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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 octobre 2018.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2019 (n° 1255),
PAR M. Joël GIRAUD,
Rapporteur Général
Député
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ANNEXE N° 28
IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION
Rapporteurs spéciaux : MM. Stanislas GUERINI et Jean-Noël BARROT
Députés
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SOMMAIRE
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Pages
PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX
I. Analyse gÉNÉrale des crÉdits de la mission et de la maquette budgÉtaire
1. Des crédits en forte hausse
2. L’apport croissant des fonds de concours européens
B. Une maquette budgÉtaire satisfaisante se caractÉrisant par une sincÉRITÉ accrue
1. Une maquette budgétaire satisfaisante
2. Des ajustements mineurs à envisager
3. Une sincérité budgétaire accrue mais reposant sur une hypothèse optimiste
II. Analyse des crÉdits par programme
b. La croissance modérée des moyens attribués à l’OFPRA
2. L’action n° 3 Lutte contre l’immigration irrégulière : des crédits en forte hausse
B. programme 104 : le changement d’Échelle de la politique d’intÉgration
1. Une immigration légale en légère progression
b. L’action n° 15 Accompagnement des réfugiés : des moyens accrus
3. La poursuite des autres actions d’accompagnement
c. L’action n° 14 Accès à la nationalité française : des crédits stabilisés
Fiche n° 1 – Le point sur Les dÉlais de traitement des demandes d’asile
A. Les dÉlais de traitement observés en 2017 et CEux attendus en 2018
B. L’amÉlioration sensible des dÉlais de traitement en amont et en aval de la procÉdure
B. Des DIFFICULTÉS PERSISTANTES
fiche n° 3 – Le point sur L’intÉgration des rÉfugiés : une ambition rÉAFFIRMÉe
Article 39 et état B Crédits du budget général
L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. À cette date, 89,86 % des réponses relatives à la mission étaient parvenues au rapporteur spécial. |
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PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX
Les crédits demandés dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2019 pour la mission Immigration, asile et intégration s’établissent à 1,69 milliard d’euros en crédits de paiement (CP) et à 1,86 milliard d’euros en autorisations d’engagement (AE). Ces montants sont répartis, comme lors des exercices précédents, entre le programme 303 Immigration et asile (1,28 milliard d’euros en CP et 1,44 milliard d’euros en AE) et le programme 104 Intégration et accès à la nationalité (413,6 millions d’euros en CP et en AE).
Dans un contexte marqué par une demande d’asile soutenue et une immigration légale en légère progression, ces moyens connaissent une hausse importante par rapport aux crédits inscrits dans la loi de finances initiale (LFI) pour 2018. Cette croissance s’établit à 22,7 % en CP et 37,5 % en AE, soit un niveau très supérieur à l’évolution de l’ensemble de la dépense publique inscrite au PLF (+ 0,6 %). Si une partie de cette évolution tient au rattachement, à hauteur de 118,70 millions d’euros, de crédits précédemment dévolus à la mission Cohésion du territoire, cette évolution témoigne surtout de la volonté :
– de poursuivre la mise en œuvre des orientations du plan Garantir le droit d’asile et mieux maîtriser les flux migratoires présenté en juillet 2017 ;
– d’affirmer une ambition forte en matière d’intégration dans le prolongement du Comité interministériel du 5 juin 2018 ;
– d’assurer la bonne application de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie.
Les crédits prévus visent en premier lieu à renforcer les effectifs des opérateurs de l’État intervenant en matière migratoire. L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), chargé de statuer sur les demandes d’asile, bénéficiera ainsi de dix équivalents temps plein annuel travaillé (ETPT) supplémentaires et l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), chargé de l’accueil et de l’hébergement des demandeurs d’asile et de l’accompagnement des immigrants, disposera de 95 nouveaux ETPT. Les crédits inscrits au PLF sont également destinés à porter la capacité du dispositif national d’accueil à plus de 97 000 places à la fin de l’année 2019 et à engager un financement pluriannuel expérimental de certaines structures d’hébergement. De nouveaux moyens soutiendront par ailleurs la lutte contre l’immigration irrégulière.
Les rapporteurs spéciaux soutiennent et saluent les choix effectués. Leur approbation n’exclut cependant pas certaines réserves ; les plus importantes concernent, d’une part, l’anticipation d’une « croissance zéro » de la demande d’asile en 2019 et, d’autre part, la persistance des difficultés rencontrées par l’OFII en matière de gestion de certains personnels contractuels. Les rapporteurs spéciaux soulignent par ailleurs les enjeux particuliers attachés à la prochaine exécution de la loi de finances pour 2019. Les bénéficiaires des programmes 343 et 104 devront être vigilants sur la gestion de crédits en forte progression. Les procédures conditionnant l’engagement de ces dépenses (par exemple la passation de marchés publics) devront être exécutées dans des délais contraints pour assurer une bonne exécution des politiques publiques.
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Évolution des crÉdits de paiement (CP) LFi 2018/ PLF 2019
(hors fonds de concours)
(en millions d’euros)
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2018 |
2019 |
Évolution |
Programme 104 Intégration et accès la nationalité française |
281,69 |
413,65 |
+ 46,85 % |
Programme 303 Immigration et asile |
1 099,09 |
1 280, 69 |
+ 16,52 % |
Total |
1 380,78 |
1 694,34 |
+ 22,71 % |
Source : projet de loi de finances pour 2019.
Évolution des AUTORISATIONS D’ENGAGEMENT (AE) LFi 2018/ PLF 2019
(hors fonds de concours)
(en millions d’euros)
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2018 |
2019 |
Évolution |
Programme 104 Intégration et accès la nationalité française |
281,72 |
413,60 |
+ 46,81 % |
Programme 303 Immigration et asile |
1 068,33 |
1 443,24 |
+ 35,09 % |
Total |
1 350,05 |
1 856,84 |
+ 37,54 % |
Source : projet de loi de finances pour 2019.
Opérateurs dans le périmètre du rapport spécial et subventions 2019 – Crédits de paiement alloués et transferts
– Opérateurs dans le périmètre du rapport spécial :
● Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) : 70,6 millions d’euros (programme 303)
● Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) : 255,19 millions d’euros (programme 104).
– Mesure de périmètre et transferts : 118,70 millions d’euros en provenance du programme 177
Nombre d’équivalents temps plein travaillé (ETPT) sur les programmes 104 et 303
– 1 984 emplois sous plafond en 2019 (1 879 en 2018) (+ 105 ETPT)
● OFPRA : 805 (795 en 2018)
● OFII : 1 179 (1 084 en 2018)
Fonds de concours européens :
– Prévision de rattachement : 84,93 millions d’euros en AE et en CP (51,04 millions d’euros sur le programme 303 et 33,89 millions d’euros sur le programme 104).
Dépense fiscale :
– Aucune dépense fiscale n’est rattachée aux programmes de la mission.
Le budget de la mission Immigration, asile et intégration est au centre du financement des interventions de l’État en matière de maîtrise des flux migratoires, de garantie du droit d’asile, de lutte contre l’immigration irrégulière et d’intégration des personnes immigrées en situation régulière.
Les crédits inscrits au PLF pour 2019, d’un montant de 1 694,34 millions d’euros en CP et de 1 856,84 millions d’euros en AE, sont appelés à structurer l’action publique en ces domaines. Cependant, ce budget, aussi significatif soit-il, ne recouvre pas la totalité des dépenses engagées par l’État en matière d’immigration, d’asile et d’intégration. Le document transversal Politique française de l’immigration et de l’intégration (joint au PLF) indique ainsi que 19 programmes répartis entre 13 missions ([1]) concourent au financement de ces actions pour un montant de 6 486,34 millions d’euros en CP et 6 697,41 millions d’euros en AE.
De la même façon, ces crédits ne rendent pas compte des dépenses engagées par des collectivités territoriales sur ces sujets et ne reflètent pas l’engagement de nombreux bénévoles au service des demandeurs d’asile et des populations immigrées. Cependant, si les crédits de la mission Immigration, asile et intégration ne rassemblent pas l’ensemble des dépenses soutenant les politiques publiques engagées en ce domaine, le budget dévolu à cette mission en constitue la pierre angulaire.
D’un point de vue budgétaire :
– l’analyse générale des crédits témoigne de l’accroissement des moyens au bénéfice d’une mission disposant d’une maquette budgétaire satisfaisante (I),
– l’analyse des crédits par programme souligne la hausse soutenue des dépenses inscrites au titre des programmes 303 et 104 (II).
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* *
I. Analyse gÉNÉrale des crÉdits de la mission et de la maquette budgÉtaire
A. des crÉdits en forte hausse soutenus par la contribution croissante des fonds de concours européens
1. Des crédits en forte hausse
Les crédits de la mission inscrits au PLF pour 2019 s’élèvent à 1 856,80 millions d’euros en AE et 1 694,30 millions d’euros en CP, en hausse de 37,5 % en AE (+ 506,80 millions d’euros) et 22,7 % en CP (+ 313,60 millions d’euros) par rapport à la LFI 2018. Cette hausse représente une progression de 51,6 % en AE (+ 632,30 millions d’euros) et 54,3 % en CP (+ 596,60 millions d’euros) par rapport à la LFI 2017. Une partie s’explique cependant par des mesures de périmètre relatives au transfert de 118,70 millions d’euros du programme 177 (dépendant de la mission Cohésion des territoires) vers les programmes 104 et 303.
La progression des crédits des programmes 104 (Intégration et accès à la nationalité française) et 303 (Immigration et asile) témoigne de la volonté du Gouvernement d’adapter les moyens des politiques publiques à la mise en œuvre du plan Garantir le droit d’asile et mieux maîtriser les flux migratoires et amplifie la croissance tendancielle du budget dévolu à la mission Immigration, asile et intégration depuis plusieurs exercices :
Évolution des crédits de paiement de la mission Immigration, asile et intégration Exécution budgétaire 2012-2017, LFI 2018 et PLF 2019
(en milliards d’euros)
Source : rapports annuels de performances et projets annuels de performances.
D’un point de vue budgétaire, les montants inscrits au PLF appellent trois observations complémentaires.
La première porte sur les montants des AE (1 856,8 millions d’euros) demandés par rapport aux CP (1 694,30 millions d’euros). Cet écart tient à l’inscription d’AE pluriannuelles destinées à financer, d’une part, d’importants travaux immobiliers dans les centres et les locaux de rétention administrative et, d’autre part, à l’expérimentation d’un financement pluriannuel au bénéfice de certains centres hébergement d’urgence. Ce dernier point satisfait particulièrement les rapporteurs spéciaux dans la mesure où il correspond à une de leurs précédentes suggestions (cf. infra).
La deuxième observation tient à la structuration des crédits de la mission très majoritairement composée de dépenses d’intervention et de fonctionnement. Les dépenses d’intervention représentent 1 240 millions d’euros en CP (soit 73,23 % des CP de la mission) et servent par exemple à financer l’allocation pour demandeurs d’asile (ADA). Les crédits de fonctionnement s’établissent à 403,17 millions d’euros en CP (soit 23,79 % des CP de la mission) et servent par exemple à financer les subventions pour charges de service public de l’OFPRA et de l’OFII.
La part des dépenses d’investissement est en progression importante : ces crédits représentent 50,56 millions d’euros en CP (2,98 % des CP de la mission) et 65,68 millions d’euros en AE (3,54 % des AE de la mission) par rapport à la LFI 2018 dans laquelle ces dépenses s’établissaient à 19,60 millions d’euros en CP (1,42 % des CP de la mission) et 19,20 millions d’euros en AE (1,42 % des AE de la mission). Cette croissance s’explique par d’importants projets de travaux immobiliers dans les centres de rétention administrative, les locaux de rétention administrative et les zones d’attente. Les chantiers envisagés visent à créer 450 nouvelles places par la construction de nouveaux bâtiments ou l’extension / la rénovation de bâtiments existants. Ces travaux viseront également à mettre des bâtiments aux normes de sécurité, à respecter les normes d’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite et à améliorer le cadre de vie des personnes retenues.
La troisième observation concerne les enjeux particuliers attachés à la consommation budgétaire de crédits en forte progression. Les responsables des programmes 343 et 104 devront veiller à ce que les procédures conditionnant l’engagement (par exemple la passation de marchés publics) permettent une exécution satisfaisante des crédits durant l’année 2019. L’OFII devra notamment engager dans des délais restreints plusieurs marchés publics destinés à encadrer la rénovation importante du contrat d’intégration républicaine (CIR). La bonne maîtrise du temps consacré aux procédures d’achat public conditionnera donc la réussite de l’exécution budgétaire.
2. L’apport croissant des fonds de concours européens
La participation des fonds de concours européens au budget de la mission s’établit à 84,93 millions d’euros (soit 5,01 % des crédits de la mission), en progression de 2,8 millions d’euros par rapport à la LFI 2018.
Ces crédits proviennent du Fonds européen asile, immigration et intégration (FAMI) et du Fonds pour la sécurité intérieure (FSI) qui ont succédé, pour la période 2014-2020, au programme « Solidarité et gestion des flux migratoires » (SOLID). Concrètement, ces deux fonds participent au financement d’actions dans le domaine de l’asile (accueil, orientation, accompagnement des demandeurs d’asile), de l’intégration (accès à l’emploi et au logement), des visas, ou de la réinstallation et du retour dans le pays d’origine des étrangers en situation irrégulière.
En 2017, un projet pluriannuel de l’OFII intitulé « Fourniture d’un service d’interprétariat en faveur des demandeurs et bénéficiaires de protection internationale convoqués par l’Office pour un entretien (2017-2020) » a par exemple été conventionné par le FAMI à hauteur de 3 millions d’euros. La refonte des applications informatiques de traitement des demandes de visa (projet France visa) est pour sa part soutenue par le FSI. Si la contribution des fonds de concours européens aux crédits de la mission demeure limitée, leur montant a cependant plus que triplé en six ans.
Contribution des fonds de concours européens– LFI 2012 –PLF 2019
(en millions d’euros)
Sources : projets annuels de performances 2013, 2014, 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019.
Les rapporteurs spéciaux notent cette évolution avec satisfaction et soulignent également que, d’après les éléments transmis par le ministère de l’intérieur, la France s’est située en 2017 au troisième rang des bénéficiaires des paiements effectués par la Commission européenne au titre du FAMI et du FASI. En revanche, ils relaient la préoccupation exprimée par des associations quant aux difficultés de trésorerie observées dans la gestion du FAMI. La charge administrative représentée pour la gestion et la sollicitation de ces fonds est élevée et l’application des règles de contrôle est jugée tatillonne ce qui dissuade certaines petites structures de solliciter le concours du FAMI. Cette problématique n’est pas nouvelle puisque sous la quatorzième législature, le rapporteur spécial Laurent Grandguillaume, avait, à plusieurs reprises, appelé l’attention du gouvernement sur ce sujet. Il est regrettable d’observer que ces difficultés administratives se perpétuent.
B. Une maquette budgÉtaire satisfaisante se caractÉrisant par une sincÉRITÉ accrue
L’organisation de la maquette budgétaire de la mission Immigration, asile et intégration est satisfaisante même si certaines adaptations mineures pourraient être envisagées. Cette architecture financière est marquée par une sincérité accrue qui repose cependant sur une hypothèse optimiste d’évolution de la demande d’asile en 2019.
1. Une maquette budgétaire satisfaisante
La maquette budgétaire de la mission est articulée, comme lors du PLF 2018, autour de deux programmes, cinq objectifs, sept indicateurs et neuf actions.
Le programme 104 finance principalement l’accueil des primo-arrivants, les actions d’intégration et les procédures de naturalisation tandis que le programme 303 est dédié, pour l’essentiel, à la garantie de l’exercice du droit d’asile, à la politique des visas et à la lutte contre l’immigration irrégulière.
Les objectifs et indicateurs de chaque programme sont ainsi décomposés :
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Objectifs et indicateurs |
Programme 104 |
Objectif : Améliorer les conditions d’accueil et d’intégration des étrangers. Indicateur : efficience de la formation linguistique dans le cadre du CAI / CIR (contrat d’accueil et d’intégration / contrat d’intégration républicaine).
