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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 octobre 2018.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2019 (n° 1255),
PAR M. Joël GIRAUD,
Rapporteur Général
Député
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ANNEXE N° 23
ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L’ÉTAT
Rapporteures spéciales : Mmes Dominique DAVID et Bénédicte PEYROL
Députées
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— 1 —
SOMMAIRE
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Pages
PRINCIPALES ANALYSES DES RAPPORTEURES SPÉCIALES
PREMIÈRE PARTIE : LES CRÉDITS DE LA MISSION ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L’ÉTAT SONT EN AUGMENTATION
A. L’ACCÉLÉRATION DE LA PROGRESSION DE L’ENCOURS DE LA DETTE NÉGOCIABLE DE L’ÉTAT
1. L’augmentation significative du besoin de financement de l’État au titre de l’exercice 2019
2. La réduction du niveau des primes à l’émission en 2018 et 2019
B. L’ÉVOLUTION DES CARACTÉRISTIQUES DE LA DETTE NÉGOCIABLE DE L’ÉTAT
1. La poursuite de l’allongement de la durée de vie de la dette négociable de l’État
2. La poursuite de la politique de rachats de titres
C. L’AUGMENTATION DE LA CHARGE DE LA DETTE DE L’ÉTAT
1. Une charge de la dette qui serait en augmentation en 2019
2. La confirmation de la normalisation du contexte de financement de l’État
b. La remontée progressive des taux d’intérêt
3. La stabilité de la charge budgétaire liée à la gestion de la trésorerie de l’État
II. LES DISPOSITIFS DE GARANTIE DE L’ÉTAT
A. L’AUGMENTATION DES DÉPENSES LIÉES AU PROGRAMME APPELS EN GARANTIE DE L’ÉTAT
1. L’encours élevé des garanties couvertes par le présent programme
B. LE SUIVI DES ENGAGEMENTS HORS BILAN DE L’ÉTAT ET GARANTIES DE L’ÉTAT
1. Le suivi des engagements hors bilan de l’État
2. Le suivi des garanties octroyées par l’État
III. la baisse continue de la dÉPENSE LIÉE AU PROGRAMME Épargne
A. LE NIVEAU ÉLEVÉ DES DÉPENSES FISCALES ASSOCIÉES AU PROGRAMME ÉPARGNE
B. LA DIMINUTION DES DÉPENSES LIÉES AUX PRIMES D’ÉPARGNE LOGEMENT
1. Le ralentissement programmé de l’encours des PEL et CEL
2. Une baisse de 92 % de la dépense liée aux primes épargne logement entre 2010 et 2019
IV. L’ABSENCE DE DÉPENSE AU TITRE DE LA DOTATION DU MÉCANISME EUROPÉEN DE STABILITÉ
A. LA DÉPENSE AU TITRE DE LA DOTATION DU MÉCANISME EUROPÉEN DE STABILITÉ CONSTATÉE EN 2017
A. LE PILOTAGE ET LA GESTION DU FONDS DE SOUTIEN
1. La création du fonds en 2014
2. Le transfert du pilotage et de la gestion du fonds à la DGFiP en 2017
3. Les modalités d’intervention du fonds
B. LES ENGAGEMENTS DU FONDS ET LE MONTANT DE CRÉDITS DE PAIEMENT POUR 2019
1. Les engagements du fonds de soutien
2. Les crédits de paiement ouverts au titre de l’exercice 2019
DEUXIÈME PARTIE : FOCUS CHOISIS PAR LES RAPPORTEURES SPÉCIALES
I. LE CONTEXTE MACROÉCONOMIQUE, UN FACTEUR ESSENTIEL D’ÉVOLUTION DES DETTES PUBLIQUES
A. LA POLITIQUE MONÉTAIRE ACCOMMODANTE MENÉE PAR LA BANQUE CENTRALE EUROPÉENNE
B. LA NORMALISATION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE ENGAGÉE PAR LA RÉSERVE FÉDÉRALE
III. LE RÔLE DES AGENCES DE NOTATION POUR ÉVALUER LA QUALITÉ DE SIGNATURE DES ÉTATS
A. L’EXEMPLE D’UNE MÉTHODOLOGIE DE NOTATION SOUVERAINE
2. La solidité institutionnelle
3. La solidité des finances publiques
4. La vulnérabilité au risque événementiel
B. L’EXEMPLE D’UNE NOTATION DE LA FRANCE
IV. LE PREMIER RAPPORT D’ALLOCATION ET DE PERFORMANCE DE L’OAT VERTE
A. LA DESCRIPTION DE L’OAT VERTE ÉMISE PAR LA FRANCE
B. LES ENSEIGNEMENTS DU RAPPORT D’ALLOCATION ET DE PERFORMANCE 2017
PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURES SPÉCIALES
En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la date limite pour le retour des réponses du Gouvernement aux questionnaires budgétaires était fixée au 10 octobre 2018.
À cette date, 100 % des réponses étaient parvenues aux rapporteures spéciales de la mission Engagements financiers de l’État.
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PRINCIPALES ANALYSES DES RAPPORTEURES SPÉCIALES La première partie du présent rapport procède à l’analyse des crédits de la mission Engagements financiers de l’État. Ceux-ci sont en augmentation de 0,7 milliard d’euros en 2019 (42,5 milliards d’euros) par rapport à la prévision de la loi de finances pour 2018 (41,8 milliards d’euros). En 2019, la charge de la dette de l’État s’élèverait à 42,1 milliards d’euros, soit un niveau en augmentation de 0,4 milliard d’euros par rapport à la prévision révisée de 2018 (41,7 milliards d’euros) et à l’exécution 2017 (41,7 milliards d’euros). Cette dépense représente 99 % des crédits de paiement de la mission. En 2019, l’encours de la dette négociable de l’État poursuit son augmentation, avec une progression de 84 milliards d’euros par rapport à 2018. Cela représente une hausse plus dynamique que l’augmentation moyenne annuelle, qui s’établit à 77 milliards d’euros sur la période 2007-2017. En 2019, le besoin de financement s’établirait à 227,6 milliards d’euros, soit un niveau plus atteint depuis 2010 (236,9 milliards d’euros). Les rapporteures spéciales soulignent la normalisation des conditions de financement de l’État, avec une charge de la dette qui progresse de façon cohérente avec l’augmentation de l’encours de dette. Les crédits du programme Appels en garantie de l’État sont également en augmentation à hauteur de 21 millions d’euros. Ils s’établissent à 125,3 millions d’euros au lieu de 104,1 millions d’euros en 2018. Cela résulte des actions 2 Soutien au domaine social, logement, santé (+ 14,7 millions d’euros en AE et en CP) et 4 Développement international de l’économie française (+ 6,5 millions d’euros en AE et en CP). À l’inverse, les crédits du programme Épargne sont en diminution de 48 millions d’euros. Cela résulte de la désaffection continue des prêts épargne-logement et par conséquent de la baisse des primes d’État versées dans le cadre des plans d’épargne-logement et contrats d’épargne-logement. Enfin, les crédits du programme Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque sont stables, conformément au rythme de croisière atteint par les décaissements. En 2019, les ressources totales du fonds s’élèvent à 194,8 millions d’euros.
La seconde partie du rapport présente les thématiques qu’ont souhaité analyser plus particulièrement les rapporteures spéciales à l’occasion du projet de loi de finances pour 2019. Ainsi, elle présente une analyse du contexte macroéconomique, la politique monétaire menée en zone euro et aux États-Unis, le rôle des agences de notation et les conclusions du premier rapport d’allocation et de performance de l’OAT verte. Le présent rapport commente également l’article 77 rattaché à la mission Engagements financiers de l’État. Il vise à augmenter la participation de la France au capital sujet à appel de la Banque européenne d’investissement (BEI), à hauteur de 6,86 milliards d’euros. Cette opération s’inscrit dans le cadre du retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne à compter du 30 mars 2019 et en conséquence de son retrait du capital de la BEI. L’augmentation de capital sujet à appel n’a pas de conséquence budgétaire, toutefois elle sera inscrite au sein des engagements hors bilan de l’État. |
— 1 —
rÉpartition des crÉdits de la mission
Évolution de l’encours de la dette de l’État et de la charge de la dette
(en milliards d’euros)
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PREMIÈRE PARTIE : LES CRÉDITS DE LA MISSION ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L’ÉTAT SONT EN AUGMENTATION
Les crédits de la mission Engagements financiers de l’État sont de nouveau en progression à hauteur de 0,7 milliard d’euros en 2019 (42,5 milliards d’euros) par rapport à la prévision de la loi de finances pour 2018 (41,8 milliards d’euros).
évolution des crédits de la mission engagements financiers de l’état
(en crédits de paiement, en milliards d’euros)
Source : commission des finances.
Par ailleurs, il est à noter que le périmètre de la mission est modifié pour l’année 2019, avec la disparition du programme 168 Majoration de rentes conformément à l’article 142 de la loi de finances pour 2018 ([1]). Celui-ci a supprimé la prise en charge partielle par l’État des majorations de rentes viagères, à compter du 1er janvier 2018, avec un impact budgétaire en 2019. Au titre de l’exercice 2018, le programme était doté de 141,8 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP).
L’année 2017 a marqué une rupture à double titre :
– avec une exécution supérieure à la prévision de dépense, ce qui n’avait plus été constaté depuis 2012 ;
– et une exécution en augmentation par rapport à l’année précédente, ce qui n’avait plus été constaté également depuis 2012.
Ainsi, il semble que l’exercice 2017 présage d’une nouvelle période de hausse durable des crédits de la mission, essentiellement évaluatifs, du fait de l’augmentation de la charge de la dette. Compte tenu de ce nouveau contexte, les rapporteures spéciales ne peuvent qu’appeler de nouveau à une vigilance accrue en matière de maîtrise du déficit public.
La loi de finances pour 2018 prévoyait un niveau de dépense plus faible que le niveau exécuté 2017. Toutefois, cela pourrait être différent en exécution, compte tenu des perspectives de révision à la hausse de la charge de la dette annoncées dans le présent projet de loi de finances. Néanmoins, l’année 2019 représente une nouvelle rupture avec une augmentation des crédits de prévision à prévision.
Écart entre l’exÉcution et la prÉvision des crÉdits de la mission
(en milliards d’euros)
Année |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
Prévision |
40,9 |
42,4 |
46,0 |
44,2 |
46,9 |
49,9 |
56,1 |
50,9 |
45,2 |
45,2 |
42,1 |
41,8 |
42,5 |
Exécution |
41,4 |
46,2 |
39,2 |
42,2 |
47,7 |
56,4 |
53,9 |
47,1 |
42,7 |
41,9 |
42,4 |
– |
– |
Écart |
0,6 |
3,8 |
– 6,8 |
– 2,0 |
0,8 |
6,4 |
– 2,3 |
– 3,8 |
– 2,5 |
– 3,3 |
+ 0,3 |
– |
– |
Source : projets de lois de finances et présent projet de loi de finances.
L’augmentation de la dépense résulte principalement du programme Charge de la dette et trésorerie de l’État, avec une hausse de 864 millions d’euros en CP. Celui-ci représente d’ailleurs 99 % des CP de la mission. Les crédits du programme Appels en garantie de l’État sont également en augmentation à hauteur de 21 millions d’euros. À l’inverse, les crédits du programme Épargne sont en diminution de 48 millions d’euros et les crédits du programme Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque sont stables, conformément au rythme de croisière atteint par les décaissements.
Évolution des crédits de la mission par rapport à 2018
(en millions d’euros)
|
Loi de finances initiale 2018 |
Projet de loi de finances 2019 |
Loi de finances initiale 2018 |
Projet de loi de finances 2019 |
Écart en crédits de paiement |
Écart en crédits de paiement (pourcentage) |
Programmes |
AE |
AE |
CP |
CP |
||
117 - Charge de la dette et trésorerie de l’État |
41 197,0 |
42 061,0 |
41 197,0 |
42 061,0 |
864,0 |
2,1 % |
114 - Appels en garantie de l’État |
104,1 |
125,3 |
104,1 |
125,3 |
21,2 |
20,4 % |
145 - Épargne |
150,0 |
102,4 |
150,0 |
102,4 |
– 47,6 |
– 31,7 % |
168 - Majoration de rentes |
141,8 |
- |
141,8 |
- |
– 141,8 |
– 100,0 % |
344 - Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque |
- |
- |
183,9 |
183,3 |
– 0,6 |
– 0,3 % |
Total |
41 592,9 |
42 288,7 |
41 776,8 |
42 472,0 |
695,2 |
1,7 % |
Source : commission des finances.
I. L’AUGMENTATION DES DÉPENSES LIÉES À LA CHARGE DE LA DETTE ET À LA GESTION DE LA TRÉSORERIE DE L’ÉTAT
Principaux éléments du programme
En 2019, la charge de la dette de l’État devrait progresser de 0,4 milliard par rapport à 2018, s’établissant à 42,1 milliards d’euros au lieu de 41,7 milliards d’euros (prévision 2018 révisée).
Cela résulte :
– d’une part, de la normalisation des conditions de financement de l’État, avec une remontée progressive des prévisions de taux d’intérêt sur l’ensemble de la courbe des taux et une reprise de l’inflation ;
– et d’autre part de l’augmentation de l’encours de la dette négociable de l’État, qui devrait s’établir à 1 845 milliards d’euros à la fin de l’année 2019, soit une progression de 84 milliards d’euros par rapport à la fin de l’année 2018.
A. L’ACCÉLÉRATION DE LA PROGRESSION DE L’ENCOURS DE LA DETTE NÉGOCIABLE DE L’ÉTAT
En 2019, l’encours de la dette négociable de l’État poursuit son augmentation, avec une progression de 84 milliards d’euros par rapport à 2018. Cela représente une hausse plus dynamique que l’augmentation moyenne annuelle, qui s’établit à 77 milliards d’euros sur la période 2007-2017.
Évolution de l’encours de la dette nÉgociable de l’État
(en milliards d’euros)
Année |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 (p) |
2019 (p) |
Encours de la dette de l’État, valeur actualisée |
921 |
1 017 |
1 148 |
1 229 |
1 313 |
1 386 |
1 457 |
1 528 |
1 576 |
1 621 |
1 686 |
1 762 |
1 845 |
Augmentation annuelle de l’encours |
– |
96 |
131 |
81 |
84 |
73 |
71 |
70 |
49 |
44 |
66 |
75 |
84 |
Valeur actualisée : valeur nominale pour les titres à taux fixe ; valeur nominale + supplément d’indexation à la date considérée pour les titres indexés.
Source : projets de lois de finances et présent projet de loi de finances.
L’évolution de l’encours de la dette négociable de l’État a atteint un point bas en 2016, avec une progression limitée à 44 milliards d’euros. Depuis cet exercice, l’encours de la dette progresse plus rapidement d’exercice en exercice. Cela résulte principalement de deux éléments : une augmentation du besoin de financement de l’État et une baisse du niveau des primes à l’émission.
1. L’augmentation significative du besoin de financement de l’État au titre de l’exercice 2019
L’encours de la dette négociable de l’État est directement lié au besoin de financement de celui-ci. L’État assure son financement par le biais de l’émission de titres de dette, augmentant mécaniquement son encours de dette.
En 2018, le besoin de financement de l’État devrait être inférieur de 4,6 milliards d’euros aux prévisions de la loi de finances initiale, principalement du fait d’une baisse de 4,4 milliards d’euros du déficit budgétaire par rapport aux prévisions (81,3 Md€ au lieu de 85,7 Md€ en loi de finances initiale). Il devrait s’établir à 198,0 milliards d’euros au lieu de 202,6 milliards d’euros en prévision.
En ressources de financement, la variation des dépôts des correspondants du Trésor à la fin d’année serait supérieure de 1,6 milliard d’euros au titre du fonds pour l’innovation de rupture. Par ailleurs, les primes à l’émission de titres de moyen long terme seraient plus élevées qu’anticipé en loi de finances initiale (7 milliards d’euros au lieu de 3 milliards d’euros). Ces mouvements se traduiraient au total par de moindres émissions d’emprunts de court terme (BTF), le montant des émissions à moyen-long terme (OAT) serait quant à lui inchangé.
En 2019, le besoin de financement serait en forte augmentation pour deux motifs principaux :
– un niveau élevé de déficit budgétaire (98,7 milliards d’euros), lié à la bascule du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en baisse pérenne de cotisations sociales ;
– et un niveau significatif d’amortissement de titres à moyen et long terme (130,2 milliards d’euros).
Au total, le besoin de financement s’établirait à 227,6 milliards d’euros, soit un niveau qui n’avait plus été atteint depuis 2010 (236,9 milliards d’euros). Il serait financé par un niveau stable d’émissions de titres à moyen et long terme, nettes des rachats (195 milliards d’euros), et une augmentation des emprunts de court terme (+ 15 milliards d’euros). En 2019, le produit de cessions de participations dans des entreprises publiques (notamment la Française des Jeux et Aéroports de Paris, conformément aux articles 44 à 51 du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises – PACTE) serait affecté à un fonds pour l’innovation déposant au Trésor permettant également le désendettement de l’État.
Privatisations et endettement public
Les articles 44 à 54 du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) visent à transférer la majorité du capital de deux entreprises publiques (Aéroports de Paris et Française des Jeux) au secteur privé.
Le produit des cessions constituera un fonds pour l’innovation et l’industrie (FII), dont la gestion sera confiée à Bpifrance, et dont le revenu stable de 250 millions d’euros par an financera l’innovation de rupture.
En séance, le ministre de l’économie et des finances a déclaré que les opérations de cession de titres, qui représentent environ 10 milliards d’euros, auront un impact à la baisse sur la dette publique (1).
En effet, les disponibilités du FII issues des produits de cession seront déposées sur un compte de l’EPIC Bpifrance ouvert au Trésor. Elles constitueront donc des ressources de trésorerie pour l’État, qui se substitueront à des ressources d’emprunt. Une fois l’enveloppe de 10 milliards d’euros de numéraire constituée, le dispositif aura donc eu un impact de 10 milliards d’euros en réduction du besoin de financement de l’État (l’État pourra réduire ses émissions de dettes d’un montant équivalent aux dotations en numéraires l’année de leurs réalisations). Ainsi, l’endettement de l’État est réduit à due proportion de ces acquisitions d’OAT, soit environ 0,5 point de produit intérieur brut.
(1) Assemblée nationale, XVe législature, session ordinaire de 2018-2019, compte rendu intégral, première séance du mercredi 3 octobre 2018.
Évolution du besoin de financement
(en milliards d’euros)
|
Exécution 2013 |
Exécution 2014 |
Exécution 2015 |
Exécution 2016 |
Exécution 2017 |
LFI 2018 |
2018 Révisé |
PLF 2019 |
Besoin de financement |
185,5 |
179,1 |
189,1 |
194,1 |
183,1 |
202,6 |
198,5 |
227,6 |
Amortissement de titres d’État à moyen et long terme |
106,7 |
103,8 |
116,4 |
124,9 |
115,2 |
116,6 |
116,6 |
130,2 |
Valeur nominale |
103,8 |
103,8 |
114,1 |
124,5 |
112,8 |
115,9 |
115,9 |
128,9 |
Suppléments d’indexation versés à l’échéance (titres indexés) |
2,8 |
– |
2,3 |
0,4 |
2,4 |
0,7 |
0,7 |
1,3 |
Amortissement des autres dettes |
6,1 |
0,2 |
0,1 |
– |
– |
– |
– |
– |
Déficit à financer |
74,9 |
73,6 |
70,5 |
69,1 |
– |
– |
– |
– |
Dont déficit budgétaire |
74,9 |
85,6 |
70,5 |
69,1 |
67,7 |
85,7 |
81,3 |
98,7 |
Dont dotation budgétaire du PIA 2 |
– |
– 12,0 |
– |
– |
– |
– |
– |
– |
Autres besoins de trésorerie* |
– 2,2 |
+ 1,5 |
+ 2,0 |
+ 0,1 |
+ 0,2 |
+ 0,3 |
+ 0,6 |
– 1,3 |
Ressources de financement |
185,5 |
179,1 |
189,1 |
194,1 |
183,1 |
202,6 |
198,5 |
227,6 |
Émission de dette à moyen et long terme, nette des rachats |
168,8 |
172,0 |
187,0 |
187,0 |
185,0 |
195,0 |
195,0 |
195,0 |
Ressources affectées à la CDP et consacrées au désendettement |
– |
1,5 |
0,8 |
– |
– |
+ 1,0 |
+ 1,0 |
+ 2,0 |
Variation nette de l’encours des titres à court terme |
+ 7,2 |
+ 1,4 |
– 22,6 |
– 18,7 |
– 7,5 |
– |
– 7,9 |
+ 15,0 |
Variation des dépôts des correspondants |
– 4,2 |
– 1,3 |
+ 6,7 |
+ 1,6 |
+ 4,7 |
+ 1,0 |
+ 2,6 |
+ 11,0 |
Variation des disponibilités du Trésor à la Banque de France et des placements de trésorerie de l’État |
+ 7,9 |
– 1,4 |
– 5,2 |
+ 4,6 |
– 9,2 |
+ 2,1 |
– |
+ 1,1 |
Autres ressources de trésorerie (dont primes à l’émission) |
+ 5,7 |
+ 6,9 |
+ 22,4 |
+ 19,7 |
+ 10,0 |
+ 3,5 |
+ 7,8 |
+ 3,5 |
*Neutralisation des opérations budgétaires sans impact en trésorerie ; décaissements opérés à partir des comptes consacrés aux investissements d’avenir, nets des intérêts versés ; passage de l’exercice budgétaire à l’année civile.
