas le besoin de proximité physique mais offrira un service qui (…) correspond à l’intérêt général. »

Le téléconseil est déjà pleinement intégré au système de soins de certains pays, alors qu’il est en France uniquement limité à la régulation téléphonique effectuée par le 15. Ainsi, le professeur Pierre Simon a évoqué au cours de son audition les « centres d’appels médicaux Medgate et Medi24 en Suisse, qui ont plus de quinze ans d’expérience. Une vingtaine d’assureurs ont conclu un accord pour demander à leurs affiliés d’appeler l’une de ces plateformes avant de se rendre chez le médecin traitant, ce qui permet une première orientation des patients sous la forme d’un téléconseil. Une partie des appels relèvent de la « bobologie » et peuvent être réglés rapidement par le médecin intervenant sur la plateforme, qui peut par exemple établir une ordonnance et l’envoyer à la pharmacie. »

● Les infirmiers pourraient être associés à cette régulation médicale via la télémédecine, et assurer une régulation de premier niveau : c’est déjà le cas à l’hôpital, puisqu’aux urgences, ce sont les infirmiers d’accueil et d’orientation qui assurent le premier « tri ».

Ces propositions s’inscrivent dans l’esprit de celles formulées par notre collègue Thomas Mesnier dans son rapport précité :

«  Déployer progressivement sur les territoires (…) une régulation médicale téléphonique 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, sur un numéro unique de santé ;

«  Proposer progressivement, à ce même numéro, non seulement une régulation et une orientation médicales, mais également un conseil médical, une organisation du parcours de soins, des consultations de télémédecine ;

«  Dans le cadre du parcours de soins, inciter les usagers à systématiquement appeler leur médecin traitant ou la régulation médicale avant tout recours en vue d’un soin non programmé, que ce soit auprès d’un service d’urgence ou d’une organisation territoriale de soins non programmés. »

Proposition n° 14 : mettre en place une plateforme unique départementale pour la régulation des soins non programmés (regroupant le 15, le 18 et le numéro de la permanence des soins), au sein de laquelle seraient intégrées des solutions de téléconsultation et de téléconseil médical personnalisé pour les situations non urgentes.

2.   Développer une nomenclature valorisant et précisant le rôle des professionnels de santé non médicaux dans la télémédecine

Aujourd’hui, s’il est prévu que les patients en ayant besoin puissent se faire assister lors de la téléconsultation par un infirmier ([192]) ou un pharmacien, leur rôle dans les textes reste marginal et aucune rémunération afférente n’est prévue à cet effet.

Pourtant, ces professionnels auront un rôle majeur dans le développement de la télémédecine. Comme l’a souligné M. François Lescure, président de la start-up de téléconsultations Médecin direct, « L’aide-soignant et l’infirmière, parce qu’ils sont [au] contact direct [du patient] et qu’ils sont requérants de la télé-expertise, jouent un rôle d’intermédiaire important. Le pharmacien lui-même doit devenir un requérant de la téléconsultation et de la télé-expertise. Ce n’est pas encore acquis, mais cela permettrait de remettre un peu d’élan dans l’accueil et les premiers soins en pharmacie. »

● Ces professionnels seront amenés à jouer un rôle clé dans le développement de la téléconsultation, qu’il faut valoriser et rémunérer selon une nomenclature spécifique.

Des cabines de téléconsultation doivent être installées dans les pharmacies, notamment dans les territoires les plus isolés ou là où la présence de médecins spécialistes est la plus faible. Ces cabines permettent notamment de disposer d’appareils de mesure (poids) et d’examens (tensiomètre, stéthoscope, fond d’outil, otoscope) et donc d’effectuer des consultations d’excellente qualité. Des pharmacies disposent déjà de telles cabines, dans le Roannais et en Vendée, mais ce développement pourrait être accéléré par la mise en place de mesures incitatives, et par la rémunération du pharmacien lorsqu’il accompagne le patient au cours d’une consultation.

Les syndicats d’infirmiers auditionnés ont également souligné le rôle que pourraient jouer les infirmiers dans le développement des téléconsultations, à la fois dans leurs cabinets avec l’équipement adapté mais également au domicile du patient avec des équipements plus légers comme des tablettes.

Proposition n° 15 : renforcer le rôle des professionnels de santé non médicaux dans la télémédecine en développant une nomenclature dédiée, en premier lieu pour les pharmaciens et les infirmiers.

● La télé-expertise devrait également être ouverte aux professionnels de santé non-médicaux, principalement en tant que professionnel requérant mais également en tant que professionnels requis. Le professeur Pierre Simon suggère par exemple que cette faculté soit étendue aux pharmaciens d’officine, experts du bon usage des médicaments.

● À terme, il pourrait être envisagé d’étendre à tous les professionnels de santé la possibilité de réaliser leurs activités à distance. Il ne s’agirait ici pas d’ouvrir la télémédecine à d’autres professionnels mais bien de rendre possibles d’autres modalités d’exercice, pour, par exemple, les infirmiers, les pharmaciens ou les orthophonistes. Une telle évolution nécessitera des ajustements des décrets de compétence existants.

La télémédecine pourrait représenter un véritable apport, même pour des professions dans lesquelles la primauté de la consultation physique apparaît comme une évidence. Mme Pascale Mathieu, présidente de l’Ordre des masseurs-kinésithérapeutes, a par exemple évoqué les possibilités ouvertes par la télésurveillance pour la profession : « Beaucoup est possible grâce au numérique et aux objets connectés, comme un éventuel suivi des séances de kinésithérapie. Prenons un exemple mis en place par les kinésithérapeutes dans un hôpital de la région parisienne : des bracelets connectés sur les hémiplégiques. Le kinésithérapeute propose un programme de rééducation, que le patient effectue avec un bracelet connecté au membre supérieur. Les données sont envoyées au professionnel, qui peut suivre les mouvements effectués, apporter des corrections et se mettre en rapport avec le patient à domicile – puisque ce dernier doit être acteur de son soin –, éventuellement adapter le traitement. Nous avons identifié de nombreux sujets en kinésithérapie, dans de nombreux domaines. »

C.   Faire sauter les verrous entre ville et Hôpital, public et privé

Depuis des années, le virage ambulatoire est présenté par les pouvoirs publics comme la solution miracle pour transformer le système de santé. Mais comment opérer ce virage si la médecine de ville n’est pas forte et organisée, et si aucune coordination n’est prévue entre la ville et l’hôpital ? Dans de telles conditions, c’est le crash assuré qui nous attend aujourd’hui à la sortie du virage…

Alors que notre système de santé est à bout de souffle, et que la ressource médicale s’est considérablement raréfiée, peut-on vraiment se satisfaire d’un système dans lequel les acteurs fonctionnent en silos et se font concurrence ?

Il est donc temps de faire sauter tous les verrous entre médecine de ville et hôpital, et entre secteur public et secteur privé.

Les ARS seront-elles en mesure d’organiser cette complémentarité efficacement et de conduire une réforme d’une telle ampleur ?

Pour le rapporteur, elles ne le seront pas.

Depuis la mise en place des Agences régionales de l’hospitalisation (ARH) par la loi HPST de 2009, ces agences ont-elles fait leurs preuves ?

L’association des maires de France, par la voix de sa vice-présidente, a très clairement décrit les problèmes rencontrés sur le terrain lors de son audition. Elle a aussi déploré la méconnaissance des territoires et l’incapacité des directions d’ARS à créer un véritable dialogue avec les élus locaux, comme en a récemment attesté le vote unanime du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté à l’encontre du projet régional de santé (PRS) proposé par l’ARS ([193]). Elle leur a enfin reproché de jouer davantage un rôle de frein que de facilitateur, face à des projets innovants qui se sont bien souvent faits « malgré [elles] et contre [elles] » plutôt que grâce à leur appui. Le président du CNOM, M. Patrick Bouet, décrit lui aussi dans un ouvrage récent une gouvernance territoriale dysfonctionnelle, qualifiant les directeurs généraux d’ARS de « ministres régionaux », « otages de leurs responsabilités », « dotés d’une autonomie d’interprétation qui peut aboutir à des différences significatives entre Régions » et décrivant « une hyper-administration totalement dépendante de la qualité des dirigeants et de leur adaptabilité aux territoires qu’ils gèrent » ([194]).

Lors de son audition, la ministre des Solidarités et de la Santé a d’ailleurs elle-même admis qu’il était nécessaire de recentrer les missions des ARS, afin de moins contrôler et de mieux accompagner, et a évoqué un nécessaire « changement de posture ».

Le rapporteur doute que ce changement de posture soit suffisant face aux critiques qui ont été émises envers cette gouvernance au cours des auditions, et, à titre personnel, appelle à une réforme plus radicale de l’organisation territoriale des politiques de santé : il est temps de supprimer les ARS devenues de véritables « États dans l’État », de mettre un terme à cette dyarchie inefficace qui pose problème au quotidien, et de réaffirmer l’autorité de l’État sur la gestion des hôpitaux, en créant pour les remplacer des directions départementales de la santé publique, placées sous l’autorité du préfet.

Proposition n° 16 du rapporteur : supprimer les agences régionales de santé (ARS) et les remplacer par des directions départementales de la santé publique, placées sous l’autorité du préfet.

Faute de réforme de l’actuelle gouvernance territoriale de la santé, le risque serait de s’orienter vers une décentralisation des politiques de santé, que les collectivités territoriales ne souhaitent pas. Si les ARS souffrent d’une trop grande inadaptation aux réalités des territoires qu’elles sont censées administrer et d’une inertie administrative de plus en plus prégnante, la décentralisation n’est pas pour autant une solution : la santé doit rester une politique régalienne, et l’État le garant de l’égal accès aux soins de tous sur l’ensemble du territoire.

1.   Des Groupements hospitaliers de territoire (GHT) aux Groupements de santé de territoire (GST)

La loi de modernisation de notre système de santé de 2016 impose à tous les hôpitaux publics de coopérer au sein de groupements hospitaliers de territoire (GHT). Ces GHT doivent normalement permettre la mise en place « d’une stratégie de prise en charge commune du patient » grâce à la définition d’un « projet médical partagé » et d’un « projet de soins partagé », mais également permettre la mutualisation de certaines fonctions supports, en premier lieu les achats.

Selon les informations transmises par le ministère de la Santé, 135 GHT ont été créés et sont opérationnels à ce jour. Il est difficile, pour le moment, de faire un bilan de leur impact en termes d’égal accès aux soins sur tout le territoire, bien que certaines personnes auditionnées, aient mis en garde la commission d’enquête contre le risque que ces GHT ne se transforment en « pompes aspirantes » pour les plus petites structures.

Ainsi, M. Michel Antony, président de la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités, prédit que les GHT « vont transformer les petits centres hospitaliers en annexes où l’on puisera la main d’œuvre nécessaire au fonctionnement des grands centres ». M. Frank Hilton, de l’Association nationale des centres hospitaliers locaux et des hôpitaux de proximité (ANCHL), a quant à lui souligné que « le phénomène de concentration existe dans presque tous les domaines de la société, mais il est un peu antinomique avec notre souhait d’ouverture et de lutte contre les déserts médicaux. Comment les centres hospitaliers locaux peuvent-ils être la tête de pont pour endiguer les difficultés ? Normalement, les GHT devraient consolider l’offre de centres hospitaliers locaux. En réalité, les chiffres montrent qu’il y avait 307 centres hospitaliers locaux en 2013, contre 227 en 2017. Cette fermeture des centres hospitaliers locaux nous semble antinomique avec la volonté de lutter contre les déserts médicaux ».

Au-delà de ce risque que font peser les GHT sur les hôpitaux de proximité, les GHT font craindre le repli sur soi de l’hôpital public, peu ouvert aux structures privées et à la médecine de ville, empêchant la création de parcours de soins que tous les acteurs de la santé appellent aujourd’hui de leurs vœux.

La Fédération des établissements hospitaliers et d’assistance privés à but non lucratif (FEHAP), dans une contribution transmise à la commission, a très justement souligné les risques induits par les GHT sur l’organisation de l’offre de soins : « le démarrage des réflexions et travaux autour des GHT, en excluant le secteur privé, a induit une certaine méfiance dans le secteur privé, en raison de la moindre place accordée aux coopérations et partenariats qui existaient et fonctionnaient correctement auparavant. La complexité de cette réforme, liée à son propre contenu et aussi au fait que les GHT n’ont pas de personnalité juridique, avec multiplication des instances, renforce l’hospitalo-centrisme et les difficultés à une ouverture vers la ville ».

Ce recentrage sur les hôpitaux publics était probablement une première étape nécessaire, mais il est aujourd’hui temps de la dépasser.

M. Frédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France, s’est prononcé en faveur d’une telle ouverture vers les territoires à terme : « dans un premier temps, les GHT regroupent des hôpitaux publics ; dans un second temps, quand cette synergie aura eu lieu, quand chaque établissement membre d’un GHT ne pensera plus son avenir entre ses quatre murs mais en coopération dans son territoire, il serait logique et souhaitable que les GHT s’ouvrent au secteur privé dans toutes ses composantes : cliniques et tous établissements, et aussi médecine de ville. Ainsi construira-t-on le projet médical de territoire avec toutes les forces de santé qui y sont présentes. ». Il a été rejoint en cela par Mme Cécile Courrèges, directrice générale de l’offre des soins : « Nous devons maintenant passer à une autre étape : celle de l’ouverture de groupements hospitaliers régionaux sur leurs territoires. Il était indispensable que, pendant deux ans, les GHT travaillent beaucoup entre eux parce qu’ils avaient des choses à régler. Mais l’hôpital public ne peut pas se concevoir seul, isolé de ce qui l’entoure. L’enjeu est donc aujourd’hui celui de l’ouverture à d’autres acteurs présents dans le territoire ».

Cette ouverture vers les acteurs privés et vers la médecine de ville est déjà possible, puisque la loi prévoit, de manière relativement floue, que « les établissements privés peuvent être partenaires d’un groupement hospitalier de territoire ». Le GHT « Rhône Nord Beaujolais Dombes », par exemple, a déjà formalisé des conventions de partenariat avec une clinique privée et un établissement de santé privé à but non lucratif.

Il faut toutefois aller beaucoup plus loin dans cette intégration du secteur privé aux GHT. C’est ce qu’a fait de manière exemplaire le GHT des Deux-Sèvres, qui a inscrit la coopération ville-hôpital au cœur de ses missions, et qui a fait preuve d’innovation dans sa gouvernance en créant un « comité de partenaires », dont le président siège au Comité stratégique.

Pour le rapporteur, cet exemple doit être dupliqué et devenir la norme. Dès aujourd’hui, les partenaires du GHT doivent associer les autres acteurs de l’offre de soins : CPTS, médecins libéraux, cliniques privées, EPIC tels que les centres de lutte contre le cancer... Cela rejoint l’une des recommandations du rapport du HCAAM précité, qui considère qu’« une position claire doit être prise pour répondre à la critique de l’ouverture insuffisante des GHT vers la ville » et que « la réponse la plus appropriée pour faire droit à cette préoccupation se trouve dans le développement de conventions sur les sujets les plus importants : coordination de la sortie d’hospitalisation et du retour à domicile, organisation des urgences et des soins non programmés, système d’information partagé, formations ».

À terme, pour le rapporteur, les GHT devraient se fondre dans des « groupements de santé de territoire » regroupant l’ensemble de ces acteurs du système de santé au sein d’une organisation commune, développant des projets de santé qui soient de véritables projets de territoire.

Proposition n° 17 : transformer les groupements hospitaliers de territoire en « groupements de santé de territoire » regroupant l’ensemble des acteurs publics et privés du système de santé, au sein d’une organisation commune, et en définissant une stratégie de santé à partir des territoires.

2.   Développer les consultations avancées

a.   Un outil qui fait consensus

A-t-on besoin, dans toutes les communes de France, d’un cardiologue ou d’un dermatologue à temps plein ? Plus encore, comme l’a demandé M. Jean-Baptiste Bonnet, président de l’Intersyndicale nationale des internes (ISNI), « Y a-t-il besoin, dans certaines zones, d’un endocrinologue diabétologue cinq jours sur sept ? Peut-être pas. En revanche, un jour sur cinq, pourquoi pas ? (….) Y aura-t-il besoin d’un transplanteur rénal à Millau cinq jours sur sept ? Peut-être pas non plus. En revanche, un jour cinq pour recevoir en consultation des patients greffés, certainement ».

L’ensemble des interlocuteurs auditionnés par la commission d’enquête ont souligné l’immense apport que les consultations avancées peuvent représenter pour l’accès aux soins dans les territoires sous-dotés.

Lors de son audition, la ministre des Solidarités et de la Santé, Mme Agnès Buzyn, a très justement appelé à raisonner sur la base d’un « temps médical accessible », qui correspond bien à cette logique des consultations avancées : « ce qui compte, en effet, ce n’est pas que le médecin habite le village mais qu’il lui donne du temps régulièrement ».

Mme Vanessa Fortané, vice-présidente du ReAGJIR, a parfaitement illustré lors de son audition l’intérêt de ces consultations avancées, qui facilitent l’accès aux soins de second recours tout en permettant aux médecins généralistes d’exercer de manière moins isolée : « Dans la région où j’exerce, l’hôpital local nous délègue des consultations. Les chirurgiens ont une consultation au cabinet deux fois par mois, de sorte que plus aucun patient, par exemple, ne cherche un chirurgien orthopédique. Alors effectivement, le jour de l’opération, ils doivent se rendre à l’hôpital qui se situe à 20 ou 25 kilomètres de chez eux, mais pour la consultation, ils n’en font que trois. Si toutes les spécialités participaient à un tel dispositif, les territoires peu denses deviendraient plus attractifs pour les médecins généralistes. »

Alors que M. Frédéric Valletoux, président de la FHF, a qualifié ces consultations « d’utiles, nécessaires et opportunes », M. Denis Morin, président de la 6ème chambre de la Cour des comptes et ancien directeur d’ARS, a quant à lui évoqué le cas de « l’hôpital de Valence, grand hôpital de la région, et l’hôpital de Privas, petit hôpital qui ne pourrait remplir ses missions sans ces consultations avancées », tandis que M. Frank Hilton, de l’ACHL, a considéré que ces consultations constituaient « un avantage indéniable » pour les centres hospitaliers locaux, et M. Christophe Lannelongue, directeur général de l’ARS Grand-Est, a estimé qu’il fallait désormais « faciliter les déplacements de médecins plutôt que de patients ».

S’il a été souligné à plusieurs reprises que ces consultations s’étaient développées au cours des dernières années, le ministère n’a malheureusement pas été en mesure de donner à la commission d’enquête d’informations chiffrées sur leur évolution. Ce développement reste toutefois trop lent, et on constate des réticences des médecins à l’égard de ces consultations avancées, notamment pour des raisons statutaires et financières.

● Quel est le cadre juridique dans lequel s’inscrivent aujourd’hui ces consultations avancées ?

Deux types de consultations avancées doivent être distingués :

– les consultations avancées effectuées par des praticiens hospitaliers, par exemple du CHU pour un hôpital local. Dans ce cas, le praticien réalise en général son activité pour le compte de son établissement d’origine (l’activité est donc facturée au patient par l’hôpital employeur).

– les « cabinets secondaires », qui correspondent à un exercice multi-sites des praticiens libéraux, et sont soumis à une autorisation du conseil départemental de l’ordre.

Si l’Ordre des médecins a longtemps semblé réticent au développement de ces cabinets secondaires, M. François Simon, président de la section exercice professionnel du CNOM, a affirmé lors de son audition que l’Ordre « refuse très peu d’ouvertures de sites secondaires dans le cadre du multi-sites » et a « engagé des travaux pour simplifier encore les démarches ». Selon les informations transmises par le CNOM à la commission, 10 000 médecins libéraux exerceraient aujourd’hui sur au moins deux sites.

b.   Des obstacles juridiques et financiers qui subsistent

Le cadre juridique de l’exercice multi-sites reste trop contraignant.

● Le principe posé par l’article R. 4127-85 du code de la santé publique est que « le lieu habituel d'exercice d'un médecin est celui de la résidence professionnelle au titre de laquelle il est inscrit sur le tableau du conseil départemental ». Dans l’intérêt de la population, un médecin peut exercer son activité professionnelle sur un ou plusieurs sites distincts de sa résidence professionnelle habituelle « en cas de carence ou d’insuffisance de l'offre de soins » sur le territoire concerné, mais il doit alors faire l’objet d’une autorisation du Conseil départemental de l’Ordre.

Comme le propose le Conseil National de l’Ordre des Médecins (délibération de juin 2018), il faut aujourd’hui simplifier cet exercice multi-sites, en passant de ce régime d’autorisation contraignant à un simple régime déclaratif.

● Par ailleurs, le président de l’Union syndicale des médecins de centre de santé a déclaré lors de son audition par la commission d’enquête qu’« un centre s’est ouvert récemment dans un quartier de Marseille mal doté. Sept médecins spécialistes exerçant en libéral étaient prêts à venir y faire des vacations. Le conseil départemental de l’Ordre a refusé ».

Selon le Conseil national de l’Ordre des médecins, interrogé à ce sujet par le rapporteur, il s’agit ici d’une problématique de droit des sociétés, car les médecins souhaitant y faire des vacations exerçaient en libéral au sein de sociétés d’exercice libéral régies par des règles spécifiques en matière d’unicité d’exercice. L’article R. 4113-3 du code de la santé publique prévoit en effet qu’« un associé ne peut exercer la profession de médecin qu'au sein d'une seule société d'exercice libéral de médecins et ne peut cumuler cette forme d'exercice avec l'exercice à titre individuel ou au sein d'une société civile professionnelle, excepté dans le cas où l'exercice de sa profession est lié à des techniques médicales nécessitant un regroupement ou un travail en équipe ou à l'acquisition d'équipements ou de matériels soumis à autorisation ». Cette exception pourrait être élargie aux médecins souhaitant réaliser des consultations avancées en zone sous-dense.

● Des obstacles fiscaux subsistent également. Ainsi, M. Maxence Pithon, président de l’Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale, a évoqué le cas de médecins spécialistes effectuant des consultations avancées « contraints d’arrêter après un an d’exercice parce qu’ils payaient deux fois la cotisation foncière des entreprises (CFE) et que les charges pour assurer ces consultations leur coûtaient deux fois plus cher que ce qu’elles leur rapportaient ».

Sollicitée à ce sujet par le rapporteur, la direction générale des finances publiques a rappelé que « le principe de la CFE est que le redevable est imposé au titre de chaque local dont il a la disposition pour exercer son activité professionnelle. Ainsi, à l’instar des commerçants ou des artisans utilisant plusieurs locaux, les médecins qui exercent leur activité à deux endroits sont imposés sur chacun d’eux. Dans le cadre de la pratique au sein d’une maison de santé pluriprofessionnelle (MSP), les règles de taxation sont identiques : l’exploitation de locaux justifie la taxation d’un médecin en son nom propre à la CFE. » Elle a toutefois précisé que « compte tenu de la faiblesse de leur base imposable, les médecins sont dans la plupart des cas redevables d’une cotisation minimum prévue à l’article 1647 D du code général des impôts. De même, comme tous les autres redevables, les médecins peuvent bénéficier du mécanisme d’atténuation de l’imposition à la CFE que constitue le plafonnement en fonction de la valeur ajoutée. Ce dispositif, qui plafonne à 3 % de la valeur ajoutée le montant des impôts locaux des professionnels, permet d’adapter l’imposition aux capacités contributives. »

Toutefois, selon les informations transmises par le ministère de la Santé, si cette question de la double imposition ne pose pas de problème pour les consultations avancées hospitalières, dans le cadre desquelles le partage des frais de structure entre le centre hospitalier employeur et la structure accueillante (MSP, cabinet de groupe) est défini au cas par cas, le plus souvent par convention, elle est en effet un vrai sujet pour les cabinets secondaires.

Le rapporteur estime que cet obstacle fiscal, qui nécessite une modification législative, devra être levé dès la prochaine loi de finances.

● Des obstacles peuvent également émerger pour la réalisation de consultations avancées par des praticiens hospitaliers. Mme Bernadette Mallot, directrice du centre hospitalier d’Auxonne et déléguée régionale ANCHL pour la région Bourgogne-Franche-Comté, a fait part des obstacles parfois rencontrés par les hôpitaux de proximité dans la mise en place de ces consultations : « pour notre part, nous n’avons pas de médecine, seulement du SRR. Pour l’instant, on ne peut donc pas facturer de consultation avancée, ce qui veut dire qu’il faut pouvoir s’entendre avec les collègues. Avec Dole, on s’est mis d’accord : lorsque les médecins viennent, je ne paye rien. (…) Avec le CHU, j’attends depuis deux ans de trouver un terrain d’entente parce qu’on me réclame de payer les médecins qui feraient des vacations, les frais de déplacement, etc. ».

● Il faudra aller beaucoup plus loin que ce qui existe aujourd’hui, et développer un concept de « responsabilité territoriale » afin de s’assurer que les praticiens assurent des consultations avancées.

Pour les médecins libéraux, le conventionnement des médecins de second recours souhaitant exercer en secteur 2 dans les zones sur-denses devrait être conditionné à la réalisation de consultations « avancées » régulières en zones sous-denses, comme l’a récemment préconisé un rapport du Conseil économique, social et environnemental ([195]). La ministre des Solidarités et de la Santé, Mme Agnès Buzyn, a elle-même évoqué cette piste lors de son audition par la commission d’enquête.

En ce qui concerne les praticiens hospitaliers, leur statut pourrait être modifié pour favoriser ces consultations avancées en zone sous dense. Selon les informations transmises au rapporteur par la direction de la sécurité sociale, « il convient de rendre [les consultations avancées] plus attractives, au-delà de l’intérêt professionnel que les praticiens hospitaliers y trouvent, ou du bénéfice de la prime d’exercice territorial qui s’y attache sous certaines conditions ([196]), en permettant de les réaliser sous le mode libéral en encaissant ses propres honoraires, ce qui nécessite en effet une modification statutaire ».

Proposition n° 18 : développer les consultations avancées en supprimant les obstacles juridiques et financiers relatifs à la réalisation de ces consultations avancées (simplifier l’exercice multi-sites, notamment pour les médecins exerçant au sein d’une société d'exercice libéral, supprimer les obstacles fiscaux, clarifier le cadre financier applicable aux consultations avancées entre établissements sanitaires).

3.   Créer des ponts entre ville et hôpital pour les professionnels de santé

a.   Donner un véritable statut à l’exercice mixte ville-hôpital

De l’avis de tous, l’exercice mixte est aujourd’hui une nécessité pour mieux organiser l’offre de soins, mais également pour répondre aux attentes des professionnels, et pas seulement des plus jeunes : pour M. Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF, il faut « faciliter l’exercice mixte libéral et salarié. Les jeunes y aspirent, mais même les anciens avaient de grands regrets de ne pas garder un pied à l’hôpital. Les ordonnances de 1958 devraient donc être revues, voire remises en question ».

L’attractivité de l’exercice mixte ville-hôpital : l’essai transformé de Belle-Île en Mer (Morbihan)

Devant faire face au défi de l’insularité et à une population multipliée par six pendant l’été, Belle-Île en Mer propose désormais aux médecins généralistes un statut mixte, partageant leur activité entre l’hôpital local et la maison de santé située en son sein. Ces médecins assurent notamment la prise en charge des urgences en journée et la permanence des soins, et la plupart sont formés à être « correspondants SAMU ».

L’attractivité de ce dispositif a fait ses preuves : alors que seulement trois médecins exerçaient sur l’île en 2013, l’île compte désormais neuf médecins, dont la grande majorité a choisi cet exercice mixte.

L’île est aujourd’hui redevenue attractive pour les médecins, notamment grâce à la mise à disposition d’un logement par l’une des communes de l’île, permettant notamment d’accueillir internes ou remplaçants.

Comme le montre le contrat local de santé : « la nouvelle organisation du 1er recours a permis la présence d’une offre de second recours », avec la mise en place de très nombreuses consultations avancées (en ophtalmologie, angiologie, cardiologie, dermatologie, urologie), grâce notamment à la coopération organisée avec le centre hospitalier de Vannes, et le développement de la télémédecine (téléconsultations mémoire et suivi psychiatrique).

● Dans le cadre du plan pour l’accès aux soins présenté en octobre dernier, le Gouvernement a annoncé que cent postes d’ « assistants partagés » seraient financés en 2018 puis trois cents en 2019, afin de permettre à des jeunes médecins diplômés d’exercer à la fois dans une structure hospitalière et dans une structure ambulatoire en zone sous-dense, sur le modèle de ce qui existe déjà pour les assistants spécialistes partagés entre hôpitaux publics.

Dans la pratique, selon les informations transmises par le ministère de la Santé à la commission d’enquête, ces postes d’assistants ville / hôpital seront affectés et rémunérés pour la totalité de leur temps de travail par un CHU ([197]). L’exercice au sein de la structure ambulatoire, qui devra correspondre au minimum à la moitié des heures effectuées, sera réalisé sous la forme de consultations avancées, dans le cadre d‘un projet médical commun. Une convention établie entre les parties concernées mettra en valeur le projet auquel l’assistant spécialiste participera et organisera les dimensions opérationnelles du partenariat.

● Pour le rapporteur, ces mesures vont dans le bon sens mais elles restent largement insuffisantes. Des modifications réglementaires doivent être mises en œuvre pour permettre un cadre d’exercice véritablement mixte, dans le cadre du droit commun et non pas dans un cadre expérimental au financement incertain à terme.

 Le statut des praticiens hospitaliers doit être repensé pour favoriser non seulement l’exercice mixte à un moment donné mais également les passerelles tout au long d’une carrière, comme l’a très justement proposé M. Frédéric Valletoux, président de la FHF : « il convient à cette fin de valoriser l’expérience acquise en libéral pour faciliter l’accès au statut de praticien hospitalier à temps plein ou à temps partiel. On intéresserait davantage les médecins qui choisiraient de pratiquer à l’hôpital en prenant en compte les années pendant lesquelles ils ont exercé en qualité de médecin de ville. Aujourd’hui, les dispositions statutaires et réglementaires ne le permettent pas, ce qui rend cette perspective moins attractive. »

Proposition n° 19 : modifier le statut des praticiens hospitaliers pour permettre à l’exercice mixte entre la ville et l’hôpital de rentrer dans le droit commun, et déployer cet exercice mixte dans les deux prochaines années sur tout le territoire.

La réflexion sur l’exercice mixte ville-hôpital pourrait également être ouverte pour d’autres professionnels de santé. L’Ordre des masseurs-kinésithérapeutes a par exemple suggéré à la commission d’enquête de « permettre un régime dérogatoire pour que des masseurs-kinésithérapeutes salariés puissent également travailler en libéral ». Le président de l’Ordre des infirmiers, M. Patrick Chamboredon, a également encouragé « une plus grande fluidité (…) afin que les infirmiers suivent un parcours mixte, à la fois hospitalier et libéral ».

b.   Ouvrir l’hôpital à la ville pour améliorer la prise en charge des soins non programmés

● M. Frédéric Valletoux, président de la FHF, a suggéré lors de son audition par la commission « de permettre aux hôpitaux d’accueillir dans les locaux hospitaliers, à proximité des urgences, un exercice libéral. Ainsi des médecins de ville pourraient-ils, tous en gardant leur mode de rémunération habituel, venir exercer en lien avec les urgences. Je connais au moins un exemple de ce type, à Fontainebleau, où une maison de santé universitaire travaille en liaison avec les urgences ; il y en a d’autres ». La FHF propose la mise à disposition non seulement de locaux et du plateau technique mais également de moyens dédiés (secrétariat, brancardage) ([198]).

De telles initiatives doivent être vivement encouragées, car la proximité avec l’hôpital sécuriserait l’exercice des médecins libéraux et serait facteur d’attractivité, tout en désengorgeant les urgences.

● L’implantation de maisons médicales de garde le plus près possible des services d’urgence doit également être encouragée lorsqu’elle est possible et pertinente.

Ce positionnement des maisons médicales de garde à proximité des services d’urgence a été préconisé dès 2003 par le ministère de la santé ([199]). Selon l’enquête « Permanence des soins ambulatoires » menée par la DGOS en 2015 sur les données 2014, « les ARS dénombraient 339 maisons médicales de garde dont 261 implantées à proximité du service d’urgence d’un établissement de santé. Parmi ces 261 maisons médicales de garde, 100 avaient formalisé une articulation avec le service d’urgence, dont la moitié sous forme de convention portant sur l’accueil et l’orientation par un infirmier de l’établissement de santé, ou sur un protocole d’orientation ».

● Des expérimentations mises en place sur le terrain pourront servir d’inspiration. Ainsi, en Seine-Maritime, « une consultation de renfort » a été ouverte en novembre 2013 à Gournay en Bray. Ces consultations ont lieu au sein de l’hôpital local, mais uniquement sur rendez-vous pour les patients ne pouvant être vus par leur médecin traitant dans la journée. La permanence est assurée par des médecins libéraux de la ville et d’une clinique, appuyés par des infirmiers libéraux.

II.   Penser l’avenir en réformant les études médicales

Le décloisonnement de l’exercice de la médecine auquel doit parvenir notre système de santé ne saurait se concrétiser ni se pérenniser sans aller de pair avec un décloisonnement de la formation des professionnels de santé, et plus particulièrement des médecins, qui doit sortir des murs des structures hospitalières pour s’ouvrir sur l’exercice libéral.

Comme l’a fort justement expliqué l’Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF), dans la contribution écrite qu’elle a remise à la commission, « la formation initiale doit être la première cible des réformes structurelles de notre système de santé. Son manque de souplesse, d’ouverture sur le monde extérieur, son hospitalo-centrisme sont autant de freins à la diversification des profils et à l’innovation dans les modes d’exercice ».

Ce sont également des freins à l’installation car, faute de découvrir les différents modes d’exercice de la médecine pendant leurs études, les jeunes médecins le font à l’issue de leur formation, dans le cadre de remplacements qui s’éternisent de plus en plus. À cet égard, le témoignage porté devant la commission par Mme Vanessa Fortané, vice-présidente du Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGJIR), est éclairant : « nous prenons le temps de tout tester en effectuant des remplacements : l’exercice solitaire, l’exercice en groupe, l’exercice en MSP, avec secrétariat, sans secrétariat, avec vacances, sans vacances, etc. ».

Afin que la configuration des études médicales soit en meilleure adéquation avec les besoins de santé de la population, le rapporteur entend formuler des propositions qui sont susceptibles de produire des effets à moyen terme alors que d’autres, auraient un impact à plus long terme.

Au rang des propositions dont les fruits pourraient être recueillis à l’horizon des toutes prochaines années figurent tout d’abord les mesures réformant l’accès au troisième cycle des études médicales. Les épreuves classantes nationales informatisées (ECNi), devraient être pensées pour mieux répondre aux besoins de santé des territoires, car, comme l’a reconnu M. François Simon, président de la section « exercice professionnel » du CNOM, « le modèle actuel de sélection et de formation des futurs médecins ne répond manifestement plus aux besoins des territoires […]. Aussi faut-il tout mettre en œuvre pour que le parcours de formation soit étroitement lié aux territoires », ce qui passe, du point de vue du rapporteur, par la substitution d’épreuves classantes régionales (ECR) au classement national de l’internat (A).

Ces ECR contribueront à l’ancrage des futurs jeunes médecins dans les territoires, et en particulier dans ceux où l’offre de soins est déficitaire, au même titre que le renforcement, au moins à titre temporaire, du contrat d’engagement de service public (CESP), qui, aux yeux du rapporteur, pourrait amener une proportion beaucoup plus importante des étudiants en médecine à s’installer dans une zone sous‑dotée, pendant au moins deux ans à l’issue de leur formation, en contrepartie du versement d’une allocation pendant leurs études médicales (B).

Le rapporteur n’ignore pas qu’une telle mesure pourrait être coûteuse, mais, comme l’a rappelé, lors de son audition, le président de la Conférence des doyens des facultés de médecine, M. Jean Sibilia, « former un médecin de plus dans le dispositif actuel coûte environ 150 000 euros à la Nation, à moyens constants. Mais il existe aussi un coût à ne rien faire ».

Au rang des propositions dont les effets ne seront perceptibles qu’à long terme, compte tenu de la durée des études médicales, figurent celles qui concernent au premier chef les premier et second cycles. Ces derniers sont caractérisés par un « hospitalo‑centrisme » qui crée un hiatus entre les aspirations des jeunes médecins et les réalités de l’exercice de la médecine et des besoins de santé (E). Ce hiatus résulte aussi des défauts de conception du premier cycle, et plus précisément de la première année commune des études de santé (PACES) qu’il conviendrait de réformer (C).

Cette première année s’achève par un concours rendu nécessaire par le numerus clausus qui, fixé par arrêté conjoint des ministres chargés de la Santé et de l’Enseignement supérieur, limite le nombre de places disponibles en deuxième année. Longtemps inadapté à l’évolution des besoins de santé de la population, et désormais largement contourné, ce numerus clausus devrait être supprimé au profit d’un numerus apertus fixant un nombre de places minimales, sorte de « plancher » susceptible d’être ajusté à la hausse en fonction des besoins et des possibilités de formation des territoires (D).

