N° 1302

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 octobre 2018.

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2019 (n° 1255),

 

PAR M. Joël GIRAUD,

Rapporteur Général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 44
 

 

PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE L’ÉTAT

 

PARTICIPATION DE LA France AU DÉSENDETTEMENT DE LA GRÈCE

 

AVANCES À DIVERS SERVICES DE L’ÉTAT OU ORGANISMES GÉRANT DES SERVICES PUBLICS

 

 

Rapporteure spéciale : Mme Valérie RABAULT

 

Députée

____

   

 

 


—  1  —

  SOMMAIRE

___

Pages

Principales analyses et propositions de la rapporteure spéciale

données clés

PremiÈre partie : analyse des crÉdits demandÉs

I. Le compte d’affectation spéciale Participations financières de l’état

A. Les dépenses

1. Éléments sur l’exécution 2018

a. La dotation au Fonds pour l’innovation et l’industrie

b. La mise en œuvre du troisième programme d’investissements d’avenir (PIA 3)

c. La libération du capital de Bpifrance

d. Les autres dépenses

2. Prévisions pour 2019

B. Les recettes

a. Le groupe ADP

b. La Française des jeux

c. Engie

C. Le Solde

D. LA PERTINENCE DES DONNÉES TRANSMISES AU PARLEMENT POUR LE VOTE DU CAS PFE

II. Le COMPTE D’AFFECTATION SPÉCIALE PARTICIPATION DE LA FRANCE AU DÉSENDETTEMENT DE LA GRÈCE

A. Objet du compte

1. Un soutien au rétablissement des finances publiques de la Grèce

2. Un véhicule budgétaire dédié

B. Exécution du compte depuis sa création

1. Les recettes ont été en partie anticipées

a. Les recettes sur les obligations détenues en compte propre

b. Les recettes sur les titres SMP

2. Les dépenses ont été interrompues en 2015

C. Prévisions pour 2019

D. Observations de la rapporteure spéciale

1. Les dépenses pour 2019 sont sous-estimées

2. Le solde de l’État a été amélioré au détriment de la Grèce

3. Le programme de restitution a un impact négatif sur le dividende de la Banque de France

III. le compte de concours financiers Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics

A. OBJET DU COMPTE

B. FONCTIONNEMENT DU COMPTE

C. RECETTES, DÉPENSES ET SOLDE PRÉVUS POUR 2019

seconde partie : focus choisis par la rapporteure spéciale

I. Le statut juridique de l’APE

A. Présentation de l’APE

B. rapport au Parlement sur la politique de dividende de l’État actionnaire et sur l’opportunité de faire évoluer le statut juridique de l’APE

C. Position de la Rapporteure spéciale

II. La privatisation des aÉroports : l’exemple de Toulouse

A. L’Évolution du statut juridique des aÉroports

B. La privatisation de l’aÉroport de toulouse blagnac (ATB)

Examen en commission

Article 41 et état D

Après l’article 77

Annexe 1 : ENTITÉS RELEVANT DU PÉRIMÈTRE DE L'AGENCE DES PARTICIPATIONS DE L'ÉTAT

Annexe 2 : rapport au Parlement sur la politique de dividende de l’État actionnaire et sur l’opportunité de faire évoluer le statut juridique de l’APE

 

 

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la date limite pour le retour des réponses du Gouvernement aux questionnaires budgétaires était fixée au 10 octobre 2018.

À cette date, 89 % des réponses étaient parvenues à la rapporteure spéciale des deux comptes d’affectation spéciale et du compte de concours financiers étudiés ci-après.


—  1  —

  Principales analyses et propositions
de la rapporteure spéciale

Ce rapport porte sur deux comptes d’affectation spéciale et un compte de concours financiers.

Pour mémoire, un compte d’affectation spéciale est alimenté en recettes par le produit de taxes ou d’opérations spécifiques ou encore par des abondements du budget général, qui lui permettent de financer des dépenses ciblées qui sont, par nature, en relation directe avec les recettes attribuées. Ces dépenses ne peuvent ainsi avoir un objet différent de celui qui est défini pour le compte. Un compte de concours financiers retrace les prêts et avances consentis par l’État à un débiteur ou une catégorie de débiteurs.

1. L’exécution 2018 du compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État (CAS PFE) est assez éloignée des prévisions de la loi de finances initiale. Mais ces prévisions sont conventionnelles. Elles ne reflètent pas les intentions réelles du Gouvernement afin de ne pas courir le risque d’influencer les cours boursiers en amont d’éventuelles cessions de titres.

Les recettes et les dépenses étaient prévues, de manière habituelle et conventionnelle, à 5 milliards d’euros. Au 23 octobre 2018, les recettes se limitent à 2,5 milliards d’euros dont la moitié au titre de la cession de 2,35 % du capital de SAFRAN (1,25 milliard d’euros), et 700 millions d’euros au titre d’un versement du budget général pour la mise en œuvre du troisième programme d’investissements d’avenir (PIA 3). Pour l’ensemble de l’année, les dépenses seraient de 3,5 milliards d’euros dont 1,6 milliard d’euros au titre de la dotation initiale du Fonds pour l’innovation et l’industrie, 700 millions d’euros pour la mise en œuvre du PIA 3, et 684,5 millions d’euros au titre de la dernière tranche de libération du capital de Bpifrance souscrit en 2013. Le CAS PFE devrait dès lors être déficitaire à hauteur d’environ 1 milliard d’euros au titre de l’année 2018.

2. Pour 2019, comme chaque année, les prévisions de recettes et de dépenses sur le CAS PFE sont conventionnelles. Elles ne sauraient préjuger des opérations qui seront réellement exécutées. Cette présentation permet d’éviter de donner des informations au marché sur le programme de cession envisagé, mais elle prive ainsi le Parlement des données nécessaires pour apprécier le niveau de dépenses et de recettes prévisionnelles. La rapporteure spéciale regrette que le niveau de risque de dérapage budgétaire dû à d’éventuelles recapitalisations ne soit absolument pas appréhendé au moment du vote.

3. Les précédentes lois de finances, à l’instar de la loi de finances pour 2018, ont fréquemment retenu une prévision de recettes et de dépenses de 5 milliards d’euros à titre indicatif. Pour 2019, ce montant est doublé, soit 10 milliards d’euros. Cela reflète les privatisations envisagées à la suite de l’adoption probable du projet de loi pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) qui ouvre la possibilité de privatiser ADP (anciennement Aéroports de Paris) et La Française des jeux. Le produit des cessions a vocation à alimenter le Fonds pour l’innovation et l’industrie dont le rendement annuel devrait être de 250 millions d’euros par an selon le Gouvernement.

4. La rapporteure spéciale juge cette proposition peu pertinente dans la mesure où elle complexifie, sans raison, le processus actuel d’investissement, et qu’elle soulève de nombreuses questions. Ainsi, s’il s’agit pour le Gouvernement d’investir entre 200 et 500 millions d’euros par an dans l’innovation, la solution la plus simple serait d’opérer par l’intermédiaire de l’Agence des participations de l’État (APE) qui pourrait trouver les fonds nécessaires en conservant une part des dividendes versés par les sociétés dont elle détient des parts. Pour cela, il conviendrait tout à la fois de doter de la personnalité morale l’APE et de modifier la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) de 2001 pour permettre à celle-ci de conserver une partie des dividendes des titres qu’elle détient.

5. La rapporteure spéciale rejoint la recommandation de la Cour des comptes dans un récent rapport ([1]) visant à faire évoluer le statut de l’APE afin que celle–ci soit transformée en opérateur public doté de la personnalité morale. L’APE verserait ainsi chaque année un dividende au budget général de l’État correspondant à une part des produits des cessions réalisées et des dividendes qu’elle aurait elle–même perçus. Le montant du dividende versé par l’APE pourrait même faire l’objet d’un débat et d’un vote dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances.

À l’initiative de la rapporteure spéciale, le Parlement a d’ailleurs adopté, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2018, un amendement sollicitant la remise d’un rapport par le Gouvernement « sur la politique de dividende de l'État actionnaire et sur l'opportunité de faire évoluer le statut de l'Agence des participations de l'État afin que celle-ci soit transformée en opérateur public doté de la personnalité morale, à charge pour cette dernière de verser chaque année un dividende au budget général de l’État correspondant à une part des produits des cessions réalisées et des dividendes qu'elle aurait elle-même perçus » ([2]).

Ce rapport a été remis en août 2018. La rapporteure spéciale regrette la conclusion de ce rapport selon laquelle une évolution du statut de l’APE ne fait pas partie des priorités du Gouvernement alors même que celui-ci contient de nombreux arguments en faveur d’une telle évolution.

6. La rapporteure spéciale rappelle que les privatisations n’amélioreront pas le déficit public. En effet, s’il s’agit bien de recettes au sens de la comptabilité budgétaire ([3]), il s’agit d’opérations financières au sens de la comptabilité nationale ([4]). Autrement dit, pour le calcul du déficit public, la cession d’un actif n’est pas considérée comme un accroissement du patrimoine. En revanche, les privatisations permettent de diminuer la dette publique au sens de la comptabilité maastrichtienne puisque celle-ci comptabilise la dette brute, c’est-à-dire la dette sans déduction des actifs patrimoniaux.

7. Le dispositif de rétrocession des intérêts versés par la Grèce à la Banque de France a été interrompu en 2014. Les intérêts relatifs aux années 2015, 2016 et 2017 n’ont pas été reversés à la Grèce. Le dispositif a été réactivé en 2018 mais seulement pour les intérêts à compter de 2017.

La rapporteure spéciale regrette que les intérêts relatifs aux années 2015 et 2016 ne soient pas reversés à la Grèce en dépit de la réactivation du dispositif de rétrocession.

8. Les prévisions de dépenses pour 2019 sur le compte d’affectation spéciale Participation de la France au désendettement de la Grèce ont été établies selon l’échéancier originel de restitution des intérêts, c’est-à-dire sur les intérêts relatifs à l’année 2019. Toutefois, cet échéancier sera probablement modifié d’ici la fin de l’année compte tenu de la réactivation du dispositif de rétrocession des intérêts versés par la Grèce qui porte sur les intérêts à compter de 2017. De ce fait, l’évaluation des dépenses est probablement sous-estimée.

 

9. Le compte de concours financiers Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics a permis le financement, sous forme de prêts, du budget annexe Contrôle et exploitation aériens (BACEA). Selon la Cour des comptes, cette pratique est contraire à la LOLF. Cette pratique a certes cessé en 2015 mais le « stock de dette » reste important. Depuis 2015, la dette du BACEA à l’égard de ce compte spécial diminue d’environ 100 millions d’euros par an, passant de 1,22 milliard d’euros à moins de 729 millions d’euros prévus en 2019.

 

*

*     *

 

10. Pour l’ensemble des raisons exposées (privatisations, absence de reversement à la Grèce de l’intégralité des intérêts qu’elle a payés à la Banque de France, mise en œuvre de pratique contraire à la LOLF), la rapporteure spéciale a été conduite à émettre un avis défavorable sur l’adoption des crédits.

 

*

*     *

 

 


—  1  —

   données clés

Rappel sur la notion de solde des comptes d’affectation spéciale (CAS) et des comptes de concours financiers (CCF)

Le solde annuel des comptes d’affectation spéciale (CAS) et de concours financiers (CCF) ne doit pas être confondu avec le solde reporté ou cumulé.

Le solde reporté ou cumulé correspond au solde du compte spécial depuis sa création, sous déduction des montants non reportés par les lois de règlement. Contrairement à un CCF, le solde reporté d’un CAS ne peut jamais être négatif en application du II de l’article 21 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). Le report du solde ne signifie pas que la trésorerie est disponible. Juridiquement, le report permet seulement que les autorisations budgétaires de dépenses accordées aux différents comptes en lois de finances puissent excéder les recettes desdits comptes à hauteur dudit report.

Le solde annuel correspond à la différence entre les recettes et les dépenses de l’année. Il fait varier le solde reporté de l’année précédente et impacte le montant du solde budgétaire de l’année en cours. Le solde annuel d’un CAS peut être déficitaire dès lors que le solde reporté demeure positif. Le solde d’un CCF peut toujours être négatif.

Soldes reportés au 31 décembre 2017

(en millions d’euros)

Compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État

+  2 923,86

Compte d’affectation spéciale Participation de la France au désendettement de la Grèce

+ 1 029,80

Compte de concours financiers Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics 

– 1 999,53

Source : d’après la loi de règlement pour 2017.

prévisions actualisées de soldes annuels pour 2018

(en millions d’euros)

Compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État

– 1 000

Compte d’affectation spéciale Participation de la France au désendettement de la Grèce

+ 148

Compte de concours financiers Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics

NC

Source : estimations de la rapporteure spéciale d’après les réponses du Gouvernement à son questionnaire budgétaire.

Prévisions 2019 du Compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État

(en millions d’euros)

Recettes

Dépenses

Solde

10 000*

10 000*

0*

* ces prévisions sont conventionnelles et visent à fournir le moins d’indications possible sur les cessions et les opérations envisagées.

Source : d’après le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances.

prévisions 2019 du Compte d’affectation spéciale Participation de la France au désendettement de la grèce

(en millions d’euros)

Recettes

Dépenses

Solde

118

125,7

– 7,7

Source : d’après le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances.

 

prévisions 2019 du Compte de concours financiers avances à divers services de l’état ou organismes gérant des services publics

(en millions d’euros)

Recettes

Dépenses

Solde

11 416

11 345,51

+ 72,49

Source : d’après le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances.

 

 

*

*     *

 

 


—  1  —

   PremiÈre partie : analyse des crÉdits demandÉs

Le présent rapport porte sur trois comptes spéciaux dont deux comptes d’affectation spéciale et un compte de concours financiers.

Parmi les trois comptes spéciaux qui entrent dans le champ de ce rapport, le compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État (ci-après « CAS PFE ») est, de loin, celui dont l’enjeu financier est le plus important. Il constitue le véhicule budgétaire qui permet de mesurer le rôle et la place de l’État actionnaire dans notre économie (I).

Le compte d’affectation spéciale Participation de la France au désendettement de la Grèce (ci-après « CAS GRÈCE ») constitue le véhicule budgétaire permettant de reverser à l’État grec les intérêts perçus par la Banque de France sur les obligations souveraines grecques qu’elle détient, conformément au plan de désendettement de la Grèce adopté le 21 juillet 2011 (II).

Enfin, le compte de concours financiers Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics (ci-après « CCF AVANCES SE-OGSP ») retrace les avances accordées par l’État à diverses entités publiques (III).

Les différentes catégories de comptes spéciaux

Les comptes spéciaux sont une exception au principe d’universalité du budget qui prohibe l’affectation d’une recette déterminée à une dépense déterminée. Les différentes catégories de comptes spéciaux sont définies par les articles 17 à 24 de la loi organique n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

Parmi les comptes spéciaux, il existe à ce jour onze comptes d’affectation spéciale et six comptes de concours financiers.

Les comptes d’affectation spéciale retracent des opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées. En cours d’année, le total des dépenses engagées ou ordonnancées au titre d’un compte d’affectation spéciale ne peut excéder le total des recettes constatées. Les autorisations d’engagement et les crédits de paiement disponibles en fin d’année sont reportés sur l’année suivante pour un montant qui ne peut excéder le solde du compte.

Les comptes de concours financiers retracent les prêts et avances consentis par l’État. Un compte distinct doit être ouvert pour chaque débiteur ou catégorie de débiteurs. Ils sont dotés de crédits limitatifs, à l’exception des comptes ouverts au profit des États étrangers et des banques centrales liées à la France par un accord monétaire international, qui sont dotés de crédits évaluatifs.

I.   Le compte d’affectation spéciale Participations financières de l’état

Le CAS PFE est l’un des rares comptes d’affectation spéciale dont l’existence est expressément prévue par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

Article 21 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (extrait)

« Les opérations de nature patrimoniale liées à la gestion des participations financières de l’État, à l’exclusion de toute opération de gestion courante, sont, de droit, retracées sur un unique compte d’affectation spéciale. »

Les recettes issues des produits de cession de participations sont ainsi affectées prioritairement aux dépenses nécessitées par les investissements en capital dans diverses sociétés et organismes. Le CAS PFE peut également être alimenté par des versements du budget général et participer au désendettement de l’État ou d’établissements publics. 

Exécution du CAS PFE depuis sa création

(en millions d’euros)

Année

Recettes

Dépenses

Solde

Produits de cession et autres

Versement du budget général

Total

Opérations en capital

Désendettement

Total

2006

17 180,3

0

17 180,3

17 170,1

0

17 170,1

210,5*

2007

7 725,3

0

7 725,3

512,4

3 526,3

4 038,7

3 686,5

2008

2 080,0

0

2 080,0

1 623,7

141,0

1 764,7

315,3

2009

515,2

2 940,0

3 455,2

1 796,8

0

1 796,8

1 657,4

2010

534,1

2 449,2

2 983,3

6 710,4

0

6 710,4

– 3 727,1

2011

634,6

0

634,7

716,2

0

716,2

– 81,6

2012

620,8

9 108,4

9 729,2

10 223,2

0

10 223,2

– 494,0

2013

2 751,2

8 340,5

11 091,7

9 871,8

0

9 871,8

1 219,8

2014

1 856,9

5 010,7

6 867,7

5 785,7

1 500,0

7 285,7

– 418,0

2015

2 645,6

804,3

3 449,8

2 619,4

800,0

3 419,4

30,4

2016

2 741,9

2 538,7

5 280,6

4 004,9

0

4 004,9

1 275,7

2017

6 410,8

1 500,8

7 911,6

 8 562,9

100,0

8 662,9

– 751,2

2006-2017

45 696,7

32 692,6

78 389,3

69 597,5

6 067,3

75 664,8

2 923,9*

* dont 200,3 millions au titre du report de l’ancien compte d’affectation des produits de cessions de titres, parts et droits de sociétés

Source : d’après les lois de règlement.

