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N° 1302

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 octobre 2018

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2019
(n° 1255),

TOME III

examen de la seconde partie
du projet de loi de finances

moyens des politiques publiques
et dispositions spéciales

 

Par M. Joël GIRAUD

Rapporteur général,

Député

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SOMMAIRE

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 Pages

EXAMEN DES ARTICLES

SECONDE PARTIE : MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

TITRE PREMIER AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2019  CRÉDITS ET DÉCOUVERTS

I.  Crédits des missions

Article 39 Crédits du budget général

Article 40 Crédits des budgets annexes

Article 41 Crédits des comptes daffectation spéciale et des comptes de concours financiers

II.  Autorisation de découvert

Article 42 Autorisations de découvert

TITRE II AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2019  PLAFONDS DES AUTORISATIONS DEMPLOIS

Article 43 Plafonds des autorisations demplois de lÉtat

Article 44 Plafonds des emplois des opérateurs de lÉtat

Article 45 Plafonds des emplois des établissements à autonomie financière

Article 46 Plafonds des emplois de diverses autorités publiques

TITRE III REPORTS DE CRÉDITS DE 2018 SUR 2019

Article 47 Majoration des plafonds de reports de crédits de paiement

TITRE IV DISPOSITIONS PERMANENTES

I.  Mesures fiscales et budgétaires non rattachées

Article 48 Insertion dune clause anti-abus générale en matière dIS

Après l’article 48

Article additionnel après l’article 48 Extension du champ d’application du dispositif de lutte contre l’abus de droit

Article 49 Assouplissement des conditions déligibilité au crédit dimpôt pour le rachat des entreprises par leurs salariés

Article 50 Élargissement du dispositif du crédit-vendeur

Article 51 Imposition des plus-values sur valeurs mobilières et droits sociaux en cas de transfert du domicile fiscal hors de France (« exit tax »)

Article additionnel après l’article 51 Application du prélèvement forfaitaire unique aux gains de cession de crypto-actifs

Article additionnel après l’article 51 Application de la réduction d’impôt sur le revenu « Madelin » au titre des souscriptions aux sociétés en participation

Article additionnel après l’article 51 Prorogation d’une année du taux transitoire renforcé de 25 % de la réduction d’impôt sur le revenu « Madelin »

Après l’article 51

Article 52 Suppression de l’exonération de taxe sur les conventions d’assurances (TSCA) sur la garantie décès des contrats d’assurance emprunteur

Article additionnel après l’article 52 Pérennisation de la réduction de tarif de la taxe sur les conventions d’assurances (TSCA) applicable à Mayotte

Article 53 Plafonnement de labattement sur les bénéfices en faveur des jeunes agriculteurs

Après l’article 53

Article additionnel après l’article 53 Maintien de l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties pour les bâtiments agricoles abritant une activité accessoire

Après l’article 53

Article 54 Transposition de la directive visant à éliminer les doubles impositions entre États membres

Article 55 Prorogation des aides fiscales à léconomie ultra-marine, assortie de mesures anti-abus

Après l’article 55

Article additionnel après l’article 55 Extension des dispositifs d’aide fiscale à l’investissement en faveur  du logement social outre-mer à certaines dépenses de rénovation  et de réhabilitation

Après l’article 55

Article additionnel après l’article 55 Mesures de coordination pour assurer l’application uniforme des obligations d’information et des sanctions associées à tous les dispositifs d’aide fiscale à l’investissement outre-mer

Après l’article 55

Article additionnel après l’article 55 Extension de la réduction d’impôt pour l’achat de flottes de vélos mises à disposition des salariés aux locations de longue durée de telles flottes

Après l’article 55

Article additionnel après l’article 55 Obligations déclaratives des structures bénéficiaires de la réduction d’impôt sur les sociétés au titre du mécénat

Après l’article 55

Article additionnel après l’article 55 Extension de la documentation complémentaire relative au crédit d’impôt recherche aux entreprises réalisant 1 million d’euros de dépenses de recherche

Après l’article 55

Article additionnel après l’article 55  Hausse des quotas de logements sociaux financés par des prêts locatifs sociaux (PLS) et ouverture encadrée du crédit d’impôt en faveur du logement social outre-mer aux acteurs privés

Article additionnel après l’article 55 Hausse de la quote-part de l’avantage fiscal octroyée au moment de l’achèvement des fondations des biens immobiliers dans le cadre du crédit d’impôt en faveur de l’investissement outre-mer

Après l’article 55

Article 56 Aménagement des règles dévaluation de la valeur locative des locaux industriels

Après l’article 56

Article additionnel après l’article 56 Aménagements des règles de collecte et de reversement de la taxe de séjour

Après l’article 56

Article additionnel après l’article 56 Création d’une taxe additionnelle régionale à la taxe de séjour dans la région d’Île-de-France

Article additionnel après l’article 56 Modernisation de la taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement perçue dans la région d’Île-de-France

Après l’article 56

Article additionnel après l’article 56 Modification des règles de répartition du produit du prélèvement sur les sommes engagées sur les paris hippiques entre les communes et leur établissement

Après l’article 56

Article additionnel après l’article 56 Modification des règles de répartition de l’imposition forfaitaire des entreprises de réseaux relative aux éoliennes terrestres

Après l’article 56

Article additionnel après l’article 56 Exonération de taxes foncières pour les immeubles des ports maritimes autonomes transférés aux grands ports maritimes (GPM)

Après l’article 56

Article additionnel après l’article 56 Exonération facultative de taxes foncières et de cotisation foncière sur les entreprises pour les installations et sociétés de méthanisation industrielle

Après l’article 56

Article additionnel après l’article 56 Limitation facultative de l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties pour les logements neufs issus d’opérations de démolition et de reconstitution

Après l’article 56

Article additionnel après l’article 56 Limitation de la surtaxe sur la taxe d’habitation sur les résidences secondaires dans les zones géographiques tendues

Après l’article 56

Article additionnel après l’article 56 Exonération d’imposition forfaitaire des entreprises de réseaux sur les stations radioélectriques installées dans le cadre du dispositif de couverture ciblée

Après l’article 56

Article additionnel après l’article 56 Révision du tarif de l’imposition forfaitaire des entreprises de réseaux sur les lignes des réseaux de communications électroniques cuivre, câble ou fibre optique

Après l’article 56

Article 57 Prorogation dun an du crédit dimpôt en faveur de la transition énergétique (CITE)

Après l’article 57

Article 58 Prorogation pour trois ans et ajustements du crédit dimpôt « éco-prêt à taux zéro » (éco-PTZ)

Après l’article 58

Article additionnel après l’article 58 Prorogation du dispositif de prêt à taux zéro dans les zones détenues pour les logements faisant l’objet d’un dispositif de prêt social location-accession dans les zones B2 et C

Après l’article 58

Article additionnel après l’article 58 Extinction progressive de la réduction d’impôt dite « Censi-Bouvard » en faveur de certains investissements locatifs

Après l’article 58

Article additionnel après l’article 58 Resserrement des conditions de location d’un bien immobilier ouvrant droit à la réduction d’impôt en faveur de l’investissement locatif intermédiaire dite « Pinel »

Après l’article 58

Article additionnel après l’article 58 Rehaussement du seuil de revenus audelà duquel le taux de prélèvement à la source n’est plus égal à zéro

Après l’article 58

Article 59 Réduction à 5,5 % du taux de TVA sur certaines prestations de gestion des déchets

Après l’article 59

Article 60 Renforcement du supplément de TGAP relatif aux biocarburants

Après l’article 60

Article additionnel après l’article 60 Suppression de la redevance pour obstacles sur les cours d’eau

Après l’article 60

Article 61 Obligation de télé-déclaration de la taxe sur les salaires

Après l’article 61

Article 62 Transfert à la direction générale des finances publiques (DGFiP)  du recouvrement des taxes sur les boissons non alcooliques

Article additionnel après l’article 62 Plafonnement à 5 % de la trajectoire d’augmentation de la taxe sur les entrées en salle de cinéma en outre-mer

Article 63 Encaissement des recettes fiscales par un organisme autre que le comptable public

Après l’article 63

Article additionnel après l’article 63 Neutralité en matière de charge de la preuve de l’avis du comité de l’abus de droit fiscal

Après l’article 63

Article additionnel après l’article 63 Remise d’un rapport au Parlement sur la fiscalité écologique et les instruments fiscaux incitant à la prévention des atteintes portées à l’environnement

Après l’article 63

Article additionnel après l’article 63 Rapport annuel d’activité de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR)

Article 64 Rationalisation et simplification de la fiscalité du tabac

Après l’article 64

Article 65 Augmentation maîtrisée des prestations sociales

Article 66 Garantie de la redevance due à la société Rugby World Cup Limited dans le cadre de lorganisation en 2023, en France, de la coupe du monde de rugby

Article 67 Garantie de lemprunt de lUNESCO pour la rénovation dun bâtiment

Article 68 Garantie par lÉtat des emprunts de lUnédic émis en 2019

Article 69 Prorogation de la garantie de lÉtat au titre des prêts à taux zéro pour la création et la reprise dentreprises

Article 70 Extension de la garantie de refinancement aux crédits couverts par la garantie des projets stratégiques

Article 71 Garantie de lÉtat au titre de prêts de lAgence française de développement (AFD) à lAssociation internationale de développement (AID) et au Fonds international de développement agricole (FIDA)

II.  Autres mesures

Administration générale et territoriale de lÉtat

Article additionnel avant larticle 72 Rapport au Parlement dressant le bilan de la mise en œuvre du plan « Préfectures nouvelle génération »

Avant larticle 72

Aide publique au développement

Article 72 Souscription à laugmentation de capital de la Banque mondiale

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

Article 73 Revalorisation de lallocation de reconnaissance et de lallocation viagère des conjoints survivants danciens membres des formations supplétives

Cohésion des territoires

Article 74 Augmentation de la contribution de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) à lAgence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU)

Après larticle 74

Article additionnel après larticle 74 Rapport du Gouvernement au Parlement évaluant limpact du dispositif  de la réduction de loyer de solidarité

Culture

Après larticle 74

Défense

Après larticle 74

Écologie, développement et mobilité durables

Article 75 Pérennisation du financement du plan Écophyto et fixation des modalités de contribution des agences de leau à lAgence française pour la biodiversité (AFB) et à lOffice national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS)

Article 76 Évolution du régime de la redevance pour pollutions diffuses

Après larticle 76

Engagements financiers de lÉtat

Article 77 Participation française à laugmentation de capital sujet à appel, de la Banque européenne dinvestissement (BEI)

Gestion des finances publiques

Après larticle 77

Immigration, asile et intégration

Article additionnel après larticle 77 Clarification des compétences de lOffice français de limmigration  et de lintégration relatives aux contributions sanctionnant lemploi détrangers en situation irrégulière et conséquences tirées de certains contentieux

Outre-mer

Après larticle 77

Pouvoirs publics

Après larticle 77

Recherche et enseignement supérieur

Article 78 Renforcement de la mobilité étudiante

Article additionnel après larticle 78 Rapport du Gouvernement au Parlement sur lapplication de la réserve de précaution aux crédits des programmes 150 et 172 de la mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur

Article additionnel après larticle 78 Annexe générale au projet de loi de finances de lannée précisant lensemble des dotations budgétaires affectées à la politique de sécurité et de sûreté nucléaires

Article additionnel après larticle 78 Rapport du Gouvernement au Parlement sur la gestion des déchets radioactifs de long terme

Relations avec les collectivités territoriales

Article 79 Répartition de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et dautres dotations de fonctionnement

Article additionnel après l’article 79 Création d’une dotation additionnelle à la dotation forfaitaire des communes au bénéfice de communes dont le territoire terrestre est couvert par un site Natura 2000

Article additionnel après l’article 79 Information des collectivités territoriales sur les variations d’attributions de dotation globale de fonctionnement

Article additionnel après l’article 79 Garantie de sortie de la dotation de solidarité rurale « cible »

Après larticle 79

Article additionnel après l’article 79 Maintien du reversement de la dotation d’intercommunalité dans la dotation d’équilibre des établissements publics territoriaux de la métropole du Grand Paris pour l’année 2019

Article additionnel après l’article 79 Suppression de la dotation de soutien à l’investissement territorial versée par la métropole du Grand Paris aux établissements publics territoriaux ou aux communes

Après larticle 79

Article 80 Décalage de la date dentrée en vigueur de lautomatisation du FCTVA

Article 81 Soutien à linvestissement local

Après larticle 81

Santé

Après larticle 81

Solidarité, insertion et égalité des chances

Article 82 Création dune nouvelle bonification de la prime dactivité

Article 83 Simplification des compléments à lallocation aux adultes handicapés (AAH)

Après larticle 83

Sport, jeunesse et vie associative

Après larticle 83

Travail et emploi

Article 84 Modification du dispositif dallocation dactivité partielle relative au délai de réclamation et au régime de recouvrement

CAS Aides à lacquisition de véhicules propres

Après larticle 84

CAS Gestion du patrimoine immobilier de lÉtat

Article additionnel après larticle 84 Critères de calcul de la décote applicable à la cession de biens du domaine privé de lÉtat

Article additionnel après larticle 84 Rapport du Gouvernement au Parlement évaluant la pertinence des différents outils et montages juridiques susceptibles de permettre à lÉtat dassurer la valorisation son patrimoine immobilier autrement que par la cession de ses biens

CAS Participations financières de lÉtat

Après larticle 84

CAS Services nationaux de transports conventionnés de voyageurs

Après larticle 84

CCF Avances à laudiovisuel public

Article additionnel après larticle 84 Rapport relatif aux conséquences de la réforme de la taxe dhabitation sur le recouvrement de la contribution à laudiovisuel public

Après larticle 84

CCF Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

Article 85 Autorisation dabandon de créances correspondant à des prêts du Fonds de développement économique et social (FDES)

ANNEXE :  LISTE DES RAPPORTS SPÉCIAUX ANNEXÉS AU RAPPORT GÉNÉRAL SUR LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2019


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   EXAMEN DES ARTICLES

   SECONDE PARTIE : MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

Lors de ses réunions du mercredi 7 novembre et du jeudi 8 novembre 2018, la commission a examiné les articles dits « de récapitulation » (articles 39 à 47), ainsi que les mesures fiscales et budgétaires non rattachées (articles 48 à 71) du présent projet de loi de finances.

TITRE PREMIER
AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2019  CRÉDITS ET DÉCOUVERTS

I. – Crédits des missions

Article 39
Crédits du budget général

Le présent article est un article de récapitulation, dont l’adoption tire les conséquences de l’examen des crédits des missions et programmes du budget général de l’État au cours de la discussion de la seconde partie du présent projet de loi de finances.

Les crédits du budget général sont présentés dans les annexes relatives à chaque mission budgétaire et figurent à l’état B annexé au présent projet de loi de finances.

Le montant des crédits bruts ouverts sur le budget général est fixé à 478,98 milliards deuros en autorisations dengagement (AE) et à 464,48 milliards deuros en crédits de paiement (CP), au lieu de 450,24 milliards d’euros en AE et 446,25 milliards d’euros en CP en loi de finances initiale pour 2018 ([1]).

Les crédits nets du budget général, c’est-à-dire déduction faite des remboursements et dégrèvements, s’élèvent à 343,29 milliards deuros en AE et 328,79 milliards deuros en CP, au lieu de 330,27 milliards d’euros en AE et 326,28 milliards d’euros en CP en loi de finances initiale pour 2018.

L’évolution des crédits du budget général est commentée en détail dans la fiche n° 10 du tome I du présent rapport général ([2]).

*

*     *

À l’occasion de l’examen des crédits des différentes missions, la commission a adopté douze amendements, constituant des propositions de modification de létat B, à hauteur de 126 millions deuros.

amendements de modification de l’État b adoptÉs par la commission

(en millions d’euros)

Numéro damendement

Auteurs

Mission

Impact budgétaire

Objet

II-CF431

Laurent Saint-Martin

Action et transformation publiques

50

Création d’un fonds pour l’accélération du financement des start-ups d’État

II-CF314

Jacques Savatier

Administration générale et territoriale de l’État

1

Financement de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) pour les projets de dématérialisation des procédures de recueil et de traitement des comptes de campagne.

II-CF491

Jean-Baptiste Moreau

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

1,4

Renforcement des effectifs de contrôle de FranceAgriMer

II-CF489

Jean-Baptiste Moreau et Dominique Potier

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

0,45

Expérimentation des fermes DEPHY, qui utilisent des produits alternatifs aux pesticides

II-CF877

Mohamed Laqhila

Cohésion des territoires

1

Financement du plan chlordécone

II-CF507

Éric Coquerel et le groupe de La France Insoumise

Écologie, développement et mobilité durables

18,91

Création d’un nouveau programme Économie sociale et solidaire

II-CF423

Joël Giraud

Économie

14

Maintien du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (FISAC)

II-CF488

Olivia Gregoire et Xavier Roseren

Économie

1

Financer l’activité de garantie des prêts aux entreprises de Bpifrance

II-CF402

Émilie Bonnivard, Virginie Duby-Muller et Martial Saddier

Économie

0,14

Subvention en faveur des associations Vacances & Familles et Vacances ouvertes

II-CF769

Éric Woerth, Émilie Bonnivard, Marie-Christine Dalloz, Patrick Hetzel, Valérie Lacroute, Marc Le Fur, Véronique Louowagie, François Parigi et Jean-Pierre Vigier

Recherche et enseignement supérieur

18

Financement de la recherche contre le cancer pédiatrique

II-CF645

Amélie de Montchalin, Fabrice Le Vigoureux et Jean-Luc Fugit

Recherche et enseignement supérieur

10

Financement de l’IFP Énergies nouvelles

II-CF648

Amélie de Montchalin, Fabrice Le Vigoureux et Jean-Luc Fugit

Recherche et enseignement supérieur

10

Rétablissement des crédits pour le programme dont l’amendement précédent a annulé les crédits

Total

125,9

 

Source : commission des finances.

Limpact des douze amendements adoptés est neutre en autorisations dengagement et en crédits de paiement sur le total des crédits bruts ouverts sur le budget général. Cela résulte de l’application du premier alinéa de l’article 47 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ([3]), qui définit les règles de recevabilité des amendements. Ceux-ci doivent de façon systématique compenser les ouvertures de crédits par une annulation de crédits à due concurrence sur d’autres programmes de la même mission.

*

*     *

La commission est saisie d’un amendement II-CF1342 de Mme Sabine Rubin.

M. Éric Coquerel. Nous présenterons une série d’amendements d’appel destinés à montrer notre désaccord avec le montant de certains crédits de ce budget d’austérité.

Nous pointons plusieurs baisses de crédits : 15 milliards d’euros en moins, soit 2 %, pour la mission Travail et emploi, qui devrait être une priorité pour notre pays ; 1,2 milliard, soit 8 %, en moins pour la mission Cohésion des territoires ; 10 % en moins pour les crédits de l’agriculture ; 0,3 % en moins pour le budget de l’éducation nationale malgré tous les beaux discours.

M. le Rapporteur général. Vous proposez de supprimer l’article 39, qui ouvre tous les crédits pour le budget général de l’État, puis les articles qui déclinent les crédits par mission et par compte spécial. Je donnerai un avis défavorable à l’ensemble de ces amendements qui font disparaître purement et simplement le budget de l’État.

M. le président Éric Woerth. C’est peut-être le but...

La commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis du Rapporteur général, la commission adopte l’article 39 et l’état B, modifiés compte tenu des votes précédemment intervenus lors de l’examen successif des différentes missions.

*

*     *

Article 40
Crédits des budgets annexes

Le présent article est un article de récapitulation, dont l’adoption tire les conséquences de l’examen des crédits des budgets annexes au cours de la discussion de la seconde partie du présent projet de loi de finances.

Les crédits correspondants sont présentés à l’état C annexé au présent projet de loi de finances.

Évolution des crÉdits des budgets annexes

(en millions d’euros)

Budget annexe

Loi de finances initiale pour 2018

Projet de loi de finances pour 2019

Autorisations dengagement

Crédits
de paiement

Autorisations dengagement

Crédits
de paiement

Contrôle et exploitation aériens

2 131 549 675

2 131 549 675

2 120 738 515

2 120 738 515

Publications officielles et information administrative

183 292 856

173 287 856

176 011 746

166 006 746

Total

2 314 842 531

2 304 837 531

2 296 750 261

2 286 745 261

Source : loi de finances initiale pour 2018 et présent projet de loi de finances.

Les crédits du budget annexe Contrôle et exploitation aériens sont en retrait de 0,5 % par rapport au niveau fixé en loi de finances initiale pour 2018.

Les crédits du budget annexe Publications officielles et information administrative sont en recul de 4 % en AE et de 4,2 % en CP par rapport au niveau fixé en loi de finances initiale pour 2018.

Au total, les crédits des budgets annexes sont en diminution de 0,8 % en AE et en CP.

*

*     *

La commission examine l’amendement II-CF1343 de Mme Sabine Rubin.

M. Éric Coquerel. Nous nous opposons à la baisse de dotation du budget annexe Publications officielles et information administrative. Nous ne voulons pas d’un Journal officiel low cost au risque d’affecter une mission régalienne de l’État.

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite l’article 40 et l’état C sans modification.

*

*     *

Article 41
Crédits des comptes daffectation spéciale
et des comptes de concours financiers

Le présent article est un article de récapitulation, dont l’adoption tire les conséquences de l’examen des crédits des comptes d’affectation spéciale (CAS) et des comptes de concours financiers (CCF) au cours de la discussion de la seconde partie du présent projet de loi de finances. Les crédits de ces comptes sont détaillés à l’état D annexé au présent projet de loi de finances.

Évolution des crÉdits des comptes spÉciaux

(en millions d’euros)

Comptes spéciaux

LFI 2018

PLF 2019

Écart LFI 2018/PLF 2019

AE

CP

AE

CP

CP

CAS Aide à lacquisition de véhicules propres

388,0

388,0

570,0

570,0

182,0

CAS Contrôle de la circulation et du stationnement routiers

1 337,2

1 337,2

1 296,7

1 296,7

– 40,5

CAS Développement agricole et rural

136,0

136,0

136,0

136,0

0

CAS Financement des aides aux collectivités pour lélectrification rurale

360,0

360,0

360,0

360,0

0

CAS Financement national du développement et de la modernisation de lapprentissage

1 632,7

1 632,7

1 709,7

1 709,7

77,0

CAS Gestion du patrimoine immobilier de lÉtat

524,6

581,7

391,3

483,0

-98,7

CAS Participation de la France au désendettement de la Grèce

148,0

167,3

118,0

125,7

– 41,6

CAS Participations financières de lÉtat

5 000,0

5 000,0

10 000,0

10 000,0

5 000,0

CAS Pensions

58 411,0

58 411,0

59 015,0

59 015,0

604,0

CAS Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs

383,2

383,2

359,2

359,2

– 24,0

CAS Transition énergétique

7 184,3

7 184,3

7 279,4

7 279,4

95,1

Sous-total CAS

75 505,1

75 581,4

81 235,3

81 334,7

5 753,3

CCF Accords monétaires internationaux

0

0

0

0

0

CCF Avances à divers services de lÉtat ou organismes gérant des services publics

16 578,5

16 578,5

11 343,5

11 343,5

– 5 235,0

CCF Avances à laudiovisuel public

3 894,6

3 894,6

3 859,6

3 859,6

– 35,0

CCF Avances aux collectivités territoriales

107 064,4

107 064,4

110 610,9

110 610,9

3 546,5

CCF Prêts à des États étrangers

1 613,5

1 654,6

1 245,4

1 114,3

– 540,3

CCF Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

1 900,3

200,3

50,1

325,1

124,8

Sous-total CCF

131 051,3

129 392,4

127 109,4

127 253,4

 2 139,0

Total

206 556,4

204 973,8

208 344,7

208 588,1

3 614,3

Source : loi de finances initiale pour 2018 et présent projet de loi de finances.

Les crédits des CAS sont en hausse de 5,8 milliards deuros par rapport au niveau adopté en loi de finances initiale pour 2018.

Cela résulte principalement des éléments suivants :

– une augmentation des crédits du CAS Participations financières de lÉtat, à hauteur de 5 milliards d’euros, au titre des opérations en capital menées par l’État (augmentations de capital, dotations en fonds propres, avances d’actionnaire et prêts assimilés) et notamment des opérations de privatisations envisagées et prévues dans le cadre du projet de loi relative au plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), concernant le groupe ADP et la Française des Jeux ;

– et une augmentation des crédits du CAS Pensions, à hauteur de 604 millions d’euros du fait de la dynamique propre de la dépense, corrélée notamment à l’augmentation des départs à la retraite.

Les crédits des CCF sont en baisse de 2,1 milliards deuros par rapport au niveau voté en loi de finances initiale pour 2018.

Cette diminution résulte principalement de deux mouvements contraires :

– une baisse sur le CCF Avances à divers services de lÉtat ou organismes gérant des services publics, pour 5,2 milliards d’euros, liée principalement au remboursement des avances octroyées au titre du préfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune. Cela résulte de la résorption progressive des retards de paiement induits par la mise en place des nouvelles dispositions de la politique agricole commune (PAC) 2014-2020 ;

– et une hausse sur le CCF Avances aux collectivités territoriales, pour 3,5 milliards d’euros, notamment au titre des avances sur le montant des impositions revenant aux régions, départements, communes, établissements et divers organismes.

En 2019, le solde des comptes spéciaux, qui regroupent également les comptes de commerce et les comptes d’opérations monétaires visés à l’état E annexé au présent projet de loi de finances, sétablirait à 0,6 milliard deuros, en progression de 2,4 milliards d’euros par rapport à la prévision révisée pour 2018.

Évolution du solde des principaux comptes spÉciaux

(en milliards d’euros)

Comptes spéciaux

Exécution 2017

LFI 2018

Prévisions exercice 2018

Écart LFI 2018/ Prévisions exercice 201

PLF 2019

CAS Participations financières de lÉtat

– 0,8

0,0

– 2,7

– 2,7

0,0

CAS Pensions

1,9

2,1

1,5

– 0,6

1,6

CAS Transition énergétique

– 0,3

0,0

0,4

0,4

0,0

CCF Avances aux collectivités territoriales

0,2

0,5

0,5

0,0

0,0

CCF Prêts à des États étrangers

– 0,1

– 1,3

– 0,2

1,1

– 0,7

CC Soutien financier au commerce extérieur

3,9

0,0

0,0

0,0

0,0

Autres comptes

0,7

– 0,3

– 0,4

– 0,1

– 0,2

Total

5,5

1,0

 0,8

 1,8

0,6

Source : présent projet de loi de finances.

Les comptes Participations financières de lÉtat, Transition énergétique, Avances aux collectivités territoriales et Soutien financier au commerce extérieur seraient à l’équilibre en 2018.

Le solde du compte Prêts à des États étrangers serait négatif du fait d’un niveau de dépenses établi à 1,1 milliard d’euros pour un niveau de recettes de 372 millions d’euros.

En 2018, le solde du compte Pensions serait de nouveau positif à 1,6 milliard d’euros, en raison de recettes supérieures aux dépenses. Le solde cumulé du compte s’élèverait à 6,8 milliards d’euros fin 2018, soit 8,4 milliards d’euros fin 2019.

*

*     *

À l’occasion de l’examen des crédits des différents comptes spéciaux, la commission a adopté un amendement déposé par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, visant à modifier le titre du programme 792 Contribution au financement de lattribution daides au retrait de véhicules polluants. La nouvelle dénomination serait Contribution au financement de lattribution daides au retrait de véhicules polluants en faveur dune mobilité plus propre ou active. Cela viserait à élargir les dispositifs d’aides au-delà de l’actuelle prime à la conversion. Ceux-ci prendraient la forme de contributions financières en faveur du remplacement de véhicules polluants par d’autres moyens de mobilité, tels que le vélo, le vélo à assistance électrique, ou encore la trottinette à assistance électrique ou non.

*

*     *

La commission examine l’amendement II-CF1344 de Mme Sabine Rubin.

M. Éric Coquerel. Nous sommes en désaccord avec le montant des crédits ouverts pour les comptes d’affectation spéciale et les comptes de concours financiers pour 2019. Nous notons des baisses de crédits de 2,5 % pour le compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public alors même que ce secteur aurait besoin de davantage de financements.

Le Gouvernement n’est pas en reste avec le compte d’affectation spéciale Contrôle de la circulation et du stationnement routiers, qui finance pourtant les collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières. Cela fait écho à d’autres débats que nous avons eus sur la faiblesse de l’offre de transports communs qui pénalisent des personnes en difficulté qui n’ont pas d’autres moyens de se déplacer.

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite l’article 41 et l’état D sans modification.

*

*     *

 


II. – Autorisation de découvert

Article 42
Autorisations de découvert

Le présent article autorise les découverts des comptes de commerce et des comptes d’opérations monétaires, qui sont détaillés à l’état E annexé au présent projet de loi de finances. Les justifications des autorisations de découvert demandées sont quant à elles présentées dans les annexes relatives à chacune de ces deux catégories de comptes.

Les comptes de commerce et les comptes d’opérations monétaires

Les comptes de commerce retracent des opérations de caractère industriel et commercial effectuées à titre accessoire par des services de l’État non dotés de la personnalité morale. Les évaluations de recettes et les prévisions de dépenses de ces comptes ont un caractère indicatif. Seul le découvert fixé pour chacun d’entre eux a un caractère limitatif (1).

Les comptes dopérations monétaires retracent les recettes et les dépenses de caractère monétaire. Pour cette catégorie de comptes, les évaluations de recettes et les prévisions de dépenses ont un caractère indicatif. Seul le découvert fixé pour chacun d’entre eux a un caractère limitatif (2).

(1) Article 22 de la loi organique  2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

(2) Article 23 de la LOLF.

Le présent article prévoit ainsi que les autorisations de découvert accordées pour 2019 s’élèvent :

– à 19 860 809 800 euros au titre des comptes de commerce ;

– et à 250 000 000 euros au titre des comptes d’opérations monétaires.

La loi de finances initiale pour 2018 avait fixé les autorisations de découvert aux niveaux suivants :

– 19 880 809 800 euros au titre des comptes de commerce ;

– et 250 000 000 euros au titre des comptes d’opérations monétaires.

Conformément à l’article 42 de la LOLF ([4]), les découverts sont votés par compte spécial. La décomposition des autorisations de découvert pour 2019 est ainsi prévue :

Découvert des comptes de commerce

(en millions d’euros)

Approvisionnement de l’État et des forces armées en produits pétroliers, biens et services complémentaires

125

Cantine et travail des détenus dans le cadre pénitentiaire

23

Couverture des risques financiers de l’État

506

Exploitations industrielles des ateliers aéronautiques de l’État

0

Gestion de la dette et de la trésorerie de l’État

19 200

Lancement de certains matériels de guerre et matériels assimilés

0

Opérations commerciales des domaines

0

Régie industrielle des établissements pénitentiaires

0,6

Renouvellement des concessions hydrauliques

6,2

Soutien financier au commerce extérieur

0

Total

19 860,8

découverts des comptes d’opérations monétaires

(en millions d’euros)

Émission des monnaies métalliques

0

Opérations avec le Fonds monétaire international

0

Pertes et bénéfices de change

250

Total

250

*

*     *

La commission examine l’amendement II-CF1345 de Mme Sabine Rubin.

M. Éric Coquerel. Il s’agit là encore d’un amendement d’appel qui a pour but de s’opposer à la baisse des autorisations de découvert accordées aux ministres au titre des comptes de commerce et des opérations monétaires.

Vous figez ces autorisations de découvert au lieu de faire confiance aux gestionnaires publics.

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite l’article 42 et l’état E sans modification.

*

*     *

 


—  1  —

TITRE II
AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2019  PLAFONDS DES AUTORISATIONS DEMPLOIS

Article 43
Plafonds des autorisations demplois de lÉtat

Le présent article fixe les plafonds des autorisations d’emplois par ministère et par budget annexe.

En application du 6° du I de l’article 34 de la LOLF ([5]), la première partie de loi de finances de l’année fixe le plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État.

Ce plafond est fixé pour 2019, à l’article d’équilibre du présent projet de loi de finances (article 38), à 1 964 659 équivalents temps plein travaillé (ETPT), au lieu de 1 960 333 ETPT en loi de finances initiale pour 2018.

En application du 2° du même article, la seconde partie de la loi de finances détermine la répartition de ces plafonds par ministère et par budget annexe. Le présent article présente cette répartition. En application de l’article 43 de la LOLF, ces plafonds donnent lieu à un vote unique.

L’évolution des plafonds des autorisations d’emplois par ministère par rapport à la loi de finances initiale pour 2018 est la suivante.

Évolution des plafonds des autorisations d’emplois par ministère

(en équivalents temps plein travaillé – ETPT)

Ministère

Plafond des autorisations demplois prévu

LFI 2018

Plafond des autorisations demplois prévu

PLF 2019

Écart

Action et comptes publics

126 536

124 973

– 1 563

Agriculture et alimentation

30 362

30 097

– 265

Armées

274 580

274 595

15

Cohésion des territoires

573

564

– 9

Culture

11 148

11 089

– 59

Économie et finances

13 137

12 801

– 336

Éducation nationale

1 021 721

1 027 527

5 806

Enseignement supérieur, recherche et innovation

8 016

7 960

– 56

Europe et affaires étrangères

13 530

13 669

139

Intérieur

287 325

287 771

446

Justice

84 969

86 629

1 660

Outre-mer

5 525

5 548

23

Services du Premier ministre

11 536

11 701

165

Solidarités et santé

9 938

9 524

– 414

Transition écologique et solidaire

40 805

39 850

– 955

Travail

9 251

9 012

– 239

Total Budget général

1 948 952

1 953 310

4 358

Contrôle et exploitations aériens

10 677

10 686

9

Publications officielles et information administrative

704

663

– 41

Total Budgets annexes

11 381

11 349

 32

Total général

1 960 333

1 964 659

4 326

Source : loi de finances pour 2018 et présent projet de loi de finances.

Au niveau global, le plafond des autorisations d’emplois pour le budget général s’élève à 1 953 310 ETPT, soit une augmentation de 4 358 ETPT par rapport au niveau fixé en loi de finances initiale pour 2018.

Le plafond des autorisations d’emplois pour les budgets annexes s’élève à 11 349 ETPT, soit un niveau en baisse de 32 ETPT par rapport à la loi de finances initiale pour 2018.

Au total, le plafond des autorisations d’emplois de l’État (budget général et budgets annexes) s’élève à 1 964 659 ETPT, en augmentation de 4 326 ETPT par rapport à la loi de finances initiale pour 2018.

Cela résulte principalement à des mesures de transfert et de périmètre, représentant une augmentation de 6 310 ETPT. Celles-ci correspondent essentiellement à la poursuite du plan de transformation des contrats aidés du ministère de l’éducation nationale en contrats pérennes d’accompagnement d’élèves en situation de handicap (AESH), à hauteur de 6 400 ETPT.

Le Rapporteur général salue la présentation, à périmètre constant, de l’évolution du schéma d’emplois de l’État (budget général et budget annexes) par rapport à la loi de finances initiale pour 2018, qu’il avait réclamé de ses vœux l’an dernier. Celle-ci permet d’identifier les mouvements de créations et de suppressions de postes au sein des différents ministères. Les ministères dont le schéma d’emplois est le plus négatif sont les suivants :

– action et comptes publics (– 1 947 équivalents temps plein, ETP) ;

– éducation nationale (– 1 800 ETP) ;

– et transition écologique et solidaire (– 811 ETP).

À l’inverse, les ministères suivants bénéficient d’un schéma d’emplois significativement positif :

– intérieur (+ 2 153 ETP) ;

– justice (+ 1 300 ETP) ;

– et armées (+ 466 ETP).

*

*     *

La commission est saisie de l’amendement II-CF1346 de Mme Sabine Rubin.

M. Éric Coquerel. Nous nous opposons au niveau des plafonds des autorisations d’emplois de l’État pour 2019. Le Gouvernement prévoit de très nombreuses suppressions de postes dans la fonction publique pour 2019 : avec les créations de postes au ministère de l’intérieur, au ministre des armées et au ministère de la justice, on en arrive à un solde net de 4 200 suppressions. Citons, entre autres, 2 321 postes supprimés au ministère des comptes publics, 1 800 postes supprimés au ministère de l’éducation, 1 078 postes supprimés au ministère de la transition écologique et solidaire... Vous poursuivez ainsi le démantèlement de notre administration et donc de l’État.

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite l’article 43 sans modification.

*

*     *

Article 44
Plafonds des emplois des opérateurs de lÉtat

Le présent article fixe le plafond des autorisations d’emplois des opérateurs de l’État à 401 468 équivalents temps plein travaillé (ETPT) pour 2019 au lieu de 404 472 ETPT en loi de finances initiale pour 2018, soit une baisse 3 004 emplois.

plafond d’emplois des opérateurs de l’état

(en ETPT)

Missions (opérateurs de lÉtat)

Plafond des autorisations demplois
LFI 2018

Plafond des autorisations demplois

PLF 2019

Écart

Action extérieure de l’État

6 765

6 530

– 235

Administration générale et territoriale de l’État

443

358

– 85

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

14 340

14 003

– 337

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

1 327

1 317

– 10

Cohésion des territoires

379

281

– 98

Culture

14 361

14 106

– 255

Défense

6 603

6 564

– 39

Direction de l’action du Gouvernement

597

597

0

Écologie, développement et mobilité durables

19 791

19 578

– 213

Économie

2 591

2 563

– 28

Enseignement scolaire

3 359

3 276

– 83

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

1 328

1 195

– 133

Immigration, asile et intégration

1 879

1 984

105

Justice

580

617

37

Médias, livre et industries culturelles

3 023

3 004

– 19

Outre-mer

127

127

0

Recherche et enseignement supérieur

259 376

259 387

11

Régimes sociaux et de retraite

319

307

– 12

Santé

1 658

1 624

– 34

Sécurités

267

279

12

Solidarité, insertion et égalité des chances

8 368

8 198

– 170

Sport, jeunesse et vie associative

580

657

77

Travail et emploi

55 558

54 063

– 1 495

Contrôle et exploitation aériens

812

812

0

Contrôle de la circulation et du stationnement routiers

41

41

0

Total

404 472

401 468

 3 004

Source : loi de finances initiale pour 2018 et présent projet de loi de finances.

La baisse résulte marginalement de l’effet en année pleine du schéma d’emplois négatif de 2018, qui diminue le plafond d’emplois des opérateurs de l’État à hauteur de 178 ETPT. Elle résulte essentiellement du schéma d’emplois négatif de l’année 2019 à hauteur de 2 593 ETP, ayant un impact à la baisse de 1 416 ETPT sur le plafond d’emplois.

Les schémas d’emplois négatifs portent principalement sur les opérateurs relevant des ministères suivants :

– du travail (– 1 385 ETP), avec un impact sur le plafond d’emplois de l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (– 1 081 ETPT) et de Pôle emploi (– 400 ETPT) ;

– de l’action et des comptes publics (– 336 ETP), avec un impact sur le plafond d’emplois des Instituts régionaux d’administration (– 109 ETPT) ;

– de la transition écologique et solidaire (– 267 ETP), avec un impact sur le plafond d’emplois de Voies navigables de France (– 109 ETPT), de Météo France (– 94 ETPT) et du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (– 101 ETPT) ;

– des solidarités et de la santé (– 252 ETP), avec un impact sur le plafond d’emplois des Agences régionales de santé (– 170 ETPT) ;

– de l’Europe et des affaires étrangères (– 166 ETP), avec un impact sur le plafond d’emplois de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger
(– 235 ETPT) ;

– et de l’agriculture et de l’alimentation (– 137 ETP), avec un impact sur le plafond d’emplois de l’Office national des forêts (– 226 ETPT).

Parallèlement, le ministère de l’intérieur bénéficie d’un schéma d’emplois positif, à hauteur de 125 ETP. Enfin, les mesures de périmètre, de transfert, de corrections et abattements techniques ont un impact négatif sur le plafond d’emplois des opérateurs de l’État, à hauteur de 1 410 ETPT.

*

*     *

La commission examine l’amendement II-CF1347 de Mme Sabine Rubin.

M. Éric Coquerel. Les opérateurs de l’État vont souffrir de ce budget 2019 puisque le Gouvernement prévoit de supprimer 3 004 emplois au sein d’institutions comme le Centre national de la recherche scientifique, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, Météo France ou Pôle emploi. Cet affaiblissement de nos capacités est une atteinte portée à l’intérêt général.

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement II-CF970 de Mme Barbara Pompili.

Mme Barbara Pompili. Je défends, avec cet amendement, la possibilité de redonner un peu de souffle aux agences de l’eau et aux parcs nationaux, qui voient leurs effectifs baisser assez régulièrement, malgré un très fort besoin de personnel sur le terrain. C’est d’autant plus dommageable que les agences de l’eau ont vu leurs compétences étendues à la gestion de la biodiversité par la loi sur la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Ces emplois sont absolument essentiels, dans la mesure où ils font le lien avec les territoires, les collectivités, et permettent aux agences de l’eau de s’affirmer comme les partenaires de la mise en place des politiques liées à cette précieuse ressource.

Afin de pouvoir récupérer un peu d’ETPT, je suis allée chercher là où les effectifs avaient augmenté : essentiellement la Société du Grand Paris (SGP), et la Société du Canal Seine-Nord Europe (SCSNE).

Les effectifs de la SGP connaîtront un quasi-doublement et devraient atteindre à peu près à 430 ETPT. Dans ces conditions, 15 ETPT représentent moins de 3,5 % de ses effectifs. Il serait donc possible de prélever ces 15 ETPT sans grever pour autant l’activité du Grand Paris, qui est évidemment essentielle. Pour ce qui est du canal Seine-Nord, les effectifs de la SCSNE pourraient quant à eux tripler, alors que pour l’année 2019, la mission essentielle de la société se limitera à faire des acquisitions foncières et à commander des études. Dans ces conditions, un doublement des effectifs devrait suffire.

L’objectif est de desserrer l’étau sur les parcs nationaux et les agences de l’eau, sans pour autant pénaliser ces établissements.

M. le Rapporteur général. En tant que cosignataire, je suis favorable à cet amendement. Et je remercie par avance de sa générosité Gilles Carrez, qui a récupéré beaucoup d’argent hier pour la SGP...

M. le président Éric Woerth. Avant de céder la parole aux uns et aux autres, je voudrais dire à Mme Pompili qu’on ne peut ainsi pas retirer à la SCSNE un tiers de ses emplois. Cela fait vingt ans, peut-être vingt-cinq, voire plus, que l’on parle de ce canal ; nous arrivons à un moment majeur. L’État et la région Hauts-de-France, qu’elle connaît bien, ont rendu sa réalisation possible. Tout le monde est d’accord, et n’a jamais été aussi d’accord ; c’est à peu près financé. On entre dans la phase opérationnelle, et il va falloir commencer à travailler de façon rationnelle et juridiquement organisée.

Ce serait un très mauvais signal de vouloir réduire les emplois naissants d’un projet qui a mis vingt-cinq ans pour sortir de terre. Nous n’avons pas tellement de grands projets d’infrastructures en France, où la tendance est plutôt de réduire la voilure. Telle est mon opinion pour ce qui touche au canal Seine-Nord et les quinze emplois que vous voulez lui retirer.

M. Gilles Carrez. Je commencerai en remerciant M. le Rapporteur général de nous avoir aidés hier à trouver des recettes complémentaires hier pour la SGP.

Le rapport que nous avions commandé à la Cour des comptes et qu’elle nous a remis en janvier dernier traitait de deux aspects du projet du Grand Paris : son financement et les emplois. Or, la Cour nous a recommandé, ce qui est tout à fait exceptionnel de sa part, d’augmenter le nombre d’emplois d’un opérateur de l’État.

Ce projet a vu ses coûts passer de 25 à 35 milliards d’euros et il s’est avéré que les effectifs en assistance à maîtrise d’ouvrage étaient deux fois supérieurs à ceux de la maîtrise d’ouvrage directe. La Cour des comptes a alors mis en évidence qu’il fallait absolument étoffer, muscler la maîtrise d’ouvrage et relever fortement le plafond d’emplois. C’est la raison pour laquelle celui-ci a été porté à 400 ETPT.

Selon la Cour, si on veut vraiment s’en tenir aux 35 milliards prévus, nous avons besoin d’un maître d’ouvrage qui soit capable d’assumer les opérations. Et contrairement au canal Seine-Nord Europe, les tunneliers sont déjà en train de creuser, et il faut pouvoir les contrôler dans leur travail.

M. le président Éric Woerth. Mais on a aussi commencé à creuser pour le canal Seine-Nord Europe...

Mme Christine Pires Beaune. Je vais soutenir l’amendement de notre collègue Pompili, parce que je connais les parcs nationaux et que je pense qu’ils ont vraiment besoin d’effectifs.

Je ne me prononcerai pas sur le gage qu’elle propose ; mais j’en profite pour signaler au Rapporteur général qu’il serait bon à l’avenir, en cas de suppressions de postes, que l’on revienne vers nous pour nous dire exactement où elles ont été effectuées.

Je vais prendre un exemple sans citer le nom de l’opérateur de l’État concerné. Je me suis amusée à rechercher dans les rapports d’activité cinq ans en arrière, et j’ai constaté qu’il avait rendu des postes dans toutes les régions, excepté une seule, qui en a gagné au lieu d’en perdre. Voilà pourquoi je souhaiterais savoir, région par région, où les postes ont été supprimés, quel que soit le ministère touché – l’intérieur, la justice, l’éducation, etc.

M. Éric Coquerel. Je vais aussi soutenir cet amendement : d’abord, je ne suis pas très favorable au Grand Paris quand je vois la tournure que prennent cette métropolisation et sa gouvernance ; ensuite, le Gouvernement peut toujours lever le gage s’il le veut ; enfin, je rejoins les propos qu’a tenus Barbara Pompili sur les agences de l’eau.

M. le président Éric Woerth. Parfois les gages n’ont aucun sens. En l’occurrence, celui-ci en a un, éminemment politique. Et c’est justement ce sens politique que l’on combat.

Mme Barbara Pompili. Monsieur Carrez, même si cet amendement est adopté, la SGP verra ses effectifs passer à 415 ETPT ; autrement dit, ils dépasseront les 400. Je ne voudrais en aucun cas que l’on puisse croire que je veux empêcher la réalisation du Grand Paris, dont les travaux sont en cours. Simplement, il me semble possible de prélever 3,5 % de ses effectifs, pour répondre, ailleurs, à d’autres besoins.

Pour ce qui est du canal Seine-Nord, je ne peux pas laisser dire que l’on veut réduire les effectifs : on propose de les doubler au lieu de les tripler, ce qui n’est pas vraiment pareil. J’ajoute que j’ai eu l’occasion d’en parler avec un certain nombre d’élus des Hauts‑de‑France, notamment au premier d’entre eux. Il n’était pas ravi, mais il a compris que l’objectif n’était pas d’empêcher la construction du canal Seine-Nord Europe. De toutes les façons, en 2019, la SCSNE n’aura que des acquisitions foncières à mener et des études à commander. Pour faire cela, franchement, 30 ETPT me paraissent suffisant.

M. le président Éric Woerth. On ne peut pas réfléchir de façon générale sur les ETPT. Imaginez que vous préleviez 15 ETPT quelque part et que ce soient les plus utiles ? Cela ne marche pas comme ça ! Aujourd’hui, on est suffisamment attentif à ne pas multiplier à l’excès les effectifs pour ne pas avoir, en plus, à les calibrer.

Pour ma part, je ne suis pas un spécialiste du canal Seine-Nord Europe, mais je vais aux réunions comme tous les élus concernés. J’ai bien vu qu’on entrait dans une phase opérationnelle, qui nécessitait la constitution d’une véritable équipe. Plusieurs milliards d’euros sont en jeu. C’est une infrastructure extrêmement coûteuse qui, je l’espère, sera extrêmement utile à notre pays. On enverrait un signal très négatif au moment où ce projet de canal est en train de se concrétiser.

M. Jean-Louis Bourlanges. J’irai dans le sens de Gilles Carrez. Quand on s’est penché sur les problèmes de la SGP, on a repéré, parmi les nombreuses causes de retards et de dérapages financiers, l’insuffisance de l’encadrement, qui s’est avérée très préjudiciable. Ce n’est donc pas du tout le poste où il faut faire des économies. Et je m’étonne qu’un homme aussi sage, aussi pondéré que notre Rapporteur général s’oriente sur cette voie ! Il est tout à fait légitime que Mme Pompili défende un tel amendement. Mais venant de M. Giraud, qui est responsable de l’équilibre d’ensemble, je ne comprends plus !

M. le Rapporteur général. C’est peut-être parce que je suis ici le plus vieil administrateur vivant d’un parc national depuis 1989 !

Mme Barbara Pompili. Monsieur le président, je comprends l’intérêt de ces grands travaux. Cela étant, les parcs nationaux ne sont pas des gadgets. Or on va créer un nouveau parc national sans avoir budgété aucun ETPT supplémentaire sur les parcs nationaux.

M. le président Éric Woerth. J’ai aussi, dans ma circonscription, le parc naturel régional des Trois Forêts. Je ne juge donc pas les parcs nationaux en tant que tels.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements II-CF976 et IICF977 de Mme Barbara Pompili.

Mme Barbara Pompili. L’Autorité de sécurité nucléaire (ASN), qui n’est plus à présenter, assure la sûreté des installations nucléaires, et surtout des personnes qui y travaillent et qui vivent autour. Depuis quelques années, ses missions ont beaucoup augmenté, notamment ces derniers temps, avec la découverte de fraudes sur les futures pièces de réacteurs – les EPR, mais pas seulement.

L’ASN demande à pouvoir développer une section anti-fraude qui lui permettrait de travailler avec des experts sur la question ; c’est absolument crucial dans une période charnière pour le nucléaire. Pour cela, elle a besoin de 15 ETPT supplémentaires sur trois ans. Voilà pourquoi mon amendement II-CF976 propose de créer six ETPT supplémentaires, au lieu de deux, en 2019 ; l’amendement IICF977, de repli, se limite à trois ETPT supplémentaires.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable sur les deux amendements.

M. Éric Coquerel. Je soutiens ces deux amendements. Je rappelle que ce service de lutte contre la fraude a déjà été mis en place par l’ASN, avant même de disposer des crédits permettant la création des ETPT correspondants pour remplir cette mission cruciale au regard des risques qui se développent.

On nous répond souvent que l’ASN est un peu « privilégiée » par rapport à d’autres opérateurs. C’est oublier que le domaine sur lequel elle intervient est d’une grande importance en termes de sécurité. Les gens de l’ASN se sont adressés à nous, et nous les avons auditionnés. Je crois vraiment qu’il faut en tenir compte, d’autant que cela ne concerne qu’un nombre restreint d’ETPT.

Enfin, au-delà de la création de ces ETPT, c’est l’expérience accumulée, qui est importante, qui pourra ainsi se transmettre. J’espère donc qu’un de ces deux amendements sera accepté. L’autre jour, en séance, c’est passé très près puisqu’il a fallu procéder à un vote par assis et levé. J’espère que cette fois-ci, la commission des finances enverra un signe favorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle adopte l’article 44 sans modification.

*

*     *

Article 45
Plafonds des emplois des établissements à autonomie financière

Le présent article fixe le plafond des autorisations d’emplois des établissements à autonomie financière (EAF) pour 2019.

Cette disposition, prévue à l’article 76 de la loi de finances pour 2009 ([6]), complète les dispositifs de plafonnement des autorisations d’emplois de l’État et des opérateurs de l’État.

Elle est applicable aux emplois d’établissements dépourvus de la personnalité morale et qui ne constituent pas des opérateurs de l’État. Cette catégorie d’établissements est visée à l’article 66 de la loi de finances pour 1974 ([7]), qui prévoit qu’un décret en Conseil d’État détermine les conditions dans lesquelles « lautonomie financière pourra être conférée à des établissements et organismes de diffusion culturelle ou denseignement situés à létranger et dépendant du ministère des affaires étrangères ».

Ces établissements relèvent du ministère de lEurope et des affaires étrangères. Leur liste est fixée par arrêté conjoint du ministre des affaires étrangères et du ministre en charge du budget ([8]).

Le plafond des autorisations d’emplois s’applique uniquement aux agents de droit local recrutés à durée indéterminée.

plafonds des emplois des établissements à autonomie financière

(en équivalents temps plein – ETP)

Mission

Action extérieure de lÉtat

Plafond

LFI 2012

Plafond LFI 2013

Plafond

LFI 2014

Plafond LFI 2015

Plafond LFI 2016

Plafond LFI 2017

Plafond LFI 2018

Plafond PLF 2019

Programme Diplomatie culturelle et dinfluence

3 540

3 600

3 564

3 489

3 449

3 449

3 449

3 449

Source : lois de finances initiales et présent projet de loi de finances.

Ce plafond, fixé à 3 449 ETP, est stable depuis la loi de finances initiale pour 2016. Il est à noter que le plafond est exprimé en ETP et non en ETPT, comme pour le plafond des autorisations d’emplois de l’État, des opérateurs de l’État ou de diverses autorités publiques.

Par conséquent, le Rapporteur général appelle à une harmonisation de la méthode de fixation des plafonds des emplois des établissements à autonomie financière avec les autres catégories de plafonds d’emplois de l’État, afin qu’ils puissent également être exprimés en ETPT.

*

*     *

La commission est saisie de l’amendement II-CF1348 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. Cet amendement d’appel a pour but de dénoncer la situation que connaissent les établissements à autonomie financière, c’est-à-dire les établissements de diffusion culturelle ou de recherche situés à l’étranger et dépendant du ministère de l’Europe et des affaires étrangères – principalement les instituts français à l’étranger qui participent, tout le monde en conviendra, au rayonnement de notre culture et de notre langue.

Le plafond d’emplois de ces établissements reste le même qu’en 2017 et 2018, mais dans le même temps, leurs dotations baissent de plus de 5 %, alors qu’elles avaient déjà baissé de plus de 5 % entre 2017 et 2018. Nous pensons au contraire qu’il faudrait augmenter les moyens et les effectifs des instituts français à l’étranger.

M. le Rapporteur général. Défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 45 sans modification.

*

*     *

Article 46
Plafonds des emplois de diverses autorités publiques

Le présent article fixe le plafond des autorisations d’emplois des autorités publiques indépendantes (API) et des autorités administratives indépendantes (AAI) dont les effectifs ne sont pas inclus dans un plafond des emplois rémunérés par l’État.

La loi de finances pour 2012 ([9]) a instauré la fixation de ce plafond d’autorisations d’emplois. Celle-ci avait également prévu la création d’une annexe générale au projet de loi de finances de l’année relative aux API et aux AAI dont les effectifs ne sont pas inclus dans un plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État ([10]). Cette annexe générale est désormais prévue à l’article 23 de la loi du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes ([11]).

Ces dispositions sont de nature à améliorer l’information du Parlement, à renforcer le contrôle de l’évolution des effectifs au sein des API et des AAI, ainsi que le suivi de leurs dépenses. Cependant, le Rapporteur général ne peut que regretter la transmission tardive de l’annexe générale.

Les plafonds des emplois des autorités publiques indépendantes, fixés en loi de finances initiale, sont relativement stables sur moyenne période.

Évolution des plafonds d’emplois des autorités publiques indépendantes

(en ETPT)

Autorité

LFI

2012

LFI

2013

LFI

2014

LFI

2015

LFI

2016

LFI 2017

LFI 2018

PLF 2019

Écart entre LFI 2018 et PLF 2019

ACPR – Autorité de contrôle prudentiel et de résolution

1 121

1 121

1 121

1 121

1 121

1 121

1 050

1 050

0

AFLD  Agence française de lutte contre le dopage

65

65

64

62

62

62

62

70

+ 8

AMF – Autorité des marchés financiers

469

469

469

469

469

469

475

475

0

ARAFER – Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières

52

56

59

63

68

75

75

78

+ 3

CSA  Conseil supérieur de laudiovisuel

284

284

284

284

284

0

H3C – Haut Conseil du commissariat aux comptes

43

50

50

55

58

61

65

65

0

HADOPI – Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

71

71

71

71

65

65

65

65

0

HAS – Haute Autorité de santé

409

411

394

395

394

395

395

425

+ 30

MNE – Médiateur national de l’énergie

47

46

41

41

41

41

41

41

0

Total

2 277

2 289

2 269

2 561

2 562

2 573

2 512

2 553

+ 41

Source : lois de finances initiales, présent projet de loi de finances.

L’augmentation du plafond de 41 ETPT entre 2018 et 2019 concerne :

– principalement la Haute Autorité de santé – HAS (+ 30 ETPT), compte tenu de la reprise depuis le 1er avril 2018 des activités et des personnels de l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM) par la HAS ([12]). Le « jaune » budgétaire relatif aux autorités administratives et publiques indépendantes précise que le nombre d’ETPT effectif au sein de la HAS devrait augmenter dans les mois qui viennent, en raison de recrutements en cours et conformément à l’augmentation du plafond d’emplois ;

– l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières – ARAFER (+ 3 ETPT), compte tenu de l’extension des missions de l’ARAFER dans le cadre de la mise en œuvre de la loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire ([13]) ;

– et l’Agence française de lutte contre le dopage (+ 8 ETPT).

*

*     *

La commission en vient à l’amendement II-CF1349.

M. Éric Coquerel. Cet autre amendement d’appel a pour but de s’opposer au niveau des plafonds des autorisations d’emplois de diverses autorités publiques visées par l’article 46. Je pense à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, une institution intégrée à la Banque de France, chargée de la surveillance de l’activité des banques et des assurances en France. Son rôle est essentiel et nous sommes en droit de nous inquiéter du gel de son plafond d’emplois. Mais on peut dire la même chose de l’Autorité des marchés financiers.

M. le Rapporteur général. Défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 46 sans modification.

*

*     *


—  1  —

TITRE III
REPORTS DE CRÉDITS DE 2018 SUR 2019

Article 47
Majoration des plafonds de reports de crédits de paiement

L’article 15 de la LOLF prévoit que les crédits de paiement disponibles sur un programme à la fin de l’année peuvent être reportés sur le même programme ou, à défaut, sur un programme poursuivant les mêmes objectifs. Ce report est mis en place dans la limite de 3 % des crédits initiaux inscrits, sur le même titre, du programme à partir duquel les crédits sont reportés. Il est pris par arrêté conjoint du ministre chargé des finances et du ministre intéressé.

S’agissant des crédits hors dépenses de personnel, le même article 15 précise que « ce plafond peut être majoré par une disposition de loi de finances ».

Le Parlement peut donc accorder au Gouvernement une souplesse de gestion permettant un report supérieur à 3 % des crédits initiaux du programme sur l’exercice budgétaire suivant, à la condition que ces crédits ne portent pas sur des dépenses de personnel.

Le présent article a pour objet de prévoir cette exception au titre de sept programmes au lieu de quinze programmes en loi de finances initiale pour 2018. Toutefois, le projet de loi de finances pour 2018 prévoyait cette exception pour trois programmes. Le Gouvernement avait étendu cette exception à d’autres programmes par le biais d’amendements, en cours d’examen du projet de loi.

Le montant de ces reports, non communiqué par le Gouvernement à la date de la rédaction du présent rapport général, sera présenté de manière prévisionnelle en loi de finances rectificative de fin d’année. Aux termes du IV de l’article 15 de la LOLF, les arrêtés de report sont publiés au plus tard le 31 mars de l’année suivant la mise en œuvre de ces reports.

Les programmes concernés par la majoration des plafonds de reports de crédits de paiement sont les suivants.

Programmes concernés par une majoration de reports
de crédits de paiement

Mission

Programme

Motif de report

Aide publique au développement

Aide économique et financière au développement

Report d’une opération de traitement de dette d’un État étranger

Conseil et contrôle de lÉtat

Conseil dÉtat et autres juridictions administratives

Report sur 2019 du financement d’une opération immobilière

Justice

Conseil supérieur de la magistrature

Report d’investissements informatiques

Conseil et contrôle de lÉtat

Cour des comptes et autres juridictions financières

Report d’attributions de produits destinés à financer des programmes immobiliers

Sport, jeunesse et vie associative

Jeux olympiques et paralympiques 2024

Garantir le respect des engagements de l’État au financement de la livraison des ouvrages olympiques

Action extérieure de lÉtat

Présidence française du G7

Report sur 2019 de dépenses liées à l’organisation du sommet du G7

Action et transformation publiques

Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants

Dépenses immobilières réalisées dans le cadre du Grand plan d’investissement (GPI)

Source : présent projet de loi de finances.

*

*     *

La commission examine l’amendement II-CF1267 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. La loi organique relative aux lois de finances plafonne à 3 % les reports de crédits, d’une année sur l’autre, pour chaque programme de chaque mission. L’article 47 permet toutefois des dérogations pour certains programmes, et dans la plupart des cas, nous soutenons cette mesure.

Nous nous opposons cependant à ce qu’elle s’applique au programme Présidence française du G7. Nous pensons que les crédits de ce programme qui n’ont pas été consommés en 2018 sont inutiles, et n’ont donc pas à être reportés sur 2019. Au-delà, nous souhaitons dénoncer globalement l’allocation de fonds à la présidence du G7, symbole de l’enfermement dans une diplomatie de clubs oligarchiques, qui n’a pas sa place dans une institution comme l’ONU.

Voilà pourquoi nous proposons de supprimer la septième ligne du tableau de l’alinéa 2, qui concerne le G7.

M. le Rapporteur général. Défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 47 sans modification.

Elle adopte ensuite la seconde partie du projet de loi de finances pour 2019, modifiée.

Enfin, elle adopte l’ensemble du projet de loi de finances pour 2019, modifié.


—  1  —

TITRE IV
DISPOSITIONS PERMANENTES

I. – Mesures fiscales et budgétaires non rattachées

Article 48
Insertion dune clause anti-abus générale en matière dIS

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article transpose en droit français, à travers un nouvel article 205 A du code général des impôts (CGI), la clause anti-abus générale en matière d’impôt sur les sociétés (IS) prévue à l’article 6 de la directive du 12 juillet 2016 établissant des règles pour lutter contre les pratiques d’évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur, dite directive « ATAD » (pour « anti-tax avoidance directive », soit directive contre l’évasion fiscale).

Cette clause anti-abus générale permettra à l’administration d’écarter les montages :

– dont l’objectif principal ou l’un des objectifs principaux est l’obtention d’un avantage fiscal contre l’objet ou la finalité du droit applicable ;

– et qui ne sont pas authentiques, c’est-à-dire qui ne reposent pas sur des motifs commerciaux valables.

Il s’agit d’une formulation identique à celle de la clause anti-abus prévue au 3 de l’article 119 ter du CGI et applicable au régime mère-fille en vertu du k du 6 de l’article 145 du même code. Cette clause mère-fille étant couverte par la nouvelle clause générale, elle est abrogée par le présent article.

En revanche, la nouvelle clause anti-abus générale n’écrase pas la clause anti-abus propre au régime spécial des fusions prévue au III de l’article 210‑0 A du CGI, dont le contenu est distinct et qui restera donc applicable.

Ce dispositif, qui complète utilement l’arsenal français contre l’évasion et la fraude fiscales en matière d’IS, s’appliquera aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019.

Dernières modifications législatives intervenues

L’article 29 de la loi de finances rectificative pour 2015 a introduit en droit français la clause anti-abus du régime mère-fille prévue par une directive du 27 janvier 2015.

La clause anti-abus du régime spécial des fusions, prévue par une directive du 19 octobre 2009, a été transposée en droit français par l’article 23 de la seconde loi de finances rectificative pour 2017.

La directive « ATAD » a été adoptée le 12 juillet 2016, pour une transposition à compter de 2019.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

En plus d’un amendement de précision du Rapporteur général, la commission a adopté, suivant l’avis favorable du Rapporteur général, un amendement de Mme Bénédicte Peyrol créant un rescrit spécifique à la nouvelle clause anti-abus.

I.   L’état du droit

Le droit français compte plusieurs outils sanctionnant les montages abusifs qui, tout en semblant conformes à la lettre de la loi, en méconnaissent l’esprit. Certains de ces dispositifs sont issus du droit européen, qui a récemment été enrichi d’une clause anti-abus générale qu’il appartient aux États membres de transposer au plus tard le 31 décembre 2018 pour une application en 2019.

A.   Les outils anti-abus en droit français : l’abus de droit et les clauses anti-abus

Les dispositifs juridiques français sanctionnant les montages abusifs peuvent être réunis en deux catégories : l’abus de droit, d’une part, les clauses anti-abus, d’autre part.

Seuls ces dispositifs seront ici étudiés dans la mesure où ce sont eux qui sont concernés par le présent article. Pour une présentation plus complète des autres outils anti-abus, notamment des règles ciblant la manipulation de prix de transfert ou encadrant les sociétés étrangères contrôlées, il est renvoyé au récent rapport de la mission d’information de la commission des finances de l’Assemblée relative à l’évasion fiscale internationale des entreprises ([14]).

1.   La répression de l’abus de droit

L’abus de droit – et sa répression – constitue, pour reprendre la formule du professeur Maurice Cozian, « le châtiment des surdoués de la fiscalité » ([15]).

a.   L’abus de droit : une définition stricte et un champ d’application large

La notion d’abus de droit est définie à l’article L. 64 du livre des procédures fiscales (LPF) ; elle figurait jusqu’en 1981 à l’article 1649 quinquies B du code général des impôts (CGI).

i.   La notion d’abus de droit et ses conséquences

Labus de droit permet à ladministration décarter les actes constitutifs d’une telle notion : ces actes ne lui seront pas opposables.

De ce fait, l’administration est en droit de requalifier lensemble des actes passés par le contribuable, ce qui peut entraîner de lourdes conséquences fiscales, qu’il s’agisse de la perte d’un régime préférentiel ou du bénéfice d’un taux d’imposition réduit, ou encore de la soumission à des droits et impôts.

À cette requalification déjà puissante, assortie du paiement de l’impôt normalement dû et d’intérêts de retard, s’ajoutent des majorations particulièrement dissuasives : en application du b de l’article 1729 du CGI, l’abus de droit entraîne l’application d’une majoration de 80 % – elle est ramenée à 40 % si le contribuable n’est pas à l’initiative principale des actes en cause ou n’en est pas le principal bénéficiaire.

L’abus de droit se décompose en deux branches, la fictivité et la fraude à la loi. Dans tous les cas, il suppose une volonté de tromper, qui distingue l’abus de droit de la simple erreur de qualification.

L’abus de droit par fictivité (ou par simulation) vise les actes constitutifs dun mensonge juridique : ce qui est présenté à l’administration fiscale ne correspond pas à la réalité.

Trois cas de figure sont généralement identifiés au titre de cette première branche :

– l’acte fictif, telle une location fictive qui dissimule une jouissance personnelle du bien aux fins de déduire les charges foncières du revenu ;

– l’acte déguisé, qui camoufle une catégorie juridique derrière une autre : tel est le cas d’une donation déguisée sous l’apparence d’une vente pour échapper aux droits de mutation ;

– l’interposition de personne à travers l’usage d’un prête-nom.

L’abus de droit par fraude à la loi, plus récent, a été introduit par l’article 35 de la loi de finances rectificative pour 2008 ([16]) mais, avant cette consécration législative, avait déjà été découvert par le Conseil d’État dès 1981 à l’occasion d’une interprétation audacieuse mais opportune ([17]).

● Cette seconde branche de l’abus de droit cible les montages qui, tout en respectant la lettre des normes en vigueur, en méconnaissent lesprit en « recherchant le bénéfice dune application littérale des textes ou de décisions à lencontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs » ([18]).

● À cette condition dite objective, reposant sur une application littérale de textes contraire à l’intention de leurs auteurs, s’ajoute une condition dite subjective, dépendant de lintention du contribuable. Pour que l’abus de droit par fraude à la loi puisse être reconnu, la motivation du contribuable doit être exclusivement fiscale, les actes n’ayant « pu être inspirés par aucun autre motif que celui déluder ou datténuer les charges fiscales » ([19]).

Cette exclusivité fiscale, jugée trop restrictive, a conduit le législateur, en 2013, à une tentative d’assouplissement, afin de lui substituer une motivation principalement fiscale. Cette modification, faite par l’article 100 de la loi de finances pour 2014, a été censurée par le Conseil constitutionnel sur le fondement de l’incompétence négative du législateur ([20]).

La motivation fiscale principale et non plus exclusive laissait en effet une grande marge de manœuvre à l’administration. Or, la circonstance que l’abus de droit soit assorti d’une majoration de 80 % fait de celui-ci une règle de nature répressive, qui supposait de la part du législateur d’épuiser sa compétence.

Le caractère répressif de l’abus de droit a été confirmé par le Conseil constitutionnel dans sa décision rendue sur la loi de finances rectificative pour 2015 ([21]).

● Il convient toutefois de nuancer la portée de l’exclusivité fiscale : le juge administratif, singulièrement le Conseil d’État, fait preuve de pragmatisme et admet la qualification d’abus de droit dès lors que la motivation fiscale, sans être exclusive, se révèle absolument déterminante ([22]).

Cette approche pragmatique peut notamment conduire à retenir l’abus de droit vis-à-vis d’une société, quand bien même cette dernière aurait une substance économique tangible, si son interposition dans un montage procède d’une motivation purement fiscale ([23]).

ii.   Le champ d’application de l’abus de droit

Si la notion d’abus de droit est strictement entendue, ce qui s’explique par l’ampleur des conséquences que sa reconnaissance entraîne, son champ d’application est très large.

● En premier lieu, labus de droit peut porter sur tout type dactes, qu’ils soient écrits ou oraux (tels qu’un bail verbal), unilatéraux, bilatéraux ou multilatéraux.

D’une manière générale, peuvent être constitutifs d’un abus de droit n’importe quel document ou fait qui manifeste l’intention de son auteur de contourner l’esprit d’une norme à des fins purement fiscales.

● En deuxième lieu, la répression de labus de droit vise tous les impôts. Jusqu’en 2008, la doctrine débattait sur ce point, l’article L. 64 du LPF ne mentionnant que les droits d’enregistrement, la taxe de publicité foncière, les impôts sur les revenus et bénéfices et les taxes sur le chiffre d’affaires.

Depuis le 1er janvier 2009 et la modification apportée par l’article 35 de la loi de finances rectificative pour 2008 précitée, aucun impôt n’est mentionné dans le texte : le dispositif s’applique donc à tous, incluant notamment, en plus de ceux mentionnés, les impôts fonciers ou encore la taxe sur les salaires ([24]).

Par ailleurs, en plus de concerner tous les impôts, cette procédure s’applique aussi bien aux abus portant sur lassiette de limpôt quà ceux portant sur la liquidation ou le paiement de celui-ci.

● En troisième lieu, les normes dont lesprit est méconnu par lacte constitutif dabus de droit sont, elles aussi, particulièrement larges : la loi, naturellement, mais aussi tous les textes réglementaires pris pour son application, ainsi que les instructions fiscales qui, allant au-delà d’un simple commentaire d’une norme, ajoute à cette dernière.

En outre, le Conseil d’État a récemment consacré de façon expresse l’abus de droit conventionnel, c’est-à-dire l’abus de droit méconnaissant l’esprit d’une convention internationale ([25]).

● Le tableau et le graphique suivants indiquent le montant des droits redressés au titre de la procédure d’abus de droit entre 2013 et 2017, hors majorations de 80 % ou 40 %. Le système informatique de l’administration fiscale ne permet en effet pas d’isoler les pénalités pour un redressement spécifique, ces dernières étant indiquées de manière globale pour un dossier (qui peut comporter plusieurs chefs de redressements).

droits redressés au titre de l’abus de droit (2013-2017)

(en millions d’euros)

2013

2014

2015

2016

2017

255

262

740

113

171

Source : direction générale des finances publiques.

L’irrégularité des montants redressés, particulièrement saillante en 2015 avec un triplement des montants avant une division par quatre l’année suivante, dépend du nombre de contrôles réalisés et des agissements des contribuables. Cette irrégularité n’a donc rien d’anormale et ne traduit pas une moindre efficacité des équipes chargées des vérifications.

iii.   Les garanties entourant la procédure d’abus de droit

● La procédure de l’abus de droit est contradictoire, ce qui implique l’obligation pour l’administration de motiver la notification du redressement.

Par ailleurs, en application de l’article R. 64‑1 du LPF, la décision de mettre en œuvre cette procédure à l’égard d’un contribuable doit être prise par un agent ayant au moins le grade d’inspecteur divisionnaire : la proposition de rectification doit ainsi être visée par le supérieur hiérarchique de l’agent qui a effectué le redressement.

La majoration de 80 %, quant à elle, doit être motivée.

● L’article L. 64 B du LPF consacre le « rescrit abus de droit », qui permet à un contribuable d’échapper à la procédure de l’abus de droit si, avant de conclure des actes, il a consulté l’administration fiscale centrale afin que celle-ci, disposant de tous les éléments nécessaires fournis par le contribuable, puisse apprécier la portée véritable de l’opération, et que l’administration :

– a confirmé que l’opération ne constituait pas un abus de droit ;

– ou n’a pas répondu au contribuable dans un délai de six mois à compter de sa demande.

● Une autre garantie pour le contribuable, cette fois en aval, réside dans la possibilité de saisir le comité de l’abus de droit fiscal – cette saisine étant également ouverte à l’administration. La possibilité pour le contribuable de saisir le comité de l’abus de droit fiscal doit figurer dans la notification du redressement.

Le comité donne un avis sur le litige qui lui est soumis. Lorsque cet avis est rendu en faveur du contribuable et que l’administration décide de s’en écarter pour poursuivre la rectification, elle doit en établir le bien-fondé. En revanche, si l’avis corrobore la position de l’administration, c’est au contribuable de démontrer qu’il n’a pas commis d’abus de droit.

Il y a ici une différence substantielle avec les avis rendus par les commissions des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires qui, en application de l’article L. 192 du LPF, sont neutres en matière de charge de la preuve du manquement : cette dernière incombe toujours à l’administration quel que soit le sens de l’avis.

L’acte anormal de gestion

Création prétorienne, l’acte anormal de gestion (AAG) peut être vu comme une exception à la règle selon laquelle l’administration n’a pas à s’immiscer dans la vie des entreprises ni à sanctionner les mauvaises gestions.

Comme l’abus de droit, l’AAG n’implique aucune violation directe de la loi et ne constitue pas stricto sensu une fraude. En revanche, à la différence de l’abus de droit, l’AAG ne suppose pas la méconnaissance de l’esprit des normes (ou une dissimulation) : il sanctionne un acte contraire à l’intérêt social de l’entreprise. Pour Maurice Cozian, l’AAG relève plus de la perversion financière que de l’évasion fiscale, qui n’est que la conséquence de l’acte et non sa cause : la différence avec l’abus de droit est ici manifeste (1).

Sur le fondement de l’AAG, l’administration va rectifier le résultat d’une entreprise :

– en réintégrant le manque à gagner jugé anormal ;

– ou en refusant la déduction de certaines charges. Le refoulement des charges peut être total, si elles sont anormales dans leur principe, ou partiel, si seul leur montant revêt un tel caractère.

En matière d’AAG, la charge de la preuve incombe à l’administration (les déclarations faites par les contribuables sont présumées correctes), sauf en l’absence de déclaration régulière des résultats. Dans une telle hypothèse, l’administration fixe elle-même l’assiette imposable : il appartiendra alors au contribuable, le cas échéant, d’apporter la preuve du caractère excessif de l’assiette ainsi définie.

(1) Maurice Cozian, ouvrage précité, page 98.

2.   Les clauses anti-abus spécifiques

Parallèlement à l’abus de droit, existent des clauses anti-abus spécifiques : certaines sont sectorielles et propres à un régime particulier, tandis qu’une autre, à portée générale, ne joue qu’à l’égard d’une catégorie d’actes, les conventions fiscales internationales.

a.   La clause anti-abus du régime mère-fille

La clause anti-abus du régime mère-fille résulte d’une directive de 2015 ([26]) modifiant la directive du 30 novembre 2011 portant sur le régime mère‑fille ([27]).

Transposée en droit français par l’article 29 de la loi de finances rectificative pour 2015 ([28]), cette clause figure au 3 de l’article 119 ter du CGI, qui exonère – sous condition – de la retenue à la source prévue à l’article 119 bis les dividendes versés par une personne passible de l’IS en France à une personne morale européenne.

L’application de cette clause au régime mère-fille français, c’est-à-dire à l’exonération des dividendes perçus par une société française d’une de ses filiales, résulte du k du 6 de l’article 145 du CGI, portant sur ledit régime et qui exclut de son champ les montages relevant de la définition prévue au 3 de l’article 119 ter.

i.   Une clause ciblant les montages non authentiques à l’objectif fiscal principal

● Aux termes de cette clause, sont exclus du bénéfice de l’exonération les dividendes distribués dans le cadre d’un montage (ou d’une série de montages) :

– dont lobjectif principal ou lun des objectifs principaux est lobtention dun avantage fiscal à lencontre de la finalité de l’exonération prévue ;

– et qui n’est pas authentique, c’est-à-dire qu’il n’est pas mis en place pour des motifs commerciaux valables reflétant la réalité économique.

Cette rédaction constitue une reprise quasiment littérale de l’article 1er de la directive de 2015.

● Il n’est pas possible, en l’état, de connaître les montants redressés sur le fondement de cette clause anti-abus. Le système d’information de l’administration fiscale associe en effet à un même code utilisé pour effectuer des requêtes les articles 119 bis et 119 ter du CGI.

ii.   Les notions d’objectif principal et de montage non authentique et leur interprétation à la lumière de la jurisprudence européenne

● La notion d’objectif fiscal principal prévue par la clause anti-abus du régime mère-fille avait été contestée devant le Conseil constitutionnel, les auteurs de la saisine jugeant que l’article 29 de la loi de finances rectificative pour 2015 méconnaissait, sur ce point, l’autorité de la chose jugée attachée à la décision précitée rendue par le Conseil en 2013 sur la loi de finances 2014, qui censurait la reconnaissance d’un abus de droit en cas de motivation fiscale principale.

Toutefois, dans sa décision du 29 décembre 2015 précitée, le Conseil constitutionnel a relevé que la clause anti-abus du régime mère-fille, qui ne modifie nullement les règles applicables à labus de droit, est une règle dassiette qui n’est pas constitutive d’une sanction punitive – là où l’abus de droit est une règle répressive – et est suffisamment précise ([29]).

● Les notions d’objectif principal et de montage non authentique peuvent paraître floues de prime abord.

La clause joue non seulement si l’objectif principal ou l’un des objectifs principaux du montage est l’obtention d’un avantage fiscal contraire à la finalité du texte, mais aussi si le montage est dépourvu de motifs commerciaux valables.

Cette double condition s’entend parfaitement en cas d’unicité d’objectif principal. Elle est en revanche de nature à poser problème face à une pluralité d’objectifs principaux.

En effet, dès lors qu’existent au moins deux objectifs principaux et que seul l’un d’entre eux est fiscal, l’autre peut tout à fait reposer sur une réalité économique tangible et des motifs commerciaux valables.

Cette ambiguïté avait été soulignée par Philippe Martin dans la Revue de droit fiscal ([30]) et également avancée par notre collègue Bénédicte Peyrol dans son rapport d’information précité sur l’évasion fiscale internationale des entreprises ([31]).

● Cependant, et comme le Gouvernement l’avait souligné dans ses observations présentées devant le Conseil constitutionnel en réponse à la saisine parlementaire portant sur la loi de finances rectificative pour 2015, la clause anti‑abus doit être lue à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) ([32]).

Cette dernière admet la sanction des montages qui, malgré un respect formel des normes, ont pour objectif essentiel l’octroi d’un avantage fiscal qui serait contraire à l’objectif poursuivi par lesdites normes. Dans sa décision de principe Halifax rendue le 21 février 2006 et portant sur les pratiques abusives en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), la Cour de justice a ainsi jugé : « La constatation de lexistence dune pratique abusive exige, dune part, que les opérations en cause, malgré lapplication formelle des conditions prévues par les dispositions pertinentes de la sixième directive et de la législation nationale transposant cette directive, aient pour résultat lobtention dun avantage fiscal dont loctroi serait contraire à lobjectif de ces dispositions. Dautre part, il doit également résulter dun ensemble déléments objectifs que les opérations en cause ont pour but essentiel lobtention dun avantage fiscal. » ([33])

Cette position a été reprise deux ans plus tard, toujours en matière de TVA, dans la décision Part Service, la Cour indiquant qu’une « pratique abusive peut être retenue lorsque la recherche dun avantage fiscal constitue le but essentiel de lopération ou des opérations en cause » ([34]).

● La notion de montage non authentique ne reposant pas sur des motifs commerciaux valables fait écho à l’artificialité d’une opération soulignée par la Cour de justice dans la décision Halifax précitée, dont le point 75 relevait l’absence de pertinence d’interdire une pratique abusive si les opérations « sont susceptibles davoir une justification autre que la simple obtention davantages fiscaux » ([35]).

L’absence de réalité économique a été précisée depuis longtemps par la Cour à l’occasion d’affaires portant sur des mesures nationales restreignant la liberté d’établissement au nom de la lutte contre l’évasion fiscale. Dès 1998, dans un arrêt Imperial Chemical Industries, la Cour visait « les montages purement artificiels dont le but serait de contourner la loi fiscale » ([36]).

Cette notion a été reprise dans la décision de principe Cadbury Schweppes du 12 septembre 2006, qui mentionne les « montages purement artificiels, dépourvus de réalité économique, dans le but déluder limpôt normalement dû » ([37]). Elle a été récemment rappelée dans un arrêt Eqiom rendu le 7 septembre 2017 et concernant l’ancienne rédaction de l’article 119 ter du CGI, à travers les « montages purement artificiels, dépourvus de réalité économique, dont le but est de bénéficier indûment dun avantage fiscal » ([38]).

● En conséquence, la clause anti-abus du régime mère-fille joue à légard dopérations motivées par un but essentiellement fiscal et dépourvues de réalité économique.

À l’inverse, le régime mère-fille et l’exonération de dividendes qu’il prévoit reste applicable s’il s’avère que, malgré l’existence de motivations fiscales, la filiale implantée dans un autre État membre exerce des activités économiques effectives ([39]).

Dès lors, s’il existe d’autres objectifs principaux que celui de nature fiscale, ce dernier, pour que la clause anti-abus s’applique, doit revêtir une dimension essentielle sans laquelle l’opération n’aurait pas eu lieu.

b.   La clause anti-abus du régime spécial des fusions

● Seconde clause anti-abus sectorielle, la clause anti-abus applicable dans le régime spécial des fusions résulte elle aussi d’une directive européenne : elle est issue de l’article 15 de la directive du 19 octobre 2009 concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions ([40]).

Cette clause permet l’exclusion du régime spécial des fusions – qui prévoit un sursis d’imposition des plus-values – d’une opération dont lobjectif principal ou lun des objectifs principaux est la fraude ou lévasion fiscale, appréciation présumée en l’absence de motifs économiques valables tels que la restructuration ou la rationalisation des activités des sociétés parties à l’opération.

● Bien que relativement ancienne, et en tout état de cause antérieure à la clause anti-abus du régime mère-fille, cette clause n’a été transposée en droit français que l’année dernière par l’article 23 de la seconde loi de finances rectificative pour 2017 ([41]).

Elle figure au III de larticle 2100 A du CGI, et reprend l’économie générale et les termes du dispositif de la directive de 2009 :

– exclusion du régime lorsque l’objectif principal ou l’un des objectifs principal de l’opération est la fraude ou l’évasion fiscale ;

– présomption d’un tel objectif en l’absence de motifs économiques valables tels que la restructuration ou la rationalisation des activités des sociétés parties à l’opération ;

– possibilité pour l’entreprise d’apporter la preuve que l’objectif principal de l’opération n’est pas la fraude ou l’évasion fiscale dans le cadre d’une procédure de contrôle contradictoire en application de l’article L. 10 du LPF.

La Cour de justice, dans un arrêt Foggia rendu en 2011, a précisé que cette clause anti-abus joue à l’égard d’une opération reposant sur plusieurs objectifs, si ceux fondés sur des considérations fiscales revêtent un caractère prépondérant ([42]).

● Indépendamment des limites déjà relevées touchant le système d’information de l’administration fiscale, il n’est pas possible en l’état de connaître les montants redressés sur le fondement de la clause anti-abus du régime spécial des fusions dans la mesure où celle-ci est entrée en vigueur il y a à peine dix mois, le 1er janvier 2018.

c.   La clause anti-abus générale de la convention multilatérale de l’OCDE

● Le 7 juin 2017, a été signée à Paris la convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (ci-après, la convention multilatérale), élaborée sous l’égide de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dans le cadre du projet « BEPS » (pour « Base Erosion and Profit Shifting », soit « érosion de la base d’imposition et transfert de bénéfices »).

Cette convention multilatérale, qui concrétise la quinzième action du projet « BEPS », est un instrument inédit constituant un « accélérateur juridique » pour modifier d’un coup plus de mille conventions fiscales bilatérales. La loi autorisant la ratification du texte a été promulguée le 12 juillet dernier ([43]), et l’instrument de ratification de la France a été déposé le 26 septembre suivant.

Seule la clause anti-abus générale prévue par cette convention sera abordée dans les développements suivants. Le lecteur intéressé par une présentation complète de l’instrument, de ses modalités (complexes) de fonctionnement et de son contenu intégral pourra utilement se reporter à l’avis de la commission des finances sur le projet de loi autorisant la ratification de la Convention ([44]).

● L’article 7 de la convention multilatérale, qui constitue l’un des trois standards minimums que toutes les parties doivent retenir, vise à prévenir l’utilisation abusive des conventions fiscales et introduit à cet effet dans les conventions bilatérales couvertes par l’instrument une clause anti‑abus à portée générale.

Cette clause peut prendre trois formes :

– celle du critère des objectifs principaux (« principal purpose test », ou « PPT » en anglais) ;

– celle de la limitation des avantages simplifiée (« limitation of benefits », ou « LOB » en anglais) ;

– celle de « LOB » détaillée.

La France a retenu la clause de « PPT », qui se rapproche des clauses anti‑abus précédemment décrites : elle permet de refuser le bénéfice d’un avantage prévu par la convention bilatérale si l’octroi de l’avantage est l’un des objectifs principaux de l’opération et qu’il n’est pas conforme à l’objet et à la finalité de la convention fiscale.

D’une portée générale dans la mesure où elle vise tous les avantages fiscaux susceptibles d’être octroyés au titre d’une convention, et non simplement certains avantages sectoriels tels que ceux relatifs aux dividendes ou aux intérêts, la clause anti-abus de la convention multilatérale ne joue cependant que vis-à-vis des conventions fiscales couvertes.

● La notion d’objectif principalement fiscal, qui peut présenter les mêmes questions d’interprétation que celles évoquées au titre des clauses anti-abus européennes, a été abondamment précisée par l’OCDE dans les commentaires de la version 2017 de son modèle de convention fiscale : la clause joue si l’avantage fiscal est un aspect essentiel de l’opération et que son obtention a revêtu un caractère déterminant ([45]).

d.   L’articulation de l’abus de droit et des clauses anti-abus

L’abus de droit et les clauses anti-abus sont de nature différente : le premier est répressif là où les secondes sont des règles d’assiette. Cette différence de nature ne rend pas les deux types d’outils exclusifs l’un de l’autre, mais leur articulation suppose certaines précautions.

Ainsi qu’il a été vu, et en raison de sa nature répressive, l’abus de droit est assorti de certaines garanties procédurales.

Dès lors, si l’administration se place dans un premier temps sur le terrain d’une clause anti-abus puis, dans un second temps, constate que les conditions pour l’application des majorations prévues au titre de l’abus de droit sont réunies, c’est-à-dire si l’opération répond à la définition d’un abus de droit, elle devra alors respecter l’ensemble des garanties et règles de procédures exigées pour la mise en œuvre de la procédure d’abus de droit.

B.   La clause anti-abus générale de la directive « ATAD »

La directive du 12 juillet 2016 établissant des règles pour lutter contre les pratiques d’évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur ([46]), plus connue sous son acronyme anglo-saxon « ATAD », pour « Anti-Tax Avoidance Directive » (« directive contre l’évasion fiscale »), constitue une ambitieuse réponse aux défis posés aux États par les pratiques dommageables auxquelles se livrent certains contribuables, en l’occurrence les entreprises.

La directive « ATAD »

S’inscrivant dans la communication chapeau de la Commission européenne du 17 juin 2015 sur un système d’imposition des sociétés plus juste et plus efficace dans l’Union, la directive « ATAD » du 12 juillet 2016 est l’une des multiples initiatives récemment lancées par l’Union européenne pour lutter contre la fraude et l’évasion fiscales et renforcer la justice fiscale.

Cette directive contient une batterie de mesures ciblant les entreprises assujetties à l’impôt sur les sociétés (ou ses équivalents européens) :

– encadrement de la déductibilité des charges financières à son article 4, dont la transposition est assurée par l’article 13 du présent projet de loi de finances ;

– imposition à la sortie pour éviter de transférer des bénéfices vers des paradis fiscaux à son article 5 ;

– clause anti-abus générale à son article 6, dont la transposition fait l’objet du présent article ;

– encadrement des sociétés étrangères contrôlées à ses articles 7 et 8 ;

– lutte contre les asymétries fiscales (dispositifs hybrides) à son article 9.

Une directive « ATAD II » du 29 mai 2017 (1) a été adoptée pour compléter la directive de 2016 s’agissant des dispositifs hybrides associant des pays tiers à l’Union européenne.

(1) Directive (UE) 2017/952 du Conseil du 29 mai 2017 modifiant la directive (UE) 2016/1164 en ce qui concerne les dispositifs hybrides faisant intervenir des pays tiers.

1.   Une clause anti-abus au champ d’application étendu

L’article 6 de la directive « ATAD » consacre une clause anti-abus générale qui s’applique à l’ensemble des contribuables assujettis à limpôt sur les sociétés (IS) dans un ou plusieurs États membres, conformément à l’article 1er de la directive qui définit le champ d’application de cette dernière.

La circonstance que soient visées des entreprises assujettis à l’impôt dans un seul État membre témoigne de la portée étendue de la directive : ses dispositions s’appliqueront en effet non seulement aux situations transfrontières, mais aussi aux situations purement internes.

Ce périmètre est cohérent dans la mesure où l’évasion fiscale ne se borne pas à des schémas associant plusieurs pays. Cet objectif ressort d’ailleurs clairement de l’exposé des motifs de la directive, qui précise « quil est important de sassurer que les clauses anti-abus générales sappliquent de manière uniforme à des situations nationales, au sein de lUnion et à légard des pays tiers, de sorte que leur champ dapplication et les résultats de leur application à des situations nationales et transfrontières soient identiques » ([47]).

2.   Une rédaction similaire à la clause anti-abus du régime mère-fille

● La rédaction retenue par l’article 6 de la directive « ATAD » pour la clause anti-abus générale est similaire, pour ne pas dire identique, à celle de la clause anti-abus sectorielle applicable dans le cadre du régime mère-fille.

En effet, aux termes de cet article, les États membres, pour calculer la charge fiscale due par une entreprise au titre de l’IS, peuvent écarter un montage ou une série de montages :

– dont l’objectif principal ou l’un des objectifs principaux est l’obtention d’un avantage fiscal à l’encontre de l’objet ou de la finalité du droit fiscal applicable ;

– qui n’est pas authentique, cette absence d’authenticité étant acquise si le montage ou la série de montage n’est pas mise en place pour des motifs commerciaux valables reflétant la réalité économique.

Les observations faites dans le cadre de l’analyse de la clause anti-abus du régime mère-fille sont transposables au dispositif prévu à l’article 6 de la directive « ATAD », les rédactions étant les mêmes.

En conséquence, les notions d’objectif principalement fiscal et de montage non authentique ne présentent aucune insécurité juridique au titre d’un flou quelconque :

– elles sont balisées par la jurisprudence de la CJUE ;

– elles sont déjà applicables en droit français depuis le 1er janvier 2016 et ont vu leur constitutionnalité reconnue par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 29 décembre 2015 précitée.

● On pourrait regretter que la directive, alors que la CJUE retient la motivation fiscale essentielle, vise la motivation fiscale principale. Ce regret pourrait d’ailleurs être alimenté par le fait que, dans la proposition initiale de la Commission européenne, l’article 7 ([48]) prévoyait de s’appliquer aux « montages non authentiques mis en place essentiellement dans le but dobtenir un avantage fiscal allant à lencontre de lobjet ou de la finalité des dispositions fiscales » ([49]).

Néanmoins, cette apparente divergence rédactionnelle ne doit pas abuser et laisser penser à des différences de champ : la directive sera bien appliquée à l’aune de la jurisprudence de la CJUE, selon les modalités précédemment décrites.

Par ailleurs, le fait que la motivation fiscale principale ait été retenue dans la version finale de la directive est une source de satisfaction plus que d’inquiétude : il s’agit des termes employés dans clause anti-abus mère-fille, qui sont familiers aux entreprises. Il y a ainsi une cohérence normative entre les directives européennes, ce dont il faut se réjouir, ainsi que le relevait Philippe Martin en soulignant qu’il y a « quand même un standard dans les directives européennes » ([50]).

3.   Une exigence de transposition permettant une application dès 2019

En application son article 11, la directive « ATAD », à certaines exceptions limitativement énumérées et encadrées dont l’article 6 ne fait pas partie, doit faire l’objet de mesures nationales de transposition devant être publiées au plus tard le 31 décembre 2018 pour permettre une application à compter du 1er janvier 2019.

II.   Le dispositif proposé

Le présent article procède à la transposition de l’article 6 de la directive « ATAD » du 12 juillet 2016.

A.   La transposition en droit français de la clause anti-abus générale « ATAD »

1.   L’insertion d’une clause anti-abus générale en matière d’IS

Le B du I du présent article introduit dans le CGI un nouvel article 205 A qui complète la section I du chapitre II du titre Ier de la première partie du livre Ier du CGI, consacrée aux généralités de l’IS.

Ce nouvel article 205 A reprend littéralement larticle 6 de la directive « ATAD », dont le contenu a déjà été analysé dans les développements précédents consacrés à ce dispositif et à la clause anti‑abus du régime mère-fille, et dont la constitutionnalité de la rédaction a été reconnue en 2015.

Les seules différences rédactionnelles par rapport à cet article 6 consistent en d’inévitables adaptation légistiques qui substituent aux mentions « États membres » et « charge fiscale des sociétés », propres à la directive, la notion plus française d’établissement de l’IS.

Il s’agit donc d’une nouvelle règle dassiette pour la détermination du résultat imposable à lIS, qui repose sur des critères connus des entreprises.

2.   L’abrogation de conséquence de la clause anti-abus du régime mère‑fille

La nouvelle clause anti-abus générale reprend la rédaction de la clause applicable dans le cadre du régime mère-fille, tout en ayant une portée plus large que celle-ci dans la mesure où elle s’appliquera à toutes les opérations relevant de l’IS.

Dès lors, maintenir la clause du régime mère-fille, qui se trouve totalement couverte par la nouvelle clause, ne se justifie pas.

Tirant les conséquences de ce constat, le A du I du présent article supprime cette clause sectorielle en abrogeant le k du 6 de l’article 145 du CGI, fondement juridique de la clause anti-abus du régime mère-fille.

Le 3 de l’article 119 ter du CGI, auquel renvoie le k du 6 de l’article 145 et qui contient le dispositif de la clause anti-abus, n’est en revanche pas modifié. En effet, cet article 119 ter porte sur l’exonération de retenue à la source applicable aux revenus de capitaux mobiliers versés à une personne morale européenne, et ne concerne donc pas l’IS en tant que tel.

3.   Le maintien de la clause anti-abus du régime spécial des fusions

La nouvelle clause anti-abus générale sappliquera sous réserve de la clause anti-abus propre au régime spécial des fusions prévue au III de l’article 210‑0 A du CGI, ainsi qu’en dispose le dernier alinéa du nouvel article 205 A.

Cette clause du régime spécial des fusions, ainsi qu’il a été vu, est destinée à lutter contre les opérations principalement motivées par la fraude ou l’évasion fiscale, cette motivation étant acquise en l’absence de motifs économiques valables tels que la restructuration ou la rationalisation d’activités.

Son périmètre et ses modalités sont donc distincts de ceux de la clause anti-abus générale, qui ne la recouvre pas. Dès lors, à la différence de la clause du régime mère-fille, son abrogation ne se justifie pas.

4.   Une application aux exercices ouverts à compter de 2019

En vertu du II du présent article, le dispositif proposé s’appliquera aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019.

Cette date d’entrée en vigueur correspond aux obligations prévues à l’article 11 de la directive « ATAD », assurant la conformité totale du dispositif français à celle-ci.

B.   Un renforcement des outils contre la fraude et l’évasion fiscales à l’impact budgétaire difficilement mesurable

L’impact de la nouvelle clause anti-abus générale sur les recettes fiscales n’est pas précisé.

Cette absence de chiffrage est normale dans la mesure où il est objectivement très difficile, sinon impossible, d’apprécier le nombre d’opérations qui tomberont sous le coup de cette clause ainsi que le volume d’assiette – et a fortiori de droits – qui feront l’objet de redressements sur son fondement.

L’évaluation préalable indique que la mise en place de cette clause n’aura pas d’incidence directe sur les recettes publiques. En revanche, il est certain quelle aura un impact indirect qui se manifestera de deux manières.

D’une part, la nouvelle règle d’assiette constituée par cette clause anti‑abus générale va renforcer les moyens dont dispose ladministration dans le cadre des contrôles qu’elle opère, ce qui permettra d’augmenter l’assiette imposable et donc, toutes choses égales par ailleurs, les recettes fiscales encaissées.

D’autre part, l’existence de cette nouvelle clause anti-abus pourra avoir un effet comportemental sur les entreprises.

À l’heure actuelle, sauf si elles relèvent du régime mère-fille ou du régime spécial des fusions, les opérations ne tombent pas sous le coup d’une clause anti‑abus si leur objectif est principalement fiscal : il faut que la motivation fiscale soit exclusive pour que l’administration puisse se placer sur le terrain de l’abus de droit.

Désormais, toute opération relevant de l’IS et dont la motivation fiscale n’est que principale, et non plus exclusive, entrera dans le champ de la clause anti‑abus générale qui permettra à l’administration de ne pas tenir compte des montages en cause.

Cette extension substantielle du champ d’un outil anti-abus devrait être susceptible de dissuader certains comportements.

C.   Les perspectives d’évolution de la répression de l’abus de droit

Le présent article est l’occasion d’explorer des pistes d’évolution de la procédure d’abus de droit, étudiée dans la première partie de ce commentaire.

1.   L’assouplissement de l’abus de droit

Ainsi qu’il a été vu, l’abus de droit, dans sa seconde branche de fraude à la loi, n’est reconnu que si la motivation fiscale est exclusive. Un assouplissement visant à retenir une motivation fiscale principale serait opportun, mais devrait être réalisé en tenant compte de la censure de la précédente tentative faite en 2013.

C’est précisément dans un tel cadre que s’inscrit la proposition  6 de la mission dinformation sur lévasion fiscale internationale des entreprises précitée, qui consiste à créer un abus de droit pour fraude à la loi « à deux étages » ([51]) :

– le premier étage viserait les actes à motivation fiscale principale, sans les majorations prévues au b de l’article 1729 du CGI ;

– le second étage consisterait en labus de droit actuel, visant les actes à motivation fiscale exclusive assortis des majorations automatiques.

● Le fait de ne pas assortir le premier étage de majorations automatiques permet de respecter les exigences constitutionnelles posées par le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée rendue sur la loi de finances pour 2014.

En effet, sans majorations automatiques de 80 %, ce premier étage serait non plus une règle répressive, mais une règle d’assiette, au même titre que la clause anti-abus générale transposée par le présent article ou que la clause anti‑abus du régime mère-fille dont la constitutionnalité a été reconnue en 2015.

● Une telle évolution serait complémentaire à la nouvelle clause antiabus générale prévue à l’article 205 A du CGI.

Cette dernière, rappelons-le, ne porte que sur lIS, là où labus de droit embrasse lensemble des impositions.

Il est donc cohérent et fiscalement vertueux de disposer des mêmes facultés de redressements pour chacun des impôts, sans que l’un d’entre eux fasse l’objet d’outils renforcés et que d’autres ne soient pas traités aussi efficacement.

● Suivant l’avis favorable du Rapporteur général, la commission a adopté un amendement de Mme Bénédicte Peyrol portant article additionnel après l’article 48 et qui met en œuvre cette proposition ([52]).

●Cette évolution utile de l’abus de droit pourrait s’accompagner d’un renforcement de la sécurité juridique des contribuables, là aussi conformément aux préconisations de la mission d’information sur l’évasion fiscale internationale des entreprises qui proposait la mise en place d’un rescrit sur la nature principale du motif fiscal dune opération.

L’article L. 64 B du LPF, portant sur le « rescrit abus de droit », pourrait utilement être complété à cet effet : c’est précisément ce que réalise un amendement de Mme Peyrol, adopté lui aussi avec l’avis favorable du Rapporteur général ([53]).

2.   La neutralité en matière de charge de la preuve de l’avis du comité de l’abus de droit fiscal

La seconde piste éventuelle d’évolution de la procédure d’abus de droit porte sur l’avis rendu par le comité de l’abus de droit fiscal.

● Ainsi qu’il a été vu, si cet avis corrobore la position de l’administration, la charge de la preuve incombe au contribuable, à qui il appartient de démontrer que les actes ne sont pas constitutifs d’un abus de droit.

Cette charge ne pèse donc sur l’administration que si cette dernière s’écarte de l’avis du comité – et donc dans l’hypothèse où ce dernier ne reconnaît pas l’abus de droit.

● Il s’agit d’une procédure différente de celle prévue à l’article L. 192 du LPF, qui prévoit la neutralité en matière de charge de la preuve des avis rendus :

– par les commissions des impôts directes et des taxes sur le chiffre d’affaires prévues à l’article 1651 du CGI et la commission nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires prévue à l’article 1651 H du CGI, compétentes sur les litiges relatifs à la détermination du bénéfice et du chiffre d’affaires ;

– par le comité consultatif du crédit d’impôt recherche prévu à l’article 1653 F du CGI, compétent sur les litiges afférents aux dépenses éligibles au crédit d’impôt recherche et au crédit d’impôt innovation ;

– par la commission départementale de conciliation prévue aux articles 1653 A et 667 du CGI, compétente sur les actes constatant la transmission de la propriété, de l’usufruit, de la jouissance ou d’un droit à bail de certains biens, notamment immeubles.

L’avis rendu par l’un de ces organismes dans le cadre d’un litige dont il est saisi n’a pas de conséquence sur la charge de la preuve : celle-ci incombe à l’administration « quel que soit lavis rendu par la commission ou le comité », aux termes du premier alinéa de l’article L. 192 du LPF.

Les seules hypothèses où la charge de la preuve incombe au contribuable sont :

– les cas dans lesquels la comptabilité comporte de graves irrégularités, étant précisé que la démonstration de ces graves irrégularités incombe à l’administration si le litige est soumis à un juge ;

– les cas dans lesquels est constaté un défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu.

● Il ne paraît pas absurde d’étendre cette neutralité en matière de charge de la preuve à lavis rendu par le comité de labus de droit fiscal.

En effet, dans le cadre de la procédure de l’abus de droit comme dans celui des contestations portées devant les commissions et comité précédemment mentionnés, la loi offre au contribuable une garantie, celle de pouvoir saisir ces organismes.

Il serait donc paradoxal que lexercice de cette garantie par le contribuable puisse se retourner contre ce dernier par un « effet boomerang » difficilement justifiable, d’autant moins qu’un tel effet est exclu pour les autres organismes mentionnés. Comme le relevait le professeur Cozian, « lintervention du comité (...) peut se retourner contre celui que la loi a cherché à protéger » ([54]).

C’est d’ailleurs de telles considérations qui avaient conduit le législateur, en 1987, à rendre neutre en matière de charge de la preuve l’avis rendu par les commissions et comité précités, à travers l’article 10 de la loi du 9 juillet 1987 modifiant les procédures fiscales et douanières, dite « loi Aicardi » ([55]).

L’état du droit, s’agissant des effets de l’avis du comité de l’abus de droit, ne paraît ainsi pas satisfaisant, la procédure répressive offrant moins de garanties effectives que la procédure devant les commissions des impôts ([56]).

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*     *

La commission examine l’amendement II-CF1262 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. L’article 48 va dans le bon sens en matière de lutte contre les pratiques d’évasion fiscale, mais il ne concerne que l’IS et ne prévoit pas de sanctions. Nous vous proposons, pour notre part, de sanctionner les entreprises de la même manière que les contribuables ayant commis un abus de droit, c’est-à-dire en appliquant une majoration de 80 % sur les sommes non prises en compte pour l’établissement de l’impôt.

M. le Rapporteur général. L’article 48 porte sur une règle d’assiette. C’est d’ailleurs pour cette raison que le Conseil constitutionnel admet la validité d’une telle disposition, comme il l’a fait en 2015 s’agissant de la clause anti-abus du régime « mère-fille ». Si l’on ajoutait une majoration automatique, il ne s’agirait plus d’une règle d’assiette et l’article s’exposerait à un fort risque de censure. Je rappelle aussi que le droit commun du contrôle fiscal reste applicable : si les montages entrant dans le champ de la clause anti-abus se révèlent constitutifs de manquements délibérés ou de manœuvres frauduleuses, ils pourront se voir appliquer les majorations prévues dans ce cadre. J’émets donc un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement II-CF1061 de Mme Bénédicte Peyrol.

Mme Bénédicte Peyrol. Cet amendement permettra de tirer les conséquences des modifications apportées aux outils anti-abus grâce à un nouveau rescrit qui aura pour effet de sécuriser les entreprises : elles pourront demander à l’administration fiscale de prendre position en précisant son interprétation.

M. le Rapporteur général. J’émets un avis favorable.

M. Charles de Courson. Cet amendement est très bien, mais je me pose une question de fond : l’article 48 est-il clair ? La jurisprudence va se délecter du critère suivant, qui s’applique aux montages : « à titre d’objectif principal ». Ne risque-t-on pas de se heurter à un problème d’inintelligibilité ou d’absence totale de clarté de la loi ? Il faut voter l’amendement, mais le Rapporteur général pourrait-il nous éclairer ?

M. le Rapporteur général. Nous ne faisons que reprendre rédaction de la clause anti-abus du régime « mère-fille » qui a été validée en 2015 par le Conseil constitutionnel. Il n’y a donc pas de risque sur ce plan.

La commission adopte l’amendement II-CF1061 (amendement II-1947).

Elle adopte ensuite l’amendement de précision II-CF1353 du Rapporteur général (amendement II-1948).

Puis elle adopte l’article 48 modifié.

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*     *

Après l’article 48

La commission examine l’article II-CF1350 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. Vous n’avez évidemment pas pu éviter la révélation du scandale des CumEx Files par Le Monde : 3 milliards d’euros auraient été volés à l’État chaque année avec la complicité des trois principales banques françaises 
– BNP Paribas, le Crédit agricole et la Société générale. On distingue deux éléments : les CumCum, qui sont des schémas d’optimisation fiscale légaux, et les CumEx, qui sont des schémas de fraude fiscale – ils sont par conséquent illégaux. Notre amendement s’attaque au premier cas : nous rendrons illégales ces pratiques qui sont préjudiciables aux finances publiques de notre pays. On nous a dit il y a un an qu’il fallait libérer le capital pour permettre l’investissement : on a vu que les dividendes ont explosé, mais aussi que lorsque vous donnez la main on vous prend le bras, et que tout cela n’empêche pas de continuer à essayer de frauder le fisc, légalement ou illégalement. L’amendement portera de 80 à 150 % la pénalité de majoration des droits pour ceux qui s’y essaieront.

M. le Rapporteur général. Je ne reviens pas sur ce que j’ai dit tout à l’heure en ce qui concerne la constitutionnalité. Nous allons précisément examiner un amendement de Bénédicte Peyrol qui permettra de satisfaire votre demande tout en passant le cap du Conseil constitutionnel, monsieur Coquerel. Je propose donc le retrait de l’amendement ; sinon j’émettrai un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

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Article additionnel après l’article 48
Extension du champ d’application du dispositif de lutte
contre l’abus de droit

La commission est saisie de l’amendement II-CF1066 de Mme Bénédicte Peyrol.

Mme Bénédicte Peyrol. Cet amendement vise à compléter l’article 48, qui prévoit un dispositif anti-abus s’appliquant uniquement à l’IS : nous vous proposons de l’élargir à l’ensemble de la fiscalité. Nous ajouterons ainsi un nouvel étage au dispositif de lutte contre l’abus de droit. Le président de notre commission avait lui-même fait une proposition similaire, mais elle a été censurée par le Conseil constitutionnel en 2013. Nous en tirons les conséquences en ne prévoyant pas d’appliquer la majoration automatique de 80 %. En revanche, il pourra y avoir une requalification des cas par l’administration fiscale. Il sera en outre possible de demander un rescrit, ce qui permet de sécuriser le dispositif.

Suivant l’avis favorable du Rapporteur général, la commission adopte l’amendement II-CF1066 (amendement II-1949).

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*     *

Article 49
Assouplissement des conditions déligibilité au crédit dimpôt
pour le rachat des entreprises par leurs salariés

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article, qui s’inscrit dans le cadre du plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), assouplit les conditions d’éligibilité au crédit d’impôt pour le rachat d’une entreprise par ses salariés, prévu à l’article 220 nonies du code général des impôts (CGI).

Ce crédit d’impôt est ouvert aux entreprises assujetties à l’impôt sur les sociétés (IS), constituées exclusivement pour racheter une société. Son montant dépend du degré de participation indirecte dans la société rachetée des salariés de cette dernière.

L’octroi du crédit d’impôt est subordonné à l’implication dans l’opération de rachat d’au moins quinze salariés de la société rachetée ou, si les effectifs de cette dernière n’excèdent pas cinquante, d’au moins 30 % de ceux-ci.

Jugée particulièrement contraignante et susceptible de freiner les reprises par les salariés, cette condition est supprimée par le présent article : ne sera requise la participation que d’un salarié de la société rachetée.

Toutefois, afin d’éviter les abus reposant sur la conclusion de contrats de complaisance, est exigée pour le salarié repreneur une ancienneté d’au moins deux ans dans la société rachetée à la date du rachat.

La mesure sera applicable aux exercices clos à compter du 31 décembre 2019, sous réserve d’un accord de la Commission européenne au regard de la législation encadrant les aides d’État. Elle s’appliquera aux opérations de rachat réalisées jusqu’au 31 décembre 2021.

Dernières modifications législatives intervenues

Le crédit d’impôt pour le rachat d’une entreprise par ses salariés a été créé par l’article 38 de la loi du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié et portant diverses dispositions d’ordre économique et social. Il n’a, depuis, pas fait l’objet de modifications substantielles.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Outre un amendement du Rapporteur général précisant les modalités d’entrée en vigueur et d’application du dispositif, la commission a adopté un amendement accentuant l’assouplissement proposé du crédit d’impôt :

– à l’initiative du Rapporteur général et de Mme Christine Pires Beaune et des membres du groupe Socialistes et apparentés, le terme du dispositif a été repoussé d’un an, au 31 décembre 2022 ;

– à l’initiative du Rapporteur général, l’ancienneté minimale du salarié impliqué dans l’opération de rachat a été ramenée de deux ans à dix-huit mois

I.   L’état du droit

Le crédit d’impôt pour le rachat du capital d’une société par ses salariés est un avantage fiscal destiné à faciliter la reprise de sociétés. Ses conditions d’éligibilité contraignantes limitent toutefois son utilisation, appelant à un assouplissement nécessaire.

A.   Le crédit d’impôt pour le rachat du capital d’une société par ses salariés

Introduit par l’article 38 de la loi du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié ([57]) et prévu à l’article 220 nonies du CGI, le crédit d’impôt pour le rachat du capital d’une société par ses salariés permet de réduire l’IS dû par la société exclusivement constituée pour le rachat.

1.   Les conditions d’éligibilité au crédit d’impôt

Seules les sociétés exclusivement constituées pour le rachat de tout ou partie du capital d’une société peuvent prétendre au bénéfice du crédit d’impôt.

Trois séries de conditions sont en outre posées par le II de l’article 220 nonies du CGI.

a.   L’assujettissement à l’IS dans les conditions de droit commun et l’absence d’appartenance à la même intégration fiscale

En premier lieu, aux termes du 1° de ce II, la société nouvelle et la société rachetée doivent être soumises au régime de droit commun de l’IS. L’assujettissement peut être de plein droit, ce qui est le cas des sociétés de capitaux, ou sur option exercée par une société de personnes.

En revanche, sont exclues les sociétés partiellement ou totalement exonérées d’IS – ainsi que, par définition, celles assujetties à l’impôt sur le revenu.

Les deux sociétés ne peuvent en outre faire partie du même groupe fiscalement intégré au sens des articles 223 A ou 223 A bis du CGI. Dans le cas contraire, il s’agirait en effet d’une opération assimilable au rachat à soi-même, qui ne peut ouvrir droit à un avantage fiscal.

b.   L’exigence d’une implication minimale des salariés de la société rachetée dans l’opération de rachat

En deuxième lieu, est exigée une implication minimale des salariés de la société rachetée dans l’opération de rachat.

● En application du 2° du II de l’article 220 nonies, les droits de vote attachés aux parts ou actions de la société nouvelle doivent en effet être détenus :

– par au moins quinze salariés de la société rachetée ;

– ou, si les effectifs de la société rachetée n’excèdent pas cinquante, par au moins 30 % des salariés de cette société (soit quinze salariés pour un effectif de cinquante).

La date prise en compte pour apprécier la qualité de salarié et l’effectif de la société rachetée est celle du rachat.

Ainsi qu’en dispose l’article 46 quater‑0 YZA de l’annexe III du CGI, les salariés retenus pour l’appréciation de cette deuxième condition s’entendent des personnes directement rémunérées par la société rachetée et qui sont titulaires d’un contrat de travail – qui peut être à durée déterminée ou indéterminée.

Ces seuils d’implication minimale des salariés reposent sur l’idée selon laquelle il faut, pour que la reprise puisse être viable, un certain nombre de salariés associés à l’opération.

● Si un nombre minimum de salariés doivent participer au rachat, en revanche, aucune condition n’est posée s’agissant de l’importance de la participation que ces salariés doivent détenir.

Il est donc possible de déconnecter la détention des droits de vote de celle du capital de la société de rachat, circonstance qui est de nature à favoriser la participation dans le capital de la société de rachat d’investisseurs extérieurs « providentiels », les « business angels ».

c.   L’approbation de l’opération de rachat par un accord d’entreprise

Enfin, en troisième lieu et conformément au 3° du II de l’article 220 nonies, le rachat doit avoir fait l’objet d’un accord d’entreprise satisfaisant aux conditions prévues au 2° de l’article L. 3332‑16 du code du travail relatif à la mise en place d’un fonds dédié au rachat de titres, c’est-à-dire un accord qui précise :

– l’identité des salariés impliqués dans l’opération de rachat ;

– le terme de l’opération de rachat ;

– le contrôle final de l’entreprise au sens de l’article L. 233‑16 du code de commerce : contrôle exclusif défini au II de cet article ou contrôle conjoint au sens du III du même article.

Le fonds commun de placement dédié au rachat de titres
et les assouplissements prévus par le projet de loi PACTE

L’article L. 3332‑16 du code du travail permet qu’un plan d’épargne d’entreprise établi par accord avec le personnel puisse prévoir l’affectation de sommes à un fonds commun de placement entreprise (FCPE) dédié au rachat :

– des titres de l’entreprise ;

– d’actions émises par des sociétés créées pour le rachat de sociétés en application de l’article 220 nonies ;

– des titres d’une entreprise appartenant au même groupe dans le cadre d’une opération de rachat réservée aux salariés.

● Les sommes inscrites aux comptes des participants à l’opération doivent être détenues jusqu’au terme du rachat et pour une durée d’au moins cinq ans. En application de l’article L. 3332‑10 du code du travail, la somme que chaque salarié peut affecter au FCPE est plafonnée au quart de sa rémunération annuel

La création du FCPE suppose la satisfaction de deux conditions qui correspondent aux deuxième et troisième conditions d’éligibilité du crédit d’impôt prévu à l’article 220 nonies du CGI :

– au moins quinze salariés ou, si les effectifs n’excèdent pas cinquante, au moins 30 % des salariés, sont impliqués dans l’opération de rachat ;

– l’accord avec le personnel précise l’identité des salariés impliqués, le terme de l’opération et le contrôle final.

● Le projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises (PACTE), adopté par l’Assemblée nationale en première lecture le 9 octobre 2018, prévoit à son article 19 bis (1) un assouplissement et une simplification du FCPE :

– le plafonnement des sommes que le salarié peut affecter au FCPE est porté de 25 % à 100 % de sa rémunération annuelle ;

– la durée obligatoire de détention des titres est ramenée de cinq à trois ans ;

– enfin, le nombre minimum de salariés impliqués dans l’opération de rachat est ramené de quinze à dix et, si les effectifs n’excèdent pas cinquante, de 30 % à 20 % de ceux-ci.

(1) Assemblée nationale, XVe législature, texte adopté n° 179, 9 octobre 2018.

2.   Les modalités de calcul et d’imputation du crédit d’impôt

Le montant du crédit d’impôt pour le rachat du capital d’une société dont peut bénéficier la société constituée en vue de l’opération de rachat correspond à l’IS dû par la société rachetée au titre de l’exercice précédent, avant imputation des réductions et crédits d’impôt :

– dans la proportion des droits sociaux détenus indirectement par les salariés dans le capital de la société rachetée et de façon continue pendant l’exercice au titre duquel le crédit d’impôt est calculé ([58]) ;

– et dans la limite du montant des intérêts d’emprunt supportés par la société nouvelle au titre du rachat.

● Le taux de participation indirecte des salariés correspond au produit entre, d’une part, la proportion des droits sociaux détenus par les salariés de la société rachetée dans la société nouvelle et, d’autre part, la proportion des droits sociaux détenus par la société nouvelle dans la société rachetée.

Ainsi, si des salariés créent une société pour que cette dernière fasse l’acquisition de 70 % du capital de leur entreprise et qu’ils détiennent 50 % de la société nouvelle, le crédit d’impôt correspondra à 70 % × 50 % = 35 % de l’IS dû par la société rachetée, sous réserve du plafonnement lié aux intérêts.

Pour l’appréciation de la limite reposant sur les intérêts d’emprunt, sont retenus les intérêts dus sur les emprunts contractés par la société nouvelle pour le rachat et qui viennent à échéance au cours de l’exercice au titre duquel le crédit d’impôt est calculé ([59]).

En conséquence, le crédit d’impôt au titre d’un exercice N + 1 correspond à l’IS dû par la société rachetée au titre d’un exercice N, multiplié par le taux de participation indirecte des salariés dans cette société, et dans la limite des intérêts dus par la société nouvelle au titre de l’exercice N + 1.

● Le tableau suivant illustre le calcul du crédit d’impôt sur plusieurs exercices. Dans cet exemple, les salariés détiennent 90 % de la société nouvelle, qui détient 80 % de la société rachetée : le taux de détention indirecte par les salariés est de 72 %. Cette proportion est réputée constante sur la période considérée.

Illustration du calcul du crédit d’impôt
pour le rachat d’une société par ses salariés

Exercice

N

N + 1

N + 2

N + 3

N + 4

N + 5

IS dû par la société rachetée (A)

150

160

200

300

125

250

Intérêts dus par la société nouvelle (B)

120

115

110

105

100

Participation indirecte des salariés dans la société rachetée (C)

72 %

72 %

72 %

72 %

72 %

Crédit d’impôt avant plafonnement
(A × C)

108

115,2

144

216

90

Crédit d’impôt après plafonnement
(A × C dans la limite de B)

108

115

110

105

90

Source : commission des finances.

● Ce double mécanisme d’encadrement du crédit d’impôt à travers, d’une part, la proportion des droits détenus par les salariés, d’autre part, les intérêts dus, se justifie par la nature du crédit d’impôt.

Ce dernier vise en effet à compenser le coût réel pesant sur les salariés à raison du rachat de l’entreprise (fonction des intérêts dus) et à éviter toute double imposition que pourraient supporter les salariés du fait de leur qualité d’actionnaires de la société rachetée et de la société nouvelle.

● En application de l’article 220 R du CGI, le crédit d’impôt s’impute sur l’IS dû par la société nouvelle au titre des exercices au cours desquels les intérêts sont comptabilisés.

Si le montant du crédit d’impôt est supérieur à l’IS dû, l’excédent est remboursé.

3.   Les autres avantages fiscaux prévus pour les sociétés créées en vue du rachat de sociétés par leurs salariés

Le crédit d’impôt de l’article 220 nonies du CGI n’est pas le seul avantage fiscal ouvert au bénéfice des sociétés constituées pour le rachat d’entreprises par les salariés de ces dernières.

L’article 732 bis du même code prévoit, en effet, que les acquisitions de droits sociaux effectuées par la société de rachat éligible au crédit d’impôt sont exonérées des droits d’enregistrement prévus à l’article 726 du CGI – pour mémoire, ces droits sont de 0,1 %, 3 % ou 5 % selon la nature des droits cédés.

Cette exonération était initialement prévue au I bis de l’article 726, abrogé par l’article 64 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie ([60]) et dont l’article 65 a introduit dans le CGI un nouvel article 732 bis reprenant le principe de l’exonération.

Enfin, l’article 810 quater du CGI prévoit l’enregistrement gratuit des actes constatant les apports mobiliers effectués dans les conditions prévues à l’article 220 nonies du même code.

B.   Des conditions contraignantes limitant le recours au crédit d’impôt et freinant la reprise d’entreprises

Les conditions d’éligibilité du crédit d’impôt, surtout celles liées à la participation d’un nombre minimum de salariés à l’opération de rachat, présentent une contrainte qui peut expliquer le faible recours à l’outil, alors que de nombreuses entreprises ne trouvent pas de repreneurs.

1.   Un seuil minimal de salariés repreneurs contraignant

Ainsi qu’il a été vu, le bénéfice du crédit d’impôt prévu à l’article 220 nonies du CGI est subordonné à la condition qu’au moins quinze salariés de la société rachetée détiennent les droits de la société nouvelle 
– condition fixée à 30 % des salariés si les effectifs n’excèdent pas cinquante.

Cette condition se révèle particulièrement contraignante dans la mesure où elle empêchera le bénéfice de l’avantage fiscal si le seuil n’est pas atteint, alors même que des salariés participent effectivement au rachat, voire sont les uniques repreneurs.

Le seuil ainsi fixé peut donc conduire à la situation paradoxale dans laquelle un petit nombre de salariés reprennent seuls une entreprise sans pouvoir bénéficier du crédit d’impôt, là où une reprise associant des repreneurs extérieurs et des salariés pourra être éligible au crédit d’impôt.

Un tel constat semble aller à rebours de l’objectif initialement poursuivi par le législateur : alléger la charge fiscale lors des phases de démarrage et de consolidation consécutives à une reprise et rendre la reprise par les salariés aussi avantageuse que celles réalisées par des professionnels.

2.   Un crédit d’impôt utilisé par quelques dizaines d’entreprises chaque année

L’absence de réel succès du crédit d’impôt pour le rachat d’une entreprise par ses salariés se constate à travers le nombre de bénéficiaires du dispositif : depuis 2007, moins de 400 entreprises en tout ont bénéficié de l’outil, le pic étant atteint en 2014 avec 70 bénéficiaires.

Le coût annuel du crédit d’impôt, quant à lui, était inférieur à 500 000 euros pour la période 20072011 et est d’un million d’euros depuis 2012.

Le tableau suivant dresse la synthèse de ces éléments chiffrés, tandis que le graphique ci-après fait état de l’évolution du nombre de bénéficiaires pour la période 2008‑2017 (ce nombre n’est pas disponible pour l’année 2007).

Coût et bénéficiaires du crédit d’impôt pour le rachat d’une entreprise par ses salariés (2007-2019)

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018 (p.)

2019 (p.)

Coût
(en millions deuros)

ε

ε

ε

ε

ε

1

1

1

1

1

1

1

1

Bénéficiaires

ND

20

10

14

20

27

43

70

59

63

55

ND

ND

N.B. : la mention « epsilon » (ε) indique un coût inférieur à 500 000 euros.

Source : Évaluations des voies et moyens des projets de loi de finances pour 2009, 2010, 2011, 2012, 2013, 2014, 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019, tome II, Dépenses fiscales.

L’augmentation continue entre 2009 et 2014 peut s’expliquer par une montée en puissance du dispositif, devenu de plus en plus familier aux entreprises et aux salariés. Depuis 2015, la tendance est erratique mais le nombre de bénéficiaires reste dans un ordre de grandeur voisin de 2014.

En tout état de cause, ce nombre est particulièrement faible au regard du total des entreprises potentiellement éligibles, à savoir toutes les entreprises à l’IS ayant des salariés.

3.   Un assouplissement nécessaire pour favoriser la reprise d’entreprises

La reprise d’entreprises est un enjeu économique majeur. Une étude du groupe BPCE de 2014 ([61]) estimait à 185 000 le vivier des très petites entreprises (TPE), des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) susceptibles d’être transmises du fait de l’âge de leurs dirigeants. L’étude soutenait que la cession de ces entreprises, plutôt que leur disparition :

– contribuerait au maintien de 750 000 emplois ;

– pourrait aboutir à créer 150 000 emplois, sous réserve que les reprises soient bien organisées et anticipées.

● Les chiffres sur les reprises d’entreprises sont incomplets, la fin de leur comptabilisation par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) en 2006 ne permettant pas de disposer de données fiables. Un consensus s’est dégagé autour de 60 000 transmissions par an, mais il ne permet pas de disposer d’une vision fine de la situation réelle ([62]).

Sur ces 60 000 entreprises reprises, 90 % emploient moins de cinquante salariés. Par ailleurs, le taux de cession augmente avec la taille de l’entreprise cédée, ainsi que l’illustre le tableau suivant.

taux de cession des entreprises

TPE

PME de 10 à 19 salariés

PME de 20 à 49 salariés

ETI

2,8 %

6 %

7,5 %

18,2 %

Source : Mme Fanny Dombre-Coste, Favoriser la transmission dentreprise en France : diagnostic et propositions, rapport remis au ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, et à la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire, 7 juillet 2015.

● L’identification des repreneurs est un enjeu crucial eu égard au nombre important de dirigeants déclarant vouloir céder leur entreprise dans les deux ans, qu’illustre le graphique ci-après.

Taux de cession annuel comparé selon l’âge des dirigeants

N.B. : colonne de droite (mauve) : pourcentage des dirigeants pensant céder dans les deux ans ; colonne de gauche (orange) : taux de cessions effectives.

Source : Les Carnets de BPCE L’Observatoire, La cession-transmission des PME 2013, carnets 2015.

Ces données doivent être mises en relation avec la démographie des dirigeants d’entreprises : 48 % des dirigeants des PME comptant entre dix et deux cent cinquante salariés ont plus de soixante-cinq ans ([63]).

● L’intérêt économique des cessions d’entreprises, et donc de la facilitation des reprises, résulte également de la meilleure viabilité des entreprises cédées : le taux de défaillance à trois ans des PME reprises est, dans la plupart des cas, substantiellement inférieur à celui des PME non cédées, comme le montre le graphique suivant, qui repose sur la part des liquidations judiciaires intervenues entre 2006 et 2008 selon le risque initial.

Comparaison des taux de défaillance par taille d’entreprises entre les entreprises cédées et les entreprises non cédées

Source : Les Carnets de BPCE L’Observatoire, La cession-transmission des PME 2013, carnets 2015.

L’évaluation préalable du présent article corrobore ces données :

– le taux de survie à trois ans d’une entreprise reprise est de 74 %, contre 66 % pour les nouvelles entreprises ;

– le taux de survie à cinq ans est de 60 % pour les entreprises reprises, contre 51 % pour les créations ;

– le taux à cinq ans est de 72 % pour les sociétés coopératives de production (SCOP), dont les salariés sont associés majoritaires.

● Enfin, doivent être mentionnées les 30 000 entreprises qui disparaissent chaque année faute de repreneurs ([64]).

C’est d’ailleurs pour faciliter la reprise des entreprises par les salariés, vivier naturel des repreneurs, qu’a été introduit dans le projet de loi PACTE, à l’initiative de députés du groupe La République en Marche, un article 19 bis qui assouplit et simplifie le fonds commun de placement entreprise prévu par le code du travail ([65]).

Ainsi que le souligne l’évaluation préalable de l’article, il existe un important écart entre les cessions qui pourraient associer des salariés et celles qui les associent effectivement : alors que 26 % des dirigeants de PME souhaiteraient céder leur entreprise à leurs salariés, seules 10 % des reprises sont réalisées par ces derniers. L’encouragement et l’accompagnement des salariés dans la reprise de leur entreprise se révèlent donc nécessaires.

II.   Le dispositif proposÉ

S’inscrivant dans le cadre du PACTE, le présent article met en œuvre l’une des mesures mises en avant pour faciliter la transmission d’entreprises : en supprimant le seuil de salariés impliqués dans l’opération de rachat de l’entreprise, il va permettre d’accroître les reprises internes.

A.   L’opportun assouplissement des conditions d’éligibilité du crédit d’impôt pour le rachat d’une entreprise

Le présent article, qui modifie l’article 220 nonies du CGI, supprime pour une période de trois ans la condition tenant au nombre minimum de salariés impliqués dans l’opération de rachat.

1.   La suppression du seuil minimum de salariés impliqués dans le rachat

● Le cœur du dispositif proposé se trouve au  du I du présent article, qui réécrit le 2° du II de l’article 220 nonies consacré aux conditions d’éligibilité au crédit d’impôt pour le rachat d’une entreprise par ses salariés.

Ainsi qu’il a été vu, actuellement, les droits de vote dans la société nouvelle doivent être détenus par un minimum de quinze salariés de la société rachetée ou par 30 % de ses effectifs si ces derniers n’excèdent pas cinquante.

En application du  du I de l’article, ce seuil est supprimé : les droits de vote au sein de la société nouvelle devront être détenus « par une ou plusieurs personnes » salariées de la société rachetée.

Dans ces conditions, le bénéfice du crédit d’impôt sera possible même si l’opération de rachat n’implique qu’un seul salarié.

● Le b du 1° du I du présent article modifie également les modalités de calcul du crédit d’impôt prévues au second alinéa du I de l’article 220 nonies, en substituant à la proportion des droits sociaux indirectement détenus par les salariés dans le capital de la société rachetée, la proportion des droits de vote attachés aux actions ou parts de la société rachetée que détiennent indirectement les salariés.

Il s’agit d’une harmonisation opportune avec la rédaction du 2° du II de cet article 220 nonies, que ne modifie pas le présent article sur ce point.

2.   Un encadrement pour éviter les abus susceptible d’être atténué

● La suppression du seuil minimum de salariés participant au rachat de l’entreprise à laquelle procède le 2° du I du présent article s’accompagne d’un dispositif anti-abus destiné à lutter contre les contrats de complaisance, introduit par le même 2°.

Les contrats de complaisance visent ceux conclus entre le cédant et un ou plusieurs repreneurs peu avant le rachat afin de satisfaire artificiellement à la condition qu’au moins un salarié participe au rachat et donc bénéficier du crédit d’impôt.

Le dispositif proposé exige que le ou les salariés qui détiennent des droits de vote attachés aux actions ou parts de la société nouvelle soient, à la date du rachat, salariés de la société rachetée depuis au moins deux ans.

Cet encadrement est opportun en ce qu’il prémunit un détournement de l’esprit du crédit d’impôt.

● Néanmoins, la durée minimale de deux ans peut sembler excessive et pourrait se révéler contre-productive si le ou les salariés qui souhaitent racheter la société sont employés depuis moins longtemps.

Certes, il peut être considéré qu’exiger une ancienneté de deux ans garantit que le ou les salariés repreneurs disposent d’une bonne connaissance de l’entreprise, circonstance de nature à renforcer la viabilité de la reprise. Toutefois, une ancienneté moindre, fixée à dix-huit mois, permet de suffisamment bien connaître l’entreprise, surtout si celle-ci est relativement petite, et il serait à l’inverse possible d’objecter qu’une ancienneté de deux ans n’assure pas une connaissance exhaustive ou même étendue.

Par ailleurs, cette durée de deux ans ferait obstacle à des reprises par leurs salariés de société créées il y a moins de deux ans.

En conséquence, il paraît souhaitable de ramener la durée minimale de salariat dans l’entreprise rachetée de deux ans à dix-huit mois :

– le champ du crédit d’impôt facilitant les reprises sera élargi, mesure qui s’inscrit dans la logique du PACTE ;

– la durée de dix-huit mois est suffisante pour éviter les contrats de complaisance, là où une durée inférieure présenterait trop de risques.

Le Rapporteur général tient néanmoins à souligner que ce passage à dix‑huit mois devra, comme l’ensemble du dispositif au demeurant, être validé par la Commission européenne. Or, d’après les premiers éléments recueillis auprès de l’administration fiscale, c’est une durée de deux ans, soit celle initialement prévue, qui a été indiquée à la Commission.

Il appartiendra donc au Gouvernement, lors de l’examen du présent article en séance, d’apporter à l’Assemblée toutes les informations utiles sur le contenu et le calendrier de la notification du dispositif à la Commission européenne, afin que les députés puissent se prononcer en pleine connaissance sur l’abaissement proposé de l’ancienneté minimale.

3.   Un assouplissement temporaire qui pourrait être prolongé

a.   Une entrée en vigueur subordonnée à l’accord de la Commission européenne

Lors de sa création, le crédit d’impôt a fait l’objet d’une notification à la Commission européenne, qui avait considéré qu’il s’agissait d’une aide d’État compatible avec le marché intérieur par une lettre du 19 juillet 2006.

Eu égard à l’importance des modifications apportées, la mise en œuvre du dispositif proposé suppose une notification similaire, ce que prévoit le III du présent article.

Dans la mesure où la Commission avait considéré en 2006 que l’avantage fiscal n’entraînait pas de distorsion de concurrence notamment en raison du lien direct entre montant du crédit d’impôt et ampleur de la participation salariale, il paraît probable que la réponse qu’elle donnera au titre des modifications apportées par le présent article soit également positive : si l’éligibilité au crédit d’impôt est élargie, le montant de l’outil reste directement lié à l’ampleur de la participation salariale.

L’entrée en vigueur des aménagements apportés au crédit d’impôt ne pourra être postérieure de plus de six mois à la réception de la réponse de la Commission européenne, sous réserve naturellement que cette dernière donne son accord.

La Commission peut au demeurant être saisie avant l’adoption définitive du texte. Rappelons qu’en 2006, le projet de loi pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié avait été déposé le 21 juin, la Commission avait répondu le 19 juillet et la promulgation du texte était intervenue le 30 décembre suivant.

D’après les informations obtenues par le Rapporteur général, la notification à la Commission européenne devrait intervenir avant la promulgation du présent projet de loi de finances, des contacts étant déjà noués avec celle-ci.

b.   Une application aux opérations de rachat faites jusqu’en 2021

Les nouvelles modalités du crédit d’impôt s’appliqueront aux exercices clos à compter du 31 décembre 2019, conformément au II du présent article.

Cela signifie que les entreprises dont l’exercice porte sur une durée de douze mois pourront prétendre au bénéfice du nouveau dispositif dès leur exercice ouvert en 2019.

Seront concernées les opérations de rachat intervenues jusqu’au 31 décembre 2021 : cette limite temporelle est fixée par le a du 1° du I du présent article, qui modifie à cet effet le premier alinéa du I de l’article 220 nonies du CGI.

c.   L’éventuelle extension de la mesure aux rachats faits en 2022

L’encadrement temporel d’une modification structurelle d’une dépense fiscale est nécessaire, surtout si la modification est susceptible d’étendre largement le champ de la dépense.

Néanmoins, la limite prévue au présent article paraît pouvoir être repoussée d’une année, afin que l’assouplissement du crédit d’impôt concerne les rachats réalisés jusqu’au 31 décembre 2022.

Rappelons en effet que le II de l’article 20 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 dispose que les créations ou extensions de dépenses fiscales intervenant à compter de 2018 peuvent porter sur une durée maximale de quatre ans ([66]).

Étendre le bénéfice de la mesure aux rachats intervenus en 2022 renforcerait la visibilité des dirigeants qui souhaiteraient céder leur entreprise ainsi que celle des salariés intéressés par un éventuel rachat

B.   Un impact non chiffré qui devrait être économiquement positif

1.   Un impact budgétaire indéterminé qui devrait rester faible

L’évaluation préalable du présent article ne fournit aucune donnée chiffrée sur l’impact budgétaire qu’aura l’assouplissement substantiel du crédit d’impôt pour le rachat d’une entreprise par ses salariés.

● Il est certain que l’évaluation des conséquences du dispositif proposé sur les recettes fiscales n’est pas aisée, notamment du fait de paramètres multiples et complexes à prendre en compte, tels que le nombre de salariés intéressés par la reprise de leur entreprise, la volonté des dirigeants de céder et l’ampleur de la participation salariale indirecte dans la société.

Cependant, les justifications avancées à l’appui du défaut de chiffrage ne semblent guère convaincantes : dans l’évaluation préalable, il est indiqué que « le coût de la mesure sera fonction de [la] hausse d’utilisation. Il ne peut donc pas être estimé a priori, même s’il devrait rester faible » ([67]).

Le propre de toute modification d’une dépense fiscale est que l’impact budgétaire dépend de l’évolution du recours à l’outil. Il est donc relativement surprenant de s’abriter derrière une évolution comportementale pour justifier l’absence de chiffres. Des simulations auraient pu être réalisées, à l’image de ce qui est fait lors de chaque création de dépenses fiscales.

● La probable faiblesse du coût de la mesure repose sur le montant actuel de la dépense fiscale, qui s’élève à un million d’euros par an depuis 2012.

2.   Des reprises facilitées et plus fluides et un emploi préservé

● Les salariés constituent un vivier naturel de repreneurs qui présente plusieurs avantages :

– le fait que la reprise soit faite par les salariés accélère les opérations, le cédant n’ayant pas à rechercher longuement des repreneurs extérieurs ;

– une telle situation assure également un accompagnement du repreneur par le cédant, tandis que l’entreprise ainsi rachetée bénéficiera de l’expertise des salariés repreneurs.

● La reprise par les salariés est donc un facteur de renforcement de la résilience des entreprises, qui s’accompagnera de meilleures performances économiques et d’une plus grande préservation de l’emploi.

Le taux de survie à cinq ans plus élevé des SCOP (72 %) témoigne d’ailleurs de la pertinence d’une plus grande association des salariés à la gouvernance des entreprises.

Enfin, le nombre moyen d’emplois induits par une reprise de société (emplois préservés) est de cinq, alors que les créations d’entreprises ne génèrent en moyenne que deux emplois ([68]).

3.   L’ampleur incertaine de l’impact économique

L’opportunité de l’assouplissement proposé ressort du très fort taux de réponses positives à la mesure obtenues lors des consultations réalisées sur le projet de loi PACTE entre le 15 janvier et le 5 février 2018 : 88 % des avis émis sur l’assouplissement du crédit d’impôt étaient favorables.

Cependant, il paraît légitime de s’interroger sur l’ampleur des effets positifs pour l’économie et les entreprises que la mesure pourra avoir.

● En premier lieu, la modestie affichée de l’impact budgétaire qui, bien que non chiffrée, devrait être faible selon les termes employés dans l’évaluation préalable, laisse supposer que l’accroissement du recours au crédit d’impôt ne devrait pas être substantiel ou, en tout état de cause, s’il l’était en termes relatifs, il resterait modeste en valeur absolue. Rappelons qu’à peine une soixantaine d’entreprises par an, sur les centaines de milliers éligibles, ont bénéficié de l’outil.