Dans le prolongement de toutes ces propositions qui sont relatives à la formation des médecins et qui tendent à encourager leur installation dans des zones sous-dotées à l’issue de leur cursus, le rapporteur préconise, à titre personnel, de dissuader l’installation dans des zones surdotées en étendant enfin aux médecins le conventionnement sélectif appliqué, depuis longtemps déjà, aux autres professionnels de santé, non sans succès (F).

 

Cursus et stages des études médicales

- La 1ère année

Le cursus de médecine débute en principe avec une première année commune aux études de santé (PACES) – sous réserve d’alternatives mises en place dans certaines universités. Cette première année s’achève par un concours que 15 % des étudiants en moyenne réussissent.

- Les 2e et 3e années

En deuxième et troisième années, les études se répartissent entre cours magistraux, travaux pratiques (TP), études dirigées et stages.

Le programme comprend de la sémiologie, de la physiologie, de l’anatomie, de la microbiologie, de l’immunologie, etc. S’y ajoutent des enseignements optionnels : philosophie des sciences, anglais médical, histoire de la médecine ou informatique médicale.

Sur les deux années, sont prévues au minimum 12 semaines de stages qui ont lieu à l’hôpital dans des services généraux ou spécialisés, par exemple en dermatologie, en réanimation, en cardiologie, etc.

Le stage d’initiation aux soins infirmiers

La pratique commence avec un stage infirmier d’une durée de 4 semaines à temps plein, l’été suivant la PACES. Il s’agit d’un stage d’initiation aux soins, accompli sous la conduite de cadres infirmiers, dans un même établissement hospitalier. L’étudiant s’initie aux principes de l’hygiène hospitalière et aux gestes de premier secours et découvre le fonctionnement d’une équipe soignante.

Les stages cliniques d’initiation aux fonctions hospitalières

Ces stages sont réalisés au cours des 2e et 3e années et représentent, au total, 400 heures. Ils permettent d’appliquer les connaissances théoriques acquises et d’acquérir les compétences génériques en particulier lors de l’entretien avec le patient et lors de son examen clinique.

En fin de 3e année, les étudiants obtiennent un diplôme de formation générale en sciences médicales (DFGSM), reconnu au niveau licence.

- Les 4e, 5e et 6e années de médecine (externat)

Ces trois années préparent à l’autre concours des études de médecine : les ECNi (épreuves classantes nationales informatisées), qui détermineront la spécialité suivie lors de l’internat.

L’externat s’articule autour des pathologies, de leur thérapeutique et de leur prévention. Figurent au programme : la gériatrie, l’appareil locomoteur, la neurologie, la cancérologie, la pédiatrie, l’addictologie, etc. Le plus souvent, les enseignements sont organisés par modules thématiques, en général en lien avec les stages.

La pratique clinique occupe une place prépondérante. Les externes sont à la fois étudiants et salariés de l’hôpital, et touchent une rémunération variable selon l’avancée de leur cursus. Au total, 25 gardes, qui ont lieu principalement aux urgences, sont à effectuer au minimum sur les 3 ans. Certains stages sont obligatoires, d’autres sont facultatifs.

 

Des stages obligatoires et facultatifs dans des unités hospitalières de soins

L’organisation de stages d’une durée de 6 à 8 semaines à temps plein ou de 12 à 16 semaines à mi‑temps relève de chaque faculté. Ils sont choisis par les étudiants en début d’année ou de trimestre, soit par classement au mérite, soit par classement alphabétique, selon les facultés.

Ils permettent la mise en situation pratique de l’étudiant dans un ensemble de situations cliniques correspondant aux objectifs de sa formation.

Ils s’effectuent dans les unités de soins où l’étudiant participe à l’activité hospitalière, en vue de l’acquisition des compétences prévues dans le carnet de stage.

Chaque étudiant réalise obligatoirement un stage en chirurgie et un stage dans une unité d’accueil des urgences, de réanimation ou de soins intensifs.

Un stage obligatoire de médecine générale

Ce stage obligatoire se déroule chez un ou des médecins généralistes agréé(s)-maître(s) de stage des universités. D’une durée de 3 mois, il se déroule au sein d’un cabinet individuel ou de groupe, d’une maison, d’un centre ou d’un pôle de santé.

Il doit permettre à l’externe d’appréhender la relation médecin-patient en médecine générale et la place du médecin généraliste au sein du système de santé, de découvrir les spécificités de l’exercice de la médecine générale en liaison avec l’ensemble des professionnels dans le cadre d’une structure ambulatoire de premier recours, ou encore de comprendre les modalités de gestion d’une structure ambulatoire.

Pour beaucoup d’étudiants, ce stage constitue leur seule expérience de médecine ambulatoire.

En fin de 6e année, pendant deux jours, les étudiants en médecine passent les ECNi. Si tous les étudiants ont une place, ils n’ont pas le choix de leur spécialité et du lieu où ils exerceront, qui seront déterminés par leur classement.

À la fin de la 6e année, les étudiants obtiennent le diplôme de formation approfondie en sciences médicales (DFASM), reconnu au niveau master.

- Les 3 à 6 dernières années (internat)

L’internat dure de 3 à 6 ans, selon les spécialités. Au total, il existe 44 spécialités : 13 d’entre elles sont dédiées à la discipline chirurgicale (urologie, chirurgie vasculaire, gynécologie-obstétrique, etc.) ; 30 autres relèvent de la discipline médicale (psychiatrie, pneumologie, radiologie et imagerie médicale, etc.) ; la biologie médicale est l’unique spécialité de la discipline biologique. Selon les spécialités, le nombre de places ouvertes chaque année varie fortement : chirurgie pédiatrique (24 places en 2017-2018), gériatrie (200 places), médecine générale (3 132 places), etc.

L’internat est organisé en trois phases : socle, approfondissement, consolidation. Tout en conservant quelques enseignements théoriques, les internes effectuent au moins 6 stages semestriels.

Des stages de 6 mois pendant tout linternat, propres à la spécialité

Pour l’obtention de son diplôme d’études spécialisées (DES), l’interne doit valider l’ensemble des stages de 6 mois requis, dont le nombre varie en fonction de la spécialité poursuivie. Ces stages peuvent être hospitaliers, en structures de soins extra‑hospitalières ou effectués auprès de praticiens en ambulatoire.

Un stage ambulatoire facultatif de soins primaires en autonomie supervisée

Les internes en médecine générale ont la faculté d’accomplir, en dernière année d’internat, un stage ambulatoire en soins primaires en autonomie supervisée (SASPAS).

Ce stage est ouvert, au cours de la troisième année du DES de médecine générale, aux internes qui ont déjà effectué un stage ambulatoire de niveau 1 chez un praticien (stage d’une durée de 6 mois et effectué généralement en deuxième année de DES de médecine générale).

D’une durée hebdomadaire de 11 demi-journées, il comporte obligatoirement au moins 4 demi-journées en cabinet de médecine générale et 2 demi-journées consacrées à la formation universitaire ou personnelle.

Si le SASPAS n’est pas obligatoire, il est l’occasion de parfaire ses connaissances, en associant à la formation en cabinet de médecine générale des temps de formation dans différentes structures : cabinet d'autres spécialistes, PMI, etc.

Au cours de l’internat, les étudiants en médecine acquièrent une autonomie qui va croissant avec l’expérience tout en restant toujours sous la responsabilité des praticiens qui les forment.

Enfin, ils préparent une thèse d’exercice.

Après avoir validé stages, enseignements et mémoire, les internes obtiennent le diplôme d’État (DE) de docteur en médecine, assorti du DES de la discipline suivie.

A.   Substituer des Épreuves classantes rÉgionales au classement national de l’internat

En 2004 ([200]), le « concours de l’internat » a fait place à des épreuves classantes nationales (ECN), par la suite informatisées (ECNi), qui conditionnent le passage en troisième cycle des études de médecine.

Si le Gouvernement a tout récemment annoncé la suppression des ECNi, au profit de deux examens, évaluant, pour le premier, les acquis théoriques en cinquième année et, pour le second, les compétences cliniques et relationnelles en sixième année, il n’en demeure pas moins que « le classement perdurera » et que « le stress ne va pas disparaître » puisque « les étudiants pourront être recalés s’ils n’obtiennent pas la moyenne, alors que cela n’est pas prévu avec les ECNi » actuelles ([201]).

Ainsi, en fonction de leur rang de classement à ces épreuves, les étudiants devraient continuer à choisir, dans une liste arrêtée conjointement par les ministres chargés de la Santé, de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur, sur proposition de l’Observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS), un poste d’interne selon la spécialité qui leur est accessible parmi les trente possibles et selon les lieux de formation restant disponibles parmi les 28 subdivisions territoriales correspondant à une ou plusieurs UFR composantes d’une université (certaines régions, telles la Bretagne, Provence-Alpes-Côte d’Azur et l’Auvergne-Rhône-Alpes comptant plusieurs subdivisions) ([202]).

Si la répartition des internes fait l’objet d’une programmation pluriannuelle ([203]), ce mécanisme de régulation est insatisfaisant car il permet le maintien d’un nombre important de postes non pourvus, notamment en médecine générale et en particulier dans certaines régions déjà sous-dotées en offre médicale.

En effet, si, en principe, le nombre de postes ouverts aux épreuves correspond désormais au nombre de candidats, tous les postes ne sont pas pourvus car certains étudiants préfèrent repasser plusieurs fois les épreuves s’ils ne sont pas satisfaits de leur classement. Certes, le décret n° 2011-954 du 10 août 2011 a atténué ce phénomène en prévoyant que les validations du deuxième cycle sont appréciées au plus tard à la date de la délibération du jury des ECN, ce qui devrait empêcher les étudiants insatisfaits de leur classement d’invalider volontairement les stages de la dernière année du deuxième cycle après les ECN pour redoubler et repasser les épreuves l’année suivante. Mais ce décret a maintenu la possibilité de repasser les ECN l’année suivante :

– soit lorsque l’interne qui a obtenu une première affectation à l’issue des ECN désire bénéficier d’un deuxième choix – dans quel cas, il doit avoir engagé sa formation dans le cadre de la spécialité acquise à l’issue du premier choix et fait connaître, par écrit, avant la fin du premier stage, à son UFR, à son CHU de rattachement et à l’ARS dont il relève, son intention de renoncer au bénéfice de l’affectation prononcée à l’issue des premières ECN ([204]) ;

– soit, à titre dérogatoire et exceptionnel, lorsque l’étudiant qui s’est présenté aux ECN souhaite, pour des motifs sérieux dûment justifiés, renoncer à la procédure nationale de choix de la spécialité de médecine et du CHU de rattachement pour se présenter une seconde fois aux ECN – dans quel cas sa demande est examinée par une commission réunie par le directeur de l’UFR.

Un arrêté du 12 mars 2012, modifié en 2016, a fixé le nombre maximal d’étudiants susceptibles de bénéficier de la dérogation permettant de passer une seconde fois les ECN à 8 % du nombre total d’étudiants de l’UFR concernée. D’après la DREES, sur l’ensemble du territoire, 211 étudiants au total se sont vu accorder cette dérogation en 2016 ([205]), soit 2,7 % des étudiants qui se sont présentés aux ECN cette année-là.

Au total, si le nombre de candidats classés mais non affectés est passé de 9 % en 2011 à 4 % en 2014, cette proportion se maintient depuis autour de 5 % ([206]).

Plus précisément, comme le montre une étude publiée par la DREES l’an dernier, le « taux d’inadéquation » (c’est-à-dire la différence entre le nombre de postes ouverts et le nombre de postes pourvus) reste élevé pour la médecine générale (6 %), la médecine du travail (54 %) et les spécialités de santé publique (16 %) et de biologie médicale (10 %), alors qu’il est nul pour la quasi-totalité des autres spécialités ([207]).

S’il est vrai que le taux d’inadéquation a baissé pour la médecine générale entre 2011 (où il s’élevait à 16 %) et 2016 (où il était de 6 %), il n’en demeure pas moins que cette spécialité reste, avec la médecine du travail, la moins attractive de toutes, d’après la DREES ([208]).

De surcroît, certaines régions déficitaires en offre de soins restent « boudées » par les lauréats des ECNi. Comme le montre l’indicateur d’attractivité des subdivisions territoriales élaborée par la DREES, « Nantes arrive en tête, suivie par Lyon, Montpellier, Rennes, Bordeaux, Toulouse et Paris. À l’inverse, Limoges, Poitiers, Besançon et Amiens peinent à attirer les étudiants. Ces subdivisions pourvoient [seulement] de 85 % à 95 % des postes ouverts » ([209])

C’est bien la preuve qu’un classement national est inapte à corriger les inégalités territoriales en matière d’offre de soins et d’accès aux soins.

C’est la raison pour laquelle le rapporteur préconise, comme il l’a déjà fait dans le cadre de l’examen de ses propositions de lois visant à garantir un accès aux soins égal sur l’ensemble du territoire ([210]), de substituer au classement national des épreuves classantes régionales (ECR).

Cette recommandation rejoint celle formulée depuis plusieurs années par le CNOM. En effet, dans le Livre Blanc qu’il a publié en 2016, le CNOM recommande de remplacer les ECN par des épreuves classantes interrégionales (ECIR). Il y est expliqué que « pour former les médecins dont les territoires ont besoin, plutôt que les internes dont ont besoin les centres hospitaliers, l’Ordre des médecins propose qu’en fin de deuxième cycle, les étudiants passent une épreuve classante organisée sur cinq grandes interrégions : Île-de-France, Nord-Ouest, Sud-Ouest, Sud-Est, Nord-Est. Les places disponibles seraient définies pour chaque grande interrégion et pour chaque spécialité, en fonction des besoins démographiques régionaux. De nouvelles règles seraient mises en place : la possibilité de concourir sur plusieurs interrégions (avec un maximum de trois concours par année) sur deux années, l’instauration d’une note éliminatoire avec possibilité de doublement, la garantie de l’équité au niveau national sur les concours interrégionaux » ([211]).

Comme l’a relevé le président du CNOM, M. Patrick Bouet, lors de son entretien avec le rapporteur, le système actuel des ECN ne permet pas d’identifier, « avec une granulométrie suffisamment fine », les besoins de santé à l’échelle d’un territoire.

En effet, le nombre de postes d’internes offerts et sa déclinaison par spécialité et par subdivision géographique sont déterminés sur la base d’une proposition de l’ONDPS ([212]) qui est elle-même fondée sur des projections nationales perfectibles et sur une évaluation des besoins qui se concentre pour l’essentiel sur ceux des établissements hospitaliers.

Du point de vue de M. Patrick Bouet, seule une régionalisation du classement de l’internat garantirait que l’analyse des besoins des territoires faite par les comités régionaux de l’ONDPS, en lien avec les facultés de médecine, prévalent sur un cadre national dont l’expérience a, selon lui, montré qu’il était inadapté.

Comme M. Patrick Bouet, le rapporteur estime qu’une régionalisation du classement de l’internat favoriserait une meilleure adéquation entre les postes d’interne offerts et les particularités régionales de la démographie médicale, et donc entre la formation de troisième cycle et les besoins de santé de la population.

Cette mesure permettrait d’endiguer le phénomène de fuite en faveur des régions les mieux dotées observé aujourd’hui. Cela permettrait de sédentariser davantage les étudiants en médecine dans leur région de formation et, ainsi, de mieux garantir que l’implantation des médecins visée au travers du numerus clausus puis de la répartition des postes d’interne bénéficie réellement aux territoires sous-dotés.

Ces « ECR » seraient ouvertes aux étudiants ayant validé leur deuxième cycle d’études médicales dans la région concernée. Toutefois, les étudiants en médecine pourraient se présenter aux ECR organisées dans deux autres régions que celle où ils auront validé leur deuxième cycle et changer de région en cours d’internat, notamment si cela est rendu nécessaire à raison de la spécialité médicale à laquelle ils aspirent.

Cet élément de souplesse préservera ainsi la liberté des étudiants en médecine, en particulier au regard de leurs impératifs d’ordre privé ou familial ou de leurs projets professionnels qui peuvent porter sur des domaines de compétence pointus pour lesquelles toutes les régions n’offriront pas nécessairement des postes d’interne.

Proposition n° 20 : afin de favoriser une adéquation optimale entre le nombre de postes d’interne et les besoins de santé des territoires, substituer au classement national de l’internat des épreuves classantes régionales (ECR) ouvertes aux étudiants dans la région où ils ont validé leur deuxième cycle ainsi que dans deux autres régions de leur choix.

Cette régionalisation des épreuves classantes implique toutefois que les capacités d’accueil et de formation des facultés de médecine soient rééquilibrées, afin d’être mieux adaptées aux besoins des territoires, ce qui ne semble pas être totalement le cas en région parisienne où les facultés de médecine parisiennes apparaissent quelque peu surdimensionnées par rapport aux besoins de la population francilienne.

La substitution d’ECR au classement national aurait l’immense avantage de permettre aux étudiants en médecine de bâtir leur projet professionnel, et donc leur projet de vie, plus amont que ce n’est aujourd’hui le cas. En effet, dans la mesure où, en l’état du cursus des études médicales, ils ne connaissent leur spécialité et leur lieu de formation dans le cadre du troisième cycle qu’à l’issue d’ECN qui interviennent seulement à la fin de la sixième année d’études, il leur est extrêmement difficile de se projeter dans l’avenir et de s’attacher à un territoire.

Comme l’a montré une étude de la DREES, « plus de la moitié [53 % exactement] des étudiants sont affectés dans une subdivision qui n’est pas celle où ils ont effectué leur second cycle » ([213])… ce qui, soit dit en passant, conduit à faire remarquer, avec les sénateurs Jean-Noël Cardoux et Yves Daudigny, que cette « mobilité géographique importante […] relativise les effets du relèvement ciblé par région du numerus clausus » ([214]).

Dès lors, « comment construire un projet professionnel puisque, jusqu’aux ECN, à la fin de la sixième année, les étudiants ne savent pas où ils iront faire leur internat ? Il nous est en effet impossible, avant les résultats, de nous projeter », pour reprendre les mots prononcés devant la commission par le vice‑président de l’ANEMF, M. Samuel Valero. Dans la contribution qu’il a adressée à la commission, ce dernier ajoute que « nos enseignants eux-mêmes nous découragent de faire des “plans sur la comète” avant d’avoir le résultat fatidique ». Il en résulte un effet « délétère pour le bien-être des étudiants qui sont, selon des chiffres officiels, anxieux pour 67 % et souffrant de syndromes dépressifs pour 29 % – un nombre important ayant même des pensées suicidaires. Les étudiants de médecine vont mal et les ECN sont l’une des causes de ce malêtre ».

Pourtant, tout en déplorant cet état de fait, l’ANEMF s’est, comme l’Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG), déclarée opposée à une régulation régionalisée de l’internat, préférant une réforme en profondeur des études du deuxième cycle, la suppression des ECNi et une meilleure définition des capacités de formation en fonction des territoires.

Interrogée sur ce point, la DGOS s’y est également déclarée défavorable, au motif qu’« organiser des épreuves dans le cadre régional limiterait à la fois la liberté de choix et la mobilité des étudiants ».

Cet argument est difficilement recevable car la substitution d’ECR au classement national ne se traduirait pas par un accroissement des contraintes pour les étudiants en médecine. Le système actuel des ECN limite fortement la marge de manœuvre dont disposent les étudiants pour construire un projet professionnel cohérent. Comme l’a relevé la DREES l’an dernier, seuls 29 % des étudiants ont le choix entre toutes les spécialités médicales à l’issue des ECN et « 20 % des étudiants ont opté pour une spécialité qui n’était plus disponible dans leur subdivision d’origine, ce qui peut s’interpréter comme une mobilité “contrainte » ([215]). Selon la DREES, « 61 % des étudiants qui viennent à Limoges et 44 % de ceux qui sont affectés à Amiens ne pouvaient obtenir la spécialité [souhaitée] dans leur région d’origine » ([216]). Les ECN constituent donc bien une contrainte qui vient fragiliser le sacro-saint principe de liberté.

Mieux ancrer les futurs médecins dans leur territoire de formation en régionalisant les épreuves classantes aurait, à n’en pas douter, un impact positif sur leur répartition territoriale, quand on sait que 63 % des primo-inscrits à l’Ordre des médecins s’installent dans la région d’obtention de leur diplôme ([217]). Cette propension des médecins à s’installer dans la région où ils ont fait leurs études, sera d’autant plus forte qu’ils y auront effectué l’intégralité de leur parcours. Il y a donc un intérêt manifeste à s’assurer que les futurs médecins soient formés là où les besoins d’implantation sont les plus patents, en adaptant plus étroitement la répartition régionale des étudiants en médecine aux besoins de santé constatés.

Le sénateur Hervé Maurey l’a bien compris, lui qui, dans son rapport d’information sur la présence médicale sur l’ensemble du territoire, préconise aussi d’organiser les épreuves classantes au niveau régional en fonction des besoins de chaque région ([218])

Interrogé lors de son audition sur cette proposition d’« internat des régions », le professeur Jean Sibilia, président de la Conférence des doyens des facultés de médecine, s’est lui aussi prononcé en faveur d’une « régionalisation de la régulation », tout en suggérant « une gradation régionale » selon les spécialités car, selon lui, si « pour la médecine générale, par exemple, le gradient peut être très régionalisé, [car] les besoins sont territoriaux, à l’inverse, il n’est pas utile de former 200 médecins à la neurochirurgie par navigation 3D dans le cerveau ».

La suppression du classement national au profit d’« un système de régulation par une validation de compétences, une valorisation du projet professionnel et un contrôle de connaissances modernisé » figure d’ailleurs au nombre des 20 engagements pris par la Conférence des doyens des facultés de médecine. Partant, pourquoi ne pas imaginer que ce nouveau système de régulation soit conçu dans un cadre régional ?

En toute hypothèse, la régionalisation des épreuves classantes devra s’accompagner d’une régionalisation de la procédure dans le cadre de laquelle les étudiants en médecine signataires d’un contrat d’engagement de service public (CESP) sélectionnent la zone où ils vont exercer. En effet, alors qu’aujourd’hui, ces internes choisissent, au cours de leur dernière année d’études, leur futur lieu d’exercice sur une liste de zones où le schéma régional d’organisation des soins (SROS) indique que l’offre médicale est insuffisante ou la continuité de l’accès aux soins menacée, il serait cohérent que ce choix ne puisse s’effectuer que parmi les zones sous-dotées situées dans la région où les internes en question ont été formés.

Régionalisé, le CESP devrait également être renforcé, au moins à titre temporaire, afin de faire face au creux annoncé de la démographie médicale.

B.   Renforcer temporairement le contrat d’engagement de service public dans les zones sous‑denses

Si sa montée en charge a été poussive, le dispositif du CESP n’en demeure pas moins relativement efficace pour favoriser l’ancrage des étudiants en médecine dans le territoire de leur formation. Dans un rapport paru en 2015, l’ONDPS souligne en effet que « par rapport à la subdivision d’affectation, les étudiants sous CESP sont plus nombreux à rester dans leur UFR de second cycle (59 % de fidèles au lieu de second cycle, contre 47 % en moyenne nationale) » ([219]).

Il est donc très regrettable que, d’après les chiffres cités lors de son audition, par M. Thomas Deroche, adjoint à la sous-direction de la performance en offre de soins, au sein de la DGOS, le nombre de CESP signés en 2016-2017 ne représente que de l’ordre de 6 % du total des admis en deuxième année de médecine (486 sur 8 124 places) – et ce, alors même que la conclusion d’un CESP offre à son bénéficiaire l’avantage non négligeable d’échapper à la procédure de choix d’une spécialité et d’une subdivision territoriale à l’issue des ECN. En effet, les étudiants qui sont déjà signataires d’un CESP avant de passer les ECN peuvent choisir leur poste d’interne sur une liste spécifique.

Le président de la Conférence des doyens des facultés de médecine, M. Jean Sibilia, a admis qu’« une généralisation du contrat semble une piste intéressante », tout en se montrant réservé quant à l’idée de rendre le dispositif coercitif.

Pourtant, comme l’a lui-même reconnu, lors de son audition, le vice‑président de la Société française de médecine d’urgence (SFMU), M. Karim Tazarourte, « nos études de médecine sont payées par l’État, et il n’est pas anormal que la société, à l’heure où l’on parle de service universel, nous demande de l’entraide. D’autres pays le font déjà : au Canada, quand vous êtes jeune médecin, vous passez trois ans dans les forêts avec les grizzlis ».

Il y a une dizaine d’années, l’Académie nationale de médecine avait déjà fait observer que « la formation de chaque étudiant en médecine représente pour la société une charge financière importante (plus de 200 000 euros). À l’exemple de ce qui existe pour certaines des plus grandes écoles, il ne serait donc pas anormal que chaque jeune médecin doive consacrer quelques années de son début d’activité au service de la nation » ([220]).

Un tel principe régit en effet de longue date la scolarité au sein des Écoles normales supérieures, de l’École Polytechnique ou encore de l’École nationale d’administration. Jadis, pour répondre au besoin d’enseignants dans les années 1950-1960, on avait créé un institut de préparation aux enseignements de second degré (IPES) qui rassemblait, au sein d’une faculté des sciences ou des lettres, des élèves-professeurs recrutés sur concours et rémunérés, généralement durant trois ans, en vue de l’acquisition des titres habilitant à l’enseignement dans les lycées, les collèges classiques et modernes, les écoles normales primaires, les écoles nationales professionnelles et les collèges techniques, et en contrepartie de l’engagement de servir dans l’enseignement public pendant une durée minimale de dix années à dater de l’entrée à l’institut. L’IPES a largement contribué à la démocratisation de l’accès au corps professoral comme la généralisation du CESP pourrait contribuer à la démocratisation des études de médecine et de l’accès à la profession médicale.

Pour sa part, la Cour des comptes s’est récemment montrée ouverte à l’idée de « conditionner, à l’issue de l’obtention des études médicales ou paramédicales, une installation en libéral à un exercice professionnel dans des zones sous-denses pour une durée déterminée » ([221]).

Car, comme l’a justement fait remarquer devant la commission le président fondateur de la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité, M. Michel Antony, « si on n’institue pas une obligation sur une courte période, comme pour les fonctionnaires de l’Éducation nationale ou de la police, ou pour les cheminots, on laissera de plus en plus de territoires en déshérence ». Cela l’amène lui aussi à suggérer, dans la contribution écrite qu’il a remise à la commission, le « développement d’un service civil sanitaire de 3 à 5 ans », sans contrepartie financière.

Le rapporteur a déjà exprimé, dans le passé, son adhésion à un tel dispositif. L’article 6 de la proposition de loi n° 4119 qu’il a défendue devant l’Assemblée nationale à l’automne 2016 prévoyait ainsi que, sous peine d’une sanction pécuniaire, les médecins désireux d’exercer à titre libéral à l’issue de leur formation seraient tenus de s’installer, pour une durée minimale de trois ans, dans un territoire sous-doté. Peut-être faudra-t-il envisager une telle mesure si toutes celles qui sont par ailleurs préconisées dans le présent rapport s’avéraient insuffisantes et si la situation des finances publiques ne permettait pas de rendre le CESP obligatoire pour tous les étudiants en médecine à compter de leur cinquième ou sixième année d’études.

Il est vrai qu’imposer le CESP à l’ensemble des étudiants en médecine présenterait un coût significatif pour les finances publiques. En effet, dans la mesure où, dans sa configuration actuelle, le CESP prévoit une allocation mensuelle de 1 200 euros et où le numerus clausus est fixé en 2018 à 8 708 places (passerelles comprises), une éventuelle extension du dispositif à l’ensemble d’une « promotion » coûterait, pour une seule année d’études, environ 125 millions d’euros ([222]), sans compter son impact financier cumulé dans le temps.

Toutefois, ce coût est à rapprocher de celui des différents dispositifs de rééquilibrage territorial de l’offre de soins qui pourrait s’élever à 225 millions d’euros par an, si l’on s’appuie sur des données plus récentes de la DGOS et de la DGFiP – les différentes incitations financières des collectivités territoriales n’étant pas comprises dans ces évaluations.

Dans les réponses qu’elle a faites au questionnaire qui lui a été adressé, la DGOS indique que, « s’il est délicat de chiffrer une extension de ce dispositif à l’ensemble des étudiants en médecine, puisqu’il est impossible d’anticiper leurs comportements futurs (recours à la clause de rachat) », il n’en demeure pas moins qu’« en première analyse, en supposant que le CESP soit étendu à partir de la 4e année uniquement et sur la base d’effectifs constants (numerus clausus stable), on peut estimer le coût brut de ce dispositif (hors comportements de rachat) à environ 800 millions d’euros en année pleine ».

À défaut d’imposer le CESP à tous les étudiants en médecine à compter de leur cinquième ou sixième année d’études, ne pourrait-on pas imaginer, au moins à titre temporaire, pour surmonter le grave déficit en offre médicale annoncé pour les dix prochaines années, de favoriser un déploiement maximal du dispositif, en revalorisant l’allocation mensuelle versée à ses bénéficiaires de façon à la porter à 1 500 euros par exemple, soit une augmentation de 25 % ? Cette mesure générerait un surcoût de l’ordre de 2 millions d’euros par promotion et par an.

Le rapporteur rappelle que c’est l’un des vingt engagements de la Conférence des doyens que celui de « proposer des mesures incitatives dès le 2ème cycle pour favoriser des projets professionnels d’installation dans des zones défavorisées en développant le CESP et d’autres modalités d’accompagnement en collaboration avec les collectivités par divers moyens d’attractivité ».

Proposition n° 21 : favoriser un déploiement maximal du dispositif du contrat d’engagement de service public (CESP), notamment en revalorisant de 25 % (de 1 200 à 1 500 euros) l’allocation mensuelle versée à ses bénéficiaires, au moins à titre temporaire, pour surmonter le grave déficit en offre médicale annoncé pour les dix prochaines années.

Le rapporteur observe que, d’après une note qui lui a été transmise par la DREES, dans les pays comme l’Australie et le Canada où des aides financières à la formation (bourses d’études, prêts à conditions préférentielles, etc.) ont été mises en place en contrepartie de l’installation des médecins nouvellement diplômés dans les zones déficitaires pour une période déterminée à l’avance (de quatre à six années en général) « l’effet semble positif à court terme » ([223]).

Au-delà du court terme, la commission entend esquisser des pistes de réformes qui, concernant la première année commune des études de santé (PACES), le numerus clausus et les stages effectués notamment au cours des premier et second cycles, sont susceptibles de produire des effets à plus long terme.

C.   RÉformer la PACES

De toutes les personnes entendues, la ministre des Solidarités et de la Santé, Mme Agnès Buzyn, est sans doute celle qui a émis le jugement le plus sévère sur la PACES, n’hésitant pas à parler de « gâchis atroce » et « absolu engendré par un mode de sélection qui ne correspond même pas aux besoins de la pratique médicale » et qui « participe au désespoir des jeunes étudiants en médecine et alimente dépressions et tentatives de suicide » ([224]).

Cette analyse semble partagée par le président du CNOM, M. Patrick Bouet, qui, lors de son entretien avec le rapporteur, a expliqué que, dans sa configuration actuelle, la PACES n’est pas la garantie que l’on sélectionne le « matériel humain » dont on a besoin en médecine.

Comme l’a expliqué devant la commission le vice-président de la Fédération nationale des infirmiers (FNI), M. Daniel Guillerm, « aujourd’hui, les étudiants en médecine sont recrutés sur des critères quasi uniquement scientifiques. Or la médecine générale requiert d’autres compétences, notamment en sciences humaines et en sciences sociales. Cela susciterait peut-être des vocations et de nouvelles installations de médecins dans des territoires ruraux, qui sont aujourd’hui désertés ».

Conscientes de la nécessité de diversifier les profils des étudiants en médecine afin de diversifier les choix qu’ils sont amenés à faire à l’issue de leur cursus, lors de leur installation, certaines facultés de médecine se sont déjà engagées depuis bientôt quatre ans dans l’expérimentation d’alternatives à la PACES.

En 2014-2015, l’Université de Paris V René Descartes a, comme celles de Paris VII, de Paris XIII ou encore de Saint-Étienne, offert à des étudiants en deuxième ou troisième année de licence en sciences pour la santé la possibilité d’intégrer une deuxième année de médecine, d’odontologie, de pharmacie ou de sage-femme, sans passer par la PACES. Ce dispositif d’« Alter-PACES » est toutefois subordonné à la condition que les étudiants candidats suivent au préalable des cours en ligne supplémentaires dans différents modules, dont l’un est tourné vers les sciences humaines et sociales, le droit et la psychologie. Pour l’année universitaire 2015-2016, l’« Alter-PACES » a été ouvert aux étudiants issus de l’ensemble des différentes licences proposées par l’Université de Paris V (droit, sciences sociales, psychologie, sciences de l’éducation, etc.).

Dans la même veine, les Universités de Rouen, de Strasbourg, de Clermont-Ferrand et de Poitiers ont facilité, depuis les rentrées universitaires de 2014 ou 2015 (selon le cas), l’accès aux études de médecine, de pharmacie, d’odontologie ou de sage-femme en réservant une partie des places disponibles au titre du numerus clausus à des étudiants issus de licences en sciences pour la santé, de licences en sciences de la vie ou de licences de physique-chimie et sélectionnés sur le fondement de différents critères (notes obtenues, épreuve orale de motivation, etc.).

La faculté de médecine d’Angers est allée plus loin encore à la rentrée universitaire de 2015, en supprimant la PACES au profit de « PluriPASS » (Parcours Angers Sciences de la Santé). Ce parcours se veut pluridisciplinaire et moins axé sur le « bachotage ». En effet, le programme comprend non seulement les sciences du vivant et les sciences pour l’ingénieur (maths, physique, chimie...), mais aussi les sciences humaines et sociales (droit, psychologie...), l’anglais ou encore la « culture numérique ». Les concours de fin de semestre ont été supprimés au profit d’un classement des étudiants établi sur la base de notes obtenues dans le cadre d’un contrôle continu et, si besoin, d’oraux complémentaires, avec le souci d’évaluer davantage le savoir-faire et le savoir-être des candidats. Les étudiants qui ne sont pas admis dans les filières de santé bénéficient d’un quatrième semestre de remise à niveau pour poursuivre dans une autre filière, sans perdre de temps. En effet, à la différence de la PACES, « PluriPASS » permet aux étudiants de valider des semestres et donc de ne pas redoubler, voire repartir à zéro, s’ils ne parviennent pas à entrer dans la filière santé. Ils peuvent poursuivre directement en troisième année dans l’une des quinze licences proposées par les universités d’Angers ou du Mans (physique-chimie, biologie, informatique, maths, psychologie, droit, économie, etc.) ou tenter d’intégrer une école d’ingénieurs partenaire (Centrale Nantes, Mines de Nantes, etc.).

D’ici la prochaine rentrée universitaire de 2018, ce seront au total 18 universités qui expérimenteront des dispositifs alternatifs à la PACES. L’université de Brest devrait en effet développer à la fois le « PluriPASS » et l’« AlterPACES » – ce dernier dispositif étant expérimenté également dans les facultés de Tours, d’Aix-Marseille, de Rennes I, de Paris XII, de Caen, de Grenoble, ainsi que Reims et de Lyon I (en plus des quatre Universités qui l’ont mis en œuvre dès 2014-2015).

Par ailleurs, les universités de Brest et de Lille ainsi que quatre universités franciliennes (Sorbonne, Paris V, Paris VII et Paris XII) devraient expérimenter, à compter de la prochaine rentrée universitaire, un nouveau processus de sélection des étudiants inscrits en PACES (« PACES One »).

On le voit : les expérimentations de dispositifs alternatifs à la PACES prolifèrent sur l’ensemble du territoire… à tel point qu’on peut se demander s’il ne serait pas désormais souhaitable de généraliser l’un de ces dispositifs et de rénover (voire supprimer) en conséquence la PACES.

Proposition n° 22 : réformer la première année commune des études de santé (PACES) en s’inspirant de l’un des dispositifs alternatifs en cours d’expérimentation (« Alter-PACES », « PluriPASS ») et en faisant en sorte que la sélection soit moins « mathématisée » et davantage « médicalisée ».

C’est en tout cas l’un des vœux exprimés devant la commission par l’Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF), dont le vice-président, M. Samuel Valero, a préconisé de « réformer cette première année en profondeur », jugeant que « la sélection en première année est très scientifique, insuffisamment orientée vers les sciences humaines et sociales, le numérique et les autres matières indispensables à une bonne pratique de la médecine ». Selon l’ANEMF, « ces modalités de sélection ne permettent pas à des profils atypiques d’entrer dans le cursus médical » alors qu’ils « doivent être encouragés » ([225]). Car, comme l’a fait remarquer, lors de son audition, le président de la Fédération des communautés professionnelles territoriales de santé (FCPTS), M. Claude Leicher : « oui, la médecine doit être scientifique. Cela étant, il faut bien dire qu’on peut tuer des gens en ne leur parlant pas. Les relations humaines et l’empathie sont aussi des nécessités ». D’autres voix se sont récemment élevées pour faire valoir que, « plus que de la technicité à outrance, la formation en santé [a besoin de] se recentrer sur la relation humaine » ([226]), car « ce n’est pas grâce à des questionnaires à choix multiples que l’on peut évaluer si quelqu’un peut devenir médecin », pour reprendre la formule employée lors de son audition par la directrice générale de l’offre de soins, Mme Cécile Courrèges.