Objectif : Améliorer l’efficacité du traitement des dossiers de naturalisation Indicateur : efficacité de la procédure d’instruction d’un dossier de naturalisation. |
Programme 303 |
Objectif : Optimiser la prise en charge des demandeurs d’asile Indicateurs : part des demandeurs d’asile hébergés ([2]) et part des places occupées par des demandeurs d’asiles et autres personnes autorisées.
Objectif : Réduire les délais de traitement de la demande d’asile Indicateur : délai de l’examen d’une demande d’asile par l’OFPRA
Objectif : Améliorer l’efficacité de la lutte contre l’immigration irrégulière Indicateurs : nombre de retours forcés exécutés et nombre de retours aidés exécutés. |
Aucune dépense fiscale et aucun compte d’affectation spéciale ne sont associés à cette mission.
Cette organisation budgétaire est satisfaisante et permet une bonne compréhension du financement des actions de l’État en matière d’immigration, d’asile et d’intégration. Quelques ajustements mineurs permettraient cependant d’en parfaire la lecture.
2. Des ajustements mineurs à envisager
Trois aménagements seraient susceptibles d’améliorer le suivi budgétaire de la mission : tout d’abord la création d’un deuxième indicateur mesurant la performance de l’OFPRA (ou la modification de l’indicateur existant) ; ensuite la présentation de l’élasticité-coût de l’évolution de la durée d’instruction des demandes d’asile ; enfin la suppression de l’action Circulation des étrangers et politique des visas du programme 303.
À l’heure actuelle, l’activité et la performance de l’OFPRA sont appréciés sur la base de l’indicateur de « délai de l’examen d’une demande d’asile ». Comme le relève justement la Cour des comptes dans sa note d’analyse de l’exécution budgétaire 2017, cet instrument « n’est plus représentatif à lui seul de la performance actuelle de l’office ([3]) ». Depuis plusieurs années, l’OFPRA a en effet réduit fortement le nombre de dossiers en attente de décision ce qui a eu pour effet de majorer artificiellement le temps moyen d’examen d’une demande. Le traitement des demandes les plus anciennes conduit effectivement à prendre en compte les durées d’examen les plus longues dans le calcul du délai moyen de décision. Pour ce motif, les rapporteurs spéciaux considèrent que l’activité de l’OFPRA mériterait d’être analysée sur la base d’un indicateur relatif au nombre de décisions rendues annuellement. Ce nouvel élément donnerait une vision plus complète de la performance de l’office et soulignerait l’accroissement important du nombre des décisions rendues (115 094 décisions en 2017 contre 60 128 en 2012).
Le deuxième aménagement envisageable concerne la présentation, dans les documents joints au PLF, de l’élasticité-coût de l’évolution de la durée d’instruction des demandes d’asile. Cette préconisation, déjà formulée par les rapporteurs spéciaux dans leur rapport sur le PLF 2018, permettrait de mieux apprécier les enjeux de la réduction des délais d’instruction des demandes d’asile en déterminant la façon dont leur coût est associé, ou non, à la durée de traitement d’une demande.
Le troisième aménagement concerne l’éventuelle suppression de l’action n° 1 Circulation des étrangers et politique des visas du programme 303. Le montant particulièrement modeste des crédits dédiés à cette action (0,52 million d’euros) ne justifie pas forcément qu’ils soient isolés dans une action distincte.
Ces ajustements permettraient d’affiner la compréhension des crédits de la mission et compléteraient l’effort, observé ces meilleures années, d’amélioration de la sincérité budgétaire de la mission Immigration, asile et intégration.
3. Une sincérité budgétaire accrue mais reposant sur une hypothèse optimiste
Le PLF pour 2019 confirme le renforcement récent de la sincérité budgétaire de la mission même si la prise en compte d’une prévision optimiste d’évolution de la demande d’asile est susceptible d’en compromettre la portée.
Antérieurement, deux griefs étaient adressés à la mission Immigration, asile et intégration : des dépenses se rattachant à son périmètre figuraient indûment dans d’autres missions et certaines actions étaient sous-budgétées. Sur ces deux points, des progrès sont à souligner.
Les interrogations relatives à l’affectation de certains crédits concernaient essentiellement le financement par la mission Cohésion des territoires (programme 177 Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables) de dépenses d’hébergement de demandeurs d’asile. Le rattachement au programme 177 des crédits finançant les Centres d’accueil et d’orientation (CAO) créés, dans l’urgence, en 2015 pour accueillir des demandeurs d’asile posait ainsi question. La loi de finances initiales (LFI) pour 2017 a répondu à cette objection en affectant au programme 303 les crédits concourant au financement des CAO.
Le PLF s’inscrit dans cette voie puisqu’il organise, à hauteur de 118,7 millions d’euros, de nouveaux transferts du programme 177 vers la mission Immigration, asile et intégration. Le programme 303 est ainsi doté de 99,60 millions d’euros au titre de la transformation des centres d’hébergement d’urgence pour les migrants (CHUM) d’Île-de-France en places d’hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile (HUDA) ; et le programme 104 bénéficie d’une somme de 19,10 millions d’euros au titre du financement de la transformation des CHUM d’Île-de-France en places de centres provisoires d’hébergement (CPH) et autres prestations associées.
Les rapporteurs saluent cet effort de clarification budgétaire mais regrettent que le nombre de demandeurs d’asile hébergés dans le dispositif de droit commun relevant du programme 177 au lieu de l’être dans le dispositif national d’accueil ne puisse être parfaitement évalué même si une première estimation d’environ 13 000 personnes (13 214) est disponible ([4]).
Le second grief adressé à la mission Immigration, asile et intégration concernait la sous-budgétisation de certaines de ses composantes. Dans un référé adressé au Premier ministre le 30 juillet 2015, la Cour des comptes avait ainsi dénoncé la sous-budgétisation « quasi structurelle du programme 303 ». Plus récemment, dans la note d’analyse de l’exécution budgétaire 2017, la Cour des comptes a relevé une sous-budgétisation du financement de l’allocation pour demandeur d’asile (ADA) dont les crédits pour 2017 (220 millions d’euros) étaient très inférieurs aux dépenses exécutées en 2016 (306 millions d’euros). Les rapporteurs soulignent que des progrès importants ont été accomplis sur ce point. Dans la LFI pour 2018, les crédits inscrits au titre du versement de l’ADA s’établissaient ainsi à 317,70 millions d’euros et ceux figurant dans le PLF pour 2019 s’élèvent à 335,90 millions d’euros, en progression de 5,7 %.
Ces progrès sont également illustrés par l’absence, en 2018, pour la première fois depuis neuf ans, de mouvement d’abondement budgétaire sur cette mission. A la date de publication de ce rapport, aucune ouverture complémentaire de crédit n’est intervenue par le biais d’un décret d’avance. Antérieurement, ces mouvements étaient réguliers et importants. En 2016, comme le rappelle la Cour des comptes dans sa Note d’analyse de l’exécution budgétaire, « 158 M€ en AE/CP ont abondé le programme [303] par le décret d’avance n° 2016-732 du 2 juin 2016. Par ailleurs, 35 86 M€ en AE et 30 M€ en CP ont abondé le programme [303] en loi de finances rectificative » ([5]). En 2017, comme le rappelle la Cour des comptes dans sa Note d’analyse de l’exécution budgétaire, le décret n° 2017-1182 du 20 juillet 2017 portant ouverture et annulation de crédits à titre d’avance a ouvert sur le programme 303 un montant de 218 M€ en AE et 206 M€ en CP puis, « la réserve de précaution du programme 303 a été dégelée en deux étapes (41 M€ en AE et 29 M€ en CP en octobre, puis 45 M€ en AE et 53 M€ en CP en novembre) ([6]).
Les rapporteurs spéciaux soulignent cette plus grande sincérité budgétaire. Par ailleurs, ils notent avec satisfaction que la mise en application de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie contribuera à améliorer l’information du Parlement et donc son appréciation des crédits soumis à son examen. L’article 59 de cette loi dispose en effet que la communication au Parlement, en application de l’article L. 111-10 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), du rapport sur les orientations pluriannuelles de la politique d’immigration et d’intégration devra dorénavant intervenir « avant le 1er octobre » et non plus « chaque année ». Cette disposition constitue un progrès même si le ministère de l’intérieur s’efforce déjà de respecter l’échéance du 1er octobre. Ainsi, en 2018, ce document a été communiqué à l’Assemblée nationale le 26 juillet 2018. Cette évolution est d’autant plus positive que le périmètre de ce rapport a été étendu à la politique d’asile.
Les rapporteurs approuvent ces différentes évolutions contribuant au renforcement de la sincérité budgétaire de la mission. Cependant, ils observent que la détermination, dans le PLF, des crédits de l’ADA s’est faite en retenant l’hypothèse d’une stabilité de la demande d’asile en 2019 et d’une baisse de 10 % des demandeurs d’asile placés sous procédure Dublin. Plusieurs éléments viennent à l’appui de cette perspective. Le mouvement européen de stabilisation, voire de recul, de la demande d’asile pourrait s’étendre à la France. Ainsi, du deuxième trimestre 2017 au deuxième trimestre 2018, seize États membres de l’Union européenne ont enregistré une baisse de la demande d’asile. Par ailleurs, la France s’est engagée dans une politique volontariste de transfert des demandeurs d’asile sous procédure Dublin vers les pays les ayant accueillis en premier. En 2017, la France a procédé à 2 633 transferts vers les États membres et sur les sept premiers mois de l’année 2018, elle a procédé au transfert de 1 967 demandeurs d’asile vers les États membres (soit une augmentation tendancielle de 28 %) ([7]). Les non-admissions aux frontières se situent également toujours à un niveau élevé.
Néanmoins, les rapporteurs spéciaux, et la plupart des personnes qu’ils ont auditionnées, sont circonspects sur une possible stabilisation de la demande d’asile en France. Ils notent tout d’abord que l’hypothèse retenue est optimiste au regard de la croissance de la demande d’asile observée en 2017 (+ 17,5 %) et de celle attendue en 2018 (+ 18,8 % de janvier à août 2018 auprès de l’OFPRA par rapport à la même période de 2017 ([8])). Ils relèvent par ailleurs que les prévisions de croissance de la demande d’asile figurant dans les précédents projets de loi de finances ont été inférieures à celles observées. Ainsi, en 2017 la croissance du nombre de demandes d’asile (+ 17,5 %) fut supérieure à l’hypothèse retenue dans le PLF (+ 10 %) et la projection retenue en 2018 (+ 10 %) sera probablement inférieure au flux constaté (+ 18,8 % de janvier à août 2018 selon l’OFPRA).
Par ailleurs, si la projection retenue dans le PLF 2019 se vérifiait, celle-ci ne suffirait peut-être pas à écarter complètement un risque de sous budgétisation de certaines dépenses. Les rapporteurs spéciaux soulignent ainsi que le montant des CP inscrits dans le PLF au titre de l’action n° 2 Garantie du droit d’asile du programme 303 (1 113,06 millions d’euros) est inférieur au niveau des CP exécutés en 2017 (1 140,1 millions d’euros). Au sein de cette action, le montant prévu au titre du financement de l’ADA (335,9 millions d’euros) est inférieur de 3,75 % au montant versé en 2017 (349 millions d’euros). Dans l’hypothèse où la demande d’asile se stabiliserait en 2019 au niveau observé en 2018 il n’est pas certain que les dépenses 2019 soient inférieures à celles exécutées en 2017 alors que la demande d’asile observée en 2018 sera supérieure à celle constatée en 2017. Le respect de cet objectif suppose que la durée d’instruction des demandes d’asile poursuive sa réduction et que la politique volontariste de gestion de l’ADA entreprise en 2018 (cf. infra) soit confirmée et amplifiée. Ce scenario est envisageable mais optimiste.
Si les rapporteurs spéciaux soulignent et approuvent les mesures prises en vue d’améliorer la sincérité budgétaire de la mission, ils considèrent néanmoins, qu’en dépit de crédits en forte hausse, le budget de la mission Immigration, asile et intégration est susceptible de demeurer sous tension.
II. Analyse des crÉdits par programme
Les crédits de paiement de la mission sont répartis entre le programme 303 Immigration et asile, à hauteur de 1 280,69 millions d’euros (soit 75,59 % de l’ensemble) et le programme 104 Intégration et accès à la nationalité à hauteur de 413,6 millions d’euros (soit 24,41 % de l’ensemble).
A. le programme 303 : une progression des dÉpenses visant à amÉliorer les conditions d’accueil et d’hÉbergement des demandeurs d’asile et à renforcer la lutte contre l’immigration irrÉGULIÈre
Le programme 303 finance les politiques publiques relatives à l’entrée, à la circulation, au séjour et au travail des étrangers, à l’éloignement des personnes en situation irrégulière et à l’exercice du droit d’asile.
Par rapport à la LFI 2018, ces crédits progressent très sensiblement (+ 35,1 % en AE [+ 374,90 millions d’euros] et de + 16,5 % en CP [+ 181,6 millions d’euros]).
La répartition des crédits entre les différentes actions dans le PLF et son évolution par rapport à la LFI 2018 sont les suivantes :
Ventilation des crÉdits du programme 303 par actions
Projet de loi de finances pour 2019
(en millions d’euros)
|
PLF pour 2019 |
Évolution depuis LFI 2018 |
||
AE |
CP |
AE |
CP |
|
303 Immigration et asile |
1 443,24 |
1 280,69 |
+ 35,09 % |
+ 16,52 % |
1 Circulation des étrangers et politique des visas |
0,52 |
0,52 |
+ 0 % |
+ 0 % |
2 Garantie de l’exercice du droit d’asile |
1 258,51 |
1 113,06 |
+ 32,24 % |
+ 13,10 % |
3 Lutte contre l’immigration irrégulière |
154,11 |
137,01 |
+ 86,77 % |
+ 65,65 % |
4 Soutien |
30,09 |
30,09 |
– 10,50 % |
– 5,23 % |
Source : projet annuel de performances 2019.
1. L’action n° 2 Garantie de l’exercice du droit d’asile : une progression des dépenses toujours soutenue
L’action n° 2, d’un montant de 1 113,06 millions d’euros en CP et 1 258,51 millions d’euros en AE, sert au financement de l’OFPRA, de l’allocation pour demandeurs d’asile (ADA) et de la majorité des structures d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile. Son analyse ne peut être séparée de son contexte.
a. Le contexte : les flux de demande d’asile observés en 2017-2018 et l’anticipation d’une stabilisation de la demande d’asile en 2019
Les flux de demandes d’asile observés en France en 2017 et sur les premiers mois de l’année 2018 se caractérisent par une hausse dont l’ampleur conduit à apprécier avec mesure l’hypothèse, figurant dans le PLF, d’une stabilisation de la demande d’asile en 2019.
En 2017, 100 755 demandes d’asile ont été enregistrées par l’OFPRA en progression de 17,5 % par rapport à 2016 ([9]) et un quasi-doublement par rapport à 2002 (52 877 demandes). En valeur absolue, le nombre de demandes enregistrées en 2017 place la France au cinquième rang des pays industrialisés et au troisième rang des pays européens. En revanche, en valeur relative, c’est-à-dire en rapportant le nombre de demandes d’asile à la population nationale, cette donnée situe la France dans la moyenne européenne avec un chiffre de 1,5 demande d’asile pour 1 000 habitants ([10]).
En 2017, le nombre de décisions d’octroi d’un statut de protection (statut de réfugié et statut de « protection subsidiaire » ([11]) prises par l’OFPRA et la CNDA s’établit, hors mineurs accompagnants, à 31 964 en hausse de 20,6 % par rapport à 2016 ([12]). Le taux de protection de l’OFPRA et de la CNDA s’est élevé à 36 % ([13]). Au 31 décembre 2017, le nombre total de personnes placées sous la protection de l’OFPRA (hors mineurs accompagnants) est estimé à 252 402.
La progression de la demande d’asile observée en 2017 s’est confirmée durant les huit premiers mois de l’année 2018. D’après les données communiquées aux rapporteurs par l’OFPRA, la croissance du nombre de dossiers enregistrés auprès de cet opérateur de janvier à août 2018 s’établit à 18,8 % par rapport à la même période de l’année 2017. Les rapporteurs spéciaux soulignent qu’une partie de cette croissance est due à d’importantes transmissions de dossiers par les préfectures à la suite de la résorption d’une partie du stock de dossiers en instance en raison de la réduction significative des délais de traitement dans ces administrations déconcentrées.