Une démocratisation du crédit d’impôt et son utilisation par un grand nombre d’entreprises se traduiraient par une explosion du coût de la dépense fiscale. Un tel constat ne serait pas nécessairement négatif puisqu’il signifierait une fluidité renforcée des reprises par les salariés, mais le fait que l’évaluation préalable semble exclure une évolution de ce type laisse penser que l’impact sera modéré.

● En second lieu, si la suppression du seuil minimum de salariés impliqués dans le rachat est susceptible d’accroître les hypothèses d’éligibilité au crédit d’impôt, elle est également de nature à réduire substantiellement le montant de ce dernier.

Le crédit d’impôt, indépendamment du plafonnement lié aux intérêts comptabilisés, correspond au produit entre l’IS dû par la société rachetée et la participation indirecte dans cette société qu’ont les salariés. Dès lors, si le nombre de salariés repreneurs diminue, il est probable que leur participation dans la société rachetée connaisse la même évolution, réduisant en conséquence le montant de l’avantage fiscal.

À titre d’exemple, si deux salariés participent à l’opération pour une participation indirecte dans la société rachetée de 5 % chacun, le crédit d’impôt correspondra à 10 % de l’IS dû. Si, pour une participation individuelle équivalente, le seuil de quinze salariés avait été maintenu, le crédit d’impôt aurait été de 75 % de l’IS dû.

Cette réflexion peut nuancer les conclusions tirées de l’ampleur du coût sur le nombre des cessions concernées par le crédit d’impôt, mais elle ne remet pas en cause leurs fondements : un avantage fiscal faible n’aura qu’un impact limité d’un point de vue économique.

Dès lors, le dispositif proposé par le présent article est bienvenu et utile, mais ne peut être pris individuellement comme pouvant avoir un impact déterminant : il doit être apprécié en lien avec les autres mesures du PACTE facilitant la transmission d’entreprises.

● Concernant ces autres outils, précisément, il pourrait être envisagé d’accentuer l’assouplissement du FCPE réalisé par l’article 19 bis du projet de loi PACTE.

Ainsi qu’il a été vu, la constitution de ce type de fonds supposait qu’au moins quinze salariés, ou 30 % des effectifs si ces derniers n’excèdent pas cinquante, soient impliqués dans l’opération de rachat, seuils identiques à la rédaction actuelle de l’article 220 nonies du CGI.

Ces seuils ont été ramenés, respectivement, à dix salariés et à 20 % des effectifs s’ils n’excèdent pas cinquante.

Aligner ces seuils au régime applicable au crédit d’impôt, c’est-à-dire ouvrir la possibilité de mettre en place un FCPE dès lors qu’est impliqué dans le rachat au moins un salarié, sous réserve d’une ancienneté minimale, ne paraît ainsi pas absurde, et serait d’autant plus cohérent que le FCPE peut servir aux opérations de rachat éligibles au crédit d’impôt de l’article 220 nonies du CGI.

Un tel alignement semble impossible à réaliser dans le présent texte dans la mesure où il paraît étranger au domaine des lois de finances.

En revanche, cet alignement pourrait intervenir dans le cadre du projet de loi PACTE au Sénat, lors de la commission mixte paritaire ou à l’occasion de la nouvelle lecture.

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*     *

La commission examine l’amendement II-CF1251 de M. Jean-Paul Mattei.

M. Jean-Paul Mattei. Notre objectif est de modifier un peu l’esprit de l’article 49 en appliquant plutôt une réduction d’impôt qui prendrait en compte l’amortissement pratiqué sur les titres acquis ou les éléments incorporels et en étendant l’application du dispositif au rachat des entreprises individuelles – il semblerait qu’il concerne seulement les titres sociaux.

M. le Rapporteur général. Je suis défavorable à cet amendement notamment parce qu’il remplace un crédit d’impôt par une réduction d’impôt, ce qui est toujours moins intéressant pour le contribuable.

M. Jean-Paul Mattei. Mais cela coûte aussi moins cher à l’État...

M. le Rapporteur général. Par ailleurs, mon avis est défavorable pour des raisons qui tiennent à la rédaction de l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie des amendements identiques II-CF1355 du Rapporteur général et II-CF1140 de Mme Christine Pires Beaune.

M. le Rapporteur général. Je vous propose d’étendre d’une année l’application du crédit d’impôt pour le rachat d’une entreprise par ses salariés, et donc de fixer le terme du dispositif au 31 décembre 2022.

Mme Christine Pires Beaune. L’article 49 va dans le bon sens, car il assouplit les conditions d’éligibilité à ce crédit d’impôt. Notre amendement se calque sur la loi de programmation des finances publiques en retenant aussi l’année 2022.

La commission adopte les amendements II-CF1355 et II-CF1140 (amendement II-1950).

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements IICF1112 de Mme Dominique David et II-CF1356 du Rapporteur général.

Mme Dominique David. Je me réjouis naturellement que l’on assouplisse les conditions d’éligibilité au crédit d’impôt pour le rachat des entreprises par leurs salariés, comme le prévoit l’article 49, mais j’ai quelques réserves sur le dispositif anti-abus. Je suis favorable à ce qu’il y en ait un afin d’éviter des contrats de complaisance, par exemple dans le cas d’un repreneur qui négocierait un contrat de travail avec le cédant dans le seul but de bénéficier du crédit d’impôt ; cependant, dans la rédaction actuelle de l’article 49, les salariés qui ne sont pas présents depuis au moins deux ans dans la société rachetée sont exclus du calcul de l’aide fiscale.

Nous faisons face à une urgence en ce qui concerne la transmission des entreprises. Environ 24 % des dirigeants de PME déclarent avoir l’intention de céder leur activité dans les deux prochaines années, ce qui est directement lié à la pyramide des âges. Par ailleurs, 30 % des sociétés reprises le sont par les salariés. Cela doit être encouragé car on arrive ainsi à des taux de pérennité plus importants.

Dans cette perspective, notre amendement abaissera le seuil actuel à un an. Cela permettra de maintenir un dispositif anti-abus tout en élargissant le vivier des repreneurs potentiels par un assouplissement des conditions d’éligibilité au crédit d’impôt. Il serait bon que cette mesure soit limitée à trois années, au terme desquelles l’efficience des aménagements apportés au crédit d’impôt serait évaluée.

M. le Rapporteur général. J’ai déposé un amendement de compromis qui fixe le délai à dix‑huit mois. Je voudrais également signaler un bémol important : il faudrait connaître la position de la Commission européenne sur ce dispositif. Si elle considère qu’un délai de douze ou dix‑huit mois est trop court, il y aura un problème. En attendant d’en reparler en séance avec le ministre, je propose à Mme David de se rallier à mon amendement.

M. Charles de Courson. Le Rapporteur général a tout à fait raison de soulever ce problème : la date d’entrée en vigueur de l’article 49 dépendra de l’accord de la Commission européenne. Avez-vous une idée du délai dans lequel elle prendra position ? Nous avons prolongé le dispositif d’un an grâce aux amendements qui viennent d’être adoptés. Faudra-t-il attendre un an ou un an et demi ?

M. le Rapporteur général. Je vous propose d’en débattre en séance avec le ministre, afin qu’il puisse nous expliquer clairement ce qu’il en est. Nous n’aurons fait qu’adopter un amendement d’appel s’il est incompatible avec ce qui a été notifié, mais nous aurons en tout cas obtenu l’éclairage nécessaire.

Mme Dominique David. Je retire mon amendement.

M. le Rapporteur général. Je considère que j’ai défendu mon amendement II‑CF1356. Je propose à Mme David de le cosigner.

Mme Dominique David. J’accepte cette proposition.

L’amendement II-CF1112 est retiré.

La commission adopte l’amendement II-CF1356 (amendement II-1951).

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements IICF1354 du Rapporteur général, II-CF1252 de M. Jean-Paul Mattei et IICF1307 de Mme Sabine Rubin.

M. le Rapporteur général. Mon amendement est de précision.

M. Jean-Paul Mattei. Il est prévu que l’article 49 ne sera applicable qu’aux exercices clos à compter du 31 décembre 2019. Cela signifie que cette mesure ne pourra commencer à s’appliquer qu’à partir du 1er janvier 2020. Mon amendement vise à avancer un peu la date d’application du dispositif, en faisant référence aux exercices clos à compter du 1er juin 2019.

M. le Rapporteur général. La date proposée par le Gouvernement me semble préférable : elle permet d’inclure les entreprises dont l’exercice annuel s’ouvrira au 1er janvier 2019, alors que votre amendement conduirait à un effet d’aubaine en s’appliquant à des exercices ouverts avant 2019. Je rappelle aussi que nous venons de prolonger d’un an l’application du dispositif et de réduire l’ancienneté minimale pour être éligible. Je vous invite à retirer l’amendement, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable.

Mme Sabine Rubin. Nous sommes favorables à l’article 49 car il va dans le bon sens. Néanmoins, son III prévoit qu’il n’entrera en vigueur qu’après « réception par le Gouvernement de la réponse de la Commission européenne permettant de considérer le dispositif législatif lui ayant été notifié comme conforme au droit de l’Union européenne en matière d’aides d’État ». À nos yeux, c’est un nouvel exemple de l’ingérence de la Commission européenne dans la souveraineté du peuple français. Notre amendement s’oppose à la conditionnalité prévue pour l’entrée en vigueur de ce dispositif : nous demandons que celle-ci ait lieu au 1er janvier 2020. C’est au Parlement d’en décider.

M. le Rapporteur général. Je trouve cet amendement un peu paradoxal : vous priveriez d’avantage fiscal les salariés souhaitant reprendre leur entreprise en 2019. Par ailleurs, je connais bien la décision de la Commission européenne dans l’affaire McDonald’s à laquelle votre exposé sommaire fait référence : j’ai même reçu des représentants de ce groupe à plusieurs reprises. Votre amendement poserait plus de problème en retardant l’application du dispositif qu’il n’en résoudrait. J’émets donc un avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie. Il était important de réaliser un état des lieux, comme l’a fait le Gouvernement, sur ce dispositif dont tout le monde loue les bienfaits : on voit qu’il faut l’assouplir car il n’est pas assez utilisé. J’étais intéressée par un assouplissement plus grand en ce qui concerne l’ancienneté requise, mais j’ai bien compris que cela pouvait poser un problème au plan européen et il faut prendre cet élément en considération.

Néanmoins, j’avoue que je ne saisis pas bien les arguments du Rapporteur général : ce qui nous est proposé est d’appliquer beaucoup plus tôt le dispositif. Si l’on prend en compte les exercices clos à compter du 1er juin 2019 au lieu du 31 décembre de la même année, on permet aux entreprises de bénéficier du dispositif à partir des exercices ouverts au 31 mai 2018 et non au 1er janvier 2019. À partir du moment où l’on veut assouplir cette mesure et en faire la promotion, je trouve que l’amendement II-CF1252 est intéressant.

M. Charles de Courson. Il y a un problème d’articulation entre les deux derniers alinéas de l’article 49. Si les débats durent au plan européen et que l’on met un an et demi à obtenir l’accord de la Commission, comment cela va-t-il s’articuler avec la référence aux « exercices clos à compter du 31 décembre 2019 » ? Il y a une période d’incertitude. Le Rapporteur général a-t-il pu mettre son nez dans cette affaire ? Comment cela va-t-il se passer ? Aura‑t‑on recours à des préaccords suspendus ?

M. le Rapporteur général. Je crois qu’il y a une confusion entre l’entrée en vigueur et l’application. Une mesure peut être en vigueur sans être applicable : ne commettons pas une erreur d’interprétation. Je maintiens ma position et le ministre pourra vous fournir en séance des compléments sur le calendrier de la notification à la Commission européenne

M. Jean-Louis Bourlanges. Et que préférez-vous ? Mettre en vigueur ou appliquer ?

M. le Rapporteur général. On commence par faire entrer en vigueur et ensuite on applique : c’est la marche normale...

M. Charles de Courson. Le problème est simple. Il y a soixante‑dix ou soixante‑quinze montages de ce type chaque année : comment cela va-t-il se passer si un groupe de salariés rachète une entreprise ? Quand le dispositif sera-t-il applicable ? Y aura-t-il des préaccords suspendus ? On va se trouver dans une situation d’insécurité juridique entre le 1er janvier 2019 et une date que l’on ne connaît pas encore – ce sera peut-être fin 2019. Voilà l’objet de ma question. Que fait-on ?

M. le président Éric Woerth. Si je comprends bien, cela concerne les opérations lancées en 2019 et le crédit d’impôt sera versé l’année suivante – c’est d’ailleurs pour cette raison qu’il s’agit d’un article non rattaché de seconde partie. Comme le Rapporteur général l’a suggéré, le ministre pourra clarifier en séance les modalités d’application de cet article qui fait l’objet d’un consensus au sein de la commission, même si c’est parfois pour des raisons différentes.

La commission adopte l’amendement II-CF1354 (amendement II-1952).

En conséquence, les amendements II-CF1252 et II-CF1307, devenus sans objet, tombent.

M. Jean-Paul Mattei. Nous aurons besoin d’une clarification.

M. le président Éric Woerth. Vous pourrez redéposer votre amendement afin qu’il y ait un débat dans l’hémicycle.

La commission adopte l’article 49, modifié.

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Article 50
Élargissement du dispositif du crédit-vendeur

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article, qui traduit l’un des engagements du plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) du 18 juin 2018, renforce un mécanisme d’étalement d’impôt sur le revenu pesant sur la plus-value de cession d’une entreprise dans le cadre d’un crédit-vendeur, mécanisme créé en loi de finances rectificative pour 2015.

Alors que le mécanisme actuel est limité aux entreprises individuelles, le présent article l’élargit aux plus-values de cession des titres d’une « petite entreprise » au sens européen, toujours dans le cadre d’un crédit-vendeur.

Dans ce dernier cas, le présent article prévoit que la cession doit porter sur la majorité du capital social et que le cédant ne doit plus contrôler l’entreprise à l’issue de la cession.

Dernières modifications législatives intervenues

Le mécanisme modifié, créé par l’article 97 de la loi de finances pour 2015, est entré en vigueur le 1er janvier 2016.

Il n’a pas été modifié depuis cette date.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’État du droit

A.   Un dispositif d’Étalement de l’impôt sur la cession d’une entreprise individuelle dans le cadre d’un crédit-vendeur

1.   La pratique du crédit-vendeur dans le cadre de la cession d’un fonds de commerce

Le dispositif du crédit-vendeur est une pratique contractuelle, non encadrée par des dispositions législatives, qui consiste à échelonner le paiement du prix de la vente selon une chronologie convenue avec le vendeur ; à ce titre, il offre à l’acquéreur une certaine souplesse et constitue une alternative à l’emprunt bancaire sous la forme de ce qui pourrait être considéré comme un prêt (rémunéré ou non) du vendeur à l’acquéreur.

Le crédit-vendeur existe dans de nombreux domaines : cession d’entreprise, cession immobilière, etc. Il constitue à l’évidence une certaine prise de risque pour le vendeur, qui s’entoure généralement de garanties.

Cette pratique du crédit-vendeur trouve son application la plus courante dans le domaine de la cession d’un fonds de commerce : l’acquéreur peut, en effet, avoir des difficultés à rassembler les liquidités nécessaires, notamment par le biais d’un emprunt bancaire classique, tandis que le vendeur peut avoir, parfois, du mal à vendre son entreprise et offre ainsi une facilité à l’acquéreur.

En outre, la cession d’un fonds de commerce fait l’objet d’un encadrement légal particulier qui rend le crédit-vendeur d’autant plus utile ; les articles L. 141-1 à L. 143-23 du code de commerce prévoient en effet une procédure très encadrée destinée à garantir la consistance du bien vendu.

La vente d’un fonds de commerce est ainsi soumise à plusieurs règles de publicité et de déclarations, qui conduisent à rendre le prix de la vente indisponible pendant une durée pouvant aller jusqu’à cinq mois.

Pendant ce délai, le prix de la vente correspondant à la cession du fonds de commerce fait l’objet d’un séquestre, afin de permettre aux éventuels créanciers du vendeur de former une opposition à la hauteur du montant de leur créance.

Le CGI ajoute à cette indisponibilité deux délais plus spécifiquement fiscaux :

– l’article 201 du CGI prévoit que le vendeur doit aviser l’administration fiscale de la vente dans un délai de quarante-cinq jours suivant cette cession ;

– l’information de l’administration fait ensuite courir un délai de trois mois, prévu par l’article 1684 du CGI, pendant lequel le vendeur et l’acquéreur sont fiscalement solidaires pour le paiement de l’impôt sur le revenu afférent aux bénéfices réalisés par le cédant pendant l’année de la cession ou l’année précédente.

La loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ([69]) a prévu plusieurs mesures d’allégement des formalités pesant sur la cession d’un fonds de commerce, sans prévoir de mesure spécifique concernant l’indisponibilité du prix de vente (suppression de la double publication au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC) et au journal d’annonces légales, allongement de l’inscription du privilège du vendeur, possibilité pour les créanciers de former opposition au paiement du prix par lettre recommandée, etc.).

Ce cadre particulier applicable à la cession d’un fonds de commerce rend particulièrement utile la pratique du crédit-vendeur ; en l’absence de dispositif fiscal particulier, l’absence de disponibilité du prix de vente par le cédant peut toutefois rendre l’acquittement de l’impôt afférent compliqué.

2.   Un mécanisme d’étalement des impôts inséré en loi de finances rectificative pour 2015

Inséré par amendement à linitiative du Gouvernement à lAssemblée nationale, larticle 97 de la loi de finances rectificative pour 2015 ([70]) a prévu un mécanisme détalement des impôts lié à un crédit-vendeur, codifié à larticle 1681 F du CGI.

Celui-ci prévoit que, sur demande du redevable, l’impôt sur le revenu afférent aux plus-values de long terme réalisées par une entreprise individuelle à l’occasion de la cession à titre onéreux de l’ensemble de l’actif immobilisé affectés à l’exercice d’une activité professionnelle ou d’une branche complète d’activité ou à l’occasion de la cession d’un fonds de commerce, d’un fonds artisanal ou d’une clientèle peut faire l’objet d’un plan de règlement échelonné lorsque les parties sont convenues d’un paiement différé ou échelonné du prix de cession portant sur une entreprise.

La demande de plan de règlement doit être formulée au plus tard à la date limite de paiement prévue par l’avis d’imposition.

Le plan de règlement échelonné est accordé si l’ensemble des conditions suivantes sont réunies :

– l’entreprise cédée emploie moins de dix salariés et a un total de bilan ou un chiffre d’affaires de moins de 2 millions d’euros au titre de l’exercice en cours ;

– l’imposition ne résulte pas de la mise en œuvre d’une rectification ou d’une procédure d’imposition d’office ;

– le redevable respecte ses obligations fiscales courantes ;

– le redevable constitue auprès du comptable public des garanties propres à assurer le recouvrement de cet impôt.

La durée du plan de règlement ne peut excéder celle de la durée retenue pour le crédit-vendeur, ni en tout état de cause se prolonger après le 31 décembre de la cinquième année qui suit celle de la cession. Les échéances de versement de l’impôt sont fixées selon les modalités de paiement du prix de cession prévues dans l’acte.

Les versements échelonnés sont soumis au versement du taux d’intérêt légal, au lieu de la majoration de 10 % pour retard de paiement de l’impôt. Cette majoration reste toutefois due en cas de non-respect des échéances fixées.

L’article 97 de la loi de finances rectificative pour 2015 précitée a, en outre, prévu une autre mesure destinée à faciliter la cession d’un fonds de commerce par le biais de la réduction de quatre-vingt-dix à quarante-cinq jours le délai d’indisponibilité du prix de cession d’un fonds de commerce.

Rappels sur la fiscalité applicable aux plus-values professionnelles

Compte tenu du fait que le mécanisme d’étalement mentionné ci-dessus porte sur l’impôt sur le revenu (IR) afférent à des plus-values professionnelles, il n’est pas inutile de rappeler succinctement ces modalités d’imposition.

D’une manière générale, lorsque la cession d’une immobilisation par une entreprise entraîne une plus-value, celle-ci est imposable selon les principes suivants :

– si l’entreprise est soumise à l’IR, la plus ou moins-value nette à court terme (moins de deux ans) est comprise dans le résultat de l’entreprise, imposable au barème de l’IR selon les modalités de droit commun. Une éventuelle moins-value nette à long terme ne s’impute pas sur le résultat de l’exercice mais sur les plus-values à long terme réalisées pendant les dix années suivantes. La plus-value nette à long terme (éventuellement minorée des moins-values reportées) est imposable, depuis le 1er janvier 2018, au prélèvement forfaitaire unique (alors qu’il était antérieurement imposable à un taux de 34,5 %) ;

– si l’entreprise est soumise à l’impôt sur les sociétés (IS), les plus-values à court terme sont soumises au taux normal de l’IS. Les plus-values à long terme sont exonérées d’IS après réintégration d’une quote-part pour frais et charges de 12 %, cette règle n’étant pas applicable aux sociétés à prépondérance immobilière (taux réduit de 19 %), les fonds de capital risque (taux réduit de 15 %) et les produits de la propriété industrielle (taux réduit de 15 %).

Il convient en outre de rappeler que l’imposition des plus-values professionnelles fait l’objet de plusieurs régimes favorables :

– les plus-values professionnelles de long terme enregistrées dans le cadre d’une activité commerciale, artisanale, libérale ou agricole de plus de cinq ans sont totalement ou partiellement exonérées lorsque les recettes annuelles sont inférieures à certains seuils. Ce dispositif est réservé aux entreprises individuelles ou aux sociétés de personnes à l’IR (article 151 septies du CGI) ;

– ces mêmes plus-values sont totalement exonérées en cas de cession complète de l’entreprise et de départ du cédant (article 151 septies A du CGI) ;

 les plus-values de même nature sont, à loccasion de la transmission dune entreprise individuelle ou dune branche complète dactivité, exonérées en dessous de 300 000 euros et partiellement exonérées entre 300 et 500 000 euros (article 238 quindecies du CGI).

B.   la nÉcEssitÉ d’Élargir le dispositif d’Étalement applicable au crÉdit-vendeur

Dans le cadre du « plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises » (PACTE) arrêté par le Gouvernement le 18 juin 2018, la nécessité d’adopter des mesures ambitieuses en faveur de la transmission des entreprises a de nouveau été rappelée.

Sur le site internet du ministère de l’économie et des finances, une présentation des dix mesures emblématiques du plan d’action indique que « le pacte Dutreil sera rénové pour les transmissions à titre gratuit. Les transmissions dentreprise aux salariés et le financement de la reprise des petites entreprises seront facilités » ([71]).

Le présent projet de loi de finances contient donc, outre le présent dispositif, deux mesures correspondant à ces engagements :

– l’article 16 rénove le dispositif du « pacte Dutreil » applicable aux transmissions ;

– l’article 49 renforce le crédit d’IS applicable en cas de rachat d’une société par ses salariés.

 

Au titre du présent dispositif, le document final de PACTE indique que le crédit-vendeur sera « démocratisé », en voyant ses conditions d’éligibilité élargies aux entreprises de moins de cinquante salariés et un chiffre d’affaires de moins de 10 millions d’euros.

Il est également prévu la mise en place d’un dispositif anti-abus, en ciblant cet élargissement sur les vraies transmissions d’entreprise (la cession devra porter sur la majorité du capital social, le vendeur devant « perdre le contrôle de son entreprise »).

La problématique de la transmission d’entreprise en chiffres

Il n’existe pas d’étude d’envergure concernant la transmission d’entreprise menée par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), hormis pour la Corse.

Certains chiffres sont communiqués périodiquement, souvent sans détails concernant les sources ; ils méritent donc d’être rappelés et appréciés avec précaution.

Le rapport de Mme Fanny Dombre-Coste du 7 juillet 2015 portant sur la transmission dentreprise (1) avance les chiffres suivants :

 une bonne transmission des entreprises permettrait en France de sauvegarder 750 000 emplois et potentiellement d’en créer des dizaines de milliers d’autres ;

– 60 000 entreprises sont mises en vente chaque année alors que 185 000 « unités » pourraient être concernées ; sur ces 60 000 entreprises, 30 000 sont cédées mais autant disparaissent ;

– 20 % des dirigeants de PME sont âgés de plus de soixante ans (contre 13 % en 2000) ;

– 700 000 entreprises sont susceptibles d’être cédées sous dix ans, soit 70 000 sociétés et 630 000 commerces et artisanats ;

– les chiffres du de 2014 feraient état de 43 800 cessions de fonds de commerce.

Le groupe BPCE anime par ailleurs un observatoire de la transmission, dont les chiffres sont souvent repris dans différents rapports et dans l’étude préalable du présent article. La dernière étude de 2017 fait état des éléments suivants :

– 75 000 cessions ou transmissions d’entreprises en France par an, dont 15 000 PME et ETI, 45 000 TPE et 15 000 cessions portant sur des entreprises artisanales et commerciales ;

– le départ à la retraite d’un dirigeant n’est pas nécessairement le motif le plus courant de la cession d’une entreprise (83 % des TPE et 67 % des PME et ETI sont cédées avant soixante ans) ;

– la transmission familiale représente 17 % des cessions, sachant que le taux de survie des entreprises transmises dans un cadre familial est supérieur de près de 10 points à celui des autres transmissions.

Le document final PACTE de juin 2018 avance plusieurs chiffres concernant la problématique de la transmission dentreprise :

– 25 % des dirigeants de PME déclarent avoir l’intention de céder leur entreprise dans les deux ans ;

– 48 % des patrons de PME ont plus de soixante-cinq ans ;

– 10 % seulement des opérations de cession font l’objet d’un crédit-vendeur.

Lévaluation préalable du présent article contient enfin les éléments suivants :

– entre 20 et 30 % des dirigeants pensent céder leur entreprise dans les prochaines années ;

– le coût moyen du rachat d’une entreprise est de 180 000 euros pour un fonds de commerce, selon le baromètre du BODACC de mars 2016 portant sur l’année 2015.

(1)    Favoriser la transmission dentreprise en France : diagnostic et propositions, rapport remis le 7 juillet 2015 par Mme Fanny Dombre-Coste au ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

II.   Le dispositif proposÉ

L’alinéa 2 modifie l’intitulé de la sous-section dans laquelle est inséré son unique article 1681 F du CGI, modifié par le présent article.

Actuellement intitulé « paiement échelonné de limpôt sur le revenu afférent aux plus-values de cession dentreprise individuelle », il serait désormais étendu à la cession d’une « petite entreprise ».

L’alinéa 5 prévoit que, sur demande du redevable, l’impôt sur le revenu afférent aux gains nets retirés de la cession à titre onéreux de droits sociaux peut faire l’objet d’un plan de règlement échelonné lorsque les parties sont convenues d’un paiement différé ou échelonné de la totalité ou d’une partie du prix de cession de ces droits sociaux.

Cet alinéa élargit donc considérablement l’ampleur du dispositif, actuellement uniquement centré sur l’impôt afférent à des plus-values strictement professionnelles, définies comme réalisées par l’entreprise individuelle à l’occasion de la cession des éléments d’actifs ou d’une branche d’activité.

Cet alinéa 5 ne cible pas à proprement parler la transmission d’entreprise :

– il n’est pas prévu que cette faculté d’étalement soit réservée aux dirigeants d’entreprise ;

– il peut potentiellement s’appliquer à n’importe quelle cession de droits sociaux, dès lors qu’il y a paiement différé ou échelonné du prix de cession ;

 

L’alinéa 7 cible les « petites entreprises » qui pourront bénéficier du dispositif ; la société doit employer moins de cinquante salariés et avoir un total de bilan ou un chiffre d’affaires inférieur à 10 millions d’euros au titre de l’exercice au cours duquel la cession a lieu.

L’alinéa 7 prévoit enfin que la société doit répondre à la définition d’une petite entreprise au sens de l’annexe I du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité.

Cette annexe I définit la petite entreprise comme une entreprise occupant moins de cinquante personnes et dont le chiffre d’affaires annuel ou total de bilan n’excède pas 10 millions d’euros.

L’alinéa 8 contient le dispositif « anti-abus » prévu dans le projet PACTE :

– il prévoit en premier lieu qu’en cas de cession d’une société, la cession doit porter sur la majorité du capital social ;

– à l’issue de la cession, la société ne doit pas être contrôlée par le cédant au sens de l’article 150‑0 B ter du CGI.

Cet article prévoit, en effet, qu’un contribuable contrôle une société lorsqu’il détient (seul, avec ses proches ou dans le cadre d’un pacte d’actionnaires) la majorité des droits de vote ou des droits dans les bénéfices de la société ; à défaut, il est réputé la contrôler lorsqu’il exerce de fait le pouvoir de décision.

L’alinéa 10 prévoit que le plan de règlement échelonné doit respecter le règlement européen dit « de minimis » ([72]), ainsi que les deux règlements similaires spécifiques aux secteurs de l’agriculture ou de l’aquaculture.

Selon ce règlement, une aide aux entreprises d’un montant inférieur à 200 000 euros est dispensée d’obligation de notification à la Commission européenne conformément au régime des aides d’État.

L’alinéa 11 précise que le présent article s’applique à compter du 1er janvier 2019.

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*     *

La commission est saisie de l’amendement II-CF1253 de M. Jean-Paul Mattei.

M. Jean-Paul Mattei. Nous considérons que l’article 50 est beaucoup trop restrictif car il ne concernera que les petites entreprises. Mon amendement vise donc à élargir le dispositif aux PME, au sens européen du terme. En contrepartie, nous avons déposé d’autres amendements qui permettront d’encadrer le crédit-vendeur en le limitant dans le temps, ce qui n’est pas prévu pour le moment.

M. le Rapporteur général. Je m’en tiendrai aux engagements pris dans le cadre du plan PACTE : il s’agissait d’étendre aux petites entreprises une mesure qui concernait jusque-là les entreprises individuelles. On peut se demander s’il ne faudrait pas passer à des strates supérieures, mais je crois très sincèrement que c’est plutôt pour des cessions de fonds de commerce que le crédit‑vendeur est utile – le produit de la vente est légalement indisponible pour le vendeur pendant plusieurs mois, et le dispositif est ciblé sur l’impôt sur le revenu et non sur l’IS. Le débat a déjà eu lieu lorsque nous avons examiné le projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises, si j’ai bonne mémoire. Je propose d’en rester là, ce qui me conduit à émettre un avis défavorable.

M. Charles de Courson. Je ne comprends pas la position du Rapporteur général. Il ne faut pas croire que le crédit-vendeur n’existe que pour les petites entreprises : des entreprises de taille plus importante y ont recours. Par ailleurs, le dispositif n’entraîne pas de perte de recettes fiscales : il y a seulement un étalement dans le temps, selon la durée du crédit-vendeur.

On se heurte à un vrai problème pour mobiliser les banques : s’il y a des crédits‑vendeurs, c’est parce que, souvent, elles ne veulent pas prêter aux repreneurs, et ce sont donc les vendeurs qui jouent en réalité ce rôle.

Je trouve qu’il est un peu dommage de ne pas aller plus loin : il ne s’agit pas d’un avantage fiscal, je l’ai dit, mais d’un étalement de l’impôt dans le temps, sous la forme d’un paiement fractionné. L’amendement qui nous est proposé est sage : il va dans le sens que nous souhaitons tous, c’est-à-dire qu’il y ait des repreneurs pour les entreprises quand les banques, pour des raisons qui leur appartiennent, ne veulent pas apporter de financement.

Mme Véronique Louwagie. J’ai déposé un amendement qui va dans le même sens. Il y a une vraie difficulté pour les repreneurs, qu’ils soient de nouveaux chefs d’entreprise ou des personnes ayant déjà une expérience en la matière : ils ont du mal avec les organismes financiers, et le crédit-vendeur est parfois la seule possibilité pour eux. Cela vaut pour des fonds de commerce, mais aussi pour des reprises d’actions ou de parts sociales – on le voit de plus en plus souvent.

La difficulté pour le vendeur était qu’il devait payer l’impôt sur le revenu et les cotisations sociales sur la plus-value dégagée sans avoir la trésorerie correspondante. L’article 50 est très positif, mais il y a en réalité de nombreuses entreprises concernées, y compris pour des montants très importants : le seuil retenu dans le projet de loi n’est pas suffisant, et on doit aller plus loin. Il y a énormément d’entreprises qui ferment en l’absence de repreneur. Le crédit-vendeur offre une solution.

Mme Marie-Christine Dalloz. Les précédents intervenants ont montré l’intérêt du crédit-vendeur lors de la cession de certaines entreprises, au-delà des fonds de commerce. C’est en effet une erreur de penser, monsieur le Rapporteur général, que cela ne concerne que des petits commerçants ou des artisans. Face à la frilosité de certains établissements bancaires, le crédit-vendeur offre une possibilité de réaliser des ventes d’entreprises. Ce que prévoit l’article 50 est très intéressant car il y aura un élargissement du dispositif existant. Néanmoins, je vous proposerai un amendement qui va plus loin en portant le seuil de 50 à 250 salariés. Si ce n’est intéressant que pour les fonds de commerce, comme vous l’affirmez, cela ne s’appliquera à personne et il n’y aura donc pas de coût. Mais je pense au contraire qu’un seuil de 250 salariés aurait un sens. Je propose corrélativement une modification du seuil relatif au chiffre d’affaires.

M. Jean-Paul Mattei. L’amendement II-CF1253 ainsi que les deux suivants sont coordonnés, au sens où on élargit l’accès aux PME tout en limitant la durée du crédit-vendeur. Cela évite que soient souscrits des crédits qui n’en finissent pas. Je pense donc que ces amendements sont équilibrés.

En pratique, on peut aussi avoir une cession partielle, car on peut intéresser des collaborateurs. Cela permet de bénéficier d’un effet de levier pour la reprise de l’entreprise. Si l’article 50 est pertinent, on est cependant « petit bras » en en réservant le bénéfice à la petite entreprise. Il faut vraiment qu’on l’élargisse à la PME, qui a une définition au sens européen.

M. le Rapporteur général. Je suis sensible à ce qui est dit. Lorsque ces amendements ont été déposés, je me suis posé quelques questions.

Mais je préfère, au niveau de la commission, m’en tenir aux dispositions qui figurent dans la loi PACTE. Il faudrait effectivement évalue l’effet sur la trésorerie, que je ne connais absolument pas à l’heure actuelle. Je ne sais pas quel est le volume d’entreprises qui peut être concerné par ce genre de dispositif, même si j’en comprends l’intérêt au regard des différents exemples qui sont donnés.

À ce stade, je maintiens mon avis défavorable, mais je propose que la discussion ait vraiment lieu avec le ministre, pour voir dans quelle mesure ces aménagements sont peut-être possibles sur des aspects limités.

M. Patrick Hetzel. Je suis toujours un petit peu surpris quand on argumente de cette manière-là. Car on peut parfaitement faire l’inverse, c’est-à-dire voter ces amendements en laissant le soin au Gouvernement, s’il n’est pas d’accord, d’en déposer un autre, en séance publique.

C’est à lui d’apporter les éléments qui pourraient conduire à revenir sur le dispositif. Je trouve vraiment dommage que, dès le départ, l’avis donné soit défavorable, malgré les arguments qui plaident en faveur de la mesure. J’ai entendu la majorité dire qu’elle voulait développer les entreprises de taille intermédiaire : voilà, typiquement, des dispositifs qui permettent d’aller dans ce sens.

Adoptons ces amendements. Si le Gouvernement n’est pas d’accord, il agira en conséquence.

Mme Valérie Rabault. Nous soutenons cet amendement. La règle européenne nous permet effectivement d’avoir des dispositifs ciblés selon quatre catégories d’entreprises. En ajoutant en l’espèce les TPE qui ne figuraient pas dans le texte initial de l’article 50, nous nous conformons à la règle européenne et nous envoyons un signal positif à ces entreprises. Car on ne peut pas dire qu’on veut soutenir l’activité économique et les laisser en dehors de ce dispositif. Donc nous voterons cet amendement.

M. le président Éric Woerth. Je rappelle que, s’agissant d’une loi de finances, c’est le texte du Gouvernement qui est examiné en séance publique.

M. Jean-Louis Bourlanges. Quand j’entends le Rapporteur général dire qu’il est très intéressé par l’amendement de M. Mattei, je trouve absurde de voter contre. Il faudrait, au pire que M. Mattei retire son amendement, mais en échange d’un engagement très clair de chacun des groupes. Que le groupe La République en Marche s’abstienne, s’il le souhaite. Adoptons l’amendement et nous verrons ce qu’il en est en séance publique.

M. le Rapporteur général. Je le répète, je ne connais pas les effets de trésorerie d’une telle mesure. Or, je suis comptable de ce que je dis. Je ne veux pas prendre la responsabilité de passer outre une information de ce type-là.

M. Jean-Louis Bourlanges. Louis Pasteur n’a-t-il pas répondu, à quelqu’un qui s’exclamait devant lui sur le beau livre qu’on pourrait écrire avec tout ce qu’il savait, qu’on en pourrait écrire un plus beau encore avec tout ce qu’il ignorait ? Ainsi en est-il de notre rapporteur général : va-t-il émettre un avis défavorable à chaque fois qu’il ignore quelque chose... ?

La commission rejette l’amendement.

Les amendements II-CF1254 et II-CF1255 de M. Jean-Paul Mattei sont retirés.

Puis la commission, suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, rejette successivement les amendements identiques II-CF70 de Mme Véronique Louwagie et II-CF97 de Mme Marie-Christine Dalloz, ainsi que les amendements II-CF939 de Mme Lise Magnier et II-CF1397 de M. Jean-Paul Mattei.

Elle adopte ensuite l’article 50, sans modification.

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*     *

Article 51
Imposition des plus-values sur valeurs mobilières et droits sociaux
en cas de transfert du domicile fiscal hors de France (« exit tax »)

Résumé du dispositif et effets principaux

Conformément à l’annonce du président de la République du 1er mai 2018, le présent article vise à supprimer l’exit tax sous sa forme actuelle, en la remplaçant un « dispositif anti-abus » impliquant son maintien sur les plus-values latentes lorsque la cession des titres correspondants intervient moins de deux ans après le départ du redevable.

Le présent article contient trois mesures principales :

– le délai suivant le départ de France du redevable à l’issue duquel l’exit tax pesant sur les plus-values latentes fait l’objet d’un dégrèvement total (en cas de sursis de paiement) ou d’une restitution (si l’impôt a été acquitté au départ de France) est ramené de quinze ans à deux ans ;

– le sursis automatique au paiement de l’exit tax, assorti d’une dispense de constitution de garanties de paiement de l’impôt – qui est aujourd’hui réservé aux redevables s’installant dans l’espace européen – sera étendu à lensemble des États liés à la France par une convention de lutte contre la fraude et lévasion fiscales et d’assistance au recouvrement (soit tous les États de l’Espace économique européen sauf le Liechtenstein, et 47 États hors de cet espace) ;

 les charges déclaratives pesant sur le redevable seront allégées dans la mesure où la déclaration de suivi, qu’il doit actuellement remplir annuellement en cas de bénéfice du sursis de paiement sur l’ensemble des plus-values entrant dans le champ de l’exit tax, sera recentrée sur les seules plus-values en report d’imposition et, accessoirement, sur les créances liées à une clause de complément de prix.

Dernières modifications législatives intervenues

L’article 38 de la quatrième loi de finances rectificative de 2011 a modifié le texte initial afin que le seuil de 1,3 million d’euros, en vigueur lors de la création du dispositif en juillet 2011, soit apprécié non pas au niveau d’une seule participation mais de l’ensemble des participations détenues par le redevable.

L’article 42 de la loi de finances rectificative pour 2013 a redéfini les seuils de participation permettant de déterminer le champ des redevables.

Avant l’entrée de vigueur de cet article, l’exit tax s’appliquait à tout redevable possédant une participation d’au moins 1 % dans les bénéfices sociaux d’une société ou un total de participations de plus de 1,3 million d’euros. Ces seuils ont été remplacés par le seuil de perception d’au moins 50 % des bénéfices sociaux d’une société, tandis que le seuil alternatif de 1,3 million d’euros a été abaissé à 800 000 euros.

Il a en outre porté de huit à quinze ans le délai à l’issue duquel il est accordé un dégrèvement de cet impôt lorsqu’il pèse sur les plus-values latentes uniquement.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté un amendement du Rapporteur général prévoyant un délai de dégrèvement de l’exit tax de cinq ans après le départ hors de France, lorsque le montant total des participations au moment de ce départ est supérieur à 2,57 millions d’euros.

La suppression du dispositif d’imposition des plus-values latentes ou en report lors du transfert, par une personne physique, de son domicile fiscal hors de France, ci-après dispositif dit de l’exit tax, a fait l’objet d’une annonce présidentielle dans le magazine américain Forbes daté du 31 mai 2018 mais dont la distribution – et donc la médiatisation – a débuté le 1er mai de cette année.

Le présent article constitue la traduction de cette annonce présidentielle, tout en maintenant un dispositif qualifié par l’exposé des motifs d’anti-abus, qui constitue de fait le maintien de l’exit tax pendant les deux ans qui suivent.

I.   L’État du droit

Le schéma ci-dessous donne une représentation simplifiée du dispositif de l’exit tax en vigueur, qui est par nature un dispositif complexe.

L’exit tax actuellement en vigueur

Régime des plus-values-latentes

Régime des plus-values-en report

Assiette 1 : les plus-values latentes sur des participations substantielles et sur les compléments de prix

Assiette 2 : les plus-values en report sur le fondement des dispositifs de report du CGI (« gel » de la plus-value en cas de fusion, scission ou apport à une holding)

Redevable : contribuable ayant passé 6 des 10 dernières années en France avant son départ

Redevable : pas de condition de durée de résidence en France préalablement au départ

Seuil dimposition : pour être redevable, il faut en outre posséder une participation substantielle au moment du départ :

 

– 50 % des bénéfices sociaux d’une société ;

– Ou valeur totale des droits sociaux supérieure à 800 000 euros

 

Ces seuils ne sont pas applicables aux compléments de prix

Seuil dimposition : pas de seuil d’imposition, toutes les plus-values en report sont imposables à l’exit tax, dès le 1er euro

Assiette : dès lors que le redevable dépasse l’un des seuils mentionné ci-dessus, il devient imposable sur lensemble de ses plus-values latentes au moment de son départ (dès le 1er euro)

 

Les plus-values latentes sont calculées comme la différence entre le prix au moment du départ et le prix d’acquisition

Assiette : l’ensemble des plus-values en report sont retenues, quel que soit leur montant

Évolutions de lassiette : application des éventuels abattements pour durée de détention (qui continuent à courir à l’étranger) et de l’abattement de 500 000 euros pour un dirigeant partant en retraite

Évolutions de lassiette : pas d’évolution de l’assiette puisque la plus-value en report « gelée » intègre déjà les abattements et fait obstacle à l’application de nouvelles évolutions

Modalités de liquidation au moment du départ de France : calcul d’un impôt théorique provisoire (pour les plus-values latentes) et d’un impôt reporté pour les plus-values en report

Possibilité 1 : sursis automatique au paiement de l’impôt provisoire en cas de départ dans un État membre de l’Union européenne (pas de constitution de garanties auprès du Trésor) ;

Possibilité 2 : sursis sur demande en cas d’installation dans un État non membre de l’Union européenne (constitution obligatoire de garanties)

Possibilité 3 : acquittement de limpôt provisoire au moment du départ, quitte à en obtenir la restitution ultérieurement (pas de constitution de garanties)

Mise en recouvrement : lors de la cession des titres grevés d’une plus-value latente au moment du départ, d’une donation ou d’un décès

Étape 1 : il est mis fin du sursis si le redevable en a bénéficié

Étape 2 : l’impôt est recalculé (il ne peut qu’y avoir une réduction d’assiette pour tenir compte de la durée de détention, de la valeur courante des titres seulement si elle est inférieure, d’un départ en retraite, etc.), imputation des impôts étrangers

Étape 3 : en cas de retour en France, de décès, ou de donation, à l’issue d’un délai de quinze ans suivant le départ, dégrèvement total d’impôt (s’il est en sursis) ou restitution (si le redevable a acquitté son impôt au moment de départ)

Mise en recouvrement :

L’exit tax est mise en recouvrement lorsque prend fin le report d’imposition (dans la plupart des cas, il s’agit de la cession des titres reçus en rémunération d’un apport)

 

Il n’y a pas de dégrèvement d’impôt après quinze ans : l’exit tax sur les plus-values en report reste dû potentiellement « ad vitam » (dégrèvement ou restitution uniquement en cas de décès ou de donation)

A.   Le premier dispositif de l’exit tax applicable entre 1999 et 2004

Le premier dispositif de l’exit tax, qui présente désormais un intérêt historique, ne sera rappelé que dans ses grandes lignes, afin de mettre l’accent sur un cadre européen, qui a conduit à sa suppression à compter du 1er janvier 2005, mais reste applicable aujourd’hui.

1.   Les principes de ce premier dispositif

L’article 24 de la loi de finances pour 1999 ([73]) a prévu un mécanisme innovant d’imposition immédiate – mais de paiement différé de cette imposition –à l’occasion du transfert du domicile fiscal hors de France, complétant ainsi ceux :

– de l’article 167 du CGI (toujours en vigueur) selon lequel tout contribuable transférant son domicile l’étranger est passible de l’impôt à raison des revenus dont il a disposé pendant l’année de son départ ;

– de l’article 244 bis B du CGI (toujours en vigueur également) selon lequel les gains mobiliers réalisés en France par des personnes qui n’y sont pas domiciliées sont soumis à imposition en France sous la forme d’un prélèvement forfaitaire, ce dispositif n’étant en pratique jamais mis en œuvre lorsqu’il entre en contradiction avec les dispositions d’une convention internationale prévoyant que cette imposition doit être réalisée dans l’État de résidence du redevable (ce qui est le cas de la plupart des conventions fiscales liant la France).

Selon l’exposé sommaire du projet d’article de la loi de finances pour 1999 mentionné précédemment, l’objectif poursuivi était essentiellement la lutte contre les délocalisations, la France s’alignant ainsi sur plusieurs dispositifs européens similaires ; dans son commentaire sur cet article, le rapporteur général distinguait plus subtilement un objectif de lutte contre lévasion fiscale, s’agissant des plus-values en report dont l’imposition était en principe acquise à la France à la date du départ du redevable, d’un objectif plus général de prévention des délocalisations, s’agissant des départs de « certains contribuables fortunés qui partent sinstaller, le temps de vendre leur entreprise, dans un pays étranger ayant conclu avec la France une convention fiscale ne lui reconnaissant pas le droit dimposer les plus-values sur ces participations substantielles ».

Ce dispositif présentait les caractéristiques suivantes :

– il s’appliquait à titre principal aux plus-values antérieurement placées en report dimposition dans le cadre d’opérations d’échanges de titres ou de régimes de faveur dont le bénéfice était notamment conditionné par une obligation de réinvestissement des gains réalisés ;

– il s’appliquait également aux plus-values latentes liées aux cessions de certaines participations substantielles, faisant l’objet à l’époque d’une taxation spécifique ; conformément à l’article 160 du CGI, une participation était en effet considérée comme substantielle dès lors que les droits détenus par le cédant ou ses proches dans l’entreprise dépassaient 25 % des bénéfices à un moment quelconque au cours des cinq dernières années ([74]) ;

– alors que le premier volet était applicable aux résidents fiscaux français à la date de leur départ, le second ne l’était qu’aux contribuables ayant été résidents fiscaux français pendant six des dix dernières années avant leur départ ;

 le dispositif nétait applicable quau titre de limpôt sur le revenu, à lexclusion des prélèvements sociaux ;

– dans les deux cas, le contribuable pouvait bénéficier d’un sursis de paiement de l’impôt dû à la condition de constituer, préalablement à son départ, des garanties propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor ;

– l’expiration du sursis était prévue en cas de cession ou de transmission à titre gratuit des titres. Dans l’hypothèse d’une dépréciation des titres postérieurement au départ de France (c’est-à-dire d’une plus-value réelle inférieure à la plus-value latente), l’impôt afférent au surplus de plus-value latente était dégrevé d’office. Il était également prévu une imputation de l’impôt acquitté localement par le contribuable et afférent à la plus-value effectivement réalisée hors de France sur l’impôt sur le revenu établi en France.

– l’impôt en sursis de paiement était dégrevé en cas de retour de France et, pour les plus-values latentes, au terme d’un délai de cinq ans suivant la date du départ.

2.   La contrariété avec le droit européen

Dans le cadre d’une décision préjudicielle du 11 mars 2004 dit « de Lasteyrie du Saillant » ([75]), la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a déclaré ce dispositif contraire au droit européen et plus particulièrement au principe de la liberté d’établissement prévu par l’article 52 du traité.

La Cour a estimé que le dispositif créé par la loi de finances pour 1999 conduisait à « un traitement désavantageux par rapport à une personne qui maintient sa résidence en France » du contribuable désireux de quitter le territoire dans la mesure où :

– « ce contribuable devient redevable, du seul fait dun tel transfert, dun impôt sur un revenu qui nest pas encore réalisé et dont il ne dispose donc pas, alors que, sil demeurait en France, les plus-values ne seraient imposables que lorsque et dans la mesure où elles ont été effectivement réalisées » (point 46) ;

– « bien quil soit possible de bénéficier dun sursis de paiement, celui-ci nest pas automatique et il est soumis à des conditions strictes (...) au nombre desquelles figure notamment la constitution de garanties » qui « comportent par elles-mêmes un effet restrictif, dans la mesure où elles privent le contribuable de la jouissance du patrimoine donné en garantie » (point 47).

Il convient de souligner que :

– la décision porte plus particulièrement sur le volet du dispositif applicable aux plus-values latentes liées à certaines participations substantielles ;

– le dispositif, bien que n’empêchant pas directement le contribuable d’exercer sa liberté d’établissement, institue une différence de traitement de nature à le décourager de le faire ;

– le mécanisme de constitution de garanties, par son caractère automatique, est au cœur de l’effet restrictif du dispositif censuré par le juge européen.

Cette décision de la justice européenne laissait donc la place à une adaptation du dispositif initial ; dans le cadre de l’examen de la loi de finances pour 2005, il a toutefois été supprimé au Sénat, à l’initiative de sa commission des finances, dont le rapporteur général a simplement mentionné en séance qu’il s’agissait ainsi de tirer les conséquences d’une décision de justice ([76]).

B.   Le dispositif en vigueur depuis 2011

Une nouvelle exit tax a été recréée par l’article 48 de la première loi de finances rectificative pour 2011 ([77]). Bien que la publication de cette loi date du 31 juillet 2011, ce dispositif a été rendu applicable rétroactivement au 3 mars 2011.

L’exposé des motifs autant que le commentaire de cet article par le rapporteur général mettent en évidence le fait que l’objectif poursuivi est désormais plus clairement la lutte contre l’évasion fiscale.

Reprenant de nombreux principes du dispositif abrogé, ses principales innovations peuvent être soulignées :

– le dispositif s’applique également au titre des prélèvements sociaux et non plus seulement de l’impôt sur le revenu ;

– les seuils retenus pour déterminer les plus-values significatives entrant dans le champ de l’exit tax ont été revus par rapport à la définition de la « participation substantielle » précédemment applicable ;

– afin de tenir compte du droit européen, le mécanisme de sursis à imposition dispensant le redevable de constituer des garanties a été rendu automatique au sein de l’Union européenne ;

– le délai de cinq ans à l’issue duquel le contribuable bénéficie d’un dégrèvement de l’impôt en sursis de paiement sur les seules plus-values latentes a été porté à huit ans.

1.   Une double assiette impliquant deux champs de redevables

Comme dans le dispositif précédent, la nouvelle exit tax repose sur une double assiette, qui sera exposée en détail ci-dessous ; cette dualité d’assiettes présente la particularité d’induire deux champs de redevables distincts, ainsi que des modalités de liquidation particulières.

a.   Le champ des redevables de l’exit tax pesant sur les plus-values latentes

i.   Un critère tenant à l’ancienneté de la résidence en France du redevable

Ne sont soumis à l’exit tax pesant sur les plus-values latentes au moment du départ de France que les contribuables ayant été domiciliés en France pendant au moins six des dix années précédant le transfert de leur domicile fiscal ([78]).

Ce champ particulier appelle les commentaires suivants :

– le dispositif ne concerne donc pas, logiquement, les non-résidents fiscaux, à l’exception des non-résidents dits « Schumacker » qui, bénéficiant d’une jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) de 1995 ([79]), sont assimilés à leur demande à des résidents fiscaux français, alors même qu’ils résident dans un autre État membre de l’Union européenne mais dont les revenus sont à plus de 75 % de source française ;

– s’agissant d’une combinaison éventuelle entre le régime de l’exit tax et du régime des impatriés, il convient de souligner que les années pendant lesquelles un impatrié bénéficie d’une exonération partielle en application de l’article 155 B du CGI sont décomptées au titre de l’exit tax – car l’impatrié est un résident fiscal français bénéficiant alors d’une modalité d’imposition particulière ;

– comme le notait le rapporteur général en 2011, l’exclusion des redevables qui n’auraient pas rempli cette condition temporelle devait permettre de ne pas « créer une sorte de barrière à lentrée dissuadant la venue ou le retour en France », dans la mesure où, sans cette condition, l’exit tax pourrait s’appliquer à une personne ayant accumulé des plus-values avant son éventuelle installation en France ;

ii.   Un critère destiné à cibler les participations substantielles

L’exit tax n’a pas vocation à frapper l’ensemble des contribuables qui quittent le territoire national : le dispositif cible uniquement ceux qui, au moment où ils quittent le territoire national, détiennent une participation que l’on pourrait qualifier de substantielle.

Le CGI prévoit deux critères (qui peuvent être cumulatifs) permettant de cibler ces participations substantielles :

– le redevable détient des titres, valeurs ou droits sociaux représentant au moins 50 % des bénéfices sociaux dune société ;

 le redevable détient un ensemble de titres, valeurs ou droits sociaux dont la valeur globale, au moment du départ de France, est supérieure à 800 000 euros.

Ces deux seuils reposent donc sur une logique alternative : soit le redevable possède une participation substantielle dans une entreprise, soit il possède un total de participations qui, prises ensemble, peuvent également être considérées comme substantielles.

Il convient de souligner clairement le fait que ces seuils permettent de déterminer le champ des redevables, et non une assiette d’imposition : si le redevable remplit l’un de ces deux critères (ou les deux), il devient alors imposable sur l’ensemble de ses participations, dès le premier euro, dès lors que ces participations entrent dans l’assiette de l’impôt.

b.   Le champ des redevables de l’exit tax pesant sur les plus-values en report d’imposition

Le champ des redevables soumis à l’exit tax à raison d’une plus-value placée en report d’imposition (en application de plusieurs dispositifs qui sont décrits ci-dessous) est plus simple que celui applicable aux plus-values latentes :

– tout redevable quittant le territoire national est soumis à l’exit tax à raison des plus-values placées en report, quelle que soit la durée pendant laquelle il a été résident fiscal avant son départ ;

– ce redevable est imposable au titre de l’exit tax sans référence à un quelconque seuil destiné à isoler les participations substantielles, c’est-à-dire dès le premier euro.

Reprenant la distinction déjà opérée dans le cadre du dispositif abrogé à compter de 2005, le champ des redevables est donc nettement plus étendu pour les plus-values en report que pour les plus-values latentes : le principe sous-jacent reste que l’application à une plus-value d’un mécanisme de report d’imposition de droit purement interne ne saurait conduire à ce que le redevable puisse échapper à un impôt revenant par principe à la France, quelle que soit sa décision de quitter le territoire national et le montant de cet impôt.

2.   L’assiette imposable

a.   L’assiette imposable au titre des plus-values latentes

Les plus-values latentes sont définies comme la différence entre la valeur de tous types de droits sociaux, titres ou valeurs mobilières, détenus directement ou indirectement par le redevable, au moment de son expatriation et cette même valeur au moment de leur acquisition (ou, le cas échéant, de leur transmission à titre gratuit), quel que soit le lieu de cette acquisition.

Cette rédaction vise les plus-values liées à des titres négociables, des obligations et autres droits de souscription de tels titres, quel que soit le mode de détention (pleine propriété ou propriété démembrée sous la forme d’un usufruit ou d’une nue-propriété).

Par référence aux régimes applicables dans le domaine des droits de transmission ou de l’impôt sur la fortune, ces valeurs sont déterminées par déclaration du redevable. Par dérogation, la valeur des titres cotés sont évalués en fonction du dernier cours connu ou selon la moyenne du dernier mois.

Il n’est pas inutile de rappeler que cette rédaction fait entrer dans le champ de l’exit tax l’ensemble des plus-values latentes, importantes ou non, dès lors que l’une des participations est suffisamment importante pour que le redevable entre dans son champ.

b.   L’assiette imposable au titre des plus-values en report

Les plus-values en report entrant dans le champ de l’exit tax sont celles dont le redevable a temporairement évité l’imposition en faisant usage de différents mécanismes visant à permettre le réinvestissement de ces plus-values.

Ces différents dispositifs ont, pour partie, un caractère historique, puisqu’ils avaient déjà été abrogés au moment de la création de la seconde exit tax, ce qui n’exclut pas pour autant qu’il en soit encore fait usage aujourd’hui.

À l’inverse, d’autres mécanismes de report ayant été ajoutés au CGI, postérieurement à la création de cette seconde exit tax, ils ont logiquement été ajoutés au dispositif, entraînant ainsi, par ricochet, une extension de son assiette, qui n’a pas nécessairement été évaluée lors de la création de ces nouveaux mécanismes de report.

Les mécanismes de report d’imposition pris en compte au titre de l’exit tax

Les mécanismes abrogés lors de la mise en place de lexit tax

Le II de l’article 92 B du CGI, applicable à des opérations réalisées avant le 1er janvier 2000, prévoyait que l’imposition de la plus-value réalisée en cas d’échange de titres résultant d’une opération d’offre publique, de fusion, de scission, d’absorption d’un fonds commun de placement (FCP) par une société d’investissement à capital variable (SICAV) réalisée conformément à la réglementation en vigueur ou d’un apport de titres à une société soumise à l’impôt sur les sociétés, peut être reportée au moment où s’opérera la cession ou le rachat des titres reçus lors de l’échange ;

L’article 92 B decies et à l’article 150-0 C organisaient, au titre de gains réalisés avant le 1er janvier 2000, pour le premier de ces articles, et entre cette date et le 31 décembre 2005, pour le second, un report d’imposition de certains des gains réalisés par des dirigeants ou salariés de sociétés sous condition de leur réinvestissement dans une société nouvelle non cotée ;

Les I ter et II de l’article 160 prévoient un régime, abrogé depuis le 1er janvier 2000, de report en cas d’échange de droits sociaux à l’occasion d’une fusion, d’une scission ou d’apports.

Les mécanismes de report en vigueur lors de la mise en place de lexit tax

L’article 150-0 B bis du CGI, mis en place par l’article 55 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006 à compter du 1er janvier 2007 (et toujours en vigueur aujourd’hui) prévoit un mécanisme optionnel de report des gains retirés de l’apport, avant qu’elle ne soit exigible en numéraire, d’une créance résultant d’une clause de complément de prix.

Les mécanismes mis en place postérieurement à la mise en place de lexit tax

L’article 150-0 D bis du CGI, dans sa rédaction résultant de l’article 80 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, a prévu un mécanisme particulièrement généreux de report sous condition de réinvestissement au capital dune entreprise, ce report se transformant automatiquement en exonération complète lorsque les titres reçus après réinvestissement sont détenus cinq ans. Compte tenu des conséquences budgétaires de ce dispositif, il a été abrogé à compter du 1er janvier 2014 et a été retiré du champ des plus-values pouvant bénéficier de l’exit tax.

L’article 150-0 B ter du CGI du CGI, créé par l’article 18 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 prévoit, pour les apports réalisés à compter du 14 novembre 2012, un mécanisme de report d’imposition des plus-values mobilières, en cas d’apport à une société contrôlée par le contribuable (typiquement, une société holding). Il s’agit d’un report automatique et non sujet à option du contribuable.

L’article 150-0 B quater, créé par l’article 20 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015, a prévu un mécanisme de report d’imposition des plus-values accumulées dans une SICAV ou un FCP monétaire, en cas de réinvestissement du prix de cession dans un plan d’épargne en actions PEA-PME. Ce dispositif a été borné dans le temps, entre le 1er avril 2016 et le 31 mars 2017.

3.   Les modalités de liquidation de l’impôt au moment du départ du contribuable

Le fait générateur de la liquidation de l’impôt est fixé au moment du transfert hors de France, afin de ne pas entrer en contradiction avec les conventions internationales de la France.

Pour éviter cette contradiction, le dispositif de l’exit tax prévoit explicitement que le transfert hors de France du domicile fiscal du redevable « est réputé intervenir le jour précédent celui à compter duquel ce contribuable cesse dêtre soumis en France à une obligation fiscale sur lensemble de ses revenus ».

Ce fait générateur déclenche la liquidation de limpôt, dont les modalités sont d’une particulière complexité. Ces modalités conduisent en effet à disjoindre le moment où cet impôt est calculé du moment où cet impôt sera effectivement recouvert. Entre ces deux moments, plusieurs événements peuvent intervenir et conduire à un nouveau calcul de l’impôt dû.

Ces modalités complexes de liquidation sont, pour une certaine partie, à l’origine des difficultés de chiffrages du rendement de cette taxe.

a.   Le calcul d’un impôt provisoire

Au moment du départ de France, un impôt théorique provisoire est calculé à partir de l’assiette des plus-values latentes ou en report mentionnée précédemment.

Jusqu’au 1er janvier 2018, il résultait de la barémisation de ces plus-values après l’application éventuelle des abattements pour durée de détention existants
– c’est-à-dire l’abattement de droit commun ([80]) ou l’abattement renforcé applicable à la cession de titres de PME de moins de dix ans ([81]) – mais aussi de l’abattement forfaitaire de 500 000 euros applicable au dirigeant de PME cédant son entreprise lorsqu’il part en retraite.

Si ce second abattement forfaitaire est resté pleinement applicable à compter du 1er janvier 2018, les abattements pour durée de détention ont été cantonnés aux titres acquis avant le 1er janvier 2018 uniquement dans l’hypothèse où le redevable opterait pour une imposition au barème de l’impôt sur le revenu. À défaut d’option pour cette barémisation, l’application du prélèvement forfaitaire unique de 30 % (soit 12,8 % au titre de l’impôt sur le revenu et 17,2 % au titre des prélèvements sociaux) n’intègre plus d’abattement pour durée de détention.

b.   L’impôt provisoire peut être acquitté ou bénéficier d’un sursis automatique ou sur option du redevable

Qu’il s’agisse des plus-values latentes ou des plus-values en report, le paiement effectif de cet impôt est automatiquement (et obligatoirement) mis en sursis, s’agissant des redevables qui transfèrent leur domicile fiscal dans un État membre de l’Union européenne ou dans un autre État de l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale en matière de lutte contre la fraude et en matière de recouvrement.

Dans ce cas, le CGI prévoit explicitement qu’il n’est constitué aucune garantie en contrepartie de ce sursis.

Pour les redevables qui sétabliraient en dehors de ces États (y compris à l’occasion d’un second transfert après installation dans l’un de ces États), le sursis au paiement de l’impôt est obtenu « sur demande expresse du contribuable » ; il n’est accordé que lorsque le redevable a déclaré les plus-values et les créances entrant dans le champ de l’exit tax, désigné un représentant fiscal en France et constitué des garanties correspondant au montant de l’impôt exigible, tel qu’il est calculé au stade du départ à l’étranger de ce contribuable.

Si le redevable peut démontrer que le transfert dans un État non européen répond à des raisons professionnelles, il peut être dispensé de la constitution de ces garanties.

Dans la mesure où, dans le cas d’un transfert dans un État non européen, le recours au sursis d’imposition est optionnel, le redevable peut également décider dacquitter le montant dimpôt provisoire exigible à ce stade, ce qui ne préjuge pas de son droit à en obtenir une restitution partielle ou complète selon les modalités précisées ci-dessous.

Ces options sont également valables pour le paiement des prélèvements sociaux.

4.   Le dénouement de l’imposition

a.   La fin du sursis d’imposition

Qu’il soit de droit ou sur option, le sursis de paiement exposé ci-dessus expire lors de la survenance des événements suivants :

– la cession, le rachat, le remboursement ou l’annulation des titres, valeurs ou droits sur lesquelles la plus-value latente ou la plus-value en report a été constatée au moment du départ ;

– la donation des titres sauf si le redevable démontre que la donation n’a pas pour motif principal d’éluder l’impôt ;

– le décès du contribuable ;

– la perception d’un complément de prix.

b.   Le calcul de l’impôt définitif

Que le redevable ait bénéficié du sursis d’imposition (automatique ou sur option) ou qu’il ait décidé d’acquitter l’impôt provisoire au moment du départ de France, le montant définitif mis en recouvrement fait l’objet d’un nouveau calcul à l’occasion de la cession ou de la donation des titres sur lesquels pèse une plus-value latente ou en report.

À ce stade, plusieurs éléments peuvent être pris en compte pour rectifier le montant de l’impôt exigible :

– à lexpiration dun délai de quinze ans suivant le départ de France, le montant de l’impôt pesant sur les seules plus-values latentes (donc à l’exclusion des plus-values en report) fait l’objet d’un dégrèvement total. S’il a fait l’objet d’un paiement immédiat au moment du départ, cet impôt est restitué. Il en est de même pour les prélèvements sociaux ;

– il en est de même en cas de décès du contribuable ;

– dans l’hypothèse où le redevable se réinstalle en France, l’ensemble des plus-values latentes ou en report sont dégrevées au titre de l’exit tax, sachant que, par ailleurs, le redevable est en fait « replacé dans la même situation fiscale que celle où il se trouverait s’il n’avait jamais quitté le territoire français ».

Outre ces cas où qui se traduisent en pratique par l’abandon de l’exit tax, le CGI prévoit un mécanisme original de nouveau calcul du montant d’imposition exigible, où les éléments pris en compte ne peuvent jouer qu’en réduction de l’assiette imposable :

– si, au moment de l’exigibilité définitive de l’exit tax, le montant de la plus-value latente est en réalité inférieure à celle qui avait été constatée au moment du départ de France, la différence fait l’objet d’un dégrèvement (ou d’une restitution lorsque l’impôt a déjà été acquitté au moment du départ) ;

– si, dans la même hypothèse, le redevable enregistre une perte, l’impôt est également dégrevé ou restitué ; la moins-value peut éventuellement être imputée sur des plus-values classiques en cas de retour en France dans le cadre de la « tunnelisation » des plus et moins-values mobilières ;

– en tout état de cause, le montant de la plus-value est recalculé, afin d’appliquer l’abattement pour durée de détention jusqu’au jour du recouvrement de l’impôt définitif (et non pas uniquement jusqu’au jour du départ).

Dans l’hypothèse où le redevable peut prétendre, à ce stade, à l’application de l’abattement de 500 000 euros réservé aux dirigeants de petites ou moyennes entreprises partant en retraite, celui-ci est intégré à ce calcul définitif ;

– l’impôt éventuellement acquitté à l’étranger est imputé sur l’impôt exigible au titre de l’exit tax.

5.   Les élargissements successifs du dispositif initial

Le dispositif de l’exit tax en vigueur, tel que décrit ci-dessus, a fait l’objet de plusieurs modifications récentes – tendant en règle générale à le renforcer :

L’article 38 de la quatrième loi de finances rectificative de 2011 ([82]) a modifié le texte initial, afin que le seuil de 1,3 million d’euros, en vigueur lors de la création du dispositif en juillet 2011, soit apprécié non pas au niveau d’une seule participation mais de l’ensemble des participations détenues par le redevable.

L’article 10 de la loi de finances pour 2013 ([83]) est venu préciser les modalités de calcul de l’exit tax dans le cadre de la réforme de la barémisation des revenus du capital : l’impôt exigible est calculé, lors du départ du contribuable, comme la différence entre la cotisation résultant de la barémisation de l’ensemble de ses revenus (y compris ceux entrant dans le champ de l’exit tax) et la cotisation résultant de ses revenus à l’exception de ceux entrant dans le champ de l’exit tax.

L’article 22 de la dernière loi de finances rectificative pour 2012 ([84]) a précisé que la plus-value latente (et non la plus-value en report) bénéficie de l’abattement pour durée de détention par ailleurs prévu par cette loi pour certaines plus-values mobilières dans le cadre, plus général, de la barémisation des revenus du capital.

L’article 42 de la loi de finances rectificative pour 2013 ([85]) a redéfini les seuils de participation permettant de déterminer le champ des redevables.

Avant l’entrée de vigueur de cet article, l’exit tax rendait imposable tout redevable possédant une participation d’au moins 1 % dans les bénéfices sociaux d’une société ou un total de participations de plus de 1,3 million d’euros.

Le seuil de 1 % pouvait conduire à rendre imposables des redevables pour des participations peu importantes, ce qui ne correspondait pas à l’esprit initial d’un dispositif destiné à prévenir l’évasion fiscale des contribuables importants.

Alors que le projet de loi initial du Gouvernement consistait à supprimer purement et simplement le seuil de 1 %, le rapporteur général a été à l’origine de son remplacement par le seuil de perception d’au moins 50 % des bénéfices sociaux d’une société actuellement en vigueur.

À l’initiative du rapporteur général, le seuil de 1,3 million d’euros a en outre été abaissé à 800 000 euros, par cohérence avec le seuil retenu lors de la réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune opérée l’année précédente, mais également pour compenser l’étroitesse de l’assiette de cette taxe.

Il a en outre porté de huit à quinze ans le délai à l’issue duquel il est accordé un dégrèvement de cet impôt lorsqu’il pèse sur les plus-values latentes uniquement.

C.   l’exit tax est un impôt imparfait À de nombreux Égards

1.   Un champ et une assiette relativement restreinte

Le dernier rapport sur l’exil fiscal ([86]), remis annuellement au Parlement en application de l’article 29 de la troisième loi de finances rectificative pour 2012 ([87]), permet d’avoir certains éléments sur le nombre de redevables soumis à l’exit tax.

Au 30 avril 2017, tous les redevables de cette taxe partis pour l’étranger de 2011 à 2015 ayant accomplis leurs obligations déclaratives sont en principes connus ; toutefois, pour les redevables partis en 2016 et 2017, seuls ceux ayant demandé un sursis de paiement en option doivent déposer une déclaration spécifique avant leur départ.

En cas de sursis automatique ou d’imposition immédiate, les redevables ne doivent remplir leurs obligations qu’au printemps suivant. Les chiffres ne sont donc pas retracés dans le rapport de 2017.

Nombre de déclarations d’exit tax dÉposÉes

Année

2011

2012

2013

2014

2015

Nombre total de déclarations déposées

194

356

437

399

374

Nombre de déclarations mentionnant une plus-value positive

172

320

401

383

336

Source : rapport 2017 relatif aux contribuables quittant le territoire national, page 41.

Le nombre des redevables ayant déposé une déclaration – qui ne correspond pas au nombre des redevables qui acquitteront effectivement cette taxe in fine – est assez limité, en particulier lorsqu’on le rapporte au nombre de redevables de l’impôt sur la fortune (ISF) partis pour l’étranger selon ce même rapport (entre 674 en 2012 et 754 en 2015, avec un pic à 877 en 2013).

L’assiette de lexit tax est par ailleurs, depuis 2011, limitée à certains revenus de capitaux mobiliers : par un renvoi au seul I de l’article 150-0 A du CGI, le dispositif ne prend en compte que les plus-values latentes liées à la détention de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres obligataires ou de droits portant sur ces valeurs.

Cette rédaction conduit à exclure du champ du dispositif l’ensemble des gains mentionnés au II de l’article 150-0 A du CGI, à savoir :

– les gains réalisés sur un plan d’épargne en actions (PEA) ou un PEA dédié aux petites et moyennes entreprises (PEA-PME), lorsque ces gains sont imposables en cas de retrait anticipé ;

– les gains liés à un compte PME innovation, créé par l’article 31 de la loi de finances rectificative pour 2016 ([88]), qui est pourtant en principe destiné à recueillir en report d’imposition les plus-values latentes liées à la vente d’une petite ou moyenne entreprise, en vue d’un éventuel réinvestissement ;

– les gains liés à des cessions de sociétés immobilières pour le commerce et l’industrie non cotées (SICOMI) ;

– les gains liés au rachat d’actions de société d’investissement à capital variable (SICAV) ou au gain résultant des rachats de parts de fonds communs de placement (FCP) ;

– les gains retirés des cessions de parts de fonds communs de créances dont la durée à l’émission est supérieure à cinq ans.

Cette rédaction de l’article 150-0 A du CGI conduit par ailleurs à exclure du dispositif de l’exit tax :

– les cessions ou rachats de parts de fonds communs de placement à risques (FCPR), lorsqu’ils ne bénéficient pas de l’exonération prévue par l’article 163 quinquies B du CGI ;

– les cessions d’actions de sociétés de capital-risque ;

– les cessions de parts de fonds communs de placement ;

– les gains liés à l’épargne salariale ou à l’actionnariat salarié (bons de souscriptions de parts de créateurs d’entreprises, stock-options ou actions gratuites).

Ces exclusions législatives font par ailleurs l’objet de précisions, parfois d’extension, dans leur commentaire au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP), dont la version applicable dresse la liste d’exclusion suivante :

– SICAV, fonds communs de placement, sociétés de placement à prépondérance immobilière à capital variable (SPPICAV) ;

– titres ou parts de PEA, de SICOMI, de fonds communs de créances dont la durée d’émission est supérieure à cinq ans, de carried interest, titres détenus dans le cadre de l’épargne salariale ou l’actionnariat salarié ;

– les sociétés de personnes ou les sociétés civiles professionnelles à prépondérance immobilière ;

– les parts de fonds de placement immobilier ou de sociétés d’investissements immobiliers cotées (SIIC).

Cette assiette étroite a, par ailleurs, longtemps été « mitée » par plusieurs exonérations, dont certaines ont été supprimées depuis la création du dispositif – souvent à l’initiative de la commission des finances de l’Assemblée nationale, quelle que soit sa tendance politique.

Il n’est pas inutile de constater, sur ce point, une certaine divergence de fonds entre cette commission et le Gouvernement :

– le projet d’article initial présenté par le Gouvernement en 2011 prévoyait explicitement une exonération des SICAV, un seuil de 1,3 million d’euros applicable au titre d’une seule participation et non de l’ensemble des participations du redevable, et ne visait que les titres de sociétés soumises à l’IS. Il retenait uniquement les droits sociaux et les valeurs mobilières, à l’exclusion des droits portant sur ces titres.

Par ailleurs, les contribuables devaient entrer dans le champ de l’exit tax, dès lors qu’il avait été domicilié depuis six ans de manière continue avant leur départ, ce qui offrait d’importantes possibilités de contournement.

La commission des finances a été à l’initiative d’un élargissement du champ de la taxe aux redevables ayant été domiciliés six années parmi les dix précédant le départ ; elle a étendu l’assiette aux droits portant sur les titres visés par le dispositif et elle a supprimé le verrou tenant à la soumission de la société au seul IS ;

– l’application du seuil d’imposition en valeur, fixé à 1,3 million d’euros au titre d’une seule participation, a été étendue à un seuil au titre de l’ensemble des participations du redevable dans le cadre de l’article 38 de la quatrième loi de finances rectificative de 2011 précitée ;

– alors que le projet d’article initial de la loi de finances rectificative pour 2013 mentionné précédemment supprimait le seuil d’imposition exprimé en pourcentage de participation dans une société (1 %), la commission des finances, à l’initiative de son rapporteur général, a permis la réintroduction d’un seuil à 50 %.

Elle a également abaissé le seuil d’imposition en valeur de 1,3 million d’euros à 800 000 euros, et elle a supprimé un alinéa proposé par le texte initial qui élargissait l’exonération des SICAV à l’ensemble des parts d’organismes de placement collectifs et les FCP. Elle a par ailleurs supprimé l’exonération spécifique aux SICAV – sans que cette suppression ne soit reprise dans le BOFiP actuellement en ligne.

Elle a enfin porté de huit à quinze ans de détention des titres suivant le transfert hors de France le délai à l’issue duquel l’impôt pesant sur les seules plus-values latentes fait l’objet d’un dégrèvement.

2.   Un rendement très limité

Malgré ces modifications du dispositif initial, l’assiette de l’exit tax est trop restreinte pour que son rendement atteigne les montants escomptés.

Il convient, à titre préliminaire, de rappeler quaucun chiffrage du rendement prévisionnel ou effectif de la première exit tax n’a été réalisé entre 1999 et 2004, ni à l’occasion du vote du dispositif ni – ce qui peut paraître encore plus surprenant – à l’occasion de sa suppression.

Compte tenu du fait que l’exit tax est en réalité une des modalités d’imposition des plus-values mobilières, aucun des documents budgétaires de cette période ne permet de retracer un quelconque rendement.

Lors de l’examen du nouveau dispositif en 2011, le rapporteur général notait dans son rapport ([89]), s’agissant de ce premier dispositif abrogé, que « le montant des droits correspondants, dégrevés lors de la suppression définitive du dispositif par la loi de finances rectificative pour 2005, avait été estimé par le Gouvernement à la demande du Rapporteur général à 73 millions deuros (hors prélèvements sociaux) soit un peu moins de 11,7 millions deuros par année dapplication au seul titre de limpôt sur le revenu et aux taux de 2006 ».

Lors de l’adoption du nouveau dispositif en 2011, le rapporteur général mentionnait par ailleurs « les incertitudes entourant le chiffrage du rendement de la mesure » ([90]).

Le produit attendu était estimé par le Gouvernement à 87 millions d’euros en 2012 et, à compter de 2013, à 189 millions deuros en année pleine (soit 115 millions d’euros au titre de l’impôt sur le revenu et 74 millions d’euros au titre des prélèvements sociaux).

Mais le rapporteur général relevait que l’évaluation du Gouvernement reposait sur huit étapes de calcul, n’intégrant pas l’ensemble des paramètres de la taxe, en particulier la purge totale de l’imposition des plus-values latentes après un délai de huit ans, les mécanismes d’abattements pour durée de détention applicables ou d’imputation des impôts étrangers.

Dans le cadre du rapport sur l’application de la loi fiscale de juillet 2013 ([91]), un premier bilan avait été présenté. Le rapporteur général indiquait qu’au titre de 2011, 158 foyers fiscaux avaient déclaré un montant cumulé de 1,35 milliard deuros de plus-values imposables à la taxe.

Depuis l’annonce de la suppression de l’exit tax par le président de la République en mai dernier, les échanges avec l’administration afin de déterminer le rendement réel de cette taxe ont été nombreux :

– les seules évaluations disponibles à la date de cette annonce provenaient du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) sur les prélèvements obligatoires sur le capital des ménages ([92]), faisant état d’un rendement de 803 millions d’euros en 2016, intégré dans le rendement de l’impôt sur le revenu sur les plus-values mobilières ;

– lors d’une audition devant la commission des finances de l’Assemblée nationale le 12 juin dernier ([93]), le directeur de la législation fiscale a évoqué une imposition latente de 6 milliards d’euros accumulée sur la totalité de la durée du dispositif (2011-2017) pour un rendement effectif de 140 millions d’euros sur cette même durée, au titre de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux.

Depuis, le Rapporteur général a été destinataire de plus amples informations sur le rendement de cette taxe et ses redevables, retracées dans les tableaux ci-dessous.

Ces chiffres doivent être appréhendés avec de nombreuses précautions rappelées par le Gouvernement lors de leur transmission : dans le cadre de l’exit tax, une imposition potentielle n’est pas une imposition effective (du fait notamment des mécanismes de dégrèvement) et, plus subtil encore, une imposition effective n’est pas assimilable à une imposition définitivement acquise par l’État (lorsque le contribuable n’opte pas pour le sursis, il acquitte l’impôt sur la plus-value latente mais il peut malgré tout en obtenir restitution après le délai de quinze ans).

Compte tenu de ce dernier élément, l’administration fiscale souligne donc qu’il serait erroné de considérer que la taxe a « rapporté » environ 140 millions d’euros depuis sa mise en place.

Le détail des chiffres fournis par l’administration fiscale figure dans le tableau ci-dessous.

Il en ressort que l’imposition latente totale au titre de l’exit tax s’élève à 5,75 milliards d’euros entre 2011 et 2016 (au titre de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux). La quasi-totalité de ces montants – soit près de 5,4 milliards d’euros – a bénéficié d’un sursis de paiement.

À la fin de l’année 2017, près de 5,3 milliards d’euros sont toujours en sursis de paiement.

Sur le volume total de l’imposition latente, environ 138 millions d’euros ont fait l’objet d’un encaissement effectif et 128 millions d’euros ont déjà été dégrevés.

le rendement de l’exit tax – Transferts 2011 À 2016

(en millions d’euros)

Année de prise en charge comptable

Nature de prélèvement

Montant pris en charge dans lannée

dont en sursis de paiement

Recouvrements effectifs durant lannée (1)

Dégrèvement et restitution durant lannée

Total recouvrements durant lannée

2012

Impôt sur le revenu (IR)

246,1

246,0

0,0

0,0

0,0

Prélèvements sociaux (PS)

174,9

174,8

0,0

0,0

0,0

Majorations

0,0

0,0

0,0

0,0

2013

IR

651,8

627,3

2,5

10,9

13,4

PS

461,2

441,4

2,2

7,7

10,0

Majorations

42,1

 

0,0

1,9

1,9

2014

IR

14,6

14,0

24,0

12,2

36,1

PS

10,3

9,5

19,8

8,6

28,4

Majorations

113,7

0,0

2,9

3,0

2015

IR

678,2

626,5

15,0

6,9

21,9

PS

515,1

468,1

10,9

6,4

17,3

Majorations

99,5

 

0,7

1,7

2,3

2016

IR

828,9

816,4

14,0

4,8

18,8

PS

706,4

691,4

15,5

4,4

19,8

Majorations

81,9

0,1

4,8

4,9

2017

IR

820,4

709,4

19,7

37,0

56,8

PS

645,1

589,4

14,3

29,2

43,5

Majorations

120,2

0,4

7,3

7,7

TOTAL

IR

3 240,0

3 039,5

75,2

71,8

147,0

PS

2 512,9

2 374,7

62,8

56,2

119,0

TOTAL (hors majorations)

5 752,9

5 414,2

138,0

128,0

266,0

Majorations

457,4

1,2

18,6

19,8

TOTAL GÉNÉRAL

6 210,3

5 414,2

139,2

146,6

285,8

(1) Les sommes encaissées au titre d’une année comportent les impositions d’exit tax prises en charge au titre du transfert du domicile fiscal hors de France sans sursis de paiement, ainsi que les paiements relatifs aux prises en charge antérieures dont le sursis de paiement a expiré du fait de la réalisation d’un événement.

Source : direction de la législation fiscale, août 2018.

Imposition restant en sursis de paiement fin 2017
en fonction de l’année de prise en charge

(en millions d’euros)

Année de prise en charge

Type de créance dexit tax

Montant des PEC
dexit tax

Montant
restant en sursis

fin 2017

2012

IR

246,12

216,14

PS

174,90

153,16

2013

IR

651,79

607,15

PS

461,19

425,01

2014

IR

14,55

14,54

PS

10,34

9,94

2015

IR

678,19

645,68

PS

515,07

490,62

2016

IR

828,86

787,43

PS

706,36

652,55

2017

IR

820,44

709,36

PS

645,07

589,44

Total

5 301,01

Source : direction de la législation fiscale, août 2018.

La différence entre, d’une part, le montant total pris en charge (5792,9 millions d’euros) et, d’autre part, le montant des créances restant en sursis de paiement (5 301 millions d’euros), le montant des recouvrements effectifs (137,98 millions d’euros) et des dégrèvements ou restitutions (128,03 millions d’euros) s’élève à 185,8 millions d’euros.

Cette différence s’explique par les prises en charge de la fin de l’année 2017 qui n’ont été codifiées comme étant en sursis de paiement qu’au début de l’année 2018.

Nombre de contribuables ayant quitté le territoire national en 2015
et ayant déposé une déclaration d’exit tax

Décile de revenu fiscal de référence (RFR) en N  1
(en milliers deuros)

Nombre de foyers

Montant cumulé des plus-values
(en millions deuros)

inférieur à 26,4

35

92

entre 26,4 et 55,9

35

130

entre 55,9 et 81,2

35

87

entre 81,2 et 114,1

35

128

entre 114,1 et 150,4

34

108

entre 150,4 et 189,9

35

521

entre 189,9 et 276,9

35

196

entre 276,9 et 406,9

35

290

entre 406,9 et 852,7

36

344

au-delà de 852,7

33

1022

TOTAL

348

2 917

Source : direction de la législation fiscale, août 2018.

3.   Des obligations déclaratives particulièrement lourdes

Préalablement à son départ, le redevable doit – dans l’hypothèse où il formule la demande expresse de bénéficier d’un sursis au paiement de l’imposition, donc en vue d’une installation en dehors de l’espace européen – déclarer le montant des plus-values et des créances entrant dans le champ de l’exit tax et désigner un représentant fiscal.

Il doit en outre constituer des garanties correspondant à l’impôt exigible, soit au titre de l’impôt sur le revenu 12,8 % de ces plus-values et créances, sans application des éventuels abattements pour durée de détention.

Dans les mois qui suivent son départ, le redevable doit déclarer les plus-values latentes ou en report dans sa déclaration d’impôt sur le revenu, dans les délais de droit commun (correspondant toutefois à son nouveau lieu de résidence, qui sont souvent plus tardifs pour les redevables établis dans un pays étranger).

Dans le mois suivant la réception de lavis dimposition correspondant à cette déclaration, le contribuable constitue éventuellement un complément de garanties permettant d’assurer le recouvrement de l’impôt complémentaire lorsqu’il existe une différence avec le montant déterminé au moment de la constitution des garanties, l’éventuel excédent étant restitué.

Lorsque le redevable bénéficie d’un sursis de paiement, celui-ci doit déclarer chaque année dans sa déclaration d’impôt sur le revenu le montant cumulé des impôts en sursis de paiement et établit sur un formulaire spécifique le montant des plus-values et des créances soumises à l’exit tax ainsi que l’impôt afférent aux plus-values pour lesquelles le sursis de paiement n’est pas expiré.

Lorsque le sursis prend fin, le redevable doit déclarer, dans la déclaration d’impôt sur le revenu qui suit, la nature et la date de l’événement qui a entraîné ce sursis de paiement ainsi que le montant de l’impôt exigible afférent aux plus-values et aux créances entrant dans le champ de l’exit tax.

4.   Un coût de gestion exponentiel

L’exit tax est gérée par le service des non-résidents, dont deux fonctionnaires de catégorie A et deux fonctionnaires de catégorie C sont employés à temps plein à son suivi. En outre, un temps important et croissant y serait également consacré au sein de la division en charge de la fiscalité des particuliers et du contentieux du recouvrement.

En outre, l’administration fiscale aurait de plus en plus de mal à assurer le suivi d’un dispositif qui a évolué à de trop nombreuses reprises, supposant des mises à jour répétées du BOFiP et des notices associées en fonction de l’année de départ du contribuable.

Afin de suivre les obligations déclaratives et les garanties, le service des non-résidents a utilisé un outil spécifique développé en interne, qui devrait trouver ses limites de maintenance alors que ce suivi doit être assuré, en l’état du droit, pendant quinze ans.

Il convient en outre de rappeler que l’exit tax représente un coût de gestion pour l’usager, lorsqu’il s’agit de constituer des garanties notamment, ce qui suppose le plus souvent d’avoir recours à un professionnel du droit.

  Il convient enfin de noter qu’en application de l’article L. 208 du livre des procédures fiscales, le coût de la constitution des garanties sera remboursé au contribuable si les sommes correspondantes lui sont, en définitive, restituées. Les conditions du remboursement sont précisées aux articles R. 208-4 et R. 208-5 du même livre. Pour un versement en espèces, le remboursement est calculé au taux de l’intérêt de retard – soit, en l’état, 0,4 % par mois – tandis que, pour un nantissement ou une hypothèque, il correspondra aux frais d’actes et, pour une caution, à la rémunération payée à la caution (dans la limite d’un plafond).

5.   Un signal négatif à l’égard des investisseurs et des entrepreneurs

Comme l’a rappelé le président de la République, le dispositif de l’exit tax constitue un signal puissant en défaveur de l’investissement et de l’entreprenariat dans notre pays, autant à l’égard des personnes qui se trouvent à l’étranger et souhaiteraient pouvoir investir en France qu’à l’égard d’entrepreneurs français souhaitant y développer leur activité.

Il est à l’évidence compliqué de pouvoir fournir des statistiques précises permettant d’étayer ce point de vue.

À tout le moins est-il possible de constater que le dispositif d’exit tax pratiqué en France fait figure de particularité dans la typologie réalisée par le Conseil des prélèvements obligatoires dans son rapport précité sur la fiscalité pesant du sur le capital des ménages ([94]).

L’exit tax constituerait, dans le même ordre d’idée, une incitation pour les investisseurs ou les entrepreneurs français à anticiper leur départ pour l’étranger.

Extrait du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires
concernant les différents dispositifs d’exit tax

Face au phénomène de l’exil fiscal des personnes physiques, trois grandes approches sont concevables.

Certains États attribuent à la nationalité un rôle dans l’identification des contribuables soumis à leur souveraineté. Le rattachement à la nationalité peut cependant avoir lieu selon des formes techniques différentes. Il peut s’agir, comme aux États-Unis, d’appliquer un système d’imposition des revenus mondiaux sur la base de la nationalité ou bien, dans une version plus modérée, de continuer à soumettre à la loi fiscale de l’État pendant une durée limitée les nationaux qui ont quitté le territoire.

Depuis 1972, des citoyens allemands ayant résidé en Allemagne pendant cinq années sur les dix précédant leur transfert de résidence à l’étranger continuent d’être assujettis à l’impôt allemand sur l’ensemble de leurs revenus pendant une dure de dix ans. Cette règle ne s’applique toutefois que lorsqu’il existe de bonnes raisons de penser que leur exil est essentiellement motivé par des raisons fiscales (en pratique lors d’un transfert de la résidence dans un État à fiscalité beaucoup plus faible que l’Allemagne).

Les États ont souvent fait le choix d’asseoir l’obligation fiscale illimitée sur la résidence, en lien avec le fait de profiter des services rendus par un État sur son territoire. Les États peuvent alors étendre le concept de résidence de deux manières : soit la loi fait comme si le contribuable exilé continuait d’être résident de l’État de départ, soit elle fait comme s’il n’était jamais parti en attendant son retour.

– La première manière peut être illustrée par le droit suédois, qui répute encore résidente de Suède pendant dix ans après son départ toute personne ayant eu la qualité de résident pendant une année quelconque au cours des dix années précédant le transfert de résidence. Ce dispositif n’a d’effet qu’en ce qui concerne l’imposition des plus-values sur des valeurs mobilières suédoises : en présence d’une cession opérée à l’étranger dans le délai de dix ans suivant le départ, l’intégralité de la plus-value de cession est imposable en Suède (sous réserve toutefois des conventions fiscales). De manière générale, le système de la fiction de résidence continuée peut être modulé en fonction de différents paramètres. L’étendue des revenus et des plus-values concernés peut varier en fonction de la rigueur du droit interne dont on s’efforce d’empêcher le contournement. Le champ d’application peut également être restreint aux seuls cas où le contribuable transfère sa résidence fiscale vers un État à fiscalité privilégiée : c’est l’approche retenue en Italie et en Espagne ;

– Dans les systèmes britannique et néo-zélandais, c’est le retour au pays qui provoque l’imposition de certaines plus-values réalisées pendant le séjour à l’étranger. En droit britannique, par exemple, ce dispositif s’applique à toute personne qui, ayant résidé au Royaume-Uni pendant quatre années sur les sept années précédant le départ, a passé moins de cinq ans à l’étranger avant de transférer à nouveau sa résidence au Royaume-Uni.

– La troisième approche, dite de l’exit tax, consiste en droit français à imposer les contribuables qui s’installent à l’étranger sur la plus-value latente sur certains de leurs actifs à la date de leur départ, à leur octroyer un report de paiement de cet impôt sous certaines conditions et à dégrever cet impôt en cas de séjour suffisamment prolongé à l’étranger (quinze ans). (...) Dans la plupart des modèles d’exit tax, l’imposition porte uniquement sur les plus-values relatives à des participations substantielles. Elle peut toutefois se transformer, comme au Canada ou en Australie, en un solde de tous comptes au titre de tous les gains non encore réalisés à l’instant du départ.

Même lorsque l’exit tax a un champ d’application étendu, elle se révèle beaucoup moins contraignante pour le contribuable qu’un dispositif qui, d’une façon ou d’une autre, maintient le contribuable sous l’empire de la loi fiscale de la loi de son ex-État de résidence.

Un même État peut pratique simultanément deux approches. En droit allemand, par exemple, existe un cumul entre la version modérée du rattachement à la nationalité pour les revenus ordinaires et une exit tax sur des participations substantielles.

Tout dispositif conçu pour freiner l’exil fiscal se heurte immanquablement à un obstacle important : celui de la double imposition des mêmes revenus, faute pour les États de se coordonner correctement.

Source : Conseil des prélèvements obligatoires, Les prélèvements obligatoires sur le capital des ménages, janvier 2018.

II.   le dispositif proposÉ

En cohérence avec l’annonce présidentielle, le présent article prévoit la suppression du dispositif de l’exit tax dans sa forme actuelle.

Toutefois, il ne s’agit pas d’une suppression sèche ; en effet, la suppression complète de toute taxation au départ du territoire national aurait ouvert la voie à des expatriations de pure opportunité, permettant au redevable de s’installer pour huit mois en Belgique (par exemple), afin de ne payer aucun impôt en France sur la cession de son entreprise avant de s’y réinstaller quelques mois plus tard.

Pour éviter de tels abus, le présent dispositif lui substitue, selon les termes de l’exposé des motifs de l’article, « un dispositif beaucoup plus ciblé », qui permettra de renforcer l’attractivité de la France pour les investisseurs étrangers. Cet exposé des motifs met, en revanche, moins l’accent sur l’objectif de prévention du départ anticipé des entrepreneurs français, mentionné précédemment.

Comparé au dispositif actuel de l’exit tax, le dispositif prévu par le présent article repose sur les axes suivant :

– le délai suivant le départ de France du redevable à l’issue duquel l’exit tax pesant sur les plus-values latentes fait l’objet d’un dégrèvement (en cas de sursis de paiement) ou d’une restitution (si l’impôt a été acquitté au départ de France) est ramené de quinze ans à deux ans ;

– le sursis automatique au paiement de l’exit tax, assorti d’une dispense de constitution de garanties de paiement de l’impôt – qui est aujourd’hui réservé aux redevables s’installant dans l’espace européen – sera étendu à lensemble des États liés à la France par une convention de lutte contre la fraude et lévasion fiscales et dassistance au recouvrement ;

 les charges déclaratives pesant sur le redevable seront allégées dans la mesure où la déclaration de suivi, qu’il doit actuellement remplir annuellement en cas de bénéfice du sursis de paiement sur l’ensemble des plus-values entrant dans le champ de l’exit tax, sera recentrée sur les seules plus-values en report d’imposition et, accessoirement, sur les créances liées à une clause de complément de prix (ou earn-out).

A.   Le racCourcissement du dÉlai de dÉgrÈvement d’exit tax pesant sur les plus-values latentes

Les alinéas 16 et 17 du présent article ramènent de quinze à deux ans le délai, suivant le transfert du domicile fiscal hors de France du redevable, à l’issue duquel l’exit tax pesant sur les seules plus-values latentes est automatiquement transformé :

– en dégrèvement d’office lorsque le redevable a bénéficié automatiquement ou sur option d’un sursis d’imposition ;

– en restitution lorsque le redevable a plutôt décidé d’acquitter directement son exit tax à son départ de France.

Comme il a été indiqué précédemment, ce mécanisme de dégrèvement ou de restitution ne s’applique pas aux plus-values en report entrant dans le champ de cette imposition.

Le dégrèvement ou la restitution n’intervient que dans l’hypothèse où les titres sont encore, à l’issue de ce délai, « dans le patrimoine du contribuable », expression volontairement large – quoiqu’un peu imprécise – qui pourrait couvrir l’hypothèse où ces titres ont été logés dans un trust ou une fiducie, la question du démembrement de propriété n’étant pas tranchée par cette rédaction.

Ce délai de deux ans, retenu par le Gouvernement, correspond généralement dans le CGI au délai en-dessous duquel une opération financière peut être considérée comme spéculative ou à tout le moins court-termiste :

– dans le cadre de l’IS, l’imposition spécifique des plus-values sur titres de participation fait l’objet d’un taux spécifique lorsqu’il s’agit de plus-value « à long terme », c’est-à-dire liées à des participations de plus de deux ans. Il en est de même dans le cadre des bénéfices industriels et commerciaux ;

– dans le cadre de la détention de titres dans un plan d’épargne en actions, tout retrait avant les deux ans du plan entraîne l’application d’un taux à l’impôt sur le revenu de 22,5 % (et de 19 % entre deux et cinq ans) ;

– dans le cadre de la retenue à la source applicable aux dividendes distribués à une personne morale, une exonération est prévue lorsque l’entreprise bénéficiaire détient depuis au moins deux ans 10 % du capital de la personne qui distribue les dividendes (article 199 ter du CGI) ;

– la fiscalité de l’assurance-vie implique l’application d’un taux de 35 % en cas de retrait avant les deux ans du contrat (article 125-0 A du CGI) ;

– l’abattement pour durée de détention applicable aux plus-values mobilières était nul avant deux ans, pour atteindre ensuite 50 % entre deux et huit ans.

B.   l’extension du sursis automatique de paiement aux États et territoire liÉs À la France par des conventions fiscales

Les alinéas 3 à 8 du présent article procèdent à un ajustement conséquent du dispositif de sursis automatique de paiement de l’exit tax, qui entraîne la dispense de constitution de garanties de paiement de l’impôt.

Aujourd’hui, en cohérence avec la jurisprudence Lasteyrie du Saillant précitée, le sursis est automatique :

– dans les États membres de l’Union européenne ;

– dans les autres États partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales ainsi qu’une convention d’assistance mutuelle en matière de recouvrement ayant une portée similaire à celle prévue par la directive 2010/24/UE du Conseil, du 16 mars 2010, concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures. Cette référence désigne en pratique la Suède et lIslande à lexclusion du Liechtenstein.

Le présent article prévoit de rendre automatique le sursis dans les États où cest actuellement possible, mais également dans lensemble des États, hors Union européenne ou Espace économique européen, liés à la France par ces deux catégories de conventions fiscales (assistance administrative en vue de lutter contre la fraude fiscale et convention dassistance mutuelle en matière de recouvrement).

Selon les informations transmises par le Gouvernement, cette référence permet d’englober :

– tous les États de l’Espace économique européen sauf le Liechtenstein ;

– les juridictions suivantes : Afrique du Sud, Albanie, Algérie, Arménie, Aruba, Australie, Azerbaïdjan, Bénin, Burkina-Faso, Cameroun, Congo, Corée du Sud, Côte d’Ivoire, Curaçao, États-Unis, Gabon, Géorgie, Ghana, Groenland, Guinée, Îles Cook, Îles Féroé, Inde, Japon, Liban, Madagascar, Mali, Maroc, Maurice, Mauritanie, Mexique, Moldavie, Niger, Nouvelle-Zélande, Ouganda, Ouzbékistan, Pakistan, Polynésie Française, République Centrafricaine, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Sint Marteen, Sénégal, Taïwan, Togo, Tunisie, Ukraine.

Le critère tenant à l’existence de ces deux catégories de conventions fiscales est celui généralement retenu dans le CGI pour cibler les États ou territoires dont la France peut obtenir les informations nécessaires à la perception d’un impôt comme l’exit tax.

Le débat entourant l’adoption de l’article 58 de la seconde loi de finances rectificative pour 2014 ([95]) avait permis de mettre en lumière le fait que la simple existence d’une convention administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales ne garantit pas, par elle-même, la possibilité pour l’administration des impôts d’obtenir de l’État partie à la convention les informations voulues.

Le dispositif de l’article 58 de la loi de finances pour 2014

Cet article a modifié la retenue à la source sur les dividendes versés à des organismes de placements collectif en valeurs mobilières (OPCVM) implantés à l’étranger opéré sur le fondement de l’article 119 bis du CGI, afin de tirer les conséquences d’une décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) de 2014.

La CJUE avait estimé que la seule existence d’une telle convention, en l’espèce entre la Pologne et les États-Unis, ne suffisait pas à garantir l’efficacité des contrôles fiscaux permettant de justifier une exonération, sauf à risquer de créer une discrimination à rebours.

Le texte de l’article 58 précité a donc modifié l’article 119 bis du CGI afin de préciser que l’existence de la convention d’assistance administrative doit par ailleurs effectivement permettre d’obtenir les informations nécessaires.

C.   L’allégement des charges dÉclaratives annuelles du redevable

Les alinéas 24 à 27 portent allégement de certaines obligations déclaratives pesant sur le redevable au titre de l’exit tax.

Actuellement, le CGI prévoit que, lorsqu’il bénéficie d’un sursis de paiement (automatiquement dans l’espace européen ou sur option avec constitution de garantie en dehors de cet espace), le redevable doit déclarer chaque année le montant cumulé des impôts en sursis de paiement dans sa déclaration de revenus.

Il prévoit, en outre, que le redevable doit annexer à cette déclaration un formulaire spécifique de l’administration avec le montant des plus-values et des créances constatées au titre de exit tax, c’est-à-dire à la fois les plus-values latentes et les plus-values en report.

Cette obligation pèse sur le redevable jusqu’à l’expiration du sursis, donc potentiellement pendant quinze ans, ce qui est particulièrement long et peut s’appliquer potentiellement à des personnes qui n’ont plus de revenus de source française, voire plus de liens avec elle.

Afin d’alléger ces charges déclaratives, le présent article prévoit donc que cette déclaration annuelle de suivi du sursis d’imposition sera circonscrite :

– aux créances liées à une clause de complément de prix ;

– aux plus-values en report d’imposition.

Combiné avec le passage de quinze ans à deux du délai de dégrèvement de l’exit tax, la présente disposition permet donc de calculer que le redevable ne remplira ces déclarations de suivi qu’au maximum deux fois suivant la déclaration de départ initiale s’agissant des créances de complément de prix – les plus-values en report ne bénéficiant pas du mécanisme de dégrèvement.

En outre, les plus-values en sursis à déclarer sont simples à déterminer, dans la mesure où l’impôt lié à des plus-values en report est déterminé avant le départ du contribuable et reste fixe après son départ. La créance liée à un complément de prix est plus évolutive, dans la mesure où elle est en générale indexée sur l’évolution de l’activité de la société cédée. Le CGI prévoit donc que son montant est évalué directement par le redevable dans le cadre de sa déclaration.

Les alinéas 28 et 29 précisent que, lorsque le contribuable devra remplir une déclaration de suivi annuelle en application de ces nouvelles dispositions ‑ c’est-à-dire à raison uniquement des plus-values en report ou d’un complément de prix – il devra également déclarer, dans la même déclaration, le montant total des impôts en sursis de paiement bénéficiant d’un sursis d’imposition, c’est-à-dire en y ajoutant les éventuelles plus-values latentes ainsi que l’impôt correspondant.

D.   Les Mesures de coordination

Plusieurs alinéas de l’article prévoient des mesures de coordinations :

– conformément à la terminologie du CGI, la référence aux États d’installation du redevable est élargie aux « territoires », afin de couvrir toutes les éventualités (alinéas 7, 14, 15, 18 à 20 et 23) ;

– l’alinéa 9 procède à une mesure de coordination du dispositif de sursis de paiement applicable en cas de déménagements successifs du redevable.

Le CGI prévoit actuellement que ce sursis est optionnel dans deux cas : d’une part s’il s’installe dans un État extra-européen ou d’autre part si, après avoir transféré son domicile dans un État de l’espace européen, il le transfère ensuite à l’extérieur de cet espace.

L’alinéa 9 coordonne ce dispositif, en prévoyant que le sursis est optionnel en cas de transfert d’un État européen ou lié à la France par les deux conventions fiscales précitées vers un État tiers non lié à la France par ces conventions fiscales.

E.   L’EntrÉe en vigueur

Le dernier alinéa du présent article prévoit que ce nouveau dispositif s’appliquera aux transferts de domicile fiscal hors de France intervenus à compter du 1er janvier 2019.

Le présent article ne s’appliquera donc pas au « stock » des redevables déjà partis, qui resteront soumis au régime de quinze ans en vigueur.

Les charges déclaratives actuelles continueront donc à peser fort longtemps sur les redevables partis récemment, pour un dispositif qui aura alors été considérablement allégé.

Pour sa part, la charge administrative actuelle du dispositif risque également de décroître très lentement.

Ce dernier alinéa précise par ailleurs les modalités d’entrée en vigueur des dispositions étendant le sursis automatique aux États et territoires liés à la France par les deux conventions fiscales mentionnées précédemment, dans l’hypothèse où le redevable a déjà transféré son domicile dans l’espace européen avant le 1er janvier 2019.

À supposer que ce redevable transfère à nouveau son domicile dans un État ou territoire lié à la France par les deux conventions fiscales précitées, il pourra alors bénéficier du sursis sur option avec constitution de garanties.

*

*     *

La commission examine les amendements de suppression de l’article, II-CF292 de M. M’jid El Guerrab, II-CF990 de M. Jean-Paul Mattei, IICF1054 de M. Fabien Roussel, II-CF1141 de Mme Christine Pires Beaune et IICF1331 de M. Éric Coquerel.

M. M’jid El Guerrab. Par cet amendement, il est proposé de maintenir le dispositif actuel dit d’exit tax.

L’exit tax est un impôt qui a été créé en 2011 par Nicolas Sarkozy pour lutter contre l’évasion fiscale et dissuader les contribuables de s’expatrier vers des pays où l’imposition est plus clémente.

Selon le rapport d’information présenté le 27 novembre 2013 par M. Christian Eckert, alors rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale, 158 foyers fiscaux avaient déclaré, au titre de l’année 2011, un montant cumulé de 1,35 milliard d’euros de plus-values imposables à la taxe. La dernière évaluation disponible chiffrait le rendement de cette mesure à 53 millions d’euros au titre de 2012 et à 115 millions d’euros pour 2013 et pour 2014.

Selon le Conseil des prélèvements obligatoires, organisme rattaché à la Cour des comptes, les recettes potentielles de l’exit tax en 2016 auraient pu s’élever à plus de 800 millions d’euros.

Il pourrait être judicieux d’utiliser les recettes générées par cette taxe pour financer la politique de développement de la francophonie et des lycées Français. À l’heure où l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger a vu ses crédits diminués, alors que les parents subissent les hausses des frais de scolarité, cette nouvelle source de financement pourrait être une véritable bouffée d’oxygène pour ce réseau dynamique, « colonne vertébrale de l’enseignement du français ». Cela permettrait également de réaliser les ambitions de notre président de la République, qui souhaite doubler le nombre d’élèves dans les lycées français à l’étranger.

M. Jean-Paul Mattei. Mon amendement vise également à supprimer l’article 51. Le système de l’exit tax fonctionne en effet très bien aujourd’hui. Je ne comprends donc pas pourquoi on cherche à l’améliorer. Je suis seul signataire de cet amendement.

M. Fabien Roussel. Pour les mêmes raisons que celles qui viennent d’être évoquées, nous demandons la suppression de l’article 51. L’exit tax est une mesure de lutte contre l’exil fiscal et doit être maintenue dans sa forme actuelle.

C’est un très mauvais signal que de ramener à deux ans – ou même à cinq – la possibilité de ne plus taxer les plus-values sur titres. Supprimer l’exit tax, reviendrait à donner un permis de s’exiler fiscalement. Ce serait incompréhensible.

Monsieur le Rapporteur général, avez-vous estimé les pertes qu’induirait pour le budget la réduction du délai ?

Mme Christine Pires Beaune. J’irai dans le même sens. L’article 51 ne vise ni plus ni moins qu’à affaiblir la portée d’un dispositif anti-abus qui fonctionne bien. Je rappellerai simplement que les impositions en sursis au 31 décembre 2017 représentent tout de même 5,3 milliards d’euros.

Au sujet des chiffres, il semble que, dans le tableau figurant à la page 335 de l’évaluation préalable, il y ait une erreur, dans la colonne des sommes. Si on reprend les chiffres de 2012 jusqu’à 2017, on aurait une différence de 11 000 euros sur le total ; sur les créances en sursis, elle serait de 190 000 euros, apparemment.

M. Éric Coquerel. Disons-le clairement : à la suite de la levée de boucliers que l’annonce de la suppression pure et simple de l’exit tax avait suscitée, l’article 51 propose une vraie-fausse suppression en ramenant de quinze ans à deux ans la durée de détention au-delà de laquelle on peut vendre ses valeurs mobilières sans contrepartie fiscale sur les bénéfices réalisés.

En fait, comme cela a été estimé, cela revient à faire un cadeau d’une valeur potentielle de 5,3 milliards d’euros, dans deux ans, à ceux qui n’auront plus qu’à réaliser la plus-value réalisée après leur départ de France. Ces expatriés pourront ainsi tirer tout l’avantage de ce qui constitue une évasion fiscale ! On nous dit que cela ne rapporte pas beaucoup. Mais cette mesure est précisément intéressante parce qu’elle est dissuasive. Ce n’est pas tant ce qu’elle rapporte qui compte, que le fait qu’elle empêche que rien ne soit aujourd’hui subtilisé à l’administration fiscale.

Dois-je rappeler les débats que nous avons actuellement pour savoir, par exemple, comment on pourrait entamer une transition écologique digne de ce nom ? Au lieu de taxer uniquement les particuliers, on ferait mieux de faire en sorte qu’on arrête déjà de faire des cadeaux, à coup de milliards, à des gens qui, en plus, n’hésitent pas à frauder. Voilà pourquoi nous proposons la suppression de cet article.

M. le Rapporteur général. Effectivement, le sujet mérite débat. Nous avions auditionné le directeur de la législation fiscale sur ce sujet. L’audition n’a pas été de la plus grande clarté.

En déposant des amendements de suppression de l’article 51, vous semblez considérer, chers collègues, que l’exit tax dans sa forme actuelle est un outil efficace pour lutter contre l’évasion fiscale. Pour ma part, je dispose d’un excellent rapport sur l’exil fiscal de Valérie Rabault. Elle y montre que les départs de France n’ont cessé d’augmenter depuis 2011 : le nombre de redevables quittant le territoire est passé de 200 personnes en 2002 à 800 en 2015 – le dernier chiffre connu.

L’exit tax ne permet donc pas de retenir les Français qui veulent partir. C’est, je crois, tout simplement parce que leur principal motif n’est pas forcément la fiscalité : souvent, quand il s’expatrie, un entrepreneur a des projets entrepreneuriaux à l’étranger. Tout le monde n’obéit pas forcément à une logique fiscale : il n’y a pas que des voyous sur la Terre !

S’agissant du rendement de cette taxe, on a découvert qu’il était en fait complètement dérisoire. Cet impôt est inefficace puisque personne ne le paye vraiment. Sur 5,4 milliards de plus-values potentielles, la quasi-totalité de la somme est en sursis d’imposition ; le rendement réel est de plus ou moins 10 millions d’euros par an, et encore... Car, à la fin, il y a des restitutions possibles.

J’entends bien les arguments selon lesquels un impôt qui rapporte peu n’est pas forcément un mauvais impôt, dans la mesure où il permet de lutter contre la fraude fiscale. J’en profite d’ailleurs pour vous remercier, monsieur Coquerel parce que si, souvent, je hurle contre les « amendements des lobbies », ce n’est jamais le cas des vôtres.

Il reste qu’il faut toujours mettre en balance le rendement d’un impôt, ses effets économiques et son efficacité par rapport à l’objectif recherché. En l’espèce, malheureusement, aucun de ces trois objectifs n’est pas atteint.

Considérant qu’il faut un vrai dispositif anti-abus, je vous proposerai de nous caler sur ceux qui existent, plus ou moins, dans l’Union européenne, à des degrés divers. On renforcerait le dispositif proposé à l’article 51, en mettant en place un système beaucoup plus coercitif à partir d’un certain niveau de plus-values latentes. Mieux vaut prévoir un système cohérent au niveau européen et plus efficace.

J’émettrai un avis défavorable sur les amendements de suppression de l’article.

M. Gilles Carrez. Je suis beaucoup moins critique que le Rapporteur général sur l’existence de l’exit tax. Nous avons besoin de ce dispositif du fait des divergences fiscales majeures au sein de l’Union européenne en matière d’imposition des plus-values sur valeurs mobilières. En effet, en Belgique, ce taux d’imposition est nul. Voilà le problème !

Le problème est apparu à la fin des années 1990, à l’occasion d’une cession qui a été très médiatisée, celle de BusinessObjects. Le créateur de l’entreprise est en effet allé s’installer à Bruxelles et y a réalisé sa plus-value. Dans ce contexte, Dominique Strauss‑Kahn a mis en place un dispositif qui consistait, non pas à taxer la plus-value dès que le titulaire potentiel, souvent chef d’entreprise, pourrait en bénéficier au moment de son départ, mais à déposer des garanties. Après une longue procédure, ce dispositif a été annulé par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), dans son arrêt De Lasteyrie, au motif qu’il entravait la liberté de circulation.

Nous avons donc cherché à mettre en place un dispositif qui ne soit pas condamné ou qui ne coure pas de risque de l’être. Nous l’avons mis en place en 2011, en prévoyant, si ma mémoire est bonne, une durée de détention de huit ans. Le dispositif a été maintenu par la majorité suivante mais il me semble que le délai a alors été allongé.

Monsieur le Rapporteur général, ce dispositif doit absolument être conservé. Il y a une bataille sur les chiffres. Certes, si vous raisonnez en termes d’encaissement, cela ne rapporte pas grand-chose. Mais c’est normal ! Le dispositif de 2011 prévoyait un règlement dans un délai de huit ans, s’il y avait cession des titres. Au moment du départ pour Bruxelles, on ne constatait qu’une sorte d’autorisation d’engagement. Ce n’était que s’il y avait cession de l’entreprise dans les huit années qu’il y avait encaissement. C’est pourquoi on a vu fleurir des chiffres très différents : on ne parlait pas toujours de la même chose. Les uns faisaient référence à cette sorte de créance de l’État sur une recette potentielle au moment du départ, ce qui faisait plusieurs centaines de millions d’euros, tandis que les autres évoquaient l’encaissement.

Tant que nous connaîtrons en Europe des fiscalités aussi divergentes sur les plus‑values mobilières, nous serons obligés de nous protéger. C’est pourquoi, j’ai été très étonné de la déclaration du président de la République, lorsqu’il a indiqué au magazine Forbes qu’on allait supprimer ce dispositif. Nous en avons absolument besoin !

Des amendements ont été déposés pour allonger le délai de dégrèvement. Celui du Rapporteur général vise à le faire passer à cinq ans. Je proposerai six ans pour d’autres raisons. Nous en discuterons. En tout cas ce dispositif est actuellement parfaitement cohérent avec notre politique fiscale générale – je pense par exemple au pacte « Dutreil » – et n’est pas lié à l’ISF, mais seulement au problème des plus-values à l’occasion de cession d’entreprise.

Mme Valérie Rabault. Gilles Carrez a rappelé l’historique de la mesure et je l’en remercie.

À chaque fois que nous reprenons ces discussions, sur ce sujet comme sur celui de la taxe à 3 % sur les géants du numérique, nous nous heurtons au fait que l’Union européenne a comme valeur première la libre circulation des capitaux et que, dans son ordre de priorités, elle ne met l’harmonisation fiscale qu’ensuite. Cela permet à la Belgique de prévoir un taux d’imposition zéro. Tant qu’on n’aura pas résolu ce problème, qui dépasse effectivement le périmètre de la commission des finances, nous nous heurterons aux décisions de la CJUE. Je souscris donc totalement à ce qui a été dit par Gilles Carrez.

Pour améliorer votre perception de ce qui est en train de se jouer aujourd’hui, permettez-moi d’appeler votre attention sur l’article que le Financial Times, dans son édition de vendredi dernier, a consacré aux propositions alléchantes faites aux banquiers par la France et l’Italie, à l’occasion du Brexit. L’article est intitulé : « Italy and France offer bankers best Brexit tax deal ». Cela veut dire que la France et l’Italie offrent le montant d’exonérations fiscales le plus important à ce type de population : des financiers susceptibles de quitter Londres et dont le salaire annuel est supérieur à un million d’euros ! On constate que la France est numéro 2 en Europe pour attirer ces banquiers. Si vous voulez, en plus, leur consentir un avantage via la suppression, ou la quasi-suppression, de l’exit tax, notre pays va vraiment finir par devenir un paradis fiscal.

M. le président Éric Woerth. Je crois qu’il y a encore de la marge...

Mme Valérie Rabault. Et le Financial Times n’est pas spécialement connu pour ses vues gauchisantes...

Voilà les raisons pour lesquelles nous soutenons le maintien de l’exit tax. C’est un dispositif de protection, et non de rendement. Il vise à dissuader de succomber à la tentation de délocaliser des plus-values latentes en Belgique, là où le taux d’imposition est nul.

Mme Amélie de Montchalin. Il faut aussi regarder ce que la majorité propose.

Pour être plus cohérent avec les dispositifs européens, le Rapporteur général propose que le délai de détention passe de deux ans à cinq ans dans un certain nombre de cas. Nous sommes favorables à cette convergence européenne.

Notre discussion sur les différents articles rattachés montre bien que la France cherche cette convergence, en offrant pour cela tantôt des conditions plus favorables, tantôt des conditions plus restrictives. Sur ce sujet précis, comme nous manquons de convergence factuelle législative, au niveau européen, par le biais d’une directive ou par un encadrement strict, il nous semble essentiel, dans la majorité, de nous assurer qu’on se rapproche le plus possible de ce que font les Britanniques et les Allemands. Il s’agit en effet de pouvoir exercer un suivi susceptible de faciliter, à terme, une convergence plus large des dispositifs de mobilité. Telle est du moins l’intention de ceux qui sont, comme nous, Européens et ambitieux.

Cela ouvrirait la voie à ce que certains pays qui pratiquent aujourd’hui une imposition zéro puissent évoluer vers une fiscalité harmonisée. Tous les problèmes posés par l’optimisation ou par le dumping fiscal entre les frontières pourront, à ce moment-là, trouver une issue plus cohérente. Sur ce sujet, il y a, bien sûr, la proposition du Gouvernement, mais la majorité y a aussi travaillé activement. Ma collègue Émilie Cariou présentera ainsi un certain nombre de propositions tendant à rapprocher le dispositif français de ceux de nos voisins.

Pour finir, le système actuel a pour principale faiblesse de demander énormément de communication d’information des contribuables à Bercy, qui, de son côté, n’a pas les moyens de suivre pendant huit ans, dix ans ou quinze ans, contribuable par contribuable, l’ensemble des mouvements concernés, sachant que ces contribuables sont précisément à l’étranger.

M. Éric Coquerel. Évidemment vous supprimez des postes !

Mme Amélie de Montchalin. Non, mes chers collègues, cela n’est pas une question d’emploi, mais de complexité du mécanisme !

Aucun autre pays n’a d’ailleurs de telles obligations déclaratives après un départ à l’étranger. C’est pourquoi nous rendons le mécanisme beaucoup plus simple et donc, finalement, beaucoup plus efficace.

M. Charles de Courson. Je vais peut-être vous paraître un peu dissident. Comme vous le savez, j’ai toujours été très proche des positions de mon ami Gilles Carrez, mais c’est un point sur lequel j’ai toujours été en désaccord avec lui. Vous vous trompez complètement si vous pensez que notre pays se protégera avec une exit tax.

Je vous livre les chiffres tirés de l’étude d’impact sur le montant des droits en suspension, sachant que le système est assez libéral : la suspension est automatiquement mise en œuvre au sein de l’Union européenne ; elle est facultative, mais peut être accordée assez facilement si votre résidence est à l’extérieur de l’Union européenne. Il faut donc distinguer les deux cas. On constate 5,3 milliards d’euros de droits en suspension, à la fin de 2017. Or combien rapporte l’exit tax, depuis cinq ans, en moyenne annuelle ? Son rendement s’établit à 25 millions d’euros au regard des 5,3 milliards cumulés !

Toute la question est donc de savoir à quoi sert l’exit tax. Moi, je pense qu’elle nuit aux intérêts de la France. Car, si on est obligé de mettre en place cette taxe qui ne sert pas à grand-chose  puisqu’elle n’empêche pas le départ et les implantations à l’étranger, pour des raisons d’ailleurs souvent autres que fiscales , eh bien c’est que notre pays est faible ! Quant à croire que nous allons vers l’harmonisation de la taxation des plus-values en Europe, il faut être encore crédule pour nourrir de telles illusions.

Le Gouvernement, qui n’est pas allé jusqu’au bout de sa réflexion, propose non pas la suppression pure et simple de l’exit tax, ce qui serait la bonne mesure, mais un système plus libéral. Celui-ci va nuire néanmoins à l’image de la France. Je soutiens sa position même si je considère qu’il devrait purement et simplement supprimer l’exit tax pour faire renaître la confiance.

M. Éric Coquerel. Ce débat entre libéraux et plus libéraux encore est très éclairant ! Quant à M. de Courson, qui répond qu’on peut toujours rêver à une taxation au niveau européen mais que la suppression de l’exit tax est justifiée, il pense certainement qu’à un moment donné, la main invisible du marché de la concurrence va régler le problème. Nous partons du principe qu’il faut toujours essayer de convaincre – je remercie à cet égard M. Giraud pour ses propos.

On nous explique qu’il faut attendre de voir ce qui va se passer au niveau européen. Le report, hier, à la fin de 2020, de la taxe sur les GAFA pour faire plaisir à l’Allemagne ne nous rassure pas, en la matière. En tout état de cause, la décision européenne porterait sur un délai de cinq ans et non de quinze.

Peu importe la rentabilité de la taxe : ce qui compte c’est son caractère dissuasif. Oui, nous pensons que l’État de la cinquième puissance économique au monde a encore les moyens de prendre des mesures pour limiter la fraude, ou du moins l’évasion fiscale. Quand vous fixez à quinze ans la durée de détention en deçà de laquelle vous devez rendre des comptes à l’administration fiscale, vous limitez en effet l’évasion. L’exit tax a évité que des milliards d’euros ne partent ces dernières années.

Monsieur Giraud, certes, une partie de ces gens sont sans doute honnêtes. Mais, vu les sommes en jeu, on peut penser que d’autres essayent aussi de s’organiser pour payer le moins d’impôts possible. En tout cas, nous pouvons convenir tous ensemble que l’effet dissuasif se chiffre à plusieurs milliards.

Au lieu d’attendre la décision européenne, je vous invite à faire l’inverse : gardons l’exit tax et attendons de voir ce qui se passe au niveau européen. Nous adapterons alors nos lois en conséquence.

Vous proposez, monsieur le Rapporteur général, une durée de détention de cinq ans et M. Carrez de six. Cela manque de cohérence. Si vous pensez que le dispositif n’est pas assez efficace, nous sommes prêts à revoir l’an prochain un amendement, y compris au vu des progrès qui auraient été réalisés au niveau européen. Pour l’instant, on ne gagne pas grand‑chose. Mais, quoi qu’il en soit, il sera temps, à ce moment-là, de modifier le dispositif. En attendant, je ne vois pas pourquoi il faudrait se précipiter pour modifier un instrument que la plupart d’entre nous jugeons dissuasif.

Dernier point : j’observe qu’on réussit, exploit extraordinaire, à faire passer aujourd’hui une mesure prise sous Sarkozy pour extrême en matière de lutte contre l’évasion fiscale. Cela montre bien la mauvaise évolution de la politique française. Cette mesure de 2011 était en réalité très modérée. Elle a néanmoins atteint certains de ses objectifs, ce qui me permet de rendre hommage à ceux qui l’ont prise.

N’en faisons pas une mesure « étatiste », conservons-la et attendons l’année prochaine. Nous serons prêts à travailler, en fonction de ce que nous aurons réellement obtenu au niveau européen.

Mme Émilie Cariou. Je précise que le dispositif proposé à l’article 51, ne supprime pas l’article 167 bis du CGI mais l’aménage.

À l’origine, le dispositif permettait de taxer les personnes quand elles partaient, la question n’étant pas de savoir si elles le faisaient honnêtement ou malhonnêtement. On considérait seulement que la valeur prise sur le titre avait été constituée pendant qu’elles étaient en France, de sorte qu’une imposition était due sur la valeur créée sur cette période. Effectivement, nous nous sommes tous émus à l’annonce de sa suppression. Mais le dispositif est finalement aménagé par cet article. Permettez-moi de vous présenter le nouveau dispositif relatif à l’imposition des plus-values des personnes physiques.

L’exit tax est toujours appliquée quand une personne physique part dans un État non coopératif, c’est-à-dire un État qui n’appartient pas à l’Union européenne ou à l’Espace économique européen, ou un État qui n’a pas conclu non seulement une convention d’assistance, au titre de la lutte contre l’évasion fiscale, mais aussi du recouvrement de l’impôt – ce sont les deux engagements qui doivent être signés. Sinon, l’exit tax est calculée, mais on appliquerait un sursis de paiement de deux ans.

Avec nombre de mes collègues, j’ai déposé un amendement pour faire passer cette période de deux ans à cinq ans. Avec le Rapporteur général, j’ai cosigné un autre amendement qui affine un peu le dispositif, mais en conservant cette période de cinq ans. Je le laisserai vous préciser ce que nous avons ajouté au premier amendement.

En tout cas, il n’y a pas de suppression de l’exit tax à ce stade. L’article 167 bis du CGI est seulement aménagé, pour tendre vers un dispositif qui ressemble beaucoup plus aux dispositifs anti-abus habituels.

M. Julien Aubert. Un tigre sans griffes n’est pas très efficace ! Évitons les faux débats. Dans l’interview donnée à Forbes, le président de la République expliquait que des start-up hésitaient à s’installer en France à cause de cette taxe de sortie. Je n’ai pas vu de statistiques me montrer combien de ces entreprises avaient effectivement renoncé à cet investissement. Je me méfie donc beaucoup des chiffres, comme de ceux concernant les sorties du territoire, pour lesquelles il faut aussi prendre en compte le problème de l’ISF. En réalité, on ne sait pas pour quelles raisons les Français quittent le territoire.

L’exit tax est, non pas une taxe, mais une amende suspensive ayant valeur de créance. Tout son potentiel réside donc dans l’effet de dissuasion. Au demeurant, quand on quitte le territoire, on n’est pas obligé de liquider son patrimoine. Dans la simplification du processus, je regrette que la majorité prive le dispositif de son efficacité dissuasive, d’autant qu’on a beaucoup de mal à taxer le capital de manière générale : on allège ainsi de plus en plus la taxation sur le capital, pour déplorer ensuite que le travail soit trop taxé ! Cela se traduit, à la fin, par des injustices flagrantes entre ceux qui bénéficient de la mobilité et les autres.

En fait, le débat doit être abordé sur le plan symbolique : cette taxe est nécessaire pour montrer que la France a un message à envoyer à ceux qui pratiquent le nomadisme fiscal.

Il ne faut pas s’en remettre par ailleurs à la convergence européenne éternellement attendue. C’est pour moi une vue de l’esprit, car je vois mal les Belges augmenter un jour leur taxation des plus-values mobilières.

Enfin, vous ne pouvez pas, dans un même temps, désindexer les retraites des personnes âgées après avoir augmenté leur cotisation sociale généralisée et supprimer l’exit tax après avoir réformé l’ISF. C’est symboliquement du plus mauvais effet.

Voilà les raisons pour lesquelles je soutiendrai ces amendements de suppression.

M. Jean-Paul Mattei. En effet, monsieur le Rapporteur général, ce système n’a pas de rendement, puisqu’il repose sur un sursis d’imposition des plus-values.

Par ailleurs, l’attractivité de notre territoire n’est pas forcément liée à la suppression ou à l’aménagement de cette taxe. D’autres facteurs interviennent. Il faut envisager la question globalement : la Belgique a ses avantages, comme la France a les siens.

Enfin, symboliquement, il n’est pas bon de réduire l’effet de l’exit tax. Il faut prendre en compte l’aspect moral de l’impôt. Je soutiendrai peut-être l’amendement du rapporteur portant le délai à cinq ans. Mais cet aménagement ne donne pas une image positive de notre conception d’une fiscalité plus jute.

M. Gilles Carrez. Prenons l’exemple de quelqu’un qui a créé une entreprise ex nihilo, part à l’étranger et dont l’entreprise vaut 1 000. Trois ou quatre ans après, elle pourra valoir 1 400. En tout état de cause, il ne sera imposé en France qu’au titre des 1 000 constatés à son départ. Cette taxation est morale et symbolique : si l’entreprise a réussi, c’est parce qu’elle a bénéficié d’un environnement favorable, en termes de services publics, d’équipements, de personnel, qui a été à la charge de la collectivité. La taxe est un juste retour. Je suis très attaché à ce côté moral de l’impôt, même si je vais peut-être en faire sourire certains. Il faut donc absolument conserver cette exit tax.

Pour répondre à Julien Aubert, je dirai que le dispositif fonctionnera sur la base d’un délai porté à cinq ou six ans. Quand nous l’avions créé en 2011, nous avions adopté un délai de huit ans.

La commission rejette ces amendements de suppression de l’article.

Elle en vient à l’amendement II-CF1330 de M. Éric Coquerel.

Mme Sabine Rubin. Cet amendement de repli vise à supprimer les alinéas 2 à 11. On parle d’« aménager » un dispositif pour ne pas dire qu’on le supprime. Nous ne voulons pas de ces aménagements.

M. le Rapporteur général. Supprimer ces alinéas ou supprimer l’article entier revient au même. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement II-CF904 de Mme Émilie Bonnivard.

Mme Émilie Bonnivard. Cet amendement vise à inciter le Gouvernement à un peu plus de cohérence. Vous proposez de réduire le délai de détention des actions après le départ de quinze ou huit ans à deux ans pour l’application de l’exit tax. L’orientation choisie est purement politique. Soit le Gouvernement estime que le maintien de cet impôt est réellement néfaste pour l’économie française et, dans ce cas, il faut le supprimer purement et simplement. Soit le risque existe d’un transfert de domiciliation à des fins exclusivement fiscales – et donc d’une perte de ressources publiques. Dans ce cas, il y a lieu de maintenir le régime actuel, suffisamment lourd pour être dissuasif.

L’article 51 n’introduit pas, comme cela est indiqué, un nouveau dispositif anti-abus. Il se contente d’alléger les conditions d’application d’un dispositif existant. Cet amendement vise donc à maintenir le régime actuel à quinze ans et à conserver la simplification des obligations déclaratives des contribuables concernés prévue par le Gouvernement.

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Elle étudie, en discussion commune, les amendements II-CF1333 de M. Éric Coquerel et II-CF1142 de Mme Christine Pires Beaune ainsi que les amendements identiques II-CF1143 de Mme Christine Pires Beaune, IICF1315 de M. Paul Molac et IICF1322 de Mme Émilie Cariou.

Mme Sabine Rubin. Contrairement au Gouvernement, nous souhaitons renforcer le dispositif de l’exit tax. Cet amendement vise donc à prévoir un délai de trente ans, au lieu des deux ans prévus par le texte, après le transfert de domicile fiscal hors de France.

Mme Christine Pires Beaune. Les amendements II-CF1142 et II‑CF1143 sont des amendements de repli.

Je remercie Émilie Cariou et Gilles Carrez d’avoir reprécisé ce qu’est l’exit tax. Je partage les arguments moraux qu’a développés Gilles Carrez sur l’utilité du dispositif. La seule chose qui n’ait pas été rappelée, c’est que la durée actuelle d’imposition est de douze ans. Passer de douze à deux ans semble excessif si l’on est d’accord pour maintenir ce dispositif anti-abus. Mon premier amendement vise donc à ramener cette durée de douze à dix ans et le second, de douze à cinq ans.

M. Paul Molac. Souhaite-t-on maintenir ou non l’exit tax ? Je suis pour ma part favorable à son maintien. Je souhaite, comme Mme Pires Beaune, que l’on passe de douze à cinq ans. La réduction proposée par le texte me paraît en effet trop brutale.

Mme Émilie Cariou. J’ai expliqué pourquoi je considérais qu’il fallait faire passer ce délai de deux à cinq ans. Je partage en tout point les arguments qui ont été développés par Gilles Carrez. Cinq ans correspondent à une durée traditionnellement retenue pour les dispositifs anti-abus. Ce délai est donc beaucoup plus raisonnable. Je le répète, l’exit tax n’est pas supprimée : le texte prévoit un sursis de paiement sur la taxation dans certaines conditions et celle-ci peut s’appliquer si ces conditions ne sont pas réunies.

M. le Rapporteur général. Tout en donnant mon avis sur ces amendements, je présenterai l’amendement II-CF1392 qui est un amendement de repli. Je propose de prévoir un délai de cinq ans pour les participations les plus importantes et de maintenir le délai de deux ans prévu par le projet de loi pour les participations de plus faible montant. Je propose donc d’introduire un deuxième seuil, correspondant à celui utilisé pour l’ancien ISF devenu impôt sur la fortune immobilière (IFI), de 2,57 millions d’euros.

Combien de personnes seraient concernées par le second seuil de dégrèvement ? Si l’on se fie aux données figurant à l’annexe III du rapport annuel sur l’exil fiscal, en 2015, sur les 336 dossiers d’exit tax déposés, les quatre derniers déciles sont au‑dessus de ces 2,57 millions. Par conséquent, plus de 35 % des déposants pourraient être concernés, ce qui n’est pas anodin. Plus important encore, au regard des montants visés, le délai de cinq ans s’appliquerait à 2,7 sur 2,9 milliards d’euros, donc à 90 % du montant cumulé des plus-values de 2015. Fixer une durée de droit commun de cinq ans pour 100 % des plus-values pose un problème pour les petites plus-values. En revanche, ce serait de nature à faciliter le recouvrement des sommes par l’administration fiscale pour ce qui correspond à 90 % du volume cumulé de plus-values et à 35 % des déclarants. L’amendement II-CF1392 est quasi identique aux amendements prévoyant un délai global de cinq ans mais il permet de ne pas viser pendant cette durée de cinq ans 65 % des déclarants, dont les participations sont inférieures au seuil de 2,57 millions d’euros. Il me semble de bonne politique de faire en sorte que le système puisse fonctionner.

J’émets un avis défavorable sur les amendements en discussion commune au profit du mien.

Mme Émilie Cariou. Je retire mon amendement pour me rallier à celui du Rapporteur général.

M. Gilles Carrez. Le Rapporteur général vient de citer le rapport sur l’exil fiscal. Vous vous souvenez, monsieur le président, que c’est grâce à l’adoption d’un amendement que vous et moi avions soutenu en 2012 que nous avons obtenu la rédaction d’un tel document. Je constate que le dernier rapport disponible date de 2015. Or, nous sommes fin 2018. J’ai eu le plus grand mal, ces dernières années, à obtenir ce document, très utile. J’ai même dû faire des contrôles sur pièces et sur place. Il importe de l’exiger en permanence de Bercy.

Par ailleurs, remonter le seuil de l’exit tax est une très bonne idée. Il était trop bas, en effet et cela permettra de mieux suivre les choses.

Enfin, s’agissant de la durée, il y a deux logiques : celle qu’a développée Émilie Cariou et la mienne, qui consiste à retenir la même durée de six ans que pour l’ISF.

M. le président Éric Woerth. Êtes-vous favorable à l’amendement du Rapporteur général ?

M. Gilles Carrez. Oui.

M. le président Éric Woerth. Retirez-vous votre amendement, monsieur Molac ?

M. Paul Molac. Oui, au bénéfice de celui du Rapporteur général.

Mme Christine Pires Beaune. Je retire également mes amendements.

Les amendements II-CF1142, II-CF1143, II-CF1315 et II-CF1322 sont retirés.

La commission rejette l’amendement II-CF1333.

Puis elle adopte l’amendement II-CF1392 du Rapporteur général (amendement II-1953).

Elle étudie ensuite l’amendement II-CF1332 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. Nous avons bien entendu que plusieurs de nos collègues espéraient une harmonisation fiscale européenne. Nous proposons donc de prévoir que l’article 51 s’appliquera lorsque celle-ci sera effective. Ainsi, nous ne lâcherons pas la proie pour l’ombre. Plusieurs exemples montrent qu’aujourd’hui, la concurrence fiscale entre les pays européens, dont plusieurs sont en réalité des paradis fiscaux, tel le Luxembourg, est une prime à l’évasion fiscale. L’actuelle exit tax pouvait contribuer à limiter quelque peu cette évasion.

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 51, modifié.

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Article additionnel après l’article 51
Application du prélèvement forfaitaire unique
aux gains de cession de crypto-actifs

La commission examine l’amendement II-CF1396 du président Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. Lorsque j’ai présenté cet amendement en première partie, il m’a été indiqué qu’il fallait le déposer en seconde partie. Je l’ai donc redéposé.

Il vise à clarifier le régime fiscal des crypto-actifs. Plusieurs régimes s’appliquent dans un monde, encore assez mouvant en la matière. Je propose d’assujettir au prélèvement forfaitaire unique (PFU) les gains retirés de la cession de crypto-actifs lorsque ces derniers sont convertis en monnaie ayant cours légal ou lorsqu’ils sont utilisés comme des moyens de paiement pour l’acquisition de biens ou de services. Cette proposition est assez conforme à la position du Gouvernement sur le sujet et aux conversations que nous avons eues avec les acteurs dans le cadre du rapport de la mission d’information, en cours de rédaction finale, que nous présenterons avec M. Person.

M. le Rapporteur général. Effectivement, nous avons déjà eu cette discussion en première partie et je vous avais suggéré de redéposer en seconde partie cet amendement qui me semblait à la fois légitime et nécessaire. Je maintiens donc mon avis favorable. Je sais que le Gouvernement avance par ailleurs sur le sujet des crypto-actifs mais il est important que le débat ait lieu en séance publique et que vous puissiez parvenir avec Pierre Person, rapporteur de la mission d’information, à un dispositif définitif.

M. Gilles Carrez. Je voudrais remercier le président et le Rapporteur général. Il convient en effet d’avoir un débat en séance pour clarifier les choses rapidement. Comme le précise l’exposé sommaire de l’amendement, la doctrine administrative, exposée dans le Bulletin officiel des finances publiques, a été corrigée par le Conseil d’État. Il faut que le législateur s’empare de ce sujet.

Mme Émilie Cariou. Une fois n’est pas coutume, je serai favorable à un amendement de notre président. La doctrine n’étant pas très claire, il faut absolument adopter un dispositif législatif. Nous soutenons cet amendement en commission mais il est nécessaire que nous approfondissions le sujet d’ici à la séance.

M. Charles de Courson. L’amendement du président a le mérite d’essayer de définir un régime stable, le Conseil d’État ayant considéré que les bitcoins étaient des biens meubles. Cela revient à une quasi-exonération d’une bonne partie de la plus-value. La position du Conseil d’État n’est pas tenable mais celle d’Éric Woerth l’est-elle ? L’amendement aurait pour effet de taxer forfaitairement à 30 % ceux qui spéculent sur le bitcoin. J’ai toujours été réticent face à ces spéculateurs qui ne créent aucune richesse. Dans ce cas de figure, mieux vaut appliquer le barème de l’impôt sur le revenu. En l’occurrence, le régime de l’indemnisation forfaitaire est trop favorable.