Ce constat a été corroboré par les représentants de l’Académie nationale de médecine entendus par la commission. Le professeur Patrice Queneau a ainsi expliqué qu’« il faut absolument éviter que les étudiants de première année aient l’impression d’être dans un cursus un peu « surréaliste » dans lequel on leur parle de sujets n’ayant qu’un rapport assez lointain avec le corps, la santé et leurs dysfonctionnements ». Selon lui, « on a eu l’illusion, en mélangeant toutes les professions [dans la PACES], que les choix faits par les étudiants seraient plus adaptés. Il est clair, qu’au cours de cette première année, un dosage raisonnable et mieux équilibré doit être trouvé entre les disciplines fondamentales et les disciplines médicales. Je pense qu’il faut se séparer des pharmaciens, dentistes et autres, parce que nous avons affaire à des métiers différents ».

Pour toutes ces raisons, l’Académie nationale de médecine recommande, dans sa contribution écrite, de « supprimer la PACES et médicaliser le concours d’entrée en médecine avec introduction, après admissibilité, d’épreuves orales de personnalité et de motivation (comme au Québec, en Allemagne et en France à Angers), afin de sélectionner davantage les étudiants les plus motivés ».

Le rapporteur partage ce point de vue : la sélection organisée pour accéder aux études de médecine doit être moins « mathématisée » et davantage « médicalisée », car, comme l’a justement fait remarquer, lors de son audition, la ministre des Solidarités et de la Santé, Mme Agnès Buzyn, « il est certain que pratiquer [la médecine], il faut savoir développer des qualités d’écoute et d’empathie, or les critères de sélection [actuels] reposent uniquement sur les mathématiques et la physique ».

En complément de cette mesure, il serait par ailleurs souhaitable, afin d’optimiser la diversification des profils des étudiants, de sensibiliser les jeunes à l’intérêt des études médicales dès le lycée, comme l’a suggéré lors de son audition le président de la Fédération des soins primaires (FSP), M. Philippe Marissal.

Dans sa contribution écrite, la Conférence des doyens des facultés de médecine a attiré l’attention de la commission sur des initiatives prises afin d’informer les lycéens en amont sur les études de santé et « de les préparer aux attendus de Parcoursup pour leur permettre de mieux comprendre les enjeux et les difficultés potentielles des études de santé mais aussi d’éviter l’autocensure d’excellents lycéens parfois issus de catégories sociales modestes qui auraient peur de s’engager. Ainsi, à titre d’exemple, un dispositif appelé Ambition Paces a été mis en place à la faculté de médecine de Tours ([227]) et l’est aussi sous des formes différentes dans d’autres facultés. Ainsi par une logique d’information, l’accès aux études de santé devrait être amélioré, diversifié et en partie régulé ».

Dans le rapport sur les mesures incitatives au développement de l’offre de soins primaires dans les zones sous-dotées qu’ils ont publié l’an dernier, les sénateurs Jean-Noël Cardoux et Yves Daudigny citent également une expérimentation de tutorat mise en œuvre par l’ARS des Hauts-de-France. Partant du constat que les jeunes issus des territoires ruraux sont plus enclins à revenir s’y installer, une initiative de « filière d’excellence », conduite en partenariat avec le rectorat et l’Université, « instaure un tutorat de lycéens originaires de territoires déficitaires pour les accompagner vers la réussite [en PACES]. 30 élèves, sélectionnés sur dossier scolaire, lettre de motivation et critères sociaux, bénéficient de cet accompagnement mis en place depuis septembre 2016 » ([228]).

Dans son récent avis sur les déserts médicaux, le CESE préconise de « développer [et, par la suite, de généraliser] dans des lycées implantés dans les zones sous-denses une filière d’initiation aux métiers de la santé » afin de « diversifier l’origine territoriale et sociale des étudiants en médecine pour équilibrer à terme leur répartition sur les territoires » ([229]).

De telles initiatives ont fait leurs preuves à l’étranger. En effet, afin d’agir, dès la formation des médecins, sur des leviers qui permettraient d’optimiser leur répartition au stade de leur installation, les universités américaines, australiennes, britanniques, canadiennes ou encore japonaises s’efforcent de favoriser le recrutement d’étudiants originaires de zones sous-dotées en partant du principe qu’ils seront les futurs médecins les plus susceptibles d’y exercer. D’après une note transmise par la DREES au rapporteur « cette méthode semble efficace pour influer sur la répartition des médecins, les étudiants originaires de zones rurales ou défavorisées étant effectivement enclins à exercer dans ces zones. Plusieurs évaluations de ce type de mesure ont été menées au Canada et aux États-Unis, suggérant une réelle efficacité. […] Selon une étude menée au Canada, les médecins originaires des zones rurales ou sousdotées seraient 2,3 fois plus susceptibles de choisir de pratiquer dans une communauté rurale immédiatement après l’obtention du diplôme que les non-résidents ».

Des actions semblables à celle impulsée dans la région Hauts-de-France doivent donc être encouragées, afin de favoriser une diversification des profils des étudiants en médecine en amont et en complément d’une refonte d’ampleur des processus de sélection pour l’accès aux études médicales qui passe aussi par une réforme du numerus clausus.

D.   SuBStituer au numerus clausus existant un « numerus apertus rÉgionalisÉ » permettant une hausse significative du nombre d’Étudiants en mÉdecine

Parmi les personnes entendues, rares sont celles qui aient défendu le statu quo en ce qui concerne les modalités de détermination du nombre de places disponibles en deuxième année d’études médicales (ou « numerus clausus »).

Certaines d’entre elles ont préconisé son augmentation. C’est le cas du président de l’Intersyndicale nationale des internes (ISNI), M. Jean-Baptiste Bonnet, qui a expliqué devant la commission qu’une telle augmentation devait être corrélée aux capacités d’accueil des unités de formation et de recherche (UFR), tout en concédant que « l’analyse des besoins de santé d’un territoire et des capacités de formation dans les UFR est un exercice très difficile, effectué par des gens de bonne volonté, mais qui n’ont pas la possibilité de faire autre chose que du " doigt mouillé ” pour les trois quarts des cas ».

Pour sa part, l’Académie nationale de médecine a recommandé à la commission de « créer si besoin, au moins à titre expérimental, une “ filière spécifique de médecine générale ” au concours d’entrée en médecine », en réservant « un quota de places destinées à la médecine générale, ou éventuellement à d’autres disciplines fortement sous-dotées ». Néanmoins, en réponse à un questionnaire qui lui a été adressé, la DGOS a fait savoir au rapporteur qu’elle était plutôt hostile à cette proposition : « ouvrir un numerus clausus spécifique pour la médecine générale serait prématuré au regard du cursus d’acquisition de compétences et de maturation de l’étudiant par rapport à ses potentialités, à son projet et à ses appétences ».

D’autres personnes auditionnées, comme le président de la Fédération hospitalière de France (FHF), M. Frédéric Valletoux, ont appelé de leurs vœux « la révision sinon la suppression du numerus clausus ». « Il faut faire exploser le numerus clausus ! » s’est même exclamé le président fondateur de la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité, M. Michel Anthony. Ce dernier a fort justement rappelé qu’« on nous dit qu’il a connu une énorme augmentation ces dernières années, mais [qu’] on oublie toujours de dire que l’on a ainsi atteint le même niveau – 8 000 places – que dans les années 1970, quand il a été créé. Or la population française compte 15 millions de personnes supplémentaires, elle vieillit, et les mœurs médicales sont différentes ».

C’est sans doute le président de la Conférence des doyens des facultés de médecine, M. Jean Sibilia, qui a eu les mots les plus durs pour le numerus clausus dont il juge qu’« il est devenu le symbole de l’échec du système jacobin descendant », le « synonyme de “massacre des étudiants » ([230]), qu’« il a été contourné et [qu’]il ne sert plus à rien ».

Soucieuse de « réduire le taux d’échec de ces étudiants de PACES qui sont majoritairement d’excellents lycéens » et « qu’il est concrètement difficile, vu leur nombre, de réorienter systématiquement vers d’autres filières après un échec en PACES – et cela malgré les différentes modalités expérimentales déjà en place », la Conférence des doyens des facultés de médecine a donc recommandé à la commission de supprimer le numerus clausus dont elle ne « veut plus ni politiquement, ni techniquement ».

Pour autant, la Conférence n’est « pas favorable à une dérégulation totale » et estime « pertinent de proposer un chiffre plancher (numerus apertus) en laissant à chaque université la responsabilité de ses choix qui seront faits en fonction des besoins de leur territoire et de leurs moyens pédagogiques » ([231]). C’est d’ailleurs l’un des vingt engagements pris par la Conférence ([232]) et, mutatis mutandis, le système adopté par nos voisins belges dont le numerus clausus, instauré en 1997, admet des aménagements permettant à des facultés de former un nombre d’étudiants plus élevé que celui prévu par des quotas plus indicatifs que contraignants.

Lors de son audition, le professeur Thierry Moulin, président de la Société française de télémédecine, s’est lui aussi prononcé en faveur d’un « numerus apertus », c’est-à-dire d’un nombre minimal de places qui serait défini à l’échelle nationale et qui pourrait être adapté et augmenté par région, « en fonction des besoins et des possibilités territoriales de formation », à la libre appréciation « de la subdivision universitaire, en dialogue avec les agences régionales de santé (ARS) et les Universités ».

Conscient de l’« important gâchis humain » que génère le numerus clausus dans sa configuration actuelle, avec 80 % d’échec au concours de 2015, le CNOM défend, depuis 2016 déjà, l’idée d’un « numerus clausus régionalisé » qui serait défini « en fonction des besoins des territoires par spécialité, des capacités de formation des établissements universitaires et des possibilités d’organisation de stages durant la scolarité sur les territoires » ([233]).

Le rapporteur est lui aussi favorable à ce « numerus clausus régionalisé », tout en rappelant, avec la Conférence des doyens des facultés de médecine, qu’« il faut avoir conscience que les mesures qui visent à optimiser l’accès aux études de santé, notamment la modification du numerus clausus, n’auront d’impact mesurable qu’après un temps de latence d’une dizaine d’années à condition que les nouvelles stratégies d’organisation (métiers de santé, plateformes, télémédecine…) et les incitations à l’installation dans les zones défavorisées soient efficaces. Ainsi, une modification isolée du numerus clausus n’est pas capable à court terme de résoudre le difficile problème des déserts médicaux » ([234]).

Par ailleurs, au vu des erreurs passées sur l’anticipation des besoins de santé si longtemps à l’avance, il faudra utiliser cet outil avec une certaine prudence car qui sait ce que sera l’exercice de la médecine dans vingt ans ? Comme l’a fait remarquer, lors de son audition, la ministre des Solidarités et de la Santé, Mme Agnès Buzyn, « nous devons anticiper ce que sera la médecine de demain. Nous savons en effet que des professions vont considérablement se transformer, notamment celles qui disposeront d’algorithmes décisionnels bien plus performants que le médecin lui-même. [Nous devons donc] avoir la certitude que [les étudiants en médecine formés au cours des prochaines années] ne seront pas au chômage dans trente ans » et « éviter l’erreur inverse de celle qui a été commise il y a trente ans, lorsqu’il a été décidé de former moins de 4 000 médecins par an ».

Proposition n° 23 : substituer au numerus clausus un « numerus apertus régionalisé », c’est-à-dire un nombre minimal de places en études médicales qui serait défini à l’échelle nationale et qui pourrait être augmenté par région, en fonction des besoins et des possibilités territoriales de formation, à la libre appréciation de la subdivision universitaire.

C’est donc avec un certain différé que pourront être perçus les effets bénéfiques d’une « régionalisation » du numerus clausus, tout comme ceux du développement massif des stages en dehors des CHU que la commission appelle de ses vœux.

E.   En finir avec l’hospitalo-centrisme en dÉveloppant massivement Les stages ambulatoires aux diffÉrents stades des Études de mÉdecine

Tout au long des travaux de la commission, la nécessité d’en finir avec l’« hospitalo-centrisme » qui caractérise les études médicales dans leur configuration actuelle a recueilli l’assentiment unanime des personnes entendues, à commencer par celui de M. Samuel Valero, vice-président de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF), qui a appelé à une « modification en profondeur de la formation initiale, très hospitalo-centrée, très hospitalouniversitaire, et manquant d’ouverture sur les autres formes d’exercice de la médecine ». Ce dernier a dressé un constat accablant de l’« hospitalocentrisme [qui] régit toutes les étapes des études [médicales]. Certains étudiants peuvent, en effet, réaliser la totalité de leur cursus – de neuf à douze années – sans jamais connaître l’exercice libéral, malgré l’obligation légale, depuis 2009, d’y effectuer des stages de médecine générale – une obligation non suivie par l’ensemble des unités de formation et de recherche (UFR) », étant précisé qu’« actuellement, aucun stage de médecine générale ne se fait en médecine libérale – excepté à Bordeaux […]. Ils ne sont effectués qu’en centre hospitalier universitaire [CHU] ».

Et les étudiants en médecine sont d’autant moins incités à découvrir l’exercice libéral, notamment de la médecine générale, que, d’après le même Samuel Valero, leurs enseignants leur « expliquent, tout au long desdites études, que la seule expérience qui vaille est hospitalo-universitaire et que la médecine générale n’est pas vraiment une spécialité ».

Il faut mettre un terme à cette dévalorisation de l’exercice libéral en général, et de celui de la médecine générale en particulier. Le CNOM en a conscience, lui qui, dans la contribution qu’il a fournie à la commission, soutient que les stages des études de médecine doivent être « plus longs » et « se passer sur des territoires […] éloignés de l’université ».

À cet égard, les étudiants en médecine sont demandeurs, comme en témoigne la contribution remise par l’ANEMF à la commission, où il est expliqué qu’« il est maintenant nécessaire d’ouvrir la faculté sur le territoire et de faire découvrir l’ensemble de l’exercice médical aux étudiants tout en conservant la haute qualité pédagogique de nos études ».

L’avènement du « CHU hors les murs » (1) implique toutefois que les médecins libéraux maîtres de stage soient plus nombreux, mieux rémunérés et mieux intégrés au sein des équipes d’enseignement des facultés (2) et que l’accompagnement logistique et financier des stagiaires soit amélioré (3).

1.   Le « CHU hors les murs »

Les études de médecine se déroulent aujourd’hui pour l’essentiel en milieu hospitalier, y compris pour la formation des spécialistes en médecine générale.

Mais, alors même que ce stage revêt un caractère impératif, plus d’un quart des étudiants en médecine y échappent. En 2015-2016, on ne comptait guère que deux régions dans lesquelles l’obligation était satisfaite par la totalité des externes en médecine : le Grand Est et la Bretagne.

À cet égard, « atteindre les 100 % de stages de médecine générale dans toutes les UFR » constitue l’une des recommandations soumises par l’ANEMF à la commission.

C’est aussi l’une des préconisations formulées l’an dernier par les sénateurs Jean-Noël Cardoux et Yves Daudigny, qui ont estimé que le stage de médecine générale de ville au cours de l’externat devait être généralisé et que sa durée (de trois mois aujourd’hui) devait être allongée afin de permettre aux étudiants de découvrir plusieurs lieux de stage ([235]). Dans le même sens, le Conseil national de l’Ordre des chirurgiens-dentistes (CNOCD) a suggéré, dans la contribution écrite qu’il a remise à la commission, d’augmenter la durée du stage de 6e année, estimant que « 250 heures s’avèrent insuffisantes pour permettre aux étudiants de découvrir une zone sous dotée et d’avoir envie de s’y installer ».

Pourcentage dÉtudiants, par rÉgion,

ayant effectuÉ le stage de mÉdecine gÉnÉrale de 2ème cycle (2015-2016)

 

Grand Est

100 %

Bretagne

100 %

Bourgogne Franche-Comté

93 %

Pays-de-la-Loire

89 %

Centre Val de Loire

84 %

Nouvelle-Aquitaine

84 %

Auvergne Rhône-Alpes

81 %

Hauts-de-France

71 %

Occitanie

65 %

Provence-Alpes-Côte dAzur

63 %

Normandie

50 %

Ile-de-France

42 %

TOTAL

71 %

Source : DGOS

Comme l’a rappelé l’Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG), dans ses récentes Propositions sur l’accessibilité des terrains de stages ruraux, « la modification de la maquette de médecine générale en 2010 a permis d’intégrer [outre le SASPAS] des stages ambulatoires validant des stages de santé de la femme et / ou santé de l’enfant » ([236]).

Ces stages ambulatoires ou le SASPAS peuvent s’accomplir au sein :

– des maisons et pôles de santé universitaires ([237]) ;

– de structures privées, « par exemple dans des cabinets de gynécologie ou de pédiatrie ambulatoire, pour le stage de santé de la femme ou de santé de l’enfant […], ou encore chez d’autres spécialistes de ville, un dermatologue ou encore un psychiatre de ville » ([238]) ;

– de structures professionnelles de permanence des soins, d’aide médicale d’urgence ou de régulation médicale, afin de former les internes aux gardes ambulatoires et leur permettre d’aborder ce versant de la profession sans appréhension ;

– de structures professionnelles de prévention, d’aide sociale ou humanitaire en France et à l’étranger.

Cependant, le président de l’ISNAR-IMG, M. Maxence Pithon, a fait remarquer lors de son audition que, malgré ces stages – dont il faut rappeler qu’ils sont facultatifs –, « à aucun moment de [leurs] études, [les étudiants en médecine générale ne sont] formés à la gestion d’un cabinet. Et si des cours sur ce sujet sont prévus, ils ne représentent que quelques heures sur les trois ans d’internat de médecine générale »… ce qui conduit l’ISNAR-IMG à conclure qu’« il est difficile de demander à un étudiant de se tourner spontanément vers une spécialité et un mode d’exercice qu’il n’a jamais rencontré au cours de ses études » ([239]).

C’est d’ailleurs ce qui a amené les sénateurs Jean-Noël Cardoux et Yves Daudigny à suggérer l’an dernier d’« introduire dans la formation initiale une préparation concrète aux différents modes d’exercice de la médecine de ville (gestion administrative et financière du cabinet, animation d’équipe, relations avec les interlocuteurs) », car « cela permettrait de lever certaines réticences que suscite l’installation en libéral (charges de gestion, fiscalité...), mais aussi d’outiller des futurs praticiens à la conduite de projet que constitue par exemple un engagement dans la création d’une maison de santé pluriprofessionnelle » ([240]).

L’article R. 632-27 du code de l’éducation prévoit en effet qu’au stade de l’internat, « la formation en stage est accomplie en milieu hospitalier ou extrahospitalier, dans des lieux de stages agréés […] au sein de structures ou auprès de praticiens liés par convention avec un CHU », et qu’ainsi, « les stages peuvent être accomplis :

1° Dans des CHU ;

2° Dans d’autres établissements de santé, publics ou privés, ou des hôpitaux des armées ;

3° Auprès de praticiens agréés-maîtres de stage des universités exerçant en centre de santé, en cabinet libéral, en maison de santé ou au sein d’un centre médical du service de santé des armées ;

4° Au sein, notamment, d’organismes extrahospitaliers, de laboratoires de recherche, de structures de soins alternatives à l’hospitalisation, de centres de protection maternelle et infantile, d’associations, d’administrations, d’établissements publics, d’entreprises » ([242]).

Il faut saluer cette avancée, car, comme l’a dit, lors de son audition, un représentant de l’Académie nationale de médecine, le professeur Patrice Queneau, « il est capital que les internes soient ainsi mis en situation : c’est utile pour leur formation, et cela leur permet de découvrir un mode d’exercice qui pourra les intéresser ».

Cependant, cet enthousiasme doit être nuancé car la récente réforme du troisième cycle n’est pas sans susciter de légitimes inquiétudes que le rapporteur a pu percevoir lors de son entretien avec le président du CNOM, M. Patrick Bouet. Ce dernier voit dans cette réforme l’« annonce d’une catastrophe majeure » car il craint qu’à force de multiplier les formations spécialisées transversales (FST) et les options au sein des spécialités, on n’allonge encore davantage les études médicales pour créer un vivier abondant de praticiens « surspécialisés », en aggravant dans le même temps la pénurie de spécialistes cliniciens.

Par ailleurs, du point de vue du rapporteur, cette réforme ne va pas encore assez loin dans le développement des stages en dehors des murs des CHU, notamment pour les spécialités autres que la médecine générale. Les deux tiers au moins des quelque 36 mois de stages que comporte aujourd’hui l’internat de médecine générale et la moitié au moins des quelque 48 à 72 mois de stages que compte l’internat dans les autres spécialités médicales devraient s’effectuer en dehors des murs du CHU.

Comme l’a recommandé, lors de son audition, le vice-président de l’Association des maires ruraux de France (AMRF), M. Dominique Dhumeaux, c’est avant qu’ils ne soient amenés à choisir une spécialité et un poste d’interne – et donc avant les ECNi – qu’il faut convaincre les étudiants en médecine de l’intérêt d’exercer – en particulier à titre libéral – dans les zones sous-dotées. C’est donc en sixième année, voire encore plus tôt au cours du deuxième cycle, qu’il faut « ouvrir aux externes les stades de médecine ambulatoire spécialisée (ex : gynécologie, pédiatrie, ophtalmologie) », comme l’a récemment suggéré le CESE ([243]).

Dans la contribution écrite qu’elle a remise à la commission, la Confédération des syndicats médicaux de France (CSMF) a elle aussi préconisé l’organisation, dès le deuxième cycle, de stages obligatoires en cabinets de médecine générale et spécialisée, son président, M. Jean-Paul Ortiz, ajoutant qu’« il est anormal que la délivrance d’un diplôme à exercer une profession ne prépare pas au véritable exercice professionnel qui sera celui de la plupart, la médecine de ville libérale ».

Cette préconisation a également été formulée par le professeur Patrice Queneau pour qui « tous les étudiants de deuxième cycle, même ceux qui savent qu’ils veulent devenir cardiologues ou neurochirurgiens, doivent connaître la médecine générale ou la médecine libérale des praticiens en gynécologie ou autres disciplines sous-dotées. Ce passage par la médecine extrahospitalière en deuxième cycle permet de comprendre et de vivre ce type de médecine ».

Il semblerait que les organisations d’étudiants en médecine soient désireuses d’aller plus loin encore dans cette voie, puisque, dans la contribution qu’elle a fournie à la commission, l’ANEMF propose de « faire découvrir l’exercice libéral dès le premier cycle ». Selon cette association, « dès le premier cycle, lors de l’apprentissage de la sémiologie, il convient de faire participer des médecins libéraux à la formation pratique comme théorique des étudiants en médecine afin de leur faire découvrir la pratique et de déconstruire les préjugés qui entourent la médecine libérale ».

Le CNOM n’y est pas opposé puisque, lors de son audition, le président de sa section « exercice professionnel », M. François Simon, a expliqué que « les stages de découverte en premier cycle doivent débuter très tôt et [que] les stages du second cycle doivent être professionnalisants et permettre de découvrir le travail en équipes et toutes les formes d’exercice ».

Dans la contribution écrite qu’elle a transmise à la commission, l’Association nationale des centres hospitaliers locaux et des hôpitaux de proximité (ANCHL) a proposé que « les doyens intègrent les centres hospitaliers locaux (CHL) dans leur schéma de formation ».

Au-delà des hôpitaux, les centres de santé pourraient être des terrains de stage. Or, d’après le témoignage de Mme Céline Legendre, secrétaire générale de la Fédération nationale des centres de santé (FNCS), « dans certains départements, les centres de santé ne sont pas reconnus comme maîtres de stage, alors que c’est le cas dans d’autres départements comme en Île-de-France ».

Lors de son audition, la présidente de la Société française de médecine d’urgence (SFMU), Mme Agnès Ricard-Hibon, a jugé pour sa part que placer des étudiants en médecine – et notamment des internes en médecine générale – dans des « maisons médicales de garde et dans la régulation médicale serait une bonne idée car, effectivement, un certain nombre de praticiens généralistes ne connaissent pas cette activité et, lorsqu’ils la découvrent, y adhèrent pleinement ».

Or, bien qu’amorcée par la réforme du troisième cycle des études médicales mise en œuvre depuis l’automne 2017, cette ouverture semble encore bien difficile pour les internes.

Lors de son audition, Mme Françoise Durandière, conseiller médical de la Fédération des établissements hospitaliers et d’assistance privés à but non lucratif (FEHAP) a ainsi fait observer qu’« il est compliqué pour [ces] établissements, qui sont pourtant très demandeurs, d’accueillir des internes comme stagiaires. D’une part, nous peinons à les faire reconnaître comme terrain de stage, ce qu’ils sont pourtant ; d’autre part, les stagiaires ne [leur] sont attribués qu’en nombre très limité parce que les doyens de facultés tiennent d’abord à doter en internes les services publics, et n’affectent les étudiants aux établissements privés, lucratifs ou non lucratifs, que dans un second temps ».

Ce point de vue est totalement partagé par M. Michel Ballereau, délégué général de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP), qui a expliqué devant la commission qu’« on peut avoir le sentiment que les internes ne sont affectés à l’hôpital privé que lorsqu’il n’y a plus de place pour eux dans le public ».

Selon ce dernier, « une démarche volontariste s’impose » afin que les étudiants en médecine – qui, aux yeux du rapporteur, peuvent être aussi bien des internes que des externes – puissent « être affectés en stage dans des établissements de plus petite taille que les CHU et les CHR, où ils seront bien encadrés », et notamment dans les cliniques privées.

Comme l’a toutefois signalé M. Michel Ballereau, cela implique qu’« incidemment, les modalités de rémunération des internes dans le secteur privé, qui ne sont pas très favorables puisqu’ils ne peuvent facturer les consultations, méritent d’être revues ».

À cet égard, l’initiative prise par le conseil régional Centre-Val de Loire et citée en exemple par le CNOM dans un rapport publié en 2016, pourrait servir d’inspiration.

Les stages dans les structures privées en région Centre-Val de Loire

Dans cette région, à l’initiative du conseil régional, des stages de deuxième cycle sont organisés afin de permettre aux étudiants de découvrir, pendant deux à six semaines, l’exercice de proximité.

Pour ce qui est du troisième cycle, les internes de médecine générale sont accueillis pour leur stage universitaire par les maîtres de stage de la région. Pour les autres spécialités, des accords ont permis aux internes d’accéder aux stages chez des praticiens en pédiatrie, ophtalmologie et psychiatrie et dans des établissements de soins privés (urologie à Tours, ORL à Bourges). En rhumatologie, l’ARS a validé une expérimentation dans le Cher.

Les médecins libéraux ont fait preuve d’un grand dynamisme pour accueillir les internes de troisième cycle (notamment ceux spécialisés en rhumatologie). Les médecins hospitalo-universitaires du CHU de Tours ont pu ainsi ouvrir une formation complémentaire à leurs internes, formation en grande partie non accessible au CHU. Ils peuvent ainsi réaliser des actes techniques qui ne leur sont pas accessibles en CHU.

Le conseil régional de l’Ordre des médecins (CROM) de la région Centre-Val de Loire met par ailleurs en avant des coopérations ville-hôpital dont le but est de décloisonner les modes d’exercice et de diversifier les activités des médecins. Une expérience a été conduite à Orléans où les médecins généralistes, dans la période hivernale, sont venus épauler les pédiatres aux urgences hospitalières.

Source : CNOM, Améliorer l’offre de soins : initiatives réussies dans les territoires, rapport de mission du Dr François Arnault, délégué général aux relations internes, décembre 2016.

Le président de la Conférence des doyens des facultés de médecine, M. Jean Sibilia, a pris pleinement conscience de ce que « dans les territoires, l’ouverture pour la formation et la recherche doit se faire dans des établissements privés », pour reprendre les propos qu’il a tenus en audition.

C’est aussi une revendication forte des étudiants en médecine, comme en atteste la contribution écrite fournie par l’ANEMF à la commission où il est proposé d’« encourager le développement de stage en ville hors du cadre hospitalier ». Cette association déplore notamment qu’« au deuxième cycle, l’étudiant en médecine obtien[ne] le statut d’“étudiant hospitalier” [qui] ancre, de facto, l’étudiant à l’hôpital. […] De nombreux CHU et UFR sont réticents à envoyer leurs étudiants en dehors de leurs murs. Main-d’œuvre bon marché, corvéable et acquise : les étudiants n’y sont de plus pas le mieux encadrés. Si les textes permettent des stages d’autres spécialités que la médecine générale dans le libéral, aucune mesure n’a pour l’instant été prise dans ce sens ! »

Il est grand temps de s’orienter dans cette voie qui est, par ailleurs, plébiscitée par les médecins en exercice. Convaincu qu’« il faut susciter les vocations d’emblée, lors des études médicales, et ne pas faire de l’hôpital la seule référence au cours de la formation de plus en plus longue des médecins », le secrétaire général de la Fédération SOS Médecins France, M. Serge Smadja, a expliqué, lors de son audition, qu’« il faut davantage de stages en milieu libéral, au moins à parité avec les stages hospitaliers » et qu’« il convient aussi de ne pas empêcher les structures de SOS Médecins d’être des terrains de stage pour les médecins car on rencontre souvent des médecins qui ont été bien formés à l’hôpital mais qui, faute d’expérience libérale de ville, ne se sentent pas bien armés pour participer à la permanence des soins et à la prise en charge des soins non programmés ».

Abondant en ce sens, le Syndicat des médecins libéraux (SML) a recommandé, dans la contribution écrite qu’il a fournie à la commission, « la mise en œuvre d’un compagnonnage des étudiants par les médecins libéraux, toutes spécialités confondues, dès la 3e année des études médicales », « avec des stages en milieu libéral, et éventuellement, un accompagnement pendant toutes leurs études ».

Une enquête publiée par la DREES en 2012 prouve qu’un certain nombre de médecins libéraux sont désireux de prendre leur part dans l’organisation de ces stages qui se révèlent souvent être un moyen, pour ceux d’entre eux qui sont en fin de carrière, de former un successeur. Ainsi, selon cette étude, si seulement « 19 % des médecins généralistes [interrogés] déclar[ai]ent avoir accueilli en stage des étudiants en médecine générale au cours des 12 derniers mois », « parmi les médecins n’ayant pas accueilli d’étudiants, un tiers se di[sai]t prêt à le faire » ([244]).

Plus récemment, des médecins exerçant en Aquitaine ont créé un site Internet « Adopte un interne », comme l’a signalé le président du Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGJIR), M. Yannick Schmitt, dans un entretien accordé au journal Le Figaro. Ce dernier y vante les mérites du stage en cabinet libéral qui, pour le médecin, est un moyen de « rompre son isolement, un rempart contre le burn-out et le plaisir de transmettre. Cela permet aussi de trouver plus facilement des remplaçants, car les jeunes s’installent et remplacent dans les endroits qu’ils connaissent. […] Les étudiants, eux, découvrent la médecine générale : ils ont appris à soigner un cancer mais ils ne savent pas traiter un rhume. Ils découvrent aussi tout le champ de la communication et des relations humaines, qui ne s’apprend pas dans les livres » ([245]).

Proposition n° 24 : développer massivement les stages en dehors des centres hospitaliers universitaires (CHU) :

 non seulement au stade du troisième cycle, où ces stages devraient représenter au moins les deux tiers des quelque 36 mois de stages que comporte l’internat de médecine générale (soit 24 mois de stages) et au moins la moitié des quelque 48 à 72 mois de stages que compte l’internat dans les autres spécialités médicales (soit 24 à 36 mois de stages) ;

 mais aussi dès le deuxième, voire le premier cycle des études de médecine ;

 non seulement dans des structures publiques autres que les CHU (centres hospitaliers locaux, centres de santé, etc.), mais aussi dans des structures hospitalières privées, à but lucratif ou non, et en dehors du cadre hospitalier, dans des cabinets libéraux où les médecins (généralistes ou spécialistes) exercent individuellement, en groupe ou en réseau : maisons de santé pluri-professionnelles, communautés professionnelles territoriales de santé, etc.).

La généralisation des stages en structures privées pourrait ainsi contribuer à la revalorisation de la spécialité de médecine générale. Ainsi que l’a indiqué le président de l’ISNAR-IMG, M. Maxence Pithon, lors de son audition, les stages ambulatoires sont « l’occasion de casser les préjugés des étudiants sur ces zones [déficitaires en offre de soins], de leur faire découvrir une patientèle, un mode d’exercice, une pratique, et de les aider à se projeter dans un avenir professionnel dans un territoire donné ».

Une enquête sur l’impact du stage en médecine générale sur le choix de la spécialité, publiée par le CNOM en 2016, le prouve ([246]). D’après cette enquête réalisée auprès de 2 732 externes et internes, 68 % des étudiants de deuxième cycle et 83 % des étudiants de troisième cycle ayant fait un tel stage déclarent qu’il leur « a donné envie de faire médecine générale » ([247]). « 58 % des répondants à l’enquête ont le désir de pratiquer la médecine générale en secteur libéral exclusif et 34 % dans une commune de moins de 2000 habitants ; qualifiée de commune rurale » ([248]).

On comprend, dans ces conditions, que la généralisation des stages en structures privées, et notamment en cabinets libéraux, à tous les stades des études médicales, soient aussi une attente forte des usagers. En ont attesté les propos tenus devant la commission par M. Michel Antony, président fondateur de la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité, pour qui « il faut augmenter le nombre de centres de formation où les étudiants effectuent leurs stages, notamment chez les généralistes les plus éloignés ou dans les petits centres, de manière à montrer que l’on peut vivre et exercer très bien, dans d’autres lieux que les CHU ».

Là encore, la France gagnerait à s’inspirer des modèles étrangers. En effet, le Japon et la Norvège ont, depuis longtemps, intégré dans le contenu des formations universitaires des cours tournés vers la pratique en zone sous-dense, de façon à permettre aux étudiants de se sentir correctement formés pour y exercer. Selon une étude qualitative citée par la DREES, dans une note transmise au rapporteur, « la réalisation de stages pré- et post-doctoraux en milieu rural et la formation à la pratique dans ce milieu sont efficaces pour inciter à envisager une carrière en région sous-dense ; en effet ils permettent aux étudiants de se représenter clairement les conditions d’exercice de la profession dans ces zones ».

Confronter les futurs médecins le plus possible – et le plus tôt possible dans leur cursus – à la diversité des pratiques médicales, et plus particulièrement à la pratique ambulatoire, en généralisant des stages en milieu libéral « est une attente forte pour ne plus enfermer la formation initiale à l’hôpital », selon le président du SML, M. Philippe Vermesch. Toutefois, comme ce dernier l’a précisé lors de son audition, cette mesure « doit être complétée par l’ouverture des facultés à des enseignants issus de la médecine libérale afin d’initier les étudiants à l’entreprise médicale ».


— 1 —

déroulé actuel des stages au cours des études de médecine

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1er cycle 2ème cycle (externat) 3ème cycle (internat)


— 1 —

2.   Des médecins libéraux-maîtres de stage plus nombreux, rémunérés convenablement et mieux intégrés au sein des équipes d’enseignement des facultés

Le développement massif des stages ambulatoires à tous les stades du cursus des études médicales ne sera possible que si les médecins libéraux appelés à devenir maîtres de stage universitaires sont plus nombreux. Or, l’attractivité de la maîtrise de stage passe par sa revalorisation financière et par une meilleure intégration des médecins libéraux au sein des Universités.

a.   L’augmentation du nombre de maîtres de stage

Jadis connus sous le nom d’« enseignants cliniciens ambulatoires » (ECA), les médecins qui proposent à un étudiant un enseignement dans le cadre de leurs pratiques, hors structure hospitalière, sont désormais baptisés « maîtres de stage des Universités » (MSU).

Jusqu’il y a peu, les « MSU » accueillaient exclusivement des étudiants au titre de la formation en médecine générale, qu’il s’agisse :

– des externes, dans le cadre du stage trimestriel (en principe obligatoire) de médecine générale ;

– des internes de médecine générale dans le cadre de leur stage semestriel obligatoire (stage ambulatoire dit « de niveau 1 ») qui se déroule en général en deuxième année d’internat et dans un ou plusieurs sites d’exercice, à raison de 9 demi-journées par semaine ;

– des internes de médecine générale dans le cadre de leur stage semestriel facultatif (stage ambulatoire dit « de niveau 2 » et connu sous l’acronyme « SASPAS ») qui ne concerne en général que la moitié à un tiers de chaque promotion et qui permet au stagiaire de consulter en l’absence du MSU, une à plusieurs demi-journée(s) par semaine, étant précisé qu’un temps doit obligatoirement être programmé le jour même ou dans les jours suivants, pour la supervision de tous les patients vus seuls par l’interne.

Compte tenu du profil des stagiaires comme des « MSU », c’est, jusqu’à présent, les départements de médecine générale (DMG) des Universités qui ont eu la charge du recrutement des MSU, selon des critères définis par une charte, ainsi que du contrôle de la régularité de leur formation pédagogique et de la qualité des stages proposés.

Il est donc revenu aux médecins généralistes libéraux d’adresser leur candidature aux fonctions de « MSU » au DMG de leur choix (curriculum vitae, lettre de motivation et pièces permettant d’apprécier l’aptitude et les critères de qualification). Une fois les MSU recrutés par les DMG des Universités et passés par une formation pédagogique pouvant s’avérer chronophage, ils sont agréés par l’ARS pour une durée d’un an renouvelable une fois, ou pour 5 ans. Ils doivent ensuite s’inscrire sur le site du diplôme d’études spécialisées (DES) – de médecine générale – et créer une fiche de présentation consultable par les externes et les internes.