L’évolution générale de la demande d’asile distingue la France des autres pays européens. D’après les données publiées par Eurostat fin septembre 2018, le nombre de demandeurs d’asile dans les 28 États membres a baissé de 12 % au second trimestre 2018 par rapport au second trimestre 2017 mais s’est accru de 4 % au second trimestre 2018 par rapport au premier trimestre 2018. Si certains pays connaissent une stabilisation (Royaume-Uni, république Tchèque, etc.) ou un recul (Allemagne, Danemark, Italie, etc.) de la demande d’asile, d’autres pays – dont la France – enregistrent au contraire une croissance. La France n’est pas le seul pays concerné par la poursuite de cette progression. Du deuxième trimestre 2017 au deuxième trimestre 2018, 12 États membres (dont l’Espagne, la Grèce et les Pays-Bas) ont observé une croissance du nombre de demandes d’asile.
Interrogé à ce sujet, le ministère de l’intérieur explique la situation de la France, d’une part, par son exposition aux flux méditerranéens et, d’autre part, par l’importance des mouvements secondaires en provenance d’autres États membres de l’Union européenne. Notre pays constituerait ainsi une « destination de rebond » pour des ressortissants étrangers dont l’entrée en Europe s’est faite dans un autre État membre qui, en application du règlement de Dublin III ([14]), devrait pourtant, dans certaines circonstances, instruire leur demande. En 2017, d’après les chiffres communiqués par le ministère de l’intérieur, 35 901 ressortissants étrangers ayant sollicité l’asile en France ont été placés sous procédure Dublin.
En 2019, le ministère de l’intérieur anticipe une stabilisation de la demande d’asile en France en raison, d’une part, de la généralisation attendue du ralentissement des flux migratoires à l’ensemble des pays européens et, d’autre part, de la poursuite du renforcement de la lutte contre les mouvements secondaires.
b. La croissance modérée des moyens attribués à l’OFPRA
Le PLF prévoit d’accorder à l’OFPRA une subvention pour charges de service public d’un montant de 70,57 millions d’euros en progression de 1 % par rapport à la LFI 2018.
Cette dotation financière s’accompagne de la création de dix ETPT portant le plafond d’emplois de cet opérateur à 805 ETPT. La hausse des effectifs de l’OFPRA tient à l’engagement, depuis le 3 septembre 2018, d’une expérimentation (d’une durée de 18 mois) en Guyane en vue de réduire les délais de traitement des demandes d’asile ([15]). L’OFPRA, qui a ouvert un centre permanent en Guyane en 2017, a dépêché des agents sur place et le PLF tire les conséquences de cette expérience en accroissant son plafond d’emplois.
Comme l’atteste le graphique suivant, la progression des effectifs de l’OFPRA proposée par le PLF est modérée au regard de celle observée ces dernières années :
Évolution du plafond d’ETPT de l’OFPRA – LFI 2012 – PLF 2019
Source : projets annuels de performances joints aux projets de loi de finances 2013, 2014, 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019.
Les rapporteurs approuvent l’augmentation des moyens de l’OFPRA et soulignent l’efficacité croissante de cet opérateur qui, dans un contexte difficile, a su adapter son fonctionnement.
c. L’allocation pour demandeurs d’asile : un coût croissant contenu par d’importantes économies de gestion et un contrôle renforcé
Le PLF prévoit un crédit de 335,83 millions d’euros, incluant une provision pour risque de 11 millions d’euros, au titre de la gestion et du versement de l’allocation pour demandeurs d’asile (ADA), soit un montant en progression de 5,7 % par rapport à la LFI 2018.
L’ADA est versée aux demandeurs d’asile pendant toute la durée de la procédure d’instruction de leur demande, y compris en cas de recours devant la CNDA. Les demandeurs d’asile relevant des dispositions du règlement de Dublin III peuvent également la percevoir jusqu’à leur transfert effectif vers l’État membre responsable de l’examen de leur demande.
En septembre 2018, 134 988 individus percevaient cette allocation. Le montant de l’ADA s’établit, en métropole, à 6,80 € par jour pour une personne seule (82 % des bénéficiaires étant des adultes isolés) et à 17 euros par jour pour un couple avec deux enfants. Un montant additionnel de 7,40 euros (dit « pécule ») destiné à couvrir les frais d’hébergement ou de logement peut être versé à tout demandeur d’asile adulte non hébergé par le dispositif national d’accueil et n’ayant pas accès gratuitement à un autre hébergement ou un logement. En septembre 2018, 70 122 individus (soit 51,9 % des bénéficiaires) percevaient ce pécule. En 2017, le montant moyen mensuel versé par ménage au titre de l’ADA s’établissait à 361 €. Cette allocation peut être retirée sous la forme d’une carte de retrait spécifique constituant un moyen souple et efficace de gestion ([16]).
L’évolution récente de l’ADA appelle plusieurs observations.
En premier lieu, la progression des crédits la finançant ne s’explique pas uniquement par la hausse du nombre de demandeurs d’asile. Le ministère de l’intérieur a effectivement été tenu de revaloriser le montant du pécule versé aux demandeurs d’asile non hébergés par le dispositif national d’accueil à la suite d’une jurisprudence récente du Conseil d’État. À deux reprises, le 23 décembre 2016, puis le 17 mai 2018, le Conseil d’État a annulé les dispositions réglementaires déterminant le montant additionnel de l’ADA et, en 2016, a enjoint au Premier ministre de les revaloriser ([17]). Le décret n° 2017-430 du 29 mars 2017 et le décret n° 2018-426 du 31 mai 2018 ont ainsi revalorisé le montant de ce pécule à 7,40 € par jour contre 4,20 € avant la première décision du Conseil d’État.
En second lieu, l’ADA a fait l’objet, dans la LFI 2018, d’une modification législative devant permettre, en 2018, d’enregistrer une économie de gestion, estimée à 6,80 millions d’euros entre le 1er janvier et le 31 août 2018. L’article 147 de cette loi a, en certaines circonstances, réduit d’un mois la durée de versement de cette allocation. Jusqu’alors, le versement de l’allocation prenait fin au terme du mois suivant celui de la notification de la décision définitive concernant la demande d’asile. Désormais, pour les personnes perdant le droit au maintien sur le territoire et pour les personnes déboutées à l’issue d’un recours auprès de la CNDA, le versement prend fin à l’échéance du mois durant lequel a pris fin le droit de se maintenir sur le territoire français.
En troisième lieu, l’ADA est une allocation dont le versement fait l’objet d’un contrôle renforcé par l’OFII. Lors de son audition, le directeur général de cet opérateur a indiqué qu’un plan de contrôle de l’ADA avait été engagé et devrait permettre d’enregistrer, en 2018, une économie supérieure à 17 millions d’euros (pour un objectif initial de 12 millions d’euros). Ces économies tiennent à l’arrêt du versement de l’allocation aux personnes « en fuite » placées sous le règlement de Dublin (3,17 millions d’euros), au contrôle des fichiers de paiement (3,08 millions d’euros), à l’arrêt du versement du pécule aux personnes hébergées par l’État (1,36 million d’euros), au contrôle des régularisations (5 millions d’euros) et à d’autres mesures de contrôle (refus ou abandon d’hébergement, exclusion, fraude, plan de contrôle interne [4,85 millions d’euros]). Le renforcement de ces contrôles sera poursuivi en 2019 sur la base notamment d’échanges d’informations croissants avec le Service Intégré d’Accueil et d’Orientation (SIAO) gérant les structures d’hébergement de droit commun. À ce titre, la mise en œuvre d’une interconnexion des systèmes informatiques de l’OFII et du SIAO apparaît souhaitable.
En dernier lieu, les montants servis au titre de l’ADA sont étroitement corrélés au flux de la demande d’asile et à la proportion de demandeurs d’asile hébergés dans le dispositif national d’accueil. Plus les demandeurs d’asile sont hébergés, moins ils sont nombreux à être éligibles au versement du pécule. L’évolution de la proportion des demandeurs d’asile percevant ce pécule illustre à la fois la part croissante des personnes hébergées dans le dispositif national d’accueil et le renforcement des contrôles. Au moment de la création de l’ADA (en novembre 2015), cette proportion s’établissait à 62 %, puis a crû jusqu’à 67 % en mars 2016 avant de descendre progressivement à 58 % en mai 2017 et d’atteindre 51,9 % en septembre 2018.
Novembre 2015 - septembre 2018 évolution semestrielle de la proportion des bénéficiaires de l’ADA percevant le pécule
Source : OFII.
La prévision de dépenses au titre de l’ADA inscrite dans le PLF repose sur le renforcement de ces contrôles, l’application du régime voté en LFI 2018, la stabilisation de la demande d’asile et l’augmentation du taux d’hébergement des demandeurs d’asile (ayant pour effet de réduire le nombre de bénéficiaires du pécule). L’ensemble de ces éléments ont été pris en compte pour établir les crédits demandés pour financer l’ADA à 335,83 millions d’euros, soit une économie de 56,60 millions d’euros par rapport à l’évolution tendancielle de la dépense (392,40 millions d’euros). Les rapporteurs considèrent cette évaluation avec une certaine réserve dans la mesure où celle-ci repose sur une stabilisation de la demande d’asile en 2019.
d. L’accueil et l’hébergement des demandeurs d’asile : une progression des crédits destinée à poursuivre le développement d’un parc engorgé en voie d’adaptation et de rationalisation
Le PLF prévoit un crédit de 852,12 millions d’euros au titre du financement de l’accueil et de l’hébergement des demandeurs d’asile, soit un montant en progression importante par rapport à la LFI 2018 (597,37 millions d’euros, + 42,6 %). Une partie de cette hausse tient cependant à une mesure de périmètre tendant au rattachement au programme 303 de 99,60 millions d’euros de crédits rattachés auparavant du programme 177 et dédiés à la transformation des CHUM d’Île-de-France en places d’hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile (HUDA).
L’action n° 2 du programme 303 finance l’essentiel des dépenses d’hébergement de la mission même si elle ne les finance pas toutes. Le PLF pour 2019 se caractérise, s’agissant de cette action, par la poursuite du développement des capacités d’accueil au sein d’un parc complexe, engorgé mais en voie d’adaptation et de rationalisation.
Selon les statistiques publiées par l’OFII ([18]), le dispositif national d’accueil comprend, en septembre 2018, 92 929 places. Ce volume est le plus important observé ces dernières années. Les rapporteurs spéciaux rappellent qu’en 2012 la capacité d’accueil de ce dispositif était de 44 207 places. Le PLF pour 2019 confirme cette tendance et prévoit de porter sa capacité d’accueil à plus de 97 000 places à la fin de l’année 2019 en créant 3 500 places partagées entre les Centres d’accueil des demandeurs d’asile (CADA, + 1 000 places) et les centres d’hébergement d’urgence (+ 2 500 places) et en transformant des places de CHUM en places d’hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile (HUDA). Ce parc en développement agrège un ensemble de structures disparates parfois créées au fur et à mesure des besoins et de l’urgence des situations. D’un point de vue budgétaire, le projet annuel de performances distingue deux catégories d’hébergement au sein de l’action n° 2 : l’hébergement au sein des centres d’accueil des demandeurs d’asile et celui au sein du dispositif d’hébergement d’urgence. Les CADA, dont le nombre est légèrement supérieur à 350, constituent un dispositif d’hébergement pérenne offrant aux demandeurs d’asile un hébergement et des prestations d’accompagnement social et administratif. Fin 2019, les CADA devraient proposer 43 450 places. L’hébergement d’urgence est un dispositif pérenne ou transitoire offrant un hébergement et, parfois, des prestations d’accompagnement social et administratif. Fin 2019, ce second niveau d’hébergement devrait disposer de 53 650 places.
À l’heure actuelle, et en dépit des très importants efforts effectués ces dernières années, la capacité du dispositif national d’accueil est toujours insuffisante pour répondre au besoin. L’indicateur « Part des demandeurs d’asile hébergés » (figurant dans le projet annuel de performances joint au PLF) considère qu’en 2018, 50 % des demandeurs d’asile seront hébergés (pour un objectif initial de 64 %). Un objectif de 72 % est fixé en 2019 et une cible de 86 % est déterminée pour 2020.
Les rapporteurs spéciaux rappellent en premier lieu que l’ensemble des demandeurs d’asile n’ont pas vocation à être hébergés dans le dispositif national d’accueil. Ainsi, une fraction des demandeurs d’asile peut préférer être hébergée par des tiers (famille, amis, etc.). En revanche, il est certain qu’aujourd’hui, les capacités d’accueil du dispositif national d’accueil ne permettent pas de satisfaire la demande, ce qui conduit certains d’entre eux à être accueillis dans le dispositif d’hébergement d’urgence de droit commun (relevant du programme 177) ou à ne pas trouver de solution d’hébergement. Pour ces motifs, les rapporteurs spéciaux soutiennent l’accroissement de la capacité du dispositif national d’accueil pour limiter le basculement de certains demandeurs d’asile vers les structures d’hébergement d’urgence de droit commun et prévenir la constitution ou la reconstitution de campements de fortune à Paris ou dans d’autres villes (comme cela fut le cas en 2018 à Nantes ou à Metz).
Par ailleurs, les rapporteurs notent avec satisfaction qu’une politique expérimentale de conventionnement pluriannuel avec des structures d’hébergement est engagée. En 2019, des contrats seront ainsi conclus sur deux ans avec des centres d’hébergement d’urgence-migrant (CHUM) situés en Île-de-France et sur trois ans avec des centres d’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile (HUDA) situés en Centre Val de Loire et dans le Grand Est. Les rapporteurs se félicitent de cette initiative qui répond à une de leurs préconisations formulée lors du premier Printemps de l’évaluation en juin 2018. L’efficacité de ces différentes mesures demeure cependant corrélée à l’évolution de la demande d’asile. Si, comme le ministère de l’intérieur l’anticipe, celle-ci se stabilise en 2019, la situation en matière d’hébergement est susceptible de s’améliorer. Si celle-ci ne se stabilise pas, des difficultés importantes persisteront ou s’accroîtront (cf. une fiche sur ce thème en fin de rapport).
2. L’action n° 3 Lutte contre l’immigration irrégulière : des crédits en forte hausse
L’action n° 3, d’un montant de 137,01 millions d’euros en CP et 154,11 millions d’euros en AE, sert au financement des missions conduites en matière de lutte contre l’immigration irrégulière. Ces crédits concernent ainsi le maintien en zone d’attente, de rétention et d’éloignement ; l’accompagnement social, juridique et sanitaire des personnes placées en rétention ou assignées à résidence ; ainsi que les mesures d’éloignement stricto sensu. Ce poste budgétaire est en progression importante par rapport à la LFI 2018 (+ 65,83 % en CP et en + 86,49 % en AE), ce qui dénote le volontarisme du gouvernement et traduit les effets attendus de la loi du 10 septembre 2018 précitée.
a. Les locaux de rétention administrative : des crédits fortement accrus, notamment en investissement
Le parc des locaux de rétention administrative est composé de 25 centres de rétention administrative (21 en métropole et 4 outre-mer), de quatre locaux de rétention administrative dépendant de la préfecture de police de Paris et de la zone d’attente des personnes en instance située à Roissy.
La capacité d’accueil des 25 CRA s’établit, au 30 juin 2008, à 1 791 places (1 564 en métropole et 227 outre-mer). Le PLF pour 2019 prévoit des crédits pour le fonctionnement de ces locaux (35,56 millions d’euros), la prise en charge sanitaire des personnes accueillies (16,32 millions d’euros) et leur accompagnement social, humanitaire et juridique (8,10 millions d’euros). Le PLF comporte également des crédits élevés d’investissement immobilier (39,20 millions d’euros en CP et 56,30 millions d’euros en AE contre 5,10 millions d’euros en AE et 5,30 millions d’euros en CP en LFI 2018) destinés à financer la rénovation des bâtiments actuels et la construction de nouveaux locaux en vue de l’aménagement de plus de 450 nouvelles places de rétention, essentiellement à destination d’hommes isolés. D’ici l’été 2020, 481 places supplémentaires devraient être aménagées soit une hausse de 35 % par rapport à la capacité immobilière disponible constatée fin 2017.
