N° 1302

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 octobre 2018.

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE LÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2019 (n° 1255),

 

PAR M. Joël GIRAUD,

Rapporteur Général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 37
 

 

REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS

 

 

 

 

Rapporteure spéciale : Mme Christine PIRES BEAUNE

 

Députée

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SOMMAIRE

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 Pages

Avant-propos méthodologique

1. La mission Remboursements et dégrèvements se distingue des autres missions du budget général par le recours à des crédits évaluatifs

2. Cette mission permet de suivre lensemble des remboursements et dégrèvements dimpôts dÉtat et dimpôts locaux

3. La vision proposée par ladministration dans les documents budgétaires est essentiellement comptable et na pas vocation à apporter une analyse économique des dispositifs fiscaux retracés dans la mission

4. Linformation du Parlement pourrait être améliorée

5. Le respect du principe de sincérité budgétaire nécessite de pouvoir évaluer les dépenses de manière fiable, mais la prévision budgétaire peut savérer délicate…

6. … en particulier concernant le suivi des contentieux fiscaux

INTRODUCTION

Première Partie : Le programme 200 Remboursements et dégrèvements dimpôts dÉtat

I. Laction 11 Remboursements et restitutions liés à la mécanique de limpôt

II. Laction 12 Remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques

A. LES SOUS-actions 200-12-02 eT 200-12-08 relatives À limpÔt sur le revenu

1. La sous-action 200-12-02 Impôt sur le revenu

2. La sous-action 200-12-08 Acomptes de crédits et de réductions dimpôt sur le revenu (prélèvement à la source)

B. La sous-action 200-12-03 ImpÔt sur les sociÉtÉs

C. La sous-action 200-12-06 Contribution À laudiovisuel public

D. La sous-action 200-12-04 TICPE

III. Laction 13 Remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de lÉtat

A. des dépenses de natures très diverses

B. un enjeu budgétaire majeur : les contentieux fiscaux

1. La provision pour litiges liés à limpôt dépasse cette année encore les 20 milliards deuros

2. Les dépenses associées aux intérêts moratoires présentent un coût élevé, mais en diminution par rapport à 2018

3. Lessentiel du coût budgétaire associé aux contentieux fiscaux est concentré sur un nombre limité de contentieux de série à fort enjeu

a. Le contentieux « précompte mobilier » (affaire Accor)

b. Le contentieux « OPCVM »

c. Le contentieux « de Ruyter »

d. Le contentieux « Stéria »

e. Le contentieux « 3 % dividendes »

f. Le contentieux « CSPE »

seconde partie : Le programme 201 Remboursements et dégrèvements dimpÔts locaux

I. Laction 01 impÔts Économiques

II. Laction 02 Taxes fonciÈres

III. Laction 03 taxe dhabitation

A. Une dépense qui poursuit son augmentation du fait de la mise en œuvre du dégrèvement de taxe dhabitation institué par la loi de finances pour 2018

B. Le dégrèvement « sortie en sifflet », institué par larticle 7 de la loi de finances pour 2018, et lamendement n° 2574 du Gouvernement au PLF 2019

C. Lapplication du dégrèvement de taxe dhabitation pour 80 % des ménages en 2018

IV. Laction 04 Admissions en non-valeur

examen en commission

Article 39 et état B

annexe : personnes auditionnées par lA rapporteurE spécialE


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   Avant-propos méthodologique

Plus importante mission du budget général de lÉtat si lon considère le montant des autorisations dengagement (AE) et des crédits de paiement (CP) qui lui sont affectés (135,7 milliards d’euros selon les prévisions du projet de loi de finances pour 2019, en AE comme en CP, soit 33 % des recettes fiscales brutes), la mission Remboursements et dégrèvements présente certaines particularités qui la différencient des autres dépenses.

Dotée exclusivement de crédits évaluatifs et dépourvue de crédits de titre 2 (dépenses de personnel), elle a pour vocation de permettre une présentation claire et un suivi efficace des montants de remboursements et dégrèvements d’impôts d’État et d’impôts locaux ainsi que des dispositifs fiscaux associés, qui viennent en atténuation des recettes fiscales brutes.

La mission Remboursements et dégrèvements regroupe ainsi les dépenses liées à des situations dans lesquelles lÉtat est amené à restituer des impôts, des taxes ou des contributions aux contribuables, ou dans lesquelles lÉtat ne recouvre pas certaines créances sur les contribuables.

Les raisons pour lesquelles l’État est amené à effectuer ces opérations sont très diverses et peuvent être classifiées en trois catégories :

– les sommes restituées en raison de la mécanique de limpôt, qui s’explique par les modalités de recouvrement propres à certains impôts : l’État restitue certaines sommes, lorsque les montants déjà versés excèdent l’impôt dû, en matière d’impôt sur les sociétés par exemple, ou lorsque le montant de taxe sur la valeur ajoutée déductible excède le montant collecté par une entreprise, notamment ;

– les sommes restituées en raison des politiques publiques, lorsqu’un contribuable bénéficie d’un crédit d’impôt. Les réductions dimpôt, en revanche, ne donnent pas lieu à restitution, et ne sont pas retracées dans la présente mission ;

– les raisons liées à la gestion de limpôt, lorsque des corrections sont apportées après le calcul de l’impôt, à l’avantage du contribuable, à la suite d’une erreur matérielle, d’une contestation, ou d’un litige.

Sa présentation suit une logique comptable, le projet annuel de performances s’attachant à prévoir et à enregistrer le plus fidèlement possible l’évolution de ces dépenses, dans le respect du principe de sincérité budgétaire.


Le présent avant-propos a pour objectif de resituer la mission Remboursements et dégrèvements au sein des dépenses du budget général de lÉtat, den présenter les spécificités, et den dégager les enjeux principaux, tant au niveau de la prévision que de la présentation. Lanalyse des crédits affectés au programme 200 Remboursements et dégrèvements dimpôts dÉtat, et au programme 201 Remboursements et dégrèvements dimpôts locaux, sera traitée dans la suite du rapport.

C’est ainsi que :

– la mission Remboursements et dégrèvements se distingue des autres missions du budget général par le recours à des crédits évaluatifs ;

– cette mission permet de retracer de manière comptable l’ensemble des remboursements et dégrèvements d’impôts d’État et d’impôts locaux. Les documents budgétaires n’ont toutefois pas vocation à apporter une analyse économique des dispositifs fiscaux retracés dans la mission ;

– l’information du Parlement pourrait être améliorée ;

– le respect du principe de sincérité budgétaire nécessite de pouvoir évaluer les dépenses de manière fiable, mais la prévision budgétaire peut savérer délicate, en particulier concernant le suivi des contentieux fiscaux.

1.   La mission Remboursements et dégrèvements se distingue des autres missions du budget général par le recours à des crédits évaluatifs

Par exception à la règle du caractère limitatif des crédits, définie à l’article 9 de la loi n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), la mission Remboursements et dégrèvements est dotée de crédits dits « évaluatifs ».

L’existence des crédits évaluatifs s’explique par la nécessité pour l’État d’obtenir l’autorisation du Parlement pour ordonnancer des dépenses obligatoires, ou quasi obligatoires, mais dont le montant ne peut être précisément connu lors du vote du budget. Pour ces charges, les dépenses « simputent, si nécessaire, au-delà des crédits ouverts ». Afin de préserver la rigueur de l’autorisation parlementaire, la loi organique cantonne ces dépenses dans des programmes spécifiques, et délimite clairement leur périmètre : celles-ci ne peuvent concerner que les charges de la dette de l’État, les remboursements, restitutions et dégrèvements, et les charges résultant de la mise en jeu de la garantie de l’État.

Ainsi, au sein du budget général de l’État, les programmes Charges de la dette et trésorerie de lÉtat et Appels en garantie de lÉtat de la mission Engagements financiers de lÉtat sont exprimés en crédits évaluatifs, tandis que la mission Remboursements et dégrèvements est la seule à être entièrement constituée de tels crédits.

Crédits limitatifs et crédits évaluatifs dans la loi organique n° 2001-692
du 1er août 2001 relative aux lois de finances

Article 9. – Pour les dépenses de personnel, le montant des autorisations d’engagement ouvertes est égal au montant des crédits de paiement ouverts.

Les crédits sont limitatifs, sous réserve des dispositions prévues aux articles 10 et 24. Les dépenses ne peuvent être engagées et ordonnancées que dans la limite des crédits ouverts.

Les conditions dans lesquelles des dépenses peuvent être engagées par anticipation sur les crédits de l’année suivante sont définies par une disposition de loi de finances.

Les plafonds des autorisations d’emplois sont limitatifs.

Article 10.  Les crédits relatifs aux charges de la dette de lÉtat, aux remboursements, restitutions et dégrèvements et à la mise en jeu des garanties accordées par lÉtat ont un caractère évaluatif. Ils sont ouverts sur des programmes distincts des programmes dotés de crédits limitatifs.

Les dépenses auxquelles s’appliquent les crédits évaluatifs s’imputent, si nécessaire, au-delà des crédits ouverts. Dans cette hypothèse, le ministre chargé des finances informe les commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances des motifs du dépassement et des perspectives d’exécution jusqu’à la fin de l’année.

Les dépassements de crédits évaluatifs font l’objet de propositions d’ouverture de crédits dans le plus prochain projet de loi de finances afférent à l’année concernée.

Les crédits prévus au premier alinéa ne peuvent faire l’objet ni des annulations liées aux mouvements prévus aux articles 12 et 13 ni des mouvements de crédits prévus à l’article 15.

Par son existence même, le régime des crédits évaluatifs représente une atteinte importante au principe de l’autorisation de la dépense par le Parlement : le Conseil d’État a ainsi rappelé que « le caractère évaluatif des crédits destinés à couvrir les dépenses relatives aux intérêts de la dette publique constitue une exception traditionnelle et nécessaire à la compétence du Parlement pour fixer de manière limitative les charges de lÉtat » ([1]).

Enfin, la mission Remboursements et dégrèvements nest pas comprise dans le périmètre des normes « zéro volume » et « zéro valeur ».

Les normes « zéro volume » et « zéro valeur »

Ces deux normes visent à limiter la croissance des dépenses de l’État :

– la norme « zéro valeur » prévoit une stabilité en euros courants d’une année sur l’autre, applicable aux dépenses nettes du budget général de l’État (c’est-à-dire hors remboursements et dégrèvements), aux recettes affectées plafonnées, et aux prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales de l’Union européenne ;

– la norme « zéro volume » autorise une évolution de la dépense au rythme de l’inflation, sur un périmètre élargi, qui comprend les dépenses couvertes par la norme « zéro valeur », le programme Charge de la dette, et le compte d’affectation spéciale Pensions.

2.   Cette mission permet de suivre l’ensemble des remboursements et dégrèvements d’impôts d’État et d’impôts locaux

La gestion dune part très importante des dépenses retracées dans la mission laisse à ladministration une marge de manœuvre faible, voire nulle. Au sein du programme 200, la seule action n° 11, qui rassemble les remboursements et les restitutions dus à la mécanique de l’impôt, s’élève à 70,3 milliards d’euros pour 2019, soit 51,8 % des crédits de la mission.

Le projet annuel de performances pour 2019 rappelle que la mission « comporte deux programmes dont les stratégies similaires répondent à un objectif unique et commun (…) : permettre aux usagers de bénéficier de leurs droits en matière de remboursements et dégrèvements dimpôts le plus rapidement possible, tout en garantissant le bien-fondé des dépenses au regard de la législation. Lamélioration de la qualité du service rendu se traduit, notamment pour les usagers professionnels, par une gestion plus souple de leur trésorerie qui améliore leur compétitivité ».

Lenjeu de la mission est donc de permettre une présentation claire et un suivi efficace des remboursements et dégrèvements relatifs aux différents impôts, dans le respect des principes de sincérité budgétaire et dimage fidèle.

À cette fin, le programme 200 « identifie les dépenses en atténuation de recettes ayant trait aux impôts dÉtat. Il retrace les dépenses budgétaires résultant de lapplication des règles fiscales lorsquelles conduisent à la mise en œuvre de dégrèvements dimpôts, de remboursements ou restitutions de crédits dimpôt, de compensations prévues par des conventions fiscales internationales [et] enregistre en outre un certain nombre dopérations comptables liées aux remises gracieuses, annulations, admissions en nonvaleur de recettes, ou aux remises de débets », tandis que, de manière similaire, le programme 201 « finance les dépenses correspondant aux dégrèvements dimpôts locaux, ainsi que celles liées à des opérations comptables (remises gracieuses, annulations, admissions en non-valeur de recettes) ».

La présentation budgétaire retenue vise à isoler les dépenses en atténuation de recettes portant sur les impôts d’État et les impôts locaux, afin de pouvoir les identifier clairement et d’obtenir une information détaillée à leur sujet.

Les indicateurs de performance définis à léchelle de la mission traduisent cette recherche damélioration de la qualité du service public à travers la réduction du délai de traitement des demandes transmises à ladministration : remboursement de crédit de TVA, restitution de trop-versé d’IS, taux de réclamation contentieuse en matière d’impôt sur le revenu et de contribution à l’audiovisuel public, notamment.

indicateurs de performance
de la mission Remboursements et dÉGRÈvements

(en %)

Programme

Indicateur (*)

2016

2017

2018 (p)

2019
(p)

Cible 2020

200

Part des demandes de remboursement de crédit de TVA et des restitutions de trop versé d’IS, ayant reçu une suite favorable ou partiellement favorable, traitées dans un délai égal ou inférieur à 30 jours

88,9

89,93

80

80

80

Ancienneté des demandes de remboursement de crédit de TVA non imputable qui ont fait l’objet d’un remboursement (partiel ou total) dans un délai strictement supérieur à 30 jours

58

62

60

60

60

Taux net de réclamations contentieuses en matière d’IR et de contribution à l’audiovisuel public des particuliers traitées dans un délai de 30 jours par les services locaux

97,3

97,25

94,6

94,6

94,6

201

Taux net de réclamations contentieuses relatives à la taxe d’habitation traitées dans le délai de 30 jours par les services locaux

98,1

98,19

95,5

95,5

95,5

(*) Les indicateurs mesurent tous latteinte de lobjectif « permettre aux usagers de bénéficier de leurs droits le plus rapidement possible », identique pour les deux programmes.

Source : rapport annuel de performances.

À compter de 2017, il a été proposé d’abaisser la cible des indicateurs avec pour objectif d’améliorer la qualité du service rendu aux usagers, sous l’angle de la qualité de traitement du dossier, en leur donnant davantage de temps pour fournir les justificatifs nécessaires à l’appui de leurs réclamations et en leur permettant de clarifier, si nécessaire, les termes de leurs demandes.

La Rapporteure spéciale sinterroge sur lincidence des baisses deffectifs sur la capacité de ladministration fiscale à traiter les délais dans les temps : l’abaissement de l’objectif, sous couvert d’une meilleure « qualité de service », n’est-il pas la conséquence de la réduction continue des effectifs de Bercy ?

3.   La vision proposée par l’administration dans les documents budgétaires est essentiellement comptable et n’a pas vocation à apporter une analyse économique des dispositifs fiscaux retracés dans la mission

La vision proposée par ladministration dans les documents budgétaires relatifs à la mission Remboursements et dégrèvements est donc essentiellement comptable, et non économique, puisque celle-ci s’attache à retracer fidèlement, et de manière synthétique, les remboursements, restitutions et dégrèvements relatifs à chaque impôt, mais pas à en évaluer l’efficacité, le coût total, ou la pertinence.

Le projet annuel de performances n’a donc pas vocation à se substituer au tome II de lÉvaluation des voies et moyens, relatif aux dépenses fiscales. Ce document, annexé à chaque projet de loi de finances, « permet de donner une information exhaustive sur les dispositifs de dépenses fiscales”, en détaillant notamment leur impact global sur les recettes du budget de lÉtat et en expliquant lévolution de leur coût depuis le dernier projet de loi de finances ». Il présente, également, pour chaque dépense fiscale, l’objectif de politique publique poursuivi, la mission de rattachement, le nombre de bénéficiaires, ou encore la qualité de la prévision de son coût. Ces éléments constituent une masse d’information importante et utile au Parlement.

Ce projet annuel de performances n’a pas non plus pour objectif de remplacer le jaune budgétaire Transferts financiers de lÉtat aux collectivités territoriales, qui rassemble et synthétise les informations relatives aux dégrèvements d’impôts locaux et à leur compensation financière, mais également aux concours de l’État aux collectivités, aux subventions des ministères ou à la fiscalité transférée, offrant ainsi un aperçu global et consolidé de ces transferts.

4.   L’information du Parlement pourrait être améliorée

Cette vision comptable soppose ainsi à une autre approche, plus analytique, qui impliquerait de distinguer entre les remboursements et dégrèvements qui constituent une véritable dépense, ceux qui constituent une simple atténuation de recettes, et ceux qui ne peuvent être considérés ni comme lune, ni comme lautre.

Les remboursements et dégrèvements sont présentés en atténuation des recettes fiscales brutes du budget général de l’État dans le tableau déquilibre du budget. Cette présentation a le mérite de faire apparaître le montant des recettes fiscales brutes et nettes, tout en isolant clairement les remboursements et dégrèvements.

 

Pourtant, dans ses notes d’exécution budgétaire (NEB) portant sur la mission Remboursements et dégrèvements ([2]), la Cour des comptes estime régulièrement que ces dépenses devraient recevoir un traitement et une présentation différents :

– certains remboursements et dégrèvements devraient être enregistrés en déduction des recettes fiscales brutes et non en dépense : il s’agit des dépenses relevant de la mécanique de l’impôt, qui « devraient être comptabilisées directement en minoration des recettes », et des dépenses relevant de l’action Politiques publiques, qui « ne recensent que les fractions des crédits dimpôt qui sont restituées aux contribuables [et] qui, à elles seules, nont pas de signification » ;

– à l’inverse, les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux « constituent de vraies dépenses pour lÉtat », et « la Cour recommande depuis 2011 de ne pas les déduire des recettes fiscales brutes dans la présentation du tableau déquilibre des ressources et des dépenses qui figure dans les lois de finances » ;

– enfin, selon la Cour, certains remboursements et dégrèvements « ne traduisent ni une recette ni une dépense » : dans certaines situations (admission en non-valeur, remise de débets, dation en paiement, notamment), « “lapurement comptable” de la créance nécessite lenregistrement dune recette comme si la créance était recouvrée. Pour ne pas déséquilibrer le budget de lÉtat, cette recette “artificielle” est compensée par lenregistrement dune dépense, tout aussi artificielle, dans la mission Remboursements et dégrèvements. La Cour estime que ces opérations ne devraient pas être retracées dans la comptabilité budgétaire, car elles ne correspondent à aucun mouvement de trésorerie.

La Cour recommande dès lors :

– de ne plus faire figurer dans les dépenses de la mission celles relevant de la mécanique de l’impôt ainsi que celles retracées dans l’action Politiques publiques ;

– de modifier la présentation du tableau d’équilibre des ressources et des dépenses dans les lois de finances, en déduisant des recettes fiscales brutes les seuls remboursements et dégrèvements d’impôt d’État ;

– de fixer le calendrier de mise en œuvre de l’alignement de l’architecture du programme 201 sur celle du programme 200 ;

– de retracer dans le PAP et dans le RAP les admissions en non-valeur par année de prise en charge comptable de la créance et par impôt.

Ces observations sont pertinentes pour certaines, et la Rapporteure spéciale souligne que larchitecture budgétaire de la mission pourrait effectivement être améliorée. Il est néanmoins nécessaire de distinguer selon les situations.

● Concernant la première recommandation, relative aux actions Mécanique de limpôt et Politiques publiques, la Rapporteure spéciale souligne que la présentation actuellement retenue par le Gouvernement permet au Parlement dobtenir des informations utiles. La contraction des recettes brutes et des remboursements et dégrèvements ne dégrade pas particulièrement la lisibilité de l’ensemble du tableau, mais la contraction des recettes brutes et des remboursements et dégrèvements aurait nécessairement pour conséquence d’amoindrir l’information transmise au Parlement au sujet de l’impôt.

L’administration fiscale a également précisé que les systèmes d’information ne permettaient pas, en l’état, d’identifier précisément et comptablement les remboursements et dégrèvements occasionnés par chaque impôt. L’information présentée pourrait dès lors se révéler inexacte.

La Rapporteure spéciale estime donc que cette présentation, qui intègre les actions relatives à la mécanique de limpôt ainsi quaux politiques publiques, est satisfaisante, tout comme sa présentation en atténuation de recettes dans le tableau déquilibre du budget général.

● Concernant la deuxième recommandation, les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux constituent de véritables dépenses de l’État. De tels transferts aux collectivités territoriales pourraient donc ne pas être présentés en déduction des recettes fiscales brutes dans le tableau déquilibre, même si leur suivi au sein de la mission Remboursements et dégrèvements n’est pas remis en cause.

Les arguments soulevés par l’administration sont compréhensibles, mais ne permettent pas de justifier la présentation actuellement retenue concernant les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux :

– l’administration considère qu’à l’instar des prélèvements sur recettes (PSR) au profit des collectivités locales, les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux devraient être déduits des recettes brutes ; la Cour souligne que cette présentation n’est pas justifiée, car les PSR sont déduits après le calcul des recettes fiscales nettes de l’État ;

– l’administration soutient que le rattachement des remboursements et dégrèvements d’impôts locaux aux dépenses dégraderait la lisibilité des dépenses et affaiblirait leur pilotage budgétaire ; la Cour rappelle que, si cet argument a pu présenter une véritable pertinence du fait de l’évolution heurtée de ces sommes au moment de la réforme de la taxe professionnelle, ces variations se sont stabilisées ;

– enfin, l’administration rappelle que les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux sont comptabilisés en moindres recettes en comptabilité nationale ; la Cour accepte cet argument, mais souligne que les conventions de la comptabilité nationale ne s’imposent pas à la comptabilité budgétaire.

● La troisième recommandation de la Cour consiste à fixer le calendrier de mise en œuvre de l’alignement de larchitecture du programme 201 sur celle du programme 200.

L’administration souligne que les contraintes budgétaires imposent des choix stratégiques, et, la priorité ayant été donnée à la mise en œuvre du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, la mise en place de cette recommandation a été repoussée d’autant.

La Rapporteure spéciale est favorable à cette proposition à condition que cela ne dégrade pas la qualité de linformation transmise.

● Concernant la quatrième et dernière recommandation, qui consiste à publier dans les documents budgétaires des informations détaillées relatives aux admissions en non-valeur la Rapporteure spéciale considère que ces éléments sont utiles, et encourage l’administration à les y faire figurer.

5.   Le respect du principe de sincérité budgétaire nécessite de pouvoir évaluer les dépenses de manière fiable, mais la prévision budgétaire peut s’avérer délicate…

Comme le rappelle la Cour des comptes dans un référé portant sur les prévisions de recettes fiscales de l’État et transmis au ministre de l’économie et des finances en 2013 ([3]), « la qualité des prévisions de recettes fiscales a une influence déterminante sur la sincérité des projets de lois de finances. Pour que linformation du Parlement soit satisfaisante et pour que la crédibilité de la programmation budgétaire soit assurée, ces prévisions doivent reposer sur une organisation rigoureuse et des méthodes transparentes ».

La qualité de la prévision des dépenses pour l’année à venir constitue un enjeu d’autant plus important pour la mission Remboursements et dégrèvements que cette mission, qui est dotée de crédits évaluatifs, finance des dépenses contraintes, pour laquelle l’administration ne dispose que d’une très faible marge de manœuvre. Il est nécessaire pour l’administration comme pour le Parlement de disposer, dès le vote de la loi de finances, d’une évaluation fiable des dépenses auxquelles l’État devra nécessairement consentir au cours de l’année.

La fiabilité de la prévision est au cœur du principe de sincérité budgétaire, inscrit à l’article 47-2 de la Constitution, selon lequel « les comptes des administrations sont réguliers et sincères », et précisé par l’article 32 de la loi organique relative aux lois de finances de 2001.

Le principe de sincérité budgétaire dans la loi organique n° 2001-692
du 1er août 2001 relative aux lois de finances

Titre III : Du contenu et de la présentation des lois de finances

Chapitre Ier : Du principe de sincérité

Article 32.  Les lois de finances présentent de façon sincère lensemble des ressources et des charges de lÉtat. Leur sincérité sapprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler.

Article 33.  Sous réserve des dispositions de l’article 13 de la présente loi organique, lorsque des dispositions d’ordre législatif ou réglementaire sont susceptibles d’affecter les ressources ou les charges de l’État dans le courant de l’année, les conséquences de chacune d’entre elles sur les composantes de l’équilibre financier doivent être évaluées et autorisées dans la plus prochaine loi de finances afférente à cette année.

La sincérité s’apprécie donc au regard « des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler ». Dans sa décision du 25 juillet 2001 relative à la LOLF ([4]), le Conseil constitutionnel a tiré de cette formule une conséquence concrète : s’agissant des lois de finances en général, la sincérité est « labsence dintention de fausser les grandes lignes de léquilibre » ([5]). L’appréciation du juge constitutionnel, assez générale, tient ainsi compte des « aléas » inhérents aux prévisions de recettes ou des « incertitudes particulières » liées à une situation économique dégradée ([6]).

Le Conseil constitutionnel a néanmoins rappelé que, ne disposant pas d’un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, il ne lui appartenait pas « dapprécier le montant des autorisations dengagement et des crédits de paiement votés » ([7]).

Les écarts les plus significatifs affectent lévaluation des remboursements et dégrèvements : depuis 2013, les remboursements et dégrèvements exécutés se sont éloignés de 5,3 milliards d’euros à la prévision en moyenne, soit 5,2 %. Lexécution des recettes fiscales nettes est en revanche assez proche de la prévision.

ÉCARTS CONSTATÉS PAR RAPPORT AUX PRÉVISIONS (LR – LFI)

(en milliards d’euros et en %)

 

2013

2014

2015

2016

2017

Écart moyen (valeur absolue)

Recettes fiscales brutes

– 24,6

– 6,2 %

– 16,0

– 4,1 %

+ 4,8

+ 1,3 %

– 3,6

– 0,9 %

+ 7,0

+ 1,7 %

11,2

2,9 %

– Remboursements
et dégrèvements

– 9,9

– 10,3 %

– 5,9

– 5,8 %

+ 3,7

+ 3,7 %

– 3,2

– 3,2 %

– 3,7

– 3,4 %

5,3

5,2 %

= Recettes fiscales nettes

– 14,6

– 4,9 %

– 10,0

– 3,5 %

+ 1,0

+ 0,4 %

– 6,8

– 2,4 %

+ 3,4

+ 1,2 %

7,2

2,5 %

Source : lois de finances.

Ces écarts sexpliquent par la méthodologie suivie par ladministration pour évaluer les recettes fiscales et les remboursements et dégrèvements.

Les services évaluent dans un premier temps le montant des recettes fiscales nettes ; les remboursements et dégrèvements sont ensuite simulés à partir de ce premier travail, pour aboutir aux recettes fiscales brutes. La prévision des recettes fiscales nettes est ainsi déterminante, et la mission Remboursements et dégrèvements ne fait pas l’objet d’une prévision en tant que telle.