 

Le solde reporté du CAS PFE était de 2,92 milliards d’euros au 31 décembre 2017. Selon la rapporteure spéciale, d’un point de vue économique, ce solde devrait intégrer les dividendes des titres détenus par le CAS PFE afin de donner une vision juste de la rentabilité économique du compte. Ce n’est pas le cas puisque, par application de la LOLF, les dividendes sont exclus du solde : ils constituent des recettes non fiscales du budget général.

 

Si on intégrait les dividendes versés par ces participations, on obtiendrait la vision économique suivante :

(en millions d’euros)

Année

Recettes

Dépenses

Solde

Solde théorique (**)

Produits de cession et autres

Versement du budget général

Total

Opérations en capital

Désendet-tement

Total

2006

17 180,3

0

17 180,3

17 170,1

0

17 170,1

210,5*

8 681

2007

7 725,3

0

7 725,3

512,4

3 526,3

4 038,7

3 686,5

11 815

2008

2 080,0

0

2 080,0

1 623,7

141,0

1 764,7

315,3

8 661

2009

515,2

2 940,0

3 455,2

1 796,8

0

1 796,8

1 657,4

6 886

2010

534,1

2 449,2

2 983,3

6 710,4

0

6 710,4

– 3 727,1

3 643

2011

634,6

0

634,7

716,2

0

716,2

– 81,6

7 142

2012

620,8

9 108,4

9 729,2

10 223,2

0

10 223,2

– 494,0

3 820

2013

2 751,2

8 340,5

11 091,7

9 871,8

0

9 871,8

1 219,8

6 996

2014

1 856,9

5 010,7

6 867,7

5 785,7

1 500,0

7 285,7

–  418,0

5 525

2015

2 645,6

804,3

3 449,8

2 619,4

800,0

3 419,4

30,4

4 995

2016

2 741,9

2 538,7

5 280,6

4 004,9

0

4 004,9

1 275,7

5 009

2017

6 410,8

1 500,8

7 911,6

 8 562,9

100,0

8 662,9

– 751,2

4 113

2006-2017

45 696,7

32 692,6

78 389,3

69 597,5

6 067,3

75 664,8

2 923,9*

77 226

* dont 200,3 millions au titre du report de l’ancien compte d’affectation des produits de cessions de titres, parts et droits de sociétés

** Estimations réalisées par la rapporteure spéciale calculées en intégrant les dividendes versés, retraités hors contribution de la Caisse des dépôts équivalente à l’IS.

Sur la période 2006-2017, on peut évaluer à 77,2 milliards d’euros l’amélioration du solde budgétaire de l’État permise par les dividendes et les opérations nettes du CAS PFE.

En comparant les montants versés au CAS PFE par le budget général aux montants de dividendes versés au budget général et provenant de titres relevant du CAS PFE, on constate que le différentiel est largement positif puisque sur la période 2006-2017, le CAS PFE a contribué en net pour près de 44,6 milliards d’euros.

 

(en millions d’euros)

Année

Versement au CAS PFE du budget général

[A]

Versement de « dividendes » (solde théorique) provenant des titres du CAS PFE au budget général

[B]

Différentiel (si « + » = le CAS PFE verse plus au budget général qu’il ne reçoit), [B] –[A]

2006

0

8 681

8 681

2007

0

11 815

11 815

2008

0

8 661

8 661

2009

2 940,0

6 886

3 946

2010

2 449,2

3 643

1 194

2011

0

7 142

7 142

2012

9 108,4

3 820

-5 289

2013

8 340,5

6 996

-1 344

2014

5 010,7

5 525

515

2015

804,3

4 995

4 191

2016

2 538,7

5 009

2 470

2017

1 500,8

4 113

2 612

2006-2017

32 692,6

77 226

44 593

Source : calculs de la rapporteure spéciale.

A.   Les dépenses

Le CAS PFE comprend deux programmes, l’un consacré à l’investissement et l’autre au désendettement. Ainsi :

– le programme 731 Opérations en capital intéressant les participations financières de l’État porte les crédits afférents aux opérations d’investissement de l’État relatives à ses participations financières ; ces dépenses budgétaires ne sont pas des dépenses publiques au sens de la comptabilité nationale sauf lorsque l’opération n’aurait pas pu être effectuée par un investisseur avisé ; en effet, la perte de ressources budgétaires de l’État est compensée par l’acquisition d’un actif ;

– le programme 732 Désendettement de l’État et d’établissements publics de l’État porte des crédits destinés à la Caisse de la dette publique ou au désendettement d’établissements publics ; là encore, ces dépenses budgétaires ne sont pas des dépenses publiques au sens de la comptabilité nationale puisqu’elles éteignent un passif.

Ces dépenses sont généralement évaluées de façon conventionnelle à 5 milliards d’euros en loi de finances initiale, afin de ne pas donner d’indications aux marchés sur les acquisitions envisagées.

1.   Éléments sur l’exécution 2018

Les dépenses étaient prévues, conformément à l’usage, à 5 milliards d’euros pour 2018 par la loi de finances initiale. Au 23 octobre 2018, elles atteignent d’ores et déjà à 3,43 milliards d’euros. Elles devraient se limiter à environ 3,5 milliards d’euros sur l’ensemble de l’année en l’état des informations recueillies par la rapporteure spéciale.

Les trois principales dépenses ont porté sur la dotation au Fonds pour l’innovation et l’industrie, la mise en œuvre d’actions du PIA 3, et la dernière étape de la libération du capital de BpiFrance. Ces trois opérations ont représenté plus de 80 % des dépenses du compte.

a.   La dotation au Fonds pour l’innovation et l’industrie

La principale dépense a eu lieu en septembre 2018 et a consisté à alimenter pour 1,6 milliard d’euros le Fond pour l’innovation et l’industrie.

Ce fonds a été constitué au sein de l’établissement public Bpifrance et consiste en un ensemble d’actifs de 10 milliards d’euros :

– 1,6 milliard d’euros apportés en septembre 2018 ;

– et environ 8,4 milliards d’euros apportés au premier semestre en titres de participations publiques ; soit l’ensemble de la participation de l’État dans Thales (25,76 % du capital) et 12,93 % du capital d’EDF sur les 83,66 % que détient l’État.

Les titres Thalès et EDF ont été logés provisoirement au sein du Fonds pour l’innovation et l’industrie. Ces titres ont vocation à être progressivement remplacés par les produits des cessions de participations publiques à venir.

Au 3 octobre 2018, les titres logés dans le Fonds pour l’innovation et l’industrie étaient cotés à 12,65 milliards d’euros, soit beaucoup plus que les 8,4 milliards d’euros initialement transférés. La valeur des actions Thalès et EDF a en effet fortement progressé ces derniers mois.

L’ensemble des actifs du fonds, qui constituent une dotation n’ayant pas vocation à être consommée, généreront un rendement annuel estimé entre 200 et 300 millions d’euros. Les revenus ainsi générés sont destinés à soutenir le développement d’innovations de rupture et leur industrialisation en France.

Selon le Gouvernement, une première enveloppe, d’environ un tiers des revenus du Fonds, devrait être consacrée au financement des technologies de pointe. Elle sera distribuée sous forme d’un concours dédié à des startups et d’aides individuelles (subventions, avances remboursables et prêts).

Une seconde enveloppe, des deux tiers restants, doit soutenir le financement de programmes à forts enjeux technologiques identifiés comme prioritaires, du point de vue de leur impact sociétal ou sur la souveraineté nationale. À ce titre, l’intelligence artificielle doit recevoir 100 millions d’euros et la nanoélectronique 25 millions d’euros par an.

Le Conseil de l’innovation, coprésidé par la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, et le ministre de l’économie et des finances, proposera les principaux arbitrages budgétaires ainsi que l’emploi des revenus du Fonds pour l’innovation et l’industrie.

La première réunion du Conseil de l’innovation a eu lieu le 18 juillet 2018. Il a retenu au titre des grands défis à financer deux axes principaux :

– l’amélioration des diagnostics médicaux par l’intelligence artificielle ;

– et la fiabilisation des systèmes qui ont recours à l’intelligence artificielle.

La prochaine réunion du Conseil de l’innovation aura lieu en novembre 2018.

 

 

 

b.   La mise en œuvre du troisième programme d’investissements d’avenir (PIA 3)

Le PIA 3 relève de la mission Investissements d’avenir, crée en loi de finances pour 2017 avec 10 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE). La loi de finances pour 2018 a ouvert 1,08 milliard d’euros de crédits de paiement (CP), répartis en subventions, dotations, avances remboursables et prises de participations.

Le CAS PFE porte en dépenses les crédits du PIA 3 qui ont vocation à donner lieu à des prises de participations. Il joue le rôle d’un simple véhicule budgétaire puisqu’il est alimenté en recettes à ce titre par la mission Investissements d’avenir.

Ainsi, au titre du PIA 3, 700 millions d’euros ont été transférés à deux opérateurs, la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et le groupe Bpifrance, en charge des prises de participations au titre trois programmes de la mission Investissements d’avenir, et en particulier au titre des actions :

– Sociétés universitaires et de recherche (50 millions d’euros) ;

– Fonds national post-maturation - Frontier Venture (100 millions d’euros) ;

– Fonds national d'amorçage n°2  - FNA 2 (250 millions d’euros) ;

– Fonds à l’internationalisation des PME (100 millions d’euros) ;

– et Multicap croissance n°2 (200 millions d’euros).

c.   La libération du capital de Bpifrance

Lors de la création de la société en 2013, l’État, via l'EPIC Bpifrance, et la CDC ont souscrit à une augmentation de capital de Bpifrance SA à hauteur de 2,35 milliards d’euros, dont un quart (soit 589,6 millions d’euros à parts égales entre les deux actionnaires) a été libéré en 2013.

Au cours du premier trimestre 2017, l’État et la CDC se sont engagés sur une trajectoire de trésorerie sur la période 2017-2018 conduisant à libérer 1,769 milliard d’euros supplémentaires : 400 millions d’euros en 2017 et 1,369 milliard d’euros en 2018, à parts égales entre les actionnaires. Cet accord a conduit l’État à verser 684,5 millions d’euros en 2018.

 

 

d.   Les autres dépenses

Les autres dépenses représentent environ 0,6 milliard d’euros soit moins de 20 % du total des dépenses pour 2018.

La principale d’entre elles a consisté à substituer un montant en numéraire au dividende versé en titres par EDF au Fonds pour l’innovation et l’industrie.

En effet, l’État s’était engagé à percevoir les dividendes versés par EDF au titre des exercices 2016 et 2017 en titres, et non en numéraire. Or l’EPIC Bpifrance, en tant que nouveau détenteur de 389 349 361 actions EDF reçues en dotation dans le cadre de la constitution du Fonds pour l’innovation et l’industrie, a reçu, le 19 juin 2018, 11 798 465 actions EDF au titre du solde du dividende 2017.

Dès lors, l’État a procédé le 22 juin dernier au rachat auprès du Fonds de ces 11 798 465 actions à hauteur d’un montant de 121 millions d’euros.

Les autres opérations constituent essentiellement des libérations de capital qui étaient programmées.

DÉpenses EcutÉes au 23 octobre 2018

(en euros)

EPIC Bpifrance

Dotation initiale du Fonds pour l'innovation et l'industrie

1 600 000 000

CDC, EPIC Bpifrance

Versement au titre des opérations en fonds propres dans le cadre du 3ème Programme d’investissements d’avenir PIA 3

700 000 000

EPIC Bpifrance

Dotation en capital de Bpifrance SA

684 500 000

EPIC Bpifrance

Achat de 11 798 465 actions EDF

120 698 297

AFD

Poursuite et fin du renforcement des fonds propres de l’AFD

120 000 000

STX EUROPE SAS

Versement du prix global d'acquisition de 9 525 837 actions STX France (désormais Chantiers de l’Atlantique), soit 66,66 % du capital (6 703 867 actions ordinaires, 1 338 029 actions de préférence de catégorie A et 1 483 941 actions de préférence de catégorie B)

79 550 000

SLI

Dixième libération au titre de la souscription au capital de 2015

51 000 000

LFB SA

Quatrième libération - augmentation de capital de 2015

40 000 000

Banques Multilatérales de Développement

Augmentation/Dotation en capital

14 728 133

SLI

Onzième libération au titre de la souscription au capital de 2015

9 000 000

Bpifrance Investissement

Versement des trois premières tranches au titre de la libération du capital de 50 M€ du Fonds Definvest auquel a souscrit l’État

10 000 000

Goldman Sachs

Paiement de la dernière tranche conditionnelle du Contrat d’étude AREVA

3 000 000

AFD

Versement du montant de la deuxième libération de l'augmentation de capital de 2017 de la SIGUY par l'intermédiaire de l'AFD

2 000 000

CDC

Taxe sur les transactions financières sur achat de 11 798 465 actions EDF à l'Epic Bpifrance le 22 juin 2018

362 095

Bpifrance Investissement

10ème appel de fonds au titre du FPCR 2000

100 000

AMF

Frais divers suite aux opérations liées (i) au transfert à l'EPIC Bpifrance de 389 349 361 actions EDF et de 109 999 999 actions TSA dans le cadre du Fonds pour l‘Innovation (mise en concert, déclaration d’intention et franchissement de seuil et convention conclue entre actionnaires), (ii) à l’obtention de Droits de Vote Double sur une partie des actions ENGIE

13 350

Bundeskartellamt (Autorité de la Concurrence Allemande)

Avis rendu par l’Autorité de la Concurrence Allemande lors de l’acquisition des actions de la Société STX France

10 000

Agence française pour le développement d'AL ULA

Souscription à 1 000 actions de 1 € chacune

1 000

COFREX

Souscription à 10 actions de 10 € chacune

100

ADIT

Souscription à une action de préférence dans le cadre d'une augmentation de capital

100

 

TOTAL

3 434 963 075

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire de la rapporteure spéciale.

 

DÉpenses prÉvues du 23 octobre 2018 au 31 décembre 2018

(en euros)

Société interaméricaine d'investissement

Libération de la troisième tranche de l’augmentation de capital souscrite en 2015

1 795 287

CEA

Solde des opérations de désendettement du CEA mentionnées dans le PLFR 2017

Banque Asiatique d’Investissement dans les Infrastructures

Quatrième libération de la souscription au capital de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures (AIIB)

121 000 000

ADEME Investissement SAS

Versement de 50 M€ au profit de la société ADEME Investissement SAS est attendu d’ici la fin de l’année 2018 (gestion des interventions en fonds propres de l’action « Démonstrateurs et territoires d’innovation de grande ambition » au titre du PIA 3)

50 000 000

SLI

12ème libération attendue au titre de la souscription au capital de 2015

20 000 000

CGMF

Seconde libération au titre de la recapitalisation de la CGMF à laquelle l’État a souscrit en 2017

 

 

TOTAL

192 795 287

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire de la rapporteure spéciale.

2.   Prévisions pour 2019

De manière conventionnelle, les dépenses sont prévues à 10 milliards d’euros pour 2019 dont 8 milliards d’euros d’opérations en capital (investissement) et 2 milliards d’euros au profit de la Caisse de la dette publique (désendettement).

Dépenses prévues pour 2019

(en millions d’euros)

Programme

Programme 731

Opérations en capital intéressant les participations financières de l’État

Programme 732

Désendettement de l’État et d’établissements publics de l’État

Montant

8 000

2 000

Total CAS PFE

10 000

Source : projet annuel de performances.

Le montant conventionnellement prévu de dépenses est cependant le double que d’habitude de façon à refléter les abondements prévus en faveur du Fonds pour l’innovation et l’industrie.

Les abondements du Fonds pour l’innovation et l’industrie devraient intervenir via le programme 731. Ils pourraient s’élever jusqu’à 8,4 milliards d’euros pour atteindre les 10 milliards d’euros prévus, 1,6 milliard d’euros ayant déjà été versés en numéraire en septembre 2018.

Le versement de cette somme permettra à l’État de récupérer à son bilan  les titres Thalès et EDF qui ont été affectés provisoirement au Fonds pour l’innovation et l’industrie.

Par ailleurs, plusieurs opérations en capital sont d’ores et déjà prévues et mentionnées dans le projet annuel de performances pour un montant total d’environ 678 millions d’euros. Ces opérations ne présentent aucun caractère de confidentialité puisqu’il s’agit :

– d’investissements en fonds propres au titre du troisième programme d’investissements d’avenir (PIA 3) à hauteur de 350 millions d’euros ;

– et de libérations de capital souscrit antérieurement pour un montant global de 328 millions d’euros.

Opérations en capital prévues pour 2019

(en millions d’euros)

Entités

Montant

Observations

Investissements PIA 3

350

Le CAS PFE intervient comme véhicule budgétaire pour le transfert des flux auprès des opérateurs du PIA.

Société pour le logement intermédiaire (SLI)

110

Poursuite de la libération du capital souscrit (750 millions d’euros) en 2015.

Banques multilatérales de développement

216

Recapitalisations de plusieurs banques multilatérales de développement.

Société immobilière de Guyane (SIGUY)

2

Libération de capital souscrit (8,4 millions d’euros) en 2017.

Source : projet annuel de performances.

B.   Les recettes

En recettes, le CAS PFE est alimenté essentiellement par les produits de cession de participations, cotées ou non, ainsi que par des versements du budget général.

Au 3 octobre 2018, les participations cotées de l’État – détenues par l’APE et logées au sein du Fonds pour l’innovation et l’industrie – étaient valorisées à 86,85 milliards d’euros, en hausse de 26,67 % sur un an.