D’après l’Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG), on dénombrait, au 1er janvier 2016, près de 8 850 MSU, dont 7 238 accueillaient des internes et 4 501 des externes ([249]).

D’autres sources, récemment citées par la presse, font état d’une légère augmentation du nombre de MSU au cours de l’année 2016 puisqu’au 1er janvier 2017, on dénombrait, semble-t-il, 9 135 MSU – soit une hausse de 6,8 % en un an « qui cache des déséquilibres régionaux [puisqu’] un interne de médecine générale de Toulouse effectue deux fois plus de stages chez le praticien qu’un interne de Dijon » ([250]).

L’ANEMF, dans la contribution écrite qu’elle a remise à la commission, déplore que le statut de MSU « peine à attirer et [que] l’offre de stage en médecine libérale ne se développe pas aussi vite que les besoins de formation », ce qui contribue à expliquer que « l’obligation légale de passage en médecine générale libérale lors du deuxième cycle des études médicales ne [soit] pas respectée partout faute de terrain de stage disponible ».

Il semblerait, d’après le président de l’ISNAR-IMG, M. Maxence Pithon, que, depuis l’automne 2017, le nombre de MSU ait crû de 500 ([251]), sous l’effet de la réforme du troisième cycle des études de médecine qui devrait diversifier le profil des stagiaires comme des MSU, puisqu’au stade de l’internat, les stages ambulatoires auprès de praticiens agréés MSU exerçant en centre de santé, en cabinet libéral ou en maison de santé sont désormais possibles dans les spécialités autres que la médecine générale.

Toutefois, selon l’ANEMF, « l’ouverture des stages pendant le troisième cycle nécessite une augmentation drastique du nombre de maîtres de stage tant en médecine générale [que] dans les autres spécialités médicales qui s’ouvrent progressivement à une formation en ville et dont l’accès dès l’externat doit être un droit pour les étudiants ».

D’après les estimations du président de la Fédération des médecins de France (FMF), M. Jean‑Paul Hamon, qui ont été récemment relayées dans la presse, « on a 9 000 maîtres de stage, mais il en faudrait 15 000 ! Car il est essentiel de faire connaître aux jeunes l’exercice libéral si on veut qu’ils s’installent » ([252]).

Dans cette optique, les sénateurs Jean-Noël Cardoux et Yves Daudigny ont suggéré l’an dernier qu’ « une campagne active de recrutement dans les zones sous-dotées pourrait être organisée par les ARS, en liaison avec les Universités et les conseils régionaux et départementaux de l’ordre » ([253]). Une telle campagne gagnerait à s’inspirer de la méthode retenue dans le département de l’Aveyron et dans la région Occitanie où, d’après la DGOS, « une collaboration efficace entre l’ARS et l’Université [a pu] permettre de développer la maîtrise de stage de manière significative : leurs efforts conjoints ont permis de recruter 915 MSU dans toute la région, dont 40 % exercent dans des territoires ruraux » ([254]).

Maîtrise de stage : l’exemple de l’Aveyron

Confronté à un risque élevé de désertification médicale, le département de l’Aveyron a lancé une grande « opération séduction » des internes en 2011. Une campagne intensive de recrutement de maîtres de stages des universités a été réalisée en partenariat avec la faculté de Toulouse, afin de multiplier les terrains de stages ambulatoires accueillant les internes. Ainsi, entre 2006 et 2016, le nombre de maîtres de stages est passé de 11 à 56. L’Aveyron accueille à ce jour 76 internes en stage.

Le conseil départemental a également mis en œuvre une aide financière à l’hébergement pour les internes en stage chez le praticien. Celle-ci augmente à partir du troisième stage effectué (en Midi-Pyrénées, les internes de médecine générale peuvent réaliser jusqu’à 4 semestres en ambulatoire). Depuis le début du programme, 170 internes ont bénéficié de cette aide.

L’Aveyron met aussi des logements à disposition des internes, ce qui facilite grandement la transition d’un stage à l’autre.

Un accompagnement personnalisé à l’installation est réalisé par un chargé de mission du conseil départemental spécialement dédié qui a pour mission de suivre les internes en fin de cursus et de les assister dans leur projet professionnel en les aidant dans leurs démarches – notamment pour trouver un lieu d’habitation. 25 jeunes médecins en bénéficient actuellement. Il prend notamment en compte le projet professionnel, le projet de vie, ou encore le rapprochement du conjoint, problématique souvent délaissée.

Les résultats sont là :

- 5 internes sont signataires d’un CESP ;

- pour la première fois, on constate plus d’arrivées de médecins généralistes que de départs.

Lors de son audition, le président ISNAR-IMG, M. Maxence Pithon, a indiqué qu’« il y a moins de dix ans, l’Aveyron était l’un des départements les moins bien dotés en généralistes ; aujourd’hui, le nombre d’inscriptions à l’Ordre des médecins est supérieur au nombre de départs à la retraite ».

Source : Propositions de l’ISNAR-IMG sur l’accessibilité des terrains de stages ruraux (janvier 2018)

En octobre 2017, le Gouvernement a fait de la création de 500 nouveaux lieux de stage en ville (dont 350 pour la spécialité de médecine générale et 150 pour les spécialités hors médecine générale) l’un des éléments de la priorité n° 1 de son « Plan pour l’égal accès aux soins dans les territoires » ([255]).

Pour louable qu’elle soit, cette augmentation du nombre de MSU paraît bien faible au regard du besoin de 6 000 MSU identifié par M. Jean‑Paul Hamon.

Pour satisfaire ce besoin, il faudrait simplifier et faciliter l’accès à la maîtrise de stage qui pourrait par exemple être reconnue comme l’un des éléments participant du maintien des compétences d’un médecin, et donc de sa formation continue ([256]), comme l’a suggéré la DGOS en réponse au questionnaire qui lui a été adressé. Il semble que des travaux sur la question soient en cours : le rapporteur souhaite qu’ils aboutissent vite.

Par ailleurs, comme l’a indiqué devant la commission le professeur Yves de Prost, représentant l’Académie nationale de médecine, le recrutement massif de MSU implique que les médecins libéraux « doivent aussi être motivés financièrement ».

b.   La revalorisation financière de la maîtrise de stage

En contrepartie de l’accueil et de la formation d’un stagiaire, un MSU perçoit :

– une rémunération directe à hauteur de 300 euros brut par mois par externe accueilli et de 600 euros brut par mois par interne accueilli (que ce soit dans le cadre d’un stage de niveau 1 ou 2, en médecine générale) – étant précisé que lorsqu’une maquette de stage comporte deux MSU ou plus, ces « honoraires pédagogiques » sont à partager entre les différents MSU ;

– une rémunération indirecte correspondant aux honoraires générés par les consultations assurées par les internes et supervisées par le MSU.

Lors de son audition, le directeur général de la CNAMTS, M. Nicolas Revel, a souligné que, depuis 2016, l’assurance maladie – dont ce n’est en principe pas la première mission, selon lui – apporte une aide financière permettant de majorer la rémunération versée aux MSU, ce qui la porte à 600 euros bruts mensuels pour un externe et 900 euros bruts mensuels pour un interne. Il a ajouté que la CNAMTS avait la volonté d’aller plus loin en la matière, les internes en stage ambulatoire occupant une fonction soignante au même titre que dans les hôpitaux.

Regrettant, avec le CESE, que « même augmenté de 50 % en zone sousdense comme annoncé par la ministre de la Santé, ce forfait parai[sse] peu incitatif au regard de la charge de travail et du temps nécessaire pour former un étudiant » ([257]), le rapporteur estime que cette annonce constitue la première étape d’un processus de revalorisation de la fonction de MSU qui doit être plus ambitieux et passer par une meilleure intégration des médecins libéraux au sein des facultés de médecine.

c.   L’accès des praticiens libéraux aux fonctions d’enseignement

L’ordonnance n° 58-1373 du 30 décembre 1958 relative à la création de centres hospitaliers et universitaires, à la réforme de l’enseignement médical et au développement de la recherche médicale a créé le statut des médecins hospitalo‑universitaires en fusionnant les deux hiérarchies qui existaient alors : l’une universitaire (docteurs, assistants, agrégés et professeurs) et l’autre hospitalière (externes, internes, chefs de clinique et chefs de service). Dès 1958, le personnel hospitalo-universitaire a été défini comme un personnel médical et scientifique exerçant à temps plein des fonctions universitaires et hospitalières.

En effet, l’ordonnance du 30 décembre 1958, codifiée aux articles L. 952‑21 et suivants du code de l’éducation, dispose que « les membres du personnel enseignant et hospitalier des centres hospitaliers et universitaires [qui] exercent conjointement les fonctions universitaire et hospitalière [et] sont nommés par les ministres chargés de l’Enseignement supérieur et de la Santé […] consacrent à leurs fonctions hospitalières, à l’enseignement et à la recherche la totalité de leur activité professionnelle, sous réserve des dérogations qui peuvent être prévues par leur statut » ([258]).

Ce statut est fixé par le décret n° 84-135 du 24 février 1984 portant statut des personnels enseignants et hospitaliers des centres hospitaliers et universitaires (CHU), dont l’article 1er précise que, dans les CHU, « les fonctions universitaires et hospitalières sont exercées conjointement par un personnel médical et scientifique qui comprend : 1° des agents titulaires groupés en quatre corps : a) le corps des professeurs des universités-praticiens hospitaliers [PU-PH] ; b) le corps des professeurs des universités-praticiens hospitaliers des disciplines pharmaceutiques ; c) le corps des maîtres de conférences des universités-praticiens hospitaliers [MCU-PH] ; d) le corps des maîtres de conférences des universités-praticiens hospitaliers des disciplines pharmaceutiques ; les praticiens hospitaliers-universitaires qui exercent leurs fonctions à titre temporaire [PHU] ; 3° des personnels non titulaires : a) chefs de clinique des universités-assistants des hôpitaux [CCA] ; b) assistants hospitaliers universitaires dans les disciplines biologiques, mixtes et pharmaceutiques » ([259]).

En application de l’article 3 du décret précité, les membres du personnel enseignant et hospitalier consacrent « la totalité de leur activité professionnelle » à leur triple mission de soins, d’enseignement et de recherche. Selon leurs appétences et leurs projets professionnels, ils ont cependant la possibilité de privilégier, tout au long de la carrière, l’une de ces trois missions.

Le statut fixé par le décret du 24 février 1984 leur permet également d’exercer une activité libérale, dans la limite de deux demi-journées par semaine, sous conditions de volume d’activité et de redevance reversée au CHU. D’après une récente communication de la Cour des comptes, « cette faculté est utilisée quasi exclusivement par les PU-PH, et de façon très limitée pour les MCUPH » ([260]).

Si les personnels enseignants et hospitaliers des CHU ont ainsi la possibilité de cumuler, dans une certaine mesure, leurs activités universitaires et hospitalières avec des activités libérales, tout en étant titulaires de la fonction publique, la réciproque est moins vraie pour les praticiens libéraux qui, s’ils souhaitent exercer des fonctions universitaires n’ont guère d’autre choix que de le faire en qualité de personnels non titulaires, sauf dans la spécialité de médecine générale.

En effet, après que la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale a érigé la médecine générale au rang de discipline universitaire sanctionnée par un diplôme d’études spécialisées (DES), faisant ainsi de cette discipline une spécialité comme les autres, les facultés de médecine se sont trouvées confrontées à une situation de sous-effectif des enseignants universitaires dans ce domaine. Considérant que le statut des personnels enseignants et hospitaliers résultant de l’ordonnance du 30 décembre 1958 et du décret du 24 février 1984 n’était « pas adapté à l’enseignement de la médecine générale dans la mesure où l’exercice de cette dernière ne se situe pas dans les hôpitaux, dont ce n’est pas la mission » ([261]), la loi n° 2008-112 du 8 février 2008 relative aux personnels enseignants de médecine générale a modifié le code de l’éducation afin de permettre à des médecins généralistes exerçant à titre libéral d’enseigner en faculté en qualité de personnels titulaires, avec, selon le cas, le statut de professeur ou de maître de conférences des Universités.

L’article L. 952-23-1 du code de l’éducation dispose en effet que « les membres du personnel enseignant titulaire et non titulaire de médecine générale exercent conjointement les fonctions d’enseignement, de recherche et de soins en médecine générale » et qu’« ils exercent leur activité de soins en médecine générale et ambulatoire ». Pris pour l’application de ce texte, un décret précise que « les membres du personnel enseignant de médecine générale comprennent : 1° des personnels titulaires répartis entre le corps des professeurs des universités de médecine générale et le corps des maîtres de conférences des universités de médecine générale ; 2° des personnels non titulaires constitués des chefs de clinique des universités de médecine générale. […] Les personnels enseignants de médecine générale assurent conjointement, d’une part, dans les unités de formation et de recherche de médecine ou dans les départements qui assurent les formations médicales, des fonctions d’enseignement de formation initiale et continue et des fonctions de recherche et, d’autre part, des fonctions de soins, exercées en médecine générale et ambulatoire » ([262]).

Ainsi, un praticien libéral spécialiste de médecine générale peut être recruté, par la voie de concours nationaux, en qualité de professeur ou de maître de conférences titulaire, à condition d’être titulaire du diplôme français d’État de docteur médecine (ou d’un diplôme équivalent) et :

– soit d’avoir exercé pendant au moins deux ans des fonctions de maître de conférences des universités de médecine générale, des fonctions de maître de conférences associé à mi-temps de médecine générale, ou des fonctions de professeur associé à mi-temps de médecine générale – pour le concours de professeur des Universités ([263]) ;

– soit, pour le concours de maître de conférences des Universités, d’avoir exercé pendant au moins deux ans des fonctions de chef de clinique des universités de médecine générale, des fonctions de chef de clinique associé des universités dans la discipline médecine générale, ou encore des fonctions de maître de conférences associé à mi-temps de médecine générale ([264]).

Le recrutement en qualité de chef de clinique des Universités de médecine générale s’effectue, lui, par contrat, pour une période de deux ans pouvant être portée à quatre ans au maximum par la voie de renouvellements.

D’après les indications de la DGOS, la filière universitaire de médecine générale comptait, en novembre 2017, 53 professeurs titulaires, 35 maîtres de conférences titulaires, 70 professeurs associés, 132 maîtres de conférences associés et 156 chefs de cliniques des Universités (ces derniers ayant vu leur nombre doubler depuis 2016 grâce à la création de 80 postes étalée sur deux ans). Cependant, du point de vue du CESE, « le pourcentage d’enseignants de médecine générale reste très faible dans chaque faculté au regard du nombre d’étudiants à former et comparativement au nombre d’universitaires des autres spécialités (1 pour 100 internes en médecine générale versus 1 pour 10 internes dans les autres spécialités) » ([265]).

Afin de renforcer l’accès des praticiens libéraux autres que les généralistes aux fonctions d’enseignement, une première voie consisterait à leur faciliter l’accès aux postes de CCA. C’est celle qu’avait choisie le Pacte territoire-santé n° 2 (2015-2017), dont l’engagement n° 6 visait à « augmenter le nombre de médecins libéraux enseignants, en doublant le nombre de postes de chefs de clinique des universités en médecine générale d’ici 2017 pour valoriser cette filière et en élargissant le statut de chef de clinique aux autres spécialistes libéraux ». Toutefois, ce dernier engagement ne semble pas être tenu par le Gouvernement puisque, d’après les réponses de la DGOS au questionnaire qui lui a été adressé, « il n’est pas envisagé aujourd’hui d’élargissement du statut de chef de clinique à d’autres spécialités que la médecine générale ».

Le rapporteur regrette que le Gouvernement n’ait, sur ce point, pas honoré l’engagement pris par ses prédécesseurs. Il estime qu’il faut aller beaucoup plus loin dans l’implication des praticiens libéraux spécialistes au sein des Universités qui ne doivent plus être la chasse gardée des praticiens hospitaliers des CHU.

Ce point de vue est partagé par nombre des personnes entendues par la commission. Dans la contribution écrite qu’elle lui a remise, la Fédération SOS Médecins France a souligné qu’« il faut davantage de médecins libéraux enseignants dans les facultés ».

Lors de son audition, le président de l’Intersyndicale nationale des internes (ISNI), M. Jean-Baptiste Bonnet, a expliqué que le déploiement à grande échelle des stages ambulatoires tout au long du cursus des études médicales « nécessiterait non seulement des MSU de médecine générale et dans les autres spécialités médicales pour le libéral, mais aussi de confier des fonctions de recherche et d’enseignement aux praticiens libéraux et aux médecins des centres hospitaliers (CH) périphériques – notamment pour venir parler de l’attractivité de leur métier ».

Dans sa contribution écrite, l’ISNI préconise en conséquence de « sortir des ordonnances de 1958 portant création des CHU », rejoignant le point de vue de la Confédération des syndicats médicaux de France (CSMF), dont le président, M. Jean-Paul Ortiz, a indiqué, lors de son audition, qu’elles « devraient être revues, voire remises en question ».

Au-delà de la proposition faite à la commission par l’ANEMF de « créer un département [qui gérerait] les maîtres de stage de l’ensemble des spécialités, qui aurait la charge de les recruter, de les accompagner, de gérer leurs formations de les encadrer, et cela qu’ils soient hospitaliers ou non, universitaires ou non », et qui « rassemblerait l’ensemble des forces pédagogiques des unités de formation et de recherche (UFR) », le rapporteur juge qu’il est nécessaire de confier des fonctions d’enseignement aux praticiens libéraux spécialistes, en les intégrant pleinement aux corps des enseignants. Pourquoi ne pas imaginer, aux côtés des « PU-PH » et des « MCUPH », des professeurs des universités-praticiens libéraux (« PU-PL ») et des maîtres de conférences des universités-praticiens libéraux (« MCU-PL »), sur le modèle de ce que la loi du 8 février 2008 précitée a prévu pour la filière de médecine générale ? D’après les indications fournies au rapporteur par la DGOS, une réforme qui étendrait à toutes les spécialités médicales le statut universitaire avec exercice libéral (et non hospitalier), aujourd’hui limité à la médecine générale, nécessiterait de modifier la partie législative du code de l’éducation.

Proposition n° 25 : intégrer pleinement les praticiens libéraux spécialistes (autres que de médecine générale) aux corps des enseignants des facultés de médecine, en créant un statut de professeur des universités-praticien libéral (« PU-PL ») et de maître de conférences des universités-praticien libéral (« MCU-PL »), sur le modèle de ce que la loi  2008-112 du 8 février 2008 a prévu pour la filière de médecine générale.

Outre qu’elle favoriserait l’ouverture sur des modes d’exercice alternatifs à la pratique hospitalière dont les facultés de médecine et les étudiants en médecine ont tant besoin, une telle réforme pourrait aussi contribuer à raviver l’attractivité des activités d’enseignement dont la Cour des comptes a constaté, il y a quelques mois, qu’elle était en berne. Selon les magistrats de la rue Cambon, alors qu’il a été « pensé et conçu pour attirer et fidéliser les médecins à l’hôpital, le statut de 1958 ne permet d’atteindre cet objectif qu’imparfaitement, et de nombreux signes de désaffection ou de désintérêt pour la carrière hospitalo-universitaire ont pu être détectés » ([266]). Ainsi, « les établissements sont davantage confrontés à l’allongement des délais de recrutement, voire à des vacances de postes » ([267]). « Les candidats aux fonctions hospitalo-universitaires perçoivent une dégradation des conditions d’exercice dans les CHU, tenant aux difficultés hospitalières, aux tensions financières et sociales, à l’accès plus difficile aux équipements de pointe, aux postes vacants, à la lourdeur de la gestion, au poids croissant des tâches administratives dans un contexte de financement à l’activité et d’exigences accrues de performance. […] Les rémunérations sont érodées par les faibles valorisations et peuvent s’avérer peu attractives au regard de celles du secteur privé, en particulier dans certaines disciplines (chirurgie surtout orthopédique et urologique, radiologie, anesthésieréanimation, etc.), tandis que le statut est défavorable en ce qui concerne la retraite » ([268]).

Ouvrir les carrières universitaires au secteur privé permettrait donc de les revaloriser, tout en offrant des perspectives aux praticiens libéraux spécialistes qui souhaiteraient s’investir dans l’enseignement au-delà de la maîtrise de stages ambulatoires dont, au demeurant, l’accompagnement gagnerait à être amélioré.

3.   Un meilleur accompagnement des stages

« Quand [les étudiants en médecine] se déplacent pour effectuer leur stage, ils sont mal accueillis : manque de logements, pas d’indemnités de déplacement pour des stages pourtant obligatoires. Cela fait qu’ils n’ont pas envie d’y retourner ». Tel est le constat sans appel dressé lors de son audition par le vice-président de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF), M. Samuel Valero.

Pourtant, une instruction de la direction générale de l’offre de soins du 17 mars 2011 prévoit que « le cahier des charges des maisons de santé en zones isolées et bénéficiant de financements pluri-partenariaux peut intégrer l’organisation matérielle du logement des étudiants ». Et un arrêté du 4 mars 2014 a fixé à 130 euros brut par mois le montant de l’indemnité forfaitaire de transport pour les internes qui accomplissent un stage ambulatoire à plus de 15 km du CHU et du domicile.

De nombreux témoignages recueillis en audition montrent que cela ne suffit pas et que, pour reprendre la formule du président de la CSMF, M. Jean‑Paul Ortiz, « il faut repenser l’accompagnement des stages, y compris sur le plan financier, pour le déplacement et l’hébergement, surtout en zone sousdense, et aussi indemniser les surcoûts que subiront les étudiants pour effectuer ces stages ».

Le Gouvernement s’est engagé en ce sens, comme l’illustre le Plan d’égal accès aux soins qui, présenté par la ministre des Solidarités et de la Santé, Mme Agnès Buzyn en octobre 2017, ambitionne de « favoriser les stages ambulatoires des professionnels de santé en formation », « en développant les aides et en améliorant leurs conditions d’hébergement et de transport », ce qui devrait passer par un travail de coordination de leur accueil « avec les collectivités territoriales, les facultés et les agences régionales de santé » et « si ce n’est pas le cas, une aide aux transports ou à l’hébergement de 200 euros », à compter de novembre 2018 ([269]).

Bien avant ces annonces, les collectivités territoriales avaient déjà entrepris d’améliorer l’accueil et l’accompagnement des stagiaires en médecine, comme le montre un rapport publié par le CNOM en décembre 2016 qui recense un certain nombre d’initiatives réussies, que ce soit :

– dans les Alpes de Haute-Provence, où le conseil de l’Ordre des médecins a, avec d’autres partenaires, créé une aide à l’installation pour les stagiaires (internes et externes) ;

– dans la Manche, où le conseil départemental propose, avec l’aide des collectivités et de l’ARS, des indemnités de déplacement pour les internes ainsi qu’une aide au logement si le stage est supérieur à quinze jours consécutifs ;

– en Bretagne, où le conseil régional de l’Ordre des médecins a conclu, en partenariat avec le département du Finistère et 42 pôles ou maisons de santé, une convention visant à favoriser et simplifier l’installation des médecins généralistes libéraux dans la région, en promouvant les stages en médecine générale libérale, notamment dans les zones rurales déficitaires en offre de soins, ce qui passe par la prise en charge des frais de déplacement des externes pour les stages effectués à plus de quinze kilomètres du lieu de formation et par un accompagnement auquel est dédié un attaché territorial de médecine générale rattaché à la faculté de médecine de Rennes ([270]).

Au-delà de ces initiatives locales, le rapporteur souhaite mettre en exergue une proposition qui a été formulée par plusieurs organisations d’étudiants en médecine et déjà expérimentée avec succès dans certains territoires : la création d’externats et d’internats ruraux.

Proposition n° 26 : généraliser les externats et internats ruraux.

Partant du constat que les stages ambulatoires en zones sous-denses « sont mal vécus par l’interne qui est loin de ses attaches [et qui] n’aura donc pas envie, ensuite, d’aller y exercer », le président de l’ISNAR-IMG, M. Maxence Pithon, a, lors de son audition, vanté les mérites de « l’internat rural, lieu de vie partagé par des étudiants en santé dans un même territoire, […] qui fonctionne bien [et] permet de rompre l’isolement social, de commencer à développer un réseau professionnel et de s’ancrer dans un territoire ».

Il y a quelques mois, l’ISNAR-IMG, qui a, au demeurant, élaboré un « kit du bon accueil » des stagiaires en médecine, avait déjà préconisé de « privilégier les lieux de vie partagés avec d’autres internes, un conjoint, d’autres étudiants en stage, des remplaçants, avec la possibilité d’inviter des personnes extérieures : les internats ruraux » ([271]).

Les recommandations formulées par l’Intersyndicale nationale des internes (ISNI), dans la contribution écrite qu’elle a fournie à la commission, vont dans le même sens : « il faut que le stage soit un excellent moment pour l’interne. Un maillage territorial de maisons de santé universitaires adossées à un internat rural doit être créé ».

L’ANEMF, dans sa contribution, a fait savoir à la commission qu’elle aussi « milite pour la création d’internats/externats ruraux ou semi-ruraux intergénérationnels et pluri-professionnels pour combattre l’isolement social et permettre l’envoi d’étudiants dans ces structures ».

Plusieurs territoires se sont déjà dotés d’internats ruraux, comme en atteste le tableau suivant.

Internats ruraux existants

Subdivision

Ville/département

Nombre d’internes logés

Financement (Conseil départemental, Conseil régional, ARS…)

TOURS

Chateauroux, Indre

6 (2 appartements F4 en colocation)

Établissement Blanche de Fontarce. Loyer mensuel de 150 €interne (charges, électrici et eau compris)

TOURS

Bourges, Cher

4 (1 appartement. F5 en colocation)

Conseil général. Loyer

mensuel 150 €interne

TOULOUSE

Tarbes

1 (logement en ville annexe à l'internat du CH)

Centre Hospitalier

MARSEILLE

Manosque, Luberon

2 internes

Centre Hospitalier

MARSEILLE

Apt, Vaucluse

4 internes

Centre Hospitalier

ROUEN

Le Havre

4 (1 appartement. F5 en colocation)

CODAH (Communau de l'aggloration Havraise)

LIMOGES

St Yrieix, Haute-Vienne (en projet)

 

Centre Hospitalier

ST ÉTIENNE

Roanne, Loire

4 (dont 2 de Lyon et 2 de St Étienne)

Centre Hospitalier pour mise à disposition maison. Frais de

rénovation par élus du Pays Roannais, prestation de

service par association des internes

LYON

cf Roanne

 

 

RENNES

Bréhan, Morbihan

6 (maison individuelle)

mairie

CAEN

projets en cours, Manche

 

 

Source : Propositions de l’ISNAR-IMG sur l’accessibilité des terrains de stages ruraux (janvier 2018)

Parmi ces différents internats ruraux, celui du Roannais pourrait servir d’inspiration dans la perspective d’une éventuelle généralisation de ce type de structures à l’ensemble du territoire.

L’exemple de la villa des internes du Roannais

En 2011 est née la villa des internes du Roannais, grâce à un partenariat entre l’association, les élus (le Pays Roannais, syndicat de territoire) et le centre hospitalier de Roanne. Les habitants ont également été impliqués, participant à meubler et aménager la villa. Elle accueille quatre internes de médecine générale, deux de la subdivision de Lyon et deux de Saint-Étienne.

La villa a modifié le regard des internes sur ce territoire souffrant d’une mauvaise image de désert médical et a permis de le dynamiser. Des jeunes médecins s’installent au sein des maisons de santé pluri-professionnelles sur le territoire, qu’ils aient été ou non hébergés à la villa. Ils apprécient la présence de ce lieu de rencontre avec des internes, des médecins généralistes installés ou remplaçants.

L’association relaie les informations relatives à la formation des médecins et des internes, organise des temps conviviaux pour créer du lien entre les professionnels de santé, notamment en début de semestre. Ces temps sont ouverts à tous, résidents ou non à la villa.

Des rencontres avec les départements de médecine générale (DMG) des facultés locales ont contribué à faciliter le recrutement des MSU et d’en augmenter le nombre malgré les départs à la retraite.

Par ailleurs, la villa a permis de soutenir des internes en difficulté lors de leur cursus et de les réconcilier avec la pratique de la médecine générale.

Source : Propositions de l’ISNAR-IMG sur l’accessibilité des terrains de stages ruraux (janvier 2018)

Un consensus a émergé au sein de la commission autour des mesures favorisant un développement massif des stages en dehors des murs des CHU, susceptible de susciter chez les étudiants en médecine une diversification des aspirations en termes de spécialisations, de modes d’exercice et de zones d’installation, tout comme la réforme de la PACES et du numerus clausus sont propices à une diversification des profils de ces étudiants.

En revanche, le rapporteur regrette que pareil consensus n’ait pu se dégager s’agissant d’une mesure qui ne concerne pas à proprement parler la formation médicale initiale, mais plutôt l’issue de celle-ci et la phase d’installation des médecins fraîchement diplômés, à savoir le conventionnement sélectif.

F.   Étendre le dispositif de conventionnement sÉlectif aux mÉdecins

En réponse à la question de savoir ce qui, au cours des quinze dernières années, n’avait pas fonctionné dans notre pays pour qu’on en soit arrivé aujourd’hui à de telles inégalités d’accès aux soins sur le territoire, le directeur général de la CNAMTS, M. Nicolas Revel, a tout bonnement répondu qu’« on n’a pas fixé de règles du jeu prévoyant que les médecins fraîchement diplômés n’auraient pas le choix de leur lieu et de leur mode d’exercice pendant un certain nombre d’années ».

Pourtant, cela fait bientôt quatre ans que la Cour des comptes, au gré de ses rapports sur les lois de financement de la Sécurité sociale, recommande d’étendre aux médecins les dispositifs de conventionnement sélectif dont il a été montré qu’ils avaient fait leurs preuves pour les autres professionnels de santé.

En 2014, la Cour préconisait ainsi d’« étendre, dans les zones en surdensité, le conventionnement conditionnel à toutes les professions, y compris aux médecins, pour mieux équilibrer la répartition des professionnels sur le territoire » ([272]).

En 2017, les magistrats de la rue de Cambon ont réitéré leur recommandation, considérant que « la régulation des installations est une nécessité pour obtenir un rééquilibrage des effectifs libéraux en fonction des besoins de santé des populations sur le territoire » et qu’« elle peut être recherchée sans remettre en cause la liberté d’installation », en instituant un « conventionnement individuel généralisé à l’ensemble du territoire. Celui-ci serait subordonné à la prise en compte des besoins par zone au moyen de la fixation d’un nombre cible de postes conventionnés dans chacune d’entre elles […et] il pourrait concerner tous les professionnels en exercice ou entrants » – étant toutefois précisé que « cette dernière solution […] ne pourrait être mise en œuvre que progressivement, par exemple au rythme de la recertification des professionnels de santé sur la base de leurs compétences et de leur pratique » ([273]).

Un autre scénario envisagé par la Cour des comptes consisterait à « instaurer un conventionnement sélectif des médecins spécialistes », d’autoriser « dans les zones sur-dotées en spécialistes de secteur 2, uniquement des conventionnements en secteur 1 et [d’] imposer un plancher d’actes à tarifs opposables aux spécialistes déjà installés en secteur 2 », et enfin, « dans les zones sous-dotées, [de] rendre obligatoire l’adhésion des médecins s’installant en secteur 2 à l’option de pratique tarifaire maîtrisée » ([274]).

Ce dernier scénario se rapproche de celui envisagé par le Conseil économique, social et environnemental (CESE) dans un avis sur les déserts médicaux qu’il a rendu il y a quelques mois. Cette assemblée préconise elle aussi d’utiliser dès maintenant le levier du conventionnement sélectif, considérant qu’« en France, l’assurance-maladie vient solvabiliser la demande de soins et donc financer indirectement l’activité des professionnels de santé » et qu’« en contrepartie de ce financement public, il est cohérent que les citoyens et leurs représentants puissent contrôler (conformément à l’article 15 de la Déclaration de 1789) que cet argent soit efficacement utilisé pour protéger le droit à la santé (principe à valeur constitutionnelle depuis la décision n° 90-283 DC du 8 janvier 1991 du Conseil constitutionnel) » ([275]). En cohérence, « le CESE préconise de réguler l’installation des spécialistes en secteur 2 (plus précisément les spécialistes de deuxième recours ou des spécialités non cliniques) qui prendraient la décision de s’installer dans les zones sur-denses. […] Pour gagner encore en pertinence, le conventionnement en secteur 2 pour ces spécialistes pourrait être conditionné à la réalisation de consultations avancées en zones sous-denses » ([276]).

Ces propositions font écho à celle que la Fédération hospitalière de France (FHF) a soumise à la commission, par la voix de son président, M. Frédéric Valletoux, et qui consisterait à « conserver la liberté d’installation mais de ne plus autoriser l’installation en secteur 2 dans les zones surdotées, en refusant cette possibilité au énième spécialiste venant s’installer dans une ville déjà largement fournie ». Car, pour reprendre la formule de M. Frédéric Valletoux, « il ne revient pas à la solidarité nationale de financer des médecins qui choisissent de s’installer là où le besoin ne s’en fait pas sentir en termes de santé ou de santé publique ».

Lors des auditions menées par la commission, le vice-président de l’Association des maires ruraux de France (AMRF), M. Dominique Dhumeaux, et les représentants des usagers du système de santé se sont largement prononcés en faveur d’une extension d’un dispositif de conventionnement sélectif aux médecins. Le vice‑président de l’UFC-Que Choisir, M. Daniel Bideau, l’a même qualifiée de mesure urgente, estimant que « toute nouvelle installation dans une zone où l’offre est surabondante ne doit pouvoir se faire qu’en secteur 1, sans dépassement d’honoraires, ce qui permet une meilleure répartition géographique des médecins ».

Le rapporteur tient à rappeler que le CNOM, tout en réitérant fermement son opposition à tout dispositif de régulation de l’installation des médecins, a lui‑même convenu, dans le Livre Blanc « Pour l’avenir de la santé » qu’il a publié en janvier 2016, que « les incitations conventionnelles mises en place par l’assurance maladie obligatoire n’ont pas été suffisantes pour faire réellement bouger les lignes » ([277]).

Dix ans auparavant, dans un rapport intitulé « Comment corriger l’inégalité de l’offre de soins en médecine générale sur le territoire national ? » ([278]), l’Académie nationale de médecine avait pour sa part recommandé « l’application, comme ultime recours, de mesures contraignantes, avec l’obligation d’exercer dans des zones prioritaires pour les médecins qui y seraient affectés, pour une période de trois à cinq ans ».

En 2007, le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM), s’est prononcé à deux reprises sur la nécessité de garantir une répartition plus harmonieuse de l’offre médicale sur le territoire, le cas échéant par des « mesures de régulation plus directives » dont le rapporteur rappelle qu’elles sont mises en œuvre depuis bien longtemps chez certains de nos voisins, comme l’Espagne, l’Allemagne ou le Royaume-Uni.

La régulation de l’installation des médecins dans quelques pays étrangers

La DREES a fourni au rapporteur une note qui cite quelques exemples de mécanismes de régulation de l’installation des médecins mis en place à l’étranger.

En Espagne, l’installation d’un médecin est conditionnée par son affectation par la communauté autonome où il fait ses études : les communautés autonomes contrôlent et peuvent donc restreindre les installations.

Au Royaume-Uni, le National Health Service (NHS) régule l’offre de soins en contrôlant l’émission et le renouvellement des contrats. En effet, chaque médecin, pour exercer dans un endroit donné et être conventionné, doit être inscrit sur la liste tenue par l’autorité locale de santé (« Clinical Commissioning Group » - CCG). Cela n’est possible qu’après que le NHS ait donné son accord pour que le professionnel s’inscrive. Cette décision s’appuie sur les recommandations émises par les CCGs et les équipes locales du NHS, chargés d’évaluer la densité médicale de la zone concernée.

Dans les systèmes de santé assurantiels (Allemagne, Belgique, Pays-Bas), le principe de liberté d’installation a été limité dans une plus ou moins grande mesure selon les pays et les périodes, et le conventionnement a été utilisé comme outil de régulation de l’installation des médecins. Ainsi, l’Allemagne a instauré, dès les années 1990, un principe d’interdiction de toute installation supplémentaire de médecins dans une zone où le nombre de médecins par habitant dépasse 110 % d’un ratio cible (« Bedarfsplan »). Ce mécanisme permet ainsi de restreindre le conventionnement en fonction de la démographie médicale locale, en n’autorisant l’installation de nouveaux médecins que dans des zones où le nombre de médecins est inférieur au seuil fixé par un comité national.

Source : note fournie au rapporteur par la DREES

Comme exposé plus haut, le législateur n’a pas tergiversé lorsqu’il s’est agi d’adopter de telles mesures pour bon nombre de professions de santé, dont celle des biologistes médicaux qui, depuis 2010, fait l’objet d’une régulation de son installation. L’article L. 6222-2 du code de la santé publique prévoit en effet que le directeur général de l’ARS « peut s’opposer à l’ouverture d’un laboratoire de biologie médicale ou d’un site d’un laboratoire de biologie médicale, lorsqu’elle aurait pour effet de porter, [sur la zone infrarégionale définie par l’ARS] l’offre d’examens de biologie médicale à un niveau supérieur de 25 % à celui des besoins de la population tels qu’ils sont définis par le schéma régional de santé ».