La direction du budget concentre ses analyses sur le montant des recettes fiscales nettes, qui lui permet de calculer le solde budgétaire.

Au sein du programme 200, l’évaluation des différentes actions pose des difficultés plus ou moins importantes selon les actions :

– laction n° 12, relative aux politiques publiques, est celle qui présente le moins de difficultés, les dépenses fiscales étant relativement stables au cours du temps ;

– laction n° 13, consacrée à la gestion de limpôt, bénéficie également dune certaine stabilité de la dépense, malgré des difficultés récurrentes concernant le suivi des contentieux fiscaux ;

– laction n° 11, qui retrace les dépenses dues à la mécanique de limpôt, est la plus complexe à modéliser pour les services. Pour la taxe sur la valeur ajoutée et pour l’impôt sur les sociétés, l’administration analyse l’évolution d’un agrégat économique qui influence directement la dynamique de chaque impôt (assiette des emplois taxables pour la taxe sur la valeur ajoutée, bénéfice net pour l’impôt sur les sociétés), et évalue, à partir de l’évolution attendue de cet agrégat, le montant des remboursements et dégrèvements à effectuer. Chaque impôt présente néanmoins des difficultés spécifiques : la concentration de l’assiette de l’impôt sur les sociétés affecte la fiabilité de l’évaluation car le comportement inattendu d’une seule grande entreprise peut faire dévier significativement la prévision, tandis qu’en matière de taxe sur la valeur ajoutée, le modèle inclut le rythme de traitement des dossiers par l’administration.

La méthodologie employée pour évaluer les crédits de l’action n° 11 – Mécanique de l’impôt, en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d’impôt sur les sociétés

Prévision des remboursements et dégrèvements de TVA

La prévision de la TVA est fondée sur la notion de TVA de période d’affaires (proche de celle de la comptabilité nationale), qui évolue d’une année à l’autre en fonction de la croissance estimée des emplois taxables. La TVA budgétaire est ensuite déduite de la TVA de période d’affaires par application d’un décalage comptable.

Dans le programme 200, qui retrace les remboursements et dégrèvements (R&D) d’impôts d’État, les R&D de TVA sont répartis dans deux sous actions : les remboursements et restitutions liés à la mécanique de l’impôt (200-11-02) et les R&D liés à la gestion des produits de l’État (200-13-04).

La prévision des remboursements et restitutions liés à la mécanique de l’impôt relatifs à la TVA est opérée en trois étapes successives :

– Étape 1 : Détermination de l’enveloppe globale des remboursements de crédits de TVA (RCTVA) ;

– Étape 2 : Détermination de l’enveloppe utile des RCTVA ;

– Étape 3 : Prise en compte des rythmes de traitement par les services fiscaux.

Étape 1 : Détermination dune enveloppe globale des remboursements de crédits de TVA (RCTVA)

L’enveloppe de crédits est ici considérée au sens large, regroupant les crédits de TVA demandés en remboursement comme ceux reportés en fin d’année, qu’il s’agisse de dépôts à temps ou de dépôts tardifs.

Dans ce contexte, l’exploitation de la chronique de cet agrégat sur série longue, corrigée d’éventuels effets comportementaux perturbateurs (dépôts effectués de manière tardive par rapport à leur date théorique), permet d’établir un modèle économétrique construit à partir des données des comptes trimestriels de l’Insee.

L’évolution des dépôts de demandes de remboursements de crédits de TVA résulte de l’application de ce modèle aux prévisions macro-économiques inscrites dans la note de conjoncture de l’Insee.

Étape 2 : Détermination de lenveloppe utile des RCTVA

Lors du dépôt d’une déclaration faisant apparaître un crédit de TVA, les entreprises arbitrent entre le report de ce crédit sur la déclaration de TVA suivante ou la demande de remboursement de cette créance.

Les conséquences budgétaires ne sont pas les mêmes, la demande de remboursement se traduisant par une dépense budgétaire, à l’inverse du report de crédit.

Dans ce contexte, la transposition budgétaire de la masse de crédits dégagés est modulée par la propension au report, par les contribuables, de ces crédits.

Pour les prévisions, les propensions retenues correspondent à celles observées par le passé.

 

 

 

Étape 3 : Prise en compte des rythmes de traitement par les services fiscaux

Les dépenses budgétaires dépendent des rythmes de traitement des dossiers par l’administration fiscale.

Les hypothèses régissant le traitement des demandes de remboursement de crédit de TVA sont regroupées dans des matrices de rythmes d’ordonnancement (délai entre la date de dépôt de la demande de remboursement et celle de son ordonnancement) d’une part, et des matrices de paiement (délai entre la date l’ordonnancement et celle du paiement), d’autre part.

Les rythmes sont prévus sur la base de ceux constatés au cours des années passées.

Nota bene : La prévision des remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de l’État consiste, pour sa part, à reporter les montants observés antérieurement.

Prévision des remboursements dexcédents dacompte dIS

Chaque année, une prévision est faite, à partir d’hypothèses macro-économiques, de l’évolution du montant de l’impôt sur les sociétés au titre d’un exercice donné.

Pour chaque entreprise, la liquidation de l’impôt (au mois de mai pour le plus grand nombre) conduit à faire une comparaison entre l’impôt net des imputations de crédits et les acomptes versés (constat d’un excédent de versement ou d’un complément à verser).

D’un point de vue macro-économique, le niveau du solde net d’impôt sur les sociétés relatif audit exercice est donc partagé entre :

– un solde brut, pour les entreprises débitrices au moment de la liquidation de leur exercice ;

– des restitutions d’excédents d’impôt sur les sociétés (REIS), pour les entreprises créditrices au moment de la liquidation de leur exercice.

Cette répartition est opérée au regard des ratios observés par le passé.

La prévision au titre d’un exercice donné est ensuite transposée en prévision budgétaire en mobilisant des poids constatés par le passé.

Concrètement, il s’agit de partager, d’une part, le solde brut versé au titre de N entre N et N+1 et, d’autre, part les REIS restitués au titre de N entre N et N+1.

Les dépenses comptabilisées dans la sous-action 200-11-01 correspondent aux REIS budgétaires de l’année concernée.

L’attention est appelée sur la difficulté à prédire le niveau de ces restitutions.

De manière générale, ce niveau est d’autant plus élevé que le résultat fiscal des entreprises se dégrade entre les deux années concernées.

Par ailleurs, à niveau d’évolution donnée de l’impôt entre deux années, le montant des restitutions est d’autant plus élevé que l’écart type est grand.

Il est notamment possible qu’en dépit d’une augmentation de l’impôt spontané entre deux années, les REIS progressent concomitamment.

Source : DGFiP, bureau GF-3C, chargé des statistiques fiscales.

 

L’administration fiscale a précisé que les recettes de taxe sur la valeur ajoutée étaient les plus difficiles à évaluer.

La Rapporteure spéciale salue les efforts accomplis par ladministration fiscale pour renforcer et fiabiliser les outils dévaluation. L’existence d’écarts entre prévision et exécution reste inévitable du fait de la difficulté à obtenir des prévisions macroéconomiques exactes, de la multiplicité des dispositifs fiscaux, de la diversité des contribuables. Toutefois, si la qualité des prévisions semble avoir atteint un niveau satisfaisant, l’administration doit rester vigilante afin de préserver cette efficacité.

6.   … en particulier concernant le suivi des contentieux fiscaux

Cet exercice savère particulièrement délicat pour ladministration lorsquil sagit destimer le coût à venir des contentieux fiscaux. Ces contentieux opposent l’État à certains contribuables, personnes physiques comme personnes morales, qui réclament la restitution de sommes indûment reçues, le plus souvent après qu’une disposition législative a été déclarée inconstitutionnelle ou contraire au droit de l’Union européenne.

Lors de son audition par la commission des finances de l’Assemblée nationale, le directeur général des finances publiques, M. Bruno Parent, a souligné que l’administration avait « beaucoup de difficultés à évaluer [ce quelle devait] inscrire à titre de provisions pour une année budgétaire donnée » ([8]). Pour expliquer ces décalages persistants, le directeur général a précisé que « trois acteurs différents sont en effet en présence, dont laction combinée détermine le niveau de la dépense effective, quand elle sobserve » :

– le juge, d’abord : l’administration ne peut prévoir quand il va se prononcer, ni, dans quel sens, et des incertitudes pèsent donc sur les cas les plus compliqués et les plus litigieux ;

– le justiciable, ensuite : celui-ci doit monter un dossier, ce qui implique de produire les pièces attestant qu’il remplit bien les conditions d’éligibilité au remboursement ; la constitution de ces dossiers peut être complexe ;

– l’administration, enfin : la capacité de traitement des services fiscaux n’est pas illimitée, et face au nombre très important des dossiers dans un contexte de baisse des effectifs, les délais peuvent en être rallongés.

 

 

La question de lanticipation et de la juste évaluation du coût des contentieux fiscaux nest pas nouvelle. La récurrence et la multiplication de ces contentieux, entraînant de fait un accroissement tendanciel de leur coût, a conduit la commission des finances de l’Assemblée nationale à créer une mission dinformation sur la gestion du risque budgétaire associé aux contentieux fiscaux et non fiscaux de lÉtat ([9]) , dont la Rapporteure spéciale était membre, et qui a rendu ses conclusions au mois d’octobre.

Comme lannée précédente, la Rapporteure spéciale présentera un suivi détaillé des contentieux fiscaux en cours.

 


—  1  —

   INTRODUCTION

Les dépenses associées aux remboursements et dégrèvements, dimpôts dÉtat comme dimpôts locaux, connaissent une augmentation continue depuis le début des années 2000 : le taux de croissance annuel moyen de la dépense s’établit à + 3,9 % entre 2001 et 2017, et à + 4,6 % entre 2001 et la prévision 2019.

Ce dynamisme est principalement imputable aux remboursements et dégrèvements dimpôts dÉtat, qui ont presque doublé entre 2001 et 2017, passant de 50,6 milliards deuros à 99,9 milliards, et devraient poursuivre leur augmentation en 2019, pour sétablir à 115,4 milliards deuros. Leur croissance s’explique par un recours de plus en plus régulier à la dépense fiscale, et par quelques dispositifs en particulier. La création du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi a ainsi occasionné une augmentation significative de la dépense sur le programme 200 : en 2019, les restitutions de CICE affecteront le programme à hauteur de près de 16 milliards deuros. Elles devraient diminuer à compter de 2020.

Les remboursements et dégrèvements dimpôts locaux ont longtemps été stables, fluctuant autour de 12,5 milliards d’euros entre 2001 et 2017. Ils connaissent en 2018 une forte croissance, du fait de la mise en œuvre du dégrèvement de taxe d’habitation pour 80 % des ménages, qui sera poursuivie en 2019.

Évolution des remboursements et dégrèvements, depuis 2001

Source : réponses aux questionnaires.

Les principales évolutions entre 2018 et 2019 seront dues :

 à la mise en œuvre du prélèvement à la source de limpôt sur le revenu, sur le programme 200 relatif aux impôts d’État, pour + 11,5 milliards d’euros, l’essentiel étant porté par la sous-action 12 Politiques publiques ;

 à la diminution du coût associé aux contentieux fiscaux, du fait du dégonflement du contentieux relatif à la contribution de 3 % sur les dividendes distribués, dont les conséquences budgétaires ont été concentrées sur les années 2017 et 2018. En 2019, les dépenses associées à ce contentieux devraient s’élever à 500 millions d’euros, contre 4 milliards en 2018, et seront retracées sur le programme 200 également (sous-action 13 Gestion de limpôt) ;

 à la montée en charge du dégrèvement de taxe dhabitation pour 80 % des ménages, sur le programme 201, pour + 3,8 milliards d’euros (action 03 Taxe dhabitation).

 


—  1  —

   Première Partie : Le programme 200
Remboursements et dégrèvements dimpôts dÉtat

● Les remboursements et dégrèvements d’impôts d’État sont en augmentation régulière depuis le début des années 2000, passant de 50,6 milliards d’euros en 2001 à 99,9 milliards en 2017.

Le tableau suivant présente les crédits du programme 200 depuis 2013.

Évolution pluriannuelle des crédits du programme 200

(en millions d’euros)

 

2013

2014

2015

2016

2017

Révision 2018

PLF
2019

Évolution
2018-19

Action 11 
Mécanique de limpôt

57 868

62 395

66 617

66 909

65 660

70 177

70 293

+ 116

+ 0,2 %

Action 12

Politiques publiques

6 515

11 597

13 613

13 001

16 208

21 353

33 178

+ 11 825

+ 55,4 %

Action 13

Gestion des produits

12 827

10 638

11 279

10 708

18 041

16 967

12 359

 4 608

 27,2 %

P 200

77 210

84 630

91 509

90 618

99 909

108 497

115 830

+ 7 333

+ 6,8 %

Source : réponses aux questionnaires.

 Pour 2019, la dépense du programme 200 est attendue en augmentation de 7,3 milliards deuros par rapport à 2018 (+ 4,8 %). Le taux de croissance annuel moyen de la dépense entre 2013 et 2019 s’établit ainsi à + 7,5 %.

Le programme 200 comporte trois actions :

– l’action 11 Remboursements et restitutions liés à la mécanique de limpôt, pour l’essentiel des excédents de versements d’impôts sur les sociétés ou de remboursements de crédits de TVA ;

– l’action 12 Remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques, qui retrace la part restituée des crédits d’impôts ;

– l’action 13 Remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de lÉtat, qui traduit les dégrèvements contentieux et gracieux, les erreurs de l’administration fiscale, les admissions en non-valeur, les dations en paiement ou encore les intérêts moratoires.

Depuis 2013, la hausse de la dépense constatée à au niveau du programme est principalement due à laction 12, du fait de la montée en charge progressive du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) jusqu’en 2018, et de la mise en place du prélèvement à la source à partir de 2019, et dans une moindre mesure à la hausse de la dépense sur l’action 11, là encore en raison de la mise en œuvre du CICE.

La mise en œuvre du prélèvement à la source affectera principalement l’action 12 (sous-actions 200-12-02 et 200-12-08) à hauteur de 11,3 milliards d’euros. Les actions 11 et 13 seront également concernées par la mise en œuvre du prélèvement à la source, mais dans une moindre mesure : une nouvelle sous-action sera créée au sein de chacune de ces actions, à hauteur de 100 millions deuros chacune.

I.   L’action 11 Remboursements et restitutions liés à la mécanique de limpôt

 Le tableau suivant présente lévolution de chaque sous-action
depuis 2013.

Évolution pluriannuelle des crédits de l’action 11 du programme 200

(en millions d’euros)

 

2013

2014

2015

2016

2017

Révision 2018

PLF
2019

Évolution
2018-19

11-01 IS

10 554

14 523

16 898

16 573

14 559

17 950

16 466

 1 484

 8,3 %

11-02 TVA

47 008

47 607

49 532

50 148

50 916

52 018

53 523

+ 1 505

+ 2,9 %

11-03

177

19

10

8

2

5

 5

 100 %

11-04 Autres

129

246

177

180

182

204

204

11-05 PAS

100

+ 100

Action 11

57 868

62 395

66 617

66 909

65 660

70 177

70 293

+ 116

+ 0,2 %

Source : réponses aux questionnaires.

● Pour 2019, les crédits de laction 11 relative à la mécanique de limpôt sélèveront à 70,3 milliards deuros, en quasi-stabilité par rapport à 2018 (+ 116 millions d’euros, soit + 0,2 %), et en forte augmentation par rapport à 2013 (+ 12,4 milliards d’euros, soit + 21,4 %).

L’évolution entre 2018 et 2019 s’explique par :

– une baisse des restitutions dimpôts sur les sociétés (– 1,5 milliard d’euros), du fait d’une évolution légèrement plus dynamique du bénéfice fiscal attendue entre 2017 et 2018, de la non-reconduction des contributions exceptionnelles et additionnelles votées dans la première loi de finances rectificative pour 2017 ([10]), et de la diminution des imputations de créances de CICE induites par la baisse d’un point du taux pour 2018 ;

 compensée par une hausse des restitutions de crédits de TVA (+ 1,5 milliard deuros) ;

– la création d’une nouvelle action en matière dimpôt sur le revenu afin daccompagner la mise en place du prélèvement à la source, qui permettra, selon le projet annuel de performances, « daccueillir les remboursements et dégrèvements de trop versé dimpôt sur le revenu et de prélèvements sociaux (constatés à lémission du rôle) ».

Par rapport à 2013, la hausse de la dépense s’explique par une croissance régulièrement des restitutions d’impôts sur les sociétés (+ 5,9 milliards d’euros), du fait de la montée en charge du CICE, et de la croissance des restitutions de crédits de TVA (+ 6,5 milliards deuros).

II.   L’action 12 Remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques

 Pour 2019, les crédits de laction 12 relative aux politiques publiques sont en forte augmentation par rapport à 2018, du fait de la mise en œuvre du prélèvement à la source de limpôt sur le revenu (+ 10,8 milliards d’euros) et dans une moindre mesure, à la hausse de la dépense des remboursements en matière d’impôts sur les sociétés (+ 427 millions) et de TICPE (+ 600 millions).

Par rapport à 2013, la dépense aura été multipliée par six, du fait de la mise en œuvre du CICE à partir de 2014, et du prélèvement à la source (PAS) en 2019.

La mise en œuvre du PAS affecte deux sous-actions de l’action 12, pour + 11,2 milliards d’euros :

– l’action 200-12-02 Impôt sur le revenu, du fait de l’imputation du crédit d’impôt pour la modernisation du recouvrement (CIMR), pour + 6,9 milliards, et de moindres restitutions de crédits d’impôts, pour
– 1,2 milliard ;

– l’action 200-12-08 Acomptes de crédits et de réductions d’impôts sur le revenu, créée en 2019, pour + 5,5 milliards.

 Le tableau suivant présente les crédits de laction 12 depuis 2013.

Évolution pluriannuelle des crédits de l’action 12 du programme 200

(en millions d’euros)

 

2013

2014

2015

2016

2017

Révision 2018

PLF
2019

Évolution
2018-19

12-01 PPE

1 882

1 951

1 962

37

4

12-02 IR

1 459

2 108

2 372

2 696

2 625

3 647

8 933

+ 5 286

+ 145 %

12-03 IS

1 894

6 267

8 058

8 891

11 977

15 651

16 078

427

 2,7%

12-04 TICPE

787

760

706

758

1 008

1 500

2 100

600

+ 40 %

12-05 TICGN

3

3

1

2

2

3

2

– 1

 33 %

12-06 CAP

490

508

514

617

592

552

552

12-08 PAS

5 513

+ 5 513

Action 12

6 515

11 597

13 613

13 001

16 208

21 353

33 178

+ 11 825  

+ 55,4 %

Source : réponses aux questionnaires.

A.   LES SOUS-actions 200-12-02 eT 200-12-08 relatives À l’impÔt sur le revenu

 En 2019, la mise en œuvre du prélèvement à la source aura des conséquences importantes sur les montants de crédits d’impôts restitués :

– d’une part, en raison de la création du crédit d’impôt pour la modernisation du recouvrement, pour 6,9 milliards d’euros (sous-action 200‑12‑02) ;

– d’autre part, du fait du versement anticipé d’acomptes pour certains crédits et réductions d’impôt, qui aura deux impacts de sens contraire :

– le versement d’un acompte égal à 60 % du crédit ou de la réduction d’impôt de l’année précédente aura pour conséquence une hausse de la dépense, pour + 5,6 milliards d’euros, enregistrée sur la nouvelle action 200-12-08 ;

– en sens inverse, l’octroi de cette avance conduira mécaniquement à une diminution des restitutions restant à opérer pour les crédits et réductions d’impôt concernés, à hauteur de – 1,2 milliard d’euros, sur la sous-action 200-12-02.

1.   La sous-action 200-12-02 Impôt sur le revenu

 Les principaux dispositifs fiscaux donnant lieu à restitution dimpôt sur le revenu, retracés dans laction 200-12-02, sont présentés dans le tableau suivant. Seule la part restituée est retracée dans la mission Remboursements et dégrèvements : la somme de la part restituée et de la part imputée représente le montant total de la dépense fiscale occasionnée par le dispositif, qui figure dans le tome II des Voies et moyens.

Évolution de la Sous-action 200-12-02 : impÔt sur le revenu

(en nombre de bénéficiaires et en millions d’euros)

 

Nombre de bénéficiaires
2016 (1)

(en millions)

2017 exécuté

2018 révisé

2019 prévu

Part
restituée

Part
imputée

Part
restituée

Part
imputée

Part
restituée

Part
imputée

Crédit d’impôt pour la modernisation du recouvrement (CIMR)

6 900

CI au titre de l’emploi d’un salarié à domicile

1,61

290

1 770

1 430

3 235

860

3 900

CITE

1,23

721

961

800

1 150

371

634

CI égal au prélèvement forfaitaire obligatoire (PFU à compter de 2019)

11,20

577

3 276

501

3 067

228

3 137

CICE

0,41

231

611

234

640

225

649

CI pour frais de garde des enfants âgés de moins de six ans

1,81

510

690

510

690

207

993

CI en faveur des entreprises agricoles utilisant le mode de production biologique

0,01

26

6

30

7

28

9

CI pour dépenses d’équipements de l’habitation principale en faveur de l’aide aux personnes

0,07

33

29

30

34

27

40

CI en faveur de l’apprentissage

0,04

24

17

21

14

21

14

CI au titre des intérêts d’emprunt supportés à raison de l’acquisition ou de la construction de l’habitation principale

0,24

62

85

22

26

19

29

CI au titre des cotisations versées aux organisations syndicales représentatives des salariés

1,47

28

124

27

124

13

138

CI au titre des dépenses engagées par les exploitants agricoles pour assurer leur remplacement

0,03

12

5

12

6

12

6

CI au titre des dépenses engagées pour la formation du chef d’entreprise

0,16

10

25

10

26

9

27

CI à raison des intérêts des prêts souscrits entre le 01/09/2005 et le 31/12/2008en vue du financement de leurs études par les personnes âgées de vingt-cinq ans au plus

0,01

0,2

0,3

0,1

0,2

0,1

0,2

CI prime d’assurance contre les impayés de loyers

0,03

1

3

-

-

-

-

Total des dispositifs présentés (hors CIMR)

2 525

7 602

3 627

9 019

2 020

9 576

Total des dispositifs présentés

 

2 525

7 602

3 627

9 019

8 920

9 576

(1) Il sagit du nombre de bénéficiaires de la dépense fiscale (et non ceux ayant fait lobjet dune restitution).

Source : réponses aux questionnaires.

 En 2019, les dépenses sont attendues à 8,9 milliards d’euros, en augmentation de + 5,3 milliards d’euros par rapport à 2018, du fait principalement de la mise en œuvre du prélèvement à la source.

Concernant les autres dispositifs, le montant de la dépense fiscale évolue généralement peu, dans un contexte de stabilité de la législation applicable. Le montant de la dépense fiscale associée au crédit dimpôt pour la transition énergétique (CITE) connaît toutefois une très forte diminution (de 1,9 milliard d’euros en 2018 à 1 milliard en 2019, soit une baisse de 850 millions d’euros), du fait de la réforme du dispositif intervenue dans la loi de finances initiale pour 2018.

 Laction 200-12-02 sera fortement affectée par la mise en place du prélèvement à la source de limpôt sur le revenu. Limpact est double.

Premièrement, afin d’assurer la transition entre les deux systèmes en 2019, et d’éviter la double contribution aux charges publiques au titre de l’impôt sur le revenu, un crédit dimpôt pour la modernisation du recouvrement a été mis en place (CIMR). Égal à l’impôt sur le revenu afférent aux revenus non exceptionnels perçus ou réalisés en 2018 et inclus dans le champ d’application du prélèvement à la source, le CIMR permet d’annuler ces impôts. L’excédent éventuel sera restitué aux contribuables. Cet excédent a été évalué par ladministration fiscale à 6,9 milliards deuros.

Les conséquences budgétaires du crédit d’impôt pour la modernisation du recouvrement sur le programme 200, en 2019

Le prélèvement à la source (PAS) a été institué par la loi de finances pour 2017 (loi 2016-1917 du 29-12-2016 art. 60) puis modifié par la loi de finances rectificative pour 2017 (Loi 2017-1775 du 28-12-2017 art. 11). Son entrée en vigueur a été reportée au 1er janvier 2019 par l’ordonnance 2017-1390 du 22 septembre 2017.

Le PAS s’appliquera donc aux revenus perçus ou réalisés à compter du 1er janvier 2019. Ainsi, la majorité des revenus perçus par les particuliers fera l’objet d’un prélèvement – sous la forme d’une retenue à la source ou du paiement d’un acompte, selon la nature des revenus – venant contribuer à éteindre la dette fiscale inhérente à ces mêmes revenus.

Le total du prélèvement à la source opéré au cours de l’année N est imputé sur l’impôt sur le revenu dû établi d’après les éléments figurant sur la déclaration de revenus de l’année N souscrite en N + 1, l’obligation de chaque foyer d’avoir à souscrire une déclaration des revenus étant maintenue. Lorsque l’impôt définitif est inférieur au montant des acomptes déjà acquittés, l’excédent de versement est imputé sur les autres impôts directs dus par le contribuable et, s’il n’en existe pas, remboursé à l’intéressé.

Pour l’année 2019, le II de l’article 60 de la loi n° 20161917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 modifié dispose que les contribuables bénéficient, à raison des revenus non exceptionnels entrant dans le champ du prélèvement à la source perçus ou réalisés en 2018, d’un crédit d’impôt pour la modernisation du recouvrement (CIMR) destiné à assurer, pour ces revenus, l’absence de double contribution aux charges publiques en 2019 (année de transition) au titre de l’impôt sur le revenu.

Ainsi, l’impôt sur le revenu afférent aux revenus non exceptionnels perçus ou réalisés en 2018 et inclus dans le champ d’application du prélèvement à la source est annulé au moyen du CIMR. Ce dispositif transitoire permet également de maintenir l’effet globalement incitatif des réductions et crédits d’impôt acquis au titre de l’année 2018.

En effet, le CIMR constitue un crédit d’impôt qui s’impute sur l’impôt sur le revenu dû au titre des revenus de l’année 2018, après imputation de toutes les réductions d’impôt, de tous les crédits d’impôt et de tous les prélèvements ou retenues non libératoires, l’excédent éventuel étant restitué aux contribuables.

Source : direction générale des finances publiques.

Deuxièmement, en sens inverse, le versement de lacompte sur crédits et réductions dimpôt, retracé dans la sous-action 200-12-08 (détaillée au 2 du présent A), occasionnera de moindres restitutions de crédits d’impôts, dès lors que la reprise de l’acompte lors de la liquidation de l’impôt en juillet 2019 entraîne mécaniquement une augmentation de la capacité à imputer les crédits d’impôts. Sur l’action 200-12-02, cet impact a été évalué à  1,2 milliard deuros.