Participations cotées de l’État au 3 octobre 2018

Société

%

de participation de l’État

Valeur de la participation de l’État

(en millions d’euros)

Performance sur 1 an (en %)

ADP

50,63 %

9 450

+ 36,67 %

AIRBUS

11,06 %

9 190

+ 32,83 %

AIR FRANCE ­– KLM

14,29 %

526

– 36,88 %

CNP ASSURANCES

1,11 %

155

+ 2,27 %

EDF

83,66 %

39 062

+ 50,22 %

ENGIE

23,64 %

7 366

– 11,39 %

ERAMET

25,57 %

604

+ 49,31 %

ORANGE

13,39 %

4 898

– 0,18 %

RENAULT

15,01 %

3 273

– 11,84 %

SAFRAN

10,81 %

5 710

+ 36,72 %

THALES

25,76 %

6 618

+ 26,14 %

 

 

 

 

Total

86 853

+ 26,67 %

Source : APE.

Les recettes du compte sur l’exercice 2018 devraient se limiter à 2,5 milliards d’euros. Elles sont évaluées de manière conventionnelle à 10 milliards d’euros pour 2019. Cette évaluation reflète les privatisations à venir.

1.   Éléments sur l’exécution 2018

Les recettes étaient prévues conventionnellement à 5 milliards d’euros pour 2018 par la loi de finances initiale au titre des produits de cession.

Au 23 octobre 2018, les recettes se limitent à 2,5 milliards d’euros dont :

– la moitié au titre de la cession de 2,35 % du capital de SAFRAN (1,25 milliard d’euros) ; la participation de l’État dans SAFRAN se limite désormais à 10,81 % du capital pour une valorisation de 5,71 milliards d’euros au 3 octobre 2018 ;

– et 700 millions d’euros au titre d’un versement en provenance de la mission Investissements d’avenir du budget général pour la mise en œuvre du PIA 3.

À noter qu’en août 2018, l’État  a cédé 11 111 111 titres ENGIE (soit 0,45 % du capital) à la société ENGIE (pour un montant de 151,67 millions d’euros) en vue de leur rétrocession aux salariés du groupe, afin de renforcer l’actionnariat salarié. Cette opération a permis à l’État de remplir son obligation légale d’offre réservée aux salariés résultant de l’opération de cession de titres ENGIE qui avait eu lieu en janvier 2017. L’État reste, à l’issue de ces opérations, l’actionnaire de référence du groupe ENGIE (avec 23,6 % du capital et 34,3 % des droits de vote).

L’État a également revendu des titres de la société Chantiers de l’Atlantique (anciennement STX France) pour 18,6 millions d’euros, soit 15,7 % du capital. L’État y demeure majoritaire.

 

 

Recettes EcutÉes au 23 octobre 2018

(en euros)

BNP Paribas

Cession de 10 410 000 actions SAFRAN

1 245 556 500

Budget général (P. 421, P. 423, P. 424)

Versement du Budget général au titre des PIA 3

700 000 000

Bpifrance Investissement

Remboursement partiel d’une avance d’actionnaire consentie en 2004 à Sofaris (devenue Bpifrance Financement)

220 000 000

ENGIE

Cession de 11 111 111 titres ENGIE en vue d'une ORS

151 666 666

GIAT INDUSTRIE

Réduction de capital de GIAT Industrie

84 300 000

SAS COFIPME/Chantiers de l’Atlantique/Naval Group

Cession de 2 237 840 actions Chantiers de l’Atlantique (anciennement STX France) soit 227 517 actions à SAS COFIPME, 324 964 actions à Chantiers de l’Atlantique et 1 667 359 actions à Naval Group

18 688 207

CDC

Retour de PIA action "développement de l'économie numérique"

17 123 944

Budget Général (P. 144)

Abondement de la Direction générale de l’Armement au titre du Fonds DEFINVEST

10 000 000

CDC

Retour de PIA action " financement de l'économie sociale et solidaire"

9 526 100

France Investissement Régions 1 et France Investissement Croissance 5

Cession de 4 137 804 actions Holding SP

5 609 526

Bpifrance investissement

45ème, 46ème et 47ème et 48ème distributions du FFT3

3 419 750

CDC

9ème  10ème  et 11ème distributions du FNA

3 400 866

Bpifrance investissement

27ème distribution FPCR 2000

1 871 500

Budget général (P. 123)

Abondement du Ministère des outre-mer au titre de la libération de la deuxième tranche de l’augmentation de capital de la SIGUY de 2017 souscrite par l'AFD au nom et pour le compte de l'État

831 800

AFD

Cession de 283 333 actions Alyse Guyane par l'AFD pour le compte de l'État

93 139

Bpifrance investissement

64ème distribution du Fonds public pour le capital risque (FPCR)

47 960

Budget Général (P. 185)

Abondement du ministère de l'Europe et des affaires étrangères au titre de la souscription au capital de l'Agence Française pour le Développement d'Al-Ula

1 000

Budget Général (P. 209)

Abondement du ministère de l'Europe et des affaires étrangères au titre de la souscription au capital de la COFREX

100

 

TOTAL

2 472 137 057

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire de la rapporteure spéciale.

 

 

Recettes pvues du 23 octobre 2018 au 31 décembre 2018

(en euros)

Budget Général

Versement du Budget général au titre du PIA 3 (SAS ADEME Investissement)

50 000 000

CDR

Cession des titres de la Société de Gestion de Garanties et de Participations (SGGP), de la Nouvelle Société de Réalisation de Défaisance (NSRD) et de la société « Expertises Immobilières et Associés » (EIA) :

 

 

TOTAL

50 000 000

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire de la rapporteure spéciale.

2.   Prévisions pour 2019

Le projet annuel de performances prévoit de manière conventionnelle des recettes de 10 milliards d’euros pour 2019. Aucune indication n’est fournie sur les cessions envisagées mais le fait que la prévision conventionnelle soit doublée par rapport à l’usage reflète le programme de privatisations à venir.

Le projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises (PACTE) – adopté en conseil des ministres le 19 juin et en première lecture à l’Assemblée nationale le 9 octobre 2018 – prévoit d’autoriser l’État à céder ses participations dans trois entreprises : Aéroports de Paris (ADP), La Française des jeux et ENGIE.

a.   Le groupe ADP

Le groupe ADP (anciennement Aéroports de Paris) est, aujourd’hui, constitué à près de 50 % de capitaux non publics. Il détient et exploite les aéroports de Paris-Charles de Gaulle, Paris-Orly et Le Bourget, ainsi que 10 aérodromes en Île-de-France et l’héliport d’Issy-les-Moulineaux. En 2017, le chiffre d’affaires consolidé du groupe ADP s’est élevé à 3,6 milliards d’euros et ses plateformes parisiennes ont accueilli 102 millions de passagers. En 2016, l’effectif total moyen était de 8 947 personnes, et le chiffre d’affaires consolidé de 2,9 milliards d’euros.

Le groupe ADP a versé un dividende à l’État de 132 millions d’euros en 2017, 131 millions d’euros en 2016 et 157 millions en 2015.

En l’état du droit, le capital doit être détenu majoritairement par l’État (article L. 6323-1 du code des transports). L’État détient 50,63 %, soit une valorisation de 9,45 milliards d’euros au 3 octobre 2018.

Le désengagement de l’État, autorisé par le projet de loi PACTE, s’accompagnerait de l’adoption d’un cahier des charges pour imposer des obligations de service public, des investissements, et éventuellement des sanctions en cas de faute.

 

L’article 49 du projet de loi PACTE autorise la privatisation de l’entreprise et fixe le cadre général de l’opération.

L’article 44 du projet de loi PACTE modifie le régime juridique dans lequel opère ADP dans la perspective de sa privatisation. À cet effet, il est prévu de fixer un terme à l’exploitation des aérodromes franciliens, aujourd’hui de durée illimitée, et de prévoir la remise à l’État de la pleine propriété de ces biens en fin d’exploitation.

b.   La Française des jeux

La Française des jeux (FDJ), héritière de la loterie nationale datant de 1933, propose une offre de jeux de loterie et de paris sportifs grand public. La FDJ dispose aujourd’hui d’un monopole illimité d’exploitation sur les jeux de loterie (tirage et grattage) en ligne et en points de vente, ainsi que sur les paris sportifs en points de vente.

Avec 15,1 milliards de mises en 2017, elle exploite la deuxième loterie européenne et la quatrième loterie mondiale. Elle s’appuie sur près de 2 000 collaborateurs et un réseau de proximité de plus de 31 000 points de vente.

Elle est détenue par l’État à près de 72 %. L’État perçoit environ 90 millions d’euros de dividende par an (89 millions d’euros en 2017).

L’article 51 du projet de loi PACTE vise à autoriser le transfert au secteur privé de la majorité du capital de La Française des Jeux.

c.   Engie

GDF-Suez (aujourd’hui ENGIE) est devenue société anonyme par la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l’électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières. ENGIE est un industriel de référence dans les métiers du gaz, de l’électricité ainsi que des services à l’énergie. Le groupe compte plus de 150 000 collaborateurs, dont un tiers en France, et a réalisé en 2017 un chiffre d’affaires de 65 milliards d’euros.

En l’état du droit, le capital d’ENGIE doit être détenu à plus d’un tiers par l’État (article L. 111-68 du code de l’énergie). La participation de l’État peut être temporairement inférieure à ce seuil à condition qu’elle atteigne le seuil de détention du capital ou des droits de vote requis dans un délai de deux ans. Actuellement, l’État détient 23,6 % du capital et 34,3 % des droits de vote, soit une valorisation de 7,37 milliards d’euros au 3 octobre 2018.

En 2017, ENGIE a versé à l’État un dividende de 555 millions d’euros au lieu de 798 millions d’euros en 2016 et 804 millions d’euros en 2015.

L’article 52 du projet de loi PACTE supprime le seuil de détention minimale par l’État.

C.   Le Solde

Le solde du CAS PFE sera déficitaire en 2018 à hauteur d’environ 1 milliard d’euros. Pour 2019, le solde est présenté de façon conventionnelle en équilibre.

1.   Le solde pour 2018

En l’état des informations disponibles, le solde annuel du CAS PFE est actuellement déficitaire de 963 millions d’euros au 23 octobre 2018 : les dépenses sont d’ores et déjà de 3,435 milliards d’euros et les recettes de 2,472 milliards d’euros.

En tout état de cause, et conformément aux règles de la LOLF, le solde déficitaire annuel serait inférieur au solde reporté au 31 décembre 2017 qui s’élevait à 2,923 milliards d’euros.

Le solde reporté au 31 décembre 2018 devrait s’établir à environ
– 1,9 milliard d’euros.

2.   Le solde pour 2019

De manière conventionnelle, le solde pour 2019 est présenté en équilibre dans le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances.

Compte tenu du montant prévisible du solde reporté au 31 décembre 2018, le solde pourra être déficitaire jusqu’à 1,9 milliard d’euros environ sans qu’un abondement du budget général soit nécessaire.

D.   LA PERTINENCE DES DONNÉES TRANSMISES AU PARLEMENT POUR LE VOTE DU CAS PFE

Chaque année, le Parlement est amené à se prononcer lors de la discussion du projet de loi de finances initiale sur le niveau de dépenses et de recettes prévisionnelles du CAS PFE. Or comme indiqué ci-dessus, la rapporteure spéciale estime que le niveau de dépenses et de recettes du CAS PFE inscrit au projet de loi de finances initial est insuffisamment documenté, ce qui ne permet pas un vote éclairé. Le tableau ci-dessous présente une comparaison des montants prévisionnels votés et des montants exécutés.

Comparaison des prévisions et de l’exécution des recettes et des dépenses du CAS PFE

(en millions d’euros)

 

Dépenses votées

Recettes votées

Dépenses exécutées

Recettes exécutées

2007

5 000

5 000

4 039

7 725

2008

5 000

5 000

1 765

2 080

2009

5 000

5 000

1 797

3 455

2010

5 000

5 000

6 710

2 983

2011

5 000

5 000

716

635

2012

5 000

5 000

10 223

9 729

2013

13 140

13 140

9 872

11 092

2014

10 012

10 012

7 286

6 868

2015

5 000

5 000

3 419

3 450

2016

4 679

4 679

4 005

5 281

2017

6 500

5 000

8 663

7 912

2018

5 000

5 000

3 625*

2 522*

2019

10 000

10 000

 

 

(*) Montant évalué par la rapporteure spéciale sur la base de toutes les informations transmises par le Gouvernement.

Source : d’après les lois de finances initiales et les lois de règlement.

La rapporteure spéciale souligne que cette comparaison montre :

– que pendant de nombreuses années, un montant de 5 milliards d’euros a été inscrit dans les projets de loi de finances sans que cela ne corresponde nécessairement à une réalité parfaitement appréciée au moment du vote de la loi de finances ;

– que ces montants ont pu être sous exécutés ou sur exécutés dans des proportions importantes, sans la moindre validation parlementaire ex-ante.

La rapporteure spéciale conclut que le vote du budget du CAS PFE, repose sur des montants prévisionnels pour lesquels peu d’informations sont transmises au Parlement, et qu’ils n’intègrent pas de manière précise un niveau de risque potentiel de non-réalisation.

Elle relève que ce niveau de risque budgétaire pour les finances de l’État ne peut être appréhendé de manière rigoureuse et efficace par le Parlement du fait du peu d’informations dont dispose ce dernier. Elle considère ainsi que le vote du CAS PFE relève d’une forme de « blanc-seing » donné au Gouvernement et estime donc que le processus budgétaire sur cette mission devrait être revu.


II.   Le COMPTE D’AFFECTATION SPÉCIALE PARTICIPATION DE LA FRANCE AU DÉSENDETTEMENT DE LA GRÈCE

Le compte d’affectation spéciale Participation de la France au désendettement de la Grèce – ci-après CAS GRÈCE – a été créé par l’article 21 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.

A.   Objet du compte

1.   Un soutien au rétablissement des finances publiques de la Grèce

Le 20 février 2012, les États membres de la zone euro s’étaient engagés dans le cadre de l’Eurogroupe à restituer à la Grèce les intérêts que cette dernière verse au titre de certaines dettes détenues en compte propre par les banques centrales de la zone. La quote-part de la Banque de France était de 754,3 millions d’euros (pour un montant total du programme européen de 4 milliards d’euros).

Le 26 novembre 2012, un nouvel accord de l’Eurogroupe a étendu le programme de restitution des intérêts à d’autres titres de la dette publique grecque, c’est-à-dire sur les obligations souveraines grecques acquises dans le cadre du « Securities market program » (SMP) – le programme d’achat d’obligations souveraines mis en œuvre par l’Eurosystème à compter de 2010. La quote-part de la Banque de France était de 2,06 milliards d’euros (pour un montant total du programme européen de 9,9 milliards d’euros).

Au total, la France s’était donc engagée à restituer à la Grèce 2,81 milliards d’euros pour l’aider à rétablir ses comptes publics.

chronique des décaissements prévisionnels

(en millions d’euros)

 

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Total

Compte propre

198,7

149

101,8

123,5

92,6

56

19,3

7,7

5,8

0

0

0

0

0

754,3

SMP

0

450

399

309

233

183

148

118

86

35

27

26

22

24

2 060

Total

198,7

599

500,8

432,5

325,6

239

167,3

125,7

91,8

35

27

26

22

24

2 814,3

Source : projet annuel de performances.

2.   Un véhicule budgétaire dédié

Le CAS GRÈCE constitue le véhicule budgétaire permettant de transférer à l’État grec les revenus perçus par la Banque de France sur les obligations souveraines grecques qu’elle détient, conformément au plan de désendettement de la Grèce.

 

La création du CAS GRÈCE était justifiée ainsi par le Gouvernement dans l’évaluation préalable de l’article constitutif :

« Sur le plan budgétaire, la création d’un compte d’affectation spéciale (CAS) dédié était la solution la plus appropriée. En effet, conformément à l’article 21 de la LOLF, les CAS retracent des opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont « par nature, en relation directe avec les dépenses concernées ». Ce compte présente l’avantage d’assurer la traçabilité des recettes et des dépenses et une meilleure information du Parlement. En outre, ce traitement permet la neutralité de l’opération sur le budget de l’État, un CAS ne pouvant être en situation de déficit. Cela est ici justifié dans la mesure où l’État ne joue qu’un rôle d’intermédiaire entre la Banque de France et la Grèce ».

Ce compte retrace en recettes le produit de la contribution spéciale versée par la Banque de France à l’État au titre de la restitution des revenus qu’elle a perçus sur les titres grecs.

En dépenses, le compte retrace les versements de la France à l’État grec au sein du programme 795 Versement de la France au titre de la restitution à cet État des revenus perçus sur les titres grecs.

Le compte comporte également un programme qui n’a, à ce stade, pas enregistré d’opérations. Dans l’hypothèse où les conditions du plan de désendettement ne seraient plus réunies par la Grèce, les sommes versées par la Banque de France à l’État lui seraient rétrocédées via le programme 796 Rétrocessions de trop-perçus à la Banque de France.

À noter enfin qu’en raison de la nature particulière de ce compte d’affectation spéciale, qui tient lieu de simple « canal budgétaire » entre la Banque de France et l’État grec, aucun dispositif de mesure de la performance ne lui est associé.

B.   Exécution du compte depuis sa création

L’exécution du compte n’a pas suivi fidèlement le calendrier de restitution des intérêts tant en ce qui concerne les recettes que les dépenses.

1.   Les recettes ont été en partie anticipées

Les recettes relatives au premier accord ont été anticipées par rapport aux dates de restitution effectives à la Grèce. Les recettes relatives au second accord suivent en revanche le calendrier de restitution à la Grèce des intérêts.