M. le président Éric Woerth. Les bitcoins sont aujourd’hui des actifs qu’on achète comme valeur refuge ou valeur de spéculation. Les acheteurs ont peut-être aussi envie de participer à une économie différente. Tout cela se dit mais la fiscalité doit, elle, être la plus claire possible.

Deux régimes sont possibles : l’impôt sur le revenu s’il s’agit d’une sorte de revenu, ou le PFU s’il s’agit d’un actif donnant lieu à plus-value.

M. Charles de Courson. Dans votre amendement, monsieur le président, vous assimilez implicitement les bitcoins à des valeurs mobilières qui, elles, ont une réalité économique. Mais qu’y a-t-il derrière le bitcoin ? Pour moi, c’est de la spéculation pure. C’est pourquoi je suis réticent à l’égard de votre amendement.

M. le président Éric Woerth. Le Conseil d’État va dans ce sens.

M. Charles de Courson. Le Conseil d’État parle de biens meubles, pas de valeurs mobilières.

Mme Émilie Cariou. Le Conseil d’État a sanctionné l’instruction fiscale, considérant que la cession de bitcoins ne constituait pas des revenus, au titre des bénéfices non commerciaux-bénéfices industriels et commerciaux (BNC BIC), mais relevait du principe des plus-values réalisées sur des biens meubles incorporels : le président s’est fondé sur cet avis. Je vous accorde que la question est complexe et tout n’est pas encore arbitré. Mais il me semble raisonnable de partir de la décision du Conseil d’État et d’approfondir le dossier juridiquement d’ici à la séance en présence du ministre.

M. le président Éric Woerth. Lors de l’examen de la loi PACTE, nous avons essayé de préciser ce qu’était un crypto-actif. Ce n’est pas vraiment une monnaie. Souvent, il y a, derrière les bitcoins, des personnes mineures. C’est un sujet complexe sur lequel la France, et même l’Europe – a un rôle à jouer.

M. Gilles Carrez. Dans les temps anciens, bien avant le bitcoin, il y avait les cessions sur les métaux précieux et, en particulier, l’or. À ma connaissance, il y a toujours eu une fiscalité spécifique et les plus-values n’étaient pas soumises à l’impôt sur le revenu.

M. Jean-Paul Mattei. On n’a pas forcément besoin de définir juridiquement le bitcoin. Il nous suffit d’en fixer le régime fiscal, comme c’est arrivé dans d’autres cas. L’amendement du président Woerth est particulièrement pertinent : il qualifie fiscalement ce type de plus-values en se fondant effectivement sur l’avis du Conseil d’État qui assimile les bitcoins à des éléments incorporels.

M. le président Éric Woerth. Il faut en tout cas introduire un peu de stabilité et de clarté dans cet univers.

La commission adopte l’amendement II-CF1396 (amendement II-1954).

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Article additionnel après l’article 51
Application de la réduction d’impôt sur le revenu « Madelin »
au titre des souscriptions aux sociétés en participation

La commission en vient à l’amendement II-CF951 de Mme Amélie de Montchalin.

Mme Amélie de Montchalin. Cet amendement concerne les sociétés en participations (SEP), souvent utilisées par les business angels, qui, elles aussi, constituent une aide à l’accompagnement au financement en fonds propres des PME. Nous en avons débattu plusieurs fois lors de l’examen de la loi PACTE puis de la première partie du projet de loi de finances. Mme Olivia Gregoire avait déjà proposé cet amendement l’an dernier. Il s’agit de faciliter l’investissement de particuliers désireux d’entrer ensemble au capital d’une entreprise.

Aujourd’hui, lorsque dix particuliers souhaitent le faire, il faut que l’entrepreneur signe des conventions séparées avec chacun d’entre eux. Les sociétés en participation ont l’avantage d’être des structures fiscalement transparentes et de permettre à l’entreprise de ne signer qu’une convention d’actionnariat avec une seule société réunissant des business angels. C’est un débat que nous avons et que nous aurons encore avec le Gouvernement, qui dit réfléchir à une solution peut-être juridiquement plus intéressante et fiscalement plus équilibrée. Je m’en remets donc, mon cher Rapporteur général, à votre sagacité puisque je suis assez persistante sur ce sujet.

M. le Rapporteur général. Ce sont les fameux amendements « Carré‑Caresche », du nom des députés qui ont soulevé ce sujet depuis fort longtemps. Il est vrai qu’à chaque fois, le Gouvernement oppose des arguments différents qui ne se recoupent pas forcément. Ayant émis un avis défavorable en première partie, je ne vais pas en émettre un favorable en seconde partie sur le même sujet. Cependant, il est temps que le Gouvernement explique dans l’hémicycle les raisons qui l’animent. Au cours de la dernière législature, ce type d’amendement était toujours débattu à 3 heures du matin... Je vous proposerais de retirer cet amendement pour le redéposer en séance publique, de sorte que le Gouvernement soit enfin clair sur cette question.

M. Jean-Noël Barrot. Il faut adopter cet amendement en commission pour que le Gouvernement nous réponde. Les réseaux de business angels, qui jouent un rôle d’accompagnement en plus de financer les jeunes entreprises innovantes, ont en effet été un peu pénalisés par la fin de l’IR-PME même s’ils ont salué la suppression de l’ISF et sa transformation en IFI. Il importe donc à présent de leur donner des outils souples pour accompagner ces entreprises. Nous avons déjà fait évoluer le PEA-PME. Pour leur permettre de bénéficier du dispositif « Madelin » via des sociétés en participation, il faut adopter cet amendement en commission et ainsi envoyer un signal au Gouvernement.

M. Charles de Courson. Je ne suis pas contre cet amendement mais je crains qu’on nous oppose une fois encore l’objection que l’on nous fait depuis dix ou quinze ans. Mme Christine Lagarde, alors ministre de l’économie, était favorable à la « love money » mais elle ne voulait pas d’intermédiaires. Tel a toujours été l’argument des ministres successifs. Il faut donc prendre en compte toutes les formes d’investissement – la SEP n’est que l’une d’entre elles.

Mme Amélie de Montchalin. En fait, les SEP font l’objet de deux débats depuis dix‑huit mois. Il y a un débat fiscal sur le PEA-PME : on s’est demandé s’il était fiscalement intéressant que les parts de SEP puissent être incluses dans les PEA-PME. La question est complexe car juridiquement, la nature fiscale de l’enveloppe pose question. D’autre part, il y a le débat sous-jacent à cet amendement : investir directement via une SEP revient bien à investir directement tout en rendant la vie plus facile à l’entrepreneur qui accueille les fonds puisqu’il a une relation actionnariale avec une SEP et non pas avec chacun des investisseurs. Là, il n’y a pas d’enjeu fiscal ni juridique. Il s’agit de faire en sorte que celui qui investit dans une entreprise en « love money » avec d’autres personnes puisse bénéficier des mêmes réductions que s’il l’avait fait seul. Cette faculté faciliterait la vie de l’entrepreneur, qui dans toutes ses décisions – augmentation de capital, distribution de dividendes, relations quotidiennes de gestion –, n’aurait qu’un seul interlocuteur juridique, la SEP, et pas chacun des actionnaires individuels. Au regard des arguments avancés par le Gouvernement, cet amendement soulève moins de risques juridiques. Par conséquent, si nous pouvions compter sur votre sagesse à son égard, monsieur le Rapporteur général, nous en serions très heureux.

M. Jean-Paul Mattei. Cet amendement est très pertinent car il permet d’organiser conventionnellement la vie de plusieurs investisseurs par le biais de la translucidité fiscale. Cela ne devrait pas poser de problème puisque la société en participation n’a pas la personnalité morale et est transparente fiscalement. Il me semblerait même intéressant d’élargir le dispositif aux sociétés translucides fiscalement. L’intérêt pour l’entrepreneur est d’avoir un seul interlocuteur qui soit organisé.

M. le Rapporteur général. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

La commission adopte l’amendement II-CF951 (amendement II-1956).

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Article additionnel après l’article 51
Prorogation d’une année du taux transitoire renforcé de 25 % de la réduction d’impôt sur le revenu « Madelin »

La commission est saisie des amendements identiques II-CF943 du Rapporteur général et IICF1300 de Mme Bénédicte Peyrol.

Mme Amélie de Montchalin. Cet amendement concerne la notification à la Commission européenne du dispositif « Madelin ». Comme cette notification n’a pas eu lieu depuis la création du dispositif, nous n’avons pas pu instaurer en 2018 de bonification de son taux à 25 %. Nous proposons de le faire en 2019 et nous prévoyons que cela s’appliquera au plus tard un mois après la date de réception par le Gouvernement de la réponse de la Commission européenne. Il faudra en effet qu’un décret d’application soit pris à ce moment‑là. Il s’agit ici d’exercer un peu de pression pour accélérer le mouvement des transmissions entre la Commission européenne et Bercy, et entre Bercy et la « vraie vie ».

M. le Rapporteur général. Avis favorable.

M. le président Éric Woerth. Pour votre information, j’ai écrit au ministre de l’économie et des finances pour lui demander pourquoi la Commission européenne ne lui avait pas répondu et si la procédure choisie était la bonne. Je me suis ému du report de cette importante disposition.

M. Charles de Courson. Cet amendement est très bien mais au-delà du problème du taux qu’on avait augmenté et qui est suspendu depuis plus d’un an, reste aussi la question du relèvement du plafond. On a fait un effort sur le taux : il faudrait aussi en faire un sur le plafond, surtout si on étend le dispositif « Madelin » à du « love money » indirect. Quelle est la position du Rapporteur général sur ce point ?

Mme Véronique Louwagie. Je regrette qu’on augmente le taux du dispositif en maintenant son plafond à l’identique au lieu de le réévaluer. Les montants fléchés vers les entreprises seront donc moindres.

Mme Amélie de Montchalin. Monsieur de Courson, il n’y a pas de suspension du dispositif : il s’applique bien au taux de 18 %. C’est son augmentation à 25 % qui est suspendue.

La commission adopte les amendements identiques II-CF943 et IICF1300 (amendement II-1955).

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Après l’article 51

La commission aborde l’amendement II-CF1168 de M. Michel Castellani.

M. Michel Castellani. Cet amendement propose une réduction d’impôt de 45 % au profit du fonds d’investissement de proximité (FIP) corse, au lieu des 38 % actuels. Cette question avait donné lieu à de longs débats l’an dernier : l’attractivité du FIP corse avait été réduite puisque la défiscalisation des FIP sur le continent était passée de 18 à 25 %. Nous proposons de rétablir un différentiel qui soit attractif pour les FIP corses, compte tenu du fait qu’ils rémunèrent le risque particulier de l’insularité, dans un tissu économiquement fragile. J’ajoute que le FIP corse est particulier puisqu’on ne peut investir que dans une seule région alors que les FIP continentaux interviennent dans quatre régions limitrophes. Je ne reviendrai pas sur le rôle important qu’il joue dans le développement des PME, et donc de l’économie de l’île.

M. le Rapporteur général.  Avis défavorable comme l’an dernier. Vous voulez maintenir une différence de 20 % avec le continent, mais comme l’augmentation du taux que nous proposons est, elle, transitoire, il en résulterait dans un an une augmentation du différentiel au bénéfice de la Corse.

M. Michel Castellani. Monsieur le Rapporteur général, votre réponse est insuffisante. Vous ne tenez nullement compte des conditions objectives de la Corse, du taux de chômage qui sévit dans l’île, de la précarité, de la déshérence de vastes espaces ni du niveau de vie moyen. Vous savez très bien que nous avons recentré dernièrement le crédit d’impôt parce qu’il alimentait une économie spéculative. Ici, il ne s’agit pas de cela mais de nourrir les PME dans leur développement.

M. Jean-Félix Acquaviva. Nous avons éteint un crédit d’impôt spéculatif pour recentrer la défiscalisation sur les activités productives. Le risque lié à l’économie insulaire est plus important que celui qui pèse sur n’importe quelle autre région française. Or on constate – et nous ne sommes pas contre – qu’il y a eu une augmentation de la défiscalisation pour les FIP des autres régions françaises mais qu’on baisse celle des FIP corses alors qu’ils sont intervenus historiquement en lieu et place des banques, trop frileuses pour financer les TPE et les PME. On a ainsi obtenu des résultats en termes de créations d’emplois auxquels, qu’on va stopper aujourd’hui. Lorsqu’un FIP corse intervient dans l’économie, il le fait dans un secteur pionnier et non pas dans une économie pérenne avec un marché local important. Cela a permis de créer des entreprises dans l’aquaculture, dans l’huile essentielle et dans les énergies renouvelables. On ne peut pas imposer une convergence des taux sans prendre en compte le fait que les banques, malgré une épargne importante, n’investissent pas, comme ailleurs, dans le crédit aux entreprises. En Corse, les FIP se sont substitués aux banques. Nous vous demandons donc de maintenir l’écart de taux pour que cela reste le cas.

M. Paul-André Colombani. En ne maintenant pas le dispositif, vous porterez un mauvais coup à l’économie insulaire. Les entreprises corses doivent en effet faire face à un surcoût lié à l’insularité. C’est ce qui justifie l’écart de taux entre les FIP continentaux et les FIP corses. En Corse, les banques ne jouent pas tout à fait leur rôle. Le FIP corse supplée donc la défaillance du système bancaire. En outre, les taux de pauvreté et de précarité y sont au-dessus de la moyenne nationale.

M. le Rapporteur général. Le taux de droit commun est porté de 18 à 25 % pour une année. Ensuite, il retombera à 18 %. Dans votre amendement, vous proposez de profiter d’un taux de 45 % ad vitam aeternam et donc d’un différentiel qui sera in fine de 27 %. Ce n’est donc pas un mauvais coup porté à l’économie en Corse que de maintenir un différentiel de 20 % dans la durée. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

La commission examine l’amendement II-CF881 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Cet amendement porte sur la transmission dans le cadre familial d’une entreprise en location-gérance – une pratique courante, notamment dans le secteur de l’hôtellerie-restauration. Selon le CGI, il est admis, sous certaines conditions, que les plus-values réalisées lors de la cession du fonds donné en location-gérance bénéficient d’une exonération totale ou partielle.

Dans une décision du 16 octobre 2013, toutefois, le Conseil d’État a estimé que ces conditions propres à la location-gérance se cumulent avec les conditions générales d’application de l’article 238 quindecies du CGI, notamment l’absence de lien de dépendance entre le cédant et le cessionnaire.

Or, dans le secteur de l’hôtellerie-restauration, le recours à la location-gérance entre membres d’une même famille est une pratique courante et, dans la perspective de la poursuite de l’activité, les cessions de fonds sont nombreuses. L’arrêt susmentionné renchérit sensiblement ces opérations et met même en péril la poursuite de l’activité de nombreuses entreprises familiales du secteur.

C’est pourquoi le présent amendement vise à affirmer le caractère spécifique du VII de l’article 238 quindecies du CGI, au regard des conditions fixées au II du même article.

M. le Rapporteur général. Cet amendement déjà rejeté en première partie s’inscrit dans la même logique que plusieurs autres, relatifs au pacte « Dutreil ». Lorsqu’un dispositif est destiné à favoriser les transmissions d’entreprises, encore faut-il que les transmissions en question soient franches et nettes. On ne saurait jouer sur deux tableaux à la fois, c’est-à-dire transmettre en bénéficiant de l’exonération prévue tout en restant aux manettes de l’entreprise. Avis défavorable comme en première partie, pour les mêmes raisons.

M. Fabrice Brun. Je suis surpris de la réponse lapidaire que vous apportez à cette proposition de bon sens, monsieur le Rapporteur général. Il s’agit certes de transmissions mais la location-gérance fait l’objet d’un statut particulier où parents et enfants sont associés. Dès lors que le fonds est transmis aux enfants, la transmission est nette et franche. La non‑application de l’exonération des plus-values remet en cause la décision de transmettre. Dans les communes rurales et montagnardes, l’hôtel-restaurant est parfois le dernier commerce qui subsiste. C’est un pilier du tourisme vert qui assure le maillage de l’emploi au cœur des territoires. Nous venons d’avoir un débat très intéressant sur l’exit tax ; au contraire, il s’agit là d’emplois non délocalisables. Je peux citer de nombreux cas, en Ardèche et ailleurs, ou des transmissions d’entreprises viables et rentables sont remises en cause par les plus-values exigées. Je constate, monsieur le Rapporteur général, que nous faisons une analyse un brin différente de l’ampleur et de l’acuité du problème.

M. le Rapporteur général. J’habite en montagne !

M. Vincent Descoeur. Je regrette la fin de non-recevoir apportée à cet amendement parce que la transmission des hôtels-restaurants est un véritable problème dans les zones rurales. La transmission entre membres d’une même famille est la formule la plus répandue. Pour éviter la multiplication de friches immobilières et hôtelières, il est impératif de prendre des dispositions pour faciliter les transmissions de ce type, faute de quoi la transmission des hôtels-restaurants n’aura plus lieu que lorsque des groupes s’y intéresseront.

M. Gilles Carrez. Je rappelle qu’en 2003, nous avons adopté une mesure importante en ce sens, qui n’a jamais été remise en cause depuis. Certes, elle ne concernait pas la location-gérance mais les fonds de commerce en pleine propriété. Elle prévoyait une exonération de la partie fiscale, la taxe s’élevant à l’époque à 17 %. Chacun a reconnu la grande utilité de cette mesure pour les transmissions de commerces. Elle mériterait d’être étudiée dans le cadre de la location-gérance.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, elle rejette ensuite l’amendement II-CF17 de M. Stanislas Guerini.

Puis elle examine l’amendement II-CF1111 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. Cet amendement vise à revenir sur la gabegie que constitue pour l’État la flat tax, ou prélèvement forfaitaire unique, au-delà de son caractère fiscalement injuste. Plusieurs économistes ont souligné que cette flat tax risquait de susciter un effet d’aubaine dans la mesure où les dividendes étant plus avantageux, certains contribuables transforment naturellement d’autres revenus 
– salaires ou honoraires – en dividendes. C’est exactement ce qui est en train de se passer.

On peut certes penser que, paradoxalement, cela permettrait à l’État de gagner de l’argent en ne perdant que 900 millions d’euros contre le montant de 1,3 milliard prévu pour 2018 mais en réalité, l’effet induit sera à terme beaucoup plus important, puisque les dividendes versés par ce moyen sont autant de revenus d’autres natures qui ne seront pas taxés à des taux plus élevés. Les mois à venir révéleront certainement que cette flat tax aura fini par coûter plusieurs milliards d’euros. L’économiste Gabriel Zucman en estimait le coût à plus de 10 milliards par an.

Alors que le taux de croissance n’est que de 0,3 % au premier semestre 2018, le premier effet de cette mesure est celui-ci : les dividendes avantagés par la suppression de l’ISF et de la flat tax ont explosé en France, atteignant un montant de 44 milliards d’euros, soit une hausse de 26 % – c’est un record deux fois supérieur à la moyenne mondiale. Or, cela n’a eu aucun effet sur l’économie. Nous vous proposons donc de supprimer ce PFU.

M. le Rapporteur général. Nous avons déjà examiné cet amendement. Vous citez des chiffres que les faits démentent complètement. Sans rappeler que Gabriel Zucman évaluait le coût de la flat tax à 10 milliards d’euros, je constate que l’Office français des conjonctures économiques (OFCE), dans son étude du 30 juin 2017, évaluait ce coût à 4 milliards en présentant les premiers résultats du PFU trois jours seulement après que ceux de l’IFI eurent été connus. En bref, des chiffres incohérents traînent un peu partout.

Pourtant, l’annexe des Évaluations des voies et moyens confirme en tout point les prévisions de Bercy. Avis défavorable.

M. Éric Coquerel. Vous vous trompez, monsieur Giraud. Il va de soi que la masse des dividendes augmentant dans un premier temps, les recettes de l’État qui y sont liées augmentent également. Les chiffres publiés par Les Échos font apparaître un coût estimé à 900 millions d’euros. Mais l’argent versé en dividendes ne le sera pas sous forme d’autres revenus.

Je vous l’ai souvent dit : j’ai été chef d’entreprise. Je sais parfaitement que s’il est possible d’attendre le versement des dividendes en fin d’année pour verser une part des revenus et que les dividendes sont plus avantageux, alors ce choix se fera au détriment d’autres types de revenus, comme des honoraires. En raison de ce décalage dans le temps, je prends les paris que l’État y perdra dans les prochains mois puisque la taxation des honoraires et des salaires est plus élevée que celle des dividendes.

Mme Émilie Cariou. Je rappelle que l’article 28 de la loi de finances pour 2018 prévoit la création d’un comité de suivi chargé d’évaluer les effets de l’application des réformes fiscales visant à la réorientation de l’épargne en direction des investissements productifs. Il faudra procéder à cette évaluation avant la prochaine loi de finances.

M. Jean-Paul Mattei. Permettez-moi, monsieur Coquerel, de vous rappeler comment se calcule un dividende : il s’agit d’un bénéfice distribuable aux dirigeants d’entreprises assujetties à l’IS. Si celui-ci était de 25 % – ce qui n’est pas le cas – il faudrait encore y ajouter 12,8 % ainsi que l’éventuelle contribution exceptionnelle sur les hauts revenus : les tranches concernées sont donc assez importantes.

J’entends l’argument sur les plus-values mais, pour ce qui est des dividendes, il faut garder à l’esprit qu’un revenu sur lequel sont déduits des prélèvements est déductible des charges et échappe donc à l’IS. Les deux questions sont tout à fait différentes ! Encore une fois, je comprends le débat sur les plus-values mais pas celui qui concerne les dividendes.

M. Daniel Labaronne. M. Coquerel estime que les chiffres du premier trimestre ne sont pas très satisfaisants ; c’est exact, mais je rappelle que l’économie française est repartie sur des bases très solides au troisième trimestre avec la reprise des investissements des entreprises, des exportations, de la consommation des ménages et de l’emploi. Chacun retient les chiffres qui l’intéressent mais, en l’espèce, les derniers chiffres de l’INSEE dont nous disposons font apparaître une nette reprise de l’économie française.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements II-CF1109 et IICF1110 de M. Éric Coquerel.

Mme Sabine Rubin. Ces amendements visent à revenir sur des mesures fiscales adoptées l’an dernier en établissant une nouvelle fiscalité sur le patrimoine, pour assurer une meilleure redistribution.

Nous proposons d’une part de rétablir l’ISF en ne le limitant plus au seul patrimoine immobilier et en l’étendant aux actifs financiers – car leur exonération n’a pas contribué à la relance de l’économie, contrairement à l’objectif affiché.

Nous ne nous contentons pas de rétablir l’ISF dans sa version de 2017 : nous proposons d’en renforcer le barème en élevant les taux – sans pour autant les rendre confiscatoires – et en lissant l’effort – car nous prônons l’égalité même parmi les riches – de sorte que les plus riches paient davantage que les moyennement riches.

Mme Olivia Gregoire. C’est quoi un « riche » ?

M. le Rapporteur général. Là encore, vous utilisez des chiffres que les faits démentent. En réalité, les incidences budgétaires de l’IFI sont plus limitées que prévu puisque la recette escomptée atteint finalement 1,2 milliard d’euros avant plafonnement. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

*

*     *

Article 52
Suppression de l’exonération de taxe sur les conventions d’assurances (TSCA) sur la garantie décès des contrats d’assurance emprunteur

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à supprimer l’exonération de taxe sur les conventions d’assurances (TSCA) dont bénéficient les contrats d’assurance en cas de décès souscrits en garantie du remboursement d’un prêt. Le produit résultant de la suppression de l’exonération est affecté à la société Action Logement Services dans la limite d’un plafond de 140 millions d’euros prévu à l’article 29 du présent projet de loi de finances.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

À l’initiative du Rapporteur général, la commission a adopté un amendement rédactionnel.

I.   l’État du droit

A.   la taxe spéciale sur les conventions d’assurances

1.   Le fondement de la taxe

Instituée par l’article 21 de la loi du 31 janvier 1944 ([96]), la taxe spéciale sur les conventions d’assurance (TSCA) a été créée en remplacement des droits d’enregistrement et de timbre versés à l’occasion de tout écrit constatant la formation, la modification ou la résiliation amiable, ainsi que les expéditions, extraits ou copies de ladite convention.

Elle est prévue aux articles 991 et suivants du CGI. Elle est applicable à « toute convention d’assurance conclue avec une société ou compagnie d’assurances ou avec tout autre assureur français ou étranger ».

La taxe est perçue « sur le montant des sommes stipulées au profit de l’assureur et de tous accessoires dont celui-ci bénéficie directement ou indirectement du fait de l’assuré ».

La date d’échéance des primes ou cotisations constitue le fait générateur de la taxe. Ainsi, la taxe est normalement liquidée et versée chaque mois, soit par l’assureur lui-même, soit par le courtier ou l’intermédiaire, soit par l’assuré lui-même lorsque l’assurance est souscrite directement à l’étranger auprès d’un assureur étranger n’ayant pas de représentant en France. Aux termes de l’article 385 du CGI, la taxe est versée dans les quinze jours qui suivent la fin du mois considéré.

Le taux de la taxe varie selon le type de contrat d’assurance, tout en étant fixé par défaut à 9 %.

2.   Les cas d’exonération de la taxe

a.   Les différents cas d’exonération

L’article 995 du CGI énumère seize catégories de conventions d’assurances exonérées de TSCA.

cas d’exonÉRATION DE LA TSCA

Nombre

Conventions exonérées

1

Réassurances

2

Assurances bénéficiant de l’exonération de droits d’enregistrement

3

Contrats d’assurances sur corps, marchandises transportées et responsabilité civile du transporteur, des navires de commerce et des navires de pêche souscrits contre les risques de toute nature de navigation maritime ou fluviale

4

Contrats d’assurances sur corps, marchandises transportées et responsabilité civile du transporteur, des aéronefs souscrits contre les risques de toute nature de navigation aérienne

5

Contrats d’assurances sur la vie et assimilés, y compris les contrats de rente viagère

6

Contrats d’assurances sur les risques de gel et de tempêtes sur récoltes ou sur bois sur pied

7

Contrats d’assurances sur marchandises transportées et responsabilité civile du transporteur des transports terrestres

8

Assurances des crédits à l’exportation

9

Contrats de garantie souscrits auprès d’entreprises d’assurances relatifs aux fonds communs de créances

10

Contrats souscrits par le Centre national de transfusion sanguine

11

Assurances contre les risques de toute nature relatifs aux véhicules terrestres à moteur utilitaires d’un poids total autorisé en charge supérieur à 3,5 tonnes

12

Contrats d’assurance couvrant les risques de toute nature afférents aux récoltes, cultures, cheptel vif, cheptel mort, bâtiments affectés aux exploitations agricoles et exclusivement nécessaires au fonctionnement de celles-ci

13

Contrats d’assurance dépendance

14

Cotisations versées par les exploitants de remontées mécaniques dans le cadre du système mutualiste d’assurance contre les aléas climatiques

15

Contrats d’assurance maladie assujettis à la taxe de solidarité additionnelle aux cotisations d’assurance maladie complémentaire

16

Contrats d’assurances sur les installations d’énergie marines renouvelables

Source : commission des finances.

b.   Le cas particulier de l’exonération des contrats d’assurance sur la vie

La cinquième exonération de TSCA susvisée concerne toutes les formes d’assurances dont l’aléa est fondé sur la vie humaine. Cela vise les produits d’épargne d’assurance-vie et les assurances souscrites en cas de décès (garantie décès des assurances-emprunteurs).

Selon l’évaluation préalable du présent article, l’exonération a été instituée en loi de finances initiale pour 1990, « afin d’accélérer l’aboutissement des négociations européennes sur la libre prestation de services et de ne pas désavantager les assureurs français dans ce contexte » ([97]). Celle-ci était justifiée par des motifs de concurrence européenne et internationale, compte tenu du rôle majeure de l’assurance-vie dans l’épargne des ménages et dans le financement de l’économie française.

3.   Les affectations du produit de la TSCA

L’article 1001 du CGI prévoit l’affectation du produit de TSCA :

– aux départements et à la métropole de Lyon, pour un rendement estimé à 7,4 milliards d’euros en 2019 ([98]) ;

– à la sécurité sociale, pour une fraction correspondant à un taux de 13,3 % du produit de la taxe au taux de 33 % et du produit de la taxe au taux de 15 % ; les deux taux visent les contrats d’assurance automobiles ; le premier taux concerne les camions, camionnettes et fourgonnettes à utilisation exclusivement utilitaires des exploitations agricoles et le second taux vise les autres catégories de véhicules. Le rendement prévisionnel est estimé à 1,019 milliard d’euros ([99]) ;

– et au Conseil national des barreaux, au titre des contrats d’assurances de protection juridique visés aux articles L. 127-1 du code des assurances et L. 224-1 du code de la mutualité, pour une fraction de 45 millions d’euros.

B.   L’état des lieux de l’assurance-emprunteur

1.   Les évolutions législatives relatives à l’assurance-emprunteur en matière de crédits immobiliers

Selon un rapport de l’inspection générale des finances (IGF), l’assurance-emprunteur désigne « une assurance temporaire, limitée à la durée du crédit, qui garantit le remboursement de celui-ci en cas de décès » ([100]). Selon ce rapport, il apparaît qu’en France, les ménages qui font l’acquisition de leur résidence principale ont, dans 80 % des cas, recourt à un prêt. L’obtention d’un prêt immobilier est de facto soumise à la condition de la couverture par une assurance-emprunteur, bien que celle-ci ne constitue pas une obligation légale.

En matière de crédits immobiliers, le législateur a assoupli au cours des dernières années les conditions de résiliation de l’assurance pour l’emprunteur.

La loi du 3 janvier 2008 a imposé au prêteur de mentionner dans l’offre de prêt la faculté pour le candidat emprunteur de souscrire une assurance auprès de l’assureur de son choix, dans l’hypothèse où le prêteur n’exerce pas son droit d’exiger l’adhésion à un contrat d’assurance collective ([101]).

Les lois du 1er juillet 2010 ([102]) (loi dite « Lagarde ») et 26 juillet 2013 ([103]) ont inversé la logique, en interdisant à l’établissement prêteur, jusqu’à la signature de l’offre, de refuser en garantie d’un prêt immobilier un contrat d’assurance lorsque celui-ci présente « un niveau de garantie équivalent au contrat de groupe qu’il propose ».

La loi du 17 mars 2014 ([104]) (loi dite « Hamon ») a offert aux emprunteurs le droit de substituer, à n’importe quel moment de la première année du prêt, l’assurance de leur choix, à la condition que la nouvelle assurance présente un niveau de garantie équivalent à celle choisie initialement. Cette même loi a prévu que les parties pouvaient prévoir expressément dans la convention, au-delà de la période des douze premiers mois du contrat de prêt, la possibilité d’une substitution d’assurance en cas d’exercice par l’emprunteur de la faculté de résiliation annuelle.

La loi du 9 décembre 2016 (loi dite « Sapin II ») a consacré un droit de résiliation et de substitution annuel au profit des emprunteurs en dehors de toute clause contractuelle expresse ([105]). Toutefois, le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition introduite en nouvelle lecture en violation de la règle relative à l’entonnoir ([106]).

Ainsi, la loi du 21 février 2017 a réintroduit, à l’article L. 313-30 du code de la consommation, une disposition similaire visant à permettre à l’emprunteur de faire usage d’un droit de résiliation annuel de son assurance-emprunteur. Toutefois, ce droit reste conditionné au fait que le contrat présente « un niveau de garantie équivalent au contrat d’assurance du groupe ». Aux termes de la loi, le droit de résiliation annuel s’applique à compter du 1er janvier 2018 aux contrats en cours d’exécution. Dans une décision du 12 janvier 2018, le Conseil constitutionnel a relevé la conformité de ces dispositions à la Constitution ([107]).

2.   Les données de marché de l’assurance-emprunteur

Selon les données de la Fédération française des assurances (FFA) transmises au Rapporteur général, les cotisations d'assurance emprunteur représentaient en 2016 un total de 8,8 milliards d’euros dont :

– 73 % portant sur des prêts immobiliers ;

– 21 % portant sur des prêts à la consommation ;

– et 6 % portant sur des prêts professionnels.

Les garanties décès représentaient 6,2 milliards d’euros de ce total, soit 4,5 milliards d’euros pour celles souscrites dans le cadre de crédits immobiliers, 1,3 milliard d’euros dans le cadre de crédits à la consommation et 0,4 milliard d’euros pour les autres.

Selon les données transmises au Rapporteur général, la durée effective moyenne des crédits à la consommation est de l’ordre de trois ans et celle des crédits immobiliers de sept ans ([108]).

C.   la participation des employeurs À l’effort de construction

1.   La participation des employeurs à l’effort de construction et les modifications prévues par les projets de loi PACTE et ÉLAN

a.   La participation des employeurs à l’effort de construction actuellement en vigueur

La participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC) est définie aux articles L. 313-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation. Conformément à ces articles, les employeurs occupant au moins vingt salariés doivent consacrer des sommes représentant 0,45 % au moins des revenus d’activité, tels qu’ils sont pris en compte pour la détermination de l’assiette des cotisations de sécurité sociale, au financement d’actions dans le domaine du logement, en particulier du logement des salariés.

En pratique, l’employeur doit verser la somme considérée à la société Action Logement Services.

Toutefois, l’employeur peut se libérer de l’obligation de versement « en investissant directement en faveur du logement de ses salariés », aux termes du troisième alinéa de l’article précité.

Les employeurs peuvent également verser une participation supérieure à 0,45 % de leur masse salariale. Ces versements alimentent la participation supplémentaire des employeurs à l’effort de construction (PSEEC).

L’article L. 716‑2 du code rural et de la pêche maritime prévoit une obligation similaire pour les employeurs relevant du secteur agricole, avec un seuil d’assujettissement fixé à au moins cinquante salariés agricoles. Celle-ci est désignée sous l’appellation de participation des employeurs agricoles à l’effort de construction (PEAEC).

b.   Les modifications envisagées par les projets de loi PACTE et ÉLAN

L’alinéa 84 de l’article 6 du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (dit PACTE) prévoit le relèvement du seuil de vingt salariés à cinquante salariés pour la détermination de l’assujettissement de l’employeur à la participation à l’effort de construction.

En outre, l’alinéa 87 du même article abroge l’article L. 313-2 du code de la construction et de l’habitation. Celui-ci prévoit une dispense du versement à Action Logement Services pendant trois ans pour les employeurs qui atteignent ou dépassent l’effectif de vingt salariés. Le montant du versement est également réduit de 75 %, 50 % et 25 % les première, deuxième et troisième années suivant la dernière année de dispense. Par coordination avec le relèvement du seuil d’assujettissement à cinquante salariés, le projet de loi PACTE supprime cet article.

Par ailleurs, le II de l’article 53 quater A du projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (dit ÉLAN) supprime le financement par la participation des employeurs à l’effort de construction de la garantie universelle des loyers ([109]). Le projet de loi ÉLAN procède en effet à l’abrogation de ce dispositif, au 3° du I du même article.

2.   Les ressources de la participation des employeurs à l’effort de construction

L’article 313-3 du code de la construction et de l’habitation présente les ressources de la participation des employeurs à l’effort de construction. Celles-ci sont composées :

– des versements des employeurs, visés à l’article L. 313-1 du même code ;

– des remboursements du principal des prêts antérieurement consentis à l’aide de ressources issues de la participation des employeurs à l’effort de construction ;

– des emprunts à plus d’un an de la société Action Logement Services ;

– et de l’affectation de tout ou partie du résultat des sociétés Action Logement Services et Action Logement Immobilier.

Les deux sociétés précitées sont des sociétés par actions simplifiée (SAS), dont l’unique associé est l’association Action Logement Groupe. Les membres de l’association sont toute organisation interprofessionnelle et représentative au plan national de salariés et d’entreprises assujettis au versement mentionné à l’article L. 313-1 précité.

Selon les données présentées par Action Logement Groupe, les ressources au titre de la PEEC, de la PSEEC et de la PEAEC se sont élevées à 3,294 milliards d’euros en 2017, dont :

– 1,618 milliard d’euros de contribution nette des entreprises ;

– et 1,676 milliard d’euros de remboursement de prêts consentis aux ménages et bailleurs ([110]).

3.   Les dépenses permises par la participation des employeurs à l’effort de construction

L’article L. 313-3 du code de la construction et de l’habitation énumère les sept emplois financés par les ressources présentées ci-dessus :

– les aides à des personnes physiques pour leurs projets d’accession à la propriété, de réhabilitation de leur logement, d’accès au logement locatif, de changement de logement ou de maintien dans celui-ci ;

– le soutien à la construction, à la réhabilitation et à l’acquisition de logements locatifs sociaux, ainsi qu’à la production de logements locatifs intermédiaires ou de logements destinés à l’accession sociale à la propriété ;

– les interventions visant au logement ou à l’hébergement des personnes défavorisées et les dépenses d’accompagnement social ;

– la mise en œuvre du programme national de rénovation urbaine (PNRU) et du nouveau programme national de renouvellement urbain ;

– la mise en œuvre du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés ainsi que le soutien à l’amélioration du parc privé ;

– la participation à des actions de formation, d’information ou de réflexion dans le domaine du logement et de la politique de la ville menées par des organismes agréés par l’État ;

– au financement de la garantie universelle des loyers et le versement de compensations à des organismes d’assurance qui proposent des contrats d’assurance contre les impayés de loyer qui respectent un cahier des chargés fixé par décret en Conseil d’État.

Le même article précise que les interventions peuvent prendre la forme de prêts, d’avances sur travaux, de prises de participation, d’octrois de garanties ou de subventions à des personnes physiques ou morales, à des opérateurs de l’État ou à des associations agréées par l’État.

Selon les données présentées par Action Logement Groupe, les emplois 2017 des ressources 2016 au titre de la PEEC, de la PSEEC et de la PEAEC ont été les suivants :

– 1,443 milliard d’euros dédiés au financement des bailleurs sociaux, qui ont permis de financer plus de 80 000 logements sociaux ;

– 959 millions d’euros dédiés au financement des politiques publiques, telles que la rénovation urbaine, dont 487 quartiers financés dans le cadre du PNRU, 55 000 logements démolis, 50 000 logements reconstitués sur l’offre locative sociale et 110 000 logements requalifiés ;

– et 904 millions d’euros dédiés aux interventions et aides auprès des salariés des entreprises, soit 494 903 aides délivrées dont 57 % aux moins de trente ans et 84 965 logements attribués, dont 41 % aux moins de trente ans.

II.   le dispositif proposÉ

A.   la suppression de l’exonÉration de la taxe et l’affectation de son produit À action logement services

1.   La suppression de l’exonération dont bénéficient les contrats d’assurance en cas de décès souscrits en garantie du remboursement d’un prêt

a.   La suppression de l’exonération

Le du II du présent article modifie l’article 995 du CGI. Celui-ci énumère les cas d’exonération de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance. Le 5° dudit article prévoit l’exonération à la TSCA des « contrats d’assurances sur la vie et assimilés y compris les contrats de rente viagère ».

Le présent article complète le 5° en instaurant une exception à l’exonération : « à l’exception des contrats d’assurance en cas de décès souscrits en garantie du remboursement d’un prêt ».

Ainsi, les contrats d’assurance visés par l’exception seraient assujettis à la TSCA. Conformément au 6° de l’article 1001 du CGI, le taux de la taxe serait fixé à 9 %.

Selon l’évaluation préalable du présent article, l’exonération de la TSCA de la garantie décès des assurances emprunteurs « n’est pas justifiée sur les plans juridique ou économique ». Le Gouvernement relève que ces contrats constituent de véritables contrats d’assurance, à la différence de l’assurance-vie qui est un produit d’épargne. Ainsi, il considère que « l’avantage fiscal dont ils bénéficient au travers de cette exonération constitue un effet d’aubaine, ces garanties étant généralement exigées (notamment dans le cadre des emprunts immobiliers) pour accéder au crédit ».

Le Gouvernement considère que « l’objectif social de limitation du coût de l’accès à un crédit immobilier ou à la consommation est également aujourd’hui moins justifié », compte tenu du contexte de taux bas et du renforcement de la concurrence sur le marché de l’assurance emprunteur.

Selon les éléments transmis par le Gouvernement au Rapporteur général, il apparaît que le nombre de souscripteurs de contrats d’assurance décès s’élève à 12,7 millions. Le renchérissement moyen des cotisations annuelles d’assurance sur les contrats s’établirait à 44 euros, à la condition que les compagnies d’assurance répercutent en intégralité l’assujettissement à la TSCA de la garantie décès.

impact potentiel de l’assujettissement à la tsca de la garantie décès

(en euros)

Type de crédit détenu

Supplément mensuel en assurance décès

Supplément annuel

Crédit renouvelable de 1 000 euros pour l’achat d’un ordinateur sur 12 mois

1

12

Crédit auto de 15 000 euros sur 72 mois

1

12

Crédit immobilier de 100 000 euros sur 15 ans

3

36

Crédit immobilier de 300 000 euros sur 20 ans

10

120

Crédit immobilier de 500 000 euros sur 25 ans

17

204

Source : Gouvernement.

Il souhaite mettre en cohérence la fiscalité des contrats d’assurance emprunteur, dans la mesure où les deux autres principales garanties desdits contrats, les garanties invalidité/incapacité (2,4 milliards d’euros de cotisations annuelles, soit 27 % de l’ensemble des cotisations) et les garanties perte d’emploi (231 millions d’euros, 2 %), sont assujetties à la TSCA. Selon le Gouvernement, cela permet « de rendre plus lisible la tarification de son contrat pour l’assuré et d’éviter des possibilités d’optimisation fiscale dans la ventilation de la prime globale entre les différentes garanties ».

b.   La date d’entrée en vigueur de la suppression de l’exonération

Le III du présent article prévoit que le A du II s’applique « aux contrats conclus à compter du 1er janvier 2019 ».

Toutefois, il apparaît que la rédaction retenue par le présent III n’est pas satisfaisante. Elle fait référence au A du II, qui ne figure pas dans le présent article. Ainsi, le Rapporteur général déposera un amendement rédactionnel visant à corriger la rédaction du présent alinéa. Il convient de viser le 5° de l’article 995 du CGI dans sa rédaction résultant du du II du présent article.

En conséquence, le présent article s’applique aux contrats suivants :

– d’une part, à l’ensemble des contrats d’assurance afférents aux contrats de prêts souscrits à compter du 1er janvier 2019 ;

– d’autre part, aux contrats d’assurance afférents aux contrats de prêts souscrits antérieurement au 1er janvier 2019, lorsqu’ils sont modifiés ou substitués conformément à l’article L. 313-30 du code de la consommation à compter du 1er janvier 2019. Celui-ci renvoie à l’article L. 113-12-2 du code des assurances, qui ouvre le droit à l’assuré de résilier son contrat d’assurance tous les ans dans le cadre des contrats de crédit pour l’acquisition d’immeubles ou de terrains destinés à la construction d’immeubles ([111]).

Ainsi, le Gouvernement souligne que la mesure pourrait « être perçue comme une désincitation, pour les assurés, à s’engager dans la renégociation de leurs contrats » d’assurance emprunteur. Les contrats renégociés seraient en effet assujettis à la TSCA.

Le Gouvernement a envisagé une autre option consistant à assujettir à la TSCA les primes ou cotisations échues à compter du 1er janvier 2019, sans distinction du moment de la conclusion du contrat. Cette solution aurait eu le mérite de ne pas désinciter les assurés à renégocier leurs contrats d’assurance emprunteur, dans la mesure où l’ensemble des contrats aurait été concerné par l’assujettissement à la TSCA. Toutefois, celle-ci aurait pu être perçue comme une mesure « rétroactive » s’appliquant aux contrats déjà conclus. Le Gouvernement a donc préféré la solution visant à assujettir à la TSCA les contrats conclus à compter du 1er janvier 2019.

2.   L’affectation d’une fraction du produit de TSCA à Action Logement Services

Le I du présent article insère à l’article L. 313-3 du code de la construction et de l’habitation une nouvelle ressource à Action Logement Services, correspondant à la fraction de la TSCA.

Le du II du présent article prévoit que le produit de la TSCA afférente aux contrats d’assurance en cas de décès souscrits en garantie du remboursement d’un prêt est affecté à la société Action Logement Services, visée à l’article L. 313-19 du code de la construction et de l’habitation.

Le produit de la TSCA est affecté dans la limite du plafond fixé à l’article 46 de la loi de finances pour 2012 ([112]). Le surplus de recettes est reversé au budget général, conformément au mécanisme du plafonnement des taxes affectées.

B.   l’impact budgÉtaire et Économique

1.   La mesure de compensation pour la société Action Logement Services, sous plafond

Le I du présent article confirme l’affectation de la fraction de TSCA à Action Logement Services, dans la limite du plafond prévu au I de l’article 46 de la loi de finances pour 2012.

Le septième alinéa de l’article 29 du présent projet de loi de finances a inséré une nouvelle ligne au sein du tableau de l’article 46 précité. Celle-ci précise la ressource affectée, la personne affectataire et le niveau du plafond. Ainsi, elle mentionne la TSCA, visée à l’article 1001 du CGI. La personne affectataire est Action Logement Services et le plafond est fixé à hauteur de 140 millions d’euros.

2.   La compensation de la perte de recettes au titre de la loi PACTE

L’article 6 du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), adopté en première lecture à l’Assemblée nationale ([113]), a prévu le relèvement du seuil de la participation de l’employeur à l’effort de construction de vingt à cinquante salariés. Les employeurs concernés sont assujettis à une taxe de 0,45 % de leur masse salariale.

Selon l’étude d’impact du projet de loi PACTE, cette disposition entraîne une perte de recettes évaluée à 280 millions d’euros en 2019 et 290 millions d’euros en 2020 pour la société Action Logement Services.

Or, le présent projet de loi de finances ne prévoit l’affectation de TSCA qu’à hauteur d’un plafond fixé à 140 millions d’euros au titre de la compensation de la perte de recettes.

Notre collègue Mohamed Laqhila a déposé un amendement à l’article 29 du présent projet de loi de finances, visant à relever le plafond d’affectation à hauteur de 280 millions d’euros. Cela visait notamment à obtenir des éléments d’explication de la part du Gouvernement sur la différence entre l’estimation de la perte de recettes pour Action Logement Services et le montant de l’affectation de TSCA au titre de la compensation.

En commission des finances, le Rapporteur général a indiqué que selon les éléments qui lui avaient été transmis par le Gouvernement la différence de montant « découle d’une erreur de plume imputable au fait qu’il était initialement prévu une entrée en vigueur plus précoce de la loi » PACTE ([114]). Celle-ci ne devrait intervenir qu’à la mi-2019 au lieu de début 2019.

En séance publique, le ministre de l’économie et des finances a confirmé que la perte de recettes avait été évaluée à 280 millions d’euros en anticipant une promulgation plus rapide de la loi PACTE et qu’il s’agissait bien d’« une compensation à l’euro près » pour Action Logement Services ([115]).

Or, dans le tome I de l’annexe au projet de loi de finances pour 2019 Évaluations des voies et moyens, il est indiqué que la suppression de l’exonération de TSCA sur la garantie décès des contrats d’assurance emprunteur « générerait un rendement de 100 millions d’euros affecté à la société Action Logement Services » ([116]). Ainsi, le produit de TSCA transféré à Action Logement Services ne s’élèvera qu’à hauteur de 100 millions d’euros en 2019, en dépit d’un plafond d’affectation fixé à 140 millions d’euros à l’article 29 du présent projet de loi de finances.

Le XI de l’article 19 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 prévoit que, si le plafond d’affectation à Action Logement Services n’est pas atteint au titre des années 2019 à 2021, alors l’affectation est complétée par un prélèvement à due concurrence sur la fraction de TSCA affectée à la sécurité sociale (b du 6° de l’article 1001 du CGI). Ainsi, une fraction de la part de TSCA affectée à la sécurité sociale sera prélevée à hauteur de 40 millions d’euros en 2019 et reversée à Action Logement Services. Au total, Action Logement Services sera compensé à hauteur de 140 millions d’euros en 2019.

3.   L’impact neutre pour le budget général de l’État en 2019

Le tome I de l’annexe au projet de loi de finances pour 2019 Évaluations des voies et moyens prévoit que l’affectation de 140 millions d’euros à Action Logement Services ne donnera pas à aucun reversement au budget général de l’État ([117]).

Ainsi, le présent article n’aurait pas d’impact sur le budget général de l’État, ce qui justifie d’ailleurs sa place en seconde partie du présent projet de loi de finances ([118]).

En revanche, le rendement de la mesure devrait être progressif, avec un rendement à terme d’environ 560 millions d’euros. En cas de stabilité du plafond d’affectation à Action Logement Services à 140 millions d’euros, le surplus correspondant représentera une nouvelle recette pour le budget général de l’État. Ainsi, le Gouvernement anticipe un reversement au budget général de l’État croissant à compter de 2020.

Reversement de tsca au budget général de l’état
au titre du présent article

(en millions d’euros)

Année

2019

2020

2021

2022

2023

2024

Augmentation pérenne

Rendement prévisionnel de la taxe

100

200

300

370

430

495

560

Plafond d’affectation à Action Logement Services

140

140

140

140

140

140

140

Reversement au budget général de l’État

60

160

230

290

355

420

Source : évaluable du présent article.

4.   L’impact économique de la mesure

D’un point de vue purement économique, le présent article aura pour effet de surenchérir le coût de l’accès à un crédit immobilier ou à la consommation, du fait de l’application de la TSCA sur le contrat d’assurance emprunteur.

Selon la Fédération française des assurances, les garanties décès des contrats d’assurance emprunteur représentent 6,2 milliards d’euros, dont 4,5 milliards d’euros pour celles souscrites dans le cadre de crédits immobiliers, 1,3 milliard d’euros dans le cadre de crédits à la consommation et 0,4 milliard d’euros pour les autres.

Le Gouvernement ne présente pas de simulation de l’impact du présent article sur les secteurs d’activité concernés.

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La commission examine les amendements identiques II-CF15 de Mme Véronique Louwagie, II-CF100 de Mme Marie-Christine Dalloz et II-CF900 de Mme Émilie Bonnivard.

Mme Véronique Louwagie. L’article 52 de ce projet de loi de finances a pour objet de supprimer l’exonération de taxe sur les conventions d’assurances (TSCA) sur la garantie décès des contrats d’assurance emprunteur. Il est prévu que les recettes soient affectées à la société Action Logement Services pour ses besoins de financement.

Nous parlons d’un budget de 560 millions d’euros. Cela veut dire que la suppression de cette exonération entraînera pour les emprunteurs un surcoût de 560 millions d’euros ! Je m’oppose à une telle disposition, qui affectera crédits immobiliers, crédits à la consommation et crédits professionnels. Il est déjà difficile pour certains d’équilibrer leur budget et d’accéder au crédit ; leur imposer d’assumer cette nouvelle charge, c’est priver certains d’accès au crédit.

Je propose donc la suppression de cet article.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je propose également de supprimer cet article.

Tout le monde a souscrit un emprunt immobilier. Le surenchérissement de la garantie décès sera de 9 %, et vous savez que le coût de l’assurance porte non sur le capital restant dû, mais sur la totalité du capital emprunté. Cette charge supplémentaire sera donc assumée par les emprunteurs pendant toute la durée du prêt. Bien sûr, ces 560 millions d’euros seraient une recette supplémentaire pour l’État, mais, une fois encore, c’est le pouvoir d’achat des Français qui est entamé. Et cela affectera purement et simplement l’immobilier.

Nous tirons la sonnette d’alarme depuis deux ans. Toutes les mesures affectant l’immobilier auront un jour des conséquences. Cette surtaxe sur les garanties décès des contrats d’assurance emprunteur est une nouvelle atteinte au pouvoir d’achat des Français !

Mme Émilie Bonnivard. Une fraction du produit de la TSCA est affectée aux départements, qui en reversent une partie aux services départementaux d’incendie et de secours (SDIS). En vertu de cet article, les recettes affectées aux départements seront diminuées en raison de la réorientation de ces montants vers Action Logement Services. Cela ne semble pas opportun dans une période où ces collectivités se trouvent déjà amputées d’une partie de leurs ressources et obligées d’assumer des charges extrêmement importantes, qu’il s’agisse de l’action sociale ou des mineurs non accompagnés.

M. le Rapporteur général. Les deux autres principales garanties des contrats d’assurance emprunteur, la garantie invalidité incapacité et la garantie perte d’emploi, sont assujetties à la TSCA. Pourquoi la garantie décès ne le serait-elle pas ? Rien ne justifierait cette incohérence, d’autant que l’ouverture du marché de l’assurance permet, c’est le moins qu’on puisse dire, une certaine concurrence. Au-delà, étant donné que le rendement de la TSCA est amélioré, il n’y a pas à s’inquiéter pour les affectataires actuels de ladite taxe, qui continueront à la percevoir dans des conditions identiques.

Je suis donc défavorable à ces amendements de suppression.

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le Rapporteur général, l’assurance perte d’emploi et l’assurance invalidité ne sont pas obligatoires, au contraire de l’assurance décès, que, de nos jours, les banques exigent. Trouvez donc un prêteur qui n’exige pas cette garantie !

Le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires sur les taxes affectées est très intéressant. Le Gouvernement ne veut plus de taxes affectées, mais voici que des moyens financiers supplémentaires sont trouvés pour Action Logement Services, par de telles taxes dont l’affectation sera certainement plafonnée un jour. J’ajoute qu’Action Logement Services exerce une compétence de l’État. Pourquoi le seul contribuable emprunteur devrait-il la financer ?

Mme Véronique Louwagie. Cet article met à la charge des Français 560 millions d’euros. Par ailleurs, la fin de l’exonération s’appliquerait également, semble-t-il, aux surprimes, encore souvent imposées aux personnes présentant un risque de santé aggravé lorsqu’elles accèdent à l’assurance, notamment via la convention AERAS, « S’assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé » ou la mise en œuvre du droit à l’oubli. Me confirmez-vous donc, monsieur le Rapporteur général, que ces surprimes ne seraient plus, elles non plus, exonérées de cette taxe ? Le cas échéant, nos amendements de suppression n’en seraient que plus justifiés.

M. Patrick Hetzel. Le Gouvernement prétend avoir entendu : il faut donner du pouvoir d’achat à nos concitoyens. Pourtant, avec une telle disposition, le pouvoir d’achat de nos concitoyens se trouve réduit d’un demi-milliard d’euros. Encore une fois, il y a un écart entre les discours et les actes. La fiscalité sera alourdie de plus d’un demi-milliard d’euros par cette taxe affectée !

M. Jean-Pierre Vigier. Bien évidemment, je soutiens ces amendements, et je ne comprends pas votre argument, monsieur le Rapporteur général. C’est une taxe gouvernementale de plus ! Et puis emprunter pour acheter une maison, pour un couple, c’est un projet de vie. Alourdir le coût de cet emprunt, c’est parfois rendre impossible la réalisation du projet. Face à un gouvernement champion du monde des taxes, je soutiens bien évidemment ces amendements de suppression !

M. Jean-Paul Mattei. L’assurance, chers collègues, n’est absolument pas obligatoire. Ce sont là des pratiques et des exigences des banques.

On peut subroger un contrat et le donner en garantie plutôt que de prendre une assurance décès. Évidemment, je peux comprendre le sens de ces amendements de suppression, mais pourquoi traiter le risque décès différemment du risque invalidité ? Cela ne me semble pas logique, d’autant que le marché s’ouvre et que le montant des primes diminue. L’effet ne sera donc pas catastrophique, et nous pouvons tout à fait dénoncer par ailleurs la pratique consistant à exiger une assurance décès.

Mme Christine Pires Beaune. Certes, cher collègue Mattei, il n’est inscrit dans nulle loi que l’assurance décès est obligatoire mais, dans les faits, les banques l’exigent.

Si le groupe Socialistes et apparentés n’a pas déposé d’amendement de suppression, c’est parce qu’il y a effectivement une question de cohérence. Et puis le principal, dans cette affaire d’assurance immobilière, c’est quand même la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, qui permet aujourd’hui aux emprunteurs de renégocier pendant toute la durée de vie de leur emprunt, ce qu’ils n’hésitent plus à faire. Nous avons donc une concurrence saine dans le secteur. Il conviendrait plutôt de promouvoir encore une mesure largement méconnue.

M. Charles de Courson. Que dit l’évaluation préalable de l’article ? La suppression de l’exonération est justifiée par cet énoncé : « L’objectif social de limitation du coût de l’accès à un crédit immobilier ou à la consommation est également aujourd’hui moins justifié, dans un contexte de taux bas. » Chers collègues, ne vous faites aucune illusion : lorsque les taux remonteront – et ils commenceront à le faire dès l’an prochain –, vous pouvez être sûrs que l’on ne reviendra pas sur cette suppression d’exonération ! L’argument est donc nul et non avenu.

Selon un deuxième argument, l’exonération ne serait justifiée ni juridiquement ni économiquement : « Sur le plan économique, l’avantage fiscal dont [ces contrats] bénéficient au travers de cette exonération constitue un effet d’aubaine. » Mais où donc est l’effet d’aubaine ?

Chers collègues, les justifications données par l’étude d’impact sont nulles et non avenues. La véritable raison de cette suppression d’exonération est qu’il s’agit de financer Action Logement Services à la suite des décisions prises. Le reste, c’est du « blabla ».

Et qu’en est-il, monsieur le Rapporteur général, de la rétroactivité de la mesure ? On nous affirme qu’elle ne s’appliquera que pour l’avenir, mais quid de ceux qui ont renégocié leur assurance sur des emprunts antérieurs au 1er janvier 2019 ? Seront-ils taxés parce qu’ils ont renégocié ? Pourrait-on nous préciser cela, qui n’est pas du tout indiqué dans l’évaluation préalable ?

Mme Nadia Hai. Je crois que vous déposez par ailleurs, cher collègue de Courson, un amendement visant à limiter l’application de la mesure aux contrats conclus après le 1er janvier 2019. Il y a vraiment matière à interrogation sur ce point.

Sur le fond, je ne suis pas d’accord pour considérer que le pouvoir d’achat est financé par le crédit. Le crédit finance des besoins extrêmement particuliers, des projets de vie, mais pas forcément le pouvoir d’achat des ménages au quotidien. Je rejoins parfaitement Mme Pires Beaune sur la cohérence de cette mesure par rapport à ce qui existe déjà pour le risque invalidité et sur la renégociation fréquente des prêts et contrats d’assurance depuis la loi relative à la consommation, dite « loi Hamon ». C’est pourquoi je ne voterai pas les amendements de suppression. En revanche, je m’interroge sur celui que M. de Courson a déposé à propos de la rétroactivité de cette mesure.

M. le président Éric Woerth. Une autre manière d’assurer une cohérence aurait été de supprimer la TSCA pesant sur les autres garanties...

La commission rejette les amendements.

Elle se saisit ensuite des amendements identiques II-CF16 de Mme Véronique Louwagie, II-CF99 de Mme Marie-Christine Dalloz, II-CF1192 de M. Xavier Paluszkiewicz et II-CF1203 de M. Charles de Courson.

Mme Véronique Louwagie. Par cet amendement de repli, je propose de limiter le champ de cet article aux seuls contrats d’assurance emprunteur portant sur des prêts immobiliers. Pourquoi taxer les crédits à la consommation et les crédits professionnels qui n’ont aucun lien avec Action Logement Services ? Je propose de réduire l’assiette.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il s’agit de revenir aux fondamentaux. Financer, aujourd’hui, du logement social par une taxation des assurances emprunteurs contractées dans le cadre du marché privé, c’est déjà assez novateur. Vous représentez-vous le renchérissement du coût pour les futurs acquéreurs ? Si vous considérez que plus personne ne doit être propriétaire et que tout le monde doit passer par l’accession sociale, par le logement social, vous faites une profonde erreur. Nous sommes bien loin de nos récents débats sur les business angels !

M. Xavier Paluszkiewicz. J’entends parfaitement les arguments énoncés tout à l’heure par le Rapporteur général sur les prêts immobiliers, mais je rejoins mes collègues : nous pourrions ne pas supprimer l’exonération pour les crédits à la consommation. Les recettes étant fléchées vers Action Logement Services, il est pertinent de supprimer plutôt l’exonération pour les prêts immobiliers.

Le 18 juillet dernier, le gouverneur de la Banque de France nous disait que le nombre de dossiers de surendettement avait progressé de 5 %. Ce n’est pas bon signe. Il semblerait que cela concerne pour 21 % des prêts à la consommation et pour 79 % de prêts immobiliers, mais il serait bon de disposer de chiffres plus précis pour nous prononcer de manière éclairée sur la suppression de cette exonération.

M. Charles de Courson. Par mon amendement, je propose de limiter la suppression de l’exonération aux seules assurances liées à des prêts immobiliers. D’après l’évaluation préalable, les assurances liées aux prêts immobiliers concernés représenteraient un montant de 4,5 milliards d’euros, celles liées aux crédits à la consommation 1,3 milliard d’euros, celles liées aux prêts professionnels 0,4 milliard d’euros. En somme, l’amendement réduirait d’un tiers le champ de cette suppression d’exonération. Est-il bien raisonnable de renchérir le crédit à la consommation ? Nous avons d’ailleurs constitué un groupe d’études sur le surendettement. Excluons donc prêts professionnels et prêts à la consommation du champ de cet article.

M. le Rapporteur général. Je rappellerai seulement quelques chiffres. En fait de coût du crédit, le renchérissement résultant de cet article ne serait, pour un crédit renouvelable sur douze mois, par exemple pour acheter un ordinateur, que d’un euro par mois, de même que sur un crédit automobile de 15 000 euros d’une durée de soixante-douze mois. Le renchérissement d’un crédit immobilier de 100 000 euros sur quinze ans serait de 3 euros par mois. Le renchérissement d’un crédit immobilier de 500 000 euros sur vingt-cinq ans serait de 17 euros par mois. Voilà la réalité. Par ailleurs, n’oublions pas les effets de la loi « Hamon », citée à juste titre tout à l’heure, et de la concurrence, si bien que les montants peu élevés que je viens de donner sont en fait des montants théoriques maximaux.

Je suis défavorable à l’ensemble de ces amendements.

La commission rejette les amendements.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel II-CF855 du Rapporteur général (amendement II-1960).

Elle en vient ensuite à l’amendement II-CF1170 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Cet amendement dispose que la TSCA s’applique aux contrats d’assurance en cas de décès souscrit en garantie du remboursement d’un prêt conclu à compter du 1er janvier 2019. Si, comme vous pouvez le faire tous les ans, vous dénoncez le contrat d’assurance de votre prêt souscrit antérieurement à cette date pour prendre une nouvelle assurance, vous conserverez le bénéfice de l’exonération. Il s’agit de régler le problème que j’ai soulevé tout à l’heure.

M. le Rapporteur général. Je comprends votre idée, cher collègue. Il s’agit d’éviter que cet article ne dissuade les emprunteurs déjà assurés de chercher à changer d’assurance. Je rappelle cependant que les règles de résiliation sont, depuis plusieurs années, considérablement assouplies, et le Conseil constitutionnel a rendu au mois de janvier dernier une décision déclarant conformes à la Constitution les dispositions de la loi du 21 février 2017 permettant de résilier chaque année son contrat d’assurance en matière de crédit immobilier.

Avec les nouvelles conditions de marché dans le domaine de l’assurance emprunteur associée à des emprunts immobiliers, cela limitera les répercussions de l’assujettissement de la TSCA sur les primes d’assurance, y compris dans le cas de la renégociation de contrats anciens. Le risque d’un effet désincitatif de l’assujettissement de la TSCA aux contrats d’assurance me paraît donc faible.

M. Charles de Courson. En l’état du texte, ce ne sera même pas la peine de renégocier une assurance pour en diminuer le coût de 10 %, puisque la taxe est déjà de 9 %...

Ceux qui négocient bien parviennent à une assurance au taux de 0,5 % ou 0,6 %. Sans négociation, cela peut dépasser 1 % du montant du prêt. Chacun sait que l’étude de l’inspection générale des finances montrait que la marge, en ce domaine, était de 50 %. Mettons-nous donc dans une situation de marché. Cela fait un écart de 10 %, ce n’est pas normal.

S’il s’agit de prendre des dispositions pour l’avenir, il faut régler la question des prêts antérieurs.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 52 modifié.

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Article additionnel après l’article 52
Pérennisation de la réduction de tarif de la taxe sur les conventions d’assurances (TSCA) applicable à Mayotte

La commission examine, en discussion commune, les amendements II-CF954 du Rapporteur général et II-CF1376 de Mme Ramlati Ali.

M. le Rapporteur général. L’amendement II-CF954 vise à pérenniser la réduction de tarif de la TSCA prévue par l’article 57 de la loi de finances rectificative du 29 décembre 2013 pour le département de Mayotte. Il a également pour objet de procéder à une modification rédactionnelle nécessaire.

L’amendement II-CF1376 procède du même esprit, mais son objet est un peu plus réduit. J’invite donc Mme Ali et les autres signataires à se rallier à celui que je viens de défendre.

Mme Ramlati Ali. D’accord, monsieur le Rapporteur général.

M. Charles de Courson. N’y a-t-il, monsieur le Rapporteur général, de régime dérogatoire qu’à Mayotte ? Je croyais me souvenir d’exonérations en vigueur en Polynésie ou en Nouvelle-Calédonie.

M. le Rapporteur général. Ce n’est, à ma connaissance, qu’à Mayotte qu’une mesure de réduction de ce tarif expire à la fin de l’année. Cependant, si des cas particuliers n’ont pas été considérés, nous pourrons les examiner d’ici à la séance publique.

M. Charles de Courson. En Guyane, le tarif est divisé par deux – je n’invente rien, cela figure dans l’évaluation préalable. Il serait donc pertinent de compléter votre amendement, monsieur le Rapporteur général.

M. le Rapporteur général. Si un dispositif pérenne est déjà en vigueur, il n’y a rien à changer. À Mayotte, c’est un dispositif transitoire qui prend fin. Il convient donc de le pérenniser.

L’amendement II-CF1376 est retiré.

La commission adopte l’amendement II-CF954 (amendement II-1961).

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Article 53
Plafonnement de labattement sur les bénéfices
en faveur des jeunes agriculteurs

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article réforme l’abattement sur l’assiette imposable à l’impôt sur le revenu dont bénéficient les jeunes agriculteurs pendant les cinq premières années de leur installation. Prévu à l’article 73 B du CGI, cet abattement est actuellement de 100 % au titre de la première année d’installation et de 50 % les quatre années suivantes. Le dispositif proposé met en place une modulation en fonction de l’importance des bénéfices agricoles :

– pour la fraction de bénéfice n’excédant pas 29 276 euros, l’abattement ne change pas ;

– pour la fraction de bénéfice comprise entre 29 276 et 58 552 euros, les taux de 100 % et 50 % sont ramenés, respectivement, à 60 % et 30 % ;

– pour la fraction de bénéfice supérieure à 58 552 euros, l’abattement est supprimé.

Cette mesure, qui s’inscrit dans le cadre plus large de l’ambitieuse réforme de la fiscalité agricole engagée par le Gouvernement, vise à concentrer l’avantage fiscal représenté par l’abattement sur les jeunes agriculteurs en ayant le plus besoin.

L’application du dispositif concernera les exploitants percevant la dotation d’installation pour les jeunes agriculteurs à compter du 1er janvier 2019 et sera subordonnée au respect du règlement européen du 25 juin 2014 d’exemption par catégorie dans le secteur agricole et forestier.

Elle permettra à l’État de dégager un gain pérenne de 9,4 millions d’euros par an.

Dernières modifications législatives intervenues

Créé par l’article 87 de la loi de finances pour 1993 et reposant initialement sur un taux unique de 50 %, l’abattement en faveur des jeunes agriculteurs a été majoré à 100 % au titre de la première année d’installation par l’article 65 de la loi de finances rectificative pour 2006.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté un amendement de précision du Rapporteur général.

I.   L’état du droit

L’abattement pour les jeunes agriculteurs prévu à l’article 73 B du CGI constitue l’une des mesures mise en œuvre par les pouvoirs publics en faveur de l’installation d’exploitants et du renouvellement des générations. Cependant, il ne paraît pas suffisamment ciblé sur la population qui en a le plus besoin, appelant un recentrage de son périmètre.

A.   Un abattement sur les bénéfices destiné à faciliter l’installation des jeunes agriculteurs

1.   La définition des jeunes agriculteurs et les aides prévues

a.   La notion juridique de jeune agriculteur

La catégorie juridique des jeunes agriculteurs désigne les personnes qui prévoient d’exercer une activité agricole et qui sont, à ce titre, éligibles à certaines aides. Défini à l’article D. 343‑4 du code rural et de la pêche maritime (CRPM), le jeune agriculteur doit satisfaire aux conditions suivantes :

– être âgé de moins de quarante ans lors du dépôt de la demande d’aide à l’installation ;

– être ressortissant français ou d’un État membre de l’Union européenne ou, à défaut, pouvoir justifier d’un titre de séjour autorisant à travailler sur le territoire français ;

– s’installer comme chef dexploitation pour la première fois, que ce soit à titre individuel ou comme associé exploitant non salarié ;

– justifier de la capacité professionnelle agricole à travers la possession :

– présenter un plan dentreprise décrivant la situation initiale de l’exploitation et le projet de développement viable sur quatre ans, en précisant les objectifs et étapes du développement de l’exploitation, l’évolution des moyens de productions et les investissements envisagés ainsi que les perspectives de bénéfices agricoles ;

– s’installer sur une exploitation :

La production brute standard

La production brute standard (PBS) décrit un potentiel de production des exploitations : les surfaces de culture et les cheptels de chaque exploitation sont valorisés selon des coefficients.

Les coefficients de PBS ne constituent pas des résultats économiques observés mais sont des ordres de grandeur définissant un potentiel de production de l’exploitation, par hectare ou par tête d’animaux présents, indépendamment de toute aide.

La PBS est exprimée en euros mais est essentiellement une unité permettant de hiérarchiser entre elles les exploitations. Une variation de la PBS ne traduit pas une variation du chiffre d’affaires mais une évolution des structures de production de l’exploitation.

La contribution de chaque culture et cheptel permet de classer l’exploitation agricole dans une orientation technico-économique (OTEX) selon sa production principale. La nomenclature OTEX française de diffusion détaillée comporte 15 orientations.

À partir du total des PBS de toutes ses productions végétales et animales, une exploitation agricole est classée dans une classe de dimension économique des exploitations (CDEX). La CDEX comporte 14 classes.

La hiérarchisation des exploitations au regard de la PBS est la suivante :

– petites exploitations : PBS comprise entre 0 et 25 000 euros ;

– moyennes exploitations : PBS comprise entre 25 000 et 100 000 euros ;

– grandes exploitations : PBS supérieure à 100 000 euros ;

– très grandes exploitations : PBS supérieure à 250 000 euros.

Source : ministère de lagriculture et de lalimentation, Agreste  la statistique, lévaluation et la prospective agricole.

b.   Les aides à l’installation des jeunes agriculteurs

Deux types d’aides sont prévus au soutien des jeunes agriculteurs :

– la dotation d’installation en capital, ou « dotation jeunes agriculteurs » (DJA) ;

– des prêts bonifiés à moyen terme spéciaux.

Ces aides ont pour objectif l’installation d’exploitants suffisamment qualifiés dans le domaine agricole, le renouvellement des générations et la réalisation d’une production alimentaire viable. Elles participent également à l’emploi et au maintien de la population dans les zones rurales, comme le relevait la Cour des comptes européenne dans les conclusions de son audit sur les aides en faveur des jeunes agriculteurs de juin 2017 ([120]).

● La DJA est prévue à l’article D. 34312 du CRPM. Son montant est fixé conjointement par le président du conseil régional et le préfet de région et inclut notamment la participation de l’État et celle du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER).

● Les prêts à moyen terme spéciaux, régis par les articles D. 343‑13 à D. 343‑16 du CRPM, ont pour objectif le financement des dépenses afférentes à la première installation et sont exclusivement destinés :

– au financement du besoin en fonds de roulement, de la reprise, de la mise en état et de l’adaptation du capital mobilier et immobilier nécessaire à l’exploitation ;

– au financement de l’acquisition de parts ou actions d’un groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC), d’un groupement foncier agricole (GFA), d’un groupement foncier rural, d’un groupement forestier ou de toute société dont l’objet social est l’exercice d’activités agricoles ;

– au financement de l’acquisition de terres si celles-ci améliorent la viabilité de l’exploitation.

Ces prêts peuvent être sollicités pendant une période de quatre ans suivant l’installation et sont consentis pour une période maximale de quinze ans. Leur attribution est faite après accord du préfet par les établissements de crédit et les sociétés de financement qui ont conclu une convention avec les ministres chargés de l’économie et de l’agriculture.

● Pour prétendre aux aides, l’exploitant qui répond à la définition du jeune agriculteur prévue à l’article D. 343‑4 du CRPM doit, en application de l’article D. 343‑5 du même code, prendre différents engagements dont le non‑respect entraîne la déchéance des aides. Parmi ces engagements figurent :

– des obligations comptables ;

– la réalisation du projet agricole conformément au plan d’entreprise ; tout changement dans la mise en œuvre de ce plan doit être signalé à l’administration ;

– le respect des conditions de revenu prévues à l’article D. 343‑6 du CRPM, qui impose qu’une proportion minimale du revenu professionnel global soit constituée d’un revenu disponible agricole.

● La récente réforme des aides à l’installation s’est traduite par une disparition progressive des prêts bonifiés au profit d’une revalorisation de la DJA destinée à renforcer l’attractivité de cette dernière. Compte tenu de la baisse durable des taux d’intérêts, les prêts bonifiés n’étaient plus attractifs.

Pour mémoire, la DJA relève de l’action n° 23 du programme 149 de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaire rurales. Les autorisations d’engagement de cette action prévues par le présent projet de loi de finances s’élèvent à 124 millions d’euros, tandis que les crédits de paiement sont de 157 millions d’euros ([121]).

D’après les informations publiées le 10 avril 2018 par le ministère de l’agriculture et de l’alimentation, le montant moyen de la DJA est d’environ 20 000 euros.

2.   L’abattement quinquennal sur les bénéfices agricoles

Parallèlement à ces dotations et prêts bonifiés, le législateur a mis en place au profit des jeunes agriculteurs des aides fiscales afin d’assurer à cette population l’accompagnement le plus efficace possible.

L’article 1647‑00 bis du CGI prévoit ainsi un dégrèvement pour cinq ans égal à 50 % de la taxe foncière sur les propriétés non bâties afférente aux parcelles exploitées par des jeunes agriculteurs. Un dégrèvement de 50 % peut également être accordé sur délibération en ce sens de la collectivité territoriale compétente.

L’article 73 B du CGI, quant à lui, prévoit un abattement sur les bénéfices agricoles imposés au titre de l’impôt sur le revenu (IR).

Introduit par l’article 87 de la loi de finances pour 1993 ([122]), cet abattement a succédé à la réduction de bénéfice prévue à l’article 44 bis du CGI, qu’étendait aux jeunes agriculteurs l’article 73 B du CGI dans sa rédaction antérieure.

L’abattement est ouvert aux jeunes agriculteurs bénéficiant de la dotation d’installation ou des prêts à moyen terme spéciaux, s’ils sont soumis à un régime réel d’imposition : les exploitants relevant du régime micro-fiscal agricole prévu à l’article 64 bis du CGI sont donc exclus du dispositif.

Cet abattement porte sur les soixante premiers mois d’activité à compter de la date d’octroi de la première aide. Sur demande des exploitants, l’abattement peut également porter sur les bénéfices d’exercices clos avant l’attribution des aides, dès lors qu’ils ne sont pas prescrits.

Jusqu’en 2006, l’abattement était de 50 % sur l’ensemble de la période considérée.

La loi de finances rectificative pour 2006 ([123]) a renforcé le dispositif, en portant l’abattement à 100 % au titre de l’exercice en cours à la date d’inscription en comptabilité de la dotation d’installation. Le caractère intégral de l’abattement la première année est opportun pour l’accompagnement et la pérennisation du développement des exploitations.

L’assiette de l’abattement est constituée des bénéfices agricoles qui ne sont pas soumis à un taux réduit d’imposition, avant imputation des déficits reportables.

Le tableau suivant illustre l’application de l’abattement pour les jeunes agriculteurs pour un exploitant dont la dotation d’installation est inscrite en comptabilité au cours d’un exercice N.

application de l’abattement pour les jeunes agriculteurs

Exercice

N

N + 1

N + 2

N + 3

N + 4

N + 5

Bénéfices agricoles

300

400

400

500

500

550

Abattement

100 %

50 %

50 %

50 %

50 %

0 %

Assiette imposable

0

200

200

250

250

550

Source : commission des finances.

 

La prise en compte de l’abattement pour les jeunes agriculteurs
dans le calcul du crédit d’impôt pour la modernisation du recouvrement (CIMR)

● Dans le cadre du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu (PAS), les revenus non exceptionnels inclus dans le champ de la réforme et perçus en 2018 seront couverts par un crédit d’impôt ad hoc, le crédit d’impôt pour la modernisation du recouvrement (CIMR), qui sera perçu par les contribuables en 2019.

Pour les travailleurs indépendants et les exploitants agricoles, le CIMR sera perçu en deux temps :

– la partie perçue en 2019 sera égale au plus faible des deux montants suivants : d’une part, le bénéfice 2018, d’autre part, le plus élevé des bénéfices réalisés en 2015, 2016 et 2017 ;

– le cas échéant, un CIMR complémentaire sera versé en 2020 si le bénéfice 2019 est supérieur au bénéfice 2018 ou si ce dernier, bien que supérieur au bénéfice 2019, est également supérieur aux bénéfices 2015-2017.

La justification de ce dispositif spécial est la lutte contre tout abus consistant pour un contribuable à piloter ses revenus d’une année sur l’autre pour en loger un maximum en 2018.

En application du 2 du E du II de l’article 60 de la loi de finances pour 2017 (1), le bénéfice à retenir dans le cadre de la comparaison pluriannuelle des bénéfices s’entend du bénéfice avant application des éventuels abattements « zonés ».

En revanche, une fois cette comparaison effectuée, le montant du bénéfice retenu pour le calcul du CIMR s’entend du bénéfice après application de l’abattement zoné.

Cette distinction est logique :

– l’absence de prise en compte de l’abattement zoné pour comparer entre eux les bénéfices annuels permet d’apprécier la réalité des revenus professionnels perçus et évite de plafonner de façon excessive le CIMR perçu ;

– à l’inverse, la prise en compte de l’abattement pour le calcul du CIMR évite d’octroyer un avantage indu au regard de l’impôt qui aurait été payé sans ce dispositif.

● Alors que la lettre de la loi ne faisait référence qu’aux abattements zonés des articles 44 sexies à 44 sexdecies du CGI, le Bulletin officiel des finances publiques, dans une actualisation du 31 octobre 2018, a expressément indiqué que ces modalités d’appréciation du bénéfice à retenir et de calcul du CIMR s’appliquaient également à l’abattement pour les jeunes agriculteurs prévu à l’article 73 B du CGI (2).

Cette précision est opportune et aligne le traitement de cet abattement sur ceux résultant de dispositifs zonés.

(1) Loi n° 2016‑1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

(2) Bulletin officiel des finances publiques, BOI-IR-PAS-50-10-20-20, 31 octobre 2018, § 193.

 

B.   Un abattement insuffisamment ciblé sur les exploitants en ayant réellement besoin

Opportun, voire nécessaire pour garantir le bon développement des exploitations des jeunes agriculteurs, l’abattement prévu à l’article 73 B, de portée générale, conduit à ce qu’une part substantielle de l’aide qu’il constitue bénéficie non aux exploitants qui en ont le plus besoin, mais à des personnes dont le niveau de revenu ne justifie pas réellement une telle assistance.

1.   Une dépense fiscale en diminution mais qui reste très sollicitée

Créé en 1992 et substantiellement modifié en 2006, l’abattement pour les jeunes agriculteurs, après avoir connu une progression importante, voit son coût et le nombre de ses bénéficiaires diminuer.

Le tableau ci-après et les deux graphiques suivants illustrent cette évolution.

Données chiffrées sur l’abattement pour les jeunes agriculteurs (2012-2018)

Année

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018 (p.)

Coût
(en millions deuros)

56

61

55

42

35

36

32

Bénéficiaires

18 420

17 590

16 296

15 014

14 365

13 770

ND

Source : Évaluations des voies et moyens des projets de loi de finances pour 2014, 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019, tome II, Dépenses fiscales.

La tendance générale, qu’il s’agisse du coût ou du nombre d’exploitants bénéficiant de la mesure, est à la baisse. Cependant, la diminution du coût est plus prononcée que celle du nombre de bénéficiaires :

– entre 2012 et 2017, le coût a diminué de 36 %, baisse portée à 43 % si la dernière année retenue est 2018, et à 47,5 % si sont comparées l’année la plus coûteuse (2013) et 2018 ;

– sur la même période 2012-2017, le nombre de bénéficiaires a diminué de 25 %.

Par ailleurs, ces baisses ne traduisent en aucun cas un moindre soutien de l’État aux jeunes agriculteurs : l’évolution de la dépense est liée aux caractéristiques des exploitations et au nombre d’installations nouvelles.

2.   Un abattement qui profite en grande partie à des exploitants à hauts revenus

L’utilité de l’abattement pour les jeunes agriculteurs n’est plus à démontrer.

● En revanche, son calibrage peut faire l’objet d’une remise en question dans la mesure où l’avantage fiscal bénéficie dans les mêmes conditions aux exploitants aux revenus modestes comme à ceux dont les bénéfices agricoles atteignent un niveau qui ne justifie plus réellement un tel soutien.

D’après l’évaluation préalable du présent article, en effet, près de la moitié des foyers bénéficiant effectivement de l’abattement pour les jeunes agriculteurs (45 %) enregistrent un bénéfice agricole supérieur à deux salaires minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) :

– 35 % réalisent des bénéfices agricoles dont le montant est compris entre deux et quatre SMIC, soit entre 29 276 et 58 552 euros ([124]) ;

– 10 % réalisent des bénéfices supérieurs à quatre SMIC, soit plus de 58 552 euros.

Appliquer un abattement destiné à soutenir l’installation à un bénéfice aussi élevé pose légitimement question.

● L’interrogation est d’autant plus justifiée que, toujours d’après l’évaluation préalable, les 10 % de foyers aux revenus supérieurs à quatre SMIC concentrent à eux seuls 44 % du coût de la dépense fiscale.

Au regard des données pour 2017, dernier exercice en date pour lequel les chiffres définitifs sont connus, cela représente 15,84 millions d’euros sur un montant total de 36 millions d’euros.

● La question du ciblage et de l’efficacité de l’aide fait écho aux observations de la Cour des comptes européennes en 2017 dans son audit précité. Si les travaux de la Cour ne portaient pas sur l’abattement fiscal mais sur les aides européennes relevant des premiers et seconds piliers de la politique agricole commune, les critiques sur l’atteinte des objectifs sont transposables.

L’adaptation de l’abattement à l’objectif qu’il poursuit avait également été critiqué par le Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales en 2011 : le comité jugeait que le dispositif profitait surtout aux « exploitants réalisant rapidement des bénéfices (...) alors que ces exploitants devraient logiquement être moins aidés » et qu’il bénéficiait aux « exploitations les plus rentables » ([125]).

C’est pour répondre à ces constats et améliorer l’efficience de l’aide fiscale en faveur des jeunes agriculteurs que le Gouvernement, à travers le présent article, propose une réforme de l’abattement.

II.   Le dispositif proposé

Pour mieux cibler les jeunes agriculteurs qui en ont le plus besoin, le présent article introduit un barème dégressif de labattement. Cette mesure, tout en assurant un soutien mieux orienté, devrait générer pour l’État un gain annuel pérenne de 9,4 millions d’euros.

A.   Une modulation de l’abattement en fonction de l’importance du bénéfice agricole

Le présent article procède à un ciblage important de l’abattement pour les jeunes agriculteurs à travers un barème dégressif qui s’appliquera à compter de 2019 dans le respect du RGEC agricole du 25 juin 2014.

1.   Un abattement reposant sur un barème dégressif

L’essentiel du dispositif proposé figure aux  et 3° du A du I du présent article, qui mettent en place une modulation de l’abattement en fonction de l’importance du bénéfice agricole réalisé par le jeune agriculteur.

Alors qu’actuellement, l’abattement s’applique au même taux à l’intégralité du bénéfice, le présent article prévoit un barème dégressif constitué de trois tranches :

– jusqu’à deux SMIC, soit jusqu’à 29 276 euros, l’abattement est de 50 % (100 % la première année) ;

– entre deux et quatre SMIC, soit entre 29 276 et 58 552 euros, l’abattement est ramené à 30 % (60 % la première année) ;

– pour la tranche excédant quatre SMIC, soit la fraction de bénéfice supérieure à 58 552 euros, l’abattement est supprimé.

Le tableau suivant dresse la synthèse des nouveaux taux d’abattement en fonction de la tranche de bénéfice et de l’année d’application du dispositif.

synthèse de la réforme de l’abattement « jeunes agriculteurs »

 

Bénéfice (B)
(en euros)

1ère année

2e année

3e année

4e année

5e année

Droit actuel

Intégralité du bénéfice

100 %

50 %

50 %

50 %

50 %

Droit proposé

B ≤ 29 276

100 %

50 %

50 %

50 %

50 %

29 276 < B ≤ 58 552

60 %

30 %

30 %

30 %

30 %

58 552 < B

0 %

0 %

0 %

0 %

0 %

Source : commission des finances.

Les taux réduits d’abattement s’appliqueront à la fraction de bénéfice concernée, et non à l’ensemble du bénéfice dès lors qu’il excède les seuils du barème. Le dispositif prémunit ainsi les exploitants de tout effet de seuil massif et assure à la totalité des jeunes agriculteurs de bénéficier de l’abattement.

La formule de calcul de l’abattement réformé A est la suivante :

– pour un bénéfice inférieur ou égal à 29 276 euros, la situation ne change pas : l’abattement s’applique sur la totalité du bénéfice, avec un taux de 100 % la première année et de 50 % chacune des quatre années suivantes ;

– pour un bénéfice B supérieur à 29 276 euros :

A = [29 276 × 100 %] + [(B  29 276) × 60 %]

A = [29 276 × 50 %] + [(B  29 276) × 30 %]

– pour un bénéfice B supérieur à 58 552 euros :

A = [29 276 × 100 %] + [(58 552  29 276) × 60 %]

A = [29 276 × 50 %] + [(58 552  29 276) × 30 %]

Concrètement, l’abattement ne pourra pas dépasser :

– pour la première année, 46 842 euros ;

– pour chacune des quatre années suivantes, 23 421 euros.

Le tableau suivant illustre les nouvelles modalités d’application de l’abattement pour les jeunes agriculteurs. L’exemple repose sur trois exploitants A, B et C qui réalisent un bénéfice agricole respectif de 25 000 euros, 45 000 euros et 70 000 euros au titre de chacune des cinq premières années d’exploitation.

illustration de l’abattement au regard du barème proposé

(en euros)

 

Exploitant A

Exploitant B

Exploitant C

Bénéfice

25 000

45 000

70 000

Année

Année 1

Années 2 à 5

Année 1

Années 2 à 5

Année 1

Années 2 à 5

Droit actuel (1)

25 000

12 500

45 000

22 500

70 000

35 000

Droit proposé (2)

25 000

12 500

38 710

19 355

46 842

23 421

Différence (2 – 1)

0

0

6 290

3 145

23 158

11 579

NB : les montants sont arrondis à l’unité la plus proche.

Source : commission des finances.

● Le B du I du présent article rétablit le II de l’article 73 B afin de prévoir une revalorisation triennale des seuils de chaque tranche du barème de l’abattement, selon une proportion identique à l’évolution triennale de la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu.

Cette revalorisation périodique est bienvenue et évitera de figer le barème de l’abattement.

● Le  du A du I du présent article modifie et simplifie la rédaction du premier alinéa du I de l’article 73 B du CGI relative aux exploitants éligibles à l’abattement : plutôt que de viser chacune des aides susceptibles d’être accordées aux jeunes agriculteurs, la nouvelle rédaction fait référence aux aides à l’installation prévues à l’article D. 343‑3 du CRPM.

2.   Un dispositif subordonné au respect du RGEC agricole applicable à compter de 2019

● Actuellement, l’abattement pour les jeunes agriculteurs n’est pas subordonné au respect du RGEC agricole du 25 juin 2014 précité.

Cette circonstance est susceptible de fragiliser juridiquement le dispositif dans la mesure où, aux termes de l’article 9 de ce règlement européen, les aides compatibles avec le marché intérieur et exemptées de notification doivent néanmoins faire l’objet d’une publication et d’une information à la Commission européenne, cette dernière attribuant à l’aide visée un numéro d’identification.

Afin de garantir au nouvel abattement une robustesse juridique maximale, le C du I du présent article complète l’article 73 B d’un nouveau III disposant de façon expresse que l’application de l’abattement est subordonnée au respect du RGEC agricole.

● En application du II du présent article, les nouvelles modalités de l’abattement s’appliqueront aux exploitations qui bénéficieront de dotations d’installation aux jeunes agriculteurs à compter du 1er janvier 2019.

Les abattements en cours ne sont donc pas remis en cause et continueront à s’appliquer conformément aux règles actuelles jusqu’à leur terme quinquennal.

B.   Un recentrage permettant un gain annuel pérenne de 9,4 millions d’euros et un meilleur soutien des jeunes agriculteurs

1.   Un gain pérenne de 9,4 millions d’euros par an pour l’État

Le recentrage de l’abattement auquel procède le présent article, à travers le barème dégressif en fonction du bénéfice agricole dégagé, va réduire le coût de la dépense fiscale à hauteur de 9,4 millions d’euros par an en rythme de croisière, selon la chronique budgétaire présentée dans le tableau suivant.

gain budgétaire
résultant de la réforme de l’abattement « jeunes agriculteurs »

(en millions d’euros)

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

0

6,0

10,0

9,1

9,7

10,4

9,9

9,4

9,4

Source : évaluation préalable.

L’économie permise par le dispositif proposé correspond à environ 30 % du coût estimé de l’abattement au regard des données fournies pour 2018 (32 millions d’euros).

Le montant de 9,4 millions d’euros correspond au gain lié à une génération de jeunes agriculteurs, calculé sur la base des revenus 2016 et du SMIC net annuel au titre de cette année-là pour la détermination des tranches du barème. La chronique générationnelle figure dans le tableau ci-dessous.

gain budgétaire de la réforme par génération

(en millions d’euros)

1re année

2e année

3e année

4e année

5e année

Total

4,5

1,9

1,1

1,1

0,8

9,4

Source : évaluation préalable.

La nature erratique de l’impact jusqu’en 2026, avant une stabilisation à compter de cette année-là, est due :

– au prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu (PAS), mis en œuvre à compter du 1er janvier 2019

– au caractère pluriannuel de l’avantage fiscal, supposant un cumul de générations pour chaque exercice budgétaire.

● Pour les exploitants agricoles, le PAS prendra la forme d’un acompte contemporain assis sur les derniers revenus connus, soit pour une année N :

– les revenus N – 2 entre janvier et août N ;

– les revenus N – 1 entre septembre et décembre N.

En conséquence, l’impact du dispositif proposé pour un exercice budgétaire N obéit aux règles suivantes :

– les huit premiers acomptes versés pendant cet exercice N tiennent compte de l’abattement N – 2 à hauteur de 8/12 de son montant ;

– les quatre derniers acomptes versés pendant cet exercice N tiennent compte de l’abattement N – 1 à hauteur de 4/12 de son montant ;

– le solde de l’impôt N – 1 acquitté en N correspond à l’abattement de l’exercice N – 1 minoré des montants acquittés en N – 1 au titre des acomptes : ces montants doivent en effet être retranchés du solde pour éviter toute surimposition, retranchement qui peut conduire à un impact budgétaire négatif au titre du solde.

● Le tableau suivant présente, pour chacune des cinq années d’abattement, la répartition à prendre en compte au titre des acomptes du PAS.

prise en compte de l’abattement dans les acomptes du pas

(en millions d’euros)

Année

Abattement

Intégration aux huit premiers acomptes (8/12)

Intégration aux quatre derniers acomptes
(4/12)

1re année

4,5

3,00

1,50

2e année

1,9

1,27

0,63

3e année

1,1

0,73

0,37

4e année

1,1

0,73

0,37

5e année

0,8

0,53

0,27

Source : commission des finances, d’après les données de l’évaluation préalable.

L’impact budgétaire d’une génération bénéficiant de la dotation d’installation à compter de 2019 doit être déterminé selon les modalités figurant dans le tableau suivant, à la suite duquel est présenté le détail du calcul pour chaque année de la chronique.

chronique de l’impact budgétaire de la réforme pour une génération

(en million d’euros)

Acomptes

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Acomptes N assis sur N – 2 (8/12)

0

0

+ 3,0

+ 1,3

+ 0,7

+ 0,7

+ 0,5

0

0

Acomptes N assis sur N – 1 (4/12)

0

+ 1,5

+ 0,6

+ 0,4

+ 0,4

+ 0,3

0

0

0

Solde N – 1

0

+ 4,5

+ 0,4

– 2,6

– 0,5

– 0,3

– 1,0

– 0,5

0

Total

0

+ 6,0

+ 4,0

 0,9

+ 0,6

+ 0,7

 0,5

 0,5

0

Source : évaluation préalable.

● Pour l’année 2019, l’impact est nul dans la mesure où, d’une part, les acomptes sont assis sur les années 2017 et 2018, durant lesquelles l’abattement n’était pas perçu, d’autre part, le solde 2018 n’intègre pas non plus l’abattement.

● Pour l’année 2020, l’impact est de 6 millions d’euros :

– les huit premiers acomptes dus au titre de 2020, assis sur 2018, n’intègrent pas d’abattement dans la mesure où il n’était pas perçu en 2018 ;

– les quatre derniers acomptes dus au titre de 2020, assis sur 2019, intègrent l’abattement 2019 (4,5 millions d’euros) à hauteur de 4/12, soit 1,5 million d’euros ;

– le solde de l’impôt 2019 intègre la totalité de l’abattement 2019, soit 4,5 millions d’euros.

● Pour l’année 2021, l’impact est de 4 millions d’euros :

– les huit premiers acomptes dus au titre de 2021, assis sur 2019, intègrent l’abattement 2019 (4,5 millions d’euros) à hauteur de 8/12, soit 3 millions d’euros ;

– les quatre derniers acomptes dus au titre de 2021, assis sur 2020, intègrent l’abattement 2020 (1,9 million d’euros) à hauteur de 4/12, soit 0,63 million d’euros ;

– le solde de l’impôt 2020 intègre l’abattement 2020 (1,9 million d’euros) qui doit être minoré des montants acquittés en 2020 au titre des acomptes, soit 1,5 million d’euros : l’impact au titre du solde est donc de 0,4 million d’euros.

● Pour l’année 2022, l’impact est négatif, à hauteur de – 2,6 millions d’euros :

– les huit premiers acomptes dus au titre de 2022, assis sur 2020, intègrent l’abattement 2020 (1,9 million d’euros) à hauteur de 8/12, soit 1,27 million d’euros ;

– les quatre derniers acomptes dus au titre de 2022, assis sur 2021, intègrent l’abattement 2021 (1,1 million d’euros) à hauteur de 4/12, soit 0,37 million d’euros ;

– le solde de l’impôt 2021 intègre l’abattement 2021 (1,1 million d’euros) qui doit être minoré des montants acquittés en 2021 au titre des acomptes, soit 3,63 millions d’euros : l’impact au titre du solde est donc de :
1,1 – 3,63 = – 2,53 millions d’euros. L’évaluation préalable affiche un montant arrondi à 2,6 millions d’euros, sans doute dû au fait que le montant de l’abattement de 1,1 million d’euros est lui-même arrondi.

● Pour l’année 2023, l’impact redevient positif à hauteur de 0,6 million d’euros :

– les huit premiers acomptes dus au titre de 2023, assis sur 2021, intègrent l’abattement 2021 (1,1 million d’euros) à hauteur de 8/12, soit 0,73 million d’euros ;

– les quatre derniers acomptes dus au titre de 2023, assis sur 2022, intègrent l’abattement 2022 (1,1 million d’euros) à hauteur de 4/12, soit 0,37 million d’euros ;

– le solde de l’impôt 2022 intègre l’abattement 2022 (1,1 million d’euros) qui doit être minoré des montants acquittés en 2022 au titre des acomptes, soit 1,64 million d’euros : l’impact au titre du solde est donc de :
1,1 – 1,64 = – 0,54 million d’euros, arrondi par l’évaluation préalable à
– 0,5 million d’euros.

● Pour l’année 2024, l’impact est de 0,7 million d’euros :

– les huit premiers acomptes dus au titre de 2024, assis sur 2022, intègrent l’abattement 2022 (1,1 million d’euros) à hauteur de 8/12, soit 0,73 million d’euros ;

– les quatre derniers acomptes dus au titre de 2024, assis sur 2023, intègrent l’abattement 2023 (0,8 million d’euros) à hauteur de 4/12, soit 0,27 million d’euros ;

– le solde de l’impôt 2023 intègre l’abattement 2023 (0,8 million d’euros) qui doit être minoré des montants acquittés en 2023 au titre des acomptes, soit 1,1 million d’euros : l’impact au titre du solde est donc de :
0,8 – 1,1 = – 0,3 million d’euros.

● Pour l’année 2025, l’impact est négatif à hauteur de – 0,5 million d’euros :

– les huit premiers acomptes dus au titre de 2025, assis sur 2023, intègrent l’abattement 2023 (0,8 million d’euros) à hauteur de 8/12, soit 0,53 million d’euros ;

– les quatre derniers acomptes dus au titre de 2025, assis sur 2024, n’intègrent plus d’abattement (la période quinquennale a pris fin en 2023) ;

– le solde de l’impôt 2024, qui n’intègre aucun abattement, doit être minoré des montants acquittés en 2024 au titre des acomptes, soit un million d’euros.

● Pour l’année 2026, l’impact est encore négatif à hauteur de – 0,5 million d’euros :

– aucun des acomptes dus au titre de 2026 n’intègre d’abattement ;

– le solde de l’impôt 2025, qui n’intègre aucun abattement, doit être minoré des montants acquittés en 2025 au titre des acomptes, soit 0,53 million d’euros, arrondis à 0,5 million par l’évaluation préalable.

● Enfin, à compter de 2027, ni les acomptes ni le solde n’intègrent d’abattement ou de minoration due à l’abattement : l’impact est nul.

● Le rythme de croisière de l’impact budgétaire sera atteint à compter de la septième génération, donnée confirmée par un impact identique avec la huitième génération, comme l’illustre le tableau suivant.

impact multi-générationnel du dispositif proposé

(en millions d’euros)

 

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

G1

+ 6,0

+ 4,0

– 0,9

+ 0,6

+ 0,7

– 0,5

– 0,5

0

G2

+ 6,0

+ 4,0

– 0,9

+ 0,6

+ 0,7

– 0,5

– 0,5

G3

+ 6,0

+ 4,0

– 0,9

+ 0,6

+ 0,7

– 0,5

G4

+ 6,0

+ 4,0

– 0,9

+ 0,6

+ 0,7

G5

+ 6,0

+ 4,0

– 0,9

+ 0,6

G6

+ 6,0

+ 4,0

– 0,9

G7

+ 6,0

+ 4,0

G8

+ 6,0

Total

+ 6,0

+ 10,0

+ 9,1

+ 9,7

+ 10,4

+ 9,9

+ 9,4

+ 9,4

N.B. : GN : génération de jeunes agriculteurs bénéficiant de l’abattement.

Source : évaluation préalable.

2.   Un soutien concentré sur les exploitants en ayant le plus besoin s’inscrivant dans une ambitieuse réforme de la fiscalité agricole

Le dispositif proposé par le présent article permet de recentrer l’abattement sur les jeunes agriculteurs dont les revenus sont les moins élevés.

Le présent article ne va pas pour autant pénaliser les exploitants réalisant d’importants bénéfices agricoles dans la mesure où ils continueront à être éligibles à l’abattement.

Cette mesure s’inscrit dans la réforme de la fiscalité agricole présentée par le Gouvernement le 20 septembre 2018. Elle est indissociable des autres dispositifs qui figurent dans le présent projet de loi de finances, parmi lesquels peuvent être mentionnés :

– la très importante évolution des déductions pour investissement et aléas (DPI et DPA), transformées en déduction pour épargne de précaution (DEP) par l’article 18 du projet de loi. Rappelons qu’en plus de prévoir des hypothèses d’utilisation très large, la DEP repose sur des plafonds de déduction relevés en fonction d’un barème progressif : plus les exploitants ont des bénéfices élevés, plus ils pourront déduire des sommes importantes ;

– la révocabilité de l’option pour l’IS, prévue à l’article 17 du texte et qui va faciliter l’évolution des exploitations jugeant l’assujettissement à l’IS pertinent en rendant possible un retour en arrière ;

– une amélioration des modalités d’appréciation de la pluriactivité pour les GAEC, prévue à l’article 18 sexies du projet de loi, résultant d’une initiative conjointe de Mme Véronique Louwagie et du Rapporteur général ;

– l’étalement sur cinq ans du paiement de l’impôt afférent aux sommes réintégrées dans le résultat en raison d’une cessation d’activité, prévu à l’article 18 octies du projet de loi et introduit à l’initiative de plusieurs députés du groupe La République en Marche, dont le Rapporteur général – cette mesure figurait également parmi les annonces gouvernementales faites lors de la présentation de la réforme de la fiscalité agricole.

3.   L’amélioration possible du dispositif pour renforcer l’abattement dans certaines circonstances

Si l’économie générale du dispositif proposé est cohérente et opportune, des ajustements paraissent non seulement possibles, mais aussi souhaitables.

● D’une part, le plafond de la première tranche du barème – dans laquelle l’abattement n’est pas modifié par rapport au droit en vigueur – pourrait être relevé de deux à trois SMIC, soit 43 914 euros, afin d’éviter toute exclusion excessive de certains exploitants.

Le plafond de la deuxième tranche, fixé à quatre SMIC, resterait en revanche inchangé.

● D’autre part, le taux de l’abattement pourrait être renforcé en ce qui concerne les exploitants dont le bénéfice agricole n’excède pas le plafond de la première tranche – actuellement fixé à deux SMIC, et qui pourrait être porté à trois SMIC si la proposition précédente était retenue. Précisons ici qu’il s’agit bien du bénéfice agricole global, et non d’une fraction de ce bénéfice.

Un tel renforcement ne porterait naturellement pas sur la première année, pour laquelle l’abattement est déjà de 100 %. En revanche, pourrait être envisagé un relèvement de l’abattement au titre des quatre années suivantes : actuellement fixé à 50 %, il pourrait être porté à 60 %, voire à 75 %.

Cette piste paraît d’ailleurs trouver un écho favorable auprès du Gouvernement, qui indiquait dans sa présentation de la réforme de la fiscalité agricole réfléchir à « renforcer le dispositif sur la plus faible tranche de revenu au-delà de la première année » ([126]).

Une telle évolution supposerait en tout état de cause de respecter le RGEC agricole du 25 juin 2014 précité.

● Enfin, une autre piste d’évolution, plus ambitieuse mais susceptible de se heurter à un obstacle européen, pourrait consister à changer non le taux de l’abattement, mais sa temporalité.

Actuellement, l’abattement s’applique aux bénéfices réalisés pendant les cinq premières années d’installation. Or, comme le relevait en 2011 le Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, cela ne paraît « pas suffisamment corrélé à la situation réelle des exploitants et à leurs besoins » ([127]).

En effet, si l’exploitation n’enregistre pas de bénéfice ou, a fortiori, est déficitaire, l’abattement sera neutralisé et l’aide fiscale nulle. Dès lors, le dispositif favorise par nature les exploitations bénéficiaires, qui sont a priori rentables et supposent une aide moindre – telle est d’ailleurs la philosophie du présent article.

En conséquence, pourrait être explorée la piste consistant à appliquer l’abattement, non aux premières d’années d’installation, mais aux premières années bénéficiaires.

Une telle mesure existe déjà dans le cadre du dispositif d’exonération des jeunes entreprises innovantes : en application de l’article 44 sexies A du CGI, ces entreprises bénéficient d’une exonération d’impôt sur les bénéfices de 100 % puis de 50 % à raison, respectivement, des premier et deuxième exercices bénéficiaires.

Une telle réforme, si elle est manifestement plus efficace et cohérente dans le soutien des jeunes agriculteurs, pourrait se heurter à la lettre de l’article 18 du RGEC agricole du 25 juin 2014, sous le couvert duquel la mesure est placée et dont le 6 dispose que l’aide porte sur une période maximale de cinq ans, et non sur cinq exercices bénéficiaires qui peuvent embrasser une période supérieure à cinq ans.

Il ne serait pourtant pas inutile que le Gouvernement prenne l’attache de la Commission européenne, afin de solliciter son appréciation sur une application de l’abattement, non sur cinq années calendaires, mais sur cinq exercices de douze mois bénéficiaires.

Le calibrage plus fin et mieux adapté aux objectifs poursuivis par l’abattement qu’une telle réforme induirait s’inscrit au demeurant en parfaite cohérence avec les observations de la Cour des comptes européennes, qui appelait en 2017, ainsi qu’il a été vu, à ce que les aides pour les jeunes agriculteurs soient mieux ciblées.

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*     *

La commission examine les amendements de suppression II-CF901 de Mme Émilie Bonnivard et II-CF992 de M. Jean-Paul Mattei.

Mme Émilie Bonnivard. Actuellement, les jeunes agriculteurs bénéficient d’un abattement de 50 % sur le bénéfice imposable réalisé au cours des cinq premières années d’activité. L’article 53 a pour objet de remettre en cause cet avantage en proposant un abattement dégressif qui tienne compte du bénéfice effectivement réalisé. Il aboutira donc à augmenter l’impôt des jeunes agriculteurs. On peut comprendre la nécessité, en droit, de ne pas octroyer un avantage automatique indépendant du bénéfice réalisé. Cependant, du point de vue de l’attractivité, c’est une fausse bonne idée. L’article repose sur l’idée d’un bénéfice stable de l’agriculteur, que corrobore rarement la réalité. Si la situation se dégrade au cours des cinq ans, son traitement fiscal sera moins favorable qu’en application des dispositions en vigueur.

De plus, le régime actuel a le mérite de la simplicité, tandis que le régime introduit par cet article est beaucoup plus complexe, et aucun dispositif n’est prévu pour atténuer les effets de seuil susceptibles de résulter de l’introduction d’un système de tranches. Cela pourrait entraîner des phénomènes d’optimisation ou des déclarations ne correspondant pas à la réalité.

Il faut que les jeunes aient envie de s’installer. L’objectif doit donc être la simplicité et l’attractivité. C’est là un choix politique.

M. Jean-Paul Mattei. Souscrivant aux propos de ma collègue, j’ajouterai simplement que l’activité agricole s’inscrit dans le temps long. Il faut donc prévoir les aléas. Cet article donne un mauvais signal. En outre, l’application du dispositif sera très compliquée. Dans un souci de simplification, je propose la suppression de ces dispositions qui, pour moi, marquent un retour en arrière.

M. le Rapporteur général. Contrairement à ce qui est écrit dans l’exposé sommaire de l’amendement II-CF901, l’objet de cet article est non pas de supprimer le dispositif mais de le recentrer au profit des agriculteurs qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire qui réalisent le moins de bénéfices. Cette mesure est notamment motivée par le fait que près de la moitié de la dépense fiscale profite aux 10 % des foyers les plus aisés. Par ailleurs, l’article n’entraînera pas d’effet de seuil massif.

Certes, il peut y avoir des problèmes techniques, que d’autres amendements visent à régler. Je vous propose, chers collègues, de travailler avec le Gouvernement pour parvenir à une solution intelligente. Pour l’heure, je suis défavorable à l’ensemble de ces amendements, au profit d’un travail commun d’ici à la séance en vue de remédier à ces difficultés techniques, éventuellement sous la houlette de notre collègue Hervé Pellois, corapporteur spécial des crédits de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales, qui me semble le plus susceptible de rassembler l’ensemble des groupes politiques sur ce sujet.

M. Hervé Pellois. Nous sommes toujours en discussion avec les jeunes agriculteurs et le ministère sur cet article 53. Nous avons pratiquement abouti à un texte que nous pourrons vous présenter mais qui n’est pas encore totalement finalisé. Je me propose de réunir ceux qui le souhaiteront pour que nous abordions ensemble ces éléments.

Mme Christine Pires Beaune. Par principe, nous ne voterons pas ces amendements de suppression. Lorsqu’un rapport de la Cour des comptes dénonce certains aspects d’une dépense fiscale, le plus raisonnable est d’y travailler. J’aimerais donc être associée, si c’est possible, à ce travail, mais la suppression pure et simple de l’article ne me semble pas appropriée.

La commission rejette les amendements identiques.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques II-CF175 de Mme Véronique Louwagie et II-CF1193 de M. Charles de Courson, les amendements identiques II-CF24 de M. Vincent Descoeur et II-CF513 de M. Jérôme Nury, ainsi que les amendements II-CF155 et II-CF156 de Mme Lise Magnier.

Mme Véronique Louwagie. Il s’agit de revenir sur les seuils proposés et de permettre des aides un peu plus importantes. Nous proposons ainsi de fixer à l’équivalent de trois SMIC nets annuels le premier plafond de l’abattement « jeunes agriculteurs ».

M. Charles de Courson. Je suis favorable au plafonnement, mais l’article me semble mal calibré.

Je propose de déduire la dotation jeune agriculteur, que tous les jeunes agriculteurs ne perçoivent pas et qui ne doit pas être une raison de les pénaliser, du bénéfice de l’exploitant et d’instaurer un système dégressif. C’est d’ailleurs un schéma envisagé dans l’évaluation préalable. Il permet d’éviter les effets de seuil et une réduction à zéro de l’abattement quand le bénéfice atteint trois SMIC.

Mme Émilie Bonnivard. A-t-on calculé le gain que cet article procurera à l’État ?

M. le Rapporteur général. Oui : 9,4 millions d’euros par an en rythme de croisière.

M. Charles de Courson. Je suis favorable à l’idée d’un travail qui permette de trouver une solution intelligente, parce que, pour l’instant, « ça ne tourne pas », pour reprendre une expression du Rapporteur général.

M. le président Éric Woerth. Je crois que l’expression est dans le domaine public...

M. Vincent Descoeur. S’il est judicieux de recentrer l’abattement sur les plus modestes, les plafonds proposés ne tiennent pas compte de la réalité des revenus perçus ni de la dotation jeune agriculteur. Je propose donc, par l’amendement II-CF24, de les relever.

M. le Rapporteur général. Je vous invite, chers collègues, à retirer vos amendements, pour travailler à un amendement commun sous la houlette de M. Pellois. Si aucun consensus ne se forme, si ces difficultés techniques sont insurmontables, vous pourrez toujours redéposer vos propres amendements en vue de la séance.

Les amendements sont retirés.

La commission adopte l’amendement de précision II-CF1352 du Rapporteur général (amendement II-1962).

Puis elle adopte l’article 53 modifié.

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Après l’article 53

La commission se saisit des amendements identiques IICF102 de Mme MarieChristine Dalloz, IICF151 de Mme Lise Magnier, IICF1220 de M. Benoit Simian et IICF1329 de M. Alexandre Freschi.

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous proposons un dispositif incitatif simple pour accélérer l’engagement des viticulteurs dans la viticulture durable : un crédit d’impôt qui bénéficierait à toutes les certifications environnementales de niveau 2 et 3 visées aux articles D. 617-3 et D. 617-4 du code rural et de la pêche maritime, dans le but d’inciter le plus grand nombre d’exploitants à s’engager dans ces démarches. C’est cohérent avec la politique menée par le Gouvernement.

À l’instar du crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique, ce crédit d’impôt devrait s’inscrire dans le respect de la réglementation européenne relative aux aides de minimis dans le secteur de l’agriculture.

Mme Lise Magnier. Le dispositif permettrait notamment de prendre en charge une partie des coûts, non négligeables, de la certification – ils représentent malheureusement un frein à la certification durable et environnementale. L’objectif est bien d’accompagner nos agriculteurs et nos viticulteurs.

M. Benoit Simian. Aujourd’hui, les viticulteurs sont exonérés de la contribution économique territoriale. Nous proposons de ne maintenir l’exonération que pour ceux qui sont engagés dans des démarches de sortie de la chimie. Cet amendement vertueux et incitatif marquera que notre majorité soutient les viticulteurs.

M. le Rapporteur général. Des amendements plus ciblés, déposés en première partie, notamment par notre collègue Marie-Christine Verdier-Jouclas, ont déjà été retirés. J’invite les auteurs des amendements dont nous sommes maintenant saisis à les retirer de même, en me permettant simplement de faire observer à M. Simian que son propos ne s’applique en fait qu’à l’amendement II-CF1219, dont nous nous saisirons dans quelques instants.

La commission rejette les amendements identiques.

Puis elle examine l’amendement II-CF1219 de M. Benoit Simian.

M. Benoit Simian. C’est effectivement par cet amendement que je propose de réserver le bénéfice de l’exonération aux viticulteurs engagés dans des démarches de sortie de la chimie.

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement II-CF104 de Mme Marie-Christine Dalloz.

M. Jean-Pierre Vigier. Afin de favoriser l’investissement dans l’agriculture biologique, Cet amendement vise à ce que les terrains exploités en agriculture biologique et ceux destinés à l’être puissent bénéficier d’un droit d’enregistrement réduit.

M. le Rapporteur général. Je suis défavorable à l’amendement pour des raisons techniques. Aucune proportion de mode biologique n’est prévue : est-ce à dire que dès lors qu’à peine 10 % des recettes tirées du terrain proviennent d’un tel mode, le taux réduit s’appliquera ? Ou au contraire faudra-t-il que 100 % des recettes en proviennent ? Je crains que ces difficultés ne rendent cet amendement inopérant.

La commission rejette l’amendement.

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Article additionnel après l’article 53
Maintien de l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties pour les bâtiments agricoles abritant une activité accessoire

La commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements IICF1328 du Rapporteur général, ainsi que II-CF157 et II-CF150 de Mme Lise Magnier.

M. le Rapporteur général. S’il en est d’accord, M. Pellois peut présenter l’amendement II‑CF1328 dont il est l’un des cosignataires.

M. Hervé Pellois. Dès lors qu’un bâtiment à usage agricole est également utilisé pour une activité accessoire, l’exploitant perd le bénéfice de l’exonération de TFPB. L’amendement II-CF1328 vise à maintenir cette exonération lorsque l’activité en question ne dépasse pas 10 % des recettes totales tirées du bâtiment.

Mme Amélie de Montchalin. Je salue l’amendement II-CF1328, qui s’inscrit dans la continuité des échanges que nous avons eus l’année dernière concernant la polyactivité dans le secteur agricole. Il recoupe, par ailleurs, les enjeux de l’article 56, sur lequel notre collègue Daniel Labaronne a beaucoup travaillé. L’amendement II-CF1328 vise à sécuriser très fortement le cadre fiscal pour les agriculteurs. Dans la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire, dite « EGALIM », et avec toutes les mesures d’accompagnement que nous prenons, nous appelons à une véritable diversification des activités. Il est donc extrêmement important que notre système fiscal ne soit pas, quant à lui, désincitatif, notamment au regard des activités de transformation dans les exploitations agricoles. L’amendement constitue donc une véritable avancée, qui doit être saluée.

M. le Rapporteur général. Pour des questions de rédaction, l’amendement II-CF1328 fonctionne mieux que les deux autres. Je vous propose donc, madame Magnier, de les retirer à son profit. Cela dit, il s’agit bien de résoudre les problèmes que vous évoquiez tout à l’heure.

Mme Lise Magnier. Au bénéfice de ces explications, je retire mes amendements.

Les amendements II-CF157 et II-CF150 sont retirés.

M. Charles de Courson. Il faut rappeler, à l’intention de ceux de nos collègues qui ne connaissent pas le problème, que même si les activités annexes représentent 1 % ou 2 % du produit total, c’est l’ensemble du bâtiment qui est requalifié. L’amendement II-CF1328 est plein de sagesse, car il vise à éviter la requalification dans la limite de 10 %. Se pose évidemment le problème de savoir ce qui se passe au-delà de 10 %. Actuellement, me semble-t-il, il n’y a pas de proratisation. En ce qui me concerne, j’ai toujours défendu ce mécanisme : en dessous de 10 %, on est exonéré, au-delà on proratise, pour éviter les effets de seuil. Ce n’est pas ce qui est proposé à travers l’amendement II-CF1328. Si ses auteurs – notamment vous, monsieur le Rapporteur général – en étaient d’accord, ils pourraient rectifier l’amendement pour instaurer la proratisation au-delà de 10 %.

M. le Rapporteur général. Je vous invite, monsieur de Courson, à réfléchir à un sous-amendement en vue de la séance. À ce stade, nous pourrions nous contenter d’adopter cet amendement de consensus.

Mme Émilie Cariou. Je ne suis pas sûre que des proratisations de ce type existent s’agissant de la TFPB.

M. Charles de Courson. Précisément : il n’y en a pas.

Mme Émilie Cariou. Effectivement, monsieur de Courson : cela existe pour la cotisation foncière des entreprises (CFE), mais pas pour la TFPB. Les deux mécanismes sont très différents.

La commission adopte l’amendement II-CF1328 (amendement II-CF1963).

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Après l’article 53

Elle examine ensuite les amendements identiques II-CF8 de Mme Véronique Louwagie, II-CF101 de Mme Marie-Christine Dalloz et II-CF138 de Mme Lise Magnier.

Mme Véronique Louwagie. Nous vous proposons, à travers notre amendement, un mécanisme de suramortissement fiscal pour les investissements réalisés par les exploitants agricoles, notamment pour faire l’acquisition de matériels utilisant des technologies plus respectueuses de l’environnement. Je pense en particulier aux pulvérisateurs : le renouvellement du parc actuel est très limité, alors que cela irait dans le sens de la transition écologique, dont nous parlons beaucoup. Ce serait une manière de soutenir nos agriculteurs, et nous enverrions un message permettant d’accroître la sensibilisation, même si celle-ci existe déjà.

Mme Marie-Christine Dalloz. J’ajoute aux propos de Mme Louwagie que le parc de pulvérisateurs dans les exploitations agricoles a été estimé par une étude récente, au niveau national, à 200 000 unités, et que l’âge moyen des appareils est de quinze ans. Vous imaginez bien qu’au vu de l’évolution des technologies, et surtout avec la prise en compte de la dimension environnementale – notamment pour ce qui est des traitements phytosanitaires –, il conviendrait d’inciter nos exploitants à renouveler leur matériel. À cette fin, nous vous proposons un dispositif de suramortissement fiscal.

M. le Rapporteur général. Je vous rappelle que nous avons voté, en première partie du projet de loi de finances, l’article 18, qui favorise fortement les investissements dans le domaine agricole à travers la nouvelle déduction pour épargne de précaution, la DEP. L’adoption de cet article a d’ailleurs été saluée sur tous les bancs.

Par ailleurs, le dispositif que vous proposez ne me paraît pas suffisamment opérationnel : il pourrait bénéficier aux exploitants relevant du micro-bénéfice agricole, alors que l’abattement de 87 % prévu par ce régime inclut toutes les charges. En outre, si sa rédaction était strictement entendue, ce dispositif pourrait exclure les exploitations soumises à l’IS, puisque l’article 63 du CGI, visé par l’amendement, porte sur les bénéfices agricoles relevant de l’impôt sur le revenu. Enfin, il comporte un risque d’incompétence négative : il n’est pas précisé si la déduction de 40 % est immédiate ou pas, ni si elle porte sur chaque annuité d’amortissement du bien.

Compte tenu de ces différents éléments, j’invite leurs auteurs à retirer ces amendements. À défaut, l’avis sera défavorable.

La commission rejette les amendements identiques.

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Article 54
Transposition de la directive visant à éliminer
les doubles impositions entre États membres

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article assure la transposition d’une directive du 10 octobre 2017 – dont la transposition doit intervenir avant le 30 juin 2019 – relative aux « mécanismes de règlement des différends fiscaux dans lUnion européenne ».

Calqué sur le modèle de plusieurs conventions internationales dont la mise en œuvre n’est pas totalement satisfaisante, le présent dispositif prévoit :

– une procédure amiable reposant sur un échange entre les administrations fiscales concernées ; en cas d’accord entre ces administrations, celui-ci sert de base au règlement du différend sans pour autant priver le requérant de la faculté de porter ce cas devant la justice ;

– une procédure arbitrale sollicitée par le redevable, qui doit permettre d’aboutir à un avis contraignant pour les administrations fiscales.

Le présent article prévoit, par ailleurs, le cadre applicable à ces procédures et les modalités de fonctionnement de la commission consultative qui doit émettre cet avis.

Dernières modifications législatives intervenues

Ce dispositif est une nouveauté en droit interne.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

Selon l’intitulé retenu dans le cadre du présent projet de loi de finances, l’article 54 a pour objet la « transposition de la directive visant à éliminer les doubles impositions entre États membres » ; cet intitulé peut sembler trompeur dès lors que directive visée porte, pour sa part, sur « les mécanismes de règlement des différends fiscaux dans lUnion européenne » ([128]).

Certes, les différends dont la directive entend faciliter le règlement doivent provenir d’un problème d’application ou d’interprétation de conventions fiscales portant, pour leur part, sur l’élimination de la double imposition.

Le dispositif de la directive autant que le corps du présent article portent pourtant bien sur la création d’une procédure et d’un organe propres au règlement de ces différends, et non à l’élimination des doubles impositions en elles-mêmes.

Dans cette perspective, la présente analyse se concentrera donc davantage sur les mécanismes de règlement des différends fiscaux existant au niveau international que sur la politique d’élimination des doubles impositions en tant que telle.

Dans la mesure où cet article porte sur une procédure particulière, dont l’impact sur les finances publiques de l’État est très indirect, son rattachement au domaine de la loi de finances pouvait poser question.

L’article 34 de la loi organique relative aux lois de finances ([129]) prévoit que la loi de finances de l’année peut, en seconde partie, « comporter des dispositions relatives à lassiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature qui naffectent pas léquilibre budgétaire ». Selon l’évaluation préalable du présent article, la présente procédure de règlement des différends concernerait les règles d’assiette des impositions de toute nature ; on pourrait également considérer qu’il porte davantage sur les modalités de recouvrement d’un impôt dont l’assiette est, par ailleurs, inchangée par le présent article.

I.   L’État du droit

A.   les mÉcanismes de rÈglement des diffÉrends coordonnÉs au niveau de l’OCDE

La gestion des relations entre la France et les autres États dans le domaine du recouvrement des impôts repose sur un large éventail d’outils conventionnels, au premier rang desquels figurent les conventions en vue de l’élimination des doubles impositions.

La France est liée dans ce domaine par 120 conventions fiscales, ce qui en fait le second réseau au niveau mondial après celui du Royaume-Uni ; la liste complète de ces conventions a été rappelée récemment dans le cadre de l’avis de notre collègue Bénédicte Peyrol sur le projet de loi de ratification de la convention multilatérale associée au projet « BEPS », dont il sera question ci-dessous ([130]).

Le caractère bilatéral de ces conventions résulte historiquement du droit international et de la souveraineté des États dans ce domaine. Si leur objectif n’est pas au premier chef d’offrir sécurité juridique et facilité d’accès aux redevables concernés – principalement des entreprises mais aussi parfois des particuliers –, en pratique, l’existence de ce très large réseau conventionnel peut donner lieu à des difficultés d’interprétation et d’application, ce qui constitue une perte de temps, et parfois d’argent, pour les personnes les plus directement concernées par ces conventions.

Le droit international a été adapté pour éviter ce problème par deux moyens :

– la mise au point d’outils conventionnels multilatéraux standardisés, qui peuvent servir de référence à l’élaboration des conventions bilatérales ;

– l’organisation de procédures internationales permettant de régler les différends nés des divergences ou des conflits d’interprétation de ces conventions, sans passer nécessairement par la justice interne des États concernés.

Ces procédures de résolution des différends prennent généralement deux formes :

– une procédure amiable reposant pour l’essentiel sur l’idée qu’un échange constructif permettra de régler le conflit entre États de bonne volonté. Elle implique une simple obligation de moyens ;

– une procédure arbitrale, qui consiste en cas d’échec de la procédure amiable à transférer à une instance extérieure le soin de régler le conflit, en adoptant une décision dont l’intérêt majeur est de lier à la fois les États concernés et le contribuable ayant sollicité cette procédure. Elle implique donc une obligation de résultat.

Pour les entreprises, l’arbitrage « offre toutes les garanties nécessaires et conduit à des décisions beaucoup plus fermes équilibrées », ainsi que le soulignait en juin 2017 le directeur des affaires fiscales et douanières du groupe Michelin, M. Pascal Médard ([131]).

Pour le législateur national, il est important de garantir le fait que le développement de ces modes alternatifs de règlement des différends ne prive pas le contribuable français de la faculté de porter son cas devant la justice de son propre pays mais aussi le fait que les prérogatives de cette justice ne seront pas amoindries par ce développement.

1.   Le modèle de convention fiscale de l’OCDE : une procédure amiable obligatoire et une procédure arbitrale optionnelle

Depuis 1977, le modèle de convention fiscale de l’OCDE a pour objet de servir de base à l’élaboration des conventions fiscales bilatérales pour les États qui en sont membres ; elle contient notamment des dispositions destinées à faire converger les pratiques en matière de règlement des différends dans le domaine fiscal.

a.   La procédure amiable

L’article 25 du modèle de convention fiscale de l’OCDE prévoit une procédure amiable standardisée reposant sur les principes suivants :

– en premier lieu, cette convention type est prévue pour s’appliquer aux impositions sur le revenu et sur la fortune. Elle est donc susceptible de s’appliquer aux personnes physiques ou morales, ainsi que le prévoit explicitement son article 3 ;

– le point 1 de cet article 25 stipule que, lorsqu’une personne estime que les mesures prises par un État contractant entraînent pour elle une imposition non conforme aux dispositions de la convention, elle peut, indépendamment des recours de droit interne, soumettre son cas à lautorité compétente de lÉtat contractant dont elle est résidente.

C’est donc essentiellement au redevable de soulever un cas d’imposition contraire à la convention modèle ; il va sans dire que, dans la plupart des cas, ce redevable va se tourner vers le système judiciaire de son pays pour contester une imposition qu’il estime illégale : la question de l’articulation entre la procédure amiable fondée sur la convention fiscale et une éventuelle procédure juridictionnelle de droit interne est donc primordiale.

Dans le silence de la convention, les deux procédures peuvent être poursuivies en parallèle ; une décision juridictionnelle de droit interne ne prive pas le redevable de la faculté d’engager une procédure amiable.

Ce cas doit être soumis dans un délai de trois ans suivant la première notification de l’imposition contestée ;

– selon le point 2 de cet article, l’autorité compétente s’efforce, si la réclamation lui paraît fondée et si elle ne peut y répondre seule, d’y « apporter une solution satisfaisante, de résoudre le cas par voie daccord amiable avec lautorité de lautre État contractant ». L’accord est appliqué quels que soient les délais prévus par le droit interne de ces États.

La rédaction de ce point 2 laisse – en l’absence de précisions – une marge d’appréciation extrêmement grande aux autorités compétentes pour apprécier le caractère fondé de la réclamation et donc pour engager une procédure amiable dont l’opportunité est décidée, in fine, par elles. Cette marge d’appréciation leur permet, en pratique, d’écarter le recours à la procédure amiable lorsqu’une décision juridictionnelle de droit interne est déjà intervenue ;

– les autorités compétentes des États contractants s’efforcent, par voie d’accord amiable, de résoudre les difficultés ou de dissiper les doutes issus de l’interprétation ou de l’application de la convention modèle ;

– à cette fin, le point 4 de cet article 25 précise que la communication entre ces autorités compétentes peut être organisée au sein d’une commission mixte composée à cet effet.

b.   La procédure arbitrale

Le paragraphe 5 de cet article 25 prévoit les modalités selon lesquelles la procédure amiable est suivie d’une procédure arbitrale.

Cette procédure est engagée sous deux conditions :

– une personne a soumis un cas d’imposition non conforme à l’autorité compétente d’un État contractant dans le délai de trois ans mentionné précédemment ;

– lorsque les autorités compétentes ne parviennent pas à un accord amiable dans un délai de deux ans à compter de la présentation du cas. La procédure arbitrale intervient donc uniquement dans un second temps, en cas d’échec de la procédure amiable : il n’est pas prévu que les termes de l’accord amiable eux-mêmes puissent être soumis à une procédure arbitrale.

Lorsque ces conditions sont réunies, les questions non résolues doivent alors impérativement être soumises à arbitrage si la personne ayant présenté le cas en fait la demande.

C’est donc encore une fois au redevable contestant l’imposition qu’il revient d’actionner la procédure arbitrale, qui s’impose aux administrations fiscales concernées.

Contrairement à la marge de manœuvre laissée en cas de procédure amiable, cet article 25 prévoit une articulation plus claire entre procédure arbitrale et une éventuelle procédure juridictionnelle de droit interne : il est explicitement exclu que les questions non résolues soient soumises à arbitrage « si une décision sur ces questions a déjà été rendue par un tribunal judiciaire ou administratif de lun de ces États ».

La portée juridique d’une décision arbitrale laisse en principe peu de marge de manœuvre aux États concernés :

– la décision lie les deux États contractants et doit être appliquée quels que soient les délais prévus par le droit interne ;

– le redevable concerné conserve, pour sa part, la faculté de refuser la décision arbitrale.

Le commentaire de ce paragraphe 5 annexé à la convention précise que la procédure d’arbitrage ne doit pas dépendre de l’autorisation préalable des autorités compétentes ; il ne s’agit pas d’un recours supplémentaire, dans la mesure où l’accès à cette procédure est exclu lorsqu’il n’y a pas de question non résolue.

Le point 67 de ce commentaire précise, par ailleurs, que les États membres de l’Union européenne doivent assurer la mise en œuvre de ce paragraphe 5 en cohérence avec de la convention d’arbitrage applicable au sein de l’Union européenne.

L’obligation d’accéder à une demande de procédure arbitrale est toutefois fortement tempérée par la dernière phrase de l’article 25 de la convention modèle de l’OCDE, prévoyant que « les autorités compétentes des États contractants règlent par accord amiable les modalités dapplication de ce paragraphe » relatif à la procédure arbitrale.

En pratique, cette procédure est rarement reprise dans les conventions fiscales bilatérales, quand bien même elles sont élaborées sur la base de la convention modèle.

2.   Les avancées enregistrées dans le cadre du projet « BEPS »

En septembre 2013, le G20 a donné mandat à l’OCDE pour élaborer un plan d’action contre les pratiques d’érosion des bases imposables et de transfert de bénéfices auxquelles se livrent certaines multinationales au détriment des États, intitulé projet « BEPS », pour « Base Erosion and Profit Shifting » ([132]).

Le 16 novembre 2015, ont été entérinées lors du sommet d’Antalya en Turquie un ensemble de quinze actions prioritaires, parmi lesquelles on peut mentionner :

– l’action 14 consistant à accroître l’efficacité des mécanismes de règlement des différends, objectif lui-même détaillé de la manière suivante : « trouver des solutions pour lever les obstacles qui empêchent les pays de régler les différends relatifs aux conventions en recourant à la procédure amiable, notamment le fait que la plupart des conventions ne prévoient pas de clause darbitrage et que le recours à la procédure amiable et à larbitrage peut être refusé pour certains cas » ;

– l’action 15 prévoyant l’élaboration d’un instrument multilatéral pour modifier les conventions fiscales bilatérales.

L’action 14 fait partie des quatre actions du plan destinées à instaurer des normes minimales applicables à l’ensemble des États parties.

a.   L’action 14 du projet « BEPS »

Lors du sommet d’Antalya, chacune des quinze actions précitées a donné lieu à la publication d’un rapport, dont celui consacré à l’action 14 intitulé « Accroître lefficacité des mécanismes de règlement des différends » ([133]).

Ce rapport rappelle l’objectif de lutte contre l’érosion des bases fiscales qui sous-tend l’ensemble du plan, mais souligne que cette lutte ne doit pas se traduire par une « source dincertitude inutile pour les contribuables qui se conforment à leurs obligations, ni de situations de double imposition involontaires ».

Il est indiqué qu’en adoptant ce rapport, « les pays ont accepté dapporter des modifications importantes à leur mode de règlement des différends, en particulier en élaborant une norme a minima en matière de règlement des différends relatifs aux conventions, en sengageant à la mettre en œuvre rapidement et en acceptant dassurer sa mise en œuvre efficace au moyen dun mécanisme fiable de suivi ».

La norme minimale doit permettre de s’assurer que :

– les obligations relatives à la procédure amiable qui sont prévues par les conventions sont exécutées de bonne foi et que les différends donnant lieu à une procédure amiable sont résolus en temps opportun ;

– les processus administratifs favorisant la prévention et le règlement en temps opportun des différends relatifs aux conventions sont effectivement mis en œuvre ;

– que les contribuables sont en mesure de recourir à la procédure amiable lorsqu’ils peuvent y prétendre.

Il ressort du rapport que cette norme minimale doit être mise en œuvre par l’ensemble des pays adhérant au projet « BEPS ».

Plus concrètement, le rapport propose certaines interprétations de l’article 25 de la convention modèle de l’OCDE, consistant notamment à :

– ouvrir la procédure amiable aux cas portant sur les prix de transfert ;

– l’ouvrir aux cas dans lesquels le contribuable et les autorités fiscales concernées sont en désaccord sur la question de savoir si les conditions d’application d’une disposition anti-abus d’une convention sont remplies ou si l’application d’une disposition anti-abus du droit national est en conflit avec les dispositions d’une convention ;

– régler les différends soumis à la procédure amiable dans un délai de deux ans, et publier les lignes directrices adoptées pour poursuivre cette politique.

b.   La convention multilatérale transposant le projet « BEPS »

La mise en œuvre pratique du projet « BEPS » repose sur la convention multilatérale, dont l’Assemblée nationale – et en particulier sa commission des finances – a pu examiner les détails dans le cadre de l’examen de son projet de loi de ratification ([134]).

Comme le notait notre collègue Bénédicte Peyrol dans son avis précité sur ce projet de loi, « les conventions multilatérales ne sont pas une nouveauté dans le droit international, notamment en matière fiscale : existe déjà à titre dexemple limportante convention de 1988 et amendée en 2010 concernant lassistance administrative en matière fiscale, dans le cadre de laquelle deux accords multilatéraux complémentaires ont été adoptés, lun sur léchange automatique des déclarations pays par pays, lautre sur léchange automatique de renseignements sur les comptes financiers.

« La Convention multilatérale du projet " BEPS " revêt pourtant une dimension inédite eu égard à son objet stratégique, les conventions fiscales bilatérales, et à son principe, consistant à modifier dun coup celles-ci ».

Sans présenter à nouveau l’ensemble de l’économie de cette convention multilatérale, il convient d’en souligner les aspects qui portent spécifiquement sur le règlement des différends, en rappelant d’une manière générale qu’elle couvre 61 conventions fiscales conclues par la France (soit la moitié de son réseau conventionnel) et de relever que les modalités de mise en œuvre de la convention multilatérale par la France mettent en évidence des choix audacieux allant dans le sens d’une meilleure lutte contre l’évasion et l’évitement fiscal.

i.   La procédure amiable

Ainsi, l’article 16 de la convention multilatérale vise à transposer l’action 14 du projet « BEPS » précité, que la France a entrepris d’appliquer de manière intégrale.

Il détermine les modalités de la procédure amiable, à travers laquelle deux juridictions (fiscales) liées par une convention visant à éviter la double imposition s’efforcent de résoudre les difficultés résultant de la convention, sur demande d’un contribuable qui s’estime lésé.

La procédure amiable est ouverte à toute personne estimant que les mesures prises par une juridiction contractante entraînent une imposition non conforme aux dispositions de la convention multilatérale.

Il appartient à ce contribuable, dans un délai de trois ans à compter de la notification de la mesure d’imposition contestée, de saisir les autorités compétentes de l’une des juridictions contractantes. Si elles ne sont pas en mesure de résoudre la situation elles-mêmes, ces autorités s’accordent avec celles de l’autre juridiction pour aboutir à un accord amiable. La procédure amiable est faite indépendamment des recours prévus par le droit interne de chaque juridiction (et ne suppose donc pas l’épuisement de ces derniers pour pouvoir être activée).

Le point 5 de cet article 16 prévoit qu’un État contractant peut se réserver le droit de ne pas appliquer ce dispositif à ses conventions fiscales en vigueur. Toutefois, la France n’ayant formulé aucune réserve de ce type, l’article 16 s’applique à l’ensemble des conventions de non-double imposition qu’elle a notifiées.

ii.   La procédure arbitrale

Les articles 18 à 26 de la convention multilatérale sont par ailleurs consacrés à la mise en place d’une procédure d’arbitrage dite « facultative obligatoire ». Contrairement aux autres stipulations de la convention, qui s’appliquent par défaut sauf si une réserve est formulée, cette procédure est purement optionnelle : pour s’appliquer, elle doit avoir fait l’objet d’une décision expresse en ce sens de la part des États concernés. Dès lors que l’option a été retenue par l’État concerné, sa mise en œuvre devient toutefois obligatoire selon les standards définis dans la convention multilatérale.

En application de cet article, la France a opté pour l’application de l’arbitrage obligatoire. En l’état des informations disponibles, cette partie de la convention multilatérale, retenue par 28 juridictions, devrait enrichir plus de 150 conventions de non-double imposition ([135]).

• L’article 19 de la convention multilatérale précise que la procédure d’arbitrage s’appliquera si, à l’issue d’un certain délai à compter du lancement de la procédure amiable entre deux juridictions, aucun accord n’est trouvé.

Le délai à l’expiration duquel l’arbitrage peut être lancé est fixé, par défaut, à deux ans ; il peut être suspendu dans certaines hypothèses ([136]).

La France, comme le lui permet l’article 19 § 11, a décidé d’opter pour un délai de trois ans et non de deux, pour assurer à la procédure amiable une durée suffisante pour lui permettre d’aboutir.

Elle a également choisi de retenir la possibilité de ne pas soumettre un cas à arbitrage ou de mettre un terme à la procédure arbitrale si une juridiction a rendu sur la question en cause une décision ou, pour la seconde hypothèse, si une telle décision juridictionnelle est intervenue avant la communication par la commission arbitrale de sa décision (en application de l’article 17 § 12).

La décision arbitrale est mise en œuvre par le biais de l’accord amiable ; elle est contraignante à l’égard des États concernés, sauf lorsque le redevable la refuse. Dans cette hypothèse, le cas peut faire l’objet d’un examen complémentaire par les autorités compétentes ; la décision arbitrale est considérée comme refusée lorsque le redevable n’a pas retiré les autres actions engagées devant une juridiction ou une administration nationales.

Les articles 20 à 25 de la convention multilatérale portent sur les modalités pratiques d’organisation de la procédure d’arbitrage :

– la commission arbitrale est composée de trois experts en fiscalité internationale devant présenter des garanties d’impartialité et d’indépendance (notamment vis-à-vis des administrations fiscales nationales). Chacune des juridictions contractantes nomme un arbitre, ces deux arbitres nommant à leur tour le président de la commission, qui ne peut être résident ou ressortissant de l’une des deux juridictions ;

– la confidentialité de la procédure est garantie par l’article 21, qui étend également aux arbitres et à trois de leurs collaborateurs le droit de communication des informations en application des règles pertinentes relatives à l’échange de renseignements.