Ce mécanisme explique en grande partie la diminution significative de la part restituée de certains crédits d’impôt entre 2018 et 2019. Par exemple, concernant le crédit d’impôt au titre de l’emploi d’un salarié à domicile, ses bénéficiaires feront l’objet d’un versement au titre de l’acompte en 2019 (à hauteur de 2,7 milliards d’euros, retracés dans la sous-action 200-12-08). De ce fait, la part restituée diminuera nettement (– 570 millions d’euros, à 870 millions).

En revanche, le coût total associé à cette dépense fiscale totale devrait augmenter entre 2018 et 2019 (de 4 665 millions à 4 760 millions d’euros, soit + 95 millions).

Limpact final du prélèvement à la source sur la sous-action 200-12-02 sélèvera ainsi à 5,7 milliards deuros (+ 6,9 milliards d’euros au titre du CIMR, – 1,2 milliard de moindres restitutions au titre de l’acompte).

2.   La sous-action 200-12-08 Acomptes de crédits et de réductions dimpôt sur le revenu (prélèvement à la source)

 Dès janvier 2019, les contribuables bénéficieront d’un acompte égal à 60 % du crédit ou de la réduction d’impôt de l’année précédente – c’est-à-dire du crédit ou de la réduction d’impôt payé en 2018, au titre des dépenses engagées en 2017.

Ce dispositif a pour objectif de faire bénéficier aux ménages dune avance de trésorerie supplémentaire.

Ce mécanisme avait été intégré dès la loi de finances pour 2016 à larticle 1665 bis du code général des impôts ([11]). L’article 3 du présent projet de loi de finances étend le champ des réductions et des crédits d’impôt concernés, et double le taux de l’acompte versé aux contribuables.

CHAMP D’APPLICATION DE L’ACOMPTE PRÉVU À L’ARTICLE 1665 BIS DU CGI
SUR LES AVANTAGES FISCAUX ACQUIS AU TITRE DE L’ANNÉE N – 1

 

 

Droit existant

Dispositif proposé

Crédits d’impôt

Crédit d’impôt au titre des frais de garde des jeunes enfants
(article 200 quater B du CGI)

30 %

60 %

Crédit d’impôt au titre de l’emploi salarié à domicile
(articles 199 sexdecies du CGI)

Crédit d’impôt au titre des cotisations versées aux organisations syndicales (article 199 quater C du CGI)

Non proposé

Réductions d’impôt

Réduction d’impôt accordée au titre des dépenses afférentes à la dépendance (article 199 quindecies du CGI)

Réduction d’impôt au titre de certains investissements réalisés outre-mer (b e du 2 de l’article 199 undecies A du CGI)

Réduction d’impôt accordée au titre des investissements locatifs (dite réduction d’impôt « Censi-Bouvard » (article 199 sexvicies du CGI)

Réduction d’impôt accordée au titre des investissements locatifs, dite réduction d’impôt « Scellier » (article 199 septvicies du CGI)

Réduction d’impôt accordée au titre des investissements locatifs intermédiaires, dite réduction d’impôt « Pinel »

(article 199 novovicies du CGI)

Réduction d’impôt au titre des dons faits par les particuliers
(article 200 CGI)

Source : d’après le tableau de la page 84 du rapport fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2019, par M. Joël Giraud, Rapporteur général, Tome II, n° 1302.

 Dans le rapport fait sur la première partie du projet de loi de finances pour 2019 ([12]), le rapporteur général relève toutefois que « le fait que lextension du dispositif dacompte à des réductions dimpôt, dont la nature et le fonctionnement semblent peu adaptés à un mécanisme dacompte, et le doublement de son taux sont susceptibles de poser, en pratique, quelques difficultés » :

– premièrement, le dispositif proposé est susceptible de « donner lieu à des situations difficiles, pour les contribuables non imposables ou qui le seraient devenus entre deux années dimposition. Il faut donc sattendre à ce que les sommes soient, dans pareils cas, restituées par les contribuables concernés » ;

– deuxièmement, le doublement du montant de l’acompte « augmente, mécaniquement, lampleur des régularisations – et donc des restitutions –, le cas échéant, dans des proportions significatives », ce qui pourrait occasionner des difficultés à recouvrer, « en particulier dans le cas où les avantages acquis auraient évolué́ à la baisse » ;

– troisièmement, le dispositif d’acompte « saccommode mal de dépenses non récurrentes ».

La Rapporteure spéciale a obtenu des informations concernant le montant des acomptes opérés et le revenu fiscal de référence des contribuables bénéficiaires, présentés dans le tableau suivant.

Bénéficiaires de l’avance de Crédits et de réductions d’impôt, par dispositif

 

Nombre de bénéficiaires

Montant total de lavance (en M€)

Montant moyen de lavance

(en €)

Montant médian de lavance

(en €)

RFR moyen des bénéficiaires (en €)

IR moyen des bénéficiaires (en €)

CI lié à l’emploi d’un salarié à domicile

4 004 626 (1)

2 701,5

675

419

56 837

6 022

CI lié à la famille (garde d’enfants de moins de 6 ans)

1 688 560

667,8

395

345

43 347

1 918

RI pour dépenses de dépendance (EHPAD)

151 043

139,7

925

1 117

40 189

1 717

RI en faveur de l’investissement locatif (Pinel, Duflot, Scellier, investissement social et logement dans les DOM, Censi-Bouvard)

423 582

1 160,0

2 739

2 421

96 292

10 222

CI et RI en faveur des dons aux œuvres, des personnes en difficulté et des cotisations syndicales

5 026 019

945,3

188

73

55 146

5 527

Total

5 614,2 (2)

(1)  Lécart avec le nombre de bénéficiaires présenté dans le tableau « Évolution de la sous-action 200-12-02 : Impôt sur le revenu », qui sélève à 1,6 million deuros pour 2016, sexplique par le fait que les évolutions intervenues en loi de finances pour 2017 (transformation de la RI en CI et généralisation à lensemble des contribuables, le dispositif étant jusque-là réservé aux personnes exerçant une activité professionnelle ainsi quaux demandeurs demploi). Daprès le Tome II des Voies et moyens annexé au PLF pour 2019, la RI au titre de lemploi dun salarié à domicile – non retracée dans la mission Remboursements et dégrèvements car ne donnant pas lieu à restitution – a bénéficié en 2017 à 2,3 millions de ménages, pour un montant de dépense fiscale évalué à 1,4 milliard deuros. Cette RI a disparu en 2018 au profit du CI. En 2017 toutefois, les deux dispositifs coexistaient encore : la RI (2,3 millions de bénéficiaires) et le CI (1,6 million), bénéficiant, cette année-là, à 3,9 millions de contribuables.

(2) Lécart entre le montant total de 5,6 milliards deuros présenté ici et le montant de la sous-action évalué dans le projet annuel de performances pour 2019 sexplique par le fait quau moment de lédition du PAP, les RI Censi-Bouvard navaient pas encore été intégrées au dispositif dacompte.

Source : réponses aux questionnaires.

 

Ces éléments suggèrent que le dispositif proposé pourra constituer une aide en trésorerie non négligeable dans certains cas :

– concernant le crédit d’impôt lié à la famille, le montant moyen de l’acompte versé s’élève à 395 euros (soit 21 % de l’impôt sur le revenu acquitté par les bénéficiaires) ;

– concernant la réduction d’impôt pour dépenses de dépendance, le montant de l’acompte versé atteint 925 euros (soit 54 % de l’impôt sur le revenu acquitté par les bénéficiaires).

Le Rapporteur général  ([13]) rappelle que les estimations réalisées au moment du PLF pour 2017 indiquaient que l’acompte, qui couvrait alors les seuls crédits d’impôt relatifs à l’emploi à domicile et aux frais de garde des jeunes enfants, serait versé à environ 3 millions de foyers fiscaux, pour un montant total de 1,3 milliard d’euros. Lampleur des régularisations était estimée à 100 millions deuros. La Rapporteure spéciale relève que l’élargissement des dispositifs concernés par l’acompte et le doublement du taux sont susceptibles d’augmenter significativement ce montant.

L’article 1665 bis du CGI, institué par la loi de finances initiale pour 2017 ([14]), prévoit un dispositif permettant de limiter le montant de lavance versée au bénéfice des ménages dont le taux de prélèvement à la source est nul en application du II de l’article 204 H du CGI (contribuables dont l’IR dû au titre des deux dernières années était nul, et dont les revenus sont inférieurs à 25 000 € par part).

Pour ces ménages, la part restituée en 2019 s’élèvera à 60 % (actuellement 30 %) de la différence entre, d’une part, la somme des avantages fiscaux dont ils bénéficient (crédits et réductions d’impôt entrant dans le champ de l’avance), et d’autre part du montant de l’impôt sur le revenu de l’année précédente.

B.   La sous-action 200-12-03 ImpÔt sur les sociÉtÉs

● Les principaux dispositifs fiscaux donnant lieu à restitution dimpôt sur les sociétés, retracés dans laction 200-12-03, sont présentés dans le tableau suivant. Seule la part restituée est retracée dans la mission Remboursements et dégrèvements : la somme de la part restituée et de la part imputée représente le montant total de la dépense fiscale occasionnée par le dispositif, qui figure dans le tome II des Voies et moyens.

Sous-action n° 200-12-03 : CrÉdit d’impÔt en matiÈre d’impÔt sur les sociÉtÉs

(en millions d’euros)

 

Nombre de bénéficiaires 2017 (1)

2017 exécuté

2018 révisé

2019 prévu

Bénéficiaire final

Part restituée

Part imputée

Part restituée

Part imputée

Part restituée

Part imputée

CICE

561 591

7 252

7 320

10 359

8 555

10 606

8 223

Entreprises

CI en faveur de la recherche (y compris CII)

17 735

4 001

2 305

3 962

2 299

4 021

2 345

Entreprises

Prêt à taux zéro et Prêt à taux zéro renforcé (PTZ et PTZ+)

250

101

645

719

203

866

244

Ménages

CI pour dépenses de production dœuvres cinématographiques

309

154

3

154

3

154

3

Entreprises

CI en faveur de lapprentissage

69 627

124

46

124

46

124

46

Entreprises

CI en faveur des investissements productifs outre-mer

480

66

17

66

17

66

17

Entreprises

CI pour dépenses de production dœuvres audiovisuelles

137

50

3

50

3

50

3

Entreprises

CI famille

3 642

49

52

49

52

49

52

Ménages

CI pour dépenses de production dœuvres cinématographiques et audiovisuelles engagées par des entreprises de production exécutives

26

44

< 0,5

44

< 0,5

44

< 0,5

Entreprises

CI pour investissement en Corse

2 640

28

17

28

17

28

17

Entreprises

CI pour dépenses de conception de nouveaux produits exposés par les entreprises exerçant les métiers de lart

1 737

21

3

21

3

21

3

Entreprises

CI pour la production phonographique

163

10

2

10

2

10

2

Entreprises

CI pour les entreprises de création de jeux vidéo

19

9

< 0,5

9

< 0,5

9

< 0,5

Entreprises

Eco-prêt à taux zéro (Éco-PTZ)

78

8

45

8

36

7

34

Ménages

CI au titre des dépenses engagées pour la formation du chef dentreprise

29 694

7

7

7

7

7

7

Entreprises

CI pour dépenses de production de spectacles vivants musicaux ou de variétés

351

7

2

7

2

7

2

Entreprises

CI au titre des investissements réalisés dans le secteur du logement social en outre-mer

2

7

< 0,5

7

< 0,5

7

< 0,5

Ménages

CI pour le rachat des entreprises par les salariés

34

1

< 0,5

1

< 0,5

1

< 0,5

Entreprises

CI en faveur de lagriculture biologique

597

1

< 0,5

1

< 0,5

1

< 0,5

Entreprises

CI pour dépenses de prospection commerciale

1 157

17

6

17

6

CI en faveur de lintéressement

815

4

6

4

6

CI en faveur des maîtres-restaurateurs

1 113

4

1

4

1

Total des dispositifs présentés

11 965

10 480

15 651

11 258

16 078

10 998

(1) Il s’agit du nombre de bénéficiaires de la dépense fiscale (et non ceux ayant fait l’objet d’une restitution).

Seule la partie des dépenses afférente aux entreprises à l’impôt sur les sociétés figure dans ce tableau pour ce qui concerne les dispositifs également applicables aux entreprises individuelles soumises à l’impôt sur le revenu, dans le cas du crédit d’impôt en faveur de l’apprentissage notamment.

Source : réponses aux questionnaires.

 Les crédits de la sous-action n° 200‑12‑02 Impôt sur les sociétés ont été multipliés par huit depuis 2013, du fait de la mise en œuvre du crédit dimpôt pour la compétitivité et lemploi, principalement.

Les dépenses sont attendues à 16,1 milliards d’euros en 2019, en augmentation de + 0,4 milliard par rapport à 2018.

Les dispositifs fiscaux connaissent une assez grande stabilité, en raison de la stabilité de législation. Les évolutions attendues entre 2018 et 2019 sont relatives :

– au CICE : la part restituée devrait croître légèrement entre 2018 et 2019 (+ 247 millions d’euros, à 10,6 milliards), même si la dépense fiscale totale devrait légèrement reculer (– 85 millions d’euros, à 18 829 euros) ;

 au crédit dimpôt en faveur de la recherche : la part restituée augmenterait de 59 millions d’euros, et la dépense fiscale totale, de 105 millions d’euros ;

– aux prêts à taux zéro (PTZ et PTZ+) : la part restituée augmenterait également, de 147 millions deuros, atteignant 866 millions deuros, et la dépense fiscale totale, de 188 millions, atteignant 1,11 milliard. En effet, bien que le dispositif ait été recentré à l’occasion de la loi de finances pour 2018, afin de favoriser la demande de logements neufs et de rénovation de logements anciens des ménages à revenus modestes et intermédiaires, le « coût annuel dispositif devrait néanmoins continuer de croître en 2018 et 2019 en raison de limpact de lélargissement du PTZ sur les dernières années (associées à un coût générationnel croissant) » ([15]).

 Le tableau suivant présente la répartition indicative de la dépense associée au CICE sur les différentes sous-actions sur programme 200.

RÉPARTITION estimÉe De la dÉpense associÉe au CICE
SUR LES DIFFÉRENTES SOUS-ACTIONS DU PROGRAMME 200

(en millions d’euros)

 

2014

2015

2016

2017

PLF

2018

PLF

2019

Coût du CICE sur la ligne
11-01 (Mécanique IS)

2 466

4 041

4 281

4 392

5 133

4 934

Coût du CICE sur la ligne
12-02 (Politiques publiques IR)

76

195

236

231

250

250

Coût du CICE sur la ligne
12-03 (Politiques publiques IS)

2 104

4 066

4 466

7 252

10 359

10 606

Coût du CICE sur la ligne
13-01 (Gestion de limpôt IR)

n.c.

n.c.

n.c.

n.c.

n.c.

n.c.

Coût total du CICE sur le programme 200 (1)

4 646

8 302

8 983

11 875

12 045

15 790

(1) Compte non tenu du coût du CICE sur la ligne 200-13-01.

Source : réponses aux questionnaires.

En effet, si les dépenses liées à la mise en œuvre du CICE sont principalement imputables à la mise en œuvre d’une politique publique (action 2), cette mise en œuvre a également un effet direct sur la dépense liée à la mécanique de l’impôt (action 1) selon les principes illustrés dans l’encadré ci‑dessous.

Elles impactent les lignes concernant l’impôt sur le revenu ou l’impôt sur les sociétés suivant le mode d’imposition choisi par la société concernée.

Exemples de répartition des crédits budgétaires du CICE
entre mécanique de l’impôt et mise en œuvre d’une politique publique

Exemple n° 1 :

– Le montant d’IS exigible avant mise en œuvre du CICE est de 100 ;

– Le montant de la créance de CICE est de 90. La somme des acomptes déjà versés est de 20 ;

– La créance peut être imputée sur l’IS en totalité. L’IS après imputation de créance s’élève donc à 10 (100-90), et est inférieur à la somme des acomptes versés (20).

– Dans ce cadre, la société bénéficie d’un remboursement d’excédent d’acomptes de 10. Ce remboursement est opéré au titre de la mécanique de l’impôt.

Exemple n° 2 :

– Le montant d’IS exigible avant mise en œuvre du CICE est de 100 ;

– Le montant de la créance de CICE est de 150. La somme des acomptes déjà versés est de 20 ;

– L’entreprise n’est pas éligible au remboursement immédiat. La créance est donc imputée à hauteur de 100 sur l’IS. Les 50 restants feront l’objet d’un report sur les années suivantes, qui seront également imputées (et ne seront donc pas pris en compte dans la présente mission) ;

– La société doit en outre bénéficier d’un remboursement d’excédent d’acomptes de 20. Ce remboursement est opéré au titre de la mécanique de l’impôt.

Exemple n° 3 :

– Les hypothèses sont les mêmes que dans l’exemple n° 2 mais l’entreprise est éligible à un remboursement immédiat.

– Elle bénéficiera donc d’une restitution d’acomptes de 20 au titre de la mécanique de l’impôt et d’un remboursement de 50 au titre de la mise en œuvre d’une politique publique.

Source : direction générale des finances publiques

Il doit être entendu que :

– le système d’information de la direction générale des finances publiques permettait de connaître la créance totale de CICE imputée sur l’impôt brut, mais pas de ventiler ce total entre imputation effective sur l’impôt et création ou augmentation du montant des restitutions d’excédents d’impôt sur les sociétés. La répartition estimée est de 60 % de restitutions d’excédents d’IS et de 40 % d’imputation sur le solde ;

– les montants indiqués en matière d’impôt sur les sociétés ne tiennent pas compte des imputations des créances sur les acomptes qui n’impactent pas le programme 200 ;

– il n’existe pas de suivi spécifique des contentieux relatifs au CICE qui donneraient lieu à des remboursements comptabilisés à la sous-action 200-13-01.

 En 2019, les effets budgétaires total du CICE devraient atteindre 18,7 milliards deuros au titre de limpôt sur les sociétés.

Effets budgétaires du CICE – impÔt sur les sociÉtÉs

(en milliards d’euros)

 

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Créance au titre de 2013

6,2

1,5

0,0

2,8

0,6

 

 

dont imputation au solde

4,2

0,6

0,0

0,1

0,0

 

 

dont imputation aux acomptes

0,0

0,2

0,0

0,0

0,0

 

 

dont restitution

2,0

0,6

0,1

2,8

0,6

 

 

Créance au titre de 2014

 

10,2

1,2

0,0

4,6

1,0

 

dont imputation au solde

 

6,1

0,1

-0,1

0,1

0,0

 

dont imputation aux acomptes

 

0,7

0,2

0,0

0,0

0,0

 

dont restitution

 

3,4

0,9

0,1

4,4

1,0

 

Créance au titre de 2015

 

 

10,6

1,0

0,0

4,7

1,0

dont imputation au solde

 

 

6,3

0,0

-0,1

0,1

0,0

dont imputation aux acomptes

 

 

0,8

0,2

0,0

0,0

0,0

dont restitution

 

 

3,5

0,8

0,1

4,6

1,0

Créance au titre de 2016

 

 

 

11,0

1,0

0,0

4,9

dont imputation au solde

 

 

 

6,5

0,0

-0,1

0,1

dont imputation aux acomptes

 

 

 

0,9

0,2

0,0

0,0

dont restitution

 

 

 

3,6

0,8

0,1

4,8

Créance au titre de 2017

 

 

 

 

12,9

1,2

0,4

dont imputation au solde

 

 

 

 

7,4

0,0

0,3

dont imputation aux acomptes

 

 

 

 

1,0

0,3

0,0

dont restitution

 

 

 

 

4,4

1,0

0,1

Créance au titre de 2018

 

 

 

 

 

11,8

1,3

dont imputation au solde

 

 

 

 

 

6,9

0,2

dont imputation aux acomptes

 

 

 

 

 

0,9

0,2

dont restitution

 

 

 

 

 

3,9

0,9

Total

6,2

11,7

11,8

14,8

19,1

18,7

7,6

dont imputation au solde

4,2

6,7

6,4

6,5

7,4

6,9

0,6

dont imputation aux acomptes

0

0,9

1

1,1

1,2

1,2

0,2

dont restitution

2

4

4,5

7,3

10,3

10,6

6,8

Source : réponses aux questionnaires.

Ils devraient atteindre 1,1 milliard d’euros au titre de l’impôt sur le revenu (voir le 1 du A relatif à la sous-action 200-12-02).

Effets budgétaires du CICE – impÔt sur le revenu

(en milliards d’euros)

 

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Imputation

0,3

0,5

0,6

0,6

0,7

0,7

Restitution

0,1

0,3

0,3

0,3

0,4

0,4

Total

0,4

0,8

0,9

0,9

1,1

1,1

Source : réponses aux questionnaires.

 

 

 La suppression du dispositif à compter des salaires versés au 1er janvier 2019 a pour conséquence de diminuer les dépenses à compter de 2020. En effet, les dépenses à compter de 2020 seront seulement affectées par les millésimes :

– de CICE 2013 (au taux de 4 %), 2014 (au taux de 6 %) et 2015 (au taux de 6 %) de manière marginale ou extrêmement marginale ;

– de CICE 2016 (au taux de 6 %), 2017 (au taux de 7 %) et 2018 (au taux de 6 %) encore disponibles.

C.   La sous-action 200-12-06 Contribution À laudiovisuel public

 La sous-action 200-12-06 retrace les montants de la compensation versée aux organismes de l’audiovisuel public (CAP) en contrepartie des moindres recettes liées aux mécanismes suivants :

– exonération en faveur des personnes de condition modeste (2° de l’article 1605 bis du code général des impôts, qui accorde un dégrèvement d’office de CAP en faveur des bénéficiaires d’exonération ou de dégrèvements de taxe d’habitation ([16]).

– exonération du fait des droits acquis (3° du même article).

 La dépense attendue en 2019 devrait être proche de celle prévue en 2018. Les tarifs de la contribution à l’audiovisuel public seront stabilisés.

Évolution de la sous-action 200-12-06 :
dÉgrÈvements DE CONTRIBUTION à L’AUDIOVISUEL PUBLIC

(en millions d’euros)

 

2013

2014

2015

2016

2017

Révision 2018

PLF

2019

Personnes de condition modeste

462,7

510,9

439,8

563,3

583,0

538,0

540,0

Droits acquis

39,3

29,1

47,0

20,6

17,0

14,0

12,0

Autres (1)

– 11,8

– 32,2

27,3

33,2

– 7,8

0,0

0,0

Total

490,2

507,8

514,1

617,1

592,2

552,0

552,0

(1)  écart avec la compensation de dégrèvements effectuée par l’État dans le cadre de la garantie de ressources.

Source : réponses aux questionnaires.

 

La diminution de la dépense entre 2017 et 2018 sexplique principalement par le dégrèvement ponctuel de CAP inscrit à larticle 7 de la loi de finances pour 2018, qui, en létat du droit, ne produira pas deffets en 2018.

En effet, cet article vise à faire bénéficier les contribuables qui ont perdu le bénéfice de leur exonération de taxe d’habitation et sont entrés dans le dispositif de « sortie en sifflet » (article 2° du I bis de l’article 1414 du CGI) en 2015, d’un maintien de leur exonération jusqu’à l’application du nouveau dégrèvement de taxe d’habitation pour 80 % des ménages.

Pour ces contribuables, l’article susmentionné prévoyait le maintien, en 2017, de l’exonération de taxe d’habitation, au lieu et place de l’abattement de deux tiers, et le maintien du dégrèvement de CAP attaché à cette exonération. Pour 2018 et 2019 en revanche, l’article prévoit le maintien d’un dégrèvement intégral de taxe d’habitation, qui n’emporte pas dégrèvement de CAP. Il en résulte ainsi une baisse de la dépense entre 2018 et 2019.

Néanmoins, l’amendement 2574 du Gouvernement, adopté en séance publique lors de la discussion de la première partie du présent projet de loi de finances, et devenu l’article 3 quater, vise à prolonger en 2018 le bénéfice de l’exonération de CAP pour ces contribuables ainsi que pour ceux étant entrés dans le dispositif de sortie en sifflet en 2016. Le coût de cette mesure sélèverait à 54 millions deuros en 2019 (voir éléments détaillés au C du III de la seconde partie).

 La ligne « Autres » s’explique par le fait que les montants versés le sont dans la limite d’un plafond fixé en loi de finances, qui n’aurait pas vocation à s’appliquer en 2019.

Le plafond de la compensation versée aux organismes de l’audiovisuel public

L’article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 institue un plafond applicable au montant des dégrèvements de redevance audiovisuelle pris en charge par le budget général de l’État.

Ces montants sont régulièrement redéfinis en loi de finances. Pour 2018, la limite des dégrèvements pris en charge par le budget de l’État a été fixée à 594,4 millions d’euros.

Toutefois, si les encaissements de CAP nets – déduction faite des frais d’assiette et de recouvrement et du montant des intérêts sur les avances – sont inférieurs à un certain montant, défini par le même article, la limite de la prise en charge par le budget général de l’État est majorée à due concurrence. Le montant des encaissements de CAP nets en deçà duquel la prise en charge par le budget général de l’État est majorée a été fixé à 3 214,7 millions d’euros pour 2018.

Les dégrèvements de CAP pour motifs gracieux et contentieux ne sont pas compensés.

Source : légifrance.

D.   La sous-action 200-12-04 TICPE

 Les restitutions de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) devraient progresser de nouveau en 2019, du fait de laccroissement du tarif normal, en application de la trajectoire carbone. Elles s’établiront ainsi à 2,1 milliards d’euros, en hausse de plus de 500 millions d’euros par rapport à 2018.

Évolution de la sous-action 200-12-04 : TICPE

(en millions d’euros)

Dispositif

Nombre de bénéficiaires

2017 exécuté

2018 révisé

2019 prévu

Remboursement d’une fraction de taxe intérieure de consommation sur le gazole utilisé par certains véhicules routiers (poids lourds, porteurs et tracteurs routiers)

28 900

644,5

1 098

1 543

Remboursements aux exploitants agricoles

n.d.

192

240

240

Remboursement d’une fraction de taxe intérieure de consommation sur le gazole utilisé par les exploitants de transport public routier en commun de voyageurs

1 730

108,8

167

220

Taux réduit de taxe intérieure de consommation pour les carburants utilisés par les taxis

24 400

34,5

43

54

Total

979,8

1 548

2 057

Source : réponses aux questionnaires.

III.   L’action 13 Remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de lÉtat

A.   des dépenses de natures très diverses

 Laction 13 retrace les remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de lÉtat, qui recouvrent des dépenses de nature diverses, et notamment :

 les dégrèvements gracieux ;

– les restitutions opérées suite à des contentieux fiscaux perdus par l’État, et notamment les contentieux fiscaux de série ;

– les versements réalisés du fait de certaines conventions internationales ;

– les rectifications suite à des erreurs commises par l’administration ;

– les admissions en non-valeur lorsque des créances sont déclarées irrécouvrables ;

– les dations en paiement, les intérêts moratoires, ou encore les remises de débets ;

– les dégrèvements de prélèvement à la source, suite à un contentieux, avant émission des rôles (à partir de 2019).