Seule la profession de médecin continue d’échapper à toute régulation de son installation. Nombreux sont pourtant les élus qui alertent régulièrement les gouvernements successifs sur la nécessité de franchir ce pas. Outre les initiatives parlementaires évoquées dans le présent rapport, le rapporteur tient à souligner l’engagement d’un certain nombre d’élus locaux en la matière. Le vice-président de l’Association des maires ruraux de France (AMRF), M. Dominique Dhumeaux, s’en est fait l’écho lors de son audition, appelant à étendre rapidement aux médecins un dispositif de conventionnement sélectif.

Le rapporteur y est lui aussi favorable à titre personnel et regrette que l’idée d’étendre le conventionnement sélectif aux médecins n’ait pas suscité l’adhésion de la commission en son entier.

Proposition n° 27 du rapporteur : étendre aux médecins les dispositifs de conventionnement sélectif déjà appliqués depuis longtemps à d’autres professionnels de santé.

Le renforcement du CESP – qui tend à privilégier l’installation dans des zones sous dotées – trouverait un complément utile dans un dispositif qui viserait à dissuader l’installation dans des zones sur dotées et qui est au demeurant appliqué, depuis de nombreuses années déjà, aux autres professionnels de santé, non sans résultats.

Pour reprendre la formule du président fondateur de la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité, M. Michel Antony, « il faut en finir avec la liberté d’installation », car « tant qu’on ne la remettra pas en cause, on pourra proposer des mesurettes, des aides financières, mais les médecins ne viendront pas dans certaines zones ».


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   Liste des propositions de la commission d’enquête

Proposition n° 1 : inscrire au tableau de l’Ordre des médecins tout médecin titulaire d’un diplôme étranger qui exerce en France, en révisant la procédure d’autorisation d’exercice (PAE) de façon à dispenser de la période probatoire triennale les lauréats des épreuves anonymes de vérification des connaissances théoriques et pratiques qui sont candidats à la profession de médecin, à la condition qu’ils s’engagent à exercer à titre libéral.

 

Proposition n° 2 : exonérer de toute cotisation retraite, sans condition de plafond de revenu annuel, les médecins exerçant en situation de cumul emploi-retraite dans les zones en tension.

 

Proposition n° 3 : créer un statut de « médecin - assistant de territoire ».

 

Proposition n° 4 : substituer un régime déclaratif au régime d’autorisation, par les conseils départementaux de l’Ordre des médecins (CDOM), de l’exercice en qualité de médecin adjoint ou remplaçant.

 

Proposition n° 5 : créer un statut de « médecin volant » qui permettrait à des médecins « thésés » de venir ponctuellement épauler d’autres médecins, en particulier ceux installés en zones sous-denses, en qualité de travailleurs nonsalariés (TNS).

 

Proposition n° 6 du rapporteur : revaloriser le tarif de la consultation chez l’ensemble des médecins généralistes établis en zone sous-dense pour le porter de 25 à 35 euros.

 

Proposition n° 7 : permettre à tous les professionnels de santé d’avoir accès aux informations dont ils ont besoin au sein du dossier médical partagé, en recourant à des codes cryptés avec des modes dégradés permettant une différenciation des modalités de consultation par catégorie de professionnels.

 

Proposition n° 8 : recenser toutes les compétences dont disposent les sages-femmes, pharmaciens et auxiliaires médicaux et qui ne peuvent pas être exercées pour des raisons juridiques ou financières, pour leur permettre de participer davantage à la chaîne des soins, et adapter leur formation en conséquence.

Proposition n° 9 : permettre aux pharmaciens de vacciner, de renouveler certains traitements, de prescrire des substituts nicotiniques, de prendre certaines mesures utiles au suivi des traitements et de prendre en charge certaines pathologies bénignes.

Proposition n° 10 : étendre aux infirmiers, dans certains cas et sous certaines conditions, le droit de prescription, de vaccination, d’adaptation de certains traitements.

Proposition n° 11 : créer la pratique avancée pour d’autres professions que les infirmiers, notamment les kinésithérapeutes.

 

Proposition n° 12 : prévoir le maillage de tout le territoire par des Communautés Professionnelles Territoriales de Santé d’ici deux ans.

Proposition n° 13 : mettre à la disposition de chaque CPTS un animateur chargé de l’ingénierie initiale du projet et du fonctionnement de la structure.

 

Proposition n° 14 : mettre en place une plateforme unique départementale pour la régulation des soins non programmés (regroupant le 15, le 18 et le numéro de la permanence des soins), au sein de laquelle seraient intégrées des solutions de téléconsultation et de téléconseil médical personnalisé pour les situations non urgentes.

Proposition n° 15 : renforcer le rôle des professionnels de santé non médicaux dans la télémédecine en développant une nomenclature dédiée, en premier lieu pour les pharmaciens et les infirmiers.

 

Proposition n° 16 du rapporteur : supprimer les agences régionales de santé (ARS) et les remplacer par des directions départementales de la santé publique, placées sous l’autorité du préfet.

 

Proposition n° 17 : transformer les groupements hospitaliers de territoire en « groupements de santé de territoire » regroupant l’ensemble des acteurs publics et privés du système de santé, au sein d’une organisation commune, et en définissant une stratégie de santé à partir des territoires.

 

Proposition n° 18 : développer les consultations avancées en supprimant les obstacles juridiques et financiers relatifs à la réalisation de ces consultations avancées (simplifier l’exercice multi-sites, notamment pour les médecins exerçant au sein d’une société d'exercice libéral, supprimer les obstacles fiscaux, clarifier le cadre financier applicable aux consultations avancées entre établissements sanitaires).

 

Proposition n° 19 : modifier le statut des praticiens hospitaliers pour permettre à l’exercice mixte entre la ville et l’hôpital de rentrer dans le droit commun, et déployer cet exercice mixte dans les deux prochaines années sur tout le territoire.

 

Proposition n° 20 : afin de favoriser une adéquation optimale entre le nombre de postes d’interne et les besoins de santé des territoires, substituer au classement national de l’internat des épreuves classantes régionales (ECR) ouvertes aux étudiants dans la région où ils ont validé leur deuxième cycle ainsi que dans deux autres régions de leur choix.

 

Proposition n° 21 : favoriser un déploiement maximal du dispositif du contrat d’engagement de service public (CESP), notamment en revalorisant de 25 % (de 1 200 à 1 500 euros) l’allocation mensuelle versée à ses bénéficiaires, au moins à titre temporaire, pour surmonter le grave déficit en offre médicale annoncé pour les dix prochaines années.

 

Proposition n° 22 : réformer la première année commune des études de santé (PACES) en s’inspirant de l’un des dispositifs alternatifs en cours d’expérimentation (« Alter-PACES », « PluriPASS ») et en faisant en sorte que la sélection soit moins « mathématisée » et davantage « médicalisée ».

 

Proposition n° 23 : substituer au numerus clausus un « numerus apertus régionalisé », c’est-à-dire un nombre minimal de places en études médicales qui serait défini à l’échelle nationale et qui pourrait être augmenté par région, en fonction des besoins et des possibilités territoriales de formation, à la libre appréciation de la subdivision universitaire.

 

Proposition n° 24 : développer massivement les stages en dehors des centres hospitaliers universitaires (CHU) :

 non seulement au stade du troisième cycle, où ces stages devraient représenter au moins les deux tiers des quelque 36 mois de stages que comporte l’internat de médecine générale (soit 24 mois de stages) et au moins la moitié des quelque 48 à 72 mois de stages que compte l’internat dans les autres spécialités médicales (soit 24 à 36 mois de stages) ;

 mais aussi dès le deuxième, voire le premier cycle des études de médecine ;

 non seulement dans des structures publiques autres que les CHU (centres hospitaliers locaux, centres de santé, etc.), mais aussi dans des structures hospitalières privées, à but lucratif ou non, et en dehors du cadre hospitalier, dans des cabinets libéraux où les médecins (généralistes ou spécialistes) exercent individuellement, en groupe ou en réseau : maisons de santé pluri-professionnelles, communautés professionnelles territoriales de santé, etc.).

 

Proposition n° 25 : intégrer pleinement les praticiens libéraux spécialistes (autres que de médecine générale) aux corps des enseignants des facultés de médecine, en créant un statut de professeur des universités-praticien libéral (« PU-PL ») et de maître de conférences des universités-praticien libéral (« MCU-PL »), sur le modèle de ce que la loi  2008-112 du 8 février 2008 a prévu pour la filière de médecine générale.

 

Proposition n° 26 : généraliser les externats et internats ruraux.

 

Proposition n° 27 du rapporteur : étendre aux médecins les dispositifs de conventionnement sélectif déjà appliqués depuis longtemps à d’autres professionnels de santé.


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   Examen en commission

La commission d’enquêt a examiné le présent rapport au cours de sa réunion du jeudi 19 juillet 2018.

M. le président Alexandre Freschi. Nous allons examiner le rapport de la commission d’enquête sur l’égal accès aux soins des Français sur l’ensemble du territoire et sur l’efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain, créée par la conférence des présidents le 13 mars 2018 à la demande du groupe UDI, Agir et Indépendants. Depuis sa réunion constitutive du 29 mars 2018, la commission a organisé 31 auditions, au cours desquelles elle a entendu 121 personnes représentant l’ensemble des acteurs du système de santé – professions de santé, étudiants, usagers et patients, pouvoirs publics, élus locaux. Nous avons également entendu madame Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, le 26 juin dernier, audition au cours de laquelle nous avons échangé sur nos constats et certaines de nos propositions.

La procédure applicable aux commissions d’enquête nous interdit de diffuser le rapport avant sa publication. C’est pourquoi, mes chers collègues, vous n’avez pu le consulter ailleurs que dans une salle dédiée hier et avant-hier, et c’est pourquoi je vous demanderai de ne pas emporter les exemplaires de la version provisoire mis à votre disposition ce matin. Le rapport sera publié jeudi prochain.

Avant de laisser le rapporteur présenter les 25 propositions du rapport, je tiens à remercier l’ensemble des membres de la commission pour leur assiduité et la qualité de nos échanges.

Le travail de la commission visait à dépasser le seul constat, totalement partagé, d’une présence médicale insuffisante sur le territoire, avec une détérioration progressive de la situation depuis plusieurs décennies.

Ceux qui voudraient déposer une contribution écrite destinée à être publiée dans le rapport sont invités à le faire avant demain à dix-sept heures auprès du secrétariat de la commission des affaires sociales.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Je suis ravi de vous retrouver pour cette dernière réunion plénière. Je tiens à remercier les administrateurs, car les cent quatre-vingts et quelques pages que vous avez sous les yeux leur doivent beaucoup et sont très fidèles à la teneur de nos travaux. Je remercie également les députés qui se sont mobilisés autant qu’ils le pouvaient pendant une période somme toute assez courte. L’ensemble des documents, comptes rendus des auditions compris, compte plus de 750 pages ; nous avons, me semble-t-il, réalisé un travail sérieux.

J’ai tâché, dans le rapport, de me montrer le plus fidèle possible à nos échanges avec les différentes personnes auditionnées. Nous nous retrouvons tous sur le plus grand nombre de propositions et j’en aurai pour ma part deux ou trois complémentaires qui n’emportent pas nécessairement, je le sais, l’adhésion de tous.

On sait très bien qu’il n’y a pas de recette magique mais peuvent être menées des actions de court terme – donc immédiates –, mais aussi de moyen et long termes.

La ministre des solidarités et de la santé sera destinataire du rapport, comme je le lui avais promis, ce qui me semble être la moindre des choses.

Avant d’en venir aux propositions proprement dites, je souligne que ce rapport ne propose pas une révolution, il s’en faut ; mais nous nous sommes efforcés de tirer le meilleur parti des idées des députés et des propositions des personnes auditionnées.

La proposition n° 1 vise à inscrire au tableau de l’Ordre des médecins tout médecin titulaire d’un diplôme étranger qui exerce en France, en révisant la procédure d’autorisation d’exercice (PAE) et à dispenser de la période probatoire triennale les lauréats des épreuves anonymes de vérification des connaissances qui sont candidats à la profession de médecin, à la condition qu’ils s’engagent à exercer à titre libéral.

Vous avez bien compris que nous manquions de médecins et qu’on ne saurait les multiplier à partir de rien. On sait toutefois qu’il y a 12 000 médecins étrangers qui travaillent en France avec des diplômes étrangers, notamment ces fameux « mercenaires d’hôpitaux » – mais il y en a d’autres. Un grand nombre d’entre eux pourrait bénéficier de la PAE accélérée. C’est pourquoi nous proposons, largement encouragés par le Conseil national de l’Ordre des médecins et en particulier par son président, de supprimer la période probatoire triennale. Il s’agit donc de valider leurs connaissances et s’ils s’engagent à travailler dans le secteur libéral, nous pourrons ainsi récupérer immédiatement entre 1 500 à 2 500 médecins – et même peut-être davantage. Pour mémoire, en 1995, Édouard Balladur avait pris une mesure assez similaire. Il n'en demeure pas moins que, parmi ces médecins, il faut compter les médecins français qui vont se former à l’étranger, médecins qui, quand ils exercent ensuite en France, le font pourvus d’un diplôme étranger, et qui sont de plus en plus nombreux. Bref, une telle mesure permettrait de renforcer les effectifs de la médecine libérale.

Avec la proposition n° 2, il s’agit d’exonérer de toute cotisation de retraite, sans plafond de revenu annuel, les médecins exerçant en situation de cumul emploi-retraite dans les zones de tension. Ce sera évidemment une perte de recette pour la sécurité sociale, mais nous savons que tant qu’ils ne travaillent pas deux jours par semaine, cela n’est pas rentable, si j’ose dire ; il faut bien que nous trouvions un levier. Nous allons donc chercher des médecins titulaires d’un diplôme étranger, c’était la première proposition ; avec celle-ci, nous allons chercher des médecins retraités disposés à travailler deux ou trois jours avec une véritable incitation.

Le Conseil de l’Ordre tient beaucoup à la troisième proposition : la création d’un statut de médecin assistant de territoire. Entre l’issue de la formation d’un médecin – bac plus dix, au moins – et son installation, il y a une zone grise qui peut durer de quatre à sept ans. L’idée, déjà en vigueur pour les assistants des hôpitaux, est que le médecin s’engage pendant deux ans à travailler dans un territoire sous-dense moyennant une petite incitation financière – de 5 000 euros versés sur deux ans. Ce statut d’une durée de deux ans, reconductible pour une année supplémentaire, est protecteur – nombreux sont les médecins qui se demandent, une fois formés, ce qui va leur arriver s’ils ont un « pépin » – et assure une rémunération, financée par les structures hospitalières pour peu, je le répète, que ceux qui en bénéficient exercent dans une zone sous-dense. Grâce à ce statut, ces médecins, pendant ces fameuses années, peuvent ainsi rendre compatibles leur vie familiale et leur activité professionnelle.

Toujours pour tenir compte de l’avis du Conseil de l’Ordre, la quatrième proposition vise à substituer un régime déclaratif au régime d’autorisation de l’exercice en qualité de médecin adjoint ou remplaçant. En effet, si vous êtes médecin remplaçant, il vous faut écrire au conseil départemental de l’Ordre des médecins (CDOM) pour lui demander l’autorisation de faire un remplacement, par exemple du 15 au 30 juillet, et il vous faut attendre sa réponse. Nous proposons donc de passer à un régime déclaratif, gage d’efficacité et de souplesse.

J’en viens à la cinquième proposition. Il y a chaque année entre 10 000 et 11 000 médecins « thésés » – qui sont donc docteurs en médecine – ou « non-thésés », c’est-à-dire qui ont terminé leur formation mais qui n’ont pas passé leur thèse. Je rappelle que ces derniers ont trois ans pour la soutenir et que, désormais, ils peuvent la passer dans la dernière phase du troisième cycle – auparavant, on ne pouvait pas soutenir sa thèse avant la fin de l’internat. Un médecin remplaçant « thésé » ne peut pas travailler en même temps que le médecin qu’il remplace. Il s’agit ici de créer un statut de « médecin volant » qui permettrait à des médecins « thésés » de venir ponctuellement épauler d’autres médecins, en particulier ceux installés en zones sous-denses, en qualité de travailleurs non-salariés (TNS). Dans le système en vigueur, les honoraires perçus par le remplaçant sont versés sur le compte du médecin qu’il remplace et qui, ensuite, les lui rétrocède. Aussi, grâce au statut de TNS, désormais, il percevra une rémunération à l’acte et pourra exercer en même temps que le médecin généraliste qu’il vient remplacer – de plus, cette forme de parrainage nous paraît une bonne chose.

La sixième proposition porte sur le fameux dossier médical partagé. On nous annonce une mise en ligne au mois de septembre. Je regarde notre collègue Agnès Firmin Le Bodo, qui sait qu’on en est loin – je peux pour ma part en témoigner pour ma profession !

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Ce dispositif a été installé dans ma pharmacie. Or tout le monde n’a pas internet et n’a pas de téléphone portable, surtout les personnes âgées.

M. Philippe Vigier, rapporteur. L’idéal serait d’intégrer toutes les informations contenues dans un dossier médical dans la carte Vitale. L’évolution technologique en la matière est en tout cas maîtrisée : ce qu’on parvient à faire dans la police et la gendarmerie, il n’y a pas de raison qu’on ne puisse le faire dans le domaine de la santé. L’intérêt serait la traçabilité totale du patient, gage d’efficience des soins en ce qu’elle éviterait les redondances et en ce que le praticien X, Y ou Z aurait connaissance de ce qui s’est passé avec le patient une semaine, trois mois, six mois auparavant.

La proposition n° 7 vise à recenser l’ensemble des compétences dont disposent les professionnels de santé – sages-femmes, pharmaciens et auxiliaires médicaux – et qui ne peuvent être exercées pour des raisons juridiques. Nous avons demandé aux ordres, aux syndicats de nous en donner la liste exhaustive.

La proposition n° 8 découle de la précédente puisqu’il s’agit de permettre aux pharmaciens de vacciner, de renouveler certains traitements, de prescrire des substituts nicotiniques – alors que les infirmiers peuvent d’ores et déjà le faire –, de prendre certaines mesures utiles au suivi des traitements et de prendre en charge certaines pathologies bénignes.

La proposition n° 9 consiste à étendre aux infirmiers, dans certains cas et sous certaines conditions, le droit de prescription, de vaccination et d’adaptation de certains traitements.

Proposition n° 10 : créer la pratique avancée pour d’autres professions que les infirmiers. Si on veut promouvoir la pratique avancée, il faut pouvoir utiliser les compétences des kinésithérapeutes, des sages-femmes, des pharmaciens.

Ces dix premières mesures peuvent être prises immédiatement. Je les résume : mobiliser les remplaçants, les assistants et les médecins titulaires d’un diplôme étranger ; utiliser l’ensemble des compétences des professionnels de santé autres que les médecins avec la mise en réseau et avec les nomenclatures idoines ; enfin, simplifier les démarches administratives.

Les propositions n° 11 et n° 12 concernent les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Assurer le maillage du territoire est un avantage. La CPTS, chacun l’aura compris, est la mise en réseau public-privé. C’est un des fils conducteurs du rapport : cessons de cloisonner l’hôpital et la ville – l’hôpital a besoin de la ville et la ville de l’hôpital –, Agnès Buzyn déclarant elle-même qu’on ne pourra plus continuer d’avoir en la matière, comme sur une piste d’athlétisme, deux couloirs. Je garderai longtemps en mémoire l’audition de cette jeune femme médecin généraliste, très désireuse de constituer une CPTS mais dépourvue de moyens pour y parvenir. La création des CPTS doit donc être encouragée et une CPTS ne peut fonctionner qu’à condition d’être animée.

La proposition n° 13 reprend l’idée de créer un numéro d’appel unique regroupant le 15, le 18 et le numéro de permanence des soins. L’orientation du patient doit être beaucoup plus efficiente qu’à l’heure actuelle, puisqu’on a noté des dysfonctionnements ces dernières années. Il s’agirait donc de mettre en place une plateforme départementale unique pour la régulation des soins non programmés, au sein de laquelle seraient intégrées des solutions de téléconsultation et de téléconseil médical personnalisé pour les situations non urgentes. Le président de la commission et moi-même avons rencontré des représentants de cette société suédoise qui a conçu une application grâce à laquelle, à partir d’un téléphone portable, on peut réaliser une consultation – le seul défaut, nous ne l’avons pas mentionné ici, est que le reste à charge est pour le patient de 20 euros. En outre, pour en avoir discuté avec au moins trois présidents de conseil départemental, les collectivités seraient prêtes à financer en partie ce système de plateforme unique qui nécessite du matériel informatique, des locaux…

La proposition n° 14 vise à renforcer le rôle des professionnels de santé non médicaux dans la télémédecine en développant une nomenclature dédiée, en premier lieu pour les pharmaciens et les infirmiers. La nomenclature concernant la télémédecine n’est pas encore assez complète : il faut un meilleur recensement des actes et savoir qui finance quoi. Il conviendra en tout cas de se montrer souple dans la pratique pourvu qu’un médecin soit bien présent au terme du processus.

À travers la proposition n° 15, il s’agit de transformer les groupements hospitaliers de territoire (GHT) en groupements de santé de territoire (GST) regroupant l’ensemble des acteurs publics et privés du système de santé, au sein d’une direction collégiale commune, et définissant une stratégie de santé à partir des territoires. Il faut que nous soyons capables d’assurer un fonctionnement organisé de réseaux. Mardi dernier, Mme Buzyn nous a expliqué qu’il fallait que, dans la chaîne des soins, chacun fasse des efforts et soit coordonné.

Proposition n° 16 : développer les consultations avancées en supprimant les obstacles juridiques et financiers relatifs à la réalisation de ces consultations, notamment pour les médecins travaillant dans les sociétés d’exercice libéral (SEL), et en conditionnant le conventionnement des médecins de second recours souhaitant exercer en secteur 2 dans les zones sur-denses à la réalisation de consultations avancées.

Pour ce qui est de la proposition n° 17, vous savez que des praticiens hospitaliers professeurs des universités peuvent avoir un statut de médecin généraliste exerçant en ville, configuration qui ne vaut pas pour les spécialistes, ce que déplore le conseil de l’ordre. Il s’agit, pour un interne ou pour un praticien, de sortir des murs du centre hospitalier universitaire (CHU) ; il s’agit en effet d’accentuer la perméabilité entre la ville et l’hôpital. De la même manière que, dans les écoles supérieures de commerce, des professionnels sont également enseignants et chefs d’entreprise, un praticien hospitalier doit pouvoir donner des consultations avancées.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Le problème, c’est le temps plein.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Il faut prévoir un dispositif assez souple. Un praticien hospitalier à temps plein peut être enseignant à raison de quatre-vingt-cinq heures minimum.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Mais il est considéré comme un praticien hospitalier à mi-temps.

M. Philippe Vigier, rapporteur. J’imagine qu’on pourra imaginer un système suffisamment souple pour y remédier.

La proposition n° 18 concerne les internats régionaux. Nous proposons de substituer au classement national de l’internat des épreuves classantes régionales (ECR), avec la liberté de se présenter dans trois régions tout en conservant la souplesse antérieure qui permettait à des internes de changer de région. L’avantage de ce système, et notre collègue Mesnier partage cette idée, est que le nombre d’internes « colle » au nombre d’étudiants. Il ne sert en effet à rien d’ouvrir des postes d’internes dans des régions s’ils ne sont pas pourvus – et c’est toujours aux mêmes endroits qu’ils ne le sont pas. Il serait d’ailleurs intéressant de constater comment cela évolue.

M. le président Alexandre Freschi. Si vous le permettez, nous en rediscuterons ensuite…

M. Philippe Vigier, rapporteur. Je termine et nous aborderons ensuite les points qui ne vont pas.

La proposition n° 19 concerne le déploiement du contrat d’engagement de service public (CESP) qui permet de contourner l’internat national classant et d’aller où on veut. Il s’agit de revaloriser de 25 % l’allocation mensuelle versée à ses bénéficiaires.

Avec la proposition n° 20, il s’agit de réformer la première année commune des études de santé (PACES) en s’inspirant de l’un des dispositifs alternatifs en cours d’expérimentation comme « Alter-PACES » ou « Pluri-PACES » et qui semblent aller dans le bon sens.

La proposition n° 21 vise à substituer au numerus clausus un numerus apertus régionalisé. C’est bien beau, en effet, de vouloir ouvrir des postes d’internes, encore faut-il s’assurer de la capacité de formation correspondante. Il faut donc voir faculté par faculté ce qu’on peut faire et donc mieux tenir compte des besoins territoriaux. On sait parfaitement que tel médecin partira à tel âge et donc – et ne voyez aucun aspect polémique dans mon propos – on doit pouvoir anticiper sans attendre les données de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) qui nous ramènent à 2015.

Avec la proposition n° 22, nous souhaitons développer massivement les stages en dehors des CHU, qui devraient représenter au moins 24 mois sur les 36 mois de stages que comporte l’internat de médecine générale (IMG), ce qui est extraordinaire par rapport à la situation actuelle. Et pendant que ces internes sortent du CHU ils laissent autant de places libres. Si vous voulez qu’il y ait de plus en plus de généralistes alors que, pour l’heure, vous n’avez pris aucune mesure coercitive, il faut obliger les internes à réaliser les deux tiers de leurs stages en dehors du CHU, dans un centre de santé, une maison de santé pluridisciplinaire (MSP), une clinique… bref, des lieux de stage qui leur ouvriront peut-être l’appétit pour y exercer. Nous prévoyons par ailleurs que la moitié au moins des 48 à 72 mois de stages prévus pour l’internat dans les autres spécialités soit réalisée en dehors des CHU.

Proposition n° 23 : intégrer pleinement les praticiens libéraux spécialistes aux corps des enseignants des facultés de médecine.

Proposition n° 24 : généraliser les internats et externats ruraux. Ce sont les syndicats d’internes qui sont demandeurs de création de lieux de vie. On pourrait s’appuyer sur des collectivités territoriales qui sont toujours prêtes à s’engager pour favoriser l’accueil des internes, afin que ceux-ci ne se retrouvent pas le soir entre quatre murs un peu tristes. Ceux qui ont la chance de faire l’internat savent que ce moment de la vie doit avoir une dimension conviviale, amicale. Personnellement, je n’oublierai jamais les cinq années extraordinaires que j’y ai passées.

J’ai bien senti qu’il n’y avait pas un assentiment général sur la proposition n° 25 qui consiste à étendre aux médecins les dispositifs de conventionnement sélectif déjà appliqués depuis longtemps à d’autres professionnels de santé. Dans mon introduction, je n’ai pas voulu enfoncer des portes en rappelant que les dix prochaines années allaient être encore plus compliquées qu’aujourd’hui puisque le nombre de médecins disponibles et l’offre de santé vont diminuer alors que la population augmente, de même que le besoin de soins.

J’en ai terminé avec les propositions qui figurent dans le rapport.

J’ai respecté le champ de la commission et je vais maintenant vous exposer les idées auxquelles je ne renoncerai pas. Je propose d’abord qu’à sa sortie de l’internat, le médecin reste trois ans dans la région où il a été formé. Ensuite, je propose la suppression des agences régionales de santé (ARS), mais je sais que les avis divergent sur ce point. Je vous invite à relire le compte rendu de l’audition de la ministre Agnès Buzyn, qui est assez intéressant. Au détour des phrases, on peut comprendre que la vision technocratique et de contrôle l’emporte sur la vision stratégique de santé d’un territoire.

Mme Stéphanie Rist. Tout à fait !

M. Philippe Vigier, rapporteur. Vous avez sans doute remarqué que nous n’avons pas proposé d’incitations financières importantes. À la page 65 figure une proposition consistant à porter de 25 à 35 euros le tarif de la consultation en zone sous-dense sur le long terme, pas sur le court terme pour éviter les effets d’aubaine c’est-à-dire éviter de se retrouver avec quelqu’un qui reste juste trois ans et qui ne vient que pour toucher son chèque. Les frontières des zones de revitalisation rurale (ZRR) ont changé depuis deux ans. Résultat : un médecin qui ne sera plus en ZRR nous a annoncé par lettre qu’il allait changer de rue pour être de nouveau dans une ZRR. C’est un peu comme au Monopoly : on repasse par la case départ…

M. Marc Delatte. Monsieur le rapporteur, je reconnais que vous avez fait un travail important, même si je ne suis pas d’accord avec toutes les propositions.

Après avoir relu hier le rapport, je ferai quelques remarques.

À la page 8, dans l’introduction, je pense qu’il faut supprimer les mots « bureaucratie rampante », car cela stigmatise ceux qui travaillent dans l’administration.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Dans une introduction, il faut être un peu tonique.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Il faut dire les choses.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Cela dit, on pourrait peut-être parler plutôt de bureaucratie « tatillonne ».

M. Marc Delatte. C’est mieux !

M. Philippe Vigier, rapporteur. M. Macron a mis la France en marche ; il faut mettre la bureaucratie à l’arrêt !

M. Marc Delatte. À la page 11, il est écrit que les médecins continuent d’échapper aux dispositifs de régulation. Or je vous signale que les médecins ne sont pas des voleurs de poules.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Ce que nous avons voulu dire c’est que seuls les médecins n’ont pas eu de mesures de régulation.

M. Marc Delatte. Je vous dis ce que je pense.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Nous avons fait des efforts rédactionnels afin que chacun s’y retrouve. On pourrait peut-être écrire plutôt que les médecins ont toujours refusé des mesures de régulation. D’ailleurs, c’est la vérité.

M. le président Alexandre Freschi. Je vous propose d’écrire que les médecins n’ont jamais été soumis aux mesures de régulation.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Cela vous convient-il, docteur Delatte ?

M. Marc Delatte. Tout à fait.

À la page 76, je trouve que les propos sur le conventionnement sélectif sont trop orientés.

À la page 82, vous avez eu raison de souligner que les masseurs-kinésithérapeutes en milieu hospitalier gagnent des cacahuètes.

M. Philippe Vigier, rapporteur. C’est vrai, ils gagnent 1 280 euros par mois ! Cela dit, je tiens à souligner que dans le rapport je parle de « salaires extrêmement bas », pas de « cacahuètes » ! (Sourires.)

M. Marc Delatte. À la page 132, je ne suis pas d’accord avec le second paragraphe de la proposition n° 16.

À la page 136, vous faites état de zones « surdotées ». Or, il n’y a pas de zones surdotées.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Il y a quelques têtes d’épingle, quelques zones surdotées, mais il y en a de moins en moins. Expliquez-moi pourquoi il y a onze gynécologues à Saint-Gaudens, ville de 12 000 habitants !

M. Marc Delatte. Par ailleurs, je considère que les ARS devraient jouer davantage leur rôle de régulation.

Enfin, je suis contre la généralisation des CESP.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Ce n’est pas ce qui est écrit. Nous proposons une revalorisation des CESP.

M. Thomas Mesnier. Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour votre exposé et pour votre diagnostic que tout le monde partage ici, je pense, de même que les professionnels qui connaissent bien le sujet au quotidien.

Je ferai plusieurs remarques sur le rapport que j’ai lu attentivement dans son intégralité.

Vous avez fait état de propositions qui ne figurent pas dans le rapport, et j’avais compris que le rapport pouvait être quelque peu modifié.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Dans un souci d’honnêteté, j’ai effectivement indiqué tout à l’heure que certaines propositions étaient celles du rapporteur.

M. Thomas Mesnier. Si j’ai bien compris, elles seront intégrées dans le rapport et il sera mentionné que ce sont les propositions du rapporteur.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Absolument.

Mme Stéphanie Rist. Comme la proposition n° 25 qui vise à étendre aux médecins les dispositifs de conventionnement sélectif déjà appliqués depuis longtemps à d’autres professionnels de santé.

M. Thomas Mesnier. Je veux revenir sur la proposition n° 18 qui concerne les ECR. Il est indiqué à plusieurs reprises dans le rapport qu’il s’agit d’une proposition du rapporteur. Il serait bon que cela soit rappelé à la fin du rapport dans la liste des propositions.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Ce n’est pas seulement une proposition du rapporteur. Nous avons été plusieurs à défendre cette idée.

M. Thomas Mesnier. On en a effectivement parlé. Mais ce n’est pas pour cela que j’y suis favorable.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Cette proposition peut faire l’objet d’un vote car c’est un sujet important. Si vous voulez éviter que des postes ouverts ne soient pas pourvus, c’est pourtant la meilleure péréquation que l’on peut faire. J’ai vu qu’une réforme des ECN se profilait, mais je ne suis pas persuadé que la subjectivité des critères aboutira à un meilleur résultat. Avant, l’internat était réservé à ceux qui avaient réussi le concours. Là, tous ceux qui se présentent, tous ceux qui tentent leur chance peuvent gagner.

Tout le monde est d’accord pour dire que les disparités régionales se sont aggravées ces dernières années avec les ECN. Le président de la Conférence des doyens, le président du Conseil de l’Ordre et d’autres sont plutôt favorables à une meilleure péréquation des besoins des régions, pour l’évaluation de leurs besoins de formation. Avec les ECN, l’évaluation des besoins de formation sera beaucoup plus compliquée à agglomérer que si on le fait à l’intérieur même d’une seule région. Je plaide donc à nouveau pour cette idée d’examen régional classant. Mais je respecte ceux qui n’en veulent pas.

M. Thomas Mesnier. Moi aussi, je me souviens de mon internat.

Avec les ECN, les ouvertures de postes se font au niveau régional avec les ARS. Donc je trouve que cela ne changera rien.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Si !

M. le président Alexandre Freschi. Ne refaisons pas le débat ! Nous avions vu qu’il n’y avait pas un assentiment de l’ensemble des commissaires.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Ma question porte sur la méthode : faut-il reprendre chacune des propositions et les mettre aux voix ?

M. le président Alexandre Freschi. Non.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Celles qui seront votées à la majorité feront partie du rapport. Les autres sont celles du rapporteur et de plusieurs de ses collègues.

M. Philippe Vigier, rapporteur. J’ai déjà exclu trois propositions. Par exemple, je sais que Guillaume Garot est favorable au non-conventionnement. Je tiens à ce que le rapport reflète fidèlement vos opinions.

S’agissant des ECN, quand je vois arriver cette nouvelle réforme qui sort du chapeau, je me dis qu’il faut voter pour savoir qui est favorable aux ECR.

Mme Stéphanie Rist. En fait, la réforme des ECN qui a été annoncée par la ministre se rapproche de l’adaptation aux régions puisqu’il s’agit d’une combinaison entre les compétences d’un étudiant et les besoins d’une région.

Ce qui me gêne dans la proposition, c’est que vous ne dites pas qu’il faut améliorer l’adéquation entre le nombre de postes et le nombre d’internes.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Ce matin, avant la réunion, nous avons réécrit cette proposition. Vous avez raison, il faut une totale adéquation. J’ai recensé plus de 240 postes vacants.

Mme Stéphanie Rist. La réforme proposée par la ministre…

M. Philippe Vigier, rapporteur. Mais elle n’est pas opérationnelle ! Nous sommes à un instant T. La réforme interviendra plus tard. Cette proposition n’empêche en aucun cas la ministre de faire ce qu’elle veut. Je rappelle qu’une commission d’enquête doit être force de propositions.

Mme Stéphanie Rist. Mais vous ne pouvez pas dire que cette réforme ne répond pas au problème.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Ce qui anime nos débats dans l’hémicycle, c’est l’indépendance du pouvoir législatif par rapport au pouvoir exécutif. Restons dans notre rôle de députés qui est de faire des propositions. Si la ministre propose une mesure un peu différente…

Mme Stéphanie Rist. Mais vous avez commencé votre propos en disant des choses fausses sur la réforme des ECN.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Je ne peux pas intégrer dans le rapport quelque chose qui n’existe pas encore et qui sera présenté dans quelques semaines.

En résumé, l’internat régional classant permettrait de passer trois concours et donc de changer de région. C’est la perméabilité.

Nous sommes ici pour faire preuve d’intelligence collective. Nous souhaitons que le nouveau système fonctionne, mais en attendant nous proposons une étape.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Qu’est-ce qui garantit que les internes resteront dans la région où ils auront été formés ? On peut très bien faire son internat dans une région et s’installer dans une autre.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Le pourcentage d’étudiants qui restent dans la région où ils ont été formés est de 57 % ou 58 %.

M. le président Alexandre Freschi. Je mets aux voix la proposition n° 18 (devenue 20 à l’issue des débats).

La proposition n° 18 (devenue 20) est adoptée.

M. Thomas Mesnier. J’ai bien noté que la proposition n° 25 (devenue 27) était une proposition du rapporteur. Je considère que le second alinéa de la proposition n° 16 (devenue18) dit un peu la même chose que la proposition n° 25. On pourrait peut-être le supprimer.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Il convient donc de supprimer le second alinéa de la proposition n° 16 qui a trait aux consultations avancées.

M. Thomas Mesnier. Le dernier point sur lequel je sollicite la bienveillance du rapporteur concerne la proposition n° 15 (devenue 17) qui vise à transformer les GHT en GST.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Mais c’est le fondement du système de santé qui est menacé.