 

a.   Les recettes sur les obligations détenues en compte propre

Par convention signée le 3 mai 2012 avec le ministre de l’économie et des finances, la Banque de France s’est engagée à verser la somme de 754,3 millions d’euros à l’État. Cette somme a été intégralement versée en 2012 et 2013 : 198,7 millions d’euros en 2012 et le solde de 555,6 millions d’euros en 2013. Le compte n’enregistre donc plus de recettes à ce titre depuis 2014.

Ce versement anticipé a permis un gain en trésorerie pour l’État. En comptabilité nationale, ce surplus de recettes est toutefois sans impact sur le solde public car, du fait de l’application de la règle des droits constatés, la recette est prise en compte au fur et à mesure de l’engagement de la dépense.

b.   Les recettes sur les titres SMP

Une convention en date du 26 juin 2013 a été adoptée entre la Banque de France et l’État afin d’organiser le transfert des produits des titres acquis dans le cadre du programme SMP. Il est ainsi prévu que le versement de la Banque de France couvre exactement, chaque année, la dépense du compte, soit 2,06 milliards d’euros répartis chaque année jusqu’en 2025 selon la chronique des décaissements prévisionnels.

Depuis 2014, seul le programme dit SMP donne lieu à la perception de recettes pour le compte d’affectation spéciale.

De ce fait, les recettes enregistrées sur le compte depuis sa création sont de 2,48 milliards d’euros.

prévision budgétaire initiale sur la période 2012-2018 relative au CAS PARTICIPATION DE LA France AU DésendeTtement de la grèce

(en millions d’euros)

Année

Obligations détenues en compte propre

Obligations SMP

Total

2012

198,7

0

198,7

2013

555,6

450,0

1 005,6

2014

0

399,0

399,0

2015

0

309,0

309,0

2016

0

233,0

233,0

2017

0

183,0

183,0

2018

0

148,0

148,0

2012-2018

754,3

1 722,0

2 476,3

Source : Gouvernement.

2.   Les dépenses ont été interrompues en 2015

Les dépenses devaient suivre le calendrier de reversements prévus par les deux accords de restitution des intérêts.

Une partie des recettes ayant été anticipées, le solde du compte devait suivre une chronique budgétaire originale.

prévision budgétaire initiale sur la période 2012-2020 relative au CAS PARTICIPATION DE LA France AU DésendeTtement de la grèce

(en millions d’euros)

Années

Recettes

Dépenses

Solde annuel

Solde cumulé

Obligations détenues en compte propre

Obligations SMP

Total

Obligations détenues en compte propre

Obligations SMP

Total

2012

198,7

0

198,7

198,7

0

198,7

0

0

2013

555,6

450,0

1 005,6

149,0

450,0

599,0

+ 406,6

+ 406,6

2014

0

399,0

399,0

101,8

399,0

500,8

 101,8

+ 304,8

2015

0

309,0

309,0

123,5

309,0

432,5

 123,5

+ 181,3

2016

0

233,0

233,0

92,6

233,0

325,6

 92,6

+ 88,8

2017

0

183,0

183,0

56,0

183,0

239,0

 56,0

+ 32,8

2018

0

148,0

148,0

19,3

148,0

167,3

 19,3

+ 13,5

2019

0

118,0

118,0

7,7

118,0

125,7

 7,7

+ 5,8

2020

0

86,0

86,0

5,8

86,0

91,8

 5,8

0

2012-2020

754,3

1 926,0

2 680,3

754,3

1 926,0

2 680,3

0

Source : Gouvernement.

Les opérations menées au titre de la rétrocession des revenus perçus sur les obligations acquises dans le cadre du Securities market program (SMP) sont équilibrées chaque année en recettes et en dépenses et n’ont pas donc pas d’impact sur le solde du compte.

En revanche, le solde annuel du compte varie en fonction des opérations menées au titre de la rétrocession des revenus perçus sur les obligations détenues pour compte propre.

Comme prévu, le solde a été excédentaire en 2013 à hauteur de 406,6 millions d’euros compte tenu du versement anticipé de la Banque de France des 754 millions d’euros prévus jusqu’en 2020, et du décaissement de 347,7 millions d’euros au titre des années 2012 et 2013.

Le solde annuel devait, de façon mécanique, se dégrader de 2014 à 2020 à raison des décaissements successifs au titre du reversement des revenus tirés des obligations détenues pour compte propre.

En conséquence, l’impact du CAS GRÈCE, nul en 2012, puis positif en 2013 pour 406,6 millions d’euros, aurait dû être négatif sur la période 2014-2020.

La chronique du montant prévisionnel du solde annuel et du solde pluriannuel du compte est détaillée dans le tableau suivant.

solde du compte

(en millions d’euros)

 

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Solde annuel

0

+ 406,6

– 101,8

– 123,5

– 92,6

– 56

– 19,3

– 7,7

– 5,8

0

0

0

0

0

Solde pluriannuel

0

+ 406,6

+ 304,8

+ 181,3

+ 88,8

+ 32,8

+ 13,5

+ 5,8

0

0

0

0

0

0

Source : rapporteure spéciale sur la base des données du projet annuel de performances.

Toutefois, le dispositif de rétrocession a expiré avec l’arrêt du deuxième programme d’assistance financière à la Grèce (communiqué de l’Eurogroupe du 27 juin 2015). Auparavant, en l’absence de conclusion de la 5ème revue du second programme d’assistance financière, la rétrocession à la Grèce des profits SMP au titre de l’année 2014 avait déjà été suspendue en 2014.

Les versements en dépenses prévus pour 2015 (432,5 millions d’euros), pour 2016 (325,6 millions d’euros) et pour 2017 (239 millions d’euros) n’ont donc pas été réalisés en raison de la suspension du dispositif. Le versement annuel à la Grèce sur le compte bloqué pour le service de la dette était en effet conditionné au respect par l’État grec de ses engagements dans le cadre de son programme d’assistance financière. Or, ce programme a été suspendu le 30 juin 2015.

Ainsi, les exercices 2015, 2016 et 2017 se sont caractérisés par une consommation nulle de crédits. Le compte a affiché un solde excédentaire en 2015 et 2016 équivalents aux recettes de l’année, alors qu’il aurait dû être négatif, selon les prévisions de la loi de finances.

Le dispositif a été réactivé par l’accord de l’Eurogroupe du 22 juin 2018. Cet accord prévoit de reprendre les versements au titre des intérêts versés à partir de l’année 2017.

Les versements seraient faits depuis le compte dédié du Mécanisme européen de stabilité (MES) par tranches d’égal montant, sous réserve que la Grèce remplisse bien les conditions fixées sur la période post-programme. La mise en œuvre de ces conditions est vérifiée dans le cadre du régime de surveillance renforcée qui s’applique à la Grèce depuis le 31 août 2018.

A ce stade, les versements n’ont pas encore repris et la nouvelle chronique des restitutions n’a pas été déterminée.

C.    Prévisions pour 2019

Les recettes au titre de l’année 2019 seront de 125,7 millions d’euros conformément au calendrier originel. Elles sont reversées par la Banque de France à l’État.

S’agissant des dépenses, le Gouvernement a retenu une prévision conforme au calendrier originel alors même qu’il est peu probable que celui-ci soit maintenu. Il prévoit donc des dépenses de 117 millions d’euros sur le programme 795.

 

 

D.   Observations de la rapporteure spéciale

La rapporteure spéciale a plusieurs observations à formuler. La prévision des dépenses paraît sous-estimée. Ce compte a permis à l’État d’améliorer son solde budgétaire au détriment de la Grèce et il présente également un impact sur le dividende de la Banque de France.

1.   Les dépenses pour 2019 sont sous-estimées

Le dispositif de rétrocession des intérêts a été réactivé par l’accord de l’Eurogroupe du 22 juin 2018.

Certes, la reprise des versements suspendus en 2015 et 2016 a été exclue. Mais le communiqué de l’Eurogroupe prévoit de rétrocéder à la Grèce les intérêts courants à partir de l’année 2017.

Le MES n’a pas encore notifié la chronique actualisée des décaissements pour 2018 et 2019. Mais il est probable que les montants prévus pour 2018 et 2019 soient supérieurs aux montants de la chronique initiale puisqu’ils intégreront une fraction des intérêts relatifs à l’année 2017.

2.   Le solde de l’État a été amélioré au détriment de la Grèce

La rapporteure spéciale relève que la Banque de France est supposée verser au CAS Participation de la France au désendettement de la Grèce 2 814 millions jusqu’en 2025 et qu’elle a déjà versé 2 476 millions à l’État au 31 décembre 2018. Ainsi, elle doit encore verser de 2019 à 2025 la somme de 338 millions : 118 en 2019, 86 en 2020, 35 en 2021, 27 en 2022, 26 en 2023, 22 en 2024 et 24 en 2025.

Or, à ce jour, seulement 1 298,5 millions d’euros ont été reversés à la Grèce. Cela signifie que la mise en œuvre du programme a permis d’améliorer le solde budgétaire de l’État de près de 1,18 milliard d’euros au détriment des finances publiques grecques.

Exécution du CAS depuis sa création

(en millions d’euros)

Année

Recettes

Dépenses

Solde

2012

198,7

198,7

0

2013

1 005,6

599,0

406,6

2014

399,0

500,8

– 101,8

2015

309,0

0

+ 309,0

2016

233,0

0

+ 233,0

2017

183,0

0

+ 183,0

2018 (prévisions)

148,0

0*

+ 148,0

 

 

 

 

2012-2018

2 476,3

1 298,5

1 177,8

* au 31 octobre 2018

Source : d’après les lois de règlement.

3.   Le programme de restitution a un impact négatif sur le dividende de la Banque de France

Les versements annuels retracés en recettes sur le compte se font comptablement en affectation du résultat de la Banque de France, et sont donc susceptibles d’avoir un impact négatif sur le dividende qu’elle verse à l’État. Le chiffrage précis de cet impact se heurte à l’impossibilité de savoir si la Grèce aurait été en mesure d’honorer ses engagements en l’absence du soutien des pays de la zone euro, dont ce programme fait partie.

III.   le compte de concours financiers Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics

Le compte de concours financiers Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics – ci-après CCF AVANCES SE–OGSP –retrace les avances accordées par l’État à des entités publiques sous statuts divers (services de l’État, établissements publics, sociétés d’économie mixte, etc.).

Les recettes et les dépenses budgétaires du compte ne sont pas des recettes et des dépenses publiques au sens de la comptabilité nationale. Elles sont comptabilisées comme des opérations financières car elles sont neutres au plan patrimonial : un décaissement (dépense budgétaire) donne lieu à la constatation d’une créance (avance) tandis qu’un encaissement (recette budgétaire) donne lieu à l’extinction d’une créance (remboursement).

Les opérations du CCF AVANCES SE–OGSP n’ont donc pas d’impact sur le déficit public au sens de la comptabilité nationale.

A.   OBJET DU COMPTE

Le CCF AVANCES SE–OGSP a été créé par l’article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

La création de ce compte résulte directement de l’article 24 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). Aux termes de cet article, les avances doivent respecter deux principes :

– la neutralité budgétaire pour l’État qui passe par l’application d’un taux d’intérêt de l’avance au moins égal au taux d’intérêt du titre de l’État de maturité équivalente ;

– une durée déterminée.

Le respect de ces deux principes doit garantir que lesdites avances ne deviennent pas des subventions qui ne diraient pas leur nom. En principe, les avances peuvent donc être consenties seulement si la ressource financière permettant son remboursement est certaine.

Article 24 de la LOLF

« Les comptes de concours financiers retracent les prêts et avances consentis par l’État. Un compte distinct doit être ouvert pour chaque débiteur ou catégorie de débiteurs.

« Les comptes de concours financiers sont dotés de crédits limitatifs, à l’exception des comptes ouverts au profit des États étrangers et des banques centrales liées à la France par un accord monétaire international, qui sont dotés de crédits évaluatifs.

« Les prêts et avances sont accordés pour une durée déterminée. Ils sont assortis d’un taux d’intérêt qui ne peut être inférieur à celui des obligations ou bons du Trésor de même échéance ou, à défaut, d’échéance la plus proche. Il ne peut être dérogé à cette disposition que par décret en Conseil d’État.

« Le montant de l’amortissement en capital des prêts et avances est pris en recettes au compte intéressé.

« Toute échéance qui n’est pas honorée à la date prévue doit faire l’objet, selon la situation du débiteur :

«  soit d’une décision de recouvrement immédiat, ou, à défaut de recouvrement, de poursuites effectives engagées dans un délai de six mois ;

«  soit d’une décision de rééchelonnement faisant l’objet d’une publication au Journal officiel ;

«  soit de la constatation d’une perte probable faisant l’objet d’une disposition particulière de loi de finances et imputée au résultat de l’exercice dans les conditions prévues à l’article 37. Les remboursements ultérieurement constatés sont portés en recettes au budget général. »

B.   FONCTIONNEMENT DU COMPTE

Le compte retrace, en dépenses, l’octroi d’avances :

– à l’Agence de services et de paiement (ASP) au titre du préfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune (programme 821) ;

– aux organismes distincts de l’État et gérant des services publics (programme 823), tels que les établissements publics nationaux, les services concédés, les sociétés d’économie mixte, les organismes divers de caractère social ;

– aux services de l’État (programme 824), tels que les budgets annexes, les services autonomes de l’État, les services nationalisés ;

– et à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au titre de l’indemnisation des victimes du Benfluorex (programme 825).

Parallèlement, le compte retrace en recettes le remboursement des avances. Les intérêts perçus sur ces avances sont, en revanche, affectés au budget général.

Le solde cumulé du compte depuis sa création est largement déficitaire à 
– 1 999,5 millions d’euros au 31 décembre 2017.

Le stock d’avances restant à rembourser est donc encore important (environ 1,1 milliard d’euros au titre du programme 823 et 0,9 milliard d’euros au titre du programme 824). À cet égard, la Cour des comptes recommande de s’opposer à l’approbation d’un projet de budget d’établissement public n’inscrivant pas en dépenses le montant prévu pour le remboursement d’une avance, et à défaut de mettre à contribution les ministères de tutelle concernés en cas de non-paiement durant deux exercices consécutifs.

C.   RECETTES, DÉPENSES ET SOLDE PRÉVUS POUR 2019

Pour 2019, il est prévu, pour l’ensemble du compte, des recettes de 11,416 milliards d’euros et des dépenses de 11,344 milliards d’euros, soit un solde positif de 72,5 millions d’euros. Autrement dit, le montant des remboursements d’avances devrait être légèrement supérieur au montant des avances consenties, ce qui améliore d’autant le solde budgétaire de l’État.

Ce solde positif ne provient pas des opérations liées au programme 821 
– qui sont équilibrées – mais des opérations relatives aux programmes 823, 824 et 825.

1.   Le programme 821

L’essentiel de ces sommes porte sur le programme 821 Avances à l’Agence de services et de paiement, au titre du préfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune (PAC). Ce programme permet le préfinancement des aides de la PAC dans l’attente de leur remboursement par l’Union européenne.

Les dépenses du programme sont donc les avances aux agriculteurs des aides de la PAC, et les recettes constituent les remboursements de l’Union européenne.

Les dépenses et recettes s’équilibrent à hauteur de 11 milliards d’euros. Ce montant est en diminution par rapport à 2018 (– 5 milliards d’euros) en raison de la résorption des retards de paiement induits par la mise en place des nouvelles dispositions de la PAC. L’an dernier, les crédits demandés étaient plus importants afin de pouvoir préfinancer des aides relatives aux années antérieures.

2.   Le programme 823

Le programme 823 Avances à des organismes distincts de l’État et gérant des services publics a pour objet de répondre soit à des besoins de trésorerie ponctuels, soit à des situations d’urgence pour assurer la continuité de l’action publique ou pour mettre en œuvre de façon accélérée une mesure de politique publique.

Des avances à moyen terme peuvent également être accordées à des organismes divers d’administration centrale (ODAC), ces derniers n’ayant pas le droit de s’endetter auprès d’un établissement de crédit par application de l’article 12 de la loi du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques.

Article 12 de la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, premier alinéa

« Nonobstant toute disposition contraire des textes qui leur sont applicables, ne peuvent contracter auprès d’un établissement de crédit ou d’une société de financement un emprunt dont le terme est supérieur à douze mois, ni émettre un titre de créance dont le terme excède cette durée les organismes français relevant de la catégorie des administrations publiques centrales, au sens du règlement relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux en vigueur, autres que l’État, la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la Caisse de la dette publique et la Société de prises de participation de l’État. Un arrêté conjoint du ministre chargé de l’économie et du ministre chargé du budget établit la liste des organismes auxquels s’applique cette interdiction. »

L’Agence France Trésor (AFT) est chargée de mettre en œuvre ces diverses avances décidées par le ministre chargé des finances.

a.   Les premières données de l’exécution 2018

Au 31 juillet 2018, quatre avances ont été accordées :

– deux avances à France Agrimer pour un montant global de 140 millions d’euros dans le cadre, d’une part, du financement du Fonds européen d’aides aux plus démunis (60 millions d’euros), et d’autre part du financement du stockage de lait et de l’aide de trésorerie à l’aval de la filière palmipède touchée par la grippe aviaire (60 millions d’euros) ;

– une avance de 68,9 millions d’euros à l’Institut Mines Télécom (IMT) dans le cadre du déménagement de Paris à Saclay afin de financer les travaux immobiliers ;

– et une avance de 15 millions d’euros au Fonds d’assurance formation des chefs d’entreprise artisanale (FAFCEA) et aux conseils de la formation institués auprès des chambres des métiers et de l’artisanat ; le transfert de la DGFIP à l’URSSAF de la collecte de la contribution affectée à la formation des chefs d’entreprise artisanale a conduit à l’octroi d’une avance jusqu’au versement de la contribution collectée par l’URSSAF.