Source : projets annuels de performances.
L’augmentation du déficit budgétaire de l’État et de son besoin de financement en 2019 génèrent une hausse des émissions de titres et par conséquent de l’endettement de l’État. Celui-ci représente un facteur de pression à la hausse sur la charge de la dette de l’État. À ce titre, les rapporteures spéciales soutiennent la politique menée par le Gouvernement de réduction du déficit public, qui devrait atteindre – 0,3 % du produit intérieur brut (PIB) en 2022.
2. La réduction du niveau des primes à l’émission en 2018 et 2019
Les émissions de titres de dette de l’État donnent lieu à l’existence de primes ou décotes, lorsque le taux facial de l’obligation (ou taux de coupon) est différent du taux issu de l’adjudication ([2]). Ainsi, les souscripteurs versent une prime si le taux facial est supérieur au taux d’adjudication. À l’inverse, ils bénéficient d’une décote si le taux facial est inférieur au taux d’adjudication.
Exemple : taux facial de l’obligation (3 %), taux issu de l’adjudication (1 %). Dans ce cas, l’émission du titre donnera lieu au versement d’une prime par les souscripteurs.
Les primes et décotes sont sensibles aux paramètres sous-jacents suivants :
– variation des taux d’intérêt de marché, correspondant aux taux issus des adjudications ;
– et choix des titres émis en fonction de la demande adressée à l’AFT (les émissions de titres dits sur souches anciennes, c’est-à-dire avec des caractéristiques identiques à des obligations plus anciennes, présentent actuellement des taux d’intérêt supérieurs aux taux de marché).
Ainsi, les primes nettes des décotes se sont élevées à 22,7 milliards d’euros en 2015 et 20,8 milliards d’euros en 2016, du fait de taux de marché très faibles voire négatifs et une émission de titres présentant des taux d’intérêt plus élevés.
primes et décotes à l’émission de titres de moyen et long terme
(en milliards d’euros)
Année |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
Primes à l’émission |
0,769 |
5,120 |
8,985 |
5,711 |
9,543 |
7,981 |
8,041 |
24,200 |
21,247 |
12,091 |
Décotes à l’émission |
3,038 |
0,756 |
0,749 |
3,256 |
0,322 |
1,964 |
0,646 |
1,462 |
0,472 |
1,561 |
Primes nettes des décotes |
– 2,269 |
4,364 |
8,236 |
2,455 |
9,221 |
6,017 |
7,395 |
22,738 |
20,775 |
10,530 |
Source : Gouvernement.
L’exercice 2017 représente une normalisation du niveau des primes nettes des décotes, avec 10,5 milliards d’euros. Selon les prévisions actualisées, le niveau des primes à l’émission devrait s’établir à 7 millions d’euros au titre de l’exercice 2018 (au lieu de 3 milliards d’euros prévus en loi de finances initiale). Cela résulte du relèvement progressif des taux d’intérêt en lien avec la normalisation des politiques monétaires des principales banques centrales (Réserve fédérale et Banque centrale européenne notamment). Le niveau des primes à l’émission est plus lié au niveau des taux de marché qu’à la part des émissions de titres sur souches anciennes. Ainsi, la part des émissions sur souches anciennes a été relativement faible en 2016 et 2017 et devrait le rester en 2018 par rapport aux années antérieures.
part des souches anciennes sur les Émissions
(en milliards d’euros)
Année |
Volumes émis sur souches de référence |
Volumes émis sur souches anciennes |
Part des souches anciennes sur les émissions (hors titres indexés) |
2008 |
88,343 |
30,833 |
25,9 % |
2009 |
102,259 |
64,000 |
38,5 % |
2010 |
127,768 |
62,482 |
32,8 % |
2011 |
111,602 |
76,110 |
40,5 % |
2012 |
124,173 |
60,216 |
32,7 % |
2013 |
127,016 |
48,155 |
27,5 % |
2014 |
137,220 |
48,138 |
26,0 % |
2015 |
133,635 |
68,578 |
33,9 % |
2016 |
156,766 |
37,048 |
19,1 % |
2017 |
160,423 |
32,755 |
17,0 % |
à fin juillet 2018 |
107,762 |
27,607 |
20,4 % |
Source : Gouvernement.
Selon les éléments transmis aux rapporteures spéciales, la prévision du niveau des primes à l’émission pour l’exercice 2019 est fixée à 3 milliards d’euros.
Le niveau des primes et décotes est calculé selon les méthodes actuarielles, afin de garantir sur la durée de vie du titre un niveau identique entre les versements issus du taux d’adjudication et le taux facial.
Au sens comptable, les primes à l’émission représentent une ressource de trésorerie de l’État ([3]). Celles-ci constituent une ressource de financement, qui permet de limiter le recours à l’endettement. Ainsi, il peut apparaître un décalage temporaire entre le besoin de financement de l’État et le recours à l’endettement en année N.
Toutefois, en comptabilité nationale et en comptabilité générale les primes et les décotes sont amorties sur la durée de vie du titre. Ainsi, en additionnant les coupons faciaux payés et l’amortissement des primes et décotes à l’émission, la charge financière mesurée dans ces deux référentiels comptables correspond au taux d’intérêt demandé par le marché au moment de l’émission des titres (généralement différent du coupon des titres). En revanche, la charge financière en comptabilité budgétaire correspond aux décaissements liés aux intérêts servis, conformément au taux de coupon.
Le tableau ci-dessous présente l’effet de l’étalement des primes et décotes sur la mesure de la charge de la dette en comptabilités générale de l’État et nationale.
Étalement des primes et dÉcotes
(en milliards d’euros)
Année |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
1er semestre |
Amortissement des primes |
1,109 |
1,362 |
2,404 |
3,149 |
3,771 |
4,423 |
4,747 |
6,173 |
7,658 |
8,166 |
4,200 |
Amortissement des décotes |
1,417 |
1,457 |
1,234 |
1,372 |
1,491 |
1,400 |
1,530 |
1,621 |
1,474 |
1,389 |
0,650 |
Effet net sur la dépense annuelle mesurée en comptabilité générale |
0,308 |
0,095 |
– 1,170 |
– 1,777 |
– 2,280 |
– 3,023 |
– 3,217 |
– 4,552 |
– 6,184 |
– 6,777 |
– 3,550 |
Source : Gouvernement.
B. L’ÉVOLUTION DES CARACTÉRISTIQUES DE LA DETTE NÉGOCIABLE DE L’ÉTAT
Service à compétence nationale, l’Agence France Trésor (AFT) a pour mission de gérer la dette négociable et la trésorerie de l’État. À titre d’information, la dette non négociable, correspondant aux dépôts de certains organismes (collectivités territoriales, établissements publics), relève de la direction générale des finances publiques.
Le rapprochement opérationnel entre la CADES et l’AFT
En juillet 2017, le conseil d’administration de la CADES a approuvé, après examen, deux conventions :
– une convention de mandat entre la CADES et l’AFT confiant à l’État, au nom et pour le compte de la CADES, la responsabilité opérationnelle des activités de financement sur les marchés financiers (à la fin 2018, la dette restant à amortir par la CADES s’élève à 106 milliards d’euros, néanmoins le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 prévoit le transfert de 15 milliards d’euros supplémentaires au titre des déficits cumulés de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale – ACOSS) ;
– et une convention-cadre de mise à disposition des personnels contractuels de la CADES à l’AFT avec une prise d’effet au 1er octobre 2017.
En septembre 2018, le rapprochement entre les deux entités a donné lieu au déménagement dans les locaux de l’AFT des équipes de la CADES et de leurs outils.
Les compétences des équipes de la CADES et de l’AFT ont vocation à être mutualisées. Cette phase est progressive : elle a déjà commencé par une habilitation à traiter de certains agents de l’AFT sur les opérations de financement de la CADES à court terme, ce qui renforce la sécurité des opérations de la CADES.
D’autres chantiers seront progressivement mis en place (gestion mutualisée de la trésorerie, gestion mutualisée des opérations de post-marché). Toutefois, il est à noter que le rapprochement opérationnel entre la CADES et l’AFT n’opère en aucune manière une reprise de la dette de la CADES par l’État, qui reviendrait notamment sur le choix du Parlement de cantonner la dette sociale dans une structure ad hoc.
Ce rapprochement qui repose sur le maintien de la personnalité juridique de la CADES avec maintien de ses propres organes de gouvernance, permet à l’État d’agir au nom et pour le compte de la CADES, en exerçant la responsabilité opérationnelle des activités de financement sur les marchés financiers dans le respect des missions et obligations de celle-ci. Les signatures de l’État et de la CADES demeurent inchangées, les dettes restent distinctes et les programmes de financement de l’État et de la CADES sont poursuivis sans modifications.
Le rapprochement opérationnel avec la CADES présente plusieurs avantages, au regard notamment de la fin de vie programmée de la CADES :
– réduire le risque opérationnel, et notamment le risque des personnels clés, en sécurisant le capital humain de la CADES à l’approche de sa date d’extinction ;
– et offrir de nouvelles opportunités aux personnels de la CADES pour que ces expertises soient préservées.
Les rapporteures spéciales rappellent qu’elles ont salué ce rapprochement opportun et même encouragé le Gouvernement à identifier d’autres organismes publics ou parapublics émetteurs de titres de dette, dont la gestion pourrait utilement être confiée à ce nouveau « pôle d’excellence dans l’émission de titres publics français » (1).
(1) M. Joël Giraud, Rapport sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2017, annexe n° 23 Engagements financiers de l’État Mmes Dominique David et Bénédicte Peyrol, Assemblée nationale, XVe législature, n° 1055, 13 juin 2018, page 25.
1. La poursuite de l’allongement de la durée de vie de la dette négociable de l’État
La durée de vie moyenne de la dette négociable de l’État continue de s’allonger et s’établit à 7 ans et 325 jours à la fin août 2018.
Évolution de la durÉe de vie de la dette nÉgociable de l’État
Année |
fin 2011 |
fin 2012 |
fin 2013 |
fin 2014 |
fin 2015 |
fin 2016 |
fin 2017 |
fin août 2018 |
Durée de vie moyenne de la dette négociable (après swaps) |
7 ans et 52 jours |
7 ans et 34 jours |
7 ans et 5 jours |
6 ans et 362 jours |
7 ans et 47 jours |
7 ans et 195 jours |
7 ans et 296 jours |
7 ans et 325 jours |
Source : rapports annuels de l’Agence France Trésor.
Cela résulte de la volonté de l’AFT de profiter de l’environnement de taux bas pour allonger la maturité de la dette. Cela permet de se prémunir contre le risque de remontée des taux d’intérêt, dans la mesure où le refinancement de la dette est plus long avec une dette ayant une maturité élevée.
Cela résulte également de la demande des investisseurs pour des titres de maturités plus longues générant un rendement nominal plus élevé, compte tenu du contexte prolongé de taux bas. Selon les éléments transmis aux rapporteures spéciales, cette extension de la duration des achats a concerné les assureurs, les fonds de pensions et les gestionnaires d’actifs, dont les passifs longs doivent naturellement être couverts par des actifs longs, mais qui doivent aussi rechercher du rendement pour assurer la rentabilité économique de leur modèle.
Ainsi, le programme d’émission de titres s’est progressivement déformé avec une augmentation de la proportion des titres à la maturité la plus élevée. En 2018, la part des titres avec une maturité supérieure à 10 ans s’élèverait à 55 %, au lieu de 45 % en 2013.
ventilation du programme d’émission par maturité
(hors titres indexés à l’inflation, exprimée en pourcentage)
Source : AFT.
Toutefois, la tendance à une augmentation de la part des émissions de l’AFT portant sur des maturités de long terme s’est légèrement inversée depuis le début de l’année 2018. La BCE a en effet réduit le volume de ses achats de titres et recentré sa politique autour d’un ancrage sur les taux courts. Cependant, la demande pour les titres de maturité longue de l’AFT est encore forte. Ainsi, le taux de l’OAT à 30 ans s’est établi à 1,60 % fin août 2018, contre une moyenne de 2,34 % sur la période 2011-2016 et de 4,99 % sur la période 1991-2017.
L’évolution des émissions de titres a des effets sur la composition de la dette négociable de l’État. Ainsi, le niveau des titres de court terme (BTF) devrait se réduire fortement sur la période 2011-2019. À l’inverse, les titres de moyen et long terme progresseraient de façon significative sur la même période.
Évolution de la composition de la dette nÉgociable de l’État
(en milliards d’euros)
|
fin 2011 |
fin 2012 |
fin 2013 |
fin 2014 |
fin 2015 |
fin 2016 |
fin 2017 |
fin 2018 (p) |
fin 2019 (p) |
Écart 2019-2011 |
Part 2011 |
Part 2019 |
OAT & BTAN |
1 116 |
1 199 |
1 264 |
1 332 |
1 405 |
1 467 |
1 540 |
1 619 |
1 685 |
51 % |
85 % |
91 % |
BTF |
178 |
167 |
174 |
175 |
153 |
133,9 |
127 |
119 |
134 |
–25 % |
14 % |
7 % |
Supplément d’indexation à la date considérée |
19,1 |
20,7 |
19,6 |
20,4 |
18,9 |
19,4 |
20,1 |
24,2 |
26,7 |
40 % |
1 % |
1 % |
Ensemble de la dette - valeur actualisée |
1 313 |
1 386 |
1 457 |
1 528 |
1 576 |
1 621 |
1 686 |
1 762 |
1 845 |
41 % |
100 % |
100 % |
OAT : obligations assimilables du Trésor ; BTAN : bons du Trésor à intérêts annuels ; BTF : bons du Trésor à taux fixe et à intérêt précompté. Source : projets annuels de performances.
Au total, les titres de moyen et long terme représenteraient 91 % de l’encours de la dette négociable de l’État à la fin de l’année 2019. Cela résulte également de la poursuite de la politique de rachats de titres menée par l’AFT. Les rapporteures spéciales se félicitent de la bonne gestion de l’émission de titres de dette de l’État, qui apparaît adaptée et cohérente avec la hausse progressive des taux à l’émission et la demande des investisseurs.
2. La poursuite de la politique de rachats de titres
L’AFT mène une politique active de rachats de titres de la dette négociable de l’État. Compte tenu du contexte économique et financier, cela vise à racheter des titres qui présentent des taux d’intérêt élevés, afin de refinancer la dette avec l’émission de titres dont les taux d’intérêt sont plus faibles.
ventilation DES RACHATS de titres par l’aft
(en millions d’euros)
|
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 * |
Rachats de titres de maturité n |
300 |
– |
– |
3 511 |
1 463 |
3 005 |
643 |
– |
19 923 |
1 305 |
1 500 |
– |
Dont BTF |
– |
– |
– |
– |
– |
– |
– |
– |
11 841 |
– |
– |
– |
Rachats de titres de maturité n+1 |
10 066 |
2 285 |
10 985 |
18 214 |
19 266 |
17 992 |
13 238 |
27 697 |
24 763 |
20 183 |
18 229 |
14 835 |
Rachats de titres de maturité n+2 |
– |
– |
2 579 |
4 480 |
4 423 |
5 183 |
9 945 |
3 417 |
8 251 |
7 096 |
9 913 |
4 925 |
Total |
10 366 |
2 285 |
13 564 |
26 205 |
25 152 |
26 179 |
23 826 |
31 114 |
52 937 |
28 584 |
29 642 |
19 760 |
* rachats réglés jusqu’au 31 juillet.
Source : Agence France Trésor.
Ainsi, l’AFT a augmenté de façon significative le niveau des rachats de titres au cours des années 2014, 2015, 2016 et 2017. Cela était dû à un contexte exceptionnel de taux d’intérêt bas, qui permettait à l’État de refinancer sa dette à faible coût. Ce niveau de rachat devrait rester élever au cours de l’exercice 2018, compte tenu du maintien des taux d’intérêt à un faible niveau.
En outre, le programme de rachats de titres vise également à lisser le programme de financement de l’État en pluriannuel pour sécuriser son exécution et à contribuer au bon fonctionnement du marché secondaire des titres d’État. Les rapporteures spéciales ont souhaité obtenir des éléments sur les prévisions de rachats pour l’exercice 2019. Toutefois, il apparaît que L’AFT ne se fixe pas de cible et ne fait pas de prévision de rachats. La réalisation de rachats dépend en effet des conditions proposées par les vendeurs et de l’état d’avancement du programme d’émission de l’année.
3. La confirmation de la baisse de la détention de la dette négociable de l’État par des non-résidents
La détention de la dette négociable de l’État par des non-résidents suit une tendance baissière depuis plusieurs exercices. En 2009, les non-résidents détenaient plus des deux tiers de la dette de l’État. À la mi-2018, ils ne représentent qu’un peu plus de la moitié des détenteurs de dette à 53,3 %, soit une diminution de 14,5 points en presque neuf ans.
dÉtention par les non-RÉSIDENTS de la dette nÉgociable de l’État
Date |
Total dette négociable |
12/2009 |
67,8 % |
12/2010 |
67 % |
12/2011 |
64 % |
12/2012 |
61,9 % |
12/2013 |
63,5 % |
12/2014 |
63,6 % |
12/2015 |
61,9 % |
12/2016 |
58,7 % |
12/2017 |
55,1 % |
06/2018 |
53,3 % |
Source : Banque de France.
Le renforcement de la part des investisseurs résidents résulte notamment des achats de titres souverains de la part de la BCE qui accroît de facto la part des détenteurs résidents puisque les achats sont opérés par les banques centrales nationales, en l’espèce la Banque de France (cf. infra). La répartition de la détention de la dette de l’État par zone géographique est la suivante :
– près de 60 % des investisseurs non-résidents sont européens, dont 52 % sont issus de la zone euro ;
– 13 % sont des investisseurs asiatiques ;
– 9 % sont américains ;
– et les 18 % restant correspondent aux détentions d’organisations internationales ou aux placements des réserves de change.
Les résidents français représentent donc 45 % des détenteurs de la dette d’État. La base d’investisseurs de l’État comporte ainsi un socle domestique solide, compte tenu notamment du fort taux d’épargne des ménages et du bilan des acteurs financiers.