L’article 23 définit la méthode d’arbitrage en offrant deux options (en dehors d’un accord entre juridictions pour convenir de règles différentes de celles prévues à cet article) :

– celle de la « meilleure offre », entre l’offre présentée par chacune des deux juridictions ;

– celle de « l’opinion indépendante », consistant pour la commission arbitrale à décider elle-même la solution, sans proposition des juridictions, sur la base des éléments pertinents communiqués par celles-ci.

La France a opté pour la méthode de la meilleure offre, mais n’a pas formulé la réserve prévue à l’article 23 § 3 permettant d’exclure l’application de l’arbitrage avec des juridictions ayant opté pour la méthode de l’opinion indépendante. En conséquence, la méthode de la meilleure offre s’appliquera avec les juridictions ayant fait ce choix, et celle de l’opinion indépendante sera acceptée vis-à-vis des juridictions l’ayant retenue. L’application la plus large possible de l’arbitrage est ainsi assurée.

L’article 24 porte sur la possibilité pour des juridictions de s’accorder sur une solution différente de celle rendue par la commission arbitrale (dans les trois mois à compter de celle-ci) ;

L’article 25 précise les aspects financiers de l’arbitrage (répartition des coûts entre les juridictions contractantes).

B.   Le mÉcanisme de rÈglement des diffÉrends Établi au niveau europÉen

Au niveau européen, le règlement des différends repose sur la convention relative à l’élimination des doubles impositions en cas de correction des bénéfices d’entreprises associées, aussi dite « convention européenne d’arbitrage » du 23 juillet 1990 ([137]).

Elle prévoit également une procédure de règlement des différends en deux phases, à savoir une procédure amiable entre les autorités compétentes et une procédure d’arbitrage.

Cette convention d’arbitrage trouve son origine dans la proposition de directive concernant l’élimination des doubles impositions présentée par la Commission européenne en 1976, ainsi que dans le Livre blanc de 1985 sur l’achèvement du marché intérieur. Après une longue période de négociations au Conseil européen, la proposition de directive a finalement été abandonnée au profit d’une convention intergouvernementale.

Cette convention est entrée en vigueur le 1er janvier 1995, initialement jusqu’au 31 décembre 1999 ; elle a ensuite fait l’objet d’un protocole d’extension automatique par période de cinq ans.

Son objet est toutefois relativement limité, dans la mesure où elle vise uniquement les différends résultant de la double imposition frappant les entreprises des États parties à raison de la correction des bénéfices opérés dans lun de ces États.

1.   La procédure amiable

a.   Les entreprises et les transactions concernées

Cette procédure s’applique à un champ de bénéficiaires bien défini, c’est-à-dire aux entreprises associées, définies par l’article 4 de la convention comme :

– deux entreprises de deux États contractants dont l’une participe à la direction, au contrôle ou au capital de la seconde ;

– deux entreprises de deux États contractants dont les mêmes personnes participent à la direction, au contrôle ou au capital.

Elle vise donc les doubles impositions liées :

– soit aux transactions entre le siège d’une entreprise situé dans un État membre et un établissement stable dans un autre État membre ou entre deux établissements stables dans deux États membres différents ;

– soit aux transactions entre une entreprise et un établissement stable d’une autre entreprise associée située dans un troisième État membre.

La procédure amiable s’applique à l’impôt sur le revenu ou à l’IS, s’agissant des impositions françaises, ainsi qu’aux autres impôts équivalents dans les autres États européens.

Les articles 4 et 5 de la convention prévoient que le mécanisme de règlement des différends de cette convention trouvera à s’appliquer lorsqu’un État contractant envisage de corriger les bénéfices d’une entreprise à raisons des transactions mentionnées précédemment, et que l’entreprise conteste cette correction.

b.   Le déroulement de la procédure

L’entreprise peut soumettre son cas soit à l’autorité compétente de l’État dont elle est résidente, soit dans l’État dans lequel est situé son établissement stable, indépendamment des recours opérés en droit interne.

Cette saisine doit être adressée dans les trois ans qui suivent la première notification de la mesure susceptible d’entraîner une imposition non conforme à la convention.

L’administration est ensuite tenue d’y répondre dans un délai de six mois.

Une entreprise peut demander simultanément l’ouverture d’une procédure amiable dans le cadre d’une convention fiscale bilatérale ; dans cette hypothèse, chaque procédure est menée selon les règles qui lui sont propres.

La convention prévoit que l’autorité compétente s’efforce, « si la réclamation lui paraît fondée et si elle nest pas elle-même en mesure dy apporter une solution satisfaisante », de résoudre par voie d’accord amiable avec l’autorité compétente d’un autre État contractant concerné portant sur l’élimination de la double imposition.

L’accord amiable est appliqué quels que soient les délais de droit interne.

2.   La procédure d’arbitrage

La convention européenne prévoit, comme seconde phase en cas d’échec de la procédure amiable, une procédure d’arbitrage destinée à permettre un règlement effectif du différend.

À cet effet, une commission consultative est constituée si les autorités compétentes au sens de la convention ne parviennent pas à un accord amiable dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle le cas a été soumis à l’une des autorités compétentes.

Aux termes de l’article 7 de la convention, la constitution de cette commission consultative ne fait pas obstacle à des poursuites judiciaires ou des procédures visant à appliquer des sanctions administratives.

L’article 8 précise par ailleurs que l’État n’est pas obligé d’entamer une telle procédure lorsqu’une procédure judiciaire ou administrative devenue définitive a permis de déterminer qu’une des entreprises concernées est passible d’une pénalité grave. En dehors de ce cas, la constitution de la commission consultative est donc obligatoire.

L’article 11 prévoit que la commission consultative rend son avis dans un délai de six mois suivant sa saisine. Cet avis peut être rendu public, sauf opposition des entreprises concernées.

L’article 13 de la convention prévoit enfin que le caractère définitif des décisions prises par les États contractants au sujet des bénéfices visés par la convention ne s’oppose pas au recours des deux procédures visées ci-dessus.

C.   La directive dont la transposition est proposÉe

1.   L’augmentation du nombre des différends implique une amélioration des procédures de règlement au niveau européen

La directive du 10 octobre 2017 dont la transposition est proposée par le présent article trouve son fondement à la fois dans la multiplication des différends et dans le recours grandissant aux procédures amiables, soulignant leur intérêt pour les justiciables.

a.   L’augmentation du nombre cas soumis à procédure de règlement

Selon les chiffres figurant dans l’évaluation préalable, « le nombre de cas de double imposition donnant lieu à des procédures amiables en cours au sein des pays membres de lOCDE a été multiplié par trois en dix ans (7 190 en 2016 contre 2 352 cas en 2006) », étant précisé que « au sein de lUnion européenne, le nombre de cas pendants relatifs aux situations de double imposition en matière de prix de transfert a doublé entre 2014 et 2016 (910 cas en 2014, 1 804 cas en 2016) ». En France, 296 nouvelles demandes ont été déposées en 2016.

Ces chiffres de l’évaluation préalable méritent d’être rapprochés des statistiques – légèrement différentes mais plus récentes – mises en ligne sur le site de l’OCDE :

– au titre de l’année 2016 ([138]), il y avait un stock de 8 002 cas au 1er janvier ; pas moins de 2 917 demandes ont été déposées, et 2 657 demandes réglées jusqu’au 31 décembre 2016, le solde s’établissant à un stock de 8 262 cas à la fin de l’année 2016 ;

– pour l’année 2017 ([139]), un stock de 8 589 = affaires a été recensé en début d’année et de 8 961 affaires en fin d’année (avec 4 034 affaires déposées et 3 662 affaires réglées) ([140]).

Le tableau ci-dessous présent un échantillon des États ayant un stock de cas important en fin d’année 2017 (plus de 300).

États ayant un nombre important de procédures amiables en cours (fin 2017)

État

Stock de cas au début de lannée 2017

Nouveaux cas répertoriés en 2017

Cas réglés en 2017

Stock de cas à la fin de lannée 2017

Belgique

773

502

537

738

France

837

336

291

882

Allemagne

1 181

582

522

1 241

Inde

725

136

98

763

Italie

439

206

62

583

Pays-Bas

303

223

176

350

Suisse

366

169

197

338

Grande-Bretagne

319

344

206

457

États-Unis

977

299

293

983

Source : OCDE.

On constate que les États européens sont fortement représentés parmi ceux enregistrant un stock de cas important en cours de procédure amiable.

Il est, par ailleurs, intéressant de faire abstraction du stock des affaires, en isolant uniquement la tendance relative aux nouveaux cas déposés.

À cet effet, le tableau ci-dessous souligne cette tendance en répertoriant, à partir des statistiques de l’OCDE ([141]), les États membres de l’Union européenne les plus significatifs (plus de 100 cas nouveaux par an).

Évolution des cas de procÉdure amiable au niveau europÉen

État

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Allemagne

177

177

150

306

277

267

374

363

353

582

Belgique

71

213

120

120

151

124

205

428

426

502

France

154

169

135

173

181

216

201

173

296

336

Luxembourg

31

25

35

75

39

45

116

212

284

250

Pays-Bas

64

51

34

83

75

87

128

113

223

Royaume-Uni

44

56

68

54

69

79

117

115

109

344

Suisse

99

119

65

112

120

131

109

148

147

169

Total (monde entier)

1 311

1 599

1 341

1 624

1 678

1 910

2 259

2 509

2 917

4 034

Source : OCDE.

b.   Les raisons de cette augmentation

Le développement des échanges internationaux mais aussi la mise en œuvre progressive du projet BEPS sont généralement mis en avant pour expliquer cette tendance.

Si l’on en croit l’évaluation préalable, l’articulation des différents dispositifs existants dans ce domaine aboutit, pour la France, à un traitement très satisfaisant des demandes : l’administration fiscale parvient, à quelques exceptions près, à un accord amiable permettant l’élimination de la double imposition, le délai moyen de traitement étant de 2,8 années.

Cette efficacité de la procédure peut également expliquer un certain attrait des entreprises, témoignant d’un certain report des juridictions traditionnelles vers ce mode de règlement.

2.   Un mécanisme de règlement des différends perfectible au niveau européen

Comme indiqué précédemment, l’instrument multilatéral mis en place dans le cadre du projet « BEPS » permet la mise en place d’un dispositif d’arbitrage optionnel obligatoire, si chacun des États a opté pour celui-ci.

La France a opté pour cette clause, ainsi que 27 autres États. Le champ d’application du dispositif est toutefois limité par la mise en place de réserves laissées à l’initiative des États. La France, comme plusieurs autres partenaires européens (Allemagne, Espagne, Grèce et Finlande) a émis une réserve, afin de faire prévaloir la convention européenne d’arbitrage précitée.

La mise en œuvre de la directive permettra donc d’harmoniser les procédures applicables au sein de l’Union européenne, en offrant davantage d’efficacité et de lisibilité pour les redevables concernés.

3.   Les axes de la directive

La directive prévoit donc de parfaire le mécanisme de règlement des différends au niveau européen :

– applicable à l’ensemble des États membres, elle se substituera progressivement à la convention européenne d’arbitrage ;

– les différends relatifs aux personnes physiques et à la territorialité de l’IS, actuellement exclus du champ de la convention européenne d’arbitrage, sont intégrés dans le champ de la directive ;

– elle permettra de rendre plus systématique l’usage de la procédure d’arbitrage au niveau européen ;

– sa transposition est l’occasion d’inscrire ces procédures explicitement dans le droit interne, ce qui n’est pas le cas actuellement.

II.   Le dispositif proposÉ

Le présent article visant à transposer la directive du 10 octobre 2017 précitée, il reprend pour l’essentiel ses dispositions en les adaptant ponctuellement à notre ordre juridique interne.

A.   les options de transpositions retenues dans le cadre du prÉsent article

Compte tenu de la matière, une certaine marge d’appréciation a été laissée aux États membres pour transposer plusieurs points de la directive.

Le présent article est donc porteur de choix de transposition qui méritent d’être soulignés :

– l’article 16 de la directive permet aux États membres de suspendre la procédure d’arbitrage lorsqu’une procédure judiciaire ou administrative est susceptible d’aboutir à des sanctions pour fraude fiscale, faute intentionnelle ou négligence grave, option qui est reprise dans le présent article ;

– ce même article permet également de refuser totalement l’accès à la procédure d’arbitrage lorsque le différend a donné lieu, dans l’État membre qui refuse la procédure, à l’application de sanctions pour fraude fiscale, faute intentionnelle ou négligence grave, ou encore lorsque le différend n’a pas trait à un problème de double imposition. En cohérence avec la position française dans le cadre de l’OCDE et de la convention européenne d’arbitrage, le présent article prévoit ainsi que l’accès à la procédure d’arbitrage sera refusé en cas d’application de pénalités graves. Il en est de même en cas de décision juridictionnelle devenue définitive ;

– la possibilité, ouverte par ce même article 16, de clôturer automatiquement la procédure amiable en cas de décision juridictionnelle devenue définitive au cours de la procédure amiable n’a pas été retenue, afin de permettre à l’administration de l’autre État membre concerné de procéder de son côté au dégrèvement des impositions concernées et d’éliminer la double imposition lorsqu’elle partage le point de vue français ;

– la directive prévoit, enfin, la possibilité de confier la phase d’arbitrage à un comité permanent spécifiquement prévu par la directive, qui serait administré par l’Union européenne et aurait pour mission de traiter l’intégralité des cas d’arbitrages européens liés à l’application de cette directive.

Toutefois, les modalités pratiques de fonctionnement de ce comité permanent n’ont pas encore été négociées au sein de l’Union européenne ; de ce fait, les dispositions correspondantes de la directive ne sont pas transposées dans le cadre du présent article.

B.   le dÉtail du dispositif

Le présent dispositif introduit dans le livre des procédures fiscales (LPF) un nouveau chapitre composé des articles L. 251 B à L. 251 ZK, soit 33 articles.

1.   Les éléments relatifs au champ et à la procédure

a.   Le champ couvert par la procédure de règlement

L’alinéa 2 prévoit que les différends entre l’administration française et les administrations des autres États membres de l’Union européenne découlant de l’interprétation ou de l’application de conventions fiscales sur l’élimination de la double imposition, conclues entre la France et un ou plusieurs États membres de l’Union européenne aboutissant à une imposition non conforme à ces conventions peuvent faire l’objet d’une procédure de règlement selon les modalités prévues par le présent article du projet de loi de finances.

Cette rédaction reprend celle de l’article 1er de la directive, qui ne prévoit toutefois pas explicitement qu’il doive y avoir imposition non conforme effective pour pouvoir lancer la procédure (un avis d’imposition est suffisant).

Cet alinéa 2 précise par ailleurs que les conventions fiscales à prendre en compte sont celles relatives à l’élimination de la double imposition sur le revenu et sur la fortune. Le champ est donc plus large que la convention européenne d’arbitrage, qui porte uniquement sur certaines corrections des bénéfices des entreprises.

L’alinéa 3 définit la double imposition comme l’imposition par la France et un autre État membre d’un même revenu ou d’une même fortune relevant d’une convention fiscale, lorsque cette imposition donne lieu à une charge fiscale supplémentaire, à une augmentation de la charge fiscale ou à une annulation ou une réduction des pertes qui pourraient être utilisées pour compenser des bénéfices imposables.

Cette définition de la double imposition est celle prévue par l’article 2 de la directive.

b.   La demande d’ouverture

L’alinéa 9 prévoit que la procédure de règlement peut être engagée par tout contribuable « résident de France » ou d’un autre État membre au sens de la convention fiscale applicable, dès lors que ce résident est soumis à une imposition qui donne lieu à un différend tel que défini précédemment.

Cet alinéa reprend donc à la fois la définition des personnes concernées par la procédure, prévue au d de l’article 2 de la directive, et le champ des réclamations qui peuvent être présentées, résultant de l’article 3 de la directive.

Il en découle que la procédure est ouverte aux entreprises aussi bien qu’aux particuliers mais aussi que la procédure de droit français, qui résultera du présent article après son entrée en vigueur, sera ouverte à des résidents d’autres États membres de l’Union européenne.

On notera par ailleurs que l’article 2 de la directive définit les personnes concernées comme les personnes qui ont la qualité de « résident fiscal » d’un État membre ; le modèle de convention fiscale de l’OCDE définit par ailleurs le résident d’un État contractant comme « toute personne qui, en vertu de la législation de cet État, est assujettie à limpôt de cet État, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue ».

Conformément à ce qui est prévu dans l’article 3 de la directive, l’alinéa 10 du présent article prévoit que la demande d’ouverture de la procédure (« la réclamation » dans la terminologie de la directive) doit être déposée de manière simultanée auprès de l’administration fiscale en France et de l’ensemble des autorités compétentes des autres États membres concernés.

Cette réclamation doit être déposée dans un délai de trois ans à compter de la réception de la première mesure administrative pouvant entraîner une imposition non conforme.

L’alinéa 11 indique que, lorsque le demandeur est un particulier ou une entreprise qui n’est pas une grande entreprise et ne fait pas partie d’un grand groupe résident en France, il peut s’adresser à l’administration fiscale française qui se chargera d’effectuer toutes les communications aux administrations des autres États membres concernés.

Cette facilité est prévue par l’article 17 de la directive.

La directive prévoit, par ailleurs, que l’autorité compétente accuse réception de la réclamation sous deux mois et informe les autorités compétentes des autres États concernés dans ce même délai, ce qui n’est pas repris dans le présent article.

L’alinéa 13 prévoit que la réclamation fait l’objet d’une décision d’acceptation ou de rejet dans un délai de six mois suivant la réception de la réclamation.

L’alinéa 14 dispose que la décision de rejet doit être motivée, ce qui n’est pas explicitement requis par la directive, mais découle par ailleurs d’une mesure de droit interne de portée plus générale prévue par l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration.

L’alinéa 15 précise que, dans ce délai de six mois, l’administration fiscale peut décider de régler le différend unilatéralement. Elle le notifie alors au contribuable ainsi qu’aux administrations des États membres concernés. À la suite de cette notification, il est mis fin aux procédures engagées.

L’alinéa 16 organise l’articulation entre la procédure prévue par le présent article et celle applicable aux réclamations contentieuses relatives aux impositions de toute nature résultant du droit interne.

Il prévoit qu’en cas de réclamation contentieuse prévue conformément à l’article L. 190 du LPF, le délai de six mois mentionné ci-dessus est suspendu jusqu’à l’issue ou la clôture de la procédure contentieuse précitée.

L’alinéa 17 prévoit que lorsque l’administration fiscale n’a pas pris de décision dans ce délai de six mois, la demande d’ouverture est réputée acceptée.

Actuellement, l’article L. 231-1 du code des relations entre le public et l’administration prévoit en effet, depuis le 1er janvier 2016, que « le silence gardé pendant deux mois par ladministration sur une demande vaut décision dacceptation ». Ce délai de deux mois ne trouvera pas à s’appliquer dans le cadre du présent dispositif.

L’alinéa 18 prévoit que le rejet de la demande d’ouverture peut faire l’objet d’un recours devant le juge administratif lorsque la décision de rejet est prise par l’administration fiscale française et par toutes les autres administrations des États membres concernés.

c.   La procédure amiable

Les alinéas 21 à 28 définissent les modalités selon lesquelles se déroule la procédure amiable de règlement des différends :

– lorsque la réclamation est acceptée par l’administration fiscale française et les autres autorités compétentes, l’administration fiscale française doit traiter cette réclamation dans un délai de deux ans à compter de l’acceptation de la demande. Conformément à ce que dispose l’article 4 de la directive, le présent dispositif prévoit que ce délai peut être prorogé d’un an au plus sur décision motivée de l’administration fiscale, qui est communiquée au contribuable concerné et aux autres administrations des États membres, lorsque le cas est particulièrement complexe ;

– lorsque les administrations fiscales sont parvenues à un accord, celui-ci est contraignant à l’égard de la France et des États concernés et exécutoire pour le contribuable, sous réserve qu’il soit accepté par celui-ci et qu’il renonce à tout recours.

Lorsque d’autres recours ont été engagés, cet accord ne prend effet que lorsque le contribuable a transmis les preuves qu’il a été mis fin à ces recours. En cas de refus de cet accord par le contribuable, d’absence de réponse ou de transmission de ces preuves, la procédure de règlement est clôturée ;

– en cas d’absence d’accord dans le délai de six mois, l’administration notifie au redevable les raisons de cet échec ;

– lorsqu’une procédure administrative ou juridictionnelle est susceptible d’aboutir à une majoration d’impôt, la procédure amiable est suspendue jusqu’à l’issue définitive de la procédure.

d.   Les modalités de saisine de la commission consultative

Les alinéas 29 à 44 fixent les modalités selon lesquelles une commission consultative sera chargée de régler les différends en cas d’échec de la procédure amiable. La directive, ainsi que le présent article, n’utilisent pas le terme d’arbitrage, qui est pourtant celui utilisé plus explicitement dans la convention européenne d’arbitrage précitée.

La commission est saisie selon les modalités suivantes :

– la demande doit être formulée par le contribuable à l’administration française et à l’autorité compétente des autres États membres concernés ;

– la commission est constituée soit lorsque la demande de procédure amiable a été rejetée par une partie seulement des administrations de ces États membres ou lorsque cette demande a été acceptée mais que les administrations fiscales ne sont pas parvenues à un accord amiable ;

– la commission consultative est constituée dans un délai de cent vingt jours à compter de la demande.

La procédure devant la commission consultative ne peut pas être engagée :

– s’il a été fait des majorations d’impôt de 40 ou 80 % prévues aux articles 1728 et 1729 du CGI ou la majoration de 100 % prévue à l’article 1732 du CGI, en cas de déclaration tardive malgré une mise en demeure, découverte d’une activité occulte, manquement délibéré, abus de droit, manœuvre frauduleuse ou de procédure d’évaluation d’office ;

– si la demande n’a pas trait à une double imposition ;

– si une décision de justice définitive a confirmé l’imposition ou la décision de rejet de la demande d’ouverture.

Lorsque la commission consultative a été constituée suite à un refus d’engager la procédure de règlement, la décision concernant la mise en œuvre de cette procédure intervient dans un délai de six mois.

Par ailleurs, lorsque la commission consultative accepte la demande d’ouverture, la procédure amiable est engagée à la demande de l’administration fiscale. Lorsque la commission consultative a été constituée en l’absence d’accord amiable entre les autorités compétentes, elle rend un avis dont les modalités sont exposées ci-dessous.

e.   La composition de la commission et les règles de fonctionnement

Les alinéas 45 à 60 déterminent la composition de cette commission (un président, un représentant de chacune des autorités compétentes, et une personnalité indépendante nommée également par chacune de ces autorités compétentes) ainsi que les modalités selon lesquelles l’administration fiscale française peut s’opposer à la désignation de la personnalité indépendante.

Les alinéas 61 à 64 prévoient que les règles de fonctionnement de la commission sont déterminées par les autorités compétentes, ainsi que les règles à appliquer en l’absence de constitution ou en cas de désaccord sur les règles de fonctionnement.

Les alinéas 66 à 75 fixent les modalités selon lesquelles les renseignements peuvent être fournis à la commission et la protection des données ainsi transmises.

f.   L’avis de la commission consultative

Les alinéas 77 à 92 précisent les modalités selon lesquelles la commission consultative rend un avis destiné à régler le différend :

– cet avis est rendu dans un délai de six mois suivant la constitution de la commission, ou de neuf mois lorsque le cas est particulièrement complexe ;

– elle fonde son avis sur les conventions fiscales applicables au cas d’espèce en matière d’élimination de la double imposition et se prononce à la majorité simple ;

– l’avis est transmis à l’administration fiscale et au contribuable concerné ;

– l’administration fiscale et celle des autres États membres concernés conviennent de la manière de régler le différend dans un délai de six mois qui suit la notification de l’avis ;

– elles ne peuvent s’écarter de l’avis de la commission que si elles parviennent à un accord sur la manière de régler le différend dans ce même délai de six mois ;

– l’administration fiscale notifie sans délai la décision définitive au contribuable, au plus tard dans un délai de trente jours suivant cette décision ;

– cette décision prend effet à condition d’être acceptée par le contribuable, qui doit par ailleurs renoncer à tout recours dans un délai de 60 jours après la notification de la décision ;

– l’imposition du contribuable est modifiée conformément à la décision, sans qu’un délai prévu par le livre des procédures fiscales puisse lui être opposé ;

– en cas de refus du contribuable, d’absence de réponse ou de transmission des éléments relatifs au renoncement des autres voies de recours, la procédure est clôturée.

g.   Dispositions diverses

L’alinéa 90 prévoit que les autorités compétentes peuvent constituer une commission de règlement alternatif des différends, en lieu et place de la commission consultative prévue ci-dessus, afin de statuer sur la demande du contribuable ; cette commission alternative peut fonder ses décisions sur d’autres éléments que les conventions fiscales auxquelles la commission consultative doit se référer.

Aux termes de l’alinéa 95, la décision définitive est transmise sous forme de résumé pour une publication par la Commission européenne.

L’alinéa 98 précise que la demande d’ouverture de la procédure de règlement des différends prévue par le présent article met fin à toute autre procédure amiable ou de règlement des différends qui pourrait être fondé sur une convention ou un accord conclu par la France. Ces autres procédures sont automatiquement clôturées à la date de réception de la demande d’ouverture par une des administrations concernées.

L’alinéa 100 prévoit qu’il est mis fin à la procédure de règlement des différends si le juge saisi d’un recours contre l’imposition rend une décision devenue définitive après que le redevable a présenté une demande d’ouverture de la procédure de règlement, mais avant que la commission consultative ou la commission alternative n’ait rendu son avis.

h.   Entrée en vigueur

Le présent article s’applique à toute demande présentée à compter du 1er juillet 2019, portant sur des différends relatifs à des revenus ou des capitaux perçus au cours d’un exercice fiscal ouvert à compter du 1er janvier 2018.

Ces modalités d’entrée en vigueur sont conformes à l’article 23 de la directive, qui prévoit toutefois que les États membres concernés peuvent convenir d’appliquer la présente directive à des réclamations ou des exercices fiscaux antérieurs.

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*     *

La commission adopte l’article 54 sans modification.

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Article 55
Prorogation des aides fiscales à léconomie ultra-marine,
assortie de mesures anti-abus

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article proroge pour une durée de cinq ans les différentes aides fiscales en faveur de l’investissement outre-mer et porte leur terme au 31 décembre 2025. Il procède à plusieurs aménagements visant à recentrer les aides fiscales sur les exploitants locaux et à limiter certains abus constatés dans l’utilisation de ces dispositifs.

Le présent article prévoit ainsi :

– de supprimer les dispositions conditionnant l’extinction des dispositifs d’aide fiscale à la mise en place d’un mécanisme pérenne de préfinancement à taux zéro ;

– de renforcer les obligations relatives à l’exploitation minimale des investissements dont la méconnaissance peut entraîner la reprise de l’avantage fiscal : pour les investissements consistant en la construction, la rénovation ou la réhabilitation d’hôtels, ce délai est porté à quinze ans ;

– de mieux encadrer les modalités d’investissement indirect des exploitants ultra-marins et de recentrer sur eux le bénéfice de l’avantage fiscal : les contrats de crédit-bail ou de location devront être souscrits auprès d’établissements de crédit ou de sociétés de financement régulés par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ; le bénéfice de la réduction d’impôt prévue à l’article 199 undecies B du CGI sera limité aux seuls associés exerçant leur activité dans le département dans lequel l’investissement est réalisé ;

– de renforcer les obligations des monteurs en défiscalisation et d’aménager le régime de sanction applicable : l’inscription sur le registre national, qui devient public, devra être renouvelée tous les trois ans, les obligations d’assurance des monteurs sont renforcées et le montant de l’amende en cas de non-respect de leurs obligations déclaratives limité à 50 000 euros et assorti d’une tolérance en cas de premier manquement régularisé.

Le coût de la prorogation est estimé à 368 millions d’euros en 2020.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

À l’initiative de Mme Nicole Sanquer (UDI, Agir et Indépendants), la commission a adopté un amendement limitant à dix ans l’extension de l’obligation relative à l’exploitation minimale des investissements dans les cas de construction, rénovation ou réhabilitation d’hôtels, de résidences de tourisme ou de villages de vacances.

I.   L’état du droit

A.   plusieurs dispositifs fiscaux de soutien à l’investissement productif pour favoriser le développement économique des outre-mer

Dispositif de référence pour la défiscalisation en faveur de l’investissement outre-mer, la réduction d’impôt sur le revenu (IR) régie par l’article 199 undecies B du CGI et son dispositif « miroir » pour les sociétés soumises à l’IS, codifié à l’article 217 undecies du CGI, coexistent, depuis 2014 ([142]), avec un crédit d’impôt en faveur des investissements productifs neufs réalisés dans les départements d’outre-mer (article 244 quater W du CGI).

Les développements qui suivent seront principalement consacrés à la réduction d’impôt de l’article 199 undecies B du CGI, qui représente le principal outil fiscal en faveur des aides à l’investissement outre-mer et avec laquelle les deux autres dispositifs présentent des caractéristiques communes (cf. infra). À titre d’illustration, en 2017, la réduction d’impôt de l’article 199 undecies B du CGI représente 65 % de la dépense fiscale totale et concentre 88 % des bénéficiaires des dispositifs fiscaux ([143]).

1.   L’intervention publique comme moteur de la décision d’investissement

Héritier de dispositifs mis en place à la suite de la départementalisation des territoires d’outre-mer en 1946, l’article 199 undecies B du CGI dans sa rédaction actuelle est le fruit de plusieurs évolutions apportées principalement (mais non exclusivement) par les lois successives relatives à l’outre-mer.

Les tableaux ci-dessous rappellent les principales évolutions apportées aux différents dispositifs d’aide fiscale à l’investissement outre-mer.

principales évolutions apportées aux dispositifs fiscaux d’aide
à l’investissement outre-mer

Fondement légal

Réduction dimpôt sur le revenu prévue à larticle 199 undecies B du CGI

Déduction dimpôt sur les sociétés prévue à larticle 217 undecies du CGI

Loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l’outre-mer, dite loi « Girardin »

Inverse la logique : les secteurs éligibles au dispositif ne sont plus limitativement énumérés, au profit d’un principe général d’éligibilité des activités agricoles et des activités commerciales, industrielles ou artisanales assorti d’exclusions énumérées

– Remplace la liste des secteurs éligibles à la déduction d’IS définie par la loi « Pons », loi n° 86-824 du 11 juillet 1986 de finances rectificative pour 1986 au profit du même principe général d’éligibilité des activités agricoles et des activités commerciales, industrielles ou artisanales assorti d’exclusions énumérées

– Proroge le dispositif jusqu’au 31 décembre 2017

Loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer dite loi « LODEOM »

Apporte plusieurs aménagements :

– restriction de l’éligibilité de l’acquisition ou de la location de véhicules de tourisme ;

– modification de la base éligible à la réduction d’impôt ;

– aménagements des conditions de reprise de l’avantage fiscal ;

– extension du bénéfice du régime aux énergies renouvelables et aux câbles sous-marins de communication ;

– abaissement du seuil à partir duquel un agrément est requis en cas de schéma intermédié (250 000 euros)

– Élargit les secteurs éligibles aux activités de recherche et développement, aux énergies renouvelables ainsi qu’à la pose de câbles sous-marins

– Élargit la liste des secteurs soumis à l’agrément au premier euro et abaisse le seuil d’agrément à 250 000 euros par programme et par exercice, pour les investissements donnés en location

Loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009, article 87

– Instaure un plafond spécifique à la réduction d’impôt (article 199 undecies D du CGI) ;

– Étend le bénéfice de la réduction d’impôt aux investissements réalisés par les sociétés soumises à l’IS (sous conditions)

– Assouplit les modalités de report de la réduction d’impôt pour les contribuables professionnels

Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, article 36

– Exclut de la liste des investissements éligibles ceux portant sur l’installation de production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil, en raison de nombreuses fraudes constatées

– Exclut les sociétés en participation du champ de l’avantage fiscal, en raison des nombreux abus constatés

Aménagements identiques

Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, article 21

– Restreint le bénéfice de la réduction d’impôt aux seules entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 20 millions d’euros

Aménagements identiques

Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, article 71

– Rehausse le taux de la réduction d’impôt applicable aux opérations de rénovation d’hôtels à Saint-Martin

Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, article 110

– Proroge le dispositif jusqu’au 31 décembre 2020 dans les départements et régions d’outre-mer (DROM) et à Saint-Martin et jusqu’au 31 décembre 2025 dans les collectivités d’outre-mer (COM)

– Diminue progressivement le chiffre d’affaires permettant aux entreprises exerçant leur activité dans un DROM de bénéficier de la réduction d’impôt

– Précise le fait générateur de la déduction fiscale en cas de travaux de réhabilitation hôtelière

– Réduit le délai minimal de location des logements intermédiaires réalisés de 6 à cinq ans

– Proroge le dispositif jusqu’au 31 décembre 2020 dans les DROM et à Saint-Martin et jusqu’au 31 décembre 2025 dans les COM

Source : évaluation préalable du présent article.

Principales évolutions du crédit d’impôt prévu à l’article 244 quater W du CGI

Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, article 21

Création du crédit d’impôt en faveur des investissements productifs neufs réalisés outre-mer

Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, article 110

Modifie le délai minimal de location des logements intermédiaires

Proroge le dispositif jusqu’au 31 décembre 2020

Loi  2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique

Étend le bénéfice du crédit d’impôt à l’ensemble des sociétés soumises à l’IS, quel que soit le secteur d’activité, lorsqu’elles réalisent un investissement dans le logement intermédiaire dans un DOM

Loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017, article 21

Prévoit la mise en place d’un agrément simplifié pour les investissements dans le secteur de la production d’énergie renouvelable

Source : évaluation préalable du présent article.

Visant à aider « certains espaces géographiques (outre-mer) » ([144]) et, plus particulièrement, à « favoriser la relance de linvestissement privé grâce à un dispositif de défiscalisation qui suscite véritablement linitiative » ([145]), les mécanismes de soutien à l’investissement outre-mer, dits « de défiscalisation », tirent leur existence de la volonté de renforcer le caractère attractif des investissements outre-mer et s’inscrivent dans le cadre, plus large, de la compensation des « handicaps structurels auxquels les entreprises ultra-marines sont confrontées comme léloignement, linsularité ou les conditions climatiques » ([146]).

S’analysant comme des outils permettant de réduire le coût du capital et donc de favoriser l’investissement, les dispositifs de défiscalisation sont, globalement efficaces : l’avantage fiscal associé à l’investissement en renforce l’attractivité pour l’apporteur de fonds, ce qui permet de remédier à une partie des difficultés d’accès aux financements auxquelles sont exposés les acteurs économiques ultra-marins. En générant plus de 4 milliards deuros entre 2011 et 2014, ils ont permis de renforcer le développement économique et social des territoires ultra-marins ([147]).

Non pérennes, ces dispositifs fiscaux ont vocation à s’éteindre le 31 décembre 2020 pour les investissements réalisés en Guadeloupe, Guyane, à la Martinique, à Mayotte et à La Réunion (ci-après désignés, par commodité, par l’expression « départements et régions d’outre-mer » – DROM) et le 31 décembre 2025 pour les investissements réalisés à Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, à Saint-Barthélemy et dans les îles Wallis et Futuna (ci-après désignés, par commodité, par l’expression « collectivités d’outre-mer » – COM).

2.   Une réduction d’impôt d’application large

Les développements qui suivent se concentrent sur la réduction d’impôt de l’article 199 undecies B du CGI, qui constitue le principal vecteur du soutien aux investissements productifs neufs réalisés outre-mer.

a.   Des avantages fiscaux accordés au titre des investissements réalisés directement ou indirectement dans les outre-mer

Aux termes de l’article 199 undecies B du CGI, les contribuables domiciliés en France au sens de larticle 4 B du CGI peuvent bénéficier dune réduction dimpôt lorsqu’ils réalisent directement outre-mer certains investissements productifs neufs, dans le cadre d’une entreprise exerçant une activité agricole, industrielle, commerciale ou artisanale. Sont donc, en principe, exclus du dispositif les contribuables domiciliés dans les collectivités ultra-marines dotées de l’autonomie fiscale.

Afin de concentrer le dispositif sur les exploitants pour lesquels l’accès aux financements est le plus difficile (c’est-à-dire les plus petits exploitants), un critère relatif au chiffre d’affaires a été introduit dans la loi de finances pour 2016 ([148]) : la réduction d’impôt est ainsi ouverte aux exploitants exerçant leur activité dans un département d’outre-mer dont le chiffre d’affaires n’excède pas 20 millions d’euros. Ce seuil est porté à 15 millions d’euros pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019 et à 10 millions d’euros pour ceux ouverts à compter du 1er janvier 2020.

La réduction d’impôt bénéficie également aux associés ou membres personnes physiques domiciliés en France dune société soumise à lIR ([149]), à proportion de leurs parts respectives dans la société.

Les sociétés soumises de plein droit à lIS peuvent également, lorsque leurs actions sont intégralement et directement détenues par des personnes physiques domiciliées en France, et lorsqu’elles ont pour « objectif exclusif lacquisition dinvestissements productifs en vue de la location au profit dune entreprise située dans les départements ou collectivités doutre-mer » ([150]) ; bénéficier de la réduction d’impôt. Un agrément préalable du ministre chargé du budget est requis ([151]). De la même manière que pour les sociétés à l’IR, l’avantage fiscal est alors réparti entre les associés, conformément à leurs droits respectifs.

Outre les exploitants individuels domiciliés en France métropolitaine ou dans les DROM, qui bénéficient personnellement, lorsqu’ils réalisent directement l’investissement, de l’avantage fiscal, les exploitants individuels situés dans les territoires ultra-marins peuvent bénéficier d’une partie de l’avantage fiscal lorsque l’investissement est réalisé dans le cadre d’un schéma locatif par une personne domiciliée en France au sens de l’article 4 B du CGI.

Par dérogation au principe selon lequel l’investissement doit être exploité par son propriétaire, le schéma locatif permet à un exploitant local qui n’est pas propriétaire de l’investissement de l’exploiter et de bénéficier d’une partie de l’avantage fiscal associé. Les propriétaires non exploitants sont ainsi tenus de rétrocéder une fraction de l’avantage fiscal auquel l’investissement ouvre droit, sous forme d’une diminution du loyer et du prix de cession du bien à l’exploitant ([152]). Cette fraction s’élève à 56 % dans le cas où le montant par programme des investissements est inférieur à 300 000 euros et à 66 % du montant de la réduction d’impôt dans les autres cas.

Si ce mode d’investissement « indirect » est autorisé, son utilisation est encadrée et soumise au respect de plusieurs conditions ([153]) :

– l’investissement doit être mis à la disposition de l’exploitant dans le cadre d’un contrat de location conclu pour une durée au moins égale à cinq ans ou pour la durée normale d’utilisation de l’investissement si celle-ci est inférieure. Le contrat ne doit prévoir aucune prestation annexe autre que celles strictement accessoires et nécessaires à la mise à disposition du bien ;

– le contrat de location doit revêtir un caractère commercial ;

– l’exploitant locataire aurait pu bénéficier de l’avantage fiscal s’il avait été imposable en France au sens de l’article 4 B du CGI et acquis directement l’investissement.

Le non-respect de ces conditions est susceptible d’entraîner la reprise de l’avantage fiscal au titre de l’année au cours de laquelle les conditions ne sont plus remplies.

Ce mode de financement indirect permet ainsi aux exploitants situés dans les COM de bénéficier du dispositif fiscal et vise notamment à permettre à l’exploitant local de devenir, à terme, le propriétaire de l’investissement.

b.   Un large champ d’investissements éligibles

Il convient de rappeler, à titre liminaire, que les investissements productifs sont soumis au respect des dispositions du règlement général d’exception par catégorie (RGEC) ([154]). Ainsi, les investissements éligibles réalisés dans les DROM et à Saint-Martin doivent-ils constituer des investissements initiaux et ne doivent pas être exploités par une entreprise en difficulté au sens du RGEC.

Le bénéfice de l’avantage fiscal est conditionné au respect de plusieurs critères, au premier rang desquels figure le secteur d’activité dans lequel est réalisé l’investissement. Depuis 2003 et la loi dite « Girardin », la liste limitative de secteurs d’activité éligibles a été remplacée par un principe général d’éligibilité des activités agricoles, commerciales, industrielles ou artisanales, assorti d’exclusions listées à l’article 199 undecies B du CGI.

secteurs éligibles à la réduction d’impôt au titre des investissements productifs réalisés outre-mer
(article 199 undecies B du CGI)

Principe général déligibilité des activités agricoles, commerciales, industrielles ou artisanales

Exclusions générales

Éligibilité dérogatoire

Commerce

Cafés, débits de tabac et débits de boisson, restauration

– restaurants dont le dirigeant ou un salarié est titulaire du titre de maître-restaurateur

– restaurants de tourisme classés à la date de publication de la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques.

Conseils ou expertise

Éducation, santé et action sociale

Banque, finance et assurance

Activités immobilières

Navigation de croisière, la réparation automobile, les locations sans opérateurs

Location directe de navires de plaisance ou location directe au profit des personnes physiques utilisant pour une durée n’excédant pas deux mois des véhicules de tourisme.

Services fournis aux entreprises

Maintenance, activités de nettoyage et de conditionnement à façon, centres d’appel.

Activités de loisirs, sportives et culturelles

Exception pour celles qui s’intègrent directement et à titre principal à une activité hôtelière ou touristique et qui ne consistent pas en l’exploitation de jeux de hasard et d’argent ainsi qu’aux activités de production et de diffusion audiovisuelles et cinématographiques.

Activités associatives

Activités postales

Source : commission des finances.

Par ailleurs, la réduction d’impôt est accordée au titre des investissements productifs neufs ainsi qu’au titre :

– des travaux de rénovation et de réhabilitation d’hôtel, de résidence de tourisme et de village de vacances classés, lorsque les travaux constituent des éléments de l’actif immobilisé ;

– des investissements affectés plus de cinq ans par le concessionnaire à l’exploitation d’une concession de service public local à caractère industriel et commercial réalisés dans les secteurs éligibles ;

– des équipements et opérations de pose de câbles sous-marins de communication desservant pour la première fois la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion, Mayotte, la Polynésie française, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, les îles Wallis et Futuna, la Nouvelle-Calédonie ou les Terres australes et antarctiques françaises.

Certains investissements nécessitent un agrément préalable. C’est notamment le cas lorsque le montant des investissements est supérieur, par programme, à un million d’euros lorsqu’ils sont effectués directement ou à 250 000 euros lorsqu’ils sont réalisés dans le cadre d’un schéma locatif ainsi que lorsqu’ils interviennent dans des domaines considérés comme sensibles ([155]).

c.   Détermination de l’avantage fiscal

L’assiette de la réduction d’impôt est constituée du prix de revient des investissements, « hors taxe et frais de toute nature, notamment les commissions dacquisition, à lexception des frais de transports, dinstallation et de mise en service amortissables », diminué de la fraction de leur prix financée par une aide publique.

Certains investissements font l’objet de dispositions spécifiques, à l’instar des câbles sous-marins pour lesquels la base éligible à la réduction d’impôt est égale à la moitié du coût de revient ([156]).

Les investissements productifs réalisés dans les conditions prévues à l’article 199 undecies B du CGI ouvrent droit à une réduction d’impôt d’un montant de 38,25 %. Ce taux peut faire l’objet de majorations, en fonction du lieu de l’investissement ou du secteur d’activité.

Lorsqu’ils sont effectués dans le cadre de schémas locatifs, les taux de la réduction d’impôt sont différents.

Taux de la réduction d’impôt pour les investissements productifs réalisés dans les conditions prévues à l’article 199 undecies B du CGI

(en %)

Taux

Investissements réalisés directement par lexploitant

Investissements dans cadre de schémas locatifs

Taux de rétrocession de 66 %

Taux de rétrocession de 56 %

Taux « normal »

38,25

45,3

44,12

Taux « normal » en Guyane, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon et dans les îles Wallis et Futuna

45,9

54,36

52,95

Taux applicables aux investissements dans le secteur de la production dénergie renouvelable

45,9

54,36

52,95

Taux applicables aux investissements dans le secteur de la production dénergie renouvelable en Guyane, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon et dans les îles Wallis et Futuna

53,55

63,42

61,77

Taux applicable aux opérations de rénovation et de réhabilitation dhôtel, de résidence de tourisme et de village de vacances classés dans les départements d’outre-mer

53,55

63,42

61,77

Taux applicable aux opérations de rénovation et de réhabilitation dhôtel, de résidence de tourisme et de village de vacances classés à Saint-Martin, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna, dans les Terres australes et antarctiques françaises, à Saint-Pierre-et-Miquelon et en Nouvelle-Calédonie

45,90

54,36

52,95

Source : commission des finances.

Le montant total des réductions d’impôt obtenues au titre des investissements outre-mer et des reports de ces réductions pouvant être imputé sur le montant de l’impôt est, en principe, limité à 40 000 euros. Ce plafond peut toutefois être majoré. C’est notamment le cas lorsque l’investissement productif est réalisé par un exploitant agissant à titre professionnel au sein de sa propre entreprise ou lorsqu’il est réalisé dans le cadre d’un schéma locatif ([157]).

Le plafonnement global de certains avantages fiscaux de l’article 200-0 A du CGI s’applique également, après application du plafond spécifique pour les investissements outre-mer.

La déduction fiscale du résultat imposable prévue à larticle 217 undecies du CGI répond à des objectifs similaires.

Le dispositif s’applique aux investissements de même nature effectués dans les départements doutre-mer et dans les mêmes secteurs que ceux définis à l’article 199 undecies B du CGI. Il s’applique également aux investissements en faveur du logement intermédiaire.

Les sociétés effectuant de tels investissements peuvent ainsi déduire de leur résultat imposable la fraction du prix de revient des investissements, calculée dans les mêmes conditions que celle décrites supra. L’avantage fiscal acquis au titre de la déduction peut donner lieu à un déficit qui peut être reporté, dans les conditions de droit commun.

À l’instar de la défiscalisation précédemment détaillée, l’investissement peut être réalisé directement par l’exploitant local ou mis à sa disposition par l’investisseur. Ce dernier est alors tenu de rétrocéder 77 % de l’avantage fiscal obtenu.

L’agrément du ministre du budget est requis dans les mêmes conditions que celles prévues pour la réduction d’impôt.

Les investissements réalisés dans les collectivités doutre-mer sont régis par larticle 217 duodecies du CGI, lequel procède à un renvoi vers l’article 217 undecies précité.

B.   un mode de soutien à l’investissement appelé à évoluer

1.   La substitution des crédits d’impôt aux réductions d’impôt, horizon et objectif du soutien à l’investissement outre-mer

Introduit par la loi de finances pour 2014, le crédit d’impôt de l’article 244 quater W du CGI a vocation, à terme, à se substituer au dispositif de défiscalisation de l’article 199 undecies B du CGI. Les investissements en faveur du logement social peuvent, de la même manière, donner lieu à une réduction d’impôt (article 199 undecies C du CGI) ou à un crédit d’impôt qui bénéficie directement aux organismes de logement social ([158]).

Fréquemment évalués et tout aussi fréquemment critiqués pour leurs effets indésirables, les dispositifs de défiscalisation ont vocation, à terme, à être supprimés et, dans l’intervalle, à être davantage encadrés.

Les différentes évaluations conduites sont convergentes : la principale critique adressée aux mécanismes de défiscalisation est le phénomène dit d’évaporation fiscale par lequel une part – non négligeable – de l’avantage fiscal est « captée » par les intermédiaires et ne bénéficie donc pas aux exploitants ultra-marins. Les effets d’aubaine associés à des dispositifs qui ne prennent pas en compte la situation de l’entreprise exploitante ([159]) et qui financent en partie par un dispositif fiscal des investissements qui auraient pu l’être en l’absence de mécanisme incitatif spécifique ou des investissements mal ou pas adaptés à la situation économique locale ([160]) complètent la liste des griefs.

L’efficience de la dépense fiscale associée à la défiscalisation, jugée faible par le comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales ([161]) (cotation 1) en 2011 a été confirmée par la Cour des comptes. Cette dernière concluait en 2012 ([162]) son analyse par la recommandation de supprimer les dispositifs de défiscalisation en faveur des investissements productifs, au profit « dautres modes dintervention, moins coûteux pour le budget de lÉtat » ([163]).

Partant, la transformation des mécanismes « traditionnels » de défiscalisation en crédits d’impôt doit être saluée. Elle participe notamment du recentrage du bénéfice de l’avantage fiscal sur les exploitants locaux et limite, de facto, les risques de dérives dans lesquelles certains monteurs en défiscalisation ont eu l’occasion de s’illustrer.

L’évolution des dépenses fiscales associées aux différents dispositifs de soutien à l’investissement outre-mer semble indiquer une progressive mais néanmoins réelle accommodation des acteurs économiques aux évolutions des outils fiscaux.

2.   Les outils traditionnels de défiscalisation, une dépense tendanciellement en baisse

Les tableaux et graphiques ci-dessous illustrent l’évolution des dépenses fiscales concernant les outils d’aide à l’investissement ultra-marin. Tendanciellement en baisse, les dispositifs « classiques » de défiscalisation représentent toujours une dépense significative, de plus de 300 millions d’euros en 2017 et 2018, qui atteint plus de 400 millions d’euros en 2017 si l’on ajoute les dépenses associées au crédit d’impôt en faveur des investissements productifs.

Évolution de la réduction d’impôt à raison des investissements
productifs réalisés outre-mer
(article 199 undecies B du CGI)

 

Année

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Nombre de bénéficiaires

(ménages)

13 370

18 600

21 100

24 100

19 450

16 645

18 328

18 808

18 727

19 645

na

Montant de la dépense (en millions deuros)

640

767

710

700

470

377

313

297

282

302

335

Source : Évaluations des voies et moyens, tome II.

Évolution de la réduction d’impôt à raison des investissements
productifs réalisés outre-mer

Source : commission des finances.

Déduction d’impôt sur les sociétés du montant de certains investissements productifs ou immobiliers réalisés outre-mer et des souscriptions au capital de sociétés qui réalisent de tels investissements (1)

Dépense fiscale n° 320113 (articles 217 undecies et 217 duodecies)

Année

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Nombre de bénéficiaires

(entreprises)

4 200

3 800

3 700

2 500

2 430

2 560

2 720

2 600

1 500

1 340

na

Montant de la dépense (en millions deuros)

150

135

160

175

144

180

170

140

97

63

61(p)

(1) Les données ne distinguent pas les investissements réalisés dans les « DROM » de ceux réalisés dans les « COM ».

Source : Évaluations des voies et moyens, tome II.

Déduction d’impôt sur les sociétés du montant de certains investissements productifs ou immobiliers réalisés outre-mer et des souscriptions
au capital de sociétés qui réalisent de tels investissements (1)

(1) Les données ne distinguent pas les investissements réalisés dans les DROM de ceux réalisés dans les COM.

Source : commission des finances.

Évolution du crédit d’impôt à raison
des investissements réalisés outre-mer
(Article 244 quater W du CGI)

Année

2015

2016

2017

Nombre de bénéficiaires (entreprises)

0

704

1 154

Montant de la dépense (en millions deuros)

0

40

102

Source : Évaluations des voies et moyens.

II.   Le dispositif proposé : des aménagements au service des objectifs de soutien à l’investissement ultramarin

A.   le recentrage des aides fiscales à l’investissement sur les exploitants locaux et le meilleur encadrement des schémas intermédiés

1.   Proroger les dispositifs d’aide fiscale à l’investissement ultramarin

Devant arriver à leur terme le 31 décembre 2020, les principaux dispositifs de soutien à l’investissement dans les départements d’outre-mer font l’objet d’une prorogation de cinq ans par le présent article.

Rappelant que « les projets les plus structurants pour les secteurs industriels et du logement ([164]) nécessitent des investissements très importants et des délais conséquents pour les réaliser », l’évaluation préalable justifie la prorogation par la nécessité « dapporter aux agents économiques une sécurité et une visibilité à long terme sur les aides fiscales qui permettent le financement de leurs projets » ([165]).

Sont ainsi prorogés, conformément aux conclusions du Livre bleu des outre-mer ([166]), jusqu’au 31 décembre 2025 :

– les investissements productifs neufs réalisés dans les conditions prévues à l’article 199 undecies B du CGI (a du 2° du A du I du présent article) ;

– les investissements productifs réalisés dans les conditions prévues à l’article 217 undecies du CGI (a du 4° du B du I) ;

– les investissements productifs réalisés dans les conditions prévues à l’article 244 quater W du CGI (a du 4° du E du I).

Dates d’application des principaux dispositifs
en faveur de l’investissement outre-mer

Régime

Réduction IR

(article 199 undecies B
du CGI)

Déduction dIS

(article 217 undecies du CGI)

Crédit dimpôt à lIR
et à lIS

(article 244 quater W du CGI)

Champ

Investissements productifs dont la liste est fixée à l’article 199 undecies B, réalisés dans les DROM et les COM

(Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte, à La Réunion, à Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Saint-Barthélemy, îles Wallis et Futuna)

Investissements productifs dont la liste est fixée à l’article 199 undecies B + investissements en faveur du logement intermédiaire, effectués dans les DROM (Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte, à La Réunion)

N.B. Les investissements similaires réalisés dans les COM et à Saint-Martin sont régis par larticle 217 duodecies du CGI

Investissements productifs neufs ou investissement dans le secteur du logement intermédiaire (pour les seules entreprises à l’IS) effectués dans les seuls départements doutre-mer

Date d’application

31 décembre 2020 pour les investissements réalisés en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte, à La Réunion et à Saint-Martin

31 décembre 2025 pour les investissements réalisés à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française à Saint-Barthélemy et dans les îles Wallis et Futuna

Investissements mis en service (ou fondations achevées) jusqu’au 31 décembre 2020

Investissements réalisés entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2020

Modification proposée par le présent article

Prorogation de la réduction dimpôt aux investissements mis en service jusquau 31 décembre 2025 (alignement sur la date applicable aux investissements effectués dans les COM)

Prorogation de la déduction dassiette aux investissements mis en service jusquau 31 décembre 2025 (article 217 undecies du CGI) et prorogation identique pour les investissements réalisés à Saint-Martin (article 217 duodecies du CGI)

Prorogation du crédit dimpôt aux investissements mis en service jusquau 31 décembre 2025

Source : commission des finances.

Pour mémoire, le crédit d’impôt en faveur du logement social, prévu à l’article 244 quater X du CGI, a été prorogé jusqu’au 31 décembre 2025 par l’article 11 du présent projet de loi de finances.

De la même manière que pour le logement social outre-mer, le présent article procède à la suppression des dispositions introduites, dans des termes très sibyllins par la loi de finances pour 2016 ([167]), visant à conditionner lextinction des dispositifs de défiscalisation à la mise en place de mécanismes pérennes de préfinancement des investissements.

Sont ainsi supprimées les clauses introduites à l’article 199 undecies B (b du 2° du A du I du présent article), 217 undecies (b du 4° du B du I) et 244 quater W du CGI (b du 4° du E du I).

Réduction dIR

(article 199 undecies B du CGI)

Déduction dIS

(article 217 undecies du CGI)

Crédit dimpôt à lIR et à lIS

(article 244 quater W du CGI)

L’extinction du dispositif de réduction d’impôt, prévue au premier alinéa du présent VI, est conditionnée par la mise en place dun mécanisme pérenne de préfinancement à taux zéro des investissements productifs neufs mentionnés au présent article en complément du maintien du dispositif de crédit dimpôt prévu à larticle 244 quater W ou, à défaut, par la création dun dispositif pérenne permettant aux entreprises ultramarines déchelonner sur cinq ans le paiement de leurs investissements productifs mentionnés au présent article sans recourir à un emprunt bancaire et à un prix de revient diminué d’un taux d’abattement équivalent aux taux prévus au III du même article 244 quater W

L’extinction de la déduction d’impôt aux dates d’échéance prévues au deuxième alinéa du présent V est conditionnée par la mise en place dun mécanisme pérenne de préfinancement à taux zéro des investissements productifs neufs mentionnés au présent article en complément du maintien du dispositif de crédit d’impôt prévu à l’article 244 quater W ou, à défaut, par la création dun dispositif pérenne permettant aux entreprises ultramarines déchelonner sur cinq ans le paiement de leurs investissements productifs mentionnés au présent article sans recourir à un emprunt bancaire et à un prix de revient diminué d’un taux d’abattement équivalent aux taux prévus au III du même article 244 quater W

L’extinction du crédit d’impôt aux dates prévues au présent IX n’intervient, conformément aux derniers alinéas du VI de l’article 199 undecies B et du V de l’article 217 undecies, que dans le cas où un dispositif pérenne permettant aux entreprises ultramarines déchelonner sur cinq ans le paiement de leurs investissements productifs mentionnés au présent article, sans recourir à un emprunt bancaire et à un prix de revient diminué d’un taux d’abattement équivalent aux taux prévus au III, a été créé à la date de ces échéances

Source : commission des finances.

Le caractère peu normatif de cette disposition entretient une ambiguïté préjudiciable à la bonne application des dispositifs. Cet élément, notamment souligné par le rapporteur spécial des crédits de la mission Outre-mer ([168]), plaide pour sa suppression.

Elle pose également des questions sur la nature du soutien apporté à l’investissement dans les outre-mer. Introduite par voie d’amendement, cette condition vise à prolonger indéfiniment l’application des dispositifs d’aides fiscales à l’investissement outre-mer ; ce qui n’est pas conforme à l’objectif initial de l’article 199 undecies B du CGI et, en l’espèce, peu opérant, compte tenu de la formulation retenue.

La défiscalisation des investissements productifs a été conçue pour « relancer linvestissement ultra-marin » ([169]). Par définition conjoncturelle, la relance de l’investissement peut s’accompagner de dispositifs de nature plus pérenne mais leur mise en place ne devrait pas faire l’économie d’une réflexion plus avancée. Si les outre-mer ont incontestablement besoin de mécanismes venant au soutien du développement économique, ils ont surtout besoin de dispositifs finement calibrés, à même de répondre aux réalités économiques et sociales locales. Un réexamen régulier de la pertinence et de l’efficacité des outils mobilisés dans cette perspective, dans un délai compatible avec le besoin de stabilité des investisseurs, semble devoir être encouragé.

La prorogation pour cinq ans des dispositifs existants permet de donner aux exploitants locaux davantage de temps pour se saisir du crédit d’impôt prévu à l’article 244 quater W du CGI.

2.   Renforcer les obligations relatives à l’exploitation minimale des investissements dont la méconnaissance peut entraîner la reprise de l’avantage fiscal

L’avantage fiscal associé à chacun des dispositifs fiscaux est subordonné au respect de conditions, dont les principales ont été rappelées supra. Parmi elles, figure notamment l’obligation d’exploitation minimale de l’investissement pour l’activité pour laquelle il a été acquis ou créé. Ainsi, les investissements doivent-ils être exploités pendant au moins cinq ans, sous peine de reprise de l’avantage fiscal. Ce délai peut être inférieur ou supérieur à cinq ans, selon la durée normale d’utilisation des investissements.

Le présent article prévoit de porter à quinze ans l’obligation d’exploitation des investissements consistant « en la construction, la rénovation ou la réhabilitation dhôtels, de résidences de tourisme ou de villages de vacances », quelle que soit la nature du dispositif fiscal utilisé : réduction dimpôt de larticle 199 undecies B (c du A du I du présent article), déduction dassiette de larticle 217 undecies (1° à 3° du B du I) ou crédit dimpôt de larticle 244 quater W (3° du E du I).

Aucune distinction n’est actuellement opérée en l’état du droit selon le secteur d’activité dans lequel l’investissement est effectué. Rappelant que le tourisme est un secteur d’activité majeur pour les économies des outre-mer, l’évaluation préalable avance, au soutien de l’allongement du délai minimal d’exploitation, la nécessité de limiter les abus qui ont pu être constatés dans certains cas. Assez peu contraignante, la durée de cinq ans a pu conduire certains propriétaires à morceler, cinq ans après leur réalisation, les investissements pour les affecter à des logements privés (« appartements ou villas ») et non plus touristiques. Sans être généralisée, cette pratique, qui constitue un détournement du dispositif d’aide fiscale, serait fortement empêchée avec un délai d’engagement minimal de quinze ans.

Les hôtels ayant vocation à être exploités sur une longue période, la durée proposée semble cohérente avec l’horizon temporel des exploitants.

Par ailleurs, il semblerait qu’en pratique, « dans le cadre des décisions dagrément accordées, les exploitants sont déjà tenus de souscrire des engagements dexploitation de quinze ans » ([170]).

3.   Mieux encadrer les modalités d’investissement indirect des exploitants locaux et recentrer sur eux le bénéfice du dispositif fiscal

a.   Un meilleur encadrement des conditions de mise en location des investissements

Le crédit d’impôt en faveur des investissements productifs neufs, applicable dans les DOM en application de l’article 244 quater W du CGI, en limitant les phénomènes d’évaporation fiscale qui conduisent à une déperdition de l’avantage fiscal, permet aux exploitants ultra-marins de bénéficier de l’avantage fiscal, qu’ils investissent directement ou via un contrat de location avec option d’achat (LOA) ou d’un contrat de crédit-bail.

Le présent article prévoit de préciser que les investissements sont donnés en location par des établissements de crédit ou des sociétés de financement mentionnés à l’article L. 511-1 du code monétaire et financier. Il s’agit d’établissements soumis à de nombreuses obligations professionnelles et contrôlés par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).

Considérées comme des opérations de crédit au sens du code monétaire et financier ([171]), les opérations de crédit-bail et de LOA sont soumises à l’ensemble des dispositions du code de la consommation, notamment celles relatives à l’information des consommateurs, aux pratiques commerciales abusives, aux conditions de formation et d’exécution du contrat et au taux effectif global (taux d’intérêt).

L’aménagement proposé par le présent article s’analyse donc comme un renforcement des garanties offertes aux exploitants locaux, lesquels ne seront plus exposés à des taux d’intérêt excessifs voire usuraires. L’évaluation préalable s’appuie notamment sur certaines dérives constatées, par lesquelles des sociétés de portage effectuent des investissements et les mettent à la disposition des exploitants locaux dans des conditions abusives pour expliquer cet encadrement.

b.   Un recentrage du crédit d’impôt en faveur des investissements productifs sur les exploitants ultra-marins

Lorsque lentreprise exploitant linvestissement outre-mer est une société relevant de lIR, les associés bénéficient du crédit dimpôt de larticle 244 quater W du CGI proportionnellement à leurs droits dans la société, dès lors qu’ils sont eux-mêmes redevables de l’IR ou qu’ils sont des personnes physiques participant de manière personnelle, directe et continue aux actes nécessaires à l’exploitation. Seules les personnes physiques qui agissent en tant quexploitants bénéficient effectivement de laide fiscale.

Aucun critère comparable nest prévu pour les associés à lIS. Le présent article prévoit d’y remédier et de limiter le bénéfice de lavantage fiscal aux seuls associés exerçant leur activité dans le département dans lequel linvestissement a été réalisé. Ce complément permettra d’assurer la cohérence entre les investisseurs et participe d’un recentrage de l’avantage fiscal sur les exploitants locaux.

4.   Renforcer les obligations des monteurs en défiscalisation et aménager le régime de sanction applicable

Évolution des obligations relatives aux monteurs en défiscalisation

Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, article 101

– Création des obligations déclaratives des monteurs en défiscalisation

– Création d’une amende en cas de non-respect des obligations déclaratives (article 1740-00 du CGI)

Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, article 85

Modification de la portée des obligations déclaratives : obligation pour les monteurs de déclarer l’existence de leur activité auprès du représentant local de l’État dont dépend leur siège social

Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, article 21

Ces obligations s’appliquent également aux crédits d’impôt prévus aux articles 244 quater W et 244 quater X du CGI

Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, article 78

Obligation pour les monteurs en défiscalisation de signer et de respecter les dispositions de la charte de déontologie

Source : évaluation préalable du présent article.

Soumis à des obligations déclaratives dont la méconnaissance est passible de sanctions, les monteurs en défiscalisation doivent notamment s’inscrire sur un registre tenu par le représentant de l’État dans le département ou la collectivité dans lequel ils ont établi leur siège social ([172]).

Le non-respect par les monteurs en défiscalisation de leurs obligations déclaratives les expose au paiement d’une amende égale à 50 % du montant des avantages fiscaux indûment obtenus ([173]).

Soulignant les lacunes du dispositif actuellement applicable, l’évaluation préalable prévoit deux types d’aménagements portant respectivement sur les obligations applicables aux intermédiaires ainsi que sur le régime de sanction.

a.   Un renforcement des obligations incombant aux intermédiaires

Le registre sur lequel sont tenus de s’inscrire les monteurs en défiscalisation est rendu public (1° du D du I du présent article) et l’inscription valable pour une durée de trois ans (B du III). La publicité du registre et le renouvellement régulier de l’inscription participent d’un meilleur encadrement de l’intermédiation des opérations d’investissement et devraient permettre de remédier aux dysfonctionnements actuellement constatés.

Les services de contrôles et de délivrance des agréments ont parfois des difficultés à s’assurer que les monteurs impliqués dans les dossiers pour lesquels ils doivent délivrer un agrément sont bien inscrits sur le registre, en l’absence de communication systématique de la liste des monteurs inscrits par les services préfectoraux. Dans cette perspective, la publicité du registre permettra un meilleur contrôle.

Le renouvellement régulier de l’inscription au registre, tous les trois ans, permettra de s’assurer que les monteurs respectent toujours leurs obligations, en particulier s’agissant de celles relatives à la moralité et à la probité. Ces obligations sont précisées dans le décret du 10 février 2015 ([174]).

Le présent article prévoit également d’étendre l’obligation d’assurance qui pèse sur les monteurs aux risques afférents au montage des opérations réalisées pour bénéficier des avantages des dispositifs de soutien à l’investissement outre-mer ([175]) (2° du D du I du présent article).

B.   Un aménagement du régime de sanction pour le rendre plus pertinent

Actuellement fixé à 50 % du montant des avantages fiscaux indûment obtenus par un monteur en défiscalisation, le montant de l’amende applicable en cas de méconnaissance des obligations déclaratives énoncées à l’article 242 septies du CGI n’a, depuis sa création en 2011 ([176]), fait l’objet d’aucune application.

En l’état, le prononcé de la sanction nécessite, pour établir le montant de l’amende, de connaître la totalité des avantages fiscaux procurés par un monteur à l’ensemble de ses clients au cours d’une année donnée. Cela inclut notamment les opérations réalisées sans agrément. Il est donc, en pratique, très compliqué d’obtenir ces informations.

À ce constat, dressé dans l’évaluation préalable, s’ajoute celui du caractère peu approprié de la détermination de l’amende, compte tenu de son absence de lien avec la situation du monteur sanctionné : « Une amende dont le quantum est fixé à la moitié des avantages fiscaux obtenus pour autrui apparaît disproportionnée eu égard à la gravité de la défaillance déclarative quelle sanctionne. » ([177])

Le présent article propose donc d’introduire un montant maximal de 50 000 euros pour l’amende prévue à l’article 1740-00 du CGI (1° du H du I du présent article) et prévoit une tolérance en cas de première infraction commise mais réparée (2° du H du I). L’amende ne sera ainsi pas applicable en cas de première infraction commise au cours de l’année civile en cours ou des trois années précédentes dès lors que l’omission a été réparée, spontanément ou dans un délai de trente jours suivant la demande de l’administration.

C.   l’impact budgétaire

Le coût de la prorogation des différents dispositifs d’aide fiscale à l’investissement outre-mer est estimé à 375 millions deuros par an à compter de 2022. Ce montant inclut le coût de la prorogation prévue à l’article 11 du présent projet de loi de finances s’agissant du crédit d’impôt en faveur de l’investissement dans le logement social.

Évaluation du coût associé à la prorogation de cinq ans des principaux dispositifs de soutien à l’investissement outre-mer

(en millions d’euros)

Dispositif

Coût estimé de la prorogation
à partir de 2022

Coût total à partir de 2022

Prorogation jusqu’en 2025 de l’application de l’article 199 undecies B (réduction d’impôt)

214 au titre de la prorogation dans les DOM et à Saint-Martin

300

Prorogation jusqu’en 2025 de l’application de l’article 217 undecies (déduction d’IS)

52 au titre de la prorogation dans les DOM et à Saint-Martin

63

Prorogation jusqu’en 2025 de l’application de l’article 244 quater W (crédit d’impôt)

102

­

Prorogation jusquen 2025 de lapplication de larticle 244 quater X (crédit dimpôt en faveur du logement social)  article 11 du PLF 2019

7

­

Total

375

­

Source : commission des finances.

Les autres aménagements proposés dans le présent article ne sont, selon les cas, pas chiffrables, associés à un impact négligeable ou sans incidence budgétaire.

*

*     *

La commission examine l’amendement II-CF1086 de M. Philippe Dunoyer.

M. Philippe Gomès. Cet amendement vise à étendre l’aide fiscale à l’investissement outre-mer au secteur des maisons de retraite – et, de manière plus générale, aux maisons pour personnes âgées, dépendantes ou non. Le besoin en la matière, pourtant avéré, n’est pas satisfait dans l’ensemble des outre-mer, et plus particulièrement dans les collectivités françaises du Pacifique. Le vieillissement accru des populations rend plus criante encore l’insuffisance du dispositif d’hébergement. Facteur aggravant, les dispositifs fiscaux favorables tels que le « Censi-Bouvard » ou le régime du loueur en meublé non professionnel ne sont pas applicables dans les collectivités d’outre-mer.

M. le Rapporteur général. Le vecteur que vous utilisez n’est pas le plus approprié, puisque l’article 199 undecies B du CGI, visé par le dispositif, concerne les investissements productifs. Le principe posé dans l’article est celui d’une éligibilité par principe des investissements réalisés notamment dans les activités agricoles et commerciales, avec des exclusions nommément citées, parmi lesquelles figurent la santé, l’éducation et l’action sociale. Le vecteur, je le répète, n’est donc vraiment pas approprié. Au demeurant, je ne suis pas sûr non plus que le moyen que vous proposez soit très efficace, étant donné qu’il existe déjà le fonds exceptionnel d’investissement (FEI), dont les dotations sont portées à 110 millions d’euros dans le projet de loi de finances. Le dispositif proposé serait moins efficace que celui-ci. Je vous demande donc de retirer votre amendement. À défaut, avis défavorable.

M. Philippe Gomès. Je le maintiens. Si le vecteur juridique n’est pas le bon, nous corrigerons cet amendement en vue de la séance. Le FEI sera, bien sûr, susceptible d’accueillir ce type d’investissements, mais il faut mener une véritable politique d’investissement dans ces structures dans l’ensemble des outre-mer. Voilà pourquoi nous proposons d’étendre à ce secteur le dispositif pérenne de défiscalisation outre-mer qui s’applique déjà à un certain nombre d’investissements, notamment aux logements locatifs, aux hôtels et aux résidences de tourisme.

M. Charles de Courson. Je profite de cet amendement, monsieur le Rapporteur général, pour vous demander si vous êtes ouvert à l’idée d’étendre aux territoires ultramarins le dispositif « Censi-Bouvard ».

M. le Rapporteur général. Monsieur de Courson, je propose, au contraire, une extinction progressive du « Censi-Bouvard », dans des conditions qui ne soient pas trop brutales.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement II-CF340 de M. Lénaïck Adam.

Mme Maina Sage. Il s’agit d’exclure la Guyane et Mayotte du dispositif visé. En effet, la faiblesse des structures éducatives, médicales et sociales de ces territoires pourrait justifier un renforcement des constructions, et donc l’octroi d’une réduction d’impôt sur le revenu pour les contribuables domiciliés en France qui souhaitent investir dans ces domaines.

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, l’amendement II-CF166 de Mme Nicole Sanquer, l’amendement II-CF1053 de M. Philippe Dunoyer et l’amendement IICF165 de Mme Nicole Sanquer.

Mme Nicole Sanquer. L’amendement II-CF166 vise à supprimer l’extension de cinq à quinze ans de la durée pendant laquelle les investisseurs métropolitains ont l’obligation de conserver leurs parts dans les sociétés ou groupements dans lesquels ils investissent. Je préconise de conserver la durée actuelle, à savoir cinq ans.

M. Philippe Gomès. L’amendement II-CF1053 vise, d’une part, à ramener à dix ans la durée pendant laquelle il est fait obligation d’exploiter les infrastructures touristiques ayant bénéficié de l’aide fiscale à l’investissement. Actuellement, la durée est de cinq ans. Étant donné qu’un certain nombre de réorientations de l’investissement ont été constatées à l’échéance, il a été jugé opportun d’allonger cette durée. Le projet de loi vise ainsi à la porter à quinze ans. Il me semble que le fait de passer de cinq à quinze ans constituerait un handicap pour le développement de nouveaux projets. Il paraît donc opportun de limiter la durée à dix ans.

D’autre part, en ce qui concerne les investisseurs en défiscalisation, dont il faut rappeler qu’ils mobilisent leurs fonds dans le seul but d’aider au financement de projets dont ils ne sont pas les exploitants, l’extension à quinze ans, proposée dans l’article, serait totalement mortifère. Dans ce cas, il nous paraît indispensable de maintenir la durée traditionnelle, à savoir cinq années. À défaut, le dispositif resterait inscrit dans la loi mais ne trouverait plus de traduction sur le terrain.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable à l’amendement II-CF166. Les amendements II-CF1053 et II-CF165 visent quant à eux à raccourcir la durée prévue pour l’obligation d’exploiter les constructions à des fins touristiques, en la ramenant à dix ans. Si les dispositifs visés ont été proposés par le Gouvernement, c’est parce que des abus ont été constatés. Cela étant, étendre la durée à dix ans est peut-être un compromis raisonnable. Cela vaudrait le coup, madame Sanquer, que vous puissiez exposer un amendement de ce type devant le Gouvernement, pour voir quelle sera sa position définitive. S’agissant de l’amendement II-CF165, je m’en remets donc à la sagesse de la commission. Je demande à M. Gomès de bien vouloir se rallier à cet amendement, et donc de retirer l’amendement II‑CF1053.

L’amendement II-CF1053 est retiré.

La commission rejette l’amendement II-CF166.

Elle adopte l’amendement II-CF165 (amendement II-2045).

Elle examine ensuite l’amendement II-CF139 de M. Philippe Dunoyer.

M. Philippe Gomès. La loi de finances pour 2014 a prévu un dispositif d’extinction progressive de la défiscalisation traditionnelle en la transformant, en ce qui concerne les entreprises ayant un chiffre d’affaires inférieur à 20 millions d’euros, en crédit d’impôt. Toutefois, le dispositif, qui avait vocation à décliner progressivement – jusqu’à 5 millions d’euros, puis zéro – était lié à la mise en place de financements pérennes par les établissements financiers.

Pour les petites entreprises, qui ont peu de fonds propres et pour lesquelles l’accès au crédit bancaire est difficile, le passage au système du crédit d’impôt était quasiment impossible. C’est la raison pour laquelle notre collègue Serge Letchimy avait fait adopter un amendement conditionnant l’extinction du dispositif à la mise en place de mécanismes de financement pérennes. Tel n’a pas été le cas jusqu’à présent, comme me l’ont confirmé l’Association française des banques et la Banque publique d’investissement (BPI), que j’ai auditionnées. Il nous paraît donc indispensable de conserver la disposition en l’état.

M. le Rapporteur général. Pour ma part, je crois sincèrement que le dispositif « Letchimy » – appelons-le ainsi – est dérogatoire à la loi de programmation des finances publiques. Je ne suis donc pas du tout favorable à l’existence d’un système de défiscalisation permanent et ne faisant l’objet d’aucune évaluation. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement II-CF1093 de M. Philippe Gomès.

M. Philippe Gomès. Il est proposé, par cet amendement, de prendre en compte le fait que le taux de l’IS en métropole a vocation à diminuer – la trajectoire vise un taux de 25 % à l’horizon 2022. Or, dans les collectivités relevant de l’article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie, les montages en défiscalisation dépendent du taux de l’IS. Ces collectivités subissent donc une atteinte forte ; l’attractivité des investissements s’en trouve nettement diminuée. On imagine bien les désordres que cela entraîne pour les projets qui ont d’ores et déjà été engagés.

Pour cette raison, nous proposons tout simplement, à travers cet amendement et le suivant – même s’il s’agit de mécanismes différents –, que les montages en question bénéficient d’un niveau d’avantage équivalent à celui qu’il y avait lorsque le taux de l’IS était fixé à 33 % en métropole. Nous avions déjà eu l’occasion de proposer ce dispositif et M. le Rapporteur général avait laissé la porte entrouverte.

M. le Rapporteur général. Non seulement cet amendement n’est pas soutenable sur le plan budgétaire, mais nous irions très au-delà de l’objectif de compensation de la baisse du taux de l’IS. Avis défavorable.

M. Philippe Gomès. Vous venez de rejeter mon amendement de façon lapidaire, mais il ne s’agit pas du tout de créer un avantage supplémentaire ou d’augmenter le niveau d’aide fiscale. L’objectif est simplement de maintenir l’avantage au niveau précédemment fixé. La modification du niveau de l’IS a pour conséquence, pour les collectivités ayant une autonomie fiscale, que les schémas de défiscalisation reposant sur l’IS ne sont plus attractifs. Si on ne corrige pas le dispositif, ces schémas vont dépérir. En sus, je le répète, un certain nombre de dossiers ont d’ores et déjà été montés.

Je vous rappelle, monsieur le Rapporteur général, qu’il était prévu que la proposition fasse l’objet d’un examen juridique par les services compétents du Gouvernement ou de l’Assemblée. Voilà pourquoi j’ai de nouveau déposé cet amendement. Je ne sais pas si vous avez eu le temps de procéder à l’examen en question. Le Gouvernement avait lui aussi laissé la porte ouverte, de façon que cette mesure de justice à l’égard des collectivités de l’article 74 et de la Nouvelle-Calédonie soit effectivement mise en œuvre.

M. Charles de Courson. Monsieur le Rapporteur général, vous estimez que le taux de 45,3 % prévu dans cet amendement pour le crédit d’impôt n’est pas au bon niveau par rapport au taux de l’IS, lequel sera, à terme, de 25 %. Pouvez-vous donc nous dire quel serait, selon vous, le bon niveau ?

M. le Rapporteur général. Là n’est pas la question, monsieur de Courson. Avec cet amendement, on passerait d’un système de déduction d’assiette de l’IS à un système de réduction de l’impôt, créant ainsi un avantage fiscal considérable. C’est la raison fondamentale de mon avis défavorable à l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement II-CF1209 de M. Philippe Gomès.

M. Philippe Gomès. L’objet de cet amendement est le même que celui du précédent, même si les modalités diffèrent. L’idée est donc bien, je le répète, de ne pas dégrader le niveau d’aide apporté aux projets d’investissements réalisés dans les collectivités de l’article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie du fait de la baisse du taux normal de l’IS – baisse qui n’affecte pas les départements d’outre-mer. L’aide fiscale apportée aux projets dans le cadre des opérations de défiscalisation reposant sur l’IS est directement proportionnelle au taux de l’IS en vigueur l’année du fait générateur de l’investissement. La trajectoire de baisse du taux de l’IS pour toutes les entreprises à partir de 2019 aurait, de ce fait, un impact négatif sur tous les projets des collectivités concernées si cet effet n’était pas corrigé.

Il convient de rappeler que cette baisse de l’IS ne s’applique pas aux collectivités ultramarines disposant de l’autonomie fiscale. Le présent amendement vise à affecter aux projets un coefficient de révision permettant d’annuler – et non pas de majorer, monsieur le Rapporteur général – l’effet négatif de la baisse de l’IS sur le niveau de l’aide qui leur est apportée. Là encore, une expertise devait être effectuée.

M. le Rapporteur général. Il y a là un vrai sujet : dans certains territoires, effectivement, la question de l’attractivité des investissements se pose. Il peut aussi être décidé par ces territoires d’agir sur la trajectoire du taux d’IS et d’arriver à un ensemble tout à fait cohérent. En l’espèce, cependant, je ne peux pas donner un avis favorable à votre amendement au motif qu’en Nouvelle-Calédonie le percepteur de l’impôt est différent de ce qui existe dans d’autres territoires.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite les amendements identiques II-CF71 de Mme Véronique Louwagie et II-CF105 de Mme Marie-Christine Dalloz.

M. Jean-Pierre Vigier. Conformément aux engagements pris à l’issue des Assises de l’outre-mer, l’article 55 du projet de loi de finances pour 2019 proroge jusqu’au 31 décembre 2025 l’ensemble des dispositifs d’investissement outre-mer réservés aux entreprises. Néanmoins, le crédit d’impôt pour les investissements productifs réalisés outre-mer prévu à l’article 244 quater W du CGI serait recentré pour que l’intégralité de l’avantage fiscal bénéficie effectivement aux seuls exploitants ultramarins. Cette nouvelle écriture du dispositif opère une confusion complète entre l’exploitant et l’investisseur. Pour garantir l’attractivité des outre-mer et continuer à y attirer des investisseurs, il est nécessaire d’encourager ces derniers. C’est pourquoi il est proposé de revenir sur la restriction apportée.

M. le Rapporteur général. La proposition contenue dans l’article 55 est un gage de cohérence, puisqu’elle marque la fin d’une asymétrie entre les associés selon que la société relève de l’IR ou de l’IS. Cela recentre l’avantage fiscal sur les exploitants locaux – démarche qui ne peut qu’être saluée, et ce quels que soient la collectivité ou le territoire concernés. Opposer les intérêts et les logiques des investisseurs et des exploitants locaux ne peut se faire qu’au détriment de l’intérêt économique des outre-mer. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Elle examine ensuite l’amendement II-CF1088 de M. Philippe Gomès.

M. Philippe Gomès. Cet amendement vise à rendre l’activité de monteur en défiscalisation incompatible avec l’exercice de certaines professions réglementées – en l’espèce celles d’avocat, de commissaire aux comptes, d’expert-comptable, d’huissier de justice et de notaire. Il s’agit d’encadrer davantage cette activité professionnelle.

M. le Rapporteur général. Ce qui me gêne le plus dans cet amendement, c’est qu’il exclut des professions qui sont assujetties à des règles déontologiques particulières et qui, précisément, sont de nature à fournir l’expertise technique requise pour les opérations de défiscalisation. Compte tenu des abus que l’on observe, c’est tout simplement dangereux. Avis défavorable.

M. Philippe Gomès. Je le retire : je m’en voudrais de défendre un amendement dangereux...

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement II-CF167 de Mme Nicole Sanquer.

Mme Nicole Sanquer. Cet amendement correspond tout à fait à l’esprit qui a présidé à la rédaction de l’alinéa visé. En effet, on ne peut que cautionner la levée d’une sanction dès lors que l’auteur était de bonne foi et a réparé son erreur. Je propose simplement d’aller encore un peu plus loin en levant la sanction pour l’auteur d’une erreur sans gravité se révélant être constitutive d’une infraction.

M. le Rapporteur général. La modification proposée ne me semble pas nécessaire, puisque la rédaction de l’article couvre déjà toutes les erreurs, quelle qu’en soit d’ailleurs la gravité, dès lors qu’elles ont été réparées. Par ailleurs, l’adoption de cet amendement introduirait une différence, donc une hiérarchie entre les obligations déclaratives à respecter, ce qui ne me paraît pas souhaitable. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission adopte ensuite l’article 55 modifié.

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Après l’article 55

La commission examine l’amendement II-CF967 de Mme Émilie Bonnivard.

Mme Émilie Bonnivard. Cet amendement vise à favoriser la réalisation d’opérations immobilières de tourisme dans les stations de ski, afin de créer des lits durablement « chauds ». Depuis plusieurs années, en effet, les stations touristiques, notamment les stations de ski, pâtissent de la sortie de lits touristiques du secteur marchand, à raison de 3 % environ par an. Or, le nombre de lits loués est directement corrélé au modèle économique des domaines skiables.

Mon amendement vise à favoriser les investissements dans des opérations immobilières neuves à travers des sociétés civiles de placement immobilier (SCPI). En effet, ces sociétés optimisent au maximum le remplissage de leurs biens et réinvestissent périodiquement pour prévenir leur obsolescence. Il s’agit donc d’inciter les particuliers, à travers une exonération d’impôt sur les revenus fonciers, à acheter des parts de sociétés civiles de placement immobilier opérant dans certaines stations bien précises, lorsque ces sociétés contribuent vertueusement au développement par de l’immobilier marchand.

M. le Rapporteur général. Malgré mon tropisme montagnard, je ne peux qu’être défavorable à cet amendement qui vise à ressusciter ce que l’on appelait les « SCPI Robien », lesquelles sont mortes pour une raison très simple : leur coût était exorbitant. Par ailleurs, et pour être tout à fait honnête, je ne suis pas sûr que ce soit le meilleur moyen de créer ce que vous avez appelé des lits « durablement chauds ».

La commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement II-CF1334 de M. Dominique Da Silva.

M. Dominique Da Silva. Cet amendement vise à inciter les entreprises, notamment les plus petites, à investir, sur la base du volontariat, dans la construction de logements pour leurs salariés. En effet, ces derniers ne peuvent pas toujours bénéficier d’une politique publique adéquate en fonction des territoires, du marché du travail et des secteurs d’activité concernés.

Certains emplois en tension, en particulier dans les secteurs de l’hôtellerie, de la restauration – en particulier pour les postes de saisonniers – ou du bâtiment ne trouvent pas facilement preneur en raison de l’impossibilité d’avoir un logement adapté et au loyer abordable. Pour parvenir à un équilibre, notamment dans le logement intermédiaire, nous proposons d’ouvrir aux entreprises la possibilité d’amortir sur neuf ans les acquisitions de logements neufs ou réhabilités. Cela leur permettrait de réaliser un investissement utile et efficace, sans qu’il soit pour autant particulièrement rentable d’un point de vue spéculatif.

Pour parer à tout risque d’un retour au paternalisme, nous prévoyons une gestion sécurisée de ces logements par Action Logement, en prenant en compte la garantie de loyer, la vacance et l’indisponibilité d’occupation, dans le cadre de contrats d’intermédiation locative.

Le dispositif n’entraînerait pas de pertes de recettes à proprement parler, puisqu’il s’agirait, pour l’essentiel, de nouveaux logements.

M. le Rapporteur général. Monsieur Da Silva, je salue votre travail sur le sujet, mais je ne suis pas certain que le dispositif soit opportun. Le risque spéculatif qu’il comporte ne me paraît pas nul. De surcroît, cet amortissement sur neuf ans au lieu de quarante pourrait entraîner un coût important. Je vous invite donc à retirer votre amendement pour le moment et à ouvrir une discussion sur le sujet avec le Gouvernement en séance publique.

M. Dominique Da Silva. Je retire l’amendement, mais pour le retravailler : je le déposerai peut-être de nouveau, sous une autre forme. Vous parlez de spéculation, mais à la sortie, si le bien est amorti, la plus-value est appliquée, notamment sur l’IS. En réalité, il n’y aurait donc pas vraiment de dimension spéculative : il s’agirait vraiment d’un accompagnement des politiques publiques conduites en la matière. Il faut comprendre que les TPE et les PME sont complètement exclues des attributions de logements. Ce qui est sûr, c’est qu’il va falloir examiner cette question.

L’amendement est retiré.

La commission examine ensuite l’amendement II-CF1239 de M. Philippe Latombe.

M. le Rapporteur général. Je demande à ses auteurs de bien vouloir retirer cet amendement, à défaut de quoi l’avis sera défavorable : il a été très largement satisfait en première partie du projet de loi de finances, pour les équipements dont la liste figure à l’article 18 quater.

M. Jean-Noël Barrot. Nous le retirons.

L’amendement est retiré.

La commission examine ensuite l’amendement II-CF1096 de Mme Sabine Rubin.

M. Éric Coquerel. Cet amendement vise à supprimer le crédit d’impôt recherche (CIR). En effet, le mécanisme est problématique. À la limite, s’il était fléché, par exemple vers des entreprises vertueuses en termes d’embauche de chercheurs et contribuant au développement de la recherche en France, on pourrait comprendre qu’il soit maintenu, mais tel n’est pas le cas. Sanofi, qui a perçu, au cours des dix dernières années, entre 110 et 150 millions d’euros par an à ce titre, a, dans le même temps, supprimé 2 000 postes de chercheurs en France et fermé des bâtiments à Montpellier. On voit donc bien le problème : non seulement le CIR coûte cher à l’État – c’est autant d’argent qui manque au budget de l’enseignement supérieur et de la recherche : souvenez-vous du grand mouvement des chercheurs, il y a quelques années –, mais il ne va pas au bon endroit. Nous proposons donc de le supprimer.

M. le Rapporteur général. C’est un amendement que nous avons déjà vu. Sans revenir en détail sur les arguments qui plaident en faveur du CIR, je rappellerai tout de même que le nombre de chercheurs pour 1 000 actifs a doublé entre 2000 et 2014. La France, grâce au CIR, est l’un des premiers pôles de recherche industrielle dans le monde. Vous êtes soucieux de l’information des administrations, monsieur Coquerel ; je pense qu’un amendement d’Amélie de Montchalin allant dans ce sens va vous satisfaire. En attendant, avis défavorable.

Mme Amélie de Montchalin. C’est un sujet sur lequel nous avons déjà débattu à de multiples reprises au cours de l’examen du projet de loi de finances. Sans aucun doute faut-il soutenir la recherche publique – Patrick Hetzel, Danièle Hérin et moi-même en avons bien montré l’importance dans le rapport issu de la mission d’évaluation et de contrôle (MEC) sur l’évaluation du financement public de la recherche dans les universités –, mais il ne faut pas nécessairement supprimer pour autant toutes les incitations bénéficiant à la recherche privée.

Comme je l’ai déjà fait observer à de nombreuses reprises, si nous voulions être au même niveau que l’Allemagne en termes de dépenses, il nous faudrait consacrer 10 milliards d’euros supplémentaires à la recherche publique et 30 milliards de plus à la recherche privée. Le CIR s’élève à 6 milliards d’euros, effectivement, mais cela ne veut pas dire que, si nous le supprimions, cet argent pourrait être mobilisé pour la recherche publique, d’un point de vue budgétaire, avec la même efficacité en termes de créations d’emploi et d’attractivité – donc de compétitivité, au sens large, de manière à préparer l’avenir.

Nous avons une réflexion assez large sur les outils dont il faut doter notre système de recherche dans son ensemble – c’est ce que je soutiens dans le rapport que j’évoquais –, notamment pour renforcer les liens entre les laboratoires publics et les entreprises, pour valoriser la recherche publique et s’appuyer sur elle afin de créer des start-up, ou pour valoriser la recherche privée et, ce faisant, soutenir les laboratoires publics quand ils sont en convergence.

M. Éric Coquerel. Nous maintenons notre amendement. J’entends vos propos, madame de Montchalin, mais il faut arrêter de comparer le secteur public avec les start-up. Cette comparaison est mauvaise. Peut-être les start-up ont-elles un rôle à jouer dans l’économie de marché – encore faudrait-il me le prouver car je suis un peu dubitatif quant à leur apport, mais enfin, pourquoi pas, je suis prêt à en débattre –, mais arrêtons de parler de start-up nation ! La recherche publique doit justement être conduite de façon à ne pas répondre aux seules demandes du marché : il faut faire de la recherche pure, laquelle pourra ensuite, très certainement, servir aussi des intérêts privés.

Je constate que, parallèlement à l’augmentation du CIR – dont le montant s’élevait, au départ, à 2,8 milliards d’euros –, la recherche publique pâtit de plus en plus d’un manque de fonds. Je ne dis pas que ce sont des vases communicants, mais ce n’est pas un hasard si on a décidé de financer la recherche par ce moyen alors que, comme je l’ai montré avec l’exemple de Sanofi, c’est loin d’être toujours profitable à la recherche française.

La commission rejette l’amendement.

La commission est saisie des amendements II-CF1089 de Mme Maina Sage et II-CF1226 de M. Benoit Simian.

Mme Nicole Sanquer. Cet amendement avait été déposé en première partie et adopté en commission des finances. Lors de son examen en séance publique, le secrétaire d’État Olivier Dussopt avait déclaré être favorable au fond et à l’orientation tracée. À sa demande, cet amendement a été retiré, afin d’être retravaillé avec le Gouvernement et redéposé en seconde partie dans une rédaction plus précise. Après consultation des différents acteurs locaux et en cohérence avec les recommandations du Gouvernement, cette proposition co-construite apporte le cadrage nécessaire à la protection des équilibres fiscaux de nos territoires. L’amendement précise que ce dispositif s’applique aux seuls navires de croisière d’une capacité de moins de 300 cabines effectuant 90 % des têtes de lignes et 60 % des escales dans les ports ultramarins, naviguant sous le pavillon d’un État membre européen et dont la société détient une filiale dans un de nos territoires outre-mer.

M. le Rapporteur général. Le travail continue avec le Gouvernement pour un « atterrissage » consensuel sur le sujet en séance publique. Je vous invite donc à retirer vos amendements pour le moment.

M. Charles de Courson. Les bateaux de croisière ont été rendus éligibles à la défiscalisation il y a très longtemps. Cela a donné lieu à des excès, pour ne pas dire plus, et le dispositif a été supprimé. Nos collègues proposent, et c’est plus sérieux, d’exclure du champ les énormes paquebots de croisière, pour retenir des bateaux qui restent dans l’archipel l’essentiel de l’année et dont une partie de l’équipage est recrutée localement, afin que la mesure ait de véritables retombées dans le territoire. Ne vaudrait-il pas mieux, monsieur le Rapporteur général, voter ces amendements ? Nous pourrions ainsi les comparer avec celui, éventuel, du Gouvernement.

M. le Rapporteur général. J’en reste à ce que j’ai proposé dans la mesure où je sais que le travail se poursuit. En l’absence de proposition du Gouvernement en séance publique, je donnerai un avis de sagesse à ces amendements.

Les amendements sont retirés.

Elle examine ensuite l’amendement II-CF1321 de M. Philippe Dunoyer.

M. Philippe Gomès. Cet amendement concerne un dossier que nous avons déjà présenté, notamment avec mon collègue Philippe Dunoyer. Il s’agit de rendre admissible au bénéfice de la défiscalisation tout ce qui relève du stockage d’énergie solaire. Nos territoires sont en effet engagés, aussi bien en Nouvelle-Calédonie qu’en Polynésie française et dans le reste de l’outre-mer, dans des schémas de transition énergétique extrêmement volontaristes. Il nous semble donc opportun que les investissements réalisés dans ce secteur puissent être soutenus par l’État.

M. le Rapporteur général. Ce dispositif a été en vigueur jusqu’en 2011, date à laquelle il a été supprimé à cause d’abus notamment. J’en resterai à cette position. Avis défavorable.

La commission rejette cet amendement.

Puis elle examine l’amendement II-CF1211 de M. Philippe Gomès.

M. Philippe Gomès. La loi prévoit un délai de deux ans pour achever les fondations d’une construction financée par une opération de défiscalisation. Or, des dossiers complexes par leur importance ou leur ampleur, ou par la nature du terrain, nécessitent des délais de réalisation plus longs. Cet amendement vise à prendre en compte cette réalité en précisant que le délai de deux ans peut être prorogé une fois sur demande motivée pour une durée maximale équivalente lorsque les caractéristiques d’un programme de construction le nécessitent.

M. le Rapporteur général. Différents types de territoire connaissent des contraintes pour la construction : j’en connais un, le mien, où six mois par an le sol est gelé.

Dans la mesure où votre amendement comporte des imprécisions qui sont susceptibles de constituer une incompétence négative et de poser, en pratique, des difficultés d’application, la proposition ne tourne pas. Avis défavorable.

La commission rejette cet amendement.

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Article additionnel après l’article 55
Extension des dispositifs d’aide fiscale à l’investissement en faveur
du logement social outre-mer à certaines dépenses de rénovation
et de réhabilitation

La commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements IICF1398 du Rapporteur général et II-CF1212 de M. Philippe Gomès.

M. le Rapporteur général. La problématique de l’extension du champ de la réduction d’impôt pour l’investissement dans le logement social aux dépenses de rénovation et de réhabilitation avait été portée en première partie par nos collègues Philippe Gomès et Philippe Dunoyer. Lors de l’examen de leur amendement, j’avais indiqué que j’étais favorable aux arguments avancés à titre personnel mais que le dispositif qu’ils proposaient n’était pas parfaitement satisfaisant. Nous sommes parvenus à une meilleure rédaction précisant le mode de calcul de l’avantage fiscal, dans un parallélisme avec ce qui existe dans les départements et régions d’outre-mer (DROM). Cette rédaction a également été portée par notre collègue Olivier Serva en séance.

M. Philippe Gomès. Il s’agit d’admettre au bénéfice de la défiscalisation les travaux de rénovation et de réhabilitation pour les logements sociaux achevés depuis plus de vingt ans. C’est un dispositif qui existe de longue date dans les DROM et qui, probablement par une inattention du législateur, n’a pas été étendu aux collectivités de l’article 74 de la Constitution et à la Nouvelle-Calédonie. Or, nous avons dans nos collectivités des parcs de logements sociaux qui, pour certains, sont très anciens et nécessitent des opérations de réhabilitation particulièrement lourdes, et il est donc indispensable qu’ils puissent être admis, comme dans les DROM, au bénéfice de la défiscalisation dès lors qu’ils sont âgés de plus de vingt ans.

M. le Rapporteur général. Ce sont les mêmes objectifs que l’amendement que je viens de présenter et qui reprend votre préoccupation. Je vous propose de retirer votre amendement au profit du mien et d’en être ainsi cosignataire.

L’amendement II-CF1212 est retiré.

La commission adopte l’amendement II-CF1398 (amendement II-1971).

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Après l’article 55

La commission examine ensuite, en présentation commune, les amendements IICF1022 et IICF1023 de Mme Nicole Sanquer.

Mme Nicole Sanquer. Le gouvernement de Polynésie française a fait de la politique du logement et plus particulièrement du logement social l’une de ses priorités. Le plan 3 000 logements est un parfait exemple du volontarisme et de la détermination du gouvernement polynésien sur cette problématique, mais cela ne suffit pas car pas moins de 5 300 demandes pour l’accès à un logement social sont en attente, et l’Institut de la statistique en Polynésie française estime à 35 000 le nombre de logements sociaux nécessaires d’ici à 2035. Pour dynamiser l’offre de financement, le gouvernement polynésien a ouvert des dispositifs sous forme de subventions à des organismes privés de logement social. Cependant, un problème persiste : la durée d’instruction des dossiers pour l’obtention de l’agrément central à l’aide fiscale. En 2017, le rapport Mazars a estimé que la durée d’instruction pour l’obtention de cet agrément s’élevait à deux ou trois ans en moyenne sur l’échantillon étudié.

Pour réduire cette durée d’instruction, l’amendement II-CF1022 propose d’ouvrir la procédure d’agrément simplifié aux organismes privés de logement social. Ainsi, après avis favorable du représentant de l’État dans la collectivité, les conditions d’obtention de l’agrément porteraient exclusivement sur la détermination de la base fiscale éligible et sur les conditions permettant de garantir la protection des investisseurs et des tiers.

L’amendement II-CF1023 est un amendement de repli.

M. le Rapporteur général. L’administration n’est pas fermée à l’idée mais elle n’a pas de personnel pour assurer cela dans les collectivités dotées de l’autonomie fiscale. Je souhaite que vous présentiez l’amendement devant le ministre. J’insisterai auprès de lui sur cette problématique qui me semble on ne peut plus légitime.

Les amendements sont retirés.

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Article additionnel après l’article 55
Mesures de coordination pour assurer l’application uniforme des obligations d’information et des sanctions associées à tous les dispositifs d’aide fiscale
à l’investissement outre-mer

La commission est saisie de l’amendement II-CF958 du Rapporteur général.

M. le Rapporteur général. Le présent amendement vise à corriger des scories rédactionnelles résultant des lois de finances antérieures pour l’application des dispositifs d’aide fiscale à l’investissement outre-mer qui n’ont fait l’objet d’aucune coordination.

La commission adopte l’amendement II-CF958 (amendement II1970).

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Après l’article 55

Puis elle est saisie, en présentation commune, des amendements II-CF993, II-CF987 et II-CF996 de M. Philippe Dunoyer.

M. Philippe Gomès. Ces trois amendements visent à dynamiser la production de logements intermédiaires en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, qui sont dans une situation de grave déficit.

L’amendement II‑CF993 vise à améliorer le dispositif dit « Pinel » en faveur du logement dans le secteur du logement intermédiaire dans les collectivités du Pacifique. Il n’est à l’heure actuelle pas suffisamment attractif, même si une majoration est prévue pour l’outre‑mer. Le nombre de dossiers agréés chaque année est de vingt en Polynésie et entre cinquante et quatre-vingts en Nouvelle-Calédonie. Force est de constater que plus on est loin de l’Hexagone, plus il est difficile d’attirer des investisseurs.

Nous proposons de porter le plafond annuel d’investissement applicable par contribuable et par année d’imposition de 300 000 euros à 400 000 euros pour les investissements réalisés dans le secteur du logement intermédiaire dans ces collectivités.

L’amendement II-CF987 prévoit de majorer de 11 points les taux de réduction d’impôt qui s’appliquent aux investissements dans le secteur du logement intermédiaire, pour le porter à 34 % et 40 % selon que l’engagement relatif à la location du logement porte sur six ou neuf ans.

L’amendement II-CF996 porte le plafond des avantages fiscaux à 26 000 euros pour les investissements réalisés dans le secteur des biens productifs et les logements sociaux et intermédiaires contre 18 000 euros actuellement

M. le Rapporteur général. Avis défavorable sur les trois amendements.

Je rappelle que le dispositif « Pinel » bénéficie actuellement aux contribuables dont les revenus sont les plus élevés : rehausser le plafond des dépenses prises en compte dans le calcul de l’avantage fiscal, comme vous le proposez dans le premier amendement, accentuerait ce phénomène, sans avoir véritablement d’autres effets bénéfiques.

S’agissant de l’amendement II-CF987, je soulignerai que les investissements réalisés outre-mer bénéficient déjà de conditions particulières, tenant compte des spécificités locales des outre-mer : les taux sont majorés – 23 % et 29 % au lieu de 12 % et 18 % – et les conditions de ressources et de loyers sont adaptées.

Enfin, pour le II-CF996, il me semble qu’instaurer un quasi‑triplement du plafond des avantages fiscaux pour les investissements réalisés outre-mer serait se tromper d’objectif. Il est déjà prévu un presque doublement du plafond. Le soutien direct à l’outre-mer exercé grâce au fonds exceptionnel d’investissement (FEI) me semble plus efficace.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle en vient à l’amendement II-CF1007 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Nous partageons l’objectif de produire plus de logements et sommes favorables aux dispositifs incitatifs destinés à libérer du foncier. Afin d’inciter les entreprises à vendre des biens immobiliers, la loi de finances pour 2018 a instauré un taux réduit d’IS de 19 % sur les plus-values réalisées jusqu’au 31 décembre 2022, sous condition d’un engagement de construction ou de transformation des biens vendus en logements dans un délai de quatre ans.

Le présent amendement propose de compléter ce dispositif en prévoyant l’application de ce même taux aux organismes d’HLM à l’occasion de ventes de locaux commerciaux, sous condition de réinvestissement, dans un délai de quatre ans, dans la construction, l’acquisition, la réhabilitation ou la rénovation de logements locatifs sociaux.

Un tel régime a existé entre 2006 et 2010. Il paraît opportun de le remettre en place sachant que la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) comprend plusieurs mesures incitant les organismes d’HLM à céder leur parc.

M. le Rapporteur général. Le taux réduit applicable aux plus-values de cession d’immeubles par les offices HLM a certes pris fin à compter de 2011, mais je vous rappelle que cette même année, a été introduit, dans le CGI, l’article 210 F, qui prévoit l’application du taux réduit de 19 % aux plus-values de cession de locaux, si la société cessionnaire s’engage à transformer le bien acquis en local d’habitation.

Dans certaines conditions, les offices d’HLM peuvent bénéficier de ce taux réduit au titre des plus-values de cession de leurs locaux non affectés au logement social, si le cessionnaire s’engage à transformer ces locaux en locaux d’habitation.

S’agissant des fusions, il est expressément prévu à l’article 210 F du CGI que l’engagement pris par la société cessionnaire n’est pas rompu si la société qui l’absorbe s’engage à le respecter dans le délai restant à courir.

Compte tenu de ces éléments, je vous invite, monsieur Bazin, à retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie des amendements identiques II-CF539 de M. Pascal Bois et II-CF847 de Mme Céline Calvez.

M. Pascal Bois. L’amendement II-CF539 porte sur le crédit d’impôt pour dépenses de production d’enregistrements phonographiques. Créé en 2006, ce dispositif a pour objectif de soutenir la création et la production musicales.

L’an dernier, le Parlement n’a souhaité le proroger que d’une année dans l’attente du rapport de la direction générale des médias et des industries culturelles du ministère de la culture. Elle a conclu à l’efficience de ce crédit d’impôt : pour 1 euro investi, 2,40 euros vont au budget de l’État par le biais des cotisations sociales et de la taxe sur la valeur ajoutée.

Nous proposons de le proroger de trois ans, jusqu’au 31 décembre 2022, ce qui permettra de donner à nouveau de la visibilité à l’industrie musicale.

Mme Céline Calvez. Je rappellerai simplement que ce qui avait justifié la création de ce crédit d’impôt était le basculement numérique des modes de consommation. Comme il s’agit d’un phénomène qui s’approfondit, je pense nécessaire de soutenir encore la production phonographique.

M. le Rapporteur général. Je devais déposer un amendement instaurant un cadrage général des crédits d’impôt s’appliquant aux sociétés du secteur du cinéma, de l’audiovisuel, des jeux vidéo, de la musique et du spectacle vivant. Leur durée aurait été calée sur celle de la loi de programmation des finances publiques 2018‑2022 et ils auraient fait l’objet d’une évaluation avant d’être éventuellement renouvelés. Cela a tellement plu aux entreprises concernées, qui jouissent d’un crédit d’impôt ad vitam aeternam, qu’elles se sont retournées vers le ministère de la culture. J’ai donc préféré retirer mon amendement, afin que nous trouvions en séance un dispositif permettant d’établir une équité entre crédits d’impôt pris dans leur ensemble et de maîtriser les dépenses fiscales. Je constate en effet que ces crédits continuent de progresser, ce qui ne me paraît pas normal au vu des conclusions du rapport d’information sur l’application des mesures fiscales.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer vos amendements de façon que nous cherchions ensemble en séance un dispositif plus complet qui comprendra des dispositions de régulation.

M. Pascal Bois. Je comprends parfaitement les arguments du Rapporteur général. Ces crédits d’impôt nécessitent d’être évalués pour qu’on passe du prêt-à-porter au sur-mesure, selon qu’ils s’appliquent à l’art vivant, à l’industrie phonographique, au cinéma. Émilie Cariou et moi-même venons de remettre au Premier ministre notre rapport sur la création du Centre national de la musique (CNM). Une des missions premières de cette institution sera de dresser un état des lieux des crédits d’impôt concernant spécifiquement la musique. Comme le CNM ne pourra pas entrer dans ce rôle du jour au lendemain, il me paraissait judicieux de proroger ce crédit d’impôt. Cela dit, je suis prêt à retirer mon amendement.

Mme Céline Calvez. J’accepte également de retirer mon amendement.

Les amendements identiques sont retirés.

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Article additionnel après l’article 55
Extension de la réduction d’impôt pour l’achat de flottes de vélos mises à disposition des salariés aux locations de longue durée de telles flottes

La commission examine ensuite les amendements identiques II-CF960 du Rapporteur général et II-CF1299 de Mme Bénédicte Peyrol.

M. le Rapporteur général. Mon amendement est défendu, et je vais laisser le soin à Mme Peyrol de défendre son amendement identique.

Mme Bénédicte Peyrol. Conformément à l’engagement du Gouvernement annoncé le 14 septembre 2018 dans le cadre du plan « Vélo et mobilités actives », mon amendement vise à étendre l’assiette de réduction d’impôt prévue à l’article 220 undecies A du CGI aux dépenses de location de longue durée de flottes de vélos.

M. Charles de Courson. Tout ça, c’est bien sympathique mais y a-t-il vraiment besoin d’une réduction d’impôt de 25 % alors qu’il n’y a plus un sou dans les caisses ? Cette disposition va surtout bénéficier aux habitants des zones concentrées : qui prend son vélo pour aller travailler quand il faut parcourir 30 kilomètres depuis son domicile ? Les bouseux, dont je fais partie, vont encore dire qu’il n’y en a que pour les bobos. Pour garantir un équilibre entre zones urbanisées et zones peu denses, il faudrait penser les avantages fiscaux dans leur globalité.

La commission adopte les amendements identiques II-CF960 et IICF1299 (amendement II-1969).

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Après l’article 55

La commission en vient à l’amendement II-CF966 de Mme Émilie Bonnivard.

Mme Émilie Bonnivard. Je constate avec plaisir qu’il est encore possible de créer de nouveaux avantages fiscaux. Je vais donc tenter ma chance avec le tourisme de montagne.

Cet amendement vise à répondre à la problématique suivante : comment trouver des fonds propres dans les stations de montagne pour construire des résidences de tourisme avec des « lits chauds », durablement marchands, alors que les droits à construire sont réduits ? Il s’agit de mobiliser les acteurs économiques du territoire, ceux du domaine skiable et des magasins de ski notamment, afin de les amener à investir dans ces outils immobiliers.

L’amendement prévoit d’ouvrir un droit à crédit d’impôt pour des sociétés ayant un intérêt direct à la fréquentation touristique d’une station classée de tourisme. Il correspondrait à l’amortissement sur plusieurs années du montant de la souscription dans les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) qui contribuent vertueusement à l’extension du parc immobilier marchand des stations de montagne.

M. le Rapporteur général. Tout à l’heure, Mme Bonnivard voulait ressusciter le dispositif « Robien » SCPI. Elle tente à nouveau de le faire, sous une forme différente, pour les stations de montagne. Par parallélisme des formes, malgré mon amour absolu pour le tourisme de montagne, j’émettrai un avis défavorable.

Mme Émilie Bonnivard. Cet amendement a pour but d’appeler l’attention de nos collègues sur une problématique qui est suffisamment importante pour qu’elle soit transpartisane. J’aimerais que nous nous en saisissions ensemble afin que l’année prochaine, nous proposions de nouveaux outils ensemble.

M. le président Éric Woerth. Il y a beaucoup d’élus de montagne et il serait bon en effet qu’ils mènent une réflexion commune sur ces sujets récurrents.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement II-CF1165 de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. Cet amendement a pour objectif de redéfinir des critères pertinents en vue d’établir une liste des États et territoires non coopératifs correspondant à leurs pratiques fiscales réelles.

Ces critères reposeraient sur la transparence fiscale, les normes « Base Erosion and Profit Shifting » (BEPS) – érosion de la base d’imposition et transfert de bénéfices – et l’absence de mise en place d’un régime fiscal dommageable, conformément aux préconisations du Conseil de l’Union européenne et de l’OCDE. Cela permettra d’intégrer à la liste française des États que l’on devrait considérer comme des paradis fiscaux, mais qui actuellement n’y figurent pas, comme les Bermudes, les îles Caïmans et Hong Kong, mais aussi des pays européens comme l’Irlande et le Luxembourg.

Selon l’organisation non gouvernementale Oxfam, les entreprises du CAC 40 possèdent actuellement 1 450 filiales dans des paradis fiscaux mais seulement dix d’entre elles sont implantées dans l’un des paradis fiscaux identifiés comme tels dans les listes française et européenne. Ces entreprises du CAC 40 peuvent donc continuer de pratiquer une évasion fiscale massive en toute impunité. Avec un élargissement de la liste des paradis fiscaux, ces 1 450 filiales pourraient être sanctionnées : les entreprises du CAC 40 cesseraient alors ces pratiques fiscales dommageables pour nos finances publiques.

M. le Rapporteur général. La « liste noire » européenne doit être lue à l’aune de la « liste grise », sorte de purgatoire fiscal. En 2019, les pays qui y figurent auront à donner des preuves de leurs engagements, sinon ils basculeront dans la liste noire.

En outre, bien que je partage votre souhait de mieux associer le Parlement à l’élaboration de la liste, je vous ferai remarquer que la loi relative à la lutte contre la fraude renforce cette association, grâce notamment à une clause de revoyure.

La commission rejette l’amendement.

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Article additionnel après l’article 55
Obligations déclaratives des structures bénéficiaires de la réduction d’impôt sur les sociétés au titre du mécénat

La commission en vient à l’amendement II-CF1393 du Rapporteur général.

M. le Rapporteur général. Le présent amendement revient sur le sujet de la niche « mécénat » sur laquelle nous avons beaucoup débattu en première partie. Devant les engagements pris par le Gouvernement, nous avions retiré l’amendement de la commission, qui était un amendement d’appel.

J’ai rencontré avec Gilles Carrez des magistrats de la Cour des comptes, chargés d’une enquête au titre du 2° de l’article 58 de la LOLF. Ils posent la question de la fiscalité du mécénat de manière beaucoup plus large que la simple fixation d’un plafond et d’un plancher. Nous sommes donc convenus avec eux qu’il valait mieux attendre la publication de leur rapport puis former un groupe de travail afin de proposer des solutions pour le projet de loi de finances pour 2020.

Ils ont souligné que l’absence de certaines données les empêchait de procéder à une juste évaluation du coût de cette niche. Ils nous ont donc proposé d’inscrire dans le projet de loi de finances pour 2019 une obligation de déclaration des dons pour les structures bénéficiaires au-delà du seuil de 153 000 euros, seuil calqué sur celui qui prévaut pour les dons déductibles de l’impôt sur le revenu.

Cela nous permettrait, en outre, de disposer d’informations précises sur certains dons qui, à l’heure actuelle, semblent disparaître dans un trou noir.

Mme Sarah El Haïry. Vous savez l’intérêt que je porte au mécénat. Pour ne rien vous cacher, j’ai été alertée par France Générosités de certains problèmes que soulève la mise en œuvre de l’obligation visée par l’amendement. Quelles seraient ses modalités ? Comment valoriser les dons en nature ?

M. Charles de Courson. Je ne suis pas sûr que tel qu’il est rédigé, l’amendement prenne en compte les dons en nature.

J’ai mis mon nez là-dedans car je trouve que ce qui se passe n’est pas normal. L’association qui reçoit en don de la part d’une grande surface des denrées alimentaires invendues doit remplir une attestation Cerfa en détaillant les produits qu’elle accepte, ce qui représente un travail de Romain presque impossible à accomplir dans certains cas. Je me demande donc si l’obligation que le Rapporteur général propose d’instaurer est réaliste. Cela constituera une obligation de plus qui viendra peser sur des associations qui fonctionnent souvent avec l’aide de seuls bénévoles. Plusieurs m’ont déjà dit être incapables de répondre aux exigences de l’administration fiscale.

Mme Véronique Louwagie. J’irai dans le même sens car j’ai été moi aussi alertée par des associations qui m’ont indiqué que la mise en œuvre du dispositif proposé par le Rapporteur général se heurterait à des difficultés techniques. Il me semble important de faire un point avec le milieu associatif sur ces modalités et de l’évaluer.

M. le Rapporteur général. Je précise tout d’abord que les modalités techniques de mise en œuvre du dispositif sont renvoyées à un décret.

Notre but, conformément à ce que demande la Cour des comptes, est de faire la transparence sur ce que reçoivent les associations, qu’il s’agisse des dons en espèces ou des dons en nature.

La Cour des comptes n’a pu remettre son rapport au titre du 2° de l’article 58 à la date prévue car certaines associations ont refusé dans un premier temps de recevoir les magistrats.

La transparence ne peut qu’aider les associations. Celles pour qui le plafonnement à 10 millions d’euros de l’exonération pour les dons en nature posait problème ont, me semble‑t‑il, des moyens humains pour remplir ces formulaires de l’administration. Le seuil de 153 000 euros ne concerne pas les associations de quartier qui fournissent une aide de proximité dans des zones pauvres.

M. le président Éric Woerth. Le donateur doit indiquer le nom de l’association à laquelle il verse un don en espèces. Cela ne permet-il pas à l’administration fiscale de faire des recoupements ?

M. le Rapporteur général. Des obligations sont en effet faites aux donateurs mais il faut pouvoir vérifier si les mêmes montants sont déclarés par les associations.

M. Charles de Courson. Qu’en est-il des dons en nature ?

M. le Rapporteur général. Je vérifierai d’ici à la séance si l’amendement tel qu’il est rédigé comprend aussi les dons en nature. Je pense que oui mais s’il y a une ambiguïté, nous déposerons un amendement pour le préciser.

M. Charles de Courson. Les Restos du Cœur m’ont montré les formulaires Cerfa : les informations dont ils disposent portent sur les quantités et non pas sur les valeurs. Ils ne peuvent pas dire combien valent les produits qu’ils reçoivent. Seule l’entreprise qui donne pourrait leur fournir une estimation.

M. le Rapporteur général. Les modalités pratiques seront prises en compte dans le décret. Nous examinerons le rapport de la Cour des comptes lorsqu’il nous sera transmis. Pour l’heure, il me semble utile d’aller vers plus de transparence.

Mme Bénédicte Peyrol. Je ne comprends pas pourquoi on n’inverserait pas la logique : on pourrait imaginer que l’obligation de déclaration pèse sur l’entreprise plutôt que sur l’association.

M. le Rapporteur général. Le problème que veut résoudre la Cour des comptes concerne le rapprochement des données. Pour l’instant, il existe un « trou noir », selon l’expression des magistrats. Il faut que les informations sur les dons soient fournies et par les entreprises qui donnent et par les associations qui les reçoivent.

Mme Marie-Christine Dalloz. Le problème se pose pour les dons en nature. Tout stock sorti d’un commerce, qu’il s’agisse d’un petit magasin de proximité ou d’une moyenne ou grande surface, a une valeur comptable. C’est cette information-là qui devrait être utilisée par les associations pour remplir le formulaire Cerfa.

M. le président Éric Woerth. Nous pourrons apporter des précisions en séance sur ce qui relève des entreprises et des associations. Il faudra aussi veiller à ce que cette obligation ne vienne pas limiter les dons.

La commission adopte l’amendement II-CF1393 (amendement II-1968).

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Après l’article 55

La commission en vient à l’amendement II-CF1150 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Cet amendement vise à accélérer le développement de solutions de biocontrôle, qui représentent aujourd’hui 5 % des alternatives aux produits phytosanitaires. Leurs perspectives de développement laissent penser que leur part pourrait atteindre 15 à 20 %. Nous proposons donc de porter le taux de crédit d’impôt pour dépenses de recherche (CIR) à 60 % au lieu de 30 %, taux considéré comme insuffisant par tous les opérateurs de la filière.

Jean-Baptise Moreau, rapporteur de la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire (EGALIM), a déposé le même amendement, en cohérence avec les positions de la commission des affaires économiques. Des propositions allant en ce sens figuraient déjà dans le rapport d’Antoine Herth ou dans le rapport que j’avais remis au Premier ministre : le biocontrôle est la solution la plus efficace pour remédier aux carences de la phytopharmacie.

En accélérant les recherches en ce domaine, quelle que soit la taille des entreprises, nous irions vers des solutions environnementales à même de soutenir la compétitivité de l’agriculture française, dans un cadre compatible avec les conclusions des États généraux de l’alimentation et de la loi EGALIM.

M. le Rapporteur général. Un amendement similaire, mais ne prévoyant qu’un taux majoré de 50 %, a été retiré en première partie en séance publique à mon invitation et à celle du Gouvernement. L’avis sera le même ici puisque le taux proposé est encore supérieur.

Avec votre amendement, vous créez une différence d’intensité du CIR en fonction non de la localisation des activités, mais de la nature des dépenses. Cela pourrait conduire à des revendications en chaîne, chaque secteur pouvant estimer qu’il mérite lui aussi un taux de CIR doublé. Le taux actuel de 30 % paraît tout de même assez généreux.

J’ajoute que le plan « Ecophyto II+ » prévoit plusieurs mesures pour encourager le développement des produits de biocontrôle et limiter les pesticides.

Je note, pour finir, que vous prévoyez une durée d’application de six ans, qui excède les limites de la loi de programmation des finances publiques.

M. Dominique Potier. Les solutions de biocontrôle constituent un enjeu majeur. Plutôt que d’en rester à des guerres picrocholines sur le glyphosate, il faut accélérer les recherches sur les alternatives. Si nous ne pouvons cibler le CIR sur certains secteurs, cela conduira à le remettre en cause dans sa globalité.

La commission rejette l’amendement.

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Article additionnel après l’article 55
Extension de la documentation complémentaire relative au crédit d’impôt recherche aux entreprises réalisant 1 million d’euros de dépenses
de recherche

La commission examine, en discussion commune, les amendements IICF1044 et IICF1047 de Mme Amélie de Montchalin.

Mme Amélie de Montchalin. Les entreprises bénéficiant du CIR qui engagent plus de 100 millions d’euros de dépenses de recherche doivent remplir une déclaration formelle sur la nature de leurs travaux de recherche, l’état d’avancement de leurs programmes et les moyens matériels et humains qui y sont consacrés. Nous proposons de faire passer ce seuil de dépenses à 2 millions d’euros – amendement II-CF1044 –, ce qui concernerait 1 000 entreprises, ou à 1 million d’euros – amendement II-CF1047 –, ce qui concernerait 12 % des plus grandes entreprises.

Cela permettrait de mieux cerner le profil des chercheurs travaillant dans les entreprises privées et de vérifier que l’inscription des docteurs au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) se traduit par un meilleur emploi dans le secteur privé.

M. le Rapporteur général. C’est un point que j’avais abordé dans le rapport d’information sur l’application des mesures fiscales, dans lequel j’avais formulé une proposition similaire. Mon avis sera donc favorable, avec une préférence pour l’amendement II-CF1047.

M. Thibault Bazin. Le seuil passerait donc de 100 millions à un ou 2 millions d’euros, ce qui va alourdir la charge administrative de nombreuses entreprises. J’ai l’impression que cela va à l’inverse de la simplification que beaucoup ici appellent de leurs vœux.

M. Charles de Courson. Je dois dire que j’ai du mal à saisir le but recherché. On a l’impression d’une complexification de nature à accroître la masse de papiers, ce qui ne va pas dans le sens voulu par le Gouvernement.

Mme Amélie de Montchalin. Le but recherché est assez simple, cher collègue. Il s’agit de demander à davantage d’entreprises de préciser qui sont les personnes qui font de la recherche en leur sein, en indiquant leur âge, les conditions de leur recrutement, leur stratégie de ressources humaines au service de la politique de recherche. Cela permettra de mieux comprendre le parcours des jeunes chercheurs, en particulier des titulaires de doctorat, diplôme qui a été inscrit l’année dernière dans le RNCP en vue de faciliter les recrutements dans le secteur privé.

Le ministère de la recherche, qui mène chaque année des enquêtes sur les personnes qui se dédient à la recherche en France, pourra ainsi voir si des politiques supplémentaires doivent être mises en œuvre et si le transfert entre recherche publique et recherche privée se passe au mieux. L’objectif est d’approfondir la connaissance du capital humain déployé dans les entreprises qui bénéficient du CIR, dont le coût pour l’État est de 6 milliards d’euros, rappelons-le.

Je suis prête, monsieur le Rapporteur général, à retirer l’amendement II-CF1044 au profit de l’amendement II-CF1047.

M. le Rapporteur général. Je précise que 2 800 entreprises environ seraient concernées par l’abaissement du seuil à un million d’euros proposé dans l’amendement II‑CF1047.

Mme Amélie de Montchalin. Cela reste très raisonnable. Rappelons que notre pays compte 14 000 petites et moyennes entreprises et 5 000 entreprises de taille intermédiaire.

L’amendement II-CF1044 est retiré.

La commission adopte l’amendement II-CF1047 (amendement II-1967).

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Après l’article 55

La commission en vient à l’amendement II-CF1295 de M. Paul-André Colombani.

M. Paul-André Colombani. Le crédit d’impôt pour les investissements réalisés en Corse (CIIC) a été créé pour favoriser le développement des PME ayant une activité commerciale ou libérale. Nous pouvions penser que les cliniques seraient éligibles. Or, la doctrine fiscale en Corse ne leur a pas octroyé cet avantage, ce qui nous paraît profondément injuste à double titre : ces PME non seulement créent des emplois mais remplissent des missions de service public à travers des conventions avec l’agence régionale de santé de Corse.

Cet amendement vise donc à intégrer ces établissements de santé au sein du CIIC. Cela aura un impact financier très faible car cela ne concerne qu’une dizaine de cliniques. Une petite partie du gain fiscal généré par l’exclusion des meublés de tourisme du périmètre du CIIC pourrait être utilement redéployée vers cette mesure qui comporterait beaucoup moins de risques de dérives que lesdits meublés et qui contribuerait à améliorer l’offre de soins.

M. le Rapporteur général. À mon sens, il s’agit plus d’un amendement d’appel, qui vise à obtenir une réponse claire du ministre sur l’application que les services fiscaux locaux font du crédit d’impôt. Je vous suggère de le retirer et de le redéposer en séance, de façon à avoir la réponse du ministre.

M. Paul-André Colombani. Le problème existe depuis longtemps. Si vous nous assurez que le ministre nous fera une réponse bien claire, je retire l’amendement.

M. Jean-Félix Acquaviva. Pour cet amendement, seule une dizaine d’entreprises sont concernées. J’entends bien la demande de retrait. Mais si la commission pouvait donner un avis de sagesse, sur un point assez évident, et recueillir des votes évidents, ce serait bien pour tout le monde.

M. le Rapporteur général. Si je demande le retrait pour la séance, c’est que le Bulletin officiel des finances publiques précise bien que « les installations à caractère médicosocial » et les activités libérales sont éligibles au crédit d’impôt.

M. Paul-André Colombani. Dans les faits, les installations médicales sont pourtant exclues.

M. le Rapporteur général. C’est un problème d’interprétation de l’instruction, pour lequel il faut une réponse du ministre au banc.

L’amendement est retiré.

M. Charles de Courson. « Les installations à caractère médico-social », ce ne sont pas les cliniques !

M. le président Éric Woerth. Monsieur de Courson, l’amendement a été retiré. Nous aurons la discussion en séance.

La commission examine ensuite l’amendement II-CF1296 de M. PaulAndré Colombani.

M. Paul-André Colombani. Cet amendement vise à intégrer les micro-centrales d’une puissance inférieure à 500 kilowattheures dans le CIIC. Cela nous permettrait d’être conformes au droit de l’Union européenne, et surtout de développer la construction de ces micro-centrales, qui présentent de nombreux avantages. L’énergie hydroélectrique est très bon marché, car les coûts de production en sont réduits en Corse, qui est une zone non interconnectée. Cela réduirait énormément la contribution au service public de l’électricité. Qui plus est, la Corse est une montagne dans la mer, un château d’eau en Méditerranée, dotée d’un très fort potentiel hydroélectrique. Ces micro-centrales seraient couplées à des retenues collinaires, afin d’augmenter le stockage d’eau. Cette mesure importante permettrait de favoriser la transition énergétique.

M. le Rapporteur général. Monsieur Colombani, quand vous aviez déposé un amendement portant sur un sujet voisin en première partie, je vous avais rappelé que les régies étaient exonérées, notamment lorsqu’elles satisfont aux besoins de la population, mais imposables quand elles poursuivent une activité lucrative susceptible d’être exercée par des entreprises privées. Je m’étais engagé à écrire au ministre, ce que j’ai fait. Votre amendement s’inscrit dans la continuité du précédent, en ce qu’il nécessite une clarification du ministre en séance. Si les zones non interconnectées possèdent un caractère spécifique, qui peut parfois nécessiter une législation particulière, dans sa rédaction actuelle, votre amendement pose un problème. C’est pourquoi il me semble préférable de poser directement la question au ministre pour trouver une solution destinée aux zones non interconnectées. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Michel Castellani. Nous entendons la réponse du Rapporteur général. Mais il n’est pas possible de parler sans arrêt de développement durable sans avancer sur le sujet quand on a l’occasion de le faire. En ce qui concerne la Corse, nous avons besoin d’augmenter notre part de production d’énergie verte et nos possibilités de stockage d’eau. L’amendement de mon collègue va exactement dans ce sens. Qui plus est, le prélèvement sur le budget de l’État serait mineur, avec la garantie d’un retour sur investissement.

La commission rejette l’amendement.

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Article additionnel après l’article 55 
Hausse des quotas de logements sociaux financés par des prêts locatifs sociaux (PLS) et ouverture encadrée du crédit d’impôt en faveur du logement social outre-mer aux acteurs privés

La commission en vient aux amendements identiques II-CF1359 de Mme Ramlati Ali et IICF1387 de M. Jean-Noël Barrot.

Mme Ramlati Ali. Afin de faciliter le recours au crédit d’impôt qui permet d’accompagner le financement du logement social dans les départements d’outre-mer, l’amendement propose d’ouvrir le crédit d’impôt en faveur du logement social aux bailleurs privés et de relever de 15 % à 25 % le quota maximal de logements financés à l’aide d’un prêt locatif social (PLS) éligibles à ce crédit d’impôt. Cette condition pose toutefois une difficulté particulière au regard des spécificités de Mayotte. Ce territoire étant le département d’outre‑mer qui dispose à la fois du parc locatif le moins dense et de la plus faible programmation de logements sociaux, la référence au nombre de logements sociaux livrés l’année précédente ne permet pas de mobiliser utilement le crédit d’impôt pour la construction de logements sociaux en nombre suffisant. Pour y remédier, le présent amendement précise que le nombre de logements PLS agréés par le préfet peut être porté jusqu’à cent par an jusqu’au 31 décembre 2021.

Mme Sarah El Haïry. L’amendement vise à ouvrir les crédits d’impôt en faveur des logements sociaux aux bailleurs privés et à augmenter de 15 à 25 % le quota maximal des logements financés par le PLS.

M. le Rapporteur général. Ces amendements participent d’un renforcement des moyens mis au service du développement du logement social en outre-mer et du soutien de la démarche engagée pour soutenir les crédits d’impôt en faveur des outre-mer. Avis favorable.

La commission adopte les amendements identiques II-CF1359 et IICF1387 (amendement II-1966).

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Article additionnel après l’article 55
Hausse de la quote-part de l’avantage fiscal octroyée au moment
de l’achèvement des fondations des biens immobiliers dans le cadre
du crédit d’impôt en faveur de l’investissement outre-mer

La commission examine les amendements identiques II-CF959 du Rapporteur général, II-CF1248 de Mme Justine Benin et II-CF1363 de Mme Ramlati Ali.

Mme Ramlati Ali. Mon amendement vise à modifier le fait générateur des crédits d’impôt en faveur des investissements immobiliers dans les départements d’outre-mer, afin de mobiliser plus précocement les financements nécessaires à leur réalisation. Il concerne deux crédits d’impôt mis en place par la loi de finances pour 2014, pour remplacer à terme les aides fiscales historiques dans les départements d’outre-mer : l’un en faveur des investissements productifs, qui couvre notamment les biens immobiliers affectés aux besoins des exploitations éligibles, ainsi que la construction de logements neufs dans le secteur locatif intermédiaire ; l’autre en faveur du logement social. Les exploitants et organismes de logements sociaux bénéficient ainsi directement de l’aide fiscale nécessaire au financement de la production immobilière ultramarine. Afin de renforcer l’attractivité des crédits d’impôts et d’améliorer les conditions de financement des investissements immobiliers et la trésorerie des opérateurs des DOM, en cohérence avec les conclusions des Assises de l’outre-mer, il est proposé d’augmenter la quote-part du crédit d’impôt accordée lors de l’achèvement des fondations à 70 %.

La commission adopte les amendements identiques II-CF959, II-CF1248 et IICF1363 (amendement II-1965).

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Après l’article 55

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques IICF914 de Mme Véronique Louwagie et II-CF941 de Mme Lise Magnier ainsi que l’amendement IICF31 de M. Vincent Descoeur.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement vise à proposer un crédit d’impôt aux PME, pour prendre en compte la charge supplémentaire de travail imposée par le prélèvement à la source.

M. Vincent Descoeur. Il faut tenir compte des frais inhérents à l’établissement, à la perception et au reversement de l’impôt sur le revenu, liés en particulier à l’adaptation de logiciels, et rappeler que, contrairement aux arguments soutenus par l’État, le prélèvement aura un coût pour les TPE, mais aussi pour les PME, qui n’ont pas toutes recours au titre emploi service entreprise.

M. le Rapporteur général. Ces amendements ne sont pas les mêmes, puisqu’ils prévoient la création d’un crédit d’impôt au titre des frais engagés par la collecte et retenue à la source : en 2019, pour les deux premiers ; chaque année pour le dernier. Par ailleurs, les deux premiers visent à fixer un montant forfaitaire proposé par PME selon leur taille. Sur la base du nombre d’entreprises concernées, en retenant des estimations basses, le coût de la mesure dépasse le milliard d’euros. Quant à l’amendement II-CF31, qui retient 1 % des sommes collectées, le coût est de 0,5 milliard d’euros. Cela fait beaucoup. Enfin, les deux amendements identiques ne visent que les PME, alors que toutes les entreprises seront concernées : cette différence de traitement ne se justifie pas. Qui plus est, le montant proposé est forfaitaire, sans tenir compte de la réalité des coûts supportés. Enfin, je rappelle que les retenues à la source faites dans le cadre du prélèvement à la source PAS vont offrir un avantage de trésorerie aux entreprises, en particulier aux TPE. Avis défavorable.

M. Vincent Descoeur. Monsieur le Rapporteur général, l’État ne fera-t-il pas une économie ? Si oui, quelle en est l’estimation ?

M. le Rapporteur général. Nous n’allons pas revenir une nouvelle fois sur ce débat...

La commission rejette successivement ces amendements.

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Article 56
Aménagement des règles dévaluation de la valeur locative
des locaux industriels

Résumé du dispositif et effets principaux

Constatant des difficultés constantes d’interprétation de la loi en la matière, le Parlement a demandé, dans la loi de finances pour 2018, au Gouvernement de conduire des travaux permettant de l’éclairer sur les différentes modalités d’imposition des immobilisations industrielles, les requalifications, les demandes contentieuses et l’impact pour les entreprises et les collectivités territoriales. Le rapport a été remis au Parlement en septembre 2018.

Dans ce contexte, le présent article propose plusieurs mesures relatives aux modalités de qualification des locaux industriels et d’évaluation de leurs valeurs locatives issues de ce rapport :

– légaliser la définition du Conseil d’État des locaux industriels : l’article 1500 du code général des impôts (CGI) disposera désormais que « revêtent un caractère industriel les bâtiments et terrains servant à lexercice dune activité de fabrication ou de transformation de biens corporels mobiliers qui nécessite dimportants moyens techniques » et que « revêtent également un caractère industriel les bâtiments et terrains servant à lexercice dactivités autres (...) qui nécessitent dimportants moyens techniques lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre est prépondérant » ;

– sécuriser la qualification pour les entreprises en deçà d’un seuil de moyens techniques : à compter de 2020, il est proposé d’exclure de la catégorie des établissements industriels les bâtiments et les terrains qui disposent d’installations techniques, matériels et outillages présents dans le local d’une valeur inférieure à 300 000 euros, et ce quelle que soit la nature de l’activité exercée. Le local sera alors qualifié de local professionnel, et la valeur locative évaluée en fonction de la méthode tarifaire ou par voie d’appréciation directe ;

– lisser les variations importantes de valeur locative sur une période de trois ans : à compter de 2019, un mécanisme permettra de lisser dans le temps des hausses et des baisses de plus de 30 % de la valeur locative d’un local industriel ou professionnel consécutivement à un changement d’affectation ou à un changement de méthode de détermination de la valeur locative ;

– clarifier les obligations de déclaration permettant la mise à jour par l’administration fiscale des évaluations des valeurs locatives pour les locaux artisanaux et les locaux bénéficiant du nouveau seuil d’exclusion ;

– prévoir une actualisation des valeurs locatives évaluées selon la méthode du barème.

Dernières modifications législatives intervenues

La seconde loi de finances rectificative pour 2017 a différé au 1er janvier 2019 l’entrée en vigueur du dispositif de mise à jour permanente des tarifs permettant de calculer la valeur locative des locaux professionnels.

La loi de finances pour 2018 a exclu, à compter du 1er janvier 2019, l’utilisation de la méthode comptable pour les entreprises artisanales qui relèvent de la loi du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission des finances a adopté plusieurs amendements, afin de sécuriser davantage les modalités de qualification des locaux industriels et d’évaluation de leurs valeurs locatives :

– plusieurs amendements identiques rehaussant le seuil d’exclusion de la définition des locaux industriels de 300 000 euros à 500 000 euros ;

– un amendement allongeant la durée de la période de lissage des variations de la valeur locative du fait d’une requalification de trois à six ans ;

– deux amendements identiques repoussant d’un mois les délais laissés aux artisans pour informer leur propriétaire et à ces derniers pour informer l’administration fiscale sur le fait que leur local n’est plus considéré comme industriel et que la méthode de calcul de la valeur locative sera la méthode tarifaire applicable aux locaux professionnels.

I.   L’État du droit

A.   La dÉfinition fiscale et les modalitÉs d’Évaluation des locaux industriels

La valeur locative d’un local constitue l’assiette de plusieurs impositions directes locales, en particulier la taxe d’habitation (TH), la CFE ou encore la TFPB. Elle est également utilisée, dans une moindre mesure, pour calculer la répartition territoriale de la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE) pour une entreprise multi-établissements. Les règles d’évaluation de la valeur locative constituent ainsi un enjeu essentiel de la fiscalité locale, en particulier concernant les locaux industriels.

1.   Les différentes catégories de locaux dans la fiscalité directe locale

En matière de fiscalité locale, la méthode de détermination de la valeur locative varie suivant la nature du local. Les locaux sont répartis en trois catégories :

– les locaux d’habitation (article 1496 du CGI) ou les locaux servant à l’exercice d’une activité salariée à domicile : il s’agit principalement de logements réservés à l’habitation. Le nombre des locaux d’habitation est évalué à 48 millions ;

– les locaux qui ne sont ni des locaux d’habitation ou servant à l’exercice d’une activité salariée à domicile ni des locaux industriels sont des locaux professionnels (article 1498 du CGI) : ils regroupent les locaux commerciaux (les magasins, les ateliers, les restaurants, etc.), les locaux à usage professionnel, les locaux divers (les associations, les administrations publiques, etc.) et les locaux spécialement aménagés pour l’exercice d’une activité particulière (les salles de spectacle, les équipements sportifs, etc.). Le nombre des locaux professionnels est évalué à 3,4 millions ;

– les locaux exceptionnels : il s’agit de locaux d’habitation (châteaux, abbayes, monastères, etc.) ou commerciaux ayant un caractère « hors du commun » qui les placent hors de la classification générale (grands magasins, grands hôtels, grands cinémas, cliniques, grands garages, établissements d’instruction, cinémas, magasins généraux, stades, courts de tennis, etc.) ;

– enfin, les locaux industriels (article 1499 du CGI). Le nombre des locaux industriels est évalué à 111 047 en 2017.

La définition d’un local industriel est issue d’une décision du Conseil d’État du 27 juillet 2015. Ce dernier a jugé que « revêtent un caractère industriel (...) les établissements dont lactivité nécessite dimportants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre, fût-ce pour les besoins dune autre activité, est prépondérant » ([178]). Il ressort de cette définition prétorienne que les locaux industriels s’entendent des locaux dont l’activité nécessite d’importants moyens techniques, lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers. Pour les locaux où d’autres activités sont réalisées, notamment des opérations de manipulation ou des prestations de services, le critère de la prépondérance du rôle des moyens techniques s’ajoute à celui de leur importance. Ces deux notions d’importance et de rôle prépondérant des moyens techniques constituent les deux critères d’appréciation de principe qu’il convient d’appliquer à chaque situation pour qualifier un local industriel.