Dans le même temps, au 31 juillet 2018, un seul bénéficiaire d’avance a effectué un remboursement. La CCI de Guyane a remboursé 0,2 million d’euros au titre d’une avance accordée en 2015, conformément au calendrier établi.

Au 31 août 2018, sept organismes étaient débiteurs à l’égard de l’État à ce titre pour un montant global de 1 101,2 millions d’euros dont 850 millions d’euros pour le seul Fonds national pour la société numérique (FSN). L’avance accordée au FSN est remboursable en 2020.

Liste des avances et des montants à rembourser au 31 août 2018

(en millions d’euros)

Organismes bénéficiaires

Montant

Fonds national pour la société numérique (FSN)

850,0

France Agrimer

170,0

Cité de la Musique

35,4

Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE)

 

21,8

Fonds d’assurance formation des chefs d’entreprise artisanale (FAFCEA) et aux conseils de la formation

15,0

Institut Mines Télécom (IMT)

4,7

Chambre de Commerce et d’Industrie de Guyane

4,3

Total

1 101,2

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire de la rapporteure spéciale.

D’ici la fin de l’année 2018, une avance pourrait être accordée à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), si celle-ci en fait la demande, dans le cadre du financement de projets immobiliers, pour un montant de 7,4 millions d’euros.

Plusieurs remboursements sont en outre attendus d’ici la fin de l’année, pour un montant global de 22,94 millions d’euros :

– un remboursement de 3,1 millions d’euros par l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) ;

– un remboursement de 4,5 millions d’euros de la Cité de la Musique ;

– un remboursement de 15 millions d’euros du fonds d’assurance formation des chefs d’entreprise artisanale (FAFCEA) et aux conseils de la formation ;

– et un remboursement de la CCI de Guyane de 0,14 million d’euros.

b.   Les prévisions pour 2019

Le projet de loi de finances pour 2019 prévoit d’ouvrir des crédits de paiement de 268,38 millions d’euros sur le programme, dont :

– 140 millions d’euros au profit de FranceAgrimer afin de poursuivre la mise en œuvre du mécanisme communautaire de stockage public sur le marché du lait, en l’absence de remontée du prix du lait ;

– 67,3 millions d’euros au profit de l’Institut Mines Telecom (IMT) dans le cadre de travaux immobiliers consécutifs au déménagement de Paris à Saclay ;

– 11,5 millions d’euros au bénéfice de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) afin de pouvoir financer des investissements en matière de sécurité dans les établissements français à l’étranger ;

– et 50 millions d’euros pour des besoins imprévus ; cette enveloppe est proposée systématiquement depuis 2011 en projet de loi de finances.

Le montant de crédits inscrits en programme 823 ne constitue pas une prévision de dépense. La dépense est, en effet, subordonnée à la demande du bénéficiaire de disposer de l’avance qui lui est consentie.

Le tableau qui suit récapitule les prévisions de remboursement d’avances pour 2019.

PRÉVISIONS DE REMBOURSEMENTS D’AVANCES POUR 2019

(en millions d’euros)

Organismes

Montant

FranceAgriMer

110,0

Institut Mines Télécom (IMT)

102,0

Cité de la musique

4,0

Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE)

3,95

Chambre de commerce et d’industrie de Guyane

0,346

Autres remboursements liés à des avances accordées pour des situations urgentes et imprévues

50,0*

Total

270,3

* estimation conventionnelle.

Source : projet annuel de performances et réponse du Gouvernement au questionnaire de la rapporteure spéciale.

3.   Le programme 824

À travers ce programme, le budget annexe Contrôle et exploitation aériens (BACEA) bénéficie chaque année d’un complément de financement sous forme de prêts, ce que critique la Cour des comptes. Dans sa note d’analyse de l’exécution budgétaire, cette dernière a renouvelé sa recommandation de cesser de recourir au compte d’avances pour faire face au déséquilibre financier structurel du BACEA par l’octroi de prêts. Selon la Cour des comptes, il conviendrait de recourir à un autre mode de financement du besoin en fonds de roulement du BACEA, et de n’employer le cas échéant les avances de l’État que pour des objets précis et ponctuels.

Le Gouvernement n’a pas mis en œuvre cette recommandation au motif que la proposition de la Cour des comptes poserait des difficultés opérationnelles de mise en œuvre. Mais il a fait valoir, dans les réponses au questionnaire de la rapporteure spéciale, qu’il rejoignait l’objectif de la Cour de désendettement progressif du BACEA

Ainsi, à partir de 2015, le Gouvernement a mis en œuvre une trajectoire de désendettement du BACEA. En 2018, la « dette » du BACEA à l’égard du CCF AVANCES SE–OGSP doit encore diminuer de 129 millions d’euros.

STOCK DES AVANCES AU BACEA AU 31 DÉCEMBRE DEPUIS 2007

(en millions d’euros)

Année

Stock au 31 décembre

2007

408,2

2008

487,2

2009

733,5

2010

902,6

2011

1 010,3

2012

1 138,2

2013

1 217,1

2014

1 281,5

2015

1 224,2

2016

1 100,9

2017

977,9

2018 (prévision)

849,1

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire de la rapporteure spéciale.

De même, le projet de loi de finances prévoit une diminution de la dette du BACEA à l’égard du compte pour un montant équivalent en 2019.

En effet, les recettes prévues sont de 130,7 millions d’euros tandis que les crédits ouverts sont de 59,7 millions pour les services de l’État (programme 824). Autrement dit, le BACEA remboursera 71 millions de plus que ce qui lui sera avancé. La dette du BACEA serait ainsi ramenée à 778 millions d’euros. 

4.   Le programme 825

Les crédits ouverts sur le programme 825 Avances à l’ONIAM au titre de l’indemnisation des victimes du Benfluorex sont de 15 millions d’euros.

Ce programme a vocation à permettre une indemnisation rapide, en cas de condamnation judiciaire, des victimes du Benfluorex, molécule du médicament commercialisé par les laboratoires Servier sous le nom de Mediator. Jusqu’à présent, les Laboratoires Servier ont indemnisé l’ensemble des victimes. Dès lors, l’ONIAM ne s’est pas substitué aux Laboratoires Servier et n’a sollicité aucune avance. Il s’ensuit que les crédits du programme n’ont pas à ce stade été mobilisés.

Toutefois, en 2017, les Laboratoires Servier ont refusé de payer les indemnisations versées en substitution pour deux dossiers. L’ONIAM a alors procédé à une assignation des Laboratoires Servier devant les juridictions sur ces deux dossiers. Dans ce contexte, et bien qu’à ce stade aucune demande d’avance n’ait été exprimée par l’ONIAM, le montant de crédits ouverts sur ce programme a été reconduit en 2018 et en 2019 à un niveau de 15 millions d’euros par précaution, dans l’hypothèse où de nouveaux refus d’indemnisation interviendraient.

À noter que les avances accordées à l’ONIAM sont retracées dans un programme budgétaire dédié car cet organisme bénéficie d’avances alors que le caractère certain de la ressource destinée à son financement fait défaut (les ressources de l’ONIAM permettant le remboursement de ces avances doivent, en effet, provenir du résultat des actions récursoires qu’il engage).


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   seconde partie : focus choisis par la rapporteure spéciale

La rapporteure spéciale a choisi de présenter deux focus : le statut juridique de l’APE et la privatisation des aéroports en prenant l’exemple de Toulouse.

I.   Le statut juridique de l’APE

La rapporteure spéciale souhaite que le statut juridique de l’APE évolue.

A.   Présentation de l’APE

L’APE exerce la mission de l'État actionnaire dans les entreprises et organismes qui figurent sur la liste annexée au décret n° 2004-963 du 9 septembre 2004 portant création du service à compétence nationale Agence des participations de l'État (voir annexe I).

L’APE n’a pas la personnalité juridique. Il s’agit d’un simple service de l’État ayant une compétence nationale. L’APE se distingue en cela d’un gestionnaire classique de portefeuilles de participations.

Il s’ensuit que les dividendes versés par les entreprises dont l’État est l’actionnaire ne sont pas perçus par l’APE. Ils sont reversés au budget général de l’État en recettes non fiscales.

La Cour des comptes, dans son rapport sur l’État actionnaire de janvier 2017 ([5]) a suggéré de faire évoluer le statut de l’APE afin que celle–ci soit transformée en opérateur public doté de la personnalité morale.

B.   rapport au Parlement sur la politique de dividende de l’État actionnaire et sur l’opportunité de faire évoluer le statut juridique de l’APE

L’an dernier, la rapporteure spéciale a présenté un amendement pour solliciter un rapport sur l’évolution du statut juridique de l’APE. Celui-ci a été adopté et est devenu l’article 178 de la loi de finances pour 2018.

Cet article dispose que « le Gouvernement remet au Parlement avant le 30 juin 2018 un rapport d'information sur la politique de dividende de l'État actionnaire et sur l'opportunité de faire évoluer le statut de l'Agence des participations de l'État afin que celle-ci soit transformée en opérateur public doté de la personnalité morale, à charge pour cette dernière de verser chaque année un dividende au budget général de l'État correspondant à une part des produits des cessions réalisées et des dividendes qu'elle aurait elle-même perçus. »

Ce rapport, remis début août 2018, compare sur 16 pages les avantages et inconvénients du statut actuel de l’APE et de celui d’un opérateur public doté de la personnalité morale (voir annexe 2).

Globalement, le rapport est assez équilibré.

Il relève qu’il existe « un certain nombre de limites » attaché au statut actuel de l’APE :

– « le versement au budget général des dividendes […] prive l’État actionnaire d’une source de financement naturelle et importante pour l’exercice du métier de gestionnaire d’actif » ;

– l’annualité budgétaire inhérente à l’existence d’un compte spécial « limite le développement d’une logique pluriannuelle […] et peut contraindre à des opérations de cessions, motivées par le souci d’assurer l’équilibre du compte » ; ceci « a pu conduire par le passé à des choix de désinvestissement sous-optimaux au regard des intérêts patrimoniaux de l’État ».

À cela s’ajoute le fait que le CAS PFE prend en charge des opérations « comme celles effectuées au capital international des banques internationales de développement [...] ou dans le cadre des PIA » qui ne sont pas en lien avec la stratégie de l’État actionnaire.

Parmi les avantages d’une évolution du statut, il est mentionné qu’il n’aurait pas été nécessaire de procéder à des abondements via le budget général pour procéder à certaines recapitalisations coûteuses (Dexia, Areva).

En effet, selon le rapport, « depuis fin 2008, le portefeuille des participations de l’État a généré près de 48 Md€ de produits (18 Md€ de cessions et 30 Md€ de dividendes) et employé un peu plus de 19 Md€ (dont 19,2 Md€ d’investissements en capital et 0,1 Md€ de frais divers), soit un excédent de ressources sur emplois de 29 Md€ ». De même, sur le périmètre des entreprises relevant de l’APE – qui est plus restreint que celui des entreprises relevant du CAS PFE – les dividendes versés ont dépassé les 50 milliards d’euros depuis 2005.

Dividendes perçus par l’État sur le périmètre « APE » de 2005-2017

(en milliard d’euros)

Année

Dividendes en numéraire

Dividendes en actions

Total

2005

1,4

1,4

2006

2,9

2,9

2007

4,8

4,8

2008

5,6

5,6

2009

3,3

2,2

5,5

2010

4,3

0,1

4,4

2011

4,4

4,4

2012

3,2

1,4

4,6

2013

4,2

0,2

4,4

2014

4,1

4,1

2015

3,0

0,9

3,9

2016

1,8

1,7

3,5

2017

1,5

1,3

2,8

2005-2017

44,5

7,8

52,3

Source : rapport au Parlement sur la politique de dividende de l’État actionnaire et sur l’opportunité de faire évoluer le statut juridique de l’APE.

L’affectation de ces dividendes à l’APE aurait permis à celle-ci de financer les recapitalisations intervenues en 2009, 2012 et 2017 sans faire appel au budget général. Le dividende reversé à l’État chaque année n’aurait été inférieur aux dividendes actuellement reversés qu’à hauteur de 0,5 à 1 milliard d’euros en moyenne.

Parmi les inconvénients, il est noté qu’un « tel mécanisme aurait en revanche conduit à un accroissement du besoin de financement de l’État, compte tenu de la moindre trésorerie apportée par les dividendes au budget général, et donc à une augmentation de la charge d’intérêts et de la dette publique ».

Le rapport souligne que « les dividendes versés à l’État ont fortement diminué ces dernières années, notamment en lien avec les cessions d’actifs : entre 4 et 5,5 milliards d’euros par an entre 2007 et 2014, ils se situaient dans une fourchette de 2,5 à 4 milliards d’euros entre 2015 et 2017 ».

La conclusion du rapport est qu’une évolution du statut de l’APE ne fait pas partie des priorités du Gouvernement.

 

 

 

 

C.   Position de la Rapporteure spéciale

La rapporteure spéciale regrette la conclusion du rapport d’autant que celui-ci comporte de nombreux et excellents arguments qui militent pour une réforme du statut de l’APE.

La rapporteure spéciale considère qu’une telle réforme serait d’ailleurs plus respectueuse des prérogatives du Parlement.

Actuellement, le Parlement adopte des crédits conventionnels sans réel débat sur la stratégie de l’État actionnaire. Si l’APE avait une personnalité juridique, le Parlement pourrait voter chaque année le niveau de dividende que cette dernière reverserait au budget général. Non seulement ce vote aurait une réelle portée contrairement à celui relatif aux crédits du CAS PFE, mais en plus il  permettrait de débattre utilement de la politique de l’État actionnaire.

De même, une telle réforme permettrait de financer le fonds pour l’innovation et l’industrie sans procéder à des privatisations.

II.   La privatisation des aÉroports : l’exemple de Toulouse

La privatisation des aéroports a permis d’enregistrer plus de 2 milliards d’euros de recettes sur le CAS PFE en 2015 et 2016, dont 308 millions d’euros pour l’aéroport de Toulouse Blagnac (ATB).

Les recettes issues des privatisations des aéroports

(en millions d’euros)

Société aéroportuaire

Date

Pourcentage cédé

Montant

Aéroport de Toulouse-Blagnac (ATB)

17 avril 2015

49,99 %

308

Aéroports de Lyon (ADL)

3 novembre 2016

60 %

535

Aéroports de la Côte d’Azur

3 novembre 2016

60 %

1 222

Total

2 065

Source : rapports annuels de performances.

A.   L’Évolution du statut juridique des aÉroports

Le transfert aux collectivités territoriales de la plupart des aérodromes civils appartenant à l’État a été opéré par l’article 28 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Les aéroports d’Aéroports de Paris (ADP) et les principaux aéroports régionaux restaient toutefois dans le giron de l’État.

L’année suivante, le législateur a ouvert la possibilité de constituer des sociétés pour exploiter les plateformes aéroportuaires appartenant encore à l’État dans le cadre de contrats de concession. Ces sociétés, obligatoirement de capitaux publics, ne pouvaient être constituées qu’à la demande de la chambre de commerce et d’industrie (CCI) exploitante (article 7 de la loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports).

Par la suite, les aéroports de Toulouse, Lyon et Nice ont fait l’objet de privatisations.

Celle de Toulouse a été lancée en 2015 par application de l’article 22 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations. Celles de Lyon et Nice ont eu lieu en 2016 sur un autre fondement juridique, par application de l’article 191 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

B.   La privatisation de l’aÉroport de toulouse blagnac (ATB)

La société aéroportuaire exploitant l’Aéroport de Toulouse Blagnac (ATB) a été constituée en 2007. Elle était alors détenue par l’État à 60 %, la chambre de commerce et d’industrie à 25 %, et les collectivités territoriales à 15 %.

Le 17 avril 2015, l’État a cédé 49,99 % des parts de la société à un consortium chinois, pour un prix de 308 millions d’euros.

Dans le même temps, une option de vente a été prévue portant sur le solde de sa participation, soit 10,01 % du capital. Cette option est exerçable par l’État auprès du consortium depuis le 18 avril 2018 et jusqu’au 17 avril 2019. Le Gouvernement a indiqué que l’État n’exercerait pas cette option.

Bien que minoritaire, le consortium chinois contrôle ATB grâce aux dispositions d’un pacte d’actionnaires conclu avec l’État.

La rapporteure spéciale estime que cette privatisation n’est pas un franc succès, en particulier parce qu’elle est intervenue dans un cadre juridique différent de celles des aéroports de Lyon et Nice. Par exemple, l’expérience de gestion aéroportuaire n’était pas exigée pour le choix des acquéreurs alors que celle-ci a été explicitement mentionnée dans l’article 191 de la loi du 6 août 2015 précitée. De même, le cahier des charges comportait des faiblesses et peu de garanties.

La rapporteure spéciale regrette en particulier la nature des investissements réalisés par le consortium privé contrôlant ATB. Les seuls investissements ont consisté à accroître le nombre de commerces dans l’aéroport. Des travaux d’aménagement importants ont ainsi été réalisés pour étendre la zone duty free de 700 mètres carrés ainsi que les surfaces commerciales de plus de 4 000 mètres carrés. 

 

 

Elle déplore par ailleurs le niveau de dividendes versés par ATB à ses actionnaires. Comme l’indique le rapport annuel 2017 de la société (paragraphe 3.2 « distribution de dividendes ») :

« Conformément à la loi, l’Assemblée Générale prend acte que les dividendes distribués au titre des trois derniers exercices ont été les suivants :

 sur l’exercice clos le 31 décembre 2016, 7 768 520 €, soit 52,49 € par action,

 sur l’exercice clos le 31 décembre 2015, 19 991 840 €, soit 135,08 € par action,

 sur l’exercice clos le 31 décembre 2014, 2 465 680 €, soit 16,66 € par action ».