Une répartition diversifiée en termes géographiques et de profil d’investisseurs présente deux avantages pour la gestion de la dette de l’État :
– d’une part, elle permet un coût de financement plus faible : en effet, plus la demande est large pour les OAT, plus le taux est intéressant pour le contribuable ;
– d’autre part, elle contribue à la résilience du marché de dette : la diversification de la base d’investisseurs permet de ne pas dépendre d’une catégorie spécifique d’investisseurs tant en termes géographiques que de type d’investisseurs (assureurs, fonds de pension, banques centrales, etc.). Les investisseurs ont en effet des préférences distinctes quant à la composition de leur portefeuille de titres obligataires souverains, une demande variée à laquelle s’adaptent et répondent les caractéristiques (obligation nominale ou indexée à l’inflation, maturité) des titres de dette français afin d’attirer le plus grand nombre d’investisseurs possibles.
Les modalités de suivi de la détention de la dette de l’État
Selon les éléments transmis aux rapporteures spéciales, l’AFT suit la détention de la dette de l’État via trois sources de données externes issues :
– de la Banque de France qui fournit les données concernant la détention du stock de dette française par les non-résidents, sous forme d’une enquête réalisée chaque trimestre sur « les placements en valeurs mobilières des agents économiques » ;
– du FMI qui réalise un sondage auprès des investisseurs internationaux (coordinated portfolio investment survey – CPIS), qui permet de déterminer notamment la nationalité de ceux qui détiennent le stock des titres financiers privés et publics ;
– et des spécialistes en valeur du Trésor (SVT), qui transmettent les transactions qui sont réalisées chaque mois dans un format harmonisé au niveau européen (HRF). Bien que ces échanges ne permettent pas d’inférer directement la détention en stock de la dette d’État française, ils permettent à l’AFT de suivre finement les mouvements intervenant sur son marché de dette.
De ce fait, la liquidité des titres français sur l’ensemble de la courbe des taux offre de multiples points d’entrée pour les différents types d’investisseurs (banques centrales, ou fonds de pension).
Ainsi, en cas de remontée durable des taux, et à mesure que les rachats nets et les réinvestissements des tombées de titres de la BCE s’amenuiseront, différents acteurs de marché pourront prendre le relais de la banque centrale européenne sur les différents segments de la courbe des taux française. Certains investisseurs, qui s’étaient tenus en retrait compte tenu de l’environnement de taux bas, pourraient décider de rentrer sur le marché français et limiter ainsi les pressions à la hausse sur les taux.
C. L’AUGMENTATION DE LA CHARGE DE LA DETTE DE L’ÉTAT
1. Une charge de la dette qui serait en augmentation en 2019
En 2019, la charge de la dette de l’État s’élèverait à 42,1 milliards d’euros, soit un niveau en augmentation de 0,4 milliard d’euros par rapport à la prévision révisée de 2018 (41,7 milliards d’euros) et à l’exécution 2017 (41,7 milliards d’euros).
La révision de la charge de la dette pour l’exercice 2018 sera précisée en loi de finances rectificative, toutefois les documents budgétaires indiquent qu’elle serait en augmentation de 0,5 milliard d’euros par rapport à la prévision de la loi de finances initiale du fait de deux éléments :
– un surcoût de 0,9 milliard d’euros, au titre des provisions pour indexation du capital des titres indexés, du fait d’un taux d’inflation plus élevé qu’anticipé ;
– et une économie de 0,4 milliard d’euros, au titre des intérêts payés, du fait de taux à l’émission de BTF plus faibles que prévu.
Évolution de la charge de la dette et de la trÉsorerie de l’État
(en milliards d’euros, en crédits de paiement)
Source : lois de règlement et présent projet de loi de finances.
La prévision pour 2019 confirme le renversement de tendance constatée en 2017, avec un relèvement progressif de la charge de la dette de l’État.
Les documents budgétaires détaillent les facteurs d’évolution de la charge de la dette de l’État entre 2018 et 2019 :
– un effet volume de + 0,9 milliard d’euros, du fait de l’augmentation de l’encours de la dette ;
– un effet taux de – 0,6 milliard d’euros, du fait de gains de refinancement des titres à moyen et long terme amortis en 2018 ;
– un effet inflation de – 0,1 milliard d’euros, du fait d’un léger recul du taux d’inflation en 2019 par rapport à 2018 ;
– et + 0,3 milliard d’euros, du fait d’effets calendaires au titre des opérations menées sur l’exercice.
Cela illustre la sortie d’un environnement économique et financier exceptionnel, qui permettait à la charge de la dette de diminuer malgré l’augmentation de l’encours de dette. Ainsi, la charge de la dette avait baissé de 4,9 milliards d’euros entre 2012 et 2016. Elle serait supérieure à hauteur de 0,7 milliard d’euros en 2019 par rapport au point bas de 2016. Les conditions de financement ne permettent plus de compenser l’effet volume lié à l’augmentation de l’encours de la dette. En revanche, elles ne représentent pas encore un facteur haussier de la charge de la dette, compte tenu de la très progressive remontée des taux d’intérêt.
Les rapporteures spéciales ne peuvent que souligner la normalisation des conditions de financement de l’État, avec une charge de la dette qui progresse de façon cohérente avec l’augmentation de l’encours de dette. Toutefois, cela implique une démarche d’autant plus volontariste que la part de la charge de la dette dans le budget général sera appelée à augmenter au cours des prochains exercices. Elle devrait ainsi s’élever à 12,8 % des crédits du budget général au titre de l’année 2019. Cela représente un niveau en légère augmentation par rapport à 2018. Rappelons que le point haut a été atteint en 2008 et en 2011 avec une part de la charge de la dette établie à 16 % des crédits du budget général de l’État.
part de la charge de la dette dans le budget gÉnÉral de l’État
(en pourcentage, hors mission Remboursements et dégrèvements)
Source : lois de règlement et présent projet de loi de finances.
2. La confirmation de la normalisation du contexte de financement de l’État
La charge de la dette de l’État est liée au niveau d’inflation, d’une part du fait des titres indexés sur l’inflation hors tabac française ou de la zone euro (encours d’environ 200 milliards d’euros), et d’autre part, en raison du mandat des banques centrales lié au niveau d’inflation. Ainsi, le mandat de la BCE prévoit qu’elle doit viser un taux annuel d’inflation « inférieur à, mais proche de 2 % à moyen terme ». En conséquence, elle fixe ses taux directeurs en partie en fonction de cet objectif.
En France, le taux d’inflation s’est redressé en s’établissant à 1 % en 2017, après deux années de faible inflation avec des taux de 0 % en 2015 et 0,2 % en 2016. Les prévisions pour 2018 et 2019 font état d’un niveau encore supérieur avec des taux d’inflation hors tabac de 1,6 % et 1,3 % en France.
Sur la base d’un encours d’environ 200 milliards d’euros de titres indexés sur l’inflation française ou de la zone euro, la sensibilité de la charge annuelle d’indexation est de l’ordre de 0,2 milliard d’euros pour une variation de 0,1 % des taux d’inflation.
b. La remontée progressive des taux d’intérêt
Les taux à l’émission des titres de dette se redressent progressivement, après avoir atteint un point bas en 2016-2017. Ainsi, les taux moyens à l’émission des OAT à 10 ans devraient se redresser à 0,9 % en 2018 et 1,8 % en 2019. Le taux moyen pondéré des OAT s’est établi à 0,54 % à la mi-octobre 2018.
Évolution de la moyenne annuelle des taux À l’Émission des titres de dette
(en pourcentage)
Source : projets de lois de finances et présent projet de loi de finances.
S’agissant des titres de court terme (BTF), les taux moyens à l’émission devraient s’établit à – 0,5 % en 2018 et à 0 % en 2019. En conséquence, la charge de la dette de l’État devrait s’accroître progressivement en lien avec la remontée des taux à l’émission.
Selon les simulations de la direction générale du Trésor et de l’AFT, un choc de taux de 1 % par rapport au scénario de référence aurait pour effet de surenchérir la charge maastrichtienne de la dette négociable de l’État de 2 milliards d’euros la première année et de 19 milliards d’euros la dixième année. Dès lors, il apparaît indispensable de maîtriser l’évolution du déficit budgétaire et de la dette de l’État.
Les rapporteures spéciales se félicitent de la prudence des prévisions de l’AFT, qui permettent d’anticiper de façon raisonnable et maîtrisée le surenchérissement de la charge de la dette de l’État. Il est également à noter que les règles prudentielles (Bâle III et Solvabilité II) imposent aux établissements de crédits et aux compagnies d’assurances de détenir des actifs sûrs, tels que les titres de dette. Cet élément joue également en faveur d’une demande dynamique adressée aux titres de dette de l’État français.
3. La stabilité de la charge budgétaire liée à la gestion de la trésorerie de l’État
Aux termes de l’article 123 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), la Banque de France a l’interdiction d’accorder des avances à l’État. Ainsi, l’AFT s’assure que le compte unique du Trésor à la Banque de France présente chaque soir un solde créditeur. Par ailleurs, elle mène une politique active de gestion de la trésorerie, en plaçant les excédents journaliers auprès de contreparties bancaires. Ces opérations sont réalisées sous forme de dépôts ou de prises en pension de titres d’État.
Le solde de la trésorerie correspond à la différence entre la rémunération reçue au titre des placements et à celle versée sur les fonds déposés au Trésor ([4]). Cependant, la trésorerie a désormais structurellement un impact budgétaire, en raison de la rémunération des fonds non consommables destinés au financement des investissements d’avenir.
Les dotations non consommables
Les dotations non consommables ont été mises en place lors des programmes d’investissement d’avenir (PIA) 1 et 2, respectivement à hauteur de 15 milliards d’euros et 3,3 milliards d’euros. Il s’agit de dotations bloquées sur des comptes dédiés au Trésor, ne pouvant pas faire l’objet de décaissements. Seuls les intérêts générés par ces dotations sont directement utilisables pour financer des projets.
Le niveau de rémunération des fonds relevant des PIA a fait l’objet d’un arrêté conjoint des ministres en charge des finances et du budget. Pour le PIA 1, le taux de rémunération a été fixé à 3,413 % et le taux pour le PIA 2 a été fixé à 4,03238 %.
La rémunération au titre des fonds non consommables s’élève à 752 millions d’euros, soit 78 % du coût budgétaire de la trésorerie de l’État évaluée à 956 millions d’euros au titre de l’exercice 2019.
impact budgÉtaire de la gestion de la trÉsorerie de l’État
(en millions d’euros)
Exercices |
Exécution 2012 |
Exécution 2013 |
Exécution 2014 |
Exécution 2015 |
Exécution 2016 |
Exécution 2017 |
LFI 2018 |
2018
révisé |
2019 PLF |
Trésorerie (charge nette) |
880 |
909 |
869 |
955 |
1 036 |
1 036 |
962 |
1 084 |
956 |
dont hors rémunération des fonds non consommables |
234 |
242 |
181 |
204 |
282 |
297 |
210 |
332 |
204 |
Rémunération des fonds non consommables déposés au Trésor * |
645 |
667 |
688 |
751 |
754 |
752 |
752 |
752 |
752 |
Dépôts des correspondants (rémunérations versées) |
309 |
253 |
192 |
145 |
146 |
126 |
132 |
154 |
227 |
Pensions, placements et trésorerie (dépenses – recettes) |
– 75 |
– 11 |
– 11 |
59 |
136 |
171 |
78 |
178 |
– 23 |
* fonds destinés au financement des investissements d’avenir.
Source : projets annuels de performances.
Selon le projet annuel de performances, la loi de finances rectificative pour 2018 devrait réviser à la hausse la charge budgétaire associée à la trésorerie de l’État. Cela résulte de taux de court terme plus faibles qu’anticipé en loi de finances initiale qui réduisent la rentabilité des opérations de placement. Cela représente un effet mécanique de perte de rendement pour les placements de l’État.
Objectifs et indicateurs de performance du programme
La qualité de la gestion de la dette et de la trésorerie de l’État est évaluée via quatre objectifs (déclinés en sept indicateurs de performance) :
– couverture des émissions dans les meilleures conditions d’efficience et de sécurité ;
– optimisation de la gestion de la trésorerie en fonction des conditions de marché ;
– amélioration de l’information préalable par les correspondants du Trésor de leurs opérations financières affectant le compte du Trésor ;
– obtention d’un niveau de contrôle des risques de qualité constante et qui minimise la survenance d’incidents.
De nouveau, les rapporteures spéciales ne sont pas convaincues de la pleine pertinence des indicateurs retenus, même si la qualité de la gestion de la dette et de la trésorerie de l’État est totalement reconnue.
II. LES DISPOSITIFS DE GARANTIE DE L’ÉTAT
Principaux éléments du programme
En 2019, les crédits du programme Appels en garantie de l’État sont en augmentation de 21,1 millions d’euros par rapport aux prévisions pour l’exercice 2018. Ils s’établissent à 125,3 millions d’euros au lieu de 104,1 millions d’euros en 2018. Cela résulte de deux actions :
– l’action 2 Soutien au domaine social, logement, santé, à hauteur de 14,7 millions d’euros en AE et en CP ;
– et l’action 4 Développement international de l’économie française, à hauteur de 6,5 millions d’euros en AE et en CP.
A. L’AUGMENTATION DES DÉPENSES LIÉES AU PROGRAMME APPELS EN GARANTIE DE L’ÉTAT
1. L’encours élevé des garanties couvertes par le présent programme
Le programme 114 Appels en garantie de l’État porte des crédits budgétaires évaluatifs destinés à financer la mise en jeu de garanties octroyées par l’État. Les garanties désignent des dispositifs d’engagements hors bilan, qui exposent l’État à un risque financier à plus ou moins long terme. Celles-ci peuvent prendre différentes formes, telles que les garanties de passifs, les opérations d’assurance, ou les garanties d’achèvement.
À la fin de l’année 2017, le niveau de l’encours des garanties octroyées par l’État couvertes par le présent programme s’élevait à 739 milliards d’euros en capital et à 20 milliards d’euros en intérêts.
encours des garanties octroyées couvertes par le présent programme
(en euros)
Actions |
Encours garantis au 31/12/2017 (capital) |
Encours garantis au 31/12/2017 (intérêts) |
LFI 2017 (AE=CP) |
Montants appelés en garantie 2017 (AE=CP) |
LFI 2018 (AE=CP) |
1 – Agriculture et environnement |
45 389 396 |
1 953 645 |
1 000 000 |
0 |
900 000 |
2 – Soutien au domaine social, logement et santé |
521 194 106 550 |
3 575 979 034 |
21 900 000 |
32 200 000 |
38 290 000 |
3 – Financement des entreprises et industries |
71 154 431 531 |
225 974 388 |
4 000 000 |
2 783 900 |
1 400 000 |
4 – Développement international de l’économie française |
67 619 800 000 |
5 780 000 000 |
0 |
0 |
63 000 000 |
5 – Autres garanties |
78 651 691 491 |
9 959 062 693 |
500 000 |
0 |
500 000 |
6 – Autres |
0 |
0 |
|
|
|
Total |
738 665 418 968 |
19 542 951 760 |
27 400 000 |
34 983 900 |
104 090 000 |
Source : Gouvernement.
L’action 2 Soutien au domaine social, logement et santé représente 70 % de l’encours garanti en capital au titre du présent programme, soit 521 milliards d’euros. Elle recouvre principalement la garantie accordée aux épargnants pour les sommes déposées sur leurs livrets d’épargne réglementés (417 milliards d’euros capital et intérêts confondus) et les dispositifs de prêts à l’accession sociale à la propriété (PAS), de prêts à taux zéro, notamment le prêt à taux zéro +, et d’éco-prêts à taux zéro (53 milliards d’euros).
Les rapporteures spéciales se félicitent de la transmission par le Gouvernement de ce tableau synthétique, permettant de retracer l’encours des garanties, tant en capital qu’en intérêt, visées par le présent programme et les appels en garantie effectifs. Cela va dans le sens d’une transparence accrue à l’égard des garanties de l’État et souhaitée par les rapporteures spéciales, comme elles ont pu l’exprimer lors du printemps de l’évaluation 2018 ([5]).
En outre, elles soulignent les dispositions relatives aux garanties de l’État prévues dans le présent projet de loi de finances aux articles 66 (garantie de la redevance due à la société Rugby World Cup Limited dans le cadre de l’organisation en 2023, en France, de la coupe du monde de rugby), 67 (Garantie de l’emprunt de l’UNESCO pour la rénovation d’un bâtiment), 68 (Garantie par l’État des emprunts de l’Unédic émis en 2019), 69 (Prorogation de la garantie de l’État au titre des prêts à taux zéro pour la création et la reprise d’entreprises), 70 (Extension de la garantie de refinancement aux crédits couverts par la garantie des projets stratégiques) et 71 (Garantie de l’État au titre de prêts de l’Agence française de développement à l’Association internationale de développement et au Fonds international de développement agricole). Celles-ci représentent un total de garanties nouvelles à hauteur de 3,6 milliards d’euros.
Les rapporteures spéciales saluent la décision du Gouvernement d’inscrire ces différentes dispositions relatives aux garanties publiques en loi de finances initiale et non en loi de finances rectificative, comme cela était la pratique lors des exercices antérieurs. Cela améliore les conditions d’examen de ces dispositions et accroît la capacité de contrôle du Parlement.
2. L’augmentation des dépenses prévisionnelles liées aux appels en garantie associés au présent programme
En 2019, les crédits du programme Appels en garantie de l’État sont en augmentation de 21,2 millions d’euros par rapport aux prévisions pour l’exercice 2018. Ils s’établissent à 125,3 millions d’euros au lieu de 104,1 millions d’euros en 2018, soit une hausse de 20 %.
Évolution des crÉdits du programme entre la LFI 2018 et le PLF 2019
(en millions d’euros)
Intitulé de l’action ou sous‑action |
LFI 2018 |
PLF 2019 |
Écart 2018/2019 |
||
AE |
CP |
AE |
CP |
CP |
|
Agriculture et environnement |
0,9 |
0,9 |
0,9 |
0,9 |
0 |
Soutien au domaine social, logement, santé |
38,3 |
38,3 |
53 |
53 |
+ 14,7 |
Financement des entreprises et industrie |
1,4 |
1,4 |
1,4 |
1,4 |
0 |
Développement international de l’économie française |
63 |
63 |
69,5 |
69,5 |
+ 6,5 |
Assurance-crédit |
– |
– |
– |
– |
– |
Assurance-prospection |
32 |
32 |
43,5 |
43,5 |
+ 11,5 |
Garantie de change |
1 |
1 |
1 |
1 |
0 |
Garantie du risque économique |
– |
– |
– |
– |
– |
Garanties de taux d’intérêt Natixis |
– |
– |
– |
– |
– |
Garantie du risque exportateur |
30 |
30 |
25 |
25 |
– 5 |
Autres garanties |
0,5 |
0,5 |
0,5 |
0,5 |
0 |
Total |
104,1 |
104,1 |
125,3 |
125,3 |
+ 21,2 |
Source : présent projet annuel de performances.
Trois actions du programme présentent des crédits résiduels et stables entre 2018 et 2019 :
– l’action 1 Agriculture et environnement, au titre des dispositifs de désendettement des exploitants agricoles installés en Corse, d’emprunts destinés à financer des compléments de primes à l’arrachage des vignes et d’emprunts destinés à soutenir la filière bois suite à la tempête Klaus ;
– l’action 3 Financement des entreprises et industrie, au titre des garanties relatives aux passifs environnementaux, au régime de garanties à la construction navale, les garanties liées au soutien du secteur bancaire et la garantie accordée au Crédit immobilier de France (CIF) ;
– et l’action 5 Autres garanties, correspondant à des garanties accordées à la Banque européenne d’investissement (BEI) au titre des conventions de Lomé et Cotonou pour des prêts octroyés aux pays d’Afrique Caraïbes Pacifique (ACP) et aux Pays et Territoires d’Outre-mer (PTOM).