2.   Les différentes modalités d’évaluation des locaux

La qualification fiscale d’un local entraîne l’application de règles d’évaluation de la valeur locative propres à chaque catégorie.

La valeur locative des locaux affectés à l’habitation (VLLH) est déterminée par comparaison avec celle de locaux de référence choisis dans la commune, pour chaque nature et catégorie de locaux (article 1496 du CGI). Elle est déterminée d’après un tarif d’évaluation, en euros par mètre carré, reflétant le marché locatif à la date de référence du 1er janvier 1970 pour la métropole, du 1er janvier 1975 pour les départements d’outre-mer et du 1er janvier 2012 pour Mayotte. La méthode consiste ensuite à multiplier la surface du local par le tarif au mètre carré du local de référence où se situe le bien. Les tarifs sont actualisés par l’application d’un coefficient triennal à compter de la date de référence de la précédente révision (article 1518 du CGI) ainsi que, chaque année, d’une revalorisation forfaitaire (article 1518 bis du CGI).

Par dérogation, les locaux d’habitation qui présentent un caractère exceptionnel sont évalués par référence au montant du loyer en cas de signature d’un bail, ou par comparaison si les locaux sont loués à des conditions de prix anormales ou, à défaut, par voie d’appréciation directe (article 1498 du CGI dans sa rédaction en vigueur le 31 décembre 2016), c’est-à-dire en appliquant à la valeur vénale ou à la valeur de construction de la propriété un taux de 8 % (III de l’article 1498 du CGI).

La valeur locative des locaux professionnels (VLLP) repose, depuis la révision du 1er janvier 2017, sur une méthode tarifaire, avec l’application d’un tarif par mètre carré en fonction du marché locatif (article 1498 du CGI). Les tarifs sont établis sur la base des loyers moyens constatés par secteur d’évaluation au sein de chaque département et en fonction de la catégorie du local. Ils peuvent être majorés ou minorés chaque année par un coefficient de localisation variant entre 0,7 et 1,3. La méthode consiste ensuite à multiplier la surface du local par le tarif au mètre carré du secteur d’évaluation où se situe le bien. Contrairement aux VLLH, les tarifs appliqués pour déterminer les VLLP ont été révisés et font l’objet d’une mise à jour annuelle par l’administration fiscale à partir de l’évolution réelle des loyers (article 1518 ter du CGI). Toutefois, la seconde loi de finances rectificative pour 2017 a différé au 1er janvier 2019 l’entrée en vigueur du dispositif de mise à jour permanente des tarifs permettant de calculer la valeur locative des locaux professionnels ([179]) : dès lors, par exception et au titre de l’année d’imposition 2018 uniquement, les VLLP sont indexées comme pour les locaux d’habitation sur l’inflation constatée (coefficient de revalorisation forfaitaire). De la même manière que pour les locaux d’habitation, les locaux exceptionnels (comme les stades de football ou de rugby, les parcs d’attractions) sont évalués selon la méthode de l’appréciation directe.

La valeur locative des locaux industriels repose principalement sur le recours à la méthode comptable (article 1499 du CGI). Elle est calculée à partir de la valeur comptable des seuls biens passibles de la TFPB, à savoir le prix de revient des terrains et les constructions et installations foncières revalorisé d’un coefficient d’actualisation. L’outillage et les installations techniques pris en compte pour qualifier les locaux industriels ne sont en aucun cas retenus dans la détermination de l’assiette de la valeur locative. Cette différence de méthode d’évaluation par rapport aux locaux professionnels trouve une justification dans la nécessité de réserver un traitement fiscal particulier à des locaux fortement spécialisés en raison de l’activité qu’ils abritent et dont les caractéristiques et le degré d’équipement, difficilement comparables en l’absence de marché locatif, ne permettent pas de dégager des critères pour déterminer un tarif. Lorsque la mise en œuvre de la méthode comptable n’est pas possible (article 1500 du CGI), c’est-à-dire lorsque les propriétaires ou les exploitants d’un établissement industriel ne sont pas soumis aux obligations comptables de l’imposition d’après le bénéfice réel (obligation de tenir des documents comptables permettant le contrôle du résultat imposable – article 53 A du CGI), la valeur locative est alors définie selon les règles applicables aux locaux professionnels (méthode tarifaire ou méthode de l’appréciation directe).

Toutefois, face aux difficultés d’appréciation de la notion de rôle prépondérant des installations techniques, matériels et outillage, la loi de finances pour 2018 ([180]) a exclu, à compter du 1er janvier 2019, l’utilisation de la méthode comptable pour les entreprises artisanales qui relèvent de la loi du 5 juillet 1996 ([181]) (article 1499-00 A du CGI). Cette dernière instaure une obligation d’inscription au répertoire des métiers pour les personnes exerçant une activité, à titre principal ou secondaire, à caractère artisanal. L’article précise également que les personnes immatriculées au répertoire des métiers relèvent du secteur de l’artisanat. La valeur locative de ces entreprises est alors évaluée selon la méthode tarifaire des locaux professionnels, sans tenir compte des dispositifs de « planchonnement » de la valeur locative et de lissage des cotisations : ces deux dispositifs ne s’appliquent en effet qu’aux locaux entrant dans le champ d’application de la réforme des VLLP entrée en vigueur en 2017.

Il existe enfin une dernière méthode d’évaluation des valeurs locatives de certains établissements ou installations de caractère industriel ou commercial pour les immobilisations acquises ou créées avant le 1er janvier 1974 : l’évaluation au barème (article 1501 du CGI). La valeur locative des autoroutes et celle des postes d’amarrage dans les ports de plaisance sont ainsi fixées de manière forfaitaire (par exemple, 4,85 euros par mètre linéaire pour les voies de circulation des autoroutes). Il s’agissait à cette date de tenir compte de la spécificité de ces installations de taille exceptionnelle et pour lesquelles il n’existe aucun marché locatif comparable. Autrefois assimilés à des locaux commerciaux pour l’actualisation des tarifs et des valeurs locatives, ces derniers ne sont plus soumis à actualisation depuis l’entrée en vigueur de la révision permanence des VLLP.

Afin de permettre à l’administration fiscale d’évaluer correctement les montants des valeurs locatives, et d’établir les rôles de cotisations pour les impositions ayant pour assiette la valeur locative, les constructions nouvelles ainsi que les changements de consistance ou d’affectation des propriétés doivent être portés à la connaissance de l’administration dans les quatre-vingt-dix jours (article 1406 du CGI). De la même manière, il est procédé annuellement « à la constatation des constructions nouvelles et des changements de consistance ou daffectation des propriétés bâties et non bâties ainsi quà la constatation des changements dutilisation des locaux (...). Il en va de même pour les changements de caractéristiques physiques ou denvironnement » (article 1517 du CGI).

Les diffÉrentes modalitÉs d’Évaluation de la valeur locative
par catégorie de locaux

Catégories de locaux

Base juridique

Modalités dévaluation de la valeur locative

Locaux d’habitation ou les locaux servant à l’exercice d’une activité salariée à domicile

Article 1496 du CGI

Méthode tarifaire : tarif en euros par mètre carré, reflétant le marché locatif au 1er janvier 1970

Locaux professionnels

Article 1498 du CGI

Méthode tarifaire : tarif en euros par mètre carré en fonction du marché locatif, mis à jour annuellement par l’administration fiscale

Locaux industriels

Article 1499 du CGI

Méthode comptable : prix de revient des terrains et des constructions et installations foncières revalorisé d’un coefficient d’actualisation

Locaux exceptionnels

Article 1498 du CGI

Méthode comparative : une valeur locative est établie par comparaison des baux de location ou d’immeubles similaires situés dans ou hors de la commune

Méthode d’appréciation directe : application à la valeur vénale ou à la valeur de construction de la propriété un taux de 8 %

Locaux industriels ou commerciaux de taille exceptionnelle acquis avant le 1er janvier 1974

Article 1501 du CGI

Méthode du barème : appréciation forfaitaire en fonction de la spécificité de l’installation

Source : commission des finances.

B.   Les requalifications de locaux professionnels en locaux industriels

La qualification d’un local en local industriel nécessite une appréciation des faits et peut s’avérer, dans certaines situations, source d’insécurité juridique et fiscale pour les entreprises concernées. En effet, l’analyse des critères de l’importance du matériel technique et de son rôle prépondérant dans l’activité exercée par les prestataires de services peut s’avérer complexe et constituer, ainsi, une source d’incompréhension pour le contribuable. Par ailleurs, le changement de méthode d’évaluation des valeurs locatives peut entraîner des conséquences financières importantes pour les entreprises, voire disproportionnées au regard de leur niveau de rentabilité.

C’est la raison pour laquelle le Parlement a souhaité que le Gouvernement conduise des travaux permettant de l’éclairer sur les différentes modalités d’imposition des immobilisations industrielles, les requalifications, les demandes contentieuses et l’impact pour les entreprises et les collectivités territoriales. À cette fin, le II de l’article 103 de la loi de finances pour 2018 dispose que « le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er juillet 2018, un rapport présentant, au niveau national, par département et par établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, les modalités dévaluation des immobilisations industrielles et, pour les trois dernières années, les requalifications réalisées ainsi que les réclamations administratives et les demandes contentieuses dirigées contre ces requalifications et les montants sur lesquels elles portent. Ce rapport précise en outre les conséquences des requalifications en immobilisation industrielle de certains locaux, notamment les entrepôts de stockage et de services logistiques et les locaux artisanaux, ainsi que les effets quaurait un dispositif excluant ces locaux dune telle qualification sur les recettes des collectivités territoriales. Ce rapport présente enfin des propositions de sécurisation de la qualification dimmobilisation industrielle » ([182]).

Le rapport a été remis au Parlement en septembre 2018. Il évalue à 1 750 au cours des années 2015 à 2017 le nombre de locaux professionnels requalifiés en locaux industriels à la suite d’un contrôle fiscal. Il souligne que les enjeux financiers cumulés de ces contrôles sont limités à 241 millions d’euros sur les années 2012 à 2017, dont 167 millions d’euros au titre de la CFE et 74 millions d’euros au titre de la TFPB. En matière de contentieux fiscaux – c’est-à-dire après la mise en recouvrement des rappels d’impôts résultant d’une requalification à la suite d’un contrôle fiscal – les rappels d’impôts contestés entre 2015 et 2017 s’élevaient à 45 millions d’euros, dont 27 millions d’euros pour la CFE et 18 millions d’euros pour la TFPB. Il est précisé que les réclamations introduites ont donné lieu à 9,4 millions d’euros de décisions de dégrèvements à ce jour ([183]).

Le rapport tente également de simuler les effets d’une exclusion des locaux artisanaux et des entrepôts de la méthode d’évaluation comptable. Après avoir indiqué qu’il « navait pas été possible dévaluer précisément et de manière fiable les conséquences financières dune exclusion de la méthode comptable des locaux industriels selon lactivité exercée » et que « la diversité des tarifs applicables aux locaux professionnels, rend tout exercice de simulation particulièrement complexe », le rapport conclut que les simulations « montrent que les effets à la baisse du changement de méthode sont, en moyenne, dautant moins importants que le local se situe dans un secteur tarifaire élevé ». En effet, il résulte des différences entre les méthodes d’évaluation comptable et tarifaire un niveau d’imposition généralement supérieur pour les établissements industriels par rapport à celui des locaux professionnels. La différence d’imposition aurait toutefois tendance à s’atténuer avec l’entrée en vigueur progressive de la révision des VLLP, celle-ci ayant permis de rapprocher la valeur locative résultant de la méthode des tarifs de la réalité du marché. Enfin, les conséquences financières pour les collectivités territoriales liées à un changement de méthode n’ont pas pu être examinées.

Il résulte néanmoins de ce rapport un ensemble de six mesures destinées à sécuriser la qualification des locaux industriels :

– sécurisation de la qualification des immobilisations industrielles par la mise en ligne de fiches pratiques précisant le droit actuel ;

– clarification de la notion de local industriel par la mise en place d’un seuil plancher, entre 300 000 euros et 500 000 euros de valeur des moyens techniques, en deçà duquel aucun local ne pourrait plus être qualifié de local industriel ;

– réflexion, dans le cadre d’une réforme plus large de la fiscalité locale, pour une modification des règles d’évaluation des locaux industriels relevant des activités de prestations de services ;

– extension des compétences de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires aux contentieux en matière de requalification des locaux industriels ;

– lissage des ressauts d’imposition liés aux changements de qualification des locaux professionnels en locaux industriels ;

– mise en place de mesures en faveur des exploitants agricoles exerçant des activités accessoires en matière de TFPB.

II.   Le dispositif proposÉ

Le présent article propose plusieurs mesures relatives aux modalités de qualification des locaux industriels et d’évaluation de leurs valeurs locatives. En particulier, il met en place certaines des propositions préconisées par le rapport du Gouvernement, notamment la création d’un seuil de valeur d’outillage de 300 000 euros, apprécié sur trois années, en deçà duquel le local sera qualifié de local professionnel, quelle que soit la nature de l’activité exercée. Par ailleurs, il conçoit un dispositif de lissage sur trois ans lorsque la variation de la valeur locative d’un local industriel ou professionnel évolue de plus de 30 % consécutivement à un changement d’affectation ou à un changement de méthode d’évaluation. En revanche, le renforcement du régime d’exonérations des activités agricoles en matière de TFPB et de CFE n’est pas, à ce stade, traité par le présent projet de loi de finances.

A.   SÉCURISER LES RÈGLES D’ÉVALUATION DE LA VALEUR LOCATIVE DES LOCAUX ET ÉTABLISSEMENTS INDUSTRIELS

1.   Légaliser la définition du Conseil d’État des locaux industriels et sécuriser la qualification pour les entreprises en deçà d’un seuil de moyens techniques

Le C du I du présent article codifie la définition du Conseil d’État d’un local industriel, en reprenant les notions « dimportants moyens techniques » et de rôle « prépondérant » des installations techniques, matériels et outillages. Ainsi, l’article 1500 du CGI disposera désormais que « revêtent un caractère industriel les bâtiments et terrains servant à lexercice dune activité de fabrication ou de transformation de biens corporels mobiliers qui nécessite dimportants moyens techniques » et que « revêtent également un caractère industriel les bâtiments et terrains servant à lexercice dactivités autres (...) qui nécessitent dimportants moyens techniques lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre est prépondérant ».

En outre, à compter de 2020, il est proposé d’exclure de la catégorie des établissements industriels les bâtiments et les terrains qui disposent d’installations techniques, matériels et outillages présents dans le local d’une valeur inférieure à 300 000 euros, et ce quelle que soit la nature de l’activité exercée. Le local sera alors qualifié de local professionnel, et la valeur locative évaluée en fonction de la méthode tarifaire ou par voie d’appréciation directe.

Pour l’appréciation du seuil, il est précisé que :

– le franchissement à la hausse ou à la baisse du seuil est pris en compte lorsque le seuil est franchi pendant les trois années précédant celle au titre de laquelle l’imposition est établie ;

– le seuil prend en compte la valeur d’origine des installations techniques, matériels et outillages, détenus par l’exploitant ou le propriétaire ou mis à sa disposition, à titre onéreux ou gratuit, pendant une durée totale d’au moins six mois au cours de l’année civile.

L’appréciation du seuil sur plusieurs années, en excluant les variations de valeur du fait d’un matériel technique présent moins de six mois dans le local, permet d’offrir une meilleure sécurité juridique aux entreprises. Cela permet d’éviter que des investissements réalisés d’une année à l’autre conduisent à un changement de qualification d’une année à l’autre.

Le nouveau seuil d’exclusion doit entrer en vigueur au 1er janvier 2020. Le B du III précise que, pour la première année d’application, les entreprises respectant le seuil de 300 000 euros devront en informer leur propriétaire avant le 15 janvier 2020, et les propriétaires des locaux remplir une déclaration spécifique avant le 1er février 2020. Le décalage d’une année de l’entrée en vigueur permettra à l’administration fiscale de collecter l’information nécessaire à l’application du seuil, et aux entreprises de vérifier le régime juridique qui leur sera appliqué.

La mise en place d’un seuil plancher correspondant à une valeur des moyens techniques permet de sécuriser la qualification des immobilisations industrielles des entreprises, en particulier pour les plus petites, et d’objectiver la notion d’importance des moyens techniques (plus de 300 000 euros). Ainsi, les locaux utilisés par de petites entreprises de transformation ou de prestations de service, tels que les locaux d’un menuisier, d’un garagiste ou d’un entrepôt, ne seront plus susceptibles d’être considérés comme des locaux industriels. Cette solution permet également d’écarter de la méthode comptable les locaux ruraux dans lesquels sont effectuées des opérations de transformation agricole à titre accessoire, lorsque les matériels et l’outillage mis en œuvre sont limités (exemple d’un pressoir de raisins utilisé par l’agriculteur pour le compte de sa propre récolte et pour le compte d’autrui). Le seuil retenu de 300 000 euros de valeur des moyens techniques est celui qui ressort de l’analyse de la jurisprudence par la direction générale des finances publiques (DGFiP), bien que quelques décisions jurisprudentielles s’éloignent de cette valeur moyenne.

Le Rapporteur général estime néanmoins que ce seuil n’est pas suffisant pour sécuriser la situation d’un plus grand nombre d’entreprises. En conséquence, la commission des finances a adopté plusieurs amendements identiques rehaussant le seuil d’exclusion de la définition des locaux industriels de 300 000 euros à 500 000 euros.

Aussi, la solution proposée par les organisations représentant les entreprises, consistant en l’instauration de critères quantifiables pour mieux définir un local industriel, n’a pas été retenue ni par le présent article ni par la commission des finances. Ces critères étaient assis sur les données comptables de l’entreprise et visaient à objectiver l’importance de l’outillage et la prépondérance de son rôle dans l’activité. Il était notamment proposé la mise en place d’un seuil plancher et de deux ratios :

– en premier lieu, un seuil de 1 000 000 euros en deçà duquel l’établissement ne serait pas considéré comme industriel ; au-delà, deux ratios seraient analysés cumulativement pour qualifier le local d’industriel ;

– en deuxième lieu, un ratio d’outillage industriel (valeur de l’outillage industriel sur la valeur de l’ensemble des immobilisations) ; en deçà de 51 %, l’établissement ne serait pas industriel, et au-delà, un second ratio est analysé ;

– en troisième lieu, un ratio sur la part du facteur humain dans l’activité ; seuls seraient qualifiés d’industriels les établissements dans lesquels la part de l’humain est faible.

Ces propositions n’ont pas été retenues par le présent article. Le rapport remis au Parlement par le Gouvernement précise sur ce point que :

– le niveau plancher doit être fixé à un niveau raisonnable en l’absence de données sur les locaux industriels permettant de simuler les pertes de recettes pour les collectivités territoriales. Le seuil proposé d’un million d’euros est éloigné des montants habituellement précisés par la jurisprudence pour évaluer le critère de l’importance des moyens techniques servant à qualifier un local industriel, et aurait également un impact significatif sur les finances locales ;

– le ratio de la valeur de l’outillage industriel sur la valeur de l’ensemble des immobilisations pose la question de la valeur du dénominateur qui dépend d’éléments indépendants de la nature de l’activité exercée dans le local : par exemple, la valeur du terrain varie selon la localisation géographique sur le territoire. À un niveau d’automatisation équivalent, un local situé en région parisienne serait moins susceptible d’être qualifié de local industriel en raison des coûts élevés de l’immobilier et du foncier contrairement à des locaux situés dans des régions moins attractives. Une telle situation conduirait à des différences de traitement susceptibles d’entraîner une rupture d’égalité difficilement justifiable ;

– le ratio permettant d’apprécier la masse salariale pourrait s’avérer très complexe en pratique, par exemple lorsque de la main-d’œuvre extérieure, provenant d’autres entités et non-employée par l’exploitant, intervient dans le local considéré, ou inversement. En outre, dans le cas où l’entreprise utiliserait plusieurs locaux, une ventilation des effectifs dans chaque local serait nécessaire.

La DGFiP estime enfin que ce changement de définition d’un local industriel entraînerait des requalifications significatives difficilement prévisibles et maîtrisables. De plus, l’absence de données permettant de connaître les ratios du parc actuel des locaux industriels rend impossible la réalisation de simulations concernant les effets financiers pour les collectivités territoriales. Une telle réforme apparaît ainsi lourde à mettre en œuvre et nécessite plusieurs années de travaux et de collecte des données : la DGFiP estime ne pas être en mesure de mettre en place une telle réforme avant au minimum 2023.

2.   Lisser les variations importantes de valeur locative sur une période de trois ans

Par ailleurs, à compter de 2019, le présent article met en place un mécanisme de lissage dans le temps des hausses et des baisses de valeur locative en cas de passage de la méthode d’évaluation des locaux professionnels à la méthode d’évaluation comptable, et inversement. Il permet ainsi de lisser les hausses et les baisses d’imposition liées à un changement d’affectation ou de méthode d’évaluation, pour l’imposition à la TFPB et à la CFE.

Le F du I propose que, quand la valeur locative d’un local industriel ou professionnel évolue de plus de 30 % consécutivement à un changement d’affectation ou à un changement de méthode de détermination de la valeur locative, le montant de la variation soit réduit pour permettre une prise en compte progressive de la variation sur une période de trois ans. Le lissage est applicable uniquement aux variations de valeurs locatives non négligeables, c’est-à-dire une variation de plus de 30 % de la valeur locative (et non de la cotisation).

La réduction est égale à 75 % du montant de la variation de la valeur locative la première année où le changement est pris en compte, à 50 % la deuxième année et à 25 % la troisième année. La réduction s’applique à la valeur locative et non à celle des cotisations.

Il est toutefois précisé qu’en cas de changement d’exploitant pendant la période de réduction de la variation de la valeur locative, celle-ci cesse de s’appliquer l’année qui suit la réalisation de ce changement.

Le Rapporteur général estime néanmoins que cette durée est insuffisante pour lisser les hausses de variation de la valeur locative du fait d’une requalification, hausses qui peuvent parfois être très significative pour les entreprises concernées. C’est la raison pour laquelle la commission des finances a adopté un amendement allongeant la durée de la période de lissage des variations de la valeur locative du fait d’une requalification de trois à six ans. La réduction sera désormais égale à 85 % du montant de la variation de valeur locative la première année où le changement est pris en compte, à 70 % la deuxième année, à 55 % la troisième année, à 40 % la quatrième année, à 25 % la cinquième année et à 10 % la sixième année.

3.   Clarifier les obligations de déclaration et prévoir une actualisation des valeurs locatives évaluées selon la méthode du barème

L’exclusion à compter du 1er janvier 2019 de la méthode comptable des biens dont disposent les entreprises du secteur de l’artisanat nécessite de prévoir les obligations déclaratives permettant la mise à jour par l’administration fiscale des évaluations des valeurs locatives. Le A du I du présent article dispose que les changements de méthode de détermination de la valeur locative doivent être portés par les propriétaires à la connaissance de l’administration dans les quatre-vingt-dix jours (modifie l’article 1406 du CGI). Le B du I précise également que pour les entreprises, qui exploitent un bien dont elles ne sont pas propriétaires et qui peuvent prétendre pour la première fois au statut d’entreprise artisanale, doivent prévenir au plus tard au 31 décembre le propriétaire. Il en est de même pour les entreprises ne respectant plus les conditions pour prétendre au titre d’entreprise artisanale. Il revient alors au propriétaire de prévenir dans les quatre-vingt-dix jours l’administration fiscale (modifie l’article 1499-00 A du CGI).

Par exception, pour la première année d’application du dispositif pour les entreprises artisanales, le A du III prévoit que les exploitants informent les propriétaires avant le 15 janvier 2019 et les propriétaires remplissent une déclaration fiscale spécifique avant le 1er février 2020.

Le Rapporteur général estime que ce délai de quinze jours laissé aux artisans pour informer leur propriétaire que leur local n’est plus considéré comme industriel ainsi que le délai de quinze jours laissé aux propriétaires pour informer de cette situation l’administration fiscale sont particulièrement courts. La commission des finances a ainsi adopté deux amendements identiques reportant de quinze jours le délai laissé aux artisans et de quinze jours celui laissé aux propriétaires pour effectuer les démarches nécessaires.

De plus, le présent article tire les conséquences de la révision des VLLP en précisant les dispositions d’actualisation applicables aux locaux évalués selon la méthode du barème. Le E du I dispose que les valeurs locatives des locaux commerciaux soumis à cette méthode font l’objet, dans l’intervalle de deux révisions générales, d’une actualisation triennale au moyen de coefficients correspondant à l’évolution des valeurs, entre la date de référence de la dernière révision générale (1er janvier 1970) et celle retenue pour l’actualisation (modifie l’article 1518 du CGI). Il s’agit d’intégrer au dispositif d’actualisation des valeurs locatives des locaux d’habitation les locaux évalués selon la méthode du barème.

B.   L’IMPACT BUDGÉTAIRE ET ÉCONOMIQUE

Le Rapporteur général regrette que le présent article ne fasse l’objet d’aucune évaluation budgétaire. La DGFiP soutient en effet ne pas disposer des données suffisantes pour chiffrer les différentes mesures. L’évaluation préalable se contente ainsi de souligner que « la mesure conduira à une hausse ou à une baisse progressive des ressources des collectivités locales ».

Si les impacts budgétaires ne sont pas connus, il est toutefois possible d’appréhender l’ampleur potentielle de la réforme pour les établissements industriels et les collectivités territoriales. En 2017, 111 047 locaux industriels étaient dénombrés en matière de TFPB pour un montant de 3,47 milliards d’euros de cotisations, taxes additionnelles et frais de gestion inclus. S’agissant de la CFE, 85 508 établissements industriels étaient recensés pour un montant de 3,27 milliards d’euros de cotisations. En effet, un établissement au sein de la CFE peut-être composé d’un ou plusieurs locaux au sens de la TFPB.

Si le nombre de locaux industriels apparaît peu élevé par rapport aux deux autres catégories de locaux (habitation et professionnels), ils représentent une part substantielle de la fiscalité directe locale avec une forte concentration géographique sur quelques départements.

Pour 3,73 millions de locaux professionnels et industriels pris en compte en 2017 pour le calcul de la TFPB, seulement 3 % des locaux étaient affectés à des activités industrielles. Toutefois, les locaux industriels contribuent à hauteur de 3,47 milliards d’euros sur un total de 12,39 milliards de cotisations, taxes additionnelles et frais de gestion inclus, soit l’équivalent de 28 % des cotisations des locaux occupés par des entreprises (locaux professionnels et industriels).

Pour 4,74 millions d’établissements assujettis en 2017 à la CFE, seulement 1,8 % des établissements étaient industriels. Toutefois, les établissements industriels contribuent à hauteur de 3,27 milliards d’euros sur un total de 9,22 milliards d’euros de cotisations, taxes additionnelles et frais de gestion inclus, soit l’équivalent de 35,4 % de la CFE.

La répartition des locaux ou des établissements industriels par décile de cotisation montre une forte concentration au niveau du dernier décile : ce dernier représente 78 % des cotisations de TFPB des locaux industriels et 77 % des recettes de CFE acquittées par les établissements industriels en 2017.

De la même manière, la répartition géographique des cotisations de TFPB et de CFE des locaux industriels est fortement concentrée sur quelques départements. En montant de cotisation, les vingt premiers départements perçoivent 48 % du montant annuel de la TFPB acquittée par les locaux industriels et 50 % du montant annuel de la CFE acquittée par les établissements industriels. De même, les cinq premiers départements perçoivent 21 % de la TFPB acquittée par les locaux industriels et 20 % de la CFE acquittée par les établissements industriels.

RÉpartition par dÉpartement des cotisations de CFE des Établissements industriels en 2017

Source : direction générale des finances publiques (DGFiP), Rapport relatif aux modalités dévaluation et à la sécurisation de la qualification des locaux industriels, septembre 2018 ; logiciel Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) 2018 – IGN GéoFla ; traitement commission des finances.

Du fait de cet effet de concentration géographique, les enjeux en matière de fiscalité locale et de définition de la valeur locative des établissements industriels sont particulièrement sensibles dans certains départements où les recettes de TFPB et de CVAE « industrielles » sont plus importantes que la moyenne.

RÉpartition par dÉpartement des cotisations de TFPB des Établissements industriels en 2017

Source : direction générale des finances publiques (DGFiP), Rapport relatif aux modalités dévaluation et à la sécurisation de la qualification des locaux industriels, septembre 2018 ; logiciel Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) 2018 – IGN GéoFla ; traitement commission des finances.

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La commission examine, en discussion commune, les amendements II-CF533 et IICF534 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. L’an dernier, durant l’examen du projet de loi de finances, nous avons évoqué plusieurs difficultés concernant les valeurs locatives retenues pour les établissements industriels et leur requalification. Il avait alors été prévu de faire un bilan. Depuis lors, un rapport gouvernemental a formulé un certain nombre de propositions. Au premier abord, j’ai été plutôt satisfaite en découvrant l’article 56, avant d’être rapidement déçue, parce qu’il ne répond pas du tout à l’attente des entreprises. En réalité, il ne fait qu’inscrire dans la loi des notions doctrinales d’importance et de prépondérance des moyens techniques, sans les définir précisément, alors que c’était le cœur même du sujet. Je ne suis pas sûre que, dans sa rédaction actuelle, l’article 56 permettra de répondre à l’objectif de clarification souhaité, compte tenu de l’insécurité juridique qui résultait de l’appréciation des valeurs locatives.

L’amendement II-CF533 vous propose de limiter, à compter du 1er janvier 2020, l’application de l’article 1499 du CGI aux seuls bâtiments dont l’activité principale consiste dans la fabrication et la transformation de matière. Le IV vise à organiser, à compter de l’adoption de l’amendement jusqu’au 1er janvier 2020, un moratoire, parce que beaucoup d’entreprises ont des litiges administratifs, avant de refaire un point pour sécuriser le dispositif. L’amendement II-CF534 est de repli.

M. le Rapporteur général. Avant de donner mon avis sur ces amendements, je vais rapidement présenter l’article 56 et ma position sur les différents amendements déposés sur l’article, afin d’éviter de redonner ma position sur chaque amendement dans la suite des débats.

Je serai défavorable à tous les amendements qui visent à revenir sur la définition des locaux industriels, parce qu’ils conduisent à donner un avantage fiscal à certaines entreprises d’entreposage fortement mécanisées, en particulier à tous les opérateurs de la vente à distance, même si ce n’est évidemment pas l’intention originelle de leurs auteurs : cette solution est totalement contradictoire avec l’objectif que nous partageons tous de rétablir l’équité fiscale entre commerce électronique et magasins physiques traditionnels.

Une autre série d’amendements vise à rehausser significativement le seuil d’exclusion de la définition des locaux industriels. Comme vous le savez, c’est un sujet sensible dans la mesure où cela a des conséquences sur les recettes des collectivités locales. Le rapport cité par Véronique Louwagie faisait état d’un seuil situé entre 300 000 et 500 000 euros. Sachant que le coût budgétaire de la mesure n’a pas pu être évalué, mieux vaut commencer, pour limiter tout danger pour les finances locales, par expérimenter le seuil maximal examiné dans le rapport. C’est pourquoi je proposerai d’augmenter légèrement le seuil retenu par l’article 56 de 300 000 euros à 500 000 euros, ce qui permettra de donner de la visibilité aux collectivités territoriales, sans pour autant constituer un risque pour les finances des collectivités locales.

Plusieurs amendements proposent également un allongement à dix ans de la période de lissage de la variation de la valeur locative. Je suis, pour ma part, favorable à un lissage sur six ans au lieu de trois, ce qui me paraît constituer un équilibre intéressant.

D’autres amendements proposent un principe de non-rétroactivité des requalifications à venir, ce qui rejoint un peu l’idée de moratoire de Véronique Louwagie. Je suis tout à fait ouvert sur la question, même si la rétroactivité est un principe très difficile à construire juridiquement. Nous travaillons à mettre au point un dispositif stabilisé sur le plan juridique d’ici à la séance. En attendant, je serai défavorable à ces amendements. Si l’un des amendements proposait une solution juridique sécurisée, j’en serais très heureux, mais ce n’est pas le cas.

Enfin, une série d’amendements proposent de repousser les délais laissés aux artisans et aux propriétaires pour effectuer les déclarations fiscales nécessaires. Afin de concilier les impératifs de l’administration fiscale, qui doit détenir les informations suffisamment en amont pour être en mesure d’établir les rôles de cotisations, et la nécessité d’octroyer des délais complémentaires aux artisans et à leur propriétaire, je proposerai une prolongation d’un mois par rapport à la date initialement prévue. Au-delà, l’administration fiscale serait dans l’impossibilité d’établir les rôles correctement.

Par conséquent, j’émets, avec regret, un avis défavorable aux deux amendements de Mme Louwagie.

Mme Marie-Christine Dalloz. Plusieurs entreprises de ma circonscription ont été requalifiées par les services fiscaux sur la base de leur valeur locative. J’ai le sentiment que l’appréciation n’est pas la même dans l’ensemble des départements français. Nous devons prendre cet aspect en compte, qui n’est pas anodin. J’ai lu avec intérêt, pas plus tard que cette nuit, le fameux rapport remis au Parlement. La CFE est elle aussi déterminée sur la base d’un taux et d’une valeur locative. Il me semblait que nous avions prévu – M. le rapporteur général pourra confirmer mes dires – un lissage sur dix ans en cas de variations trop importantes, après révision des bases. Ce lissage est-il appliqué par les services fiscaux ? Comment cela se passe-t-il ? Personne ne s’y retrouve.

M. Daniel Labaronne. L’article 56 dessine une ligne de crête entre des intérêts contradictoires : ceux des collectivités locales et ceux des établissements commerciaux requalifiés en établissements industriels. Le dilemme n’est pas facile à résoudre, dans la mesure où l’administration ne dispose pas de données lui permettant de bien mesurer les effets financiers de certaines mesures plus radicales et où il n’existe pas de définition précise et claire d’un établissement industriel. Un groupe d’étude ad hoc a travaillé pendant plus d’un an et propose, dans son rapport, de fixer le seuil entre 300 000 euros et 500 000 euros. L’avancée constituerait à retenir le seuil de 500 000 euros. Le principe du lissage sur six ans me semble également une bonne idée. Cela étant, nous devrons nous interroger sur la définition de ce qu’est un établissement commercial, un établissement industriel, ou encore une plateforme de commerce en ligne. Si notre fiscalité remonte parfois au XIXe siècle, les activités économiques sont bien celles du XXIe siècle. Il faudrait que ce groupe ad hoc puisse continuer à travailler pour avancer sur la définition notamment de ce qu’est un établissement industriel, sachant que la doctrine n’est pas arrêtée à ce sujet.

M. Charles de Courson. Je partage totalement ce que vient de dire notre collègue Daniel Labaronne. Le problème de fond, c’est que nous avons un texte archaïque, qui donne lieu à maintes interprétations. On m’a fait remonter l’exemple d’une entreprise qui a plusieurs établissements semblables qui ne sont pas traités de la même façon. Le concept d’importance des moyens techniques n’est pas clair : certains inspecteurs considèrent les Fenwick comme des moyens mécaniques, auquel cas l’entrepôt qui en possède se voit traité comme un établissement industriel ; d’autres non. Le Gouvernement essaie de mettre fin à cette ambiguïté, grâce à une définition plus précise. Le texte que l’on nous propose est certes moins mauvais, mais il donnera encore lieu à une jurisprudence abondante, et donc à des discussions sans fin.

Faire remonter le seuil à 500 000 euros suffirait-il à résoudre le problème ? Je l’aurais plutôt fixé à un bon million d’euros, pour essayer de sortir de cette situation. Malheureusement, alors que le débat perdure depuis des années, nous ne disposons d’aucune simulation. Le Gouvernement aurait pu faire une forme de dégrossissage pour savoir quel est le meilleur seuil.

Mme Marie-Christine Dalloz. On joue aux apprentis sorciers !

M. Charles de Courson. Je ne suis pas contre l’augmentation du seuil à 500 000 euros, parce que nous devons améliorer la situation. Mais on n’est pas sortis de l’auberge !

M. le Rapporteur général. Je suis entièrement d’accord avec le fait que le groupe de travail doive poursuivre ses recherches : méfions-nous des fausses bonnes idées, qui pourraient conduire à favoriser les grands opérateurs de la vente à distance, ce que nous ne souhaitons pas.

Par ailleurs, s’agissant des différences de traitement entre territoires, qui sont une réalité, sachez que l’administration fiscale a commencé à diffuser quatorze fiches de clarification de la doctrine et de la jurisprudence, qui précisent les cas concrets de règles applicables. Cela devrait contribuer à atténuer ces différences de traitement, même s’il nous faudra demeurer vigilants. L’administration fiscale a fait ce que nous lui avons demandé, en commençant à établir une doctrine qui évite des erreurs manifestes d’interprétation – ce qui ne veut pas dire qu’il n’y en aura plus du tout, mais c’est au moins une première tentative.

Concernant la mise en place d’un lissage sur dix ans, il ne me semble pas pertinent de faire un parallèle avec la révision des valeurs locatives des locaux professionnels, qui visait à combler pas moins de cinquante ans de retard sur les prix de marché. Ce n’est pas du tout la même logique. C’est pourquoi le compromis de six ans me semble tout à fait acceptable.

La commission rejette ces amendements.

Elle en vient à l’examen, en discussion commune, des amendements IICF902 de Mme Émilie Bonnivard, II-CF1369 de M. Daniel Labaronne et IICF566 de M. Marc Le Fur.

Mme Émilie Bonnivard. Nous avons un problème de définition des locaux industriels, qui conduit à des différences d’appréciation selon les territoires. Malgré le rapport remis par le Gouvernement, la définition proposée dans le projet de loi de finances n’est pas satisfaisante. Qu’est-ce qu’une activité de fabrication ou de transformation ? Que signifient d’« importants moyens techniques » ? Qu’est-ce que la prépondérance ? Le projet de loi de finances prévoit de remplacer un vide juridique par un flou légistique, qui ne réglera pas la situation. Je partage la position de Daniel Labaronne, Véronique Louwagie et Charles de Courson : le groupe de travail doit poursuivre ses travaux, afin que nous puissions disposer d’une définition précise et relever le seuil d’une façon plus cohérente avec la réalité des biens industriels, tout en tenant compte des incidences financières sur les collectivités territoriales. Tel est l’esprit de l’amendement II‑CF902.

M. Daniel Labaronne. Nous allons adopter des aménagements aux règles d’évaluation de la valeur locative des locaux industriels, mais nous avons surtout besoin d’une définition nouvelle extrêmement claire et sans doute d’une refonte globale de la fiscalité des locaux industriels. C’est pourquoi mon amendement II‑CF1369 vise à prendre acte de cette ambition nouvelle, en fixant au 1er janvier 2021 au plus tard, le remplacement de la définition actuelle par une nouvelle définition, afin d’inciter l’administration à travailler sur le sujet. Il s’agit d’un amendement d’appel.

M. Marc Le Fur. Tout d’abord, une incertitude plane sur les activités concernées. De surcroît, selon les catégories dans lesquelles les entreprises sont classées, la hausse peut être considérable : elle atteindrait parfois 300 %. Est-ce vrai ? Enfin, le texte aggrave la situation, puisqu’il confirme des dispositions qui, jusqu’à présent, figuraient seulement au BOFiP. Nous sommes en train de sanctuariser une disposition qui n’est pas bonne ! N’allons pas confirmer les errements de l’administration, qui peuvent avoir des effets considérables sur les entreprises ! Mon amendement II‑CF566 propose d’en finir avec cette difficulté en proposant une définition précise pour les établissements industriels.

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette successivement ces amendements.

Puis elle étudie les amendements identiques IICF548 de Mme Lise Magnier et IICF567 de M. Marc Le Fur.

Mme Lise Magnier. L’amendement II‑CF548 a trait à la question de la non-rétroactivité. Mais, comme j’ai bien entendu le Rapporteur général nous expliquer qu’il était en train d’essayer de tricoter un nouvel objet juridique qui fonctionnerait ; pour peu qu’il veuille bien nous faire part du système qu’il aura trouvé, je suis prête à le retirer.

L’amendement est retiré.

M. Marc Le Fur. Mon amendement II‑CF567, identique, vise à préciser qu’une requalification par l’administration ne saurait impliquer ni rétroactivité ni pénalités de retard.

M. le Rapporteur général. Pour les raisons que j’ai données précédemment et qui ont été rappelées par Lise Magnier, demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement II-CF567.

Puis, suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, elle rejette les amendements identiques IICF538 de Mme Véronique Louwagie et IICF569 de M. Marc Le Fur.

Elle rejette ensuite l’amendement IICF149 de Mme Lise Magnier.

La commission en vient à l’examen, en discussion commune, des amendements identiques IICF74 de Mme Véronique Louwagie, IICF550 de Mme Lise Magnier, IICF1195 de M. Charles de Courson et IICF1365 de M. Daniel Labaronne, des amendements IICF903 de Mme Émilie Bonnivard et IICF1196 de M. Charles de Courson, ainsi que des amendements identiques IICF1310 du Rapporteur général, IICF148 de Mme Lise Magnier, IICF1194 de M. Charles de Courson et IICF1366 de M. Daniel Labaronne.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement II-CF74 vise à substituer au seuil de 300 000 euros un seuil de 1 million d’euros. Au regard de nos échanges, l’article 56 n’est pas satisfaisant. Il aurait été préférable de nous donner le temps de définir un dispositif rassurant, car je ne suis pas certaine que nous levions les insécurités existantes.

Mme Lise Magnier. L’amendement II-CF550, identique, est défendu.

M. Charles de Courson. L’amendement II-CF1195 également. Je regrette que nous n’ayons pas de simulation pour voir où mettre les curseurs. D’où sortent les 300 000 euros ?

Mme Véronique Louwagie. Du rapport !

M. Charles de Courson. Soit. Mais ce rapport ne dit finalement rien d’autre que : « nous ne savons pas », sans justifier en rien le choix du seuil. Peut-être avez-vous d’autres informations, monsieur le Rapporteur général ?

M. Daniel Labaronne. L’amendement II-CF1365 est défendu.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable sur les quatre amendements identiques. Le seuil de 300 000 euros représente tout de même une avancée : il n’est ni dans le BOFiP ni dans la jurisprudence. Des éléments de jurisprudence tendent à rendre acceptable ce seuil que je propose de faire passer à 500 000 euros. Puisque la DGFiP n’a pas été en mesure de nous fournir des simulations, voyons comment se comportera le système avec un seuil à 500 000 euros, avant de le modifier éventuellement les années suivantes.

M. Charles de Courson. Monsieur le Rapporteur général, j’ai interrogé des entreprises, qui m’ont dit qu’un seuil à 500 000 euros ce n’était rien du tout, et a fortiori à 300 000 euros ! En l’état actuel des choses, tout restera qualifié de bien industriel. Avez-vous idée du prix d’un Fenwick ?

M. le Rapporteur général. Le but n’est pas de supprimer ce qui relève de la fiscalité industrielle. Faisons-y bien attention : il y a des effets que nous ne mesurons pas, puisque la DGFiP ne peut pas faire de simulation. Si vous acceptez mon amendement II‑CF1310, qui fixe le seuil à 500 000 euros, nous en aurons une en grandeur nature. À l’heure actuelle, c’est la seule solution raisonnable, d’après les analyses tirées de la jurisprudence.

Mme Émilie Cariou. La méthode d’évaluation industrielle – le « modèle U », en jargon DGFiP – était initialement réservée aux activités de transformation industrielle. Au regard de la robotisation et de l’importance des matériels utilisés dans les entrepôts industriels, la jurisprudence du Conseil d’État a évolué, si bien que certains entrepôts ont été requalifiés en modèles industriels. Il s’agit, monsieur Le Fur, d’une méthode comptable : au lieu de faire une évaluation par comparaison, pour juger de la valeur foncière des locaux, ce sont les éléments de la valeur comptable des matériels industriels utilisés dans le bâtiment qui sont pris en compte. C’est pour cela qu’il peut y avoir une telle différence. À la suite de cette jurisprudence, la DGFiP a dû faire preuve d’interprétation, en fonction du caractère prépondérant de l’outillage dans le fonctionnement de l’établissement. En tout état de cause, si le seuil de 300 000 euros ou de 500 000 euros n’est pas idéal, il est objectif et apporte une relative sécurité juridique.

M. Marc Le Fur. Je vous remercie, madame Cariou. Ce seuil de 300 000 euros ou de 500 000 euros recouvre-t-il la valeur du bâtiment ou seulement celle de ce qu’il y a dedans ?

M. le président Éric Woerth. Celle du matériel.

Mme Émilie Bonnivard. Mon amendement II-CF903 vise à faire passer le seuil de 300 000 euros à 800 000 euros, en me fondant sur la valeur, fixée un peu par expérience, un peu au doigt mouillé, des biens industriels.

M. Charles de Courson. Je tâte le terrain en proposant dans mon amendement II‑CF1196 un seuil de 750 000 euros. Nous en revenons toujours au même débat : quel est le bon seuil ? Personne ne le sait, puisqu’il n’existe aucune simulation.

Par ailleurs, madame Cariou, le concept de prépondérance s’expliquait à une époque où l’on comparait ceux qui avaient quelques machines et ceux qui travaillaient à bras d’homme. Il est désormais complètement dépassé : prépondérant par rapport à quoi ?

M. le Rapporteur général. L’amendement II‑CF1310 vise précisément à fixer le seuil de 500 000 euros dont je viens de parler.

M. Charles de Courson. Comme mon amendement II-CF1194. Au doigt mouillé...

M. Daniel Labaronne. J’ai pu avoir accès, de façon anonyme, bien sûr, à des recours devant les tribunaux administratifs de la procédure de requalification. En fixant le seuil à 500 000 euros, comme le propose également mon amendement II-CF1366, nous éliminerons un certain nombre de petites entreprises, qui n’auront plus à subir le risque d’une requalification. Le rapport justifie le seuil des 300 000 euros par la jurisprudence, un peu au doigt mouillé. Je suis convaincu que le seuil de 500 000 euros permettra de sécuriser un plus grand nombre de situations. Il est clair, néanmoins, qu’il reste relativement bas.

La commission rejette les amendements identiques IICF74, IICF550, IICF1195 et IICF1365.

Elle rejette successivement les amendements IICF903 et IICF1196.

Puis elle adopte les amendements identiques IICF1310, IICF148, IICF1194 et IICF1366 (amendement II-1978).

La commission examine l’amendement II-CF559 de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. L’amendement II-CF559 vise à inscrire dans la loi un principe de non-rétroactivité, en cohérence avec le principe du droit à l’erreur que nous avons évoqué à plusieurs reprises.

M. le Rapporteur général. Défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie des amendements II-CF560 et II-CF561 de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Ces amendements sont défendus.

M. le Rapporteur général. Défavorable.

La commission rejette successivement les deux amendements.

Elle examine, en discussion commune, les amendements identiques II-CF535 de Mme Véronique Louwagie et II-CF836 de Mme Marie-Christine Dalloz, ainsi que les amendements II-CF549 de Mme Lise Magnier, II-CF1312 du Rapporteur général et IICF1367 de M. Daniel Labaronne.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement II-CF535 est défendu.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement II-CF836 également.

Mme Lise Magnier. Je retire l’amendement II-CF549.

M. le Rapporteur général. L’amendement II-CF1312 vise à porter la période de lissage en cas de variation de plus de 30 % de la valeur locative du fait d’une requalification de trois à six ans. Cela me semble un bon compromis avec les différentes propositions que nous venons d’examiner.

Je serai défavorable à tous les autres amendements.

M. Daniel Labaronne. L’amendement II-CF1367 est défendu.

M. le Rapporteur général. L’amendement de Daniel Labaronne étant quasiment identique au mien, si ce n’est qu’il présente une petite différence de rédaction, je lui suggère de le retirer afin de se rallier au mien.

M. Daniel Labaronne. J’accepte la proposition de M. le Rapporteur général.

M. Charles de Courson. Pour régler le problème dont il est ici question, on peut procéder à un lissage sur six ans, mais on peut aussi plafonner le pourcentage annuel cumulé de la hausse. J’ai en effet pu constater, en consultant des simulations individuelles, que l’écart pouvait aller d’un à cinq selon que l’entreprise était considérée comme industrielle ou pas. Un à cinq, c’est énorme.

Mme Émilie Cariou. C’est toute la question de l’évaluation commerciale !

M. Charles de Courson. Certes, l’amendement du Rapporteur général met en place un lissage sur six ans. Mais, au bout de six ans, l’augmentation sera énorme. Nous avions retenu dans d’autres réformes un plafonnement annuel cumulé de 15 % ou 10 % : c’est ce qu’on appelle le « système de la trompette ».

La commission rejette les amendements identiques II-CF535 et II-CF836.

Les amendements II-CF549 et II-CF1367 sont retirés.

La commission adopte l’amendement II-CF1312 (amendement II-1983).

M. Marc Le Fur. Si je comprends bien, il n’y a pas de rétroactivité, l’évolution adoptée ne valant que pour les trois années à venir.

M. le Rapporteur général. Non, c’est autre chose : la non-rétroactivité devra être calée juridiquement par un autre moyen.

M. Marc Le Fur. Comment la mesure adoptée pourrait-elle être rétroactive, alors qu’il est prévu qu’elle s’applique au cours des années à venir ?

M. le Rapporteur général. Je vous confirme qu’il faudra rédiger, avant la séance publique, un amendement prévoyant la non-rétroactivité.

M. Marc Le Fur. Mais vous êtes d’accord sur le principe de la non-rétroactivité, monsieur le Rapporteur général ?

M. le Rapporteur général. Bien sûr : j’ai même reconnu tout à l’heure que l’amendement II-CF1368 de M. Labaronne était le plus abouti. Mais je tiens à ce que son principe soit établi de manière juridiquement stable, compte tenu de la complexité du sujet. Nous allons nous y employer d’ici à la séance.

La commission est saisie, en présentation commune, de l’amendement IICF1368 de M. Daniel Labaronne, des amendements identiques II-CF536 de Mme Véronique Louwagie, II-CF837 de Mme Marie-Christine Dalloz et IICF1197 de M. Charles de Courson, ainsi que des amendements II-CF882 de M. Fabrice Brun et II-CF1370 de M. Daniel Labaronne, des amendements identiques II-CF1311 du Rapporteur général et II-CF1371 de M. Daniel Labaronne, et des amendements identiques II-CF537 de Mme Véronique Louwagie et IICF840 de Mme Marie-Christine Dalloz.

M. Daniel Labaronne. L’amendement II-CF1368 vise à poser le principe de la non-rétroactivité des redressements fiscaux.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement II-CF536 a le même objet.

Mme Marie-Christine Dalloz. Les requalifications de locaux commerciaux en immobilisations industrielles peuvent se traduire par des hausses très conséquentes de l’imposition foncière – je connais une entreprise qui s’est vu imposer une augmentation de 300 %, ce qui me paraît tout à fait inconcevable. Dans ces conditions, poser le principe de la non-rétroactivité me paraît être la moindre des choses : tel est l’objet de mon amendement II‑CF837.

M. Charles de Courson. L’amendement II-CF1197 est défendu.

J’appelle cependant votre attention sur le fait que, si l’amendement de Daniel Labaronne est intéressant, il ne couvre pas la question des contentieux. Il me semble nécessaire de fixer pour principe que tous les contentieux n’ayant pas fait l’objet d’une décision définitive sont automatiquement éteints, comme on le fait habituellement : à défaut, on ne s’en sortira jamais.

M. Vincent Descoeur. Notre collègue Fabrice Brun a été saisi par les artisans brasseurs de l’Ardèche d’une difficulté d’application de l’article 56 – que rencontrent bien d’autres artisans. Le délai de quinze jours à compter du vote de la loi dont disposent les artisans pour prévenir leurs propriétaires du changement de statut de leurs locaux est insuffisant, à la fois pour les artisans et pour les propriétaires. Son amendement II-CF882 vise donc à le prolonger de deux mois.

M. Daniel Labaronne. Je retire l’amendement II-CF1370.

M. le Rapporteur général. L’amendement II-CF1311, dont j’ai parlé tout à l’heure, propose une solution de compromis, à savoir une prolongation de quinze jours supplémentaires pour les artisans, puis quinze jours supplémentaires pour leur propriétaire, soit un report total d’un mois équitablement réparti.

M. Daniel Labaronne. L’amendement II-CF1371 est identique.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement II-CF537 est défendu.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement II-CF840 l’est également.

M. le Rapporteur général. Je suis favorable aux amendements identiques II-CF1311 et II-CF1371, et défavorable à tous les autres.

La commission rejette l’amendement II-CF1368.

Elle rejette les amendements identiques II-CF536, II-CF837 et II-CF1197.

Elle rejette l’amendement II-CF882.

L’amendement II-CF1370 est retiré.

La commission adopte les amendements identiques II-CF1311 et IICF1371 (amendement II-1986).

Puis elle rejette les amendements identiques II-CF537 et II-CF840.

Enfin, elle adopte l’article 56, modifié.

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*     *

Après l’article 56

La commission examine l’amendement II-CF261 de M. Lionel Causse.

M. Lionel Causse. L’article 223 du code des douanes pose le principe d’un droit annuel de francisation des navires (DAFN) réduit à un montant représentant entre 50 % et 90 % du barème national pour les navires dont le port d’attache est en Corse – le taux actuellement appliqué est de 70 %. Dans ce contexte, un nombre croissant de bateaux stationnant dans des ports continentaux de la Méditerranée déclarent un port d’attache en Corse afin de bénéficier de ce taux réduit, la seule condition étant d’avoir stationné en Corse au moins une fois dans l’année.

La modification proposée, consistant à poser la condition d’un stationnement d’au moins un mois, permettrait d’éviter cette « fuite » de DAFN.

M. le Rapporteur général. Cet amendement me paraît cohérent, mais je note qu’il entraînerait une perte de recettes pour la collectivité territoriale de Corse. S’il peut être trouvé un moyen de la compenser, j’émettrai un avis de sagesse ; à défaut, je serai défavorable à cet amendement.

M. Lionel Causse. Si le taux actuel de 70 % était ramené à 50 % ou 40 %, les résultats pour la collectivité seraient les mêmes.

M. Charles de Courson. La mise en œuvre de cet amendement poserait de sérieux problèmes en termes de contrôle, mes chers collègues. Tant qu’il suffisait d’avoir stationné une fois, les choses étaient simples ; mais là, il va falloir contrôler la durée... Allons-nous devoir créer un corps d’inspecteurs chargés de vérifier combien de temps chaque bateau est resté au port – étant précisé que les choses seront encore plus compliquées pour les bateaux qui ne font que passer d’un port à un autre ? Franchement, j’ai l’impression que cet amendement ne tourne pas rond...

M. Michel Castellani. Sans me prononcer sur le fond de cet amendement, j’estime que, dans la mesure où il aurait un impact direct sur les ressources de la collectivité de Corse, la moindre des choses serait d’associer celle-ci à la prise de décision. Je suggère donc que l’on consulte les services spécialisés de la collectivité de Corse avant de se prononcer sur une telle disposition.

La commission rejette l’amendement.

La commission est saisie de l’amendement II-CF832 de M. Lionel Causse.

M. Lionel Causse. Actuellement, le DAFN a vocation à financer aussi bien le Conservatoire national du littoral, la filière de recyclage des navires de plaisance dans le cadre de la responsabilité élargie du producteur (REP) et la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM).

L’amendement II-CF832 vise à clarifier l’ordre d’affectation du montant du produit du droit de francisation et de navigation en y réintégrant la filière de recyclage des navires.

M. le Rapporteur général. Je ne suis pas certain qu’il soit pertinent de classer en dernier dans l’ordre de priorité la SNSM... C’est pourquoi j’émets un avis défavorable à cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement II-CF831 de M. Lionel Causse.

M. Lionel Causse. Cet amendement vise à répartir de manière égale les pertes de recette du DAFN entre le financement du Conservatoire national du littoral et celui de la filière de recyclage des bateaux en répartissant en parts égales l’insuffisance des ressources globales du DAFN entre le Conservatoire et la REP, sans que le montant de la quote-part versée aux éco-organismes ne puisse être inférieur à 1 % du produit brut du DAFN.

M. le Rapporteur général. La première partie de votre proposition est intéressante. Cependant, l’absence de prise en compte du troisième affectataire, à savoir les organismes de secours et de sauvetage en mer, pose problème. Je suis donc défavorable à votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement II-CF263 de M. Lionel Causse.

M. Lionel Causse. L’amendement II-CF263 vise à demander au Gouvernement de présenter, dans les six mois suivant la promulgation de la loi, un rapport au Parlement sur la réforme du DAFN qui finance actuellement le Conservatoire du littoral, ainsi que la filière REP de recyclage des navires et la SNSM.

Je précise qu’il a été adopté par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire avec un délai de présentation du rapport un peu plus long, à savoir neuf mois.

M. le Rapporteur général. En première partie, nous avons adopté des amendements identiques en provenance de quasiment tous les groupes politiques, visant à geler les mécanismes d’abattement pour vétusté du DAFN. À votre initiative, notre assemblée a également adopté un autre amendement visant à harmoniser les frais de recouvrement et d’assiette applicable au DAFN.

Il ne me semble donc pas pertinent de demander un rapport au Gouvernement sur les amendements que vous venez de faire adopter... En tout état de cause, il est un peu tôt pour le faire : l’examen du rapport sur l’application des mesures fiscales constituerait sans doute un moment plus opportun. C’est pourquoi je suis défavorable à votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine les amendements identiques II-CF412 de M. Michel Castellani et II-CF439 de Mme Véronique Louwagie.

M. Michel Castellani. Une taxe d’embarquement sur les passagers, instituée par un article de la loi de finances pour 1994, est actuellement due à l’embarquement des passagers sur des lignes aériennes ou maritimes régulières dans les régions de Guadeloupe et de La Réunion, les collectivités territoriales de Guyane et de Martinique, ainsi que le Département de Mayotte. L’amendement II-CF412 vise à étendre l’application de cette taxe aux passagers arrivant dans ces mêmes collectivités, sur le modèle de la taxe applicable pour la collectivité de Corse.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement identique II-CF439 est défendu.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable. Le taux ou le tarif de la taxe n’est pas précisé par cette proposition, ce qui entraîne un risque d’incompétence négative.

La commission rejette les amendements identiques II-CF412 et II-CF439.

Elle est saisie de l’amendement II-CF1183 de M. Michel Castellani.

M. Michel Castellani. L’amendement II-CF1183, sur lequel nous avons déjà beaucoup débattu l’an dernier, a été établi sur la base d’un rapport adopté par l’Assemblée de Corse lors de sa séance du 28 juillet 2017.

Il vise à la création d’une écotaxe prélevée sur les camping-cars, et remboursable sur présentation de justificatifs attestant du stationnement du véhicule sur une aire adaptée. Il ne s’agit pas de matraquer les touristes, mais d’inciter les occupants de camping-cars à utiliser les stationnements prévus pour cet usage. On compte en effet plus de 30 000 camping-cars en Corse durant la saison estivale, ce qui entraîne de gros problèmes en matière de circulation, mais aussi un très fort impact sur les milieux naturels fragiles lorsque ces véhicules se mettent à stationner un peu n’importe où. Je précise que cet amendement avait été adopté l’an dernier en commission des finances.

M. le Rapporteur général. Et comme l’an dernier, j’y suis favorable.

M. le président Éric Woerth. Cet amendement avait effectivement été adopté par notre commission lors de l’examen de la loi de finances de l’an dernier, avant que le Gouvernement ne le fasse repousser en séance publique.

M. Charles de Courson. Je pense que cette proposition ne constitue pas la bonne approche pour parvenir à l’objectif indiqué, à savoir obliger les utilisateurs de camping-cars à stationner leurs véhicules sur les aires payantes prévues à cet effet, comme le prévoit la réglementation. Je connais bien ce problème, puisque l’on a parfois compté jusqu’à 600 camping-cars stationnés autour du lac du Der. Pour y remédier, nous avons créé des aires payantes – on peut y passer la nuit pour 6 ou 8 euros –, et tous ceux qui font stationner leur camping-car en dehors de ces aires ont droit à une contredanse... Ce système me paraît plus efficace que celui qui nous est ici présenté, dont la mise en œuvre serait sans doute trop compliquée.

M. Marc Le Fur. Pour ma part, je voudrais défendre les utilisateurs de camping-cars, car ce sont des gens très calmes et qui achètent des produits locaux. Certes, les gros rassemblements peuvent être à l’origine de difficultés, mais la présence de quelques camping-cars n’a jamais été un problème.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement II-CF714 de Mme George Pau-Langevin.

Mme Christine Pires Beaune. Cet amendement proposé par notre collègue George Pau-Langevin vise à permettre aux communes ayant institué une taxe de balayage, sur la base de l’article 1528 du code général des collectivités territoriales (CGCT), de moduler le tarif de la taxe selon la catégorie de la propriété assujettie, l’idée étant de donner la possibilité aux communes de pouvoir instaurer un tarif réduit pour les maisons d’habitation individuelles. Je précise que cette mesure ne coûterait rien au budget de l’État.

M. le Rapporteur général. Cet amendement aura au moins eu le mérite de me faire découvrir l’existence d’une taxe de balayage à Paris et dans trois communes de la banlieue parisienne, existence d’autant plus étonnante que l’état de propreté des rues de Paris ne m’avait jamais amené à penser qu’une taxe de balayage y fût appliquée...

Dans la mesure où la taxe de balayage est une redevance pour service rendu, les modalités de calcul de la redevance doivent refléter le coût du service rendu aux bénéficiaires, et le produit de la taxe ne peut excéder les dépenses occasionnées par le balayage.

Je suis donc défavorable à cet amendement, étant précisé que je ne m’opposerais sans doute pas à une proposition qui aurait un jour pour objet de balayer cette taxe.

M. Charles de Courson. M. le Rapporteur général a raison : il faut supprimer la taxe de balayage, qui ne concernait initialement que deux communes en France. Selon une vieille règle juridique figurant dans le code civil, chaque propriétaire doit balayer le trottoir devant chez lui. Il serait souhaitable d’abroger cette règle qui paraît aujourd’hui archaïque : on ne va pas exiger, pour une tour de quinze étages, que le ou la concierge passe le balai devant tous les jours ! Il faut balayer la taxe de balayage.

Mme Christine Pires Beaune. Si aucune des communes de mon département n’applique la taxe de balayage, celle-ci existe bel et bien. Je rappelle que mon amendement ne vise pas à la soutenir, mais à diminuer son montant pour les propriétés individuelles, qui se trouvent aujourd’hui pénalisées.

M. le Rapporteur général. Je répète que, d’un point de vue juridique, le coût du service rendu ne peut être fondé sur la valeur locative du bien ou la catégorie du bien.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement II-CF598 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Il est aujourd’hui possible de prélever une taxe locale sur la publicité extérieure à partir d’une surface de 7 mètres carrés. Afin de soutenir la vitalité commerciale des centres-villes, je propose par mon amendement II-CF598 de relever ce seuil en le portant à 20 mètres carrés.

M. le Rapporteur général. Je rappelle que la taxe faisant l’objet de cet amendement a pour objet de lutter contre la pollution visuelle. Tripler le seuil d’assujettissement pour le porter à 20 mètres carrés reviendrait à lui ôter toute efficacité. Je suis donc défavorable à cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements II-CF441 et II-CF442 de M. Adrien Morenas.

M. Michel Castellani. Les amendements II-CF441 et II-CF442 sont défendus.

M. le Rapporteur général. Nous abordons une série d’amendements relatifs à la taxe de séjour. Je vais, à l’occasion de l’examen des deux premiers de la liste, vous faire part de ma position sur cette question, en cohérence avec les dispositions que nous avons votées l’année dernière en la matière.

Je serai défavorable à tous les amendements ayant pour objet de reporter la réforme de plusieurs mois. On peut toujours relever des erreurs de-ci de-là, ce n’est pas une raison pour condamner le fichier OCSITAN, qui répertorie les différentes délibérations des collectivités et sera fonctionnel pour permettre la mise en œuvre de la réforme au 1er janvier 2019. Je sais que certaines plateformes exercent de fortes pressions en vue d’obtenir un report de cette mise en œuvre – j’ai moi-même reçu de nombreux courriels en ce sens –, mais j’estime pour ma part inopportun de repousser l’entrée en vigueur d’une réforme ayant vocation à mettre fin à une iniquité importante entre les différents hébergeurs, mais aussi entre les collectivités territoriales concernées : tel était le sens de l’amendement que nous avions élaboré et voté ensemble l’année dernière.

Mme Véronique Louwagie. Vous avez raison.

M. le Rapporteur général. De même, je donnerai un avis défavorable aux amendements qui auraient pour conséquence de modifier les tarifs, le taux ou les plafonds de la taxe de séjour : la mise en œuvre de tels amendements me semble compromise par la nécessité d’assurer la stabilité des délibérations des communes et du fichier OCSITAN, afin de garantir une mise en œuvre sereine au 1er janvier 2019 de la collecte automatisée par les plateformes. Le meilleur moyen de donner raison aux plateformes qui veulent reporter d’un an la mise en œuvre de la réforme, ce serait de modifier maintenant les tarifs ou le taux, ce qui rendrait impossible la prise en compte de ces changements de dernière minute pour le 1er janvier 2019.

Toutefois, dans le cadre du rapport d’application de la loi fiscale de 2018, j’ai mis au jour plusieurs difficultés, dont certains de vos amendements se font d’ailleurs l’écho. J’ai donc déposé un amendement global, II-CF1389, qui devrait répondre à l’essentiel de vos préoccupations en prévoyant six mesures.

Premièrement, un alignement au 31 décembre de l’année de perception de la date de versement de la taxe de séjour par les plateformes électroniques – actuellement, une même plateforme peut être tenue de verser la taxe de séjour avant le 1er février de l’année suivante pour les hébergements professionnels, et aux dates fixées par la collectivité territoriale pour les hébergements non professionnels.

Deuxièmement, un renforcement des obligations déclaratives pour les professionnels préposés à la collecte de la taxe de séjour : il s’agit de faire appliquer à toutes les plateformes électroniques les mêmes obligations que celles s’imposant aux autres professionnels du secteur, tout en imposant la transmission de nouvelles informations telles que le prix de la nuitée ou le numéro d’enregistrement pour les meublés. En effet, les collectivités, ne recevant qu’un état global, ne sont souvent pas en mesure de contrôler la réalité des choses.

Troisièmement, un renforcement des sanctions en cas d’absence de déclaration, d’absence de collecte ou encore d’absence de reversement de la taxe de séjour dans les délais impartis. Alors qu’une sanction de 750 euros est actuellement applicable à un hébergeur, il est désormais prévu de permettre une gradation pour la porter jusqu’à 12 500 euros ; il reviendra à la commune de saisir le juge d’instance, qui tranchera en fonction de la gravité des faits et du type de structure concerné.

Quatrièmement, un renforcement des procédures de contrôle applicables aux plateformes en ligne : les communes pourront désormais mettre en demeure les plateformes du paiement de la taxe collectée, et en cas de refus, engager une procédure de taxation d’office.

Cinquièmement, enfin, afin de tenir compte du fait que, parmi les plus petites communes, certaines n’ont pas délibéré dans les formes et dans les délais prévus faute d’avoir été suffisamment informées, je propose la mise en place d’une période transitoire en 2019 et la possibilité pour les communes retardataires de délibérer d’ici au 1er février 2019. J’ai été alerté par certains d’entre vous sur des cas très concrets mais, en dépit de mes efforts pour les obtenir, je ne dispose pas d’éléments chiffrés sur le nombre de communes qui seraient dans cette situation : nous aviserons d’ici la séance sur la nécessité de ce dispositif transitoire.

La commission rejette successivement les amendements II-CF441 et II-CF442.

Elle est saisie de l’amendement II-CF1105 de M. Xavier Roseren.

Mme Typhanie Degois. L’amendement II-CF1105 déposé par M. Roseren visait précisément à appeler l’attention sur le sort de nombreuses petites communes de montagne qui n’ont pas pris à temps leurs délibérations portant sur le tarif de la taxe de séjour. Au bénéfice des explications que vient de donner M. le Rapporteur général, nous retirons cet amendement.

L’amendement II-CF1105 est retiré.

La commission examine, en discussion commune, l’amendement IICF1224 de M. Benoit Simian ainsi que les amendements identiques II-CF1064 de M. Fabien Roussel et IICF1215 de Mme Frédérique Lardet.

M. Olivier Gaillard. L’amendement II-CF1224 est défendu.

M. Fabien Roussel. L’amendement II-CF1064 ne vise aucunement à remettre en cause la réforme de la taxe de séjour, mais à répondre à la situation particulière des auberges de jeunesse qui, du fait qu’elles constituent des hébergements en attente de classement ou non classés, vont se trouver assujetties à compter du 1er janvier 2019 à une taxe de séjour proportionnelle au coût de la nuitée.

Pour certains établissements, le barème actuel conduirait à une augmentation significative du montant de la taxe de séjour prélevée sur les nuitées en auberge de jeunesse, ce dont la Fédération unie des auberges de jeunesse et diverses associations de tourisme se sont émues.

Mme Frédérique Lardet. L’amendement II-CF1215 est identique. J’ajouterai simplement que, pour les auberges de jeunesse, l’entrée dans un classement hôtelier les conduirait à devoir abandonner leur offre d’hébergement collectif. De plus, pour certains de ces établissements, la nouvelle tarification aboutirait à appliquer des taxes d’un montant excessivement élevé, notamment pour les communes qui choisiraient le taux le plus fort, qui atteint 5 %. Nous proposons que les auberges de jeunesse soient classées dans la même catégorie que les hôtels une étoile.

M. le Rapporteur général. Je suis défavorable à ces amendements. Étant donné le tarif moyen de la nuitée en auberge de jeunesse, la taxe ne sera jamais d’un montant très élevé, même dans les communes ayant opté pour le taux de 5 %. En tout état de cause, le système OCSITAN, qui doit permettre aux plateformes en ligne d’appliquer la collecte en ligne au 1er janvier 2019, est en cours de consolidation, et je ne vois pas comment nous pourrions modifier les règles de collecte à quelques semaines de cette date. Ou alors, il faudrait reporter la mesure d’un an, ce qui est précisément ce qu’attendent les plateformes.

M. Fabien Roussel. Les auberges de jeunesse et les centres internationaux vont parfois se retrouver taxés au même niveau qu’un hôtel trois ou quatre étoiles, ce qui ne paraît pas juste compte tenu des tarifs qu’ils proposent aux jeunes.

M. le Rapporteur général. Il y a sans doute eu une erreur de calcul dans l’appréciation du montant de la taxe de séjour par les auberges de jeunesse : une taxe de 1 % sur une nuitée à 10 euros ne fera jamais que 10 centimes.

Mme Frédérique Lardet. Le problème tient surtout au fait qu’en intégrant un classement hôtelier, les auberges de jeunesse risquent de devoir abandonner leur offre d’hébergement collectif. Je retire mon amendement II-CF1215, mais je vais me renseigner auprès des fédérations concernées, et je le redéposerai en vue de la séance publique si l’existence de ce risque est avérée.

L’amendement II-CF1215 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements II-CF1224 et II-CF1064.

Elle est saisie, en discussion commune, des amendements II-CF733 et II-CF756 de Mme Valérie Rabault, II-CF972 de Mme Émilie Bonnivard et II-CF1225 de M. Benoit Simian.

Mme Christine Pires Beaune. Mes amendements II-CF733 et II-CF756 ont pour objet de relever les plafonds applicables aux hébergements non classés, afin de permettre un tarif plus élevé et correspondant davantage à ceux pratiqués dans d’autres pays européens. Le second amendement est un amendement de repli. Malheureusement, compte tenu des remarques préliminaires du Rapporteur général, je connais déjà sa position.

Mme Émilie Bonnivard. L’article 44 de la seconde loi de finances rectificative pour 2017 a mis en place une tarification proportionnelle pour les hébergements non classés, comprise entre 1 % et 5 % du coût par personne de la nuitée.

Dans tous les cas, un plafond limite à 2,30 euros au maximum le montant de la taxe de séjour pour les hébergements sans classement ou en attente de classement. Pour certaines communes, cette nouvelle législation va engendrer de moindres recettes ; c’est pourquoi mon amendement II-CF972 propose de remonter le plafond à 4 euros, ce qui correspond au tarif plafond applicable aux palaces.

Il faut savoir que, dans certaines communes, les chalets se louent plusieurs dizaines de milliers d’euros par semaine. Nous avons procédé à des simulations dans certaines communes, notamment à Saint-Martin-de-Belleville, Les Menuires et Val Thorens, dans le département de Savoie. Il en ressort que l’application du plafond de 2,30 euros et la suppression des possibilités d’équivalence vont se traduire par une perte pour ces communes touristiques, alors que les loueurs pourraient s’acquitter sans difficulté d’un montant de 4 euros par nuitée.

M. Olivier Gaillard. L’amendement II-CF1225 est défendu.

M. le Rapporteur général. Comme le pressentait Mme Pires Beaune, j’émets un avis défavorable à ces amendements.

Cela dit, une fois que le système OCSITAN sera pleinement opérationnel et que les plateformes commenceront à payer, nous pourrons réexaminer l’ensemble des situations et décider d’éventuels ajustements à mettre en œuvre pour l’année suivante.

La commission rejette successivement les amendements II-CF733, II-CF756, IICF972 et II-CF1225.

Elle examine, en discussion commune, les amendements II-CF1169 de M. Charles de Courson et II-CF1214 de Mme Frédérique Lardet.

M. Charles de Courson. Le changement de régime de la taxe de séjour pour les hébergements non classés va s’accompagner de la généralisation de la collecte automatique de la taxe de séjour « au réel » par les plateformes de réservation et de location d’hébergements touristiques, alors que certaines se contentaient jusqu’à présent de toucher une rémunération. Ces dernières sont actuellement confrontées à une difficulté particulière, à savoir le fait que les tarifs votés par les communes ou les intercommunalités ne leur ont toujours pas été communiqués. Comment dans ces conditions « faire tourner la boutique » ?

Dans ces conditions, maintenir l’entrée en vigueur du nouveau mode de calcul de la taxe de séjour au 1er janvier 2019 – ou même la reporter à fin janvier, comme vous avez, me semble-t-il, prévu de le faire par voie d’amendement – est irréaliste : le temps que le vote intervienne et que les informations relatives aux tarifs parviennent aux plateformes, nous serons fin février, début mars.

Pour cette raison, je propose avec l’amendement II-CF1169 que la réforme de la taxe de séjour pour les hébergements non classés soit reportée au 1er juillet 2019.

M. le président Éric Woerth. Cela fait deux ans qu’elles doivent s’adapter au changement de régime !

M. le Rapporteur général. Vous m’ôtez les mots de la bouche, monsieur le président ! J’ajoute que si certaines communes n’ont pas encore délibéré, elles sont peu nombreuses à se trouver dans cette situation, et encore s’agit-il de petites communes rurales disposant de très peu d’hébergements et qui n’ont pas vu venir le coup. Les plateformes sont très peu concernées par cette typologie d’hébergement.

M. Charles de Courson. Les plateformes n’y sont pour rien ; ce sont les services fiscaux qui ne leur ont pas transmis les tarifs alors qu’ils auraient dû le faire depuis octobre.

M. le Rapporteur général. Les données devraient bientôt être mises à disposition, vers la mi-décembre, voire avant. Il y aura toujours des erreurs : une donnée peut avoir été mal saisie par une commune. Mais ce n’est pas une raison pour laisser les plateformes jouer ce jeu du report ad vitam aeternam.

M. le président Éric Woerth. Elles l’avaient déjà fait l’année dernière...

M. Charles de Courson. Mais elles n’y sont pour rien : ce sont les services fiscaux qui doivent leur transmettre les tarifs.

M. le président Éric Woerth. C’est ce qu’elles disent.

M. Charles de Courson. Cela étant, je veux bien retirer mon amendement II‑CF1169 dans la mesure où le vôtre prolonge le délai jusqu’à la fin du mois de janvier prochain.

Mme Frédérique Lardet. La question est de savoir à quelle date la DGFiP pourra transmettre ces fichiers OCSITAN. Le Rapporteur général a parlé de la mi-décembre, ce qui me convient. Si tel est bien le cas, je retire mon amendement II-CF1214.

Les amendements sont retirés.

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Article additionnel après l’article 56
Aménagements des règles de collecte et de reversement de la taxe de séjour

La commission examine l’amendement II-CF1389 du Rapporteur général.

M. le Rapporteur général. Il s’agit de l’amendement dont j’ai parlé tout à l’heure en présentant mon avis global sur les amendements relatifs à la taxe de séjour.

La commission adopte l’amendement (amendement II-1995).

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Après l’article 56

La commission étudie l’amendement II-CF732 de Mme Valérie Rabault.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Cet amendement propose de mettre en place un régime de sanction comparable à celui adopté lors de l’examen du projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) et applicable en cas de non-respect par les plateformes des obligations qui leur incombent au titre de l’encadrement de la location des meublés de tourisme.

M. le Rapporteur général. Cet amendement est satisfait par mon amendement II-CF1389 que nous venons d’adopter ; je vous suggère de le retirer.

Mme Marie-Noëlle Battistel. S’il est satisfait, je le fais très volontiers !

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement II-CF731 de Mme Valérie Rabault.

M. le Rapporteur général. Cet amendement est également satisfait pour les mêmes raisons que le précédent ; j’en demande le retrait.

L’amendement est retiré.

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Article additionnel après l’article 56
Création d’une taxe additionnelle régionale à la taxe de séjour
dans la région d’Île-de-France

La commission examine, en discussion commune, les amendements IICF1289 et IICF1290 de M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez. Les amendements que je vais présenter résultent du rapport sur la Société du Grand Paris (SGP) que j’ai remis au Premier ministre au début du mois de septembre dernier : il s’agissait de chercher des ressources nouvelles, exclusivement franciliennes, afin de financer les coûts supplémentaires constatés sur le projet du Grand Paris Express.

Les propositions que j’ai formulées trouvent leur traduction dans ces amendements, II-CF1289 et II-CF1290, préparés avec le Gouvernement, et qui proposent la mise en place uniquement en Île-de-France d’une quote-part de 15 % qui viendrait s’ajouter à la taxe de séjour votée par les communes ou les intercommunalités, à l’image de ce qui existe déjà pour les départements à hauteur de 10 %.

Cette quote-part s’appliquerait aux hébergements d’Île-de-France : rappelons que, pour les palaces où la chambre coûte en moyenne 1 000 euros, la taxe de séjour est de 4 euros par personne, et de 1,50 euro pour un hôtel trois étoiles où le coût de la chambre tourne autour de 200-250 euros. Nous avons donc une petite marge de manœuvre.

Ces deux amendements sont identiques, à une petite variante près : le II-CF1289 crée cette quote-part en faisant transiter la recette par le budget de la région d’Île-de-France, qui la reverse, en servant simplement de boîte aux lettres sans avoir de pouvoir sur l’élaboration de cette taxe, à la SGP ; l’amendement II-CF1290, qui a ma préférence, affecte directement à la SGP cette recette complémentaire.

M. le président Éric Woerth. Mais pourquoi proposer deux amendements ?

M. Gilles Carrez. Le choix entre ces deux solutions avait fait débat au sein du Gouvernement. Je vous ai indiqué ma préférence, et le Rapporteur général a bien voulu soutenir cette approche. Autant faire simple : à quoi bon encombrer le budget de la région d’une recette qui en ressortira aussitôt ? Je retire donc mon amendement II-CF1289 et je vous propose d’adopter le II-CF1290.

Je précise que, bien évidemment, dans une commune où il n’y a pas de taxe de séjour, cette recette n’existera pas ; en aucun cas leur pouvoir n’est remis en question.

M. le Rapporteur général. Je souhaite tout d’abord confirmer que ce dispositif a été conçu avec le concours du ministère de l’économie et des finances et du ministère de l’action et des comptes publics. Et je suis effectivement plus favorable à l’amendement II-CF1290 : je n’ai jamais compris l’intérêt des caisses intermédiaires, où qu’elles soient.

Mme Amélie de Montchalin. Il faut saluer le rôle joué par les parlementaires, après que la Cour des comptes, dans son rapport présenté en application du 2° de l’article 58 de la LOLF, a appelé à une « sincérisation » – le mot est à la mode – du budget de la SGP et de ses lignes de métro.

Par la suite, des annonces du Gouvernement ont mis en évidence le besoin d’accélérer un échéancier qui risquait de s’allonger à l’excès ; votre rapport, mon cher collègue Carrez, soulignait d’ailleurs que des progrès devaient être réalisés pour la ligne 18.

Vos amendements permettent précisément de trouver les 150 millions environ afin qu’en 2019 la SGP puisse continuer son travail. Par ailleurs, vous esquissez des pistes pour poursuivre cette œuvre de construction d’un vrai réseau de transports en commun. À un moment où nous entendons beaucoup parler de voiture, nous devons nous donner les moyens d’investir dans les transports en commun dans la grande banlieue, car le Grand Paris prévoit de desservir des zones qui ne le sont pas aujourd’hui par les réseaux existants.

Ce travail est d’ailleurs en lien avec la discussion que nous avons eue avec Mme Borne au sujet des contrats de plan État-régions (CPER) en Île-de-France, qui sont essentiels pour les RER, les métros, les bus et les tramways existants.

M. Jean-Louis Bourlanges. Je veux à mon tour remercier M. Carrez. Cette proposition est formidable, elle nous tire d’un très grand embarras ; c’est vraiment la bonne solution, car nous avions besoin de cette ressource.

M. François Pupponi. Je souhaite, moi aussi, saluer le travail de Gilles Carrez ainsi que son implication dans ce dossier.

Grâce à cet amendement, nous allons donc trouver des recettes qui permettront d’aller au terme du projet du Grand Paris. Mais la vraie question est de savoir si la volonté de l’atteindre est réelle : pour certaines lignes, singulièrement celle de Roissy, les échéances renvoient à 2030 ; en attendant, les populations qui résident à 6 kilomètres de l’aéroport et qui travaillent en horaires décalés n’ont aucun transport en commun pour s’y rendre : nous devions avoir la ligne D du RER ainsi qu’un certain nombre de moyens devant permettre aux habitants des territoires à l’entour d’aller travailler en transports en commun ; or, ils sont toujours obligés de prendre leur voiture alors qu’ils habitent à six kilomètres d’une plateforme aéroportuaire en plein développement.

M. Gilles Carrez. Au mois de février dernier, avec l’ensemble des élus franciliens, le Premier ministre a proposé un plan de mise en place de ce réseau. Le fait qu’il ait accepté l’essentiel des propositions témoigne de sa volonté de le mener à terme.

Je rappelle qu’il s’agit d’un enjeu de 35 milliards d’euros qui porte sur plus de 100 kilomètres de lignes souterraines, avec 68 gares. C’est un projet énorme comme il n’y en a nulle part à l’œuvre dans les autres métropoles mondiales. Les délais avancés par le Premier ministre résultent autant de contraintes techniques que de contraintes financières. En effet, tout ne peut pas être mené de front, et l’idée de faire travailler trente tunneliers en même temps était inconsidérée.

M. le président Éric Woerth. Il n’y a pas de risque de diffusion aux autres régions ?

M. Gilles Carrez. C’est une excellente question. Nous disposons d’instruments spécifiques, dont la SGP, mais je trouverais parfaitement légitime que d’autres régions, confrontées à des problèmes du même ordre, fussent-ils de moindre ampleur, puissent se doter des mêmes instruments.

M. le président Éric Woerth. Je songeais plutôt aux risques...

Mme Amélie de Montchalin. Je rappelle, monsieur Pupponi, que l’engagement de Thierry Dallard, président du directoire de la SGP, avec l’accord du Premier ministre et du préfet de région est bien de réaliser l’intégralité de ce qui a été annoncé au mois de février dernier. Nous, parlementaires, pouvons être garants de cet engagement de la parole publique : si nous créons des recettes, c’est bien pour réaliser les travaux prévus.

Par ailleurs, la loi d’orientation des mobilités (LOM) à venir comporte une partie consacrée à la programmation. En lien avec la réforme constitutionnelle où nous défendons le principe d’une différenciation des territoires, il serait intéressant que notre commission imagine de nouveaux mécanismes de fiscalité locale, à l’échelle départementale, régionale ou métropolitaine, permettant la création, dans le cadre d’un consensus local, d’outils comparables à la SGP pour développer des projets de transports locaux.

M. Charles de Courson. Je rappelle qu’au niveau communal ou intercommunal, la taxe de séjour est une taxe affectée à la promotion touristique. Ce qui est curieux, c’est que la taxe additionnelle, lorsqu’elle est créée par les conseils départementaux, ne l’est pas. Mais la taxe régionale en Île-de-France est affectée ; tout cela est bizarre. Certes, on peut dire que les touristes en bénéficient...

M. Gilles Carrez. Il suffit de prendre la ligne A du RER vers Chessy, Marne-la-Vallée et Disney...

M. Charles de Courson. Je remarque simplement qu’au niveau local on n’a pas le droit d’affecter la taxe de séjour aux infrastructures de transport ; alors que c’est ce que nous faisons là, ce qui change quelque peu la nature de la taxe.

M. le président Éric Woerth. Cela ouvre des perspectives...

L’amendement II-CF1289 est retiré.

La commission adopte l’amendement II-CF1290 (amendement II-1994).

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Article additionnel après l’article 56
Modernisation de la taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux,
les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces
de stationnement perçue dans la région d’Île-de-France

La commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements IICF1288 et IICF1291 de M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez. Ces amendements portent sur la ressource principale de la SGP, la taxe sur les bureaux, qui n’existe qu’en Île-de-France. Créée il y a une trentaine d’années, progressivement étendue des bureaux aux locaux commerciaux et artisanaux, aux entrepôts, et plus récemment aux surfaces de stationnement, cette taxe rapporte actuellement 800 millions d’euros environ et une partie de son produit est affectée à la région, une autre à la SGP et une autre au Fonds national d’aide au logement (FNAL).

Il vous est proposé de moderniser cette taxe, notamment du point de vue de l’intégration de l’ensemble des surfaces de stationnement ainsi qu’en majorant de 10 % le tarif en première circonscription, constituée de Paris et des Hauts-de-Seine.

La différence entre les amendements II-CF1291 et II-CF1288 se trouve dans le fait que certaines communes des Hauts-de-Seine sont classées, en application d’un amendement adopté jadis à l’initiative de notre ancien collègue Jacques Brunhes, à l’époque député-maire de Gennevilliers, à titre dérogatoire en troisième circonscription, c’est-à-dire comme des communes situées dans des départements de grande couronne. Ainsi, lorsque l’on construit une tour à Nanterre, son propriétaire bénéficie du taux pratiqué à Coulommiers, Provins ou au fin fond des Yvelines. Mes deux amendements proposent de mettre fin à cette dérogation tarifaire, mais l’amendement II-CF1288 prévoit de ne pas leur appliquer de surcroît l’augmentation de 10 % des tarifs des locaux de bureaux et des surfaces de stationnement en première circonscription.

Je retire mon amendement II-CF1291 au profit du II-CF1288.

M. le Rapporteur général. J’aurais demandé le retrait de l’amendement II-CF1291 au profit du II-CF1288, auquel je suis favorable puisque j’en suis cosignataire.

M. Gilles Carrez. Il est attendu du complément régional à la taxe de séjour 20 à 30 millions d’euros au départ, mais grâce à l’excellent amendement que notre collègue Joël Giraud a fait adopter l’an dernier, nous pourrons réintégrer dans l’assiette les locations des hébergements non classés, qui sont très nombreuses dans la région ; assez rapidement, la recette devrait s’élever à 40 ou 50 millions d’euros.

Pour ce qui est de la taxe sur les bureaux, l’amendement II-CF1288 devrait permettre une recette de 120 millions d’euros. Nous obtiendrions ainsi 160 à 170 millions d’euros au total ; nous compléterons avec une autre disposition qui reste à formuler, car elle n’est pas prête à ce stade.

M. le président Éric Woerth. Il s’agit bien d’un complément à la taxe sur les bureaux, et non de toute la taxe ?

M. Gilles Carrez. C’est une modernisation.

M. le président Éric Woerth. J’imagine que tout le produit de la taxe ne va pas à la SGP ?

M. Gilles Carrez. La part qui revient à la SGP correspond à la modernisation, c’est-à-dire à la dynamique.

M. le président Éric Woerth. C’est une modernisation dynamique, mais on arrive à la flécher...

M. Gilles Carrez. Lorsqu’une taxe est légèrement augmentée, je préfère parler de modernisation.

M. le président Éric Woerth. L’essentiel est d’arriver à faire la différence.

L’amendement II-CF1291 est retiré.

La commission adopte l’amendement II-CF1288 (amendement II-1993).

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Après l’article 56

La commission examine ensuite l’amendement II-CF32 de M. Vincent Descoeur.

M. Vincent Descoeur. Le présent amendement vise à exclure les rémunérations des télétravailleurs de la base retenue, au prorata du temps de télétravail, pour le calcul du versement transport comme c’est déjà le cas pour les rémunérations versées aux salariés itinérants, qui exercent à titre principal leur activité en dehors de toute zone de transport. C’est une question de cohérence et de reconnaissance du télétravail.

M. le Rapporteur général. Je suis défavorable à cet amendement. Il ne faut pas confondre les travailleurs itinérants et les télétravailleurs. Les itinérants sont des travailleurs dont l’activité suppose par nature des déplacements, comme les commerciaux ou certains techniciens, alors que les télétravailleurs exercent une activité à distance qui pourrait être réalisée dans l’entreprise.

Par ailleurs, les itinérants ne sont pas nécessairement hors du versement transport : pour que cela soit le cas, il faut que leurs activités soient hors d’une zone où le versement est institué. Qui plus est, l’URSSAF indique que, pour les personnes travaillant à l’extérieur de l’entreprise, le lieu de travail pris en compte est, pour les travailleurs à domicile, leur résidence. Mais si le télétravailleur se rend dans un lieu dédié d’accueil, ce sera ce lieu qui sera retenu.

L’adoption de cet amendement risquerait de conduire à des détournements abusifs ; une entreprise pourrait ainsi réduire son versement transport (VT), voire s’y soustraire, en mettant le plus possible de ses salariés en télétravail.

La commission rejette cet amendement.

Elle se saisit ensuite de l’amendement II-CF1080 de M. Fabien Roussel.

M. Fabien Roussel. L’Île-de-France a besoin d’augmenter son offre de transports en commun ; c’est d’ailleurs ce à quoi s’attachent le conseil régional et l’établissement Île-de-France Mobilités, successeur du STIF. Pour ce faire, il faut augmenter le financement de cette offre de transports. À cette fin, cet amendement propose un relèvement du versement transport pour 2019, par la voie de la création d’une nouvelle tranche, qui permettra d’augmenter la ressource principale d’Île-de-France Mobilités.

M. le Rapporteur général. Nous avons voté l’année dernière une harmonisation progressive des taux applicables dans le Val-de-Marne et la Seine-Saint-Denis avec ceux applicables à Paris et dans les Hauts-de-Seine. Votre amendement a pour conséquence de rendre cette harmonisation inopérante puisqu’il propose d’augmenter de nouveau ceux de certaines communes de Paris et des Hauts-de-Seine. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement II-CF1087 de Mme Frédérique Dumas.

M. Vincent Ledoux. Il est défendu.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable.

La commission rejette cet amendement.

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Article additionnel après l’article 56
Modification des règles de répartition du produit du prélèvement
sur les sommes engagées sur les paris hippiques entre les communes
et leur établissement

La commission est saisie de l’amendement II-CF975 de M. Sébastien Jumel, qui fait l’objet du sous-amendement II-CF1401 du Rapporteur général.

M. Fabien Roussel. Depuis 2013, le produit de la taxe sur les paris engagés dans les hippodromes est versé aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et non plus aux communes comme c’était le cas auparavant, alors qu’elles engagent des dépenses pour le fonctionnement de ces hippodromes.

Cet amendement propose de corriger ce mécanisme, avec une clé d’affectation équilibrée, afin de répartir plus équitablement le produit du prélèvement entre l’établissement public de coopération intercommunale et la commune concernée.

M. le Rapporteur général. Je suis favorable à cet amendement, mais uniquement lorsqu’aucun accord local ne prévoit une répartition. Il est vrai que le produit de la taxe a tour à tour été exclusivement affecté aux communes, puis aux intercommunalités ; dans certains cas, les négociations avec l’intercommunalité se sont bien passées, mais dans d’autres, aucun accord n’a pu être trouvé.

Je propose de respecter les accords locaux existants, et en cas de différend, de recourir au jugement de Salomon – soit une répartition en deux parts égales – afin de trouver une solution qui ne lèse personne.

M. le président Éric Woerth. Plusieurs parlementaires sont à l’origine de cet amendement ; j’étais ministre à l’époque et le Gouvernement avait donné un avis de sagesse. Les hippodromes sont comme des entreprises, avec des flux financiers, mais qui ne rapportaient rien aux collectivités qui souvent sont propriétaires du terrain ou les louent et entretiennent les bâtiments. Le problème était de faire en sorte qu’il y ait un retour.

Le produit de la taxe a dans un premier temps été affecté aux communes où était situé l’hippodrome – il pouvait parfois y en avoir plusieurs. La décision de reverser ensuite à l’EPCI tient au fait que tout ce qui avait trait au développement économique relevait plutôt des compétences de ce dernier, d’autant que le niveau de ressources qui en résultait était important, même s’il était plafonné.

Cela étant, il n’y a pas dans cette affaire de vérité nationale : elle ne peut être que locale. Tout dépend de la façon dont cela s’est organisé sur place. Entre la commune et l’EPCI, je ne pense pas que la solution de reverser le produit en deux parts égales soit la bonne : c’est une bonne idée de considérer que cela relève d’abord d’un accord local ; et si aucun accord n’est possible, on recourt au 50-50. En tout état de cause, il faut stabiliser le dispositif.

La commission adopte le sous-amendement II-CF1401. Puis elle adopte l’amendement II-CF975 ainsi sous-amendé (amendement II1992).

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Après l’article 56

La commission examine l’amendement II-CF1000 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Mes chers collègues, il nous appartient de préserver notre patrimoine et notre savoir-faire en production d’eau-de-vie ; cet art de préparer les fruits, de les passer au fouloir et de les mettre en fût pour la fermentation est essentiel. Il nous appartient encore de veiller à la sauvegarde des vergers.

Marie-Christine Dalloz. C’est l’amendement qui nous revient chaque année !

M. Thibault Bazin. Or, les bouilleurs de cru ambulants sont menacés de disparition, ils ne sont plus qu’une cinquantaine dans mon département de Meurthe-et-Moselle et le département voisin de la Moselle.

C’est pourquoi cet amendement propose d’aider les bouilleurs de cru en augmentant la réduction fiscale du droit de la consommation dans la limite de 10 litres d’alcool pur par an pour ceux qui ne disposent pas du fameux droit de bouillir – le privilège d’exonération pour les vingt premiers litres. Cette taxe est unique en son genre, puisqu’elle s’applique sur des produits familiaux destinés à une consommation exclusivement personnelle, donc non commercialisable.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à soutenir cette mesure afin de pérenniser l’activité de bouilleur de cru ambulant dans nos campagnes.

M. le Rapporteur général. Comme le dit Marie-Christine Dalloz, chaque année nous avons la chance d’entendre un défenseur des bouilleurs de cru !

En faisant passer la réduction du droit de consommation de 50 à 75 %, vous créez une réduction de 43 euros sur dix litres ; honnêtement, mon cher collègue, êtes-vous certain que cela peut être de nature à préserver l’activité des bouilleurs de cru ? Je n’en suis pas sûr Avis défavorable.

M. le président Éric Woerth. Cette année encore, il ne passera pas...

La commission rejette l’amendement.

La commission examine, en discussion commune, les amendements II-CF736 de Mme Valérie Rabault et II-CF1082 de M. Fabien Roussel.

Mme Christine Pires Beaune. Notre amendement II-CF736 devrait en principe vous plaire, puisqu’il fait disparaître une taxe en fusionnant deux : la taxe d’habitation sur les logements vacants (THLV) et la majoration de taxe d’habitation sur les résidences secondaires.

C’est une mesure de simplification puisqu’un seul outil serait ainsi mis au service de la remise sur le marché des logements sous-occupés, qu’ils soient des résidences secondaires ou des logements vacants, en harmonisant le montant des impositions.

Cet amendement mettra également un terme à des effets d’aubaine, notamment en zones tendues dans lesquelles certains propriétaires préfèrent déclarer leur logement en résidence secondaire plutôt qu’en logement vacant.

M. Fabien Roussel. Pour les mêmes raisons, notre amendement II-CF1082 propose de fusionner la majoration de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires applicables aux zones tendues et la taxe d’habitation sur les logements vacants dans une nouvelle taxe intitulée « taxe pour la mobilisation des logements sous-occupés ». L’objectif est de lutter contre les logements vacants et de dissuader de ces pratiques les propriétaires concernés.

M. le Rapporteur général. Le sujet est très intéressant : vos amendements reprennent une des propositions phares du rapport de MM. Dominique Bur et Alain Richard sur la refonte de la fiscalité locale. Pour avoir été entendu à l’époque par la mission, je me souviens d’avoir fait ajouter à la taxe sur les logements vacants la taxe d’habitation sur les logements vacants qui n’avait pas été prise en compte. Cette taxe, laissée à la diligence des conseils municipaux, représente un grand intérêt notamment dans les petites communes où la construction dans les dents creuses ne se fait pas ; l’étalement urbain devient alors très désagréable.

Toutefois, je suggère que nous ayons plutôt ce débat au printemps 2019, au moment de l’examen du projet de loi spécifique à cette question, qui se posera forcément au moment de la suppression de la taxe d’habitation (TH) sur les résidences principales.

Pour ces raisons, mon avis est défavorable.

M. François Pupponi. Ce n’est pas un débat de fiscalité locale, dont nous reparlerons au printemps ; nous parlons d’un problème de logement. Dans les zones tendues, il reste des logements vacants, soit parce que les propriétaires ne souhaitent pas les louer, soit parce que ce sont des résidences secondaires. L’idée est d’inciter les propriétaires à les louer plutôt que de les garder vides. Plus qu’une mesure fiscale, c’est un instrument de politique du logement.

M. Jean-Paul Mattei. Un logement vacant n’est pas une résidence secondaire. Une résidence secondaire peut aussi être une résidence dans laquelle les propriétaires logent pour diverses raisons. À mon sens, le logement vacant est parfaitement identifié par le droit, et la résidence secondaire est tout autre chose.

M. Charles de Courson. J’abonde dans le sens de ce que vient de dire notre collègue Mattei.

À Paris, les études de l’INSEE montrent que 8 % du parc est constitué de résidences secondaires, sous forme d’appartements, souvent petits, mais pas toujours, appartenant à des provinciaux qui s’en servent de temps en temps pour se loger, lorsqu’ils viennent en week-end par exemple. Mais là, on mélange les logements vacants et les résidences secondaires.

Ensuite, la notion de vacance n’est pas aussi simple à définir ; du reste, je ne crois pas que ce soit la bonne méthode : ce n’est pas par le big stick, le gros bâton, que vous y parviendrez, mais plutôt en essayant de rendre la location intéressante. Ce qui renvoie à tout le problème du statut du locataire, et du reste.

La commission rejette les amendements.

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Article additionnel après l’article 56
Modification des règles de répartition de l’imposition forfaitaire des entreprises de réseaux relative aux éoliennes terrestres

La commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques II-CF113 de Mme Marie-Christine Dalloz et II-CF520 de M. Vincent Thiébaut, les amendements II-CF759 de Mme Stéphanie Kerbarh, II-CF163 de M. Éric Alauzet et II-CF3 de M. Jean-Pierre Vigier, ainsi que les amendements identiques II-CF164 de M. Éric Alauzet et IICF499 de M. Daniel Labaronne, l’amendement II-CF164 faisant l’objet du sous-amendement II-CF1402 de Mme Stéphanie Kerbarh.

Mme Marie-Christine Dalloz. Mon amendement II-CF113 propose une mesure très simple consistant à modifier la répartition de l’imposition forfaitaire des entreprises de réseaux (IFER) relative aux éoliennes terrestres afin de garantir une fraction minimale de 20 % du montant de cet impôt aux communes accueillant les éoliennes.

De grandes disparités de traitement sont observées : si l’EPCI a opté pour la fiscalité additionnelle ce sont 20 % de l’IFER qui sont versés aux communes accueillant les éoliennes ; c’est encore le cas lorsque le régime de l’EPCI est celui d’une fiscalité professionnelle de zone (FPZ). En revanche, pour les autres formes de fiscalité, un accord entre la commune et l’EPCI est nécessaire.

Or ce sont bien les communes sur le territoire desquelles sont implantées des éoliennes qui subissent les plaintes exprimées par les habitants. Il nous semblerait donc naturel que le taux de 20 % soit appliqué pour toutes les catégories d’EPCI.

M. Vincent Thiébaut. Mon amendement II-CF520 a été très bien défendu par Mme Dalloz.

Mme Stéphanie Kerbarh. Mon amendement II-CF759 vise également à ce que toutes les communes perçoivent les mêmes recettes issues de l’IFER sur les éoliennes, soit au minimum 20 % des recettes quel que soit le régime fiscal de l’EPCI à fiscalité propre auquel elles appartiennent. Je tiens à préciser que la mesure proposée avait été annoncée par le Gouvernement, sur le fondement des préconisations du groupe de travail sur l’éolien organisé par le secrétaire d’État à la transition écologique et solidaire, Sébastien Lecornu.

M. Éric Alauzet. Mon amendement II-CF163 a le même objet. Certaines communes qui accueillent les éoliennes, au risque d’en subir quelques désagréments, peuvent n’en retirer aucun bénéfice du fait de l’organisation juridique de l’EPCI dont elles relèvent ; c’est le cas des communes membres d’un EPCI à fiscalité professionnelle unique (FPU). Tout dépend des accords conclus dans le cadre de l’intercommunalité. Cela fait quatre ans que je présente cette proposition : nous allons finir par y arriver. Il y va du développement de l’éolien dans les communes !

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement II-CF3 de M. Jean-Pierre Vigier est défendu.

M. Éric Alauzet. Mon amendement II-CF164 découle du même principe que le II‑CF163, à cette nuance près que la commune aura la possibilité d’abandonner la totalité du produit de l’IFER à l’intercommunalité.

Mme Stéphanie Kerbarh. Mon sous-amendement II-CF1402 précise que cette mesure s’appliquera aux installations de production d’énergie éolienne installées à compter du 1er janvier 2019.

M. Daniel Labaronne. Parmi les mesures issues du groupe de travail national éolien, l’une des propositions vise à faire évoluer la répartition de l’IFER sur les éoliennes terrestres pour « intéresser » les communes aux projets éoliens. Mon amendement II-CF499 vise à garantir que, quel que soit le régime fiscal applicable au sein de l’EPCI, les communes d’implantation perçoivent 20 % de l’IFER, sans modifier le niveau global de l’imposition et tout en leur laissant la possibilité de délibérer pour limiter cette part au bénéfice de l’intercommunalité.

M. le Rapporteur général. Tous ces amendements concourent à tenir un engagement pris par le Gouvernement ; toutefois, ils sont tous rédigés de façon différente.

Éric Alauzet a fait état d’une nuance, qui précisément me semble importante.

Je serais donc favorable à l’adoption des amendements II-CF164 de M. Éric Alauzet et II-CF499 de M. Daniel Labaronne, et demanderai aux auteurs des autres amendements de cette série de bien vouloir les retirer à leur profit. Leur rédaction a le mérite de la simplicité et de l’efficacité, alors que les systèmes d’attribution de compensations des autres amendements relèvent par trop de l’usine à gaz.

Le sous-amendement de Mme Kerbarh II-CF1402 apporte une précision importante en prévoyant que la mesure s’appliquera aux installations de production d’énergie éolienne installées après le 1er janvier 2019. Je m’en remettrai à la sagesse de la commission pour ce sous-amendement que je n’ai pas eu le temps d’analyser, car il a été déposé très tardivement.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je maintiens mon amendement II-CF113.

M. Vincent Thiébaut. Je retire mon amendement II-CF520.

M. Charles de Courson. J’ai la chance – ou la malchance – d’avoir la circonscription qui compte le plus grand nombre d’éoliennes de France.

Le problème posé par ces amendements se pose dans toutes les intercommunalités dans lesquelles sont implantées des éoliennes. Or, les accords passés sont très différents d’une intercommunalité à l’autre – je parle pour les intercommunalités à fiscalité professionnelle unique ; dans les EPCI en fiscalité additionnelle, c’est 20 % pour les communes et 50 % pour l’intercommunalité.

L’adoption de ces amendements, qui attribuent systématiquement 20 % à la commune, aurait pour conséquence de déstabiliser totalement certaines intercommunalités ; dans certaines d’entre elles, tout le monde a été d’accord pour que la totalité du produit revienne à la communauté de communes ; mais dans d’autres où les champs sont anciens, le montant a été pris en compte dans le calcul des allocations compensatrices. Comment résoudre le problème posé par le système actuel ? Dans ma communauté de communes, on recalcule chaque année le montant par commune, comme si nous étions soumis en fiscalité additionnelle, et on le réimpute par le biais de l’allocation compensatrice. Je vous mets en garde : si vous adoptez ces amendements, vous allez pénaliser certaines intercommunalités, elles vont devoir augmenter les impôts, et du coup, les communes riches parce qu’elles ont des champs éoliens se retrouveront encore plus riches.

Mme Bénédicte Peyrol. Je partage l’interrogation de M. de Courson : les conséquences de la nouvelle répartition proposée ont-elles fait l’objet d’évaluations ?

M. le Rapporteur général. Les problèmes soulevés par Mme Bénédicte Peyrol et M. Charles de Courson trouvent précisément une solution avec le sous-amendement déposé par Mme Stéphanie Kerbarh, qui réserve l’application du dispositif aux seules installations à venir, sans remettre en cause les accords locaux existants.

La commission rejette l’amendement II-CF113.

Les amendements II-520, II-CF759 et II-CF163 sont retirés.

La commission rejette l’amendement II-CF3.

Puis elle adopte le sous-amendement II-CF1402.

Elle adopte ensuite les amendements identiques II-CF164 et II-CF499 ainsi sous-amendés (amendement II-1991).

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Après l’article 56

L’amendement II-CF142 de Mme Lise Magnier est retiré.

La commission examine l’amendement II-CF1004 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. La France a la chance de compter près de 2 000 bateaux logements. Leurs propriétaires doivent s’acquitter d’une redevance pour l’occupation privative du domaine public fluvial et de la taxe foncière. Dans la mesure où ils payent déjà une redevance, nous proposons qu’ils bénéficient d’un abattement de 75 % sur la taxe foncière.

M. le Rapporteur général. En vertu de cet amendement, les collectivités seraient privées de recettes, alors que les occupants des bateaux bénéficient des services publics locaux. Je reste donc très défavorable à cet amendement, qui introduirait une rupture d’égalité.

La commission rejette l’amendement.

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Article additionnel après l’article 56
Exonération de taxes foncières pour les immeubles des ports maritimes autonomes transférés aux grands ports maritimes (GPM)

La commission se saisit des amendements identiques II-CF1199 de M. Vincent Ledoux et II-CF1360 de M. Saïd Ahamada.

M. Vincent Ledoux. Mon amendement II-CF1199 propose de modifier des articles 1382 et 1394 du CGI afin que les biens transférés par les ports autonomes aux grands ports maritimes en application de l’article L. 5312-16 du code des transports bénéficient d’une exonération de TFPB et sur les propriétés non bâties (TFPNB), sous réserve que ces biens ne soient pas productifs de revenus et qu’ils soient affectés à un service public ou d’utilité générale.

M. Saïd Ahamada. Les propriétés bâties ou non bâties transférées par l’État, aux grands ports maritimes et qui bénéficiaient d’exonérations continuent aujourd’hui à en bénéficier. Ce n’est pas le cas des propriétés transférées des ports autonomes vers les grands ports maritimes. Mon amendement II-CF1360 se borne à rétablir un équilibre.

Suivant l’avis favorable du Rapporteur général, la commission adopte les amendements identiques (amendement II-1990).

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Après l’article 56

La commission examine, en discussion commune, les amendements II-CF447 de Mme Marie-Noëlle Battistel et II-CF521 de M. Vincent Thiébaut.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Nous déposons régulièrement cet amendement, en commission ou en séance : il s’agit d’exonérer de TFPB les parties d’une installation hydraulique à visée environnementale, notamment les équipements réalisés pour préserver la continuité des milieux et la biodiversité. Ces dispositifs représentent une charge lourde pour les producteurs et grèvent la viabilité économique de leurs installations, notamment les installations de « petite hydroélectricité ». Or, nous voulons soutenir celle-ci et avons inscrit, dans la loi relative à la transition énergétique, l’objectif ambitieux d’une production de 3 térawattheures. Pour l’instant, nous en sommes bien loin ! Notre proposition d’exonération est soutenue par le comité national de l’eau dans le cadre du plan d’action pour une restauration apaisée de la continuité écologique, adopté le 20 juin dernier par le ministère de l’environnement.

M. Vincent Thiébaut. Mon amendement II-CF521 a le même objet. Je précise que l’exonération proposée s’inscrit dans la logique de la réduction fiscale prévue à l’article 1518 A du CGI, selon lequel la réduction de la valeur locative servant à l’établissement des impôts locaux peut atteindre 100 % dans le cas des installations destinées à la lutte contre la pollution des eaux et de l’atmosphère. Il s’agit aussi d’éviter une « double peine » aux producteurs d’hydroélectricité.

M. le Rapporteur général. Je suis favorable à ces amendements. Les obligations imposées, notamment lorsqu’elles se traduisent par la construction d’immenses passes à poissons, peuvent conduire à doubler le montant de la taxe foncière due. Pour des raisons rédactionnelles, je préfère cependant l’amendement II-CF521, si Mme Battistel accepte de s’y rallier.

Mme Marie-Noëlle Battistel. J’accepte, même si je ne vois pas très bien la différence entre l’amendement II-CF521 défendu par M. Thiébaut et mon amendement II‑CF447.

M. le Rapporteur général. Votre amendement, chère collègue, comporte un renvoi à un arrêté, que ne prévoit pas l’amendement de M. Thiébaut.

M. Charles de Courson. Je suis tout à fait favorable à cette proposition, mais, techniquement, les services fiscaux sont-ils en mesure, au sein des moulins, de distinguer les passes à poissons du reste ? Pour ma part, je ne sais pas comment on fait.

M. le Rapporteur général. Ils le peuvent, puisqu’ils augmentent l’assiette de la TFPB lorsque des équipements de ce type sont créés. S’ils font cette addition, ils peuvent donc, symétriquement, faire une soustraction...

M. François Pupponi. Je suis très gêné par ce que nous faisons depuis tout à l’heure : nous adoptons des amendements à la pelle, qui sont autant d’exonérations d’impôts locaux, certes toujours pour de bonnes raisons, mais sans prévoir aucune compensation pour les communes. Ce sont pourtant elles qui paient l’addition lorsque nous accordons exonérations et abattements ! Nous n’avons pas de simulations, nous ne savons pas combien elles perdront, on s’amuse et on y va : c’est open-bar, peu importent les conséquences !

M. Vincent Thiébaut. Ces installations, cher collègue, sont imposées par la loi aux producteurs d’électricité, qui, par leur production, procurent eux-mêmes des recettes aux collectivités. Si nous voulons, dans une logique écologique, favoriser ces éléments protecteurs de la biodiversité, il faut les prendre en compte au moment de calculer l’impôt à partir des valeurs locatives.

M. François Pupponi. Ce n’est pas le problème, cher collègue : il y a toujours de bonnes raisons. Aujourd’hui taxées – à tort ou à raison, c’est un autre débat –, ces installations rapportent des recettes fiscales aux collectivités. Et nous, nous décidons que c’est terminé, et tant pis si les collectivités perdent 10 000, 20 000, 30 000 ou 40 000 euros de recettes ! C’était la même chose à l’instant, avec les amendements identiques que nous venons d’adopter.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Nous proposons de compenser cette perte de recette par la hausse de la composante carbone intégrée aux tarifs des taxes intérieures sur la consommation des produits énergétiques. Normalement, les collectivités ne perdent donc pas leurs recettes.

M. le président Éric Woerth. Il y a un gage, mais il sera levé par le Gouvernement.

M. Gilles Carrez. On peut compenser par le biais des droits sur le tabac...

Mme Émilie Cariou. Je partage l’avis de M. Pupponi. Décider une exonération d’impôts locaux n’a rien d’anodin. Les installations hydroélectriques sont des installations industrielles qui doivent payer les impôts locaux. Certes, de nombreuses activités commerciales sont soumises à de nombreuses obligations, mais elles n’en paient pas moins des impôts locaux ! J’aimerais à tout le moins une estimation des montants en jeu parce qu’ensuite les collectivités privées d’impôts locaux pourront se plaindre de ne plus être en mesure de remplir leurs propres obligations.

M. Gilles Carrez. Nous avons toujours traité ces questions d’exonérations non compensées en leur donnant un caractère facultatif : c’est la collectivité concernée qui fait le choix d’accorder l’exonération ou non.

M. Vincent Thiébaut. Nous ne demandons pas l’exonération de l’ensemble de l’ouvrage hydroélectrique. C’est parfaitement précisé : il ne s’agit que d’exonérer les éventuels aménagements visant à préserver la biodiversité, comme les passes à poissons.

M. le président Éric Woerth. Nous avons bien compris, cher collègue. C’est la question de la compensation qui fait débat.

M. François Pupponi. Je voudrais que cette commission se fixe un principe de base : interdisons-nous de décider des abattements ou des exonérations de fiscalité locale non compensés. Et, puisque nous savons que l’État ne compense pas – 8 % de compensation cette année ! –, que les communes aient au moins le droit de s’opposer à ces abattements. Arrêtons de décider à la place des collectivités locales sans qu’elles aient le droit de se défendre. Ce n’est plus acceptable.

Et si la taxation de ces installations est absurde, alors supprimons-la pour l’avenir, pour les nouveaux barrages. Ainsi, la commune ne perdra rien de ses recettes actuelles.

M. Saïd Ahamada. Je n’ai pas d’objection au principe : il faut compenser aux communes. Ayant travaillé en collectivité, je sais qu’il est important de compenser. Cela étant, puisque M. Pupponi a fait référence aux amendements relatifs aux grands ports maritimes, je veux donner des éléments de contexte...

M. le président Éric Woerth. Non, cher collègue, nous n’allons pas revenir sur des amendements qui ont déjà été soumis au vote !

M. Saïd Ahamada. Je ne voudrais pas laisser penser que les grands ports maritimes ne participent pas à la richesse des collectivités...

M. le président Éric Woerth. Cher collègue, ce n’est pas le sujet. L’adoption de l’amendement que vous avez défendu tout à l’heure n’est pas remise en cause.

M. le Rapporteur général. Pour ma part, je proposerai une exonération facultative, sur décision de la collectivité locale. Cela peut imposer une réécriture de ces amendements en vue de la séance, ou alors je déposerai un sous-amendement.

M. Christophe Jerretie. Je voulais proposer que l’on réécrive ces amendements d’ici à la séance, si le Rapporteur général n’y voit pas d’inconvénient. Retenir une exonération facultative me paraîtrait la meilleure formule, que nous pourrions appliquer à d’autres cas.

Les amendements II-CF447 et II-CF521 sont retirés.

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette l’amendement II-CF515 de M. Jérôme Nury.

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Article additionnel après l’article 56
Exonération facultative de taxes foncières et de cotisation foncière sur les entreprises pour les installations et sociétés de méthanisation industrielle

La commission examine les amendements identiques II-CF120 de Mme Marie-Christine Dalloz et II-CF933 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ces deux amendements proposent de donner aux EPCI qui le souhaitent la possibilité d’exonérer de taxe foncière les installations et bâtiments de toutes natures affectés à la production de biogaz, d’électricité et de chaleur par méthanisation, et qui ne dépendent pas d’activités agricoles. Mais cela reste une simple faculté, non une contrainte.

M. le président Éric Woerth. Cette formulation est conforme à l’esprit des propos qui viennent d’être échangés.

M. le Rapporteur général. Mme Dalloz dépose cet amendement depuis 2016, mais je crois vraiment nécessaire de distinguer la méthanisation industrielle de la méthanisation agricole. La méthanisation agricole de proximité est déjà exonérée. La méthanisation industrielle est le fait de grosses unités dont le bilan carbone est bien moins intéressant et dont la rentabilité est moins précaire. Pour ces raisons, je suis défavorable à cette proposition.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’exonération bénéficierait, monsieur le Rapporteur général, à des installations autorisées, enregistrées et déclarées. Ne me dites donc pas que ce serait un peu abusif. Ne prétendez pas que l’amendement « ne tourne pas ». Que vous n’en vouliez pas, soit, mais il tourne !

M. Charles de Courson. Il existe un groupe de travail sur la méthanisation. L’un des obstacles, c’est que l’administration fiscale considère que même les cuves sont des bâtiments. Des projets qui reposaient sur l’idée d’une exonération ont connu une explosion des coûts. Même des unités de dimension plutôt modeste devaient s’acquitter de 100 000 ou 150 000 euros de plus ! C’est plutôt ce problème de doctrine fiscale qu’il faudrait résoudre. J’ai essayé à plusieurs reprises, personne n’a voulu de ces amendements, soit, mais, dans ces conditions, le développement de la méthanisation est difficile.

M. Philippe Vigier. Tout d’abord, le caractère facultatif de l’exonération, qui s’applique selon que la collectivité le veut ou non, est intéressant. Ensuite, on ne peut avoir en permanence aux lèvres les mots de « transition écologique » et s’opposer à tout dispositif qui coûte de l’argent. Je viens d’inaugurer il y a deux mois une unité de biogaz, d’une capacité de 1 300 équivalents-habitant. Nous avons mis huit ans et demi pour y arriver, et nous n’avons pas traîné. C’est un signal qu’il faut donner.

La commission adopte les amendements identiques II-CF120 et II-CF933 (amendement II1989).

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Après l’article 56

La commission en vient à l’amendement II-CF696 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Les exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties sont souvent décidées par le Parlement, en particulier dans le cadre de la politique du logement. Je propose que les communes aient le droit de s’y opposer pour ne pas perdre de recettes fiscales. Cela représente tout de même, chaque année, des centaines de millions d’euros qui ne sont pas compensés par l’État !

M. le Rapporteur général. En vertu de cet amendement, les collectivités territoriales auraient la possibilité de remettre en cause des engagements pris par l’État en matière d’exonération fiscale dans le secteur du logement social et dégrader l’équilibre financier d’un certain nombre de projets de construction et de logements neufs passés. Sans y être très favorable, j’aurais mieux compris une proposition qui n’aurait affecté que les projets nouveaux, mais mettre en cause les projets passés, c’est revenir sur la parole de l’État.

Et puis si nous donnons la possibilité aux collectivités de s’opposer à un certain nombre de dispositions, c’est dangereux, car, à terme, ce sera la fin de la compensation de ces exonérations par l’État.

Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. François Pupponi. J’ai du mal à comprendre : depuis tout à l’heure, nous disons qu’il ne faut plus prendre de décisions qui pénalisent les collectivités locales. C’est ce que nous disons et c’est aussi le sens de l’amendement sur lequel nous reviendrons en séance, à propos des installations hydroélectriques.

Et voilà que vous nous expliquez qu’il est normal de voter des exonérations pour financer la politique du logement aux frais des collectivités locales, sans compensation ! C’est la commune qui paye, et qu’elle se taise ! Ce sont ainsi des centaines de millions d’euros qui sont ponctionnés, souvent sur les collectivités locales les plus pauvres – parce qu’en l’occurrence nous parlons de taxe foncière sur les propriétés bâties pour les logements sociaux. Elles perdent la recette, parce que l’État décide, et elles doivent se taire ! Et vous trouvez cela normal !

M. le Rapporteur général. Je ne trouve pas cela normal. Ce que je ne trouve pas normal c’est de remettre en cause des dispositifs d’exonération fiscale qui existent déjà, ce n’est pas possible. Les aménagements fiscaux que vous souhaitez supprimer concrétisent les engagements pris par l’État en faveur des programmes de construction de logements sociaux. Si les collectivités peuvent tout à coup s’y opposer, cela pose un énorme problème.

M. François Pupponi. Je propose alors de sous-amender cet amendement, pour qu’il ne s’applique qu’à partir du 1er janvier 2019.

M. le Rapporteur général. Vous pourrez bien évidemment déposer un amendement en ce sens en vue de la séance.

M. François Jolivet. Cher collègue François Pupponi, ne plus exonérer les bailleurs de logements sociaux de taxe foncière sur les propriétés bâties, pourquoi pas ? Cependant, tous leurs modèles économiques de construction et de production de logements neufs reposent pour partie sur ce dispositif. L’adoption d’une telle disposition serait un obstacle à la construction de logements sociaux, notamment dans les zones urbaines, et donc une erreur.

M. Jean-Paul Mattei. Cet amendement me gêne un peu car il peut entraîner un problème d’attractivité. Il suffit qu’une commune décide qu’elle n’appliquera pas l’exonération et l’activité de construction s’en ressentira sur son territoire. Ne risque-t-on pas de se prévaloir de son refus d’exonérer pour ne pas y construire de logements sociaux ? Je suis un peu troublé.

M. François Pupponi. Pour ma part, ce qui me trouble, cher collègue, c’est que l’État, qui avait promis de compenser intégralement la perte de recettes résultant de cette exonération, ne compense plus qu’à hauteur de 2 % ! Aujourd’hui, ce sont donc les communes qui paient, et souvent les plus pauvres. On leur donne peu d’un côté, on leur prend beaucoup de l’autre, et cela ne vous trouble pas !

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement II-CF1071 de M. Stéphane Peu.

M. Fabien Roussel. Le mécanisme de la location-accession peut être intéressant pour les opérations d’accession sociale à la propriété réalisées dans des immeubles anciens après réhabilitation, notamment dans le cadre de la revitalisation des « centres bourgs ». Nous proposons de permettre aux collectivités territoriales qui souhaitent soutenir de tels projets d’appliquer une exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties à ces opérations portant sur les logements anciens.

M. le Rapporteur général. Sur le principe, je ne suis pas défavorable à une telle exonération facultative, décidée par délibération d’une collectivité territoriale. Cependant, l’article 1384 A du CGI, relatif aux exonérations de TFPB et que cet amendement a pour objet de modifier, ouvre droit à des compensations de l’État via un prélèvement sur les recettes. C’est donc l’État qui compenserait une exonération facultative décidée par une collectivité locale. Pour cette raison, je suis évidemment défavorable à votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

Elle se saisit ensuite des amendements identiques II-CF1008 de M. Thibault Bazin et II-CF1073 de M. Stéphane Peu.

M. Thibault Bazin. Quand des bailleurs sociaux acquièrent des immeubles de bureaux ou des commerces, qui n’étaient donc pas, avant cette acquisition, destinés au logement, la question de savoir s’ils peuvent ou non bénéficier de l’exonération de taxe foncière prévue pour les opérations dites « d’acquisition-amélioration » de logements locatifs sociaux est sujette à interprétation. Pour lever le doute, il nous faut préciser le texte de l’article 1384 C du CGI. C’est l’objet de l’amendement II-CF1008.

M. Fabien Roussel. L’amendement identique II-CF1073 vise à clarifier le régime d’exonération de taxe foncière au profit des opérations dites « d’acquisition-amélioration » de logements locatifs sociaux.

M. le Rapporteur général. Vous avez raison, chers collègues, de soulever ce problème d’ordre réglementaire. Je vous propose de déposer un amendement en vue de la séance pour que le Gouvernement puisse nous éclairer sur ce qui constitue effectivement un réel problème. Nous saurons alors s’il est nécessaire de légiférer.

Les amendements II-CF1008 et II-CF1073 sont retirés.

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Article additionnel après l’article 56
Limitation facultative de l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties pour les logements neufs issus d’opérations de démolition
et de reconstitution

La commission examine, en discussion commune, l’amendement IICF1069 de M. Stéphane Peu, ainsi que les amendements identiques II-CF1009 de M. Thibault Bazin et IICF1070 de M. Stéphane Peu.

M. Thibault Bazin. En cas de démolition-reconstruction de logements locatifs sociaux, la nouvelle construction ne peut pas bénéficier des régimes d’exonération de taxe foncière prévus si la construction démolie en avait déjà bénéficié. Pourtant, il arrive que les élus veuillent absolument que les logements soient reconstruits à cet endroit précis. Pour que ce soit possible en certains lieux, il faut prévoir cette exonération. L’amendement II-CF1009 vise donc à faire en sorte que les élus puissent, s’ils le souhaitent, permettre qu’elle s’applique.

M. Fabien Roussel. Je présenterai en même temps les amendements II-CF1069 et II‑CF1070.

L’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), des directions régionales et interdépartementales de l’hébergement et du logement (DRIHL), des maires, des acteurs locaux considèrent qu’il est nécessaire de reconstruire sur site, après démolition des projets urbain. L’amendement II-CF1069 vise donc, par l’abrogation de cette limitation du bénéfice des régimes d’exonération, à faciliter la tâche des bailleurs sociaux, dont la capacité de financement se trouve par ailleurs pénalisée par la politique du Gouvernement. L’amendement de repli II-CF1070 propose non d’abroger cette limitation mais de permettre aux élus locaux d’y déroger.

M. le Rapporteur général. Je ne suis pas favorable à ces amendements. La disposition sur laquelle ces amendements ont pour objet de revenir a été introduite par MM. Pupponi et Goua en loi de finances pour 2017, au motif qu’en l’absence de cette exception les communes concernées, par définition des communes pauvres de la politique de la ville, verraient des immeubles sources de recettes fiscales importantes remplacés par des immeubles qui n’en procurent plus. Dans les communes où des quartiers entiers sont ainsi réhabilités et remodelés, les incidences financières sont trop importantes.

Peut-être M. Pupponi, père du dispositif, a-t-il un avis sur la question...

M. François Pupponi. Dans les dossiers ANRU, lorsqu’on démolissait un immeuble qui produisait de la recette fiscale et qu’on le remplaçait par un immeuble de même type social, avec les mêmes populations, l’exonération s’appliquait, et la commune concernée perdait la recette fiscale alors qu’elle gardait l’immeuble : c’était absurde. Nous n’allions pas pénaliser cette commune.

Cependant, la proposition de mes collègues me paraît pertinente. Si le maire de la commune concernée veut effectivement perdre la recette, c’est lui qui en prend la responsabilité. C’est la libre administration des collectivités locales. Ce n’est pas contradictoire avec la disposition que j’avais introduite.

M. le Rapporteur général. Dans ce cas, je m’en remets à la sagesse de mes collègues sur les amendements II-CF1009 et II-CF1070.

La commission rejette l’amendement II-CF1069.

Puis elle adopte les amendements identiques II-CF1009 et II-CF1070 (amendement II2048).

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Après l’article 56

La commission examine ensuite l’amendement II-CF1003 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Dans le respect des élus locaux, je propose de leur offrir la possibilité, s’ils le souhaitent, de soutenir fiscalement l’hydroélectricité, qui, à l’heure où l’on parle beaucoup de transition énergétique, ne semble pas figurer parmi les priorités du Gouvernement ; c’est bien dommage car elle offre, contrairement à l’éolien ou au solaire, la possibilité de stocker de l’énergie, en relâchant l’eau en fonction des besoins.

M. le Rapporteur général. Je suis totalement défavorable à cet amendement. Les collectivités risqueraient d’être soumises à un chantage à l’exonération. Cela poserait un énorme problème lorsque plusieurs opérateurs arriveraient dans un territoire pour y réaliser un projet.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement II-CF833 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Les logements sociaux situés dans les quartiers de la politique de la ville bénéficient d’un abattement de 30 % sur la base d’imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties. En contrepartie, les bailleurs sociaux bénéficiaires doivent utiliser cet abattement pour contribuer aux dispositifs et participer au financement de la gestion urbaine de proximité. Cependant, cet abattement n’est plus compensé par l’État qu’à hauteur de 40 % de la perte de recettes subie par les collectivités concernées. C’est donc pour elles une double peine : non seulement elles ont des quartiers difficiles mais elles perdent des recettes.

Je propose de laisser à la collectivité la faculté de décider de l’application ou non de l’abattement. Il s’agirait donc de donner la parole aux élus, qui pourraient engager une discussion avec les bailleurs sociaux.

M. le Rapporteur général. Sur le fond, votre amendement est tout sauf une mauvaise idée mais, outre que la question du maintien de la compensation par l’État va se poser, il permettrait aux collectivités territoriales de remettre en cause chaque année par délibération l’exonération, même une fois les contrats signés, alors que les propriétaires, de leur côté, s’engagent pour six ans.

Mme Véronique Louwagie. J’entends vos arguments et je pourrai modifier mon amendement pour que ce choix s’applique pendant une période donnée – cinq ou six ans par exemple.

M. François Pupponi. Tout le monde est bien conscient que la disposition actuelle est absurde : elle pénalise les communes les plus pauvres pour lesquelles la perte de recettes est supérieure à l’augmentation de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) ! Ce sont les seules communes dans cette situation, y compris cette année alors que l’on maintient la dotation globale de fonctionnement. Pourtant, ce sont les plus pauvres, mais cela ne choque personne...

Le ministre ici même l’a reconnu, tout en avouant que la compensation intégrale coûterait trop cher. Cette injustice doit cesser ! On nous explique qu’on soutient les communes les plus pauvres par le biais de la DSU, en oubliant d’évoquer ce qu’elles perdent ! Nous avons enfin pu l’évaluer cette année grâce à la transmission du rapport. Il faut que nous nous mettions tous autour d’une table afin que cette injustice cesse.

M. le président Éric Woerth. Un projet de loi sur les finances locales est prévu au printemps. Je pense que ce sujet y sera abordé.

M. François Jolivet. Les conventions de gestion urbaine de proximité signées par les bailleurs sont la contrepartie de la réfaction de taxe foncière à hauteur de 30 %. Chaque année, le bailleur doit justifier les sommes engagées auprès des services fiscaux. Elles doivent correspondre, à l’euro près, à la réfaction de taxe foncière. D’où vient ce dispositif ? À une certaine époque, les pouvoirs publics ont considéré que les bailleurs étaient les seuls acteurs présents dans certains quartiers et qu’ils travaillaient au plus près du terrain. Cela signifiait également que les villes s’étaient un peu éloignées du terrain. On a donc demandé aux bailleurs d’assumer des missions qui étaient initialement du ressort des collectivités territoriales ; en contrepartie, on les allégeait d’un impôt qui était une recette des collectivités territoriales. Revenir sur ce dispositif signifierait que les collectivités territoriales encaissent cet argent. Mais je ne suis pas sûr qu’elles seraient prêtes à signer une convention de gestion urbaine de proximité et à justifier des politiques mises en place. Je suis personnellement très défavorable à l’amendement.

M. François Pupponi. Ce n’est pas ce que dit la loi : depuis trois ans, les conventions doivent être signées par le maire.

M. François Jolivet. Et le préfet.

M. François Pupponi. Oui. Mais si le maire ne signe pas la convention, il n’y a pas d’abattement. Dès à présent, le maire peut donc s’opposer à cet abattement s’il considère que le bailleur ne remplit pas sa mission.

M. François Jolivet. Peu d’entre eux l’ont fait.

M. François Pupponi. Il y en a déjà quelques-uns, et il y en aura de plus en plus. En outre, je vous rappelle que nous allons entrer dans la période de renégociation des conventions, pour les années 2019 à 2022. Jusqu’à présent, les quartiers et les habitants ne voyaient souvent pas la queue d’une cerise de cet argent, les bailleurs s’en servaient davantage pour financer leurs frais de gestion au niveau national que pour investir dans les quartiers ! Désormais, et heureusement, le maire a le droit de décider d’accorder l’abattement ou pas.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement II-CF697 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. C’est la même philosophie que les précédents.

M. le Rapporteur général. Avec cet amendement, les collectivités territoriales auraient la possibilité de remettre en cause l’exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties pour les terrains ensemencés, plantés ou replantés. Cela risque de remettre en cause l’équilibre financier des projets de reforestation. Il vaudrait peut-être mieux le retirer.

M. François Pupponi. Je précise simplement que le maire doit pouvoir s’y opposer.

M. le Rapporteur général. Autrement dit, remettre en cause unilatéralement et du jour au lendemain une exonération concernant des programmes forestiers qui peuvent durer trente ans.

La commission rejette l’amendement.

Elle passe à la discussion commune des amendements II-CF36 de M. Vincent Descoeur ainsi que II-CF898 et II-CF899 de Mme Émilie Bonnivard.

M. Vincent Descoeur. Si la taxe d’habitation est aujourd’hui considérée comme un impôt injuste, cela doit valoir pour tous les contribuables. En vertu du principe de l’égalité devant l’impôt, mon amendement II-CF36 propose de supprimer la taxe d’habitation pour tout le monde.

En outre, sans créer de dispositif fiscal particulier alors que nous n’avons plus aucun outil pour inciter les propriétaires à louer leurs biens, l’amendement II-CF898 de ma collègue Mme Bonnivard propose d’utiliser la réforme de la taxe d’habitation pour inciter les propriétaires à remettre leurs biens en location. Cette incitation financière pourrait prendre la forme d’une exonération de taxe d’habitation si le propriétaire s’engage à le mettre en location pendant une période de huit semaines dans l’année. L’amendement II-CF898 est de repli.

M. le Rapporteur général. Je suis défavorable à l’exonération de la taxe d’habitation pour les résidences secondaires, y compris lorsqu’elles sont louées huit semaines par an. Il s’agit d’un critère facilement atteignable en zone touristique qui reviendrait à supprimer la taxe d’habitation pour tout le monde.

M. le président Éric Woerth. C’est justement le but... Ces amendements ne sont finalement pas si mal écrits.

M. le Rapporteur général. C’était donc une ruse !

La commission rejette les amendements.

Suivant l’avis du Rapporteur général, elle rejette également l’amendement II-CF39 de M. Vincent Descoeur.

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Article additionnel après l’article 56
Limitation de la surtaxe sur la taxe d’habitation sur les résidences secondaires dans les zones géographiques tendues

La commission examine en discussion commune les amendements IICF256 de M. Lionel Causse, II-CF1216 de Mme Frédérique Lardet et II-CF1391 du Rapporteur général.

Mme Frédérique Lardet. L’amendement II-CF256 est défendu.

L’amendement II-CF1216 donne la possibilité aux communes touristiques qui le souhaitent de mettre en place une majoration de la taxe d’habitation due au titre de la résidence secondaire, comme cela est déjà le cas dans certaines communes en zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants.

M. le Rapporteur général. L’amendement II-CF1391 propose de plafonner la surtaxe que certaines communes appliquent à la taxe d’habitation sur les résidences secondaires à 40 %. En effet, actuellement, dans certaines zones, notamment dans le secteur de Saint-Nazaire où les résidences secondaires ne sont pas des chalets de très grand luxe, une surtaxe de 60 % est appliquée, qui crée pour certains propriétaires d’énormes difficultés financières. Je propose de limiter le plafond à un niveau plus raisonnable de 40 %.

Nous pourrons ensuite débattre à l’occasion du projet de loi sur les finances locales d’une progressivité non punitive, car ces taxes touchent les maisons familiales, simplement parce qu’elles sont situées en zone urbaine. L’effet est catastrophique ; il se traduit par de très nombreux abandons ou à des ventes à vil prix, notamment sur la côte ouest de la France.

Je souhaiterais le retrait des amendements II-CF256 et II-CF1216 au profit de mon amendement II-CF1391.

M. le président Éric Woerth. Votre dispositif sera-t-il uniquement applicable dans les zones tendues ?

M. le Rapporteur général. Cette surtaxe n’existe que dans les zones tendues. Je propose simplement d’en réduire le plafond.

M. Charles de Courson. L’amendement du Rapporteur général s’appliquera-t-il uniquement à la part communale ou également à la part intercommunale ?

M. le Rapporteur général. Je ne saurai vous répondre. Je vous propose d’adopter l’amendement et d’analyser ce point d’ici à la séance publique.

Mme Amélie de Montchalin. Une fois n’est pas coutume, monsieur le Rapporteur général, mais je souhaiterais une petite explication concernant cet amendement. Il me semblait que nous souhaitions plutôt débattre de ces questions dans le projet de loi sur les finances locales. Jusqu’à maintenant, nous avons essayé de rester cohérents. Quelle urgence particulière justifie cette précipitation ? Nous comprenons votre idée mais la concertation n’est-elle pas préférable, ainsi qu’un débat global sur l’intégralité des sujets ?

M. le Rapporteur général. Le problème est que des gens se retrouvent dans une situation financière absolument dramatique du fait de l’application du taux maximum de surtaxe. Le principe de cette surtaxe ne me gêne pas. À l’inverse, l’application du taux maximum est particulièrement insupportable pour les propriétaires de maisons familiales qui n’ont pas beaucoup de biens, et qui ne sont pas situés en zone touristique.

M. Gilles Carrez. Je le confirme : il y a urgence car on assiste à un véritable dérapage et ces majorations de 60 % doivent être proscrites. On a mis en difficulté des milliers de ménages.

M. François Pupponi. Que faites-vous de la libre administration des collectivités ? Les maires doivent pouvoir assumer leur politique fiscale. Dans le cas contraire, si l’on considère qu’il n’y a plus de libre administration, et le Parlement décide.

En outre, vous ne pouvez pas repousser systématiquement nos amendements à l’année prochaine au prétexte du projet de loi sur les finances locales et, dans certains cas, faire exactement le contraire ! Ou bien vous considérez qu’il y a urgence, on décide d’ouvrir la boîte de Pandore et d’adopter toutes les avancées possibles en matière de fiscalité locale dans le cadre de ce projet de loi de finances. Mais pourquoi le faire pour certains et pas pour d’autres ?

Les amendements II-CF256 et II-CF1216 sont retirés.

La commission adopte l’amendement II-CF1391 (amendement II-1996).

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Après l’article 56

Suivant l’avis du Rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements IICF37 et II-CF38 de M. Vincent Descoeur.

Elle en vient à l’amendement II-CF698 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. L’État décide des exonérations dans certains quartiers très défavorisés qui ont déjà peu de rentrées fiscales, tout en ne compensant pas les pertes de CFE liées à ces exonérations. In fine, ce sont donc les communes les plus pauvres qui paient. Nous souhaitons que les maires puissent s’opposer à la mise en œuvre de cette exonération sur leur territoire.

M. le Rapporteur général. Défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle passe à l’amendement II-CF1385 de Mme Sarah El Haïry.

Mme Sarah El Haïry. Nous voulons permettre aux collectivités territoriales qui le souhaitent d’exonérer totalement de CFE les petites librairies indépendantes ne disposant pas du label de librairie indépendante de référence (LIR), lorsque la vente de livres neufs représente plus de 50 % de leur chiffre d’affaires, dans un objectif d’animation du territoire.

M. le Rapporteur général. Je suis favorable au rééquilibrage des conditions de concurrence entre les librairies de proximité, les grandes surfaces et le commerce en ligne, mais je m’interroge sur les conséquences de votre amendement. Mme Louwagie s’en souvient probablement, car elle était intervenue sur ce sujet lors du projet de loi de finances de l’an passé. Le Sénat avait étendu l’exonération de CFE prévues pour les librairies indépendantes de référence relevant des PME aux librairies indépendantes de référence de taille intermédiaire réalisant un chiffre d’affaires n’excédant pas 200 millions d’euros. Nous avions supprimé cet article, faute de disposer d’éléments tangibles permettant d’en apprécier les conséquences.