Ces différentes dépenses ne font pas lobjet dun suivi individualisé dans la présentation budgétaire : les sous-actions du programme sont parfois relatives à un impôt ou à une catégorie d’impôt (sous-actions 13-01 à 13-05), ou à une opération ou une catégorie de dépense, telles que les ANV ou les intérêts moratoires (sous-actions 13-05 à 13-09). Les dégrèvements contentieux occasionnés par la mise en œuvre du PAS sont retracés dans la sous-action 2001309, créée à cet effet, en 2019.

La présentation retenue dans le projet annuel de performances rend difficile lidentification et le suivi de ces différentes dépenses, qui représente pourtant des enjeux budgétaires conséquents.

Malgré la variété des opérations retracées dans la sous-action 13, la dépense enregistrée est relativement stable, fluctuant autour de 12 milliards d’euros depuis 2013. Les montants exceptionnels enregistrés en 2017 et 2018 s’expliquent par le coût du contentieux relatif à la contribution de 3 % sur les dividendes distribués, concentré sur la sous-action 13-03 Autres impôts directs et taxes assimilés.

 Le tableau suivant présente lévolution de chaque sous-action depuis 2013.

Évolution pluriannuelle des crédits de l’action 13 du programme 200

(en millions d’euros)

 

2013

2014

2015

2016

2017

Révision 2018

PLF
2019

Évolution
2018-19

13-01 IR

2 320

2 106

2 236

2 071

1 972

2 172

1 835

 337

13-02 IS

1 145

1 187

1 245

1 162

2 522

2 106

1 432

 674

13-03 Autres impôts directs

2 967

1 527

1 413

1 454

6 302

5 019

2 200

 2 819  

13-04 TVA

2 300

1 972

2 200

2 136

2 416

2 416

2 416

13-05 Autres impôts indirects

675

403

452

679

801

1 150

1 000

 150

13-06 Autres

578

702

729

660

788

710

710

13-07 ANV

1 970

2 296

2 513

2 063

1 916

1 916

1 916

13-08 Autres dont intérêts moratoires

872

445

491

483

1 323

1 478

750

 728

13-09 PAS

100

+ 100

Action 13

12 827

10 638

11 279

10 708

18 041

16 967

12 359

 4 608  

Source : réponses aux questionnaires.

 Les principales évolutions pour 2019 sexpliquent dune part, par la baisse du coût budgétaire global associé aux contentieux fiscaux de série (sous actions 200-13-02 et 200-13-03) et des intérêts moratoires associés (200‑13‑08) :

– à la baisse, du fait du dégonflement du contentieux relatif à la contribution de 3 % sur les dividendes distribués : le montant des restitutions devrait s’élever à 500 millions d’euros, après 5,25 milliards en 2017, et 4,2  milliards en 2018 (sous-action 200-13-03) ;

 à la baisse également, par le recul des dépenses associées au contentieux dit Stéria par rapport à 2017 et 2018 (sous-action 200-13-02) ;

– à la hausse, par l’augmentation attendue des dépenses associées aux contentieux relatifs au précompte mobilier (affaire dite Accor) et à la contribution au service public de lélectricité (ou CSPE, affaire dite Messer), sur la sous-action 200-13-03 :

– les dépenses associés aux contentieux relatifs au précompte mobilier et aux OPCVM ont été inscrites à hauteur de 600 millions d’euros pour 2019 ;

– les dépenses associées au contentieux relatif à la CSPE devraient s’élever à 100 millions d’euros.

La mise en œuvre du prélèvement à la source de limpôt sur le revenu affectera également l’action 13, du fait :

– d’une baisse des contentieux après émission des impositions initiales, sur la sous-action 200-13-01, en raison d’une baisse attendue des dégrèvements gracieux ;

– d’une hausse des contentieux avant émission des rôles, c’est-à-dire des contentieux avec les tiers collecteurs, pour + 100 millions d’euros sur la sous-action 200-13-09. L’administration fiscale souligne que, si la création d’une sous-action permettra de suivre plus facilement l’évolution montant de ces contentieux dans le temps, il est très difficile, pour la première année, d’en évaluer le coût. Ce montant doit donc être interprété avec précaution.

 Les montants de dégrèvements gracieux qui seront accordés en 2019 sont difficiles à évaluer. À l’occasion de l’examen de la loi de règlement du budget de d’approbation des comptes, la Rapporteure spéciale a procédé à une analyse détaillée des remises gracieuses accordées entre 2011 et 2017. Ce travail d’évaluation pourra être utilement poursuivi l’année prochaine, lorsque seront disponibles des données plus récentes que celles déjà étudiées.

● La Rapporteure spéciale a choisi de détailler plus précisément les évaluations relatives aux contentieux fiscaux, qui présentent des enjeux budgétaires et de gestion importants.

B.   un enjeu budgétaire majeur : les contentieux fiscaux

1.   La provision pour litiges liés à l’impôt dépasse cette année encore les 20 milliards d’euros

Le risque de décaissement fait lobjet dune provision enregistrée dans le compte général de lÉtat. Cette provision est réévaluée chaque année.

Au 31 décembre 2017, la provision pour litiges fiscaux sétablit à 20,3 milliards deuros.

 

RÉPARTITION DE LA PROVISION POUR LITIGES LIÉS À LIMPÔT, DEPUIS 2007

Source : Rapport de la mission dinformation relative à la gestion des risques budgétaires associés aux contentieux fiscaux et non fiscaux de lÉtat, octobre 2018, n° 1310, page 91 (lien).

Il convient de rajouter à ce montant de 20,3 milliards les provisions pour litiges associées à deux autres contentieux :

– la provision enregistrée au titre du contentieux en responsabilité dans le cadre de l’affaire Accor (voir le a du 3), pour 1,157 milliard d’euros ;

– la provision enregistrée au titre du contentieux relatif à la contribution au service public de l’électricité (voir le f du 3), pour 1,250 milliard d’euros.

Ces deux provisions portent la provision pour litiges fiscaux et assimilés à 22,7 milliards deuros.

● Lapproche suivie par ladministration en matière de comptabilisation des provisions apparaît prudente. Le risque est évalué en fonction du montant des droits contestés, auxquels l’administration applique un taux de dégrèvement : plus l’éventualité d’un dénouement favorable pour l’État est élevée, plus le risque est faible, et plus le montant provisionné sera bas.

L’administration évalue statistiquement le risque pour les finances publiques à partir de la base informatique « Ericka », qui recense l’ensemble des contentieux fiscaux en cours. Les contentieux sont répartis en trois catégories, qui font chacun l’objet d’une évaluation spécifique :

– les contentieux à forts enjeux, lorsque les montants contestés sont supérieurs ou égaux à 50 millions d’euros : pour ces contentieux, le risque est évalué individuellement, pour chaque affaire ;

– les contentieux de série (ou de masse) : l’administration évalue le risque global que représente l’ensemble des affaires relevant du même contentieux de série, et applique un taux de dégrèvement identique à toutes les affaires relevant de ce contentieux ;

– les autres contentieux : l’administration dispose de séries statistiques qui lui permettent d’évaluer le taux de dégrèvement appliqué de manière historique. Ce taux est appliqué mécaniquement, pour l’ensemble des autres contentieux.

Cette méthodologie semble satisfaisante, mais reste perfectible, comme le rappelait la Rapporteure spéciale à loccasion de lexamen des crédits pour 2018 ([17]).

La mission d’information relative à la gestion du risque budgétaire associé aux contentieux fiscaux et non fiscaux de l’État ([18]) a également relevé que la provision comptable fournit certes des informations utiles sur le risque budgétaire associé aux contentieux, mais qu’elle constitue un outil de gestion « inabouti » et « peu exploitable par le Parlement ». En effet, si cet instrument permet une centralisation, agrégée et a posteriori, de l’information, elle ne rend que partiellement compte du risque encouru, car elle ne comptabilise que les requêtes déjà déposées, tandis que le provisionnement de certains contentieux est tardif.

La Rapporteure spéciale renouvelle le constat formulé lannée précédente et estime que si la méthodologie actuellement utilisée par ladministration fiscale permet de fiabiliser lévaluation du risque de manière suffisante, celle-ci doit être vigilante et réaliser des provisions prudentes.

2.   Les dépenses associées aux intérêts moratoires présentent un coût élevé, mais en diminution par rapport à 2018

● Les intérêts moratoires présentent en effet un coût très élevé. Le rapport sur la gestion du coût budgétaire associé aux contentieux fiscaux et non fiscaux de l’État rappelait ainsi qu’entre 2012 et 2017, en matière fiscale, « le coût total associé aux intérêts moratoires sest élevé à 2,55 milliards deuros, soit une dépense annuelle moyenne de 425,1 millions deuros », et précisait que « ce montant très élevé de dépenses est largement dû aux contentieux fiscaux de série ».

En 2019, le coût des intérêts moratoires, retracé dans la sous-action 200‑13‑08, devrait diminuer par rapport à 2017 et 2018, du fait :

– d’une part, de la diminution des droits restitués au principal dans le cadre du contentieux relatif à la contribution de 3 % sur les dividendes distribués ;

– d’autre part, et dans une moindre mesure, de la baisse du taux des intérêts moratoires votée à l’occasion de la seconde loi de finances rectificative pour 2017 ([19]).

Ils resteront néanmoins très élevés : la sous-action 2001308, qui retrace notamment, et principalement, les dépenses associées aux intérêts moratoires, sétablira à 750 millions deuros, soit – 573 millions par rapport à 2017 et – 728 millions par rapport à 2018, mais + 277 millions par rapport à la dépense annuelle moyenne constatée entre 2013 et 2016 (+ 60 %).

● À loccasion de lexamen des crédits pour 2018, la Rapporteure spéciale sinterrogeait sur la pertinence du maintien de taux dintérêt de retard et moratoires fixes et élevés, dans un contexte de faible inflation et de taux dintérêt sur la dette publique exceptionnellement bas.

Depuis le 1er janvier 2006, et jusqu’à la fin de l’année 2017, le taux des intérêts de retard, et des intérêts moratoires avait été fixé à 0,4 % par mois, soit 4,8 % par an. À titre de comparaison, en janvier 2006, le taux de l’OAT à 10 ans s’élevait à 3,345 % (émission du 2 janvier 2006), et le taux d’intérêt légal, à 2,11 %. En novembre 2017, le taux de l’OAT à 10 ans s’élevait à 0,761 %, le taux d’intérêt légal des créanciers professionnels, à 0,90 %, et le taux d’intérêt des créanciers particuliers, à 3,94 %.


Taux des intérêts de retard et des intérêts moratoires
comparés aux taux d’intérêt légaux et aux taux des OAT à 10 ans,
entre 2006 et 2017

 

Source : Annexe n° 37 « Remboursements et dégrèvements » au rapport fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, sur le projet de loi de finances pour 2018, par Mme Christine Pires Beaune, Rapporteure spéciale, n° 273, page 46 (lien).

Ces analyses avaient conduit la Rapporteure spéciale à proposer des amendements visant à diviser par deux le taux des intérêts de retard, et des intérêts moratoires, à l’occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 2018.

Ces propositions ont finalement été retenues par le Gouvernement dans le second projet de loi de finances rectificative pour 2017.

Les conséquences de la diminution du taux sur le coût des intérêts moratoires se feront sentir progressivement car, le nouveau taux ne s’appliquant que pour l’avenir, les intérêts moratoires courant jusqu’au 31 décembre 2017 se verront appliquer l’ancien taux.

3.   L’essentiel du coût budgétaire associé aux contentieux fiscaux est concentré sur un nombre limité de contentieux de série à fort enjeu

● Lévaluation des montants dimpositions indûment perçues que ladministration devra restituer au titre dune année donnée constitue un exercice délicat, et l’exécution diffère régulièrement de la prévision inscrite en loi de finances.

La prévision budgétaire est généralement prudente, l’administration fiscale ayant tendance à surévaluer les montants à rembourser aux contribuables dans le cadre d’un contentieux de série. Toutefois, en raison de la multiplication des recours, et notamment des questions prioritaires de constitutionnalité, rendues dans des délais courts ([20]), et de la difficulté à prévoir le sens et lampleur de la décision du juge, certains contentieux ne sont pas correctement provisionnés, ni comptablement, ni budgétairement. Le contentieux relatif à la contribution de 3 % sur les dividendes distribués constitue à ce titre un exemple frappant.

● Six contentieux présentent actuellement des enjeux majeurs pour les finances publiques. L’administration fiscale évalue l’enjeu financier global à 26,3 milliards d’euros. L’enjeu financier global intègre les remboursements déjà effectués, ainsi que l’ensemble des droits contestés auprès de l’administration, que la demande soit fondée ou non, et quelle que soit l’issue des éventuelles procédures en cours. Il correspond donc à une évaluation maximale du coût potentiel total (passé, présent et futur) de ces contentieux.

enjeu financier global des contentieux fiscaux de série

(en milliards d’euros)

 

Enjeu financier global

Décaissements totaux fin 2016

2017

2018

PLF 2019

 

LFI

Révision

Exécution

LFI

Révision

OPCVM

10,0

2,6

1,0

1,0

0,75

1,0

0,45

0,6

Précompte

5,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,8

0,0

de Ruyter
(État + ASSO)

0,3

0,18

0,1

0,1

0,07

0

0,05

0,03

Stéria

1,0

0,33

0,3

0,5

0,4

0

0,1

0,08

3 % dividendes

10,0

5,25

5,0

4,2

0,5

CSPE

n.c.

0,1

Total

26,3

3,11

1,40

1,60

6,47

6,8

4,8

1,31

Source : réponses aux questionnaires.

a.   Le contentieux « précompte mobilier » (affaire Accor)

i.   Les origines de l’affaire

● Le contentieux relatif au précompte mobilier porte sur la compatibilité avec le droit européen de lancien régime de lavoir fiscal et du précompte mobilier.

Il sanctionne, sur le fondement de la liberté de circulation des capitaux et de la liberté d’établissement, un avantage fiscal réservé aux sociétés françaises dans le cadre d’une lecture jugée trop favorable aux sociétés résidentes du régime mère-fille.

Ce contentieux est particulièrement ancien. Les premières réclamations ont été formulées au début des années 2000, et la complexité de l’affaire a conduit la CJUE à rendre deux décisions, en 2011 et 2018.

En septembre 2011, suite à une question préjudicielle posée par le Conseil d’État, la CJUE a invalidé le régime français ancien des distributions, dès lors qu’il réservait le bénéfice de l’avoir fiscal aux seuls dividendes de source française.

L’application, par le juge administratif, de l’arrêt de la Cour, a conduit au rétablissement d’une part importante des restitutions déjà opérées au profit de l’État.

Suite à une plainte des requérants, la Commission européenne a saisi la CJUE d’un recours en manquement à l’encontre des arrêts du Conseil d’État.

Le 4 octobre 2018, la CJUE a finalement sanctionné la France au motif que limposition subie par les sous-filiales non-résidentes nétait pas prise en compte ([21]). Elle a également critiqué le fait que le Conseil dÉtat ait omis de poser une question préjudicielle, alors que la question de droit posée ne « simposait pas avec une telle évidence quelle ne laissait place à aucun doute raisonnable ».

Le contentieux « précompte mobilier » (affaire Accor)

 Dans sa décision Manninen du 7 septembre 2004, la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) a implicitement condamné le dispositif de lavoir fiscal finlandais au motif que cette législation, qui autorise limputation dun avoir fiscal lorsque la société distributrice est résidente nationale mais sy oppose lorsque cette société nest pas résidente, constitue une entrave à la liberté de circulation des capitaux.

Par ses considérants de principe, la portée de cet arrêt dépassait le cadre du seul système fiscal finlandais.

En France, le dispositif de l’avoir fiscal avait été instauré en 1965 (1). Les sociétés bénéficiaient d’un avoir fiscal quand elles percevaient des dividendes déjà soumis à l’impôt sur les sociétés, et payaient un précompte quand elles reversaient des dividendes qui n’avaient pas été soumis à l’impôt sur les sociétés, notamment ceux qui relevaient du régime « mère-fille ». Toutefois, les dividendes reçus de sociétés exerçant dans des pays membres de l’Union européenne ne donnaient pas droit à avoir fiscal, alors que la redistribution des dividendes reçus de filiales européennes donnait lieu à « précompte ».

Ce système de l’avoir fiscal et du précompte avait initialement pour objectif, non seulement d’atténuer le phénomène de double imposition des revenus distribués (au niveau de l’entreprise et au niveau de l’actionnaire), mais aussi de rendre plus attractive la place financière de Paris.

Compte tenu des similitudes existant entre le dispositif finlandais et celui de l’avoir fiscal français ainsi que celui du précompte, le régime fiscal des distributions a été modifié par deux fois, en 2003 puis en 2004 (2). Cette réforme a entériné la suppression à compter du 1er janvier 2005 de lavoir fiscal et du précompte adossé à ce dernier pour les personnes morales.

Les raisons avancées à l’époque pour justifier cette suppression étaient non seulement de nature budgétaire mais également de nature juridique – la conformité du dispositif au droit communautaire étant déjà perçue comme douteuse.

Une vingtaine de sociétés mères françaises ont alors introduit des recours contentieux visant à obtenir un avoir fiscal à raison des dividendes reçus de leurs filiales résidentes d’un État membre de l’Union européenne afin de demander le remboursement du précompte mobilier payé lors de la redistribution de ces dividendes.

L’État a été condamné dès 2006 par différents tribunaux administratifs et cours administratives d’appel à rembourser 1,1 milliard d’euros à plusieurs sociétés entre 2006 et 2008.

Les premières décisions rendues par le tribunal administratif et la cour administrative d’appel de Versailles, respectivement en décembre 2006 et en mai 2008, ont concerné les sociétés Accor et Rhodia, qui ont constitué les dossiers « pilotes » de ce contentieux.

Le juge a estimé que le dispositif de l’avoir fiscal et du précompte mobilier désavantageait les sociétés mères françaises ayant des filiales établies dans un autre État membre de l’Union européenne par rapport à celles qui avaient des filiales établies en France, et était donc constitutif d’une restriction à la liberté de circulation des capitaux prohibée par l’article 56 du traité instituant la communauté européenne (actuel article 63 du TFUE).

Dans le même temps, les tribunaux administratifs de Paris et Cergy‑Pontoise ont examiné cinq autres requêtes, et par des jugements intervenus en 2007 et 2008, ont intégralement donné satisfaction aux sociétés requérantes.

● À la suite d’un pourvoi en cassation formé par l’État, le Conseil d’État a saisi la CJUE pour avis préjudiciel.

Dans sa décision du 15 septembre 2011, la CJUE (3) a invalidé le régime français ancien des distributions, dès lors quil réservait le bénéfice de lavoir fiscal aux seuls dividendes de source française. Elle a laissé au Conseil d’État le soin de trancher un certain nombre de questions relatives au quantum du litige.

Sur la base de ce renvoi préjudiciel, le Conseil d’État a rendu ses décisions le 10 décembre 2012 dans les deux affaires dont il était saisi (4). L’application combinée des principes posés par la CJUE et le Conseil d’État, en ce qui concerne les modalités de calcul du montant de précompte dont les sociétés peuvent revendiquer la restitution, a abouti au rétablissement d’une partie substantielle des impositions au profit du Trésor.

Ces arrêts concluaient au reversement par les deux sociétés d’une part substantielle des sommes qui leur avaient été restituées en exécution des jugements du tribunal administratif de Versailles de décembre 2006.

À ce stade, les décisions juridictionnelles internes étaient favorables à l’État. Les juridictions nationales de premier et second rangs ont désormais examiné tous les dossiers relevant de ce contentieux qui étaient pendants en décembre 2012, dans un sens globalement favorable aux intérêts de lÉtat.

En 2014, les tribunaux administratifs de Cergy-Pontoise et de Montreuil ont examiné quatorze affaires, et la cour administrative d’appel de Paris s’est prononcée dans cinq affaires concernant quatre sociétés, pour lesquelles l’administration avait fait appel des décisions des juges de première instance représentant un enjeu global de près de 2,7 milliards d’euros. Les décisions rendues ont abouti, en 2014, à un solde positif pour le Trésor de 652 millions d’euros. Depuis 2015, aucun décaissement n’a été enregistré au titre de ce contentieux de série.

 Un ensemble de six sociétés a déposé une plainte en juillet 2013 devant la Commission européenne à lencontre des arrêts du Conseil dÉtat précités, en vue dobtenir une nouvelle saisine de la CJUE.

La Commission européenne, donnant suite à la plainte déposée contre les arrêts du Conseil d’État du 10 décembre 2012, a fait parvenir au gouvernement français le 26 novembre 2014 une mise en demeure à laquelle le Gouvernement a répondu le 25 février 2015. Par un avis motivé n° 2014/4092 du 28 avril 2016, la Commission européenne a réitéré l’intégralité de ses griefs à l’encontre des deux arrêts du Conseil d’État. La réponse du Gouvernement, confirmant le bien-fondé de l’analyse de la juridiction suprême française, a été adressée à la Commission le 28 juin 2016.

La Commission européenne a finalement saisi la CJUE dun recours en manquement le 10 juillet 2017.

Lavocat général a présenté ses conclusions le 25 juillet 2018, et celles-ci ont été suivies par la Cour dans larrêt quelle a rendu le 4 octobre 2018.

 Le jugement définitif de la CJUE est partiellement défavorable à la France. Le juge européen retient en effet deux griefs, sur les quatre présentés par la Commission :

 sur le fond de l’affaire, la Cour constate qu’en refusant de prendre en compte l’imposition déjà acquittée par les sous-filiales non françaises, la République française a enfreint les principes de liberté d’établissement et de libre circulation des capitaux (premier grief) ;

– sur la forme, la Cour a sanctionné le fait que le Conseil d’État ait omis de poser une question préjudicielle, alors que la question de droit posée ne « simposait pas avec une telle évidence quelle ne laissait place à aucun doute raisonnable » (quatrième grief).

En revanche, la Cour n’a pas admis les deux autres griefs, tirés respectivement du caractère disproportionné des exigences prescrites en matière de preuve pour fonder le droit au remboursement du précompte mobilier illégalement perçu (deuxième grief), et du plafonnement du montant remboursable au titre du précompte mobilier illégalement perçu à un tiers du montant des dividendes distribués (troisième grief).

(1) Loi n° 65-566 du 12 juillet 1965 modifiant l’imposition des entreprises et des revenus de capitaux mobiliers.

(2) Loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004, article 93 ; loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004, article 30.

(3) CJUE, 15 septembre 2011, Ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique c/ Accor SA, affaire C-310/09.

(4) CE 10 décembre 2012, Ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique c/ société Rhodia, n° 317074, et c/ société Accor, n° 317075.

Source : réponses aux questionnaires, rapport de la mission d’information relative à la gestion des risques budgétaires associés aux contentieux fiscaux et non fiscaux de l’État, octobre 2018, n° 1310.

ii.   Des enjeux financiers conséquents mais difficiles à évaluer

● Le coût budgétaire cumulé de ce contentieux est pour lheure très limité. L’essentiel des dégrèvements exécutés a été rétabli au profit de l’État suite à la décision du Conseil d’État de 2011 : depuis 2007, au total, sur 1,22 milliard d’euros restitués aux contribuables, 1,04 milliard d’euros auront été rétablis au profit du Trésor (voir encadré de la partie i).

Le nombre dentreprises concernées par ce contentieux est faible. Les réponses transmises par l’administration font état de quatre réclamations préjuridictionnelles et de 24 procédures en cours devant le juge de l’impôt (hors litiges indemnitaires), concernant pour l’essentiel « des multinationales, issues pour moitié du secteur des banques et assurances ».

Dans trois arrêts du 26 juillet 2018, le Conseil d’État avait sursis à statuer concernant les demandes des sociétés BNP Paribas, Crédit industriel et commercial, et HSBC ([22]), dans l’attente de la décision de la CJUE. La banque Société Générale indique également, dans son document de référence 2018, être exposée au litige du précompte, puisqu’elle a « acquis en 2005, auprès de deux entreprises (Rhodia et Suez, devenue ENGIE), ce droit à restitution avec un recours limité sur les entreprises cessionnaires » ([23]).

● Au 31 décembre 2017, les montants provisionnés dans les comptes de lÉtat sélevaient à 4,1 milliards deuros :

– s’agissant du contentieux en responsabilité, le montant provisionné des prétentions sous forme de dommages et intérêts déjà déposées s’élève à 1 157 millions d’euros ;

– s’agissant des affaires relatives au remboursement du précompte qui sont pendantes devant le juge de l’impôt, l’enjeu financier provisionné est de 2 944 millions d’euros.

contentieux « PrÉcompte mobilier » :
provision comptable et coût budgétaire annuel, entre 2007 et 2017

(en millions d’euros)

Source : réponses aux questionnaires.

Toutefois, si le montant provisionné dans les comptes de lÉtat est élevé, les conséquences budgétaires de ce contentieux devraient être bien moindres.

Le rapport de la mission d’information sur la gestion des risques budgétaires associés aux contentieux fiscaux et non fiscaux de l’État relève ainsi que « les montants provisionnés constituent une évaluation très prudente du risque associé ». Elle souligne que « les montants remboursés devraient sétablir à un niveau inférieur à la provision totale » et ce pour plusieurs raisons :

– le CJUE n’a admis que deux des quatre griefs soulevés par la Commission, et un seul grief de fond, concernant la non-prise en compte de l’imposition déjà acquittée par les sous-filiales non françaises ;

– les entreprises vont désormais devoir apporter les justificatifs nécessaires à l’appui de leurs demandes. Le service juridique de la fiscalité de la direction générale des finances publiques relève ainsi que « les entreprises requérantes vont maintenant devoir justifier devant les juridictions françaises les sommes demandées au regard des principes précisés par la CJUE, et obtiendront ainsi leur restitution en tout ou partie selon les éléments de preuve apportés ».

Le service juridique de la fiscalité de la direction générale des finances publiques (DGFiP) avait également précisé à la mission d’information qu’en tout état de cause « les procédures ont vocation à sétaler sur plusieurs années et il est encore impossible de connaître la fraction qui devra in fine être payée par lÉtat ».

● Dans le projet de loi de finances pour 2019, un montant de 600 millions deuros a été budgété pour couvrir, d’une part, les remboursements de retenue à la source à des organismes de placement collectif situés à l’étranger (contentieux OPCVM), et d’autre part, ceux relatifs au précompte.

b.   Le contentieux « OPCVM »

i.   Les origines de l’affaire

● Ce contentieux porte sur la retenue à la source appliquée aux dividendes de source française perçus par des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) non-résidents jusquau mois de juillet 2012.

Le contentieux « OPCVM »

Entre 1978 et 2012, les OPCVM établis à l’étranger étaient soumis à un prélèvement à la source de 25 %, puis de 30 %, sur les dividendes qu’ils percevaient des sociétés françaises, alors que les OPCVM français en étaient exonérés.

Des OPCVM européens et nord-américains ont sollicité la restitution de ces prélèvements, s’estimant victimes d’une discrimination contraire au droit communautaire, et en particulier au principe de liberté de circulation des capitaux.