La création de ces places résulte de la croissance attendue du nombre de personnes retenues en raison des prochains effets de la loi du 10 septembre 2018 précitée dont l’article 29 relève de 45 à 90 jours la durée maximale de rétention.
b. Les frais d’éloignement des étrangers en situation irrégulière : des crédits stables à l’appui d’une politique volontariste
Les crédits inscrits au titre des frais d’éloignement des étrangers en situation irrégulière s’établissent à 30,90 millions d’euros, soit un niveau en progression de 2,73 % par rapport à la LFI 2018 (30,08 millions d’euros).
Ces crédits financent l’organisation des procédures d’éloignement par voie aérienne et maritime et consistent en des frais de billetterie (en avion de ligne commerciale, train ou bateau) et des frais de fonctionnement des moyens de transport placés sous l’autorité du ministère de l’intérieur (un aéronef de type Beechcraft et un aéronef Dash) ([19]).
En termes statistiques, en 2017, les différents motifs d’éloignement ont représenté 27 373 sorties du territoire en nette progression par rapport à 2016 (+ 10,5 %).
Précision terminologique :
Les sorties de France d’étrangers en situation irrégulière (ESI) pouvant être comptabilisées sont de deux types :
=> Les ESI quittant la France avec une mesure d’éloignement ;
=> Les ESI quittant la France sans mesure d’éloignement.
Les sorties d’ESI ayant une mesure d’éloignement sont dénommées « retours » lorsqu’elles concernent des ressortissants de pays tiers et « renvois » lorsqu’elles concernent des ressortissants de pays de l’Union européenne
Les retours, comme les renvois, peuvent être :
– forcés, lorsque le retour donne lieu à une mise à exécution par les services de police, soit à destination d’un pays de l’UE (réadmissions ou remises Dublin), soit à destination du pays d’origine ou d’un autre pays tiers ;
– aidés lorsque les intéressés bénéficient d’une aide au retour,
– spontanés, lorsque les intéressés quittent notre territoire sans aide publique ni coercition.
Source : ministère de l’Intérieur
Le graphique suivant rend compte de l’évolution des éloignements et départs volontaires de métropole enregistrés entre 2009 et 2017, selon leur nature (forcés, aidés ou spontanés).
Éloignement des étrangers en situation irrégulière entre 2010 et 2017
Source : DGEF – DCPAF (réponse au questionnaire budgétaire).
La progression des différents types d’éloignement, et notamment celle des éloignements forcés (14 859, + 14,7 % par rapport à 2016) et des départs aidés (4 856, + 40 % par rapport à 2016 ([20])), traduit l’engagement, à tous les niveaux, des services de l’État dans ce domaine.
Ce résultat favorable a notamment été rendu possible par l’accroissement important du nombre de laissez-passer consulaires délivrés par les autorités étrangères à la suite de l’action résolue du ministère de l’intérieur. Si un étranger en situation irrégulière ne possède pas de titre d’identité, son éloignement suppose que le pays d’origine présumé le reconnaisse et lui délivre un laissez-passer consulaire. La délivrance de ces documents dans les délais utiles à l’éloignement a crû de 24 % au premier semestre 2018 par rapport au premier trimestre 2017 ([21]). Les rapporteurs saluent également la nomination par le Gouvernement d’un ambassadeur chargé des migrations ayant pour mission de contribuer à la lutte contre l’immigration irrégulière en lien avec les pays d’origine et de transit. Six pays prioritaires (Maroc, Tunisie, Sénégal, Guinée, Côte d’Ivoire, Mali) ont été identifiés et des discussions sont en cours pour améliorer l’effectivité des retours.
Par ailleurs, en complément des crédits prévus au titre des frais d’éloignement des étrangers en situation irrégulière, le PLF finance, à hauteur de 6,80 millions d’euros, des dispositifs de préparation au retour à destination des demandeurs d’asile déboutés. Ces montants sont proches de ceux figurant dans la LFI 2018 (6 millions d’euros en CP) qui avait sensiblement accru leur proportion par rapport à la LFI 2017 (1,7 million d’euros en CP). Les rapporteurs soulignent l’intérêt de ces centres de préparation dans lesquels des personnes désireuses de retourner dans leur pays d’origine bénéficient d’un hébergement et d’un accompagnement. Au 15 juin 2018, treize centres, totalisant une capacité d’accueil de 789 places, sont disponibles et, en 2017, le taux d’éloignement (volontaire, aidé ou forcé) des personnes accueillies dans ces centres fut supérieur à 80 %. Enfin, la lutte contre l’immigration irrégulière emprunte d’autres voies comme le combat contre les filières d’immigration clandestine ou la lutte contre la fraude documentaire. En 2017, 303 filières d’immigration irrégulière ont été démantelées (+ 6 % par rapport à 2016).
En matière de lutte contre l’immigration irrégulière, les services de l’État disposent d’une palette élargie d’instruments et l’action n° 3 participe à cette action. Les résultats obtenus méritent d’être salués même si la proportion des mesures exécutées par rapport aux mesures prononcées doit encore être améliorée (26 783 mesures exécutées en 2017 sur 103 940 mesures prononcées, soit 25,78 %). L’accroissement des crédits inscrits au PLF, la mise en application de la loi n° 2018-187 du 20 mars 2018 permettant une bonne application du régime d’asile européen et la prochaine entrée en vigueur de la loi du 10 septembre 2018 précitée pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie laissent espérer une nouvelle amélioration de ces résultats en 2019.
3. Les actions n° 4 Soutien et n° 1 Circulation des étrangers et politique des visas : des crédits stabilisés
L’action 4 Soutien regroupe une partie des moyens nécessaires au fonctionnement de la Direction générale des étrangers en France, à savoir des dépenses de pilotage des programmes de la mission ainsi que des dépenses de maintien en condition opérationnelle ou de modernisation des systèmes d’information utilisés en matière de visa, d’asile, de séjour, d’éloignement, d’acquisition de la nationalité française et de contrôle aux frontières. Les autres dépenses de fonctionnement de cette direction relèvent du programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur de la mission Administration générale et territoriale de l’État.
Les crédits inscrits au PLF (30,09 millions d’euros) au titre de l’action n° 4 sont en léger retrait par rapport à l’exercice précédent (33 millions d’euros).
Enfin, les crédits de l’action n° 1 Circulation des étrangers et politique des visas sont d’un montant modeste (0,52 million d’euros) et inchangé par rapport à la LFI 2018. Cette dotation sert au financement de dispositifs visant à simplifier les procédures de délivrance des visas aux étrangers de bonne foi tout en maintenant un contrôle approprié sur les garanties apportées en matière migratoire et sécuritaire. L’exécution de cette action est associée au déroulement de l’action n° 4 en vue d’assurer le bon déroulement du projet France – Visa conduit en coordination avec le ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Cette opération vise à rénover le système d’information intégré permettant de dématérialiser le processus d’instruction des demandes de visa adressées à la France. Cette question est importante puisque la France, constitue le premier État Schengen en termes de délivrance de visa de court séjour (3,6 m de visas délivrés en 2017 contre 2,04 m pour le deuxième pays européen [l’Allemagne]).
B. programme 104 : le changement d’Échelle de la politique d’intÉgration
Les crédits du programme 104 s’établissent à 413,60 millions d’euros, en progression très sensible (+ 46,9 %) par rapport à la LFI 2018, ce qui témoigne d’un véritable changement d’échelle de la politique d’intégration.
Le tableau suivant précise les crédits accordés à ces différentes actions et leur évolution par rapport à la LFI 2018 :
Ventilation des crédits du programme 104 par actions
(en millions d’euros)
|
PLF pour 2019 |
Évolution depuis LFI 2018 |
||
AE |
CP |
AE |
CP |
|
104 Intégration et accès à la nationalité française |
413,60 |
413,66 |
282,63 |
282,59 |
11 Accueil des étrangers primo-arrivants |
255,19 |
255,19 |
+ 33,3 % |
+ 33,3 % |
12 Accompagnement des étrangers en situation régulière |
49,73 |
49,73 |
+ 29,4 % |
+ 29,4 % |
14 Accès à la nationalité française |
0,98 |
1,04 |
– 8,41 % |
+ 0,97 % |
15 Accompagnement des réfugiés |
99,16 |
99,16 |
+ 129,75 % |
+ 129,75 % |
16 Accompagnement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants |
8,54 |
8,54 |
+ 0 % |
+ 0 % |
Source : projet annuel de performances 2019.
1. Une immigration légale en légère progression
En 2017, selon les données provisoires du ministère de l’intérieur, 242 665 ressortissants de pays tiers à l’Union européenne ont obtenu un premier titre de séjour en France, soit une progression de 5,3 % par rapport à 2016 (+ 12 312 personnes). À titre de comparaison, 207 476 titres de cette nature furent délivrés il y a quinze ans (2002), 211 884 il y a dix ans (2007) et 193 120 il y a cinq ans (2012).
L’immigration légale est divisée en cinq catégories dont une comprend les bénéficiaires d’une protection internationale. Ainsi, les individus s’étant vus accorder le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire sont inclus dans ces données et ne doivent pas être ajoutés à ce chiffre. En revanche, les demandeurs d’asile dont le dossier est en cours d’instruction ne sont pas compris dans ces données.
Les flux migratoires observés en 2017 se caractérisent par la stabilisation de l’immigration familiale, la poursuite de la progression de l’immigration « étudiante » et l’accroissement continu de l’immigration « humanitaire » (incluant les réfugiés).
En 2017, l’immigration familiale représente le premier motif d’attribution d’un titre de séjour : 87 109 personnes en ont bénéficié, soit un peu plus d’un tiers (35,89 %) de l’immigration légale totale. Le nombre de titres de séjour accordés sur cette base est inférieur à la moyenne des cinq dernières années (90 489).
Les admissions au séjour pour les étudiants constituent le deuxième motif d’immigration légale. Ce motif d’accueil poursuit sa croissance confirmant l’attractivité de l’enseignement supérieur de notre pays : 78 478 personnes ont bénéficié d’un titre de séjour pour ce motif en 2017 contre 58 857 en 2012 et 54 569 en 2003.
L’immigration pour motif humanitaire (35 604) représente le troisième motif d’immigration régulière. Elle donne lieu à la délivrance de titres de séjour aux réfugiés, apatrides, bénéficiaires de la protection subsidiaire et aux étrangers malades, victimes de la traite des êtres humains ou victimes de violences conjugales. Le recul des titres de séjour accordé aux étrangers malades doit être souligné (4 187 titres de séjour contre 6 850 en 2016) même si, comme le rappelle le rapport au Parlement Procédure d’admission au séjour pour soins (année 2017) établi par l’OFII, la procédure « étrangers malades » est « sans équivalent en Europe » : « à ce jour, la Belgique est le seul pays à s’être dotée d’un dispositif ressemblant à celui existant France, sans faire de l’état de santé un motif de délivrance de plein droit d’un titre de séjour » ([22]).
L’immigration économique constitue le quatrième motif d’immigration légale et rassemble les titres de séjour accordés à des salariés, des saisonniers, des artistes, des scientifiques ou des actifs non-salariés. En 2017, 27 209 titres de séjour ont été accordés sur cette base soient une nette augmentation (+ 18,4 %) par rapport à l’exercice précédent. Au sein de cet ensemble, 6 847 « passeports talents » ‑ destinés à favoriser des mobilités de l’excellence, de la connaissance et du savoir ‑ ont été délivrés comme premiers titres de séjour. La catégorie « divers » constitue le dernier motif statistique d’immigration légale et réunit notamment des étrangers rentrés mineurs, des anciens combattants et des retraités ou pensionnés.
Le tableau suivant présente l’évolution des principaux motifs d’immigration légale depuis 2012 :
Motif d’admission |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 provisoire |
Économique |
16 013 |
17 800 |
19 054 |
20 628 |
22 982 |
27 209 |
Familial |
87 170 |
93 714 |
92 326 |
90 113 |
89 124 |
87 109 |
Étudiants |
58 857 |
62 815 |
64 996 |
70 023 |
73 644 |
78 478 |
Divers |
12 624 |
13 148 |
13 742 |
13 866 |
14 741 |
14 265 |
Humanitaire |
18 456 |
17 916 |
20 822 |
22 903 |
29 862 |
35 604 |
Total |
193 120 |
205 393 |
210 940 |
217 533 |
230 353 |
242 665 |
Source : ministère de l’intérieur, L’essentiel de l’immigration, publication du 12 juin 2018.
En 2017, tous motifs confondus, les principales nationalités bénéficiaires de l’immigration légale furent les Algériens, les Marocains, les Tunisiens et les Chinois.
Au niveau européen, en 2016, la France s’est située au quatrième rang des pays européens délivrant des premiers titres de séjour à des ressortissants de pays tiers à l’Union européenne derrière le Royaume-Uni (865 894), la Pologne (585 969) et l’Allemagne (504 849)([23]). En 2016, le nombre de premiers titres de séjour délivrés à des ressortissants de pays tiers à l’Union européenne représentait 0,36 % de la population en France contre 1,54 % en Pologne, 1,32 % au Royaume-Uni et 0,61 % en Allemagne.
2. La forte progression des moyens accordés à l’Office français de l’immigration et de l’intégration et à l’accompagnement des réfugiés
Un crédit de 255,19 millions d’euros (dont une subvention pour charges de service public de 241,69 millions d’euros), sert au financement de l’OFII. Ce montant est en forte progression par rapport à la LFI 2018 (191,43 millions d’euros dont 180,93 millions d’euros de subvention pour charges de service public). La subvention pour charges de service public croît ainsi de 33,58 % et la création de 95 postes est proposée pour porter le plafond d’emplois de l’OFII à 1 179 ETPT.
a. L’OFII : des missions confortées, une responsabilité essentielle dans la rénovation du contrat d’intégration républicaine et une problématique persistante d’instabilité des effectifs
Les missions de l’OFII visent les demandeurs d’asile et les immigrants légaux ou illégaux. Cet opérateur pilote, au sein des guichets uniques de demandes d’asile (GUDA) ([24]), le premier accueil administratif des demandeurs d’asile en coopération avec les structures de premier accueil pour demandeurs d’asile (SPADA), gère le dispositif national d’hébergement, et verse et contrôle l’allocation pour demandeurs d’asile. Par ailleurs, l’OFII instruit les procédures de l’immigration régulière aux côtés ou pour le compte des préfectures et des postes diplomatiques et consulaires, supervise le contrat d’intégration républicaine, intervient dans la lutte contre l’immigration irrégulière (par le biais de médiateurs sociaux dans les centres de rétention administrative), et participe à l’aide au retour et à la réinsertion dans leur pays d’origine d’étrangers en situation irrégulière. La loi du 10 septembre 2018 précitée a complété ces compétences en confiant à l’OFII la charge de proposer l’aide au retour dans les centres de rétention administrative.
Ces différentes missions sont confortées par le PLF 2019 qui prévoit la création de 95 EPTP au bénéfice de l’OFII. Ces nouveaux emplois seront destinés à deux types de missions. En premier lieu, 25 ETPT serviront au développement des équipes mobiles intervenant dans les centres d’accueil et d’examen des situations et à l’approfondissement du contrôle de l’ADA. En second lieu, 70 ETPT seront affectés au renforcement des missions visant à l’intégration des primo arrivants. Ces nouveaux postes participeront à la rénovation du contrat d’intégration républicaine (CIR) décidée par le Comité interministériel à l’intégration du 5 juin 2018 sur la base de certaines des préconisations formulées par notre collègue Aurélien Taché dans son rapport Pour une politique ambitieuse intégration des étrangers arrivant en France remis le 19 février 2018 (cf. infra).
Créé par l’article premier de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France et modifié par l’article 48 de la loi du 10 septembre 2018 précitée, le CIR est destiné à « l’étranger admis pour la première fois au séjour en France ou qui entre régulièrement en France entre l’âge de seize ans et l’âge de dix-huit ans révolus et qui souhaite s’y maintenir durablement ». Ce contrat matérialise son engagement « dans un parcours personnalisé d’intégration républicaine visant à favoriser son autonomie et son insertion dans la société française ([25]) » (article L 311-9 du Ceseda).
Le CIR est destiné à l’ensemble des immigrants et pas seulement aux réfugiés. En 2017, 103 184 CIR ont été conclus par des immigrants familiaux (60 924), des réfugiés (27 754), des immigrants pour motifs économiques (8 574) et d’autres immigrants (5 932).