Votre demande semble plus mesurée, mais je souhaiterais que le ministre nous apporte des précisions en séance publique, notamment concernant les conséquences de ces modifications sur le label LIR. Il serait dommage qu’il perde tout intérêt alors qu’il me semble particulièrement pertinent. C’est pourquoi je m’en remettrai à la sagesse de nos collègues.

M. François Pupponi. Il ne faut pas dépasser certaines limites ! Mon amendement précédent donnait la possibilité aux communes de maintenir, ou non, l’exonération de CFE. Vous l’avez balayé d’un revers de la main, sans explication. Celui-ci est quasiment identique et vous répondez : « Pourquoi pas ? ». Je comprends votre stratégie, mais vous atteignez les limites !

M. le Rapporteur général. Votre amendement donnait la possibilité au maire de s’opposer à l’exonération, monsieur Pupponi. Celui de Mme El Haïry propose une exonération sur décision des assemblées délibérantes compétentes : ce n’est pas tout à fait pareil. Il s’agit d’une simple extension du champ d’une exonération existante.

Mme Émilie Cariou. Ce type d’amendement doit faire l’objet de simulations !

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement II-CF33 de M. Vincent Descoeur.

M. Vincent Descoeur. Dans un objectif d’aménagement du territoire, cet amendement propose de retenir le lieu de télétravail comme lieu de travail effectif, permettant une redistribution de la CFE aux collectivités qui ont investi dans des lieux dédiés au télétravail et aux téléactivités.

M. le Rapporteur général. Défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à la discussion commune des amendements II-CF737 de Mme Valérie Rabault et II-CF764 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Marie-Noëlle Battistel. L’amendement II-CF737 vise à garantir l’application de la revalorisation de 2018 aux bases des locaux professionnels révisés, afin que les collectivités territoriales ne subissent aucune perte de recettes en 2019. En effet, les bases fiscales des locaux professionnels seront corrigées en 2019 de la revalorisation de 2018 : elles baisseront de 1,2 %, avant d’être revalorisées selon l’évolution des loyers commerciaux, d’après l’expérimentation menée sur cinq départements.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement II-CF764 est défendu.

M. le Rapporteur général. En l’absence de données disponibles pour effectuer la revalorisation au réel, nous avons acté une hausse de 1,2 % des bases fiscales des locaux professionnels ; or l’évolution des loyers commerciaux n’a pas dépassé 0,2 %. Nous en tirons donc les conséquences : vous avez raison de souligner que cela va induire un « effet bases » négatif pour les collectivités en 2019, à ceci près que lesdites bases avaient été surévaluées en 2018... Je suis donc défavorable à ces amendements.

La commission rejette les amendements.

Elle examine ensuite en discussion commune les amendements II-CF112 de Mme Marie-Christine Dalloz et II-CF448 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Marie-Christine Dalloz. Tout le monde s’accorde sur la réalité des aléas climatiques et sur la nécessité de garantir un stockage suffisant pour le réseau électrique. La station de transfert d’électricité par pompage (STEP) permet justement de pallier les aléas de rupture sur un réseau électrique. L’amendement II-CF112 propose de l’exonérer d’IFER pour permettre son développement et surtout garantir la sécurité énergétique en cas d’importants aléas climatiques.

Mme Marie-Noëlle Battistel. L’amendement II-CF448 va dans le même sens. Nous avons déjà eu ce débat et risquons probablement de nous voir opposer la même réponse... Les STEP permettent de stocker l’énergie. Elles n’ont pas vocation à en produire, mais jouent simplement un rôle assurantiel dans le système électrique. Ce service est d’autant plus nécessaire que les énergies renouvelables (ENR) sont en grande majorité intermittentes, comme chacun sait.

M. le Rapporteur général. Je suis défavorable au fait de décorréler l’impôt de la puissance installée : cela revient à favoriser l’installation de plus grandes centrales.

La commission rejette les amendements.

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Article additionnel après l’article 56
Exonération d’imposition forfaitaire des entreprises de réseaux
sur les stations radioélectriques installées dans le cadre
du dispositif de couverture ciblée

La commission en vient à l’amendement II-CF961 du Rapporteur général.

M. le Rapporteur général. Le présent amendement vise à instaurer une exonération d’IFER pour les stations radioélectriques installées dans le cadre du dispositif de couverture ciblée dans les zones blanches, pendant les cinq ans suivant leur installation. Le Gouvernement s’était engagé à mettre en place ce dispositif d’exonération mais ne l’avait pas inclus dans le présent projet de loi de finances. L’amendement reprend cet engagement, en le limitant aux cinq ans suivant l’installation.

La commission adopte l’amendement (amendement II-1997).

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Après l’article 56

La commission passe à la discussion commune des amendements II-CF1033 et IICF1036 de M. Saïd Ahamada.

M. Saïd Ahamada. Le projet de loi de finances tente de favoriser l’achat de navires moins polluants ; encore faut-il que ceux-ci puissent s’alimenter dans nos ports. Or, les petits terminaux méthaniers sont soumis à un niveau beaucoup trop élevé d’IFER. Mes deux amendements proposent de limiter le niveau d’impôt forfaitaire pour ses terminaux, afin que les navires puissent s’approvisionner dans nos eaux et non ailleurs. L’amendement II-CF1033 propose un seuil d’assujettissement différent selon la capacité de stockage des terminaux ; le second, II-CF1036, un tarif différencié en fonction de cette même capacité de stockage.

M. le Rapporteur général. Mon avis est défavorable sur l’amendement II-CF1033. L’amendement II-CF1036 peut être une piste intéressante, mais j’aimerais disposer d’une analyse plus approfondie. Je vous invite donc à le retirer pour le déposer en séance, afin que nous ayons une discussion avec le ministre.

Les amendements sont retirés.

La commission en vient à l’amendement II-CF1041 de M. Saïd Ahamada.

M. Saïd Ahamada. Le principe est le même, l’amendement proposant cette fois un mécanisme de plafonnement à la valeur ajoutée comparable à ce qui existe en matière de contribution économique territoriale (CET). Je le retire.

L’amendement est retiré.

La commission examine ensuite en discussion commune les amendements II-CF1174 et II-CF1189 de M. Benoit Potterie.

M. Benoit Potterie. Ces deux amendements, fruit d’échanges avec l’Association des maires de France (AMF), visent à corriger le déséquilibre fiscal entre les différentes formes de commerce. Pour ce faire, ils créent un abattement de la taxe foncière sur les propriétés bâties pour les commerces de proximité, compensé par la création d’une taxe sur les livraisons à domicile de biens commandés sur internet.

Le premier objectif est de soutenir le commerce de proximité. Quatre-vingt-cinq taxes pèsent actuellement sur le commerce dit physique, contre trois pour le commerce en ligne. Ce déséquilibre est particulièrement pénalisant pour les commerces de proximité. Le taux de vacance commerciale est passé de 5 à 11 % dans les centres-villes en à peine quatre ans.

Ces amendements visent aussi à prendre en compte l’impact écologique des livraisons à domicile – également appelé « effet Amazon ». La livraison à domicile produit beaucoup de déchets à la charge des communes. Ces dernières en reportent le coût sur les impôts locaux payés par les habitants, mais surtout par les commerçants.

Il serait normal que le coût de ces externalités soit réparti de matière plus juste.

M. le Rapporteur général. Je suis très défavorable à ces amendements. Du reste, les réactions des associations de maires dans tous les départements ruraux ont été extrêmement virulentes à l’encontre de l’AMF. Je comprends l’idée ; elle peut avoir un intérêt en zone urbaine, mais certainement pas dans les zones rurales, où vos amendements reviennent tout simplement à taxer les livraisons. Ajoutons que l’on ne paierait pas la taxe si la commande est livrée en points relais ou en bureaux de poste, ce qui encore une fois défavorise les zones rurales.

Mme Amélie de Montchalin. Nous comprenons parfaitement le problème soulevé, celui des commerces de centre-ville. Mais qui seraient les plus pénalisées par ce dispositif ? Les personnes âgées en zone rurale en premier lieu, qui n’ont pas d’alternative et pour qui la livraison à domicile a constitué un réel progrès.

Nous devons prioritairement nous pencher sur la fiscalité du numérique : il faut taxer les grandes plateformes, et non les services de proximité, parfois créés par des acteurs français qui ont trouvé des débouchés grâce à la livraison à domicile. Travaillons sur le cœur du problème pour bien cibler les entreprises et les acteurs qu’il faudrait faire participer plus activement au développement économique. Le dispositif que vous proposez n’est pas totalement abouti.

M. Gilles Carrez. Je partage le constat et les propositions de Mme de Montchalin. Nous devons effectuer ce rééquilibrage fiscal, non en créant une nouvelle taxe sur les livraisons, mais en diminuant, voire en supprimant, la CFE sur les petits commerces de centre-ville. Il faut que nous réfléchissions très rapidement aux modalités d’assujettissement du numérique sur son chiffre d’affaires. Cela devient urgent...

M. Charles de Courson. Cet amendement est sympathique mais la solution n’est pas du tout adaptée. Nous en avons parlé lors de la révision des bases des locaux professionnels : pourquoi n’ouvre-t-on pas la possibilité de donner le pouvoir aux communes et aux intercommunalités, voire aux départements, d’abaisser la CFE dans des proportions limitées – 20 ou 30 % par exemple. Je rappelle que la révision des valeurs locatives des locaux professionnels a entraîné une augmentation de l’ordre de 15 % pour les commerces de centre-ville et une baisse de même niveau pour les hypers et supermarchés, alors que le commerce en ligne y échappe largement. Personnellement, je voterai contre ces amendements.

M. Jacques Savatier. Contrairement à mon collègue de Courson, je ne trouve pas cet amendement sympathique du tout : il pénalise les zones rurales et nos concitoyens isolés, âgés ou malades, qui ne peuvent pas forcément aller chercher leur colis dans un point relais.

En outre, a-t-on une étude d’impact, y compris sur le plan écologique ? Quelle est l’alternative en milieu rural ? Soit on paie et on est pénalisé, soit on prend son véhicule ou on demande à quelqu’un d’aller chercher notre colis au commerce le plus proche ou au bureau de poste. Je ne suis pas certain que le bilan écologique soit très positif.

Enfin, si le rendement de la taxe est estimé à 336 millions d’euros, a-t-on évalué son impact sur les activités connexes, notamment celle de distribution du courrier ? En zones rurales, contrairement aux zones urbaines, la livraison à domicile est effectuée par les facteurs – on parle de livraison « mixte ». La taxe pourrait avoir de lourdes conséquences sur le déploiement des facteurs sur le territoire national, ce qui poserait d’autres problèmes – l’isolement de certaines populations par exemple.

Pour toutes ces raisons, j’invite la commission à rejeter ces amendements.

M. Saïd Ahamada. Je rappelle que le Gouvernement a pris des initiatives s’agissant des commerces de centre-ville : le dispositif « Action cœur de ville » vise à relancer l’économie dans ces zones.

En outre, au moment où certains se plaignent que les déplacements en voiture coûtent cher, taxer les livraisons me semble particulièrement contre-productif.

Enfin, le secteur de la livraison à domicile est un important pourvoyeur d’emplois. Au regard de la situation de chômage dans notre pays, on ne peut que se féliciter de voir ce secteur se développer.

La commission rejette les amendements.

Elle passe à l’amendement II-CF587 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Cet amendement vise à favoriser l’accession sociale à la propriété au sein des organismes d’habitations à loyer modéré (HLM). Il s’agit, je le pense, d’un objectif partagé. Dans la même logique que notre collègue Pupponi, les conseils départementaux qui le souhaitent pourraient exonérer de droits d’enregistrement les ventes de logements par les organismes d’HLM, ce qui rendrait l’accession moins chère et la cession plus sociale.

M. le Rapporteur général. À première vue, cet amendement peut paraître une bonne idée : il vise à faciliter la requalification du tissu existant dans les centres bourgs et les villes moyennes. Mais, après analyse, il paraît juridiquement difficile d’identifier ce que recouvre l’amélioration des logements gérés par un office HLM ; il faudrait sans doute plutôt prévoir une réhabilitation. Qui plus est, l’outil fiscal sera dans la main des départements, alors que la politique publique afférente relève plutôt du bloc communal. Enfin, les finances départementales sont déjà tendues, et cette exonération risque d’affecter principalement les départements les plus pauvres.

Mon avis sera donc défavorable.

M. Thibault Bazin. Monsieur le Rapporteur général, je vais retirer cet amendement, mais je suis preneur des éléments portés à votre connaissance pour le préciser juridiquement. On fait actuellement très peu d’accession sociale, même dans les départements auxquels on a délégué les aides à la pierre. Je souhaiterais que nous creusions ce dossier ensemble.

L’amendement est retiré.

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Article additionnel après l’article 56
Révision du tarif de l’imposition forfaitaire des entreprises de réseaux
sur les lignes des réseaux de communications électroniques cuivre,
câble ou fibre optique

La commission en vient à la discussion commune des amendements IICF962 du Rapporteur général et II-CF1137 de M. Charles de Courson.

M. le Rapporteur général. L’amendement II-CF962 vise à modifier le tarif de 11,61 euros par ligne en service à compter de 2019 qui avait été retenu pour l’IFER sur les réseaux de communications électroniques cuivre, câble ou fibre optique. Ce tarif devait en effet être revu pour tenir compte de deux évolutions principales : le tarif prévu avait été calculé pour des conditions bien différentes de celles qui prévalent actuellement ; les données chiffrées du nombre de lignes cuivre, fibre et câble existantes ont été actualisées et revues à la baisse.

Compte tenu de ces évolutions, l’absence de révision du tarif initialement prévu conduirait à une diminution du produit de l’IFER et donc des recettes des régions qui en sont affectataires. Le présent amendement vise à faire en sorte qu’elles demeurent stables.

M. Charles de Courson. L’amendement II-CF1137, finalement peu différent dans l’esprit, vise à lisser la hausse jusqu’en 2022. On avait annoncé brutalement 11,61 euros par ligne en service. Tous les spécialistes estiment que c’est excessif. La date de 2022 correspond normalement – même si tout le monde sait qu’il y aura deux ou trois ans de retard – au déploiement intégral du haut débit sur tout le territoire. Nous souhaitons inciter davantage d’opérateurs à réaliser ces investissements.

M. le Rapporteur général. Je suis défavorable à votre amendement de baisse, monsieur de Courson, et je défends mon amendement de hausse du tarif. Je vous rappelle que les nouvelles installations sont tout de même exonérées pendant cinq ans !

La commission adopte l’amendement II-CF962 (amendement II-1988).

En conséquence, l’amendement II-CF1137 tombe.

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Après l’article 56

La commission passe à l’amendement II-CF1136 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Il s’agit d’une variante de l’amendement II-CF1137, visant à repousser reporter l’entrée en vigueur de l’imposition à 2022, une fois que l’essentiel des investissements aura été réalisé, afin de ne pas décourager les investisseurs.

M. le Rapporteur général. Défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement II-CF1024 de M. Jean-Charles Colas-Roy.

Mme Bénédicte Peyrol. Il est défendu.

M. le Rapporteur général. Il vaudrait mieux le retirer car il porte sur la taxe sur la recherche d’hydrocarbures, supprimée en première partie...

L’amendement est retiré.

La commission examine ensuite l’amendement II-CF1113 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. La suppression de la taxe d’habitation, dont le taux était lié à celui du foncier bâti, rend nécessaire un plafonnement de la fiscalité locale. Actuellement, le prélèvement de CFE additionné à la CVAE est plafonné à 3 % de la valeur ajoutée. Avec la suppression de la taxe d’habitation, les liaisons intertaux sont mortes, puisqu’elles étaient basées sur la taxe d’habitation.

L’amendement propose donc une hausse du plafonnement de 3 % à 4,5 % du chiffre d’affaires et une intégration de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Il s’agit de lancer le débat sur la régulation des taux après la suppression de la taxe d’habitation.

M. le Rapporteur général. Je considère que c’est un amendement d’appel pour le projet de loi sur les finances locales. En conséquence, j’invite Charles de Courson à le retirer pour le déposer en séance, afin de pouvoir dialoguer avec le ministre.

M. Charles de Courson. Le projet de loi sur les finances locales doit être déposé fin mars. Or de telles modifications supposent des simulations complexes, afin de déterminer le bon taux.

L’amendement est retiré.

La commission passe à l’amendement II-CF1038 de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. Cet amendement vise à lutter contre l’artificialisation des sols en supprimant l’abattement de la taxe d’aménagement sur les locaux à usage industriel ou artisanal et leurs annexes, les entrepôts et hangars non ouverts au public faisant l’objet d’une exploitation commerciale et les parcs de stationnement couverts faisant l’objet d’une exploitation commerciale.

Toutes les infrastructures bénéficiaires de cet abattement sont fortement consommatrices de sols et aggravent le phénomène d’artificialisation. Nous souhaitons limiter l’extension de ce type de constructions.

Par ailleurs, le 4 juillet 2018, le plan Biodiversité a été publié et l’action 10 de son premier axe « Reconquérir la biodiversité dans les territoires » fixe un objectif « zéro artificialisation nette ». C’est l’occasion pour le Gouvernement et la majorité de tenir ses engagements et ses objectifs !

M. le Rapporteur général. Tout le monde partage l’objectif de réduire l’artificialisation des sols. Mais la taxe d’aménagement ne concerne pas uniquement l’artificialisation des sols, elle doit notamment être acquittée lors de la reconstruction des bâtiments. Votre amendement ne permettrait pas d’atteindre l’objectif recherché. Avis défavorable.

Mme Sabine Rubin. J’ai dit que l’article L. 331-12 du code de l’urbanisme accorde un abattement de 50 % de la taxe d’aménagement aux locaux à usage industriel. Je ne parle pas des autres abattements possibles sur d’autres types de locaux, mais seulement de ces infrastructures spécifiques, qui consomment beaucoup de surface et contribuent à l’artificialisation. Vous répondez donc à côté.

M. le Rapporteur général. Non, madame, pardonnez-moi, mais si vous reconstruisez un local industriel vous acquittez aussi la taxe d’aménagement ; et pourtant, il n’y a pas d’artificialisation en cas de reconstruction.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement II-CF1242 de M. Bruno Millienne.

M. Jean-Paul Mattei. Cet amendement a pour objet de demander au Gouvernement un rapport visant à établir le niveau d’utilisation actuelle de la différenciation des taux de la taxe d’aménagement.

M. le Rapporteur général. Depuis la réforme de la fiscalité en 2012, les communes et les intercommunalités peuvent moduler la taxe d’aménagement d’un secteur à l’autre de leur territoire. Le taux applicable peut varier entre 1 % et 5 %, puis de 5 % à 20 % dans certains cas particuliers. Vous demandez un rapport au Gouvernement ; j’y vois plutôt un amendement d’appel pour interpeller le Gouvernement sur ce sujet et avoir une réponse dans l’hémicycle. Je vous invite donc à retirer votre amendement pour le déposer en séance.

L’amendement est retiré.

La commission en vient, en discussion commune, aux amendements IICF1217 et II-CF1218 de Mme Aude Bono-Vandorme.

M. François Jolivet. Cet amendement déposé par Mme Bono-Vandorme, Olivier Serva et moi-même a pour objet d’amener le Gouvernement à prendre position en séance publique. Les collectivités territoriales d’outre-mer ont la possibilité de percevoir des taxes sur l’ensemble du matériel qui entre sur leur territoire, notamment les importations d’armes, de munitions, d’équipements de protection, de matériels de secours aux personnes et de lutte contre les incendies, d’aéronefs, de navires et de véhicules spéciaux. Cela veut dire que lorsque la métropole envoie du matériel en direction de ces îles, elle est amenée à payer une surtaxe.

Il en résulte des effets pervers, car les administrations régaliennes hésitent désormais à doter les territoires de ce type d’équipement. Nous souhaitons que le Gouvernement prenne acte de la demande d’exonérer les importations de biens destinés à l’accomplissement des missions de défense, de sécurité intérieure et de gestion de crise ; et que la consultation qui a continué mais qui n’a pas abouti trouve son terme. Je ne trouve pas normal que l’envoi d’hélicoptères de sécurité civile donne lieu à une taxe et à une ressource fiscale pour la collectivité territoriale.

Si nous avions le soutien de la commission des finances sur ces amendements, ou au moins sur le II-CF1218, nous en serions heureux, quitte à les retirer après en avoir débattu en séance publique.

M. le Rapporteur général. S’agissant d’amendements d’appel, je vais vous proposer la même solution qu’à M. Mattei, autrement dit de les retirer et de les déposer pour en débattre dans l’hémicycle, afin d’obtenir en séance une réponse précise du Gouvernement.

Les amendements sont retirés.

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Article 57
Prorogation dun an du crédit dimpôt en faveur de la transition énergétique (CITE)

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article proroge pour une année, à champ constant, le crédit d’impôt en faveur de la transition énergétique et porte son terme au 31 décembre 2019.

Le coût de la prorogation est estimé à 865 millions d’euros en 2020.

Dernières modifications législatives intervenues

L’article 79 de la loi de finances pour 2018 a prorogé d’un an le dispositif, en le recentrant sur les dépenses présentant un rapport coût-bénéfice environnemental satisfaisant. Des dispositions transitoires ont maintenu certaines dépenses (notamment les chaudières à très haute performance utilisant le fioul comme source d’énergie et les parois vitrées) dans le champ d’éligibilité du dispositif jusqu’au 30 juin 2018, le cas échéant, avec un moindre taux.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

À l’initiative de M. Anthony Cellier (LaREM), la commission a adopté un amendement prévoyant la remise, par le Gouvernement, avant le 1er septembre 2019, d’un rapport sur la transformation du CITE en prime forfaitaire en fonction du type d’équipement ou de prestation.

Dispositif fiscal dont l’évolution est l’un des engagements de campagne du président de la République, le CITE a vocation à changer de nature, au profit d’un système de prime versée concomitamment à l’engagement des dépenses éligibles. Initialement annoncée pour le 1er janvier 2019, cette transformation, qui implique un profond changement, ne sera finalement pas mise en œuvre selon ce calendrier.

Par conséquent, le présent article prévoit de proroger d’un an supplémentaire le CITE, à droit constant.

Pour mémoire, les évolutions successivement apportées au crédit d’impôt « environnemental » depuis sa création en 2000 et les modifications adoptées en loi de finances pour 2018 ([184]) ont fait l’objet de présentations et d’analyses spécifiques dans le rapport sur le projet de loi de finances pour 2018 ([185]) et, plus récemment, dans le rapport d’application de la loi fiscale, publié en juillet 2018 ([186]). Le présent commentaire n’en rappelle ici que les principaux points saillants.

I.   L’état du droit : un dispositif fiscal aux contours mouvants, reflet de l’imparfaite conciliation entre objectifs environnementaux et responsabilité budgétaire

A.   Un crédit d’impôt pour encourager la rénovation énergétique

1.   Un dispositif aux contours mouvants mais dont l’économie générale n’a pas varié

Ayant succédé, à compter du 1er septembre 2014, au crédit d’impôt en faveur du développement durable (CIDD) ([187]), le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) est codifié à l’article 200 quater du CGI.

Répondant à des objectifs environnementaux et économiques, le CITE vise notamment à accélérer et amplifier les travaux de rénovation énergétique des bâtiments pour économiser de l’énergie, faire baisser la facture énergétique et créer des emplois.

Souvent modifié, le crédit d’impôt introduit dans la loi de finances pour 2000 ([188]), le CIDD, a conservé son principe : il offre aux contribuables résidant en France un crédit d’impôt sur le revenu au titre des dépenses effectivement supportées pour l’amélioration de la qualité environnementale et pour la rénovation énergétique de leur logement, que ceux-ci soient propriétaires, locataires ou occupants à titre gratuit de leur habitation principale. Le logement accueillant les équipements doit être achevé depuis plus de deux ans à la date du début des travaux.

La liste des équipements éligibles à l’avantage fiscal figure à l’article 200 quater du CGI et les caractéristiques techniques et critères de performances minimales sont fixés par l’article 18 bis de l’annexe IV du CGI.

Le montant des dépenses ouvrant droit au crédit d’impôt ne peut excéder un plafond pluriannuel. Ce dernier s’établit, au titre d’une période de cinq années consécutives comprises – depuis la loi de finances pour 2018 – entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2018, à 8 000 euros pour une personne célibataire, veuve ou divorcée et 16 000 euros pour un couple marié ou pacsé soumis à une imposition commune ([189]). Cette somme est majorée de 400 euros par personne à charge.

L’avantage fiscal accordé au titre du CITE compte pour la détermination du plafond global des avantages fiscaux prévu à l’article 200-0 A du CGI.

Le champ des dépenses éligibles au crédit d’impôt et le taux associé ont, en revanche, évolué à plusieurs reprises, esquissant un mouvement de balancier visant, tantôt à restreindre, tantôt à élargir les conditions d’application du crédit d’impôt ([190]).

Pour mémoire, le taux du crédit d’impôt a été réduit et certaines dépenses exclues dans les lois de finances pour 2011 et 2012 ([191]). La loi de finances pour 2014 ([192]) a introduit une modification substantielle en conditionnant le bénéfice de l’avantage fiscal à la réalisation d’un « bouquet » de travaux ([193]), avant que la loi de finances pour 2015 ([194]) ne le supprime et procède à un élargissement des équipements éligibles au crédit d’impôt ainsi qu’à une hausse de son taux ([195]). Afin qu’elles produisent rapidement des effets, ces dernières dispositions sont entrées en vigueur de manière rétroactive, au 1er septembre 2014.

Initialement bordée au 31 décembre 2015, la période d’application du CITE a été prorogée à plusieurs reprises depuis 2015 : dans la loi de finances pour 2016 ([196]) et dans la loi de finances pour 2017 ([197]) et, plus récemment, dans la loi de finances pour 2018.

2.   Un recentrage sur les dépenses présentant le rapport « coût-efficacité environnementale » le plus élevé

L’article 79 de la loi de finances pour 2018 a prorogé d’une année le CITE, rendant éligibles les dépenses relatives à l’acquisition des équipements mentionnés au 1 de l’article 200 quater du CGI payées jusqu’au 31 décembre 2018.

La liste des équipements éligibles et les conditions associées à l’avantage fiscal ont également été modifiées, ce qui témoigne de la volonté de recentrer le dispositif sur les matériaux et équipements présentant « le meilleur rapport coût-bénéfice environnemental » ([198]).

Plusieurs équipements ont été exclus de la liste déterminant l’éligibilité au crédit d’impôt. C’est le cas des chaudières à fioul ainsi que des fenêtres, volets isolants et portes. L’exclusion des premières, qui représentent 10 % des chaudières actuellement éligibles, s’inscrit dans le prolongement du Plan climat présenté par le ministre d’État de la transition écologique et solidaire, qui vise notamment à mettre fin à l’utilisation des énergies fossiles. Les considérations qui président à l’exclusion du champ des dépenses éligibles des matériaux isolants ont trait à l’efficience de la dépense fiscale afférente, les différentes évaluations indiquant que leur efficacité du point de vue des économies d’énergie n’était pas probante ([199]).

Pour ménager une transition progressive, la date à laquelle l’exclusion devait prendre effet a été décalée de six mois par rapport au 31 décembre 2017 et fixée au 30 juin 2018. Pour certains équipements (chaudières au fioul à très haute performance énergétique et matériaux d’isolation thermique des parois vitrées – à condition qu’ils viennent en remplacement de parois en simple vitrage), la période complémentaire d’éligibilité ainsi ouverte s’accompagne toutefois d’une réduction du montant du taux applicable aux dépenses engagées, celui-ci étant divisé par deux et ramené à 15 % (au lieu de 30 % auparavant).

Tableau synthétisant les modifications apportées au dispositif en LFI 2018
en fonction de la nature des dépenses et du calendrier de leur paiement

Nature des dépenses

Dépenses payées en

Économies dénergie

2017

2018

Chaudières au fioul à haute performance énergétique

30 %

Dépenses exclues à compter du 1er janvier 2018 (sauf si acceptation d’un devis et versement d’un acompte avant le 1er janvier 2018 ; 30 %)

Chaudières au fioul à très haute performance énergétique

30 %

– Du 1er janvier 2018 au 30 juin 2018 : 15 %

– Dépenses exclues à compter du 1er juillet 2018 (sauf si acceptation d’un devis et versement d’un acompte avant le 1er juillet 2018 ; 15 %)

Isolation thermique

2017

2018

Matériaux d’isolation thermique des parois vitrées

30 %

– Dépenses exclues à compter du 1er janvier 2018 (sauf si acceptation d’un devis et versement d’un acompte avant le 1er janvier 2018 : 30 %)

– Du 1er janvier 2018 au 30 juin 2018 uniquement si ces matériaux viennent en remplacement de parois en simple vitrage : 15 %

– Dépenses exclues à compter du 1er juillet 2018 (sauf si acceptation d’un devis et versement d’un acompte avant le 1er juillet 2018 ; 15 %)

Volets isolants ou portes d’entrée donnant sur l’extérieur

30 %

Dépenses exclues à compter du 1er janvier 2018 (sauf si acceptation d’un devis et versement d’un acompte avant le 1er janvier 2018 : 30 %)

Équipement de production dénergie utilisant une source dénergie renouvelable

2017

2018

Droits et frais de raccordement à un réseau de production de chaleur ou de froid, pour la seule part représentative des équipements éligibles au crédit d’impôt

na

30 %

Autres dépenses

2017

2018

Audit énergétique

na

30 %

Source : commission des finances.

B.   une dépense fiscale globalement dynamique mais inégalement efficiente

1.   Une dépense fiscale irrégulière mais importante

Reflétant en grande partie les modifications successives apportées aux contours du dispositif, la dépense fiscale relative au CITE a connu d’importantes variations dans le temps.

De manière générale, la dépense fiscale et le nombre de bénéficiaires ont tous deux connu une progression relativement régulière jusqu’en 2009 avant d’enregistrer une diminution significative au début des années 2010. Ce tournant correspond notamment à la volonté de maîtriser la dépense publique, particulièrement visible dans les modifications apportées au dispositif à partir de la loi de finances pour 2011.

Évolution du nombre de bénéficiaires du CITE et de la dépense fiscale
entre 2009 et 2017

Source : commission des finances.

À partir de 2015 en revanche, la nécessité de soutenir des investissements coûteux pour les ménages dont les bénéfices s’apprécient à long terme est rappelée et explique le retour sur les mesures adoptées dans une perspective de maîtrise de la dépense fiscale associée au CITE. La condition relative au « bouquet » de travaux pour bénéficier de l’avantage fiscal est supprimée, afin de rendre le dispositif plus attractif et de renforcer l’incitation à la réalisation de travaux de rénovation énergétique.

Compte tenu des très nombreuses variations des caractéristiques et conditions du CITE, les comparaisons établies, d’une année sur l’autre, sont à considérer avec prudence car le champ des équipements éligibles est souvent différent – dans des proportions plus ou moins importantes. Il est toutefois possible de présenter, à partir des données disponibles relatives aux déclarations des revenus 2013, 2014, 2015 et 2016 ([200]), les évolutions de la dépense fiscale par catégorie d’équipements ([201]).

Les dépenses relatives aux économies d’énergie ont augmenté, entre 2013 et 2017, de 33 %, les dépenses d’isolation thermique de 50 % et, en leur sein, les dépenses relatives aux fenêtres de 52 %. Seules les dépenses d’équipements de production d’énergie et celles incluses dans la catégorie « autres dépenses » ont enregistré une baisse.

Évolution des dépenses éligibles au CITE

(en millions d’euros)

Dépenses éligibles

IR 2014

IR 2015

IR 2016

IR 2017

Évolution IR 2017/IR 2014

Économies d’énergie

490

523

682,6

735

33 %

Isolation thermique

2 390

3 098

4 598

4 753

50 %

Dont fenêtres

1 178

1 592

2 440

2 463

52 %

Équipements de production d’énergie

1 629

983

1 113

1 029

– 58 %

Autres dépenses

17,8

8,48

15

17

– 5 %

Dont diagnostic de performance énergétique

3

4

5

7

57 %

IR : impôt sur le revenu.

Source : commission des finances.

Évolution des dépenses éligibles au CITE entre 2013 et 2016

(en millions d’euros)

Source : commission des finances.

2.   Une efficacité contrastée de la dépense fiscale

Le CITE comporte plusieurs catégories de dépenses dont l’impact, budgétaire, d’une part, et environnemental, d’autre part, ne permet pas de dresser un bilan univoque de l’efficience de la dépense fiscale afférente. Les modifications apportées – sans grande cohérence – au dispositif au cours des huit voire des cinq dernières années contraignent l’exercice, l’impact de certaines de ces changements ne pouvant être très précisément apprécié ou les effets de chaque mesure appréhendés de manière isolée.

Il est toutefois possible de rappeler certains éléments.

– L’absence de ciblage du dispositif permet d’assurer l’égalité des contribuables, quelle que soit leur situation par rapport au logement qui constitue leur habitation principale, mais les propriétaires occupants sont très largement représentés parmi les bénéficiaires du CITE (94 % ([202])) et le CITE bénéficie principalement aux propriétaires de logements individuels (88 % en 2015 ([203])).

– Le coût moyen des travaux réalisés dans le cadre de la rénovation énergétique de leurs logements par les ménages est élevé, de l’ordre de 10 000 euros ([204]) et le crédit d’impôt bénéficie en majeure partie aux contribuables appartenant aux déciles supérieurs (50 % de la dépense fiscale est en moyenne concentré sur le premier quintile de revenus ([205])).

– Les travaux disolation constituent, chaque année, le premier poste de dépenses du CITE, notamment porté par la dynamique des dépenses consacrées aux fenêtres. Ces dernières représentent, entre 2013 et 2017, 50 % des dépenses totales engagées pour des travaux d’isolation thermique et, entre 26 % et 38 % des dépenses totales éligibles au CITE sur la période. Or, les différentes analyses effectuées sur l’efficacité énergétique des fenêtres sont unanimes pour considérer qu’il s’agit des équipements dont le rapport coût-efficacité énergétique est le moins favorable. Dans cette perspective, leur exclusion du champ des dépenses éligibles dans la loi de finances 2018 participe d’un recentrage sur les gestes de rénovation les plus efficaces.

Évolution de la part des dépenses d’isolation thermique
dans les dépenses totales

IR 2014

IR 2015

IR 2016

IR 2017

53 %

67 %

72 %

73 %

Source : commission des finances, à partir des données consolidées des déclarations de revenus (6e émission).

Évolution de la part des dépenses de fenêtres
dans les dépenses d’isolation thermique et dans les dépenses totales

Impôt sur le revenu

2014

2015

2016

2017

Part des dépenses de fenêtres dans celles d’isolation thermique

49 %

51 %

53 %

52 %

Part des dépenses de fenêtres dans les dépenses totales

26 %

35 %

38 %

38 %

Source : commission des finances, à partir des données consolidées des déclarations de revenus (6e émission)

Dans un sondage dont les résultats ont été publiés par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) en octobre 2018 ([206]), la plupart des constats rappelés supra sont empiriquement vérifiés. L’étude, qui a porté sur les travaux réalisés entre 2014 et 2016 dans les maisons individuelles en résidence principale situées en France continentale (hors Corse) révèle ainsi que sur la période :

– 5,1 millions de ménages ont réalisé des travaux de rénovation, pour une dépense moyenne évaluée à 11 750 euros par logement ;

– le premier poste de dépenses concerne les « ouvertures » : elles concernent ainsi plus de 50 % des logements ayant bénéficié de travaux (2,73 des 5,1 millions de logements).

Ainsi, le coût moyen des travaux de rénovation énergétique demeure élevé et justifie lintervention publique pour alléger la charge pesant sur les contribuables, en particulier pour ceux dont les revenus sont les plus modestes.

II.   le dispositif proposé : une prorogation à champ constant d’une durée d’un AN

A.   une prolongation du cITE dans l’attente de sa transFormation en un système de prime

1.   Une prorogation d’un an à champ constant

Le présent article procède aux modifications suivantes :

– le terme du dispositif est porté au 31 décembre 2019 (a du 1° du A du I, 2° et 3° du A du I du présent article) ;

– le terme de la période de référence utilisée pour l’application du plafonnement de l’avantage fiscal est également porté au 31 décembre 2019 (B du I) ;

– les dispositions transitoires applicables pour les dépenses engagées au titre de l’acquisition de chaudières à très haute performance énergétique utilisant le fioul comme source d’énergie ainsi qu’au titre de l’acquisition de matériaux d’isolation thermique des parois vitrées, de volets isolants ou de portes d’entrée donnant sur l’extérieur sont respectivement supprimées et abrogées (b et c du 1° du A du I, C et D du I).

2.   Un système de prime dont les contours restent à préciser

Annoncée lors de la dernière campagne présidentielle, la transformation du CITE en une « prime immédiatement perceptible au moment des travaux, et non lannée suivante » devait intervenir en 2019.

Dans l’intervalle, la prorogation du dispositif pour une année supplémentaire semblait, au moment de la discussion du projet de loi de finances pour 2018, être une « nécessité pour permettre de poursuivre la rénovation du parc de logements, de soutenir la montée en puissance des professionnels sur les travaux de rénovation énergétique et de réduire la facture énergétique des ménages » ([207]).

La mise en œuvre de cette réforme, dont le paramétrage est aussi important que délicat, est différée.

Les engagements formulés par le Gouvernement en matière d’écologie et la volonté, régulièrement réaffirmée d’« éradiquer la précarité énergétique en dix ans, en faisant disparaître les "passoires thermiques" » ([208]) justifient, pour l’heure, le maintien du CITE et donc la nouvelle prorogation proposée par le présent article.

L’instauration d’un système de prime en lieu et place du crédit d’impôt s’analyse comme une facilité de trésorerie pour les contribuables, lesquels ne seront plus contraints d’avancer, en année N, l’intégralité des frais correspondant aux travaux, dans l’attente de la restitution du montant de l’avantage fiscal en année N + 1. Une telle transformation semble d’autant plus souhaitable que le coût moyen des travaux de rénovation énergétique est élevé et que le CITE bénéficie principalement aux contribuables appartenant aux déciles supérieurs. Une prime versée concomitamment à l’engagement des dépenses permettra un soutien plus direct et plus approprié pour les contribuables aux revenus modestes.

Dans le cadre des travaux qu’il a conduits pour le rapport d’application de la loi fiscale, le Rapporteur général s’est vu apporter des précisions sur les grandes orientations qui semblent être privilégiées dans le cadre de la préparation de cette réforme.

La faisabilité et les modalités techniques de la transformation du crédit d’impôt en un système de prime sont ainsi étudiées, dans la double perspective de recentrer le dispositif, d’une part, sur les gestes techniques dont l’efficacité énergétique est à la fois avérée et significative et, d’autre part, sur les ménages aux revenus les plus modestes pour lesquels le mécanisme du crédit d’impôt constitue aujourd’hui une charge importante. Les contours précis du nouveau système restent toutefois à préciser.

B.   L’IMPACT BUDGÉTAIRE

Le coût associé à la prorogation, à champ constant, du CITE est estimé à 865 millions deuros en 2020.

*

*     *

La commission est saisie de l’amendement II-CF159 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Cet amendement propose d’optimiser le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE). C’est un débat que nous avons de façon globale, qui a d’ailleurs conduit à exclure les ouvrants du champ d’éligibilité du CITE.

Le sujet est ici plus restreint, mais mérite néanmoins l’attention. Je propose de restreindre l’éligibilité aux biens anciens, datant d’avant 1990. Il est possible de bénéficier du CITE pour un logement d’à peine plus de deux ans, ce qui ne paraît pas très logique, car les nouveaux bâtiments sont censés être soumis à des normes énergétiques, en plus de la garantie décennale.

Je vous propose donc de concentrer le CITE sur les logements qui en ont vraiment besoin et sur lesquels il y a des gains importants à réaliser, autrement dit ceux qui sont relativement anciens. Cela éviterait du reste au dispositif d’être contourné : après tout, il suffit d’omettre volontairement telle ou telle installation, et de déclarer les travaux de deux ou trois ans.

M. le Rapporteur général. Beaucoup d’amendements proposent des ajustements du CITE. Certains proposent d’en augmenter son taux, actuellement à 30 % ; de réintroduire des dépenses exclues du dispositif en loi de finances initiale pour 2018, le cas échéant avec un taux plus faible ; d’introduire de nouvelles dépenses dans le champ du CITE, comme les systèmes d’assainissement individuels ; de le cibler davantage sur les contribuables dont les revenus sont les plus modestes ; ou encore de préfigurer le système de prime, le cas échéant sous forme d’une expérimentation, en prévoyant un montant forfaitaire pour certains types d’équipements.

Je donnerai à l’ensemble de ces amendements un avis défavorable pour deux séries de raisons, qui tiennent à la transformation prochaine du CITE en un système de prime.

Je soutiens la prorogation à champ constant du dispositif, compte tenu des raisons qui nous ont conduits à exclure de son bénéfice certaines dépenses.

L’article 57 du projet de loi de finances proroge d’une année le CITE, à champ constant, dans l’attente de la mise en place du système de prime annoncé par le Président de la République. Le coût de cette prorogation est de 865 millions d’euros.

La loi de finances initiale pour 2018 a aménagé le CITE afin de le recentrer sur les équipements qui présentent le rapport coût/bénéfice environnemental le plus efficace. De ce fait ont été exclues les fenêtres, qui représentaient environ la moitié de la dépense fiscale à elles seules et dont l’efficacité en matière d’économies d’énergie n’est pas avérée, et les chaudières au fioul à très haute performance énergétique.

Le CITE a vocation à changer de nature au profit d’un système de prime versée concomitamment à l’engagement des dépenses éligibles. Cet engagement sera mis en œuvre prochainement. Initialement annoncée pour le 1er janvier 2019, cette transformation, qui implique un profond changement, ne sera finalement pas mise en œuvre selon ce calendrier. Dans l’attente des propositions du Gouvernement, la prorogation du CITE est la seule nécessaire. Elle est proposée à champ constant et je crois qu’il faut s’y tenir. Je suggère un peu de patience à tous les auteurs d’amendements afin de ne pas préfigurer le système de prime qui nous sera proposé bientôt.

Je donnerai toutefois un avis favorable à la demande de rapport prévue à l’amendement II-CF1325 de M. Cellier, car comme le Gouvernement ne nous dit rien de précis sur ce système de primes, il sera utile d’interroger le ministre sur les contours et le calendrier de ce nouveau dispositif, éléments que je n’ai pas à ce jour.

M. Éric Alauzet. Deux observations. Dans la liste non exhaustive que vous avez dressée des évolutions proposées, beaucoup d’amendements ont pour effet d’augmenter les dépenses, et assez peu de les réduire. Ces derniers devraient sans doute être étudiés avec plus d’attention !

Plus sérieusement, la proposition d’un mode de financement différent aurait effectivement dû aboutir cette année, mais elle est reportée d’un an. Toutefois, un mode de financement différent ne dit rien de l’assiette, nous devons commencer à y réfléchir, mais c’est peut-être le sens de l’amendement que vous proposez d’adopter.

Nous sommes nombreux à nous intéresser à cette question, il serait donc utile d’associer assez rapidement les parlementaires à cette réflexion pour que nous ne nous retrouvions pas le bec dans l’eau quand les modalités de financement changeront, sans avoir d’éléments sur l’assiette.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements II-CF1148 de Mme Christine Pires Beaune, II-CF946 de Mme Marie-Noëlle Battistel et II-CF905 de Mme Émilie Bonnivard.

Mme Christine Pires Beaune. Mon amendement II-CF1148 propose d’élargir le périmètre du CITE. La réalisation de certains travaux se traduit par des économies de fonctionnement. La mesure transitoire n’avait été prorogée que jusqu’au premier semestre 2018, elle devrait être prorogée sur toute l’année 2019 en attendant le nouveau dispositif, que vous venez d’annoncer avec un an de retard.

Mme Marie-Noëlle Battistel. L’amendement II-CF946 réintroduit dans l’assiette du CITE les portes, fenêtres et volets isolants.

J’entends bien les arguments en faveur de l’évaluation et de la préparation du nouveau dispositif. Je rappelle que la transformation du CITE en prime devait être opérationnelle au 1er janvier 2019 ; son report ne favorise pas une dynamique de réhabilitation des logements.

Le CITE avait connu un succès important sur les portes, fenêtres et volets. Il me semblait intéressant de le maintenir jusqu’à la nouvelle mouture. Ce serait un dispositif de transition énergétique positive, ce qui change des modèles punitifs.

Mme Émilie Bonnivard. La première cause de pollution de l’air dans les vallées, ce ne sont pas les voitures, mais le chauffage et les passoires thermiques. L’année dernière, vous avez réduit le champ d’application du CITE en contradiction avec les mesures d’augmentation de la fiscalité écologique. Il faut réellement que nous prenions au sérieux cette source de pollution de l’air, qui est la principale dans certains secteurs.

Vous avez indiqué que la prorogation du CITE jusqu’au 31 décembre 2019 était une mesure provisoire, et que des dispositifs de remplacement seraient mis en œuvre. Il faut que les particuliers aient une certaine visibilité, et un tuilage doit être prévu. C’est pourquoi je propose par mon amendement II-CF905 de prolonger le dispositif jusqu’au 31 décembre 2022, afin d’éviter tout ralentissement durant la phase de transition.

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements.

Elle est saisie de l’amendement II-CF80 de M. Vincent Descoeur.

M. Vincent Descoeur. Cet amendement a pour objet de réintroduire dans le champ d’application du CITE les chaudières à haute performance, y compris utilisant du fioul. Dans certains cas, l’utilisation du fioul ne relève pas d’un choix, mais est imposée par l’isolement géographique du logement.

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette l’amendement II-CF1149 de Mme Christine Pires Beaune.

Elle en vient à l’amendement II-CF81 de M. Vincent Descoeur.

M. Vincent Descoeur. Les travaux d’isolation portant sur les portes et fenêtres isolantes ont été exclus du dispositif. Ce qui fait de beaucoup de résidences des passoires thermiques, notamment dans le bâti ancien.

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de trois amendements identiques, II-CF936 de M. Vincent Descoeur, II-CF940 de Mme Véronique Louwagie, et II-CF1316 de M. Paul Molac.

M. Vincent Descoeur. Dans le souci d’optimiser la performance énergétique des logements sans dégrader la santé de leurs occupants, cet amendement vise à intégrer dans les dépenses éligibles au CITE les systèmes de ventilation mécanique contrôlée, au taux de 15 %, car un logement bien isolé doit aussi impérativement être ventilé pour une question de qualité de l’air et de santé des occupants.

Mme Véronique Louwagie. Cet article donne un mauvais signal, car le Gouvernement n’est pas prêt à mettre en place la mesure qu’il avait prévue. Nous parlons souvent de garantir à nos concitoyens la stabilité et la visibilité en matière fiscale. Ce n’est pas du tout le cas ici, et je regrette que les annonces ne soient pas mises en œuvre dans les délais prévus.

M. Paul Molac. Je vous propose de réintégrer les fenêtres dans le champ du CITE, dès lors qu’il s’agit du remplacement d’un simple vitrage par un double vitrage, en limitant le crédit d’impôt à 15 % de la somme. Et comme le disaient nos collègues, il faut aussi intégrer la ventilation, car dans une maison de plus en plus calfeutrée, on risque de provoquer des moisissures et de l’humidité.

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, les amendements identiques sont rejetés.

La commission en vient à l’amendement II-CF23 de M. Vincent Descoeur.

M. Vincent Descoeur. Cet amendement traite des dispositifs d’assainissement non collectifs. Il est proposé de créer un crédit d’impôt pour leur réhabilitation : la raréfaction des possibilités et dispositifs d’aide fiscale augmente le risque de pollution.

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, elle rejette l’amendement IICF1323 de M. Anthony Cellier.

Elle est saisie de l’amendement II-CF870 de M. Matthieu Orphelin.

M. Éric Alauzet. Nous vous invitons à porter une attention particulière aux familles monoparentales, afin qu’elles aient le même accès aux aides financières pour les travaux en faveur d’économies d’énergie et d’énergies renouvelables.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable. Il faudrait pour commencer définir la notion de famille monoparentale, qui n’existe pas en droit.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, l’amendement II-CF1324 de M. Anthony Cellier.

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, l’amendement est rejeté.

Elle en vient à l’amendement II-CF1325 de M. Anthony Cellier.

M. le Rapporteur général. C’est le seul amendement pour lequel j’avais dit que je rendrai un avis favorable. Il s’agit de la demande de rapport pour que le Gouvernement sorte du bois sur la prime forfaitaire, et le calendrier de sa mise en œuvre. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 57 modifié (amendement II-1998).

*

*     *

Après l’article 57

La commission examine l’amendement II-CF875 de M. Matthieu Orphelin.

M. Éric Alauzet. Le présent amendement vise à demander au Gouvernement une évaluation des moyens financiers consacrés au déploiement de l’hydrogène.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable, le plan hydrogène vient d’être annoncé, et je ne suis pas sûr que d’ici au 1er mai prochain, nous aurons beaucoup avancé.

La commission rejette l’amendement.

*

*     *

Article 58
Prorogation pour trois ans et ajustements du crédit dimpôt
« éco-prêt à taux zéro » (éco-PTZ)

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article proroge et ajuste le crédit d’impôt « éco-prêt à taux zéro ». L’éco-PTZ est un dispositif d’avances remboursables sans intérêt destiné au financement de travaux de rénovation, afin daméliorer la performance énergétique des bâtiments anciens. Pour compenser l’absence d’intérêts des éco-PTZ qu’ils distribuent, les établissements de crédits et les sociétés de financement bénéficient d’un crédit dimpôt imputable à hauteur dun cinquième de son montant sur limpôt sur les bénéfices au titre de l’année au cours de laquelle les avances remboursables ont été versées et par fraction égale sur l’impôt dû au titre des quatre années suivantes.

Le plan pour la rénovation énergétique des bâtiments (PREB) présenté le 26 avril 2018 a rappelé que la rénovation des bâtiments est une priorité du Gouvernement ; cet article en constitue un des prolongements. Aussi, l’éco-PTZ, qui devait prendre fin le 31 décembre 2018, est prorogé jusquau 31 décembre 2021. Le dispositif devrait ainsi s’éteindre en même temps que le PTZ, prolongé pour quatre ans par la loi de finances pour 2018.

Le coût budgétaire, supporté par le budget général de lÉtat, est de 63 millions deuros sur la période.

L’éco-PTZ est également simplifié, afin de l’aligner sur les autres aides à la rénovation énergétique, notamment le crédit d’impôt pour la transition écologique (CITE).

Le présent article supprime ainsi la condition de bouquet de travaux et uniformise la durée d’emprunt à quinze ans, indépendamment du nombre d’actions financées, afin de permettre aux ménages d’emprunter sur une durée plus longue. Le dispositif est élargi à tous les logements achevés depuis plus de deux ans à la date de début d’exécution des travaux, et non plus avant le 1er janvier 1990 en métropole et avant le 1er mai 2010 pour les départements de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane, de La Réunion et de Mayotte.

Les règles encadrant l’attribution d’un éco-PTZ à un syndicat de copropriétaires sont également revues pour faciliter le financement des travaux de rénovation énergétique en copropriété. Ainsi, le seuil des quotes-parts devant être compris dans les lots d’habitation est supprimé et les possibilités de cumul d’un éco-PTZ complémentaire après un premier éco-PTZ attribué à un syndicat de copropriétaires sont étendues.

Dernières modifications législatives intervenues

L’éco-PTZ a été introduit par la loi de finances pour 2010. Le dispositif a connu, depuis cette date, quatre modifications majeures :

– la quatrième loi de finances rectificative pour 2011 a étendu le bénéfice de l’éco-PTZ aux syndicats de copropriétaires pour les offres de prêt émises à compter du 1er avril 2012 ;

– la première loi de finances rectificative pour 2014 a transféré la responsabilité d’attester de l’éligibilité des travaux, qui incombait à la banque, vers les entreprises réalisant les travaux ;

– la loi de finances pour 2016 a notamment prévu la possibilité d’obtenir un éco-PTZ complémentaire et prorogé le dispositif de trois ans, jusqu’au 31 décembre 2018 ;

– la loi de finances pour 2017 a supprimé la condition de ressources permettant de bénéficier du cumul de CITE et de l’éco-PTZ pour les offres émises à compter du 1er mars 2016.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’état du droit

A.   Le dispositif actuel

Créé par la loi de finances pour 2009 ([209]), le dispositif de l’éco-PTZ constitue, avec le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE), un outil fiscal important pour inciter les ménages à rénover leur logement, en particulier lorsque leurs ressources sont limitées.

L’éco-PTZ prend la forme d’avances remboursables ne portant pas intérêt, qui sont accordées par les établissements bancaires, ces derniers bénéficiant en contrepartie dun crédit dIS ou d’impôt sur le revenu (en fonction des modalités d’imposition de leurs bénéfices). L’article 244 quater U du CGI, précisant les règles applicables à ces prêts et leurs modalités de financement, dispose que les banques doivent, pour bénéficier du crédit d’impôt, avoir passé une convention tant avec l’État qu’avec la Société de gestion du fonds de garantie de l’accession sociale à la propriété (SGFGAS)
– cette convention devant préciser les modalités de déclaration des prêts, le contrôle de l’éligibilité des dossiers et le suivi des crédits d’impôt.

Le crédit d’impôt doit être, pour chaque prêt, d’un montant égal à l’écart entre la somme actualisée des mensualités dues par l’emprunteur à la banque au titre du prêt et celle qui auraient été dues si le prêt avait été « consenti à des conditions normales de taux », c’est-à-dire selon les conditions moyennes du marché lorsque le prêt a été émis : le crédit dimpôt est ainsi égal à leffort financier accompli par la banque en prêtant à ces conditions spécialement avantageuses pour l’emprunteur. Il fait naître au profit de la banque une créance, inaliénable et incessible, qui est rattachée, à hauteur d’un cinquième par an, à l’exercice au cours duquel l’éco-PTZ a été versé au particulier et aux quatre exercices suivants : le « coût générationnel » des éco-PTZ émis au cours d’une seule année s’étale ainsi sur cinq ans.

L’article 244 quater U du CGI précise que le montant d’un éco-PTZ ne peut pas dépasser 30 000 euros par logement et que, pour pouvoir en bénéficier, le demandeur doit réunir deux grandes conditions.

En premier lieu, son logement doit constituer sa résidence principale ou celle de son locataire, et avoir été achevé avant le 1er janvier 1990 (date repoussée au 1er mai 2010 dans les départements et régions d’outre-mer).

En second lieu, le demandeur doit réaliser des travaux de rénovation énergétique, qui peuvent être de trois types :

– soit des travaux permettant d’atteindre une performance énergétique minimale pour le logement pris dans sa globalité ;

– soit des travaux de réhabilitation des systèmes dassainissement non collectifs par des systèmes qui ne consomment pas d’énergie ;

– soit un « bouquet de travaux » destinés à améliorer les performances énergétiques du logement, ce bouquet consistant en une combinaison d’au moins deux des catégories de travaux dont la liste figure au 1° du 2 du paragraphe I de l’article 244 quater U du CGI. Il peut s’agir de travaux d’isolation thermique portant sur des toitures, des murs donnant sur l’extérieur, ou encore des vitres et portes donnant sur l’extérieur, mais aussi de l’installation, de la régulation ou du remplacement de systèmes de chauffage ou de production d’eau chaude, ou encore de l’installation d’équipements de chauffage ou de production d’eau chaude qui utilisent une source d’énergie renouvelable.

Dans tous les cas, les travaux prévus par l’emprunteur doivent, dès la présentation de sa demande d’éco-PTZ, faire l’objet d’une description et de devis détaillés, permettant de s’assurer du sérieux du dossier ; à l’issue du délai laissé à l’emprunteur pour effectuer les travaux, celui-ci doit présenter les justificatifs attestant qu’ils ont réellement été conduits.

Depuis le 1er avril 2012, en application du paragraphe VI bis de l’article 244 quater U du CGI, un éco-PTZ peut également être accordé à un syndicat de copropriétaires souhaitant mener des travaux de rénovation énergétique d’intérêt collectif, le délai laissé pour réaliser les travaux étant alors, depuis le 1er janvier 2014, porté de deux à trois ans. Il s’agit ici de tenir compte de l’allongement des procédures résultant des contraintes particulières auxquelles est soumis le fonctionnement de ces syndicats, notamment en raison des autorisations préalables des copropriétaires requises pour mener des travaux.

Il est possible de cumuler éco-PTZ et CITE sans conditions de ressources pour les offres émises depuis le 1er mars 2016.

La durée de remboursement dun éco-PTZ ne peut pas dépasser dix ans – ce plafond étant toutefois porté à quinze ans pour les travaux de rénovation les plus lourds, c’est-à-dire ceux qui sont destinés à « atteindre une performance énergétique globale minimale du logement » ou qui combinent trois types d’isolation ou installations figurant sur la liste du 1° du 2 du paragraphe I de l’article 244 quater U.

Enfin, il est actuellement prévu, au paragraphe VII de l’article 99 de la loi de finances pour 2009, que le dispositif de l’éco-PTZ prenne fin le 31 décembre 2018. La date initialement prévue était fixée au 31 décembre 2013, puis au 31 décembre 2015, mais l’article 108 de la loi de finances pour 2016 a prorogé le dispositif pour trois années supplémentaires ([210]).

Le prêt à taux zéro (PTZ)

L’éco-PTZ doit être distingué du PTZ.

Créé par l’article 90 de la loi de finances pour 2011 (1), le prêt à taux zéro (PTZ) est un prêt ne portant pas intérêt consenti par les établissements de crédits et les sociétés de financement aux ménages pour contribuer au financement de leur résidence principale, dans le cadre d’une première accession à la propriété. Il n’est pas lié à une exigence de performance énergétique comme l’éco-PTZ.

Les conditions du prêt sont fonction du coût de l’opération, de la composition et des ressources du ménage, de la localisation du logement dans une zone géographique, du caractère neuf du logement ou, pour un logement ancien, du respect de la condition de travaux de réhabilitation.

Initialement prévu pour être émis du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2014, le PTZ a été maintenu pour trois années supplémentaires par la loi de finances pour 2015 (2).

L’article 83 de la loi de finances pour 2018 (3) a prorogé le dispositif pour quatre années supplémentaires.

Le dispositif a recentré l’aide à l’accession des ménages sur les zones tendues pour les logements neufs. Ainsi, les logements neufs construits en zones détendues ne pourront plus bénéficier de PTZ que durant deux années supplémentaires, et à une quotité de prêt inférieure : 20 %, contre 40 % auparavant.

Les logements anciens bénéficient, eux, de la prorogation du dispositif en zones détendues. Ainsi, le PTZ est désormais utilisé comme un outil de rénovation des centres-bourgs, pour en réhabiliter les logements. Il est réservé aux opérations d’acquisition-amélioration dans les zones ne se caractérisent pas par un déséquilibre important entre l’offre et la demande de logements, classées B2 et C.

Le PTZ a également été maintenu pour les logements neufs situés dans une commune signataire d’un contrat de redynamisation de sites de défense (CRSD), indépendamment du zonage.

(1)        Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.

(2)        Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015.

(3)        Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

B.   un dispositif trop restrictif et dont la date d’échéance n’est pas cohérente AVEC les objectifs gouvernementaux

Pour les ménages, et en particulier ceux qui sont en situation de précarité énergétique, le financement de la partie non aidée des travaux peut représenter un obstacle important à la mise en œuvre des travaux de rénovation énergétique.

La loi de transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015 ([211]) a fait de la précarité énergétique un des objectifs politiques majeurs de la politique environnementale. Cette loi a entendu garantir la cohésion sociale et territoriale en assurant un « droit daccès de tous les ménages à lénergie sans coût excessif au regard de leurs ressources » ([212]).

On dénombre en France près de 7,4 millions de « passoires énergétiques », c’est-à-dire des logements d’un niveau de performance F ou G sur l’échelle du diagnostic de performance énergétique (DPE). Ce phénomène touche 5,6 millions de personnes en situation de précarité énergétique ([213]).

L’éco-PTZ est un des dispositifs qui permet de résorber ces difficultés. Le cumul de l’éco-PTZ avec le CITE n’étant plus soumis à des conditions de ressources, l’ensemble des ménages peuvent bénéficier de ce dispositif. La suppression du plafond confirme une tendance : l’éco-PTZ profite plus aux ménages qui possèdent un revenu fiscal de référence (RFR) supérieur à la moyenne. Ainsi, le RFR moyen des bénéficiaires de prêts émis en 2017 est de 39 040 euros, en hausse de 6,36 % par rapport à 2016. En 2017, 62,1 % des éco-PTZ ont été accordés aux trois derniers déciles de revenus. Comme l’a souligné la cour des comptes, « malgré le public visé, ce prêt néchappe pas aux règles de solvabilité du système bancaire » ([214]).

Ces éléments sont en effet compréhensibles, dans la mesure où l’éco-PTZ suppose un prêt et que le dispositif est activé par les propriétaires. En revanche, il est plus regrettable que le dispositif profite à 92,2 % à des propriétaires occupants : seuls 5,7 % des éco-PTZ ont été octroyés à des propriétaires pour un logement loué ([215]).

Au 30 mars 2018, 24 315 éco-PTZ ont été émis en 2017, pour un montant total prêté de 436,9 millions deuros, soit un montant moyen de 17 968 euros. Le montant total des travaux est de 543,4 millions d’euros, dont 96,4 % sont consacrés aux travaux déconomie dénergie, les travaux d’assainissement et les frais étant résiduels.

Le nombre d’éco-PTZ émis en 2017 est en hausse de 6 % par rapport à 2016.

Parmi les types de travaux proposés par léco-PTZ, les bouquets de travaux sont majoritaires, à 90 %. Parmi eux, on dénombre 54,2 % de bouquets de deux actions et 35,8 % bouquets de trois actions ou plus.

ventilation des éco-ptz octroyés en 2017

Ventilation des éco-PTZ

Effectifs

Montant total prêté
(en euros)

Montant moyen prêté
(en euros)

Montant moyen des travaux
(en euros)

Durée moyenne du prêt
(en mois)

Bouquet de travaux

21 877

413 851 541 

18 917

23 558

128

Performance énergétique

275

5 751 663

20 915

28 030

136

Assainissement

2 098

16 737 680

7 978

9 320

99

Complémentaire à un éco-prêt

65

553 541

8 516

11 482

110

Total

24 315

436 894 425

17 968

22 348

126

Source : SGFGAS.

Parmi les ménages ayant réalisé des travaux en 2017, 60 % dentre eux ont bénéficié dau moins une aide financière ; l’éco-PTZ représente 9 % de cet effectif. Or, les résultats de l’enquête sur les travaux de rénovation énergétique des maisons individuelles – « TREMI » – 44 % des ménages ayant touché une aide déclare qu’elle leur a permis de faire réaliser les travaux par un professionnel et 18 % estiment qu’une telle aide a été déterminante dans le choix de lancer le projet de travaux ([216]).

Sur la période 2015-2017, 162 éco-PTZ « copropriétés » ont été octroyés, pour un montant total de 41 millions d’euros et moyen de 253 000 euros.

Si l’éco-PTZ n’est qu’une partie de cet ensemble qui concourt à l’amélioration des performances énergétiques des bâtiments, il possède donc un impact positif en la matière. Pour autant, ses conditions restrictives, notamment celle qui touche au bouquet de travaux, peuvent constituer un frein pour certains ménages qui ne disposent pas de la surface financière pour réaliser des travaux lourds.

En outre, le PTZ a, lui, été prorogé jusqu’en 2021 par la loi de finances pour 2018 ([217]). Le PTZ n’est lié à aucune condition de performance énergétique, puisqu’il vise l’acquisition de la résidence principale. Or, les deux dispositifs sont cumulables pour les travaux réalisés à la suite d’une acquisition. De fait, la fin programmée du dispositif au 31 décembre 2018 na ni cohérence interne, avec le dispositif du PTZ, ni cohérence externe, avec les objectifs affichés en matière de rénovation énergétique des bâtiments privés.

Ainsi, le plan pour la rénovation énergétique des bâtiments (PREB) présenté par les ministres chargés de l’énergie et du logement le 26 avril 2018 a confirmé la priorité gouvernementale en la matière ([218]). Il a notamment été acté le fait de mettre en place une politique industrielle de rénovation des passoires thermiques et de lutte contre la précarité énergétique. Cette politique industrielle doit être complétée par d’autres modalités d’intervention, dont l’éco-PTZ. Aussi, la volonté de prorogation de ce dispositif a été entérinée.

II.   Une prorogation et une simplification de l’éco-ptz qui s’inscrivent dans une démarche de lutte contre les déperditions thermiques des bÂtiments et la précarité Énergétique

A.   Le dispositif proposé

1.   La prorogation de l’éco-PTZ jusqu’au 31 décembre 2021

Initialement prévu, par le paragraphe VII de l’article 99 de la loi de finances pour 2009, pour s’achever au 31 décembre 2013, le dispositif est prorogé par le présent article jusquau 31 décembre 2021. Il s’agit de la troisième prorogation de l’éco-PTZ.

2.   La simplification du dispositif

Le présent article supprime la condition de bouquet de travaux et uniformise la durée demprunt à quinze ans, indépendamment du nombre d’actions financées, pour permettre aux ménages d’emprunter sur une durée plus longue.

Le dispositif est élargi à lensemble des logements construits depuis plus de 2 ans à la date de début dexécution des travaux, et non plus à ceux ayant été construits avant le 1er janvier 1990 en métropole, et avant le 1er mai 2010 pour les départements de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane, de La Réunion et de Mayotte.

Les règles encadrant léco-PTZ à un syndicat de copropriétaires sont simplifiées pour faciliter le financement des travaux de rénovation énergétique en copropriété. Ainsi, le seuil de 75 % de tantièmes affectés à usage d’habitation dans les copropriétés à destination mixte est supprimé. En outre, les possibilités d’octroi d’un éco-PTZ complémentaire sont élargies à l’égard des syndicats de copropriétaires.

Cette réforme s’appliquera aux offres émises à compter du 1er mars 2019.

B.   L’impact économique et budgétaire attendu

1.   Impact budgétaire

Le présent article doit conduire à une augmentation du volume déco-PTZ distribués en 2019 par rapport à 2018, du fait de la suppression de la condition de bouquet et de la révision du critère d’ancienneté du logement.

Les prévisions du Gouvernement, indiquées dans l’évaluation préalable de l’article, font l’hypothèse de 49 900 éco-PTZ individuels et 150 éco-PTZ copropriété distribués annuellement sur la période.

Ces hypothèses traduisent un doublement de la production représentant un montant total prêté de 500 millions deuros, qui se décomposent de la manière suivante :

– 28 000 éco-PTZ individuels « une action », dun montant moyen de 8 000 euros et correspondant à une nouvelle production du fait de la suppression de la condition de bouquet ;

– 20 000 éco-PTZ individuels « bouquet » et « performance globale minimale » d’un montant moyen de 17 000 euros, soit une hausse de la production de 9 % par rapport aux valeurs actuelles ;

– 1 900 éco-PTZ individuels « assainissement » finançant des travaux de réhabilitation de systèmes d’assainissement non collectifs, d’un montant moyen de 10 000 euros, soit une hausse de la production de 10 % par rapport aux valeurs actuelles ;

– 3 800 logements bénéficiant dun éco-PTZ copropriété, soit 150 éco-PTZ copropriété, d’un montant moyen de prêt de 12 600 euros.

Le crédit d’impôt octroyé entrant dans la base imposable des établissements de crédit, le coût de la mesure correspond au coût générationnel diminué de 2,5 %. Ce coût pèse dès l’année suivant celle du versement du prêt et s’étale sur 5 ans.

Le coût budgétaire de la mesure doit donc séteindre en 2027 : il est estimé à 180 millions deuros.

coût budgétaire de l’article

(en millions d’euros)

Année

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Coût budgétaire

0

– 9

– 21

– 33

– 36

– 36

– 27

– 15

– 3

Source : évaluation préalable.

2.   Impact économique et environnemental

À court terme, la prorogation de l’éco-PTZ va permettre aux ménages de réduire le coût des travaux de rénovation énergétique. À plus long terme, ces travaux doivent permettre de réduire la consommation énergétique des ménages, ce qui aboutit à des gains de pouvoir d’achat.

Les émissions liées aux consommations d’énergie des bâtiments à usage d’habitation produisent environ 16 % des émissions de gaz à effet de serre au niveau national ([219]). Plus de 70 % de ces émissions sont attribuables au chauffage.

Aussi, les aides à la rénovation énergétique des bâtiments poursuivent un objectif environnemental fondamental. Au surplus, l’environnement, l’économie et la santé publique peuvent se rejoindre : la théorie économique et les travaux de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) ont pu montrer quun euro investi dans les travaux de rénovation énergétique conduit à 0,42 centime deuros déconomie en dépense de santé publique ([220]).

*

*     *

La commission étudie l’amendement II-CF158 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Toujours dans le même esprit que l’amendement que j’ai présenté limitant le CITE aux logements d’avant 1990, il vous est proposé de prévoir la même condition pour l’éco-PTZ.

M. le Rapporteur général. Ce que j’ai dit sur le CITE vaut pour l’éco-PTZ. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement II-CF1042 de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. L’éco-PTZ a conservé jusqu’ici l’approche par « bouquet de travaux ». À défaut de garantir l’atteinte d’un haut niveau de performance énergétique globale, cette approche constitue un vrai progrès par rapport à l’approche « par élément » dont les associations rappellent le caractère inefficace.

Nous recommandons de supprimer l’alinéa 5 proposant de rendre éligible à l’éco-PTZ les travaux portant sur un seul élément.

M. le Rapporteur général. Le fait d’étendre l’éco-PTZ permet aux ménages aux revenus les plus modestes de réaliser des travaux de moindre importance, mais dont l’intérêt en matière d’économies d’énergie ne peut être nié. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement II-CF161 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Pour ce qui me concerne, c’est le dernier amendement de la séquence, sachant que l’heure n’est pas propice à la réflexion et que les observations préalables du Rapporteur général laissent assez peu d’espoir. Ceci étant dit, ce sont des sujets importants.

Il s’agit ici d’ouvrir l’éco-PTZ à l’autoconsommation. C’est un sujet d’avenir, nous allons de moins en moins vers des réinjections d’énergie produite dans le réseau, mais vers la consommation sur place. Il faudra donc passer par des systèmes d’aides, et l’éco-PTZ est un système utile pour développer l’autoconsommation.

M. le Rapporteur général. Il s’agit d’un sujet de nature réglementaire, donc cette disposition n’a pas à figurer dans la loi. Je vous propose de retirer cet amendement.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement II-CF677 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Cet amendement prévoit de prolonger l’éco-PTZ dans les quartiers ANRU. Quand, dans ces quartiers, on détruit des logements sociaux, en particulier ceux qui ont été financés par un prêt locatif aidé d’intégration (PLAI), on n’a plus le droit de reconstruire du PLAI. Nous voulons favoriser la mixité sociale et l’accession à la propriété dans ces quartiers. Mais sans des aides comme le PTZ, on ne trouvera jamais d’acquéreurs dans ces quartiers.

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement II-CF1161 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Les dispositions réglementaires n’étant pas prêtes, et afin de ne pas pénaliser les clients des établissements bancaires, le présent amendement tend à proroger l’ancien éco-PTZ de quatre mois supplémentaires. À moins que le Rapporteur général nous assure que tout baigne dans l’huile...

M. le Rapporteur général.  Je vous propose de retirer cet amendement et de soulever ces questions devant le ministre, dans l’hémicycle. C’est la meilleure façon d’obtenir des réponses aux questions que vous posez.

M. Charles de Courson. Des gens qui travaillent dans les réseaux bancaires qui nous ont dit que l’application était impossible, et qu’ils avaient besoin de quelques mois de plus pour commercialiser le produit. Rien n’est pire que de lancer un produit alors qu’il n’est pas prêt. Mais si vous voulez que je retire cet amendement pour le redéposer, je vous fais ce plaisir.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 58 sans modification.

*

*     *

Après l’article 58

La commission est saisie de deux amendements identiques, II-CF705 de M. François Pupponi et II-CF1275 de Mme Sylvia Pinel.

M. François Pupponi. L’amendement II-CF705 est défendu.

M. Charles de Courson. Ces amendements visent à maintenir le PTZ pour les logements neufs sur tout le territoire jusqu’au 31 décembre 2021.

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général la commission rejette les amendements identiques.

Puis, suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, elle rejette l’amendement IICF1283 de Mme Sylvia Pinel.

*

*     *

Article additionnel après l’article 58
Prorogation du dispositif de prêt à taux zéro dans les zones détenues
pour les logements faisant l’objet d’un dispositif de prêt social
location-accession dans les zones B2 et C

La commission en vient aux amendements identiques II-CF706 de M. François Pupponi et II-CF1287 de Mme Sylvia Pinel.

M. François Pupponi. Il s’agit de dispositions très précises et très techniques. Dans le cadre du prêt social location-accession (PSLA), les personnes louent pendant un certain temps, et après la période de location, lèvent l’option pour acheter.

Des personnes se sont engagées dans le PSLA avant 2018-2019 et vont lever l’option après 2020. Mais elles ne pourront plus bénéficier du PTZ si les logements sont situés en zone B2 et C. Or le PTZ existait au moment où elles ont signé le PSLA, et il était intégré à leur plan de financement.

Nous proposons donc que le zonage du PTZ soit supprimé, uniquement pour le PSLA.

Le principe de ce montage est que l’on ne peut lever l’option d’achat qu’après avoir loué un certain temps. Et les acquéreurs de ces logements sociaux ne peuvent les acheter que s’ils ont un PTZ. Et s’il a été supprimé entre-temps dans certaines zones, ils se retrouvent bloqués au milieu du gué.

M. Charles de Courson. M. Pupponi a raison : comment lever l’option l’achat s’il n’y a plus de moyen de la financer ?

M. le Rapporteur général. Avis défavorable.

M. Jean-Paul Mattei. Un engagement contractuel a été pris, dans un cadre qui comprenait le PTZ. Dans ce cadre très précis, il est maladroit de ne pas soutenir cet amendement.

M. François Jolivet. Je soutiens cet amendement à titre personnel, car les plans de financement initiaux des accédants à la propriété en PSLA indiquent le PTZ. Là où le PTZ a disparu, ces personnes ne pourront plus jamais lever leur option. Cela va à l’encontre de la politique aboutissant à la mise en place des PSLA ; c’est pourquoi je voterai cet amendement.

M. François Pupponi. On incite des gens à se lancer dans un PSLA, avec des conditions, parmi lesquelles figure le PTZ. Et en cours de route, on change la règle. Au moins pour ces contrats-là, on peut la maintenir. Nous sommes en train de tromper des gens, pour ne pas dire les spolier ! Ce sont les populations les plus fragiles, on les incite à acheter et on les spolie au milieu du gué... Qui plus est, cela ne doit pas coûter des sommes considérables.

La commission adopte les amendements identiques II-CF706 et II-CF1287 (amendement II-2047).

*

*     *

Après l’article 58

La commission en vient à l’amendement II-CF1266 de M. Éric Coquerel.

Mme Sabine Rubin. Cet amendement revient sur l’impôt universel, sujet que nous avons souvent évoqué ici. Je me souviens que le président et le Rapporteur général de cette commission avaient donné un accord de principe pour la création d’une mission d’information.

Pour nous assurer de la création de cette mission, nous proposons que le principe de cette imposition à partir de 2020 soit inscrit dès maintenant dans le droit national. Cela nous permettrait de nous assurer que la mission d’information qu’il est nécessaire de mettre en œuvre d’ici là aboutira bien.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable à l’amendement, et favorable à la création de la mission d’information.

Mme Sabine Rubin. Les promesses n’engagent que ceux qui les croient, et nous n’y croyons pas trop...

M. le président Éric Woerth. Le bureau de la commission se réunira le 20 novembre ; nous attendons la fin de l’examen des articles non rattachés, car de nouvelles demandes, missions d’information et autres, pourront être présentées. Il les examinera, puis il décidera. En tout état de cause, le Rapporteur général et moi-même nous sommes engagés à donner un avis favorable à la création de votre mission d’information ; nous l’avons déclaré, mais c’est au bureau, auquel l’un des membres de votre groupe est associé, de statuer sur l’ensemble des missions. Ce sera à l’ordre du jour de la réunion du 20 novembre, et vous avez d’ores et déjà notre accord.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement II-CF1258 de M. Jean-Louis Bourlanges.

Mme Sarah El Haïry. Cet amendement porte sur le quotient familial, et a pour objet d’en augmenter le plafond de manière très progressive et très douce : 100 euros par an pour les années 2020, 2021 et 2022. Le but est de revenir aux niveaux de 2012 et 2013, quand on est passé de 2 336 euros à 1 500 euros. C’est notre attachement à la politique familiale qui nous amène à augmenter le quotient familial.

M. le Rapporteur général. Mon avis est le même que lorsque cet amendement avait été déposé première partie du projet de loi de finances pour 2019 : défavorable.

La commission rejette l’amendement.

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Article additionnel après l’article 58
Extinction progressive de la réduction d’impôt dite « Censi-Bouvard »
en faveur de certains investissements locatifs

La commission examine, en discussion commune, l’amendement II-CF974 du Rapporteur général, l’amendement II-CF1236 de M. Philippe Latombe, ainsi que les amendements identiques II-CF676 de M. François Pupponi, II-CF925 de Mme Lise Magnier, II-CF1016 de M. Thibault Bazin et II-CF1282 de Mme Sylvia Pinel.

M. le Rapporteur général. Chaque année, nous revenons sur le dispositif dit « Censi-Bouvard » pour prolonger son échéance. Ce dispositif fiscal, qui arrive à échéance le 31 décembre 2018, a été restreint aux logements ayant fait l’objet d’une réhabilitation et situés dans des résidences pour personnes âgées ou handicapées ou pour étudiants.

Cette fois, il est proposé de le proroger pour une durée de trois années, soit jusqu’au 31 décembre 2021, en prévoyant une diminution progressive du taux de la réduction d’impôt : 9 % en 2019, 7 % en 2020 et 5 % en 2021. L’idée est de parvenir à son extinction progressive mais en ayant une visibilité sur trois ans. Un dispositif dont on ne sait pas s’il va être renouvelé en fin d’année, ne sert plus à rien et cela devient un peu ridicule.

M. Jean-Paul Mattei. L’amendement II-CF1236 est défendu.

M. François Pupponi. Mon amendement II-CF676 est défendu.

Mme Lise Magnier. L’amendement II-CF925 également.

M. Thibault Bazin. Mon amendement II-CF1016 propose de proroger le dispositif sur trois ans mais sans dégressivité du taux de la réduction d’impôt. Si je suis les propos du Rapporteur général, l’ambition du Gouvernement de produire plus de logements pour les jeunes et les étudiants est elle aussi dégressive et s’éteindra à la fin de la législature.

M. le Rapporteur général. Non, il existe d’autres mesures, y compris d’ailleurs pour la réhabilitation des stations de montagne. Ce n’est pas par hasard que ce dispositif s’appelle Censi-Bouvard : il était très ciblé sur les stations. Petit à petit, on arrive à des fins de programmes de réhabilitation de stations et le dispositif est en voie d’extinction.

M. Charles de Courson. Les besoins sont encore importants alors que le dispositif se termine en fin d’année. Notre amendement II-CF1282 vise également à reporter l’échéance. Cela étant, le rapporteur estime qu’il faudra un jour en sortir et je ne suis pas insensible à cet argument. Il propose une sortie en sifflet ; le problème est que lorsque le taux sera descendu à 5 %, le dispositif sera mort...

M. le Rapporteur général. Évidemment, je demande le retrait de tous ces amendements au profit du mien. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. François Jolivet. Je voulais remercier notre Rapporteur général de mettre fin, par une sortie en sifflet, à un dispositif dont les rapports d’évaluation n’étaient pas très explicites. Cette prorogation de trois ans permettra au moins aux acteurs de savoir à quoi s’en tenir sans avoir à attendre la loi de finances.

La commission adopte l’amendement II-CF974 (amendement II-2001).

En conséquence, les amendements II-CF1236, II-CF676, II-CF925, IICF1016 et IICF1282 tombent.

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Après l’article 58

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques IICF893 de Mme Émilie Bonnivard et II-CF1107 de M. Xavier Roseren, ainsi que l’amendement IICF1108 de M. Xavier Roseren.

Mme Émilie Bonnivard. L’amendement II-CF893 est ciblé sur les résidences de tourisme, principal mode d’hébergement tant à la mer qu’à la montagne. Il représente jusqu’à 80 % de la capacité de l’hébergement touristique en montagne. Or ces résidences ont souvent plus de quinze ans, elles sont vieillissantes et les propriétaires cessent de louer, ce qui crée le phénomène des lits froids.

Cet amendement vise à inciter les propriétaires à rénover leur bien et à le mettre en location au moins huit semaines par an pendant au moins neuf ans. Après avoir travaillé avec les professionnels du secteur, nous l’avons volontairement circonscrit aux résidences de tourisme de plus de quinze ans. Le dispositif fiscal doit être suffisamment incitatif pour être utilisé mais il ne doit pas créer un effet d’aubaine. Nous prévoyons donc un montant maximal du coût des travaux de rénovation pris en compte pour le calcul de la réduction fiscale de 22 000 euros et un taux de réduction d’impôt de 30 %.

M. Xavier Roseren. Les communes touristiques sont confrontées à deux problèmes : un parc de logements vétuste qu’il faut rénover, car une bonne partie des résidences de tourisme a été construite il y a plus de quinze ans, et l’augmentation du nombre de lits froids.

Le comité interministériel du tourisme a confié à Atout France une nouvelle mission d’ingénierie destinée à trouver des outils pour mieux rénover les stations. Cet amendement II‑CF1107 va dans ce sens en proposant également une réduction d’impôt de 30 % très ciblée : 22 000 euros maximum pour des travaux effectués dans des résidences de plus de quinze ans et situées dans une zone touristique de montagne. Dans l’amendement II-CF1108, la réduction d’impôt serait de 20 % dans la limite d’un plafond de 50 000 euros.

M. le Rapporteur général. La réduction d’impôt proposée est incompatible avec la loi de programmation des finances publiques : la durée de vie des nouvelles dépenses fiscales créées ne peut pas excéder quatre ans. Quant au taux de réduction d’impôt envisagé, il est quand même très généreux : 30 %, c’est « costaud » ! Enfin, le dispositif n’est pas très coercitif : quand on accorde une telle réduction d’impôt, il faut un peu mieux encadrer les engagements pris par les bénéficiaires.

Avis défavorable à tous ces amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

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Article additionnel après l’article 58
Resserrement des conditions de location d’un bien immobilier ouvrant droit
à la réduction d’impôt en faveur de l’investissement locatif intermédiaire
dite « Pinel »

La commission en vient à l’amendement II-CF957 du Rapporteur général.

M. le Rapporteur général. Cet amendement correspond à une évolution que j’avais suggérée dans le rapport sur l’application des mesures fiscales. Je souhaiterais que nous rétablissions l’interdiction pour le contribuable de louer son bien à l’un de ses ascendants ou descendants dans le cadre du dispositif « Pinel ». C’est un abus complet du dispositif et je pense qu’il faut y mettre un terme.

M. Charles de Courson. Permettez-moi, monsieur le Rapporteur général, de ne pas partager votre sentiment. Nous avons eu de très longs débats sur cette interdiction et ceux qui étaient contre l’ont emporté pour une raison simple : certaines familles n’investiront pas dans ce cadre si leur enfant ne peut pas louer le bien. Et une fois que l’enfant aura fini ses études, il restera un logement supplémentaire qui servira à d’autres. C’est pourquoi les partisans de la possibilité de louer à ses descendants ou ascendants – vous pouvez aussi le faire pour une vieille maman – l’ont emporté. Pour ma part, je pense qu’il ne faut pas suivre notre Rapporteur général : sur ce point, il a tort.

M. Thibault Bazin. À un moment où l’on souhaite produire plus de logements et où l’on constate que les réservations dans les immeubles qui sortiront de terre dans un ou deux ans sont en baisse, on ne peut pas envoyer un tel signal. Il faut absolument s’opposer à ce type d’amendement si l’on veut vraiment encourager l’investissement.

M. François Pupponi. Imaginez la situation suivante : quelqu’un a investi en Pinel et son appartement est vide à un moment où l’un de ses ascendants ou descendants cherche une location. Va-t-on lui dire que ce n’est pas grave que son appartement reste vide alors que son ascendant ou descendant ne trouve pas de logement ? En l’état actuel de la législation, il peut le louer et tout le monde est content. Comme l’a dit notre collègue de Courson, nous en avons déjà longuement débattu et la majorité précédente s’était largement prononcée pour le maintien de cette possibilité.

M. Jean-Paul Mattei. C’est un vieux débat, on a fait des allers-retours dans tous les sens et il faut clarifier les choses. Nous parlons d’une vraie location : l’ascendant ou le descendant en question paie un loyer et n’est pas un membre du foyer fiscal. Les cas d’optimisation restent marginaux. Ce qui me gêne le plus, c’est que l’on soit en permanence en train de faire le yo-yo avec ce dispositif depuis vingt ou vingt-cinq ans.

La commission adopte l’amendement II-CF957 (amendement II-2000).

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Après l’article 58

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques II-CF153 de Mme Lise Magnier et II-CF1281 de Mme Sylvia Pinel, ainsi que l’amendement II-CF1014 de M. Thibault Bazin.

Mme Lise Magnier. Cet amendement propose de rétablir le dispositif Pinel dans les zones B2 et C, mais uniquement dans les collectivités concernées par le plan « Action cœur de ville » et de façon très ciblée sur des opérations de rénovation, réhabilitation et transformation de logement, à l’exclusion des constructions neuves. C’est une manière d’allier le dispositif Pinel au plan du Gouvernement en faveur des centres-villes et centres bourgs.

M. Charles de Courson. L’amendement II-CF1281 est défendu.

M. Thibault Bazin. Mon amendement II-CF1014 est également défendu.

M. le Rapporteur général. La discussion revient au dispositif Pinel. C’est une extension de son champ à laquelle je suis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements II-CF678 et II-CF679 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Dans les quartiers visés par les programmes de l’ANRU, on ne peut plus construire de logements financés par un PLAI) Et quand on en détruit, il ne faut pas en reconstruire sur site.

Tout le monde, à commencer par le Gouvernement et l’ANRU, affiche une volonté de favoriser la mixité sociale et l’arrivée de primo-accédants dans ces quartiers. Or, tout à l’heure, vous avez refusé le PTZ pour ces quartiers. Avec cet amendement, nous proposons d’y maintenir le dispositif Pinel pour y permettre l’accession à la propriété à un moment où l’on ne peut plus y construire du logement social : en vertu du principe « un pour un », l’État nous impose de remplacer chaque logement détruit, mais pas par un logement social.

M. le Rapporteur général. Je suis défavorable à ces amendements qui reviennent à étendre le dispositif Pinel. Qui plus est, vous prévoyez d’introduire une dérogation dont l’application est prévue jusqu’en 2024, soit trois ans après l’extinction du Pinel ! Combien et quels quartiers bénéficieraient de ce dispositif alors qu’ils en sont actuellement exclus ? Cela me semble être la principale question, outre la position de principe que j’ai rappelée sur l’extension du dispositif Pinel.

M. François Pupponi. Dans ces quartiers-là, on ne peut plus construire de logement social car l’État et l’ANRU l’interdisent tout en nous demandant de faire de l’accession à la propriété. Vous ne voulez pas donner des dispositifs particuliers qui permettraient l’accession à la propriété dans ces quartiers. Expliquez-moi comment construire dans ces quartiers. On ne peut plus faire du social et vous nous interdisez de faire de l’accession. Qu’est-ce que l’on y construit ? Et si nous avons retenu l’année 2024, c’est parce que cela correspond à l’échéance des projets ANRU.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle en vient aux amendements identiques II-CF154 de Mme Lise Magnier, IICF1012 de M. Thibault Bazin et II-CF1279 de Mme Sylvia Pinel.

Mme Lise Magnier. Mon amendement II-CF154 est défendu.

M. Thibault Bazin. Mon amendement II-CF1012 également.

M. Charles de Courson. Cet amendement II-CF1279 n’est rien d’autre qu’un aménagement de la période transitoire. Nous proposons de la porter de douze mois à dix-huit mois pour tenir compte des délais administratifs.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable.

M. Thibault Bazin. Je ne sais pas si vous vous en souvenez, monsieur le Rapporteur général, mais nous avons discuté pendant des heures l’année dernière sur ce sujet des délais, lors des débats dans l’hémicycle. Avec le recul, force est de constater que les douze mois prévus ne suffisent pas. On pourrait demander un allongement à quinze, dix-huit ou vingt-quatre mois. Le délai de dix-huit mois nous semble être un minimum. Tous ceux qui connaissent le fonctionnement des projets immobiliers savent que douze mois ne suffisent pas. Il serait vraiment raisonnable d’accepter cet amendement.

M. le Rapporteur général. Je maintiens mon avis défavorable. Ce dispositif n’est ni contrôlé ni piloté. En creux, vous posez la question de la pertinence du ciblage du dispositif Pinel : c’est une question fondamentale à laquelle nous devrons répondre avant de penser à prolonger le dispositif dans des zones exclues et à l’élargissement du champ.

M. Charles de Courson. Ce n’est pas un élargissement du champ, c’est un aménagement de la période transitoire !

M. le président Éric Woerth. Ce débat difficile a déjà eu lieu l’an dernier. Je vous propose de le reprendre en présence du ministre.

La commission rejette les amendements.

Puis elle passe à l’amendement II-CF1013 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. En vous proposant encore une expérimentation, je m’attends à la réponse du Rapporteur général... C’est bien dommage, car nous avons besoin de dispositifs qui donnent une chance d’apporter de la mixité dans chaque territoire.

M. le Rapporteur général. Je suis effectivement défavorable à l’idée d’étendre, même à titre expérimental, l’application du dispositif Pinel à la zone B2 qui en a été exclue l’an dernier.

La commission rejette l’amendement.

La commission examine en discussion commune les amendements IICF1231 et II-CF1232 de Mme Sarah El Haïry, ainsi que l’amendement II-CF1260 de M. Erwan Balanant.

Mme Sarah El Haïry. Quand nous avons supprimé l’ISF et créé l’IFI, les recettes potentielles de la générosité publique ont été divisées par près de quatre. Les amendements II-CF1231 et II‑CF1232 visent donc à augmenter le plafond de la réduction d’impôt sur le revenu pour dons et de le faire passer de 20 à 25 % du revenu imposable – voire à 30 %, avec le second amendement, plus audacieux.

M. Erwan Balanant. L’amendement II-CF1260 vise à inciter aux dons en faveur des organismes luttant contre les violences domestiques. L’idée est d’aligner le régime des dons faits aux associations réalisant des actions concrètes pour venir en aide aux victimes de la violence domestique sur celui des dons aux œuvres, en application de l’article 200 du CGI, qui permet une réduction d’impôt à hauteur de 75 % desdits dons. En France, tous les trois jours, une femme perd la vie sous les coups de son conjoint, de son concubin, de son ex-conjoint ou de son ex-concubin. Il s’agit de favoriser l’égalité entre les femmes et les hommes qui est la grande cause du quinquennat, sans oublier que les victimes peuvent être aussi des hommes et des enfants – c’est pourquoi nous parlons de violences domestiques et non pas de violences conjugales. Cet amendement ne coûterait pas cher et pourrait même rapporter beaucoup d’argent : en 2016, les seules violences qualifiées de conjugales à l’égard des femmes représentaient 3,6 milliards d’euros de dépenses publiques. À moyen terme, la mesure proposée pourrait donc éviter certaines dépenses.

M. Joël Giraud, Rapporteur général. S’agissant des deux premiers amendements, il y a un travail d’évaluation à mener sur la transformation de l’ISF en IFI, tout comme sur le mécénat ; pour l’instant, je préfère en rester au droit actuel. Avis défavorable.

S’agissant de l’amendement II-CF1260, je ne suis pas sûr qu’une niche fiscale soit le moyen approprié de lutter contre les violences ; il serait plus efficace de renforcer le plan déjà prévu. Je ne suis pas certain qu’une niche fiscale mette plus de cervelle dans la tête de ceux qui se laissent aller à de tels actes... Avis défavorable.

M. Erwan Balanant. L’idée est de se caler sur les déductions accordées aux associations luttant contre la très grande pauvreté. La société évolue sur ces questions ? Ce mouvement a encore besoin d’être accompagné et les associations qui luttent contre les violences domestiques ont besoin de pouvoir pérenniser leur action. Les aider par ce petit geste fiscal leur permettrait de voir les dons multipliés et de mener des actions encore plus concrètes.

La commission rejette successivement les amendements II-CF1231, IICF1232 et II-CF1260.

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Article additionnel après l’article 58
Rehaussement du seuil de revenus audelà duquel le taux de prélèvement
à la source n’est plus égal à zéro

La commission étudie l’amendement II-CF174 de Mme Cendra Motin.

Mme Cendra Motin. Cet amendement a pour objet de faire en sorte que les personnes qui ont un revenu de 27 000 euros par part fiscale et qui, du fait de crédits ou de réductions d’impôt, ont un taux de prélèvement à la source de zéro, puissent bénéficier de ce taux dès le départ et être exonérés comme le sont aujourd’hui tous les foyers fiscaux qui ont un revenu de 25 000 euros de revenu par part fiscale.

M. le Rapporteur général. L’auteur de l’amendement a pris en compte les observations formulées lors de l’examen de la première partie du présent projet de loi de finances et modifié la date d’entrée en vigueur du dispositif. Avis favorable dans ces conditions.

La commission adopte l’amendement II-CF174 (amendement II-1999).

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Après l’article 58

La commission en vient à l’amendement II-CF1155 de M. Charles de Courson.

M. Philippe Vigier. Cet amendement prévoit que les contribuables percevront de manière contemporaine le versement du crédit d’impôt prévu à l’article 199 sexdecies du CGI dès le versement des sommes afférentes à la réalisation des services définis aux articles L. 7231-1 et D. 7231-1 du code du travail. Cet amendement n’aura aucun effet rétroactif puisqu’il s’appliquera au 1er janvier 2020.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle aborde les amendements identiques IICF1018 de M. Thibault Bazin et IICF1284 de Mme Sylvia Pinel.

M. Thibault Bazin. En cas de recours contre un permis de construire, on a la possibilité de différer le paiement des taxes liées à l’obtention de ce permis mais il faut pouvoir constituer une garantie, ce qui a un coût, et comme il y a paiement différé, le montant de la taxe est majoré de 10 %. Il vous est proposé de simplifier les choses et de supprimer l’obligation de constituer une garantie pour bénéficier du différé de paiement dans la mesure où le permis fait l’objet d’un recours. C’est pourquoi mon amendement propose de viser les taxes mais aussi les pénalités encourues au titre du livre des procédures fiscales pour éviter la majoration des taxes versées à l’issue du différé de paiement accordé.

M. Philippe Vigier. L’amendement II-CF1284 est défendu.

M. le Rapporteur général. Je comprends l’argument, mais mieux vaut déjà évaluer le dispositif existant avant de le modifier. Avis défavorable.

M. Thibault Bazin. Quel dispositif voulez-vous évaluer ?

M. le Rapporteur général. Le dispositif des garanties.

M. Thibault Bazin. On aurait pu le faire avant...

La commission rejette les amendements identiques.

Elle examine ensuite l’amendement II-CF1139 de M. Charles de Courson.

M. Philippe Vigier. Il s’agit de demander au Gouvernement de remettre un rapport au Parlement, au plus tard en janvier 2019, sur le dispositif « Malraux ». L’objectif est d’en connaître les forces et les faiblesses pour l’améliorer, en en modulant les taux et les plafonds.

M. le Rapporteur général. S’agit-il de l’ancien ou du nouveau « Malraux » ? Je vous le demande car plusieurs dispositifs sont concernés. Mieux vaudrait que vous retiriez votre amendement pour le rendre plus précis d’ici à la séance publique. Par ailleurs, nous pourrions peut-être traiter nous-mêmes de ce sujet au sein de l’Assemblée nationale au lieu de demander un rapport au Gouvernement.

M. Gilles Carrez. C’est ce que j’allais proposer. Il y a déjà eu trois ou quatre évaluations du dispositif « Malraux » au cours des dix dernières années. C’est typiquement le travail d’un rapporteur spécial.

M. Philippe Vigier. Je retire l’amendement pour le redéposer en séance.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement II-CF173 de Mme Cendra Motin.

Mme Cendra Motin. Cet amendement vise à obtenir du Gouvernement un rapport d’évaluation de tous les dispositifs fiscaux et sociaux et de toutes les aides cumulables ayant trait aux services à la personne – certains relevant de la loi de financement de la sécurité sociale, d’autres de la loi de finances. Je souhaiterais qu’on puisse avoir une vision globale de tous ces dispositifs de manière à avoir une vraie base de réflexion pour pouvoir « contemporanéiser » les avantages attribués aux familles, qu’il s’agisse de la garde d’enfants, des services à la personne ou autres.

M. le Rapporteur général. Ce n’est pas tout à fait l’objet de votre amendement, qui demande un rapport sur les services à la personne. Je signale l’étude commandée par l’Assemblée nationale dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances qui a déjà été rendue sur ce sujet. Il ne faudrait pas que le rapport soit redondant avec cette étude, surtout dans des délais aussi proches. Je vous invite à retirer votre amendement.

Mme Cendra Motin. L’idée était d’avoir une vision transverse, englobant les lois de finances et de financement de la sécurité sociale. Nous aurons peut-être l’occasion d’en reparler dans le cadre d’une mission.

M. le président Éric Woerth. Quelques-uns voudraient même fusionner les parties recettes des deux textes.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement II-CF542 de Mme Perrine Goulet.

Mme Perrine Goulet. Cet amendement vise à sécuriser les entreprises qui paient à leurs salariés des prestations sportives, afin que celles-ci ne soient pas forcément requalifiées d’avantages en nature. Quand on veut avoir trois millions de pratiquants supplémentaires et qu’on demande aux entreprises de participer à l’effort collectif pour y parvenir, il est intéressant d’éviter aux entreprises de subir un redressement de l’URSSAF et aux salariés de voir figurer sur leur fiche de paie un avantage en nature.

M. le Rapporteur général. Je suis un peu mal à l’aise sur cette question, car un litige est en cours avec Adidas. Je pars du principe qu’un amendement n’a pas à trancher un litige en cours. Avis défavorable.

M. Charles de Courson. On a beaucoup de problèmes avec les avantages en nature, que ce soit au regard des cotisations sociales ou de l’impôt sur le revenu. Il est nécessaire que le législateur intervienne pour éviter les contentieux qui durent des années. Je ne suis pas d’accord avec ce que vous venez de dire, monsieur le Rapporteur général : on ne peut renvoyer à l’administration le soin de se débrouiller. Il faut fixer des critères ; cet amendement a au moins le mérite de clarifier la situation.

M. Jean-Paul Mattei. J’irai dans le même sens que notre collègue de Courson. Nous avons besoin d’avoir une position claire. Les multiples interprétations de l’administration créent une insécurité fiscale et juridique permanente. Il faudrait que le législateur précise les dispositions applicables en la matière.

Mme Perrine Goulet. La date d’application de l’amendement est fixée au 1er janvier 2020, dans le but précisément de ne pas interférer dans le litige avec Adidas.

M. le président Éric Woerth. Il n’est pas choquant que le législateur précise son intention et ce, pour l’ensemble du territoire national, sachant qu’il peut y avoir des interprétations très différentes d’un contrôleur à un autre.

M. le Rapporteur général. J’entends bien ce qui vient d’être dit quant à la date d’entrée en vigueur. Néanmoins, cet amendement propose des définitions juridiquement instables : qu’entend-on exactement par « prestations sportives » ? Je pense que les choses doivent êtres très précises. Je maintiens mon avis défavorable, à moins que Mme Goulet ne le retire.

M. le président Éric Woerth. Le Rapporteur général a raison : cet amendement peut également être source de contentieux si les définitions proposées sont imprécises.

Mme Perrine Goulet. J’entends les arguments du Rapporteur général ; je vais retirer mon amendement pour le retravailler d’ici à la séance.

L’amendement est retiré.

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Article 59
Réduction à 5,5 % du taux de TVA sur certaines prestations
de gestion des déchets

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article réduit de 10 % à 5,5 % le taux de TVA applicable aux prestations de collecte, de tri et de traitement des déchets des ménages à compter du 1er janvier 2021. Il vise les matériaux ayant fait l’objet d’un contrat conclu entre une commune ou un établissement public de coopération intercommunal (EPCI) et un organisme ou une entreprise agréés aux fins de gestion des déchets.

L’impact budgétaire sera de – 82 millions d’euros en 2021 pour le budget général de l’État, et corrélativement de + 82 millions d’euros pour les collectivités locales.

Cet article fait partie d’un ensemble de trois mesures dans le présent projet de loi de finances, avec la dynamisation de la part incitative de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) (article 7) et l’augmentation de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) sur les déchets (article 8), ensemble qui vise à accroître les incitations au recyclage, dont le coût excède actuellement celui du stockage ou de l’incinération et pèse directement sur les finances des communes et de leurs groupements, qui assurent la gestion du service public des déchets.

Cette mesure est directement issue de la feuille de route pour une économie circulaire (FREC), présentée par le Premier ministre le 23 avril 2018. Elle constitue un avantage fiscal au bénéfice des collectivités les plus avancées en matière de gestion des déchets.

Dernières modifications législatives intervenues

La loi de finances pour 1999 a abaissé le taux de TVA de 20,6 % à 5,5 %, afin d’inciter au tri et de compenser les surcoûts de la mise en place d’une collecte sélective des emballages. Ce taux a été porté à 7 % par la première loi de finances rectificative pour 2011, puis à 10 % par la première loi de finances rectificative pour 2012.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’état du droit

A.   Les règles qui entourent la TVA en matière de gestion des déchets ménagers sont source de complexité pour les collectivités

L’assujettissement d’une collectivité territoriale à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) dépend de son mode de gestion des déchets (1) quand le taux de cette dernière dépend tant du déchet que de la prestation en cause (2).

1.   Toutes les collectivités ne sont pas assujetties à la TVA à l’occasion du service public de gestion des déchets

a.   Le service public de gestion des déchets est, par principe, une activité hors champ de la TVA

À l’instar des autres personnes morales de droit public et selon l’article 256 B du CGI, les collectivités territoriales ne sont pas assujetties à la TVA pour l’activité de leurs services administratifs, sociaux et culturels, lorsque leur non-assujettissement n’entraîne pas de distorsion de concurrence.

Les activités exercées en tant qu’autorité publique sont donc placées hors du champ de l’application de la TVA ; il en est ainsi de l’enlèvement des ordures ménagères.

Aussi, la collectivité qui finance ce service par son budget général ou par la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) est réputée exercer une activité située hors du champ d’application de la TVA.

En 2015, avec 7,1 milliards d’euros collectés, la TEOM demeure le premier mode de financement du service public de gestion des déchets, dont elle représente 80 % ([221]).

b.   Les collectivités qui mettent en place une redevance d’enlèvement des ordures ménagères peuvent choisir d’être assujetties à la TVA

Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent opter pour leur assujettissement à la TVA au titre des opérations relatives à des services publics limitativement énumérés par l’article 260 A du CGI, ce qui leur permet de récupérer la TVA grevant leurs dépenses d’investissement et de fonctionnement afférentes à ces opérations.

Ainsi, les activités relevant du service public d’élimination des déchets peuvent être soumises à la TVA si le service est financé par la redevance d’enlèvement des ordures ménagères (REOM). Dans ce cas, les usagers paient une TVA sur leur redevance.

c.   L’assujettissement est de plein droit pour les activités qui entrent de dans le champ concurrentiel

Les activités qui risquent d’entraîner des distorsions de concurrence entrent mécaniquement dans le champ de la TVA. C’est le cas des prestations effectuées pour des tiers – communes ou entreprises –, des ventes de matériaux, de compost, d’énergie ou de biogaz.

La collectivité ou le groupement en charge de la gestion des déchets sera alors soit soumis à un régime mixte – assujetti ou redevable partiel – soit totalement assujetti s’il a mis en place une REOM et a opté pour l’assujettissement. Il en est de même pour les syndicats uniquement financés par des contributions budgétaires et ayant renoncé à l’exonération.

2.   Les modalités d’imposition des déchets à la TVA

a.   L’assiette

La base d’imposition à la TVA est constituée par toutes les sommes reçues ou à recevoir en contrepartie des opérations à réaliser, y compris, le cas échéant, les subventions directement liées au prix de ces opérations.

Constituent des subventions les sommes versées pour compléter le prix réclamé au public dont les conditions d’attribution permettent d’établir, sans ambiguïté, l’existence d’un lien direct entre la subvention et les prix pratiqués par leur bénéficiaire.

A contrario, les virements financiers internes constatés entre différents budgets des collectivités ne répondent pas à la définition des subventions, dès lors qu’ils ne sont pas versés par une personne différente du bénéficiaire. Ces transferts, strictement comptables, ne doivent pas être soumis à la TVA.

b.   Le taux

i.   Le taux réduit

L’article 279 h du CGI soumet au taux réduit à 10 % « les prestations de collecte, de tri et de traitement des déchets visés aux articles L. 2224-13 et L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales, portant sur des matériaux ayant fait lobjet dun contrat conclu entre une commune et un établissement public de coopération intercommunale et un organisme ou une entreprise agréé au titre de larticle L. 541-2 du code de lenvironnement ».

Sont ainsi concernés par l’application du taux réduit de TVA :

– les déchets des ménages, c’est-à-dire l’ensemble des déchets produits par l’activité domestique des ménages : ordures ménagères – déchets organiques, emballages, papiers, journaux, etc. –, déchets volumineux ou encombrants, déchets inertes – gravats et déblais d’origine familiale –, déchets verts ou déchets ménagers spéciaux ;

– les déchets des entreprises ou des autres organismes assimilés aux ordures ménagères, qui peuvent, eu égard à leurs caractéristiques et aux quantités produites, être collectés et traités par les collectivités sans sujétion technique particulière ; on parle de déchets industriels banals.

Le taux réduit s’applique aux prestations de services qui concourent au bon déroulement des opérations de collecte et de tri sélectifs des déchets ménagers et assimilés et de traitement de ces déchets.

Les prestations au taux réduit sont les suivantes :

– la collecte et le tri sélectifs des déchets ménagers et assimilés ;

– le traitement des déchets ayant fait lobjet dune collecte sélective, à savoir l’incinération, le compostage, la méthanisation et la mise en décharge ;

– la location et la maintenance de bacs roulants et de compresseurs ;

– le transport et le transit des déchets ;

– le conditionnement des déchets ;

– le transport et le stockage des résidus de traitement ;

– l’entretien des installations ou du matériel qui nécessitent des fournitures représentant une part minime du coût total des prestations ;

– la communication auprès des usagers destinée à faciliter la mise en œuvre et le développement de la collecte sélective.

ii.   Le taux normal

Les déchets des entreprises et des autres organismes non collectés dans le cadre du service public de collecte et de traitement des ordures ménagères ne peuvent bénéficier du taux réduit.

De même, les prestations suivantes ne peuvent bénéficier du taux réduit :

– la collecte et le traitement des déchets autres que les déchets ménagers et assimilés ;

– les prestations préalables à la mise en place d’un système de collecte et de tri sélectifs, notamment en matière d’ingénierie et de conseil ;

– l’acquisition ou la construction d’installations, y compris si ces installations sont utilisées pour réaliser des opérations à taux réduit ;

– les acquisitions de bacs roulants ou de conteneurs ;

– les ventes d’énergie ou de matériaux recyclables.

c.   Droit à déduction

Les collectivités territoriales assujetties à la TVA peuvent récupérer par la voie fiscale la TVA grevant leurs dépenses, en exerçant, dans les conditions de droit commun, le droit à déduction prévu à l’article 271 du CGI.

Pour l’application des droits à déduction, les collectivités doivent comptabiliser les opérations situées hors du champ de la TVA dans des comptes distincts de celles qui y sont imposables. Pour chaque dépense, le montant de la TVA déductible correspond au produit du montant de la taxe grevant la dépense par le coefficient déduction qui lui est applicable.

B.   LE COÛT DU RECYCLAGE QUI PÈSE SUR LES COLLECTIVITÉS NE FAVORISE PAS CETTE SOLUTION DE GESTION DES DÉCHETS, POURTANT VERTUEUSE

Le coût du recyclage est comparativement supérieur aux autres modes de gestion des déchets : d’une part parce que les non-assujettis à la TVA ne peuvent ni exercer le droit à déduction ni bénéficier du fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) (1) ; d’autre part parce que la dernière trajectoire de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) fixée en loi de finances rectificative pour 2016 incite insuffisamment à la valorisation des déchets (2).

1.   Les collectivités ne bénéficient pas du FCTVA sur leurs prestations de gestion des déchets

Le FCTVA est destiné à assurer aux collectivités locales exerçant des activités hors champ de la TVA la compensation d’une partie de la TVA acquittée.

Néanmoins, seuls les biens d’investissement, c’est-à-dire les dépenses patrimoniales, sont éligibles à la TVA.

Aussi, les collectivités territoriales dont le mode de gestion des déchets est financé sur leur budget ou via la TEOM ne bénéficient pas du taux de compensation forfaitaire de 16,404 % prévu par l’article L. 1615-6 du CGCT.

Cette absence d’éligibilité accroît le coût du recyclage pour les collectivités situées hors du champ de la TVA, et les incite à privilégier l’incinération des déchets, voire leur stockage.

2.   La trajectoire de TGAP est insuffisante pour inciter au choix du recyclage

La TGAP vise à faire internaliser aux installations de traitement les coûts de leurs externalités environnementales. En instaurant en 2009 la taxation des installations dincinération, le législateur a souhaité que la TGAP contribue au respect de la « hiérarchie des déchets », en renchérissant le coût de lélimination qui constitue le mode de gestion des déchets le moins efficace dun point de vue environnemental.

En application du 1° du I de larticle 266 sexies du code des douanes, la TGAP est due par les exploitants des installations de stockage ou de traitement thermique des déchets non dangereux, les installations de stockage ou de traitement thermique de déchets dangereux non exclusivement utilisées pour les déchets que lentreprise produit, soumis à autorisation en application du titre Ier du livre V du code de lenvironnement, mais également par les personnes qui transfèrent ou font transférer des déchets vers un autre État membre de lUnion européenne.

Si le redevable de la TGAP est le titulaire de lautorisation dexploiter les installations précitées, il doit en répercuter la montant dans les contrats conclus avec les personnes physiques ou morales dont ils reprennent les déchets, selon le 4°de larticle 266 decies du code des douanes.

Les taux applicables aux déchets sont fixés à larticle 266 nonies du code des douanes, régulièrement modifié. La fixation des tarifs tient compte de la nature des déchets ainsi que de la nature et des caractéristiques de linstallation qui réceptionne les déchets.

Pour autant, selon lAgence de lenvironnement et de la maîtrise de lénergie (ADEME), « le faible prix du stockage en France au regard des prix des filières de recyclage ou de valorisation ne favorise pas lorientation des flux de déchets vers ces filières de recyclage et de valorisation, alors que la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte a fixé un objectif de réduction de moitié du stockage des déchets non dangereux non inertes entre 2010 et 2025 » ([222]).

Plus globalement, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (« LETCV ») ([223]) a fixé des objectifs ambitieux de diminution de 10 % des déchets ménagers et assimilés par habitant d’ici 2020, mais également d’atteinte de 55 % de valorisation de l’ensemble des déchets non dangereux ménagers et industriels d’ici 2020 et de division par deux du recours à la mise en décharge entre 2010 et 2025.

Dans les pays les plus performants en matière de stockage des déchets municipaux  soit moins de 25 % des déchets municipaux stockés  le prix du stockage toutes taxes comprises est supérieur à 100 euros la tonne ([224]). Le prix taxes comprises est un facteur primordial de développement des modes prioritaires de gestion des déchets, puisqu’un prix relatif du stockage plus élevé que le prix des alternatives détourne les acteurs de ce mode d’élimination des déchets.

La dernière trajectoire de TGAP, instaurée par la loi de finances rectificatives pour 2016 ([225]), s’inscrit dans ce sens mais reste limitée puisqu’elle a fait évoluer le niveau de stockage de base de 40 euros la tonne en 2016 à 48 euros la tonne en 2025.

Pour les usines d’incinération, les modulations de la taxe en cas de cumul ont un effet incitatif sur la performance environnementale des installations, mais conduisent à réduire le taux moyen de TGAP sur les déchets incinérés, et nuisent donc au taux de recyclage.

Aussi, renforcer la trajectoire et de la TGAP relative aux déchets apparaît fondamental afin de respecter les objectifs fixés par la loi relative à la transition énergétique du 17 août 2015, mais également les engagements européens de la France : la directive du 19 novembre 2008 relative aux déchets ([226]) prévoit un objectif de recyclage des déchets municipaux de 50 % en 2020, 55 % en 2025, 60 % en 2030 et 65 % en 2025 ; en 2015, seuls 39 % de ces déchets ont été recyclés.

Le paquet européen « économie circulaire » résultant de l’accord entre le Parlement et le Conseil et adopté le 22 mai 2018 fixe, en outre, un objectif de quantité de déchets municipaux mis en décharge devant être ramené à 10 % en 2035.

Ces éléments ont conduit le Gouvernement à prévoir, à l’article 8 du présent projet de loi de finances, un rehaussement de la trajectoire de TGAP et, corrélativement, une diminution du taux de TVA sur le recyclage des déchets, qui fait l’objet du présent article.

II.   UNE BAISSE DE LA TVA SUR LE RECYCLAGE QUI SINSCRIT DANS UNE RÉFORME GLOBALE VISANT À EN ABAISSER LE COÛT COMPARATIF PAR RAPPORT AUX SOLUTIONS QUI NE VALORISENT PAS LES DÉCHETS

A.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ

En premier lieu, le présent article insère un nouveau M à larticle 2780 bis du CGI. Ainsi, « les prestations de collecte séparée, de collecte en déchetterie, de tri et de valorisation matière des déchets des ménages et des autres déchets que les collectivités mentionnées à larticle L. 2224-13 du code général des collectivités territoriales peuvent, eu égard à leurs caractéristiques et aux quantités produites, collecter et traiter sans sujétions techniques particulières, ainsi que les prestations de services qui concourent au bon déroulement de ces opérations ».

De telles prestations bénéficieront donc du taux de TVA à 5,5 %, à compter du 1er janvier 2021.

En second lieu, le h de l’article 279 du CGI est ainsi modifié : « Lorsquelles ne relèvent pas du taux réduit prévu au M de larticle 278-0 bis, les prestations de collecte et de traitement des déchets des ménages et des autres déchets que les collectivités mentionnées à larticle L. 2224-13 du code général des collectivités territoriales peuvent, eu égard à leurs caractéristiques et aux quantités produites, collecter et traiter sans sujétions techniques particulières, ainsi que les prestations de services qui concourent au bon déroulement de ces opérations. »

Ces prestations bénéficieront du taux de TVA à 10 %.

Selon l’évaluation préalable de l’article, ces éléments sont de nature à participer au développement significatif du recyclage car « actuellement, la France se caractérise par des performances en matière de recyclage plus faibles quailleurs en Europe ».

Cet article est la traduction de la feuille de route pour léconomie circulaire (FREC) de mai 2018, dont le but a été de décliner de manière opérationnelle « la transition à opérer pour passer dun modèle économique linéaire à un modèle circulaire qui intégrera lensemble du cycle de vie des produits » ([227]).

Le vingt-et-unième point de la FREC, intitulé « adapter la fiscalité pour rendre la valorisation des déchets moins chère que leur élimination », a ainsi proposé de réduire le taux de TVA à 5,5 % pour la prévention, la collecte séparée, le tri et la valorisation matière des déchets.

B.   L’impact économique et budgétaire

La hausse de la TGAP et la baisse du taux de TVA sur le recyclage des déchets doivent conduire à un accroissement du recours à ce type de mode de gestion. Cet article possède un effet de levier écologique important, dans la mesure où, pour un coût budgétaire modéré (1), lui sont attachées des potentialités écologiques et économiques substantielles (2).

1.   Un coût budgétaire modéré

Le présent article met en œuvre un avantage fiscal au bénéfice des collectivités les plus vertueuses en matière de gestion des déchets. Celles-ci bénéficieront d’un taux de TVA sur leur coût de gestion des déchets de 5,5 % de manière plus fréquente, par rapport à celles qui utilisent des modes de gestion imposés au taux de TVA de 10 %.

coût budgétaire de la mesure pour l’état et les collectivités

(en millions d’euros)

Collectivité

État

Collectivités locales

2021

2022

2023

2024

2025

2021

2022

2023

2024

2025

Impact

– 82

– 83

– 84

– 85

– 86

82

83

84

85

86

Source : évaluation préalable.

Comme indiqué dans l’évaluation préalable, « la fiabilité de ces estimations est en ordre de grandeur ».

2.   Une mesure favorable à l’environnement et au développement de la filière recyclage

Le recyclage permet de réduire la quantité de déchets enfouis ou incinérés, ce qui possède un impact positif direct sur l’environnement.

Selon l’ADEME, le recyclage a permis, en 2014 :

– d’éviter le rejet de 20 millions de tonnes d’équivalent CO2 ;

– d’économiser 165 milliards de tonnes de consommation d’énergie cumulée (environ 40 % de la production nucléaire française) ;

– d’économiser 250 millions de mètres cubes d’eau ;

– de réduire l’acidification de l’air.

Or, la baisse de la TVA possède un impact significatif sur le développement de la filière du recyclage.

Ainsi, la TVA sur le recyclage a bénéficié d’un taux très réduit entre 1999 et 2012 et entre 2000 et 2014 le nombre de centres de tri accueillant des déchets ménagers et assimilés est passé de 265 à 397 ([228]). De 2012, date de la hausse du taux de TVA, à 2014, date butoir de l’enquête, seuls 7 centres de tri ont été construits ; 25 avaient été construits de 2010 à 2012 et 35 de 2008 à 2010.

Répartition des tonnages entrant dans les installations de traitement
des ordures ménagères par mode de traitement des déchets en 2014

Source : commission des finances.

En 2014, selon les données de la dernière enquête ITOM, les tonnages reçus dans les centres de tri des déchets ménagers et assimilés se montaient à 10,1 millions de tonnes, dont 5,9 millions étaient envoyés en recyclage ou remblaiement.

Typologie des flux sortants des centres de tri en 2014

(en %)

Type de flux sortant

Proportion parmi les flux sortants

Papiers et cartons

34

Refus de tri

24

Déchets minéraux

17

Bois

7

Matières métalliques

7

Autres

6

Matières plastiques

4

Encombrants

1

Source : commission des finances.

destination des flux sortants des centres de tri en 2014

(en %)

Type de flux sortant

Proportion parmi les flux sortants

Valorisation matière

59 %

Stockage

27 %

Valorisation énergétique

8 %

Autres destinations

5 %

Valorisation organique

1 %

Source : commission des finances

Le recyclage permet la valorisation de la matière : l’incorporation de matériaux recyclés dans la production industrielle est un des piliers de l’économie circulaire.

Selon les matériaux, l’utilisation de déchets post-consommation demande des opérations plus ou moins importantes de tri ; l’éco-conception facilite ainsi les opérations de récupération des matériaux.

Si la baisse du taux de TVA sur les prestations de collecte, de tri et de valorisation ne peut, seule, accroître le volume de déchets ménagers et assimilés triés, elle participe d’un ensemble global qui, avec la hausse de la TGAP-d et l’évolution des pratiques, permettra aux collectivités territoriales d’opter pour les modes de gestion respectueux de la hiérarchie des déchets.

*

*     *

La commission est saisie de l’amendement de suppression II-CF906 de Mme Émilie Bonnivard.

Mme Marie-Christine Dalloz. Cet amendement vise à supprimer l’article 59. Vous proposez de modifier la trajectoire de la composante déchets de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) et prévoyez une entrée en vigueur de cette modification au 1er janvier 2021. Pourquoi tant d’urgences et de précipitation à voter, dans le projet de loi de finances pour 2019, une disposition qui ne s’appliquera que deux ans plus tard ? Il serait plus pertinent de voir quels sont les effets de la trajectoire de cette composante déchets pour modifier dans le courant de l’année 2019, voire en 2020, un dispositif qui entrera en vigueur en 2021.

M. le Rapporteur général. Au contraire, modifier cette trajectoire au dernier moment poserait problème. Nous laissons du temps aux acteurs et leur donnons de la visibilité pour pouvoir modifier leurs contrats et leurs modalités de gestion. Avis défavorable.

Mme Bénédicte Peyrol. C’est l’équilibre qui a été négocié avec les collectivités territoriales dans la feuille de route sur l’économie circulaire, entre, d’une part, la trajectoire que nous avons votée en première partie, et, d’autre part, la compensation partielle par la TVA à 5,5 %.

La commission rejette l’amendement.

Elle étudie ensuite l’amendement II-CF873 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Cet amendement propose de préciser que la baisse de TVA à 5,5 % prévue pour les prestations fournies aux collectivités locales concerne aussi la prévention des déchets et pas simplement le tri.

M. le Rapporteur général. Sur le fond, tout le monde est d’accord sur le fait que le meilleur déchet est celui qu’on ne produit pas. Cependant, je ne suis pas certain qu’il faille diminuer le taux actuel. Avis défavorable.

M. Matthieu Orphelin. Les conclusions des acteurs qui ont élaboré la feuille de route sur l’économie circulaire concernaient également la prévention des déchets. Il s’agit d’inciter les collectivités à développer la prévention des déchets, ce qui aura un impact très positif sur les comptes publics des collectivités et de l’État. Il serait vraiment important d’expliciter que ce taux de TVA réduit s’applique aussi aux activités de prévention des déchets : il faut qu’on change de siècle quant à notre façon d’appréhender la gestion des déchets, et c’est évidemment la prévention qui est la plus rentable économiquement pour l’ensemble des acteurs publics et privés.

M. Charles de Courson. Le texte gouvernemental vise « les prestations de service qui concourent au bon déroulement des opérations ». Il me semble que cela inclut la prévention.

M. le Rapporteur général. Je n’en suis pas sûr. Cela inclut par exemple des prestations de communication auprès des usagers, comme auparavant, mais il me semble que votre amendement est plus large que cela.

Mme Bénédicte Peyrol. Il faut que le ministre nous précise ce point en séance. Il me semble, pour avoir travaillé dans le domaine des déchets et de l’économie circulaire, que la prévention est effectivement incluse dans le dispositif.

M. le Rapporteur général. Sur ce plan, la rédaction n’a pas changé par rapport au texte antérieur. Or, la prévention n’est pas traitée dans le BOFiP antérieur. La bonne solution est de retirer cet amendement pour que le ministre dise le droit et, au besoin, demande à ses services de rédiger un BOFiP adapté.

M. le président Éric Woerth. Monsieur Orphelin, retirez-vous votre amendement ?

M. Matthieu Orphelin. On voit l’intérêt de la discussion : il vaut mieux préciser les choses dans la loi. Je maintiens mon amendement.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie en discussion commune des amendements identiques II-CF886 de M. Matthieu Orphelin et II-CF1151 de Mme Christine Pires Beaune, ainsi que de l’amendement IICF874 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Un équilibre avait été trouvé avec l’ensemble des acteurs dans la feuille de route « économie circulaire », que le Gouvernement avait acté : une nouvelle trajectoire sur la hausse de la TGAP déchets. Il est effectivement important que le prix de la mise en décharge augmente à partir de 2021 pour laisser le temps aux acteurs de se préparer, dans une logique non de fiscalité punitive, mais de fiscalité incitative. D’autre part, est prévue dès 2019, une baisse de la TVA sur les activités de prévention et de recyclage des déchets. Cela concerne un peu plus de la moitié des collectivités. L’amendement II-CF874 prévoit cette baisse de TVA dès 2019, l’amendement II-CF886 en 2020.

Mme Christine Pires Beaune. L’amendement II-CF1151 vise également à avancer au 1er janvier 2020 l’extension du périmètre de la TVA à taux réduit aux prestations visées à l’article 59.

M. le Rapporteur général. Les articles 7, 8 et 59 du projet de loi de finances constituent un ensemble qui vise à un changement de mentalité en matière de gestion des déchets. Cet ensemble a vocation à entrer en vigueur en 2021 pour laisser aux acteurs le temps de s’adapter. Je suis défavorable à une modification qui ne concernerait qu’un élément de cet ensemble cohérent.

La commission rejette successivement les amendements identiques II-CF886 et IICF1151 et l’amendement II-CF874.

La commission adopte l’article 59 sans modification.

*

*     *

Après l’article 59

La commission examine l’amendement II-CF883 de M. Fabrice Brun.

M. Vincent Descoeur. Cet amendement vise à compléter le CGI afin d’éviter que les taxes pour la fourniture d’électricité, de gaz et d’eau se retrouvent dans la base d’imposition de la TVA. L’idée est de ne pas appliquer une taxe à des taxes existantes.

M. le Rapporteur général. C’est un petit amendement à plusieurs milliards d’euros... Avis défavorable.

M. le président Éric Woerth. On peut être ambitieux !

La commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette l’amendement II-CF1358 de M. Daniel Labaronne.

*

*     *

Article 60
Renforcement du supplément de TGAP relatif aux biocarburants

Résumé du dispositif et effets principaux

Sont redevables de la taxe prévue à larticle 266 quindecies du code des douanes, ie le supplément de taxe générale sur les activités polluantes relatif aux carburants (TGAPb), les personnes qui mettent à la consommation, en France, certaines essences dont le taux d’incorporation de biocarburants est inférieur à un certain seuil. Ces essences doivent posséder un taux d’incorporation cible en biocarburants, taux qui est actuellement de 7,5 % pour la filière essence et de 7,7 % dans la filière gazole.

Le présent article a pour objet, d’une part, d’augmenter les objectifs d’incorporation pour chacune des deux catégories fiscales de carburants – essence et diesel – ainsi que de préciser le traitement fiscal relatif à certaines matières premières et, d’autre part, de simplifier et clarifier le dispositif juridique applicable aux biocarburants.

Le texte met en œuvre les évolutions suivantes :

– il supprime la dénomination de « supplément de TGAP » qui entraînait, selon l’évaluation préalable, une confusion dans la mesure où l’impôt prend la forme d’un supplément de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) ; la dénomination de « taxe incitative à l’incorporation de biocarburants » traduit mieux sa finalité ;

– il réduit le nombre de régimes fiscaux différents à : 5 biocarburants en concurrence alimentaire plafonnés à 7 % ; des biocarburants avancés particuliers plafonnés à 0,6 % ; des matières premières renouvelables ordinaires sans traitement spécifique, biocarburants avancés non plafonnés et comptés double dans la limite de l’écart entre 7 % et l’objectif national ; des biocarburants issus de graisses et d’huiles usagées comptés double et plafonnés dans les mêmes limites ;

– il clarifie et précise les modalités de calcul afférents à chacun de ces régimes ;

– il simplifie la liquidation de l’impôt en remplaçant le renvoi aux prix forfaitaires coût-assurance-fret de chaque carburant majorés de la TICPE, par un tarif forfaitaire unique correspondant à la moyenne de ces prix.

Les cibles nationales d’incorporation d’énergie renouvelable dans les transports passent à 7,7 % pour l’essence et 7,9 % pour le gazole en 2019, puis 7,8 % pour l’essence et 8 % pour le gazole en 2020.

Dernières modifications législatives intervenues

La directive de l’Union européenne visant à promouvoir l’utilisation de biocarburants du 8 mai 2003 a imposé aux États membres de mettre en place une législation portant des objectifs incitatifs de pénétration des biocarburants utilisés dans les transports. Ainsi, la loi de finances pour 2005 a créé le prélèvement supplémentaire de la TGAP dont le taux était fixé à 1,2 %.

La loi de finances pour 2014 a différencié le taux entre filière gazole et filière essence, le fixant à 7 % pour la première et 7,7 % pour la seconde.

La loi de finances pour 2017 a porté le taux à 7,5 % pour la filière essence et 7,7 % pour la filière gazole.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   LÉTAT DU DROIT

A.   la place des biocarBurants s’accroît dans le paysage énergétique français

1.   Les différentes catégories de biocarburants

Les biocarburants et biocombustibles couvrent l’ensemble des carburants et combustibles liquides, solides ou gazeux produits à partir de la biomasse et destinés à une valorisation énergétique dans les transports et le chauffage. Ils produisent moins de gaz à effet de serre, et en particulier moins de dioxyde de carbone (CO2), que les carburants fossiles, parce que la quantité de CO2 dégagée lors de leur combustion est équivalente à celle capturée pendant la croissance de la matière première dont ils dérivent.

Les biocarburants sont utilisés sous la forme d’additifs ou de complément aux carburants fossiles. On distingue trois générations de biocarburants selon lorigine de la biomasse utilisée et les procédés de transformation associés.

La première génération de biocarburants correspond à la fabrication directe à partir des productions agricoles : elle est dite « en concurrence alimentaire ».

La deuxième génération de biocarburants est issue de source ligno-cellulosique – bois, feuilles, paille – à partir de processus techniques plus avancés. Elle permet de répondre aux critiques adressées à la première génération en ce qu’elle dissocie les cultures alimentaires et énergétiques, puisqu’elle est fondée sur la production de végétaux non comestibles. Elle possède un meilleur bilan environnemental que la première en matière de consommation en eau et en engrais ; elle favorise des techniques d’extraction plus efficaces.

La troisième génération de biocarburants est liée à la production d’hydrogène par des micro-organismes, ce qui permet de s’affranchir de la contrainte du sol.

Seule la première génération de biocarburants a atteint le stade industriel ; la deuxième repose sur des technologies matures mais n’a pas encore atteint un niveau de développement suffisant, quand la troisième n’est encore qu’au stade de la recherche.

Les biocarburants se partagent en deux filières, correspondant à deux types de moteurs à explosion : la filière de l’alcool pour les moteurs à allumage commandé, qui fonctionnent à l’essence, et la filière de l’huile pour les moteurs diesel à allumage par compression, fonctionnant au gazole.

RÉPARTITION de la consommation finale de biocarburants par FILIÈRE en 2016

Source : commissariat général du développement durable.

Le biodiesel représente près de 85 % de la consommation de biocarburants, contre 15 % pour le bioéthanol.

La filière de l’alcool comprend le bioéthanol, la bioessence de synthèse et l’ETBE (éther terio butyl ether). Le bioéthanol est obtenu par la fermentation du sucre extrait des plantes, soit directement, à partir de la betterave sucrière ou de la canne à sucre, soit indirectement, par transformation de l’amidon contenu dans les graines des céréales. L’alcool issu de la fermentation est ensuite distillé et déshydraté pour obtenir du bioéthanol. L’ETBE est quant à lui le produit d’une réaction chimique entre l’éthanol et l’isobutène, lui-même dérivé du raffinage pétrolier. L’incorporation de bioéthanol ou d’ETBE dans l’essence présente l’avantage d’augmenter l’indice d’octane du carburant, ce qui limite le risque d’usure du moteur lié à l’autoallumage.

Source : commissariat général du développement durable.

La filière de lhuile comprend différents produits fabriqués à partir dhuiles issues de plantes oléagineuses (colza, tournesol, palme, soja) ou de graisses animales. Les huiles, à la suite d’une transestérification – c’est-à-dire la réaction qui consiste à faire réagir un corps gras, en l’espèce les triglycérides contenus dans les huiles ou les graisses, avec un alcool, soit de l’éthanol ou du méthanol – sont transformées en ester éthylique ou méthylique d’acide gras (EMAG). Lors de la production des EMAG, on obtient également de la glycérine, coproduit notamment valorisé dans les domaines pharmaceutique et cosmétique.

Source : commissariat général du développement durable.

2.   Les obligations d’incorporation liée à la TGAP-b

Destinée, à l’origine, à compenser pour les agriculteurs les effets du gel des terres issu de la réforme de la politique agricole commune (PAC) de 1992, la politique de soutien aux biocarburants lancée en 2005 a cherché, au fil du temps, à satisfaire deux autres objectifs : diminuer la facture énergétique grâce au développement d’une énergie renouvelable d’une part, contribuer à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) d’autre part.

La politique française d’incorporation est insérée dans un cadre européen composé de deux directives, l’une concernant la cible à atteindre, à l’échéance de 2020, de 10 % d’énergie renouvelable dans la consommation totale d’énergie dans les transports ([229]), l’autre définissant la qualité des carburants ([230]).

Depuis le 1er janvier 2005, l’article 266 quindecies du code des douanes soumet au supplément de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP-b) les opérateurs qui mettent à la consommation des carburants contenant une proportion de biocarburants inférieure à l’objectif d’incorporation.

L’assiette de cette taxe est déterminée conformément aux dispositions du 1° du 2 de l’article 298 du CGI et son taux évolue en fonction des objectifs nationaux d’incorporation : calculée en euros par hectolitres manquant par rapport à l’objectif, la TGAP n’est due que si ceux-ci ne sont pas atteints. Sa finalité est donc de ne pas être payée : il s’agit d’une taxe comportementale.

Évolution du taux de la TGAP-b entre 2005 et 2018

(en %)

Année

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Taux pour la filière essence

1,20

1,75

3,50

5,75

6,25

7,00

7,00

7,00

7,00

7,00

7,00

7,00

7,70

7,70

Taux pour la filière gazole

1,20

1,75

3,50

5,75

6,25

7,00

7,00

7,00

7,00

7,70

7,70

7,70

7,50

7,50

Source : article 266 quindecies du CGI.

Les obligations d’incorporation des biocarburants sont définies en pourcentage de pouvoir calorifique inférieur (PCI) qui est l’énergie thermique libérée par la combustion d’un litre de carburant. Le PCI des biocarburants est inférieur à celui des hydrocarbures fossiles dans lesquels ils sont incorporés : de 34 % pour léthanol par rapport à lessence et de 8 % pour le biodiesel par rapport au gazole. Ainsi, 100 litres d’éthanol ont le même pouvoir calorifique que 65,7 litres d’essence. En conséquence, à plein de carburant identique, l’autonomie d’un véhicule diminue quand le pourcentage d’incorporation de biocarburants augmente.

Lors de la mise à la consommation des carburants, les redevables émettent des certificats représentatifs des quantités, exprimés en PCI, des biocarburants incorporés. Toutefois, certains biocarburants sont pris en compte pour le double de leur valeur réelle en PCI, dans des conditions précisées par un arrêté du ministre chargé du budget et dans la limite de la moitié des quantités agréées spécifiquement pour les esters méthyliques d’huile animale ([231]).

Le prélèvement supplémentaire est déclaré et liquidé en une seule fois, au plus tard le 10 avril de l’année qui suit celle de son exigibilité.

B.   un taux de pénétration des biocarburants insuffisant à l’égard des obligations européennes

1.   Des objectifs d’incorporation en biocarburants en-deçà des obligations européennes

En 2009, le paquet énergie-climat a défini une politique européenne commune se traduisant par les objectifs suivants :

– diminuer de 20 % les émissions de GES par rapport à 1990 ;

– augmenter de 20 % l’efficacité énergétique ;

– augmenter de 20 % la part des énergies renouvelables.

La directive EnR du 23 avril 2009 ([232]) a fixé un objectif d’au moins 10 % d’énergies renouvelables dans le secteur des transports en 2020.

Dans la directive CASI (pour « changement daffectation des sols indirect ») du 9 septembre 2015 ([233]), a été confirmé lobjectif de 10 % dans les transports en 2020, tandis quont été mis en place un plafond de 7 % pour les biocarburants en concurrence alimentaire  soit ceux de première génération  et un objectif indicatif de 0,5 % en 2020 pour les biocarburants avancés, qui comptent double dans lobjectif de 10 %. Les matières premières qui concourent à la production de ces biocarburants sont énumérées à lannexe IX de la directive EnR.

La directive sur les énergies renouvelables fait actuellement l’objet de discussions au niveau européen. Un accord politique a été trouvé, entre la Commission, le Parlement et le Conseil, le 20 juin 2018. Une part minimale dau moins 14 % de carburants dans le secteur des transports devra provenir dénergies renouvelables en 2030. Les biocarburants de la première génération resteront plafonnés à 7 % ; les carburants avancés devront représenter 1 % en 2025 et 3,5 % en 2030.

Dans cette perspective, la loi de transition énergétique pour la croissance verte a anticipé la priorité désormais donnée aux biocarburants avancés ([234]). Les objectifs d’incorporation de ces biocarburants sont définis dans le décret du 27 octobre 2016 relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie ([235]).

objectifs d’incorporation des biocarburants avancés

(en %)

Objectif dincorporation

2018

2023

Filière essence

1,6

3,4

Filière gazole

1,0

2,3

Source : article 7 du décret n° 2016-1442 du 27 octobre 2016.

En 2015, le taux dincorporation de la France est de 8,5 % avec les comptages multiples des carburants avancés ([236]). Elle est donc relativement bien positionnée pour atteindre l’objectif de 10 % en 2020. Le taux d’incorporation de la filière diesel est légèrement supérieur à celui de la filière essence.

Latteinte des taux dincorporation français conduit à un rendement de TGAP-b marginal, à 2 millions deuros en 2016. Aussi, en relever le taux apparaît être un levier incitatif cohérent avec les objectifs environnementaux de la France.

2.   Une modernisation du dispositif nécessaire

En premier lieu, l’impôt est actuellement déterminé en renvoyant aux prix forfaitaires coût-assurance fret – le « prix CAF » – de chaque carburant, majorés de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Aussi, la TGAP-b possède un effet contra-cyclique substantiel qui conduit à diminuer l’incitation d’incorporation d’énergie renouvelable lorsque le coût du pétrole est bas et à l’augmenter lorsque le cours est haut.

En second lieu, le régime fiscal des biocarburants en concurrence alimentaire n’est pas toujours cohérent avec son impact positif réel en matière environnementale. La prise en compte de matières premières qui ne sont pas en concurrence alimentaire et dont l’utilisation à vocation à s’accroître mérite, également, une appréhension plus fine.

Ainsi, en 2016, la Cour des comptes recommandait de supprimer, dans le calcul de la TGAP-b, le double comptage des biocarburants obtenus à partir des déchets animaux et des huiles usagées. Elle relevait que, « outre que les fraudes dans leur utilisation sont très aisées, ces matières premières nont pas dimpact significatif sur les émissions de gaz carbonique » ([237]).

II.   UN REHAUSSEMENT DES OBJECTIFS D’INCORPORATION QUI AURA UN IMPACT SUBSTANTIEL SUR LE SECTEUR DES BIOCARBURANTS

A.   Le dispositif proposé

1.   Un accroissement des objectifs d’incorporation

Le présent article rehausse le tarif de la taxe et les pourcentages nationaux cibles dincorporation dénergie renouvelable dans les transports.

tarifs du supplément de tgap relatif aux biocarburants

Année

2019

2020

Tarif (en euros par hectolitre)

98

101

Pourcentages cible des gazoles (exprimé en PCI)

7,9 %

8 %

Pourcentages cible des essences (exprimé en PCI)

7,7 %

7,8 %

Les objectifs d’incorporations exprimés en volume sont donc les suivants :

– 8,53 % en 2019 et 8,64 % en 2020 pour le gazole ;

– 10,31 % en 2019 et 10,45 % en 2020 pour les essences.