Compte tenu du nombre très important de réclamations, déposées par des OPCVM et des fonds de pensions étrangers – plus de 10 000 –, et d’instances pendantes devant le tribunal administratif (TA) de Montreuil après les premières décisions de rejet – environ 1 500 instances – une procédure concertée (juridiction, DGFiP et cabinets d’avocats) a été mise en œuvre. Cette procédure vise à isoler une dizaine de dossiers « types », représentatifs des différentes situations pour les faire juger, puis à appliquer la solution ainsi retenue à l’ensemble des réclamations et des instances, gelées dans l’attente du jugement de ces dossiers types.

Conformément à l’avis du Conseil d’État rendu le 23 mai 2011 à la demande du TA de Montreuil, ce tribunal a posé deux questions préjudicielles à la CJUE le 1er juillet 2011 en vue de déterminer si le régime français en cause était contraire à la liberté de circulation des capitaux à l’encontre des OPCVM étrangers.

Dans un arrêt du 10 mai 2012 (1), celle-ci a donné raison aux fonds de placement étrangers sur le fondement de l’article 63 du TFUE, la CJUE considérant que cette taxation différenciée constituait une restriction à la liberté de circulation des capitaux.

À la suite de cette décision, le régime fiscal applicable aux dividendes payés à des OPCVM étrangers a été amendé par l’article 6 de la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 du 18 août 2012. À compter d’août 2012, les dividendes payés à des OPCVM étrangers comparables aux OPCVM français échappent à la retenue à la source du 2 de l’article 119 bis du code général des impôts.

Toutefois, compte tenu des incertitudes prévalant alors sur les organismes de placement collectif éligibles à cette exonération, les établissements payeurs ont, dans un premier temps continué de prélever la retenue à la source.

 Compte tenu du nombre très important des dossiers, les contentieux OPCVM ont été traités directement :

– par le tribunal administratif de Montreuil pour les affaires parvenues au stade contentieux. Le tribunal a ainsi commencé, en 2013, à régler par voie d’ordonnances de non-lieu à statuer les dossiers faisant l’objet d’une décision d’admission ;

– par la direction générale des finances publiques (DGFiP), pour les réclamations restées au stade administratif postérieurement à la décision de la CJUE, c’est-à-dire à compter de la fin 2012.

● Le traitement à réserver aux demandes émanant des OPCVM établis en dehors de l’Union européenne et de l’Espace économique européen était en effet suspendu à la position qui serait retenue par la CJUE dans une affaire concernant au premier chef la Pologne.

L’arrêt de la CJUE du 10 avril 2014 dans l’affaire Emerging Markets (2) a conduit à étendre le nombre des dossiers à traiter, dans la mesure où il a imposé à la France de prendre en compte les réclamations des fonds d’investissement des pays tiers.

Dans cet arrêt, la CJUE a considéré que l’exclusion du bénéfice de l’exonération d’impôt sur les dividendes des fonds résidents de pays tiers est également constitutive d’une restriction à la libre circulation des capitaux.

Selon elle, la circonstance selon laquelle les fonds établis dans des pays tiers ne sont pas soumis au cadre réglementaire harmonisé de l’UE instauré par la directive OPCVM 85/611/CEE – dont les exigences sont reprises par la loi polonaise – ne saurait suffire à justifier le maintien d’une différence de traitement.

La Cour a ainsi jugé quun État membre ne pouvait, par principe, exclure du bénéfice dune exonération de retenue à la source les dividendes versés au profit de fonds dinvestissement établis dans un pays tiers lié à lÉtat membre de la source par un dispositif dassistance administrative mutuelle en matière fiscale.

La décision de la CJUE contraint par conséquent ladministration à envisager pour lensemble de ces fonds un examen au cas par cas de leurs réclamations pour examiner la comparabilité de leur fonctionnement à des fonds français.

Un tel examen, nécessitant le recours à l’assistance administrative, allonge considérablement les délais de traitement de ces affaires.

Il résulte des dossiers d’ores et déjà examinés par les services de la DGFiP, en charge du traitement de ces contentieux, que l’examen des réclamations est un exercice minutieux et chronophage, qui implique que les dossiers soient suffisamment documentés par les entités requérantes en vue de justifier leurs prétentions.

La mise en conformité avec l’arrêt Emerging Markets a été opérée par l’article 58 de la dernière loi de finances rectificative pour 2014.

Il apparaît néanmoins que les dossiers présentant les plus forts enjeux concernent désormais des OPCVM établis en dehors de lUnion européenne. L’examen des dossiers les concernant pose toujours des difficultés en vue de déterminer les éléments pertinents devant être retenus en vue de s’assurer de leur comparabilité, étant précisé que la juridiction ne s’est pas encore prononcée sur ces affaires.

(1) Arrêt dans les affaires jointes C-338/11 Santander Asset Management SGIIC SA / Directeur des résidents à létranger et des services généraux et C-339/11 à C-347/11 Santander Asset Management SGIIC SA e.a. / Ministre du Budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de lÉtat.

(2) CJUE, affaire C-190/12, Emerging Markets Series of DFA Investment Trust Company vs Dyrektor Izby Skarbowej w Bygoszczy.

Source : réponses aux questionnaires.

ii.   Le coût définitif du contentieux OPCVM reste largement tributaire du nombre de dossiers restant à traiter

Le stock de dossiers à traiter reste très élevé. Chaque dossier est traité individuellement, selon une procédure concertée : l’administration examine les éléments apportés par le fonds à l’appui de sa requête, détermine de manière concertée avec ce dernier le quantum de restitution justifiée, et le fonds se désiste devant le juge de sa requête pour le surplus avant que l’affaire ne soit enrôlée.

Au 31 juillet 2018, le stock de dossiers pré-juridictionnels à traiter sélevait à 10 745, tandis que 1 615 instances non jugées étaient pendantes devant les juridictions.

L’administration fiscale a néanmoins précisé que les dossiers à plus fort enjeu, susceptibles de générer un coût en intérêts moratoires élevé, ont été traités en priorité.

Lenjeu financier global est estimé à 10 milliards deuros. Le coût global cumulé atteint 3,57 milliards d’euros au 31 juillet 2018. Le tableau ci-dessous présente la chronique des dossiers traités et des montants restitués depuis 2012 ([24]).

contentieux « opcvm » :
coût budgÉtaire annuel et dossiers en attente

 

(en nombre de dossiers et en millions d’euros)

 

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018
(31/07)

Dossiers en attente (en nombre de dossiers)

11 522

11 550

14 596

15 791

15 802

13 857

12 360

dont réclamations à traiter

8 879

9 099

12 352

13 906

14 170

12 405

10 745

dont instances juridictionnelles non jugées

2 643

2 451

2 244

1 885

1 632

1 452

1 615

Coût budgétaire (en M€)

18

330

799

715

751

756

202

Source : réponses aux questionnaires.

c.   Le contentieux « de Ruyter »

i.   Les origines de l’affaire

● Ce contentieux porte sur lobligation faite aux résidents fiscaux français de sacquitter de certains prélèvements (CSG, CRDS, prélèvement social de 2 % et contribution additionnelle de 0,3 %) sur les revenus du patrimoine de source étrangère, lorsque ces revenus sont déjà soumis aux cotisations sociales dans leur État membre dorigine. Il a ensuite été interprété à l’aune des revenus du patrimoine des non-résidents.

Le contentieux « de Ruyter »

● Ressortissant hollandais établi en France, M. de Ruyter a contesté le bien-fondé de l’imposition de ses revenus de source néerlandaise à ces prélèvements, estimant que l’obligation qui lui était faite de cotiser, à raison des mêmes revenus, à deux régimes distincts de sécurité sociale était contraire au principe de l’unicité de la législation sociale applicable en vertu de l’article 13 du règlement n° 1408/71, étant donné que ces revenus avaient déjà fait l’objet de prélèvements de même nature aux Pays-Bas.

Par un arrêt du 17 juillet 2013, le Conseil d’État a considéré que la seule circonstance que les rentes viagères concernées auraient fait l’objet d’une imposition aux Pays-Bas de même nature que celle auxquelles elles ont été soumises en France ne suffisait pas à caractériser une atteinte à la libre circulation des travailleurs. En revanche, il a estimé qu’afin d’apprécier la portée du principe dunicité de législation posé l’article 13 du règlement n° 1408/71, il convenait de déterminer si ces prélèvements présentent un « lien direct et pertinent » avec certaines des branches de sécurité sociale.

Dans sa décision du 26 février 2015, de Ruyter, la CJUE a relevé que :

– la circonstance qu’un prélèvement soit qualifié d’impôt par une législation nationale n’exclut pas qu’au regard du droit de l’Union européenne, ce même prélèvement puisse être regardé comme relevant du champ d’application de ce règlement ;

– l’existence ou l’absence de contrepartie en termes de prestations est dépourvue de pertinence aux fins de l’application du règlement ;

– l’application des dispositions du règlement n° 1408/71 n’est pas subordonnée à l’exercice d’une activité professionnelle.

La CJUE conclut donc à lexistence dun lien direct et suffisamment pertinent entre les prélèvements contestés et les branches de sécurité sociale énumérées à l’article 4 du règlement n° 1408/71, puisque ces prélèvements sont « affectés spécifiquement et directement au financement de la sécurité sociale en France » (considérant 27).

Dans son arrêt de Ruyter du 27 juillet 2015, le Conseil dÉtat a repris les termes de la décision de la CJUE. Les personnes affiliées à un régime de sécurité sociale dans un des pays entrants dans le champ d’application territorial des règlements communautaires sur la sécurité sociale ne peuvent être assujetties en France à des prélèvements sociaux sur leurs revenus du patrimoine.

Cette jurisprudence a conduit ladministration à restituer les impositions établies à tort jusquau 31 décembre 2015, notamment celles ayant frappé les revenus fonciers et les plus-values immobilières de source française des non-résidents.

Le raisonnement suivi dans l’arrêt de Ruyter pouvait en effet être transposé aux revenus de placement, ainsi qu’aux revenus fonciers des non‑résidents – par exemple, des Français de l’étranger, par le biais de la location de leur logement éventuellement en France – et les plus-values mobilières de ces personnes (liées à la vente d’un immeuble).

● Ladministration fiscale a précisé le champ dapplication de ces décisions (1). Celles-ci concernent les personnes affiliées à un régime de sécurité sociale, autre que français, couvert par la réglementation communautaire relative à la coordination des systèmes de sécurité sociale, c’est-à-dire un régime légal obligatoire de sécurité sociale d’un pays de l’Union européenne, autre que la France, de l’Espace économique européen (Islande, Liechtenstein, Norvège), ou de Suisse.

Sont en revanche exclues les personnes qui sont affiliées à la sécurité sociale en France, quel que soit leur lieu de domicile, ou relèvent de la législation sociale d’un État tiers, ou relèvent du régime particulier d’une organisation internationale.

Les revenus et impositions concernés sont les suivants :

– pour les personnes domiciliées en France : la jurisprudence s’applique aux prélèvements sociaux portant sur l’ensemble des revenus du capital imposables en France (produits de placement et revenus du patrimoine) et affectés au budget des organismes sociaux (environ 20 % de l’enjeu financier potentiel global initialement évalué par l’administration) ;

– pour les personnes domiciliées hors de France : la jurisprudence s’applique aux prélèvements sociaux appliqués aux revenus immobiliers (plus-values immobilières et revenus fonciers) tirés de biens situés en France et affectés au budget des organismes sociaux (environ 80 % de l’enjeu financier global potentiel initialement évalué par l’administration).

● La jurisprudence est venue préciser létendue de la jurisprudence de Ruyter :

– du fait de son affectation au financement de prestations non contributives qui ne relèvent pas de la coordination des systèmes de sécurité sociale, la contribution additionnelle de 1,1 % affectée, via le Fonds national des solidarités actives (FNSA), au financement du RSA, en vigueur jusqu’en 2012, ne doit pas faire lobjet dun remboursement (CE, 19 juillet 2016, Kastelein-Arnold) ;

– la même solution a été retenue pour le prélèvement de solidarité de 2 % qui a succédé à la contribution additionnelle à compter du 1er janvier 2013, et dont l’affectation budgétaire était identique jusqu’au 1er janvier 2015 (CE, 25 janvier 2017, Jahin) ;

– la jurisprudence de Ruyter nest pas applicable aux personnes affiliées à un régime de sécurité sociale dans un État tiers à lUnion européenne (décision n° 2016-615 QPC du 9 mars 2017, Époux V.) : l’assujettissement des revenus du patrimoine des non-résidents des États tiers à la CSG n’est pas contraire à la Constitution ;

– la CJUE a également jugé que l’assujettissement des revenus du capital des non-résidents des États tiers à la CSG n’est pas contraire au principe de libre circulation des capitaux des articles 63 et 65 du TFUE (CJUE, 18 janvier 2018, Jahin, appliquée au prélèvement social sur les revenus du patrimoine et à la contribution additionnelle à ce prélèvement dans l’arrêt CE, 5 mars 2018, Jahin).

 Les modifications législatives intervenues en loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, nont toutefois pas permis de sécuriser totalement le régime applicable.

L’article 24 de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016 visait à mettre les prélèvements sociaux en conformité avec le droit européen par le biais de changements daffectations budgétaires, suite à la décision de 2015.

Leur produit, et notamment celui de la CSG, a ainsi été affecté à des structures non contributives, principalement au Fonds de solidarité vieillesse (FSV).

La LFSS pour 2016 a ainsi attribué au FSV la quasi-totalité des prélèvements sociaux sur les revenus du capital. En contrepartie, le FSV a cédé ses autres ressources (CSG sur les revenus d’activité et de remplacement, taxe sur les salaires, forfait social et CSSS pour l’essentiel) au régime général.

Les prélèvements sociaux réclamés sur le fondement de cette mise en conformité ont rapidement fait lobjet de contestations.

Deux décisions du juge administratif (Tribunal administratif de Strasbourg, 11 juillet 2017, et Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, 29 mars 2018) ont ainsi jugé que les changements daffectations budgétaires opérés laissaient subsister un lien direct et suffisamment pertinent avec certaines branches de la sécurité sociale, contraire au principe dunicité de la législation sociale énoncé au règlement européen de 2004, et justifiant la décharge des prélèvements sociaux opérés sur les revenus de capitaux mobiliers des intéressés, en l’espèce fiscalement domiciliés en France, mais affiliés à la sécurité sociale de Suisse.

 

Le 31 mai 2018, la Cour administrative d’appel de Nancy a confirmé dans l’ensemble le jugement du tribunal administratif de Strasbourg, et a posé une nouvelle question préjudicielle à la CJUE (2) :

– la CAA de Nancy a jugé que les contributions et prélèvements sociaux affectés au fonds de solidarité vieillesse et à la caisse d’amortissement de la dette sociale sont directement et spécifiquement affectées au financement d’un régime de sécurité sociale relevant du champ d’application du règlement n° 883/2004 et sont donc soumis au principe d’unicité de la législation sociale ;

– concernant la fraction du prélèvement social et la contribution additionnelle au prélèvement social affectés à la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CAA de Nancy a interrogé la CJUE pour savoir si ces prélèvements présentaient un lien direct et suffisamment pertinent avec certaines branches de la sécurité sociale énumérées à l’article 3 du règlement (CE) n° 883/2004.

Le rapport de la mission d’information sur la gestion du risque budgétaire aux contentieux fiscaux et non fiscaux de l’État, qui a auditionné la direction de la sécurité sociale (DSS) sur cette question, précise que les enjeux présentent « un caractère très ciblé et limité budgétairement » et rappelle que « sauf à revoir entièrement la structure de la CSG et à en réaffecter le produit dans des proportions bien plus importantes, une sécurisation juridique absolue de ce dispositif aurait difficilement pu être atteinte » (3).

(1) Sur le site impots.gouv.fr (lien).

(2) L’affaire est enregistrée à la CJUE sous le numéro C-371/18.

(3) Rapport de la mission d’information relative à la gestion des risques budgétaires associés aux contentieux fiscaux et non fiscaux de l’État, octobre 2018, n° 1310, page 115.

Source : réponses aux questionnaires.

ii.   Des enjeux financiers en diminution

 Concernant le contentieux de Ruyter « historique », relatif au dispositif préexistant à la LFSS pour 2016, le stock de dossiers à traiter reste très élevé.

Au 31 juillet 2018, depuis le début de ce contentieux, les sommes restituées s’élèvent à 112,7 millions d’euros concernant le budget de l’État, et à 206,9 millions d’euros concernant le budget de la Sécurité sociale, soit 318,9 millions d’euros au total.

contentieux de ruyter « historique » :
coût budgétaire annuel et dossiers en attente

 

(en nombre de dossiers et en millions d’euros)

 

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018
(31/07)

Dossiers en attente (en nombre de dossiers)

2

15

3 475

29 905

22 836

14 801

12 369

dont réclamations à traiter

6

3 327

29 388

21 185

12 372

10 335

dont instances juridictionnelles non jugées

2

9

148

517

1 651

2 429

2 034

Coût budgétaire (en M€)

0,4

9,5

198,8

93,9

16,3

dont part État

0,4

1,6

74,2

30,1

6,4

dont part Sécurité sociale

7,9

124,6

63,8

9,9

Source : réponses aux questionnaires.

Concernant le contentieux de Ruyter « LFSS 2016 », plus de 5 000 requêtes (réclamation et instances juridictionnelles) ont déjà été déposées. Les enjeux budgétaires sont en revanche bien moindres que pour le contentieux

contentieux de ruyter « LFSS 2016 » : dossiers en attente

(en nombre de dossiers)

 

2016

2017

2018
(31/07)

Dossiers en attente

559

2 374

5 027

dont réclamations à traiter

521

1 986

4 572

dont instances juridictionnelles non jugées

38

388

455

Source : réponses aux questionnaires.

● La fiscalité applicable aux non-résidents fait actuellement lobjet de réflexions plus larges. Le rapport de Mme Annie Genetet consacré à la mobilité internationale des Français ([25]), publié en septembre 2018, suggérait ainsi de supprimer les prélèvements sociaux sur le patrimoine foncier des non-résidents.

Lors de la séance de questions aux Gouvernement du mardi 16 octobre 2018, le ministre de l’action et des comptes publics, M. Gérald Darmanin, a annoncé l’exonération de CSG et de CRDS sur le capital des Français résidant à l’étranger et affiliés à un régime de sécurité sociale dans l’Union européenne ou en Suisse ([26]). Ces évolutions pourraient être adoptées à l’occasion de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019.

d.   Le contentieux « Stéria »

i.   Les origines de l’affaire

● Le contentieux porte sur le fait que la neutralisation de la quote-part de 5 % représentative des frais et charges au moment de la réception, par une société mère française, de dividendes par ailleurs exonérés, était limitée à ceux provenant de sociétés intégrées fiscalement.

Le contentieux « Stéria »

● Plusieurs sociétés mères françaises ont introduit des réclamations en vue d’obtenir la restitution de l’impôt sur les sociétés payé à raison de la quote‑part de frais et charges afférente aux dividendes de source communautaire qu’elles perçoivent de filiales détenues à au moins 95 %.

La neutralisation de la quote-part de 5 % représentative des frais et charges au moment de la réception, par une société mère française, de dividendes par ailleurs exonérés, était limitée à ceux provenant de sociétés intégrées fiscalement.

Or, le périmètre d’une telle intégration ne s’appliquait qu’aux filiales établies en France, dont les résultats entraient dans le champ de l’impôt sur les sociétés françaises, les dividendes de source communautaire demeurant imposés sur la base de cette quote-part de 5 %.

Les sociétés requérantes, considérant que cette différence de traitement était critiquable tant sur le terrain de la conformité à la directive mère-fille concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents (directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011), qu’au regard de la liberté d’établissement (garantie par l’article 43 TCE devenu article 49 TFUE), ont donc saisi du litige le juge administratif.

● Par une décision du 29 juillet 2014, la cour administrative d’appel de Versailles a saisi la CJUE de la question préjudicielle suivante au regard de la liberté d’établissement :

« Larticle 43 du traité CE devenu larticle 49 du TFUE relatif à la liberté détablissement doit-il être interprété en ce sens quil soppose à ce que la législation relative au régime français de lintégration fiscale accorde à une société mère intégrante la neutralisation de la réintégration de la quote-part de frais et charges forfaitairement fixée à 5 % du montant net des dividendes perçus par elle des seules sociétés résidentes partie à lintégration, alors quun tel droit est refusé, en vertu de cette législation, pour les dividendes qui lui sont distribués par ses filiales implantées dans un autre État membre qui, si elles avaient été résidentes, y auraient été objectivement éligibles, sur option ? ».

Dans un arrêt du 2 septembre 2015, la CJUE, après avoir considéré que le fait d’exclure du bénéfice d’un tel avantage une société mère qui détient une filiale établie dans un autre État membre est de nature à rendre moins attrayant l’exercice par cette société mère de sa liberté d’établissement, en la dissuadant de créer des filiales dans d’autres États membres, a invalidé le mécanisme français contesté.

Elle a répondu à la question posée par le juge d’appel français de la manière suivante :

« Larticle 49 TFUE doit être interprété en ce sens quil soppose à une législation dun État membre relative à un régime dintégration fiscale en vertu de laquelle une société mère intégrante bénéficie de la neutralisation de la réintégration dune quote-part de frais et charges forfaitairement fixée à 5 % du montant net des dividendes perçus par elle des sociétés résidentes parties à lintégration, alors quune telle neutralisation lui est refusée, en vertu de cette législation, pour les dividendes qui lui sont distribués par ses filiales situées dans un autre État membre qui, si elles avaient été résidentes, y auraient été objectivement éligibles, sur option. »

Par ses décisions du 21 juin 2016 ([27]), la cour de renvoi a jugé qu’il résulte de l’interprétation donnée par la CJUE dans son arrêt C-384/16 du 2 septembre 2015 que l’administration n’est pas fondée à refuser à une société mère intégrante le bénéfice de la neutralisation de la quote-part pour frais et charges, instituée par l’article 223 B du code général des impôts en faveur des groupes fiscalement intégrés, à raison des dividendes qui lui sont distribués par ses filiales établies dans un autre État membre pour autant que ces filiales, si elles avaient été résidentes, auraient été objectivement éligibles au régime d’intégration fiscale, sur option, en vertu de l’article 223 A du code général des impôts.

 La loi de finances rectificative pour 2015 a tiré les conséquences pour lavenir de cette jurisprudence.

Son article 40 supprime, pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2016, la neutralisation de la quote-part de frais et charges afférente aux dividendes versés entre sociétés d’un même groupe et abaisse à 1 % le taux de la quote-part de frais et charges afférente aux dividendes éligibles au régime mère‑fille que perçoivent les sociétés membres d’un groupe d’autres membres ou de sociétés établies dans un autre État de l’Union ou de l’Espace économique européen qui, si elles étaient établies en France, rempliraient les conditions pour être membre de ce groupe, en application des articles 223 A ou 223 A bis, autres que celle d’être soumise à l’impôt sur les sociétés en France.

Pour les affaires relevant des dispositions légales antérieures, l’instruction des demandes impose à l’administration de vérifier que les conditions d’éligibilité au régime d’intégration fiscale posées par les articles 223 A et suivants du code général des impôts sont satisfaites par la filiale située dans un autre État membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen pour que les distributions en litige soient totalement exonérées, y compris de quote-part de frais et charges.

Ainsi que l’ont confirmé les décisions de la cour précitées, il incombe au contribuable, seul à même de pouvoir apporter des éléments pertinents en ce sens, de justifier non seulement du respect des conditions fixées pour l’exercice de cette option mais aussi de l’origine et du montant des distributions susceptibles d’ouvrir droit au bénéfice de la neutralisation de la quote-part pour frais et charges, sous réserve que la production des éléments de preuve ne s’avère pas pratiquement impossible ou excessivement difficile. Il lui appartient de justifier du bien-fondé de sa demande et de conserver les pièces propres à asseoir ses prétentions.

Les services doivent ainsi demander aux sociétés réclamantes ou requérantes, quand elles ne l’ont pas déjà fait, de justifier précisément leurs prétentions financières.

 De nouvelles réclamations ont été déposées après la modification du régime des distributions dans lintégration fiscale.

Comme rappelé ci-avant, la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 a mis fin à la neutralisation de la quote-part de frais et charges sur les produits de participation versés dans le cadre d’un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis du CGI. Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2016, ces distributions sont soumises à la taxation d’une quote-part de frais et charges (QPFC) fixée à 1 % de leur montant. Ce taux est également applicable aux dividendes provenant de filiales établies au sein de l’Union européenne (UE) ou dans un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) qui, si elles étaient établies en France, rempliraient les conditions pour être membres d’un groupe fiscalement intégré.

En revanche, le taux de 1 % n’est pas applicable aux dividendes perçus par une société membre d’un groupe intégré et versés par une filiale non établie dans l’UE ou l’EEE et qui aurait satisfait aux conditions pour être membre d’un tel groupe si elle avait été établie en France, ni aux dividendes perçus par une société membre d’un groupe intégré et versés par une filiale qui, bien que répondant aux conditions d’appartenance à un tel groupe, n’a pas été intégrée dans le groupe fiscal.

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 25 janvier 2018 par le Conseil dÉtat ([28]) dune QPC posée par la société Life Sciences Holdings France sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du deuxième alinéa de l’article 223 B du CGI, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009, suivant lequel la quote-part de frais et charges afférente aux produits de participation perçus par une société membre du groupe depuis plus d’un exercice est retranchée du résultat d’ensemble.

La société requérante invoquait une double différence de traitement entre entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés :

– celle entre les groupes fiscalement intégrés, selon que leurs filiales étrangères sont établies ou non dans un État membre de l’Union européenne,

– celle entre les groupes fiscalement intégrés et ceux relevant uniquement du régime des sociétés mères (n’ayant pas opté pour l’intégration).

Dans sa décision rendue le 13 avril 2018 ([29]), aucun de ces deux griefs na été retenu par le Conseil constitutionnel.

Concernant la première différence de traitement, le Conseil a fait référence à l’objet initial de la loi, qui était « de définir lun des avantages attachés à lintégration fiscale afin de garantir aux groupes se plaçant sous ce régime, qui ne concerne que des sociétés mères et filiales françaises, un traitement fiscal équivalent à celui dune unique société dotée de plusieurs établissements ». Ces dispositions contestées ont vu leur portée étendue afin de respecter la liberté d’établissement garantie par l’article 49 du TFUE. Toutefois, le Conseil a considéré qu’« il ne résulte pas de la modification de leur portée une différence de traitement sans rapport avec lobjet de la loi ».

Concernant la seconde différence de traitement, le Conseil a précisé l’objectif poursuivi par le législateur, tel qu’il ressort des travaux parlementaires, à savoir « inciter à la constitution de groupes nationaux, soumis à des conditions particulières de détention caractérisant leur degré dintégration ». Or, le Conseil admet de jurisprudence constante que le principe d’égalité ne fait pas obstacle à ce que le législateur édicte pour des motifs d’intérêt général des mesures d’incitation par l’octroi d’avantages fiscaux. Après avoir ainsi constaté cet objectif d’intérêt général, le Conseil a jugé que la différence de traitement qui en résulte est en rapport direct avec l’objet de la loi.