Le Comité interministériel à l’intégration du 5 juin 2018 a décidé de doubler le volume de la formation civique obligatoire (pour le porter à 24 heures), de doubler le volume des formations linguistiques (pour les porter à 100, 200 et 400 heures) et de créer un module de formation spécifique de 600 heures à destination des étrangers ne sachant ni lire ni écrire. Par ailleurs, le CIR comprendra une nouvelle dimension d’orientation et d’accompagnement professionnels sous la forme d’un bilan de fin de contrat centré sur l’emploi et l’orientation. Ces différentes mesures entreront en vigueur début 2019. Un crédit de 41,50 millions d’euros est inscrit dans le PLF au titre de la rénovation de ce contrat. Le suivi du respect de ces mesures se fera au moyen de l’indicateur Efficience de la formation linguistique figurant dans le projet annuel de performances joint au PLF. En 2018, l’objectif était que 65 % des bénéficiaires du CIR atteignent le niveau linguistique A1 du Cadre européen commun de référence pour les langues ([26]). En 2019, cet objectif est relevé à 70 % et la cible est portée à 75 % en 2020.
L’accroissement des moyens confiés à l’OFII vise à assurer la réussite du plan d’action décidé par le Comité interministériel à l’intégration du 5 juin 2018. Les rapporteurs se félicitent de ces décisions faisant écho à leur appel, exprimé lors de l’examen du PLF 2018, à « refonder la politique d’intégration ». Ces décisions, sur lesquelles ils reviendront dans la deuxième partie de ce rapport, méritent d’autant plus d’être saluées qu’elles interviennent dans un contexte budgétaire contraint.
Pour assurer le respect de ses différentes obligations, l’OFII devra être attentif au respect des délais de passation de certains marchés publics pour assurer une consommation satisfaisante des crédits. L’OFII devra également gérer ces nouveaux recrutements et s’attacher à poursuivre le développement des retours volontaires des étrangers en situation irrégulière en contrepartie du versement d’une aide au retour ou d’une aide à la réinsertion par l’emploi ou par la création d’entreprise dans le pays d’origine. En 2017, l’aide au retour volontaire a concerné 7 114 bénéficiaires (contre 4 774 personnes en 2016) et l’aide à la réinsertion 1 802 personnes (contre 1 152 personnes en 2016) ([27]). En 2018, l’OFII estime que le nombre d’aides versées devrait s’approcher des 11 000. Le PLF soutient ce développement en prévoyant un crédit de 13,50 millions d’euros au titre du versement de ces aides financières. Les rapporteurs soutiennent cette évolution constituant un mode alternatif d’éloignement des personnes en situation irrégulière.
Le PLF confirme par ailleurs la croissance des effectifs de l’OFII observée ces dernières années. En l’espace de huit ans, les effectifs de cet opérateur ont crû de 43,8 % en raison notamment de la part prise par cet établissement dans le premier accueil des demandeurs d’asile et de l’élargissement du périmètre de ses missions.
Évolution du plafond d’ETPT de l’OFII – LFI 2012 – PLF 2019
Source : Projets annuels de performances joints aux projets de loi de finances 2013, 2014, 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019.
La progression des effectifs de l’OFII masque néanmoins des difficultés importantes en termes de ressources humaines depuis que l’article 34 de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile a supprimé la possibilité pour l’Office français de l’immigration et de l’intégration de recruter des agents non titulaires par contrat de travail à durée indéterminée. Dans leur rapport sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2017, les rapporteurs s’étaient inquiétés du taux de rotation élevé des effectifs de cet opérateur et plus particulièrement du fort turn-over observé parmi les personnels en contrat à durée déterminée dont le nombre représente aujourd’hui 37 % des effectifs de l’opérateur (401 ETPT). La part des personnels contractuels démissionnaires est ainsi passée de 8 % en 2015 à 20 % en 2017 et le taux global de rotation des effectifs s’établit, d’après les éléments fournis par la DGEF, à 28 % en 2016 (les données 2017 n’étant pas encore disponibles)([28]). Cette situation concerne plus particulièrement les personnels en contact direct avec les demandeurs d’asile puisque, selon les éléments transmis par le directeur général de l’OFII lors de son audition, entre 62,50 % et 64 % des agents de l’OFII en contact avec les demandeurs d’asile (auditeurs asile, chargés de suivi CAO ou chargés d’opérations) sont employés sous contrat à durée déterminée.
Autrement dit, si les effectifs de l’OFII croissent, une partie importante des personnels travaillant dans cet établissement ne restent pas en fonction sur des durées importantes. Cette instabilité des effectifs a plusieurs conséquences négatives. En premier lieu, elle ne favorise pas la bonne mise en œuvre des politiques publiques. En deuxième lieu, l’OFII consacre un temps excessif au recrutement et à la formation répétée de nouveaux agents. Enfin, au terme de leur contrat, les personnels contractuels reçoivent une Allocation chômage d’aide au retour à l’emploi (ARE) dont le niveau croît de manière prononcée. En 2018, l’OFII devrait ainsi verser 1,20 million d’euros au titre de cette ARE, soit un montant près de cinq fois supérieur à celui versé en 2016 :
Évolution du coût des ARE versées par l’OFII (hors frais de gestion) 2014 – 2018
(en millions d’euros)
|
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 (janv.-oct.) |
Coût des ARE |
0,27 |
0,29 |
0,25 |
0,66 |
1,08 |
Source : OFII.
D’après les éléments transmis par le ministère de l’intérieur, la situation particulière de l’OFII en matière de ressources humaines s’expliquerait par les conditions de recours aux personnels contractuels qui ne permettent pas des recrutements de plus de six ou douze mois sur une période de douze mois ou dix-huit mois consécutifs.
Cette durée de contrat limitée conjuguée à la difficulté du métier explique que de nombreux personnels contractuels démissionnent de leur emploi avant le terme de leur engagement. Les rapporteurs spéciaux s’inquiètent de nouveau de ces difficultés persistantes et invitent le Gouvernement à envisager une adaptation des conditions de recrutement. À ce titre, ils approuvent l’ouverture d’une réflexion entre la DGEF et la Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP), seront vigilants sur son aboutissement et n’excluent pas une initiative législative dans l’hypothèse où la situation n’évoluerait pas favorablement.
b. L’action n° 15 Accompagnement des réfugiés : des moyens accrus
Un montant de 99,16 millions d’euros va servir au financement d’actions d’hébergement et d’accompagnement en faveur des réfugiés et des bénéficiaires de la protection internationale. Les crédits proposés sont en très forte progression (+ 129,75 %) par rapport à la LFI 2018.
Une première dotation, d’un montant de 67,85 millions d’euros soutient les centres provisoires d’hébergement des réfugiés (CPH). Ces structures, qui prennent la forme de centres d’hébergement et de réinsertion sociale spécialisée (CHRS) accueillent, pendant une durée de neuf mois, des réfugiés présentant des vulnérabilités particulières. Leur financement relève des services déconcentrés de l’État et non de l’OFII. À la fin de l’année 2018, 89 CPH devraient être en fonction et proposer 5 207 places d’accueil contre 2 207 places en 2017. L’accroissement de ces crédits vise à porter, à la fin de l’année 2019, cette capacité d’accueil à 8 707 places (+ 3 500 places) par la création de 2 000 places supplémentaires et par la transformation de 1 500 places de CHUM en places de CPH en Île-de-France.
Cet effort budgétaire important est complémentaire de celui figurant à l’action Garantie du droit d’asile du programme 303. Les rapporteurs observent cependant que la dispersion du financement des outils d’hébergement ne facilite pas leur compréhension. Les rapporteurs notent également qu’un élargissement des missions des CPH figurait dans la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie adoptée par le Parlement. Ce texte envisageait expressément la participation de ces structures aux actions d’intégration des réfugiés mais le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018, a censuré cette disposition en considérant qu’elle constituait un « cavalier législatif ». Les rapporteurs souhaitent que cette disposition soit reprise dans un prochain texte législatif.
Une seconde dotation, d’un montant de 31,36 millions d’euros, sert au financement d’actions d’accompagnement en faveur des réfugiés. Au sein de cet ensemble composite géré par le secteur associatif, les rapporteurs soulignent le développement des programmes à visée professionnelle HOPE et ACCELAIR. Le programme HOPE (hébergement, orientation et parcours vers l’emploi) se caractérise par un accompagnement d’ensemble de ses bénéficiaires. Les intéressés suivent un parcours d’intégration de huit mois incluant un hébergement, des cours de langue, la découverte de métiers, et un accompagnement social et professionnel. Cette initiative bénéficie du soutien de trois ministères, de l’AFPA (Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes) et de sept OPCA (organismes paritaires collecteurs agréés). Le PLF prévoit un crédit de 3,15 millions d’euros au titre de la participation de l’État au financement de 1 000 parcours d’insertion de type HOPE. Les rapporteurs saluent l’engagement d’acteurs professionnels et privés au titre de l’insertion professionnelle des réfugiés. Les fonds publics servent d’ici « d’effet de levier économique » et soutiennent utilement des initiatives venant du monde de l’entreprise. Le PLF conforte également, à hauteur de 2 millions d’euros, le programme ACCELAIR qui constitue une autre forme d’accompagnement social et professionnel. Six nouvelles régions devraient pouvoir proposer ce dispositif.
Une partie importante de ces mesures seront gérées par les services déconcentrés de l’État. Cette territorialisation accrue des politiques publiques d’intégration permettra de donner une plus grande marge de manœuvre financière aux acteurs locaux, ce dont les rapporteurs se félicitent.
3. La poursuite des autres actions d’accompagnement
a. L’action n° 12 Accompagnement des étrangers en situation régulière : le développement de prestations linguistiques complémentaires à celles du CIR
Un montant de 49,73 millions d’euros sera consacré au financement d’actions d’accompagnement au bénéfice d’étrangers en situation régulière. Ces crédits sont en forte progression (+ 29,4 %) par rapport à la LFI 2018. Les actions conduites concernent essentiellement l’apprentissage de la langue française, l’accès aux droits, l’insertion professionnelle et, parfois, des activités culturelles. En matière linguistique, les initiatives soutenues viennent en complément des actions engagées dans le cadre du CIR. L’étranger bénéficiaire peut ainsi suivre un parcours complémentaire de formation destiné à lui permettre d’atteindre le niveau de connaissance A2 en français (qui, depuis 2018, constitue une des conditions de délivrance de la carte de résident). Les formations proposées permettent également aux intéressés de viser le niveau linguistique B1 dont le respect est requis pour toute demande d’acquisition de la nationalité française ([29]).
b. L’action n° 16 Accompagnement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants : la poursuite du plan engagé en 1997
Un montant de 8,54 millions d’euros sert au financement du plan de transformation des foyers de travailleurs migrants en résidence sociale afin d’améliorer les conditions d’hébergement de leurs 90 000 occupants (dont une part croissante de résidents âgés). Les crédits affectés à cette mission sont stables par rapport à la LFI 2018.
Engagé en 1997, ce plan est piloté par une commission interministérielle pour le logement des populations immigrées. Depuis son engagement, 437 foyers (sur 687) ont été rénovés pour un montant proche de 2 milliards d’euros. D’autres foyers (87) ont été vendus ou ont changé de fonction et 163 foyers restent à transformer. L’action numéro 16 ne finance pas directement ces travaux mais apporte une aide aux gestionnaires pour la prise en charge des surcoûts liés aux travaux (baisse des loyers perçus, vacance des logements, relogement provisoire des résidents), pour un soutien à l’ingénierie sociale et pour l’équipement de certains logements en mobilier adapté aux personnes âgées de plus de 60 ans.
En complément, cette action finance également le versement d’une Aide transitoire au logement (ATL) au bénéfice des résidents les plus défavorisés ne percevant pas l’Aide personnalisée au logement (APL) ([30]).
c. L’action n° 14 Accès à la nationalité française : des crédits stabilisés
Un montant de 0,99 million d’euros sert au financement du fonctionnement de la sous-direction de l’accès à la nationalité française du ministère de l’intérieur. Ce crédit est légèrement inférieur à celui figurant en LFI 2018. Les actions de naturalisation concernent les étrangers désireux d’acquérir la nationalité française. Cette procédure se fait par décret (pour les naturalisations et les réintégrations dans la nationalité) ou par déclaration (au titre du mariage avec un conjoint français, au titre d’ascendant de français ou au titre de frères et sœurs de français) après un examen administratif rigoureux de chaque situation individuelle. En 2017, 114 272 personnes sont devenues françaises par une de ces voies ([31]). L’acquisition de la nationalité française n’a donc rien d’automatique.
Le suivi de ces procédures dépend de la sous-direction de l’accès à la nationalité française du ministère de l’intérieur (naturalisation par décret ou déclaration) et, depuis 2015, de 42 plateformes départementales ou interdépartementales. La mise en œuvre de la réforme engagée en 2015 et le renforcement des enquêtes de sécurité expliquent le ralentissement du traitement des demandes ainsi que la constitution d’un stock important de dossiers (51 405 dossiers en stock au 31 décembre 2015) qui est cependant en voie de résorption progressive (47 158 dossiers en stock au 31 décembre 2017). Ces réformes ont permis d’harmoniser les pratiques et de renforcer les contrôles. Le ministère de l’intérieur projette désormais d’engager une expérience de dématérialisation des procédures de naturalisation. Un dispositif pilote sera déployé à ce titre dans le courant du premier semestre 2019 dans les plates-formes des Pays de Loire (Loire-Atlantique et Maine-et-Loire) et des Hauts-de-Seine.
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L’évolution des crédits du programme 104 marque un changement d’échelle de la politique d’intégration ainsi que sa territorialisation croissante. Les rapporteurs se félicitent de cette évolution, qu’ils avaient appelée de leurs vœux. La bonne exécution de ces crédits constitue un enjeu important pour le succès des politiques publiques engagées. Les rapporteurs spéciaux seront attentifs sur ce point et souhaitent également que le programme 104 ne serve pas de variable d’ajustement dans l’hypothèse où les crédits demandés au titre du programme 303 ne suffiraient pas à financer les besoins rencontrés en 2019.
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Fiches de suivi du plan d’action pour « Garantir le droit d’asile et mieux maîtriser les flux migratoires »
Les rapporteurs spéciaux ont choisi, comme en 2018, d’effectuer sur le suivi de la mise en œuvre de trois composantes du plan d’action pour « Garantir le droit d’asile et mieux maîtriser les flux migratoires » présenté par le Gouvernement le 12 juillet 2017 : l’amélioration des délais de traitement des demandes d’asile, l’amélioration des conditions d’accueil des demandeurs d’asile et l’affirmation d’une nouvelle ambition en matière d’intégration.
Fiche n° 1 – Le point sur Les dÉlais de traitement des demandes d’asile
La volonté d’améliorer les délais de traitement des demandes d’asile vise à réduire le délai d’instruction des dossiers pour assurer une information plus rapide des demandeurs d’asile et réduire le coût de leur prise en charge. Les rapporteurs spéciaux ont fait part de leur vigilance sur ce sujet lors de l’examen du projet de finances pour 2018 et la Cour des comptes a régulièrement attiré l’attention des pouvoirs publics sur ce sujet.
En ce domaine, le Gouvernement a fixé des objectifs ambitieux à l’OFPRA et à la CNDA dans son plan d’action pour « Garantir le droit d’asile et mieux maîtriser les flux migratoires » en déterminant, à moyen terme, un délai global de six mois pour le traitement des demandes d’asile (deux mois pour l’OFPRA et quatre mois pour la CNDA). Cet objectif est plus ambitieux que celui déterminé en juin 2015 par le précédent Gouvernement dont le plan assignait à l’OFPRA et la CNDA un objectif de traitement des demandes d’asile dans un délai de neuf mois.
A. Les dÉlais de traitement observés en 2017 et CEux attendus en 2018
En 2017 et 2018, l’OFPRA et la CNDA se sont rapprochés de l’objectif assigné mais ne l’ont pas encore atteint.
S’agissant de l’OFPRA, le délai d’instruction des demandes d’asile observé en 2017 s’est établi, selon le PAP, à 185 jours et devrait atteindre 115 jours en 2018.