Pour certaines catégories de matières premières, la part dénergie qui excède un certain seuil nest pas prise en compte. L’actualisation de la liste par le présent article est la suivante :

– les céréales et autres plantes riches en amidon, sucrières ou oléagineuses et autres produits issus des cultures principales des terres agricoles principalement utilisées à des fins de production d’énergie, sucres non extractibles et amidon résiduel, autres que les matières mentionnées à l’annexe IX de la directive 2009/28/CE, ne peuvent être pris en compte que dans la limite de 7 % ;

– le tallol et brai de tallol ne peuvent être pris en compte que dans la limite de 0,6 % ;

– les matières mentionnées à la partie B de l’annexe IX de la directive 2009/28/CE – soit les huiles de cuisson et les graisses animales – ne peuvent être prises en compte que dans la limite de 0,9 %.

Les biocarburants avancés non plafonnés ainsi que ceux issus de graisses et d’huiles usagées ne pourront être comptés double que dans la limite de l’écart entre 7 % et l’objectif national de 10 %.

2.   Un toilettage du dispositif

Le présent article clarifie et simplifie les modalités de calcul de la taxe : son montant est égal au produit de la différence entre le pourcentage national cible d’incorporation d’énergie renouvelable dans les transports et la proportion d’énergie renouvelable contenue dans les produits inclus dans l’assiette.

La liquidation de la taxe est simplifiée. Ainsi, le renvoi aux prix forfaitaires coût-assurance-fret de chaque carburant majoré de la TICPE est remplacé par un tarif forfaitaire unique correspondant à la moyenne de ces prix. Ce remplacement permet de supprimer les effets pro-cycliques de la TGAP-b qui conduisent à diminuer l’incitation d’incorporation lorsque le cours du pétrole est bas.

La dénomination de la taxe est modifiée : la qualification de « supplément de TGAP », source de confusion, est supprimée ; il n’était pas logique de lier à la TGAP un impôt qui prend la forme d’un supplément de TICPE. Aussi, il conviendra désormais de parler de « taxe incitative à l’incorporation de biocarburants » (TIIB).

B.   l’Impact économique et budgétaire

1.   Un impact budgétaire négligeable

La TIIB étant une taxe comportementale à destination des metteurs de carburants sur le marché, l’impact budgétaire du présent article est faible ; il n’est d’ailleurs pas chiffré. Pour rappel, la TGAP-b a eu un rendement de 2 millions deuros en 2016.

2.   Un impact écologique à surveiller

L’évolution du taux d’incorporation influence directement la production et l’importation de matières premières destinées à être transformées en biocarburants. Elle influence également la ventilation du choix entre de telles matières premières, qui dépend des coûts de production, donc des cours mondiaux. Il convient, à cet égard, d’être vigilant face aux phénomènes d’importation de matières premières qui aboutissent à des changements indirects d’affectation des sols, comme la palme asiatique ou le soja brésilien.

3.   Un impact économique important pour la filière des biocarburants

a.   Des difficultés prévisibles pour la filière des biocarburants

L’accroissement des taux français d’incorporation est cohérent avec les objectifs européens en la matière. Pour autant, le plafonnement à 7 % des biocarburants de première génération rend plus difficile l’atteinte de l’objectif de 10 % en 2020 et 14 % d’énergies renouvelables utilisées dans les transports en 2030.

Lécart entre le plafonnement et les objectifs devra être progressivement comblé par des biocarburants qui nentrent pas en concurrence alimentaire, ou dautres types de motorisation, comme lélectricité.

b.   Des difficultés spécifiques à la filière du bioéthanol

La norme NF EN 228 prescrit les exigences et les méthodes d’essai pour l’essence sans plomb mise sur le marché et livrée. Elle limite à 10 % en volume la teneur en éthanol qui peut être contenue dans la grande majorité du sans plomb européen.

teneur maximale en bioethanol dans les carburants distribués en france

(en %)

Type de carburant

Teneur maximale en bioéthanol

SP 95

5

SP 98

5

SP 95-E 10

10

E 85

85

Source : commission des finances.

Or, les pourcentages dincorporation du présent article sont exprimés en PCI. Comme évoqué précédemment, le PCI des biocarburants, et singulièrement celui du bioéthanol, est inférieur à celui des carburants issus d’énergies fossiles.

Respecter les exigences issues du présent article implique que le taux d’incorporation du bioéthanol en volume-équivalent PCI soit de 10,31 % en 2019 et 10,45 % en 2020. Ce taux en volume excède ce qui est actuellement possible dans le cadre des normes européennes de qualité sur les carburants. Seul le carburant E 85, dont la consommation est encore confidentielle – 31 824 véhicules en France au 1er janvier 2018 – permet de dépasser ce seuil.

Aussi, la seule possibilité donnée aux assujettis de se conformer aux prescriptions de l’article 266 quindecies du code des douanes ainsi modifié, est de réaliser, au maximum, l’incorporation à l’aide de biocarburants avancés, qui comptent double.

Cet article constitue donc une incitation forte en faveur du développement des biocarburants avancés. Le développement de cette filière implique des investissements industriels et notamment la construction de bioraffineries de deuxième génération, qui utilisent de la biomasse ligno-cellulostique, à l’instar du projet Futurol installé à Pomacle-Bazancourt (Marne), qui devrait être mis en service en 2020.

c.   Des difficultés spécifiques à la filière du biodiesel

Avec plus de la moitié des surfaces de colza aujourd’hui mobilisées pour le débouché énergie, les limites de déploiement des surfaces de culture oléagineuses sont proches d’être atteintes ([238]).

Dans ce contexte, et compte tenu du plafond d’incorporation des biocarburants de première génération à 7 %, la filière biodiesel d’huiles usagées et autres graisses animales a connu un rapide essor. Ainsi, en 2014, les huiles animales et huiles usagées représentaient un quart des ressources du marché du biodiesel européen. La France compte trois unités de production de biodiesel traitant majoritairement ce type de résidus : Veolia à Limay (Yvelines), Nord-Ester à Dunkerque (Nord) et Estener au Havre (Seine-Maritime).

Néanmoins, le B du V du III du présent article fixe le seuil au-delà duquel la part de l’énergie issue des huiles usagées et des graisses animales à 0,9 % du total d’incorporation, ce qui devrait freiner le développement de la filière.

Le biodiesel souffre en outre d’une particularité : si son PCI est proche de celui qui est issu des ressources fossiles, il doit impérativement posséder, pour des raisons techniques, un seuil maximal d’EMAG. En effet, dans certaines conditions de froid, le biodiesel est susceptible de se figer et d’entraîner la formation de cire, ce qui mène au blocage du circuit de carburant entre le réservoir et les injecteurs. Ces considérations techniques expliquent pourquoi le taux d’incorporation d’EMAG dans le gazole est de 7 % ou 8 % dans la très grande majorité des cas, avec le B 7 et le B 8. Il peut être 10 % avec le nouveau B 10, commercialisé en France depuis 2018 et qui connaît un succès marginal, ou de 30 % mais seulement pour les flottes captives qui possèdent des circuits d’approvisionnement spécifiques – le B 30 n’est pas concerné par la directive de qualité des carburants.

Or, le taux dincorporation des HVO (huiles végétales hydrotraitées) dans le diesel nest pas limité par les normes de qualité. De fait, le présent article pourrait conduire les metteurs sur le marché à privilégier le biogazole produit à partir de HVO, c’est-à-dire d’huiles usagées mais également de colza, soja ou de palme hydrotraitées.

Il convient toutefois de garder à l’esprit que le taux d’incorporation maximal des HVO est soumis au plafond d’incorporation de 7 % des biocarburants de première génération.

Lhuile de palme

L’huile végétale hydrogénée (HVO) a fait son entrée sur le marché en 2011 et concurrence le biodiesel. Elle est notamment fabriquée à partir d’huile de palme importée, moins coûteuse que l’huile de colza.

Le palmier à huile est la plante oléagineuse la plus productrice, avec des rendements moyens de l’ordre de 6 tonnes d’huile par hectare et par an. La production mondiale d’huile de palme est assurée à près de 90 % par l’Indonésie et la Malaisie ; sa culture est accusée d’être responsable de la déforestation de forêts primaire, réservoirs de biodiversité.

Alors que le Parlement européen souhaitait geler les quantités existantes d’huile de palme importée dès 2019, avant de l’interdire en 2021, le texte issu du compromis politique du 20 juin 2018 n’a pas retenu cette solution. La Commission européenne devrait adopter, d’ici le 1er février 2019, un acte délégué fixant les critères de certification des biocarburants à faible risque de changement indirect d’affectation des sols (CASI). Cette méthodologie devrait permettre d’éliminer progressivement les biocarburants à haut risque de CASI, qui poussent sur des terres à forte teneur en carbone.

Enfin, la suppression du gazole non routier (GNR) par le présent projet de loi de finances le retire mécaniquement de lassiette de la taxe pour la filière gazole. La circulaire du 16 octobre 2017 permettait en effet de prendre en compte 75 % des mises à la consommation de GNR pour le calcul de l’assiette de la TGAP-b ([239]), ce qui permettait aux distributeurs de GNR dalléger artificiellement leur contrainte dincorporation en biodiesel. Aussi, cette réduction d’assiette possède un impact défavorable pour les distributeurs de GNR, surtout ceux dont le GNR était composé d’EMAG. Elle est, en tout état de cause, une incitation forte à la distribution de biocarburants pour les flottes captives, c’est-à-dire celles qui possèdent une logistique carburant dédiée.

*

*     *

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques IICF176 de Mme Lise Magnier, II-CF864 de Mme Véronique Louwagie et IICF1172 de M. Charles de Courson, ainsi que l’amendement IICF1243 de M. Bruno Millienne.

Mme Lise Magnier. L’amendement II-CF176 est défendu.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement II-CF864 aussi.

M. Charles de Courson. Le superéthanol E 85 a énormément de succès, comme vous le voyez tous les jours dans la publicité, car les adaptateurs ont enfin été autorisés et commencent à être distribués. Or, certains bons esprits voudraient considérer qu’il ne doit pas être pris en compte dans l’assiette de la taxe incitative à l’incorporation de biocarburants, ce qui est totalement erroné. Cet amendement de précision vise à ce que le Gouvernement le rappelle.

Mme Sarah El Haïry. L’amendement II-CF1243 est d’inspiration identique. Sont concernés le superéthanol E 85 et le carburant éthanol pour les moteurs dédiés à l’allumage par compression.

M. le Rapporteur général. Ces amendements me semblent satisfaits, mais je comprends que vous souhaitez une explication du Gouvernement. Je vous invite donc à les retirer et à les redéposer pour la séance publique pour voir si le ministre fait la même interprétation que moi, à savoir que le principe d’équivalence conduit à inclure l’E 85 dans l’assiette de la taxe.

M. Charles de Courson. Je ne doute pas que le ministre aura la même position que le Rapporteur général, mais il s’agit aussi de connaître la position du Gouvernement sur les biocarburants à 100 %. Tant qu’il reste 15 % d’essence, on peut assimiler le biocarburant à de l’essence ; mais quand il est à 100 % biologique, on est dans le vide. Il faut dès à présent arrêter une position douanière en la matière, si j’ose dire.

Je retire mon amendement pour le redéposer en séance.

Mme Lise Magnier. Moi aussi.

Mme Sarah El Haïry. Moi de même.

Les amendements II-CF176, II-CF1172 et II-CF1243 sont retirés.

La commission rejette l’amendement II-CF864.

Elle est saisie des amendements identiques II-CF182 de Mme Lise Magnier, IICF866 de Mme Véronique Louwagie, II-CF1173 de M. Charles de Courson et II-CF1244 de M. Bruno Millienne.

Mme Lise Magnier. L’amendement II-CF182 est défendu.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement II-CF866 aussi.

M. Charles de Courson. L’article 60 va dans la bonne direction, mais trop lentement puisque les taux d’incorporation cibles dans l’essence ne seront que de 7,7 % en 2019 et 7,8 % en 2020 : ces taux sont trop faibles au vu de l’enjeu de décarbonation des transports et des capacités de production de bioéthanol excédentaires en France. Le bioéthanol produit en Europe réduit en moyenne de 70 % les émissions de gaz à effet de serre par rapport à l’essence fossile.

Mon amendement propose d’aller un peu plus vite que ce que propose le Gouvernement en prévoyant un taux de 8,3 % au lieu de 7,7 % en 2019 et de 8,9 % au lieu de 7,8 % en 2020. Afin permettre aux distributeurs de carburant de satisfaire à cette augmentation, nous proposons aussi de ne plus soumettre au plafond de 7 % le bioéthanol issu des résidus des industries sucrières et amidonnières. La trajectoire proposée est réalisable grâce à la dynamique de croissance de l’essence SP 95, qui comprend 10 % d’éthanol, et du superéthanol E 85, qui comprend de 65 à 87 % d’éthanol. La forte croissance actuelle du superéthanol – plus 43 % entre janvier et août 2018 par rapport à la période de janvier à août 2017 –, grâce aux boîtiers E 85 homologués, assure à elle seule l’essentiel de la progression du pourcentage cible dans l’essence. Une telle mesure favoriserait la bioéconomie française fondée sur des productions agricoles locales, dans une logique d’économie circulaire.

Mme Sarah El Haïry. L’amendement II-CF1244 vise à favoriser la bioéconomie dans une logique d’économie circulaire en s’appuyant sur les productions agricoles locales.

M. le Rapporteur général. Je comprends l’objectif, mais le droit européen ne permet pas actuellement de considérer les biocarburants issus de résidus amidonniers et sucriers comme des biocarburants avancés, susceptibles d’excéder le plafond de 7 %. L’annexe IX de la directive du 9 septembre 2015 concernant la qualité de l’essence et des carburants diesel, dite « directive CASI », considère que seuls les résidus de la filière bois ne sont pas des résidus en concurrence alimentaire.

Je vous demanderai de retirer vos amendements, à défaut de quoi j’y serai défavorable.

M. Charles de Courson. Monsieur le Rapporteur général, il y a deux volets dans mon amendement ; vous n’avez répondu que sur le premier. Seriez-vous favorable au second ?

M. le Rapporteur général. L’augmentation du pourcentage cible d’incorporation est techniquement très complexe, surtout sans pouvoir augmenter par ailleurs le plafond d’incorporation des résidus amidonniers et sucriers. Je vous propose de redéposer votre amendement en séance, en n’en reprenant que cet aspect, le premier volet étant contraire au droit européen.

Les amendements identiques  II-CF182, II-CF1173 et II-CF1244 sont retirés.

La commission rejette l’amendement II-CF866.

Puis, elle examine les amendements identiques II-CF177 de Mme Lise Magnier, II-CF950 de Mme Marie-Christine Dalloz, II-CF1171 de M. Charles de Courson et IICF1245 de M. Bruno Millienne.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’objectif de ces amendements est de permettre l’incorporation dans l’essence des biocarburants produits à partir de matières lignocellulosiques, de marc de raisin ou de lies de vin, au-delà du plafond des biocarburants de première génération (1G) et du seuil concernant ceux de la partie B de l’annexe IX de la directive sur les énergies renouvelables. Il s’agit d’aider au développement de la filière des biocarburants français sans importer de produits tels que l’huile de palme, par exemple.

M. Charles de Courson. Il existe un débat sur la prise en compte ou non dans la détermination des plafonds d’incorporation des biocarburants produits à partir de matières lignocellulosiques – autrement dit du bois, pour simplifier –, de marc de raisin ou de lies de vin. Le but est de permettre l’incorporation dans l’essence de ces biocarburants, mais au-delà du plafond des biocarburants 1G et du seuil concernant ceux de la partie B de l’annexe de la directive sur les énergies renouvelables.

Certains voudraient qu’ils soient intégrés, mais en restant dans le cadre du plafond, ce qui risque d’entraîner des effets de concurrence interne. Par ailleurs, la portée de cette mesure reste limitée, dans la mesure où il est encore compliqué, technologiquement, de produire des biocarburants à partir du bois, ce qui influe sur le coût de revient. C’est plus facile avec le marc ou la lie de vin.

M. le Rapporteur général. Je ne comprends pas très bien la logique de ces amendements, dans la mesure où les huiles usagées et les graisses animales ne sont absolument pas en concurrence avec les marcs de raisin et les lies de vin : elles sont transformées en esters, destinés à produire du biodiesel, et non pas incorporés à l’essence, sous peine de dégrader l’indice d’octane. Avis défavorable.

M. Charles de Courson. La directive sur les énergies renouvelables encourage le développement des biocarburants issus de déchets et de résidus, ce qui est très bien. Elle prévoit en particulier un objectif spécifique pour ceux qui sont produits à partir du bois, du marc de raisin ou de lies de vin, et sont regroupés dans la partie A de son annexe IX. Le problème est que certains veulent intégrer dans cette catégorie les biocarburants produits à partir d’huiles usagées, ce qui risque de fragiliser la filière des biocarburants produits à partir du bois, des marcs et des lies de vin.

M. Philippe Vigier. Relever le plafond pour ces produits va dans le bon sens puisque cela participe à la décarbonation. Je ne comprendrais pas que l’on maintienne ce blocage.

La commission rejette les amendements identiques.

Puis elle examine les amendements identiques II-CF926 de Mme Lise Magnier et II-CF1200 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Dans la mesure où les externalités négatives des effluents d’huileries de palme et rafles sont équivalentes – voire pires – à celles du tallol et du brai de tallol, qui sont des acides gras, il est juste et proportionné de soumettre la part d’énergie issue de ces matières premières au même seuil de 0,6 %.

M. le Rapporteur général. Sans être un grand spécialiste du tallol et du brai de tallol, je ne suis pas défavorable, a priori, à une telle mesure, mais je considère qu’elle peut avoir des effets indésirables : ces amendements, tel que rédigés, diminueraient mécaniquement l’assiette de la prise en compte du brai de tallol en y ajoutant l’huile de palme, plutôt que d’ajouter dans le tableau une ligne supplémentaire qui individualiserait les résidus de palme.

Je vous invite donc à retirer ces amendements, dans l’attente d’une explication du ministre.

L’amendement II-CF1200 est retiré.

La commission rejette l’amendement II-CF926.

Elle est ensuite saisie de l’amendement II-CF1201 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Cet amendement a pour objet de reporter à 2020 l’augmentation du seuil d’incorporation des matières premières énumérées à l’annexe IX de la directive sur les énergies renouvelables. Ce report est justifié par la nécessité de préserver les équilibres économiques entre les différentes filières françaises de biocarburants. Nous devons en effet faire très attention à notre filière biocarburants, totalement déstabilisée par le problème de l’huile de palme, en particulier pour ce qui concerne le biodiesel, mais également le bioéthanol.

M. le Rapporteur général. L’annexe IX de la directive 2009/28 modifiée ne vise pas l’huile de palme. Par ailleurs, la production de biocarburants à partir d’huiles usagées est encore récente et marginale, et la production française en la matière est bien en dessous d’un taux d’incorporation de 0,9 %, ce qui limite l’impact de l’article lui-même. Avis défavorable.

M. Charles de Courson. Votre argument est réversible : s’il n’y a guère de problème, il n’y a rien d’extravagant à retarder d’un an l’augmentation du taux d’incorporation.

M. le Rapporteur général. Il ne s’agit pas d’un taux d’incorporation, mais d’un plafond. Je reste irréversiblement défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement II-CF1202 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. L’article 60, dans sa version actuelle, menace doublement le seuil de 7 % dédié aux céréales et autres plantes riches en amidon sucrières ou oléagineuses et autres produits issus des cultures principales des terres agricoles principalement utilisées à des fins de production d’énergie, sucres non extractibles et amidon résiduel, autres que les matières mentionnées à l’annexe IX de la directive sur les énergies renouvelables.

Elle le menace, d’une part, en permettant le compte simple des biocarburants avancés une fois le plafond de compte double atteint, et ce alors même qu’ils ne sont pas encore disponibles à l’échelle industrielle, puisque les biocarburants de deuxième génération, toujours pas opérationnels, ne sont pas comptabilisés de la même manière que ceux de la première génération ; d’autre part, en offrant aux biocarburants produits à partir de tallol, de brai de tallol et des matières premières mentionnées à la partie B de l’annexe IX, la possibilité d’empiéter sur ce seuil de 7 %.

En l’état, l’adoption de l’article 60 se ferait au détriment de la filière française et européenne des huiles et protéines végétales, alors même que cette dernière est porteuse d’emplois et qu’elle participe activement à l’indépendance énergétique et protéique de la France et de l’Union européenne, en réduisant notamment nos importations brésiliennes et américaines de protéines sous forme de soja. La rédaction que nous proposons améliore donc le texte gouvernemental.

M. le Rapporteur général. Je n’ai pas le sentiment que votre amendement améliore le texte gouvernemental car permettre le double comptage des biocarburants avancés permet justement d’atteindre nos objectifs, tout en orientant progressivement la production vers les biocarburants les plus écologiquement vertueux.

Il est par ailleurs contraire à nos engagements en matière d’évolution vers des biocarburants nationaux ou européens qui ne sont pas en concurrence alimentaire. Avis défavorable.

M. Charles de Courson. Je ne suis pas du tout d’accord, dans la mesure où les biocarburants dits avancés ne sont pas encore au point, à supposer qu’ils soient un jour technologiquement et économiquement concurrentiels par rapport aux carburants de première génération.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement II-CF1048 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. Non seulement les biocarburants issus de l’huile de palme et du soja sont responsables de la déforestation et de la dégradation des écosystèmes, mais leur bilan carbone et par ailleurs très lourd. Or le Parlement européen a voté l’interdiction des importations d’huile de palme utilisée dans les biocarburants uniquement à partir de 2021 et de 2030 pour le soja. Dans le même temps, la France a donné son feu vert à la raffinerie Total de La Mède, qui importera 300 000 tonnes d’huile de palme par an, soit 10 % de la consommation totale d’huile de palme en Europe pour les biocarburants en 2016.

Nous souhaitons donc que les biocarburants issus de l’huile de palme et du soja soient exclus du calcul de ce taux minoré à compter du 1er janvier 2020. Cela fait partie des outils dont nous disposons pour réussir la transition écologique, et nous ne devons pas remplacer un carburant polluant par un autre carburant polluant qui provient de surcroît le plus souvent de monocultures très néfastes pour les pays qui les produisent.

M. le Rapporteur général. La question de l’utilisation de l’huile de palme dans les biocarburants est traitée, au niveau européen, dans le cadre des négociations en cours sur la révision de la directive « énergies renouvelables ». Un accord a été trouvé mi-juin : les biocarburants ayant un fort impact sur le changement d’affectation des sols seront définis par un rapport de la Commission et leur niveau d’incorporation dans les carburants restera gelé au niveau de 2019. Il diminuera progressivement à partir de 2023 pour atteindre 0 % en 2030.

Le Gouvernement a soutenu tout au long des négociations une approche constructive et exigeante dans l’objectif de limiter l’utilisation des matières susceptibles de donner lieu à de la déforestation importée. À cet égard, la France peut se prévaloir d’une approche exigeante de la notion européenne de « durabilité » des matières premières. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 60 sans modification.

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*     *

Après l’article 60

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques IICF56 de M. Vincent Descoeur et II-CF78 de Mme Nathalie Bassire, ainsi que les amendements identiques II-CF57 de M. Vincent Descoeur et II-CF79 de Mme Nathalie Bassire.

M. Vincent Descoeur. L’amendement II-CF56 vise à s’assurer que la hausse de la fiscalité écologique finance bien la transition énergétique. Il propose pour cela de doter les EPCI et les régions ayant adopté soit un plan climat-air-énergie territorial (PCAET) soit le volet énergie d’un schéma régional d’aménagement et de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) d’une part des recettes, pour financer des actions concrètes en matière de transition énergétique.

L’amendement II-CF57 s’inscrit dans le même esprit.

M. Marc Le Fur. Les amendements II-CF78 et II-CF79 sont défendus.

M. le Rapporteur général. Nous avons déjà discuté de ces amendements. Le prélèvement au profit des collectivités est de nature à diminuer les fonds qui alimenteront les autres actions en faveur de la transition énergétique, et il faut donc faire très attention à la ressource. Ce transfert ne doit pas constituer un effet d’aubaine pour les collectivités et doit donc être obligatoirement fléché vers la mise en œuvre des plans climat-air-énergie.

Par ailleurs, les conditions d’octroi prévues par l’amendement sont trop souples, car elles se limitent à l’écriture d’un PCAET, ce qui n’est pas très compliqué. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle examine l’amendement II-CF1351 de Mme Laurianne Rossi, qui fait l’objet des sous-amendements II-CF1399 et II-CF-1400 de M. Charles de La Verpillière.

Mme Laurianne Rossi. J’ai proposé dans la première partie du projet de loi de finances, au nom de la commission du développement durable, un amendement visant à instaurer sur les fluides hydrofluorocarbures (HFC), ces puissants gaz à effet de serre, une taxe assortie d’un mécanisme de suramortissement.

À la demande du ministre en séance publique, le mécanisme de suramortissement a été retiré. Nous proposons cet amendement, qui prévoit donc une taxe progressive à partir de 2021 sur l’utilisation de ces fluides. Il s’agit d’un amendement rédigé en concertation avec le Gouvernement et les professionnels, qui formalise l’engagement ministériel pris devant la représentation nationale.

M. Thibault Bazin. Le sous-amendement II-CF1399 vise à s’assurer que le remboursement de taxe en cas d’exportation ou d’expédition à destination d’un État membre de l’Union européenne concernera aussi bien les fluides en vrac que les fluides incorporés dans des équipements fixes préchargés.

Il rappelle également que cette taxe pourra être annulée par anticipation, si les engagements volontaires de substitution de la part des importateurs et utilisateurs de ces fluides sont suffisamment forts. À cet effet, une commission parlementaire d’évaluation de ces engagements statuera au plus tard en septembre 2020 sur le niveau effectif de substitution par des fluides à faible potentiel de réchauffement global (PRG).

Le sous-amendement II-CF1400 reprend la seconde partie de l’amendement de Mme Rossi, adopté en commission sur la première partie du projet de loi de finances, en créant un mécanisme de suramortissement afin d’encourager les entreprises à investir dans des machines frigorifiques utilisant des fluides alternatifs, sans HFC, et présentant un impact climatique moindre. Le taux initialement proposé de 40 % est repris.

M. le Rapporteur général. L’Union européenne s’est saisie de la question des HFC, et il existe un règlement, le règlement F-Gaz II, qui pose un calendrier destiné à interdire la mise sur le marché de tels fluides. Cette interdiction doit intervenir de manière progressive, avec un système d’échanges de quotas. Il me semble donc qu’il faut laisser un peu de temps aux utilisateurs de tels fluides avant de réaliser cette taxation.

Je suis donc défavorable à l’amendement et aux sous-amendements.

Mme Bénédicte Peyrol. Des discussions sont encore en cours, car certains secteurs risquent d’être extrêmement affectés par la taxation. Des engagements volontaires vont être pris, et il me semble préférable d’attendre l’issue des négociations. Notre groupe sera donc défavorable à cet amendement.

M. Thibault Bazin. Il faut s’assurer que l’amendement qui doit être déposé en séance concernera bien tout le dispositif et que les précisions que nous proposons y seront intégrées.

Mme Laurianne Rossi. L’un des sous-amendements qui nous est proposé vise à préserver nos exportations de fluides HFC tout en taxant les importations. Je rappelle les engagements qui ont été pris par la France au niveau européen, mais également au niveau international, lors de la ratification du protocole de Kigali : nous nous sommes engagés à adopter une politique vertueuse en ce qui concerne ces fluides, qui, rappelons-le, figurent parmi les plus puissants gaz à effet de serre utilisés sur notre planète. Je vois donc mal la pertinence de ce sous-amendement, que ce soit d’un point de vue économique ou d’un point de vue environnemental, mais nous aurons le débat en séance lorsque nous entendrons la proposition du Gouvernement.

La commission rejette successivement les sous-amendements et l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement II-CF47 de M. Vincent Descoeur.

M. Vincent Descoeur. Près d’un tiers des déchets ménagers des Français est composé de produits n’ayant pas de filière de recyclage. Les metteurs sur le marché de ces produits ne contribuent donc pas à la gestion de ces déchets, alors que les metteurs sur le marché de biens couverts par une filière de recyclage le font par le biais de la responsabilité élargie des producteurs (REP). Cet amendement vise donc à mettre en place une TGAP amont sur les produits non fermentescibles et non couverts par la REP.

M. le Rapporteur général. Nous avons déjà eu ce débat sur la TGAP amont, lors de nos discussions sur la première partie du projet de loi de finances, et je rappelle que la feuille de route de l’économie circulaire l’a exclue. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques II-CF53 de M. Vincent Descoeur et II-CF578 de M. Éric Alauzet ainsi que les amendements identiques IICF52 de M. Vincent Descoeur et II-CF1303 de M. Paul-André Colombani.

M. Vincent Descoeur. Il est injuste de taxer les collectivités pour l’élimination de déchets pour lesquels il n’existe aucune alternative. L’amendement II-CF53 vise donc à leur accorder une franchise correspondant à cette part de déchets résiduels inévitables.

M. Éric Alauzet. Conformément à la feuille de route de l’économie circulaire et à la philosophie du Grenelle de l’environnement, il faut aborder le problème du recyclage de façon globale, en favorisant les filières qui sont en amont du traitement des déchets – prévention, tri, etc. – et en pénalisant celles qui sont à la fin de la chaîne, incinération et mise en décharge.

L’idée d’instaurer une franchise sur la TGAP aval, en décharge, est rendue nécessaire par les carences de la filière en amont ; il faut donc traiter les deux questions en même temps. Cette loi de finances a globalement permis des progrès, avec la TVA réduite d’un côté et l’augmentation de la TGAP en aval, mais demeure le problème des déchets non recyclables, qui sont pénalisés en aval. D’où mon amendement II-CF578, qui instaure une franchise.

Cela étant, il faut, parallèlement, transférer la taxation en amont sur le producteur, de manière à ce que ce ne soit plus le contribuable ou l’usager qui paie, mais le consommateur.

M. Vincent Descoeur. L’amendement II-CF52 procède du même esprit, l’idée est d’éviter de faire payer les collectivités qui ont en charge la gestion de ces déchets mais de taxer ceux qui les mettent sur le marché. C’est du bon sens.

M. Michel Castellani. L’amendement II-CF1303 est défendu.

M. le Rapporteur général. Nous avons déjà débattu très longuement de ces questions ; j’avais émis un avis défavorable, que je réitère aujourd’hui.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle examine les amendements identiques II-CF54 de M. Vincent Descoeur II-CF1304 de M. Paul-André Colombani.

M. Vincent Descoeur. Partant du constat que la hausse de la TGAP aura pour conséquence une hausse de la fiscalité acquittée par les collectivités, et donc par les usagers, sans aucune assurance que les déchets résiduels pourront être réduits, mon amendement propose d’affecter les recettes supplémentaires générées par la TGAP au fonds déchets de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), qui pourrait financer des actions visant à réduire de manière efficace ces déchets résiduels.

M. Michel Castellani. L’amendement II-CF1304 est défendu.

M. le Rapporteur général. Les articles non rattachés sont souvent l’occasion de recycler, si j’ose dire, les amendements qui ont reçu un avis défavorable en première partie, et que je maintiens.

La commission rejette les amendements.

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Article additionnel après l’article 60
Suppression de la redevance pour obstacles sur les cours d’eau

La commission est saisie de l’amendement II-CF1357 de M. Daniel Labaronne.

M. Daniel Labaronne. Cet amendement vise à supprimer une redevance pour obstacle sur les cours d’eau, du fait notamment de la complexité du dispositif, de ses modalités de perception compliquées et du très faible rendement de ladite redevance. J’indique que l’Inspection générale des finances, dans un rapport de 2014, recommandait déjà sa suppression.

M. le Rapporteur général. Comme lors de nos discussions en première partie, mon avis est favorable.

La commission adopte l’amendement II-CF1357 (amendement II2003).

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Après l’article 60

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques IICF50 de M. Vincent Descoeur, II-CF576 de M. Éric Alauzet et II-CF1302 de M. PaulAndré Colombani, ainsi que l’amendement II-CF771 de M. Éric Alauzet.

M. Vincent Descoeur. L’idée de mon amendement, une fois de plus, est de mettre fin à une situation qui consiste à taxer aveuglément les gestionnaires qui ne sont pas responsables de la non-recyclabilité des produits. Nous proposons donc de créer un signal en amont, en mettant en place une écocontribution.

M. Éric Alauzet. Dans une perspective globalisante, la question est toujours de savoir qui, selon le principe de taxation retenue, va payer pour les déchets non recyclables : est-ce, en aval, le contribuable, à travers la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, ou l’usager, à travers la redevance ? ou est-ce, en amont, non pas l’industriel, qui va évidemment répercuter la taxe sur ses prix de ventes, mais le consommateur ?

Cette dernière solution est évidemment beaucoup plus vertueuse, car elle incite davantage à entrer dans l’économie circulaire et à s’orienter vers l’écoconception des produits, en envoyant aux industriels un signal plus fort et plus efficace. C’est dans cette direction que nous devons poursuivre notre travail. Tel est le sens de mes deux amendements.

M. Michel Castellani. L’amendement II-CF1302 est défendu.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable, comme en première partie.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle examine ensuite l’amendement II-CF1235 de M. Bruno Millienne.

M. Bruno Millienne. Cet amendement vise, dans le cadre de la transition énergétique, à proposer des solutions aux Français pour qu’ils puissent se déplacer de manière plus éco-vertueuse. Il propose pour cela d’exonérer de taxe les certificats délivrés pour les véhicules en cas d’installation de dispositifs de conversion au bioéthanol E 85.

M. le Rapporteur général. Cet amendement présente indéniablement un intérêt, mais ce genre de mesure nécessite une étude approfondie en termes d’impact sur l’ensemble des filières. Je vous demanderai donc de le retirer pour que nous puissions effectuer ce travail.

La même remarque vaudra pour l’amendement qui suit, II-CF1138.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement II-CF1138 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Le superéthanol E 85, composé pour 65 à 85 % de bioéthanol et pour le reste d’essence, se développe rapidement depuis qu’on a enfin, par l’arrêté du 15 décembre 2017, homologué les boîtiers de conversion qui permettent à la quasi‑totalité des véhicules de bénéficier de ce carburant beaucoup moins coûteux et beaucoup plus écologique.

Le problème, c’est que les textes actuels excluent les véhicules de plus de 15 chevaux, qui ne peuvent donc bénéficier de l’exonération des certificats d’immatriculation. Je propose donc une mesure intermédiaire qui consiste à accorder un abattement de 50 % pour les véhicules de plus de 15 chevaux.

M. le Rapporteur général. Comme je viens de l’indiquer, je demande le retrait de cet amendement. Il me semble en effet que nous devons adopter une approche plus globale, et le ministre sera probablement de mon avis.

M. Charles de Courson. Je veux bien le retirer, mais aurez-vous la même attitude en séance ?

M. le Rapporteur général. M. de Courson marchande régulièrement le retrait de ses amendements... Je répète qu’il faut appréhender ces deux amendements dans une vision un peu plus globale, et non secteur par secteur.

M. Charles de Courson. Monsieur le Rapporteur général, vous reconnaissez l’intérêt de ces deux amendements, mais vous réclamez une approche plus globale. Mais l’approche globale, elle est simple : on encourage l’usage du superéthanol E 85, les boîtiers ont enfin été homologués et rencontrent un tel succès que certains garages ne parviennent plus à faire face. Sans parler des débats sur les incidences de la hausse des prix des carburants. Qu’entendez-vous par une vision plus globale ?

M. le Rapporteur général. Je souhaite que vous en discutiez au banc avec le ministre, pour réfléchir à la manière d’avancer dans la direction que vous suggérez.

M. Benjamin Dirx. Nous partageons l’exposé des motifs. Prévoir des incitations à l’installation de ce genre de boîtiers paraît intéressant. Nous travaillons aujourd’hui sur le sujet, pour voir ce qui serait possible avec le Gouvernement. Supprimer la taxe, comme vous le proposez, est-ce la meilleure solution ? N’y a-t-il pas d’autres voies à explorer ? En tout cas, il serait bon que nous puissions avancer ensemble sur le sujet.

M. Charles de Courson. Je maintiens mon amendement. Nous en reparlerons en séance.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement II-CF 971 de Mme Barbara Pompili.

M. Jean-Marc Zulesi. Cet amendement reprend une proposition de la commission d’enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires, qui a rendu son rapport le 5 juillet dernier. Afin d’assurer un financement suffisant et pérenne des commissions locales d’information (CLI) et de l’Association nationale des comités et commissions locales d’information (ANCCLI), cet amendement met en application la disposition de la loi relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, qui est codifiée à l’article L. 125-31 du code de l’environnement, en leur attribuant 1 % du produit de la taxe sur les installations nucléaires de base. Ce montant, qui représenterait près de 6 millions d’euros, permettrait notamment aux collectivités locales de réduire leur participation au financement.

M. le Rapporteur général. Je me demandais effectivement ce qui allait se passer avec les collectivités territoriales. Si cela devait se traduire par un désengagement, je trouverais cela un peu dommage. Au-delà, vous feriez ainsi passer de 3 millions d’euros à 9 millions d’euros le niveau de financement de de ces commissions : cela paraît beaucoup... Avis défavorable.

Mme Amélie de Montchalin. Nous avons adopté, en commission des finances, sur le budget de la recherche, le principe d’un document de politique transversale, un « jaune », sur l’intégralité des budgets de l’Autorité de sûreté nucléaire, de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, des CLI et de l’ANCCLI, en un mot de toutes les instances, institutions et organismes qui concourent, localement ou nationalement, avec les institutions publiques, à la surveillance et à la sûreté nucléaire. Une fois que nous disposerons de ce document, nous pourrons regarder quelle est la meilleure allocation et la meilleure mobilisation des moyens nécessaires.

M. Jean-Marc Zulesi. Compte tenu de toutes ces informations, je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

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Article 61
Obligation de télé-déclaration de la taxe sur les salaires

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à compléter la liste des impôts dont les formulaires déclaratifs doivent être obligatoirement télétransmis. Cette liste, prévue à larticle 1649 quater B quater du CGI, intégrera désormais les déclarations de taxe sur les salaires.

La taxe sur les salaires est acquittée par les employeurs établis en France qui ne sont pas soumis à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ; elle est calculée sur les rémunérations versées au cours de l’année par application d’un barème progressif. Elle concerne 171 000 assujettis, pour un rendement de 13,8 milliards d’euros en 2017.

Cette obligation de télédéclaration, qui correspond à une recommandation de la Cour des comptes, s’inscrit dans une politique globale de dématérialisation menée par la direction générale des finances publiques. La possibilité de déclarer la taxe sur les salaires existe depuis 2011 ; elle est utilisée par deux tiers des usagers. L’objectif de cette évolution législative est d’amener le taux de télédéclaration de la taxe sur les salaires à un niveau comparable à celui relevé pour les autres impôts professionnels, d’environ 98 %.

Un accroissement de la dématérialisation déclarative constitue un gain tant pour les entreprises, en simplifiant leurs démarches, que pour l’administration, en supprimant le temps nécessaire à la ressaisie des données transmises par formulaire papier.

Dernières modifications législatives intervenues

L’article 76 de la loi de finances rectificative pour 2017, modifiant l’article 1649 quaterquater, a étendu l’obligation de télédéclaration aux revenus de capitaux mobiliers.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’état du droit

A.   la taxe sur les salaires fait actuellement l’objet d’une obligation de télépaiement, tandis que la télédéclaration n’est qu’optionnelle

Selon le 1° de l’article 231 du CGI, la taxe sur les salaires est à la charge des personnes ou organismes qui paient des rémunérations, lorsquils ne sont pas assujettis à la TVA ou ne lont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre daffaires au titre de l’année précédant celle du paiement desdites rémunérations, soit parce que leurs activités sont hors du champ de la TVA, soit parce qu’elles sont dans son champ mais en sont exonérées.

Sont exonérés de la taxe sur les salaires :

– les collectivités territoriales, leurs régies personnalisées et leurs groupements, les établissements publics de coopération culturelle, les services départementaux de lutte contre l’incendie, les centres d’action sociale dotés d’une personnalité propre lorsqu’ils sont subventionnés par les collectivités territoriales, le centre de formation des personnels communaux, les caisses des écoles ;

– l’État, pour les rémunérations qu’il paie sur le budget général et lorsque l’exonération n’entraîne pas de distorsion dans les conditions de la concurrence ;

– les employeurs dont le chiffre d’affaires réalisé au cours de l’année civile précédant le versement des rémunérations n’excède pas les limites de la franchise en base de l’article 293 B du CGI ;

– les établissements d’enseignement supérieur visés au livre VII du code de l’éducation qui organisent des formations conduisant à la délivrance au nom de l’État d’un diplôme sanctionnant cinq années d’études après le baccalauréat.

Le fait générateur de la taxe est constitué par la mise à la disposition du salarié de sommes imposables à la taxe sur les salaires. Son assiette est constituée par le montant brut des rémunérations, indemnités, allocations, primes, y compris les avantages en nature ou en espèces versés au salarié en contrepartie ou à l’occasion du travail et effectivement alloués durant l’année civile à l’ensemble du personnel. L’assiette de la contribution sociale généralisée sur les revenus d’activité et celles de la taxe sur les salaires sont, sauf exception prévue par le législateur, identiques.

La taxe sur les salaires concerne 171 000 assujettis, pour un rendement de 13,8 milliards deuros en 2017.

La taxe sur les salaires est calculée selon un barème progressif comportant 4 tranches ; les taux applicables sont déterminés au niveau de chaque salarié en fonction de sa rémunération annuelle. Le barème concernant les salaires versés en métropole à partir du 1er janvier 2018 est le suivant :

barème de la taxe sur les salaires versés en métropole
à compter du 1er janvier 2018

Rémunération annuelle

Taux applicable

Inférieure ou égale à 7 799 euros

4,25 %

Supérieure à 7 779 euros et inférieure ou égale à 15 572 euros

8,50 %

Supérieure à 15 572 euros

13,60 %

Source : article 231 du CGI.

La taxe sur les salaires due par les assujettis domiciliés ou établis dans les départements d’outre-mer est calculée au moyen d’un seul taux, dont le montant diffère selon le département :

barème de la taxe sur les salaires versés
dans les départements d’outre-mer
à compter du 1er janvier 2018

Département

Taux applicable

Guyane

Mayotte

4,25 %

Guadeloupe

Martinique

La Réunion

8,50 %

Source : article 231 du CGI.

La taxe sur les salaires est payée par le débiteur dans les conditions et délais fixés par l’article 1679 du CGI. En fonction du montant dû, la taxe fait lobjet de versements provisionnels mensuels, trimestriels ou dun seul versement annuel.

périodicité des versements de la taxe sur les salaires

Taxe due en N  1

Périodicité des versements en N

Inférieur à 4 000 euros

Annuelle

Comprise entre 4 000 et 10 000 euros

Trimestrielle

Supérieure à 10 000 euros

Mensuelle

Source : article 369 de l’annexe II du CGI.


La déclaration de la taxe sur les salaires peut seffectuer, au choix de lassujetti, par formulaire papier ou par télédéclaration. En revanche, et conformément au 5° de l’article 1681 septies du CGI issu de la loi de finances rectificative pour 2013 ([240]), les paiements de la taxe sur les salaires doivent obligatoirement être effectués par télérèglement. Cette obligation s’applique à tout versement effectué au titre d’une année, qu’il s’agisse d’un versement provisionnel ou du solde de la taxe due.

B.   L’obligation de télédéclaration de la taxe sur les salaires s’inscrit dans la politique de dématérialisation menée par la direction générale des finances publiques

Les entreprises doivent aujourd’hui effectuer la plupart de leurs déclarations et de leurs paiements selon un procédé dématérialisé. En effet, à partir du début des années 2000, les organismes de collecte ont déployé des dispositions de déclaration et de paiement par voie dématérialisée, sous une forme facultative ou d’emblée obligatoire, en fonction de certains seuils. Cette dématérialisation permet de supprimer les tâches de saisie des déclarations papiers et les erreurs qui leur sont liées, de diminuer les surfaces et les coûts de stockage des données, ainsi que de réduire les risques de fraude interne ([241]).

Compte tenu de l’abaissement régulier des seuils, les taux de télédéclaration ont sensiblement augmenté : son taux moyen est de 98 % pour les autres impôts professionnels, en 2017. Il est de 99,7 % pour la TVA et l’IS.

Pour effectuer des télédéclarations, les entreprises peuvent utiliser deux procédés distincts :

– le mode « échange de formulaires informatisés » (EFI), par lequel le déclarant saisit en ligne sa déclaration dans un espace personnel sécurisé sur le site de l’organisme de collecte ;

– le mode « échange de données informatisées » (EDI), par lequel le déclarant adresse à l’organisme de collecte un fichier informatique produit par son logiciel de comptabilité ou de paie, préalablement paramétré et adapté à cette fin.

L’EFI est plus adapté aux entreprises de petites tailles, quand l’EDI permet de traiter un plus grand nombre d’informations.

La dématérialisation des déclarations et paiements s’inscrit également dans un contexte de réduction des effectifs affectés à la fiscalité des professionnels dans le réseau territorial de la DGFiP.

Ainsi, l’effectif moyen des services des impôts aux entreprises est passé de 15,6 équivalents temps plein (ETP) à 13,8 ETP entre 2011 et 2016. La généralisation des démarches en ligne pour les professionnels a eu pour effet de tarir les flux d’accueil physique dans ces services, puisque la relation est désormais gérée à distance ou, dans les cas qui le nécessitent, sur rendez-vous ([242]).

La taxe sur les salaires est lune des dernières grandes taxes ouvertes à la télédéclaration sans être assortie dune obligation de dématérialisation, ce qui conduit un tiers des assujettis à déposer leur déclaration annuelle sous format papier.

II.   une généralisation de la dématérialisation

A.   une modernisation bienvenue

Le présent article modifie l’article 1649 quater quater du CGI, afin de compléter la liste des impôts dont les formulaires déclaratifs doivent obligatoirement être télétransmis, en y incluant la taxe sur les salaires.

Il sagit de généraliser la télédéclaration, dont la possibilité est ouverte depuis 2011.

B.   UN GAIN POUR LES ENTREPRISES ET L’ADMINISTRATION FISCALE

Actuellement, environ 1 000 jours-agents de saisie des données de taxe sur les salaires sont nécessaires.

Un accroissement de la dématérialisation déclarative peut constituer un gain tant pour les entreprises, en simplifiant leurs démarches, que pour l’administration, en supprimant le temps nécessaire à la ressaisie des données transmises par formulaire papier, même si le coût de traitement de la taxe sur les salaires est, avec 0,30 % du rendement, un des plus faibles du paysage fiscal ([243]).

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La commission adopte l’article 61 sans modification.

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Après l’article 61

La commission examine les amendements identiques II-CF69 de Mme Véronique Louwagie et II-CF115 de Mme Marie-Christine Dalloz.

M. Thibault Bazin. Afin de lutter contre la fraude, le législateur a institué une obligation d’utiliser un logiciel ou système de caisse sécurisé et certifié, assorti d’une amende à chaque manquement constaté. À l’origine, de 5 000 euros, celle-ci a été portée à 7 500 euros, ce qui me semble franchement excessif et disproportionné, s’agissant d’une amende fiscale – surtout quand on connaît la situation financière de nos commerçants.

La volonté du Gouvernement est de passer d’une culture de contrôle à une culture de l’accompagnement et du conseil ; il vous est donc proposé par l’amendement II-CF69 de revenir à la volonté initiale du rédacteur, soit 5 000 euros.

Mme Marie-Christine Dalloz. J’aimerais bien savoir, monsieur le Rapporteur général, quelle est la recette attendue, combien de contrôles ont eu lieu et quel est le montant des sanctions prononcées au titre de cette pénalité fiscale.

Certes, les grandes surfaces et les moyennes surfaces ont déjà des caisses sécurisées. Mais je vais vous poser une question de simple arithmétique : combien un boulanger devra-t-il vendre de baguettes et de miches de pain pour acquitter une amende forfaitaire fiscale de 7 500 euros ? Le montant prévu me paraît totalement disproportionné. Revenons à du bon sens : 5 000 euros, c’est déjà largement dissuasif. S’il n’y a pas de recettes fiscales à hauteur de ce qui est attendu, je ne vois pas l’intérêt de maintenir un tel dispositif de ce type-là. D’où la modification du barème fiscal proposée par mon amendement.

M. le Rapporteur général. L’amende en question n’a pas forcément un objectif financier, mais un objectif comportemental : sa vocation est de dissuader. Je ne saurais donc vous donner l’équivalent en miches d’une amende qui n’a pas vocation à être perçue... Du reste, le ministre a laissé entendre que les services accompagneraient les commerçants dans cette mise en conformité des logiciels de caisse. Autrement dit, le but n’est pas de faire du chiffre, mais d’inviter nos commerçants à adopter de meilleurs standards pour éviter la fraude, qui pénalise tout le monde, à commencer par les gens honnêtes.

M. Éric Coquerel. On ne fait pas de différence entre le cas du boucher du coin et celui de la grande surface. Les situations ne sont pourtant pas les mêmes. Si ces amendements étaient précisés sur ce plan d’ici à la séance publique, je pourrais envisager de les voter.

J’en viens à l’explication du Rapporteur général. Au moment où nous avons discuté de la loi sur la fraude fiscale, notre groupe a proposé des amendes beaucoup plus lourdes, dans un même but dissuasif, et pour des faits autrement plus graves. Car, dans certains cas, le montant infime au regard de la gravité des faits. Cela ne vous a pas empêché d’émettre un avis défavorable. Mais aujourd’hui, l’argument de l’effet dissuasif vous est bien utile ! Je trouve seulement qu’il y a deux poids et deux mesures...

M. Paul Molac. Il serait plus judicieux de déterminer un pourcentage du chiffre d’affaires, comme nous l’avons fait dans la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (EGALIM). Une amende de ce montant n’a pas du tout les mêmes effets selon que vous vous en prenez à une petite PME ou à un artisan, ou bien à une entreprise beaucoup plus grande.

M. le Rapporteur général. En retenant un pourcentage du chiffre d’affaires, on risque d’arriver à des sommes nettement plus élevées. Et si j’ai été amené à refuser un certain nombre d’amendements portant sur des amendes, monsieur Coquerel, c’était en raison de cadres légaux qui s’y opposaient, ou de leur montant disproportionné au retard de l’objectif poursuivi, ce qui nous aurait valu d’être censurés par le Conseil constitutionnel. De la même façon, j’ai fait réduire le montant d’un certain nombre d’amendes parce que le texte qui ne respectait pas le droit commun en la matière. Ne voyez donc rien de personnel dans mon avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

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Article 62
Transfert à la direction générale des finances publiques (DGFiP)
du recouvrement des taxes sur les boissons non alcooliques

Résumé du dispositif et effets principaux

Lors de l’abolition des contrôles douaniers aux frontières intérieures en 1993, une partie des missions en matière de fiscalité indirecte a été transférée de la direction générale des impôts à celle des douanes. Aujourd’hui, la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) est chargée d’assurer le recouvrement de nombreuses taxes, en particulier des droits d’accise sur les marchandises (tabacs, boissons, eaux, produits pétroliers, etc.) et des taxes sur les véhicules, dont le produit total s’élevait à 76 milliards d’euros en 2016. La DGDDI assure ainsi le recouvrement de quatre droits d’accise sur les boissons non alcooliques :

– la contribution sur les boissons sucrées (322 millions d’euros en 2019), affectée à la protection sociale des personnes non salariées des professions agricoles (branche maladie) ;

– la contribution sur les boissons édulcorées (55 millions d’euros en 2019) affectée à la protection sociale des personnes non salariées des professions agricoles (branche maladie) ;

– le droit spécifique sur les boissons non alcooliques (82 millions d’euros en 2019), affecté à la protection sociale des personnes non salariées des professions agricoles (branche vieillesse) ;

– la surtaxe sur les eaux minérales (24 millions d’euros en 2019), instituée par les communes sur le territoire desquelles sont exploitées des sources et qui leur est affectée.

En 2018, le nombre de redevables des droits sur les boissons non alcoolisées est au nombre de 5 500 pour environ 44 000 déclarations chaque année.

Pour autant, dans ses rapports annuels de 2014 et de 2018, la Cour des comptes préconisait de regrouper au sein de la direction générale des finances publiques (DGFiP) la fonction de recouvrement de l’ensemble des impôts et taxes de la DGDDI. Elle rappelait que l’existence de deux réseaux de recouvrement des impôts et taxes est inadaptée, et que la plupart des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont rapproché leurs administrations fiscales et douanières, afin de rechercher des économies d’échelle (exemples du Royaume-Uni, des pays scandinaves, de l’Espagne, de l’Irlande ou encore des Pays-Bas).

Dans ce cadre, le présent article propose le transfert de la gestion, du recouvrement et du contrôle des droits sur les boissons non alcooliques de la DGDDI vers la DGFiP, tout en procédant à plusieurs corrections techniques et mesures de simplification mineures. Aussi, ces contributions seront collectées et contrôlées selon les mêmes modalités que la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Il précise également le fait générateur et l’exigibilité de ces impositions.

Dernières modifications législatives intervenues

La loi de finances pour 2012 crée une contribution sur les boissons et préparations liquides pour boissons contenant des sucres ajoutés (article 1613 ter du code général des impôts – CGI) et une contribution similaire pour les boissons et préparations liquides pour boissons contenant des édulcorants de synthèse (article 1613 quater du CGI).

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a modifié le taux de la contribution sur les boissons sucrées qui est désormais établi en fonction du taux de sucres ajoutés dans la boisson.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Cet article a été adopté par la commission sans modification.

I.   L’ÉTAT DU DROIT

Le présent article propose le transfert à la DGFiP du recouvrement des taxes sur les boissons non alcooliques, aujourd’hui assuré par la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI). Il s’agit de mettre en œuvre une proposition récurrente de la Cour des comptes pour un recouvrement unique des impositions, tout en permettant de mettre à disposition des redevables une offre de service dématérialisée.

A.   LE RECOUVREMENT DES DROITS SUR LES BOISSONS NON ALCOOLIQUES PAR LES SERVICES DES DOUANES

La DGDDI assure le recouvrement de quatre droits d’accise sur les boissons non alcooliques :

– la contribution sur les boissons sucrées (322 millions d’euros en 2019), affectée à la protection sociale des personnes non salariées des professions agricoles (branche maladie) ;

– la contribution sur les boissons édulcorées (55 millions d’euros en 2019) affectée à la protection sociale des personnes non salariées des professions agricoles (branche maladie) ;

– le droit spécifique sur les boissons non alcooliques (82 millions d’euros en 2019), affecté à la protection sociale des personnes non salariées des professions agricoles (branche vieillesse) ;

– la surtaxe sur les eaux minérales (24 millions d’euros en 2019), instituée par les communes sur le territoire desquelles sont exploitées des sources et qui leur est affectée.

En 2018, le nombre de redevables des droits sur les boissons non alcoolisées est au nombre de 5 500 pour environ 44 000 déclarations chaque année.

1.   Les contributions sur les boissons sucrées et sur les boissons édulcorées

La loi de finances pour 2012 ([244]) a créé deux contributions distinctes sur les boissons non alcoolisées : une contribution sur les boissons et préparations liquides pour boissons contenant des sucres ajoutés (article 1613 ter du CGI) et une contribution similaire pour les boissons et préparations liquides pour boissons contenant des édulcorants de synthèse (article 1613 quater du CGI). Les boissons contenant des sucres et des édulcorants ajoutés peuvent ainsi être cumulativement soumises à la contribution sur les boissons sucrées et à celle sur les boissons édulcorées, si elles cumulent les critères d’assujettissement des deux impositions.

La base d’imposition des contributions est constituée par la quantité des produits livrés à titre onéreux ou gratuit en France, y compris la collectivité de Corse et les collectivités territoriales relevant de l’article 73 de la Constitution (départements et régions d’outre-mer). Le fait générateur est constitué par la livraison des produits en France.

Les redevables sont les personnes qui livrent les boissons ou préparations concernées en France, c’est-à-dire les fabricants établis en France, les personnes qui ont réalisé une acquisition communautaire livrée en France ainsi que les personnes qui ont importé sur le marché français. Dans les deux premiers cas, les contributions sont liquidées avant le 25 de chaque mois auprès du service des douanes gestionnaire de l’établissement et acquittées auprès du comptable des douanes et droits indirects au moyen d’un formulaire unique. Dans le dernier cas, la liquidation et le paiement s’effectuent en utilisant la déclaration d’importation. Sont également redevables les personnes qui, dans le cadre de leur activité commerciale, fournissent à leurs clients, ces boissons ou préparations consommables en l’état et dont elles ont préalablement assemblé les différents composants, présentés dans des récipients non destinés à la vente au détail. Cette catégorie de redevables permet de taxer les boissons vendues dans des établissements de restauration rapide, préparées à partir de composants tels que des sirops concentrés non conditionnés pour la vente au détail, du gaz carbonique et de l’eau.

Inversement, sont exonérées des contributions les boissons qui ne sont pas destinées à faire l’objet d’une livraison sur le marché intérieur français. Cette exonération s’applique aux boissons directement expédiées par les personnes redevables vers un autre État membre de l’Union européenne ou vers un État tiers. Elle s’applique également aux boissons livrées en France par une personne redevable à une personne qui acquiert ces produits en vue de les expédier ou de les exporter hors de France. Dans ce cas, il est prévu l’application d’un mécanisme d’achat en franchise des contributions : les personnes qui acquièrent des boissons soumises aux contributions, auprès d’un redevable, et qui les destinent à une expédition ou à une exportation, sont autorisées à acquérir ces boissons ou préparations en franchise des contributions, c’est-à-dire sans s’acquitter des contributions (sous réserve de remettre à leur fournisseur une attestation d’achat en franchise).

Enfin, fait particulier aux deux contributions, les territoires ultra-marins sont fiscalement considérés comme des territoires d’exportation au regard de la métropole et inversement : il s’agit ainsi techniquement de réaliser une exportation exonérée suivie d’une importation taxée.

La contribution sur les boissons sucrées s’applique aux jus de fruits et de légumes, mais aussi aux eaux, y compris les eaux minérales et les eaux gazéifiées. Les boissons doivent dans tous les cas contenir des sucres ajoutés dans le produit fini. Ainsi, sont exclues du champ d’application de la contribution les boissons contenant naturellement des sucres (nectars, boissons à base de fruits et jus de fruits) ou ne contenant que des édulcorants. La contribution sur les boissons édulcorées s’applique aux jus et eaux précédemment cités contenant des édulcorants de synthèse sous la forme d’additifs alimentaires. Sont explicitement exemptés des deux contributions les laits infantiles et de croissance, les produits de nutrition pour les personnes malades et les boissons à base de graines de soja.

Dans les deux cas, les boissons ou préparations doivent être conditionnées dans des récipients destinés à la vente au détail soit directement, soit par l’intermédiaire d’un professionnel tel que les débitants de boissons ou les restaurateurs par exemple. Ce critère a pour objet d’éviter qu’une même boisson ou préparation contenant des sucres ajoutés soit soumise à la contribution une première fois lors du processus de fabrication des boissons et une deuxième fois au stade de la vente destinée à la consommation finale.

Les tarifs des contributions sont fixés par hectolitre de produit. Le taux applicable pour les boissons et préparations édulcorées est de 3 euros par hectolitre. Un tarif dérogatoire temporaire était autrefois applicable pour Mayotte afin de permettre une convergence progressive avec la métropole. Dans la mesure où la convergence est désormais effective, les dispositions transitoires ne sont plus nécessaires. Depuis la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2018 ([245]), le taux de la contribution sur les boissons sucrées est établi en fonction du taux de sucres ajoutés dans la boisson.

Taux de la contribution sur
les boissons sucrÉes

(en unité par hectolitre)

Quantité de sucre ajouté

(kilogramme)

Taux en 2018

(euros)

de 0,5 inclus à 1,5 exclus

3

de 1,5 inclus à 2,5 exclus

3,5

de 2,5 inclus à 3,5 exclus

4

de 3,5 inclus à 4,5 exclus

4,5

de 4,5 inclus à 5,5 exclus

5,5

de 5,5 inclus à 6,5 exclus

6,5

de 6,5 inclus à 7,5 exclus

7,5

de 7,5 inclus à 8,5 exclus

9,5

de 8,5 inclus à 9,5 exclus

11,5

de 9,5 inclus à 10,5 exclus

13,5

de 10,5 inclus à 11,5 exclus

15,5

de 11,5 inclus à 12,5 exclus

17,5

de 12,5 inclus à 13,5 exclus

19,5

de 13,5 inclus à 14,5 exclus

21,5

de 14,5 inclus à 15,5 exclus

23,5

au-delà de 15,5 inclus

+ 2 euros par kilogramme

Source : article 1613 ter du CGI.

Les tarifs des contributions font l’objet d’un relèvement au 1er janvier de chaque année, dans une proportion égale au taux de croissance de l’indice des prix à la consommation hors tabac de l’avant-dernière année, constaté par arrêté du ministre chargé du budget ([246]).

2.   Le droit spécifique sur les boissons non alcooliques

Un droit spécifique est appliqué aux quantités, exprimées en hectolitre d’eaux et de boissons non alcoolisées, qui sont livrées sur le marché intérieur, y compris la collectivité de Corse et les départements et régions d’outre-mer (b du I de l’article 520 A du CGI). Le droit spécifique est applicable aux eaux minérales, aux eaux de source, aux eaux de laboratoires et aux boissons gazéifiées ou non ne renfermant pas plus de 1,2 % de volume d’alcool, en particulier les limonades et les sodas. Pour être taxables, ces produits doivent être conditionnés en fûts, bouteilles ou boîtes. Pour l’interprétation de la notion de conditionnement, la Cour de cassation a précisé que les boissons directement vendues au détail au consommateur et conditionnées dans des gobelets insuffisamment hermétiques pour permettre leur transport et leur stockage ne peuvent pas être assimilées à des boissons conditionnées ([247]). Cette précision vise principalement les sociétés de la restauration rapide, qui ne sont pas redevables du droit spécifique sur les boissons préparées à l’aide de sirops selon les instructions données par le fabricant et servies dans des gobelets insuffisamment hermétiques pour permettre leur transport et leur stockage (au contraire des contributions sur les boissons sucrées et édulcorées).

De la même manière que pour les contributions précédentes, le fait générateur du droit spécifique est constitué par la livraison à titre onéreux ou gratuit desdits produits sur le marché intérieur français. Les redevables sont les fabricants, les exploitants de source, les importateurs et les personnes réalisant des acquisitions intracommunautaires. Le régime d’exonération s’applique aux personnes expédiant ou exportant des eaux et des boissons non alcoolisées hors de France. De même, le droit est liquidé par le bureau de douane et droits indirects dont dépend le redevable et acquitté avant le 25 de chaque mois auprès du comptable des douanes et droits indirects territorialement compétent. Inversement, le dispositif de franchise pour les exportations ou les expéditions des clients des redevables n’est pas applicable au droit spécifique.

Le tarif du droit spécifique est de 0,54 euro par hectolitre en 2018.

3.   La surtaxe sur les eaux minérales pour les communes

La surtaxe est un impôt communal facultatif qui s’applique en France, y compris la collectivité de Corse et les départements et régions d’outre-mer (article 1582 du CGI). La surtaxe est perçue au profit des communes sur le territoire desquelles sont situées les sources d’eaux minérales. Toutefois, lorsque le produit de la surtaxe excède le montant des ressources ordinaires de la commune pour l’exercice précédent, le surplus est attribué au département.

En conséquence, la surtaxe est applicable aux eaux minérales naturelles et aux boissons à l’eau minérale naturelle aromatisée. Ne sont pas soumises à la surtaxe les eaux de source ne présentant pas de caractère de minéralisation ainsi que les eaux minérales distribuées aux curistes aux sources mêmes.

Dans la mesure où il s’agit d’une surtaxe au droit spécifique sur les boissons non alcoolisées, les redevables de la surtaxe sont les exploitants de sources d’eaux minérales qui sont par ailleurs également assujettis au droit spécifique sur les eaux et les boissons non alcoolisées. Comme pour les précédentes taxes, la surtaxe est assise sur les quantités d’eaux minérales livrées sur le marché intérieur, c’est-à-dire dans le cas présent uniquement les fabricants d’eaux minérales. Celles qui sont exportées ou expédiées hors de France sont toujours exonérées du paiement de la surtaxe. Inversement, le dispositif de franchise pour les exportations ou les expéditions des clients des redevables n’est pas applicable à la surtaxe.

À l’instar du droit spécifique sur les eaux et les boissons non alcoolisées, la surtaxe est liquidée avant le 25 de chaque mois. Elle est déclarée par le redevable puis liquidée par le bureau des douanes et droits indirects dont dépend l’établissement du redevable de la surtaxe. La surtaxe doit être acquittée avant le 25 de chaque mois auprès du comptable des douanes et droits indirects compétent.

Le tarif de la surtaxe sur les eaux minérales est fixé par la commune dans la limite de 0,58 euro par hectolitre. Toutefois, il semblerait que certaines collectivités territoriales utilisent une tarification dégressive en fonction des quantités produites, en dépit de l’absence de telles dispositions législatives.

B.   LA NÉCESSITÉ DE REGROUPER LE RECOUVREMENT FISCAL DE CERTAINES TAXES AU SEIN DE LA DGFiP

Lors de l’abolition des contrôles douaniers aux frontières intérieures en 1993, une partie des missions en matière de fiscalité indirecte a été transférée de la direction générale des impôts à celle des douanes. Aujourd’hui, la DGDDI est chargée d’assurer le recouvrement de nombreuses taxes, en particulier des droits d’accise sur les marchandises (tabacs, boissons, eaux, produits pétroliers, etc.) et des taxes sur les véhicules, dont le produit total s’élevait à 76 milliards d’euros en 2016. Cette mission occupe environ 3 000 agents sur un effectif total de près de 17 000 agents.

CatÉgories des Recettes fiscales
dont le recouvrement est assurÉ par la DGDDI

(en milliards deuros et en %)

Source : Cour des comptes, « Les missions fiscales de la Douane : des coûts trop élevés, une modernisation et une simplification à mettre en œuvre », Rapport public annuel 2018, février 2018.

Dans ses rapports annuels de 2014 ([248]) et de 2018 ([249]), la Cour des comptes préconise de regrouper au sein de la DGFiP la fonction de recouvrement de l’ensemble des impôts et taxes de la DGDDI. Elle rappelle que l’existence de deux réseaux de recouvrement des impôts et taxes est inadaptée, et que la plupart des pays de l’OCDE ont rapproché leurs administrations fiscales et douanières afin de rechercher des économies d’échelle (exemples du Royaume-Uni, des pays scandinaves, de l’Espagne, de l’Irlande ou encore des Pays-Bas).

Elle estime que l’essor des procédures dématérialisées permet désormais aux contribuables de s’acquitter de leurs impôts et taxes en ligne, ce qui ne justifie plus l’existence de deux réseaux de recouvrement distincts. En particulier, les proximités géographiques entre redevables et administration de recouvrement ne sont plus pertinentes. C’est pourquoi, sans remettre en cause les missions de contrôle des douanes, la Cour des comptes propose le transfert du recouvrement de certaines taxes vers la DGFiP. Elle souligne que cette orientation rend nécessaires d’importants investissements dans le développement des systèmes informatiques, mais devrait permettre à plus long terme un redéploiement des agents vers des missions prioritaires de contrôle et de lutte contre la fraude.

En conclusion, la Cour des comptes formule pour la DGDDI les recommandations suivantes :

– généraliser pour les redevables professionnels la télédéclaration et le télépaiement de toutes les taxes gérées par la douane ;

– regrouper la fonction de recouvrement au sein de la DGFiP.

Le transfert du recouvrement devrait permettre de mettre à disposition des redevables une offre de service dématérialisée et de mutualiser les frais de gestion de l’administration générés par la collecte de ces taxes.

II.   Le Dispositif Proposé

A.   UN TRANSFERT À LA DGFIP DU RECOUVREMENT DES DROITS SUR LES BOISSONS NON ALCOOLIQUES QUI S’ACCOMPAGNE DE PLUSIEURS CORRECTIONS TECHNIQUES

Le transfert de la gestion, du recouvrement et du contrôle des droits sur les boissons non alcooliques de la DGDDI vers la DGFiP permet de simplifier et de dématérialiser les démarches des redevables, tout en procédant à plusieurs corrections techniques et mesures de simplification mineures.

1.   Le transfert de la gestion, du recouvrement et du contrôle des taxes sur les boissons non alcooliques de la DGDDI à la DGFiP

Le transfert du recouvrement et du contrôle comprend en premier lieu plusieurs mesures visant à simplifier le paysage fiscal :

– le  du I propose d’abroger le droit spécifique sur les boissons non alcoolisées afin de le fusionner, à droit constant, avec la contribution sur les boissons édulcorées, en créant un nouveau tarif uniquement applicable aux boissons non alcoolisées au 1° du II créé par le c) du  du I ;

– le  du I transforme à droit constant la surtaxe sur les eaux minérales en une contribution communale sur les eaux minérales, du fait de la suppression du droit spécifique auquel elle s’ajoutait.

Puis, le transfert du recouvrement entraîne plusieurs conséquences en matière d’obligation déclarative et de contrôle précisées au V du nouvel article 1582 du CGI créé par le  du I du présent article (contribution sur les eaux minérales), aux IV et V créés par le e) du  du I à l’article 1613 ter du même code (contribution sur les boissons sucrées) et aux IV et V créés par le e) du  du I à l’article 1613 quater du même code (contribution sur les boissons édulcorées et droit spécifique sur les boissons non alcoolisées).

Il est ainsi proposé que :

– la déclaration et le paiement des quatre contributions sur les boissons non alcooliques soient communs avec ceux de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) : selon que le redevable est au régime réel normal d’imposition ou au régime simplifié, les contributions sont déclarées et liquidées comme en matière de TVA, c’est-à-dire de manière mensuelle, trimestrielle ou annuelle. Il est ensuite précisé que, comme en matière de TVA, « la contribution est acquittée lors du dépôt de cette déclaration ». Il est rappelé que les procédures de déclaration et de paiement de la TVA sont déjà dématérialisées ;

– les contributions soient recouvrées et contrôlées selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions que pour la TVA. Cette précision n’est pas sans conséquence puisque les sanctions douanières sont extraordinaires du droit commun et souvent plus sévères que les sanctions fiscales. En particulier, certaines infractions douanières sont punies par des peines d’emprisonnement et donnent lieu à des confiscations de biens, relevant davantage du pénal ;

– l’obligation de transmission à l’administration des attestations d’exonération soit remplacée par une obligation de conservation des documents et de présentation à l’administration à première demande ;

– à l’exception de la contribution sur les eaux minérales qui ne bénéficie toujours pas du mécanisme, la franchise de contribution pour les expéditions ou les exportations hors de France soit étendue au droit spécifique et précisée pour les contributions sur les boissons sucrées et édulcorées : « les livraisons de produits en France par le redevable à une personne qui les destine, dans le cadre de son activité commerciale, à une expédition ou un transport hors de France peuvent être effectuées en suspension de contribution » et l’acquéreur doit fournir une attestation de suspension de droit. Il est proposé que la franchise cesse d’être valable « si les produits ne sont pas expédiés ou transportés » ;

– pour l’ensemble des contributions, lorsque le redevable n’est pas établi dans un État de l’Union européenne ou un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu une convention fiscale en vue de lutter contre la fraude et une convention d’assistance mutuelle en matière de recouvrement, que ce dernier ait recours à un représentant fiscal unique en France en charge de procéder aux formalités et d’acquitter la contribution.

2.   La mise en œuvre de plusieurs corrections techniques et mesures de simplification mineures

Le transfert du recouvrement est également l’occasion de procéder à plusieurs corrections techniques et mesures de simplification mineures :

– le second alinéa du I du nouvel article 1582 du CGI créé par le  du I du présent article précise que la contribution sur les eaux minérales doit être instituée au plus tard le 30 septembre de l’année précédant la date d’application afin d’éviter des mises en œuvre sans préavis pour le service de recouvrement et les acteurs économiques concernés ;

– le III du nouvel article 1582 du CGI créé par le  du I autorise la pratique de « tarifs marginaux », conformément à la pratique qui semblait se dégager dans plusieurs collectivités territoriales, c’est-à-dire l’application de tarifs dégressifs en fonction des quantités produites ;

– le IV du nouvel article 1582 du CGI créé par le  du I du présent article (contribution sur les eaux minérales), le 3 du IV créé par le e) du  du I à l’article 1613 ter du même code (contribution sur les boissons sucrées), le 3 du IV créé par le e) du  du I à l’article 1613 quater du même code (contributions sur les boissons édulcorées et droit spécifique sur les boissons non alcoolisées) clarifient la définition du périmètre des importations et des exportations en modifiant les conditions de traitement des échanges avec les départements d’outre-mer. Pour les contributions sur les boissons sucrées et édulcorées, il est proposé qu’un tel échange soit considéré comme une livraison interne taxée à la livraison plutôt que le cumul d’une exportation exonérée et d’une importation taxée. Ainsi, pour les quatre contributions, il est prévu que « sont exonérées les livraisons de produits expédiés ou transportés par le redevable, ou pour son compte, en dehors du territoire national ou à destination des territoires des collectivités relevant de larticle 74 de la Constitution, de la Nouvelle-Calédonie, des Terres australes et antarctiques françaises et de lîle de Clipperton ». Les collectivités régies par l’article 74 de la Constitution sont la Polynésie française, les îles Wallis et Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy et Saint-Martin. En revanche, les livraisons vers les collectivités de l’article 73 de la Constitution ne sont plus exonérées, c’est-à-dire les livraisons vers la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte et La Réunion ;

– le c) du  du I (contribution sur les boissons sucrées) et le 2° du II créé par le c) du  du I (contribution sur les boissons édulcorées) suppriment le constat annuel par arrêté des tarifs applicables conformément à la règle d’indexation prévue par la loi. Ce constat sera effectué par le Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) pour les boissons livrées à compter de 2020 (celles livrées en 2019 relevant de l’arrêté qui sera pris fin 2018) ;

– le I bis créé par le b) du  du I et le I bis créé par le b) du  du I incluent parmi les livraisons assujetties aux contributions, les ventes à distance de biens en provenance directe d’un autre État membre : en effet, dans le droit actuel, les ventes à distance de produits imposables depuis l’Union européenne par un particulier sont considérées comme une livraison intracommunautaire non imposable. En précisant, pour chacune des contributions, que celle-ci est due par la personne qui réalise la première livraison, le présent article permet de soumettre les ventes à distance depuis l’Union européenne à des particuliers ;

– le 2° du II créé par le c) du  du I (contribution sur les boissons édulcorées) acte, par l’absence de nouveau tarif dérogatoire, la fin du régime spécifique à Mayotte, dans la mesure où la convergence du tarif a pris fin au 1er janvier 2018 ;

– les autres dispositions, notamment les 1°, 6°,  et  du I, II, III et IV effectuent les coordinations nécessaires au sein du CGI et des autres codes.

Le présent article codifie également une exonération introduite par l’administration douanière : le troisième alinéa du I du nouvel article 1582 du CGI créé par le  du I du présent article exonère de contribution sur les eaux minérales celles non conditionnées et livrées aux curistes, sur le territoire de la commune où la source de ces eaux est située, par l’exploitant d’une station thermale.

Le A du V précise que les délibérations relatives à la contribution sur les eaux minérales pour les communes antérieures à la présente loi s’appliquent dans la rédaction de l’article issue de la présente loi. Le B du V dispose enfin que le présent article s’applique aux impositions dont le fait générateur intervient à compter du 1er janvier 2019.

B.   L’IMPACT BUDGÉTAIRE ET ÉCONOMIQUE

L’évaluation préalable du présent article indique que le transfert de la gestion des boissons non alcooliques est réalisé à périmètre constant et n’aura pas d’impacts financiers pour les opérateurs économiques ou les attributaires des différentes taxes. Toutefois, la mesure pourrait avoir une incidence de trésorerie pour les différents attributaires dès lors que le paiement des contributions sera décalé du fait du passage d’un mode de paiement mensuel (avant le 25 du mois) à un mode de paiement trimestriel ou annuel pour certains redevables (comme en matière de TVA).

De même, du fait de l’extension du champ d’application des contributions aux livraisons à des particuliers en provenance d’entrepôts situés dans un autre État membre de l’Union européenne, la mesure proposée pourrait générer des recettes supplémentaires non chiffrables pour la protection sociale des agriculteurs non salariés.

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La commission adopte l’article 62 sans modification.

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Article additionnel après l’article 62
Plafonnement à 5 % de la trajectoire d’augmentation de la taxe sur les entrées en salle de cinéma en outre-mer

La commission examine, en discussion commune, l’amendement IICF1394 du Rapporteur général ainsi que les amendements II-CF146 et IICF143 de M. Raphaël Gérard.

M. le Rapporteur général. L’amendement II-CF1394 vise à reprendre les idées développées dans des amendements II-CF146 et II-CF143 de Raphaël Gérard et soutenues par nos collègues Maina Sage et Stéphane Claireaux, à propos de la taxe sur les entrées de salles en outre-mer.

Les différents intervenants m’avaient demandé d’expertiser la question, notamment vis-à-vis du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Par cet amendement, je vous propose de revenir sur la trajectoire d’augmentation de la taxe sur les entrées en salle applicable à l’outre-mer et de retenir celle qui a été prévue par Raphaël Gérard : le taux resterait fixé à 5 %, c’est-à-dire au niveau actuel – ce qui correspond à la moitié du taux pratiqué en métropole, compte tenu, notamment, du nombre beaucoup plus faible d’interventions financées par cette taxe.

M. Charles de Courson. Le taux de la taxe en métropole est de 10,7 %, me semble-t-il ? Qu’est-ce qui justifie un taux différent pour les outre-mer ?

M. le Rapporteur général. Cette taxe alimente un système d’investissement dans le cinéma qui est peu opérant dans les outre-mer. Le taux applicable en métropole est difficile à justifier dans ces territoires, à plus forte raison si l’on tient compte du pouvoir d’achat. Au demeurant, le CNC est d’accord sur ces dispositions particulières à l’outre-mer.

M. Raphaël Gérard. Il faut effectivement tenir compte des spécificités d’exploitation des salles de cinéma dans les départements d’outre-mer. Ces salles sont souvent exposées à un risque météorologique et sismologique accru, mais aussi à la violence, qui sont autant de facteurs de coût d’exploitation supplémentaires.

En limitant à 5 % le taux de la taxe, on reste à la limite admissible pour préserver l’équilibre financier des salles de cinéma et garantir leur viabilité. Rappelons que le cinéma est souvent la seule activité culturelle accessible aux publics ultramarins, souvent confrontés à de graves difficultés sociales et économiques.

M. le Rapporteur général. Je vous propose de retirer vos amendements et de cosigner le mien, pour vous associer à la démarche que je viens de présenter.

Les amendements II-CF146 et II-CF143 sont retirés.

La commission adopte l’amendement II-CF1394 (amendement II2004).

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Article 63
Encaissement des recettes fiscales par un organisme
autre que le comptable public

Résumé du dispositif et effets principaux

Dans le cadre de la modernisation de l’administration fiscale, à l’instar des modifications prévues par les articles 61 et 62 du présent projet de loi de finances, le présent article vise à supprimer le maniement d’espèces par la direction générale des finances publiques (DGFiP) en autorisant l’État à recourir à des prestataires extérieurs pour réaliser certaines opérations d’encaissement et de décaissement.

Des prestataires extérieurs pourront se voir confier les opérations en numéraire portant sur des recettes (encaissement des sommes établies par un titre, encaissement des recettes reversées par les régisseurs) ou des dépenses (remboursement de sommes sur le fondement de la décision de l’autorité compétente, paiement sur le fondement d’un titre, réapprovisionnement en numéraire des régisseurs). Les comptables publics ne pourront plus effectuer ces opérations, dès lors que la mission aura été confiée à un prestataire extérieur.

Ces prestataires extérieurs pourront se voir confier l’encaissement par carte de paiement de sommes dues par un redevable sur le fondement d’un titre.

Sont prévues trois exceptions aux possibilités de recours à des prestataires extérieurs :

– pour les opérations de certains établissements publics locaux ;

– pour les opérations au titre desquelles le droit européen prévoit la possibilité de payer auprès d’un comptable public ou lorsque le paiement emporte un pouvoir libératoire de circulation des marchandises ;

– pour les opérations, qui ne relèvent pas du paiement de l’impôt, listées par un décret.

Le présent article instaure un certain nombre de garanties relatives au contrôle, au secret professionnel, à la comptabilisation des opérations, à la communication de l’identité du personnel autorisé à les effectuer, au reversement des fonds au Trésor et à la garantie financière des prestataires.

Il fixe à 300 euros le seuil maximal de paiement en espèces.

Il procède à des mesures de coordination, renvoie à un décret pour les modalités d’application et précise que l’entrée en vigueur interviendra par décret au plus tard avant le 1er juillet 2020, avec possibilité d’application anticipée dans certains territoires.

Dernières modifications législatives intervenues

L’article 74 de la seconde loi de finances rectificative pour 2017 a autorisé le Gouvernement à fixer, par décret simple, la limite pour le paiement en espèces des impositions de toute nature et des recettes recouvrées par un titre exécutoire, dans une limite comprise entre 60 et 300 euros.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Le présent article a été adopté par la commission sans modification.

I.   L’ÉTAT DU DROIT

A.   Le monopole des comptables publics pour le maniement des fonds publics

1.   Le monopole de l’encaissement des recettes fiscales

La comptabilité publique désigne l’ensemble des règles juridiques applicables à l’exécution, à la description et au contrôle des opérations financières des personnes publiques.

Elle repose notamment sur un principe de monopole de maniement des fonds publics par le comptable public. Ce principe, qui n’est pas énoncé explicitement dans la législation, se déduit par les nombreuses règles qui encadrent l’action des comptables publics dans le CGI, le CGCT, mais aussi dans divers autres codes (code de l’environnement, code forestier, etc.).

En vertu de ce principe, les comptables publics ont le monopole de l’encaissement des recettes fiscales. Les règles relatives aux modes de paiement des différents impôts sont fixées au chapitre premier du livre II du CGI.

a.   Les modes de paiement en vigueur pour le paiement des impôts

Les contribuables ont le choix entre plusieurs modes de paiement pour s’acquitter de leurs impositions, qui peuvent être rassemblés en deux catégories : les modes de paiement traditionnels et les modes de paiement dématérialisés.

Les modes de paiement traditionnels comprennent le paiement en numéraire, le paiement par carte bancaire, le paiement par chèque, le paiement par TIP SEPA (titre interbancaire de paiement de l’espace unique de paiements en euro), et le paiement par virement.

Le paiement dématérialisé peut être réalisé sur internet sur le site impots.gouv.fr. Il consiste pour le contribuable à autoriser l’administration à émettre un ordre de prélèvement débité sur son compte. Par ailleurs, le site timbres.impots.gouv.fr donne la possibilité d’acheter en ligne un timbre fiscal électronique.

La DGFiP a également développé une gamme de moyens de paiement innovants par smartphone ou par paiement sans contact (solution « Mpos »).

Le CGI prévoit toutefois, par exception, des obligations de recourir à un mode de paiement particulier (virement direct sur le compte du Trésor, prélèvement ou télérèglement) pour certains impôts et à partir d’un certain seuil.

Les modes de paiement obligatoires des impôts

Type d’impôt

Articles

du code général des impôts

Modes de paiement autorisés

Impôts directs et taxes assimilées

1681 quinquies

Virement direct opéré sur le compte du Trésor :

– pour certains prélèvements sociaux et certaines retenues à la source lorsque leur montant excède 1 500 euros ;

– pour la contribution annuelle sur les revenus retirés de certaines locations lorsqu’elle excède 50 000 euros.

1681 sexies

 

1681 septies

Principe : virement direct opéré sur le compte du Trésor ou prélèvement lorsque leur montant excède 50 000 euros.

 

Exceptions :

 

1) prélèvement ou télérèglement :

 

– lorsque leur montant excède 1 000 euros de l’impôt sur le revenu, de la taxe d’habitation et de la contribution à l’audiovisuel public, des taxes foncières ainsi que des impositions recouvrées selon les mêmes règles que ces impositions ;

– de la cotisation foncière des entreprises, de ses taxes additionnelles, de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux et de sa contribution additionnelle ;

 

2) Télérèglement obligatoire :

 

– de l’impôt sur les sociétés ainsi que les impositions recouvrées dans les mêmes conditions, de la cotisation foncière des entreprises et de ses taxes additionnelles ainsi que de la taxe sur les salaires pour certaines entreprises ;

– de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ;

– des taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties et de leurs taxes additionnelles et annexes pour les contribuables qui ont opté pour le paiement de ces taxes auprès du service chargé des grandes entreprises.

Taxe sur la valeur ajoutée et taxes assimilées

1695 quater

Télérèglement obligatoire

Contributions indirectes

1698 D

Virement direct opéré sur le compte du Trésor pour certaines contributions lorsque leur montant excède 50 000 euros

En résumé :

– le télérèglement est obligatoire pour la plupart des impôts professionnels quel que soit leur montant ; le prélèvement demeure toutefois encore possible pour la cotisation foncière des entreprises et les impositions assimilées ;

– le prélèvement ou le télérèglement est obligatoire pour les impôts directs des ménages à partir de 1 000 euros ; autrement dit, les particuliers peuvent payer leurs impôts dans la limite de 1 000 euros par titre interbancaire de paiement (TIP SEPA), chèque ou virement ; ils peuvent également payer en espèces dans la limite de 300 euros (voir infra) ;

b.   L’encadrement du paiement en numéraire

Pour les professionnels, l’obligation de recourir à un mode de paiement dématérialisé a été progressivement étendue et généralisée au cours des dernières années. Le recours à la télédéclaration et au télépaiement est désormais obligatoire pour la plupart des impôts professionnels. En cas de non-respect de l’obligation de paiement en ligne ou de prélèvement, une majoration de 0,2 % du montant des sommes dont le versement a été effectué par un autre mode de paiement est appliquée (article 1788 quinquies du CGI).

Pour les particuliers, des évolutions législatives récentes ont progressivement abaissé le plafond en-dessous duquel le paiement en espèces est possible, ainsi que le seuil au-delà duquel le paiement dématérialisé devient obligatoire.

Introduit en 1979, l’article 1680 du CGI ne définissait initialement pas de plafond pour le paiement de l’impôt en numéraire. Les contribuables pouvaient acquitter leurs impôts directs par ce moyen, dès lors que le montant dû était inférieur au seuil fixé pour le paiement obligatoire par virement.

L’article 112 de la loi de finances pour 2002 ([250]) a institué une limite de 3 000 euros pour le paiement en espèces. Cette limite a été abaissée par l’article 19 de la loi de finances rectificative pour 2013 ([251]) à 300 euros au 1er janvier 2014.

Les deux lois de finances précitées ont également étendu le champ des impositions concernées par l’article 1680 du CGI.

Initialement limité aux impôts directs recouvrés par les comptables du Trésor, il a été étendu en 2002 à l’ensemble des impôts directs, sans indication du comptable compétent, pour tenir compte du transfert du recouvrement de certains impôts directs de la direction générale de la comptabilité publique (DGCP) à la direction générale des impôts (DGI).

Un nouvel élargissement est intervenu en 2013 pour inclure dans le champ de l’article 1680 les « impositions de toute nature » et les « recettes recouvrées par un titre exécutoire mentionné à l’article L. 252 A du livre des procédures fiscales », c’est-à-dire aux recettes recouvrées par arrêtés, états, rôles, avis de mise en recouvrement, ou titres de perception ou de recettes délivrés par l’État, les collectivités locales ou les établissements publics. Se trouvent donc actuellement dans le champ cet article, les paiements visant à acquitter les impositions de toutes natures ainsi que certaines créances publiques autres que les impôts.

Enfin, l’article 74 de la seconde loi de finances rectificative pour 2017 ([252]) a autorisé le Gouvernement à fixer, par décret simple, la limite pour le paiement des impositions de toute nature et des recettes recouvrées par un titre exécutoire, dans une limite comprise entre 60 et 300 euros.

Aucun décret n’a été pris en application de cet article.

Ce nouvel abaissement du seuil maximal des paiements en espèces s’inscrit aussi dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie nationale sur les moyens de paiement définie en 2015 et qui avait notamment fixé l’objectif d’accélérer le développement des moyens de paiement dématérialisés dans les services publics.

Ainsi, l’article 75 de la seconde loi de finances rectificative pour 2017 précitée a imposé à toutes les entités publiques de proposer à leurs usagers une offre de paiement en ligne au-delà d’un certain seuil.

La stratégie nationale des moyens de paiement

La définition d’une stratégie nationale sur les moyens de paiement a pour objectif d’accélérer le développement de moyens de paiement innovants et la compétitivité de l’industrie française des paiements.

Plusieurs actions ont été définies pour :

– abaisser et renforcer la transparence sur les coûts de l’acceptation du paiement par carte pour les commerçants ;

– faciliter les paiements par carte bancaire ;

– moderniser les équipements des commerçants ;

– faciliter les paiements sans contact par carte ou par téléphone mobile ;

– faciliter l’utilisation du virement et accroître la rapidité des opérations de paiement ;

– réduire l’utilisation des chèques ;

– et généraliser les moyens de paiement électroniques dans les services publics.

Source : Gouvernement, Stratégie nationale sur les moyens de paiement, octobre 2015 (lien).

2.   Le monopole des comptables publics locaux sur les recettes fiscales et les autres recettes

Les articles L. 2343-1, L. 3342-1, et L. 4342-1 du CGCT prévoient respectivement pour les communes, les départements et les régions un monopole du comptable public de la collectivité pour l’exécution des recettes.

Les comptables publics locaux ont la charge du recouvrement des recettes fiscales suivantes :

 pour le bloc communal : la taxe de séjour, la taxe d’aménagement, la taxe locale sur la publicité extérieure, les droits d’enregistrement et taxe de publicité foncière ainsi que les taxes locales sur la consommation finale d’électricité (TLCFE) ;

 pour les départements : la part additionnelle de la taxe de séjour ainsi que les droits d’enregistrement et taxe de publicité foncière.

Les comptables publics locaux recouvrent également des recettes non fiscales :

– les recettes des services publics locaux ;

– les recettes du patrimoine (hors vente) telles que le forfait de post-stationnement, les redevances d’occupation du domaine public, la location de terrains ou de logements ;

– la contribution spéciale à la dégradation de la voirie, le versement de fonds de concours ou de reversement d’intercommunalité, le remboursement des assurances sur un arrêt maladie ou un accident de travail du personnel, les prestations de service du conseil départemental aux communes sur les activités enfance, des subventions et participations diverses, etc.

3.   Le monopole des opérations de décaissement, de réapprovisionnement des régisseurs et d’encaissement de leurs recettes

Conformément à leur monopole de maniement des fonds publics, la charge exclusive des comptables publics s’étend également aux opérations de décaissement. Là encore, ce monopole se déduit pour les comptables de l’État par les nombreuses règles qui encadrent le paiement des dépenses tendant à la vérification de la régularité des opérations décidées par l’ordonnateur (correcte imputation des crédits, existence de pièces justificatives...).

Ce monopole est énoncé plus explicitement pour les comptables des collectivités. Les articles L. 2343-1, L. 3342-1, et L. 4342-1 du CGCT prévoient respectivement pour les communes, les départements et les régions un monopole du comptable public de la collectivité pour l’exécution des recettes et des dépenses.

Il s’ensuit que le comptable de la collectivité dispose également du monopole de l’encaissement des recettes reversées par les régisseurs et un monopole de leur réapprovisionnement en numéraire.

Les régies de recettes et les régies davances

Les collectivités territoriales peuvent, en effet, exploiter directement sous la forme de régies les services publics locaux. Lorsque la collectivité a recours à une gestion directe de ses services publics, des régies de recettes et d’avances peuvent être mises en place afin d’encaisser les recettes et de payer les dépenses y afférentes (exemple de régies de recettes : régies de piscine, de bibliothèque, de droits de stationnement, de colonies de vacances ; exemple de régies de dépenses : régies des centres communaux d’action sociale, régies de paiement de frais de mission).

Le régisseur de recettes est autorisé à encaisser des recettes pour le compte de la collectivité locale : ces recettes doivent être énumérées dans l’acte constitutif de la régie (article R. 1617-6 du code général des collectivités territoriales). Le numéraire est obligatoirement remis directement par le régisseur à la caisse du comptable assignataire dès que le montant de l’encaisse prévu par l’acte constitutif de la régie est atteint et au minimum une fois par mois (article R. 1617-8 du même code). Par exception, un transfert par virement ou un dépôt dans une succursale de la Banque de France est possible pour certaines régies.

Le régisseur davance est autorisé à payer certaines dépenses de la collectivité. Il alimente sa caisse en numéraire au moyen d’un retrait de fonds chez le comptable public qui tient son compte.

L’avance peut être remise au régisseur par le comptable en numéraire. Elle est périodiquement reconstituée par le comptable lorsque le régisseur effectue le versement des pièces justificatives des dépenses payées. Le montant de l’avance est au maximum égal au quart du montant prévisible des dépenses annuelles à payer par le régisseur (soit un montant maximum d’avance correspondant à trois mois de dépenses à payer), conformément à l’article R. 1617-2 du même code. En raison de besoins ponctuels, dans le cas exceptionnel où le montant de l’avance nécessaire au fonctionnement de la régie est supérieur à celui fixé par l’acte constitutif, une avance complémentaire peut être versée au régisseur.

B.   Le maniement résiduel d’espèces par la direction générale des finances publiques

Les paiements en espèces ont diminué de 36 % entre 2013 et 2017 sous l’effet des diverses mesures prises pour encadrer les paiements mais aussi grâce à l’élargissement de la gamme de moyens de paiement offerte au contribuable par la DGFiP.

Bien que les montants encaissés en espèces soient faibles, ils représentent encore un grand nombre d’opérations, plus de 4 millions.

Selon le Gouvernement ([253]), en 2017, les paiements en espèces auprès de la DGFiP ont représenté 0,28 % de ses encaissements, soit seulement 2,2 milliards d’euros sur les 766 milliards d’euros encaissés.

Il s’agit essentiellement d’opérations qui concernent les services publics locaux. En 2017, les encaissements en numéraire de la sphère du service public local ont représenté 568 millions d’euros pour 2,1 millions d’opérations.

Ce périmètre recouvre :

– d’une part les paiements réalisés par les usagers aux guichets de la DGFiP : ces encaissements se sont élevés en 2017 à 111,4 millions d’euros et représentaient 1,3 million d’opérations, soit un montant moyen de 83 euros par encaissement ;

– d’autre part, les dégagements de fonds des régisseurs des collectivités locales : ces encaissements se sont élevés en 2017 à 457 millions d’euros pour 768 000 opérations, soit un montant moyen par dégagement de fonds de 595 euros.

Par ailleurs, en 2017 :

– 530 00 opérations ont porté sur le paiement des impôts pour un montant global de 96 millions d’euros, soit un montant moyen par opération de 181 euros ;

– et 500 000 opérations ont porté sur des amendes avec un montant moyen de 55 euros (29,2 millions d’euros).

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article vise à supprimer le maniement d’espèces par la DGFiP en autorisant l’État à recourir à des prestataires extérieurs pour réaliser certaines opérations d’encaissement et de décaissement.

Contrairement à ce qu’indique l’intitulé, non normatif, choisi par le Gouvernement, le champ d’application du présent article ne se limite pas à l’encaissement des recettes fiscales.

Le dispositif proposé prévoit que des prestataires extérieurs pourront se voir confier les opérations en numéraire portant sur des recettes (encaissement des sommes établies par un titre, encaissement des recettes reversées par les régisseurs) ou des dépenses (remboursement de sommes sur le fondement de la décision de l’autorité compétente, paiement sur le fondement d’un titre, réapprovisionnement en numéraire des régisseurs).

A.   LE RECOURS À DES PRESTATAIRES EXTÉRIEURS POUR CERTAINES OPÉRATIONS D’ENCAISSEMENT ET DE DÉCAISSEMENT

Pour l’essentiel, les dispositions du présent article ne seront pas codifiées dans la mesure où les règles relatives à la comptabilité publique sont très nombreuses dans le CGI et le CGCT.

1.   Les personnes publiques concernées par le recours à des prestataires extérieurs

Les opérations pourront porter sur certaines recettes et dépenses :

– de l’État ;

– des établissements publics de santé ;

– des collectivités territoriales ;

– et des établissements publics des collectivités territoriales, c’est-à-dire des établissements publics locaux.

La notion détablissement public local

Un établissement public est une personne morale de droit public disposant d’une autonomie administrative et financière, afin de remplir une mission d’intérêt général, précisément définie, sous le contrôle de la collectivité publique dont il dépend. Dans son précis de droit administratif, le doyen Maurice Hauriou avait d’ailleurs proposé de définir l’établissement public comme « un service public personnifié » c’est-à-dire un service public doté de la personnalité morale.

L’établissement public rattaché à une collectivité territoriale est habituellement qualifié par la doctrine d’établissement public local.

Il peut s’agit des établissements publics de coopération intercommunale, de centres communaux ou intercommunaux d’action sociale, de caisses des écoles, de services départementaux d’incendie et de secours, d’offices publics de l’habitat, d’établissements publics de santé, d’établissements publics culturels, d’établissements publics sociaux ou médico-sociaux, etc.

A contrario, les organismes de sécurité sociale – et en particulier les URSSAF – ou les opérateurs de l’État ne pourraient pas bénéficier du dispositif de recours à des prestataires extérieurs.

Par exception, il est prévu que les opérations d’encaissement et de décaissement de certains établissements publics locaux ne pourront pas être déléguées :

– les établissements publics locaux d’enseignement ;

– les établissements publics locaux d’enseignement et de formation professionnelle agricole ;

– les établissements publics locaux d’enseignement maritime et aquacole ;

– et les centres de ressources, d’expertise et de performance sportive (CREPS).

Les centres de ressources, dexpertise et de performance sportive (CREPS)

Les CREPS assurent l’accueil des sportifs de haut niveau et des sportifs régionaux. Ils participent :

– au réseau national du sport de haut niveau ;

– à la mise en œuvre de formation initiale et continue dans les domaines du sport, de la jeunesse et de l’éducation populaire ;

– à la promotion du sport ;

– et à la mise en œuvre des formations identifiées par le schéma régional de formation.

Les CREPS ont fait lobjet dune décentralisation partielle dans le cadre de la loi  2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe). L’État prend en charge la rémunération des personnels administratifs et pédagogiques ainsi que de l’encadrement et de la surveillance des sportifs. La région à la charge du patrimoine immobilier, du fonctionnement technique (restauration, hébergement, entretien général) ainsi que des personnels concourant à l’exercice de ces missions.

2.   Les cas de recours à des prestataires

a.   L’encaissement des recettes en numéraire et par carte de paiement

Le dispositif proposé prévoit, au a) du A du I, que des prestataires extérieurs pourront se voir confier des opérations d’encaissement en numéraire « des sommes auprès des redevables sur le fondement dun titre établissant leur dette ». Il est également prévu, au 2 du A du I, que les prestataires extérieurs pourront se voir confier l’encaissement par carte de paiement des mêmes sommes.

i.   Les recettes fiscales

La formule précitée inclut les recettes fiscales qui sont établies par un titre tel qu’un avis d’imposition issu d’un rôle ou un avis de mise en recouvrement.

Le champ couvert par le dispositif est donc large, puisqu’il inclut la plupart des impôts directs dus par les ménages, recouvrés par voie de rôle (impôt sur le revenu, taxe d’habitation, taxe foncière, contribution à l’audiovisuel public). Les sommes exigibles après un contrôle fiscal portant sur ces mêmes impôts sont également concernées puisqu’elles font l’objet d’un avis de mise en recouvrement.

En revanche, le dispositif ne concerne pas les impôts dus par les professionnels qui sont autoliquidés, et qui ne font donc pas l’objet d’un titre, tels que l’IS, ou la taxe sur la valeur ajoutée. Pour autant, même si cela sera rare en pratique, elle peut inclure les sommes dues par un professionnel et mises en recouvrement après un contrôle fiscal dès lors qu’elles n’excéderont pas le seuil maximal de paiement en espèces fixé à 300 euros (voir infra).

Distinction entre le rôle et lavis de mise en recouvrement

Le rôle et l’avis de mise en recouvrement sont des titres exécutoires émis par l’administration fiscale.

Le rôle est un acte administratif qui fixe la somme due par chaque contribuable. L’avis d’imposition est une copie de l’article du rôle qui concerne un contribuable et qui lui est adressé. L’impôt sur le revenu (sauf à la suite d’une procédure de rectification ou d’imposition d’office) et les impôts directs locaux sont recouvrés par voie de rôle.

Certains impôts sont recouvrés par voie d’avis de mise en recouvrement à défaut de paiement spontané à l’échéance à la suite d’un contrôle fiscal (impôt sur les sociétés, TVA, droits d’enregistrement, impôt sur le revenu en cas de mise en œuvre d’une procédure de rectification ou d’imposition d’office).

ii.   Les autres recettes

Bien qu’ils ne constituent pas une créance fiscale, certains frais, comme les frais d’hospitalisation, sont recouvrés « comme en matière de contributions directes ». Cette règle a pour seul effet de donner compétence aux comptables du Trésor pour le recouvrement. De ce fait, dès lors qu’un titre sera émis, le dispositif proposé permet d’étendre à des prestataires extérieurs la mission d’encaisser les sommes. Les recettes en question peuvent porter sur tous titres de recettes des collectivités territoriales (crèche, cantine, etc.).

Il s’agira donc, plus particulièrement, des factures des usagers du service public local. Actuellement, lorsque l'usager n'a pas réglé la première facture éditée par la collectivité, il se voit adresser par la DGFiP une nouvelle facture sur rôle l’enjoignant à le faire dans les meilleurs délais, avec la possibilité de régler notamment aux guichets de la DGFiP.

b.   Les relations avec les régisseurs pour les opérations en numéraire

Le dispositif proposé prévoit, d) du A du I, que des prestataires extérieurs pourront se voir confier des opérations d’« encaissement des recettes reversées par les régisseurs » et de « réapprovisionnement en numéraire » de ces mêmes régisseurs.

Autrement dit, les comptables publics locaux ne seront plus en charge des relations avec les régisseurs pour les opérations en numéraire d’encaissement des recettes (régies de recettes) et de réapprovisionnement en numéraire (régies d’avance).

c.   Les autres opérations de décaissement en numéraire

Le dispositif proposé prévoit, au b) du A du I, que des prestataires extérieurs pourront se voir confier des opérations de décaissement en numéraire pour le « remboursement de tout ou partie des sommes acquittées par le redevable sur le fondement de la décision des autorités compétentes ». Il pourrait s’agir par exemple d’un avis de dégrèvement d’impositions.

De même, le dispositif proposé prévoit, au c) du A du I, que des prestataires extérieurs pourront se voir confier des opérations de décaissement en numéraire pour le « paiement de dépenses aux créanciers sur le fondement du titre établissant leur créance ». Il pourrait s’agir par exemple d’un jugement ayant force de chose jugée.

Le champ couvert correspond donc aux opérations de décaissement en numéraire réalisées actuellement aux guichets de la DGFiP. Les décaissements représentent un nombre beaucoup plus limité d'opération (environ 400 000 décaissements destinés aux usagers) que les encaissements. Il s'agit principalement de remboursement d'impôts ou de trop-perçus générant des versements en numéraire aux guichets.

d.   Les missions annexes à ces opérations

Le dispositif proposé prévoit, aux e) et f) du A du I, que les prestataires extérieurs choisis se verront confier des missions annexes aux opérations d’encaissement et de décaissement délégués.

Il s’agira :

– de « la collecte de lensemble des informations nécessaires à lexécution des missions » des opérations déléguées ; cela peut concerner les informations sur l’identité du débiteur et les références de sa dette (référence d’un avis d’imposition par exemple) de façon à permettre la bonne imputation comptable des paiements ;

– et du « financement, [de] la conception, [de] la réalisation, [de] lexploitation, [de] lentretien et [de] la maintenance du dispositif technique nécessaire à la mise en œuvre des missions » confiées ; cela pourrait inclure la mise en place d’une application informatique dédiée qui contribuera également à la bonne imputation comptable des paiements.

3.   Les exceptions au recours de prestataires extérieurs pour des motifs d’ordre public ou de droit européen

Le dispositif proposé prévoit, au B du I, un certain nombre d’exceptions au recours à des prestataires extérieurs. Ces exceptions sont fondées sur des motifs d’ordre public ou de droit européen.

En premier lieu, comme vu précédemment, les établissements publics locaux d’enseignement sont exclus ainsi que les CREPS. Pour ce type de créanciers, le Gouvernement a estimé que le recours à des prestataires extérieurs serait inadapté.

En deuxième lieu, il est prévu que ne puissent pas être confiées à des prestataires extérieurs les opérations au titre desquelles le droit européen prévoit la possibilité de payer auprès d’un comptable public ou lorsque le paiement emporte un pouvoir libératoire de circulation des marchandises. Il s’agit essentiellement d’opérations portant sur le champ douanier.

Enfin, en troisième lieu, il est prévu que puissent également être exclues par décret les opérations qui ne relèvent pas du paiement de l’impôt. Il s’ensuit que dans un premier temps le champ d’application du présent article pourrait être limité aux recettes fiscales ce qui justifie son intitulé, non normatif, choisi par le Gouvernement.

Le Gouvernement a indiqué au Rapporteur général que seront exclus par décret du dispositif certains secours d’extrême urgence versés aux sinistrés en cas de catastrophe naturelle, les frais liés aux missions d’investigation, de renseignement ou de protection des forces de l’ordre ou encore certains scellés judiciaires.

Les exceptions seront donc de nature résiduelle et motivées par des motifs d’ordre public ou d’urgence. À ce stade, le montant exact du numéraire résiduel qui restera manié au sein du réseau de la DGFiP n’est pas évalué par le Gouvernement car les exceptions à prévoir par décret sont en cours de recensement.

Des alternatives au paiement en numéraire sont, en outre, en cours d’expertise (par exemple, la généralisation des virements bancaires pour les remboursements ou l’utilisation de cartes prépayées). En effet, selon le Gouvernement, dans de nombreux cas, le déplacement d’un usager au guichet pour obtenir un remboursement en numéraire ne se justifie pas et des alternatives plus pratiques, à la fois pour les usagers et les services, doivent être recherchées.

4.   Les garanties encadrant le recours aux prestataires extérieurs

Il est précisé dans l’exposé des motifs du présent article que les prestataires seront choisis au terme d’une procédure de mise en concurrence en conformité avec le code des marchés publics.

Le dispositif proposé instaure également (au II) un certain nombre de garanties relatives au contrôle (au 1 du II), au secret professionnel (au 2 du II), à la comptabilisation des opérations, à l’insaisissabilité et l’indisponibilité des fonds (au 3 du II), à la communication à l’État de l’identité du personnel autorisé à les effectuer (au 4 du II), au reversement des fonds au Trésor (au 5 du II), et à la garantie financière des prestataires (au 6 du II).

Il fixe à 300 euros le seuil maximal de paiement en espèces (au III).

a.   Le contrôle

L’exercice des missions confiées au prestataire extérieur sera « soumis au contrôle de lÉtat, exercé par les mêmes services que ceux contrôlant les comptables publics ».

L'inspection générale des finances mais également les services spécialisés d'audit de la DGFiP (missions départementales risques et audit), pilotés par la mission risques et audit (MRA), seront donc compétents pour contrôler ces prestataires par application de l’article 62 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique,

Par ailleurs, le marché public conclu entre le prestataire et l’État devrait également contenir des clauses de contrôle. Le présent article prévoit en effet que le décret d’application définira les règles « de reddition des comptes » et « d’évaluation des conditions d’exercice ».

Il est précisé que le contrôle comportera « des investigations dans les locaux du prestataire pour sassurer notamment de la fiabilité du dispositif technique et des traitements mis en œuvre dans lexercice des missions ».

b.   Le secret professionnel

Le prestataire et son personnel seront « tenus à lobligation de secret professionnel définie aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal ».

Le secret professionnel

La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende (article 226-13 du code pénal).

L’article 226-14 du code pénal prévoit des exceptions au secret professionnel « dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret » ou encore en cas de sévices infligés à des personnes vulnérables.

c.   La comptabilisation des opérations

Le prestataire extérieur devra être titulaire d’un compte bancaire « spécifiquement dédié aux mouvements financiers liés aux opérations qui lui sont confiées ».

Les opérations devront faire l’objet « dune comptabilité séparée retraçant lintégralité des produits et des charges constatés et des mouvements de caisse ».

Ce mode de comptabilisation facilitera les contrôles. Il est d’ailleurs également prévu que cette comptabilité devra être tenue « à disposition de lÉtat, de même que tout document permettant à ce dernier dassurer le contrôle des missions ».

d.   L’insaisissabilité et l’indisponibilité des fonds

Les sommes figurant sur le compte bancaire dédié du prestataire seront « insaisissables, sauf au profit de lÉtat ». Elles ne pourront « donner lieu à aucun placement par le prestataire ».

Cette disposition a pour but de garantir que les fonds recueillis seront bien destinés au Trésor. Ils ne pourront être saisis par un créancier, même en cas de faillite du prestataire. De même, ils ne pourront faire l’objet d’un placement financier afin d’éviter tout risque de pertes.

e.   La communication de l’identité du personnel à l’État

Le prestataire devra communiquer à l’État « lidentité des personnels quil autorise à exécuter les missions » déléguées.

f.   Le reversement des fonds au Trésor

Le prestataire devra consolider « chaque jour les sommes encaissées » sur le compte bancaire dédié aux opérations déléguées. Il devra reverser ce qui revient au Trésor public « par virement, le jour ouvré suivant les opérations dencaissement et de décaissement ».

g.   La garantie financière

Le prestataire devra fournir « une garantie financière assurant le reversement au Trésor public des sommes encaissées ». Cette garantie pourrait prendre la forme d’un cautionnement bancaire.

h.   Le seuil maximal de paiement en espèces

Le présent article modifie l’article 1680 du CGI pour rétablir à 300 euros le seuil maximal de paiement en espèces.

Pourtant, l’année dernière, l’article 74 de la seconde loi de finances rectificative pour 2017 avait permis par décret d’abaisser entre 60 et 300 euros le seuil maximal de paiement en espèces.

En conséquence, le présent article (au VII) abroge le II de l’article 74 précité qui prévoyait qu’avant le 1er septembre, le Gouvernement remette « un rapport au Parlement évaluant les conséquences » de l’abaissement du seuil maximal de paiement en espèces « sur le volume des règlements en numéraire et sur les capacités de règlement des ménages les plus en difficulté ou non-bancarisés ».

5.   L’entrée en vigueur et les modalités d’application

Le présent article procède à des mesures de coordination (au IV) et renvoie à un décret pour les modalités d’application (au V) portant notamment sur « les modalités de reddition des comptes auprès de lÉtat et dévaluation des conditions dexercice et de la qualité du service rendu » ainsi que sur « les règles dimputation des opérations du prestataire dans les écritures du comptable public ».

Il précise (au VI) que l’entrée en vigueur interviendra par décret au plus tard avant le 1er juillet 2020. Toutefois, une entrée en vigueur anticipée « dans certains territoires » sera également possible « afin de permettre de préciser les conditions matérielles de mise en œuvre du nouveau dispositif ».

Selon l’exposé des motifs, « cette mesure permettra à ladministration des finances publiques de ne plus manier despèces à un horizon de deux à trois ans ».

En effet, le dispositif proposé prévoit, au C du I, que les comptables publics ne pourront plus effectuer les opérations qui auront été confiées à un prestataire extérieur. Autrement dit, la délégation mise en œuvre devra être totale si bien qu’aucun maniement résiduel d’espèces par la DGFiP ne devrait subsister.

6.   Le mode de choix des prestataires

Le ou les prestataires seront choisis en respectant les règles de la commande publique, dans le cadre d’une mise en concurrence. Il n’est, dès lors, pas possible de se prononcer à ce stade sur l’issue de cette procédure, qui permettra de retenir les prestataires présentant l’offre la plus avantageuse et robuste compte tenu notamment du maillage territorial proposé et de leur capacité technique à assurer ces prestations pour le compte de l’État.

Le Rapporteur général a toutefois interrogé le Gouvernement pour obtenir des précisions sur les modalités de choix des prestataires.

Le Gouvernement a répondu que des études étaient d’ores et déjà en cours auprès de différents opérateurs susceptibles de répondre aux besoins afin de préparer la passation de ce marché. Des contacts ont été pris avec des opérateurs du domaine bancaire ou du transport de fonds ainsi qu’avec des réseaux disposant d’un maillage territorial dense et réalisant déjà des encaissements en numéraire, comme les buralistes, étant rappelé que le marché prévu devrait autoriser les prestataires à recourir à des sous-traitants.

Le Gouvernement a également précisé que la procédure de mise en concurrence se décomposera en plusieurs marchés publics, en fonction de la nature des opérations réalisées. Selon les types de prestations, différents profils de prestataires sont envisageables.

Un premier marché public permettra de confier à un prestataire externe les opérations d’approvisionnement et de dégagement de fonds des clients bancaires de la DGFiP, des régisseurs et de ses postes comptables (usagers « institutionnels »). Ce lot constitue une prestation de type bancaire, auquel sont susceptibles de répondre des banques de réseau présentant un maillage territorial dense ou, sous certaines conditions, des transporteurs de fonds. Le prestataire devra proposer à ces déposants institutionnels une solution sécurisée, permettant de minimiser les déplacements avec du numéraire et de manipuler le numéraire dans un lieu sécurisé.

Un second marché public visera à confier à un prestataire (qui pourra être distinct) les prestations d’encaissement et de décaissement réalisées vis-à-vis actuels usagers de la DGFiP, principalement des particuliers. Les prestataires devront être en mesure d’accepter les encaissements en numéraire et en carte bancaire. Ils devront également être équipés pour lire les dispositifs de lecture optique qui figureront sur les documents transmis au contribuable (factures, avis d’imposition). Ils devront présenter des garanties s’agissant de l’accueil des usagers (plages horaires et jours d’ouverture au moins équivalents à ceux actuellement offerts dans les centres des finances publiques). Leur maillage territorial devra être d’une densité au moins équivalente à celle du réseau de la DGFiP, pour maintenir la qualité du service offert aux usagers. Actuellement, plus de 2 600 implantations (services des impôts des particuliers, trésoreries) acceptent des paiements en numéraire des usagers.

B.   L’IMPACT ATTENDU

1.   Des gains de productivité limités pour la direction générale des finances publiques

Le dispositif proposé fait partie, selon l’exposé des motifs du présent article, du plan de transformation du ministère de l’action et des comptes publics.

L’évaluation préalable mentionne que le nombre d’opérations en numéraire effectuées chaque année par la DGFiP s’élève à 4 millions et que l’on peut estimer le temps moyen par opération à trois minutes.

Sur la base de ces chiffres, on peut dès lors estimer à seulement 125 postes équivalents temps pleins qui pourraient être affectés à d’autres tâches.

Par ailleurs, le coût du transport des fonds en numéraire que la DGFiP pourrait économiser chaque année est lui-même assez faible (6 millions d’euros).

Le gain lié au dispositif proposé doit, en outre, être apprécié au regard du coût de la rémunération des prestataires extérieurs qui sera prise en charge par la DGFiP. L’évaluation préalable est muette sur ce point.

Comme l’admet le Gouvernement dans l’évaluation préalable, « la recherche de gain de productivité de court terme nest pas lobjectif premier de cette mesure ».

Deux autres objectifs sont mis en avant : l’amélioration des conditions de travail des agents et le renforcement de la sécurité par une diminution des risques de vols à main armée.

Des doutes peuvent toutefois être formulés sur chacun de ces objectifs.

En premier lieu, les syndicats de la DGFiP n’ont pas soutenu ces dernières années les mesures prises pour limiter les paiements en espèces. Bien au contraire, ils ont fait valoir que cela pouvait « compliquer la gestion de laccueil » des usagers ([254]).

En deuxième lieu, un réseau de proximité externe en charge des encaissements en numéraire serait tout autant exposé au risque sécuritaire.

2.   Une amélioration du service rendu aux usagers et un soutien aux réseaux de proximité

Le dispositif proposé peut se justifier pour d’autres raisons.

S’il ne permet pas, à l’évidence, de réaliser des gains significatifs de productivité pour l’administration, il peut en revanche contribuer à améliorer l’offre de service à la disposition des usagers. En effet, l’encaissement en numéraire des plus petites créances fiscales par des prestataires extérieurs peut constituer une solution aux usagers qui habitent loin d’une trésorerie.

Pour rappel, selon lobservatoire de linclusion bancaire, 500 000 personnes en France ne disposent pas de compte bancaire ([255]).

Certes, le risque est que la mise en place d’un réseau de prestataires extérieurs de proximité incite par la suite à la suppression de nouvelles trésoreries ou de nouveaux services des impôts des particuliers.

Mais, a contrario, le transfert d’une nouvelle activité peut soutenir des réseaux de proximité en difficulté. On pense, en particulier, au réseau des agences postales qui est menacé par la baisse de l’activité liée au courrier, ou encore au réseau des buralistes dont le modèle économique ne peut plus reposer sur la seule vente des produits du tabac. Ce réseau est d’ailleurs déjà utilisé pour la vente des timbres-fiscaux et des timbres-amendes.

Selon l’exposé des motifs, « les prestataires seront sélectionnés notamment en fonction de leur bonne implantation géographique et de leur capacité technique à assurer ces prestations pour le compte de lÉtat ».

Le réseau de proximité de la direction générale des finances publiques (DGFiP)

Avec plus de 4 000 points de contact sur l’ensemble du territoire, le réseau de la DGFiP est le plus dense des administrations d’État derrière celui de l’éducation Nationale.

La DGFiP s’appuie sur un réseau infra-départemental dense pour la conduite de ses deux principales missions, en matière fiscale d’une part, et en matière de gestion publique, d’autre part. 63 % des agents de la DGFiP travaillent dans ses services infra-départementaux (20 % dans les directions déconcentrées, et 17 % en administration centrale et dans les directions nationales).

En matière fiscale, les unités de base du réseau de la DGFiP sont les services des impôts des particuliers et des entreprises (SIP/SIE), les services de la publicité foncière et les centres des impôts fonciers (1 803 implantations en 2016).

En matière de gestion publique, au 1er janvier 2018, plus de 2 000 trésoreries sont réparties sur le territoire pour exécuter dépenses et recettes des collectivités territoriales et des hôpitaux (elles étaient au nombre de 2 456 en 2016 dont 1 525 dédiées aux collectivités territoriales). Plus de 1 600 d’entre elles comptent moins de 10 agents dont plus de 600 ont moins de 5 agents.

Parmi elles, la DGFiP comptait 886 trésoreries mixtes offrant un accueil fiscal de proximité en milieu rural. Elles sont en mesure de répondre aux questions d’assiette de premier niveau. Pour les questions plus complexes, les agents des trésoreries doivent enregistrer les demandes et les transmettre au SIP de rattachement.

Selon la Cour des comptes, la DGFiP compte un trop grand nombre de petites unités qui ne permettent plus d’assurer un niveau suffisant de qualité et de continuité dans le service.

La Cour des comptes a recommandé une profonde révision de la carte des implantations. Elle a suggéré la fermeture des trésoreries dont les effectifs ne permettent pas d’assurer un service continu et de qualité.

Elle a également plaidé pour qu’un certain nombre des services d’accueil soient transférés sur des sites partagés avec d’autres entités publiques. Elle a souligné à ce titre que La Poste avait participé au déploiement des maisons du service public (MSP) et en abritait aujourd’hui 500, ce qui lui avait permis de réduire ses coûts de réseau en les mutualisant, à la fois avec les autres services de l’État et avec les collectivités territoriales qui participent au financement.

Source : Cour des comptes, La DGFiP, 10 ans après la fusion, juin 2018 (lien).

3.   Un dispositif qui ne peut s’assimiler à un prélude à la privatisation du recouvrement de l’impôt

Le présent article ne peut pas être assimilé à un prélude à la privatisation du recouvrement de l’impôt.

Le champ du dispositif proposé est, en effet, limité aux opérations en espèces et à certains paiements par carte bancaire. Il s’applique, en outre, aux seuls paiements spontanés. Il exclut donc la plupart des paiements, effectués de manière scripturale, ainsi que les recouvrements forcés.

Le dispositif proposé s’inscrit pleinement dans une revue des missions à laquelle la Cour des comptes appelait de ses vœux. « Laissée de côté depuis la fusion [de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique] la question du périmètre des missions mérite aujourdhui dêtre ouverte » ([256]).

La Cour des comptes n’a pas recommandé une privatisation de la mission du recouvrement des impôts ni même le recours à des prestataires extérieurs pour certaines opérations.

Toutefois, pour la Cour des comptes « le canal numérique doit désormais être admis et affiché comme le mode normal déchange de la DGFiP avec tous ses interlocuteurs, y compris les particuliers ». S’agissant des collectivités territoriales, elle a suggéré de recentrer la mission de conseil au motif que « les plus petites utilisent les analyses financières produites gratuitement par la DGFiP mais nexpriment pas dattente forte en la matière ».

*

*     *

La commission examine les amendements de suppression II-CF1153 de Mme Christine Pires Beaune et II-CF1309 de Mme Sabine Rubin.

Mme Christine Pires Beaune. Si je comprends l’objectif poursuivi par la DGFiP de limiter les risques de sécurité, mais aussi – même si c’est moins mis en avant – de réaliser des économies en termes de personnel, j’entends me placer du côté des usagers.

4 millions d’opérations en espèces sont encore effectuées au guichet de la DGFiP. Au vu du chiffre global, cela peut sembler effectivement très peu. Mais ceux qui utilisent ces moyens de paiement sont essentiellement des personnes âgées ou des publics très défavorisés. Or on n’a même pas pris la peine d’interroger ceux qui distribuent des secours d’urgence ou les centres communaux d’action sociale. Je me demande vraiment à quoi sert une étude d’impact ! C’est pourquoi je propose, par mon amendement, de supprimer l’article 63.

M. Éric Coquerel. L’article 63 autorise l’encaissement de recettes fiscales par un organisme autre que le comptable public. Autrement dit, il s’agit de permettre à des prestataires extérieurs de collecter des recettes fiscales et des dus des particuliers.

J’estime pour ma part que nous avons une administration fiscale que le monde entier nous envie. Voilà la réalité. C’est grâce à elle que la France a un État qui tient encore le coup. Or, entre les suppressions de postes à Bercy et l’introduction de l’impôt à la source, nous sommes en train d’affaiblir toujours plus l’administration fiscale. Avec la disparition des centraux locaux des finances publiques, qui a déjà commencé, mais qui va s’accélérer, nous nous retrouverons dans quelques années à pleurer la perte d’une de nos compétences régaliennes, et non des moindres. Pour toutes ces raisons, notre amendement II-CF1309 propose de supprimer cet article.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable. Je suis convaincu que le nouveau système proposé garantira une plus grande proximité pour les usagers. Il permettra à un réseau de prestataires déjà présent sur le territoire mais relativement fragilisés sur des territoires ruraux – par exemple le réseau de La Poste ou celui des buralistes – de bénéficier de nouvelles activités. Cela me paraît un élément particulièrement favorable pour la ruralité.

Mme Christine Pires Beaune. Votre réponse m’étonne : il est indiqué dans l’étude préalable, que l’État va lancer un appel d’offres. Est-ce à dire que c’est La Poste qui sera retenue ?

M. le Rapporteur général. L’appel d’offres est de droit, mais peu d’entreprises sont capables d’y répondre. Les réseaux de proximité des buralistes et de La Poste me semblent être ceux qui sont le mieux implantés sur le territoire.

M. Éric Coquerel. Je vous trouve très optimiste, monsieur le Rapporteur général. Car il y a de plus en plus de services de colis qui se développent. Lorsque je vois l’affaiblissement en cours des services publics et la transformation progressive de La Poste, qui s’éloigne de plus en plus du modèle de l’entreprise publique qu’elle devrait rester, je ne suis pas rassuré par votre réponse. Ou alors, si vos intentions sont précisément celles que vous prétendez, préparez un autre article qui garantirait la sauvegarde des bureaux de poste en leur confiant une mission supplémentaire de service public ; mais rien de cela ne figure dans l’article que nous examinons.

M. Charles de Courson. Je ne suis pas du tout contre cet article. Mais je me pose quelques questions sur le régime juridique de ces personnes privées qui vont recouvrer des fonds publics. Quelle sera leur responsabilité au regard de recouvrement de ces recettes publiques ? On maintient en effet la possibilité de payer en espèces, mais chez un tiers privé : dès lors, quel sera le régime juridique applicable à ce tiers ?

M. le Rapporteur général. Dans le questionnaire que j’ai adressé à Bercy à propos de cet article, il nous a été répondu que, compte tenu du fait qu’il s’agit d’une mission de service public, les contrôles sur ces opérations seront effectués par les mêmes services que s’il s’agissait d’une administration, c’est-à-dire l’Inspection générale des finances et les services de contrôle interne classique.

M. Charles de Courson. Les buralistes jouiront donc d’un statut de régisseur et les contrôles effectués sur eux seront ceux qui s’exercent sur des régisseurs ?

M. le Rapporteur général. Ce ne seront pas des régisseurs, mais ils seront contrôlés de la même façon que s’il s’agissait de régisseurs.

M. Charles de Courson. Que se passera-t-il si des gars piquent dans la caisse ?

M. le Rapporteur général. L’article prévoit que le prestataire devra fournir une garantie financière.

M. le président Éric Woerth. Autrement dit, cela se finira mal !

M. Charles de Courson. Mais au regard des comptables publics ? Le statut de régisseur n’est pas un statut de comptable, car c’est le comptable qui est responsable du régisseur. Quelle sera la responsabilité du comptable signataire à l’égard du réseau chargé de recevoir le paiement en espèces, à savoir vraisemblablement le réseau postal ? Imaginons que j’aille payer mes impôts locaux à La Poste, qui virera les fonds au comptable signataire. Mais quelle sera la responsabilité de ce dernier vis-à-vis du réseau collecteur ? Voilà la question que je me pose.

M. le président Éric Woerth. Les buralistes encaissent déjà les paiements des timbres fiscaux.

M. Charles de Courson. Mais là, on n’achète pas quelque chose, on paie ses impôts.

M. Jean-Paul Mattei. Je soutiendrai cet article, car il va dans le bon sens. Prenons l’exemple d’un débitant de tabac : son traité de gérance est bien encadré et n’est accordé qu’après des enquêtes de moralité. Cela existe déjà et c’est très bien organisé.

Cela montre qu’on peut tout à fait mettre en place des tiers de confiance investis de responsabilités et liés par des engagements financiers s’ils exécutent mal leur mission. Les agences postales communales fonctionnent aussi très bien.

M. Charles de Courson. Mais il y a aussi un problème constitutionnel : le législateur s’est déjà vu taper sur les doigts, le Conseil constitutionnel considérant que certaines fonctions régaliennes de l’État ne sont pas délégables. Ne risque-t-on pas une censure constitutionnelle ?

M. François Jolivet. Concernant les dettes contractuelles encaissées par les comptables publics, il existe déjà des conventions avec des réseaux bancaires, qui portent bien sur des deniers publics. L’article 63 se borne à étendre cette possibilité de recouvrement à des dettes fiscales. En tous les cas, pour les dettes contractuelles des collectivités territoriales et des établissements publics, cela ne pose apparemment pas de problème : les ordonnateurs sont contrôlés par la chambre régionale des comptes, ainsi que les comptables. Ayant subi ce type de contrôle par le passé, je n’ai jamais eu de soucis.

M. Éric Coquerel. Je ne suis pas sûr que tous les collègues aient lu l’exposé des motifs : « Les prestataires seront sélectionnés notamment en fonction de leur bonne implantation géographique et de leur capacité technique à assurer ces prestations pour le compte de l’État. »

Les réponses apportées par le Rapporteur général aux excellentes questions de Charles de Courson sortent donc du cadre de l’article. Le cadre défini par le projet de loi est en réalité très ouvert. On veut que les buralistes puissent maintenant percevoir l’impôt ; ce n’est tout de même pas du tout la même chose que de recevoir le paiement d’une amende !

Qui plus est, des prestataires financiers privés pourraient essayer de répondre à l’appel d’offres. Et si l’on estime qu’ils doivent en être exclus, parce qu’ils n’en ont précisément pas la capacité, il faut l’écrire quelque part. Mais tel que cet article est rédigé, je vous assure qu’il y a vraiment du flou dans cette histoire.

Au-delà de mes critiques de fond relatives aux compétences, à mon sens exclusives, de l’administration fiscale, il faudrait à tout le moins, si on veut ouvrir à la concurrence, mieux cadrer les choses.

M. le Rapporteur général. Monsieur de Courson, si le Conseil constitutionnel a effectivement réagi, c’est au sujet des gardiens de prison, ce qui n’est quand même pas tout à fait la même chose que des buralistes en termes de pouvoir régalien.

Mme Christine Pires Beaune. Effectivement, les buralistes encaissent déjà des droits d’amende. Mais je voudrais poser la question du sacro-saint secret fiscal, qui couvre l’encaissement des impôts par un tiers privé. Ou bien va-t-on considérer que, pour les petites gens qui payent des petits impôts, le secret fiscal n’a aucune importance ?

M. le Rapporteur général. Les clauses de soumission de l’appel d’offres portent également sur le secret fiscal ; des sanctions pénales sont prévues en cas de non-respect.

M. le président Éric Woerth. Le contribuable aura aussi le choix de payer ailleurs : il ne sera pas obligé d’aller au bureau de tabac d’à côté. Et elle pourra payer autrement : il y a quand même plusieurs canaux de paiement.

Mme Christine Pires Beaune. Les évaluations préalables ont bien montré que les gens qui utilisent encore ces moyens sont soit des personnes âgées, soit des personnes défavorisées. Par définition, elles n’iront pas payer ailleurs.

M. le président Éric Woerth. Mais les facteurs de la poste remettent déjà des recommandés. Qu’ils puissent ainsi avoir connaissance de certains sujets n’est pas considéré comme attentatoire au respect des données personnelles.

La commission rejette les amendements de suppression.

Puis elle adopte l’article 63 sans modification.

*

*     *

Après l’article 63

La commission examine l’amendement II-CF738 de Mme Valérie Rabault.

Mme Christine Pires Beaune. À l’inverse, cet amendement a pour but d’obliger les personnes morales, et uniquement les personnes morales, à utiliser ce nouveau moyen de paiement et à abandonner le paiement en espèces pour les personnes morales.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable. Pour commencer, votre amendement ne prévoit pas de seuil. Ensuite, il ne distingue pas entre professionnels et non professionnels.

Imaginez par exemple qu’on applique ces dispositions à une association qui voudrait payer avec les fonds de caisse issus de son activité. Je crois qu’il vaudrait mieux retirer votre amendement. Si vous voulez vraiment aller dans ce sens, il faut viser des catégories particulières, et donc revoir votre rédaction, et prévoir également un différé d’entrée en vigueur pour que la disposition soit efficace.

L’amendement est retiré.

La commission examine ensuite l’amendement II-CF1156 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Il s’agit d’un amendement de simplification. Vous savez qu’aujourd’hui, quand vous faites une déclaration et que vous vous rendez compte que vous vous êtes trompé, vous devez la refaire entièrement. Cela représente un coût administratif élevé qui, lorsqu’il s’agit de petites sommes, peut devenir tout à fait déraisonnable. C’est pourquoi mon amendement propose de permettre la régularisation de la base imposable de faible montant d’un exercice donné sur l’exercice suivant.

M. le Rapporteur général. Je comprends l’esprit de votre amendement et j’y souscris. Mais il me semble qu’il poserait des problèmes sur la détermination des règles de prescription du délai de contrôle par l’administration.

En outre, il faut faire attention au fait qu’une déclaration rectificative est systématiquement contrôlée avant obtention du dégrèvement d’imposition. Ce ne serait plus le cas en l’espèce, puisque le contribuable pourrait, en quelque sorte, imputer sans contrôle le dégrèvement qu’il réclame sur l’impôt dû au titre de de l’année suivante.

Si cet amendement part d’une très bonne idée, il ne peut être aussi général que vous le proposez et devrait être limité à des cas vraiment très simples et bien déterminés.

M. Charles de Courson. C’est bien la raison pour laquelle je proposais de le réserver à des rectifications de faible montant.

M. le Rapporteur général. En ce cas, il faut définir des seuils.

M. Charles de Courson. C’est précisément le but de l’arrêté ministériel prévu dans l’amendement.

M. le Rapporteur général. Au-delà des seuils, la notion de « cas simple » est importante. La nature de la rectification également.

M. Charles de Courson. L’amendement prévoit qu’un seuil limite, les modalités de l’option ainsi que le suivi de ces rectifications seront définis par arrêté ministériel. Obliger les entreprises à refaire entièrement leur déclaration pour un écart de 500 euros, ce n’est pas raisonnable ! Mais le problème est sans doute plutôt de nature gouvernementale.

L’amendement est retiré.

La commission examine ensuite l’amendement II-CF1228 de M. Jean-Noël Barrot.

M. Mohamed Laqhila. Cet amendement vise tout simplement à simplifier la vie des petites entreprises, et notamment celles qui sont soumises au régime simplifié de TVA. En effet, le régime simplifié de TVA donne lieu à deux acomptes, alors qu’auparavant il y en avait quatre.

Pour simplifier et étaler les mouvements de trésorerie de ces entreprises, l’amendement propose une déclaration et un paiement de TVA mensuels, le tout faisant l’objet d’une régularisation une fois par an.

M. le Rapporteur général. J’ai plutôt l’impression que vous allez imposer un surcroît de travail comptable aux entreprises, ce qui risque d’être un peu contre-productif. En outre, vous renvoyez au règlement le soin de fixer la périodicité. Mais ce point doit être fixé dans la loi, faute de quoi nous nous heurtons à un problème d’incompétence négative. Pour ces deux motifs, je suis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement II-CF1259 de M. Jean-Noël Barrot.

M. Mohamed Laqhila. Cet amendement vise également à simplifier la vie des petites entreprises.

M. le Rapporteur général. Je crois surtout que la disposition en question a été spécifiquement mise en place dans un but de lutte contre la fraude à la TVA. Pour ce seul motif, j’y serai déjà défavorable. Mais cet amendement peut aussi poser des problèmes au regard de la simplification informatique de la comptabilisation de la TVA dans les livres-journaux.

La commission rejette l’amendement.

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Article additionnel après l’article 63
Neutralité en matière de charge de la preuve de l’avis
du comité de l’abus de droit fiscal

La commission examine l’amendement II-CF1403 du Rapporteur général.

M. le Rapporteur général. Cet amendement vise à réparer une anomalie dans les procédures fiscales.

Avant toute chose, je précise que c’est un dispositif qui ne va en aucun cas faciliter l’évitement fiscal ou conduire au laxisme pour ceux qui échappent à l’impôt. Ce n’est pas son objet et ce ne sera d’ailleurs pas non plus son effet. J’ai à cette fin pris l’attache des services du contrôle fiscal, afin de connaître leur point de vue. Ils n’y sont pas opposés, dans la mesure où l’amendement ne dégrade pas la position de l’administration pour les redressements.

Dans le cadre de la procédure d’abus de droit, la loi offre aux contribuables une garantie, à savoir la saisine du comité de l’abus de droit, qui donne un avis sur le redressement fait par l’administration. Mais si cet avis va dans le sens de l’administration, la charge de la preuve s’inverse : c’est au contribuable de prouver qu’il n’a pas commis d’abus de droit. Cela me semble contraire au droit dans ce pays, puisque c’est bien à l’administration qu’il revient normalement d’apporter la charge de la preuve.

Je propose donc qu’on en revienne, sur ce plan, au droit commun, dans un souci d cohérence.

M. le président Éric Woerth. Cette question n’a-t-elle pas été traitée dans les lois de lutte contre la fraude ou dans les lois de simplification ?

M. le Rapporteur général. Non.

La commission adopte l’amendement II-CF1403 du Rapporteur général (amendement II-2006).

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Après l’article 63

La commission examine l’amendement II-CF1163 de Mme Sabine Rubin.

M. Éric Coquerel. Cet amendement vise à renforcer notre arsenal juridique, par la mise en place d’un délit d’incitation à la fraude fiscale.

Notre groupe avait proposé cet amendement au moment de l’examen de la loi sur la fraude fiscale. Malheureusement, j’ai l’impression que nous avons eu le nez creux : quelques semaines après éclairait le scandale des « CumEx files » !

Le premier amendement, II-CF1350, que nous vous proposions après l’article 48, et que vous n’avez pas voulu adopter, visait directement les montages « CumCum », autrement dit « légaux ». Celui-ci vise les montages de type « CumEx », qui sont illégaux. Il vise justement à faire en sorte que celui qui incitera à ce type de montage soit puni ou, en tout cas, que la sanction possible soit tellement lourde qu’elle ait un effet dissuasif.

Je rappelle que, malheureusement, le journal Le Monde révèle dans son article sur les « CumEx files » que beaucoup de très grandes banques françaises ont trempé dans ce véritable scandale, qui aura coûté 3 milliards d’euros à l’État. Il est également utile de rappeler que notre proposition s’appuie sur un rapport d’enquête de la commission sénatoriale portant sur le rôle des banques et des acteurs financiers dans l’évasion fiscale, rapport rendu public le 17 octobre 2013. Or, depuis cette date, la situation n’a fait que s’aggraver.

M. le Rapporteur général. C’est d’ailleurs à ce titre que, depuis 2013, l’amendement est proposé chaque année et que les rapporteurs successifs répètent que la définition proposée de l’infraction est trop imprécise, ce qui rend le dispositif inconstitutionnel.

Je rappelle par ailleurs que l’article 19 de la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude a créé une amende fiscale pour les intermédiaires complices non seulement de fraude, mais aussi de graves manquements. C’est déjà une avancée majeure, dont votre amendement ne tient absolument pas compte. Par ailleurs, en vertu de l’article 1742 du CGI, les complices de fraude fiscale peuvent être poursuivis pénalement : la sanction est un emprisonnement de cinq ans et une amende de 500 000 euros, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction, ce qui me semble relativement dissuasif...

Avis défavorable donc, pour ces deux raisons : un, l’arsenal est suffisant ; deux, votre amendement n’est pas constitutionnel.

M. Éric Coquerel. Pour ce qui est du « un », c’est votre avis : j’observe que les fraudeurs et ceux qui incitent à la fraude vont plus vite que la législation. Pour ce qui est du « deux », vous nous faites souvent cette réponse, mais vous n’êtes pas le Conseil constitutionnel. C’est au Conseil constitutionnel de dire si un article jugé nécessaire par le législateur est valable ou pas, et non à l’un d’entre nous. Ce genre d’argument d’autorité transforme de fait un rapporteur en juge constitutionnel, mais ce n’est pas votre rôle.

M. le président Éric Woerth. Il relève tout de même du rôle du rapporteur de dire s’il estime qu’existe un risque inconstitutionnel.

M. Éric Coquerel. Ce n’est pas la même chose de dire qu’il existe un risque inconstitutionnel que de dire qu’une proposition n’est pas constitutionnelle. Il y a une nuance, surtout lorsque les mots sont prononcés par une personnalité comme M. Giraud, sachant le poids qu’il a dans ces débats – et que je lui reconnais volontiers. Il faut faire très attention, La Constitution peut être jugée de manière plus ou moins objective : mais c’est au Conseil constitutionnel, et non à nous, que cette tâche incombe.

M. le Rapporteur général. De jurisprudence constante en matière pénale, le Conseil constitutionnel a censuré toute phrase ou membre de phrase qui, parlant de la définition d’une infraction pénale, emploie le terme « notamment », ce qui en fait une définition imprécise et contraire à l’article VIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

La commission rejette cet amendement.