Deux actions du programme présentent des crédits en augmentation entre 2018 et 2019 :
– l’action 2 Soutien au domaine social, logement, santé, à hauteur de 14,7 millions d’euros en AE et en CP en lien avec les prêts garantis (prêts à l’accession sociale et prêts à taux zéro) et gérés par la SGFGAS (société de gestion des financements et de la garantie de l’accession sociale à la propriété), dont l’augmentation de l’encours de prêts garantis entraîne une hausse de la sinistralité, même si celle-ci reste à un taux très faible de 0,05 % de l’encours en 2017 ;
– et l’action 4 Développement international de l’économie française, à hauteur de 6,5 millions d’euros en AE et en CP, au titre des procédures dont Bpifrance Assurance Export assure désormais la gestion ; les flux financiers générés par ces garanties sont retracés sur le compte de commerce Soutien financier au commerce extérieur, qui bénéficie d’abondements budgétaires issus de la présente action correspondant au solde négatif de chaque procédure constaté l’année précédente. À ce titre, les rapporteures spéciales s’interrogent sur la nécessité récurrente d’abonder un compte de commerce, dont les comptes devraient en principe être à l’équilibre.
B. LE SUIVI DES ENGAGEMENTS HORS BILAN DE L’ÉTAT ET GARANTIES DE L’ÉTAT
Les rapporteures spéciales attachent également une attention particulière au suivi des engagements hors bilan de l’État. Les engagements hors bilan retracent « les obligations qui, sans réunir les critères d’inscription à son bilan, sont susceptibles d’avoir un impact significatif sur la soutenabilité de sa situation financière » ([6]).
1. Le suivi des engagements hors bilan de l’État
Le compte général de l’État permet de retracer chaque année le niveau des principaux engagements hors bilan de l’État. Ceux-ci s’élèvent à 4 321 milliards d’euros à la fin de l’année 2017, en augmentation de 152 milliards d’euros par rapport à la fin de l’année 2016. Cette hausse peut également traduire une évaluation améliorée des engagements hors bilan.
principaux engagements hors bilan de l’état À fin 2017
(en millions d’euros)
Engagements hors bilan |
Fin 2017 |
Fin 2016 |
Variation |
Engagement de retraite des fonctionnaires civils de l’État et militaires |
2 212 262 |
2 138 578 |
73 684 |
Garanties de protection des épargnants - Livrets d’épargne réglementés |
420 111 |
405 801 |
14 310 |
Régimes sociaux et de retraite |
377 721 |
345 784 |
31 937 |
Dette garantie par l’État |
204 398 |
195 170 |
9 228 |
Aide à l’accès au logement |
163 490 |
163 986 |
– 496 |
Fonctionnaires de La Poste |
146 788 |
146 717 |
71 |
Engagement au titre du capital appelable du Mécanisme européen de stabilité (MES) |
126 393 |
126 393 |
0 |
Engagements budgétaires relatifs à des opérations pour lesquelles le service fait n’est pas intervenu |
113 857 |
101 809 |
12 048 |
Déficits reportables en avant - Impôt sur les sociétés |
77 000 |
67 000 |
10 000 |
Soutien financier au commerce extérieur – Garanties publiques à l’export gérées par Bpifrance Assurance Export : Engagement au titre de l’assurance-crédit |
75 393 |
77 332 |
– 1 939 |
Engagements au titre du capital appelable vis-à-vis des banques multilatérales de développement (BMD) et des institutions de l’Union européenne de financement |
60 988 |
61 663 |
– 675 |
Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État (FSPOEIE) |
43 603 |
40 673 |
2 931 |
Engagements de prêts donnés par l’État au Fonds monétaire international (FMI) et non tirés par celui-ci |
41 412 |
41 528 |
– 116 |
Handicap et dépendance |
33 720 |
31 958 |
1 762 |
Total des engagements hors bilan recensés dans le compte général de l’État 2017 |
4 320 653 |
4 168 533 |
152 118 |
Source : compte général de l’État 2017, pages 6 et 7.
L’engagement relatif à la retraite des fonctionnaires civils de l’État et des militaires s’élève à 2 212 milliards d’euros et représente plus de la moitié du total des principaux engagements hors bilan de l’État. Les rapporteures spéciales considèrent que cet outil de recensement des engagements hors bilan de l’État, qui recouvre également les garanties de l’État, est essentiel en matière de suivi et de contrôle de la soutenabilité budgétaire.
2. Le suivi des garanties octroyées par l’État
Selon les éléments transmis aux rapporteures spéciales, le total cumulé de toutes les garanties actives octroyées par l’État s’élève à 739 milliards d’euros en capital et à 20 milliards d’euros en intérêts. L’ensemble de ces garanties figurent au tableau d’inventaire des garanties recensées de l’État (TIGRE).
principales garanties actives octroyées par l’état
(en milliards d’euros)
Garanties |
Montant |
Garantie accordée aux épargnants pour les sommes déposées sur leurs livrets d’épargne réglementés |
417 |
Garantie accordée au fonds européen de stabilité financière (FESF) |
70 |
Garantie octroyée pour l’ensemble des prêts à taux zéro (PTZ, NPTZ, PTZ+) et des prêts à l’accession sociale à la propriété |
53 |
Garantie accordée à Dexia |
31 |
Garantie accordée à l’Unédic |
29 |
Source : Gouvernement.
À cet égard, les rapporteures spéciales soulignent l’importance du suivi des garanties accordées par l’État. Ainsi, elles regrettent l’absence de publication du rapport sur l’exécution des autorisations de garanties accordées en loi de finances, qui recensent les garanties octroyées au cours de l’année précédente, conformément à l’article 24 de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2018 à 2022 ([7]).
Selon les éléments transmis aux rapporteures spéciales, il apparaît que la préparation du rapport a été retardée « du fait d’une mauvaise coordination entre directions du ministère ». À la date de rédaction du présent rapport, le rapport prévu à l’article 24 de la LPFP n’a toujours pas été remis au Parlement.
Objectifs et indicateurs de performance du programme
Le présent programme est évalué via quatre objectifs, déclinés en cinq indicateurs de performance. Ceux-ci concernent l’action 4 Développement international de l’économie française, dotée du niveau le plus élevé de crédits.
Toutefois, les rapporteures spéciales réitèrent leur demande d’une extension des objectifs et indicateurs de performance à l’action 2 Soutien au domaine social, logement, santé, dont les crédits progressent plus rapidement et atteignent un niveau proche de celui de l’action 4. Il convient de mettre en place une évaluation et un suivi de la performance des crédits budgétaires liés à cette action.
III. la baisse continue de la dÉPENSE LIÉE AU PROGRAMME Épargne
Principaux éléments du programme
La loi de finances pour 2018 a supprimé la prime d’État associée aux plans d’épargne-logement (PEL) et comptes épargne-logement (CEL) pour les contrats souscrits à compter du 1er janvier 2018. Les premières données relatives aux PEL et CEL exploitables montrent une diminution significative du nombre d’ouvertures au 1er semestre 2018 par rapport aux ouvertures du 1er semestre 2017.
La dépense budgétaire du programme Épargne associée aux PEL et CEL est liée au versement de la prime d’État. Compte tenu de la désaffection des épargnants pour les prêts épargne-logement, dont les taux sont supérieurs aux taux de marché, le niveau des primes d’État a considérablement baissé entraînant une diminution significative de la dépense budgétaire. Celle-ci est passée de 1,3 milliard d’euros en 2010 à 94 millions d’euros en 2017. Pour l’année 2019, le niveau prévisionnel des dépenses budgétaires au titre des primes PEL et CEL est fixé de façon prudente à 100 millions d’euros.
A. LE NIVEAU ÉLEVÉ DES DÉPENSES FISCALES ASSOCIÉES AU PROGRAMME ÉPARGNE
Les dépenses fiscales associées au programme Épargne s’élèvent à 5,1 milliards d’euros au titre de l’année 2019. Elles résultent pour plus de la moitié :
– de l’exonération relative aux sommes versées au titre de la participation, de l’intéressement et de l’abondement aux plans d’épargne salariale, représentant 1,66 milliard d’euros ;
– et de l’exonération ou de l’imposition réduite aux produits attachés aux bons ou contrats de capitalisation et d’assurance-vie, représentant 1,5 milliard d’euros.
CoÛt des principales dÉpenses fiscales associÉes au programme Épargne
(en millions d’euros)
Dépenses fiscales |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
Exonération des sommes versées au titre de la participation, de l’intéressement et de l’abondement aux plans d’épargne salariale |
1 400 |
1 440 |
1 620 |
1 735 |
1 660 |
Exonération ou imposition réduite des produits attachés aux bons ou contrats de capitalisation et d’assurance-vie |
1 573 |
1 530 |
1 486 |
1 545 |
1 523 |
Exonération des intérêts et primes versées dans le cadre de l’épargne logement |
696 |
714 |
709 |
845 |
460 |
Exonération des revenus provenant de l’épargne salariale |
290 |
320 |
325 |
330 |
330 |
Exonération des intérêts des livrets A |
435 |
324 |
266 |
277 |
160 |
Exonération des produits des plans d’épargne populaire |
319 |
272 |
203 |
250 |
104 |
Exonération des intérêts des livrets de développement durable |
194 |
148 |
124 |
127 |
72 |
Exonération des intérêts des livrets d’épargne populaire |
53 |
37 |
31 |
31 |
19 |
Total |
5 714 |
5 663 |
5 619 |
5 895 |
5 065 |
N.B. : la ligne « total » est destinée à donner un ordre de grandeur du niveau des dépenses fiscales associées à ce programme, elle n’a pas de vocation exhaustive.
Source : rapport annuel de performance Engagements financiers de l’État pour 2015 et 2016 et projet annuel de performances pour 2017 et les années suivantes.
Cela représente un niveau élevé de dépenses fiscales, qui ont pour objet d’orienter l’épargne des ménages. Toutefois, les rapporteures spéciales soulignent qu’un grand nombre de dépenses fiscales apparaissent comme non chiffrables dans les documents budgétaires. Elles proposent d’examiner de façon plus approfondie ce point lors du prochain printemps de l’évaluation.
B. LA DIMINUTION DES DÉPENSES LIÉES AUX PRIMES D’ÉPARGNE LOGEMENT
1. Le ralentissement programmé de l’encours des PEL et CEL
Les produits d’épargne-logement recouvrent le compte épargne-logement (CEL) et le plan d’épargne-logement (PEL), qui donnent à leur détenteur le droit à l’octroi d’un prêt épargne-logement, selon des taux d’intérêt définis par arrêté ministériel.
Ces produits permettent également le versement d’une prime d’État au moment de la clôture du PEL ou CEL pour tous les contrats souscrits avant le 12 décembre 2002. Pour les contrats souscrits à compter de cette date, le versement de la prime d’État est soumis à deux conditions : la souscription du contrat avant le 1er janvier 2018 et la souscription d’un prêt épargne-logement. Le montant maximal de la prime d’État est de 1 144 euros dans le cadre des CEL et de 1 000 euros pour les PEL, plafond pouvant être porté à 1 525 euros lorsque le PEL contribue à la construction ou l’acquisition d’un logement performant énergétiquement.
Toutefois, la prime d’État associée aux PEL et CEL a été supprimée pour les contrats souscrits à compter du 1er janvier 2018. Cette suppression s’est inscrite dans un contexte de perte d’attractivité de ces deux produits, du fait de la baisse de leur taux de rémunération et de taux de prêts épargne-logement supérieurs aux taux de marché.
Par ailleurs, la mise en place du prélèvement forfaitaire unique (PFU) en loi de finances initiale pour 2018 visait à garantir une neutralité fiscale et budgétaire accrue entre les différents produits d’épargne. Ainsi, les intérêts des nouveaux PEL et CEL ouverts à compter du 1er janvier 2018 sont désormais imposés dans les conditions de droit commun.
L’encours des PEL et CEL s’élevait à 305 milliards d’euros à la fin de l’année 2017, soit un niveau en progression par rapport aux années précédentes.
encours DES COMPTES ET PLANS D’ÉPARGNE LOGEMENT
(en milliards d’euros)
Encours |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
Comptes épargne-logement (CEL) |
36,4 |
36,4 |
35,5 |
33,7 |
31,5 |
30,3 |
29,4 |
29,7 |
Plans d’épargne-logement (PEL) |
185,3 |
189,5 |
191,5 |
201,5 |
220,2 |
245 |
262,3 |
275,1 |
Total |
221,7 |
225,9 |
227,0 |
235,3 |
251,6 |
275,3 |
291,7 |
304,8 |
Source : projets de loi de finances.
Toutefois, les premières données relatives aux PEL et CEL exploitables montrent une diminution du nombre d’ouvertures au 1er semestre 2018 par rapport aux ouvertures du 1er semestre 2017, compte tenu des mesures adoptées en loi de finances initiale pour 2018.
Évolution du nombre et du montant des ouvertures de pel et cel
|
Nombre d’ouvertures |
Montant d’ouvertures (en millions d’euros) |
||
|
CEL |
PEL |
CEL |
PEL |
T1 2017 |
68 029 |
368 465 |
1 392 |
2 022 |
T2 2017 |
56 206 |
336 438 |
1 352 |
2 967 |
T3 2017 |
53 651 |
335 028 |
1 276 |
2 105 |
T4 2017 |
58 231 |
648 134 |
1 341 |
2 543 |
T1 2018 |
43 539 |
224 425 |
280 |
1 318 |
T2 2018 |
35 835 |
205 229 |
244 |
1 214 |
Source : Gouvernement.
Ainsi, les évolutions sont significatives :
– avec une diminution de 36 % du nombre d’ouvertures de CEL et de 81 % des montants d’ouvertures entre le 1er semestre 2018 et le 1er semestre 2017 ;
– et une baisse de 39 % du nombre d’ouvertures de PEL et de 49 % du montant des ouvertures.
Dès lors, la progression de l’encours des PEL et CEL devrait fortement ralentir au cours de l’année 2018 et des années suivantes.
2. Une baisse de 92 % de la dépense liée aux primes épargne logement entre 2010 et 2019
La dépense budgétaire du programme Épargne associée aux PEL et CEL est liée au versement de la prime d’État. Compte tenu de la désaffection des épargnants pour les prêts épargne-logement, dont les taux sont supérieurs aux taux de marché, le niveau des primes d’État a considérablement baissé entraînant une diminution significative de la dépense budgétaire.
Pour l’année 2019, le niveau prévisionnel des dépenses budgétaires au titre des primes PEL et CEL est fixé de façon prudente à 100 millions d’euros, après un niveau d’exécution à 94 millions d’euros en 2017.
dÉpense budgÉtaire affÉRENTE AUX PRIMES D’ÉPARGNE LOGEMENT
(en millions d’euros)
Année |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 (p) |
2019 (p) |
Dépenses budgétaires au titre des primes PEL et CEL |
1 331,8 |
692 |
649,6 |
572,2 |
382,1 |
249,6 |
120,0 |
94,26 |
147,6 |
100 |
Évolution |
– |
– 48 % |
– 6 % |
– 12 % |
– 33 % |
– 35 % |
– 52 % |
– 21 % |
57 % |
– 32 % |
Source : rapports annuels de performances, projet annuel de performances.
Compte tenu de la suppression de la prime d’État pour les PEL et CEL souscrits à compter du 1er janvier 2018, la dépense budgétaire devrait faire l’objet d’une réduction progressive à mesure de la diminution du nombre de contrats donnant encore droit au versement de la prime. Toutefois, le projet annuel de performances indique que « la gestion extinctive des primes d’épargne-logement prendra encore plusieurs années », compte tenu de l’encours des PEL et des CEL. Par ailleurs, il précise que le montant des charges pour provisions inscrit dans le compte général de l’État au titre du stock des primes PEL ante 2002 s’élève à 1,5 milliard d’euros à la fin 2017.
Les rapporteures spéciales ne peuvent que souligner la pertinence de la mesure de réduction structurelle de la dépense prise au niveau du présent programme. Les primes d’État ne représentaient plus un élément d’attractivité des PEL et CEL. Elles ne remplissaient plus l’objectif de politique publique qui avait justifié leur création. Il apparaît donc légitime de les avoir supprimées à compter du 1er janvier 2018.
Toutefois, elles regrettent la non-transmission du rapport prévu à l’article 143 de la loi de finances initiale pour 2018, qui devait analyser « l’impact budgétaire et économique de la suppression du régime fiscal dérogatoire de l’épargne logement pour les nouveaux plans d’épargne-logement et comptes d’épargne-logement ». Ce rapport devait être remis au Parlement avant le 1er septembre 2018.
Objectifs et indicateurs de performance du programme
La performance du présent programme est évaluée par le biais de deux objectifs et quatre indicateurs. Les rapporteures spéciales estiment que les indicateurs relatifs aux dépenses fiscales associées au présent programme pourraient être utilement développées, compte tenu de la gestion extinctive des dépenses budgétaires associées aux primes d’État.
IV. L’ABSENCE DE DÉPENSE AU TITRE DE LA DOTATION DU MÉCANISME EUROPÉEN DE STABILITÉ
Principaux éléments du programme
La dépense prévisionnelle du programme est nulle pour l’exercice 2019.
Toutefois, les rapporteures spéciales sont attentives à la sincérité de la budgétisation de celui-ci, compte tenu de la dépense de 86,7 millions d’euros inscrite en loi de finances rectificative pour 2017. Celle-ci vise à rétrocéder les intérêts perçus par la Banque de France sur le capital placé par le MES auprès de celle-ci, du fait de taux négatif appliqué à la facilité de dépôt placée auprès de l’Eurosystème (– 0,4 %). Le Gouvernement avait indiqué que cet engagement serait poursuivi tant que le taux de la facilité de dépôt serait négatif. Toutefois, aucune dotation n’a été prévue à ce titre en loi de finances pour 2018.
A. LA DÉPENSE AU TITRE DE LA DOTATION DU MÉCANISME EUROPÉEN DE STABILITÉ CONSTATÉE EN 2017
La souscription de la France aux parts libérées du capital du Mécanisme européen de stabilité (MES) a fait l’objet de cinq versements échelonnés entre octobre 2012 et avril 2014. En conséquence, le présent programme n’était plus doté de crédits budgétaires depuis cette date.
Toutefois, la loi de finances rectificative pour 2017 a procédé à l’ouverture de 86,7 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement au titre du MES ([8]). Cela visait à rétrocéder les intérêts perçus par la Banque de France sur le capital placé par le MES auprès de celle-ci, du fait de taux négatif appliqué à la facilité de dépôt placée auprès de l’Eurosystème
(– 0,4 %) ([9]).
Cela correspondait à un engagement du ministre en charge de l’économie et des finances, formalisé dans une lettre signée en mai 2017, sous réserve d’un engagement similaire d’un autre État membre. Le ministre allemand a adressé une lettre fin septembre 2017 au MES, prenant le même engagement de rétrocession des intérêts perçus. L’Allemagne a rétrocédé 128,9 millions d’euros en 2018, au titre des intérêts de 2017.
À l’occasion de la loi de finances rectificative pour 2017, le programme a été renommé Dotation au mécanisme européen de stabilité, dans la mesure où les versements ne concernent pas une dotation en capital du MES (qui était l’ancien intitulé).
B. L’ABSENCE DE DÉPENSE AU TITRE DE LA DOTATION DU MÉCANISME EUROPÉEN DE STABILITÉ PRÉVUE EN 2018 ET EN 2019
Aucune dotation n’a été prévue à ce titre en loi de finances pour 2018. Les rapporteures spéciales constatent que le projet de loi de finances pour 2019 ne prévoit pas non plus de dotation au titre du MES.
Toutefois, le Gouvernement a précisé aux rapporteures spéciales qu’aucune décision de rétrocession des intérêts de 2018 et de 2019 n’a été prise par l’Allemagne et la France. Ainsi, aucune charge n’a été provisionnée au titre de ces deux exercices.
Les rapporteures spéciales resteront attentives à la sincérité de la budgétisation du présent programme, qui devrait être doté de crédits dès la loi de finances initiale en cas de besoin identifié.
Objectifs et indicateurs de performance du programme
La performance du présent programme est évaluée par le biais d’un indicateur, qui recense le pourcentage de rejets de virement lors de la mise en paiement par l’ASP de l’ensemble des aides. Le pourcentage est nul en exécution en 2016 et en 2017. Il est fixé à ce même niveau pour les années 2018, 2019 et 2020.
De nouveau, les rapporteures spéciales considèrent que cet indicateur de performance relève plus de l’impératif que de l’objectif.