Source : réponses aux questionnaires.

ii.   Les enjeux financiers

 Au 31 juillet 2018, les montants déjà restitués atteignent 783,5 millions deuros. 193 réclamations restent à traiter, et 36 instances juridictionnelles sont en attente de jugement.

L’enjeu financier global de ce contentieux s’élève à 1 milliard d’euros.

contentieux « stÉria » :
coût budgÉtaire annuel et dossiers en attente

 

(en nombre de dossiers et en millions d’euros)

 

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

(31/07)

Dossiers en attente (en nombre de dossiers)

2

4

96

328

208

179

229

dont réclamations à traiter

89

298

175

143

193

dont instances juridictionnelles non jugées

2

4

7

30

33

36

36

Coût budgétaire (en M€)

447,2

269,5

66,8

dont dégrèvements prononcés

408,0

235,6

57,2

dont intérêts moratoires

39,2

33,9

9,6

Source : réponses aux questionnaires.

e.   Le contentieux « 3 % dividendes »

i.   Les origines de l’affaire

● Ce contentieux porte sur la contrariété de la contribution de 3 % sur les dividendes distribués à larticle 4 de la directive « mère-fille », au motif que cette contribution constitue une double imposition irrégulière, excédant la part autorisée de 5 % pour frais et charges autorisée par la directive, comme cela a été jugé par la CJUE dans une décision de 2017, AFEP.

Il en découle linapplicabilité de la contribution aux dividendes provenant de filiales européennes, alors que les dividendes de sources françaises et non européennes restaient soumis à la taxe. Cette situation est contraire aux principes dégalité devant la loi et devant les charges publiques, en raison de lexistence dune discrimination à rebours, ce qui a conduit à la censure intégrale de la contribution par le Conseil constitutionnel dans une décision QPC de 2017, Sorpafi.

Le contentieux « 3 % dividendes »

 L’article 6 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 a instauré une contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés, codifiée à l’article 235 ter ZCA du code général des impôts, due par les sociétés passibles de l’impôt sur les sociétés au titre des montants qu’elles distribuent et mettent en paiement à compter du 17 août 2012.

Les réclamations déposées visaient à obtenir la restitution de cette contribution au motif principal soit de son inconstitutionnalité, soit de sa contrariété avec l’article 49 du TFUE (interdiction des restrictions à la liberté d’établissement) ainsi qu’avec les articles 4 (qui vise à éviter la double imposition des bénéfices reçus par une société mère de ses filiales établies dans un autre État membre) et 5 (exonération de retenue à la source des bénéfices distribués par une filiale à sa société mère) de la directive « mère-fille » de 2011 (1).

Différents griefs ont été successivement soulevés dans ces réclamations :

– une différence de traitement opérée au détriment des filiales de sociétés établies dans un autre État membre de l’Union européenne par rapport aux succursales ;

– une différence de traitement défavorable à l’égard des filiales françaises détenues à au moins 95 % par une société mère non-résidente ;

– une contradiction de l’article 235 ter ZCA avec les articles 4 et 5 de la directive « mère-fille ».

 Labrogation pour inconstitutionnalité de lexonération de la contribution dont bénéficient les groupes fiscalement intégrés a été prononcée en 2016 à loccasion de laffaire Layher.

Par une décision rendue le 27 juin 2016 sur demande de la société Layher (2), le Conseil d’État a renvoyé au Conseil constitutionnel la question de la conformité à la Constitution des dispositions du I du E de l’article 6 de la loi de finances rectificative pour 2012 n° 2012-958 du 16 août 2012, codifiées à l’article 235 ter ZCA du code général des impôts, en tant qu’elles exonèrent de contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés les montants distribués « entre sociétés du même groupe au sens de larticle 223 A » du code précité.

La société Layher soutenait, en effet, que larticle 235 ter ZCA du code général des impôts introduisait une différence de traitement entre les distributions réalisées au sein dun groupe intégré et celles effectuées en dehors de ce cadre, alors même que les conditions objectives dapplication du régime de lintégration, en termes de détention de capital et de durée des exercices, étaient remplies, cette différence de traitement n’étant justifiée ni par une différence objective de situation, au regard de l’objet de la contribution, ni par aucune raison d’intérêt général.

Par suite, l’exposante soutenait qu’il y avait atteinte aux principes constitutionnels d’égalité devant la loi fiscale et devant les charges publiques.

Par une décision du 30 septembre 2016 (3), rendue suite à la question prioritaire de constitutionnalité posée par le Conseil d’État, le Conseil constitutionnel a jugé que la différence de traitement ainsi instituée entre les sociétés dun même groupe réalisant, en son sein, des distributions, selon que ce groupe relève ou non du régime de lintégration fiscale, nest justifiée ni par une différence de situation, ni par un motif dintérêt général.

Le Conseil constitutionnel a, par conséquent, déclaré contraires à la Constitution les mots : « entre sociétés du même groupe au sens de larticle 223 A » figurant au 1° du paragraphe I de l’article 235 ter ZCA du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015.

Mais, constatant qu’il revient au seul législateur de choisir les modifications qui lui apparaissent nécessaires pour remédier à l’inconstitutionnalité constatée, le Conseil constitutionnel a reporté au 1er janvier 2017 l’abrogation des dispositions contestées.

Cette décision n’emportait par elle-même aucune conséquence financière.

Larticle 95 de la loi de finances rectificative pour 2016 (4) a tiré les conséquences de cette jurisprudence.

Le législateur a étendu le champ de lexonération à toutes les situations dans lesquelles la bénéficiaire de la distribution est une société qui remplit les conditions pour être membre du même groupe intégré que la société distributrice, même si elles nont pas opté pour ce régime, ou qui les remplirait si elle était établie en France.

Les conséquences financières de cette extension avaient alors été évaluées comme conduisant à une perte de 250 millions d’euros par an pour le budget de l’État (5), pour un rendement annuel moyen de 2 milliards d’euros environ.

● L’abrogation de la contribution de 3 % résulte d’un processus en deux temps, suite aux décisions Afep et Société de participations financière de 2016 et 2017 :

– la contribution a d’abord été jugée contraire à la directive « mère-fille », conduisant à la rendre inapplicable aux dividendes redistribués par une société mère qui provenaient d’une filiale européenne ;

– dès lors, cette exclusion des dividendes européens redistribués a été vue comme induisant une différence de traitement avec les autres dividendes, créant une rupture d’égalité inconstitutionnelle.

À l’occasion d’une affaire Association française des entreprises privées (Afep) du 27 juin 2016 (6), les entités requérantes relevaient que la redistribution par une société française de dividendes perçus de ses filiales implantées dans dautres États membres de lUnion européenne serait exonérée de retenue à la source, par application de la directive mère-fille, alors que la redistribution de dividendes en provenance de filiales françaises ou établies hors de lUE serait assujettie à la contribution additionnelle, ce qui générerait une discrimination à rebours.

La contrariété des dispositions de l’article 235 ter ZCA avec les articles 4 ou 5 de la directive « mère-fille » de 2011 n’apparaissait alors pas certaine. La question prioritaire de constitutionnalité ne pouvait être regardée comme sérieuse en l’état. Cette difficulté sérieuse d’interprétation desdits articles supposait d’être préalablement réglée par transmission d’une question préjudicielle.

Le Conseil d’État a alors transmis à la Cour de justice de l’Union européenne une question préjudicielle portant sur la conformité de ce mécanisme aux articles 4 et 5 de la directive « mère-fille » de 2011.

Par un arrêt du 17 mai 2017 (7), la CJUE sest prononcée sur ces questions en validant la thèse des sociétés plaignantes, et a jugé la contribution française de 3 % contraire à l’article 4 de la directive « mère-fille ».

La Cour relève que, dès lors qu’ils ont opté pour le régime de l’exonération, cette disposition interdit aux États membres d’imposer la société mère ou son établissement stable au titre des bénéfices distribués par la filiale à sa société mère, sans distinguer selon que l’imposition de la société mère a pour fait générateur la réception de ces bénéfices ou leur redistribution.

La contribution de 3 % relève de cette seconde situation.

La Cour relève ensuite qu’une imposition de ces bénéfices par l’État membre de la société mère dans le chef de cette société lors de la redistribution de ces derniers qui aurait pour effet de soumettre lesdits bénéfices à une imposition dépassant le plafond de 5 % prévu à l’article 4, paragraphe 3, de la directive, entraînerait une double imposition au niveau de ladite société contraire à ladite directive.

La contribution de 3 % conduit donc selon la Cour à une double imposition irrégulière, en ce quelle entraînait une imposition excédant la part autorisée de 5 %.

Il résulte de cet arrêt que dans le cadre transfrontalier communautaire, la contribution ne peut plus être exigée lors de la redistribution des dividendes reçus de filiales. Elle peut en revanche être appliquée à l’ensemble des autres bénéfices redistribués par cette société mère.

Ces dispositions, telles quelles doivent être appliquées à la lumière de larrêt de la Cour de justice de lUnion européenne, créent ainsi une différence de traitement entre les sociétés mères, selon que les bénéfices quelles redistribuent proviennent ou non de filiales relevant du régime mèrefille prévu par la directive du 30 novembre 2011.

En juin 2017, le Conseil d’État a été saisi de deux nouvelles questions prioritaires de constitutionnalité en vue de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l’article 235 ter ZCA du code général des impôts.

Les griefs exprimés dans ce cadre sont doubles :

– d’une part, le dispositif tel qu’éclairé par la décision de la CJUE aboutit à une discrimination à rebours à l’encontre des situations purement domestiques et des situations impliquant des filiales établies sur le territoire d’États tiers à l’Union européenne ;

– d’autre part, l’extension de la jurisprudence communautaire aux situations domestiques ou impliquant des États tiers laisserait à la charge des seules sociétés opérationnelles la contribution sur les revenus distribués, ce qui générerait une nouvelle discrimination à leur encontre.

Dans un arrêt Société Sorpafi du 7 juillet 2017 (8), le Conseil d’État a renvoyé au Conseil constitutionnel les deux questions. La décision du conseil constitutionnel n° 2017-660 QPC du 6 octobre 2017 (9) a conduit à invalider lintégralité de la contribution.

(1) Directive 2011/96/UE du conseil du 30 novembre 2011 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents.

(2) Conseil d’État, 27 juin 2016, Société Layher SAS.

(3) Conseil constitutionnel, décision n° 2016-571 QPC du 30 septembre 2016, Société Layher SAS.

(4)   Loi 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016.

(5) Rapport fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale par Mme Valérie Rabault, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2016 (n° 4235).

(6) Conseil d’État, 27 juin 2016, Association française des entreprises privées, 399024.

(7) CJUE, 17 mai 2017, C365/16, Association française des entreprises privées et autres contre Ministre des Finances et des Comptes publics.

(8)   Conseil d’État, 7 juillet 2017, Société Sorpafi, 399757.

(9) Conseil constitutionnel, décision n° 2017-660 QPC du 6 octobre 2017, Société de participations financière.

Source : réponses aux questionnaires.

ii.   Un coût de 10 milliards d’euros étalé sur trois ans

● Les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 3 milliards d’euros ont acquitté l’essentiel des montants de contribution de 3 % en 2017.

contribution de 3 % acquittée en 2017 en fonction du CA

(en nombre de sociétés et en milliers d’euros)

Montant du CA 2016
du groupe

Nombre de sociétés

Contribution à 3 % acquittée en 2017

(au 30 septembre 2017)

Moyenne

Médiane

Maximum

Total

Indisponible

124

32,8

5,4

501,6

4 067,2

Entre 0 et 1 milliard d’euros

4 875

77,6

9,0

63 780,0

378 300,0

Entre 1 milliard d’euros et 3 milliards d’euros

106

1 714,0

599,2

19 446,8

181 684,0

Plus de 3 milliards d’euros

73

14 718,4

5 130,0

100 128,3

1 074 443,2

Source : Rapport au Parlement sur les effets des contributions exceptionnelle et additionnelle à l’impôt sur les sociétés instituées par l’article 1er de la loi n° 2017-1640 du 1er décembre 2017 de finances rectificative pour 2017.

Les droits contestés sont principalement réclamés par des sociétés dont le chiffre d’affaires est supérieur à 3 milliards d’euros.

montant des droits contestés en fonction du chiffre d’affaires

(en milliards d’euros et en %)

Montant du CA 2016 du groupe

Total des droits contestés

Part relative

Entre 0 et 1 milliard d’euros

1,6

20 %

Entre 1 et 3 milliards d’euros

1,1

14 %

Plus de 3 milliards d’euros

5,5

66 %

Total

8,2

100 %

Source : Rapport au Parlement sur les effets des contributions exceptionnelle et additionnelle à l’impôt sur les sociétés instituées par l’article 1er de la loi n° 2017-1640 du 1er décembre 2017 de finances rectificative pour 2017.

Ces réclamations émanent en particulier des entreprises des secteurs industriels (22 %) et des secteurs financiers et d’assurance (21,9 %).

rÉpartition des droits contestés par les entreprises
selon leur secteur d’activité

(en millions d’euros et en %)

Code dactivité

Droits contestés
au 12 décembre 2017 (en M€)

en %

A – Agriculture, sylviculture et pêche

4

0,0 %

B – Industries extractives

4

0,0 %

C – Industrie manufacturière

1 796

22,0 %

D – Production et distribution d’électricité, de gaz, de vapeur et d’air conditionné

618

7,6 %

E – Production et distribution d’eau ; assainissement, gestion des déchets et dépollution

95

1,2 %

F – Construction

284

3,5 %

G – Commerce ; réparation d’automobiles et de motocycles

1 157

14,2 %

H – Transports et entreposage

168

2,1 %

I – Hébergement et restauration

82

1,0 %

J – Information et communication

674

8,3 %

K – Activités financières et d’assurance

1 786

21,9 %

L – Activités immobilières

111

1,4 %

M – Activités spécialisées, scientifiques et techniques

1 108

13,6 %

N – Activités de services administratifs et de soutien

59

0,7 %

P – Enseignement

0

0,0 %

Q – Santé humaine et action sociale

18

0,2 %

R – Arts, spectacles et activités récréatives

34

0,4 %

S – Autres activités de services

0

0,0 %

X – Inconnue

157

1,9 %

Total

8 157

100,0 %

Source : Rapport au Parlement sur les effets des contributions exceptionnelle et additionnelle à l’impôt sur les sociétés instituées par l’article 1er de la loi n° 2017-1640 du 1er décembre 2017 de finances rectificative pour 2017.

● Le coût budgétaire associé au contentieux relatif à la contribution de 3 % sur les dividendes distribués devrait atteindre 10 milliards d’euros, entre 2017 et 2019 :

– 5,25 milliards d’euros de dégrèvements ont été exécutés en 2017 (4,74 milliards de restitutions d’impositions indûment perçues, et 0,54 milliard en intérêts moratoires) ;

– 4,2 milliards d’euros devraient être décaissés en 2018 (restitutions d’impositions indûment perçues et intérêts moratoires) ;

– 500 millions d’euros ont été inscrits dans le projet de loi de finances pour 2019.

● Afin de compenser ce coût, la loi de finances rectificative pour 2017 ([30]) a institué deux contributions exceptionnelle et additionnelle à l’impôt sur les sociétés, dont le produit s’est élevé à 4,9 milliards d’euros en 2017, et devrait atteindre 500 millions en 2018.

f.   Le contentieux « CSPE »

i.   Une procédure longue

 Ce contentieux porte sur la contrariété de la contribution au service public de lélectricité (CSPE) aux directives européennes relatives aux accises.

Le contentieux « CSPE » (affaire Messer)

● Instituée par la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l’électricité et au service public de l’énergie, la contribution au service public de l’électricité (CSPE) visait à compenser les charges de service public de l’électricité supportées par les fournisseurs historiques, ainsi que celles supportées par les fournisseurs alternatifs participant au dispositif institué en faveur des personnes en situation de précarité.

Depuis le 1er janvier 2016, la CSPE est désormais intégrée à la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE).

Le fondement juridique de la CSPE a fait lobjet de nombreuses contestations depuis sa création. La Commission de régulation de l’énergie (CRE) a réceptionné près de 55 000 réclamations préalables demandant la restitution des sommes versées. Environ 14 000 requêtes auraient ensuite été enregistrées par les juridictions administratives. Parmi celles-ci, la requête introduite par la société Messer a été désignée comme « tête de série ».

● Plusieurs procédures ont été successivement engagées et ont permis de préciser le régime juridique de la CSPE :

– saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité par le Conseil d’État, le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions contestées relatives à la CSPE étaient conformes à la Constitution : les dispositions contestées ne méconnaissaient ni le principe de l’égalité devant l’impôt et les charges publiques, ni l’objectif d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi, et qu’en adoptant ces dispositions, le législateur n’avait pas méconnu l’étendue de sa compétence dans la détermination de l’assiette ou du taux d’une imposition (décision n° 2014-419 QPC du 8 octobre 2014, Praxair SAS) ;

– saisi d’une demande d’avis contentieux par la cour administrative de Paris, le Conseil dÉtat a indiqué que le produit de la CSPE ninfluençait pas directement limportance des aides en causes et a estimé que, sans qu’il y ait besoin de poser une question préjudicielle à la CJUE, la CSPE, faute de lien contraignant, ne pouvait être regardée comme faisant partie intégrante dun régime daide dÉtat (CE, Section, 22 juillet 2015, décision n° 388853).

Un nouveau moyen a ensuite été introduit, contestant la conformité de la CSPE au régime général des accises. Le requérant contestait la conventionnalité de la CSPE sur le fondement de l’absence de finalité spécifique au sens des directives européennes concernant les autres impositions indirectes, existant en parallèle des accises. Selon le requérant, compte tenu de la pluralité des dépenses qu’elle finançait, la CSPE ne pouvait avoir une finalité spécifique :

– le 23 février 2016, la cour administrative dappel de Paris rejette la requête de la société Messer France, venant aux droits de la société Praxair, qui demandait l’annulation du jugement rendu le 6 juillet 2012 par le tribunal administratif de Paris (n° 12PA03983) ;

– le 22 février 2017, le Conseil dÉtat sursoit à statuer sur le pourvoi en cassation de la société Messer France, jusqu’à ce que la CJUE se prononce sur quatre questions préjudicielles portant notamment sur la qualification du lien d’affectation entre la CSPE et les aides d’État qu’elle finance et la conformité de cette imposition avec les directives relatives au régime général des accises.

● La CJUE a rendu ses conclusions le 25 juillet 2018 et a jugé que les contribuables pouvaient prétendre à un remboursement partiel de CSPE. Selon la Cour :

– la CSPE peut être qualifiée d’imposition indirecte poursuivant des finalités spécifiques eu égard à sa finalité environnementale, qui vise le financement des surcoûts liés à l’obligation d’achat d’énergie verte ;

– en revanche, elle ne peut pas être qualifiée d’imposition indirecte poursuivant des finalités spécifiques pour la partie de son produit destinée à des finalités de cohésion territoriale et sociale (péréquation tarifaire géographique, réduction de prix de l’électricité pour les ménages en situation de précarité) et à des finalités purement administratives (financement des coûts inhérents au fonctionnement administratif d’autorités ou d’institutions publiques telles que le médiateur national de l’énergie et la Caisse des dépôts et consignations, notamment).

Dès lors, les contribuables concernés peuvent prétendre à un remboursement partiel de CSPE à proportion de la part des recettes affectée à des finalités non spécifiques, à condition que cette taxe n’ait pas été répercutée par ces contribuables sur leurs propres clients, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier.

Source : réponses aux questionnaires, rapport de la mission d’information relative à la gestion des risques budgétaires associés aux contentieux fiscaux et non fiscaux de l’État, octobre 2018, n° 1310.

● Concernant la gestion administrative de ce contentieux, la mission d’information précitée a relevé que « la lenteur de la prise de conscience des enjeux financiers associés à ce contentieux au plus haut niveau et la faiblesse des moyens consacrés à sa gestion nont pas permis de définir une stratégie contentieuse claire. Labsence daccusé de réception et de refus explicite a ainsi aggravé le risque budgétaire associé, en laissant ouverts les délais de recours. Lenregistrement de la provision a été tardif (quatre mois seulement avant la décision de la CJUE, alors que le contentieux durait depuis plusieurs années), et le législateur nen a pas été informé ».

ii.   Un coût difficile à évaluer

● Comme l’a relevé la mission d’information relative à la gestion du risque budgétaire associé aux contentieux fiscaux et non fiscaux de l’État ([31]), le coût potentiel de ce contentieux est particulièrement difficile à évaluer. Une mission composée de membres de l’Inspection générale des finances (IGF), du Contrôle général économique et financier (CGefi), et de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), a été chargée d’apprécier plus finement l’enjeu budgétaire de ce contentieux sériel.

Au 31 décembre 2017, le montant provisionné dans les comptes de lÉtat sélève à 1,25 milliard deuros.

L’administration souligne que les remboursements pourraient être bien inférieurs à la provision enregistrée, du fait notamment de « lapplication de certaines règles de forclusion et de prescription aux requêtes et aux réclamations dores et déjà déposées » ([32]), puisque les contestations portent sur des millésimes anciens (montants de CSPE payés entre 2005 et 2009).

● La Rapporteure spéciale sinquiète des coûts associés au traitement des très nombreuses réclamations déposées.

● 100 millions deuros ont été inscrits dans le projet de loi de finances pour 2019 pour faire face aux premiers remboursements.

 


   seconde partie : Le programme 201
Remboursements et dégrèvements dimpÔts locaux

 

● Le programme 201 comporte quatre actions :

– l’action 01 Taxe professionnelle et contribution économique et territoriale et autres impôts économiques créés ou modifiés dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle ;

– l’action 02 Taxes foncières ;

– l’action 03 Taxe dhabitation ;

– l’action 04 Admission en non-valeur dimpôts locaux.

● Entre 2011 et 2017, les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux ont connu une relative stabilité, fluctuant autour de 11,8 milliards d’euros en moyenne.

En 2018, les dépenses du programme devraient nettement augmenter, du fait de la mise en œuvre de la première tranche du dégrèvement de taxe d’habitation pour 80 % des ménages, inscrit à l’article 5 de la loi de finances pour 2018 ([33]).

● Pour 2019, la dépense du programme 201 devrait sétablir à 19,86 milliards deuros en augmentation de + 4,65 milliards deuros par rapport à 2018 (+ 31 %).

Les principales évolutions affectant la dépense du programme ont trait :

– aux évolutions concernant les modalités de calcul de la CVAE des groupes, pour – 520 millions d’euros (action 01) ;

– à la montée en charge du dégrèvement de taxe d’habitation précité, pour + 4,1 milliards d’euros (action 03).

 Le tableau suivant présente les crédits du programme 201 depuis 2013.

Évolution pluriannuelle des crÉdits du programme 201

 

(en millions d’euros)

 

2013

2014

2015

2016

2017

Révision 2018

PLF
2019

Évolution
2018-19

Action 01 CET

6 868

6 480

6 307

6 725

6 970

6 857

6 297

 560

Action 02 TF

844

985

990

1 475

1 508

1 547

1 594

+ 47

Action 03 TH

3 488

3 556

3 797

3 978

3 674

7 191

11 454

+ 4 263

Action 04 ANV

445

481

582

531

513

513

513

P 201

11 645

11 502

11 676

12 708

12 665

16 108

19 858

+ 3 750

Source : réponses aux questionnaires.

● Ce programme retrace les dégrèvements mais pas les compensations dexonérations dimpôts locaux.

Les compensations d’exonération d’impôts locaux présentent des enjeux budgétaires bien moindres que les dégrèvements. L’annexe au projet de loi de finances pour 2019 relative aux Transferts financiers de lÉtat aux collectivités territoriales relève ainsi qu’en 2019, l’État prévoit de dépenser 22,4 milliards au titre des dégrèvements et compensations d’exonérations (à périmètre courant), soit environ 20 % des transferts financiers de l’État en faveur des collectivités territoriales :

– 19,9 milliards d’euros au titre des dégrèvements législatifs ;

– 2,2 milliards d’euros au titre des compensations d’exonérations ;

– 0,6 milliard d’euros au titre des dotations de compensation d’anciennes allocations compensatrices (Dotation pour transferts de compensations d’exonérations de fiscalité directe locale des départements et des régions, ou Dot²).

La question de la compensation des exonérations dimpôts locaux nen est pas moins cruciale pour les finances des collectivités territoriales. Comme les dégrèvements, les compensations sont souvent calculées prenant pour référence les taux et abattements en vigueur au moment de la création du dispositif. De plus, les exonérations sur lesquelles elles sont assises répondent souvent à des objectifs sociaux ou de revitalisation économique. Toutefois, à l’inverse des dégrèvements, certaines compensations d’exonérations sont intégrées aux variables d’ajustement ([34]).

La Rapporteure spéciale relève que le montant des exonérations compensées est faible, et en diminution. Comme le rappelle l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales ([35]), tous niveaux de collectivités confondus, le taux de compensation des exonérations s’élève à 39 %. De plus, en 2018, les compensations d’exonérations (allocations ou dotations) versées par l’État devraient atteindre 5,8 milliards d’euros, soit un recul de 1,2 milliard d’euros en six ans.

L’effet conjugué des modalités de compensation des exonérations peut de plus présenter de forts effets contre-péréquateurs. À titre d’exemple, lors de la table-ronde organisée par la Rapporteure spéciale, l’Association des petites villes de France (APVF) a ainsi souligné que l’exonération de TFPB « longue durée » pour les propriétaires bailleurs pénalisait les collectivités « vertueuses », puisque, « pour une collectivité, la perte de recettes fiscales est en effet dautant plus forte quelle compte un nombre élevé de logements sociaux sur son territoire et, parmi ceux-ci, davantage de logements récemment construits ou rénovés ».

La Rapporteure spéciale s’inquiète de ces évolutions, et rappelle la nécessité de prendre en compte ces éléments dans le projet de refonte de la fiscalité locale annoncé par le présent Gouvernement.

I.   L’action 01 impÔts Économiques

 Les dépenses de laction 01 devraient connaître une nette diminution en 2019, dun montant égal à  560 millions deuros.

 Le tableau suivant présente les crédits de laction 01 depuis 2013.

Évolution pluriannuelle des crÉdits de l’action 01

 

(en millions d’euros)

 

2013

2014

2015

2016

2017

Révision 2018

PLF
2019

Évo°
18-19

Dégrèvement barémique

3 687

3 962

3 953

4 368

4 383

4 810

4 653

 157

Plafonnement à la valeur ajoutée CET

868

1 068

1 041

1 171

1 024

1 326

1 194

 132

Dégrèvement CET à titre transitoire

182

92

28

20

Plafonnement à la valeur ajoutée TP

143

12

12

3

2

Crédit de taxe en zone de restructuration de la défense

1

3

3

Restitutions CVAE

1 190

807

763

711

768

Autres dégrèvements et crédits d’impôt

797

536

507

452

793

721

450

271

Action 01 CET

6 868

6 480

6 307

6 725

6 970

6 857

6 297

 560

Action 01 CET – hors restitutions de CVAE

5 678

5 673

5 544

6 014

6 202

6 857

6 297

 560

Source : réponses aux questionnaires.