M. Thomas Mesnier. Je demande seulement qu’il soit indiqué si c’est une proposition du rapporteur ou une proposition de la majorité ou de la minorité des membres de la commission.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Nous devons être des aiguillons. Le décloisonnement passe, à un moment ou un autre, par une gouvernance. On a bien vu que quand la gouvernance était assurée par les GHT ou les ARS, c’est-à-dire quand on imposait les choses d’en haut, il y avait éclatement avec la base et de la santé dans les territoires. Il faut donc avoir la démarche inverse.

Par exemple, j’ai vécu assez cruellement le fait qu’il ait fallu attendre six mois dans le petit hôpital qui était près de chez moi parce que les achats passaient par la maison mère.

Soyons honnêtes, quel est le taux de remplissage des scanners et des appareils d’imagerie par résonance magnétique (IRM) dans les hôpitaux et dans celui des cliniques privées ? Il est souvent le même. A-t-on intérêt à multiplier des installations fort coûteuses ? Avec une gouvernance améliorée, on ne mettra pas trois IRM dans la même ville alors qu’il n’y a de place que pour deux.

M. Thomas Mesnier. C’est l’ARS qui gère l’installation des IRM et des scanners.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Et comment sont délivrées les procédures d’agrément ? Sans savoir comment est structurée l’offre de soins et sans savoir d’où viennent les patients. Je pourrais vous parler de l’exemple de Dreux et de Chartres.

M. Thomas Mesnier. En Charente, l’ARS sait très bien d’où viennent les malades qui passent une IRM ou un scanner.

M. Philippe Vigier, rapporteur. C’est peut-être parce qu’elle fonctionne bien chez vous !

M. Thomas Mesnier. Là encore, je ne veux pas recommencer le débat. Je ne demande pas de supprimer certaines choses du rapport, mais peut-être de nuancer la formulation de certaines propositions. En l’occurrence, je souhaiterais savoir si la majorité des commissaires est favorable à la proposition n° 15 (devenue 17). Dans le cas contraire, il conviendrait de le noter dans le rapport.

Je vous rassure, je ne demanderai pas d’autres votes.

Mme Stéphanie Rist. Définir une stratégie territoriale en décloisonnant public, privé et médico-social ne requiert pas la constitution de GST comportant une direction collégiale commune des hôpitaux publics et privés. Il est tout à fait possible d’atteindre l’objectif avec les GHT tels qu’ils sont prévus par la loi en vigueur. Il faut probablement encourager ces regroupements, mais les transformer pour créer des GST qui feraient le travail de l’ARS – car c’est d’elle que relève la stratégie territoriale – n’a pas de sens à mes yeux.

M. Jean-Paul Dufrègne. Je partage les idées intéressantes du rapporteur sur la mise en réseau. Il y a parfois des intérêts divergents entre l’hôpital privé et l’hôpital public. Certaines cliniques à but lucratif se spécialisent dans certaines disciplines et aspirent des compétences complémentaires pour d’autres structures. Il est important de ne pas travailler en tuyaux d’orgues, mais cette direction collégiale commune m’inquiète.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Je ne sais pas s’il faut une direction commune, ce rôle est pour l’instant assumé par l’ARS, mais je suis favorable à ce qu’il soit partagé. Il faut trouver une structure qui permette au public et au privé de discuter et de travailler ensemble, sous l’autorité de l’ARS.

Mme Stéphanie Rist. C’est déjà possible dans la loi, avec les GHT. À l’heure actuelle, il est possible de créer des coopérations avancées.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Le GHT est public, il n’y a pas d’instance qui regroupe le public et le privé. Mais je trouve que le terme de « direction » est un peu fort.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. La coopération entre public et privé est nécessaire, et le sera de plus en plus. Dans certains domaines, elle se fait de facto. Mais dans certains territoires où les coopérations ne se font pas pour des motifs personnels, il va falloir inciter à leur mise en place. Viendra un moment où nous serons obligés de fortement inciter à réaliser ces coopérations. Faut-il transformer les GHT en GST ? Peut-être, en tout cas il faudra trouver une structure qui oblige à mutualiser et rapprocher le privé et le public. Transformer tout de suite les GHT en GST est un moyen, nous ne savons pas si c’est le bon.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Il faut favoriser les regroupements.

M. le président Alexandre Freschi. Aujourd’hui, nous savons qui devrait définir les stratégies de santé à partir des territoires, et nous savons aussi que ce n’est pas fait efficacement. Une mission a été créée pour que les choses soient mieux faites, et la ministre a bien dit qu’elle allait prioriser un renforcement des liens avec les territoires. Nous risquons d’empiéter sur des missions relevant déjà de structures existantes.

M. Philippe Vigier, rapporteur. L’encouragement est toujours une bonne mesure… Mais tout cela me rappelle nos débats de ces derniers jours sur le Préambule de la Constitution : nous proposons d’agir pour protéger l’environnement, mais sans donner d’objectifs de résultat. Je pense qu’il faut fixer de tels objectifs.

Des ARS refusent les coopérations public-privé. Dans ma région, par exemple, j’ai monté une coopération public-privé avec Vendôme, et elle a sauté parce que ce n’est pas dans la loi : ça n’a qu’un caractère facultatif.

Mme Monica Michel. Dans ma région, l’ARS pousse à des coopérations entre public et privé, dans le cadre du GHT. Il y a donc les deux cas de figure.

M. Philippe Vigier, rapporteur. On ne peut pas se contenter de dire qu’il faut plus d’efficience, que certaines dépenses ne servent à rien, qu’il y a de mauvaises prises en charge. Comment assurer la meilleure prise en charge d’un patient d’un point A à un point B ? Cela ne me dérange pas qu’il passe par la case « privé ». Mon rêve, pour ainsi dire, est de définir les parcours selon les besoins : comment fait-on un parcours de natalité, ou de néonatalité avec intervention chirurgicale ?

Aujourd’hui, les acteurs marchent les uns à côté des autres. Je ne nie pas que les choses fonctionnent dans quelques endroits, que des coopérations se fassent, mais dans d’autres endroits ça ne marche pas du tout. À chaque fois, cela signifie des redondances, de l’inefficience, et il faut gérer des pénuries de personnel. Je vous invite à venir voir ce qui se passe à Bourges, et vous comprendrez la nécessité de mieux utiliser le privé : le centre hospitalier général d’un département de 320 000 habitants n’est presque plus capable d’assumer les urgences. S’il y avait une vraie mutualisation, il n’y aurait pas de sujet.

Une fois de plus, mes chers collègues, nous sommes députés : la politique de santé est définie par le ministère, nous n’en avons pas la charge. Mais nous devons alerter et proposer. Vous pouvez diverger sur certaines propositions, et je respecte les positions de chacun, mais comment faire pour améliorer l’efficience ?

Pour reprendre l’exemple de ma région, il y a un hôpital à Châteaudun, mais les analyses médicales partent à Orléans – sans même qu’il y ait eu appel d’offres, mais c’est un autre sujet. L’efficience ne consisterait-elle pas à les envoyer à une structure privée plus proche, capable de répondre vingt-quatre heures sur vingt-quatre ? Mais pour le directeur de l’hôpital, qui est public, les analyses doivent se faire dans la sphère publique. On ne peut pas fonctionner avec des œillères en 2018 !

M. Guillaume Garot. Je souscris totalement à ce que vient de dire M. Vigier, il faut bien rappeler quel est notre rôle : nous sommes une commission d’enquête, nous allons verser au débat public un rapport, en souhaitant qu'il nourrisse un débat, qu’il fasse évoluer les mentalités, qu’il accélère les prises de conscience et favorise les changements. Ensuite, ce sera au Gouvernement de prendre ses responsabilités, mais si nous sortons un rapport un peu timoré, si c’est un robinet d’eau tiède, il n’aura servi à rien et nous n’aurons pas rempli notre office.

Dans notre rôle de parlementaires, nous tirons les sonnettes d’alarme : c’est là-dessus que nous sommes attendus. Et il est très important que, dans le respect de notre diversité et du pluralisme de nos points de vue, nous formulions le constat qu’on ne peut pas en rester à la situation qui prévaut aujourd’hui. Il faut nécessairement des mesures de changement. Le Gouvernement fera ce qu’il entend, mais nous aurons rempli notre rôle en avançant des propositions. Et j’espère qu’elles permettront d’interroger nos pratiques et d’avancer.

C’est le meilleur service que les députés de la majorité puissent rendre au Gouvernement. Si vous voulez l’aider, soyez audacieux aujourd’hui.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Le terme de direction collégiale commune semble choquer. Si nous mentionnions plutôt une organisation collégiale ?

Mme Gisèle Biémouret. Il y a quelques années, lorsque je présidais la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS), j’ai publié un rapport sur la dette hospitalière. Cela m’a naturellement donné l’occasion d’aller visiter quelques hôpitaux, et prévoir une coordination entre le public et le privé ne me choquerait pas. Parfois, un hôpital et une clinique privée se font face de part et d’autre de la route, et lorsqu’il y a des urgences en pleine nuit, des personnes âgées aux pathologies multiples qui n'intéressent pas une clinique privée sont envoyées en face, à l’hôpital.

La coordination permettrait de sensibiliser quelques cliniques privées qui ne se sentent pas concernées par l’accueil de tout patient. Si elles sont dans la boucle, elles seront peut-être responsabilisées.

M. Jean-Paul Dufrègne. Je suis d’accord, nous ne sommes pas enfermés dans des certitudes d’un autre âge, nous voyons bien que la société a besoin d’interactions et de complémentarités. Mais il faut repenser la place de l’hôpital dans cette organisation, pour un service public hospitalier fort. On ne peut s’empêcher d’imaginer que certains ont des arrière-pensées. Nous ne vivons pas dans un monde idéal, certains pensent à faire de l’argent sur le dos de la santé, et je ne voudrais pas que nous aboutissions à une médecine à deux vitesses, avec des structures où les choses seraient différentes parce qu’on met un peu d’argent de sa poche.

En théorie, les propositions du rapporteur me conviennent, mais il faut repenser la place de l’hôpital.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Je suis totalement acquis à votre cause, monsieur Dufrègne. Lorsqu’une personne est placée dans une filière de soins, c’est le meilleur moyen d’encadrer les tarifications.

Dans ma région, une coopération a été instaurée. Les praticiens des cliniques privées voulaient pouvoir appliquer les dépassements d’honoraires qu’ils décidaient. Je leur ai dit qu’il n’y aurait jamais de coopération s’ils n’encadraient pas leurs honoraires, et ils ont accepté.

Avec les difficultés d’accès aux soins, ce sont les plus riches qui vont s’offrir les consultations les plus chères, avec des dépassements d’honoraires élevés, et les problèmes de mobilité qui s’ensuivent.

C’est l’avantage de structurer en filières. On peut remplacer le terme de direction collégiale par celui d’organisation collégiale, mais nous devons donner l’impulsion, comme le disait M. Garot, pour décloisonner et mettre en place une organisation dans chaque département. Les conventionnements aux structures privées sont donnés par les ARS, et la CNAMTS est derrière. Je propose d’intégrer ces structures dans un réseau, de façon à les tenir, sinon il y aura des débordements. Parmi les cliniques, nous savons qu’il y a eu beaucoup de regroupements car certaines sont devenues beaucoup moins lucratives qu’il y a quelques années.

Mme Stéphanie Rist. Les députés de la majorité sont dans cette commission parce que, sur leur territoire, ils font face à un grave problème de politique de santé. Il faut arrêter de nous expliquer que ce rapport doit être un moyen d’aider : c’est déjà notre position, c’est ce que nous voulons.

Cette proposition et d’autres ne vont pas assez loin, selon moi, pour pousser le Gouvernement à adopter des mesures efficaces. Créer un GST avec une direction collégiale va favoriser le privé. Techniquement, s’il n’y a pas de budget commun, cela ne servira à rien, alors que je crois vraiment qu’il y a un travail beaucoup plus important à faire sur les GHT, en les obligeant à réaliser les évaluations qui auraient dû être faites, en utilisant tout ce que la loi prévoit. Au lieu de lancer des mots qui feront que le grand public ne retiendra pas la proposition, je crois que ce rapport doit proposer d’aller plus loin avec les GHT, de favoriser l’obligation d’évaluation. C’est pour faire cela que nous sommes dans cette commission d’enquête, et non pas parce que nous sommes de la majorité.

Mme Monica Michel. Je ne fais pas partie du corps médical, mais je viens d’un territoire où nous avons de vrais soucis dans ce domaine, et c’est pour cette raison que j’ai souhaité faire partie de cette commission.

Quels bilans avons-nous des GHT depuis leur mise en œuvre ?

Le territoire des Bouches-du-Rhône est vaste et contrasté, nous sommes proches d’une frontière et le GHT, pour nous, est à l’échelle du département. Pourquoi remplacer les GHT par des GST sans savoir quels résultats les GHT ont vraiment produits ? Nous risquons d’arrêter quelque chose sans savoir s’il fonctionne ou s’il peut être amélioré, pour le remplacer pas quelque chose dont on ne connaît pas vraiment l’étendue.

Lorsque l’on déclare que la stratégie doit être définie à partir des territoires, qu’est-ce qui est entendu par territoire ?

M. Philippe Vigier, rapporteur. Ce sont les bassins de vie, tels que définis par l’INSEE.

Mme Gisèle Biémouret. Il faut prendre en compte les réalités territoriales. J’habite le nord du Gers, un département où, bientôt, il n’y aura plus de cardiologues, où l’hôpital public n’a pas de place pour les mammographies, où les cardiologues viennent du CHU de Rangueil, à Toulouse. À Condom, lorsqu’il y a un problème cardiaque, l’hôpital d’Agen n’étant pas suffisamment équipé, nous allons systématiquement à la clinique Esquirol-Saint-Hilaire, car il n’y a pas d’alternative.

C’est pourquoi je pense, moi qui soutiens totalement l’hôpital public, que cette solution peut aider le parcours du patient dans certains territoires. Tout le monde n’est pas informé, tout le monde ne sait pas. J’essaie de me mettre à la place de nos concitoyens qui se trouvent dans une situation compliquée et qui ne savent pas. Les GHT sont là pour faciliter les parcours des patients, même s’ils sont compliqués à mettre en place, et que dans certains cas, ils ne se font pas. C’est le cas chez moi, mais ils constituent peut-être une solution.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Je veux bien remplacer le mot « direction » par « organisation ». Pour faire le bilan des GHT, il faut comparer la situation de chacun des départements et de chacun des GHT. Quelques-uns fonctionnent, certains ne sont pas encore en fonctionnement, et pour d’autres, nous n’avons aucun critère d’évaluation.

L’audition qui m’a le plus marqué est celle de la DREES. Quand on confie les missions d’évaluation à des directions distantes de ce qui se passe au quotidien, c’est compliqué. Il s’agit de la santé, pas d’un petit sujet d’économie classique.

Si nous n’émettons pas une recommandation forte pour une meilleure coordination, qui le fera ?

M. Thomas Mesnier. Cette mesure me pose un vrai problème. On peut atteindre le même objectif par des méthodes différentes. On peut faire partie de la majorité et être en accord avec sa ministre, parfois en désaccord, ou pousser certaines mesures.

La proposition n°15 (devenue n°17) modifiée sur proposition du rapporteur, mise aux voix, est adoptée.

M. Thomas Mesnier. Je suis dubitatif quant aux propositions n° 3 et n° 5 sur les médecins-assistants de territoire et les médecins volants, qui sont pour moi très proches des praticiens territoriaux de médecine générale (PTMG) et des praticiens territoriaux de médecine ambulatoire (PTMA). Je ne vois pas en quoi cela apporterait un progrès.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Cette mesure a été fortement préconisée par le président du Conseil de l’Ordre national des médecins : c’est la mesure « miroir » de celle relative aux praticiens hospitaliers. Lorsque nous avions interrogé les internes, ils nous avaient déclaré qu’il y a une période intermédiaire pendant laquelle nous devons les aider à trouver leur chemin de vie, pendant laquelle ils bénéficieront d’une protection – le mot a été prononcé à plusieurs reprises.

M. Thomas Mesnier. Sur le médecin volant, de la même façon, nous sommes probablement assez équipés en statuts différents.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Par cette mesure, un médecin généraliste, qui a le dossard de maître de stage, pourrait accueillir un médecin qui viendrait travailler avec un statut de travailleur non salarié. Il y a 7 000 médecins disponibles : si nous pouvons en récupérer 2 000, ce serait déjà ça !

Ce sont les médecins qui m’ont dit qu’il y avait ce vivier, et que des mesures plus incitatives permettraient de les injecter dans la médecine libérale.

M. Thomas Mesnier. Je me retrouve dans les propositions n° 6, n° 7, n° 8, n° 9 et n° 10, même si j’aurais plutôt parlé, s’agissant des cliniques, d’« accès direct » que de « pratique avancée ».

Je trouve par ailleurs que le nombre d’animateurs de CPTS est élevé, je crois que la moitié suffirait, mais c’est un point de détail.

Je me félicite de voir que certaines propositions formulées dans mon rapport sont reprises ici, ainsi que de constater que, suite à nos échanges, la proposition sur le contrat d’engagement de service public (CESP) et plusieurs autres ont évolué.

M. Cyrille Isaac-Sibille. La proposition d’inscrire au tableau de l’Ordre tout médecin titulaire d’un diplôme étranger qui exerce en France me paraît dangereuse car, une fois inscrit, un médecin a le droit d’exercer la médecine dans n’importe quelle situation. Ces médecins étrangers exercent aujourd’hui à l’hôpital, où ils sont encadrés. S’ils passent dans le secteur libéral, il n’y aura plus de contrôle, et cela peut être un danger pour les patients si leurs capacités n’ont pas été vérifiées.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Peut-être la rédaction est-elle perfectible, mais il y a déjà 11 500 à 12 000 médecins qui exercent dans les hôpitaux sans être inscrits au tableau du Conseil national de l’Ordre.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Certes, mais ils sont encadrés au sein d’une structure hospitalière. Ils ne sont pas sous leur seule responsabilité.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Ce chiffre est en augmentation, et cette situation n’est pas acceptable quand nous demandons par ailleurs à toutes les autres professions de santé, médicales et paramédicales, de répondre à des conditions de diplômes et autres.

Je rappelle que la proposition prévoit de réviser la procédure d’autorisation d’exercice de façon à dispenser de la période probatoire triennale les lauréats des épreuves anonymes de vérification des connaissances qui sont candidats à la profession de médecin.

Actuellement, un médecin étranger doit travailler trois ans au minimum dans une structure hospitalière avant d’aller dans le privé.

L’idée est la suivante : l’intéressé s’inscrit ; on vérifie ses connaissances ; si elles satisfont le jury, il est exonéré de ces trois ans et peut se projeter dans le secteur libéral.

On a évalué à 2 000 ou 2 500 le nombre de médecins dont on pourrait être certain des capacités professionnelles, et qui ne resteraient pas. Je rappelle qu’ils sont souvent en dépassement d’honoraires, bien que le prix des gardes et des remplacements soit fixé par décret. Les directeurs d’hôpitaux les autorisent pour éviter cette course à l’échalote.

C’est une régularisation après vérification des connaissances.

M. Cyrille Isaac-Sibille. C’est théorique !

M. Philippe Vigier, rapporteur. Non, et c’est d’ailleurs écrit : «  les lauréats des épreuves anonymes de vérifications des connaissances… »

M. Cyrille Isaac-Sibille. Des connaissances théoriques ! Personnellement, je trouve dangereux de les laisser partir en libéral sans avoir vérifié leurs connaissances théoriques et pratiques.

M. le président Alexandre Freschi. Les centres de gestion s’occupent de vérifier l’aptitude professionnelle des médecins. Leur aptitude est donc confirmée.

M. Cyrille Isaac-Sibille. On court au danger !

M. Philippe Vigier, rapporteur. On pourrait donc indiquer «  épreuves théoriques et pratiques ». Est-ce que cela convient à tout le monde ? L’amendement est donc retenu.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Merci bien.

J’en viens à la proposition 13 sur la mise en place d’un numéro unique et d’une plateforme unique. On est là encore dans la théorie. On connaît la bataille qui oppose sur le terrain les « blancs » et les « rouges », à savoir le service d’aide médicale urgente (SAMU), les médecins et les pompiers. Si on arrive à les faire travailler ensemble, ce sera très bien. Mais je pense qu’on n’y arrivera pas. On peut toujours se faire plaisir…

J’en viens au statut. Je suis favorable à la mixité ville-hôpital. Mais si on veut mélanger le privé et le public, il faut pouvoir mélanger les deux statuts, les libéraux et les salariés. Le praticien libéral pourra travailler à l’hôpital ou à côté de l’hôpital, et inversement, un salarié pourra aller dans les maisons de santé. C’est d’ailleurs une proposition que je ferai.

M. Philippe Vigier, rapporteur. C’est tout à fait dans l’esprit du rapport.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Oui, mais on parle des structures, et pas du statut.

Mme Stéphanie Rist. Mais si ! Dans la proposition n° 17, il est question du statut.

M. Cyrille Isaac-Sibille. En effet. Mais des libéraux pourraient aussi venir travailler à l’hôpital – je pense notamment aux urgences.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Je reprends, à la page 133 du rapport, la proposition n° 17 : « Modifier le statut des praticiens hospitaliers pour permettre à l’exercice mixte entre la ville et l’hôpital de rentrer dans le droit commun… » On ne peut pas faire mieux !

M. Cyrille Isaac-Sibille. Mais ça, c’est pour l’hôpital !

M. Philippe Vigier, rapporteur. Non : « pour permettre à l’exercice mixte entre la ville et l’hôpital de rentrer dans le droit commun ». Il conviendrait de modifier le statut des praticiens hospitaliers et ensuite, de faire en sorte que les médecins libéraux puissent bénéficier d’un statut de praticiens hospitaliers.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Ou exercer à l’hôpital en conservant leur statut libéral.

Je ferai une dernière observation : si les gens vont aux urgences, c’est parce qu’ils ont besoin d’un plateau technique. Or, en ville, il n’y a pas suffisamment de plateaux techniques.

M. Philippe Vigier, rapporteur. On a pris l’exemple de Belle-Île dans le rapport, comme me le soufflent les administrateurs…

M. Cyrille Isaac-Sibille. Actuellement, si vous vous foulez la cheville ou si vous avez besoin d’une suture, vous êtes obligé d’aller à l’hôpital, parce qu’il n’y a plus de structure libérale où l’on puisse poser un plâtre, faire une radio ou faire un point. Je vous ferai un petit rapport sur le sujet.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Nous inclurons la contribution de notre collègue au rapport.

M. Jean-Paul Dufrègne. Je voudrais revenir sur le numerus apertus. Il fallait de toute façon le revoir, mais je m’interroge. A-t-on des chiffres ? A-t-on regardé ce qu’il était possible de faire dans les différentes régions par rapport aux capacités d’accueil ?

Ne va-t-on pas favoriser des secteurs, des régions, des universités qui pourront mettre des moyens, qui ont du potentiel, alors que d’autres feront le strict minimum ? Partant du constat selon lequel 57 % des médecins restent dans la région où ils ont été formés, est-ce que la solution ne va pas créer des difficultés dans certaines régions ?

Encore une fois, le numerus clausus est à revisiter. Mais avant de s’engager, il faut étudier les potentialités.

M. Philippe Vigier, rapporteur. La réponse est dans la question, qui comporte trois éléments.

Premier élément : vous vous souvenez que pendant la campagne présidentielle, on avait dit qu’il fallait supprimer le numerus clausus. Mais on ne peut pas supprimer le numerus clausus car cela voudrait dire que l’offre de formation est illimitée.

Deuxième élément : nous avons demandé par téléphone au président de la Conférence des doyens s’il avait une idée de la consolidation, et quelle était l’offre possible. Il m’a répondu qu’on pouvait l’augmenter de 20 à 30 %.

Je précise que l’on doit le terme de clausus apertus à Thierry Moulin, le président de la Société française de télémédecine. En clair, on verra quelles seront les capacités, région par région, en veillant à la mettre en adéquation avec les besoins régionaux.

Troisième élément : cette mesure est liée à la capacité de formation, donc au nombre d’internes qui sont dans les murs. Et elle est liée intimement au fait que si on sort davantage d’internes des murs, par exemple si un interne de médecine générale ne passe qu’un an au CHU et deux ans à l’extérieur avec un maître de stage, on libère davantage de places à la maison mère.

Il faudra prendre en compte à la fois la mise en place de cette mesure de « sortie des murs » des internes, et la capacité de formation, pour fixer précisément le numerus apertus région par région, de manière à mieux s’adapter aux régions les plus sous-dotées. Cela étant, ce qui était vrai il y a cinq ou six ans l’est beaucoup moins aujourd’hui. Il y a des « têtes d’épingle » sur-dotées, mais tout le monde est en train de devenir sous-doté.

Pour calculer le numerus apertus, il faut prévoir la capacité de formation, qui passe par les doyens, et par la nouvelle organisation des stages pendant l’internat de médecine générale ou de spécialité. Mais supprimer le numerus clausus, cela n’a pas de sens.

Mme Stéphanie Rist. C’est pourtant ce qui ressort de la proposition 21. Écrire que l’on substitue un numerus apertus à un numerus clausus signifie que l’on supprime le numerus clausus.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Ce n’est pas la même chose : on le transforme, on met un chiffre.

Mme Stéphanie Rist. On n’est pas obligé de le mettre. C’est comme si on passait par Parcoursup, en prenant une filière en option. C’est le même raisonnement.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Non : on évalue filière par filière, la capacité de formation…

Mme Stéphanie Rist. C’est ce qui se passe en sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS) ou en psychologie.

Celui qui souhaite faire des études de médecine après le bac, fera son Parcoursup, en choisissant l’option « santé ». En fonction du nombre de places, il sera pris ou il ne sera pas pris avec Parcoursup. C’est comme cela que cela se passe pour les STAPS, où il y a un numerus clausus.

M. Philippe Vigier, rapporteur. On est bien obligé de faire une sélection.

Mme Stéphanie Rist. Cela étant, je suis tout à fait d’accord avec cette proposition. Mais je retirerais « régionalisé » parce que je pense que, de fait, les capacités de formation sont régionalisées.

M. Philippe Vigier, rapporteur. J’espère vous avoir rassurée,

M. Jean-Paul Dufrègne. Je pense qu’il faut aussi un pilotage national, et qu’on peut décider alors de renforcer un secteur, même si, au niveau de ce secteur-là, on n’avait pas forcément la volonté de le faire.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Un arrêté conjoint du ministre de l’enseignement supérieur et du ministre de la santé fixe le nombre d’internes par région.

Mme Stéphanie Rist. Mais le numerus clausus porte sur le nombre d’étudiants de première année, pas sur ceux de l’internat…

M. Philippe Vigier, rapporteur. Il concerne ceux qui rentrent en deuxième année. Il y a d’ailleurs eu, ces dix dernières années, des rattrapages plus marqués dans certaines régions que dans d’autres.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Il n’y a rien sur l’évolution des différentes professions. Or on transforme profondément certains métiers. Le métier de pharmacien, pour lequel j’ai fait mes études, n’est pas le même aujourd’hui qui sera sûrement différent de celui qu’on exercera dans les cinq ou dix ans. C’est valable pour d’autres professions comme les médecins. Dans ces conditions, comme faire évoluer la formation, qui ne pourra pas rester la même ?

M. Philippe Vigier, rapporteur. On pourrait compléter la proposition n° 7 : « recenser toutes les compétences dont disposent les sages-femmes, pharmaciens, etc. » par : « et adapter leur formation en conséquence ».

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Autre bémol : pour répondre, à un instant T, à un manque de médecins, on fait glisser les tâches d’une profession à l’autre. Mais dans quelques années, normalement, on devrait retrouver un niveau normal. Sera-t-on capable de refaire glisser les tâches ? Et dans vingt ans ?

Je pense aux infirmières. Si les pharmaciens peuvent pratiquer des vaccinations, accessoirement, ils prennent leur travail aux infirmières. Comment faire pour ne pas aller trop loin ? Parce que le retour de balancier risque d’être très problématique.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Je pense que la remarque de Mme Firmin-Le Bodo mériterait que l’on introduise le mot « formation » que je proposais, ainsi qu’une autre phrase dans l’introduction.

Mme Stéphanie Rist. On l’a dit dans l’introduction.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Ce que veut dire Mme Firmin Le Bodo, c’est qu’il faut un pilotage beaucoup plus fin pour éviter, dans dix ans, de se retrouver dans des situations impossibles. Ce qui s’est passé est assez édifiant. Je pense qu’on pourrait prévoir de réactualiser le pilotage à un rythme qui reste à trouver, par exemple tous les deux ou trois ans.

C’est vrai qu’en 2025, on va retrouver un niveau de médecins suffisant ; il est d’ailleurs déjà est en train de remonter. Certaines tâches ont été « reventilées », ce qui a pu entraîner certaines difficultés.

On a ouvert les vannes pour les infirmières. On l’a fait pour les kinésithérapeutes – certains kinésithérapeutes français se sont mêmes formés à l’étranger. Mais ils sont dans une extrême difficulté en ville, et sont embauchés dans des conditions dramatiques dans les hôpitaux, avec des grilles de tarification très basses.

Nous avons donc besoin d’un pilotage fin de l’ensemble des formations, qui devra tenir compte des évolutions, et qu’il faudra revoir très régulièrement. Peut-être faudra-t-il fixer le rythme de ces révisions ? Je ne sais pas ce que vous en pensez.

M. Jean-Paul Dufrègne. Les modèles changent beaucoup plus vite qu’auparavant. Il faut donc anticiper ces changements.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Dans trois ans, il y aura peut-être 30 % de consultations numériques.

M. Jean-Paul Dufrègne. Je voudrais évoquer une question qui ne figure pas dans les propositions, mais qui a été évoquée dans le rapport : les aides sociales et les aides fiscales dont bénéficient, notamment, les professionnels de santé dans les zones de revitalisation rurale (ZRR).

Le dispositif des ZRR est présenté dans le rapport de manière négative, uniquement sur la base d’informations transmises par la direction générale des finances publiques (DGFIP), qui n’est pas forcément la plus objective lorsqu’il s’agit d’apprécier les mesures d’exonérations fiscales. Je ne dis pas que c’est un dispositif miraculeux. Mais les ZRR ont permis, sur certains territoires de ma circonscription, l’installation d’un certain nombre de professionnels de santé. Elles ne sont donc pas à condamner.

En dernier lieu, je n’ai pas vu dans le rapport de mesures coercitives. C’était la proposition n° 26…

M. Philippe Vigier, rapporteur. Cela fait partie des propositions du rapporteur…

Dans la proposition n° 25, je propose d’étendre aux médecins les dispositifs de conventionnements collectifs. M. Garot n’était pas là, mais je l’ai fait parler en son absence sur cette question, en précisant qu’il y était favorable.

Pour ma part, je considère que si rien n’est fait ou que l’on se contente de « mesurettes », on sera obligé de faire un minimum de régulation – à moins que ce ne soit plus grave et que le système explose complètement.

C’est une des mesures proposées par le rapporteur. Je l’ inscrirai  à la fin du rapport, en précisant qu’elle ne concerne que moi, de même que la revalorisation de 10 euros du tarif des consultations en zone sous-dotée (proposition n°6) et la suppression des ARS (proposition n°16), deux propositions qui figurent déjà dans le rapport mais que j’ajouterai à la liste annexée qui en comptera donc 27 au total, dont 3 émanant du seul rapporteur.

M. Jean-Paul Dufrègne. Il faut savoir lâcher, comme le disait tout à l’heure M. Garot, pour faire avancer la réflexion.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Cela fait dix ans que je le prône – alors que je suis un libéral…

M. le président Alexandre Freschi. La régulation n’est envisageable que si on a des personnes à réguler.

M. Guillaume Garot. Au nom de quoi la régulation ne fonctionnerait qu’à partir d’excédents ? La régulation est un principe. Quel que soit le nombre, on doit pouvoir réguler. Qu’est-ce que c’est que cet argument ?

M. le président Alexandre Freschi. Il n’y a pas assez de médecins en Île-de-France…

M. Guillaume Garot. C’est intellectuellement faux. Admettons qu’il y ait six régions et quatre médecins. Il n’y a pas assez de médecins pour avoir un médecin par région. Mais on peut décider de mettre au minimum un médecin dans quatre régions. C’est de la régulation.

Mme Stéphanie Rist. Mais on le fait déjà, par le biais du numerus clausus que l’on applique aux élèves de fin de première année et aux internes. On l’a fait aussi, ces dernières années, en ouvrant davantage de postes. Mais c’est une régulation théorique.

On peut décider qu’il y aura davantage de médecins à la rentrée 2019, non pas en région Centre-Val-de-Loire, mais à Châteaudun. Seulement, dans la pratique, les étudiants qui sortent de l’internat risquent de dire qu’ils préfèrent aller à l’hôpital où il y a des postes, ou dans l’industrie pharmaceutique, ou en Angleterre. Je reçois depuis six mois les syndicats d’étudiants, et ce sont les réponses que j’obtiens.

M. Guillaume Garot. C’est cela qui n’est plus possible ! Dans quel monde vit-on si les législateurs, les porteurs de l’intérêt général, ne peuvent pas répondre à des petits jeunes qui leur disent : « je fais ce que je veux, vous me formez gratis et je me casse après » ? Vous vous rendez compte ? Et on devrait se coucher devant de tels arguments ? Je trouve cela hallucinant ! C’est pour cela que le rapporteur a raison.

Je m’emporte un peu parce que je commence à en avoir assez des discours qui circulent. C’est n’importe quoi !

Mme Gisèle Biémouret. Nos villes sont interdites de médecins !

M. Guillaume Garot. Si nous, porteurs de l’intérêt général, nous ne nous bougeons pas en matière de régulation, je vous fiche mon billet que, dans cinq ans, les Français se lèveront pour nous demander des mesures coercitives. C’est écrit !

Mme Stéphanie Rist. Ils le demandent déjà !

M. le président Alexandre Freschi. Mais la régulation n’est pas la solution. Avec quatre médecins pour six régions, ce n’est pas assez. On est obligé de compléter par d’autres dispositifs !

M. Guillaume Garot. Bien sûr. Je n’ai pas dit que c’était « la » solution ! Mais la logique du rapporteur est très intelligente puisqu’elle tend à moduler, à adapter pour avancer. Mais il faut aussi, me semble-t-il, donner des directions.

M. le président Alexandre Freschi. Il y a aussi les centres de santé et les maisons de santé.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Mes chers collègues, je vais essayer de faire le travail de la manière la plus positive et constructive possible. M. Garot peut le dire : j’ai déposé des propositions de loi visant à faciliter l’accès aux soins, que ses amis ont découpées en tranches ! Et sous la présidence de Nicolas Sarkozy, c’est Guy Lefrand, le suppléant de Bruno Le Maire, qui était médecin, qui l’a fait.

Je ne vous ai pas dit que c’était l’alpha et l’oméga. Allez donc voir le système anglais dans lequel, si vous n’avez pas d’argent, vous n’êtes pas soigné. Je peux vous en parler car j’ai une fille en Angleterre. Une consultation chez le gynécologue coûte 550 livres ! Il y a les médecins du coin, et ensuite il y a les médecins affectés. Il se trouve que je l’ai accompagnée chez un généraliste affecté ; cela reste pour moi une expérience forte ! Un grand pays comme le nôtre doit aussi avoir une modélisation de l’accès aux soins. A priori, ce n’est pas facile. Mais je ne voudrais pas que l’on en arrive à ce stade-là.

On devrait pouvoir s’en sortir avec ce cortège de mesures qui viennent à l’esprit de chacun. Nous avons écouté le Conseil de l’Ordre, et même un président de conseil de l’Ordre, dont je vous conseille le livre, où il est écrit que le système va exploser. Sans oublier ce médecin de Seine-Saint-Denis, dont le parcours est passionnant, ou Patrice Diot, le patron des doyens, qui m’a conseillé de foncer.

J’ai envie de vous dire que c’est un peu la dernière sortie avant l’autoroute. Personnellement, je préfère être tout à fait libre, mais malheureusement, j’ai peur qu’on n’y échappe pas. Une fois de plus, comme Guillaume Garot l’a très bien dit, et son expérience ministérielle l’autorise à le dire de façon encore plus forte que nous, c’est à nous d’être des « aiguillons ». Soyons le, dans le respect de chacun.

Ce que je dis là, je l’ai répété partout. On l’a dit à la ministre, qui est très sensible à toutes ces questions. Mme Firmin-Le Bodo, qui connaît formidablement bien les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), lui a ouvert les yeux – dans cette même salle, mardi dernier. On ne peut pas en vouloir à la ministre : elle a un profil hospitalier, et d’immenses qualités que je respecte. Mais, malheureusement, elle ne voit pas tout.

Aujourd’hui, le poids de la technostructure est énorme, et pas seulement dans le domaine de la santé : c’est également vrai en matière de finances – je suis bien placé pour le savoir en tant que rapporteur spécial de la commission des finances, et le rapporteur général s’en est également fait l’écho dans la presse ces derniers jours.

En tout état de cause, je me félicite de la qualité et de l’ampleur du travail accompli par notre commission d’enquête, qui contribuera, je l’espère, à améliorer les choses.

Mme Gisèle Biémouret. Je me demande si nous ne devrions pas suggérer la constitution d’une mission d’évaluation et de contrôle des ARS, qui vont bientôt avoir dix ans d’existence.