V. le régime de croisière du fonds de soutien relatif aux prÊts et contrats financiers structurÉs À risque
Principaux éléments du programme
Les crédits de paiement ouverts pour l’exercice 2019 s’élèvent à 183,3 millions d’euros, complétés par 11,5 millions d’euros au titre des fonds de concours associés au présent programme. Cela représente un total de ressources de financement de 194,8 millions d’euros.
Le fonds de soutien en faveur des collectivités a atteint son rythme de croisière de décaissements. Les crédits de paiement devraient s’élever à 207,2 millions d’euros en 2020 et en 2021. Ainsi, le niveau des crédits de paiement serait stable sur la période et jusqu’à l’extinction du fonds, soit en 2028.
A. LE PILOTAGE ET LA GESTION DU FONDS DE SOUTIEN
1. La création du fonds en 2014
Créé par la loi de finances pour 2014 ([10]), le fonds de soutien en faveur des collectivités territoriales, de leurs groupements, des établissements publics locaux et des services départementaux d’incendie et de secours ainsi que des collectivités d’Outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie a pour but d’aider les collectivités ayant souscrit, avant l’entrée en vigueur de la loi, des emprunts structurés et des instruments financiers à risque. Il vise à faciliter le remboursement de ces emprunts par anticipation ou à alléger leur charge d’intérêt.
Initialement doté de 1,5 milliard d’euros, la loi de finances rectificative pour 2015 a doublé la capacité financière du fonds en la portant à 3 milliards d’euros, afin de faire face aux conséquences financières et au renchérissement de nombreux emprunts souscrits par les collectivités, du fait de la décision de la Banque nationale suisse du 15 janvier 2015 de laisser s’apprécier la devise helvétique par rapport à l’euro ([11]).
2. Le transfert du pilotage et de la gestion du fonds à la DGFiP en 2017
Le fonds de soutien a une durée prévisionnelle de 15 ans courant jusqu’en 2028. Un comité national d’orientation et de suivi (CNOS) a été chargé d’émettre des recommandations sur les modalités d’intervention du fonds. Il est composé de représentant de l’État, des collectivités territoriales, de parlementaires et de personnalités qualifiées.
Par ailleurs, un service à compétence national dénommé Service de pilotage du dispositif de sortie des emprunts à risque a été créé afin de conclure les conventions d’aide avec les collectivités et les établissements intéressées ([12]).
Depuis novembre 2017, le pilotage et la gestion du fonds ont été transférés à la direction générale des finances publiques (DGFiP), compte tenu du recentrage de ses activités sur l’exécution des conventions d’aides conclues entre l’État et les bénéficiaires ([13]). En outre, l’Agence de services et de paiement (ASP) est en charge de l’exécution des versements aux entités bénéficiaires ainsi que de leur suivi.
3. Les modalités d’intervention du fonds
Les aides versées par le fonds prennent trois formes :
– une aide pour le remboursement anticipé de l’emprunt à risque, calculée par référence aux indemnités de remboursement anticipées dues, dans la limite de 75 % de ces indemnités ;
– une prise en charge partielle des intérêts dus au titre de l’emprunt à risque, à titre dérogatoire par période de trois ans reconductible jusqu’au terme des contrats ;
– et une aide à la gestion de l’encours, réservée aux collectivités territoriales dont la population est inférieure à 10 000 habitants et certains établissements publics, ayant souscrit des emprunts à risque, dans la limite de 2,5 millions d’euros par an et de 50 % de la totalité des frais engagés.
Les modalités de financement du fonds sont de quatre ordres :
– environ 100 millions d’euros au titre de la taxe additionnelle à la taxe systémique des banques créée par la loi de finances rectificative pour 2014 ([14]) ;
– 84 millions d’euros au titre de crédits budgétaires ;
– 10 millions d’euros sous forme de fonds de concours, au titre de la contribution annuelle de la Société de financement local (SFIL) et de sa filiale la Caisse française de financement local (CAFFIL) ;
– et 1,5 million d’euros sous forme de fonds de concours, au titre de la contribution annuelle de DEXIA.
B. LES ENGAGEMENTS DU FONDS ET LE MONTANT DE CRÉDITS DE PAIEMENT POUR 2019
1. Les engagements du fonds de soutien
Au 30 avril 2015, 676 collectivités avaient déposé un dossier de demande d’aide au fonds, correspondant à 1 164 prêts déposés. Le fonds s’est engagé à aider 581 collectivités, soit 85 % des collectivités ayant déposé un dossier ([15]), représentant 987 prêts. L’ensemble des conventions d’aide avec les collectivités et les établissements concernés a été signé au cours de l’année 2016.
Au total, 835 prêts sur les 987 prêts pour lesquels les collectivités ont accepté le bénéfice de l’aide donnent lieu à une aide au titre du remboursement anticipé du prêt.
Seules 98 collectivités, pour un total de 154 prêts, ont souhaité bénéficier du dispositif dérogatoire de prise en charge partielle des intérêts dus au titre de l’emprunt à risque.
Au 31 décembre 2017, l’ensemble des conventions d’aide représente un montant total de 2,55 milliards d’euros, pour un taux d’aide moyen de 56 %.
Au 31 décembre 2018, le niveau des engagements à honorer devrait s’élever à 2,05 milliards d’euros, compte tenu des versements déjà réalisés depuis la création du fonds. Par ailleurs, le projet annuel de performances indique que le ministre a décidé de procéder à l’annulation de 250 millions d’euros en autorisations d’engagement au cours du dernier trimestre 2018, compte tenu du niveau trop élevé des autorisations d’engagement par rapport aux conventions d’aide. Cette annulation d’autorisations d’engagement devrait intervenir via la loi de finances rectificative pour 2018.
2. Les crédits de paiement ouverts au titre de l’exercice 2019
Ainsi, les crédits de paiement ouverts pour 2019 s’élèvent à 183,3 millions d’euros, complétés par 11,5 millions d’euros au titre des fonds de concours associés au présent programme. Cela représente un total de ressources de financement de 194,8 millions d’euros.
Cela correspond au niveau de ressources de financement prévu pour 2018, qui s’élevait à 183,9 millions d’euros en crédits de paiement et 11,5 millions d’euros en fonds de concours. En outre, un report de crédits de 2017 sur 2018 s’était établi à hauteur de 13,7 millions d’euros. Les crédits de paiement devraient s’élever à 207,2 millions d’euros en 2020 et en 2021. Ainsi, le niveau des crédits de paiement serait stable sur la période et jusqu’à l’extinction du fonds.
Au-delà de 2021, les crédits de paiement restant à ouvrir devraient s’élever à 1,45 milliard d’euros, compte tenu du niveau d’autorisations d’engagement ouvertes. Toutefois, le projet annuel de performances précise que le niveau des crédits de paiement restant à ouvrir devrait être in fine plus faible, dans la mesure où les ouvertures d’autorisations d’engagement (2,66 milliards d’euros) sont supérieures au montant des aides résultant des conventions (2,55 milliards d’euros).
La performance du présent programme est évaluée par le biais d’un objectif, qui calcule le pourcentage des rejets de virement lors de la mise en paiement par l’ASP de l’ensemble des aides.
Objectifs et indicateurs de performance du programme
La performance du présent programme est évaluée par le biais d’un indicateur, qui recense le pourcentage de rejets de virement lors de la mise en paiement par l’ASP de l’ensemble des aides. Le pourcentage est nul en exécution en 2016 et en 2017. Il est fixé à ce même niveau pour les années 2018, 2019 et 2020.
De nouveau, les rapporteures spéciales considèrent que cet indicateur de performance relève plus de l’impératif que de l’objectif.
— 1 —
DEUXIÈME PARTIE : FOCUS CHOISIS PAR LES RAPPORTEURES SPÉCIALES
Au cours de leurs auditions, les rapporteures spéciales ont choisi d’analyser quatre thèmes complémentaires de la présente mission : le contexte macroéconomique, la politique monétaire, le rôle des agences de notation et le rapport d’allocation et de performance de l’OAT verte.
I. LE CONTEXTE MACROÉCONOMIQUE, UN FACTEUR ESSENTIEL D’ÉVOLUTION DES DETTES PUBLIQUES
Les rapporteures spéciales ont organisé une table ronde avec trois économistes (Mme Agnès Bénassy-Quéré, MM. Henri Sterdyniak et Philippe Waechter) afin d’étudier le contexte macroéconomique actuel et son impact sur les finances publiques et notamment les dettes publiques.
A. LE CONTEXTE MACROÉCONOMIQUE INTERNATIONAL, UNE CROISSANCE DYNAMIQUE ET DES INCERTITUDES PLUS NOMBREUSES ET ACCRUES
Les trois économistes auditionnés ont souligné la vigueur de la croissance mondiale, tout en précisant les risques économiques, financiers et géopolitiques sous-jacents.
Selon les prévisions du Fonds monétaire international, il apparaît que la croissance mondiale devrait atteindre 3,7 % en 2018 et en 2019 ([16]). Néanmoins, celle-ci devrait être moins synchronisée et porteuse d’une augmentation des risques. La croissance des États-Unis accélérerait, tandis que les prévisions sont abaissées pour le Japon, la zone euro et le Royaume-Uni, où l’activité a été moins dynamique que prévu au cours du premier semestre 2018.
En outre, la situation des pays émergents deviendrait plus contrastée, avec une remontée des prix du pétrole, une hausse des taux d’intérêt aux États-Unis, une recrudescence des tensions protectionnistes et des pressions des marchés sur les monnaies de certains pays dont les fondamentaux s’affaiblissent (Turquie, Argentine). Les prévisions de croissance ont été revues à la baisse pour l’Argentine, le Brésil, l’Iran, la Turquie et l’Inde.
Par ailleurs, la situation économique des États-Unis apparaît en surchauffe avec une hausse du taux d’inflation, un niveau de chômage inférieur à 4 % soit au-delà du plein-emploi et des politiques budgétaires expansionnistes.
Le relèvement des taux d’intérêt (cf. infra) par la Réserve fédérale pourrait avoir tendance à modifier les fondamentaux de l’économie américaine et à provoquer des ajustements de portefeuilles déstabilisateurs de la part des investisseurs.
Le FMI souligne l’existence de deux risques majeurs : les mesures de restriction commerciale et les tensions géopolitiques. Selon le FMI, « le solde des aléas qui influent sur la prévision de croissance mondiale est négatif, tant à court terme qu’au-delà ».
Du point de vue des finances publiques, le rapport moniteur des finances publiques du FMI relève que le niveau moyen de la dette des administrations publiques s’établit à 94 % du PIB dans un échantillon de 31 pays représentant 61 % de l’économie mondiale ([17]). Celle-ci ne représente que la moitié de l’ensemble des passifs du secteur public qui s’élèvent à 198 % du PIB, et comprend notamment un passif accumulé au titre des régimes de retraite équivalent à 46 % du PIB. À ce titre, le FMI préconise que de nombreux pays constituent des amortisseurs budgétaires afin d’être en mesure de réagir face à la prochaine récession économique ([18]). Ainsi, il incite plusieurs pays émergents et pays en développement à entreprendre des réformes budgétaires afin de garantir la viabilité de leurs finances publiques.
B. LE CONTEXTE MACROÉCONOMIQUE EUROPÉEN, UNE CROISSANCE ROBUSTE MALGRÉ DES INCERTITUDES ESSENTIELLEMENT POLITIQUES
En 2017, le taux de croissance de la zone euro et de l’Union européenne (UE) a atteint un point haut à 2,4 %, soit le niveau le plus soutenu depuis dix ans. Les taux de croissance ont été relativement dynamiques dans les différents pays de l’UE en 2016 et en 2017.
comparaison des taux de croissance au sein de l’UE
(en pourcentage)
Année |
2016 |
2017 |
UE 28 |
2,0 |
2,4 |
Zone euro |
1,9 |
2,4 |
Allemagne |
2,2 |
2,2 |
France |
1,2 |
2,2 |
Royaume-Uni |
1,8 |
1,7 |
Espagne |
3,2 |
3,0 |
Italie |
1,1 |
1,6 |
Source : Eurostat (lien).
Selon les prévisions de la Commission européenne, la croissance devrait rester forte en 2018 et en 2019 bien qu’en légère baisse, atteignant respectivement 2,1 % et 2 % au sein de la zone euro et de l’UE ([19]). La croissance de l’économie européenne a notamment ralenti au cours du premier semestre 2018.
Toutefois, l’amélioration des conditions du marché du travail, le désendettement des ménages et des niveaux toujours élevés de confiance des consommateurs devraient assurer la poursuite de la croissance de la consommation privée, malgré un certain ralentissement lié à la hausse des prix de l’énergie.
Parallèlement, le taux d’inflation s’élèverait en 2018 à 1,9 % dans l’UE et 1,7 % dans la zone euro et à 1,7 % en zone euro et 1,8 % dans l’UE en 2019. Toutefois, le relèvement du taux d’inflation résulte essentiellement de la remontée des prix énergétiques notamment pétroliers, la composante sous-jacente progressant modérément.
Le niveau de croissance robuste s’inscrit dans un environnement de taux maintenus à un niveau bas, avec une liquidité abondante et un biais accommodant dans la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE).
Toutefois, la Commission européenne identifie un certain nombre de risques :
– les tensions commerciales avec les États-Unis, qui pourraient affaiblir la confiance, peser sur l’investissement et les flux commerciaux mondiaux ;
– la reprise d’une volatilité des marchés financiers ;
– le resserrement plus rapide qu’anticipé des conditions de financement ;
– les déséquilibres économiques et financiers relatifs à la politique budgétaire procyclique menée par les États-Unis ;
– l’incertitude politique au sein de différents États membres, en particulier le dénouement des négociations relatives à la sortie du Royaume-Uni de l’UE et les tensions politiques et géopolitiques à l’extérieur de l’UE.
C. L’ENVIRONNEMENT MACROÉCONOMIQUE EN FRANCE, UNE CROISSANCE DYNAMIQUE AVEC DES ALÉAS ESSENTIELLEMENT EXTERNES
Le présent projet de loi de finances repose sur une prévision de croissance de 1,7 % en 2018 et en 2019 pour la France. Le Gouvernement a d’ailleurs prévu un niveau de croissance identique jusqu’en 2022.
Comme en 2017, le commerce extérieur contribuerait de nouveau positivement à la croissance en 2018 et en 2019, après cinq années où il constituait un facteur négatif. Le pouvoir d’achat des ménages serait bien orienté (+ 1,6 % en 2018 et + 1,7 % en 2019) et l’investissement des entreprises resterait dynamique (+ 4,6 % en 2018 et + 3 % en 2019), dans un contexte financier toujours favorable. Le taux de marge des sociétés non financières (SNF) avait atteint un point bas à 29,7 % en 2013, il se redresserait progressivement et s’établirait à 31,7 % en 2018 et 32,9 % en 2019. Enfin, le taux d’inflation se redresserait à 1,8 % en 2018 après 1 % en 2017, avant de redescendre à 1,4 % en 2019.
Toutefois, les aléas relevés pour l’économie européenne seraient similaires pour l’économie française (mesures protectionnistes, issue des négociations sur le Brexit, décisions de politique économique en Italie, déséquilibres budgétaires et financiers en Chine, vulnérabilités de certaines économies émergentes face à la remontée des taux d’intérêt aux États-Unis…).
Les rapporteures spéciales soulignent que le contexte macroéconomique a une incidence forte sur l’évolution de la dette publique. Une croissance dynamique et un taux d’inflation élevé permettent par exemple de réduire le taux d’endettement, et allègent proportionnellement la charge de la dette.
Ainsi, elles soutiennent pleinement la politique du Gouvernement visant à renforcer le potentiel de croissance de l’économie française, via des transformations structurantes qui sont à l’œuvre. À ce titre, les rapporteures spéciales soulignent les avancées récentes permises par :
– la loi pour un nouveau pacte ferroviaire du 27 juin dernier, qui prévoit une refonte globale du secteur, avec une réforme du groupe public ferroviaire (SNCF), l’ouverture du marché des transports ferroviaires de voyageurs et la transposition du quatrième « paquet ferroviaire » européen ([20]) ;
– la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel du 5 septembre dernier, qui vise à transformer le système de la formation professionnelle en France ([21]), celle-ci constitue la deuxième étape après la ratification en mars 2018 des ordonnances visant à moderniser et assouplir le marché du travail ([22]) ;
– et le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises dit PACTE, qui a été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale le 9 octobre dernier, et constitue un vaste plan de mesures visant à élever le niveau de croissance potentielle de la France.
En outre, le Gouvernement a présenté un programme dense de mesures de transformations à venir concernant la nouvelle convention d’assurance chômage, le nouveau système de retraite, le plan pauvreté, la loi d’orientation sur les mobilités, le plan hôpital, le projet de loi de programmation 2018-2022 et la réforme pour la justice et la réforme du système de santé.
Le contexte économique a également un impact sur la conduite de la politique monétaire. Celle-ci détermine en retour les conditions de financement de l’économie, par le biais des taux d’intérêt, et par conséquent l’évolution de la charge de la dette.
II. LA POLITIQUE MONÉTAIRE MENÉE EN ZONE EURO ET AUX ÉTATS-UNIS, DES CONDITIONS DE FINANCEMENT HÉTÉROGÈNES
A. LA POLITIQUE MONÉTAIRE ACCOMMODANTE MENÉE PAR LA BANQUE CENTRALE EUROPÉENNE
Les rapporteures spéciales ont auditionné Natacha Valla, directrice adjointe de la direction générale de la politique monétaire à la BCE, afin d’analyser la politique menée par la BCE. Celle-ci conserve une politique monétaire accommodante, même si elle prévoit sa normalisation progressive à moyen terme.
Celle-ci recouvre deux types d’instruments :
– la réduction des taux d’intérêt directeurs ;
– et les mesures non-conventionnelles (programme d’achats d’actifs), en cas de perturbation du mécanisme de transmission de la politique monétaire ou de marges limitées d’assouplissement supplémentaires des instruments conventionnels de la politique monétaire.
Ainsi, elle maintient le niveau de ses taux directeurs à un niveau historiquement bas voire en territoire négatif, à 0,00 % pour le taux d’intérêt des opérations principales de refinancement, 0,25 % pour le taux de facilité de prêt marginal et – 0,40 % pour le taux de facilité de dépôt. Le Conseil des gouverneurs prévoit que « les taux d’intérêt directeurs de la BCE resteront à leurs niveaux actuels au moins jusqu’à l’été 2019 et, en tout cas, aussi longtemps que nécessaire pour assurer la poursuite de la convergence durable de l’inflation vers des niveaux inférieurs à, mais proches de 2 % à moyen terme » ([23]).
Parallèlement, la BCE a enclenché un resserrement graduel de sa politique monétaire quantitative (programme d’achats d’actifs – APP), en diminuant la taille de ses achats nets d’actifs de 60 milliards d’euros par mois à 30 milliards d’euros à partir de janvier 2018. Selon la décision du Conseil des gouverneurs du 13 septembre 2018, le rythme mensuel des achats nets d’actifs est abaissé à 15 milliards d’euros depuis octobre jusqu’à fin décembre 2018. La BCE a confirmé que, « si les données lui parvenant confirment ses perspectives d’inflation à moyen terme, les achats nets arriveront alors à leur terme » ([24]). Toutefois, la BCE maintiendra la taille de son bilan à un niveau stable à compter de 2019, en renouvelant le stock des actifs venant à échéance, « aussi longtemps que nécessaire pour maintenir des conditions de liquidité favorables et un degré élevé de soutien monétaire ». Les mesures non conventionnelles de politique monétaire de la BCE ont donné lieu à une augmentation importante de la taille de bilan de la BCE, qui est passé de moins de 500 milliards d’euros en 2007 à près de 3 500 milliards actuellement.
Compte tenu de ces éléments, le contexte économique et financier relatif à la dette de l’État devrait progressivement se normaliser, entraînant un redressement progressif de la charge de la dette. Toutefois, le contexte macro‑financier des taux souverains en zone euro reste à un niveau historiquement bas en 2017-2018. Ainsi, à l’automne 2018 sur la courbe souveraine française, les rendements sont en territoire négatif jusqu’à une maturité de 5 ans.