Ainsi, le montant de dividende par action au titre de l’exercice 2015 (versé en 2016) a été multiplié par 8 par rapport à celui versé au titre de l’exercice 2014 (payé en 2015), sans qu’évidemment les résultats financiers de la société ne suivent une telle évolution. Pour l’exercice 2016, le niveau de dividende par action est 3 fois celui de 2014.

Au titre de l’exercice 2017, le montant de dividendes voté lors de l’Assemblée générale serait de 13,8 millions d’euros, ce qui représente un dividende de 93 euros par action, selon le calcul de la rapporteure spéciale. Ce montant est ainsi quasiment 6 fois celui de 2014, cette évolution étant sans commune mesure avec l’évolution des résultats.

Les montants de dividendes versés, parfois supérieurs aux résultats nets de l’exercice, ont ainsi conduit la société à ponctionner les réserves qui ont été constituées au fil des années écoulées. Ainsi, le rapport annuel 2016 évoque (page 25) « un dividende exceptionnel prélevé sur les réserves de 15 001 k€ » et celui pour 2017 mentionne (page 24) « un dividende exceptionnel prélevé sur les réserves de 1 552 k€ ». Au final, ce sont en l’espace de deux exercices 16,5 millions d’euros qui ont été prélevés sur les réserves de la société pour financer la distribution de dividendes. Même si ces réserves étaient évidemment incluses dans le prix proposé par le consortium chinois, elle estime que cette ponction nuit au développement de la société et au rôle majeur qu’elle devrait jouer dans l’aménagement de l’aéroport de Toulouse Blagnac.

Concernant le résultat de l’année 2017, la rapporteure spéciale observe que le bénéfice de la société a pu être très nettement amélioré grâce à une réduction de la dotation nette aux amortissements et provisions : cette dernière est passée de 29,9 millions d’euros au 31 décembre 2016 à 17,1 millions d’euros au 31 décembre 2017, soit une réduction de 12,8 millions d’euros.

 

Le rapport annuel justifie cette baisse de la dotation nette aux amortissements et provisions de la manière suivante (page 48 du rapport annuel) : « La société a effectué une révision de ses durées d’amortissements avec l’aide d’un cabinet indépendant. S’agissant d’un changement d’estimation, les conséquences de cette révision ont été comptabilisées de manière prospective, sans effet sur le bilan à l’ouverture de l’exercice (cf. note 5.1. Immobilisations corporelles et incorporelles). Cette revue des durées a eu un impact de – 3 925 k€ sur les dotations aux amortissements et, au titre de la provision pour fin de concession, – 1 193 k€ sur la dotation annuelle et – 6 027 k€ au titre de la reprise de provision pour son montant au 1er janvier 2017, date d’effet du changement des durées de vie en application de la norme IAS 17.41. ».

La rapporteure spéciale observe que la révision des durées d’amortissement permet, pour l’exercice 2017, un quasi doublement du résultat comptable de la société (qui s’élève à 20,9 millions d’euros), et ainsi une distribution en conséquence du niveau de dividendes. Elle estime que le niveau de justification présenté dans le rapport annuel est insuffisant au regard des enjeux financiers que représente cette révision.

Au final, la rapporteure spéciale observe que les versements de dividendes semblent occuper une place centrale dans la stratégie de la société ATB, au détriment d’une vraie politique de développement de l’aéroport de Toulouse Blagnac. En effet, pour augmenter le niveau de dividendes versé, ATB a eu recours à deux stratégies :

– les ponctions dans les réserves de la société ;

– et le changement de méthode comptable pour déterminer le niveau de dotation aux amortissements. Ce changement de méthode, peu documenté dans le rapport annuel, a conduit à un quasi doublement du résultat comptable de la société, offrant à cette dernière des marges de manœuvre supérieures pour pouvoir distribuer des dividendes.

 

 

 

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   Examen en commission

Lors de sa première réunion du mercredi 24 octobre, la commission a examiné les crédits des comptes spéciaux Participations financières de l’État, Participation de la France au désendettement de la Grèce et Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services.

Mme Valérie Rabault, rapporteure spéciale. La mission que nous abordons comporte les crédits de deux comptes d’affectation spéciale (CAS) et d’un compte de concours financiers, sur lesquels j’interviendrai successivement au cours des 5 minutes qui me sont imparties.

Nous avons eu un long débat l’an dernier sur le CAS Participations financières de l’État. Comme vous savez, chaque année nous sommes amenés à voter, à la fois en recettes et en dépenses prévisionnelles, des crédits au sujet desquels nous ne savons pas grand-chose. Ce n’est pas une pratique propre à cette majorité : il se trouve que l’État a, de longue date, pris l’habitude de ne pas donner d’informations aux marchés en amont sur les opérations qu’il peut être amené à effectuer sur ses participations. De ce fait, il ne fournit pas non plus d’informations à la représentation nationale, ce qui est tout même un peu gênant dans la mesure où nous sommes censés voter un niveau de recettes et un niveau de crédits.

Cela peut conduire à ce qu’un certain nombre de dérapages se produisent au fil de l’année, lorsque l’État décide de recapitaliser des entreprises dont il est actionnaire : les fonds correspondants sont alors prélevés sur le budget général de l’État, lorsque les opérations concernées n’ont pas été anticipées suffisamment tôt. Alors que nous votons généralement 5 milliards d’euros de recettes et 5 milliards d’euros de dépenses – c’est ce qui se produit chaque année, à de rares exceptions près – cette année, le Gouvernement a prévu de doubler ces montants en prévision des projets de privatisation prévus par le projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises (PACTE) et concernant Aéroports de Paris et La Française des jeux.

Le produit de cession de ces entreprises a vocation à alimenter le Fonds pour l’innovation et l’industrie (FII), dont le rendement annuel devrait être de 250 millions d’euros par an selon le Gouvernement. Mon groupe ayant déjà eu l’occasion de faire savoir qu’il était opposé à ces privatisations, vous ne serez pas étonnés d’apprendre que j’ai l’intention de déposer un amendement visant à la suppression des crédits correspondants ; par ailleurs, j’émettrai un avis défavorable sur le vote des crédits de ce compte d’affectation spéciale.

Pour que les choses soient bien claires en termes de comptabilité, je rappelle que la cession d’actifs résultant d’une privatisation n’a pas d’effet sur le déficit public : elle ne l’améliore ni ne l’aggrave, dans la mesure où les recettes qui en résultent sont des recettes au sens de la comptabilité budgétaire, mais des opérations financières s’inscrivant dans la comptabilité nationale.

L’an dernier, nous avons eu un long débat avec le ministre au sujet du FII. À notre sens, il était possible d’amender la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) de façon que les dividendes perçus par l’Agence des participations de l’État (APE) puissent lui revenir plutôt que de tomber dans le budget général, afin d’avoir une vraie politique de gestion.

À ce titre, je souhaite remercier le Gouvernement. En effet, l’an dernier, nous avions adopté l’article 178 de la loi de finances initiale pour 2018, qui prévoyait que le Gouvernement remettrait au Parlement, avant le 30 juin 2018, un rapport d’information sur la politique de dividendes de l’État actionnaire et sur l’opportunité de faire évoluer l’Agence des participations de l’État (APE) pour qu’elle puisse recevoir ces dividendes. J’ai reçu ce rapport quasiment en temps voulu, ce qui est assez rare pour être souligné, et je vais vous le diffuser, car il me paraît très intéressant, en ce qu’il pose les bonnes questions – en lisant entre les lignes, j’ai l’impression qu’une évolution de l’APE pourrait être favorable à la politique de gestion, mais que le Gouvernement ne souhaite pas faire évoluer le statut de l’APE.

Sur la période 2006-2017, on peut évaluer à 77,2 milliards d’euros l’amélioration du solde budgétaire de l’État permise par les dividendes et les opérations du CAS Participations financières de l’État. C’est un point important. Néanmoins, je rejoins la Cour des comptes lorsqu’elle recommande, dans un récent rapport, de faire évoluer le statut de l’APE de façon que celle-ci puisse recevoir les dividendes des titres qu’elle détient, le Parlement fixant alors le niveau de la participation de l’Agence au budget général de l’État.

Dans le rapport qui nous a été remis, le Gouvernement voit des avantages à une telle évolution, dans la mesure où il ne serait pas nécessaire de procéder, le cas échéant, à des abondements via le budget général. En revanche, il estime qu’un « tel mécanisme aurait conduit – durant la période 2006-2017 – à un accroissement du besoin de financement de l’État, compte tenu de la moindre trésorerie apportée par les dividendes au budget général ».

J’en viens au CAS Participation de la France au désendettement de la Grèce. Selon les accords européens, la Banque de France, qui perçoit des intérêts versés par la Grèce, est censée lui en rétrocéder une partie. Toutefois, cette dernière n’ayant pas respecté l’ensemble de ses engagements, il a été décidé de suspendre le dispositif, de sorte que la France a bénéficié d’une trésorerie supplémentaire de 1 milliard d’euros. Lors de sa réunion du 22 juin dernier, l’Eurogroupe a décidé de réactiver le dispositif de rétrocession des intérêts. L’an dernier, M. Bruno Le Maire nous avait indiqué – je vous invite à consulter le compte rendu de la réunion de la commission élargie – qu’une fois ce dispositif réactivé, nous reverserions le trop-perçu correspondant aux années 2015, 2016 et 2017. Or, il semble exclu, à ce stade, de rétrocéder les intérêts perçus au titre des années 2015 et 2016. Nous interrogerons donc, en séance publique, le ministre de l’économie et des finances sur ce sujet.

Le Mécanisme européen de stabilité (MES) n’a pas encore notifié la chronique actualisée des décaissements pour 2018 et 2019, mais il est probable que leurs montants seront supérieurs à ceux qui sont envisagés dans la chronique initiale, puisqu’ils intégreront une fraction des intérêts relatifs à l’année 2017. Cependant, si l’on s’en tient à la chronique actuelle, la Banque de France doit encore reverser à la Grèce, d’ici à 2025, la somme de 338 millions d’euros.

Je suis désolée de devoir émettre un avis défavorable sur le vote des crédits de ce compte d’affectation spéciale, puisque ceux-ci ne sont pas conformes aux annonces que le ministre de l’économie et des finances nous avait faites l’an dernier en commission élargie. Je suppose qu’il nous donnera davantage de précisions en séance publique.

Enfin, le compte de concours financiers Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics gère les avances accordées par l’État à des entités publiques sous statuts divers. Pour 2019, il est prévu, pour l’ensemble du compte, des recettes de 11,4 milliards et des dépenses de 11,3 milliards, soit un solde positif de 72,5 millions. Autrement dit, le montant des remboursements d’avances devrait être légèrement supérieur au montant des avances consenties, ce qui améliore d’autant le solde budgétaire de l’État.

Ce compte a permis le financement, sous la forme de prêts, du budget annexe Contrôle et exploitation aériens (BACEA). Or, selon la Cour des comptes, cette pratique est contraire à la LOLF. Elle a, certes, cessé en 2015, mais le « stock de dettes » demeure important. Depuis 2015, la dette du BACEA à l’égard de ce compte diminue d’environ 100 millions par an, passant de 1,2 milliard à moins de 729 millions en 2019.

Le financement d’un budget annexe par un compte spécial est une pratique critiquable. Pour cette raison, et uniquement pour cette raison, j’émettrai un avis défavorable sur le vote des crédits de ce compte de concours financiers.

Mme Dominique David. Madame Rabault, vous critiquez la privatisation des entreprises publiques que sont Aéroports de Paris (ADP) et La Française des jeux (FDJ), qui a été discutée dans le cadre de l’examen du projet de loi PACTE. Or, je tiens à souligner que cette décision n’est pas inédite puisque la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques avait déjà permis le transfert au secteur privé des sociétés concessionnaires d’Aéroports de Lyon et Aéroport de Nice-Côte d’Azur.

Par ailleurs, vous indiquez que la décision de privatisation est infondée sur le plan économique et budgétaire. Je souhaiterais que vous clarifiiez votre positon à cet égard. Soit l’investissement dans ADP et FDJ est stratégique, soit il poursuit une visée économique et budgétaire. Un même investissement ne peut en effet poursuivre deux objectifs distincts. Si la visée économique et budgétaire prime, préconisez-vous que le rendement soit le premier facteur de décision de l’État dans ces prises de participations ? Dans une telle hypothèse, la gestion des participations de l’État serait plus dynamique et se rapprocherait de celle d’un hedge fund. Je ne suis pas certaine que ce soit souhaitable, et je pense que vous partagez cette position.

Si la logique stratégique prime, pourquoi vous opposez-vous au placement du produit de ces cessions dans un fonds placé auprès du Trésor ? Cette méthode de gestion avait en effet été retenue pour les programmes d’investissements d’avenir (PIA), dont les dotations étaient pour partie dites « non consommables » : seuls les intérêts produits par ces dotations financent les investissements d’avenir. Quelle distinction faites-vous entre les PIA et le FII, dont les modalités de financement sont très similaires ?

M. Éric Coquerel. Ma collègue du groupe majoritaire a raison de souligner que des opérations analogues ont été décidées en 2015. Je remarque, du reste, qu’Emmanuel Macron était alors ministre de l’économie ; ceci explique peut-être cela. En tout cas, il est regrettable qu’on l’ait laissé faire à l’époque, et ce précédent ne justifie aucunement ce qui est en train de se passer.

Toujours est-il que nous sommes à nouveau amenés à nous prononcer sans être informés du détail des cessions envisagées. On invoque la stratégie de l’État actionnaire, mais cet argument ne tient pas. Il n’est pas normal que le Parlement, en particulier la commission des finances de l’Assemblée nationale, ne puisse pas obtenir des informations aussi importantes. Il y a là un problème de démocratie. Au demeurant, comment peut-on invoquer des préoccupations stratégiques quand, lors des débats, Bruno Le Maire justifie cette opération en nous expliquant que les entreprises vendues pourraient s’écrouler à tout moment et que le futur acquéreur ne ferait donc pas forcément une bonne affaire. L’argument est un peu ubuesque pour qui souhaite persuader de futurs actionnaires d’acheter ses parts le plus cher possible.

Par ailleurs, sur le fond, je souscris aux propos de Mme la rapporteure spéciale. Mettons de côté le problème stratégique soulevé par la privatisation des frontières à travers la cession d’ADP, la question éthique posée par le fait de laisser au privé le soin de s’occuper des jeux de hasard alors qu’on connaît les problématiques associées à cette activité et le fait qu’Engie est l’héritier de GDF-Suez, dont Nicolas Sarkozy nous disait, lors de l’ouverture à la concurrence – comme Mme Borne aujourd’hui à propos de la SNCF –, que jamais elle ne serait privatisée. Cette privatisation est une mauvaise affaire, il faudra le dire et le répéter ! Le Gouvernement souhaite en effet placer cet argent dans un fonds d’investissement qui rapportera, espère-t-il, 250 millions d’euros par an, alors qu’en 2017, ADP a rapporté 173 millions d’euros, la FDJ 89 millions et Engie 550 millions. Cette mauvaise affaire s’explique par le fait qu’actuellement, les taux d’intérêt sont inférieurs aux dividendes des actions. Certes, M. Le Maire s’est lancé dans des calculs sur je ne sais combien d’années pour tenter de démontrer que la situation actuelle n’était pas si avantageuse que cela. Mais, pour le long terme, en tout cas pour l’an dernier, ces arguments ne sont pas valables.

Cette mauvaise affaire servira, une fois de plus, les actionnaires et le monde de la finance dont vous espérez qu’il sauvera, à terme, l’économie française. Tous les chiffres de cette année démontrent l’inverse.

M. Charles de Courson. Une chose m’a troublé lorsque j’ai examiné le compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État. Vous a-t-on éclairée, madame la rapporteure spéciale, sur l’origine des 10 milliards d’euros inscrits en recettes ? Je me demande à quelle part des trois cessions envisagées ils correspondent, puisque la somme de ces trois opérations sera très supérieure à 10 milliards. Par ailleurs, pourquoi a-t-on inscrit, en dépenses, seulement 8 milliards en opérations en capital et non 10 milliards, comme cela avait été annoncé ? Est-ce à dire qu’une seconde tranche de 2 milliards sera débloquée en 2020 ?

Mme la rapporteure spéciale. Madame David, sachez que je me suis toujours prononcée contre les précédentes privatisations d’aéroports. Vous pouvez le vérifier : les votes sont publics. La loi dite « Macron », quant à elle, a été adoptée suivant la procédure de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution et n’a donc pas été mise aux voix, mais j’ai toujours voté contre ceux de ses articles qui étaient relatifs à la privatisation des aéroports. Au moment de la cession de celui de Toulouse, je me suis rendue, en tant que rapporteure générale de la commission des finances, dans le bureau du ministre, Emmanuel Macron, pour procéder à un contrôle sur pièces et sur place. J’y suis restée trois heures et j’ai examiné le contrat de privatisation sous toutes ses coutures. Cela a renforcé ma conviction que la privatisation d’infrastructures était néfaste pour notre économie, dans la mesure où elle revient à donner à un actionnaire privé les clefs d’actifs stratégiques pour notre pays. Il ressort, du reste, d’une analyse du capital de 460 aéroports en Europe réalisée en 2016 par une agence européenne que, hormis au Royaume-Uni, l’ensemble de ces aéroports sont détenus par la puissance publique – la France se classe au deuxième rang.

J’estime que les privatisations réalisées précédemment ne sont pas efficientes. Prenons l’exemple de l’aéroport de Toulouse, où je me rends chaque semaine : je ne suis pas certaine que la compagnie Air France, actuellement reléguée au fond de l’aérogare, ait gagné à ce qui s’est passé.

Mme Amélie de Montchalin. Je le confirme : il faut marcher longtemps pour atteindre le hall d’enregistrement.