M. Philippe Vigier, rapporteur. C’est une excellente idée, et nous en ferons la suggestion à Mme la présidente de la commission des affaires sociales. Il faudra simplement s’assurer que cette mission dispose du pouvoir de réaliser des contrôles sur pièces et sur place…

Mme Gisèle Biémouret. Effectivement, les administrations sont de plus en plus réticentes à communiquer les informations qui leur sont demandées.

M. Guillaume Garot. Je remercie les personnes qui ont rédigé ce rapport pour leur travail, qui témoigne de l’excellence de notre fonction publique parlementaire, et je me félicite également de la qualité constante de nos débats.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Alors qu’une réforme du Parlement est en cours, j’ai souligné, dans mon rapport spécial de fin 2017 sur le budget des pouvoirs publics, qu’il fallait veiller à préserver une fonction publique parlementaire de haut niveau et respectant scrupuleusement le principe de neutralité. Je remercie, moi aussi, les fonctionnaires qui ont assisté notre commission d’enquête, pour leur travail efficace et d’une grande qualité.

M. Jean-Paul Dufrègne. Élu d’un département rural, je sais que l’une des difficultés qui se posent lorsqu’il s’agit de faire venir des médecins à la campagne est celle de l’emploi du conjoint. Pour notre part, nous avions mis en place un « club des DRH » associé aux plus belles entreprises du département, afin d’essayer d’être informés le plus en amont possible des postes de cadre disponibles et pouvant convenir aux conjoints de médecins, qui sont souvent cadres supérieurs.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Une telle démarche peut faire partie du « kit d’accueil » destiné aux médecins venant s’installer en zone rurale.

M. le président Alexandre Freschi. Mes chers collègues, nous allons maintenant passer au vote sur la publication du rapport.

La commission d’enquête autorise, à l’unanimité, la publication du rapport.

 

 

 

 


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   Contributions

   Contribution de M. Cyrille ISAAC-SIBILLE

Après lecture du projet de rapport, comme précisé lors de sa présentation le jeudi 19 juillet, je souhaite apporter cette contribution afin qu’elle soit jointe au rapport et faire trois propositions :

– Assouplir le mode d’exercice des Praticiens Hospitaliers et des médecins libéraux pour permettre une mixité d’exercice ;

– Apporter un plateau technique de premier recours aux maisons médicales ;

– Adosser des Maisons médicales aux services des urgences hospitalières.

1 - Il serait intéressant d’assouplir les conditions d’exercice à l’hôpital et en Maison médicale.

La proposition 19 souhaite modifier le statut des praticiens hospitaliers pour permettre l’exercice mixte entre ville et hôpital.

 

Proposition pouvant être liée à la proposition 19 du rapport :

Modifier les conditions d’exercice au sein des établissements publics afin :

-            de permettre aux médecins libéraux d’exercer sous cette forme au sein des hôpitaux publics,

-            de permettre aux hôpitaux de détacher des praticiens hospitaliers (PH) afin qu’ils puissent exercer, sur leur temps plein, leur art dans des maisons de santé et sur les plateaux techniques de premier recours.

2 - Les plateaux techniques de premiers recours et les maisons médicales adossées aux services d’urgences hospitaliers : une solution pour la prise en charge des soins non programmés.

Constat : pourquoi les Services d’urgences sont-ils saturés ?

Devant un problème médical nécessitant une réponse rapide, face à des médecins de ville peu disponibles car surchargés de travail, les malades se tournent de plus en plus vers les services hospitaliers d’urgence pour bénéficier d’une prise en charge complète grâce à un plateau technique de proximité (radiologie, biologie, petite chirurgie…).

A - Quelques chiffres donnés par le service d’urgence de l’hôpital Lyon Sud :

Comment les patients arrivent aux urgences ?

-                20 à 25 % des arrivées aux urgences sont dites régulées (Pompier ou SAMU) ;

-                Moins de 10 % sont adressés par des médecins libéraux ;

-                20 % de personnes âgées par des établissements gériatriques ;

-                50 % viennent de leur propre initiative.

Quels sont les actes réalisés par les services d’urgence ?

-            20 à 25 % des passages sont des consultations simples n’utilisant pas le plateau technique de l’hôpital.

-            50 % des patients bénéficient d’examens complémentaires (imageries, biologies) permettant un diagnostic et repartent chez eux avec une ordonnance ou la pratique de soins (plâtres, sutures,)

-                20 à 25 % des passages nécessiteront une hospitalisation (problématique des lits en aval).

B - Les demandes des patients ont changé

Le constat posé par les médecins des urgences est différent des idées reçues : pourquoi le patient, sachant qu’il peut attendre plusieurs heures, vient aux urgences ?

-                par facilité (horaires) ;

-                parce qu’il sait qu’il ressortira de l'hôpital avec un diagnostic et une prise en charge complète, ceci grâce au plateau technique présent au sein des hôpitaux. Il évite ainsi les allers/retours entre son médecin généraliste, le radiologue, le biologiste ou le spécialiste avec des rendez-vous l’obligeant à prendre plusieurs demi-journées de congés, sur un laps de temps relativement long.

À ce jour, il est difficile pour des médecins libéraux de disposer de matériels pour faire des soins de première urgence : matériel et suivi de stérilisation pour petite chirurgie, salle et matériel pour réaliser des plâtres, présence ou coordination avec une imagerie et une biologie, …

 

Proposition 1 : équiper les Maisons médicales de plateaux techniques de premiers recours

Les Maisons Médicales non adossées aux services hospitaliers pourraient devenir de véritables plateaux techniques de premier recours. Regroupant différentes compétences et permettant des actes simples

Le modèle calqué sur les 50 % des 100 maisons médicales, implantées (dénombrées par les ARS) à proximité des services d’urgences ayant formalisé via une convention leur articulation avec ces services d’urgences, est à développer.

En adossant les Maisons Médicales aux hôpitaux et en créant un véritable partenariat avec eux via des conventions, elles pourront assurer la prise en charge des soins non programmés.

 

Proposition 2 : adosser physiquement et contractuellement des maisons médicales aux services d’urgences et les lier par convention.

 

 


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   Contribution du groupe La République En Marche

Les députés La République En Marche saluent le travail mené au travers de la commission d’enquête et remercient les personnalités auditionnées pour la qualité des échanges et les différents points de vue partagés.

Ils partagent le diagnostic posé par le rapporteur sur l’accès aux soins qui rejoint celui de Thomas Mesnier dans son rapport sur les soins non programmés remis au mois de mai à la Ministre des Solidarités et de la Santé, diagnostic partagé avec l’ensemble des professionnels de santé. Ils sont engagés à travailler pour améliorer l’accès aux soins.

Si le diagnostic est posé, certaines thérapeutiques diffèrent et ils souhaitent revenir sur les principaux points de divergences de manière non exhaustive.

Ils s’interrogent sur la création d’un statut de médecin assistant de territoire, disposition très proche des PTMG et PTMA dans la philosophie. De la même façon la création d’un statut de médecin volant ne leur semblerait pas amener de plus-value par rapport aux statuts déjà existants de médecins remplaçants, adjoints et collaborateurs.

Ils s’opposent majoritairement à la proposition visant à transformer les GHT en GST. Après les débats du début d’année, ils s’opposent toujours à toutes mesures de coercition concernant le conventionnement sélectif que le rapporteur formule une nouvelle fois.

Enfin, ils s’opposent de la même façon à la proposition visant à la régionalisation des ECN. La bonne solution est le travail concerté entre les ARS et les CHU pour adapter les ouvertures de postes d’internes aux capacités de formation et aux besoins au niveau régional. La régionalisation des épreuves n’apporterait aucune plus-value.

Les députés La République En Marche rappellent leur soutien au plan pour l’égal accès aux soins dans les territoires, présenté par le Premier Ministre et la Ministre des Solidarités et de la Santé. Au ton parfois péremptoire et excessif du rapport sur un sujet qui doit tous nous rassembler, ils préfèrent les seules propositions issues des échanges lors des auditions avec les acteurs de terrain. C’est ensemble et en confiance que nous améliorerons l’accès aux soins pour tous sur l’ensemble du territoire.

 

 

 


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   Contribution du groupe Les Républicains

Le système de santé français continue de vivre sur les principes et l’organisation d’un modèle bâti il y a plus de 70 ans, et les politiques de santé n’ont été souvent, jusqu’alors, que des mesures d’adaptation, d’ajustements, de rééquilibrage. À bout de souffle, le système est pris en étau entre des arbitrages budgétaires légitimes et l’exigence d’une protection de la santé rappelée par le préambule de la Constitution de 1946.

L’accès aux soins n’est plus toujours garanti, faute de présence médicale dans certains territoires, entraînant des temps d’attente inacceptables avant consultation et des temps de déplacement inconsidérés. Pour corollaire, les professionnels de santé sont saturés de demandes de patients qui ne savent plus vers qui se tourner, conduisant à des situations de précarité et d’insécurité, tant en médecine de ville qu’en exercice hospitalier mais aussi à une croissance importante du renoncement aux soins, malgré l’immense dévouement dont ces professionnels font preuve au quotidien.

Pourtant, si les constats sont connus et partagés de longue date par la communauté médicale et les responsables politiques, les paroles doivent désormais se traduire en actes et en des actes rapides, efficaces et volontaristes. Le système doit être repensé dans son ensemble avec une vision globale, faisant du patient le centre du dispositif, non plus seulement un sujet de soins mais un acteur de santé. Par ailleurs, il ne s’agit pas de réfléchir à partir de l’offre de soins, mais à partir de la demande de soins. Cette réflexion, cette vision doit être notre exigence première, celle qui guide l’ensemble de nos actions et décisions.

Ainsi, s’il ne s’agit pas d’imposer au système de santé une énième « grande » réforme, la démarche que nous devons collectivement adopter ne peut pas être celle de la contrainte, celle de la coercition, celle des décisions par trop jacobines. Il faut urgemment, il faut instamment redonner, insuffler une dynamique nouvelle dans notre système de santé : celle de la confiance et de la co-construction. Car aucune décision ne sera efficace si elle ne se prend pas avec les professionnels de santé, pire même si elle vient à s’opposer à eux.

C’est au nom de ces convictions et des valeurs portées par Les Républicains que le Groupe rejette la proposition n° 27 du rapporteur visant à « étendre aux médecins les dispositifs de conventionnement sélectif déjà appliqués depuis longtemps à d’autres professionnels ». Pour ces mêmes raisons, le Groupe rejette la version initiale de la proposition n° 18 (modifiée en commission lors de l’examen du rapport) consistant à « conditionner le conventionnement des médecins de second recours souhaitant exercer en secteur 2 dans les zones surdenses à la réalisation de consultations avancées ».

De plus, les comparaisons effectuées dans le rapport avec d’autres pays, comme le Royaume-Uni ou l’Allemagne pour justifier de la nécessité d’une telle mesure ne permettent pas de démontrer une amélioration de la densité médicale. En Allemagne notamment, l’Est du Pays connaît de grandes difficultés de démographie médicale et tente par tous les moyens, notamment l’attribution d’incitations pécuniaires, à attirer de nouveaux médecins.

Par ailleurs, quel message enverrait-on, ce faisant, aux étudiants en médecine, notamment aux étudiants en médecine générale, quand on sait que la spécialité connaît un déficit d’image et que le secteur hospitalier est, depuis 2017, le premier recruteur de professionnels de santé ?

Enfin, le conventionnement n’est pas à ce jour une obligation pour un médecin qui s’installe, qui peut, s’il le souhaite, faire le choix de ne pas bénéficier des aides de la CNAM en contrepartie de quoi il fixe ses honoraires. Les conventionnements de secteur 2 et 3 concernent de très nombreux médecins, notamment dans les centres urbains et les zones surdotées créant de facto une médecine à deux vitesses, avec des honoraires qui peuvent être parfois deux à trois fois supérieurs au montant remboursé par la sécurité sociale. Imposer une coercition à l’installation par le canal du conventionnement, c’est prendre le risque d’accentuer encore ce phénomène et de rendre la médecine inaccessible à un nombre de plus en plus important de français.

Le Groupe Les Républicains exclut également la proposition n° 14 visant à la mise en place « d’une plateforme unique départementale pour la régulation des soins non programmés ». Les expérimentations du 116-117 n’ont pas encore fait l’objet d’évaluations. Il serait donc prématuré de condamner un dispositif à qui il faut laisser le temps de faire ses preuves.

S’il soutient globalement les autres propositions du rapport, le Groupe Les Républicains émet néanmoins des réserves sur les propositions suivantes :

-         Sur la proposition n° 7, le Groupe les Républicains aurait préféré le mot « différencié » au mot « dégradé » ;

-         Sur les propositions n° 8, 9 et 11, il semble, en conformité avec les arguments exposés supra, utile de préciser que l’inventaire des compétences, le partage des délégations ou des tâches devra se faire immanquablement avec les professionnels de santé concernés ;

-         Sur la proposition n° 10, la même remarque est formulée, tout en rappelant que la profession d’infirmier ne peut en aucun cas être considérée comme la variable d’ajustement du système de santé ;

-         Sur la proposition n° 17, le Groupe Les Républicains appelle à des clarifications sur les modalités exactes de la proposition. Si la proposition vise à « fondre les GHT dans des groupements de santé de territoire », déstructurant par conséquent l’important travail d’organisation encore en cours des établissements hospitaliers, le Groupe Les Républicains y est défavorable. S’il s’agit en revanche de favoriser, à travers l’appareil de gouvernance, davantage de conventions et de coopérations avec les établissements privés à but lucratif ou non lucratif, les établissements sociaux et médico-sociaux ainsi que les professionnels de ville, alors le Groupe Les Républicains appuiera cette proposition.

-         Sur la proposition n° 20, le Groupe Les Républicains rappelle que cette disposition a été supprimée précisément pour ses inconvénients. Sans la rejeter complètement, il émet donc des réserves quant à ses modalités ;

-         Sur la proposition n° 21, des réserves sont formulées : la mesure semble contradictoire car, d’un côté, le Rapporteur souhaite instaurer un conventionnement sélectif sans contrepartie, et, d’autre part, financer l’installation des médecins dans des territoires sous-dotés. Des précisions sont donc nécessaires ;

-         Sur la proposition n° 22 : le Groupe Les Républicains est favorable à cette mesure mais rappelle la nécessité d’apporter des garanties d’équité entre étudiants ;

-         Sur la proposition n° 24 : le Groupe Les Républicains soutient cette mesure, mais rappelle qu’il est nécessaire de vérifier les conditions de qualité d’exercice des stages et qu’elles doivent être définies avec la Conférence des Doyens et les représentants des étudiants et jeunes médecins ;

-         Sur la proposition n° 26 : la même logique prévaut : les jeunes médecins et les étudiants doivent être associés à la définition des conditions d’exercice dans ces internats et externats.

Dans l’ensemble, et mis à part les propositions n° 14, 18 (dans  sa version initiale) et 27 qui conduisent le Groupe les Républicains à manifester fermement son désaccord, nous saluons la qualité du travail collectif de la Commission et l’investissement du Rapporteur dans la conduite de cette mission d’enquête parlementaire.

Les réserves émises par Le Groupe Les Républicains visent à souligner la vigilance de ses Députés, particulièrement mobilisés sur la problématique de l’accès aux soins, en témoignent les nombreuses propositions de loi enregistrées, ou encore récemment le livre blanc commis par l’un d’entre eux en février 2018, dont certaines des 28 propositions sont reprises dans ce rapport.

Conscient des impératifs de calendrier inhérents à ce type d’exercice, le Groupe les Républicains rappelle néanmoins que ce rapport n’épuise pas les réponses qui doivent être apportées au système de santé et regrette que la nécessité d’une approche globale n’ait pas conduit à traiter également les questions liées à une véritable politique de prévention et d’éducation en santé ainsi que la problématique de financement de notre système de santé.

Si le Groupe se félicite que le rapport encourage à davantage de transversalité et d’horizontalité dans la pratique médicale et paramédicale sur les territoires, en rappelant par exemple l’efficacité du dispositif Asalée, il considère que l’utilisation des CPTS doit non seulement être privilégiée mais aussi être approfondie et simplifiée. Une réflexion sur la souplesse de leur mode d’organisation et de constitution pourrait mériter d’être conduite. Il en va de même de leur financement pour lequel des solutions territoriales innovantes auraient pu être proposées. Ainsi, pourraient-elles mieux répondre, comme le souligne le Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie, aux attentes en termes de permanence des soins, de continuité des soins, d’orientation vers le bon niveau et le bon type de prise en charge, le maintien à domicile, etc. Une véritable politique territoriale de santé doit permettre qu’au plus près de son domicile et dans les meilleurs délais, tout patient puisse être pris en charge par un professionnel de santé.

Enfin, si ce rapport apporte une contribution nouvelle au système de santé, le Groupe les Républicains en appelle au Gouvernement pour qu’enfin des actions soient entreprises. Car, l’heure n’est plus au « pourquoi » ni au « comment », mais à « quand ». Quand le Gouvernement prendra-t-il l’exacte mesure des enjeux de santé ? Quand passera-t-on de la multiplication des groupes de travail et de réflexion à l’action ? Quand la santé sera-t-elle regardée comme l’élément-clé de tout projet politique visant à inscrire la France dans son siècle ?

 

 

 


— 1 —

   Annexe 1 :
liste des personnes auditionnées

PAR LA COMMISSION D’ENQUÊTE

(Par ordre chronologique)

 

            Audition commune des ordres médicaux et pharmaciens :

 Conseil national de l’Ordre des médecins  M. François Arnault, délégué général aux relations externes, et M. François Simon, président de la section « exercice professionnel »

 Conseil national de l’Ordre des chirurgiens-dentistes  Dr Myriam Garnier, secrétaire générale, présidente de la commission de démographie

 Conseil national de l’Ordre des sages-femmes (*) – Mme Anne-Marie Curat, présidente, Mme Sylvaine Coponat, trésorière, et M. Jean-Marc Delahaye, responsable des relations institutionnelles et des affaires européennes

 Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (*) –Mme Carine Wolf-Thal, présidente, et M. Alain Delgutte, président du conseil central des pharmaciens titulaires d’officine

            Audition commune :

 Société française de télémédecine  M. Thierry Moulin, président, professeur de l’unité neuro vasculaire au CHU de Besançon

 Haut conseil français de télésanté  Mme Ghislaine Alajouanine, présidente, Dr Line Kleinebreil, mathématicienne et médecin, membre du Haut conseil français de télésanté, et Dr Patrice Cristofini, membre du Haut conseil français de télésanté

            Pr Jean Sibilia, président de la conférence des doyens des facultés de médecine

            Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES)  M. Denis Raynaud, directeur

            Société française de médecine d’urgence – Dr Agnès Ricard-Hibon, présidente, et Pr Karim Tazarourte, vice-président

            Académie nationale de médecine  Pr Patrice Queneau et Pr Yves de Prost

            SOS Médecins – Dr Pierre-Henry Juan, président, et Dr Serge Smadja, secrétaire général

            Audition commune de syndicats de jeunes médecins :

     Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF) – M. Samuel Valero, vice-président chargé des perspectives professionnelles

     Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG)  M. Maxence Pithon, président, et M. Pierre Guillet, vice-président

     Intersyndicale nationale des internes (ISNI)  M. Jean-Baptiste Bonnet, président

     Syndicat national des jeunes médecins généralistes  M. Benoît Blaise

     Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGJIR)  Dr Vanessa Fortané, vice-présidente

                      Audition commune de syndicats de médecins :

     Confédération des syndicats médicaux de France (CSMF) (*)  M. Jean-Paul Ortiz, président, et Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes

     M. Patrick Gasser, président de l’UMESPE-CSMF

     Syndicat des médecins généralistes (MG France) : Dr Marguerite Bayart, première vice-présidente, et Dr Bernard Plédran

     Syndicats de médecins libéraux (SML) : Dr Philippe Vermesch, président, Dr Sophie Bauer et Dr William Joubert, secrétaires généraux

     Fédération nationale des médecins radiologues (*)  Dr Bruno Silberman, 1er vice-président, et M. Wilfrid Vincent, délégué général

     Cellules de coordination des dentistes libéraux (CCDeLi) de France – Dr Laurent Pinto

                      Audition commune des fédérations hospitalières :

     Fédération hospitalière de France (FHF) (*) – M. Frédéric Valletoux, président, et M. Alexis Thomas, directeur de cabinet

     Fédération des établissements hospitaliers et d’assistance privés à but non lucratif (FEHAP) – Dr Françoise Durandière, conseiller médical, et Mme Christine Schibler, directrice de l’offre de soins et de la coordination des parcours de santé

     Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) – M. Michel Ballereau, délégué général, Mme Béatrice Noellec, directrice des relations institutionnelles, et M. Emmanuel Daydou, secrétaire général

            Association nationale française des ergothérapeutes (ANFE) – M. Nicolas Biard, directeur technique

            Association nationale des puéricultrices(teurs) diplômés et des étudiants (ANPDE) – M. Charles Eury, président, Mme Anaïs Valencas, secrétaire générale, et M. Jean-Christophe Boyer, conseiller juridique

            Audition commune des ordres des auxiliaires médicaux :

  Conseil national de l’ordre des infirmiers  M. Patrick Chamboredon, président

  Ordre national des masseurs-kinésithérapeutes (*)  Mme Pascale Mathieu, présidente, M. Jean-François Dumas, secrétaire général, et M. Pierre Degonde, senior consultant

  Ordre des pédicures-podologues – M. Éric Prou, président, et M. Guillaume Brouard, délégué aux affaires internes

            Audition commune des associations d’usagers :

  France Assos Santé – M. Gérard Raymond, vice-président, et Mme Féreuze Aziza, chargée de mission Assurance maladie

  Union fédérale des consommateurs – Que Choisir (UFC-Que Choisir) (*) : M. Daniel Bideau, vice-président, animateur de la commission santé de l’UFC – Que Choisir, et M. Mathieu Escot, responsable des études

  Association des paralysés de France (APF)  Mme Aude Bourden, conseillère nationale santé - médico-social

  Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité  M. Michel Anthony, président fondateur de la coordination, Mme Rosine Leverrier, vice-présidente, et M. Joseph Maatouk, secrétaire

            Audition commune des syndicats d’infirmiers :

  Fédération nationale des infirmiers (FNI)  M. Daniel Guillerm, vice-président délégué

  Convergence infirmière (CI)  Mme Ghislaine Sicre, présidente

  Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (SNIIL)  Mme Catherine Kirnidis, présidente

  Organisation nationale des syndicats d’infirmiers libéraux (ONSIL)  Mme Elisabeth Maylié, présidente, et Mme Françoise Pacchioli, Présidente ONSIL Rhône-Alpes

            Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES)  M. Aubert Jean-Marc, directeur général, et Mme Muriel Barlet, sous-directrice

            Association nationale des centres hospitaliers locaux et des hôpitaux de proximité (ANCHL) – Mme Bernadette Mallot, directrice du centre hospitalier d’Auxonne et déléguée régionale ANCHL pour la région Bourgogne-Franche-Comté, et M. Franck Hilton, directeur

            Audition commune des représentants des centres et maisons de santé :

  Fédération nationale des centres de santé (FNCS)  Mme Céline Legendre, secrétaire générale

  Union syndicale des médecins de centres de santé (USMCS)  Dr Eric May, président, et Dr Frédéric Villebrun, secrétaire général

  Fédération française des maisons et pôles de santé (FFMPS)  M. Pascal Gendry, président

            Audition commune :

  Fédération des soins primaires  M. Philippe Marissal, président

  Fédération des communautés professionnelles territoriales de santé  Dr Claude Leicher, président

            Commissariat général à l’égalité des territoires  M. Eric Lajarge, directeur adjoint de cabinet, M. Benoît Lemozit, responsable du pôle de l’égalité d’accès aux services publics et aux publics, M. Eric Briat, chef de service et adjoint au directeur de la ville et de la cohésion urbaine, M. Stephan Ludot et Mme Clémence Bre

            Audition commune :

 Medical Qare  M. Nicolas Wolikov, fondateur, et M. Alexandre Maisonneuve, directeur médical

 Médiveille – M. Cyrille Charbonnier, président, et M. Stéphane Mosnier, responsable commercial des opérations

 Médecin direct – M. François Lescure, président

 Coursiers sanitaires et sociaux Mme Sibel de la Selle Bilal, fondatrice, M. Souhil Zebboudj, directeur marketing et développement, et Mme Olivia Galley-Allouch, médecin généraliste et membre de l’association CRCMRP, structure qui porte les Coursiers sanitaires et sociaux

            Mutualité française  M. Albert Lautman, directeur général, Mme Séverine Salgado, directrice santé, M. Alexandre Tortel, directeur adjoint des affaires publiques, responsables du pôle influence nationale, et M. Matthieu Ledermann, directeur adjoint de la direction santé

            Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS)  M. Nicolas Revel, directeur général, et Mme Véronika Levendof, responsable des relations avec le Parlement

            Cour des comptes  M. Denis Morin, président de la 6ème chambre

            Pr Pierre Simon, ancien président de la Société française de télémédecine

            Direction générale de l’offre de soins (DGOS)  Mme Cécile Courrèges, directrice générale, Dr Michel Varroud-Vial, conseiller soins primaires et professionnels libéraux, M. Thomas Deroche, adjoint à la sous-direction de la performance en offre de soins, M. François Lemoine, conseiller médical recherche et enseignement supérieur, et Mme Eve Robert, inspectrice des affaires sociales

            Direction de la sécurité sociale (DSS)  Mme Mathilde Lignot-Leloup, directrice de la sécurité sociale, et M. Hugo Gilardi, adjoint au sous-directeur de la Sous-direction du financement du système de soins

            Dr Bertrand Joseph, médecin coordonnateur de la maison de santé pluriprofessionnelle (MSP) de Grindelle Châteaudun et président de la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) Sud 28, et Mme Sylvie Mathiaud, chargée de mission à la Mutualité Sociale Agricole (MSA)-Beauce-Cœur de Loire

            Agences régionales de santé  M. Christophe Lannelongue, directeur général de l’ARS Grand-Est

            Mme Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, M. Jacques Olivier Dauberton, conseiller, et Mme Margaux Bonneau, conseillère parlementaire

            Auditions des représentants des collectivités territoriales :

  Assemblée des départements de France (ADF)  M. André Accary, président du département de Saône et Loire, M. Yoann Charlot, directeur de cabinet-adjoint, M. Jean Michel Rapinat, et Mme Ann-Gaëlle Werner-Bernard, conseillère pour les relations avec le Parlement

  Association des maires de France (AMF) – Mme Isabelle Maincion, vice-présidente et maire de La-Ville-aux-Clercs, Mme Nelly Jacquemot, responsable du service action sociale, éducation, culture, et Mme Sarah Reilly, conseillère santé et petite enfance

  Association des maires ruraux de France (AMRF)  M. Dominique Dhumeaux, vice-président, et M. Frédéric Cagnato, stagiaire

   Annexe 2 : liste des personnes auditionnées
par le rapporteur

            Kry France  M. Jonathan Ardouin, directeur général, et M. Maxime Cordier, en charge du développement international

            Conseil départemental de l’Ordre national des sages-femmes de l’Eure-et-Loir  Mme Cloé Mandard, présidente

            DOCADOM  M. Marc Postel-Vinay, co-fondateur

            Syndicat national des associations d’assistance à domicile (SNADOM)  M. Jonathan Martinez, délégué général, et Mme Françoise Tessonier

            CLINAMEN Conseil  M. Michel Drouet, président

            Conseil national de l’Ordre des médecins  M. Patrick Bouet, président

            Conseil national professionnel d’ophtalmologie  M. Jean-Bernard Rottier, secrétaire général

            Santé.fr  Mme Giovanna Marisco, déléguée au service public d’information en santé, Mme Anne Benier, conseillère, et M. Nourdine Bensalah

            Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France  Colonel Éric Faure, président, et M. Guillaume Bellanger, directeur de cabinet

            Collectif des médecins de la Manche  M. Thierry Pontais et Mme Frédérique Sarazin, membres

            Rassemblement des opticiens de France (ROF)  M. André Balbi, président, M. Nicolas Raynal, délégué général, Mme Sandrine Ladoux, directrice des relations institutionnelles et de l'innovation santé pour Optic 2000, et M. Didier Cohen, consultant stratégie direction Alain Afflelou

            SOS Médecins – Dr Pierre-Henry Juan, président

            Bristol-Myers Squibb (BMS)  Mme Laure Lechertier, directrice des affaires gouvernementales et des partenariats institutionnels

            UniVers Santé  Mme Nelly Forget, présidente

            Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile (FNEHAD)  Mme Elisabeth Hubert, présidente, et M. Nicolas Noiriel, délégué national

            MEDADOM  MM. Nathaniel Bern et Eliedan Mimouni, co-fondateurs

            Direct Medica  Mme Sophie Kerob, directrice générale

            Médiveille  M. Cyrille Charbonnier, président, et M. Stéphane Mosnier, responsable commercial des opérations

            M. Olivier Le Pennetier, interne en médecine générale

            M. Pierre Morel-À-L’Huissier, député

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(*) Ce représentant d’intérêts a procédé à son inscription sur le répertoire de la Haute Autorité de transparence pour la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale


([1])  Voir le lien suivant : https://www.bva-group.com/sondages/francais-renoncement-aux-soins-sondage-bva-fondation-april/

([2])  DREES, « 10 000 médecins de plus depuis 2012 », étude n° 1061, mai 2018.

([3])  Audition du jeudi 26 avril 2018.

([4])  Idem.

([5]) CNOM, Atlas de la démographie médicale en France, 2017, p. 36. 

([6])  DREES, « 10 000 médecins de plus depuis 2012 », étude n° 1061, mai 2018.

([7])  OCDE, Panorama de la santé 2015, pp. 86-87.

([8])  Comme le note la Conférence des doyens des facultés de médecine dans la contribution écrite qu’elle a fournie à la commission, l’édition 2017 du Panorama de la santé de l’OCDE, fait état d’une légère progression du nombre moyen de médecins pour 1 000 habitants au sein des 35 pays de l’OCDE (3,4 pour 1 000), tandis que ce nombre stagne en France (3,3 médecins en exercice pour 1 000 habitants), de sorte que notre pays se situe désormais en dessous de la moyenne des pays appartenant à cette organisation. Voir le lien suivant : https://www.oecd.org/fr/els/systemes-sante/Panorama-de-la-sant%C3%A9-2017_Chartset.pdf

([9]) OCDE, Panorama de la santé 2015, p. 86.

([10]) Arrêté du 13 novembre 2017 relatif à la méthodologie applicable à la profession de médecin pour la détermination des zones prévues au 1° de l’article L. 1434-4 du code de la santé publique.

([11])  L’Atlas,de la démographie médicale publié en 2017 par le CNOM montre par exemple que, dans un département comme l’Indre, dont le nombre d’habitants a diminué de 4 % entre 2007 et 2017, le nombre de médecins a reculé, sur la même période, de 19 % - soit une baisse presque cinq fois plus rapide que l’évolution de la population départementale (op. cit., p. 43).

([12])  Il s’agissait d’une allocation de remplacement de revenu qui était versée au médecin par la Caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF) pour le compte de l’assurance-maladie jusqu’à l’âge de la retraite, soit 65 ans.

([13])  M. Patrick Bouet, « L’accès aux soins pour tous n’est plus garanti », Le Journal du dimanche, 29 avril 2018.

([14]) Audition du 26 juin 2018.

([15]) Décret n° 2017-1873 du 29 décembre 2017 authentifiant les chiffres des populations de métropole, des départements d’outre-mer de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de La Réunion, de Saint‑Barthélemy, de Saint-Martin, et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

([16]) Observatoire des territoires, Le vieillissement de la population et ses enjeux, janvier 2018. Voir le lien suivant : http://www.observatoire-des-territoires.gouv.fr/observatoire-des-territoires/fr/le-vieillissement-de-la-population-et-ses-enjeux

([17])  INSEE, INSEE Résultats, « Le scénario central de projections de population 2013-2017 pour la France », 3 novembre 2016, pp. 79 et s. Voir le lien suivant : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2400057

([18])  DREES, « 10 000 médecins de plus depuis 2012 », étude n° 1061, mai 2018.

([19])  Cour des comptes, Rapport sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale, septembre 2016, p. 207.

([20])  Ibidem, p. 213. Rappelant qu’en termes financiers, les dépenses liées aux ALD (89,3 milliards d’euros en 2013) constituent désormais 60,8 % du total des remboursements de l’assurance-maladie, la Cour des comptes indique que quatre groupes de pathologies réunissent plus de 77 % des assurés en ALD au titre du régime général : les maladies cardio-neuro-vasculaires, les diabètes (de types 1 et 2), les tumeurs malignes et les affections psychiatriques. D’après la direction générale du Trésor (DGT), la part des dépenses des patients en ALD dans la dépense de santé est appelée à s’accroître fortement au cours des dix prochaines années, les assurés en ALD étant susceptibles de passer de 15,4 % (en 2011) à 19,7 % de la population couverte d’ici 2025 (« Quel avenir pour le dispositif de prise en charge des affections de longue durée (ALD) ? », Trésor-éco, n° 145, avril 2015). Ce sont aussi les prévisions de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) qui estime par exemple qu’entre 2015 et 2020, le nombre de patients devrait augmenter de 600 000 pour les maladies cardio-neuro-vasculaires, de 455 000 pour le diabète, de 340 000 pour les maladies respiratoires chroniques et de 100 000 pour les maladies psychiatriques (CNAMTS, Cartographie médicalisée des dépenses de santé, 31 mai 2017).

([21])  DREES, « Les médecins d’ici à 2040 : une population plus jeune, plus féminisée et plus souvent salariée », étude n° 1011, mai 2017.

([22])  Article L. 631-1, I, 2° du code de l’éducation.

([23])  Ainsi, dans le cadre du « pacte territoire santé » mis en place par Mme Marisol Touraine, alors ministre des Affaires sociales et de la Santé, le numerus clausus a été augmenté de 131 places en 2015 dans dix régions en manque de médecins, à savoir les Antilles-Guyane, l’Auvergne, la Basse-Normandie, la Bourgogne, le Centre-Val-de-Loire, la Haute-Normandie, le Nord-Pas-de-Calais, la Picardie, la Réunion et la région Rhône-Alpes.

([24])  Cour des comptes, L’avenir de l’assurance-maladie : assurer l’efficience des dépenses, responsabiliser les acteurs, novembre 2017, p. 124.

([25])  CNOM, Atlas de la démographie médicale en France, 2017, p. 33.

([26])  Ibidem, p. 32.

([27])  Ibidem, p. 65. Cependant, selon une étude publiée par la DREES l’an dernier, « la proportion de médecins de 55 ans ou plus, qui s’élève à 45 % en 2015, ne serait plus que de 22 % en 2040 » (« Les médecins d’ici à 2040 : une population plus jeune, plus féminisée et plus souvent salariée », étude n° 1011, mai 2017).

([28])  DREES, « Les médecins d’ici à 2040 : une population plus jeune, plus féminisée et plus souvent salariée », étude n° 1011, mai 2017.

([29])  Ibidem, p. 37.

([30]) DREES, « 10 000 médecins de plus depuis 2012 », étude n° 1061, mai 2018. Cette proportion d’un dixième de médecins titulaires d’un diplôme étranger est également évoquée par la Cour des comptes qui estime qu’« en 2015, 10 % des médecins […] ont ainsi un diplôme étranger [Note 194 : 14 % des spécialistes et 5 % des médecins généralistes] » (Cour des comptes, L’avenir de l’assurance-maladie : assurer l’efficience des dépenses, responsabiliser les acteurs, novembre 2017, p. 123).

([31])  11 x 226 000 / 100 = 24 860. S’appuyant sur une étude du CNOM lui-même, un article de presse paru à l’automne 2017 citait le chiffre de 26 805 médecins titulaires d’un diplôme européen ou extra-européen exerçant en France, dont 22 619 de façon régulière (F. Béguin, «Le nombre de médecins à diplôme étranger en France a doublé en dix ans », Le Monde, 12 octobre 2017).

([32])  DREES, « 10 000 médecins de plus depuis 2012 », étude n° 1061, mai 2018.

([33])  DREES, « Les médecins d’ici à 2040 : une population plus jeune, plus féminisée et plus souvent salariée », étude n° 1011, mai 2017.

([34])  CNOM, Atlas de la démographie médicale en France, 2017, p. 111 : « Parmi les médecins nouvellement inscrits à l’Ordre au cours de l’année 2016, 80,4 % sont titulaires d’un diplôme français contre 77,6 % en 2015 ; 10,4 % d’un diplôme de l’Union Européenne (11,1 % en 2015) et 9,2 % d’un diplôme extraeuropéen (11,3 % en 2015). […] La région Centre-Val-de-Loire a la particularité de recenser parmi les médecins nouvellement inscrits au tableau de l’ordre au cours de l’année 2016 la plus faible part de diplômes français (69,6 %). La région Île-de-France se trouve également dans cette configuration avec 73,4 % de diplômes français. »

([35])  DREES, « Les médecins d’ici à 2040 : une population plus jeune, plus féminisée et plus souvent salariée », étude n° 1011, mai 2017.