Les rapporteures spéciales se félicitent du caractère graduel de la normalisation et ordonnée de la politique monétaire menée par la BCE, qui permet une évolution progressive et prévisible des conditions de financement et le maintien d’un faible niveau de charge de la dette de l’État à court terme.
B. LA NORMALISATION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE ENGAGÉE PAR LA RÉSERVE FÉDÉRALE
La Réserve fédérale a entrepris la normalisation de sa politique monétaire.
À compter de décembre 2015, elle a entamé la remontée de ses taux d’intérêt directeurs. Depuis le 26 septembre dernier, le taux d’intérêt directeur s’établit désormais à 2,25 %.
La Fed a également amorcé une réduction de son bilan qui avait atteint 4 200 milliards de dollars en 2017 (contre 900 milliards d’euros en août 2008), en raison de sa politique de rachats d’actifs conduite à la suite de la crise financière de 2007-2009. Elle a engagé une réduction de 10 milliards de dollars du montant mensuel de ses réinvestissements de titres arrivés à maturité.
Ainsi, l’on constate une remontée des taux à l’émission des titres de dette des États-Unis. Au 25 octobre 2018, le taux à l’émission des bons du trésor américain à 10 ans s’élevait à 3,13 %.
En outre, les rapporteures spéciales soulignent l’impact probable de la réforme fiscale américaine, qui accroît fortement le déficit et la dette publics. Cette politique procyclique devrait inciter la Réserve fédérale à remonter le niveau de ses taux directeurs, afin d’enrayer une potentielle surchauffe de l’économie américaine. La divergence des politiques monétaires devrait ainsi s’accentuer, en lien avec le positionnement différent des deux économies dans le cycle économique. Ceci ne devrait pas poser de difficultés majeures, même si la politique monétaire de la BCE devra in fine converger vers celle menée aux États-Unis, selon un rythme approprié.
III. LE RÔLE DES AGENCES DE NOTATION POUR ÉVALUER LA QUALITÉ DE SIGNATURE DES ÉTATS
Les rapporteures spéciales ont souhaité rencontrer au cours de leurs auditions l’une des agences de notation, en l’espèce Moody’s, afin de comprendre leur rôle et leur méthodologie dans la notation des États, dite notation souveraine.
A. L’EXEMPLE D’UNE MÉTHODOLOGIE DE NOTATION SOUVERAINE
La méthodologie de la notation souveraine, présentée aux rapporteures spéciales, repose sur quatre éléments exposés ci-dessous.
En premier lieu, les agences de notation analysent la capacité relative du pays à générer des revenus et à rembourser sa dette à moyen terme, compte tenu du dynamisme de la croissance économique et de la création de richesse. Ainsi, quatre sous-facteurs sont analysés.
facteurs d’analyse de la solidité économique
Sous-facteur |
Pondération |
Indicateurs |
Dynamique de la croissance |
50 % |
Croissance moyenne du PIB réel Volatilité de la croissance du PIB réel Indice de la compétitivité mondiale |
Échelle de l’économie |
25 % |
PIB nominal |
Revenu national |
25 % |
PIB par habitant |
Ajustements des points attribués au facteur |
De 0 à 6 points |
Boom du crédit Autre |
Source : Moody’s Investors Service.
2. La solidité institutionnelle
Les agences de notation examinent en outre la qualité et la robustesse des institutions du pays, en tant que déterminant du remboursement de la dette publique et de l’application de politiques économiques favorisant la croissance.
facteurs d’analyse de la solidité institutionnelle
Sous-facteur |
Pondération |
Indicateurs |
Cadre et efficacité institutionnels |
75 % |
Indice mondial d’efficacité des pouvoirs publics Indice mondial de la primauté du droit Indice mondial de la lutte contre la corruption |
Crédibilité et efficacité de la politique |
25 % |
Niveau d’inflation Volatilité de l’inflation |
Ajustements des points attribués au facteur |
De 0 à 6 points |
Historique de défaillance Autre |
Source : Moody’s Investors Service.
3. La solidité des finances publiques
Les agences de notation évaluent également la situation des finances publiques, en particulier la structure et le poids de la dette publique.
facteurs d’analyse de la solidité des finances publiques
Sous-facteur |
Pondération |
Indicateurs |
Poids de la dette |
50 % |
Total de la dette du gouvernement / PIB Total de la dette du gouvernement / recettes |
« Abordabilité » de la dette |
50 % |
Total des paiements d’intérêt du gouvernement / recettes Total des paiements d’intérêt du gouvernement / PIB |
Ajustements des points attribués au facteur |
De 0 à 6 points |
Évolution de la dette Total de la dette du gouvernement en monnaie étrangère / total de la dette du gouvernement Autre dette du secteur public / PIB Actifs financiers du secteur public ou fonds souverains / total de la dette du gouvernement Autre |
Source : Moody’s Investors Service.
4. La vulnérabilité au risque événementiel
Enfin, les agences de notation apprécient la vulnérabilité du pays aux événements soudains et extrêmes, pouvant avoir un impact négatif sur les finances publiques.
facteurs d’analyse de la vulnérabilité événementielLE
Sous-facteur |
Pondération |
Indicateurs |
Risque politique |
Maximum |
Risque politique intérieur Risque géopolitique |
Risque de liquidité du gouvernement |
Maximum |
Mesures fondamentales Problèmes de financement sur le marché |
Risque lié au secteur bancaire |
Maximum |
Solidité du système bancaire Envergure du système bancaire Vulnérabilité du financement |
Risque de vulnérabilité extérieure |
Maximum |
(Balance des paiements courants+IED) / PIB t Indicateur de vulnérabilité extérieure (IVE) t+2 Position nette des placements internationaux / PIB t |
Source : Moody’s Investors Service.
Ainsi, la grille méthodologique permet de déterminer la notation d’un pays, visant à offrir une vision prospective de celui-ci tant en termes quantitatifs que qualitatifs.
B. L’EXEMPLE D’UNE NOTATION DE LA FRANCE
Au titre de la présente notation, la France est notée Aa2, soit le 3e rang sur une échelle composée de 21 rangs.
place de la France dans l’échelle de notation
Source : Moody’s Investors Service.
En mai 2018, Moody’s a confirmé la note de crédit longue Aa2 de la France en relevant sa perspective de stable à positive.
L’agence de notation a justifié ce relèvement de perspective pour deux motifs principaux :
– le programme de réformes ambitieux et étendu du Gouvernement visant à améliorer la compétitivité de l’économie et ses perspectives de croissance à moyen terme ;
– l’engagement du Gouvernement en faveur de l’assainissement budgétaire, en mettant l’accent sur la réduction structurelle des dépenses et la réduction progressive du ratio de la dette publique ([25]).
La France se classe à la 6e place au sein des États de la zone euro, selon cette méthodologie de notation. Les cinq pays mieux notés que la France se répartissent de la façon suivante :
– trois pays détiennent une note Aaa (Allemagne, Luxembourg et Pays-Bas) ;
– et deux pays détiennent une note Aa1 (Autriche et Finlande).
notations souveraines de la zone euro
Source : Moody’s Investors Service, 25 septembre 2018.
En revanche, Moody’s a abaissé la notation de l’Italie de Baa2 à Baa3, le 19 octobre dernier ([26]). Cela a résulté principalement de deux éléments :
– l’affaiblissement sensible de la situation budgétaire de l’Italie, avec des objectifs de déficit et de dette publics plus élevés que prévu ; le ratio de la dette publique se stabiliserait autour de 130 % de PIB, au lieu de commencer à baisser comme prévu précédemment ; celle-ci serait vulnérable à la dégradation des perspectives de croissance économique, qui entraînerait mécaniquement une augmentation du ratio de la dette publique ;
– et les conséquences négatives pour la croissance à moyen terme de l’enlisement des plans de réformes économiques et budgétaires structurelles ; selon Moody’s, les plans de politique budgétaire et économique du Gouvernement ne comportent pas de programme de réformes cohérent qui tiendrait compte de manière durable des résultats en termes de croissance inférieure à la moyenne de l’Italie ; après une hausse temporaire de la croissance due à la politique budgétaire expansionniste, l’agence de notation anticipe que la croissance reviendra à son taux tendanciel d’environ 1 % ; même à court terme, l’agence de notation considère que les mesures expansionnistes budgétaires auront un effet d’accélération plus limité que les prévisions du Gouvernement.
Les rapporteures spéciales estiment indispensable de comprendre le rôle et les missions des agences de notation. Celles-ci ont une influence sur l’évolution des taux d’intérêt à l’émission de titres de dette publique. Les notations sont en effet un élément d’appréciation utilisé par les investisseurs, pour fonder leur confiance ou leur défiance à l’égard de la signature d’un État. Elles ont un impact potentiel sur l’évolution de la charge de la dette de l’État.
Ainsi, le spread italien (différence entre les taux d’emprunt italien et allemand à dix ans) a bondi à son plus haut niveau depuis cinq ans en octobre, atteignant un écart de 318 points de base. Le 23 octobre 2018, le taux à l’émission des titres à 10 ans s’est élevé à 3,592 % pour les titres de dette de l’Italie, contre 0,409 % pour les titres de dette de l’Allemagne et 0,786 % pour les titres de dette de la France.
IV. LE PREMIER RAPPORT D’ALLOCATION ET DE PERFORMANCE DE L’OAT VERTE
A. LA DESCRIPTION DE L’OAT VERTE ÉMISE PAR LA FRANCE
Le 24 janvier 2017, l’AFT a lancé sa première obligation souveraine verte, « l’OAT verte 1,75 % 25 juin 2039 », pour un montant de 7 milliards d’euros, soit l’obligation verte de référence la plus importante en taille et la plus longue en maturité jamais émise.
Près de 200 investisseurs ont apporté leur soutien à cette émission. Selon les éléments transmis en audition par l’AFT, il apparaît qu’entre 30 % et 40 % des investisseurs ayant souscrit à l’OAT verte seraient venus en raison du caractère vert de l’OAT.
Le marché d’émetteurs souverains d’OAT vertes tend progressivement à se développer.
émissions souveraines d’OAT vertes
(€ ou €eq.)
Pays |
Date d’émission |
Volume |
Pologne |
déc-16 |
750 millions |
Fidji |
oct-17 |
43 millions |
Nigeria |
déc-17 |
25 millions |
Pologne |
janv-18 |
1 Md |
Indonésie |
févr-18 |
1 Md |
Belgique |
févr-18 |
4,5 Mds |
Lituanie |
avr-18 |
20 millions |
Total (€ Mds) |
|
7,34 |
(*) au 19/09/2018
Source : commissariat général au développement durable.
L’AFT ayant procédé à quatre abondements de la dette, celle-ci atteint désormais un encours total de 14,8 milliards d’euros. Les fonds levés sont gérés selon les principes d’universalité budgétaire et financent un montant équivalent de dépenses vertes éligibles.
L’obligation verte cible les dépenses du budget général de l’État et des programmes d’investissement d’avenir (PIA), contribuant à quatre objectifs :
– la lutte contre le changement climatique ;
– l’adaptation au changement climatique ;
– la protection de la biodiversité ;
– et à la lutte contre la pollution.
Les dépenses vertes éligibles incluent des dépenses fiscales, des dépenses d’intervention, des dépenses d’investissement et des dépenses de fonctionnement. Elles sont mises en œuvre par l’État, ses agences, les collectivités territoriales, les entreprises ou les ménages. Elles peuvent donc valoriser à la fois des actifs tangibles (infrastructures de transport ou d’énergie par exemple) et des actifs intangibles (systèmes et organisations, ou recherche et innovation).
Par ailleurs, le Gouvernement s’est engagé à améliorer la transparence et l’évaluation des dépenses environnementales de l’État. Ainsi, il publiera deux rapports à destination des investisseurs :
– un rapport annuel sur l’allocation et la performance des indicateurs ;
– et un rapport sur les impacts environnementaux ex post des dépenses à une fréquence adéquate.
Le second rapport d’impact est placé sous la supervision d’un conseil d’évaluation composé d’experts indépendants, présidé par Manuel Pulgar Vidal, ancien ministre de l’Environnement du Pérou et président de la COP20. Le rapport ex post des impacts environnementaux est publié en fonction des résultats des évaluations et de leur approbation par le Conseil d’évaluation, qui se réunit deux fois par an.
La prochaine réunion se tiendra à Paris le 29 novembre 2018. Selon les éléments transmis aux rapporteures spéciales, il apparaît que le conseil d’évaluation analyse le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE), dont l’évaluation devrait être publiée après sa validation lors de la réunion de novembre. La deuxième étude programmée du conseil porte sur la subvention pour charge de service public versée à Voies Navigables de France (VNF). Celle-ci devrait faire l’objet d’une publication au cours de l’année 2019.
B. LES ENSEIGNEMENTS DU RAPPORT D’ALLOCATION ET DE PERFORMANCE 2017
Le 20 juin 2018, l’AFT a publié son premier rapport sur l’allocation et la performance des dépenses de l’OAT verte pour l’année 2017 ([27]).
Celui-ci indique que les émissions au titre de l’OAT verte se sont élevées à 9,7 milliards d’euros au titre de l’année 2017 et ont servi à financer :
– à 55 % l’objectif d’atténuation du changement climatique ;
– à 25 % l’adaptation au changement climatique ;
– à 16 % la protection de la biodiversité ;
– et à 3 % la lutte de la pollution de l’eau, de l’air et du sol français.
Le suivi des dépenses a fait l’objet d’un audit par un tiers indépendant, recruté au terme d’un appel d’offres public, qui a désigné la société KPMG. Par ailleurs, Vigeo Eiris a attesté en tant que « seconde opinion » du caractère vert des dépenses effectivement allouées aux émissions 2017 de l’OAT verte.
À l’issue de l’exécution budgétaire, l’AFT a identifié 10,08 milliards d’euros de dépenses vertes éligibles pour les années 2016 et 2017.
L’OAT verte a permis le financement des programmes suivants, pour un montant de dépenses de 9,70 milliards d’euros.
programmes budgétaires financés par l’oat verte
(en millions d’euros)
Numéro |
Programmes budgétaires |
Niveau de dépenses |
113 |
Paysage, eau et biodiversité |
412,5 |
135 |
Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat |
125,5 |
149 |
Économie et développement durables des entreprises agricoles, agroalimentaires et forestières |
537,9 |
159 |
Expertise, information géographique et météorologique |
277,9 |
172 |
Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires |
2 241,4 |
174 |
Énergie, climat et après-mines |
3 630,2 |
190 |
Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables |
131,9 |
193 |
Recherche spatiale |
674,4 |
203 |
Infrastructures et services de transports |
859 |
345 |
Service public de l’énergie |
30,5 |
PIA 1 et 2 |
Programmes d’investissements d’avenir I et II |
776,2 |
Total |
9 697,4 |
Source : AFT, OAT verte – rapport d’allocation et de performance 2017.
En outre, le rapport présente un tableau d’allocation et de performance précisant par type de dépense, la répartition par secteur (bâtiment, ressources vivantes, transport, énergie, adaptation, pollution, transverse) et par objectif (atténuation, adaptation, biodiversité et pollution).
Les politiques publiques financées sont évaluées via les indicateurs de performance de l’État (issus des documents budgétaires associés aux programmes budgétaires correspondants), tels que l’effort de protection des espaces naturels français, ou le nombre de ménages bénéficiaires du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE).
Les rapporteures spéciales estiment que ce rapport représente une innovation intéressante permettant d’identifier les dépenses vertes du budget général de l’État et des PIA, précisant les objectifs poursuivis, les secteurs concernés et les indicateurs de performance associés.
Ainsi, l’OAT verte apparaît comme un instrument utile favorisant la transparence et l’évaluation des dépenses environnementales de l’État. À cet égard, les rapporteures spéciales soulignent la pertinence de cet outil pour renforcer l’évaluation par le Parlement des politiques publiques, notamment dans le cadre du printemps de l’évaluation. Sa transmission aux rapporteurs spéciaux des programmes concernés, en parallèle des rapports annuels de performances, contribuerait ainsi à une meilleure information des parlementaires.
— 1 —
Lors de sa réunion du 24 octobre 2018 à 9 heures, la commission examine les crédits de la mission Engagements financiers de l’État ainsi que l’article 77, rattaché.
Mme Bénédicte Peyrol, rapporteure spéciale. Les crédits de la mission Engagements financiers de l’État s’élèvent à 42,5 milliards d’euros en 2019, en augmentation de 0,7 milliard d’euros par rapport aux prévisions pour 2018.
À ce titre, il est à noter que le périmètre de la mission est modifié pour l’année 2019, avec la disparition du programme Majoration de rentes, conformément à l’article 142 de la loi de finances pour 2018. Celui-ci a en effet supprimé la prise en charge partielle par l’État des majorations de rentes viagères, à compter du 1er janvier 2018, avec un impact budgétaire en 2019. Cela représentait une dépense de 142 millions d’euros en 2018. Voici une mesure d’économie structurelle. Je sais que nous y sommes tous sensibles.
Les crédits de la mission Engagements financiers de l’État correspondent à 99 % aux dépenses relatives à la charge de la dette de l’État. Or, celles-ci sont en hausse de 864 millions d’euros par rapport à la loi de finances pour 2018. Elles devraient s’établir à 42,1 milliards d’euros en 2019, au lieu d’une prévision à 41,2 milliards d’euros en 2018.
Cela résulte, d’une part, de la normalisation des conditions de financement de l’État, avec une remontée progressive des prévisions de taux d’intérêt sur l’ensemble de la courbe des taux et une reprise de l’inflation – sur laquelle certains titres sont indexés – et, d’autre part, de l’augmentation de l’encours de la dette négociable de l’État, qui devrait s’établir à 1 845 milliards d’euros à la fin de l’année 2019, soit une progression de 84 milliards d’euros par rapport à la fin de l’année 2018, malgré les efforts de réduction des dépenses. Il s’agit d’une accélération de l’endettement de l’État, qui devrait progresser de 75 milliards d’euros en 2018.
En 2019, le besoin de financement serait en forte augmentation pour deux motifs principaux : un niveau élevé de déficit budgétaire, près de 98,7 milliards d’euros, lié au coût de la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en allégements de cotisations sociales ; un niveau significatif d’amortissement de titres à moyen et long terme, à raison de 130,2 milliards d’euros.
Au total, le besoin de financement s’établirait à 227,6 milliards d’euros, soit un niveau plus atteint depuis 2010. Il serait financé par un niveau stable d’émissions de titres à moyen et long terme, nettes des rachats, et une augmentation des emprunts de court terme.
Ce niveau élevé de besoin de financement et d’accélération de l’endettement de l’État doit nous astreindre au redressement de nos finances publiques. Cela devient un enjeu d’autant plus crucial que les conditions de financement de l’État sortent d’une période exceptionnelle, où s’endetter pouvait parfois rapporter de l’argent, en raison des taux d’intérêt négatifs. Si cette situation a pu présenter quelques bienfaits, elle ne pouvait pas durer et avait un inconvénient majeur : celui de rendre insensible l’augmentation de la dette. Or, les taux moyens à l’émission des titres de dette de l’État à dix ans devraient se redresser pour atteindre 0,9 % en 2018 et 1,8 % en 2019, et les taux courts atteindre – 0,5 % en 2018 et 0 % en 2019. On sortirait ainsi de l’environnement de taux négatifs durant l’année 2019.
Les réformes à venir concernant l’assurance chômage, le régime des retraites, les produits de cessions d’actifs publics prévus par le projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises et la déclinaison du programme « CAP 2022 » devront donc, dès l’année prochaine, nous permettre de diminuer notre déficit structurel et de réduire ainsi notre dette, conformément à nos engagements européens et à la loi de programmation des finances publiques (LPFP).
La mission Engagements financiers de l’État comprend également trois autres programmes dotés de crédits.