Mme la rapporteure spéciale. Tout à fait, et c’est ainsi depuis qu’un actionnaire chinois est à la tête de l’aéroport. Je rappelle, du reste, que M. Macron, ministre de l’économie – vous pouvez retrouver facilement ses propos dans le compte rendu des débats publié au Journal officiel –, avait reconnu que des bêtises – ce ne sont peut-être pas ses mots exacts – avaient été faites lors de la cession de l’aéroport de Toulouse et qu’il s’était donc efforcé, dans son projet de loi, de corriger les termes de la privatisation pour les aéroports de Nice et de Lyon. Je maintiens donc la position que j’ai défendue s’agissant de ces privatisations.

Ensuite, comment les participations de l’État doivent-elles être gérées ? L’an dernier, j’ai demandé à l’APE d’examiner chacune de ces participations et d’indiquer, ligne par ligne, pour chaque investissement, s’il est destiné à aider l’entreprise, s’il est stratégique en matière d’infrastructures ou s’il relève de politiques menées par l’État. Or, ADP a été classé dans la catégorie « infrastructures » : en l’espèce, la participation de l’État relève d’une politique publique. Il ne s’agit pas de rendement ou de gestion à la manière d’un hedge fund, mais de garder les clefs s’agissant d’investissements de long terme qui structurent l’ensemble de l’économie française.

Par ailleurs, comment finance-t-on le Fonds pour l’innovation de rupture à hauteur de 250 millions d’euros par an ? Les dividendes versés par les entreprises détenues par l’APE ont rapporté, en 2017, 5,4 milliards d’euros. Ne me dites qu’il n’est pas possible de prélever, chaque année, sur ces dividendes 250 millions pour financer l’innovation de rupture !

Mme Dominique David. Il faut tenir compte des cycles économiques.

Mme la rapporteure spéciale. Certes, mais le montant des dividendes a toujours été supérieur à 250 millions. J’ai retracé, dans mon rapport, leur évolution : sur dix ans, avec les produits nets de cession, ils ont rapporté 77 milliards qui ont été reversés au budget général de l’État.

Quant au mode de fonctionnement du Fonds pour l’innovation de rupture, il est en effet identique à celui des PIA, puisque les dotations ne sont pas consommables et son financement est assuré par les intérêts, un taux d’intérêt fictif étant fixé. Pour ma part, je propose – et je note que le rapport du Gouvernement n’est pas totalement en désaccord avec moi sur ce point – que les dividendes reviennent à l’APE et que, chaque année, le Parlement détermine le montant que celle-ci verse au budget général de l’État. Au moins pourrions-nous avoir ainsi sur ce sujet un débat démocratique. Actuellement, ce débat n’existe pas, puisque nous votons des budgets les yeux fermés. Je comprends que l’État ne veuille pas donner d’informations aux marchés, mais nous pourrions décider, chaque année, ce qu’il advient des dividendes versés à l’APE : quelle est la part qui reste à celle-ci, celle qui est reversée au budget général de l’État et celle qui pourrait être consacrée au financement de l’innovation de rupture.

Monsieur Coquerel, je crois avoir indiqué quelle est ma position sur la privatisation des aéroports.

Monsieur de Courson, je me suis posé la même question que vous et je n’ai pas obtenu de réponse. On nous avait dit, en effet, que le produit des cessions, 10 milliards d’euros, contribuerait au désendettement de l’État via le rachat par un fonds des obligations assimilées au Trésor. Or, ce n’est pas 10 milliards, dont 8 milliards qui sont prévus en dotations de capital et 2 milliards d’euros pour le désendettement.

M. Nicolas Forissier. Madame la rapporteure spéciale, votre intervention, que j’ai écoutée avec beaucoup d’intérêt, m’inspire deux observations.

En ce qui concerne les aéroports, je ferai d’abord une remarque de méthode. Je trouve très bien que l’on invoque les comparaisons internationales, mais il serait merveilleux de le faire systématiquement. En l’espèce, la comparaison vous intéresse car elle semble vous donner raison, mais tel n’est pas toujours le cas. Il me semble, monsieur le président, que la commission des finances devrait mener une réflexion sur ce sujet, notamment en matière de fiscalité et de compétitivité des entreprises.

J’ajouterai – cette position n’est pas forcément partagée par l’ensemble de mon groupe – qu’en la matière, la véritable réflexion doit porter, me semble-t-il, sur le périmètre d’intervention de l’État ou de l’action publique. Pour ma part, je ne suis pas convaincu que ce soit le rôle de celui-ci de gérer des galeries commerciales, des espaces hôteliers et l’accueil de clients, ou de s’occuper des jeux de grattage ! Nous devrions travailler au préalable – et c’est peut-être une erreur qu’a commise le Gouvernement dans le cadre du projet de loi PACTE – à la redéfinition du périmètre de l’action publique et de celui de l’État lui-même.

S’agissant des 5,4 milliards d’euros de dividendes perçus par l’État, j’avais compris – c’est, du reste, ce qu’a indiqué le ministre en séance publique – que l’on ne pouvait pas affecter les recettes de l’État. Si tel était le cas, je proposerais, en tant que rapporteur spécial pour le commerce extérieur, d’utiliser les 500 millions d’euros d’excédents annuels sur l’assurance-crédit pour permettre à l’assurance prospection de fonctionner... On ne peut pas décider d’affecter préalablement ces dividendes à telle ou telle dépense. Je rappelle que le déficit budgétaire est, cette année, de près de 100 milliards d’euros. Sur ce sujet, permettez‑moi de vous le dire, le débat n’est pas clair.

M. le président Éric Woerth. Je rappelle que nous avons demandé à la Cour des comptes, en application du 2° de l’article 58 de la LOLF, un rapport sur le bilan de la privatisation des aéroports, qui doit nous être remis très prochainement.

Mme Nadia Hai. En préambule, je tiens à préciser que je souscris aux remarques pertinentes de M. Forissier sur ADP. Je rappelle, à ce propos, que le transfert porte uniquement sur la gestion des infrastructures pour une durée limitée à soixante-dix ans, les missions régaliennes restant du ressort de l’État.

Madame Rabault, vous avez émis un avis défavorable sur le vote de ces missions. Ce faisant, vous renoncez à trois programmes essentiels : le programme 145, qui a pour mission de promouvoir et de gérer dans les meilleures conditions la politique de l’épargne et de favoriser ainsi l’accès des organismes de logement social à une ressource financière attractive ; le programme 114, qui regroupe les crédits destinés à couvrir un ensemble de dispositifs pour lesquels l’État a accordé sa garantie, dans les domaines notamment de l’agriculture, du logement, des exportations et des aides à l’industrie ; le programme 344, enfin, qui comprend le fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers destinés à financer un fonds de soutien en faveur des collectivités territoriales...

Mme la rapporteure spéciale. Ces programmes ne font pas partie de la mission que nous examinons.

Mme Nadia Hai. C’est exact. Au temps pour moi. Quoi qu’il en soit, vous justifiez votre avis défavorable par le fait que le ministre n’a pas tenu ses engagements sur le reversement à la Grèce des intérêts perçus au titre des années 2015 et 2016. Je rappelle qu’à cette époque, le Gouvernement n’était pas le même qu’aujourd’hui et que vous étiez rapporteure générale de la commission des finances.

Mme la rapporteure spéciale. Je respecte les engagements européens !

Mme Nadia Hai. Vous avez indiqué en revanche que, s’agissant des intérêts perçus en 2017, le ministre avait tenu ses engagements.

Mme la rapporteure spéciale. Non !

Mme Nadia Hai. Quelle est la part de ces intérêts dans le budget sur lequel vous émettez un avis défavorable ?

Mme la rapporteure spéciale. Il avait été convenu dans l’accord que, si la Grèce respectait les plans définis au niveau européen, les intérêts perçus par la France devraient lui être rétrocédés. Puisque tel n’a pas été le cas, la rétrocession des intérêts a été suspendue, de sorte que le solde budgétaire de la France a été augmenté de facto de 1 milliard d’euros. En juin 2018, l’Eurogroupe a reconnu que la Grèce avait rempli ses engagements et a décidé en conséquence que les intérêts perçus devaient lui être à nouveau rétrocédés. L’an dernier, Bruno Le Maire nous a indiqué, ici même, que, si l’Eurogroupe prenait une telle décision, la France l’appliquerait. Or, on apprend, à la lecture du projet de loi de finances, que le reversement ne concernera que les intérêts perçus au titre de l’année 2017, et non ceux perçus au titre de 2015 et de 2016. Nous interrogerons donc le ministre sur ce point en séance publique. Quant aux programmes que vous avez mentionnés, ils ne font pas partie de la mission Participations financières de l’État.

Mme Nadia Hai. Vous avez auditionné, me semble-t-il, le ministre dans le cadre de votre rapport. Doit-on comprendre qu’il n’est absolument pas question d’un rattrapage ultérieur concernant les années 2015 et 2016 ?

Mme la rapporteure spéciale. Je ne fais que reprendre ce qui est écrit dans le « bleu » budgétaire qui nous a été remis. Nous n’avons pas auditionné le ministre, car il ne vous aura pas échappé qu’il était occupé à autre chose en séance publique.

M. Michel Lauzzana. Je souhaite revenir sur la remarque de Mme la rapporteure spéciale concernant l’aéroport de Toulouse qui, il est vrai, n’est pas exempt de défauts. Mais, en la matière, il ne faut être ni manichéen ni dogmatique. J’habite exactement entre Toulouse et Bordeaux, de sorte que je fréquente leurs aéroports respectifs depuis plusieurs années. Or, je constate que, depuis sa privatisation, l’aéroport de Toulouse s’est développé de manière très importante tandis que celui de Bordeaux n’a pas évolué. Ce développement est un facteur d’attractivité majeur pour l’Occitanie ; c’est donc un bienfait de la privatisation.

Mme la rapporteure spéciale. Je prends moi aussi l’avion, chaque semaine, et depuis bien longtemps, à l’aéroport de Toulouse. Sa privatisation est intervenue en 2016 ; tous les investissements avaient été réalisés auparavant, qu’il s’agisse de la création des deux parkings ou de la nouvelle aile de l’aérogare. Ne me dites donc pas qu’il s’est développé grâce à la privatisation ! Les seuls aménagements réalisés par le nouvel actionnaire concernent l’ouverture de boutiques, qui est en cours, et le déplacement du hall d’enregistrement d’Air France à l’autre bout de l’aérogare.

Mme Amélie de Montchalin. C’est vrai.

M. le président Éric Woerth. Nous lirons avec intérêt le rapport de la Cour des comptes sur le bilan de la privatisation des aéroports.

M. Charles de Courson. Madame la rapporteure spéciale, vous avez indiqué, dans votre exposé, que les 10 milliards d’euros issus des privatisations seraient consacrés, à hauteur de 2 milliards, au désendettement et, à hauteur de 8 milliards, à un fonds pour l’innovation. Pourtant, et c’est une anomalie, on réduira ainsi de 10 milliards la dette au sens maastrichtien, laquelle correspond en effet à la dette brute moins les dépôts en trésorerie. Ainsi, si vous vendez l’ensemble des actifs publics et que vous placez le produit de ces ventes sur un compte de trésorerie, vous donnerez l’illusion que la dette a baissé. Il ne s’agit, me direz-vous, que de 10 milliards sur une dette de près de 1 800 milliards, mais ce n’est pas du tout logique.

M. le président Éric Woerth. Il en a toujours été ainsi.

M. Charles de Courson. C’est en effet l’application d’une règle européenne. Mais ne cédons pas à l’illusion.

M. Romain Grau. Je souhaiterais revenir rapidement sur la question de la privatisation des aéroports. Comme le disait M. Forissier, nous devons nous interroger sur les contours de l’action de l’État et de l’action publique en général. Partons d’un constat : en France, le nombre d’aéroports par habitant est deux fois supérieur à celui de l’Allemagne, du Royaume‑Uni ou de l’Espagne. Ensuite, nous sommes tous d’accord sur le fait qu’un aéroport est souvent un outil de développement économique crucial. Or, actuellement, les principaux ingrédients de ce développement sont la présence de galeries commerciales et la création de lignes avec des partenaires qui ne sont plus exclusivement – ni même majoritairement, je suis désolé de le dire – Air France, mais plutôt Ryanair, par exemple. Pensez-vous sérieusement que l’État doive se mêler de création et de gestion de galeries commerciales, d’achat et de création de lignes ? Je n’en suis pas certain.

Il faut cependant se garder, comme le disait Michel Lauzzana, de tout jugement manichéen. De fait, vous avez partiellement raison, madame la rapporteure spéciale : lorsqu’on voit ce qui se fait à Toulouse, on ne peut pas être entièrement convaincu. Mais je ne suis pas certain que cela soit dû au fait que les actions sont détenues par un partenaire privé quel qu’il soit. En tout cas, nous attendons avec impatience le rapport de la Cour des comptes.

Mme la rapporteure spéciale. Monsieur Forissier, je n’ai pas répondu à votre question sur la gestion des différents comptes d’affectation spéciale – nous avions eu, l’an dernier, un long débat sur ce sujet. Toute société de gestion qui gère des participations gère également les dividendes. L’APE, à cet égard, fait exception car elle gère des participations mais les dividendes lui échappent, puisqu’ils tombent directement dans le budget de l’État. Il en a été ainsi décidé dans la LOLF. Du reste, lorsque le compte d’affectation spéciale que l’APE gère est déficitaire, c’est le budget général de l’État qui remet au pot – ce fut le cas lorsqu’il a fallu recapitaliser Areva. Si elle peut garder une partie des dividendes, elle pourra anticiper davantage.

Nous avons donc proposé de modifier la LOLF pour faire évoluer le statut de l’APE et confier au Parlement le soin de déterminer, dans le cadre du PLF, la part de dividendes qu’elle conserve et celle qui est reversée au budget général, et, pourquoi pas, d’affecter les 250 millions nécessaires au financement des investissements de rupture.

En ce qui concerne les aéroports, je suis d’accord : il ne faut pas tirer de conclusions hâtives de ce qui se passe à Toulouse. C’est pourquoi, si la privatisation est votée, nous irons, avec le rapporteur spécial du Sénat, consulter à Bercy le cahier des charges puisque nous y sommes autorisés par l’article 57 de la LOLF. Bien entendu, nous respectons le secret des affaires mais, en la matière, nous ne lâcherons pas.

La commission en vient à l’examen des amendements.


Article 41 et état D

La commission est saisie de l’amendement II-CF323 de la rapporteure spéciale.

Mme la rapporteure spéciale. Étant opposée au projet de privatisation d’ADP et de la FDJ, je propose, par cet amendement, de supprimer les crédits issus du produit de leur cession dévolus, d’une part, à la création du fonds pour l’innovation de rupture et, d’autre part, au désendettement de l’État et de ses établissements publics.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements II-CF216 de M. Éric Coquerel, II-CF217 de Mme Sabine Rubin, II-CF281 de M. Éric Coquerel et II-CF285 de Mme Sabine Rubin.

M. Éric Coquerel. Les amendements II-CF216 et II-CF217 visent à ne pas privatiser ADP et à réinvestir dans le capital des aéroports qui ont été précédemment privatisés, pour les raisons qui ont déjà été évoquées.

D’un point de vue stratégique, les aéroports sont des frontières. Je m’étonne d’ailleurs de l’argument relatif aux galeries commerciales. Je rappelle qu’il est tout à fait possible de recourir à une délégation de service public pour cette activité, sans pour autant que les fonctions régaliennes des aéroports soient remises en question. On a bien vu que les effectifs de personnels ont été réduits pour des raisons bien comprises de rentabilité pour les actionnaires, ce qui est contraire à la notion de service public en ce qui concerne l’accueil et la sécurité des voyageurs.

Mme Rabault a fort bien rappelé que, ces dix dernières années, la rentabilité moyenne pour l’État a toujours excédé 250 millions d’euros. En ce qui concerne plus spécifiquement ADP, la rentabilité est bien supérieure à ce que peut rapporter le placement du produit de la vente dans un fonds dont le rendement sera fonction des taux d’intérêt.

Dans le même ordre d’idées, nous contestons la sortie progressive de l’État du capital d’Engie pour deux raisons. D’abord, chacun peut comprendre que c’est un secteur stratégique, surtout au regard des problématiques écologiques. Ensuite, depuis cette privatisation rampante, en tout cas depuis que l’État est devenu minoritaire, le prix du gaz n’a cessé d’augmenter : il a augmenté de 5,4 % au 1er novembre, un mois après la hausse de 3 % du 1er octobre, soit une augmentation totale de 16,4 % cette année. Nous considérons donc que la sortie progressive de l’État du capital d’Engie est contraire à l’intérêt des Français et à l’intérêt écologique. De surcroît, l’énergie ne devrait pas être considérée comme un bien comme les autres, mais comme un droit. Tel est l’objet de l’amendement II-CF281.

J’en viens à l’amendement II-CF285, ce qui me permettra de répondre à M. Forissier. Je ne vois pas pourquoi l’État ne pourrait pas faire des affaires, pourquoi il devrait venir au secours de tel ou tel secteur en difficulté, ni pourquoi il devrait, en revanche, vendre ses actions dès lors que ce secteur est rentable et laisser le secteur privé en profiter. Il est bon que l’État puisse bénéficier de cours d’actions supérieurs aux taux d’intérêt, ce qui est le cas pour la FDJ. Surtout, il est faux de penser que la question des jeux se résume au grattage. La question qui nous est posée est celle du contrôle des addictions et du risque de blanchiment d’argent lié à la question des jeux de hasard. J’en veux pour preuve les scandales qui ont éclaté dans certains pays européens. Ce secteur est trop sérieux pour qu’on le laisse aux mains du secteur privé.