● Le dégrèvement de contribution économique territoriale à titre transitoire, le plafonnement de taxe professionnelle à la valeur ajoutée, et le crédit de taxe en zone de restructuration de la défense ne produisent plus d’effets budgétaires et sont présentés à des fins de bonne compréhension de l’évolution de la dépense de l’action.

À compter de l’année 2018, il a été décidé, conformément à une recommandation récurrente de la Cour des comptes, de « ne plus enregistrer les restitutions de CVAE en dépenses du programme 201 », et de « les déduire des recettes du compte davances aux collectivités territoriales, pour aligner les recettes sur les sommes à reverser aux collectivités territoriales » ([36]). Cette évolution opération conduit à minorer les dépenses de l’action à hauteur de 800 millions d’euros environ, à partir de 2018.

La ligne « Autres dégrèvements et crédits d’impôt » retrace les dégrèvements divers visant à rétablir des impositions erronées, ou qui n’ont pu être opérés d’office, ainsi que les restitutions opérées suite à des contentieux fiscaux (contentieux « CVAE de groupe », notamment, voir ci-après).

 Le plafonnement à la valeur ajoutée de la contribution économique territoriale est en léger recul par rapport à 2018, et devrait sétablir à 1,19 milliard deuros.

 Le montant de dégrèvement barémique réparti en 2018 sélève à 4 352 millions deuros. Ce montant diffère légèrement du montant de dégrèvement barémique comptabilisé dans la sous-action 01 du programme 201, s’élevant à 4 810 M€, pour les raisons ci-dessous.

Explication de l’écart entre le montant de dégrèvement barémique comptabilisé dans l’action 01 du programme 201 et le montant effectivement reversé
aux collectivités en année N

 Le montant du dégrèvement barémique reversé aux collectivités s’élève à 4 192 millions d’euros en 2017, et à 4 352 millions d’euros en 2018.

Le dégrèvement barémique présenté dans le tableau « Évolution pluriannuelle des crédits de l’action 01 » est celui qui est comptabilisé dans le programme 201 pour une année donnée. Il s’élève à 4 383 millions d’euros pour 2017 et 4 810 millions d’euros pour 2018.

 En effet, le dégrèvement barémique comptabilisé dans le programme 201 en année N cumule deux montants :

– le montant de la recette pour ordre N régularisant la différence entre, d’une part, le montant définitif N du dégrèvement réparti aux collectivités et, d’autre part, son estimation N‑1 notifiée aux collectivités à l’automne N-1 sur la base d’une simulation effectuée à partir des données de paiements de CVAE connues au 30 septembre de l’année N-1 ;

– le montant estimatif du dégrèvement N+1 notifié aux collectivités à l’automne N sur la base d’une simulation effectuée à partir des données de paiements de CVAE connues au 30 septembre de l’année N.

 S’agissant de la dépense 2017, le montant de l’écriture de régularisation de début d’année s’établit comme suit :

= montant du dégrèvement définitif pour la répartition 2017 – simulation du dégrèvement barémique en octobre 2016 pour la répartition 2017

= 4 192 millions d’euros – 4 092 millions d’euros

= 100 millions d’euros.

Le montant de la simulation d’octobre 2017 s’établit à 4 282 millions d’euros.

Le dégrèvement barémique inscrit au programme 201 (égal au montant inscrit en recettes du compte d’avance) est donc estimé à :

= 100 millions d’euros + 4 282 millions d’euros

4 383 millions d’euros.

 Pour ce qui concerne la dépense 2018, le montant de l’écriture de régularisation de début d’année s’établit comme suit :

= montant du dégrèvement définitif pour la répartition 2018 – simulation du dégrèvement barémique en octobre 2017 pour la répartition 2018

= 4 351 millions d’euros – 4 282 millions d’euros

= 69 millions d’euros .

Le montant de la simulation d’octobre 2018 s’établit à 4 440 millions d’euros.

Ce montant est rehaussé de 300 millions d’euros pour tenir compte de l’impact de la QPC « CVAE de groupe ».

Le dégrèvement barémique inscrit au programme 201 est donc estimé à :

= 4 440 millions d’euros + 300 millions d’euros + 69 millions d’euros

4 810 millions d’euros.

Source : direction générale des finances publiques.

Le tableau ci-dessous détaille la ventilation par type d’entreprises, des montants payés en 2017 et répartis en 2018, et des montants dégrevés répartis en 2018, ces montants étant issus du fichier de répartition aux collectivités en 2018 (valeur ajoutée de 2016).

ventilation des bÉnÉficiaires du dÉgrÈvement barÉmique
(montants rÉpartis en 2018)

 

Nombre dentreprises

(en milliers)

Recettes de CVAE payée en 2017 et répartie en 2018
(en millions d’euros)

Montant total du dégrèvement barémique
reversé en 2018

(en millions d’euros)

assujetties à la CVAE

ayant bénéficié du dégrèvement barémique

Non déterminé

24,6

18,9

112,1

84,3

Microentreprises

854,4

804,3

513,9

2 439,8

PME

203,8

178,7

4 009,3

1 818,8

ETI

8,2

1,2

5 713,1

8,8

Grandes entreprises

0,3

0,0

3 024,7

0,0

Total

1 091,3

1 003,2

13 373,2

4 351,7

 

 

 

Produit total de CVAE versé aux collectivités : 17 724,9 M€

Source : réponses aux questionnaires.

Ces éléments soulignent que plus de la moitié du montant de dégrèvement barémique reversé aux collectivités l’est au titre de la CVAE des microentreprises (56 % du montant total du dégrèvement), le reste l’étant au titre des petites et moyennes entreprises (42 %).

 Les suites de la décision du Conseil constitutionnel du 19 mai 2017, Société FB Finance ([37]), ainsi que les évolutions législatives intervenues en loi de finances pour 2018, expliquent lessentiel de la variation constatée au niveau de laction.

 

Cette décision a invalidé les modalités de calcul de la CVAE payée par les groupes alors en vigueur, car les entreprises fiscalement intégrées supportaient un taux de CVAE plus élevé que celui qui aurait résulté de l’application de taux individuels aux différentes entités. Le manque à gagner s’élève à – 300 millions d’euros annuels.

L’article 15 de la loi de finances pour 2018 a étendu l’application de la consolidation du chiffre d’affaires, non plus aux seules sociétés fiscalement intégrées, mais à l’ensemble des sociétés satisfaisant aux conditions de détention du capital pour faire partie d’un groupe fiscal. Le rendement de cette mesure par rapport au droit existant est de + 340 millions d’euros, soit + 40 millions d’euros par rapport à la situation antérieure à la décision du Conseil constitutionnel.

Cette décision a eu des conséquences budgétaires directes sur l’exercice écoulé ainsi que sur l’exercice en cours, puisque des restitutions importantes ont été opérées :

– en 2017, les restitutions opérées se sont élevées à 310 millions d’euros ;

– pour 2018, les restitutions sont évaluées entre 250 et 300 millions d’euros.

L’impact global pour les collectivités est nul, la hausse du dégrèvement barémique venant compenser les moindres recettes de CVAE.

Le projet annuel de performances attribue ainsi l’essentiel de la variation des dépenses au niveau de l’action entre 2018 et 2019 à trois facteurs :

– la baisse du coût du dégrèvement barémique de 150 millions d’euros, conséquence notamment des dispositions de l’article 15 de la loi de finances pour 2018 ;

– la baisse de 100 millions d’euros du coût du plafonnement de la contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée (PVA CET) due au « moindre volume de dégrèvements » ;

– la baisse de 270 millions d’euros des « Autres dégrèvements », conséquence des moindres coûts liés aux contentieux faisait suite à la décision du Conseil constitutionnel en 2019 par rapport à 2017 (310 millions d’euros) et 2018 (250 à 300 millions).

II.   L’action 02 Taxes fonciÈres

● Les dépenses de laction 02 seront globalement stables en 2019 par rapport à 2018, en légère hausse de + 47 millions d’euros, soit + 3,0 %.

 Le tableau suivant présente les crédits de laction 02 depuis 2013.

Évolution pluriannuelle des crÉdits de l’action 02

(en millions d’euros)

 

2013

2014

2015

2016

2017

Révision 2018

PLF
2019

Évo°
18-19

Contentieux et gracieux

628

747

803

1 078

1 287

1 326

1 373

+ 47

TFPB / accessibilité pour personnes handicapées

n.c.

29

43

64

62

62

62

TFPB / travaux déconomie dénergie pour les HLM et les SEM

100

100

59

80

52

52

52

TFPB / personnes de condition modeste (65-75 ans)

70

70

53

55

50

50

50

TFPNB / pertes de récoltes ou de bétail

18

14

6

174

37

37

37

TFPNB / jeunes agriculteurs

10

9

9

8

6

6

6

TFPB / habitation principale en fonction du revenu

3

3

4

4

2

2

2

TFPB / travaux dans le cadre de la prévention des risques technologiques

3

1

1

< 0,5

< 0,5

< 0,5

< 0,5

TFPNB / associations foncières pastorales

n.c.

< 0,5

< 0,5

< 0,5

< 0,5

< 0,5

< 0,5

Cotisation < à 12 €

12

12

12

12

12

12

12

Action 02 TF

844

985

990

1 475

1 508

1 547

1 594

+ 47

Source : réponses aux questionnaires.

 La Rapporteure spéciale sinquiète de la persistance de montants contentieux et gracieux très élevés. En effet, le montant attendu pour 2019 s’élève à 1 373 millions d’euros, soit 86,1 % des crédits de l’action, et en hausse de + 745 millions d’euros par rapport à 2013 (+ 118,6 %).

À l’occasion de l’examen de la loi de règlement du budget et d’approbation des comptes pour 2017, la Rapporteure spéciale avait relevé que la sur-exécution constatée au niveau du programme s’expliquait principalement par « les dégrèvements de taxes foncières, pour 430 millions deuros, et notamment les dégrèvements gracieux, en raison du dynamisme des transactions immobilières, qui a compliqué la gestion de cet impôt pour les services » ([38]).

La Cour des comptes relevait ainsi que les services de publicité foncière n’étaient « pas en mesure de faire face » aux volumes actuels de transactions immobilières, rappelant que « du fait des retards à lenregistrement des transactions, des avis dimposition ont été envoyés aux propriétaires précédents, qui bénéficient ensuite dun dégrèvement » ([39]).

Interrogée sur cette question, la direction générale des finances publiques a assuré à la Rapporteure spéciale que des travaux étaient en cours afin de pouvoir fluidifier le rythme de publication des actes.

La Rapporteure spéciale suivra cette question avec attention.

 


III.   L’action 03 taxe dhabitation

A.   Une dépense qui poursuit son augmentation du fait de la mise en œuvre du dégrèvement de taxe d’habitation institué par la loi de finances pour 2018

 Le tableau suivant présente les crédits de laction 03 depuis 2013.

Évolution pluriannuelle des crÉdits de l’action 03

 

(en millions d’euros)

 

2013

2014

2015

2016

2017

Révision 2018

PLF
2019

Évo°
18-19

Dégrèvement pour 80 % des ménages (art. 5 LFI 2018)

3 163

7 089

+ 3 926

Dégrèvement « sortie en sifflet » (art. 7 LFI 2018)

210

370

+ 177

Plafonnement en fonction du revenu

2 941

2 906

3 153

2 996

3 002

3 146

3 323

+ 160

Contentieux et gracieux

454

554

526

855

538

538

538

Gestionnaires de foyers

40

41

53

60

67

67

67

THLV

19

19

27

27

27

27

27

Personnes de condition modeste relogées / ANRU

32

34

36

38

38

38

38

Cotisation < à 12 €

2

2

2

2

2

2

2

Action 03 TH

3 488

3 556

3 797

3 978

3 674

7 191

11 454

+ 4 263

Source : réponses aux questionnaires.

● Entre 2018 et 2019, la dépense devrait augmenter de 4,2 milliards d’euros, dont 4,10 milliards au titre du dégrèvement de taxe d’habitation pour 80 % des ménages et du dégrèvement « sortie en sifflet » associé, en raison de la mise en œuvre de la deuxième tranche de ce dégrèvement.

L’article 7 de la loi de finances pour 2018 prévoit une montée en charge progressive de ce dégrèvement (30 % du montant de taxe d’habitation à payer en 2018, 65 % en 2019, 100 % en 2020).

B.   Le dégrèvement « sortie en sifflet », institué par l’article 7 de la loi de finances pour 2018, et l’amendement n° 2574 du Gouvernement au PLF 2019

En complément du dégrèvement progressif de taxe d’habitation pour 80 % des ménages, un dispositif spécifique a été adopté pour les ménages ayant perdu le bénéfice de leur exonération de TH et sont entrés dans le dispositif de « sortie en sifflet » entre 2015 et 2017. L’objectif est d’éviter que ces ménages ne redeviennent temporairement redevables d’un faible montant de taxe d’habitation entre 2017 et 2019, avant d’en être de nouveau exonérés à compter de 2020.

Ce dispositif permet ainsi :

– le maintien de l’exonération de taxe d’habitation dont bénéficiaient ces ménages, sous la forme d’une exonération en 2017, et d’un dégrèvement intégral en 2018 et 2019 ;

– le maintien de l’exonération de CAP dont bénéficiaient ces ménages, pour 2017 uniquement.

Les conséquences budgétaires de ce dispositif au titre des impositions 2017 à 2018 sont résumées dans le tableau suivant :

ConsÉquences budgétaires estimées de l’article 7 de la LFI 2018
au titre des années 2017 à 2019

(en millions d’euros)

 

2017

2018

2019

Contribuables

+ 135 M€

+ 88 M€

+ 60 M€

TH

+ 90 M€ (exonération)

+ 88 M€ (dégrèvement)

+ 60 M€ (dégrèvement)

CAP

+ 45 M€ (dégrèvement)

État

 105 M€

 88 M€

 60 M€

TH

– 60 M€ (compensations aux CT, versées en 2018)

– 88 M€ (dégrèvement)

– 60 M€ (dégrèvement)

CAP

– 45 M€ (dégrèvements)

Collectivités

 30 M€

TH

– 90 M€ de moindres émissions

+ 60 M€ de compensations, versées en 2018

Source : réponses aux questionnaires.

Le dégrèvement « sortie en sifflet » de l’article 7 de la loi de finances pour 2018

Pour rappel, l’article 75 de la loi de finances pour 2016 (x) avait instauré :

– une clause de maintien des droits acquis (ou « clause de grand-père ») permettant de maintenir les exonérations de fiscalité locale et de contribution à l’audiovisuel public dont bénéficiaient les contribuables avant 2014. En effet, à cette date, était intervenue la fiscalisation des majorations de pension pour charges de famille, et la suppression de la demi-part dite « vieux parents », qui ont mécaniquement conduit à la majoration du RFR de ces contribuables, et donc à leur sortie du dispositif d’exonération. Le I bis de l’article 1417 instaure donc des plafonds de RFR rehaussés pour ces contribuables (13 703 euros, pour la première part de quotient familial, majorée de 2 888 euros pour chaque demi-part supplémentaire à compter de la deuxième, en métropole) ;

– un mécanisme de « sortie en sifflet » des exonérations de taxe d’habitation et de taxe foncière. Aux termes de ce dispositif, les redevables ne remplissant plus les conditions de l’exonération prévues par le I de l’article 1414 en année « n » continuent d’en bénéficier pendant deux années, en « n + 1 » et « n + 2 », puis s’acquittent progressivement d’un tiers de leur valeur locative en « n + 3 », de deux tiers en « n + 4 » – ce qui revient, en pratique, à exonérer ces contribuables d’environ deux tiers puis d’un tiers de la taxe due – et de l’intégralité en « n + 5 ». Les contribuables bénéficiant de ce dispositif cessent cependant d’être exonérés de CAP dès la troisième année. Ce dispositif permet donc une sortie en 5 ans de la sortie du dispositif.

Ces dispositifs bénéficient à environ 4 millions de personnes.

Larticle 7 de la loi de finances pour 2018 vise à faire bénéficier les contribuables qui ont perdu le bénéfice de leur exonération de TH et sont entrés dans le dispositif de « sortie en sifflet » en 2015, 2016 ou 2017 dun maintien de leur exonération en 2017, 2018 et 2019, jusquà lapplication du nouveau dégrèvement de larticle 1414 C du CGI au taux de 100 % en 2020. Sans ce dispositif, ces contribuables seraient sortis du dispositif d’exonération pour bénéficier d’un dégrèvement partiel de TH, avant d’en être de nouveau totalement dégrevés à partir de 2020.

Le tableau suivant récapitule, pour les impositions établies au titre des années 2015 à 2020 la situation des contribuables concernés par les dispositions des articles 5 et 7 de la loi de finances pour 2018 (sous réserve du respect des conditions de revenus précisées à l’article 1414 C du CGI) :

Le tableau suivant retrace le nombre d’articles de TH concernés par ces réductions d’impôt, les données étant constatées pour les années 2015 à 2017, estimées pour les années 2018 à 2020 :

La hausse du nombre de contribuables entrés dans le dispositif du sifflet entre 2016 et 2017 est due à l’exonération d’une partie des contribuables exonérés en 2013, prorogés en 2014 par l’article 28 de la LFR 2014 et ne remplissant pas les conditions de revenus en 2017. Ces contribuables entrent dans le dispositif du sifflet à compter de 2017. En l’absence de l’article 7 de la loi de finances initiale pour 2018, ils auraient dû être taxés en 2017 à hauteur de 1/3 de leurs bases.

Les prévisions pour 2018, 2019 et 2020 du nombre d’articles dans le dispositif de sortie en sifflet et bénéficiant des dispositions de l’article 7 de la loi de finances tiennent compte d’une attrition due à plusieurs facteurs (retour à la taxation – foyers qui auraient dû revenir à une imposition progressive en 2017 mais qui ont bénéficié d’une prorogation d’exonération en 2017 au titre de l’article 7 de la loi de finances initiale pour 2018. À compter de 2018, ces foyers ne respectant pas les conditions de revenus fixés dans l’article 7 de la loi de finances pour 2018 ne peuvent bénéficier des dispositions de l’article 5 de ladite loi de finances –, entrée dans un autre dispositif d’exonération, décès).

La mesure de l’article 7 de la loi de finances initiale pour 2018 s’est traduite par le maintien dans l’exonération de TH d’environ 356 000 articles qui auraient dû être taxés à hauteur de 1/3 de leurs bases.

L’impact de cette mesure en moindres émissions de TH 2017 pour les collectivités par rapport à 2016 est estimé à 90 millions d’euros (ce montant correspond au gain des contribuables). Ces moindres émissions seront compensées par l’État en 2018 pour un montant estimé à environ 60 millions d’euros .

Environ 378 000 articles de TH exonérés en 2017 seront dégrevés totalement de TH 2018 (après abattement d’un tiers ou deux tiers de leur valeur locative) pour un gain estimé à environ 88 millions d’euros (ce montant correspond à la différence entre le dégrèvement de 100 % obtenu par les contribuables et celui de 30 % prévu par l’article 5 dont ils auraient bénéficié en l’absence de la mesure de l’article 7).

Environ 420 000 articles de TH seront dégrevés totalement de TH 2019 (après abattement d’un tiers, deux tiers de leur valeur locative ou sans abattement) pour un gain estimé à environ 60 millions d’euros (ce montant correspond à la différence entre le dégrèvement de 100 % obtenu par les contribuables et celui de 65 % prévu par l’article 5 dont ils auraient bénéficié en l’absence de la mesure de l’article 7).

En 2020, les dispositions de l’article 7 ne génèrent pas de coût supplémentaire pour l’État (ni aucun gain pour les contribuables), l’article 5 de la loi de finance pour 2018 prévoyant un dégrèvement de 100 % pour cette population.

Enfin, les dispositions de l’article 7 n’ont pas d’incidence pour les collectivités locales en 2018, 2019 et 2020, le dégrèvement étant à la charge de l’État.

Source : réponses aux questionnaires.

Lors de l’examen en séance publique de la première partie du projet de  loi de finances pour 2019 en première lecture, l’Assemblée nationale a adopté l’amendement n° 2574 du Gouvernement, qui crée un article 3 quater. Cet amendement prolonge d’un an la mesure votée à l’article 7 de la loi de finances pour 2018, permettant ainsi à certains contribuables bénéficiant du dispositif de « sortie en sifflet » de se voir accorder, pour l’année 2018, une exonération de TH ainsi qu’un dégrèvement de CAP.

Ce dispositif permet de plus d’exonérer de taxe dhabitation certains ménages qui nentrent pourtant pas dans le champ du dégrèvement de l’article 5 de la LFI pour 2018. L’administration précise ainsi que « 40 000 contribuables qui ne sont pas éligibles au dégrèvement prévu à larticle 5 de la LFI pour 2018 resteraient maintenus dans lexonération » de taxe d’habitation et bénéficieraient également d’un dégrèvement de CAP.

Ces nouveaux bénéficiaires présentent un niveau de RFR nettement plus élevé que la moyenne des ménages entrant dans le champ de l’article 7 de la LFI pour 2018.

RFR moyen et gain moyen des « nouveaux » bénéficiaires,
induits par l’amendement n° 2574 du gouvernement

 

Ménages déjà bénéficiaires via larticle 7 de la LFI 2018

Nouveaux bénéficiaires (amendement n° 2574)

Nombre de bénéficiaires

380 000

40 000

RFR TH moyen

18 870 €

41 501 €

RFR TH médian

17 793 €

35 629 €

Gain TH moyen

353 €

600 €

Source : réponses aux questionnaires.

Par rapport au droit existant, l’impact de l’amendement n° 2574 du Gouvernement est présenté dans le tableau suivant.

ConsÉquences budgétaires estimées de l’amendement n° 2574 du gouvernement au titre de l’année 2018

(en millions d’euros)

 

Conséquences budgétaires

Impact contribuables

+ 77

dont : maintien de l’exonération en 2018 pour 40 000 contribuables qui ne sont pas éligibles au dégrèvement prévu à l’article 5 de la LFI pour 2018

+ 23

dont : dégrèvement de CAP en 2018 (pour environ 420 000 contribuables)

+ 54 

Impact collectivités

 56

dont : moindres recettes de TH en 2018

– 23

dont : dégrèvements qui auraient été pris en charge par l’État en 2018

– 143

dont : compensations versées par l’État au titre des exonérations 2018 (versées en 2019)

+ 110

Impact État

 21

dont : moindres dégrèvements de TH en 2018

+ 143

dont : dégrèvements de CAP

– 54

dont : compensations au titre des exonérations 2018 (versées en 2019)

– 110

Source : réponses aux questionnaires.

En passant dun dégrèvement à une exonération de taxe dhabitation, lamendement n° 2574 conduit donc, du fait des modalités de compensations associées, à faire financer ce dispositif par les collectivités territoriales pour les trois quarts, et par lÉtat pour le reste.

C.   L’application du dégrèvement de taxe d’habitation pour 80 % des ménages en 2018

● Concernant le dégrèvement de taxe d’habitation voté en LFI pour 2018, la prévision révisée s’établit à 3,37 milliards d’euros, dont 3,16 milliards au titre du dégrèvement de l’article 5, et 0,21 milliard au titre du dégrèvement de l’article 7, en légère hausse par rapport à la prévision initiale (3,04 milliards).

L’administration fiscale a transmis à la Rapporteure spéciale des données détaillées, actualisées en date du 9 novembre 2018, concernant l’application de ce dégrèvement. L’administration précise que les données relatives à certaines communes n’ont pas encore pu être éditées, et que, du fait des règles encadrant l’anonymisation des données, certaines informations n’ont pu être transmises. Les données transmises couvrent plus de 98 % des communes, et sont dès lors largement exploitables.

La Rapporteure spéciale a ainsi choisi de représenter, par commune, pour l’année 2018 :

– la part des ménages bénéficiant du dégrèvement institué par la loi de finances initiale pour 2018 (cartes 1.1 à 1.4) ;

– la part constituée par l’ensemble des ménages bénéficiant de ce dégrèvement ou ceux dont la cotisation de taxe d’habitation est égale à zéro (du fait d’exonérations, d’abattements, ou d’autres dégrèvements) – c’est-à-dire la part des ménages qui seraient totalement dégrevés ou exonérés de taxe d’habitation en 2020 (cartes 2.1 à 2.4) ;

– le poids du dégrèvement de la LFI pour 2018 dans le produit total de taxe d’habitation (cartes 3.1 à 3.4) ;

– le poids des montants de taxe d’habitation directement payés par les ménages, dans le produit total de taxe d’habitation (cartes 4.1 à 4.4).

Les données sont représentées pour la France métropolitaine, le Puy-de-Dôme, la région Île-de-France, et la région Hauts-de-France.

● En moyenne, 59,7 % des foyers ([40]) bénéficient en 2018 de lapplication du dégrèvement de la LFI pour 2018.

Ce taux n’est cependant pas homogène selon les collectivités :

– dans près d’un quart des communes (23,9 %), moins de 60 % des contribuables bénéficient de ce dégrèvement ;

– dans la moitié des communes (51,2 %), entre 50 et 60 % des ménages bénéficient de ce dégrèvement ;

– dans un quart des communes (25 %), plus de 60 % des ménages bénéficient de ce dégrèvement.

répartition des communes selon la part de ménages
bénéficiant du dégrèvement de la LFI POUR 2018

La part des ménages bénéficiant du dégrèvement de la LFI pour 2018 peut présenter des variations importantes au sein d’une même région, ou d’un même département (voir cartes 1.1 à 1.4).

Il est précisé que dans certaines communes, la faible proportion de ménages bénéficiant du dégrèvement de la LFI pour 2018 peut s’expliquer par un nombre important de ménages entrant dans le champ d’un autre dispositif d’exonération ou de dégrèvement. 

● Le poids du dégrèvement de la LFI pour 2018 dans le produit total de TH est dès lors très variable selon les communes (voir cartes 2.1 à 2.4).

À l’échelle nationale, en moyenne, le dégrèvement institué par la loi de finances initiale pour 2018 représente 11,6 % des recettes totales de taxe d’habitation des communes.

répartition des communes selon le poids du dégrèvement de la LFI pour 2018
dans le produit total de TH

● Les ménages entrant dans le champ du dégrèvement institué par la loi de finances pour 2018 bénéficient cette année d’un dégrèvement égal à 30 % du montant dû ; en 2020, ces ménages, qui représentent 59,7 % des foyers TH, seront intégralement dégrevés.

Les ménages dont la cotisation de TH est nulle, soit parce qu’ils bénéficient d’une exonération, soit parce le montant de TH dû est ramené à zéro du fait des abattements et dégrèvements déjà en vigueur, représentent 17,9 % des foyers TH en 2018.