En premier lieu, le programme Appels en garantie de l’État, dont les crédits sont en augmentation de 21,1 millions d’euros par rapport aux prévisions de l’exercice 2018. Ils s’établissent à 125,3 millions d’euros au lieu de 104,1 millions d’euros en 2018. Cela résulte de deux actions, Soutien au domaine social, logement, santé et Développement international de l’économie française, qui devraient générer des appels en garantie supérieurs à ceux de l’année 2018.
À ce titre, le Gouvernement nous a communiqué le détail de l’encours des garanties octroyées par l’État couvertes par le présent programme, qui s’élève à 739 milliards d’euros en capital et à 20 milliards d’euros en intérêts. C’est un chiffre important qu’il faut avoir en tête. Cela résulte principalement de la garantie accordée aux épargnants pour les sommes déposées sur leurs livrets d’épargne réglementés ainsi que des dispositifs de prêts à l’accession sociale à la propriété et de prêts à taux zéro (PTZ), notamment le PTZ+ et l’éco‑PTZ.
Nous nous félicitons, avec Dominique David, de la transmission de ce document, qui permet aux parlementaires de mieux suivre les garanties octroyées par l’État. À ce titre, je tiens à signaler que le rapport relatif aux garanties accordées en loi de finances, prévu à l’article 24 de la LPFP, n’a toujours pas été remis au Parlement. Le Gouvernement devait le transmettre avant le 1er juin dernier.
S’agissant du programme Épargne, la prime d’État associée aux prêts d’épargne logement et aux comptes d’épargne logement a été supprimée pour les contrats souscrits à compter du 1er janvier 2018. Il s’agit là encore d’une mesure structurelle de réduction de la dépense. Celle-ci était pleinement justifiée par le changement de nature de ces produits d’épargne, les épargnants se détournant massivement des prêts d’épargne logement, dont les taux sont devenus supérieurs aux taux de marché.
Enfin, le programme relatif au Fonds de soutien en faveur des collectivités ayant souscrit des emprunts structurés a atteint son rythme de croisière de décaissements. Les crédits de paiement (CP) ouverts pour l’exercice 2019 s’élèvent à 183,3 millions d’euros, complétés par 11,5 millions d’euros au titre des fonds de concours associés au présent programme. Cela représente un total de ressources de financement de 194,8 millions d’euros.
Les CP devraient s’élever à 207,2 millions d’euros en 2020 et en 2021. Ainsi, le niveau des CP serait stable sur la période et jusqu’à l’extinction du Fonds, soit en 2028.
M. Jean-Paul Dufrègne. On constate que, malgré toutes les belles déclarations, cela ne va pas mieux. J’aimerais savoir quelle trajectoire on peut attendre en termes de progression des taux d’intérêt, car la dette de la France progresse. Vous apportez quelques explications.
Je note ainsi que le CICE va représenter 40 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales aux entreprises en 2019, et ce sans contrepartie, ni écologique ni sociale. Est-ce bien raisonnable ? Le « retour sur investissement » que vous nous annonciez peine à arriver...
En outre, vous vendez les bijoux de famille : cession de La Française des jeux, d’Aéroports de Paris, d’Engie. Vous dites que c’est pour limiter l’augmentation de la dette, mais nous serons privés des retours que procuraient ces entreprises ou les participations de l’État.
Je ne peux m’empêcher de penser aux gros cadeaux fiscaux que vous savez consentis, par la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune et par la mise en place de la flat tax : est-il bien raisonnable, dans ce contexte, de donner encore plus à ceux qui ont beaucoup et d’entamer le pouvoir d’achat de ceux qui ont moins ? Une récente étude de l’Institut des politiques publiques a souligné que 20 % des ménages les plus modestes en France avaient vu leur pouvoir d’achat baisser au cours des deux dernières lois de finances.
Je pense que vous nous amenez dans le mur et je le regrette profondément. C’est pourquoi je voterai contre l’adoption de ces crédits.
Mme Véronique Louwagie. Permettez-moi une observation. Je note que le besoin de financement n’a jamais été aussi important depuis très longtemps. Je pense que, en dehors même du niveau de la dette et du poids de sa charge, c’est un élément très négatif, puisque ce besoin atteint 227 milliards d’euros. Vous l’avez souligné vous-même : c’est un montant important.
Ma question porte sur l’impact de la reprise de l’inflation, que vous avez cité comme facteur pesant sur la charge de la dette. Quelle est la part de la reprise de l’inflation dans l’augmentation actuelle et quel est son impact au niveau de la charge de la dette, en montant ou en pourcentage du produit intérieur brut ?
Mme Bénédicte Peyrol, rapporteure spéciale. Monsieur Dufrègne, concernant la remontée des taux d’intérêt, il me semble, au vu des auditions que nous avons pu mener avec ma collègue rapporteure spéciale, qu’elle ne sera que progressive. La prévision aujourd’hui faite par l’État est que les taux passeront en moyenne de 0,9 % à 1,8 % sur les titres émis par lui, ce qui nous semble une estimation assez prudente, pour ne pas dire très prudente.
On observe aujourd’hui, il faut le savoir, que les États-Unis adoptent une politique de remontée progressive des taux d’intérêt. La Banque centrale européenne (BCE) observe aussi ce qu’il se passe, en adoptant une démarche progressive. Il n’y a donc pas d’inquiétude à avoir. En tout cas, nous avons été plutôt rassurées dans le cadre de nos auditions. La prévision retenue nous semble prudente ; elle va nous permettre de contrôler cette charge de la dette.
Concernant les ventes de participations de l’État, je crois que nous examinerons tout à l’heure, avec Valérie Rabault, la mission qui les inclut.
Madame Louwagie, vous m’interrogez sur la part de titres qui sont indexés sur l’inflation. La proportion s’élève à peu près à 10 % des titres de l’État. Une augmentation de 1 point du taux d’inflation se traduit ainsi par une augmentation de 200 millions d’euros de la charge de la dette.
M. Vincent Ledoux. On voit que le thermomètre affiche toujours des valeurs très élevées et que le patient est bien malade. Je voudrais parler des risques de requalification de certaines structures publiques. Il y a déjà eu une requalification de la dette de la SNCF. Y a‑t‑il d’autres risques identifiés et quel est le poids de ces risques à venir ?
Mme Bénédicte Peyrol, rapporteure spéciale. La reprise de la dette de la SNCF devrait avoir un impact en 2020 et en 2022, étant donné que c’est à ce moment-là qu’elle devrait être reprise. D’ici là, un alignement est en cours, car il y a aujourd’hui différents types d’émissions différents et, pour chacun d’eux, une gestion différente de la dette. D’ici à 2020, un alignement de la gestion de ces divers types de dettes sera réalisé.
Mme Marie-Christine Dalloz. Permettez-moi une remarque : j’entends bien que vous avez auditionné toutes les structures françaises possibles au sujet de l’évolution des taux, mais avez-vous approché la BCE ? C’est elle, en effet, qui pilote l’évolution des taux en Europe.
Par ailleurs, vous dites que 1 point d’inflation en plus correspond à 200 millions d’euros en plus de charges de la dette. C’est vrai à l’échéance 2019, mais quelle est la perspective à dix ans ? Je pense qu’il y a un effet cumulatif.
Mme Bénédicte Peyrol, rapporteure spéciale. Certes, madame Dalloz, c’est bien la BCE qui dirige la politique monétaire. C’est bien pourquoi nous avons auditionné Mme Natacha Valla, qui en est la directrice adjointe, et qui nous a tenu les propos que je vous rapporte. J’évoquais devant elle la politique des États-Unis, qui amorcent aujourd’hui une remontée des taux, mais la BCE, m’a-t-elle rappelé, a fait des annonces publiques cet été, prévoyant une remontée très progressive des taux. Les auditions que nous avons menées ne sont donc pas uniquement des auditions des institutions françaises. Au niveau européen, je pense qu’on peut être rassuré, au moins en partie, pour l’avenir.
Sur l’inflation, le projet annuel de performances, à la page 33, vous apporte des précisions. En tenant compte d’un choc de taux d’inflation de 0,5 %, la charge supplémentaire cumulée de la dette s’établirait à plus de 2,2 milliards sur dix ans du fait des titres indexés.
M. Jean-Paul Dufrègne. On spécule beaucoup sur question de savoir qui détient les titres de la dette publique française.
Mme Bénédicte Peyrol, rapporteure spéciale. La part de la détention de la dette par des non-résidents s’élève à 53,3 % à la mi-2018. Une grande partie – environ 60 % – des investisseurs non‑résidents sont européens, dont 52 % sont issus de la zone euro. Le reste est détenu par des investisseurs asiatiques, pour 13 %, américains, pour 9 %, et par des organisations internationales pour 18 %.
Si nous ne disposons pas aujourd’hui de documents, c’est parce que l’Agence France Trésor dialogue avec des intermédiaires, lesquels dialoguent eux-mêmes avec des spécialistes en valeurs du Trésor qui conseillent les banques pour investir dans la dette française. Il ne nous est donc pas possible d’établir, individu par individu, ou institution par institution, qui détient la dette, mais les ordres de grandeur macro-économiques sont ceux que je viens de vous donner.
Suivant l’avis favorable des rapporteures spéciales, la commission adopte les crédits de la mission Engagements financiers de l’État, non modifiés.
La commission examine l’article 77 rattaché.
Article 77
Participation française à l’augmentation de capital sujet à appel, de la Banque européenne d’investissement (BEI)
Le présent article vise à augmenter la participation de la France au capital sujet à appel de la Banque européenne d’investissement (BEI), à hauteur de 6,86 milliards d’euros. Cette opération s’inscrit dans le cadre du retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne à compter du 30 mars 2019 et en conséquence de son retrait du capital de la BEI.
I. l’État du droit
A. le rÔLE DE LA BEI
1. La création et la gouvernance de la BEI
a. La création de la BEI en 1957
Consacrée par le titre IV du traité instituant la Communauté économique européenne (CEE) de 1957 et par le protocole annexé ([28]), la BEI est dotée de la personnalité juridique et a son siège à Luxembourg. Désormais visée à l’article 308 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et au protocole annexé n° 5 définissant ses statuts, elle a pour mission « de contribuer, en faisant appel aux marchés des capitaux et à ses ressources propres, au développement équilibré et sans heurt du marché intérieur dans l’intérêt de l’Union » ([29]). Elle constitue ainsi l’une des institutions fondamentales de l’Union européenne (UE).
La BEI doit faciliter le financement de projets dans tous les secteurs de l’économie, par l’octroi de prêts et de garanties, sans poursuivre de but lucratif.
Les projets financés doivent relever de l’un des catégories suivantes :
– envisager « la mise en valeur des régions moins développées » ;
– viser « la modernisation ou la conversion d’entreprises ou la création d’activités nouvelles induites par l’établissement ou le fonctionnement du marché intérieur, qui, par leur ampleur ou par leur nature, ne peuvent être entièrement couverts par les divers moyens de financement existant dans chacun des États membres » ;
– « projets d’intérêt commun pour plusieurs États membres qui, par leur ampleur ou par leur nature, ne peuvent être entièrement couverts par les divers moyens de financement existant dans chacun des États membres » ([30]).
b. La gouvernance de la BEI
Les membres et actionnaires de la BEI sont les États membres. La gouvernance de la BEI illustre cet actionnariat particulier.
Le conseil des gouverneurs est composé des ministres en charge des finances des pays de l’UE. Il a pour rôle de définir les orientations générales de la politique de crédit.
Le conseil d’administration de la BEI est composé d’un membre par pays de l’UE et un membre nommé par la Commission européenne. Il approuve les opérations de prêt et d’emprunt. Depuis 2012, le président du conseil d’administration et de la BEI est Werner Hoyer (ancien membre du Bundestag allemand), reconduit à ces fonctions en janvier dernier pour un mandat de six ans.
Le comité de direction est l’organe exécutif de la Banque et assure la gestion courant de la BEI.
Le comité de vérification a pour mission de contrôler la conformité des activités de la BEI.
2. Les activités de la BEI
a. Les activités traditionnelles de la BEI
Depuis sa création, la BEI a investi plus de 1 100 milliards d’euros, financé 11 800 projets dans plus de 160 pays ([31]). Elle représente la première institution financière multilatérale par le volume de ses prêts et de ses emprunts. L’activité de la BEI se concentre à 90 % en Europe et à hauteur de 10 % dans le reste du monde.
La BEI fournit trois types de produits et services :
– les activités de prêt, qui représentent environ 90 % de son engagement financier total (la BEI emprunte à des taux avantageux sur les marchés et rétrocède cet avantage aux projets économiquement viables qu’elle finance via des prêts) ;
– le financement mixte, qui permet aux bénéficiaires de combiner les fonds de la BEI avec d’autres sources de financement (la BEI dispose d’outils qui aident ses clients à combiner ses prêts avec d’autres sources de financement) ;
– et les activités de conseils et assistance technique (la BEI propose aux entreprises et aux pouvoirs publics de faire appel à son savoir-faire technique et financier).
Les prêts d’un montant supérieur à 25 millions d’euros sont directement octroyés par la BEI. En revanche, les prêts inférieurs à ce montant font l’objet de l’ouverture d’une ligne de crédit aux établissements financiers, qui prêtent ensuite des fonds aux créanciers.
La politique de prêt de la BEI s’articule avec les priorités de l’UE et vise :
– à renforcer le potentiel de l’Europe en matière d’emploi et de croissance ;
– à soutenir l’action visant à atténuer les conséquences du changement climatique ;
– et à promouvoir les politiques de l’Union en dehors de l’UE.
La BEI constitue désormais un groupe, comprenant la BEI elle-même et le Fonds européen d’investissement (FEI).
Le Fonds européen d’investissement
Créé en 1994, le Fonds européen d’investissement (FEI) octroie des fonds aux petites et moyennes entreprises (PME) au moyen d’instruments de capital-risque (1).
La BEI est l’actionnaire majoritaire du FEI, aux côtés de la Commission européenne et des établissements financiers de toute l’Europe. Le fonds est actif dans tous les pays de l’UE, les pays candidats à l’adhésion, le Liechtenstein et la Norvège.
Il propose les produits suivants :
– du capital-risque et des micro-financeemnts destinés aux PME, en particulier aux entreprises nouvelles et innovantes ;
– des garanties permettant aux institutions financières de couvrir leurs prêts aux PME ;
– une aide aux pays de l’UE et aux pays en voie d’adhésion afin qu’ils développent leur marché du capital-risque.
À la fin du premier semestre 2018, le FEI a atteint un niveau de financement de 132 milliards d’euros au profit de 1,2 million de PME, représentant 2,6 millions d’opérations.
(1) Statuts du Fonds européen d’investissement, 25 mai 1994.
En 2017, la BEI a levé 56,4 milliards d’euros sur les marchés internationaux des capitaux, dont 4,3 milliards d’euros correspondaient à des obligations vertes de la Banque ([32]). Cela a permis au groupe BEI de porter le niveau de ses financements à 78,16 milliards d’euros en 2017 (dont 8,6 milliards d’euros en France), répartis de la façon suivante :
– 29,6 milliards d’euros pour les PME ;
– 18,0 milliards d’euros pour les infrastructures ;
– 16,7 milliards d’euros pour l’environnement ;
– et 13,8 milliards d’euros pour l’innovation.
Cela représente un total d’investissements soutenus de 250 milliards d’euros, pour 901 projets approuvés ([33]).
Par ailleurs, la BEI consolide régulièrement ses fonds propres via ses résultats annuels (de l’ordre de 2,5 Md€ par an au cours des derniers exercices), placés en réserves. Au titre de l’année 2017, le résultat net, intégralement versé en réserves, s’est élevé à 2,8 milliards d’euros.
b. Le Fonds européen pour les investissements stratégiques lancé en 2015
L’activité de la BEI a été renforcée récemment avec la mise en place du Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI) en juillet 2015, dit plan Juncker ([34]). L’EFSI prend la forme d’un compte géré séparément par la BEI, qui vient compléter ses activités habituelles. L’EFSI est doté de 21 milliards d’euros dont :
– une garantie de 16 milliards d’euros provenant du budget de l’UE (8 milliards d’euros inscrits au budget de l’UE pour soutenir une garantie de 16 milliards d’euros) ;
– et 5 milliards d’euros provenant de la BEI.
La gouvernance de l’EFSI est assurée par un comité de pilotage, qui définit la stratégie, le profil de risque, les politiques et les procédures opérationnelles, et un comité d’investissement, qui examine les projets pour retenir ceux qui sont éligibles.
Présenté par le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker comme une réponse à la crise économique et financière, l’EFSI vise à pallier le déficit de confiance et d’investissement. Il a pour objet de soutenir les investissements stratégiques dans les domaines clés des infrastructures, de l’efficacité énergétique, des énergies renouvelables, de la recherche et l’innovation, de l’environnement, de l’agriculture, des technologies numériques, de l’éducation, de la santé et des projets à vocation sociale. Il doit également aider les petites entreprises via du capital-risque.
L’EFSI fournit à la BEI une protection « première perte », afin qu’elle accorde un financement à des projets plus risqués que ce que lui permettent ses statuts.
Les objectifs assignés à l’EFSI étaient d’atteindre un effet de levier de 1 à 15, permettant de générer avec 21 milliards d’euros un surcroît de 315 milliards d’euros de nouveaux investissements sur une période de trois ans. Le schéma de financement était le suivant :
– 21 milliards d’euros à la disposition de la BEI, lui permettant d’emprunter environ trois fois cette somme, soit environ 63 milliards d’euros ;
– et 63 milliards d’euros disponibles permettant de générer des investissements complémentaires d’acteurs privés, pour un montant total de 315 milliards d’euros (soit un effet de levier de 5).
En septembre 2017, le Parlement européen et les États membres ont décidé de prolonger la durée de l’EFSI de deux ans (jusqu’au 31 décembre 2020) et de relever l’objectif d’investissements supplémentaires à 500 milliards d’euros ([35]). La garantie budgétaire de l’Union est portée à 26 milliards d’euros et la contribution de la BEI est accrue à 7,5 milliards d’euros. Selon le schéma de financement précité, la BEI dispose désormais de 33,5 milliards d’euros, soit une capacité d’investissement de 100 milliards d’euros, qui générerait au total 500 milliards d’euros d’investissement supplémentaires (soit un effet de levier de 5).
En juillet 2018, la Commission européenne a annoncé que l’objectif initial avait été dépassé avec un surcroît d’investissements de 335 milliards d’euros, représentant 898 opérations approuvées dans l’ensemble des 28 États membres de l’UE. Cela aurait permis à 700 000 PME de bénéficier d’un meilleur accès aux financements.
B. la dotation de la BEI
1. La distinction entre capital souscrit, capital appelé et capital appelable
Le capital de la BEI est subdivisé en trois catégories : le capital souscrit, le capital appelé et le capital appelable.
Le capital souscrit désigne l’engagement juridique des États membres, pouvant faire l’objet d’un versement à la BEI. Il s’élève à 243,3 milliards d’euros et correspond à la somme :
– des souscriptions initiales des États membres actionnaires fondateurs de la banque ;
– des souscriptions ultérieures de ces pays actionnaires ;
– des souscriptions des nouveaux États membres de l’Union européenne au moment de leur adhésion ;
– et de l’incorporation d’une partie des réserves dans le capital de la banque.
Le capital appelé représente la somme des versements effectifs des États membres réalisés en faveur de la BEI. Actuellement le capital appelé est statutairement fixé à 8,92 % du capital souscrit, soit 21,7 milliards d’euros.
Enfin, le capital appelable correspond à la différence entre le capital souscrit et le capital appelé, soit 221,6 milliards d’euros. Il désigne le capital qui peut faire l’objet d’un appel de la part de la BEI et qui devra être versé par chaque État membre. Cela représente le capital potentiellement à la disposition de la BEI.
2. Les prises de participation des différents États au capital de la BEI
Chaque État a une participation dans le capital de la BEI selon une clé de répartition définie en fonction du poids relatif du PIB national au sein de l’UE. Compte tenu de leur poids économique, l’Allemagne, la France, l’Italie et le Royaume-Uni ont la part la plus élevée dans le capital total de la BEI, soit respectivement 16,11 %. Celle-ci représente :
– 3,5 milliards d’euros de capital appelé ;
– 35,7 milliards d’euros de capital appelable ;
– et 39,2 milliards d’euros de capital souscrit.