S’agissant de la CNDA, le délai moyen de jugement constaté en 2017 s’est établi, selon le rapport d’activité de cette juridiction, à cinq mois et six jours (156 jours) en 2017 contre six mois et 26 jours en 2016 (206 jours). L’estimation du délai moyen de jugement pour 2018 n’est pas encore connue mais celle-ci devrait être en augmentation par rapport à 2017 en raison des effets conjugués de deux mouvements sociaux ([32]), de l’arrivée tardive des renforts obtenus par la CNDA en LFI 2018 (28 rapporteurs) et de la croissance attendue du nombre de recours déposés auprès de la CNDA (+ 34 % en 2017 et + 20 % attendus en 2018).
En 2017, l’addition des délais moyens d’instruction des demandes d’asile « OFPRA + CNDA » s’établit à 341 jours soit 11 mois et demi ([33]), niveau encore relativement éloigné de l’objectif de 180 jours fixé par le plan d’action du 12 juillet 2017. En 2018, le résultat attendu de l’addition des délais moyens d’instruction « OFPRA + CNDA » devrait, pour les raisons précitées, être moins satisfaisant.
En dépit des progrès enregistrés, les délais actuels demeurent donc à première vue relativement éloignés de l’objectif assigné par le plan d’action « Garantir le droit d’asile et mieux maîtriser les flux migratoires ». Cependant, les rapporteurs spéciaux considèrent que plusieurs facteurs permettent d’espérer une amélioration sensible de ce délai de traitement en 2019.
● En premier lieu, la réduction importante du nombre de dossiers en stock auprès de l’OFPRA devrait améliorer l’indicateur de délai moyen de traitement. À la fin de l’année 2017, la part des dossiers de plus d’un an en attente de traitement à l’OFPRA s’établissait à 4,8 % de l’ensemble des demandes d’asile en instance de traitement contre 8,8 % un an plus tôt et 24,5 % en février 2015. De plus en plus, l’OFPRA gère des flux et non des stocks de dossiers. Le traitement des demandes les plus anciennes aura mécaniquement pour effet de réduire le délai moyen d’instruction.
● En second lieu, les moyens supplémentaires accordés à la CNDA dans le PLF 2019 (+ 127 postes) devraient permettre à cette juridiction de réduire le délai moyen de jugement.
● En troisième lieu, plusieurs dispositions de la loi du 10 septembre 2018 précitée devraient contribuer à réduire les délais d’instruction. Ainsi, l’article 6 de ce texte autorise la convocation des demandeurs d’asile et la notification de certaines décisions de l’OFPRA « par tout moyen garantissant la confidentialité et la réception personnelle par le demandeur ». Les envois postaux pourront être remplacés par d’autres types (plus rapides) d’envois, ce qui, selon la DGEF, devrait permettre de gagner jusqu’à un mois sur la durée de la procédure.
● En dernier lieu, un ralentissement, une stabilisation ou une réduction des flux de la demande d’asile auront pour effet de réduire le nombre de dossiers entrants ce qui favorisera leur instruction dans des délais raisonnables. À l’inverse, la poursuite d’une augmentation soutenue de la demande d’asile pourrait compromettre la réalisation des progrès attendus.
En dépit de la possible absence d’amélioration de la durée de traitement des demandes d’asile en 2018, les rapporteurs spéciaux considèrent donc que ces délais sont susceptibles de se réduire en 2019. Par ailleurs, ils notent avec satisfaction que des progrès importants ont été accomplis dans les phases « aval » et « amont » du traitement des demandes d’asile.
B. L’amÉlioration sensible des dÉlais de traitement en amont et en aval de la procÉdure
Le parcours administratif des demandeurs d’asile doit être apprécié dans sa totalité et pas seulement durant la phase d’instruction des dossiers par l’OFPRA et, éventuellement, par la CNDA.
Les rapporteurs ont constaté d’importants progrès dans les phases situées en amont et en aval de la demande d’asile.
En amont, les délais de prise de rendez-vous dans les Structures de premier accueil pour demandeurs d’asile (SPADA) et les préfectures ont été fortement réduits. Lors de son audition, la DGEF a indiqué que le délai moyen d’enregistrement des premières demandes est passé de 18,2 jours en moyenne en 2017 à 10,3 jours sur le premier trimestre 2018, à 8,7 jours sur le second trimestre 2018 et à trois jours ouvrés entre le 1er juin le 1er août 2018.
Ces progrès notables s’expliquent tout d’abord par le renforcement des moyens humains dans les Guichets uniques de demandes d’asile (GUDA). En 2017, 208 ETPT et 570 vacataires ont été mis à disposition des GUDA présentant les délais d’enregistrement les plus importants. Un nouveau plan « 1 200 mois vacataires » a été engagé en 2018 pour renforcer les services étrangers dans les services des préfectures traitant des demandes d’asile. Le ministère de l’intérieur a également indiqué qu’« afin de garantir une baisse durable des délais, il a été décidé de pérenniser les renforts vacataires par une augmentation des ETP pérennes en GUDA en 2018. 42 ETP pérennes ont ainsi renforcé en 2018 les guichets uniques les plus exposés aux flux ».
La question de la généralisation de la plate-forme de pré-accueil En Île-de-France, ces améliorations ont également été rendues possibles par la mise en place, à l’initiative de l’OFII, d’une plate-forme multilingue de pré-accueil SPADA. En activité depuis le 2 mai 2018, cette plate-forme est dimensionnée pour recevoir 6 000 appels par jour. Un dispositif de géolocalisation permet d’écarter les demandes situées hors Île-de-France et un serveur vocal interactif permet à l’appelant de choisir sa langue de communication entre le français, l’anglais, l’arabe, l’espagnol, le tamoul, le pashto/dari (langues parlés par les Afghans) et le mandarin. Les rendez-vous pris, valant convocation dans une SPADA, sont confirmés par SMS. Cette plate-forme a permis de réduire les délais de prise de rendez-vous et a conduit à supprimer de longues files d’attente devant les SPADA. Les résultats positifs et le coût raisonnable de cette plateforme (266 000 € TTC dont 169 000 € en investissement et 97 000 euros en fonctionnement) conduisent les rapporteurs spéciaux à plaider pour sa généralisation à l’ensemble du territoire. Certes, comme le directeur général de l’OFII l’a indiqué lors de son audition, l’extension de cet outil pose certaines questions techniques et financières. D’un point de vue technique, la gestion de la prise de rendez-vous dans l’ensemble des SPADA est complexe. D’un point de financier, le coût de la généralisation est estimé aux environs de 1 million d’euros et n’a pas été budgété. Les rapporteurs spéciaux invitent cependant le ministère de l’intérieur et l’OFII à travailler sur ce sujet en vue d’envisager, courant 2019, la généralisation de cette plate-forme.
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Des progrès conséquents ont également été observés en aval de la demande d’asile dans la délivrance par l’OFPRA des documents d’état civil. En 2017, près de 600 000 documents d’État civil et certificats divers ont été établis par la division de la protection de l’OFPRA dans un délai moyen de 124 jours. Cette durée d’attribution est inférieure à celle observée en 2015 (145 jours) et 2015 (135 jours). En 2018, ce délai s’est établi à 123 jours au cours des deux premiers trimestres. Les progrès accomplis sont d’autant plus notables qu’ils ont été accomplis dans un contexte marqué par une croissance importante des demandes d’asile. Leur confirmation est attendue en 2019.
Fiche n° 2 – Le point sur l’hÉbergement des demandeurs d’asile et des rÉfugiés : des avancÉes rÉelles en dÉpit de difficultÉs persistantes
Les rapporteurs spéciaux tiennent à souligner trois avancées importantes observées, depuis l’engagement de la législature, en matière d’hébergement des demandeurs d’asile : les engagements pris en matière d’accroissement des capacités du dispositif national d’accueil sont respectés, les principes régissant cet hébergement ont été clarifiés et un financement pluriannuel expérimental de certaines structures d’hébergement sera mis en œuvre à compter de 2019.
● En premier lieu, le plan « Garantir le droit d’asile et mieux maîtriser les flux migratoires » prévoyait la création de 7 500 places d’hébergement pour les demandeurs d’asile en deux ans : cet engagement sera tenu. Lors de son audition, la DGEF a confirmé que 4 000 places (1 500 en CADA et 2 500 en HUDA) seront bien créées en 2018 conformément aux objectifs initiaux. En outre, le PLF 2019 prévoit la création de 3 500 places supplémentaires (1 000 en CADA et 2 500 en HUDA) ainsi que la transformation, en Île-de-France, de 7 800 places de centres d’hébergement pour migrants (CHUM) en places HUDA. Comme indiqué dans l’analyse des crédits, ces décisions permettront de porter, à la fin de l’année 2019, la capacité du dispositif national d’accueil à 97 100 places alors que cette capacité était de 44 207 places en 2012, 53 847 places en 2015, 80 155 places en 2017 et, selon les données publiées par l’OFII le 16 octobre 2018, de 92 929 places en septembre 2018. Les rapporteurs spéciaux saluent le respect des engagements pris.
● En deuxième lieu, une clarification utile est intervenue dans la définition des principes relatifs à la gestion du dispositif national d’accueil à la suite de la publication de deux instructions ministérielles. L’information du ministère de l’intérieur 4 décembre 2017 relative à l’évolution du parc d’hébergement des demandeurs d’asile et des réfugiés a ainsi prévu une réorganisation de ce parc autour de trois niveaux de prise en charge :
– un premier niveau de mise à l’abri des personnes non hébergées ou en attente de l’enregistrement de leur demande d’asile et d’évaluation immédiate des situations administratives en Centres d’accueil et d’examen des situations (CAES) avant une orientation vers les dispositifs adaptés ;
– un deuxième niveau d’hébergement des personnes sous procédure « Dublin » et en procédure accélérée au sein des dispositifs HUDA ;
– un troisième niveau d’accompagnement renforcé en centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) pour les demandeurs en procédure normale ; ce mode d’hébergement ayant vocation à constituer « l’hébergement de référence pour les demandeurs d’asile en procédure normale ».
Une instruction du 12 décembre 2017 des ministres de l’intérieur et de la cohésion des territoires a également fixé à 20 000 le nombre de logements devant, d’ici la fin 2018, être destinés aux bénéficiaires d’une protection internationale.
● En dernier lieu, les rapporteurs spéciaux rappellent, comme ils l’ont indiqué dans l’analyse des crédits, l’engagement d’un financement expérimental pluriannuel avec certaines structures d’hébergement. En 2019, des contrats seront ainsi conclus sur deux ans avec des centres d’hébergement d’urgence-migrant (CHUM) situés en Île-de-France et sur trois ans avec des centres d’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile (HUDA) situés en Centre Val de Loire et dans le Grand Est.
Les avancées observées sont substantielles. Les rapporteurs soulignent les efforts effectués et saluent la mobilisation des services de l’État. L’importance de ces progrès n’efface cependant pas des difficultés persistantes.
B. Des DIFFICULTÉS PERSISTANTES
Malgré les efforts engagés, la capacité du dispositif national d’accueil demeure insuffisante. Si tous les demandeurs d’asile n’ont pas vocation à être hébergés dans ce dispositif (certains peuvent l’être par des tiers), la proportion des individus aujourd’hui hébergés (50 % selon le PAP) est inférieure aux besoins. En complément, les rapporteurs spéciaux soulignent la difficile réorganisation des structures d’hébergement et regrettent les tensions existant entre l’État et le secteur associatif.
La réorganisation du dispositif national d’accueil se heurte, d’une part, aux contraintes d’une gestion dans l’urgence des demandeurs d’asile et, d’autre part, aux difficiles sorties des intéressés vers un logement de droit commun.
La gestion de l’urgence est le lot commun des gestionnaires du dispositif national d’asile ce qui rend incertain le respect des principes fixés par l’instruction du 12 décembre 2017. Ainsi, cette instruction a par exemple précisé que les CAES ont vocation « à accueillir, pour une durée brève n’excédant pas un mois, des migrants recensés qui souhaitent demander l’asile identifiés par le SIAO, par les structures de premier accueil des demandeurs d’asile (SPADA) ou lors d’opérations d’évacuation de campements, ou à défaut, d’autres demandeurs d’asile présents localement et en besoin immédiat d’hébergement ([34]) ». Pourtant, les éléments réunis par les rapporteurs spéciaux indiquent qu’au 31 juillet 2018, les personnes hébergées dans ces CAES ne répondaient pas toujours à ces critères. La population accueillie était composée à 5 % de pré-demandeurs d’asile, à 34 % de demandeurs d’asile, à 43 % de demandeurs d’asile sous procédure Dublin, à 7 % de personnes protégées, à 1 % de personnes déboutées du droit d’asile, à 8 % de personnes ayant pas engagé de procédure et à 2 % ne relevant d’aucune de ces catégories (par exemple des mineurs accompagnants). La volonté, manifestée dans l’instruction précitée, d’articuler le dispositif national d’accueil autour des CADA est également difficile à mettre en œuvre. Des intervenants associatifs ont ainsi fait observer aux rapporteurs spéciaux que les places dernièrement créées prenaient majoritairement la forme de places dans le dispositif d’urgence et non de places en CADA.
La délicate réorganisation des structures d’hébergement s’explique notamment par la difficulté à faire « sortir » les bénéficiaires de la protection internationale vers des logements de droit commun. Les objectifs de 20 000 logements ouverts, d’ici la fin 2018, aux bénéficiaires d’une protection internationale ne seront pas atteints. Cet objectif devrait, selon les régions, être satisfait entre 40 et 65 %, ce qui représenterait de 8 000 à 13 000 logements. Cette situation conduit à ce que, selon le directeur général de l’OFII, environ 13 000 personnes seraient hébergées dans le dispositif national d’accueil alors qu’elles ne devraient plus nécessairement y être.
La réorganisation du dispositif national d’accueil est donc inaboutie. Les rapporteurs spéciaux soulignent néanmoins les importants progrès accomplis et seront attentifs, en 2019, au respect des objectifs assignés. Par ailleurs, les rapporteurs spéciaux font le constat de certaines difficultés entre l’État et le secteur associatif. Des tensions sont ainsi constatées dans la gestion des hébergements, dans le paiement des concours financiers nationaux et européens, dans l’absence de revalorisation du coût à la place des structures d’hébergement ou dans l’interruption du financement de certaines prestations. Les rapporteurs spéciaux sont attentifs à ces questions et souhaitent qu’un dialogue approfondi puisse de nouveau s’instaurer entre l’État et les associations. Il est notamment important qu’une réelle concertation soit engagée dans le cadre de la préparation du décret en Conseil d’État relatif à l’« uniformisation progressive des conditions de prise en charge » dans les structures d’accueil prévue par l’article 13 de la loi du 10 septembre 2018 précitée. Ce texte, qui a vocation à déterminer des « normes minimales en matière d’accompagnement social et administratif dans ces lieux d’hébergement », pourrait servir de base à l’établissement d’un référentiel de la qualité de l’accueil et de l’accompagnement. De la même façon, la définition des conditions de mise en œuvre d’un financement pluriannuel de certaines structures d’hébergement devra se faire en relation avec les associations et établissements participant au dispositif national d’accueil.
En dépit des progrès accomplis, des difficultés persistent donc en matière d’hébergement des demandeurs d’asile. Pour ce motif, les rapporteurs spéciaux suivent avec intérêt les discussions relatives aux formes alternatives d’hébergement susceptibles d’améliorer la sortie du dispositif national d’accueil des bénéficiaires d’une protection internationale.
fiche n° 3 – Le point sur L’intÉgration des rÉfugiés : une ambition rÉAFFIRMÉe
Lors de l’examen du PLF 2018, les rapporteurs spéciaux avaient appelé à la « refondation » de la politique d’intégration des réfugiés. Les conclusions du comité interministériel à l’intégration du 5 juin 2018 et les mesures figurant dans le PLF 2019 satisfont cette ambition. Un effort budgétaire inédit est consenti en 2019 au bénéfice du programme 104 Intégration et accès à la nationalité et présenté la profonde rénovation du contrat d’intégration républicaine (CIR). En complément, ils souhaitent insister sur la transversalité de cette politique et la création de la fonction de délégué interministériel chargé de l’accueil et de l’intégration des réfugiés.