([36])  D’après des données fournies par l’Ambassade de France en Roumanie, en 2015, 681 étudiants français ont suivi des études de médecine dans ce pays, dont 477 à l’Université de Cluj-Napoca, étant précisé que, selon les réponses faites par la DGOS au questionnaire qui lui a été adressé, « il semblerait qu’à Cluj, les frais d’inscription atteignent 5000 euros par an » et que « ce chiffre n’intègre pas les dépenses courantes de l’étudiant (hébergement, etc.) ».

([37])  Dans les réponses qu’elle a fournies au questionnaire qui lui a été adressé, la DGOS confirme que « le nombre d’étudiants s’inscrivant aux ECN pour intégrer le 3e cycle des études de médecine en France, après avoir validé leurs deux premiers cycles dans un autre pays de l’Union européenne, a sensiblement augmenté depuis 2009. […] Parmi ces derniers, une centaine était de nationalité française, ayant, pour l’essentiel, effectué leurs deux premiers cycles en Roumanie ».

([38])  Question écrite n° 933 (XVe législature), publiée au Journal Officiel le 5 septembre 2017.

([39])  DREES, « 10 000 médecins de plus depuis 2012 », étude n° 1061, mai 2018.

([40])  D’après les réponses fournies par la DREES au questionnaire qui lui a été adressé, cette durée moyenne de travail hebdomadaire serait tombée à 55 heures en 2014, si l’on se fie aux données issues de la troisième édition du Panel des médecins généralistes.

([41])  DREES, « Les emplois du temps des médecins généralistes », étude n° 797, mars 2012.

([42]) CNOM, Atlas de la démographie médicale en France, 2017, p. 65. D’après une étude publiée par la DREES l’an dernier, les femmes « devraient être majoritaires dès 2021 et représenter plus de 60 % des médecins en exercice en 2034 » (« Les médecins d’ici à 2040 : une population plus jeune, plus féminisée et plus souvent salariée », étude n° 1011, mai 2017).

([43])  DREES, « Les emplois du temps des médecins généralistes », étude n° 797, mars 2012.

([44])  Lors de son audition, le directeur de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES), M. Denis Raynaud, a déclaré que « quand un médecin déclare travailler 60 heures, 40 heures seulement sont dévolues au temps médical, ce qui est dommage ».

([45])  DREES, « Les emplois du temps des médecins généralistes », étude n° 797, mars 2012.

([46])  L. Tranthimy, « Pour délester les médecins des tâches administratives, la Sécu prend la main sur le renouvellement de certaines ALD », Le Quotidien du médecin, 10 avril 2018.

([47])  Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés.

([48])  DREES, « Les emplois du temps des médecins généralistes », étude n° 797, mars 2012.

([49])  DREES, « Les emplois du temps des médecins généralistes », étude n° 797, mars 2012.

([50])  Rapport d’information n° 686 précité, p. 62.

([51])  Arrêté du 22 décembre 2017 fixant le seuil d’affiliation au régime des prestations complémentaires de vieillesse des médecins libéraux prévu à l’article L. 645-1 du code de la sécurité sociale.

([52])  DREES, « Les médecins d’ici à 2040 : une population plus jeune, plus féminisée et plus souvent salariée », étude n° 1011, mai 2017.

([53]) DREES, « Les médecins d’ici à 2040 : une population plus jeune, plus féminisée et plus souvent salariée », étude n° 1011, mai 2017.

([54])  CNOM, Atlas de la démographie médicale en France, 2010, p. 7.

([55]) CNOM, Atlas de la démographie médicale en France, 2017, p. 36. 

([56]) DREES, « 10 000 médecins de plus depuis 2012 », étude n° 1061, mai 2018.

([57])  Contribution écrite remise à la commission.

([58])  CNOM, Atlas de la démographie médicale en France, 2017, p. 117. 

([59]) Ibidem, pp. 71-72.

([60]) DREES, « Les médecins d’ici à 2040 : une population plus jeune, plus féminisée et plus souvent salariée », étude n° 1011, mai 2017.

([61]) DREES, « 10 000 médecins de plus depuis 2012 », étude n° 1061, mai 2018.

([62]) CNOM, Atlas de la démographie médicale en France, 2017, p. 117.

([63]) Ibidem, pp. 171 et 175.

([64]) Ibidem, p. 117.

([65]) Ibidem, p. 176.

([66]) Ibidem, p. 179.

([67])  Cette proposition semble recueillir l’assentiment de la direction générale de l’offre de soins (DGOS), à en juger par les propos tenus, lors de son audition, par M. Michel Varroud-Vial, conseiller « soins primaires et professionnels libéraux » au sein de cette direction.

([68])  Voir le lien suivant : https://www.egora.fr/actus-pro/hopitaux-cliniques/33729-l-hopital-public-cherche-le-remede-aux-postes-vacants

([69])  Question écrite n° 01817, JO Sénat, 2 novembre 2017.

([70])  O. Véran, Hôpital cherche médecins, coûte que coûte : essor et dérives du marché de l’emploi médical temporaire à l’hôpital public, décembre 2013, p. 3.

([71])  H. Gazzane, « Le déficit des hôpitaux publics a frôlé le milliard d’euros en 2017 », Le Figaro, 19 juin 2018.

([72]) « La rémunération des médecins intérimaires dans les hôpitaux sera plafonnée en janvier 2018 », Le Monde, 26 novembre 2017.

([73])  Ph. Gambert, « Si on ne fait rien, l’hôpital public ne va pas tenir », entretien avec Mme Rachel Bocher, Ouest France, 7 février 2018. Voir le lien suivant : https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/loire-atlantique/si-ne-fait-rien-l-hopital-public-ne-va-pas-tenir-5551196

([74])  Question écrite n° 01817, JO Sénat, 2 novembre 2017.

([75])  Du point de vue de M. Michel Ballereau, « pour agir efficacement, il faut établir un plafond [pour le recours à l’intérim] et poser le principe que s’il n’est pas respecté, la structure ne peut plus assurer la spécialité en cause, l’autorisation étant reprise immédiatement. Autrement dit, il faut inverser la charge de la preuve, tout en prévoyant, comme cela a été fait pour la biologie médicale, que le directeur général de l’ARS peut autoriser le dépassement du seuil fixé dans des cas exceptionnels dûment motivés. Ce seuil peut varier selon les spécialités, mais disposer que l’autorisation sera ipso facto suspendue s’il est dépassé poussera les responsables à réfléchir ».

([76])  DREES, Les établissements de santé, 2018, pp. 132 et s.

([77]) Contribution remise au rapporteur par la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France.

([78])  HCAAM, Contribution à la transformation du système de santé, 2018, p. 7 : « Le développement de la prévention de même que celui des prises en charge coordonnées au bénéfice des patients chroniques et des personnes âgées, la réponse aux demandes non programmées aussi bien que l’ambition du maintien à domicile butent sur la faible organisation de l’offre de proximité et sur la modestie de ses moyens. Cette faiblesse alimente un recours toujours croissant aux établissements hospitaliers, en désorganisant le fonctionnement par la nécessité de répondre à de multiples besoins programmés ou non, courants aussi bien que très spécialisés. »

([79])  Cour des comptes, Rapport sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale, « Les urgences hospitalières : une fréquentation croissante, une  articulation avec la médecine de ville à repenser », septembre 2014, pp. 349 et s., spéc. p. 351. Voir également : DREES, « Les urgences hospitalières, qu’en sait-on ? », 2013.

([80])  Ibidem, p. 376. Et les magistrats de la rue de Cambon d’en conclure que « sans préjudice de la proportion de patients pour lesquels les interventions complémentaires nécessaires auraient pu être pratiquées en ville, une réorientation de ce flux vers la médecine ambulatoire pourrait se traduire pour l’assurance maladie, toutes choses égales par ailleurs, par des économies de l’ordre de 500 ou 300 millions d’euros ».

([81])  Rapport d’information n° 685 (session extraordinaire 2016-2017) fait, au nom de la commission des Affaires sociales, sur les urgences hospitalières, par Mme Laurence Cohen, Catherine Génisson et M. René‑Paul Savary, juillet 2017, p. 38.

([82])  Comme l’a rappelé, à juste titre, le président de la FHF, M. Frédéric Valletoux, il ne faut pas perdre de vue que « l’hospitalisation privée commerciale accueille à peu près un quart des patients bénéficiaires des différents systèmes d’aide médicale d’urgence », même si, selon lui, « de nombreuses informations remontent des territoires selon lesquelles des établissements privés limitent leurs activités d’urgence – et l’affichent ».

D’après la DREES (Les établissements de santé, 2018, p. 132), « la médecine d’urgence est prise en charge essentiellement par le secteur public, qui concentre 77 % des structures des urgences, tandis que 17 % d’entre elles dépendent du secteur privé à but lucratif et seulement 6 % du secteur privé à but non lucratif ».

([83])  Th. Mesnier, rapport précité, p. 2.

([84])  FHF, Renforcer le lien ville-hôpital, 2018, p. 10.

([85])  Voir le lien suivant : http://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/fiche_28.pdf. D’après la CNAMTS, on comptait, en juin dernier, 1 213 856 DMP ouverts.

([86]) H. Gazzane, « Le nombre de passages aux urgences a doublé en vingt ans », Le Figaro, 26 juin 2018.

([87])  Lors de son audition, le directeur général de l’ARS Grand-Est, M. Christophe Lannelongue, a rappelé que notre pays consacrait aux dépenses de santé trois points de produit intérieur brut (PIB) de plus que l’Allemagne où les soins primaires sont pourtant bien plus développés et où le virage ambulatoire a été amorcé depuis bientôt trente ans…

([88])  DREES, « 10 000 médecins de plus depuis 2012 », étude n° 1061, mai 2018.

([89])  Cette enquête est consultable au lien suivant : https://www.quechoisir.org/action-ufc-que-choisir-acces-aux-soins-en-france-la-fracture-s-aggrave-n21799/

([90])  Rapport d’information n° 686 précité, p. 36.

([91])  CNOM, Atlas de la démographie médicale en France, 2017, p. 41. D’après M. Bruno Silberman, premier vice-président de la Fédération nationale des médecins radiologues, cela tient en grande partie au coût de l’immobilier dans la capitale et sa périphérie.

([92])  Idem.

([93])  Ibidem, pp. 77-79.

([94])  Ibidem, p. 79.

([95])  DREES, « 10 000 médecins de plus depuis 2012 », étude n° 1061, mai 2018.

([96])  Idem.

([97])  Idem.

([98]) Rapport d’information n°  686 précité, p. 13.

([99])  Cour des comptes, Rapport sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale, septembre 2011, p. 153.

([100]) CNOM, Atlas de la démographie médicale en France, 2017, p. 51.

([101]) Ibidem.

([102])  Voir le lien suivant : https://www.bva-group.com/sondages/francais-renoncement-aux-soins-sondage-bva-fondation-april/

([103]) Ibidem, p. 52.

([104])  M. ‑ C. Renault, « L’Île-de-France, un désert médical contre lequel Valérie Pécresse veut lutter absolument », Le Figaro, 22 juin 2018.

([105])  Idem.

([106])  D’après Mme Sophie Bauer, secrétaire générale du Syndicat des médecins libéraux (SML), environ deux cents résidents seraient concernés : « une centaine se sont déclarés, et l’on pense qu’il y en a autant ou plus qui ne l’ont pas fait par peur de mesures de rétorsion quand ils ont réussi à continuer quand même à travailler ».

([107]) CNOM, Atlas de la démographie médicale en France, 2017, p. 57.

([108])  Rapport d’information n° 686 précité, p. 21.

([109])  DREES, « Accessibilité aux professionnels de santé libéraux : des disparités géographiques variables selon les conditions tarifaires », étude n° 970, juillet 2016.

([110]) Idem.

([111]) CNOM, Atlas de la démographie médicale en France, 2017, p. 58.

([112]) Cour des comptes, L’avenir de l’assurance-maladie : assurer l’efficience des dépenses, responsabiliser les acteurs, novembre 2017, p. 118.

([113]) Quand on sait que « dans la ville de Paris, où le nombre de médecins a diminué de 25 %, la plupart de ceux qui restent sont en secteur 2 », on peut légitimement se demander, avec le président de l’Union syndicale de médecins de centres de santé (USMCS), M. Éric May, « où est, dans ces conditions, l’égalité d’accès aux soins »…

([114])  Contribution écrite remise par la DREES à la commission.

([115])  Rapport d’information n° 686 précité, p. 15.

([116])  Audition du 26 juin 2018.

([117])  Rapport d’information n° 686 précité, p. 25.

([118])  Ibidem, p. 62.

([119]) Rapport d’information n° 686 précité, p. 32.

([120]) Ibidem, p. 35.

([121])  D’après la DGOS, 9 régions ont publié leur arrêté de zonage (Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté, Centre-Val de Loire, Île-de-France, PACA, Pays de la Loire, Guadeloupe, Martinique), 5 autres régions devraient le faire cet été (Bretagne, Corse, Grand-Est, Nouvelle-Aquitaine, Océan indien), et la Guyane, les Hauts-de-France et l’Occitanie publieront le leur d’ici la fin de l’année 2018.

([122]) Ibidem, p. 38.

([123])  Cour des comptes, Rapport sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale, p. 163.

([124])  Rapport d’information n° 335 (session ordinaire 2012-2013), présenté par le sénateur Hervé Maurey en conclusion des travaux du groupe de travail sur la présence médicale sur l’ensemble du territoire, février 2013, p. 39.

([125])  Rapport d’information n° 686 précité, p.26.

([126])  Réponses au questionnaire adressé par le rapporteur.

([127])  Audition du 21 juin 2018.

([128])  Articles 44 quindecies et 1465 A du code général des impôts.

([129])  Rapport d’information n° 686 précité, p. 61.

([130]) Cette  rémunération  se  compose  d’une rémunération forfaitaire et d’astreinte, versée et définie, pour la régulation et les astreintes, par chaque ARS dans le cadre du cahier des charges de la permanence des soins et qui varie  en  fonction  des  périodes  de  l’année  ou  de  la semaine,  des  zones concernées  et  de  la  durée  de  l’astreinte  et  d’une majoration spécifique  des actes  effectués  prévue  par  l’article 10  et  définie par  l’annexe 9 de  la convention  du  25 août  2016  entre  l’assurance-maladie  et  les  médecins libéraux.  Celle-ci  varie  de  26,50 euros  pour  une  consultation  en  cabinet  le samedi à 59,50 euros pour une visite à domicile de milieu de nuit.

([131])  Rapport d’information n° 686 précité, p. 59.

([132])  Au-delà des seuls médecins nouvellement installés, on dénombrait en 2016, d’après les chiffres fournis par la CNAMTS à la commission, un total de 2 410 médecins adhérents à l’« option démographie », qui ont bénéficié d’aides à hauteur d’un montant total de 34 millions d’euros.

([133])  Rapport d’information n° 686 précité, p. 57.

([134])  D’après le point d’avancement établi, le 9 juillet dernier, par le deuxième comité de pilotage national du plan pour le renforcement de l’accès territorial aux soins, le COSCOM compterait désormais 700 signataires.

([135])  Objectif cible fixé par la nouvelle convention d’objectifs et de gestion (COG) conclue entre l’État et l’assurance-maladie pour la période 2018-2022.

([136])  Rapport d’information n° 335 précité, p. 36.

([137])  Loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013.

([138]) Article L. 1435-4-2 du code de la santé publique.

([139])  Voir le lien suivant : http://solidarites-sante.gouv.fr/archives/pts/les-10-engagements-du-pacte-territoire-sante/article/engagement-2-faciliter-l-installation-des-jeunes-medecins-dans-les-territoires

([140])  Rapport d’information n° 686 précité, p. 52.

([141])  Loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 de financement de la sécurité sociale pour 2015.

([142])  La même loi a par ailleurs instauré un dispositif similaire, celui de « praticien isolé à activité  saisonnière » (PIAS),  pour  répondre  à  la  problématique spécifique de certaines zones isolées, notamment en montagne.

([143])  Article L. 1435-4-3 du code de la santé publique.

([144])  Loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017.

([145])  Article L. 1435-4-5 du code de la santé publique.

([146])  Réponses de la DGOS au questionnaire qui lui a été adressé.

([147]) Loi n° 2009-879 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

([148])  Ce dispositif, piloté au niveau national, est financé par des crédits initialement issus du fonds d’intervention pour la qualité et la coordination des soins (FIQCS) de l’assurance maladie, et désormais prélevés sur son enveloppe « fonctionnement ».

([149])  Article L. 632-6 du code de l’éducation. Il faut préciser que l’engagement à exercer en zone sous-dotée porte sur la seule activité de soins, les activités de recherche ou d’enseignement pouvant, elles, être menées sur l’ensemble du territoire.

([150])  Voir le lien suivant : http://solidarites-sante.gouv.fr/archives/pts/les-10-engagements-du-pacte-territoire-sante/article/engagement-2-faciliter-l-installation-des-jeunes-medecins-dans-les-territoires

([151])  Rapport d’information n° 686 précité, p. 98.

([152])  Rapport d’information n° 686 précité, p. 100.

([153])  Rapport d’information n° 335 précité, p. 38.

([154])  Quelques mois après la publication du rapport de ces deux sénateurs, la Cour des comptes a fourni une estimation du coût, pour l’État et l’assurance-maladie, des aides financières à l’installation des professionnels de santé libéraux, qu’elle évalue, pour l’année 2015, à 86,9 millions d’euros (Cour des comptes, L’avenir de l’assurance-maladie : assurer l’efficience des dépenses, responsabiliser les acteurs, novembre 2017, p. 125).

([155])  Cour des comptes, L’avenir de l’assurance-maladie : assurer l’efficience des dépenses, responsabiliser les acteurs, novembre 2017, p. 126.

([156])  Cour des comptes, Rapports sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale, 2014 et 2017, p. 256.

([157]) Rapport d’information n° 14 (session ordinaire 2007-2008) fait, au nom de la commission des Affaires sociales, sur la démographie médicale, par le sénateur Jean-Marc Juilhard, p. 32.

([158]) Rapport d’information n° 1132 (XIIIe législature), fait, au nom de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, sur l’offre de soins sur l’ensemble du territoire, par le député Marc Bernier.

([159])  Proposition de loi n° 3158 (XIIIe législature).

([160])  Proposition de loi n° 3914 (XIIIe législature).

([161])  Propositions de loi n° 284 et n° 4119 (XIVe législature).

([162])  Amendement n° 154.

([163]) DREES, Études et Résultats, n° 1026, septembre 2017.

([164]) Cette évolution interroge, et, selon le Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes, « la formation qui leur a été dispensée pose problème », alors qu’ « une étude faite l’an dernier par un étudiant de Rennes montre que 10 % de ces diplômés n’ont pas eu de formation clinique. ».

([165]) DREES, Portrait des professionnels de santé, 2016.

([166])  DREES, Portrait des professionnels de santé, 2016.

([167]) La régulation du réseau des pharmacies d’officine, octobre 2016

([168]) DREES, Études et résultats n° 1062, mai 2018.

([169]) Source : https://www.osteopathie.org/demographie.html.  

([170]) Hors prise en charge des cotisations.  

 

([172]) DREES, Panorama des professionnels de santé, 2016.

([173]) L’indice de Gini varie de 0 à 1, et l'inégalité mesurée est d'autant plus forte que l'indice de Gini est élevé.

([174]) Source : CNAMTS.  

([175]) Décret n°2016-995 du 20 juillet 2016 relatif à la lettre de liaison.

([176]) Cour des comptes, Rapport annuel 2018.

([177])  Voir les liens suivants : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F10872 ; http://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/fiche_28.pdf et http://www.dmp.gouv.fr/

 

([178]) HCAAM, Contribution à la transformation du système de santé, rapport 2018.  

([179]) Améliorer l’offre de soins : initiatives réussies dans les territoires. Rapport de mission du Dr François Arnault  Délégué général aux relations internes.

([180]) Cystite, pharyngite, sinusite, dyspepsie, conjonctivite, piqûre de tique, lombalgie, brûlures, asthme aigu, asthme-conseil, rhinite allergique, verrues, constipation, diarrhées, acné, impétigo, zona, eczéma, mycoses, pityriasis versicolore, vulvo-vaginite, céphalées.

([181]) Source : revue  « Prescrire », 1er novembre 2016. .

([182]) 8° de l’article L. 5125-1-1 A du code de la santé publique

([183]) Conseil d'État, 1ère - 6ème chambres réunies, 28 décembre 2017, 403810.  Dans cette décision, le Conseil d’Etat a enjoint au Premier ministre de prendre, dans un délai de six mois, ce décret en Conseil d’Etat.

([184]) Source: Royal College of Nursing, https://www.rcn.org.uk/.

([185]) Nurses in advanced roles in primary care, Policy levers for implementation, OCDE, 2015.

([186])  Décret n°2018-629 du 18 juillet 2018 relatif à l’exercice infirmier en pratique avancée.

([187]) Cette formation universitaire spécifique de deux ans conduira à l’obtention d’un diplôme d’Etat d’infirmier en pratique avancée précisant la mention choisie et reconnu au grade universitaire de master. Elle sera organisée en quatre semestres comprendra une part d’enseignement théorique, environ 2 semaines par mois, et une part de stages avec une durée minimale de 2 mois en première année et de 4 mois en deuxième année.

([188]) IRDES, septembre 2013 : Répartition géographique des maisons et pôles de santé en France  et impact sur la densité des médecins généralistes libéraux. Deuxième volet de l’évaluation des maisons, pôles et centres de santé dans le cadre des expérimentations des nouveaux modes de rémunération (ENMR).

([189]) D’après le HCAAM, les CPTS déjà existantes ou en projet couvrent aujourd’hui une maille de 30 000 à 100 000 habitants.  

([190]) Pour mémoire, comme l’a souligné le rapport d’Olivier Véran, député, sur le PLFSS pour 2018 : « Une expérimentation portant sur le champ de la télémédecine en ville avait été engagée avec la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2014. En raison d’une lente maturation du cahier des charges expérimental ainsi que de complexités administratives, aucun projet n’avait pu voir le jour en 2016. La loi de financement pour 2017 avait procédé à un allégement des procédures de déploiement tout en élargissant son champ aux actes et consultations externes des établissements de santé et aux structures médico-sociales. Parallèlement, l’assurance maladie et les médecins libéraux se sont accordés sur le financement de quatre actes de télémédecine dans le cadre de la convention médicale de 2016. »

([191]) Thomas Mesnier, Assurer le premier accès aux soins. Organiser les soins non programmés dans les territoires, mai 2018.  

([192]) L’article R. 6316-1 du code de la santé publique qui définit la téléconsultation prévoit notamment qu’un professionnel de santé ou un psychologue peut être présent auprès du patient et, le cas échéant, assister le professionnel médical au cours de la téléconsultation.

([193]) Voir le lien suivant :

https://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne-franche-comte/nievre/clamecy/region-bourgogne-franche-comte-s-oppose-au-projet-regional-sante-1456375.html

([194]) Dr Patrick Bouet, Santé : explosion programmée, Editions de l’Observatoire, 2018.

([195]) Conseil économique, social et environnemental, Les déserts médicaux, avis présenté par Mme Sylvie Castaigne et M. Yann Lasnier, décembre 2017.

([196]) Le décret n°2017-327 du 14 mars 2017 portant création d'une prime d'exercice territorial et d'une prime d'engagement de carrière hospitalière  crée au sein des statuts médicaux la prime d'exercice territorial pour activité dans plusieurs établissements ou dans plusieurs sites d'un même établissement, dans le cadre des GHT. L’arrêté du 14 mars 2017 relatif à la prime d'exercice territorial des personnels médicaux, odontologiques et pharmaceutiques précise les conditions d’éligibilité à cette prime. L'activité partagée du praticien est réalisée sur un site distant de 20 km au moins de son site principal d'exercice. Le montant de la prime est fonction du nombre moyen hebdomadaire de demi-journées passées en dehors du site principal d'exercice du praticien ainsi que du nombre de sites d'exercice différents le cas échéant, de 250 euros brut pour une demi-journée à 1 000 euros bruts pour 4 demi-journées sur au moins deux sites différents du site principal d’exercice ou plus de quatre demi-journées.

([197]) Ces postes seront financés par les crédits MIGAC des établissements (Missions d'Intérêt Général et d'Aide à la Contractualisation).

([198]) FHF, Renforcer le lien ville-hôpital, 2018

([199]) Circulaire N°DHOS/O1/2003/195 du 16 avril 2003 relative à la prise en charge des urgences et son annexe sur les « principes d’organisation des urgences et de la permanence des soins et circulaire N°DGOS/R5/2011/311 du 1er août 2011.

([200])  Décret n° 2004-67 du 16 janvier 2004 relatif à l’organisation du troisième cycle des études médicales.

([201])  S. Godeluck, « Le concours d’infirmier va disparaître », Les Échos, 6 juillet 2018.

([202])  Article L. 632-2, alinéa 4, du code de l’éducation : « Un arrêté du ministre chargé de l’enseignement supérieur et du ministre chargé de la santé détermine le nombre de postes d’interne offerts chaque année par discipline ou spécialité et par centre hospitalier universitaire. Le choix effectué par chaque étudiant est subordonné au rang de classement aux épreuves classantes nationales. »

([203]) Issu de l’article 43 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, l’alinéa 2 de l’article L. 632-2 du code de l’éducation dispose qu’« un arrêté du ministre chargé de l’enseignement supérieur et du ministre chargé de la santé détermine pour une période de cinq ans le nombre d’internes à former par spécialité, en particulier celle de médecine générale, et par subdivision territoriale, compte tenu de la situation de la démographie médicale dans les différentes spécialités concernées et de son évolution au regard des besoins de prise en charge spécialisée ».

([204])  Article R. 632-5 du code de l’éducation.

([205])  DREES, « En 2016, 7 700 étudiants affectés à l’issue des premières épreuves classantes nationales informatisées », étude n° 1006, mars 2017.

([206])  À titre d’exemple, à l’issue des ECN de 2017, sur 8 370 candidats classés, 7 978 ont été affectés. 392 candidats classés n’ont donc pas été affectés (soit 4,7 % du nombre total de candidats classés).

([207])  DREES, « En 2016, 7 700 étudiants affectés à l’issue des premières épreuves classantes nationales informatisées », étude n° 1006, mars 2017.

([208])  Idem.

([209])  Idem.

([210]) Propositions de loi n° 3914 (XIIIe législature), n° 284 et n° 4119 (XIVe législature).

([211])  CNOM, Pour l’avenir de la santé, p. 52.

([212])  Décret n° 2010-804 du 13 juillet 2010 relatif aux missions de l’Observatoire national de la démographie des professions de santé.

([213])  DREES, « En 2016, 7 700 étudiants affectés à l’issue des premières épreuves classantes nationales informatisées », étude n° 1006, mars 2017.

([214])  Rapport d’information n° 686 précité, p. 47.

([215]) DREES, « En 2016, 7 700 étudiants affectés à l’issue des premières épreuves classantes nationales informatisées », étude n° 1006, mars 2017.

([216])  Idem.

([217])  DREES, Portrait des professionnels de santé, 2016, p. 86, citant un rapport publié en 2015 par l’Observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS) (p. 28).

([218])  Rapport d’information n° 335 précité, p. 52.

([219])  ONDPS, Rapport 2015, p. 59.

([220])  Bulletin de l’Académie nationale de médecine, 2007, 191, n° 3, 641-652, séance du 27 mars 2007.

([221])  Cour des comptes, L’avenir de l’assurance-maladie : assurer l’efficience des dépenses, responsabiliser les acteurs, novembre 2017, p. 127.

([222])  1200 x 12 x 8708.

([223])  On notera qu’en complément de tels dispositifs, des mesures ont été prises, non seulement en Australie et au Canada, mais aussi aux États-Unis et au Japon, pour imposer aux médecins titulaires de diplômes étrangers de s’installer dans les zones sous-dotées pour une période déterminée (un an aux États-Unis, cinq ans au Canada, six ans au Japon) ou illimitée (en Australie), en contrepartie de l’autorisation d’exercice qui leur est délivrée.

([224])  Audition du 26 juin 2018.

([225])  Contribution écrite remise à la commission.

([226])  G. Vallancien et alii, « Vive les études en santé ! », Le Point, 27 juin 2018.

([227])  Le projet « Ambition PACES » est destiné à convaincre les élèves de lycée des zones les plus touchées par des problèmes de démographie médicale, très peu nombreux à candidater à la PACES, qu’ils peuvent réussir dans cette voie.

([228])  Rapport d’information n° 686 précité, p. 100.

([229])  CESE, Les déserts médicaux, par Mme Sylvie Castaigne et M. Yann Lasnier, décembre 2017, p. 17 : « la sociologie du recrutement des étudiants en médecine comporte certaines constantes qui, si elles ne sont pas corrigées, ne contribueront pas à lutter contre les déserts médicaux. D’une part, les jeunes intégrant ce cursus sont très majoritairement issus des métropoles et de milieux sociaux favorisés. Le regard porté sur la ruralité, les banlieues et plus généralement les territoires sous-denses peut être empreint de préjugés […] D’autre part, les études de médecine, qui sont longues et représentent un effort financier important pour les familles, dissuadent les jeunes de familles modestes de s’inscrire en première année commune aux études de santé (PACES) […]. De ce fait, les jeunes qui grandissent dans les zones sous-denses et qui pourraient être intéressés par le projet d’exercer un métier de la santé sur leur territoire d’origine sont rares en PACES ».

([230])  S. Martos, « Intelligence artificielle, déontologie, concours : les études du futur vues par les doyens », Le Quotidien du médecin, 28 mai 2018 : « chaque année, plus de 40 000 étudiants sont laissés sur le carreau. En 2018, le numerus clausus offre 8 205 places en médecine pour 59 000 candidats ».

([231])  Contribution écrite fournie à la commission.

([232])  Voir le lien suivant :

https://www.lequotidiendumedecin.fr/actualites/article/2018/05/28/les-etudes-du-futur-vues-par-les-doyens_858220

([233])  CNOM, Livre Blanc « Pour l’avenir de la santé », janvier 2016, p. 50.

([234])  Contribution écrite fournie à la commission. Dans une étude publiée l’an dernier, la DREES estime en effet que « compte tenu de la longueur des études médicales, une modification du numerus clausus ne commence à produire ses effets sur l’effectif de médecins que dix ans plus tard » (« Les médecins d’ici à 2040 : une population plus jeune, plus féminisée et plus souvent salariée », étude n° 1011, mai 2017).

([235])  Rapport d’information n° 686 précité, proposition n° 17.

([236])  ISNAR-IMG, Accessibilité des terrains de stages ruraux : document de propositions de l’ISNAR-IMG, janvier 2018, p. 4.

([237])  Arrêté du 18 octobre 2017 fixant les modalités de fonctionnement, d’organisation et d’évaluation des centres de santé pluriprofessionnels universitaires et des maisons de santé pluriprofessionnelles universitaires.

([238])  ISNAR-IMG, Accessibilité des terrains de stages ruraux : document de propositions de l’ISNAR-IMG, janvier 2018, p. 5.

([239])  Ibidem, p. 4.

([240])  Rapport d’information n° 686 précité, proposition n° 18, p. 104.

([241])  Décret n° 2016-1597 du 25 novembre 2016 relatif à l’organisation du troisième cycle des études de médecine et modifiant le code de l’éducation.

([242])  Ce texte précise en outre que « l’étudiant de troisième cycle des études de médecine en stage est placé sous l’autorité du responsable médical du lieu de stage agréé dans lequel il est affecté ou du praticien agréémaître de stage des universités ».

([243])  CESE, Les déserts médicaux, par Mme Sylvie Castaigne et M. Yann Lasnier, décembre 2017, p. 19.

([244])  DREES, « Les emplois du temps des médecins généralistes », étude n° 797, mars 2012.

([245]) M.‑ C. Renault, Interview du Dr Yannick Schmitt, président du syndicat REAGJIR, « Les étudiants ont appris à soigner un cancer mais ne savent pas traiter un rhume », Le Figaro, 23 mai 2018.

([246]) CNOM, Atlas de la démographie médicale, 2016, pp. 183 et s.

([247])  Ibidem, p. 202.

([248])  Ibidem, p. 208.

([249])  ISNAR-IMG, Accessibilité des terrains de stages ruraux : document de propositions de l’ISNAR-IMG, janvier 2018, p. 4.

([250])  M. ‑ C. Renault, « Recherche désespérément maîtres de stage pour futurs médecins », Le Figaro, 22 mai 2018,  citant des chiffres du Syndicat national des enseignants de médecine générale (SNEMG).

([251]) Le point d’avancement du plan pour le renforcement de l’accès territorial aux soins établi le 9 juillet dernier fait état de 9 400 MSU au 1er janvier 2018.

([252]) Propos cités par M. ‑ C. Renault, « Recherche désespérément maîtres de stage pour futurs médecins », Le Figaro, 22 mai 2018.

([253])  Rapport d’information n° 686 précité, p. 103.

([254])  Réponses au questionnaire adressé à la DGOS.

([255])  La ministre des Solidarités et de la Santé, Mme Agnès Buzyn, a également annoncé une simplification des démarches pour devenir MSU, passant par une réduction de 3 à 2 ans de la durée d’exercice requise.

([256])  C’est aussi l’avis du CESE pour qui « il conviendrait de simplifier les démarches et les formations pour être habilité comme MSU » et de donner à la fonction de MSU « une valeur en matière de développement professionnel continu (DPC) ou de recertification » (Les déserts médicaux, par Mme Sylvie Castaigne et M. Yann Lasnier, décembre 2017, pp. 19-20).

([257])  CESE, Les déserts médicaux, par Mme Sylvie Castaigne et M. Yann Lasnier, décembre 2017, p. 19.

([258])  Les personnels enseignants et hospitaliers constituent des corps distincts des enseignants-chercheurs, des chercheurs et des praticiens. Les personnels titulaires, recrutés dans le cadre de concours organisés par le centre national de gestion (CNG), relèvent des ministères chargés de l’Enseignement supérieur et de la Santé et perçoivent un traitement universitaire en leur qualité d’enseignants des Universités (régime de la fonction publique d’État), complété par des émoluments hospitaliers non soumis à cotisation. Les personnels temporaires et non titulaires relèvent quant à eux des directeurs généraux des CHU et reçoivent une double rémunération, universitaire et hospitalière, pour laquelle ils relèvent du régime général de la Sécurité sociale et de l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques (IRCANTEC).

([259])  Déplorant que les effectifs des personnels enseignants et hospitaliers soient « mal connus au niveau national », la Cour des comptes indique toutefois qu’ « en 2015-2016, les ministères chargés de la Santé et de l’Enseignement supérieur dénombraient  un  total  de  5  666  postes  de  personnels  hospitalo-universitaires  titulaires  en médecine,  dont  4 020  professeurs  des  universités-praticiens  hospitaliers  (PU-PH)  et  1 646 maîtres de conférences des universités-praticiens hospitaliers (MCU-PH) » (Le rôle des CHU dans l’enseignement supérieur et la recherche médicale, communication à la commission des Affaires sociales du Sénat, décembre 2017, p. 133).

([260]) Ibidem, p. 126.

([261])  Rapport n° 114 (session ordinaire 2007-2008) fait, au nom de la commission des Affaires culturelles, sur la proposition de loi n° 70 relative aux personnels enseignants de médecine générale, par le sénateur Jean‑Léonce Dupont, décembre 2007, p. 11.

([262]) Articles 1er et 2 du décret n° 2008-744 du 28 juillet 2008 portant dispositions relatives aux personnels enseignants des universités, titulaires et non titulaires de médecine générale.

([263])  Article 10 du décret n° 2008-744 précité.

([264])  Article 11 du décret n° 2008-744 précité.

([265])  CESE, Les déserts médicaux, par Mme Sylvie Castaigne et M. Yann Lasnier, décembre 2017, p. 15.

([266])  Cour des comptes, Le rôle des CHU dans l’enseignement supérieur et la recherche médicale, communication à la commission des Affaires sociales du Sénat, décembre 2017, p. 132.

([267]) Ibidem, p. 134.

([268])  Ibidem, p. 135.

([269]) Arrêté du 3 juillet 2018 fixant le montant d’une indemnité forfaitaire d’hébergement des étudiants du troisième cycle des études de médecine, d’odontologie et de pharmacie.

([270])  CNOM, Améliorer l’offre de soins : initiatives réussies dans les territoires, rapport de mission du Dr François Arnault, délégué général aux relations internes, décembre 2016, pp. 15 et s.

([271])  ISNAR-IMG, Accessibilité des terrains de stages ruraux : document de propositions de l’ISNAR-IMG, janvier 2018, p. 6.

([272])  Cour des comptes, Rapport sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale, 2014, p. 256.

([273])  Cour des comptes, L’avenir de l’assurance-maladie : assurer l’efficience des dépenses, responsabiliser les acteurs, novembre 2017, pp. 126-127.

([274])  Cour des comptes, Rapport sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale, 2017, p. 256.

([275])  CESE, Les déserts médicaux, par Mme Sylvie Castaigne et M. Yann Lasnier, décembre 2017, p. 21.

([276])  Idem.

([277]) Ce Livre Blanc est consultable au lien suivant :

https://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/cnom_lb_grande_consultation.pdf

([278])  Bulletin de l’Académie nationale de médecine, 2007, 191, n° 3, 641-652, séance du 27 mars 2007.