PARTICIPATION actuelle DES ÉTATS AU CAPITAL DE LA BEI
(en milliers d’euros)
État membre |
Capital souscrit |
Capital appelé |
Capital appelable |
% du capital total de la BEI par État membre |
Allemagne |
39 195 022 |
3 495 904 |
35 699 118 |
16,11 % |
France |
39 195 022 |
3 495 904 |
35 699 118 |
16,11 % |
Italie |
39 195 022 |
3 495 904 |
35 699 118 |
16,11 % |
Royaume-Uni |
39 195 022 |
3 495 904 |
35 699 118 |
16,11 % |
Espagne |
23 517 014 |
2 097 452 |
21 419 471 |
9,67 % |
Portugal |
1 899 171 |
169 392 |
1 729 779 |
0,78 % |
Belgique |
10 864 588 |
969 040 |
9 895 547 |
4,47 % |
Luxembourg |
275 055 |
24 533 |
250 522 |
0,11 % |
Pays-Bas |
10 864 588 |
969 040 |
9 895 547 |
4,47 % |
Danemark |
5 501 053 |
490 653 |
5 010 400 |
2,26 % |
Grèce |
2 946 996 |
262 850 |
2 684 145 |
1,21 % |
Irlande |
1 375 262 |
122 663 |
1 252 599 |
0,57 % |
Roumanie |
1 270 021 |
113 276 |
1 156 745 |
0,52 % |
Estonie |
173 020 |
15 432 |
157 588 |
0,07 % |
Lettonie |
224 048 |
19 983 |
204 065 |
0,09 % |
Lituanie |
367 127 |
32 745 |
334 382 |
0,15 % |
Autriche |
5 393 232 |
481 036 |
4 912 196 |
2,22 % |
Finlande |
3 098 618 |
276 374 |
2 822 244 |
1,27 % |
Suède |
7 207 577 |
642 862 |
6 564 715 |
2,96 % |
Bulgarie |
427 870 |
38 163 |
389 707 |
0,18 % |
République tchèque |
1 851 370 |
165 128 |
1 686 241 |
0,76 % |
Croatie |
891 166 |
79 485 |
811 680 |
0,37 % |
Chypre |
269 711 |
24 056 |
245 654 |
0,11 % |
Hongrie |
1 751 480 |
156 219 |
1 595 261 |
0,72 % |
Malte |
102 665 |
9 157 |
93 508 |
0,04 % |
Pologne |
5 017 145 |
447 492 |
4 569 653 |
2,06 % |
Slovénie |
585 090 |
52 186 |
532 904 |
0,24 % |
Slovaquie |
630 206 |
56 210 |
573 996 |
0,26 % |
Total |
243 284 155 |
21 699 135 |
221 585 020 |
100 % |
Source : évaluation préalable du présent article.
L’actionnariat souverain permet à la BEI d’émettre des obligations assorties de la meilleure qualité de crédit existante.
3. La notation financière de la BEI
Ainsi, la BEI bénéficie de trois éléments déterminants pour la qualité de crédit et la note AAA dont elle dispose :
– un actionnariat collectivement constitué par les États membres de l’UE, qui lui apportent leur soutien ;
– l’excellente qualité de ses actifs ;
– et une gestion des risques prudente.
notation des obligations émises par la bei
Type d’obligations |
Fitch |
Moody’s |
Standard & Poor’s |
Long terme |
AAA |
Aaa |
AAA |
Court terme |
F1+ |
P-1 |
A-1+ |
Source : BEI.
Les différents rapports des agences de notation soulignent l’importance des conséquences financières de la sortie du Royaume-Uni pour la BEI, compte tenu de la part de ce pays dans le capital de la banque.
II. le dispositif proposÉ : une compensation au retrait du Royaume-Uni de la bei
A. les CONSÉQUENCES DE LA sortie du Royaume-Uni de l’union europÉENNE POUR LA BEI
1. Les modalités de sortie du Royaume-Uni de la BEI
En conséquence du résultat du référendum du 23 juin 2016, le Royaume-Uni devrait sortir de l’UE le 30 mars 2019, indépendamment des négociations relatives au retrait menées dans le cadre de l’article 50 du traité sur l’UE ([36]). Aux termes de l’article 308 du TFUE, le Royaume-Uni ne pourra alors plus être membre de la BEI. Ainsi, le retrait du Royaume-Uni représentait une diminution de 3,5 milliards d’euros du capital appelé, 35,7 milliards d’euros du capital appelable, soit 40 milliards d’euros du capital souscrit.
Le rapport conjoint des négociateurs de l’UE et du gouvernement du Royaume-Uni du 8 décembre 2017 a défini les modalités du retrait de l’État membre de la BEI. Celui-ci prendra la forme d’un remboursement du capital appelé en douze annualités versées à compter de la fin 2019. Celles-ci s’élèveront à 300 millions d’euros pour les onze premières et à 195 903 950 euros pour la dernière échéance ([37]). Ainsi, le remboursement du capital appelé du Royaume-Uni serait achevé en 2030.
En revanche, le Royaume-Uni ne serait plus éligible au financement de nouvelles opérations dès la date du retrait, soit le 30 mars 2019.
2. La réduction de la capacité d’intervention de la BEI
Le point 5 de l’article 16 du protocole n° 5 sur les statuts de la BEI dispose que « l’encours total des prêts et des garanties accordés par la Banque ne doit pas excéder 250 % du montant du capital souscrit, des réserves, des provisions non affectées et de l’excédent du compte de profits et pertes. Le montant cumulé des postes en question est calculé déduction faite d’une somme égale au montant souscrit, qu’il soit ou non versé, au titre de toute participation prise par la Banque ».
Selon l’évaluation préalable du présent article, la réduction du capital impliquerait mécaniquement une réduction significative de la capacité de prêt de la BEI évaluée à 2,5 fois le montant du capital souscrit par le Royaume-Uni, soit une réduction de l’encours maximum d’environ 100 milliards d’euros. Cela aurait également pour effet de limiter le volume d’activité de la banque à 42 milliards d’euros par an en 2018 et en 2019 et 55 milliards d’euros par an ensuite, au lieu de 70 milliards d’euros en 2017.
Selon le rapport de Moody’s de mars 2018, le portefeuille de prêts de la BEI s’élève à 454,5 milliards d’euros par rapport à 243 milliards d’euros de capital souscrit, soit un ratio de 1,87 ([38]).
Selon l’évaluation préalable du présent article, l’absence de mesure de compensation au départ du Royaume-Uni serait « perçue, notamment par les agences de notation, comme un affaiblissement du soutien de ses actionnaires susceptible de fragiliser son modèle économique et financier ».
B. la compensation de la sortie du Royaume-Uni de la bei par les autres États membres
La proposition de compenser la sortie du Royaume-Uni de la BEI par une augmentation du capital appelable des 27 États membres a été approuvée au conseil d’administration de la BEI le 17 juillet 2018. Le conseil des gouverneurs de la banque a été saisi de cette proposition, dans le cadre d’une procédure écrite, aux fins de l’approuver. Chaque État membre doit désormais y souscrire, avec effet au plus tard à la date effective du retrait du Royaume-Uni de l’UE, soit le 30 mars 2019.
1. L’augmentation de la participation des autres États membres
Le remplacement du capital britannique prendrait la forme de deux opérations distinctes :
– l’incorporation au capital appelé d’une partie des réserves de la BEI, à hauteur du montant du capital appelé britannique, soit 3,5 milliards d’euros ;
– l’augmentation du capital appelable des 27 États membres, à hauteur du capital appelable britannique, soit 35,7 milliards d’euros.
PARTICIPATION envisagÉE DES ÉTATS AU CAPITAL DE LA BEI
(en milliers d’euros)
État membre |
Capital souscrit – sans R-U |
Capital appelé – sans R-U |
Capital appelable – sans R-U |
% du capital total de la BEI par État membre |
Allemagne |
46 722 369 |
4 167 287 |
42 555 082 |
19,20 % |
France |
46 722 369 |
4 167 287 |
42 555 082 |
19,20 % |
Italie |
46 722 369 |
4 167 287 |
42 555 082 |
19,20 % |
Royaume-Uni |
0 |
0 |
0 |
0 % |
Espagne |
28 033 422 |
2 500 372 |
25 533 049 |
11,52 % |
Portugal |
2 263 904 |
201 923 |
2 061 981 |
0,93 % |
Belgique |
12 951 116 |
1 155 143 |
11 795 973 |
5,32 % |
Luxembourg |
327 878 |
29 244 |
298 634 |
0,13 % |
Pays-Bas |
12 951 116 |
1 155 143 |
11 795 973 |
5,32 % |
Danemark |
6 557 522 |
584 882 |
5 972 640 |
2,70 % |
Grèce |
3 512 962 |
313 330 |
3 199 632 |
1,44 % |
Irlande |
1 639 379 |
146 220 |
1 493 159 |
0,67 % |
Roumanie |
1 513 927 |
135 031 |
1 378 896 |
0,62 % |
Estonie |
206 248 |
18 396 |
187 852 |
0,08 % |
Lettonie |
267 076 |
23 821 |
243 255 |
0,11 % |
Lituanie |
437 633 |
39 034 |
398 600 |
0,18 % |
Autriche |
6 428 994 |
573 418 |
5 855 576 |
2,64 % |
Finlande |
3 693 702 |
329 451 |
3 364 252 |
1,52 % |
Suède |
8 591 782 |
766 323 |
7 825 459 |
3,53 % |
Bulgarie |
510 041 |
45 492 |
464 549 |
0,21 % |
République tchèque |
2 206 922 |
196 841 |
2 010 081 |
0,91 % |
Croatie |
1 062 313 |
94 750 |
967 562 |
0,44 % |
Chypre |
321 508 |
28 676 |
292 832 |
0,13 % |
Hongrie |
2 087 849 |
186 221 |
1 901 629 |
0,86 % |
Malte |
122 382 |
10 916 |
111 466 |
0,05 % |
Pologne |
5 980 680 |
533 432 |
5 447 248 |
2,46 % |
Slovénie |
697 455 |
62 208 |
635 247 |
0,29 % |
Slovaquie |
751 236 |
67 005 |
684 231 |
0,31 % |
Total |
243 284 155 |
21 699 135 |
221 585 020 |
100 % |
Source : Évaluation préalable du présent article.
L’augmentation de la part de chaque État membre dans le capital de la BEI (appelé, appelable et souscrit) serait homothétique, représentant une hausse de 19,2 % par État membre. Ainsi, le retrait du Royaume-Uni ne donnerait pas lieu à une modification de la part relative de chaque État membre dans le capital de la BEI, selon la clé de répartition définie en fonction du poids économique dans l’UE.
Selon l’évaluation préalable du présent article, le remplacement du capital britannique aurait pour objet pour la BEI de « maintenir un niveau d’activité proche du niveau actuel et de préserver sa solidité financière et son modèle économique ».
L’augmentation du capital de la BEI devra prendre la forme d’une décision du conseil d’administration de la banque, puis d’une décision à l’unanimité du conseil des gouverneurs. Il sera également nécessaire de mettre à jour les montants de capital souscrits par les États membres, via une modification des statuts de la BEI régis par le protocole annexé au TUE et au TFUE.
L’article 308 du TFUE définit ainsi la procédure de modification des statuts : « le Conseil, statuant à l’unanimité conformément à une procédure législative spéciale, à la demande de la Banque européenne d’investissement et après consultation du Parlement européen et de la Commission, ou sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen et de la Banque européenne d’investissement, peut modifier les statuts de la Banque ».
Du point de vue du droit national, l’augmentation de la participation de la France au capital de la BEI est assimilée à une convention financière nécessitant d’être approuvée par une disposition de la loi de finances, conformément au d) du 7° du II de l’article 34 de la loi organique relative aux lois de finances ([39]).
2. L’augmentation de la participation française au capital appelable de la BEI
Le présent article prévoit donc l’augmentation de la participation de la France au capital appelable de la BEI, à hauteur de 6 855 963 842 euros. Cela porterait à 42,6 milliards d’euros le montant du capital appelable pour la France au titre de la BEI.
Le niveau du capital appelé s’élèverait à 4,2 milliards d’euros, en hausse de 671 383 euros du fait de l’incorporation de réserves de la BEI au sein du capital appelé.
Au total, le capital souscrit de la France auprès de la BEI s’établirait à 46,7 milliards d’euros, en augmentation de 7,53 milliards d’euros.
3. Les conséquences budgétaires et comptables de l’augmentation de la participation française
L’augmentation du capital appelable de la France au sein de la BEI n’a pas de conséquence budgétaire, dans la mesure où elle ne correspond pas à une dépense.
En revanche, elle sera inscrite au sein des engagements hors bilan de l’État. En effet, la France souscrit un engagement auprès de la BEI, qui pourra exiger le versement du capital appelable, dans les conditions prévues par les statuts de la banque. Toutefois, la mesure prévue par le présent article est sans impact maastrichtien ni sur la dette ni sur le déficit.
*
* *
La commission adopte l’article 77, sans modification.
— 1 —
PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LES RAPPORTEURES SPÉCIALES
Agence France Trésor
M. Anthony Requin, directeur général
M. Fabien Bouvet, responsable de la cellule trésorerie
Banque de France
M. Olivier Garnier, directeur général des études et des relations internationales
Banque centrale européenne
Mme Natacha Valla, directrice générale adjointe en charge de la politique monétaire
Commissariat général au développement durable
Mme Élise Calais, sous-directrice de la responsabilité environnementale des acteurs économiques
Mme Dorine Laville, cheffe du bureau des modèles d’affaires et financements innovants
M. Clément Bultheel, chargé de mission « finance verte » à la sous‑direction de la responsabilité environnementale des acteurs économiques
Représentation de la Commission européenne en France
Mme Isabelle Jegouzo, cheffe de la représentation
Mme Agnès Thibault, conseillère économique
Direction générale des finances publiques (DGFiP)
M. Étienne Duvivier, sous-directeur de la gestion comptable et financière des collectivités locales
Mme Marie-Sabrina Lacoste, chef de section au bureau CL1C
Direction générale du Trésor
Mme Astrid Milsan, secrétaire générale
Mme Valérie Lavergne, adjointe au chef du bureau des affaires budgétaires et comptables
Mme Stéphanie Seguin, adjointe au chef du bureau des affaires budgétaires et comptables
Mme Shanti Bobin, cheffe du bureau Relations bilatérales et instruments financiers européens
Mme Carole Gostner, adjointe à la cheffe du bureau Relations bilatérales et instruments Financiers européens
France Stratégie
M. Fabrice Lenglart, commissaire général adjoint
M. Christophe Gouardo, économiste, chef de projet
Barclays France
M. Raoul Salomon, responsable de la banque d’investissement
Moody’s France
M. Yves Lemay, directeur général de Moody’s Investors Service
Mme Myriam Durand, directrice générale de Moody’s France
M. Michel Pébereau, président du Centre national des professions financières, président d’honneur de BNP Paribas, membre de l’Académie des sciences morales et politiques
Mme Agnès Bénassy-Quéré, économiste et professeur à Paris School of Economics
M. Henri Sterdyniak, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE)
M. Philippe Waechter, chef économiste, recherche économique de Ostrum Asset management
([1]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.
([2]) L’adjudication est depuis 1985 la voie privilégiée d’émission des valeurs du Trésor, elle désigne la technique d’émission « au prix demandé ». Cela consiste à servir les titres au prix ou au taux effectif de soumission. Ainsi, les offres dont les prix sont les plus élevés sont servies en premier. Celles de niveau inférieur le sont ensuite, jusqu’à hauteur du montant d’émission souhaité par l’AFT. Les participants, dont les offres ont été retenues, paient des prix différents, correspondant exactement au prix qu’ils ont demandé.
([3]) Article 25 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
([4]) Toutefois, la plupart des fonds déposés au Trésor ne sont pas rémunérés, en particulier ceux des collectivités territoriales.
([5]) M. Joël Giraud, Rapport fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur le projet de loi, après engagement de la procédure accélérée, de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2017, annexe n° 23 Engagements financiers de l’État Mmes Dominique David et Bénédicte Peyrol, Assemblée nationale, XVe législature, n° 1055, 13 juin 2018.
([6]) Cour des comptes, Communication à la commission des finances du Sénat, Le recensement et la comptabilisation des engagements hors bilan de l’État, 30 mai 2013.
([7]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.
([8]) Loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017.
([9]) Le Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE) a décidé que le MES ne serait plus exempté du paiement des intérêts au titre de la facilité de dépôt de l’Eurosystème à compter du 1er février 2017.
([10]) Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, article 92.
([11]) Loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015, article 8 et État B.
([12]) Décret n° 2014-810 du 16 juillet 2014 relatif au service à compétence nationale dénommé « Service de pilotage du dispositif de sortie des emprunts à risque ».
([13]) Délégation de gestion entre le ministre de l’économie et des finances et le ministre de l’action et des comptes publics (transfert à la DGFiP du fonds de soutien créé en faveur des collectivités locales ayant souscrit des emprunts structurés à risque), 18 novembre 2017.
([14]) Loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014, article 26.
([15]) Les 15 % restants résultent soit d’un refus de la collectivité de bénéficier du fonds, soit du caractère inéligible du dossier après instruction.
([16]) FMI, Perspectives de l’économie mondiale, 8 octobre 2018.
([17]) FMI, Moniteur des finances publiques, 9 octobre 2018.
([18]) FMI, Perspectives de l’économie mondiale, 8 octobre 2018, pages iv et v.
([19]) European Commission, European Economic Forecast, summer 2018 (interim).
([20]) Loi n° 2018-515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire.
([21]) Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
([22]) Loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017‑1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.
([23]) Banque centrale européenne, décision de politique monétaire, 13 septembre 2018.
([24]) Banque centrale européenne, décision de politique monétaire, 13 septembre 2018.
([25]) Moody’s Investors Service, Rating Action: Moody’s changes France’s outlook to positive from stable, affirms Aa2 rating, 4 May 2018.
([26]) Moody’s Investors Service, Rating Action: Moody’s downgrades Italy’s ratings to Baa3, stable outlook.
([27]) AFT, OAT verte – Rapport d’allocation et de performance 2017, 20 juin 2018.
([28]) Traité instituant la Communauté économique européenne et documents annexes, 25 mars 1957, articles 129 et 130 et protocole sur les statuts de la Banque européenne d’investissement.
([29]) Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, 26 octobre 2012, C 326/47, articles 308 et suivants ; Protocole n° 5 sur les statuts de la Banque européenne d’investissement.
([30]) Article 309 du traité précité.
([32]) Rapport d’activité 2017 de la BEI, page 44.
([33]) Rapport précité, page 7.
([34]) Règlement (UE) 2015/1017 du Parlement européen et du Conseil du 25 juin 2015 sur le Fonds européen pour les investissements stratégiques, la plateforme européenne de conseil en investissement et le portail européen de projets d’investissement et modifiant le règlement (UE) n° 1291/2013 et (UE) n° 1316/2013 – le Fonds européen pour les investissements stratégiques.
([35]) Règlement (UE) 2017/2396 du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2017 modifiant les règlements (UE) n° 1316/2013 et (UE) 2015/1017 en vue de prolonger la durée d’existence du Fonds européen pour les investissements stratégiques et d’introduire des améliorations techniques concernant ce Fonds et la plateforme européenne de conseil en investissement.
([36]) Traité sur l’Union européenne, 26 octobre 2012, C 326/13.
([37]) Joint report from the negotiators of the European Union and the United Kingdom Government on progress during phase 1 of negotiations under Article 50 TEU on the United Kingdom’s orderly withdrawal from the European Union, 8 December 2017, TF50 (2017) 19 – Commission to EU 27.
([38]) Moody’s Investors Service, European Investment Bank – Aaa stable, Credit opinion Update, 6 March 2018.
([39]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.