La transversalité de cette politique est illustrée par les conclusions du Comité interministériel à l’intégration du 5 juin 2018. La politique d’intégration des réfugiés ne se limite pas aux crédits du programme 104. Le ministère de l’Éducation nationale financera ainsi sur ses crédits le doublement des capacités du dispositif « Ouvrir l’école aux parents pour la réussite des enfants ». Le ministère de l’enseignement supérieur de la recherche et de l’innovation prendra à sa charge l’extension de la bourse sur critères sociaux aux jeunes bénéficiant de la protection subsidiaire. Le ministère des solidarités et de la santé financera le traitement des syndromes post-traumatiques. Dans le cadre du Plan d’Investissement dans les compétences, le ministère du travail vient de lancer un appel à projets, doté de 15 millions d’euros, destiné à soutenir l’insertion des réfugiés.
La mission Immigration, asile et intégration participe à la mise en œuvre de cette politique transversale. De la même façon, la loi du 10 septembre 2018 précitée comporte plusieurs dispositions destinées à favoriser l’intégration des demandeurs d’asile et des réfugiés. L’article 49 de cette loi a ainsi réduit de neuf à six mois le délai que doit respecter un demandeur d’asile pour accéder au marché du travail « lorsque l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, pour des raisons qui ne sont pas imputables au demandeur, n’a pas statué sur la demande » (article L 744-11 du CESEDA). Applicable, au plus tard, à compter du 1er mars 2019, cette disposition devrait faciliter l’intégration professionnelle des intéressés.
L’exécution de la politique d’intégration bénéficiera également du concours d’un nouvel acteur, le délégué interministériel chargé de l’accueil et de l’intégration des réfugiés. La création de cette fonction a été annoncée le 12 juillet 2017 lors de la présentation du plan d’action Garantir le droit d’asile et mieux maîtriser les flux migratoires. Le décret n° 2018-33 du 22 janvier 2018 a créé ce poste et précisé ses attributions ([35]) et un décret du 24 janvier 2018 a confié cette fonction au Préfet Alain Régnier.
Placé auprès du ministre chargé de l’asile et de l’accueil des étrangers (en l’espèce, le ministre de l’intérieur), ce délégué :
– « apporte son concours à la définition et à l’animation de la politique d’accueil et d’intégration des personnes reconnues réfugiés, ou ayant obtenu la protection subsidiaire […] et évalue sa mise en œuvre »,
– « coordonne, en lien avec la direction générale des étrangers en France, les actions des différents ministères, concourant à une intégration durable des publics protégés […] notamment dans les domaines de l’accès aux droits, de la maîtrise de la langue française, de la prise en charge sanitaire et sociale, de la formation professionnelle et de l’accès à l’emploi et au logement. »
– « est chargé de coordonner l’accueil en France des bénéficiaires de protection arrivés dans le cadre du programme européen de réinstallation »,
– peut « être chargé d’organiser l’accueil de personnes admises au séjour en France dans le cadre d’opérations spécifiques décidées par le gouvernement. »
Les rapporteurs spéciaux ont auditionné M. Alain Régnier qui leur a exposé les premières actions conduites en 2018 et celles envisagées en 2019. Disposant d’une équipe composée de neuf personnes, le délégué interministériel a rappelé les tensions existant en matière d’hébergement et souligné que la politique d’intégration ne se limite pas aux réfugiés. M. Alain Régnier a également insisté sur la nécessité de s’appuyer sur la société civile en favorisant et en encadrant ses initiatives. À ce titre, les rapporteurs spéciaux partagent l’ambition du délégué interministériel d’encourager l’immersion des réfugiés dans la société française. Le projet de création, par les services du délégué interministériel et la mission Etalab (dépendant de la Direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État), d’une plate-forme numérique recensant les compétences et les disponibilités des bénévoles constitue une initiative intéressante. Cette plate-forme peut effectivement jouer un rôle « d’effet de levier citoyen » et pourrait partiellement compenser la difficulté rencontrée par les services publics pour joindre les réfugiés. Le soutien apporté aux collectivités territoriales, en termes d’ingénierie de projets, mérite également d’être souligné. Des contrats de partenariat seront ainsi conclus avec les métropoles de Bordeaux, Strasbourg et Lyon, en vue de soutenir des initiatives locales à hauteur de 300 000 € par site. La participation à l’engagement, le 26 octobre 2018, du programme Volont’R constitue une autre initiative positive appelée à permettre, entre 2019 et 2022, l’intervention de 5 000 jeunes en service civique auprès des réfugiés. Au sein de ce contingent 500 jeunes réfugiés effectueront un service civique destiné à accueillir des réfugiés.
Les rapporteurs spéciaux soutiennent la création de la fonction de délégué interministériel chargé de l’accueil et de l’intégration des réfugiés. Cette initiative constitue une avancée utile dans un contexte marqué par des choix politiques et budgétaires forts en matière d’intégration. Le PLF 2019 porte cette ambition et les rapporteurs spéciaux seront attentifs à sa bonne exécution.
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Lors de sa seconde réunion du vendredi 26 octobre 2018, la Commission a examiné les crédits de la mission Immigration, asile et intégration.
M. Stanislas Guerini, rapporteur spécial. J’ai la charge de vous présenter les crédits relatifs à la mission Immigration, asile et intégration, dont j’ai assuré l’examen avec mon collègue Jean-Noël Barrot, corapporteur.
Je le dis sans détour, alors que nous sommes dans un environnement budgétaire contraint et dans un contexte migratoire difficile, le budget de la mission traduit et assume des choix politiques forts, que le corapporteur et moi-même soutenons.
Les crédits concernent le programme 104 Intégration et accès à la nationalité et le programme 303 Immigration et asile. Les crédits de ces deux missions sont en augmentation. Le montant cumulé des crédits de paiement de ces deux programmes s’établit à 1,69 milliard d’euros, en progression de 22,7 % par rapport à la loi de finances pour 2018, et celui des autorisations d’engagement s’élève à 1,86 milliard d’euros, en progression de 37,5 % par rapport à la loi de finances pour 2018.
Ce projet de budget traduit trois choix. Le premier consiste à améliorer les conditions d’exercice du droit d’asile. C’est ainsi que 105 postes seront créés cette année au bénéfice de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). Cela étant, l’OFII voit encore le nombre de contrats à durée déterminée (CDD) augmenter. Avec Jean-Noël Barrot, nous avons soulevé le problème de l’enchaînement de CDD courts. Ce point devra être traité – sans doute dans le cadre du texte à venir sur la fonction publique. Il importe en effet de donner à l’OFII la possibilité d’avoir, comme c’est le cas à l’OFPRA, des CDD de plus longue durée. Aujourd’hui, les CDD de neuf ou dix mois s’enchaînent à l’OFII, ce qui n’est pas satisfaisant.
Cette orientation se manifeste ensuite par la création de 3 500 places d’hébergement qui contribueront à porter la capacité du dispositif national d’accueil au-delà de 97 000 places. Des difficultés subsistent, bien sûr, mais il faut noter cet engagement, qui se traduit dans la réalité puisqu’en deux ans, 7 500 places auront été créées pour les demandeurs d’asile.
En matière d’hébergement, nous avons un point de satisfaction particulier avec Jean‑Noël Barrot : il répond à un engagement que nous avions demandé au Gouvernement de prendre à l’occasion du printemps de l’évaluation. La possibilité est désormais donnée à des opérateurs de prendre des engagements pluriannuels, ce qui leur permet de mieux gérer leurs crédits. Ce budget prévoit d’expérimenter ce financement pluriannuel sur certaines structures d’accueil.
Le deuxième choix affirmé par ce budget est la lutte résolue contre l’immigration irrégulière. Les crédits dédiés à cette action croissent de 65 % en crédits de paiement et de 86 % en autorisations d’engagement. Ils permettront de créer 450 places supplémentaires dans les centres de rétention administrative, et d’investir pour améliorer les conditions de la rétention administrative. Ces engagements traduisent la fermeté qui a été illustrée cette semaine par l’évacuation du camp de Grande-Synthe et le placement de 94 personnes en centres de rétention administrative.
J’en viens au troisième choix, peut-être le plus saillant, c’est le changement d’échelle de la politique d’intégration. Notre collègue Aurélien Taché a rendu un rapport préconisant un certain nombre de mesures : les engagements budgétaires donnent les moyens pour traduire ces mesures en réalité. Les crédits du programme 104, sur l’intégration, atteindront 415 millions d’euros, en hausse de 47 %. Cette progression extrêmement importante permettra de doubler ou tripler parfois le volume de cours de langue française, pour les porter jusqu’à 600 heures pour certaines personnes, de revoir le dispositif de formation civique obligatoire, et de conférer une dimension forte à l’intégration par le travail.
Nous soutenons sans ambiguïté ce budget, qui transcrit les choix politiques de cette majorité : la fermeté et l’humanité, qui se traduisent par de meilleures conditions d’accueil pour les demandeurs d’asile, et une politique permettant de mieux intégrer les personnes à qui la France a donné le statut de réfugié.
Notre soutien n’est pourtant pas sans nuance, les prévisions d’évolution de la demande d’asile retenues dans le budget sont en effet assez optimistes. Cette mission est sous la contrainte d’éléments exogènes, dont le nombre de demandes d’asile. Il conviendra d’être vigilant sur l’exécution de ce budget.
Mme Cendra Motin. Merci, messieurs les corapporteurs, pour la qualité de ce travail. Je suis particulièrement sensible au fait qu’il y ait beaucoup de contractuels embauchés en CDD pour accomplir les difficiles missions de l’OFII. Peut-être serait-il possible, dans le cadre de la future réforme de la fonction publique, et selon vos préconisations, d’aller vers des contrats à durée indéterminée s’agissant de certains postes particulièrement stratégiques ?
Quel lien faites-vous entre la mission Immigration, asile et intégration et l’augmentation des crédits de l’Agence française de développement (AFD) ? Il me semble que les deux aspects sont liés, puisqu’il s’agit avec l’AFD de prendre les problèmes à la source. Que pensez-vous du choix des pays ciblés dans cette mission ?
M. le président Éric Woerth. N’existe-t-il pas un risque de sous-budgétisation concernant les procédures d’asile, « dublinées » ou non ? Le projet de budget est fondé sur une stabilisation de leur nombre, alors qu’elles ont augmenté d’un peu moins de 20 % entre 2017 et 2018. La tendance est plutôt à la hausse mais le budget ne le prend pas en compte.
M. Stanislas Guerini, rapporteur spécial. La part des CDD à l’OFII est un point essentiel : ils représentent 37 % des agents. Le taux de démission était de 8 % en 2015 et il est passé à 20 % en 2017. Il y a donc un sujet extrêmement important concernant les ressources humaines, et en tant que rapporteurs de ces crédits, nous sommes obligés de nous pencher sur ces questions, car il en va de l’efficacité budgétaire. Pour le dire simplement, l’OFII est un peu le formateur officiel de tout le dispositif d’asile dans le pays. Si les agents partent au bout de neuf mois dans d’autres structures, cela ne permet pas d’assurer une bonne pérennité dans la formation et le management, même si des efforts extrêmement importants sont faits – nous avons pu mesurer avec Jean-Noël Barrot l’engagement très fort des équipes sur le terrain. Le projet de loi de réforme de la fonction publique en préparation devrait permettre d’apporter des modifications sur ce sujet, nous y serons très attentifs.
S’agissant de l’aide au développement, vous avez raison de souligner l’action menée pour accroître la part du produit intérieur brut consacré à cette aide. Cela permet évidemment d’avoir des effets à la source. Je soulignerai néanmoins ici un effet paradoxal à propos duquel j’ai débattu avec des chercheurs : l’aide au développement agit parfois avec retard sur la maîtrise des mobilités. En effet, ce ne sont pas les personnes les plus pauvres qui se déplacent, du fait des tarifs pratiqués par les passeurs – plusieurs milliers d’euros, souvent. Cela doit s’inscrire dans une politique de long terme. Il faut mesurer l’aspect quantitatif de l’aide – et la France prend des engagements très forts à cet égard – mais aussi qualitatif, selon la nature des programmes menés. Un ensemble d’actions, avec notamment la mise en place des hotspots et la mission confiée à l’OFPRA, permettront de mieux réguler les flux mais aussi de prévenir les personnes sur place des chances qu’elles ont d’obtenir l’asile dans notre pays ou en Europe, et des conditions du voyage. C’est ainsi que nous pourrons tordre le cou à certains mythes distillés par les filières de passeurs.
Monsieur le président, vous vous interrogez sur un risque de sous-budgétisation. Ce budget est en cours de forte sincérisation. Par le passé, on ne bouclait jamais l’année. Le budget a été augmenté de 26 % en 2017, et de 23 % cette année. Un deuxième effet doit être pris en compte : l’accélération du traitement des demandes d’asile permet de mieux maîtriser les enveloppes budgétaires consacrées au versement de l’aide pour les demandeurs d’asile (ADA), et les pécules complémentaires pour l’hébergement.
Il faut aussi prendre en compte l’effet de la maîtrise des flux migratoires. Aujourd’hui, les arrivées en Europe sont en forte diminution. Le sujet, ce sont les flux secondaires, notamment l’impact, avec un effet retard, de la politique de Mme Merkel. Un grand nombre de demandeurs d’asile est arrivé en Allemagne, mais beaucoup de personnes y ont été déboutées et viennent en France faire une deuxième, ou parfois une troisième demande d’asile. Ce sont aussi ces flux qu’il faut réguler. Nous menons une action conjointement avec les autres pays européens et particulièrement avec l’Allemagne pour avoir des accords consulaires permettant de mieux traiter ces flux.
Oui, le risque de sous-budgétisation existe, mais soyons pragmatiques : l’ADA sera versée. Si l’on venait à dimensionner le programme 303 de manière très forte, au détriment du programme Intégration, les actions d’intégration ne seraient pas lancées alors que l’ADA sera versée y compris si la prévision budgétaire n’est pas totalement juste. Ce ne sera jamais fait au détriment des personnes demandeurs d’asile.
La commission en vient à l’examen des amendements.
Article 39 et état B
Crédits du budget général
La commission est saisie de l’amendement II-CF427 de Mme Sabine Rubin.
Mme Danièle Obono. Par cet amendement d’appel, nous proposons de remédier à la sous-budgétisation chronique qui entache la sincérité budgétaire de la mission Immigration, asile et intégration, à savoir le montant des crédits annuels de l’ADA.
Selon la Cour des comptes dans sa note d’exécution budgétaire, « En continuité avec l’exercice 2016, la LFI 2017 consacre un effort de réduction de la sous-budgétisation du programme 303 constatée par la Cour les années précédentes. Néanmoins, cet effort n’a pas été suffisamment corrélé à l’augmentation constatée du nombre des demandeurs d’asile. Or, en 2017, les prévisions d’augmentation (+ 10 %) n’ont pas été évaluées de manière réaliste, compte tenu du nombre de demandeurs déjà présents sur le territoire fin 2016. Cette augmentation du flux s’est traduite, sur le plan budgétaire, par une croissance des dépenses d’allocation pour demandeur d’asile et des dépenses d’hébergement. »
En effet, lorsque l’on prend en compte l’inflation et l’augmentation de la population entre 2018 et 2019, le budget de l’ADA n’est relevé dans le projet de loi de finances 2019 que de 14,52 % alors même que la hausse des nouvelles demandes d’asile observée par l’OFPRA entre janvier et fin juillet 2018 était de 16 %. Nous souhaitons donc augmenter ces moyens à due concurrence, ce qui fait une hausse de 16,515 millions d’euros par rapport au budget prévisionnel du Gouvernement.
Nous proposons de redéployer ces 16,515 millions d’euros dans ce nouveau fonds à partir de l’augmentation budgétaire exceptionnelle du Gouvernement prévue pour 2019 pour augmenter les places de centres de rétention administrative.
Comme nous l’avons défendu lors du débat sur l’asile et l’immigration, nous pensons que le Gouvernement fait fausse route en mettant l’accent sur la répression et la rétention. Nous choisissons de proposer une alternative : l’augmentation de l’allocation pour les demandeurs d’asile.