En 2020, ces deux ensembles de bénéficiaires – qui, sur la base des données 2018, représentent ainsi 77,6 % des foyers TH –, seront intégralement dégrevés ou exonérés de taxe d’habitation (voir cartes 3.1 à 3.4).

répartition des communes selon la part des contribuables
qui seraient intégralement dégrevés ou exonérés DE th en 2020

● Ces différences structurelles entre communes ont des conséquences importantes sur le poids que représente le montant de TH directement payé par les contribuables dans le produit total de la taxe.

En effet, si le montant de TH directement payé par les contribuables représente en moyenne 68,7 % du produit total de taxe d’habitation de la commune, les écarts entre collectivités sont sensibles (voir cartes 4.1 à 4.4).

répartition des communes selon le poids des montants payés
par les contribuables dans le produit total de TH

part des ménages bénéficiant du dégrèvement de la LFI POUR 2018,
par commune, en France métropolitaine (CARTE 1.1)

part des ménages bénéficiant du dégrèvement de la LFI POUR 2018,
par commune, DANS LE puy-de-dôme (CARTE 1.2)

G:\06.Rapports_spéciaux\06.7_2019\37 - Remboursement et degrèvement\0 - Questionnaires - Réponses\Réponses\données TH\cartes\TH-PuydeDome-part ménages.jpeg


part des ménages bénéficiant du dégrèvement de la LFI POUR 2018,
par commune, en île-de-France (CARTE 1.3)

G:\06.Rapports_spéciaux\06.7_2019\37 - Remboursement et degrèvement\0 - Questionnaires - Réponses\Réponses\données TH\cartes\TH-IDF-part ménages.jpeg

part des ménages bénéficiant du dégrèvement de la LFI POUR 2018,
par commune, dans les hauts-de-France (CARTE 1.4)

G:\06.Rapports_spéciaux\06.7_2019\37 - Remboursement et degrèvement\0 - Questionnaires - Réponses\Réponses\données TH\cartes\TH-hauts de france-part ménages.jpeg

poids du dégrèvement de la lfi pour 2018
dans le produit de taxe d’habitation par commune, en France métropolitaine (CARTE 2.1)

 

poids du dégrèvement de la lfi pour 2018
dans le produit de TH par commune, dans le puy-de-dôme (CARTE 2.2)G:\06.Rapports_spéciaux\06.7_2019\37 - Remboursement et degrèvement\0 - Questionnaires - Réponses\Réponses\données TH\cartes\TH-Poids Dégrèvement-PDD.jpeg
poids du dégrèvement de la lfi pour 2018
dans le produit de TH par commune, en île-de-France (CARTE 2.3)

G:\06.Rapports_spéciaux\06.7_2019\37 - Remboursement et degrèvement\0 - Questionnaires - Réponses\Réponses\données TH\cartes\TH-PoidsDégrevement-IDF.jpeg

poids du dégrèvement de la lfi pour 2018
dans le produit de TH par commune, dans les hauts-de-France (CARTE 2.4)G:\06.Rapports_spéciaux\06.7_2019\37 - Remboursement et degrèvement\0 - Questionnaires - Réponses\Réponses\données TH\cartes\TH-Poids dégrèvement HDF.jpeg

part des ménages bénéficiant du dégrèvement DE LA lfi POUR 2018
ou dont la cotisation de TH est nulle,  en France métropolitaine (CARTE 3.1)

part des ménages bénéficiant du dégrèvement DE LA lfi POUR 2018
ou dont la cotisation de TH est nulle,  dans le puy-de-dôme (CARTE 3.2)

G:\06.Rapports_spéciaux\06.7_2019\37 - Remboursement et degrèvement\0 - Questionnaires - Réponses\Réponses\données TH\cartes\Part 2020 - PDD.jpeg


part des ménages bénéficiant du dégrèvement DE LA lfi POUR 2018
ou dont la cotisation de TH est nulle,  en île-de-France (CARTE 3.3)

G:\06.Rapports_spéciaux\06.7_2019\37 - Remboursement et degrèvement\0 - Questionnaires - Réponses\Réponses\données TH\cartes\Par 2020 - IDF.jpeg

part des ménages bénéficiant du dégrèvement DE LA lfi POUR 2018
ou dont la cotisation de TH est nulle,  dans les hauts-de-France (CARTE 3.4)

G:\06.Rapports_spéciaux\06.7_2019\37 - Remboursement et degrèvement\0 - Questionnaires - Réponses\Réponses\données TH\cartes\Part 2020 HDF.jpeg

Poids dU montant DE TH payé par les ménages
dans le produit total de TH, en France métropolitaine (CARTE 4.1)

Poids dU montant de th payé par les ménages
dans le produit total de TH, dans le puy-de-dôme (CARTE 4.2)G:\06.Rapports_spéciaux\06.7_2019\37 - Remboursement et degrèvement\0 - Questionnaires - Réponses\Réponses\données TH\cartes\TH-Poids ménages-PDD.jpeg


Poids dU montant de th payé par les ménages
dans le produit total de TH, en île-de-france (CARTE 4.3)G:\06.Rapports_spéciaux\06.7_2019\37 - Remboursement et degrèvement\0 - Questionnaires - Réponses\Réponses\données TH\cartes\TH-Poidsménages-IDF.jpeg

Poids dU montant de th payé par les ménages
dans le produit total de TH, dans les hauts-de-france (CARTE 4.4)G:\06.Rapports_spéciaux\06.7_2019\37 - Remboursement et degrèvement\0 - Questionnaires - Réponses\Réponses\données TH\cartes\TH-Poids ménages-HDF.jpeg

● Suite à la polémique ouverte en octobre 2018 concernant les hausses de taxe d’habitation ayant frappé certains ménages entrant pourtant dans le champ du dégrèvement institué par la LFI pour 2018, la Rapporteure spéciale souligne que limportance de ces hausses doit être nuancée.

Premièrement, comme le rappelle l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales ([41]), si un tiers des communes présentent un taux de TH (commune et groupement à fiscalité propre) en augmentation, ces communes représentent moins de 20 % de la population. Ainsi, pour 80 % de la population, les éventuelles évolutions des prélèvements ne sont pas liées à des décisions prises sur les taux d’imposition par les élus. Par rapport à 2012, les hausses constatées en 2018 sont d’un montant similaire, mais concernent un périmètre géographique moins étendu, et près de 7 millions d’habitants en moins.

Deuxièmement, les recettes de taxe d’habitation « supplémentaires », issues d’une évolution dans la politique de taux ou d’abattement de la collectivité entre 2017 et 2018, et payées par les contribuables bénéficiant du dégrèvement institué par la LFI 2018, représentent un montant faible par rapport aux montants pris en charge par l’État dans le cadre du nouveau dégrèvement : les recettes supplémentaires issues de hausse de taxe ou de diminution d’abattements s’élèvent en effet à 30,1 millions deuros en 2018, soit environ 1 % du montant total du dégrèvement.

IV.   L’action 04 Admissions en non-valeur

 Les admissions en non-valeur sont stables en 2019.

 Le tableau suivant présente les crédits de laction 04 depuis 2013.

Évolution pluriannuelle des crÉdits de l’action 04

(en millions d’euros)

 

2013

2014

2015

2016

2017

Révision 2018

PLF
2019

Évo°
18-19

Action 04 ANV

445

481

582

531

513

513

513

Source : réponses aux questionnaires.

 Le tableau suivant présente la répartition par impôt des admissions en non-valeur depuis 2014.

L’administration précise que « lévolution à la baisse des dépenses constatées en 2016 et 2017 semble être en lien avec une conjoncture économique plus favorable expliquant, de fait, une moindre progression des comptes débiteurs et un nombre plus faible douverture de procédures collectives ».

rÉpartition par impÔt local des admissions en non-valeur

(en millions d’euros)

 

2014

2015

2016

2017

Taxe d’habitation

169

224

216

227

Taxes foncières

123

167

144

133

Taxe professionnelle ou contribution foncière des entreprises

53

36

23

19

Autres ANV

136

155

148

134

Total des ANV

481

582

531

513

Source : réponses aux questionnaires.

 


—  1  —

   examen en commission

Lors de sa réunion du 23 octobre 2018 à 21 heures, la commission examine les crédits de la mission Remboursements et dégrèvements.

Mme Christine Pires Beaune, rapporteure spéciale. La mission Remboursements et dégrèvements constitue la plus importante du budget général de l’État en termes de crédits ouverts. Ceux-ci s’établiront en effet à 136 milliards d’euros en 2019, soit 33 % des recettes fiscales brutes et 49 % des recettes nettes. Cela correspond à une hausse de 16 milliards d’euros par rapport à l’année précédente.

Depuis le début des années 2000, les remboursements et dégrèvements augmentent au rythme régulier d’environ 4,6 % par an. Ils s’établissaient à 61 milliards d’euros en 2001, et ont plus que doublé depuis.

Sur le programme 200 relatif aux impôts d’État, les dépenses augmenteront de 7,3 milliards d’euros par rapport à la prévision révisée pour 2018.

Deux facteurs permettent d’expliquer cette évolution.

Premièrement, l’année 2019 sera celle de la mise en œuvre du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu. Le programme 200 sera fortement affecté, à hauteur de 11,2 milliards d’euros, principalement sur l’action Politiques publiques, en raison de l’acompte de crédits et réductions d’impôts égal à 60 % du crédit ou de la réduction d’impôt de l’année précédente, qui s’élèvera à 5,5 milliards d’euros ; de l’imputation du crédit d’impôt pour la modernisation du recouvrement, pour 6,9 milliards d’euros ; de moindres restitutions de crédits d’impôts, dès lors que la reprise de l’acompte lors de la liquidation en juillet 2018 entraîne mécaniquement une augmentation de la capacité à imputer les crédits d’impôts, pour – 1,2 milliard d’euros.

Le dispositif de l’acompte de crédits et réductions d’impôt de 60 % est important, car il amortit les effets négatifs qu’aurait pu avoir le prélèvement à la source sur la trésorerie des ménages. J’appelle néanmoins votre attention sur les risques posés par la création d’un tel mécanisme pour les ménages qui vont bénéficier à tort de cette avance et qui, six mois après l’avoir reçue, seront sommés de la rembourser. Je m’interroge sur les conséquences de ce dispositif sur la trésorerie des ménages modestes.

La seconde évolution notable sur le programme 200 concerne le coût budgétaire des contentieux fiscaux. Par rapport aux deux années précédentes, ces dépenses sont en baisse, en raison de l’extinction progressive du contentieux relatif à la taxe de 3 % sur les dividendes distribués, pour lequel les restitutions ne devraient pas dépasser les 500 millions d’euros en 2019, contre 5,3 milliards d’euros en 2017 et environ 4 milliards d’euros en 2018. Elles resteront tout de même très significatives, comme l’a rappelé le récent rapport de la mission d’information sur la gestion des risques budgétaires associés aux contentieux fiscaux et non fiscaux de l’État, présidée par Mme Véronique Louwagie et dont le rapporteur était M. Romain Grau.

Les dépenses associées aux contentieux Accor et OPCVM ont été évaluées pour 2019 à 600 millions d’euros, à la suite de la décision de la Cour de justice de l’Union européenne du 4 octobre 2018. S’agissant du nouveau contentieux portant sur la contribution au service public de l’électricité, les premiers remboursements pourraient atteindre 100 millions d’euros sur l’année. Concernant les contentieux de Ruyter et Steria, toujours en cours, le coût pour l’État est en net recul et devrait atteindre 60 millions d’euros en 2019.

Le second programme de la mission concerne les impôts locaux. Le budget 2019 est marqué par une montée en charge du dégrèvement de taxe d’habitation pour 80 % des ménages, en hausse de 3,8 milliards, ce qui va porter le coût total pour 2019 à 7,1 milliards. J’ai rappelé à de nombreuses reprises ma position sur cette réforme : l’intention de restituer du pouvoir d’achat aux ménages est louable, mais le faire par la suppression de la taxe d’habitation était, à mon sens, une erreur. Cette mesure aura en effet pour conséquence d’affaiblir massivement le lien entre le citoyen et l’impôt et de déstabiliser les finances locales, tout en présentant des effets négatifs pour certains contribuables. Le rapport sur l’application des mesures fiscales présenté par notre rapporteur général en juillet dernier le soulignait d’ailleurs : pour les retraités, les mesures concernant les ménages, qui portent sur la taxe d’habitation et la CSG, seront globalement défavorables jusqu’en 2020 et vont faire 3,2 millions de perdants.

J’appelle l’attention de notre commission sur la nécessité de réfléchir très précisément aux modalités de compensation de cet impôt. L’encadrement des politiques de taux et d’abattement des communes et des établissements publics de coopération intercommunale risque de fragiliser les finances de nombreuses collectivités, car si le mécanisme du dégrèvement est pérennisé, il conduira inévitablement à des pertes de ressources pour les collectivités, comme c’est le cas aujourd’hui avec les compensations d’exonération des impôts locaux, qui sont en diminution tendancielle. Les associations d’élus que j’ai reçues sont partagées quant aux ressources à mobiliser pour compenser la suppression totale de la taxe d’habitation que vous avez confirmée. Je ne peux que relayer leurs inquiétudes.

Concernant la taxe foncière, les montants de dégrèvements contentieux et gracieux resteront très élevés en 2019, du fait du nombre significatif de transactions immobilières réalisées au cours des dernières années que les services de la publicité foncière ne sont toujours pas en mesure de régulariser. Les avis d’imposition sont donc envoyés aux anciens propriétaires, qui bénéficient ensuite d’un dégrèvement. Il semble donc nécessaire de résoudre très vite le problème.

M. Christophe Jerretie. Les remboursements et dégrèvements sont un point très important pour le budget de l’État et des collectivités locales. Ils représentent 130 milliards d’euros, ce qui n’est pas rien. D’importantes réformes sont engagées sur chaque programme, qui ont été détaillées par notre rapporteure spéciale. Nous devons maîtriser collectivement ces sujets et répondre aux inquiétudes qui peuvent éventuellement exister chez les collectivités, les entreprises et la population, car notre rôle est d’aboutir à des réformes cohérentes et intéressantes.

Je pense que nous devons, au sein de cette commission, anticiper toutes les craintes, notamment quant à la réforme de la taxe d’habitation, dont nous pourrons débattre au cours de l’examen de la mission Relations avec les collectivités territoriales. Chaque fois que nous prendrons une décision sur les dégrèvements des exonérations ou des abattements, dans l’hémicycle ou au sein de cette commission, il sera essentiel de bien en mesurer les tenants et les aboutissants, car les remboursements et dégrèvements s’élèvent déjà à 135 milliards d’euros. Le remboursement de la taxe d’habitation va commencer, et il est nécessaire d’étudier ces remboursements et ces dégrèvements, qui peuvent être revus à la baisse sur certains sujets.

Cette intervention générale vient conforter les éléments évoqués par la rapporteure spéciale : il n’est pas question de majorité et d’opposition dans ce débat, il s’agit d’un sujet important, d’un montant de 135 milliards, ne l’oublions pas.

M. Marc Le Fur. Notre collègue a parfaitement raison d’évoquer les difficultés constituées par les acomptes, et je l’en remercie. Nous allons verser un peu plus de 5 milliards d’euros à nos compatriotes, qui seront le reflet des informations dont disposaient les services fiscaux à partir de l’année 2017 : la déclaration des revenus pour 2017 effectuée en 2018. Quelques mois après, une partie de cette somme sera redemandée aux contribuables, quand l’administration fiscale disposera de la déclaration d’impôts effectuée au titre de l’année 2018.

Dès la fin de l’été 2019, les contribuables seront sollicités pour une partie du remboursement de ces acomptes touchés en janvier ou février, c’est bien cela ?

Mme la rapporteure spéciale. Au dernier trimestre 2019, les indus seront réclamés. Il ne faut pas effrayer tout le monde, cela va concerner une minorité de Français, ceux qui ont des crédits pérennes, par exemple de garde d’enfants ou de services à domicile, et qui, en 2018 et 2019, mettent fin à une partie de ces dépenses car l’enfant rentre à l’école ou parce qu’ils décident de réduire leur recours à l’aide ménagère à domicile. Il va y avoir quelques indus, mais cela ne va pas concerner des millions de personnes, peut-être quelques milliers.

 

 

Mme Cendra Motin. J’ai bien entendu les demandes des différents groupes concernant ces indus, et les problèmes de perception d’acomptes de crédits d’impôt indus. Cela fait partie des sujets sur lesquels je commence mon long travail de conviction auprès de Bercy afin de trouver une solution technique qui permette de réduire au maximum ces indus, afin qu’ils ne portent pas sur les ménages.

Mme la rapporteure spéciale. J’insiste sur les contentieux, et je vous invite à lire le rapport de Mme Louwagie et de M. Grau. C’est un très bon rapport, très fouillé, qui donne parfois le vertige en mesurant les risques non maîtrisés concernant certaines décisions.

Je tiens remercier publiquement la DGFiP et la direction du budget, qui ont répondu à l’ensemble de mon questionnaire, ou presque.

Mme Véronique Louwagie Je remercie la rapporteure spéciale pour son rapport. Je partage sa remarque sur le vertige que peuvent causer les chiffres concernant les contentieux, il peut être illustré par le montant des provisions pour risques dans les comptes de l’État au 31 décembre 2017 : 25 milliards d’euros.

J’ai une question sur les acomptes concernant les réductions d’impôts et les crédits d’impôts que les Français commenceront à percevoir en janvier 2019. Ces acomptes versés à hauteur de 60 % en janvier 2019 portent, si cela est contemporain, sur les dépenses effectuées à partir de 2019. Si tel est le cas, cela veut dire que la régularisation interviendrait en 2020. Si la régularisation intervient à la fin de l’année 2019, cela veut dire qu’elle s’effectue sur la base des dépenses effectuées en 2018, qui seront communiquées à l’administration fiscale au printemps 2019. En revanche, si ce sont des versements d’acompte effectués en janvier 2019 sur les réductions d’impôt et crédits d’impôt de 2019, la régularisation n’interviendrait qu’en 2020, puisque communication ne serait faite de ces réductions et crédits d’impôt 2019 qu’au printemps 2020, lors de l’établissement de la déclaration de revenus. Est-il possible de lever les doutes sur ces différentes périodes ?

Mme la rapporteure spéciale. Pour que les choses soient claires, je me propose d’interroger très précisément la DGFiP sur ce point, et la réponse sera intégrée dans le rapport.

M. Jean-Louis Bourlanges. Pour illustrer ces propos, je rappelle aux apôtres de la contemporanéité cette phrase de Turgot, citée par Edgar Faure : « Le véritable but de la politique est en quelque sorte de prévoir le présent. »…

Article 39 et état B

La commission adopte les crédits de la mission Remboursements et dégrèvements, non modifiés.


—  1  —

   annexe :
personnes auditionnées par lA rapporteurE spécialE

 

 Table-ronde organisée avec les associations délus locaux :

Association des maires ruraux de France

– M. Luc Waymel, vice‑président

France urbaine

– M. Franck Claeys, directeur finances et fiscalité locales

Association des départements de France

– Mme Anne Bouillot-Gourinat, directe-adjointe de cabinet

– Mme Carine Riou, conseiller finances

– Mme Ann-Gaëlle Werner-Bernard, conseiller relations avec le Parlement

Association des Maires de France

– Mme Marie-France Beaufils

– Mme Claire Gekas

– M. Assane Fall

– Mme Nathalie Brodin, responsable du service finances et fiscalité

Association des Petites Villes de France

– Mme Emma Chenillat, chargée de mission finances locales et urbanisme

Assemblée des Communautés de France

– M. Nicolas Portier, délégué général

– Mme Amandine Fouché, responsable des relations parlementaires

  Observatoire français des conjonctures économiques –département analyse et prévision :

– M. Mathieu Plane, directeur adjoint

– M. Pierre Madec, économiste

 Services du ministère de léconomie et des finances

DGFiP  service de la gestion fiscale (GF

 M. Gradzig El Karoui, sous-directeur des missions foncières, de la fiscalité du patrimoine et des statistiques,

 M. Brice Lepetit

DGFiP  service juridique de la fiscalité (SJF)

– M. Édouard Marcus, chef du service

– M. Benoît Duval, bureau JF2A

– M. Cédric Daviau, bureau JF2A

Direction du budget, bureau recettes (1 BR)

– M. Pascal Lefèvre, chef du bureau des recettes

Direction du budget, bureau collectivités locales (5 BCL)

– M. Jalal Froug, chargé de la fiscalité locale


([1]) Conseil d’État, Section des finances, 21 décembre 2000, n° 365546, Avis « Réforme de la loi organique relative aux lois de finances ».

([2]) Voir notamment : Cour des comptes, Mission Remboursements et dégrèvements. Note danalyse de lexécution budgétaire 2017, mai 2018 (lien).

([3])  Cour des comptes, référé n° 68282, relatif aux prévisions de recettes fiscales de l’État, 16 décembre 2013 (lien).

([4]) Conseil constitutionnel, décision n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001, Loi organique relative aux lois de finances.

([5]) Le contrôle est plus strict lors de l’examen de la loi de règlement : le Conseil constitutionnel considère ainsi que « la sincérité de la loi de règlement sentend en outre comme imposant lexactitude des comptes ».

([6]) Conseil constitutionnel, décision n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009, Loi de finances pour 2010 : « 5. Considérant, dune part, quil ne ressort pas des éléments soumis au Conseil constitutionnel que les évaluations de recettes pour 2010 soient entachées dune volonté délibérée de les sous-estimer, compte tenu des aléas inhérents à leur évaluation et des incertitudes particulières relatives à lévolution de léconomie en 2010 ; que, dautre part, en application du 10° du paragraphe I de larticle 34 de la loi organique du 1er août 2001 susvisée, le paragraphe IV de larticle 67 de la loi déférée dispose que les éventuels surplus des impositions de toutes natures sont utilisés dans leur totalité pour réduire le déficit budgétaire ».

([7])  Décision précitée, considérant n° 7.

([8])  Audition de M. Bruno Parent, directeur général des finances publiques, sur le bilan et les perspectives des contentieux fiscaux entraînant une condamnation de l’État, par la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, le mardi 15 mars 2016 à 16 h 30, session ordinaire de 2015‑2016, compte rendu n° 66 (lien).

([9]) Rapport d’information déposé par la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, en conclusion des travaux de la mission d’information relative à la gestion des risques budgétaires associés aux contentieux fiscaux et non fiscaux de l’État, présenté par M. Romain Grau, Rapporteur, et Mme Véronique Louwagie, Présidente, le 17 octobre 2018, n° 1310 (lien).

([10]) Loi n° 2017-1640 du 1er décembre 2017 de finances rectificative pour 2017, article 1er.

([11])  Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, article 84.

([12]) Rapport fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2019, par M. Joël Giraud, Rapporteur général, Tome II, n° 1302, page 89.

([13]) Rapport fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2019, par M. Joël Giraud, Rapporteur général, Tome II, n° 1302.

([14])  Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, article 82.

([15])  La loi de finances pour 2018 a prorogé le dispositif pour quatre années supplémentaires, soit jusqu’au 31 décembre 2021, et le dispositif a été recentré. Dans le neuf, le PTZ est progressivement recentré sur les zones les plus tendues (A et B1) : après une baisse de la quotité des zones B2 et C dès 2018, ces zones seront exclues en 2020. Dans l’ancien, le PTZ est recentré sur les zones les moins tendues (B2 et C) dès 2018. Voir le Rapport évaluant l’efficacité des dépenses fiscales en faveur du développement et de l’amélioration de l’offre de logements (jaune budgétaire) annexé au PLF 2019, page 24 et suivantes.

([16])  Sont ainsi concernés par cette dépense : les personnes exonérées ou dégrevées de la taxe d’habitation en application des 2° et 3° du II de l’article 1408, des I et IV de l’article 1414, de l’article 1414 B lorsqu’elles remplissent les conditions prévues au I de l’article 1414 et de l’article 1649 ; les contribuables non bénéficiaires d’exonération ou d’un dégrèvement de contribution à l’audiovisuel public, dont le revenu fiscal de référence est nul.

([17]) Annexe n° 37 « Remboursements et dégrèvements » au rapport fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, sur le projet de loi de finances pour 2018, par Mme Christine Pirès Beaune, Rapporteure spéciale, n° 273 (lien).  

([18])  Rapport de la mission d’information relative à la gestion des risques budgétaires associés aux contentieux fiscaux et non fiscaux de l’État, octobre 2018, n° 1310, page 87 (lien).

([19])  Loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017, article 55.

([20]) En matière de QPC, aux termes de l’article 23-10 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, ce dernier statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine.

([21])  CJUE, 4 octobre 2018, Commission européenne contre République française, affaire C-416/17 (lien).

([22])   Conseil d’État, 9e chambre, 26 juillet 2018, n° 398727, 403332 et 403356.

([23])  Document de référence 2018 du groupe Société générale (rapport financier annuel 2017), déposé auprès de l’Autorité des marchés financiers le 8 mars 2018, pages 445 et 446.

([24])  Si les premières réclamations datent de 2004, les premiers dégrèvements ont été exécutés en 2012.

([25]) La mobilité internationale des Français. Rapport demandé par M. le Premier ministre Édouard Philippe par décret paru au Journal Officiel du 17 janvier 2018 et établi sous la tutelle de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères (lien).

([26]) Question de Mme Annie Genetet (lien).

([27]) Notamment CAA Versailles 22 juin 2016 n° 12VE03691, Société Sopra Steria Group.

([28]) Décision n° 415726 du 24 janvier 2018.

([29]) Décision n° 2018-699 QPC du 13 avril 2018, Société Life Sciences Holdings France [Application de la quote-part de frais et charges afférente aux produits de participation perçus d’une société établie en dehors de l’Union européenne].

([30])  Loi n° 2017-1640 du 1er décembre 2017 de finances rectificative pour 2017.

([31]) Rapport de la mission d’information relative à la gestion des risques budgétaires associés aux contentieux fiscaux et non fiscaux de l’État, octobre 2018, n° 1310.

([32])  op. cit., page 47.

([33])  Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, article 5.

([34]) Celles-ci sont identifiées aux pages 60 et suivantes de l’annexe Transferts financiers de lÉtat aux collectivités territoriales annexée au projet de loi de finances pour 2019.

([35]) Cap sur… Les allégements de fiscalité directe locale et leurs compensations, n° 2, avril 2018.

([36]) Voir notamment : Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2016, Mission Remboursements et dégrèvements, mai 2017.

([37])  Décision n° 2017-629 QPC du 19 mai 2017, Société FB Finance [Taux effectif de la CVAE pour les sociétés membres de groupes fiscalement intégrés].

([38]) Annexe n° 37 « Remboursements et dégrèvements » au rapport fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2017, par Mme Christine Pirès Beaune, Rapporteure spéciale, n° 1055.

([39]) Cour des comptes, Mission Remboursements et dégrèvements. Note danalyse de lexécution budgétaire 2017, mai 2018 (lien).

([40]) Sur les 34 723 communes pour lesquelles les données sont disponibles sur 35 290 communes au total, soit 98,4 %.

([41])  « L’utilisation du levier fiscal sur le taux de taxe d’habitation dans le secteur communal en 2018 », novembre 2018.