Mme la rapporteure spéciale. J’ai envie de dire que ce sont presque des amendements de repli par rapport à celui que j’ai proposé. Avis favorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle en vient à l’amendement II-CF286 de Mme Sabine Rubin.

M. Éric Coquerel. Nous pouvons tous être d’accord pour dire que la société Safran agit dans un secteur hautement stratégique puisqu’elle est spécialisée dans la conception et la production de moteurs d’avions, d’hélicoptères et de fusées, d’équipements aéronautiques et de défense. Pour notre part, nous défendons l’idée d’une véritable politique française spatiale et sa réussite dans la redécouverte de l’espace. L’État doit rester majoritaire dans les entreprises qui travaillent dans des secteurs hautement techniques dans le domaine de l’armement.

Aujourd’hui, les parts de l’État dans le capital de Safran ne sont plus que de 14 %, ce qui nous semble beaucoup trop faible. C’est pourquoi cet amendement propose de commencer à racheter des parts dans l’entreprise Safran, afin que l’État y redevienne à terme majoritaire.

Mme la rapporteure spéciale. Avis défavorable.

M. Charles de Courson. À quoi cela sert-il de réaugmenter la participation de l’État dans Safran ? Cela ne rapportera pas un centime à l’entreprise. Vous allez seulement acheter en bourse pour 2 milliards d’actions. Safran est l’une des meilleures entreprises de l’aéronautique, c’est un bijou technologique, et son avenir dépend de ses capacités de recherche et d’innovation. Quant aux intérêts militaires stratégiques de l’État, ils se négocient sous forme de contrats. Si l’État vendait les 14 % qui lui restent, cela ne changerait rien du tout. J’ajoute que c’est une entreprise qui compte beaucoup de salariés actionnaires – entre 7 % et 8 %, Safran étant né de la fusion de la Société nationale d’étude et de construction de moteurs d’avions et d’une autre entreprise dans laquelle les salariés étaient presque majoritaires.

Si vous suggériez que l’État vende préférentiellement ses actions aux salariés pour renforcer leur participation, on pourrait en discuter. Mais ce que vous nous proposez là ne sert à rien.

M. Éric Coquerel. Nous sommes en désaccord avec Charles de Courson, mais ce n’est pas un scoop. Il y a des secteurs dans lesquels l’État doit être majoritaire, car c’est l’avenir de notre pays qui est en jeu.

Monsieur de Courson, il y a en France des industries d’armement où l’État est devenu plus que minoritaire. Vous ne savez peut-être pas que l’État ne fabrique plus aujourd’hui certaines armes, certaines munitions, et que ce sont des entreprises étrangères qui le font. Nous sommes donc là face à un problème de dépendance. Certains secteurs ne doivent pas être dévolus complètement à la question du marché. Vous me dites que Safran fonctionne très bien, mais nous considérons que l’État doit rester le principal actionnaire, si ce n’est nationaliser cette entreprise.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle étudie l’amendement II-CF288 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. Dans la continuité d’un amendement que nous avions déposé l’an dernier, nous proposons de permettre à l’État de réinvestir dans les sociétés d’autoroutes, leur privatisation étant certainement le plus grand scandale de ces dernières années. C’est un scandale parce qu’il y a conflit d’intérêts entre les multinationales du béton qui sont souvent celles qui font les propres travaux qu’elles ont commandés sur ces autoroutes à leurs filiales. C’est un scandale parce que l’augmentation des tarifs des péages correspond globalement à l’augmentation de la rente des actionnaires. Il aurait été préférable que l’État puisse continuer à gérer ces hausses. C’est un scandale parce que la vente de ces autoroutes a été totalement sous-estimée par rapport à leurs finances. C’est un scandale, et j’aurais pu utiliser cet argument pour les amendements précédents, parce que le Préambule de notre Constitution de 1946 prévoit que des secteurs de fait qui sont monopolistiques – et c’est le cas des autoroutes – doivent rester liés à l’État et non privatisés. C’est pourquoi nous souhaitons que l’État rachète progressivement des parts dans les sociétés d’autoroutes.

Mme la rapporteure spéciale. Le montant que vous proposez est clairement très inférieur à ce qui serait nécessaire, ce qui fait que l’objectif que vous visez ne serait pas atteint. Avis défavorable.

M. Gilles Carrez. Ma question s’adresse au rapporteur général. Notre commission a été très vigilante, sans pour autant malheureusement être suivie, tout au long de la précédente législature, sur la question des autoroutes. Nous avons demandé un rapport de la Cour de comptes, saisi l’Autorité de la concurrence et essayé à plusieurs reprises de revenir sur l’exonération de limitation de la déductibilité des intérêts. On remplace la déductibilité par un plafond calculé par rapport au bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissementearnings before interest, taxes, depreciation, and amortization (EBITDA), aux termes de la directive européenne du même nom. Lors des débats en séance publique, la semaine dernière, le ministre a été très clair sur l’amendement que vous avez défendu créant une exonération de ce plafonnement au bénéfice des concessions. Il a indiqué que l’on étudierait, d’ici à l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances, la question spécifique des sociétés d’autoroutes. Il ne faut donc pas oublier cet engagement du ministre.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Effectivement, le ministre a pris un engagement très clair en séance. Il ne faut pas punir les autres types de concessions parce que l’on a « péché » sur les concessions autoroutières. Les collectivités qui ont des concessions ou autres n’ont pas à être les victimes collatérales d’une affaire qui n’est due qu’à la mauvaise gestion par les concessionnaires, comme on l’a déjà vu lors de la mission qui avait été conduite par notre ancien collègue Chanteguet et plusieurs autres députés sur l’éventuelle reprise de ces concessions qui avait eu lieu en 2015 et 2016.

À l’heure où je vous parle, je n’ai pas de solution à vous apporter sur ce point. Nous y reviendrons en nouvelle lecture, comme s’y est engagé le ministre. En tout cas, j’y veillerai personnellement.

Mme la rapporteure spéciale. Je veux rebondir sur les propos de Gilles Carrez. Lorsqu’il était rapporteur général, c’est lui qui avait fait diligenter, contre l’avis du Gouvernement, une étude ad hoc sur la valorisation des autoroutes, ce qui a permis a minima que les autoroutes soient vendues par l’État à un prix plus élevé que ce qui figurait dans le projet de loi de finances. Je tiens à l’en remercier, parce que s’il n’avait pas été là, personne ne l’aurait fait. À cela s’est ajoutée, en 2013, l’exception faite pour le champagne – après l’adoption d’un amendement de M. de Courson... – et les autoroutes.

Vous dites tous que cette privatisation sous forme de concession comportait des erreurs. C’est bien pour cela que si la privatisation des aéroports se fait sous forme de concession, il faudra s’assurer que la même erreur ne se reproduise pas. La question de l’exonération sur les charges financières se pose exactement dans les mêmes termes. Certes, le ministre a pris des engagements. Mais cela ne nous empêchera pas de rendre une petite visite à Bercy pour voir le cahier des charges, comme nous y autorise l’article 57 de la LOLF.

M. Gilles Carrez. Monsieur Giraud, vous dites que l’État n’a pas su négocier lors de la privatisation en 2006. Je vous donnerai un exemple absolument inouï. L’essentiel des ressources apportées par les entreprises qui ont acheté les autoroutes à l’État a été financé par emprunt. Elles se sont donc énormément endettées. En 2006, les taux d’intérêt étaient de 5 % environ. Dans les contrats de concession des autoroutes, l’État n’a même pas négocié une clause de retour à meilleure fortune, ce qui fait que lorsque toutes les entreprises ont renégocié leurs emprunts à la baisse, à 2 % ou 3 %, cela ne s’est pas traduit par une diminution des tarifs. Au contraire, lorsque le Gouvernement a eu besoin de lancer des programmes supplémentaires – 2 ou 3 milliards d’euros avaient été négociés avec Bruxelles –, il a été obligé, compte tenu des contrats de concession, de prolonger les concessions alors qu’il y avait une rentabilité qu’ont démontrée la Cour des comptes puis l’Autorité de la concurrence. S’il y a bien un sujet sur lequel notre commission des finances doit être extrêmement vigilante, parce qu’il y a des groupes de pression très solides et très efficaces, c’est bien celui-là. Il faut que notre commission soit un contre-pouvoir.

M. Nicolas Forissier. Comme l’a dit le rapporteur général, il est nécessaire de faire preuve d’une très grande vigilance.

En 2006, le directeur de cabinet du Premier ministre était l’actuel ministre de l’économie et des finances. Il pourrait donc être intéressant de l’auditionner sur ce sujet précis pour connaître son appréciation de l’évolution des choses.

J’ai le sentiment qu’il y a énormément de suspicion, même parmi mes amis, sur la question des autoroutes, et qu’on se dit qu’il y a là une manne qui nous a échappé et qu’il faut essayer de récupérer.

Mme la rapporteure spéciale. Non !

M. Nicolas Forissier. C’est ce que je ressens. Et c’est ce qu’on entend aussi dans le débat public.

Je le répète, je ne suis pas persuadé que l’État doive reprendre les sociétés d’autoroutes et de construire des autoroutes. Monsieur Coquerel, je lis dans l’exposé sommaire de votre amendement que la privatisation ne s’est pas traduite par une amélioration des équipements et des investissements. Vous ne prenez donc jamais les autoroutes ! Pour ma part, je la prends toutes les semaines depuis trente ans et je peux vous dire que j’ai vu la différence. Quand on compare nos autoroutes aux réseaux d’autres pays, on peut dire que nous avons un bon niveau.

Notre commission ne pourrait-elle pas auditionner les responsables des sociétés d’autoroutes pour leur demander de rendre des comptes sur le contenu de leur mission, afin que l’on ait une vision complète et transparente ?

M. le président Éric Woerth. Il faut tenter de purger autant que possible cette affaire, dix ou douze ans après. Nous examinerons cette question avec Gilles Carrez, et nous prendrons des initiatives dès la fin de la période budgétaire.

M. Charles de Courson. Cela étonnera M. Coquerel si je lui dis que je partage largement ses propos. Pour ma part, j’ai combattu cette affaire, non par idéologie mais parce que le remboursement des dettes commençait à s’effondrer, qu’il y avait un cash-flow très important et que celui-ci servait à moderniser nos routes nationales. J’ai même voté la motion de censure avec François Bayrou, sous les applaudissements d’ailleurs d’un certain Nicolas Sarkozy – je raconte cela parce que c’est tout de même pittoresque. Un certain Bruno Le Maire était directeur de cabinet. Je signale au passage que les autoroutes n’ont pas été privatisées à proprement parler, mais concédées et que les concessions s’achèveront en 2023 ou 2024.

M. le rapporteur général. En 2032 ou 2033 !

M. Charles de Courson. Parce qu’on les a prolongées de dix ans en contrepartie d’investissements. Comme l’État n’a pas un sou, il a exigé qu’elles fassent des investissements sur des sections qui n’avaient aucun intérêt économique.

Il faudrait vérifier que la privatisation d’ADP ne comporte pas de clause d’iso-fiscalité.

M. le président Éric Woerth. C’est ce qui a bien été dit lors du débat. De toute façon, il semble que nous serons un certain nombre à le vérifier.

M. Charles de Courson. Si tous nos collègues en étaient d’accord, nous pourrions déposer un amendement visant à éviter que par l’effet des clauses d’iso-fiscalité les augmentations de fiscalité puissent être répercutées sur les clients.

M. Éric Coquerel. Je remercie M. de Courson pour son soutien. Je signale que les concessions ont été prolongées en 2015 et qu’il a fallu l’intervention d’un élu de Grenoble pour que l’État soit obligé de lever le secret sur les contrats, très certainement parce que leur contenu défavorisait tellement l’État que personne ne s’en était vanté.

Madame Rabault, vous êtes défavorable à cet amendement au motif que les sommes ne seraient pas suffisantes. Or vous savez très bien qu’on ne peut pas faire davantage qu’un transfert, du fait des règles budgétaires, ce que nous regrettons.

Je rappelle que l’année dernière nous avons voté à l’unanimité la création d’une mission d’information. J’espère donc que cette mission verra bientôt le jour.

La commission rejette l’amendement.

Contre l’avis de la rapporteure spéciale, la commission adopte les crédits du compte spécial Participations financières de l’État, non modifiés.


Après l’article 77

La commission examine l’amendement II-CF289 de M. Éric Coquerel.

Mme la rapporteure spéciale. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

La commission rejette l’amendement.

Contre l’avis de la rapporteure spéciale, la commission adopte successivement les crédits des compte spéciaux Participation de la France au désendettement de la Grèce et Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics, non modifiés.

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*     *

 

 


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   Annexe 1 : ENTITÉS RELEVANT DU PÉRIMÈTRE DE L'AGENCE DES PARTICIPATIONS DE L'ÉTAT

Ainsi que leurs filiales et participations :

– Aéroport de Bâle-Mulhouse.

– Aéroport de Bordeaux-Mérignac

– Aéroport de La Réunion-Roland Garros

– Aéroport Marseille-Provence

– Aéroport de Montpellier-Méditerranée

– Aéroports de Paris (ADP).

– Aéroport de Strasbourg-Entzheim

– Aéroport Toulouse-Blagnac

– Airbus Defence and Space Holding France SAS

– Airbus DS Geo

– Air France-KLM

– AREVA

– Arianegroup SAS

– Arte France

– Bpifrance SA

– EPIC Bpifrance

– Caisse nationale des autoroutes.

– Casino d'Aix-les-Bains

– Charbonnages de France (CDF).

– Civi.pol conseil

– CNP-Assurances

– Compagnie générale maritime et financière (CGMF)

– Consortium de réalisation (CDR)

– Dassault Aviation

– Naval Group

– Défense conseil international (DCI)

– Dexia

– Électricité de France (EDF)

– Eramet

– Airbus group SE

– Expertises Immobilières & Associés (EIA)

– Fonds pour le développement d'une politique intermodale des transports dans le massif alpin (FDPITMA)

– France Médias Monde

– France Télévisions

– FSI Equation

– ENGIE

– GEAST

– GIAT Industries

– Grand port maritime de Bordeaux

– Grand port maritime de Dunkerque

– Grand port maritime de la Guadeloupe

– Grand port maritime de la Guyane

– Grand port maritime de la Martinique

– Grand port maritime de la Réunion

– Grand port maritime de La Rochelle

– Grand port maritime de Marseille

– Grand port maritime de Rouen

– Grand port maritime du Havre

– Grand port maritime de Nantes Saint-Nazaire

– Holding SP

– Imprimerie nationale

– KNDS NV

– Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies (LFB)

– La Française des jeux

– La Monnaie de Paris

– La Poste

– New Areva holding

– Nexter Systems

– Nouvelle Société de Réalisation de Défaisance (NSRD)

– ODAS

– Orange

– Port autonome de Paris

– Radio France

– Régie autonome des transports parisiens (RATP)

– Renault SA

– SNCF Réseau

– Safran.

– Safran Ceramics

– SEMMARIS

– Société aéroportuaire Guadeloupe pôle Caraïbes

– Société Aéroport Martinique-Aimé Césaire

– Société concessionnaire française pour la construction et l'exploitation du tunnel routier sous le Mont-Blanc (ATMB-Autoroutes et tunnel du Mont-Blanc)

– Société de financement local (SFIL)

– Société de gestion de garanties et de participations (SGGP)

– SOGEPA

– Société des autoroutes Rhône-Alpes (AREA)

– Société des chemins de fer luxembourgeois

– Société française d'exportation de systèmes avancés (SOFRESA)

– Société française du tunnel routier du Fréjus (SFTRF)

– Société internationale de la Moselle

– SNCF Mobilités

– SNCF

– SNPE

– Société nationale maritime Corse Méditerranée (SNCM)

– Société pour le logement intermédiaire

– Société de prise de participation de l'État (SPPE)

– Société de valorisation foncière et immobilière (SOVAFIM).

– Sofema

– Solinter holding

– STX France

– Technicatome

– Thales

– TSA

 


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   Annexe 2 : rapport au Parlement sur la politique de dividende de l’État actionnaire et sur l’opportunité de faire évoluer le statut juridique de l’APE

Cette annexe peut être consultée au format PDF : http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/budget/plf2019/b1302-tIII-a44.pdf.

 

 

 


([1])  Cour des comptes, L’État actionnaire, 25 janvier 2017 (lien).

([2])  Article 178 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

([3])  La comptabilité budgétaire est destinée à enregistrer et suivre l’exécution des opérations du budget de l’État. La tenue d’une comptabilité budgétaire est prévue par l’article 27 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). Il s’agit d’une comptabilité de trésorerie. L’article 28 de la LOLF précise ainsi que « les recettes sont prises en compte au titre du budget de l’année au cours de laquelle elles sont encaissées » et que « les dépenses sont prises en compte au titre du budget de l’année au cours de laquelle elles sont payées ». La LOLF prévoit une nomenclature des comptes du budget de l’État (budget général, budgets annexes et comptes spéciaux), une nomenclature par destination (mission, programme, action, sous-action) et une nomenclature par nature (titres, catégories).

([4])  La comptabilité nationale s’inscrit dans un champ d’analyse sensiblement plus vaste. Elle s’appréhende comme une représentation quantifiée du fonctionnement et des résultats d’une économie nationale. Il s’agit d’une comptabilité d’engagements établie selon les règles du système européen de comptes nationaux et régionaux (SEC 2010) résultant du règlement (UE) n° 549/2013 du 21 mai 2013 relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans l’Union européenne. Les agrégats relatifs aux administrations publiques, et notamment celui relatif à leur besoin de financement (déficit), jouent un rôle essentiel dans le cadre de la surveillance des finances publiques au niveau européen.

([5])  Cour des comptes, L’État actionnaire, 25 janvier 2017 (lien).