M. Stanislas Guerini, rapporteur spécial. J’ai déjà répondu en partie, puisqu’il s’agit du débat sur la sous-budgétisation de cette mission. Parler d’insincérité budgétaire ne résiste pas à l’épreuve des faits, pour une raison très simple : toutes les années précédentes, il y avait des décrets d’avance. L’année où nous sommes arrivés aux responsabilités, nous avons approuvé un décret d’avance, à l’été 2017, pour financer un budget insincère et sous‑budgétisé. Cette année, il n’y aura pas de décret d’avance sur le programme 303.
Parler d’insincérité budgétaire, alors que les crédits ont été augmentés de 26 % l’an dernier et qu’ils sont à nouveau augmentés de 23 % cette année ne tient pas. Même si, en toute transparence, je ne sous-estime pas les risques de tension sur un budget qui, par nature, dépend de flux exogènes.
Second élément, je ne partage pas le choix que vous faites de transférer des crédits sur le programme 303 en les retirant du programme d’investissements immobiliers dans les centres de rétention administrative. Oui, il faut créer plus de places, mais c’est aussi pour améliorer les conditions de la rétention administrative. Au cours de nos débats sur le projet de loi immigration, vous étiez les premiers à dénoncer les mauvaises conditions d’accueil dans ces centres ou l’on peut retrouver parfois des familles.
Je défends fermement un projet de budget qui permet d’investir dans l’amélioration des conditions de retenue dans ces centres de rétention administrative.
La commission rejette l’amendement.
Puis elles examinent, en présentation commune, les amendements II-CF426 de M. Éric Coquerel et II-CF425 de Mme Sabine Rubin.
Mme Danièle Obono. Nous proposons de créer un nouveau programme Sauvetage des naufragés, afin de financer au moins un navire affrété par l’État français pour porter secours en Méditerranée aux navires en détresse, pour un montant minimal de 7,4 millions d’euros en 2019.
Selon nous, et je pense que ce sentiment est aujourd’hui largement partagé dans la population, il faut mettre un terme à l’inaction meurtrière qui fait de la Méditerranée un cimetière, depuis trop d’années, avec déjà plus de 1 500 personnes qui y sont mortes noyées en 2018 selon l’Organisation des Nations unies.
Nous proposons donc de redéployer ces 7,4 millions d’euros dans ce nouveau fonds à partir de l’augmentation budgétaire exceptionnelle du Gouvernement prévue pour 2019 pour augmenter les places de centres de rétention administrative, afin de permettre ce sauvetage en Méditerranée.
Dans son rapport annuel pour 2017, l’organisation non gouvernementale (ONG) « SOS Méditerranée » affirmait disposer d’un budget annuel de 3 621 000 euros. Nous proposons que l’État français investisse le double pour une telle mission, qui n’a pas à reposer que sur les contributions de donateurs humanistes, mais qui, au nom de l’intérêt général, doit reposer sur le budget de la collectivité.
L’amendement II-CF426 va de pair avec le II-CF425, qui propose de créer un même fonds pour que l’Aquarius de l’ONG « SOS Méditerranée » bénéficie d’une subvention de 3,7 millions d’euros en 2019 et ne soit pas entravé dans l’exercice de ses missions de sauvetage en mer.
M. Stanislas Guerini, rapporteur spécial. Avec Jean-Noël Barrot, nous sommes réservés sur ces amendements pour plusieurs raisons. D’abord, leur adoption conduirait à ce que la France intervienne seule en la matière. Or cela n’est pas pertinent en la matière. Nous l’avons vu avec les questions qui concernaient l’Aquarius : les bonnes réponses sont celles que nous apportons conjointement avec nos partenaires européens, en coopération, pour qu’un pays ne soit pas seul à porter la politique d’immigration.
Par ailleurs, lorsque les États conduisent eux-mêmes des opérations maritimes, on note des effets d’incitation sur les filières de passeurs. L’Italie avait ainsi interrompu l’opération Mare Nostrum, avant l’arrivée de M. Salvini. Les passeurs n’hésitaient pas à « lâcher » les migrants au milieu de la Méditerranée. Nous ne saurions nous satisfaire de ces situations humanitaires désastreuses. Le droit international doit s’appliquer, mais nous ne pouvons pas financer une politique qui aurait de tels effets.
Enfin, vous faites systématiquement le choix de prendre des crédits destinés aux centres de rétention administrative.
Avis défavorable sur les deux amendements.
Les amendements sont successivement rejetés.
Suivant l’avis favorable des rapporteurs spéciaux, la commission adopte les crédits de la mission Immigration, asile et intégration, non modifiés.
La commission est saisie d’un amendement II‑110 du Gouvernement.
M. Stanislas Guerini, rapporteur spécial. Avis favorable. Il s’agit d’un amendement de coordination technique.
L’amendement est adopté.
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Personnes auditionnÉes par les rapporteurs spÉciaux ET CONTRIBUTIONs ÉCRITEs leur ayant ÉTÉ communiquÉes
– Personnes auditionnées
Direction générale des étrangers en France (DGEF) :
M. Pierre– Antoine Molina, directeur général
Direction de l’asile (DA) : Mme Julie Bouaziz, adjointe au directeur
Direction de l’immigration (DIMM) : M. Jean De Croone, adjoint au directeur, Mme Franceline Forterre-Chapard, adjointe au service du pilotage et des systèmes d’information
Direction de l’accueil, de l’accompagnement des étrangers et de la nationalité (DAAEN) : Mme Martine Clavel, adjointe à la directrice
Délégation interministérielle chargée de l’accueil et de l’intégration des réfugiés : M. Alain Régnier, délégué interministériel ; Mme Angèle Archimbaud, secrétaire générale
Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) : M. Didier Leschi, directeur général.
Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) : M. Pascal Brice, directeur général ; M. Anatole Puiseux, secrétaire général adjoint
– Contributions écrites
Fédération des acteurs de la solidarité ;
Forum réfugiés-Cosi.
([1]) Il s’agit en plus de la mission Immigration, asile et intégration (2 programmes, n°s104 et 303), des missions Action extérieure de l’État (programme n° 151), Administration générale et territoriale de l’État (2 programmes, nos 216 et 307), Enseignement scolaire (3 programmes, nos 140, 141 et 230), Recherche et enseignement supérieur (programme n° 150), Conseil et contrôle de l’État (programme n° 165), Justice (programme n° 101), Sécurités (2 programmes, nos 152 et 176), Santé (programme n° 183), Solidarité, insertion et égalité des chances (programme n° 124), Cohésion des territoires (programme n° 147), Travail et emploi (2 programmes, nos 111 et 155) et Cohésion des territoires (programme n° 177).
([2]) Le PLF modifie la méthode de calcul de cet indicateur pour y intégrer la période du délai de recours auprès de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) dans la mesure où les personnes soumettant ces recours continuent à être hébergées durant cette période.
([3]) Cour des Comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2017, p. 64.
([4]) Cette estimation (figurant dans le document de politique transversale Politique française de l’immigration et de l’intégration) est ainsi décomposée :
- 466 demandeurs d’asile en attente de rendez-vous au guichet unique pour demandeurs d’asile,
- 5 565 demandeurs d’asile,
- 7 183 réfugiés.
Cependant, les rapporteurs notent que, selon les éléments fournis par le ministère de l’intérieur, le chiffre de 5 565 demandeurs d’asile accueillis provient d’une enquête réalisée en avril 2018 par la Direction générale de la cohésion sociale du ministère des solidarités et de la santé mais que ce résultat doit être apprécié avec précaution puisque cette enquête s’est effectuée sur une base déclarative et selon une méthode hétérogène selon les territoires.
([5]) Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2016, Mission Immigration, Asile, Intégration, p. 14.
([6]) Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2017, Mission Immigration, Asile, Intégration, p. 28.
([7]) À l’inverse, en 2017, les États membres ont procédé à 1642 transferts vers la France et à 1075 transferts sur les sept premiers mois de l’année 2018.
([8]) Une partie de cette croissance est cependant due à l’accélération du traitement des dossiers par les préfectures. Suite au renforcement des effectifs, le stock de dossiers en instance a été en partie apuré ce qui a entraîné la communication d’un plus grand nombre de dossiers à l’OFPRA.
([9]) Les demandes les plus nombreuses ont été présentées, hors mineurs accompagnants, par des ressortissants d’Albanie (7 633 demandes), d’Afghanistan (5 989), d’Haïti (4 939 demandes), du Soudan (4 488 demandes) et de Guinée (3781 demandes).
([10]) Source: Eurostat.
([11]) La protection subsidiaire est ainsi définie par l’article L 712-1 du Ceseda, « le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé à toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié et pour laquelle il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’elle courrait dans son pays un risque réel de subir l’une des atteintes graves suivantes :
a- La peine de mort ou une exécution ;
b- La torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;
S’agissant d’un civil, une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d’une violence qui peut s’étendre à des personnes sans considération de leur situation personnelle et résultant d’une situation de conflit armé interne ou international »
([12]) Les cinq pays dont les ressortissants ont obtenu le plus grand nombre de décisions favorables sont l’Afghanistan (6 056), le Soudan (4 708), la Syrie (3 936), l’Irak (1 379), et la Guinée (1 237).
([13]) Taux de protection / d’admission en première instance (Ofpra) : 27,2 %. Taux après appel (Ofpra + CNDA) : 36 %. À titre de comparaison, en 2017, le taux d’admission en première instance s’élevait à 53 % en Autriche, 50 % en Allemagne, 41 % en Italie et 31 % au Royaume-Uni (source : Eurostat).
([14]) Règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.
([15]) Cette expérimentation prévoit la réduction à sept jours du délai de dépôt d’une demande d’asile après avoir été identifiée en préfecture, une décision de l’OFPRA dans un délai de quinze jours et la suppression du délai supplémentaire d’un mois (dit «délai de distance » ) pour l’introduction d’un recours devant la CNDA.
([16]) En 2019, l’OFII engagera en Guyane un essai visant à transformer cette carte en outil de paiement afin que les fonds versés au titre de l’ADA bénéficient à l’économie locale.
([17]) CE, 23 décembre 2016, Association La Cimade et autres (n° 394819) et CE 17 janvier 2018 La Cimade et autres (n° 410280).
([18]) L’OFII publie tous les mois sur son compte twitter la capacité d’hébergement du Dispositif national d’accueil. Le chiffre indiqué correspond à celui publié le 16 octobre 2018 : https://twitter.com/OFII_France/status/1052227677283860480.
([19]) En revanche ces crédits ne financent ni le coût à la charge des services interpellateurs, ni les frais d’hébergement éventuel en centre de rétention administrative, ni les frais d’escorte des personnes éloignées.
([20]) Le nombre « d’éloignements et de départs » aidés est à distinguer de celui du nombre de « retours et de départs aidés » (7114 en 2017) soutenus par l’OFII. Les données de l’OFII sont plus larges que celles du ministère de l’Intérieur, d’une part, parce qu’elles comptabilisent les retours aidés et, d’autre part, parce que ce calcul inclut les mineurs.
([21]) Cette amélioration ne concerne cependant pas l’ensemble du territoire. Depuis le 21 mars 2018, les autorités comoriennes refusent ainsi de reprendre leurs ressortissants et ne délivrent plus de laissez-passer consulaires.
([22]) Rapport au Parlement, Procédure d’admission au séjour pour soins (année 2017), pages 11 et 13.
([23]) Chiffres consultables sur la page Chiffres clés du ministère de l’Intérieur. Au moment de la rédaction de ce rapport, les données d’Eurostat pour l’année 2017 ne sont pas encore disponibles. En France, en 2016, 237 218 premiers titres de séjour ont été, selon ces données, délivrées à des ressortissants des pays tiers.
([24]) Pour déposer son dossier, le demandeur l’asile doit d’abord se rendre dans une structure de premier accueil des demandeurs d’asile (SPADA). Cette structure associative financée par l’OFII dans le cadre d’un marché public, informe le demandeur, vérifie son dossier et prend rendez-vous auprès du guichet unique de demandes d’asile (GUDA). Situé en préfecture, ce guichet unique est animé par des agents de l’OFII et de la préfecture et est destiné à l’enregistrement de la demande d’asile, à l’instruction de la demande d’ADA et à l’examen des conditions d’hébergement.
([25]) L’étranger n’ayant pas conclu un contrat d’intégration républicaine lorsqu’il a été admis pour la première fois au séjour en France peut cependant également demander à signer ultérieurement un tel contrat.
([26]) Établi sous l’égide du Conseil de l’Europe, le Cadre européen commun de référence pour les langues (Apprendre, Enseigner, Évaluer) détermine une grille de maîtrise des langues étrangères. Le niveau A1 est celui d’un utilisateur élémentaire sachant « comprendre et utiliser des expressions familières et quotidiennes ainsi que des énoncés très simples qui visent à satisfaire des besoins concrets ».
([27]) Les aides au retour sont réservées aux étrangers en situation irrégulière. Les aides à la réinsertion sont attribuées quasi-exclusivement à des étrangers en situation irrégulière mais peuvent aussi concerner des publics en fin de séjour régulier dont le titre de séjour expire au maximum dans un délai de trois mois. Ce cas de figure est cependant très limité (17 occurrences en 2017).
([28]) Cette problématique est également rencontrée dans les services des préfectures chargées de l’enregistrement des demandes d’asile. Pour y répondre, le ministère de l’intérieur mettra prochainement en œuvre des mesures catégorielles destinées à favoriser la mobilité et la stabilité des personnels concernées (revalorisation du régime indemnitaire, progression de carrières plus rapide, etc.).
([29]) Selon le Cadre européen commun de référence pour les langues (Apprendre, Enseigner, Évaluer) le niveau A2 est celui d’un utilisateur élémentaire sachant « comprendre des phrases isolées et des expressions fréquemment utilisées en relation avec des domaines immédiats de priorité (par exemple, informations personnelles et familiales simples, achats, environnement proche, travail) ». Le niveau B1 est celui d’un utilisateur indépendant sachant « comprendre les points essentiels quand un langage clair et standard est utilisé et s’il s’agit de choses familières dans le travail, à l’école, dans les loisirs ».
([30]) Selon le Cadre européen commun de référence pour les langues (Apprendre, Enseigner, Évaluer) le niveau A2 est celui d’un utilisateur élémentaire sachant « comprendre des phrases isolées et des expressions fréquemment utilisées en relation avec des domaines immédiats de priorité (par exemple, informations personnelles et familiales simples, achats, environnement proche, travail) ». Le niveau B1 est celui d’un utilisateur indépendant sachant « comprendre les points essentiels quand un langage clair et standard est utilisé et s’il s’agit de choses familières dans le travail, à l’école, dans les loisirs ».
([31]) Ce processus suppose un examen attentif du comportement et du passé, notamment judiciaire, de chaque postulant. Le taux de refus opposé aux demandes de naturalisation s’est élevé à 28 % en 2017 et à 35 % au premier semestre 2018. En 2017, 18 551 décisions de refus ont été rendues sur la base notamment d’une appréciation défavorable des critères d’insertion professionnelle (5 650 refus), de moralité (4 419 de refus), d’assimilation / intégration (1 858 refus), de loyalisme (1 044 refus) ou d’avis défavorable des services spécialisés (39 refus).
([32]) Au printemps 2018, un mouvement social a mobilisé une partie des personnels de la CNDA puis un second mouvement social est intervenu à l’initiative d’avocats intervenant auprès de la CNDA.
([33]) En retenant des bases différentes, la Cour des comptes parvient, dans sa Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2017 de la mission Immigration, Asile, Intégration, à un délai de 414,7 jours à la fin 2017 (13 mois et 19 jours). Les rapporteurs ont retenu pour leurs calculs les éléments figurant dans le PAP et ceux recueillis lors de leurs auditions.
([34]) Cet objectif figure également dans le Plan quinquennal pour le logement d’abord et la lutte contre le sans-abrisme 2018-2022. L’action n° 17 de ce plan vise à « Favoriser l’accès au logement des réfugiés hébergés dans le dispositif national de l’asile ou dans le parc d’hébergement généraliste, conformément à l’instruction du 12 décembre 2017. L’action n° 29 s’attache à favoriser la mobilité géographique pour les réfugiés.
([35]) L’article 59 de la loi du 10 septembre 2018 précitée se réfère en outre explicitement au délégué et dispose que l’intéressé « joindra ses observations au rapport annuel transmis par le gouvernement au Parlement sur les orientations pluriannuelles de la politique d’immigration, d’asile et d’intégration. »