Elle examine ensuite l’amendement II-CF1164 de Mme Sabine Rubin.

M. Éric Coquerel. Cet amendement fait partie de ces dispositions dont je trouve incroyable qu’elles ne figurent pas déjà dans la loi. Il vise en effet à faire en sorte qu’une personne sanctionnée pour fraude fiscale ne puisse pas recourir au crédit ou à la réduction d’impôt sur le revenu pour payer ce qu’il doit au fisc. Il paraît tellement évident qu’il n’est pas convenable de faire de tels cadeaux à un fraudeur.

M. le Rapporteur général. Cet amendement a déjà été déposé dans le cadre du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude et rejeté, tout simplement parce qu’il mélange deux choses : les règles d’imposition et le droit pénal. Le juge pénal dispose d’un très large éventail de peines. Avis défavorable.

La commission rejette cet amendement.

Puis elle examine l’amendement II-CF1162 de Mme Sabine Rubin.

M. Éric Coquerel. Cet amendement vise à lutter contre une des fraudes les plus importantes. Les douanes, quand nous les avons auditionnées, nous ont rappelé que la fraude à la TVA est une véritable plaie en Europe, estimée à 14 milliards d’euros par la Commission européenne. Nous proposons d’instaurer une démarche préventive dans l’attribution du numéro de TVA, à l’exemple de ce qui se pratique en Belgique, c’est-à-dire que l’attribution ne se fasse pas de manière automatique mais que l’administration conduise une petite enquête pour déterminer s’il faut ou non attribuer un numéro individuel. Quand nous l’avions présenté en commission lors de l’examen du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude, la rapporteure nous avait répondu que l’administration était déjà en droit de procéder à cette enquête. Il est donc reconnu que c’est utile. Notre amendement vise à rendre cette enquête obligatoire.

M. le Rapporteur général. Cela a en effet déjà été vu dans le cadre de la loi « fraude » et rejeté au motif essentiellement que l’administration fiscale doit conserver une marge de manœuvre qui lui permette d’allouer sa force de travail et ses contrôles de la manière la plus pertinente. J’en reste à cette position. Avis défavorable.

La commission rejette cet amendement.

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Article additionnel après l’article 63
Remise d’un rapport au Parlement sur la fiscalité écologique
et les instruments fiscaux incitant à la prévention des atteintes portées à l’environnement

La commission examine, en discussion commune, les amendements IICF1240 de M. Bruno Millienne, II-CF468 de Mme Bénédicte Peyrol et IICF1241 de M. Bruno Millienne.

M. Bruno Millienne. L’amendement II-CF1240 vise à proposer, dès le projet de loi de finances pour 2020, un « jaune budgétaire » relatif à la fiscalité environnementale. La fiscalité écologique ne fait pas l’objet d’une gouvernance appropriée. Elle se doit d’être intégrée dans une stratégie d’ensemble assurant sa cohérence avec les autres politiques environnementales et la stratégie budgétaire et fiscale. Lui consacrer un « jaune » est une première étape.

Mme Bénédicte Peyrol. Mon amendement II-CF468, qui va dans le même sens, est issu d’une recommandation du rapport que j’ai présenté devant la commission des finances et la commission du développement durable, avec quelques précisions sur la nécessité de préciser dans ce « jaune » le produit des recettes et de quelle manière ils s’inscrivent dans la dynamique de transition et les objectifs que nous nous sommes fixés. Je pense, monsieur Millienne, que nous pourrions travailler ensemble d’ici à la séance publique, car nous poursuivons le même objectif.

M. Bruno Millienne. L’amendement II-CF1241 est un amendement d’appel. Nous demandons pour la prochaine loi de finances un rapport sur la révision des aides publiques dommageables à la biodiversité. Cela nous permettra d’honorer nos engagements européens et internationaux en la matière. L’idée est de faire disparaître toutes les aides nuisibles à la biodiversité.

M. le Rapporteur général. Mme Peyrol vous a proposé un travail pour la séance. Je vous invite, monsieur Millienne, à retirer vos amendements au profit d’une cosignature avec Mme Peyrol, dont l’amendement me semble être plus complet, et à travailler ensuite à un éventuel sous-amendement.

M. Bruno Millienne. Je retire le premier mais pas le second : ce n’est pas tout à fait le même objectif.

L’amendement II-CF1240 est retiré.

La commission adopte l’amendement II-CF468 (amendement II-2406).

Puis elle rejette l’amendement II-CF1241.

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Après l’article 63

La commission examine l’amendement II-CF1167 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Dans la loi de finances pour 2017, nous avons unifié les modes de saisie de créances et notamment l’opposition administrative, devenue ce que l’on appelle la saisie administrative à tiers détenteur. Le problème est que nous n’avons pas prévu le cantonnement de cette mesure, c’est-à-dire le fait qu’il n’est pas nécessaire, pour une dette de 100 euros au fisc, de bloquer un compte de 1 000 euros à hauteur de 1 000 euros. Mon amendement consiste donc à créer un système de cantonnement permettant un meilleur fonctionnement de la saisie administrative à tiers détenteur, pour ne pas mettre un contribuable défaillant dans une grande difficulté.

M. le Rapporteur général. Vous proposez quelque chose qui existe déjà dans le droit commun, qui permet un cantonnement. Je pense donc que votre amendement est satisfait ; encore faut-il que le Gouvernement le confirme. Je vous propose de l’interroger au banc et, s’il s’avère que le cantonnement n’est en effet pas prévu, je donnerai en séance un avis favorable à votre amendement.

M. Charles de Courson. D’excellents juristes assurent que le cantonnement n’est pas prévu. Je retire l’amendement et je le redéposerai ; nous aurons ainsi une réponse ministérielle.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement II-CF389 de Mme Valérie Petit.

Mme Valérie Petit. Il s’agit d’un amendement d’évaluation des politiques publiques portant sur les contrats financiers signés entre l’État et les collectivités territoriales. Il est prévu que le Gouvernement en dresse un bilan en 2020, juste avant le débat d’orientation des finances publiques (DOFP). Nous proposons que ce bilan soit transmis au Parlement et fasse l’objet d’un débat sur la reconduction du dispositif. Nous introduisons en fait une clause de revoyure.

M. le Rapporteur général. Dans la loi de programmation des finances publiques, il est prévu que le Gouvernement dresse un bilan de l’application des dispositions de l’article 13 et du présent article ; ce bilan tient compte du rapport public annuel du Conseil national d’évaluation des normes prévues à l’article L. 1212-2 du CGCT. Il faut souligner la pertinence de la loi de programmation, qui instaure un bilan de l’application de ces dispositions un an et demi après leur application : c’est conforme à la méthode d’évaluation prônée par notre majorité parlementaire. Ce bilan fera l’objet d’un débat puisqu’il devra être dressé avant le DOFP du projet de loi de finances 2020. En outre, la rédaction ne me paraît pas très conforme à l’article 48 de la Constitution, laquelle prévoit que l’ordre du jour est fixé par chaque assemblée, avec un partage de celui-ci entre le Gouvernement et le Parlement. Je vous invite à retirer l’amendement.

Mme Amélie de Montchalin. Comme l’objectif est en ligne avec notre objectif d’ajuster les dispositifs après leur mise en œuvre en fonction de ce qui se passe sur le terrain, je me demandais, monsieur le Rapporteur général, si nous ne pourrions pas organiser nous‑mêmes ce travail au sein de la délégation aux collectivités territoriales. Je serais ravie d’en discuter avec Valérie Petit. Les parlementaires peuvent se saisir eux-mêmes de ces évaluations dans les structures qui existent au sein de notre assemblée.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie des amendements identiques II-CF408 de M. Michel Castellani, II-CF435 de Mme Véronique Louwagie et II-CF742 de Mme Christine Pires Beaune.

M. Michel Castellani. Le dispositif relatif à la contractualisation financière figurant dans la loi de programmation des finances publiques prévoit une limitation de l’évolution des dépenses de fonctionnement prenant pour référence un taux prévisionnel d’évolution d’indice des prix de 1 % en 2018 et 1,1 % en 2019. Or nous constatons que l’inflation connaît un sursaut, ce qui aggrave la contrainte qui pèsera sur les collectivités territoriales. Mon amendement a donc pour objet d’intégrer le niveau réel d’inflation dans le calcul de l’objectif national d’évolution des dépenses de fonctionnement des collectivités.

M. Thibault Bazin. Pour notre trajectoire financière des politiques publiques, nous avions établi la fameuse règle d’évolution des dépenses réelles de fonctionnement de 1,2 %, liée à une évolution de l’indice des prix à la consommation de 1 % en 2018 et 1,1 % en 2019. Or l’inflation atteint 1,6 % en 2019 et il est prévu 1,3 % en 2019, bien au-dessus des prévisions. L’amendement II-CF435 a pour objet de demander au Gouvernement d’évaluer, pour chaque annuité, l’impact financier que représente pour les collectivités territoriales ce ressaut d’inflation constaté et de formuler des propositions pour ajuster l’objectif national d’évolution des dépenses réelles de fonctionnement, devenu de facto obsolète.

Mme Christine Pires Beaune. Mon amendement vise également à compléter le bilan déjà prévu dans la loi de programmation, à l’article 13, notamment par rapport à l’inflation. Au moment où le Gouvernement prépare le projet de loi de finances, le taux d’inflation est souvent différent de la réalité constatée, et nous avons en même temps cet objectif de 1,2 %. Il serait logique d’ajouter cet élément.

M. le Rapporteur général. Je préconise le retrait de ces amendements et leur présentation en séance pour que le Gouvernement réponde à cette interrogation et prenne l’engagement que ces éléments, essentiels, figureront dans son bilan de la loi de programmation.

M. le président Éric Woerth. Cela soulève en tout cas un vrai problème.

M. Thibault Bazin. Je maintiens mon amendement car c’est un sujet essentiel et nous avons besoin de clarté, surtout si nous voulons renouer le contact avec nos collectivités.

M. Michel Castellani. Je maintiens aussi mon amendement. La loi établit une estimation artificielle du rythme d’évolution des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales. Il ne s’agit pas de laisser déraper celles-ci, mais on ne peut pas non plus laisser augmenter à l’infini le différentiel entre les compétences déléguées et les moyens réels d’intervention.

La commission rejette les amendements.

Elle examine ensuite l’amendement II-CF414 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. Cet amendement rejoint la préoccupation exprimée tout à l’heure par M. Coquerel puisqu’il vise à demander au Gouvernement un rapport avant le 30 septembre 2019 pour évaluer les conséquences de l’évitement fiscal des entreprises et de leurs actionnaires, en matière notamment d’imposition sur les dividendes.

M. le Rapporteur général. Une des modalités des stratégies d’évitement de l’affaire « CumEx », dans le contexte de laquelle le rapport que vous souhaitez obtenir s’inscrit, réside dans l’utilisation abusive de conventions fiscales, notamment celle liant la France au Qatar. Pour y mettre un terme, il faut renégocier ces conventions. Je rappelle par ailleurs que la Convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, élaborée sous l’égide de l’OCDE dans le cadre du projet « BEPS » et ratifiée par la France en septembre, contient une clause anti-abus générale obligatoire. Certes, le Qatar n’a pas signé l’instrument, mais la pression est forte.

Plus généralement, l’abus de droit, qu’un amendement de Bénédicte Peyrol adopté par notre commission hier matin prévoit d’étendre, permet de contrer tous les montages reposant sur des cessions rapides d’actions, avant le détachement du dividende, s’ils ont une motivation fiscale déterminante.

S’agissant des conséquences pour les recettes publiques, je rappelle que la récente mission d’information sur l’évasion fiscale internationale des entreprises appelle à une méthodologie claire pour évaluer les pertes de recettes, méthodologie pour l’instant inexistante. Le Gouvernement est réceptif à ce sujet puisqu’il a commencé à organiser des ateliers afin que des processus d’évaluation fiable puissent exister.

Enfin, pour lutter contre les montages de type « CumCum », les « CumEx » étant interdits et frauduleux, il faudrait surtout encadrer strictement l’arbitrage de dividendes, ces transferts artificiels et provisoires de la propriété des actions vers des cieux fiscaux que l’on dira cléments pour échapper à l’imposition. C’est donc plus une question de droit financier et des participations qu’un sujet relevant stricto sensu du domaine des lois de finances.

Au bénéfice de ces explications, je vous invite à retirer l’amendement.

L’amendement est retiré.

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Article additionnel après l’article 63
Rapport annuel d’activité de l’Autorité de contrôle prudentiel
et de résolution (ACPR)

La commission est saisie de l’amendement II-CF1227 de M. Fabien Gouttefarde.

M. Fabien Gouttefarde. Cet amendement vise à redonner un pouvoir de contrôle ou tout au moins un droit de regard au Parlement et au Gouvernement sur l’activité de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Cette entité est chargée de préserver la stabilité du système financier dans les domaines de la banque et des assurances. Il s’avère qu’elle a perdu son statut d’autorité administrative indépendante (AAI) avec la réforme de janvier 2017, et cette perte a entraîné la disparition des obligations à la charge des AAI. Cet amendement vise simplement à rétablir à la charge de l’ACPR une obligation de rapport annuel qui constituera un instrument de contrôle indispensable de son activité et de son financement, sachant que 98 % des ressources de cette entité proviennent d’une taxe affectée.

Suivant l’avis favorable du Rapporteur général, la commission adopte l’amendement II-CF1227 (amendement II-2005).

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Article 64
Rationalisation et simplification de la fiscalité du tabac

Résumé du dispositif et effets principaux

Les produits du tabac sont non seulement soumis à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au taux normal de 20 %, mais également à un droit de consommation dont le rendement pour les régimes de sécurité sociale s’élève à 12 319 millions d’euros en 2019 et à 74 millions d’euros pour la collectivité de Corse. Parallèlement, les débitants de tabac doivent s’acquitter d’un droit de licence sur leur rémunération en contrepartie du monopole des ventes qui leur est accordé. Ce droit de licence est affecté à la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) à hauteur de 340 millions d’euros en 2019.

En application des articles 575 et 575 A du CGI, les tabacs manufacturés vendus au détail ou importés sont soumis à un droit de consommation comportant deux parts qui doivent être additionnées :

– une part spécifique, exprimée en euros par millier d’unités ou par millier de grammes (taxation en fonction du volume) ;

– une part proportionnelle par l’application d’un taux proportionnel au prix de vente au détail du produit, toutes taxes comprises (taxation en fonction de la valeur).

L’application des deux parts ne peut pas conduire à un droit de consommation inférieur à un minimum de perception fixé par mille unités ou mille grammes.

Pour rappel, la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2018 a mis en place une augmentation programmée du droit de consommation applicable aux produits du tabac sur trois ans, selon le calendrier suivant :

– une première augmentation au 1er mars 2018 ;

– deux augmentations au 1er avril et au 1er novembre 2019 ;

– deux augmentations au 1er avril et au 1er novembre 2020.

Le paquet de vingt cigarettes devrait ainsi atteindre le seuil symbolique de 10 euros à l’horizon 2020 au lieu de 7 euros initialement.

L’article 568 du CGI dispose que les débitants de tabac doivent s’acquitter d’un droit de licence, appliqué à la remise accordée par le fournisseur. Le taux du droit de licence appliqué à la remise brute est fixé à 18,465 % en 2018, soit 1,78 % du prix de vente. Il doit évoluer au cours des prochaines années, afin de tenir compte de la hausse des prix de vente du tabac et de la baisse du volume des ventes.

La hausse de la fiscalité et des prix ayant un impact sur la vente du tabac en France, l’État a mis en place des aides destinées à soutenir le revenu des débitants de tabac, favoriser la diversification de leur commerce et accompagner les buralistes dans la cessation d’activité. Le nouveau protocole d’accord pour les années 2018 à 2021, signé le 2 février 2018, concrétise cet engagement de l’État et de la Confédération des buralistes à accompagner la transformation de cette profession.

Dans ce contexte, le présent article :

– précise les conditions de financement par les fournisseurs de produits du tabac du fonds de transformation des buralistes par le biais d’une hausse du droit de licence à remise nette inchangée ;

– aligne les dates de liquidation et de paiement du droit de licence et du droit de consommation dans le cadre de la dématérialisation des procédures par l’administration fiscale ;

– avance d’un mois les hausses des tarifs du droit de consommation prévues par la LFSS pour 2018, afin de permettre la réalisation de six campagnes d’homologation des prix dans l’année (une campagne tous les deux mois).

L’impact budgétaire est évalué à 61 millions d’euros en 2019 et à 43 millions d’euros en 2020, dont 36 millions d’euros pour 2019 et 18 millions d’euros en 2020 pour le fonds de transformation des buralistes (soit 26 millions d’euros par an).

Dernières modifications législatives intervenues

La loi de finances pour 2017 réserve le complément de remise aux débitants dont le montant des livraisons de tabacs manufacturés de l’année précédente est inférieur à 400 000 euros et fixe le rythme d’évolution du taux du droit de licence pour les prochaines années, afin de prendre en compte la hausse des prix de vente du tabac et la baisse du volume des ventes.

La LFSS pour 2018 augmente fortement le droit de consommation sur les produits du tabac au cours des deux prochaines années, et procède à un rapprochement des tarifs applicables en Corse.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Cet article a été adopté par la commission sans modification.

Depuis de nombreuses années, la hausse progressive de la fiscalité applicable aux produits du tabac et aux débitants de tabac ainsi que la politique de lutte contre le tabagisme qui lui est associée ont conduit l’État à mettre en place plusieurs dispositifs d’aides destinés à soutenir le revenu des buralistes, à favoriser la diversification de leur commerce ou à accompagner le retrait de cette activité.

Le présent article vise à assurer le financement de l’une de ces mesures d’accompagnement, tout en clarifiant et modernisant les dates de liquidation et de paiement du droit de consommation et de licence sur les tabacs.

I.   L’ÉTAT DU DROIT

A.   LA FORTE HAUSSE DE LA FISCALITÉ DU TABAC ET LE SOUTIEN CROISSANT DE L’ÉTAT AU RÉSEAU DES DÉBITANTS DE TABAC

Les produits du tabac sont non seulement soumis à la TVA au taux normal de 20 %, mais également à un droit de consommation dont le rendement pour les régimes de sécurité sociale s’élève à 12 319 millions d’euros en 2019 et à 74 millions d’euros pour la collectivité de Corse. Les droits sont payés par les fournisseurs et répercutés sur les prix de vente aux consommateurs qui supportent le poids économique du droit de consommation. Parallèlement, les débitants de tabac doivent s’acquitter d’un droit de licence sur leur rémunération en contrepartie du monopole des ventes qui leur est accordé. Le droit de licence sera affecté à la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) à hauteur de 340 millions d’euros en 2019.

1.   La forte hausse de la fiscalité applicable aux produits du tabac dans le cadre de la lutte contre le tabagisme

La hausse du droit de consommation applicable aux produits du tabac constitue l’un des leviers retenus par le Gouvernement dans la lutte contre le tabagisme en France. Ce dernier a été fortement actionné par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2018 ([257]) qui a pour objectif, d’une part, d’augmenter le prix du paquet de cigarettes jusqu’à 10 euros à compter de 2020 et, d’autre part, d’aligner progressivement la fiscalité applicable dans la collectivité de Corse et sur le continent métropolitain.

En application des articles 575 et 575 A du CGI, les tabacs manufacturés vendus au détail ou importés sont soumis à un droit de consommation comportant deux parts qui doivent être additionnées :

– une part spécifique, exprimée en euros par millier d’unités ou par millier de grammes (taxation en fonction du volume) ;

– une part proportionnelle par l’application d’un taux proportionnel au prix de vente au détail du produit, toutes taxes comprises (taxation en fonction de la valeur).

L’application des deux parts ne peut pas conduire à un droit de consommation inférieur à un minimum de perception fixé par mille unités ou mille grammes. Le minimum de perception ne s’applique pas aux tabacs à priser et à mâcher, et peut être majoré dans la limite de 10 % par arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et du budget.

droitS de consommation Sur les tabacs au 1er mars 2018
applicableS en France mÉtropolitaine

(en euros pour mille unités / en %)

Groupe de produits

Taux proportionnel
(en %)

Part spécifique
(en euros)

Cigarettes

50,8

59,9

Cigares et cigarillos

26,9

24,7

Tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes

44,5

68,5

Autres tabacs à fumer

48,1

21,5

Tabacs à priser

53,8

0

Tabacs à mâcher

37,6

0

Note de lecture : pour les cigarettes, la part proportionnelle est de 50,8 % du prix toutes taxes comprises, tandis que la part spécifique est de 59,9 euros pour 1 000 cigarettes. Ainsi, un paquet de vingt cigarettes vendu 10 euros contient 5,08 euros de part proportionnelle et 1,20 euro de part spécifique.

Source : article 575 A du CGI.

Au 1er mars 2018, le minimum de perception est fixé à 261 euros pour mille cigarettes et à 143 euros pour mille cigares ou cigarillos. Il est fixé par kilogramme à 218 euros pour les tabacs fine coupe destinés à rouler des cigarettes et à 99 euros pour les autres tabacs à fumer.

La LFSS pour 2018 a mis en place une augmentation programmée du droit de consommation applicable aux produits du tabac sur trois ans, selon le calendrier suivant :

– une première augmentation au 1er mars 2018 ;

– deux augmentations au 1er avril et au 1er novembre 2019 ;

– deux augmentations au 1er avril et au 1er novembre 2020.

Au total, ces trois vagues d’augmentation successives des droits de consommation devraient se traduire par une augmentation des prix de vente de 20 % pour les cigarettes et de 25 % pour les autres catégories de tabac. Le paquet de vingt cigarettes devrait atteindre le seuil symbolique de 10 euros à l’horizon 2020 au lieu de 7 euros initialement. Le délai de trois ans doit permettre au service des douanes de mettre en place un dispositif performant de traçabilité de la production au niveau des usines de fabrication afin de lutter contre la vente illégale des produits du tabac.

L’augmentation applicable aux cigarettes sera toutefois inférieure à celle prévue pour les autres catégories de produits, afin, d’une part, d’éviter des effets de substitution vers des produits bénéficiant d’une fiscalité plus réduite, comme le tabac à rouler ou les cigarillos, et, d’autre part, de permettre un rattrapage de la fiscalité applicable à ces produits qui bénéficiaient d’un niveau de taxation souvent inférieur par rapport aux cigarettes.

La LFSS pour 2018 complète également le dispositif au-delà de 2020 par la mise en place d’un mécanisme d’indexation du droit de consommation sur l’indice des prix à la consommation hors tabac de l’avant-dernière année. Le relèvement des tarifs ne pourra toutefois excéder 1,8 %.

Il est rappelé que la structure des prix des produits du tabac est réglementée par l’article 572 du CGI qui dispose que « le prix de détail de chaque produit, exprimé aux 1 000 unités ou aux 1 000 grammes, est unique pour lensemble du territoire et librement déterminé par les fabricants et les fournisseurs agréés ». Toutefois, afin de s’assurer du respect de l’interdiction de revente à perte des produits, il est précisé que « le prix de détail est applicable après avoir été homologué par arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et du budget ». L’article 284 de l’annexe II du CGI prévoit que « ladministration établit, chaque année, un calendrier comportant six campagnes dhomologation des prix de vente au détail des tabacs manufacturés, selon des intervalles qui ne peuvent dépasser trois mois » ([258]).

CALENDRIER des hausses du DROIT DE CONSOMMATION
SUR LES TABACS EN FRANCE MÉTROPOLITAINE

(en euros pour mille unités / en %)

Périodes

Du 1er avril 2019 au 31 octobre 2019

Du 1er novembre 2019 au 29 février 2020

Du 1er avril 2020 au 31 octobre 2020

À compter du 1er novembre 2020

Cigarettes

Taux proportionnel (en %)

51,7

52,7

53,6

54,6

Part spécifique pour mille unités (en euros)

61,1

62,0

62,5

62,7

Minimum de perception pour mille unités (en euros)

279

297

314

333

Cigares et cigarillos

Taux proportionnel (en %)

30,0

32,3

34,3

36,1

Part spécifique pour mille unités (en euros)

30,0

35,3

41,5

46,0

Minimum de perception pour mille unités (en euros)

176

205

237

266

Tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes

Taux proportionnel (en %)

45,6

46,7

47,7

48,7

Part spécifique pour mille grammes (en euros)

72,5

76,2

79,3

82,1

Minimum de perception pour mille grammes (en euros)

239

260

281

302

Autres tabacs à fumer

Taux proportionnel (en %)

49,0

49,9

50,6

51,3

Part spécifique pour mille grammes (en euros)

23,4

25,3

27,2

29,1

Minimum de perception pour mille grammes (en euros)

108

117

126

134

Tabacs à priser

Taux proportionnel (en %)

55,0

56,2

57,1

58,0

Tabacs à mâcher

Taux proportionnel (en %)

38,5

39,3

40,0

40,6

Source : article 575 A du CGI et présent article.

La collectivité de Corse bénéficie d’une tarification dérogatoire par rapport à la métropole continentale, définie à l’article 575 E bis du CGI. Les recettes fiscales issues de la vente de tabacs sont alors affectées à la collectivité de Corse, par dérogation au droit commun, dans le cadre du « financement de travaux de mise en valeur de la Corse ». La persistance d’une tarification dérogatoire sur le territoire corse étant contraire à la directive européenne ([259]), la LFSS pour 2018 procède à un rapprochement des tarifs applicables. L’augmentation appliquée en Corse est similaire à celle appliquée sur le continent, tout en étant légèrement supérieure, afin de permettre une convergence des tarifs appliqués. Néanmoins, elle devra être complétée à partir de 2021, afin de ne pas exposer la France à des sanctions de la Commission européenne.

CALENDRIER des hausses du droit DE CONSOMMATION
SUR LES TABACS EN CORSE

(en euros pour mille unités / en %)

Périodes

Du 1er avril 2019 au 31 octobre 2019

Du 1er novembre 2019 au 29 février 2020

Du 1er avril 2020 au 31 octobre 2020

À compter du 1er novembre 2020

Cigarettes

Taux proportionnel (en %)

44,4

45,8

47,3

48,8

Part spécifique pour mille unités (en euros)

36,3

40,1

43,9

47,6

Cigares et cigarillos

Taux proportionnel (en %)

17,8

20,4

22,9

25,5

Part spécifique pour mille unités (en euros)

31,9

36,4

40,9

45,4

Tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes

Taux proportionnel (en %)

25,1

28,5

31,9

35,2

Part spécifique pour mille grammes (en euros)

40,4

46,3

52,3

58,3

Autres tabacs à fumer

Taux proportionnel (en %)

32,9

35,5

38,1

40,8

Part spécifique pour mille grammes (en euros)

8,7

11,6

14,5

17,5

Tabacs à priser

Taux proportionnel (en %)

31,4

35,2

39,0

42,8

Tabacs à mâcher

Taux proportionnel (en %)

22,7

25,2

27,8

30,4

Source : article 575 E bis du CGI et présent article.

La hausse du droit de consommation applicable aux produits du tabac doit permettre à l’horizon 2021 une hausse des recettes affectées à la CNAMTS de 1 392 millions d’euros et à la collectivité de Corse de 22 millions d’euros.

Le droit de consommation est dû par les fournisseurs agréés de tabacs. L’article 575 C du CGI prévoit qu’il est liquidé le dernier jour de chaque mois d’après la déclaration des quantités de tabacs manufacturés mis à la consommation au cours de ce mois, le paiement intervenant au plus tard le 5 du deuxième mois suivant celui au titre duquel la liquidation a été effectuée.

2.   La fiscalité applicable aux débitants de tabac

La vente au détail des produits du tabac en France repose sur un réseau de 24 869 débits de tabac (mars 2018 et hors Corse), dont les tenanciers sont des préposés de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI). L’article 568 du CGI dispose que « le monopole de vente au détail est confié à ladministration qui lexerce (...) par lintermédiaire de débitants désignés comme ses préposés et tenus à droit de licence ».

Le décret du 28 juin 2010 ([260]) précise que les débits de tabac sont classés en deux catégories : les débits de tabac ordinaires et les débits de tabac spéciaux. Le débitant de tabac est lié à l’État par un contrat de gérance d’une durée de trois ans renouvelable qui fixe les obligations du débitant au titre de la vente au détail des tabacs ainsi que les missions de service public qui peuvent lui être confiées par l’État. Les débits de tabac ordinaires sont implantés sur décision administrative et ne doit pas avoir pour effet de déséquilibrer le réseau local existant. Les débits de tabac spéciaux concernent la revente de tabac par certains commerces tenus de s’approvisionner auprès d’un débitant de tabac ordinaire (stations-service implantées sur le réseau autoroutier, établissements militaires et pénitentiaires, etc.) ou pour certains commerces du secteur des transports (points de vente dans les gares, espaces de vente dans les aéroports, etc.). En mars 2018, la Confédération des buralistes estime que 55,7 % des débits de tabac étaient installés dans un bar-tabac, et 43,8 % exerçaient dans une commune de moins de 3 500 habitants. En moyenne, il existait à cette date un débitant de tabac pour 2 600 habitants.

Les débits de tabac sont tenus de s’approvisionner auprès des fournisseurs agréés par la DGDDI et d’appliquer des prix homologués par l’administration, sans percevoir d’autres rémunérations que la remise consentie par les fournisseurs sur la base d’un taux fixé par l’État. En échange de ce monopole des ventes, l’article 568 du CGI dispose que les débitants de tabac doivent s’acquitter d’un droit de licence, appliqué à la remise brute accordée par le fournisseur. La remise des buralistes est codifiée par l’article 570 du CGI qui dispose que celle-ci est allouée au buraliste sous déduction d’un précompte versé à la DGDDI. Le précompte est composé du droit de licence des débitants du tabac, mais également de la cotisation salariale au régime d’allocation viagère en faveur des gérants de débits de tabac (RAVGDT). La remise nette, c’est-à-dire la remise brute consentie par le fournisseur minorée du précompte, constitue la rémunération du débitant pour la vente des produits du tabac.

L’article 568 du CGI dispose que le taux du droit de licence appliqué à la remise brute est fixé à 18,465 % en 2018, soit 1,78 % du prix de vente du fournisseur. Le taux doit évoluer au cours des prochaines années, afin de tenir compte de la hausse des prix de vente du tabac et de la baisse du volume des ventes ([261]).

Évolution du taux du droit de licence

(en % de la remise brute)

Année

Taux

2018

18,465

2019

18,275

2020

18,089

2021

17,907

Source : article 568 du CGI.

Le droit de licence est exigible à la livraison des tabacs manufacturés au débitant. Il est liquidé par les fournisseurs, au plus tard le 25 de chaque mois, sur la base d’une déclaration des quantités livrées au cours du mois précédent. Il est acquitté, à la date de la liquidation par les mêmes fournisseurs et pour le compte des débitants.

Pour obtenir la remise nette du débitant de tabac, il convient également de lui soustraire, en plus du droit de licence, la cotisation salariale au RAVGDT. Le décret du 30 octobre 1963 qui institue ce régime précise qu’il est en partie financé par une cotisation basée sur la remise brute dont le taux est fixé à 1,660 % en 2018 ([262]), soit 0,16 % du prix de vente. Le taux doit évoluer au cours des prochaines années afin de tenir compte de la hausse du prix de vente du tabac et de la baisse du volume des ventes.

Évolution du taux de cotisation au rÉgime d’allocations
viagÈres des gÉrants de dÉbits de tabac

(en % de la remise brute)

Année

Taux

2018

1,660

2019

1,643

2020

1,626

2021

1,610

Source : décret n° 63-1104 du 30 octobre 1963 relatif au régime d’allocations viagères des gérants de débits de tabac.

Au total, le précompte dû au titre du droit de licence (1,78 % du prix de vente) et de la cotisation au RAVGDT (0,16 % du prix de vente) s’élève à 1,94 % du prix de vente des livraisons de tabac ([263]).

B.   LA MISE EN ŒUVRE DU PROTOCOLE D’ACCORD SUR LA TRANSFORMATION DU RÉSEAU DES DÉBITANTS DE TABAC POUR LES ANNÉES 2018 À 2021

La hausse de la fiscalité et des prix ayant un impact sur la vente du tabac en France, l’État a mis en place plusieurs aides destinées à soutenir le revenu des débitants de tabac, à favoriser la diversification de leur commerce et à accompagner les buralistes à la cessation d’activité. Le nouveau protocole d’accord pour les années 2018 à 2021, signé le 2 février 2018, concrétise cet engagement de l’État et de la Confédération des buralistes à accompagner la transformation des débitants de tabac.

1.   La création d’un fonds de transformation des buralistes

Le protocole d’accord prévoit la création d’un fonds de transformation des buralistes destiné à accompagner la profession dans la mutation de son activité vers un modèle de commerçant de proximité. Il doit accompagner près de 2 000 buralistes par an vers un modèle de commerce multi-activités à travers trois niveaux d’intervention :

– la conception et la préparation de la transformation (études de marché, aides à la conception d’une offre nouvelle et à la configuration du point de vente, mobilisation des financements, etc.) ;

– la mise en œuvre opérationnelle de la transformation (intégration de nouvelles lignes de produits et de services, renouvellement de l’aménagement du point de vente, numérisation des services, etc.) ;

– l’innovation pour la transformation (développement des produits et des services de proximité du futur, intégration du réseau des débitants de tabac dans les nouveaux circuits de distribution de proximité, etc.).

Le décret précise ainsi que « les opérations éligibles à cette aide sont destinées à favoriser la transformation dun débit de tabac en commerce de proximité multi-services et produits, ainsi quà la conception et la définition des axes de cette transformation et de son accompagnement. Le résultat de cette transformation doit aboutir à une identité nouvelle et visible du commerce dans son ensemble » ([264]). Concernant l’aide accordée au débit de tabac, il est précisé qu’elle « doit permettre de soutenir le projet de transformation visible du point de vente, notamment par lintégration de nouvelles lignes de produits et services, par la mise en place doffres commerciales réorganisées, par un réaménagement du point de vente ou par la transformation digitale du commerce » ([265]).

L’aide représente 30 % du plafond total des dépenses hors taxes engagées par un débitant pour la transformation de son débit. Elle est portée à 40 % pour les bénéficiaires du complément de remise. Elle est plafonnée à 33 000 euros, audit préalable compris.

Le protocole d’accord précise que le fonds est alimenté par une ressource affectée provenant de l’accélération de l’augmentation de la remise consentie à chaque buraliste par les fournisseurs agréés, pour un montant total de 80 millions d’euros sur quatre ans (2018-2021). Aucun crédit n’a été ouvert en 2018. Le présent projet de loi de finances fixe à 26 millions d’euros la contribution du budget général à ce fonds, par le biais du programme Facilitation et sécurisation des échanges de la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines. Le financement doit toutefois se faire à un niveau de remise nette inchangé pour les buralistes. Sur ce point, le protocole d’accord dispose que la rémunération nette des buralistes augmentera d’un point jusqu’en 2021, en passant de 7,50 % du prix de vente en 2017 à 8,00 % du prix de vente en 2021.

Évolution du taux de remise nette
des fournisseurs agrÉÉs aux dÉbitants de tabac

(en % du prix de vente)

Année

Taux de remise

2017

7,50

2018

7,70

2019

7,80

2020

7,90

2021

8,00

Source : protocole d’accord sur la transformation du réseau des buralistes de 2018 à 2021.

2.   Les autres aides accordées aux débitants de tabac par l’État

Le protocole prévoit une modification des autres aides accordées aux débitants de tabac. Ces dernières, financées par le programme Facilitation et sécurisation des échanges de la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines, sont :

– un complément de remise (21,6 millions d’euros en 2019) réservé aux débitants, dont le montant des livraisons de tabacs manufacturés de l’année précédente est inférieur à 400 000 euros ([266]) ; il prend la forme d’une restitution par l’administration fiscale du droit de licence jusqu’à un seuil de chiffre d’affaires annuel réalisé sur les livraisons de tabacs manufacturés, fixé à 157 303 euros pour les débits en France métropolitaine et à 117 977 euros pour ceux situés en Corse ([267]) ;

– une remise transitoire (18 millions d’euros en 2019), créée par le protocole pour les années 2018 à 2021, afin de compenser l’impact de l’augmentation des prix des produits du tabac sur le niveau des ventes des débits de tabac d’un trimestre par rapport au même trimestre de l’année précédente. La remise transitoire ne s’applique qu’en cas de baisse de plus de 15 % et s’élève à 0,8 % du montant des livraisons de tabac du trimestre de l’année considérée ([268]) ;

– une remise compensatoire (12,5 millions d’euros en 2019), réservée aux buralistes implantés dans un département frontalier ou en difficulté et ayant pris leur fonction avant le 31 décembre 2017. Elle compense la perte de chiffre d’affaires annuel dès lors qu’elle atteint au moins 10 % par rapport au niveau de 2012. Un département est en difficulté lorsqu’intervient une baisse d’au moins 5 % du montant annuel des livraisons de tabac de l’ensemble des débitants du département par rapport à l’année 2012. Le taux de compensation est de 70 % de la perte de remise nette. La remise compensatoire est plafonnée à 30 000 euros par débit de tabac ([269]) ;

– une prime de diversification de l’activité (PDA) (14 millions d’euros en 2019) est destinée aux buralistes offrant au minimum cinq services listés par arrêté ([270]), dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 300 000 euros, et qui sont implantés dans une commune rurale (moins de 3 500 habitants), un département en difficulté ou frontalier, ou un quartier des zones urbaines prioritaires. Le montant de la prime de diversification des activités est fixé à 2 500 euros par an. Le montant de la prime est majoré de 500 euros pour les débitants bénéficiant sur une année complète de la remise transitoire ([271]) ;

– une aide à la sécurisation des débits de tabac (14 millions d’euros en 2019) qui procède à un remboursement forfaitaire par catégorie de matériel dans la limite d’un plafond de 15 000 euros par débit de tabac ;

– une indemnité de fin d’activité classique (IFAC) pour les buralistes des départements en difficultés ou frontaliers, et une indemnité de fin d’activité rurale (IFAR) pour les buralistes dans les zones rurales (5 millions d’euros en 2019). Ces indemnités sont réservées aux buralistes qui souhaitent cesser leur activité de vente de produits du tabac dans le cas où la viabilité économique de leur point de vente ne soit plus assurée. Le montant de l’indemnité de fin d’activité est égal à trois fois celui de la remise nette, plafonné à 30 000 euros pour l’IFAR et à 80 000 euros pour l’IFAC ([272]).

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article a pour objet d’assurer le financement du fonds de transformation des buralistes et de rationaliser et simplifier la fiscalité afférente aux tabacs manufacturés. La mesure devrait rapporter à la sécurité sociale, à l’État pour le financement du fonds de transformation ainsi qu’à la collectivité de Corse la somme de 61 millions d’euros en 2019.

A.   Le financement du fonds de transformation des dÉbits de tabac et la rationalisation de la fiscalitÉ du tabac

Le présent article détermine les conditions du financement du fonds de transformation des buralistes par le biais d’une hausse du droit de licence des débits de tabac à remise nette inchangée. Il contient également deux mesures relatives à la rationalisation et à la simplification de la fiscalité afférente aux tabacs manufacturés : une simplification de la procédure de déclaration et de paiement du droit de licence et du droit de consommation, ainsi qu’une clarification du calendrier d’homologation.

1.   Le financement du fonds de transformation des buralistes par les fournisseurs de produits du tabac par le biais d’une hausse du droit de licence à remise nette inchangée

Le  du A du I du présent article propose d’augmenter le taux du droit de licence appliqué à la remise brute de 1,645 point en 2019 et de 0,824 point en 2020.

Évolution du taux du droit de licence
par le prÉsent article

(en % de la remise brute)

Année

Taux actuel

Taux PLF 2019

2019

18,275

19,920

2020

18,089

18,913

2021

17,907

17,907

Source : article 568 du CGI et présent article.

L’augmentation en 2019 et en 2020 des taux du droit de licence, et corrélativement, de la remise brute dont le niveau est fixé par arrêté ([273]), doit permettre d’assurer le financement par les fournisseurs du fonds de transformation. Il s’agit de ne pas réduire pour autant le montant de remise nette allouée au débitant ni d’augmenter la cotisation à leur régime de retraite. La remise brute sera augmentée en conséquence à 9,94 % au 1er janvier 2019. Exprimé par rapport à cette remise, le droit de licence sera de 1,98 % en 2019 et 1,88 % en 2020, contre 1,78 % aujourd’hui et de nouveau en 2021.

Il conviendra enfin de prévoir, dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, un mécanisme de reversement des recettes nouvelles à l’État.

2.   L’alignement des dates de liquidation et de paiement du droit de licence et du droit de consommation sur le tabac dans le cadre de la dématérialisation de la procédure

La multiplicité des formalités administratives pour acquitter le droit de licence ainsi que le droit de consommation est source de complexité. Ces deux droits sont dus par les fournisseurs agréés de tabacs à des dates de déclaration et de paiement distinctes :

– le droit de licence est liquidé et payé par les fournisseurs agréés au plus tard le 25 du mois suivant celui de la mise à la consommation des tabacs manufacturés, sur la base des quantités livrées au débitant au cours du mois précédent ;

– le droit de consommation est liquidé le dernier jour de chaque mois d’après la déclaration des quantités de tabacs manufacturés mis à la consommation au cours de ce mois, le paiement intervenant au plus tard le 5 du deuxième mois suivant celui au titre duquel la liquidation a été effectuée.

Dans la perspective de la mise en place d’une procédure unique dématérialisée de déclaration et de paiement sur les droits de licence et de consommation dus par les fournisseurs agréés de produits du tabac, le présent article propose d’aligner les obligations déclaratives et de paiement afférentes à ces droits :

– le  du A du I propose que le droit de licence soit liquidé par les fournisseurs au plus tard le 10 de chaque mois, sur la base d’une déclaration des quantités livrées au débitant au cours du mois précédent, et soit acquitté le 5 du mois suivant celui de la liquidation ;

– le C du I propose que le droit de consommation soit liquidé par les fournisseurs au plus tard le dixième jour de chaque mois, d’après la déclaration des quantités de tabacs manufacturés mis à la consommation le mois précédent, et soit acquitté le 5 du mois suivant celui de la liquidation.

Le B du III précise que cet alignement entrera en vigueur à compter du 1er juillet 2019. La mesure permet d’alléger les formalités déclaratives pour les redevables des deux droits tout en limitant les coûts de la mise en place d’une procédure dématérialisée pour l’administration fiscale.

3.   L’avancement d’un mois des hausses de tarifs du droit de consommation sur le tabac pour permettre la réalisation de six campagnes d’homologation des prix dans l’année

Les hausses de fiscalité sur les produits du tabac prévues sur la période 2018 à 2020 par la LFSS pour 2018 interviennent en avril de chaque année, ce qui ne permet pas, compte tenu du nouveau calendrier d’homologation, la prise en compte dans de bonnes conditions de la fiscalité par les opérateurs économiques lors de la fixation des prix.

Les B et D du I du présent article procèdent à une codification de la hausse programmée par la LFSS de 2018 des tarifs et des taux du droit de consommation sur les produits du tabac, tout en avançant d’un mois les hausses prévues initialement pour le mois d’avril au mois de mars. Cette mesure doit permettre à la DGDDI de réaliser six campagnes d’homologation, soit une tous les deux mois, conformément aux engagements de la France vis-à-vis de la Commission européenne. En effet, la directive européenne du 21 juin 2011 dispose que « les fabricants (...) ainsi que les importateurs de pays tiers déterminent librement le prix maximal de vente au détail de chacun de leurs produits pour chaque État membre dans lequel ils sont destinés à être mis à la consommation » ([274]). Ainsi, pour que le système d’homologation des prix ne soit pas jugé comme une entrave à la libre fixation des prix, celui-ci doit permettre aux fabricants de les modifier à une fréquence raisonnable, fixée à six campagnes d’homologation par an par la Commission européenne dans le cadre d’une procédure précontentieuse avec la France initiée en décembre 2016. Pour éteindre ce précontentieux, la France s’est engagée à faire six campagnes d’homologation par an, rendant nécessaire une évolution du calendrier de hausse des tarifs.

Du fait de la codification des hausses du droit de consommation sur les produits du tabac, le II du présent article abroge l’article 17 de la LFSS pour 2018. Le A du III précise que la nouvelle rédaction des articles codifiés entre en vigueur à compter du 1er mars 2019.

B.   L’IMPACT BUDGÉTAIRE ET ÉCONOMIQUE

L’impact budgétaire de la mesure est évalué à 61 millions d’euros en 2019 et à 43 millions d’euros en 2020, dont :

– 36 millions d’euros pour 2019 et 18 millions d’euros en 2020 au titre de la hausse du droit de licence, soit une moyenne de 26 millions d’euros par an (soit le montant inscrit au programme budgétaire Facilitation et sécurisation des échanges pour le fonds de transformation) ;

– 25 millions d’euros pour 2019 et 2020 en faveur des organismes de sécurité sociale affectataires du droit de consommation sur les tabacs du fait de l’avancement d’un mois de la hausse des tarifs du droit de consommation.

L’évaluation préalable ne précise néanmoins pas la part revenant à la collectivité de Corse du fait de l’avancement d’un mois de la hausse des tarifs applicables en Corse. De plus, aucun dispositif n’est à ce jour inscrit dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, afin d’assurer le transfert des recettes à l’État dans le but de financer le fonds de transformation des buralistes.

D’un point de vue économique, la mesure permet de financer la modernisation de l’activité des buralistes par le biais du fonds de transformation, et de préserver ainsi la compétitivité d’acteurs économiques dans certains départements ruraux ou frontaliers pour lesquels la baisse des ventes du tabac serait particulièrement importante, entraînant de ce fait des difficultés pour les débits de tabac. La Cour des comptes ([275]) soulevait toutefois que les causes de la baisse plus rapide du nombre de débits dans les départements frontaliers entre 2012 et 2015, à savoir – 9,5 % entre 2012 et 2015 dans ces départements au lieu de – 5,6 % pour l’ensemble des départements, n’avaient pas été suffisamment analysées par les pouvoirs publics. Elle relevait, en particulier, que les autres causes de difficultés rencontrées localement par certains débitants n’étaient pas étudiées, en particulier la diminution du nombre d’habitants, la baisse de la prévalence du tabagisme, les modifications de la composition de la population, ainsi que les changements dans les habitudes de consommation. Elle soulignait que la densité du réseau des débitants était par ailleurs toujours élevée, y compris dans certains départements frontaliers, ce qui pourrait également expliquer le nombre plus important de fermetures de débits dans ces départements.

La Cour des comptes notait enfin que les buralistes avaient largement développé d’autres activités que la seule vente du tabac : en 2018, 55,7 % des buralistes tenaient également un bar-café et 62,2 % tenaient un kiosque de presse. La plupart des débitants sont également détaillants de la Française des Jeux et participent à des réseaux de retraits ou dépôts de colis. Toutefois, en dépit de l’objectif de diversification et de transformation des points de vente affiché par le fonds de transformation, la Cour des comptes soulignait que la DGDDI ne disposait d’aucune connaissance de l’évolution des revenus globaux des débits de tabac. De plus, elle faisait observer que la hausse constante de la remise nette, d’une ampleur sans équivalent avec les années précédentes, conduisait à une hausse dynamique des revenus des débitants. Elle estimait que le niveau atteint par la remise (soit 8 % à partir de 2021), sans considération des besoins réels des débits véritablement en difficulté, n’inciterait plus à la recherche d’autres sources de revenus commerciaux, ce qui était, par conséquent, en contradiction avec les objectifs du fonds de transformation.

*

*     *

La commission adopte l’article 64 sans modification.

*

*     *

Après l’article 64

La commission est saisie de l’amendement II-CF1390 de M. Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. Cet amendement d’appel vise à engager une réflexion sur le financement du CNC et une remise à plat des taxes qui le financent, à savoir la taxe sur les services de télévision applicable aux éditeurs (TST-E) assise sur les recettes publicitaires, une majoration sur la dernière tranche de la taxe sur les services de télévision applicable aux distributeurs (TST-D) pour les éditeurs de services autodistribués, et une taxe vidéo. Il conviendrait de rebattre les cartes entre ces différentes taxes pour assurer plus de justice et d’égalité entre les plateformes de vidéos, aujourd’hui taxées à 2 %, et les distributeurs et éditeurs historiques, taxés bien plus lourdement. Mon amendement propose de multiplier par deux la taxe de 2 % pesant sur les distributeurs tels que Netflix et d’abaisser parallèlement les taxes pesant sur les acteurs historiques.

Aurore Bergé a rendu un rapport sur le sujet, qui va dans le même sens. Le CNC n’est pas opposé à ce que l’on modifie les modalités de son financement, pour peu que l’on ne touche pas au niveau de son financement.

M. le Rapporteur général. Je suis plutôt favorable, vous le savez, à un meilleur contrôle des dépenses de l’ensemble de ces organismes, dont le CNC. Cependant, votre proposition n’est financièrement pas très rééquilibrante dans la mesure où elle prévoit de baisser de 30 % le taux des deux premières taxes, qui rapportent 515 millions d’euros, et de doubler une taxe qui n’en rapporte que 15. Ce qui fait moins 135 millions d’euros sur le budget du CNC, sur un total de 675 millions de taxes affectées ! Cela dépasse l’objectif de rééquilibrage que vous vous étiez fixé. Ce calcul démontre qu’il serait bon de retirer cet amendement.

M. le président Éric Woerth. Je fais des plus et des moins aussi, mais pas les mêmes que vous, et je ne trouve qu’un manque à gagner de 86 millions pour le CNC. Au demeurant, l’idée n’était pas tant de rééquilibrer, puisque de toute façon c’est gagé, que d’engager la réflexion en lien avec le Gouvernement. C’est pourquoi je représenterai l’amendement. L’idée est simple : baisser la fiscalité sur les acteurs historiques pour leur permettre de résister à une concurrence internationale particulièrement rude et taxer normalement les nouveaux entrants, qui ne le sont pas suffisamment. Le niveau des ressources à allouer au CNC est un autre sujet.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements IICF1263, II-CF1264 et II-CF1265 de Mme Sabine Rubin.

M. Éric Coquerel. Je sais qu’un objectif important défendu par la majorité est de faire venir les financiers de la City de Londres à Paris, mais ce n’est pas une raison pour faire des cadeaux mirifiques aux banques. En 2018, vous avez supprimé la dernière tranche de la taxe sur les salaires, une taxe qui ne vise que les employeurs qui n’ont pas à s’acquitter de la TVA, donc principalement les établissements bancaires. En termes de lobbying, la Fédération bancaire française a eu gain de cause l’an dernier. Ce n’est pas pour autant que l’on doit continuer à lui faire des cadeaux. Je rappelle que le troisième taux majoré de cette taxe était de 20 % sur les rémunérations dépassant 152 000 euros bruts par an, soit 12 666 euros brut par mois : c’est juste huit fois et demie le SMIC ! Nous proposons donc, par l’amendement II‑CF1263, de le rétablir. Ce sera autant de ressources supplémentaires pour l’État, en l’occurrence pour la sécurité sociale puisque c’est elle qui se retrouve impactée par la perte de ces 2 milliards d’euros.

Le deuxième amendement, II-CF1264, est dans la même logique mais le taux de prélèvement serait de 30 % au lieu de 20 %.

Le troisième, II-CF1265, me paraît le plus important : on observe que, depuis qu’a été supprimée la dernière tranche de la taxe sur les salaires, le taux est en réalité le même pour les revenus supérieurs à 15 572 euros annuels. Que vous soyez simple salarié ou que vous gagniez 1 million d’euros, il n’y a plus de progressivité. Nous trouvons cela anormal et nous vous proposons par conséquent une progressivité qui rendrait tout cela plus juste.

M. le Rapporteur général. Vous proposez de revenir sur une mesure votée en loi de finances pour 2018. Je souligne que la dynamique de cette taxe sur les salaires est telle que, malgré la suppression du troisième taux majoré, son produit a connu une augmentation entre 2017 et 2018. Cela étant, eu égard aux propos de la Cour des comptes dans son référé sur cette taxe, il faudrait que nous nous penchions sur la problématique de la taxe sur les salaires de manière plus globale. Je donne donc un avis défavorable à ces amendements, tout en restant persuadé que nous devrions travailler sur cette taxe.

M. Éric Coquerel. Je maintiens les amendements, mais la réflexion du Rapporteur général est encourageante pour la suite : je saurai la lui rappeler.

La commission rejette successivement ces amendements.

Elle examine ensuite l’amendement II-CF1034 de Mme Sabine Rubin.

M. Éric Coquerel. Même si une actualité chasse l’autre, nous gardons en mémoire la catastrophe du viaduc autoroutier de Gênes. Vous savez que le Gouvernement a lancé une étude de l’état des ponts en France, qui n’est pas très positive : bon nombre de ponts sont à restaurer, dont certains de toute urgence. De façon à procéder aux travaux nécessaires, nous proposons de relever la taxe due par les sociétés concessionnaires d’autoroutes, dont nous avons à maintes occasions, de manière presque unanime, dénoncé la rente exorbitante assise sur une situation de monopole de fait et des contrats léonins accordés par l’État. D’autres, par exemple parmi Les Républicains, ont pensé faire financer des idées de ticket carburant par le même type de mécanisme. Nous estimons tous que les sociétés d’autoroutes pourraient largement contribuer à cet effort national.

J’en profite pour indiquer que l’on a observé, quand il s’agit de péages dits ouverts, où les usagers acquittent un montant forfaitaire en gare de péage quelle que soit leur destination, que la taxe est calculée sur la base du kilométrage correspondant à la moyenne des trajets possibles. Le manque de contrôle sur ces données est assez inquiétant.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable, car cela se répercuterait de toute façon sur le consommateur final. Cela dit, je me suis déjà exprimé sur les rapports entre l’État et les concessionnaires autoroutiers, qui me semblent partis sur de mauvaises bases. C’est un système assez pervers.

M. le président Éric Woerth. Et assez verrouillé...

M. Gilles Carrez. Totalement verrouillé !

M. Éric Coquerel. Nous pourrions prendre ces sommes sur les 20 % de rente que se sont fait les autoroutes et non sur le prix de péage acquitté par les particuliers.

La commission rejette cet amendement.

Puis elle examine l’amendement II-CF547 de Mme Lise Magnier.

Mme Lise Magnier. Cet amendement vise à corriger une anomalie qui pénalise des entreprises taxées sans pour autant être éligibles aux formations financées par la taxe affectée à l’Association nationale pour la formation automobile. Il s’agit d’exclure du recouvrement de cette taxe les entreprises qui ne relèvent pas de la convention nationale des services de l’automobile et qui sont notamment les entreprises de distribution de pièces et d’équipements pour l’automobile, qui peuvent relever de la convention collective des commerces de gros. Il est illogique d’être soumis à une taxe alors qu’on ne bénéficie pas des formations qu’elle est censée financer.

M. le Rapporteur général. Mme Magnier pose une question légitime et qui appelle une réponse du Gouvernement. J’invite à un retrait pour avoir en séance cette clarification indispensable.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement II-CF1160 de Mme Sabine Rubin.

M. Éric Coquerel. Cet amendement vise à augmenter le plafond de la taxe sur les demandes de visa de publicité pharmaceutique, en le doublant. Ce faisant, nous poursuivons deux objectifs : augmenter une recette pour l’État avec une taxe portant sur des industries qui sont parmi les plus lucratives – au niveau mondial, l’industrie pharmaceutique compte soixante-quinze milliardaires sur la planète, plus que l’industrie de luxe – et renforcer le contrôle sur la publicité des industries pharmaceutiques, qui peut parfois n’avoir aucun rapport avec la qualité du médicament.

M. le Rapporteur général. Ce débat doit avoir lieu soit dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), soit dans des lois de santé, mais n’a pas franchement sa place ici. Avis défavorable.

La commission rejette cet amendement.

La commission examine, en discussion commune, les amendements IICF887 et II-CF888 de M. Vincent Descoeur.

M. Vincent Descoeur. L’amendement II-CF887 propose de doubler l’enveloppe du fonds chaleur de l’ADEME, notamment pour accompagner plus efficacement les projets de chaleur renouvelable jugés insuffisamment rentables et donc peu attractifs pour les investisseurs. Il ne vous a pas échappé qu’il permettrait de concrétiser un engagement du Président de la République...

M. le président Éric Woerth. Bravo !

M. Vincent Descoeur. L’amendement II-CF888 est un amendement de repli : à défaut de doubler la dotation du fonds chaleur, nous proposons de la porter à 300 millions d’euros, comme l’a annoncé devant les sénateurs le ministre de la transition écologique. Je m’emploie cette fois-ci à concrétiser un engagement de M. de Rugy : vous conviendrez que je ne ménage pas mes efforts pour aider la majorité à ternir ses promesses !

M. Saïd Ahamada. Quelle bienveillance !

M. le président Éric Woerth. Cela en devient suspect !

M. le Rapporteur général. Dans la mesure où il s’agit d’un recyclage d’amendements déposés en première partie, auxquels j’avais émis un avis défavorable, je maintiens l’avis exprimé en première partie.

M. Vincent Descoeur. Ce n’est pas seulement du recyclage : il s’agit d’amendements de qualité, dont je rappellerai qu’ils ont été adoptés par la commission du développement durable.

La commission rejette successivement les amendements.

*

*     *

Article 65
Augmentation maîtrisée des prestations sociales

Résumé du dispositif et effets principaux

Les aides personnelles au logement (aide personnalisée au logement – APL –, allocation de logement familiale – ALF –,allocation de logement sociale – ALS), la prime d’activité (PA) et l’allocation aux adultes handicapés (AAH) sont revalorisées chaque année en fonction de l’évolution des prix à la consommation, en vertu des articles L. 351-3 du code de la construction et de l’habitation, L. 542-5, L. 831-4, L. 842-3 et L. 821-3-1 du code de la sécurité sociale.

Par dérogation à ce dispositif, le présent article procède à une revalorisation moins importante que celle prévue à ces articles, voire à une absence de revalorisation :

– la PA ne sera revalorisée sur cette base ni en 2019, ni en 2020 ;

– l’AAH ne sera pas revalorisée en 2019 mais sera revalorisée de + 0,3 % en 2020 ;

– l’APL, l’ALF et l’ALS seront revalorisées de + 0,3 % en 2019 et de + 0,3 % en 2020.

Ces mesures de moindre revalorisation doivent être replacées dans un contexte plus général de réforme des aides en faveur du logement et mises en perspective avec les mesures exceptionnelles de revalorisation annoncées et/ou prises par voie réglementaire s’agissant de la PA et de l’AAH.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Cet article a été adopté par la commission sans modification.

Levier de l’intervention publique, les conditions d’accès et le montant des prestations sociales évoluent traditionnellement en fonction des objectifs de politique publique et du contexte économique et budgétaire.

Souvent régies par un principe de revalorisation annuelle permettant de prendre en compte les effets de l’évolution des prix à la consommation, les prestations sociales connaissent, tendanciellement, une hausse de leur montant.

Le contexte économique et budgétaire peut toutefois conduire à déroger à ce principe et prévoir un gel ou une évolution moins importante que l’inflation (moindre revalorisation). L’inflation faible ou la nécessité de maîtriser les dépenses publiques sont autant d’éléments justifiant des mesures parfois nécessaires.

Le présent article 65 et son article « miroir » dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale ([276]) en sont deux illustrations. La revalorisation de la plupart des prestations sociales s’élèvera ainsi en 2019 et en 2020 à + 0,3 %.

Le Gouvernement a prévu :

– de « sanctuariser » certaines prestations dont bénéficient notamment et principalement les ménages aux revenus les plus modestes ([277]) ;

– de poursuivre les augmentations exceptionnelles du montant de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) et de la prime d’activité (PA), qui constituent, l’une comme l’autre, des engagements forts du président de la République et deux des priorités du quinquennat.

I.   la revalorisation annuelle de certaines prestations sociales, un principe auquel il est possible de déroger

A.   Les aides personnelles au logement

1.   L’aide personnalisée au logement, l’allocation de logement familiale et l’allocation de logement sociale

Principales aides en faveur du logement

Régime

Aide personnalisée au logement (APL)

Allocation de logement familiale (ALF)

Allocation de logement sociale (ALS)

Création

Loi n° 77-1 du 3 janvier 1977 portant réforme de l’aide au logement

Loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d’habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement

Loi n° 71-582 du 16 juillet 1971 relative à l’allocation de logement

Codification

Articles L 351-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation

Articles L 542-1 et suivants du code de la sécurité sociale

Articles L 831-1 et suivants du code de la sécurité sociale

Caractéristiques

Barème défini par voie réglementaire, en prenant notamment en compte la situation de famille du demandeur, les ressources et la valeur de son patrimoine ainsi que le montant du loyer

Taux de l’allocation déterminé en fonction du nombre de personnes à charge vivant au foyer et du pourcentage des ressources affecté au loyer

Mode de calcul fixé par voie réglementaire en fonction du loyer payé, des ressources et de la valeur en capital du patrimoine de l’allocataire

Champ d’application

Parc de logements déterminé, quelles que soient les caractéristiques familiales du bénéficiaire

Prestation familiale versée aux ménages ayant des personnes à charge, sous condition de ressources

Allocation versée aux personnes aux revenus modestes (attribution sous condition de ressources)

Financement

Fonds national d’aide au logement (FNAL) depuis le 1er janvier 2006

FNAL

FNAL

Source : commission des finances.

En 2017, 6,5 millions de ménages ont bénéficié d’aides au logement au titre de l’aide personnalisée au logement (APL), de l’allocation de logement familiale (ALF) et de l’allocation de logement sociale (ALS). Le montant total des dépenses prises en charge par l’État est estimé à 13 milliards deuros en 2019 au titre de la contribution au fonds national d’aide au logement (FNAL).

Au cours des dix dernières années, le nombre de bénéficiaires est relativement constant, bien que tendanciellement en hausse. Plus variable, le montant total des prestations servies est passé de 15,2 milliards d’euros en 2008 à 18,01 milliards d’euros en 2017. Sur la période 2008-2017, les APL, ALS et ALF ont bénéficié à 6,4 millions de personnes en moyenne, pour une dépense totale moyenne de 16 milliards d’euros.

Évolution du nombre de bénéficiaires au 31 décembre des aides personnelles au logement

(en milliers)

Prestation

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

APL

2 620

2 619

2 621

2 681

2 724

2 774

2 803

2 818

2 831

2 870

ALF

1 351

1 356

1 335

1 332

1 323

1 318

1 320

1 300

1 277

1 260

ALS

2 345

2 364

2 353

2 388

2 374

2 409

2 419

2 403

2 374

2 387

Ensemble

6 316

6 339

6 309

6 401

6 421

6 501

6 541

6 521

6 482

6 517

Source : direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN) et direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP).

Évolution du nombre de bénéficiaires des aides personnelles au logement

(en milliers)

Source : commission des finances.

 

Évolution du montant des prestations versées au titre des aides personnelles au logement

(en milliards d’euros)

Prestation

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

APL

6,57

6,72

6,87

7,14

7,42

7,77

7,99

8,22

8,36

8,43

ALF

3,91

4,07

4,16

4,21

4,24

4,37

4,42

4,47

4,45

4,36

ALS

4,72

4,82

4,91

5,00

5,08

5,25

5,30

5,33

5,30

5,22

Ensemble

15,20

15,62

15,93

16,36

16,73

17,39

17,71

18,01

18,11

18,01

dont part prise en charge par lÉtat

5,08

5,50

5,55

5,53

5,73

5,14

5,17

10,74

15,34

15,50

Source : DGALN/DHUP.

Évolution du nombre de bénéficiaires et des prestations servies
au titre des aides personnelles au logement

Source : commission des finances.

2.   Le régime de revalorisation

a.   Une revalorisation indexée sur l’indice de référence des loyers

Versées dans des conditions différentes, l’APL, l’ALF et l’ALS font toutes trois l’objet d’une revalorisation annuelle de leur montant ainsi que de leurs différents paramètres.

Il s’agit, comme il est souligné dans l’évaluation préalable du présent projet de loi de finances, « de tenir compte de leffet du taux dinflation sur le pouvoir dachat des ménages » ([278]).

La révision annuelle du barème de l’APL, de l’ALF et de l’ALS au 1er octobre, est respectivement prévue au septième alinéa de l’article L. 351-3 du code de la construction et de l’habitation, au deuxième alinéa de l’article L. 542-5 du code de la sécurité sociale et au troisième alinéa de l’article L. 831-4 du code de la sécurité sociale.

Deux revalorisations ont, en règle générale, lieu en cours d’année : au 1er janvier pour les paramètres relatifs aux ressources et au 1er octobre pour ceux relatifs aux loyers et aux charges. La revalorisation légale, qui concerne les paramètres ne portant pas sur les ressources, est indexée sur l’indice de référence des loyers (IRL), tandis que l’indexation du montant des ressources forfaitaires ou du montant plancher de ressources, pour les étudiants notamment, relève du domaine réglementaire.

revalorisation des aides personnelles au logement

Allocation

Aide personnelle au logement (APL)

Allocation de logement familiale (ALF) et allocation de logement sociale (ALS)

Nature de la revalorisation

Revalorisation réglementaire

Revalorisation légale

Revalorisation réglementaire

Revalorisation légale

Date de la revalorisation

1er janvier

1er octobre

1er janvier

1er octobre

Indice de référence

Indexation sur l’IRL (1).

Indexation sur l’IRL (2).

Champ de la revalorisation

– Montant de ressources forfaitaires ;

– Montant plancher de ressources.

– Plafonds de loyer ;

– Plafonds des charges de remboursement de contrats de prêts dont la signature est postérieure à la date de révision du barème ;

– Montant forfaitaire des charges ;

– Équivalences de loyer et de charges locatives ;

– Terme constant de la participation personnelle du ménage.

– Montant de ressources forfaitaires ;

– Montant plancher de ressources.

– Plafonds de loyer ;

– Plafonds des charges de remboursement de contrats de prêts dont la signature est postérieure à la date de révision du barème ;

– Montant forfaitaire des charges ;

– Équivalences de loyer et de charges locatives ;

– Terme constant de la participation personnelle du ménage.

(1) En application de larticle L. 351-3 du code de la construction et de lhabitation.

(2) En application des articles L. 542-5 et L. 831-4 du code de la sécurité sociale.

Source : commission des finances.

Redéfini en 2008([279]), l’IRL « correspond à la moyenne, sur les douze derniers mois, de lévolution des prix à la consommation hors tabac et hors loyers ». Il constitue la référence pour réviser les loyers des logements vides ou meublés ainsi que pour le plafond des augmentations annuelles de loyers que les propriétaires sont autorisés à exiger de leurs locataires.

L’indice, dont la valeur est publiée chaque mois sur le site de l’INSEE, connaît une tendance haussière.

Évolution de l’IRL entre 2008 et 2018

(indice de référence des loyers, base 100 au quatrième trimestre 1998)

Source : commission des finances.

b.   Des revalorisations irrégulières

Élément central de la politique du logement, les aides personnelles au logement visent notamment à favoriser l’accès à un logement décent et le maintien dans le logement pour les ménages aux revenus modestes. Traduisant ces objectifs, les barèmes et paramètres intervenant dans la détermination de leur montant prennent en compte une part de la dépense de logement d’autant plus importante que les revenus des bénéficiaires sont faibles. Les révisions régulièrement opérées en application des dispositions légales applicables à chacune de ces aides participent ainsi de la volonté de ne pas augmenter la charge pesant sur les ménages.

Depuis 2008, l’indexation des paramètres utilisés pour déterminer le montant des aides personnelles au logement se fait, par principe, au même rythme que l’inflation. À titre d’illustration, en 2017, les paramètres du barème des aides personnelles au logement ont été revalorisés de + 0,75 %, soit l’évolution de l’IRL au deuxième trimestre 2017.

Leur évolution n’est toutefois pas toujours strictement corrélée à celle du niveau des prix. Ainsi, la loi de finances pour 2018 ([280]) a gelé la revalorisation des paramètres du barème de l’APL, l’ALF et de l’ALF.

Les paramètres relatifs aux ressources, dont la revalorisation est effectuée par voie réglementaire au 1er janvier, ont également connu une moindre progression, voire un gel depuis 2017.

Les tableaux ci-dessous rappellent les revalorisations effectuées, par voie légale ou réglementaire depuis 2017.

revalorisation des paramètres des aides personnelles au logement
(hors paramètres de ressources)

Année

Taux de la revalorisation
au 1er octobre

Taux dévolution de lIRL

2016

0 %

0 %

2017

0,75 %

0,75 %

2018

Gel

na

2019

0,3 %

 

Source : DGALN/DHUP.

revalorisation des paramètres de ressources
des aides personnelles au logement

Année

Taux de la revalorisation
au 1er janvier

Taux dinflation de référence

2016

0,4 %

2017

0 %

0 %

2018

Gel

na

Source : DGALN/DHUP.

B.   LA PRIME D’ACTIVITÉ

1.   Une prestation sociale financée par l’État

Créée par la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi ([281]) pour encourager l’activité professionnelle ([282]), la PA remplace, depuis le 1er janvier 2016, le volet « activité » du revenu de solidarité active (RSA) et la prime pour l’emploi (PPE). Considérée comme une prestation sociale, la PA est attribuée, servie et contrôlée pour le compte de l’État par les caisses d’allocations familiales (CAF) ou par les caisses de mutualité sociale agricole (MSA) selon la situation des bénéficiaires, conformément à l’article L. 843-1 du code de la sécurité sociale. Elle est financée par l’État ([283]).

Le montant de la PA, dont les éléments à prendre en compte dans le calcul sont mentionnés à l’article L. 842-3 du code de la sécurité sociale, est établi à partir de la différence entre, d’une part, le montant forfaitaire auquel est ajoutée une fraction des revenus professionnels du bénéficiaire ([284]) ainsi que les éventuelles majorations auxquelles il a droit et, d’autre part, les ressources de son foyer ([285])
– celles-ci étant « réputées au moins égales au montant forfaitaire » ([286]).

PA = montant forfaitaire + x % de revenus professionnels + (éventuelles majorations) – revenus du foyer

Plusieurs éléments peuvent augmenter le montant de la PA :

– la bonification individuelle, établie pour chaque travailleur du foyer sur la base de ses revenus professionnels : le montant de cette bonification est encadré (seuil et plafond) et croît avec les revenus professionnels jusqu’au plafond, en application de l’article D. 843-2 du code de la sécurité sociale ([287]).

Évolution de la bonification individuelle selon le revenu d’activité

Revenus professionnels mensuels

Bonification individuelle

Inférieurs ou égaux 0,5 SMIC

0 euro

De 0,5 à 0,8 SMIC

Bonification croissante avec les revenus

À partir de 0,8 SMIC

Plafond de la bonification égal à 12,782 % du montant forfaitaire

Source : commission des finances.

Montant mensuel de la PA en octobre 2018 selon le revenu d’activité

(en euros)

Revenus mensuels

Montant de la PA

592,5

soit 0,5 SMIC

310

948

soit 0,8 SMIC

175,4

1 184,93

soit 1 SMIC

85,4

1 540

soit 1,3 SMIC

0

Les données correspondent à la situation dune personne célibataire sans enfant ayant pour uniques ressources des revenus dactivité et prise en compte du forfait logement.

Avec SMIC = 1 184,93 euros nets mensuels.

Source : commission des finances.

– les majorations listées à l’article L. 842-7 du code de la sécurité sociale, qui correspondent à des situations d’isolement (personne isolée assumant la charge d’un ou de plusieurs enfants, femme isolée en état de grossesse ayant effectué la déclaration de grossesse et les examens prénataux) ; ces majorations s’appliquent pour une durée maximale de douze mois, conformément à l’article R. 842-5 du code de la sécurité sociale. Leur montant est précisé à l’article D. 843-1 du code de la sécurité sociale.

majorations de la PA selon la situation du bénéficiaire

Composition du foyer
de la personne isolée

Majoration par rapport
au montant forfaitaire

Barème applicable à compter
du mois daoût 2018
(en euros)

1 personne

+ 128,412 %

708,21

1 personne + 1 enfant ou 1 personne à charge

+ 128,412 % + 42,804 %

944,28

Source : commission des finances.

– les majorations relatives à la composition du foyer définies à l’article D. 843-1 du code de la sécurité sociale.

majorations de la Pa selon la composition du foyer du bénéficiaire

Composition du foyer

Majoration par rapport au montant forfaitaire

Barème applicable à compter du mois daoût 2018
(en euros)

2 personnes

+ 50 %

827,265

3 personnes (dont un enfant)

+ 50 % + 30 %

992,72

4 personnes dont deux enfants ou personnes de moins de 25 ans à charge

+ 50 % + 30 % + 30 %

1 152,17

5 personnes dont trois enfants ou personnes de moins de 25 ans à charge

+ 50 % + 30 % + 30 % + 40 %

1 372,77

Source : commission des finances.

2.   Le régime de revalorisation

Composante principale de la PA, le montant forfaitaire fait, en principe, l’objet d’une revalorisation annuelle dans les conditions prévues à larticle L. 842-3 du code de la sécurité sociale ([288]). Le montant maximal de la bonification évolue comme le montant forfaitaire puisqu’il est plafonné à 12,782 % du montant de ce dernier.

La revalorisation annuelle se fait au 1er avril, par application du coefficient mentionné à l’article L. 161‑25 du code de la sécurité sociale.

Ce coefficient est égal à « la moyenne annuelle des prix à la consommation, hors tabac, calculée sur les douze derniers indices mensuels de ces prix publiés par lInstitut national de la statistique et des études économiques lavant-dernier mois qui précède la date de revalorisation des prestations concernées » ([289]). Afin de ne pas répercuter l’inflation négative sur le montant des prestations, dont la revalorisation lui est indexée, il est prévu que la valeur du coefficient soit, dans pareils cas, portée à un ([290]).

Évolution du montant forfaitaire de la PA depuis sa création

Date dapplication de la revalorisation

Montant forfaitaire
(en euros)

Évolution

Janvier 2016 (1) *

524,16

­

Avril 2016 (2) *

524,68

+ 0,09 %

Avril 2017 (3) *

526,25

+ 0,3 %

Avril 2018 (4) *

531,51

+ 1 %

Août 2018 (5) **

551,51

+ 20 €

(1) Décret  2015-1710 du 21 décembre 2015 relatif à la prime dactivité.

(2) Décret  2016-536 du 27 avril 2016 portant revalorisation du montant forfaitaire de la prime dactivité.

(3) Décret  2017-740 du 4 mai 2017 portant revalorisation du montant forfaitaire de la prime dactivité.

(4) Décret  2018-323 du 3 mai 2018 portant revalorisation du montant forfaitaire de la prime dactivité.

(5) Décret  2018-836 du 3 octobre 2018 portant revalorisation du montant forfaitaire de la prime dactivité et réduction de labattement appliqué aux revenus professionnels.

* Revalorisation légale.

** Revalorisation exceptionnelle.

Source : commission des finances.

C.   L’ALLOCATION AUX ADULTES HANDICAPÉS

1.   Un minimum social pour les personnes handicapées

Prestation non contributive, l’AAH vise à garantir à ses bénéficiaires un niveau minimum de ressources. Régie par les articles L. 821-1 et suivants du code de la sécurité sociale, l’AAH est attribuée sous conditions d’incapacité, d’âge, de résidence et de ressources.

L’AAH n’est pas exclusive d’autres aides : ses bénéficiaires peuvent également percevoir le complément de ressources (CR) ([291]) et la majoration pour la vie autonome (MVA) ([292]), dont les montants sont fixés par décret et s’élèvent respectivement, depuis le 1er avril 2018, à 179,31 euros et 104,77 euros par mois.

Entre 2009 et 2018, le nombre de bénéficiaires a augmenté de 31,5 % et la dépense associée de près de 60 % : s’élevant à plus de 6 milliards d’euros en 2009, elle est estimée atteindre 9,73 milliards d’euros en 2018.

Évolution du nombre de bénéficiaires de l’AAH et de la dépense associée

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018 (p)

Nombre de bénéficiaires au 31 décembre (en milliers)

(données DREES)

813

849

883

915

957

997

1 022

1 041

1 062

1 090

1 129

1 161

Montant total des dépenses

(en milliards deuros)

5,52

5,65

6,15

6,61

7,15

7,80

8,20

8,50

8,83

9,05

9,03

9,73

DREES : direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, ministère des solidarités.

Source : documents budgétaires annexés au présent projet de loi de finances.

Évolution du nombre de bénéficiaires de l’AAH et de la dépense associée entre 2009 et 2018

Source : commission des finances.

2.   Le régime de revalorisation

À l’instar de la PA, la revalorisation annuelle de l’AAH se fait au 1er avril ([293]), par application du coefficient mentionné à l’article L. 161‑25 du code de la sécurité sociale.

Le montant de l’AAH est ainsi revalorisé dans les mêmes proportions que « la moyenne annuelle des prix à la consommation, hors tabac, calculée sur les douze derniers indices mensuels de ces prix » ou inchangé lorsque l’inflation sur la période de référence est négative.

Entre 2009 et 2018, le montant de l’AAH a connu une progression de 22,8 %, portant son montant de 666,96 euros à 819 euros en avril 2018.

Évolution du montant de l’AAH

Fondement juridique

Date dapplication de la revalorisation

Montant forfaitaire

(en euros)

Décret n° 2009-353 du 31 mars 2009 relatif à la revalorisation de l’allocation aux adultes handicapés

1er avril 2009

666,96

1er septembre 2009

681,63

Décret n° 2010-307 du 22 mars 2010 relatif à la revalorisation de l’allocation aux adultes handicapés

1er avril 2010

696,63

1er septembre 2010

711,95

Décret n° 2011-658 du 10 juin 2011 relatif à la revalorisation de l’allocation aux adultes handicapés

1er avril 2011

727,61

1er septembre 2011

743,62

Décret n° 2012-486 du 13 avril 2012 relatif à la revalorisation de l’allocation aux adultes handicapés

Avril 2012

759,98

Septembre 2012

776,59

Décret n° 2013-831 du 17 septembre 2013 relatif à la revalorisation de l’allocation aux adultes handicapés

Septembre 2013

790,18

Décret n° 2014-1129 du 3 octobre 2014 relatif à la revalorisation de l’allocation aux adultes handicapés

Septembre 2014

800,45

Décret  2015-1233 du 6 octobre 2015 relatif à la revalorisation de lallocation aux adultes handicapés

1er septembre 2015

807,65

Décret  2016-535 du 27 avril 2016 relatif à la revalorisation de lallocation aux adultes handicapés

1er avril 2016

808,46

Décret n° 2017-710 du 3 mai 2017 relatif à la revalorisation de l’allocation aux adultes handicapés

1er avril 2017

810,89

Décret n° 2018-328 du 4 mai 2018 relatif à la revalorisation de l’allocation aux adultes handicapés

1er avril 2018

819

Source : commission des finances.

 

Évolution du montant de l’AAH entre 2009 et 2018

(en euros)

Source : commission des finances.

II.   une revalorisation maîtrisée de certaines prestations sociales, en complément des augmentations déjà réalisées ou annoncées

A.   UNE REVALORISATION DE + 0,3 % DES PRESTATIONS RELATIVES AU LOGEMENT EN 2019 ET EN 2020 ET DE L’AAH EN 2020

1.   Une revalorisation moins importante que l’évolution anticipée des prix

Par dérogation aux modalités de revalorisation légales applicables aux aides en faveur du logement, à l’AAH et à la PA, le présent article prévoit que :

– l’APL, l’ALF et l’ALS seront revalorisées de + 0,3 % en 2019 et en 2020 et non indexées sur l’évolution de l’IRL (I) ;

– le montant forfaitaire de la PA et le montant maximal de sa bonification principale ne feront pas l’objet, en 2019 et en 2020, de la revalorisation annuelle légale (II) ;

– le montant de l’AAH ne fera pas l’objet d’une revalorisation légale en 2019 et sera revalorisé de + 0,3 % en 2020 (III).

comparaison de l’évolution des revalorisations des prestations sociales avec ou sans mesure de moindre revalorisation

Prestation

2019

2020

Revalorisation attendue en l’absence de mesure de revalorisation maîtrisée

Revalorisation proposée dans le présent PLF

Revalorisation attendue en l’absence de mesure de revalorisation maîtrisée

Revalorisation proposée dans le présent PLF

Aides personnelles au logement

Revalorisation au 1er janvier

+ 1,5 %

+ 0,3 %

+ 1,3 %

+ 0,3 %

Prime d’activité

Revalorisation au 1er avril

+ 1,6 %

0 %

+ 1,3 %

0 %

Allocation aux adultes handicapés

Revalorisation au 1er avril

+ 1,6 %

0 %

+ 1,3 %

+0,3 %

NB. Le tableau ci-dessus est établi sur la base des prévisions d’inflation utilisées pour la préparation des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2019.

Source : commission des finances.

2.   L’impact budgétaire

Les économies associées au présent article sont évaluées en comparant le coût de la revalorisation indexée sur les prévisions d’inflation pour 2019 et 2020 à celui de la moindre revalorisation proposée par le présent article ([294]). Sous cette précision, les moindres dépenses sélèveront à 340 millions deuros en 2019 et à 540 millions deuros en 2020 ; soit une économie cumulée de 880 millions d’euros en 2020.

Synthèse des économies associées à l’augmentation maîtrisée
des prestations sociales

Prestation

Taux de revalorisation
en 2019

Économie par rapport à la trajectoire en 2019

(en milliard deuros)

Taux de revalorisation en 2020

Économie par rapport à la trajectoire en 2020

(montant cumulé, en milliard deuros)

Aides en faveur du logement

(revalorisation au 1er janvier et au 1er octobre)

+ 0,3 %

0,1

+ 0,3 %

0,4

Prime d’activité

0,1

0,1

Allocation aux adultes handicapés

0,1

+ 0,3 %

0,4

Source : évaluation préalable.

Tableau présentant les effets combinés
des articles 44 du PLFSS 2019 et 65 PLF 2019

Prestation

Taux de revalorisation
en 2019

Économie par rapport à la trajectoire en 2019

(en milliard deuros)

Économie par rapport à la trajectoire en 2020

(montant cumulé, en milliard deuros)

Prestations d’invalidité

0,3 %

0,1

0,2

Prestations AT-MP

0,3 %

0,1

0,1

Allocations familiales (AF)

0,3 %

0,1

0,3

Complément familial (CF) et allocation de soutien familial (ASF)

0,3 %

0,0

0,1

Prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE)

0,3 %

0,1

0,2

Allocation d’éducation de l’enfant handicapé

0,3 %

0,0

0,0

Allocation de rentrée scolaire

0,3 %

0,0

0,0

Prime d’activité

0 %

0,1

0,4

Allocation de solidarité spécifique

1,5 %

Allocation aux adultes handicapés

0 % en 2019 et 0,3 % en 2020

0,1

0,1

Aides personnelles au logement (*)

0,3 %

0,1

0,4

Revenu de solidarité active (RSA)

1,5 %

­

­

Pensions de retraite tous régimes confondus (*)

0,3 %

2,8

5,2

Total (en milliards deuros)

3,5

6,9

dont État (en milliards deuros)

1,1

2,3

Montant total PLF 2019 (en milliard deuros)

La différence entre la présente ligne et celle qui la précède correspond aux économies associées figurant dans le PLFSS 2019

0,3

0,9

(*) Les pensions de retraite sont revalorisées au 1er janvier, les aides personnelles au logement sont revalorisées au 1er janvier et au 1er octobre.

PLFSS : projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Source : commission des finances, à partir des données de l’évaluation préalable.

B.   DE MOINDRES REVALORISATIONS À REPLACER DANS UN CONTEXTE PLUS GÉNÉRAL DE RÉFORME

1.   Une réforme d’ampleur des aides en faveur du logement initiée en 2018

Pilier de la politique en faveur du logement, les aides au logement font l’objet d’une « réforme structurelle dampleur, en plusieurs étapes » ([295]) menée par le Gouvernement, afin d’améliorer l’efficacité de la dépense fiscale en faveur de la politique du logement.

Première étape de cette réforme, la création en loi de finances pour 2018 ([296]) d’une réduction de loyer de solidarité dans le parc social, s’accompagnera en 2019 de la « contemporanéisation » des ressources ([297]).

La réduction de loyer de solidarité, qui permet d’abaisser le montant des aides personnalisées au logement pour les bénéficiaires de la réduction de loyer, à hauteur de 98 % de la réduction du loyer, sans que les allocataires ne subissent de hausse du loyer restant à leur charge, concilie les objectifs de la politique du logement en faveur des populations les plus fragiles et maîtrise de la dépense associée.

La contemporanéisation des ressources permettra de calculer et de verser les APL sur la base de revenus plus à jour de la situation des bénéficiaires et devrait permettre de réaliser une économie de près d’un milliard d’euros ([298]).

La moindre revalorisation proposée par le présent article doit être appréciée à la lumière de ces éléments d’ensemble.

Aux termes de l’évaluation préalable, la revalorisation de + 0,3 % des APL en 2019 conduira à une hausse de 1,40 euro en moyenne pour chaque allocataire. Ce chiffre ne constitue qu’un ordre de grandeur, susceptible de masquer les disparités – souvent importantes – qui existent en matière de montant des allocations, compte tenu de la grande hétérogénéité des situations de ressources et de loyers.

2.   Des hausses significatives du montant de la PA et de l’AAH annoncées en 2019 et 2020

Comptant parmi les priorités gouvernementales, le soutien aux personnes handicapées et à l’emploi font l’objet de mesures spécifiques s’analysant notamment comme soutien au pouvoir d’achat des personnes les plus modestes.

La PA et l’AAH, qui ne feront pas – ou peu – l’objet de la revalorisation légale prévue aux articles L. 842-3 et L. 821-3-1 du code de la sécurité sociale verront toutefois, l’une comme l’autre, leur montant augmenter, dans des proportions plus importantes que l’inflation en 2019 et en 2020.

La revalorisation « exceptionnelle » – par opposition à la revalorisation légale précédemment évoquée –, amorcée au printemps 2018, se poursuivra en 2019 et en 2020, dans les conditions et selon les modalités rappelées ci-après.

L’effort budgétaire consenti est notable : les documents budgétaires annexés au présent projet de loi de finances indiquent que la dotation budgétaire pour 2019 sélève à 6 milliards deuros pour la PA et à plus de 10 milliards deuros pour lAAH.

a.   Un recalibrage de la prime d’activité pour en renforcer les effets au niveau du SMIC

Le rapport d’évaluation établi en 2017 par la direction générale de la cohésion sociale (1) dresse un premier bilan positif de la prime dactivité (PA). En 2016, la PA a été versée à 2,58 millions de foyers, pour un montant total de 4,77 milliards d’euros. Au cours de la même année, le montant moyen par foyer s’élève à 158 euros.

Les objectifs assignés à la PA concernent tant le retour ou le maintien dans l’emploi que la lutte contre la pauvreté. À cet égard, les évaluations de la direction générale de la cohésion sociale font apparaître que la PA a permis de faire reculer de 0,4 point le taux de pauvreté en France.

Par rapport aux prestations dont elle est l’héritière – le revenu de solidarité active (RSA) activité et la prime pour l’emploi –, la PA est davantage ciblée sur les ménages aux revenus les plus modestes : plus de deux tiers des bénéficiaires de la PA ont ainsi un niveau de vie inférieur à celui de 70 % de la population générale. 70 % des ménages bénéficiaires de la PA se trouvent dans les trois premiers déciles de niveau de vie.

C’est aussi une prestation mieux « consommée » : le taux de recours à la PA s’est révélé plus important qu’attendu, témoignant de la rapide montée en charge du dispositif et de son appropriation par les personnes concernées. En 2016, le taux de recours trimestriel moyen à la PA est estimé à 73 % en effectifs et 77 % en masses financières.

Par rapport au RSA activité, la PA concerne des allocataires dont les revenus sont plus élevés : en décembre 2016, le revenu mensuel moyen des foyers bénéficiaires de la PA s’élève à 1 043 euros (au lieu de 777 euros pour les foyers bénéficiaires du RSA activité en décembre 2015). Plus de la moitié (56 %) des foyers bénéficiaires de la PA ont, en décembre 2016, un revenu mensuel supérieur à 1 000 euros (leur part était de 33 % avec le RSA activité en décembre 2015).

(1)    Ministère des solidarités et de la santé, direction générale de la cohésion sociale, Rapport d’évaluation de la prime d’activité, 2017.

répartition des foyers bénéficiant de la prime d’activité
en fonction du montant mensuel perçu

Montant mensuel
(en euros)

Répartition
(en %)

0 à 50

13

50 à 100

24

100 à 150

19

150 à 200

15

200 à 250

12

250 à 350

11

350 et plus

7

Source : Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF), fichiers Filéas décembre 2016. Champ : CAF, France entière.

i.   Une première revalorisation à partir du mois d’août 2018

Le montant forfaitaire de la PA a fait l’objet d’une revalorisation de 20 euros en octobre 2018 ([299]). Cette revalorisation, applicable à compter du mois d’août 2018, l’a porté à 551,51 euros (soit une hausse de près de 3,8 % par rapport au montant revalorisé en avril 2018). Parallèlement, la fraction des revenus professionnels incluse dans le calcul du montant de la prestation, inchangée depuis la création de la PA, a été abaissée d’un point et s’élève donc, depuis le mois d’août, à 61 % ([300]).

L’impact budgétaire de ces deux modifications aux effets opposés pour l’année 2018 est le suivant :

– 71 millions d’euros (de l’ordre de 800 millions d’euros en année pleine) au titre de la hausse du montant forfaitaire ;

– 29 millions d’euros (de l’ordre de 300 millions d’euros en année pleine) de moindres dépenses pour 2018 au titre de la baisse de la fraction de revenus professionnels pris en compte dans le calcul de la PA.

Pour les bénéficiaires de la PA, le montant forfaitaire a augmenté de 20 euros mais la fraction des revenus professionnels pris en compte dans le calcul a baissé d’un point. Pour « la plupart » ([301]) des bénéficiaires, la perte associée à la moindre prise en compte des revenus professionnels dans le calcul de la PA est ou sera compensée par la hausse du montant forfaitaire ainsi que par la suppression des cotisations sociales salariales

ii.   La création d’une nouvelle bonification pour 2019, 2020 et 2021

Conformément aux engagements du président de la République visant à soutenir le pouvoir d’achat des travailleurs aux revenus les plus modestes, le présent projet de loi de finances prévoit la création d’une nouvelle bonification « aux paramètres propres » permettant « un ciblage prioritaire des travailleurs rémunérés au niveau du SMIC » ([302]). Cette bonification, dont l’instauration est proposée par l’article 82 du présent projet de loi de finances, rattaché à la mission Solidarité, insertion et égalité des chances fait l’objet d’un commentaire dans le rapport spécial de Mme Stella Dupont ([303]).

Les paramètres de cette nouvelle bonification sont renvoyés à un décret. Seules les grandes orientations sont, à ce stade, connues : « Une nouvelle bonification dont le montant serait une fonction croissante des revenus situés entre un seuil et un plafond, mais qui décroîtrait une fois ce plafond atteint. » ([304]) Il est indiqué, dans les documents budgétaires, que la bonification ainsi créée en 2019 s’élèvera également à 20 euros et qu’elle sera revalorisée de 20 euros en 2020 et en 2021.

Selon la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF), le coût associé à la nouvelle bonification de la PA prévue à l’article 82 du présent projet de loi de finances en année pleine est de 200 millions deuros, soit 16,7 millions d’euros par mois.

Compte tenu du décalage temporel qui existe entre « le mois de droit » et celui de la perception de la prestation, les augmentations du montant maximum de la seconde bonification, prévues aux mois d’août 2019, 2020 et 2021, produiront leurs effets à compter du mois d’octobre de chacune de ces années.

La nouvelle bonification devrait bénéficier, à horizon 2022, à 3,2 millions de ménages et représenter un gain moyen par foyer de 40 euros ([305]).

Lors de son audition devant la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale à l’occasion de l’examen des crédits relevant de son ministère, la ministre des solidarités et de la santé ([306]) a annoncé que le Gouvernement avait décidé « d’aller plus fort et plus vite en 2019 et 2020 pour amplifier plus rapidement les incitations à la reprise d’activité ». La prime d’activité augmentera ainsi de 30 euros en avril 2019 (soit 10 euros de plus qu’annoncé), de 20 euros en avril 2020 et de 20 euros en avril 2021 (et non plus en août comme annoncé).

Deux amendements du Gouvernement adoptés en séance publique traduisent ces engagements : un amendement avançant la date d’entrée en vigueur de la nouvelle bonification ([307]) et un amendement de crédit augmentant de 116 millions d’euros les crédits de la prime d’activité pour 2019 ([308]).

Au total, la prime d’activité devrait donc augmenter de 70 euros d’ici 2021.

Les tableaux ci-dessous indiquent, de manière simpfliée, les gains associés aux bonifications annoncées concernant le montant forfaitaire de la PA et les pertes résultant de la baisse de la fraction des revenus pris en compte dans le calcul de la PA. Compte tenu des nombreux paramètres individuels entrant dans le calcul du montant de la PA et de l’absence d’éléments sur les contours précis de la nouvelle bonification, seules des estimations peuvent être esquissées.

Évolution des paramètres principaux de la PA au niveau du SMIC

Date

Montant forfaitaire de la PA

(en euros)

Montant maximal de la bonification

(en euros)

Fraction des revenus professionnels prise en compte

Forfait logement (12 % du montant forfaitaire)

Montant de la PA (1)

(en euros)

Avril 2018

531,51

67,94

62 %

63,78

85,4

­

Août 2018

551,51

70,5

61 %

66,18

93,7

­

Avril 2019

551,51

70,5

61 %

66,18

93,7

+ 30

Avril 2020

551,51

70,5

61 %

66,18

123,7

+ 20

Avril 2021

551,51

70,5

61 %

66,18

143,7

+ 20

(1) Avec montant de la PA = montant forfaitaire + (fraction des revenus professionnels x SMIC) + montant maximal de la bonification  SMIC  forfait logement.

(2) Évolution montant de la PA en année N  montant de la PA en N  1.

Les estimations ont été réalisées sur la base d’un SMIC mensuel à 1 184,93 euros nets, supposé, par commodité, constant sur la période, en prenant la situation d’une personne célibataire sans enfant et sans prise en compte des éléments relatifs aux ressources du foyer autres que le SMIC.

NB. Les données pour lannée 2021 ne tiennent pas compte dune éventuelle revalorisation légale.

Source : commission des finances.

b.   Une revalorisation exceptionnelle de l’AAH pour porter son montant à 900 euros en novembre 2019

Fixé à 819 euros depuis le mois d’avril 2018, le montant de l’AAH devrait connaître en 2018 et en 2019 plusieurs hausses successives, le portant à 860 euros en novembre 2018 et à 900 euros d’ici novembre 2019.

Cette hausse « sans précédent » ([309]) représente un effort de plus de 500 millions d’euros en 2019.

Le présent projet de loi de finances prévoit également de simplifier les compléments à l’AAH (article 83) ([310]).

*

*     *

La commission examine les amendements de suppression II-CF116 de Mme Marie-Christine Dalloz, II-CF1020 de Mme Véronique Louwagie, IICF1120 de Mme Sabine Rubin, II-CF1154 de Mme Christine Pires Beaune et II-CF1319 de M. Paul Molac.

Mme Marie-Christine Dalloz. Mon amendement propose purement et simplement la suppression de l’article 65. « Augmentation maîtrisée des prestations sociales »... De qui se moque-t-on ? La revalorisation prévue n’est que de 0,3 % pour les pensions de retraite, les aides personnalisées au logement (APL) et plusieurs autres prestations. Il est proprement scandaleux que l’État soit le seul à bénéficier largement des effets de l’inflation. Pourquoi faire payer toujours aux mêmes la maîtrise des dépenses publiques ?

M. Gilles Carrez. L’amendement II-CF1020 est défendu.

M. Éric Coquerel. Nous nous opposons aux non-revalorisations des prestations sociales. L’APL, l’ALF, l’ALS, la prime d’activité et l’AAH seront désindexées de l’inflation en 2019 et en 2020. Cela aura pour conséquence directe une perte sèche de pouvoir d’achat pour nos concitoyens, particulièrement les plus défavorisés, puisque l’inflation atteindra 1,7 % cette année.

La majorité se plaît à expliquer que la baisse des cotisations sociales et la hausse des salaires nets se traduisent par une hausse du pouvoir d’achat ; cet article montre que c’est tout l’inverse qui se produit. D’où notre amendement de suppression II-CF1120.

Mme Christine Pires Beaune. Mon amendement est identique. En changeant les règles qui s’appliquaient jusqu’alors, cet article va provoquer une baisse de pouvoir d’achat. Si l’on ajoute les sous-revalorisations votées dans le PLFSS 2019, ce sont 3,5 milliards d’euros d’économies que l’État s’apprête à faire sur le dos des plus modestes.

M. Paul Molac. La revalorisation de 0,3 % pour 2019 et 2020 ne compense pas les effets de la désindexation par rapport à l’inflation qui sera, selon les prévisions, de 1,7 % et 1,8 % pour les deux années à venir. La perte de pouvoir d’achat est nette puisqu’elle est supérieure à 2 %. Nos concitoyens vont évidemment s’en apercevoir car ils ne sont pas plus idiots que nous.

Mme Christine Pires Beaune. Ils s’en sont déjà aperçus...

M. Paul Molac. Cela posera certainement problème, d’autant que ces mesures interviennent après que d’autres atteintes ont été portées au pouvoir d’achat. La colère gronde et la paix sociale risque d’être difficile à préserver. D’où mon amendement.

M. le Rapporteur général. On pourrait se demander ce que fait un tel article au sein d’un projet de loi de finances : il s’agit en réalité d’un article miroir de l’article 44 du PLFSS, qui a procédé à une revalorisation maîtrisée similaire des prestations sociales.

Il me paraît important de replacer ces mesures de moindre revalorisation dans un contexte plus général de réforme des aides en faveur du logement. Pour la prime d’activité et l’AAH, l’effet sera plus que compensé par les mesures exceptionnelles déjà prises ou annoncées. La revalorisation exceptionnelle de la prime d’activité, amorcée en 2018, sera reconduite en 2019, ce qui représente un effort budgétaire de 6 milliards d’euros, et elle se poursuivra en 2020 et 2021. Quant à l’AAH, elle fera l’objet de hausses successives qui porteront son montant à 860 euros en novembre 2019, pour un coût de 500 millions d’euros, et à 900 euros en novembre 2020.

Pour toutes ces raisons, j’émettrai un avis défavorable à tous les amendements déposés à l’article 65.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il y a des choses qu’on peut entendre et d’autres pas. Quand M. le Rapporteur général dit que la revalorisation exceptionnelle de la prime d’activité va représenter un effort de 6 milliards d’euros, c’est un biais. La prime existait déjà et l’effort complémentaire est bien moindre.

Dans l’exposé des motifs de l’article 65, je lis cette phrase : « Cela implique d’optimiser la revalorisation des prestations sociales. » Ce n’est pas acceptable ! Comment parler d’optimisation quand la revalorisation n’est que de 0,3 % avec l’inflation à 1,7 % ?

Mme Christine Pires Beaune. Certes, il y a des revalorisations mais il y a aussi des sous-indexations. En réalité, ce que vous donnez d’une main, vous le reprenez partiellement d’une autre, ce qui contribue du reste à brouiller la communication du Gouvernement. Personnellement, je dois dire que je comprends assez mal cette politique.

M. Paul Molac. Faisons un petit calcul : prenons la somme de 800 euros que vous évoquiez tout à l’heure, si on lui enlève 3 %, cela fera 24 euros de moins. Vous pouvez toujours augmenter d’un côté, mais si vous diminuez de l’autre, cela pose problème.

Mme Amélie de Montchalin. Nous sommes pressés par le temps mais je tiens tout de même à rappeler la philosophie de notre politique en matière sociale. Nous voulons sortir d’une logique monétaire universelle pour aller vers une logique de services.

Prenons les 2 milliards d’euros que nous consacrons au crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile, qui était auparavant une réduction d’impôt. Si une heure de service à domicile coûte à une personne retraitée 15 euros au lieu de 30 euros avec les charges, elle retrouve les 15 euros que lui aurait procurés une revalorisation indexée sur l’inflation. Ajoutez-y l’aide à la complémentaire santé – 600 euros pour un couple de retraités modestes –, les 400 millions d’euros pour les hôpitaux de proximité, la valeur que constituent pour les familles le dédoublement des classes, les cours de musique à l’école, l’aide aux devoirs, l’accès à la crèche ou encore l’aide aux familles monoparentales, avec 140 euros supplémentaires par mois. Le pouvoir d’achat ne se réduit pas à une question de revenus : il est fonction des moyens dont on dispose et de l’accès à des services publics de qualité. Nous avons fait le choix de sortir d’une logique universelle et de privilégier une logique d’investissement dans les services qui répondent aux besoins quotidiens des retraités, des familles, de ceux qui cherchent un emploi...

Mme Marie-Christine Dalloz. Avec des hôpitaux qui ferment !

Mme Amélie de Montchalin. Le meilleur exemple en est le reste à charge zéro. Vous aurez beau donner 5 euros ou 10 euros de plus à tous les Français, cela ne les fera pas aller chez le dentiste, chez l’opticien ou chez l’audioprothésiste s’ils doivent payer au prix fort leurs lunettes ou leurs prothèses dentaires ou auditives.

M. Éric Coquerel. Je ne sais pas si vous vous rendez bien compte des implications de la position que vous défendez, madame de Montchalin. En fait, vos cadeaux sont fléchés : vous décidez à la place des pauvres quelles doivent être leurs priorités.

Mme Marie-Christine Dalloz. Exactement !

M. Éric Coquerel. C’est sidérant ! De quel droit ? C’est comme si je décidais de vous enlever une partie des rémunérations que vous touchez pour vous faire des cadeaux choisis à votre place. Ça, c’est de la charité, pas de la solidarité ! Vous ne pouvez pas mener une politique d’accès à des services qui devraient être universels en ponctionnant sur le peu d’argent qu’il reste aux Français les plus défavorisés. Votre logique est incroyable ; elle a même, et je crois, pour vous connaître, que vous n’en avez pas conscience, un côté méprisant.

Mme Amélie de Montchalin. Pas du tout !

M. Éric Coquerel. Mais si ! Allez expliquer aux gens que vous leur enlevez tant d’argent par mois et qu’ils doivent être contents de vos cadeaux fléchés, devoirs pour enfants et autres !

M. Michel Castellani. Depuis quelques années, il y a un décrochage entre le niveau des aides et les dépenses réelles des ménages. Le pouvoir d’achat, déjà affecté par la relance de l’inflation et la hausse des prix de l’énergie, est objectivement rogné. Il est indispensable de procéder à une revalorisation et de poser une limite à cette politique qui touche directement les ménages les plus modestes.

M. Thibault Bazin. Beaucoup d’idées sont avancées et nous perdons en lisibilité dans nos débats. De quoi est-il question ? D’une sous-indexation de prestations sociales par rapport à l’inflation et d’une sous-revalorisation des plafonds de ressources. D’un côté, on fait sortir des ménages des dispositifs de soutien, de l’autre, on affiche une série de dispositifs marketing...

Mme Amélie de Montchalin. Non !

M. Thibault Bazin. Je prendrai un exemple : vous mettez en avant les familles monoparentales, avec un dispositif de complément de mode de garde qui coûte 50 millions d’euros. Soit. Mais vous enlevez 500 millions, dix fois plus, aux autres familles !

Vous évoquez les dédoublements de classe. Mais peu de familles en France en bénéficient car ils ne concernent que quelques quartiers. Et dans les zones de désertification scolaire, les établissements sont tellement éloignés du domicile que les enfants doivent rester à la cantine, ce qui entraîne des coûts supplémentaires.

La plupart des familles voient leur pouvoir d’achat raboté. Et du fait de l’inflation à prévoir pour 2019, elles perdront encore plus de pouvoir d’achat. Nous ne pouvons pas souscrire à une telle politique.

M. Daniel Labaronne. Monsieur Coquerel, la France se caractérise par un modèle social bien établi : à un niveau élevé de prélèvements obligatoires correspond un niveau élevé de dépenses publiques consacrées à une large offre de services publics. Je prendrai un exemple simple : l’enseignement supérieur est quasiment gratuit. Est-ce à dire que notre modèle social reposerait sur une certaine conception de la charité ?

M. Éric Coquerel. Ce n’est pas ce que j’ai dit.

M. Daniel Labaronne. Il ne faut pas simplement prendre en compte l’argent donné à chaque ménage mais considérer l’ensemble des services publics et sociaux qui font la fierté de notre pays.

La commission rejette les amendements de suppression.

Elle est saisie des amendements identiques II-CF907 de Mme Émilie Bonnivard et II-CF1121 de Mme Sabine Rubin.

M. Thibault Bazin. L’amendement II-CF907 vise à supprimer le I de l’article 65 qui prévoit une « augmentation maîtrisée des prestations sociales ». La prime d’activité et l’AAH font l’objet d’une revalorisation exceptionnelle, limitée à 2019. Rien n’est prévu pour les prestations familiales, les pensions de retraite, les pensions d’invalidité, les rentes versées au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles qui seront sous-revalorisées.

M. Éric Coquerel. Le I, que notre amendement II-CF1121 tend également à supprimer, prévoit de désindexer de l’inflation la revalorisation de l’APL ainsi que l’ALF et l’allocation de logement sociale. L’APL a déjà subi une réduction l’an dernier, que l’on a fait supporter aux bailleurs sociaux : nous estimons qu’il ne faut pas affaiblir davantage cette aide qui apporte à beaucoup de Français un complément nécessaire pour se loger.

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette les amendements identiques.

Elle examine l’amendement II-CF1122 de Mme Sabine Rubin.

M. Éric Coquerel. Dans la même logique, cet amendement s’oppose à l’absence de revalorisation du montant forfaitaire de la prime d’activité et du montant maximal de sa bonification qui pèsera sur des populations déjà en difficulté.

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement II-CF1123 de Mme Sabine Rubin.

M. Éric Coquerel. Cet amendement pointe la non-revalorisation de l’AAH. C’est peut-être le plus scandaleux, car on peut mesurer les inégalités dans un pays à l’aune de la situation qu’il réserve aux personnes en situation de handicap. Le Gouvernement a décidé de la bonifier, mais nous voyons bien, comme le disait Mme Pires Beaune, qu’il donne d’une main pour reprendre de l’autre. J’aimerais que le bon sens l’emporte et que notre commission adopte cet amendement.

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette cet amendement.

Puis elle adopte l’article 65 sans modification.

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*     *

Article 66
Garantie de la redevance due à la société Rugby World Cup Limited dans le cadre de lorganisation en 2023, en France, de la coupe du monde de rugby

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article autorise l’État à accorder sa garantie à la société Rugby World Cup Limited au titre de la redevance d’organisation de la coupe du monde de rugby de 2023 due par le groupement d’intérêt public « #France 2023 », dans la limite d’un montant total de 162,45 millions d’euros.

Dernières modifications législatives intervenues

L’article 51 de la seconde loi de finances rectificative pour 2014 a instauré un régime fiscal dérogatoire en faveur des organismes chargés de l’organisation en France d’une compétition sportive internationale lorsque la décision d’attribution est intervenue avant le 31 décembre 2017. Tel est le cas de la coupe du monde de rugby 2023, puisqu’elle a été attribuée à la France le 15 novembre 2017.

L’article 81 de la seconde loi de finances rectificative pour 2017 a accordé la garantie de l’État au remboursement des sommes versées, au titre de l’organisation de l’édition 2024 des Jeux olympiques et paralympiques à Paris.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Le présent article a été adopté sans modification par la commission.

I.   L’ÉTAT DU DROIT

A.   LES ENGAGEMENTS DU GROUPEMENT D’INTÉRÊT PUBLIC « #FRANCE 2023 »

1.   Présentation du groupement d’intérêt public « #France 2023 »

Les groupements d’intérêt public (GIP) sont des personnes morales de droit public dotées de l’autonomie administrative et financière. Ils sont constitués par une convention approuvée par l’État soit entre plusieurs personnes morales de droit public, soit entre l’une ou plusieurs d’entre elles et une ou plusieurs personnes morales de droit privé. Ces personnes y exercent ensemble des activités d’intérêt général à but non lucratif, en mettant en commun les moyens nécessaires à leur exercice ([311]).

Le groupement d’intérêt public « #France 2023 » – ci-après « GIP France 2023 » – a pour objet d’organiser la coupe du monde de rugby 2023, attribuée à la France le 15 novembre 2017.

Il jouit de la personnalité morale depuis la publication de son arrêté constitutif intervenue au Journal officiel du 28 avril 2018 ([312]).

La coupe du monde de rugby

La coupe du monde de rugby est une compétition sportive disputée tous les quatre ans depuis 1987. Elle est ouverte à toutes les fédérations reconnues par World Rugby, une association de droit irlandais créée en 1886 et siégeant à Dublin.

La compétition se déroule en deux phases : une phase de qualification et un tournoi final qui se tient dans le ou les pays organisateurs de la coupe du monde. En 2007, la France a accueilli 42 des 48 matchs du tournoi final de la coupe du monde de rugby.

La dernière coupe du monde de rugby a été organisée en 2015 en Angleterre. La prochaine aura lieu au Japon en 2019.

Le GIP France 2023 est constitué de trois membres :

– la Fédération française de rugby (FFR) qui détient 62 % des droits ;

– l’État qui détient 37 % des droits ;

– et le Comité national olympique et sportif français qui détient 1 % des droits.

Le GIP France 2023 a tenu son premier conseil d’administration et sa première assemblée générale à Paris le 15 mai 2018. À cette occasion, son président et son directeur général ont été désignés.

2.   Paiement de la redevance d’organisation de la coupe du monde de rugby 2023

Le GIP France 2023 est notamment chargé de financer la coupe du monde de rugby de 2023. Il doit à ce titre verser une redevance d’organisation à la société de droit irlandais Rugby World Cup Limited, qui est une filiale commerciale de l’association de droit irlandais World Rugby.

La redevance, d’un montant global de 171 millions d’euros, doit être versée à la société Rugby World Cup Limited en huit échéances qui s’étalent de janvier 2018 à janvier 2024.

À ce jour, 8,55 millions d’euros ont d’ores et déjà été payés. Il reste 162,45 millions d’euros à verser à la société Rugby World Cup Limited en cinq échéances annuelles de 8,55 millions d’euros (de janvier 2019 à janvier 2023) et une dernière échéance de 119,7 millions d’euros en janvier 2024.

Calendrier de paiement de la redevance

(en millions d’euros)

Date

Montant

30 janvier 2018

7,41

1er mars 2018

1,15

Sous-total déjà réglé

8,55

30 janvier 2019

8,55

30 janvier 2020

8,55

30 janvier 2021

8,55

30 janvier 2022

8,55

30 janvier 2023

8,55

21 janvier 2024

119,7

Sous-total à régler

162,45

Total

171

Source : évaluation préalable.

Le paiement de cette redevance fait actuellement l’objet d’une garantie accordée par la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Le GIP France 2023 verse à ce titre une rémunération à la CDC correspondant à 3 % de l’encours garanti. Ceci représenterait en 2019 un coût de 4,8 millions d’euros pour le GIP France 2023, selon les renseignements recueillis par le Rapporteur général auprès du Gouvernement.

B.   LES DISPOSITIONS PRISES EN LOIS DE FINANCES POUR L’ORGANISATION DES GRANDES COMPÉTITIONS SPORTIVES INTERNATIONALES

L’accueil de grandes compétitions sportives internationales participe au rayonnement du pays qui l’organise, occasionne d’importantes retombées économiques et incite à la pratique du sport. Ce sont également des événements festifs et populaires.

C’est la raison pour laquelle, les pays candidats à l’organisation de telles compétitions sont nombreux. Les fédérations internationales qui attribuent le droit de les organiser sont en position favorable dans la négociation.

La Cour des comptes a d’ailleurs porté une appréciation sévère sur les concessions accordées par les pouvoirs publics pour l’obtention du droit d’organiser le championnat d’Europe de football de 2016 : « Maints engagements pris ont été exorbitants du droit national. Certaines des dispositions prises emportaient des conséquences financières : gratuité du concours des forces de lordre pour lÉtat, perte de redevance doccupation du domaine public ou de recettes commerciales pour les collectivités. Le pilotage interministériel réunissant les pouvoirs publics, réel mais mis en œuvre de façon tardive, a été très limité dans sa portée, car ne bénéficiant pas dun portage politique puissant. Seules les villes ont su peser sur certains dispositifs initiaux pour en modérer les effets budgétaires. Au total, le dispositif densemble qui sest appliqué à lEuro 2016, a été dune qualité institutionnelle et juridique médiocre, témoignant dun recul de lÉtat face aux instances du sport professionnel. » ([313])

En leur qualité de propriétaire des droits de la manifestation sportive, les fédérations internationales définissent unilatéralement, pour l’essentiel, les règles de déroulement de la compétition.

Elles sont également en capacité d’imposer un cahier des charges qui contient le plus souvent une garantie fiscale prévoyant des exonérations d’impôts, ou encore des garanties sur les sommes dues par l’organisateur.

1.   Un régime fiscal dérogatoire

La France a, par le passé, accueilli de grands événements sportifs comme les Jeux olympiques d’hiver d’Albertville en 1992, le championnat d’Europe de football en 1984, la coupe du monde de football en 1998, le championnat du monde d’athlétisme en 2003 et la coupe du monde de rugby en 2007, sans mettre en place un régime de fiscalité dérogatoire, même si le législateur a pu prévoir des dispositions ad hoc pour certaines manifestations sportives.

À titre d’exemple, l’article 25 de la loi de finances pour 2007 ([314]) a adapté le régime de l’impôt sur les spectacles pour l’organisation de la coupe du monde de rugby en 2007, en élargissant les possibilités d’exonérations de l’impôt sur les spectacles sur décision des conseils municipaux. Les dispositifs d’exonération ou de demi-tarif de l’impôt sur les spectacles ont ainsi été exceptionnellement permis en faveur du groupement d’intérêt public Coupe du monde de rugby 2007.

Un régime fiscal dérogatoire beaucoup plus large a été inséré par l’article 51 de la seconde loi de finances rectificative pour 2014 ([315]) et codifié à l’article 1655 septies du CGI.

Il exonère de la plupart des impositions directes les organismes chargés de l’organisation en France d’une compétition sportive internationale.

Ce régime fiscal dérogatoire est toutefois provisoire et ne s’applique qu’« aux compétitions pour lesquelles la décision dattribution à la France est intervenue avant le 31 décembre 2017 ». Un décret fixe la liste des compétitions concernées ([316]).

Ont bénéficié de ce régime fiscal dérogatoire, les organisateurs :

– du championnat d’Europe de basket-ball masculin 2015 ;

– du championnat d’Europe de football masculin 2016 ;

– du championnat du monde de handball masculin 2017 ;

– du championnat du monde de hockey sur glace masculin 2017 ;

– de la Ryder Cup de golf et de la Ryder Cup Junior 2018 ;

– de la coupe du monde féminine (moins de vingt ans) de football 2018.

Il s’appliquera également à l’organisation :

– de la coupe du monde féminine de football 2019, attribuée à la France le 15 mars 2015 ;

– de la coupe du monde de rugby en 2023, dont la décision d’attribution a été prise le 15 novembre 2017 ;

– et des Jeux olympiques et paralympiques en 2024 à Paris, dont la décision d’attribution a été prise le 13 septembre 2017.

Les organisateurs de ces compétitions sont exonérés de l’essentiel des impositions nationales et locales, portant sur :

– les bénéfices et revenus perçus en lien direct avec l’organisation de la manifestation ;

– les rémunérations versées aux salariés de l’organisateur de la manifestation ;

– et les impositions locales en lien avec l’organisation de la manifestation.

Article 1655 septies du code général des impôts

I.– Les organismes chargés de l’organisation en France d’une compétition sportive internationale et, le cas échéant, les filiales de ces organismes, au sens de l’article L. 233-1 du code de commerce, ne sont pas redevables :

1° À raison des bénéfices réalisés en France et des revenus de source française versés ou perçus, lorsque ces bénéfices et ces revenus sont directement liés à l’organisation de la compétition sportive internationale :

a) De l’impôt sur les sociétés prévu à l’article 205 du présent code ;

b) De l’impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux définis aux articles 34 et 35 ;

c) De la retenue à la source prévue à l’article 119 bis ;

d) De la retenue à la source prévue aux b et c du I de l’article 182 B ;

2° À raison des rémunérations versées aux salariés de l’organisme et des sociétés mentionnées au premier alinéa du présent I, lorsque les fonctions exercées par ces salariés sont directement liées à l’organisation de la compétition sportive internationale :

a) De la taxe sur les salaires prévue à l’article 231 ;

b) Des participations mentionnées aux articles 235 bis et 235 ter C ;

c) De la taxe d’apprentissage prévue à l’article 1599 ter A ;

d) De la contribution supplémentaire à l’apprentissage prévue à l’article 1609 quinvicies ;

3° Sous réserve du 2°, des impôts prévus aux titres Ier à II bis de la deuxième partie du présent livre, à l’exception des taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties et de leurs taxes annexes, lorsque leur fait générateur est directement lié à l’organisation de la compétition sportive internationale.

II.– La compétition sportive internationale dont l’organisation ouvre droit au bénéfice du régime défini au I s’entend de celle satisfaisant aux critères cumulatifs suivants :

1° Être attribuée dans le cadre d’une sélection par un comité international, sur candidature d’une personne publique ou d’une fédération sportive nationale délégataire, définie à l’article L. 131-14 du code du sport ;

2° Être de niveau au moins équivalent à un championnat d’Europe ;

3° Être organisée de façon exceptionnelle sur le territoire français ;

4° Entraîner des retombées économiques exceptionnelles.

La qualité de compétition sportive internationale, au sens du présent II, est reconnue par décret.

III.– Les I et II s’appliquent aux compétitions pour lesquelles la décision d’attribution à la France est intervenue avant le 31 décembre 2017.

IV.– Les commissions permanentes chargées des finances et les commissions permanentes compétentes en matière de sport de l’Assemblée nationale et du Sénat reçoivent pour information, au moment du dépôt du dossier de candidature au comité international par la personne publique ou la fédération mentionnée au 1° du II, les lettres d’engagement de l’État pour l’accueil en France d’une compétition sportive internationale susceptible de bénéficier du régime fiscal défini au I.

Ce dispositif a pour origine un engagement qu’avait pris la France – par simple courrier ministériel figurant dans le dossier de candidature – d’exonérer d’impôts les organisateurs du championnat d’Europe de football « Euro 2016 » en cas de sélection de la France pour l’accueil de la compétition.

Lors des débats parlementaires, il a été justifié par les avantages économiques et sociaux retirés de l’organisation d’une manifestation sportive internationale de portée significative.

Il a également fait l’objet de critiques dans la mesure où les dépenses sont quasiment intégralement supportées par des organismes publics, tandis que les recettes liées à l’exploitation des droits commerciaux ou de la billetterie sont perçues, en grande partie, par des organismes de droit privé en charge de l’organisation opérationnelle de l’événement.

2.   Des garanties accordées par l’État

Les garanties de l’État sont définies comme des engagements par lequel celui-ci accorde sa caution à un organisme dont il veut faciliter les opérations d’emprunt, en garantissant au prêteur le remboursement en cas de défaillance du débiteur. L’État supporte un risque de défaut de l’emprunteur qui aurait un impact sur les comptes publics en cas de réalisation du risque. Ce type d’engagement présente la particularité d’avoir un impact souvent pluriannuel et représentant des enjeux budgétaires significatifs.

Prévus en lois de finances ([317]), les octrois de garantie de l’État sont inscrits en engagements hors bilan de l’État et recensés chaque année au sein du compte général de l’État ([318]), annexé au projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes. Par ailleurs, le programme 114 Appels en garanties de lÉtat de la mission Engagements financiers de lÉtat présente les dépenses budgétaires qui découlent de la mise en jeu des garanties octroyées par l’État.

Conformément à l’article 24 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 ([319]), le Gouvernement doit désormais transmettre chaque année au Parlement, avant le 1er juin, un rapport sur l’exécution des autorisations de garanties accordées en loi de finances qui recense les garanties octroyées au cours de l’année précédente dans ce cadre. Ce rapport n’a toutefois pas encore été transmis...

Il est fréquent que l’État accorde une garantie au titre du paiement des sommes dues par l’organisateur à l’instance internationale qui détient les droits de la compétition sportive internationale.

Dernièrement, l’article 81 de la seconde loi de finances rectificative pour 2017 ([320]) a accordé la garantie de l’État au remboursement des sommes versées, au titre de l’organisation de l’édition 2024 des Jeux olympiques et paralympiques à Paris. Les dispositions de cet article reproduisent un engagement pris par courrier du 30 janvier 2017 par le Premier ministre, pour que la candidature de la France soit acceptée.

De même, l’article 156 de la loi de finances pour 2006 ([321]) avait prévu une garantie en faveur du GIP Coupe du monde de rugby 2007.

Les garanties accordées pour l’organisation de compétitions sportives internationales font parfois l’objet de critiques lors des débats parlementaires au motif que le Parlement serait placé « devant le fait accompli » ([322]), l’octroi d’une garantie étant généralement une condition obligatoire pour obtenir le droit d’organiser ladite compétition.

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A.   UNE GARANTIE DE 162,45 MILLIONS D’EUROS

Le présent article permet à l’État d’accorder à la société Rugby World Cup Limited une garantie de 162,45 millions d’euros, jusqu’au 21 janvier 2024, en cas de non-paiement par le GIP France 2023 de la redevance d’organisation de la coupe du monde de rugby en France en 2023.

Le montant garanti correspond au solde dû sur le montant total de la redevance qui s’élève à 171 millions d’euros.

Il est également prévu :

– qu’en cas d’appel de la garantie, l’État est subrogé dans les droits du créancier à l’égard du GIP France 2023 ;

– et que l’octroi de la garantie est subordonné à l’engagement de la FFR de verser à l’État 62 % du montant des éventuels appels de la garantie.

Cette garantie, accordée à titre gratuit, se substituera à celle accordée par la CDC à titre onéreux. Autrement dit, le GIP France 2023 réalisera une économie correspondant à 3 % de l’encours garanti (4,8 millions d’euros pour 2019).

B.   UN RISQUE BUDGÉTAIRE LIMITÉ POUR DES RETOMBÉES ÉCONOMIQUES IMPORTANTES

Le risque budgétaire pris par l’État doit être nuancé pour plusieurs raisons.

En premier lieu, les engagements financiers inhérents à l’organisation d’une coupe du monde de rugby sont sans commune mesure avec ceux d’une coupe du monde de football ou de jeux olympiques.

Le montant de la garantie se limite à 162,45 millions d’euros. Pour comparaison, la garantie accordée l’an dernier pour les Jeux olympiques de 2024 portait sur un montant total de 1,293 milliard d’euros.

En deuxième lieu, le GIP France 2023 est détenu principalement par la FFR (62 %). Les droits de l’État se limitent à 37 %.

On peut donc en déduire que le risque budgétaire résultant de l’article n’est que 102,3 millions d’euros (63 % de 162,45 millions d’euros) puisque l’État est, en tout état de cause, déjà engagé à hauteur de 37 %.

En troisième lieu, l’État est subrogé dans les droits du créancier en cas d’appel de la garantie. Il pourra en conséquence solliciter de la FFR le paiement de sa contribution.

En quatrième lieu, selon l’évaluation préalable, les recettes de billetterie sont attendues à 373,2 millions d’euros. Le bénéfice escompté est de 68 millions d’euros après paiement de la redevance d’organisation et des dépenses opérationnelles (146 millions d’euros), qui comprennent notamment des frais de logistique, des frais administratifs (dont des dépenses de personnel) ou encore des dépenses de communication et de marketing.

Aux termes de la convention constitutive du groupement d’intérêt public, lors de la dissolution de ce dernier, un éventuel actif net positif sera affecté, par décision du conseil d’administration et après avis du comité d’éthique, à des personnes morales de droit public ou de droit privé chargées d’une mission de service public œuvrant en faveur du développement du rugby sur le territoire national.

En définitive, le risque budgétaire est assez faible, sauf en cas dannulation de la compétition.

Ce risque budgétaire, faible, est à mettre en balance avec les retombées économiques attendues.

Le tournoi final de la coupe du monde de rugby doit se dérouler du 8 septembre au 21 octobre 2023. 48 matchs seront organisés dans 9 stades (Saint-Denis, Marseille, Lyon, Lille, Bordeaux, Saint-Étienne, Nantes, Nice et Toulouse).

L’évaluation préalable mentionne que 450 000 visiteurs sont attendus à l’un des 48 matchs de la compétition. L’impact économique est estimé entre 1,9 et 2,4 milliards d’euros, avec des recettes fiscales de l’ordre de 119 millions d’euros.

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La commission adopte l’article 66 sans modification.

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Article 67
Garantie de lemprunt de lUNESCO pour la rénovation dun bâtiment

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article autorise l’État à accorder sa garantie aux emprunts contractés par l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) au titre de la rénovation du bâtiment V situé rue Miollis à Paris, sur le principal et les intérêts, dans la limite d’un montant total de 41,8 millions d’euros en principal.

Dernières modifications législatives intervenues

L’article 82 de la loi n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 de finances rectificative pour 2003 a autorisé l’État à garantir l’emprunt souscrit par l’UNESCO pour la rénovation de son siège à Paris, dans la limite d’un encours en principal de 80 millions d’euros.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La présent article a été adopté par la commission sans modification.

I.   L’ÉTAT DU DROIT

A.   LA FRANCE, PAYS HÔTE DE L’UNESCO

1.   Présentation de l’UNESCO

Dès 1942, les gouvernements de plusieurs pays européens en guerre contre l’Allemagne se sont réunis au Royaume-Uni pour la Conférence des ministres alliés de l’éducation (CAME) dans le but de discuter de la reconstruction de leurs systèmes d’éducation une fois la paix rétablie.

Sur proposition de la CAME, une conférence des Nations unies chargée de la création d’une organisation éducative et culturelle s’est réunie à Londres du 1er au 16 novembre 1945. À la fin de la conférence, trente-sept pays ont fondé l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO).

La convention créant l’UNESCO, signée le 16 novembre 1945, est entrée en vigueur le 4 novembre 1946. Selon son article 1er, « lOrganisation se propose de contribuer au maintien de la paix et de la sécurité en resserrant, par léducation, la science et la culture, la collaboration entre nations, afin dassurer le respect universel de la justice, de la loi, des droits de lhomme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion, que la Charte des Nations Unies reconnaît à tous les peuples ».

Il s’agit d’une institution spécialisée du système des Nations unies.

Elle compte désormais 195 États membres et plusieurs membres associés.

Le 12 octobre 2017, Israël et les États-Unis ont toutefois communiqué leur décision de se retirer de l’organisation à compter du 1er janvier 2019 après l’inscription de la vieille ville de Hébron au patrimoine mondial de l’humanité.

L’UNESCO poursuit son action à travers la mise en œuvre de programmes adoptés pour une période de quatre ans par la Conférence générale, composée de représentants de tous les États membres. Cette dernière se réunit tous les deux ans et adopte un budget biennal.

Les programmes adoptés font l’objet d’un suivi en exécution grâce à une plateforme en ligne dénommée « portail de la transparence » (lien).

2.   Garanties accordées par l’État pour les emprunts relatifs au siège de l’UNESCO

Le siège de l’UNESCO, d’abord installé au Royaume-Uni, a été transféré en France en 1947.

Succédant à un accord provisoire du 10 mars 1947, l’accord de siège entre la France et l’UNESCO a été conclu le 2 juillet 1954. La loi n° 55-1071 du 6 août 1955 a autorisé sa ratification.

L’organisation a utilisé à titre provisoire l’ancien hôtel Majestic, à Paris, en attendant la construction d’un lieu d’accueil définitif qui a été inauguré le 3 novembre 1958.

Le siège de lUNESCO

Situé sur la place de Fontenoy, à Paris, le bâtiment principal qui abrite le siège de l’UNESCO a été inauguré le 3 novembre 1958. La conception en Y a été inventée par trois architectes de différentes nationalités sous la direction d’un comité international. Surnommé « létoile à trois branches », l’édifice se dresse sur soixante-douze colonnes de béton. Il est mondialement connu, non seulement parce qu’il abrite une organisation de renom mais également en raison de ses qualités architecturales exceptionnelles. Le site du siège est composé de trois autres bâtiments. Le deuxième bâtiment, connu sous le nom d’« accordéon », abrite la salle en forme d’œuf avec un plafond en cuivre plissé où se tiennent les sessions plénières de la Conférence générale. Le troisième bâtiment se présente sous la forme d’un cube. Enfin, une quatrième construction se compose de deux étages de bureaux creusés au-dessous du niveau de la rue, autour de six petits patios.

Les bâtiments, qui contiennent de nombreuses œuvres d’art, sont ouverts au public. Dès que les plans architecturaux pour le site de la place de Fontenoy ont été approuvés, l’UNESCO a chargé un certain nombre de grands artistes de créer des œuvres pour orner les futurs locaux. Dans certains cas, les œuvres visent également à évoquer la paix que l’institution a cherché à établir et à préserver dans le monde entier. Au fil des ans, d’autres œuvres ont été acquises. Certaines ont été données à l’organisation par ses États membres. Picasso, Bazaine, Miro, Tapiès, Le Corbusier et de nombreux autres artistes, célèbres ou moins connus, ont tous leur place dans ce musée universel qui fait écho à la diversité de la création artistique à travers le monde.

Source : site internet de l’UNESCO (lien).

Il est de tradition que le pays hôte d’une organisation internationale supporte une responsabilité spéciale en matière d’infrastructures immobilières. Les loyers sont souvent symboliques et les travaux immobiliers sont souvent pris en charge en totalité ou en partie. Par exemple, selon l’évaluation préalable du présent article, « la Suisse octroie régulièrement aux organisations internationales sises sur son territoire des prêts à taux zéro ».

La France s’est inscrite dans cette tradition en accordant sa garantie aux emprunts souscrits par l’UNESCO pour la construction de son siège, et en prenant en charge les intérêts de ces emprunts ([323]).

Le bâtiment V a été construit à la fin des années 1960. L’emprunt qui a financé sa construction a également fait l’objet d’une garantie ([324]). D’une superficie de 6 000 mètres carrés, il accueille aujourd’hui la majorité des 195 délégations des États membres.

Par ailleurs, le siège de l’UNESCO a fait l’objet de profondes rénovations dans les années 1990 et 2000.

Les contributions volontaires des États étaient toutefois insuffisantes pour couvrir l’ensemble du coût des travaux. L’UNESCO a dû recourir à l’emprunt pour achever le plan de rénovation adopté.

C’est dans ce contexte que l’article 82 de la loi de finances rectificative pour 2003 ([325]) a autorisé l’État à garantir l’emprunt souscrit par l’UNESCO pour la rénovation de son siège à Paris, dans la limite d’un encours en principal de 80 millions d’euros ([326]).

L’emprunt a été souscrit auprès de la Caisse des dépôts et consignations. L’encours en capital restant dû au 31 décembre 2017 s’élevait à 13 millions d’euros. Le remboursement de ce prêt doit s’achever en 2021. La garantie n’a pas été appelée.

Les intérêts sont pris en charge par l’État (programme 105 Action de la France en Europe et dans le monde de la mission Action extérieure de lÉtat).

La France se situe au cinquième rang des contributeurs au budget ordinaire de l’UNESCO (13,5 millions d’euros prévus dans le présent projet de loi de finances).

Linfluence de la France au sein de lUNESCO

Grâce à sa qualité de pays hôte, la France exerce une influence certaine au sein de l’UNESCO. Sa directrice générale est française. Les Français représentent près d’un quart des personnels. La France est à l’origine de la convention de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.

L’expertise scientifique française participe également aux programmes de l’UNESCO, tels que :

– la Commission océanographique internationale qui étudie notamment les mesures de prévention de tsunamis ;

– le programme hydrologique international qui s’intéresse à la gestion des ressources en eau ;

– et le programme « Homme et biosphère » qui préserve la biodiversité à travers un réseau de parcs naturels protégés.

Source : site internet du ministère des affaires étrangères (lien).

B.   SITUATION FINANCIÈRE DE L’UNESCO

Selon le rapport financier pour l’exercice clos le 31 décembre 2017, l’UNESCO a enregistré un déficit de 39,7 millions de dollars en 2017 (lien).

résultat financier de l’unesco

(en milliers de dollars)

Postes

2017

2016

Contributions mises en recouvrement

316 327

322 727

Contributions volontaires

261 278

246 329

Autres (gains de change, produits financiers, autres produits)

70 817

45 969

Total des produits

648 422

615 025

Total des charges

688 170

663 687

Résultat

 39 748

 48 662

Source : Unesco.

Toutefois, la situation nette de l’UNESCO demeure positive à hauteur de 257,6 millions de dollars grâce aux réserves réglementées. L’utilisation de ces réserves est régie soit par des règlements financiers particuliers soit par des accords signés avec les donateurs.

La situation financière de l’UNESCO est donc saine et ne présente pas de risque d’insolvabilité.

Toutefois, le niveau du fonds de roulement est plutôt faible, puisqu’il se limite à 31,2 millions de dollars au 31 décembre 2017.

La Conférence générale qui s’est réunie du 30 octobre au 14 novembre 2017 a décidé d’allouer un budget intégré de 1,2 milliard de dollars à l’Unesco pour la période 2018-2019. Ce budget comprend le budget régulier qui s’élève à 595,2 millions de dollars ainsi que des contributions volontaires affectées à des actions spécifiques de sources publiques et privées.

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article autorise l’État à accorder sa garantie aux emprunts contractés par l’Unesco au titre de la rénovation du bâtiment V situé rue Miollis à Paris, sur le principal et les intérêts, dans la limite d’un montant total de 41,8 millions d’euros en principal.

Le Gouvernement s’est, en outre, engagé à prendre en charge les intérêts conformément à l’usage établi entre la France et l’UNESCO.

A.   LA NÉCESSITÉ DE RÉNOVER UN BÂTIMENT DE L’UNESCO

Selon l’évaluation préalable, « létat du bâtiment V de lUNESCO, où sont hébergées les délégations auprès de lorganisation, est préoccupant ». Des travaux en trois phases sur une période quatre ans et demi doivent être réalisés pour un coût total de 41,8 millions d’euros afin d’assurer la sécurité des différentes délégations.

Il est également indiqué qu’une étude de faisabilité a démontré que les travaux permettront d’améliorer la performance énergétique du bâtiment (60 % d’économies d’énergie et 40 % d’économies sur les consommations).

B.   LA GARANTIE PROPOSÉE

Le fonds de roulement de l’UNESCO se limitait à 31,2 millions de dollars fin 2017. Il ne permet pas de financer les travaux envisagés.

L’UNESCO doit donc de nouveau recourir à l’emprunt.

La garantie de l’État, proposée par le présent article, diminue le coût de l’emprunt pour l’UNESCO. En conséquence, cela réduit également le montant des intérêts pris en charge par la France en sa qualité de pays hôte.

L’octroi de la garantie n’emporte, par ailleurs, aucune conséquence budgétaire tant que l’UNESCO ne fait pas défaut. Selon l’évaluation préalable, le « risque paraît particulièrement faible au regard du financement de linstitution, qui bénéficie des contributions annuelles des États membres ».

*

*     *

La commission adopte l’article 67 sans modification.

*

*     *

Article 68
Garantie par lÉtat des emprunts de lUnédic émis en 2019

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article autorise l’État à accorder sa garantie aux emprunts contractés par l’Unédic au cours de l’année 2019, en principal et en intérêts, dans la limite d’un plafond global en principal de 2 5 milliards d’euros.

Dernières modifications législatives intervenues

L’article 82 de la seconde loi de finances rectificative pour 2017 a autorisé l’État à accorder sa garantie aux emprunts contractés par l’Unédic au cours de l’année 2018, en principal et en intérêts, dans la limite d’un plafond global en principal de 4,5 milliards d’euros.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Le présent article é été adopté par la commission sans modification.

I.   L’ÉTAT DU DROIT

A.   LA GARANTIE DE L’ÉTAT SUR L’ENDETTEMENT DE L’UNÉDIC

1.   L’endettement de l’Unédic : 35 milliards d’euros

a.   Présentation de l’Unédic

Créée en 1958 ([327]), l’Unédic ([328]) est une association chargée, par délégation de service public, de la gestion de l’assurance chômage en France ([329]). Elle exerce cette gestion sous la responsabilité des organisations représentatives, au plan national et interprofessionnel, des salariés (CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT et CGT-FO) et des employeurs (MEDEF, CGPME et UPA).

Les partenaires sociaux négocient de façon régulière une convention et un règlement d’assurance chômage qui détaillent les règles d’indemnisation des demandeurs d’emploi, le taux des contributions des salariés et des employeurs, les conditions d’ouverture des droits des allocataires, le montant et la durée des allocations, et la nature des aides à la reprise d’emploi. La convention agréée par l’État rend les règles obligatoires.

b.   Situation financière de l’Unédic

La situation financière de l’Unédic est, pour partie, liée à la conjoncture économique et, en particulier, à l’évolution des niveaux d’emploi et du taux de chômage. L’assurance chômage réagit davantage à la conjoncture que les autres régimes de protection sociale.

En phase basse du cycle économique, le ralentissement de l’activité et la hausse du chômage conduisent à une baisse des recettes de contributions mais aussi à un surcroît des dépenses d’indemnisation. À l’inverse, une croissance élevée entraîne à la fois un surplus des recettes et des moindres dépenses.

i.   Données d’exécution sur la période 2008-2017

Le dernier excédent de l’Unédic remonte à 2008. L’Unédic est en déficit depuis 2009, jouant ainsi un rôle de stabilisateur social consécutif à la crise financière de 2008.

Résultat financier de l’Unédic depuis 2008

(en milliards d’euros)

Année

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Résultat

+ 4,6

– 0,6

– 2,8

– 2,4

– 2,7

– 3,8

– 3,7

– 4,3

– 4,3

– 3,4

Source : Unédic.

Selon l’Unédic, ces déficits ont une origine essentiellement conjoncturelle. Le déficit annuel structurel sur la période 2010-2017 se limiterait à 1,5 milliard d’euros ([330]).

Le déficit pour 2017 s’est élevé à 3,4 milliards d’euros.

Les dépenses ont été de 39,9 milliards d’euros dont :

– 34 milliards d’euros au titre du versement d’allocations et d’aides en faveur des demandeurs d’emploi ;

– 3,3 milliards d’euros au titre du financement de Pôle emploi ;

– 2,1 milliards d’euros de cotisations aux caisses de retraite complémentaire pour le compte des demandeurs d’emploi ;

– et 0,4 milliard d’euros de frais financiers.

Les recettes se sont limitées à 36,4 milliards d’euros dont 35,5 milliards d’euros de contributions des employeurs et des salariés.

L’Unédic recourt à des emprunts pour couvrir le besoin de financement nécessaire à la continuité de l’indemnisation du chômage. Au 31 décembre 2017, l’Unédic était endettée à hauteur de 33,5 milliards d’euros.

ii.   Prévisions d’exécution pour 2018 et 2019

La situation financière de l’Unédic devrait se redresser progressivement en 2018 puis en 2019, compte tenu de l’amélioration de la conjoncture.

Pour 2018, le déficit est prévu à 1,4 milliard d’euros en baisse de 2 milliards d’euros par rapport à 2017 ([331]). L’endettement devrait atteindre 34,9 milliards d’euros.

Selon les prévisions de l’Unédic de juin 2018, l’assurance chômage serait quasiment à l’équilibre en 2019, avec les règles d’indemnisation et de financement du régime en vigueur aujourd’hui (– 89 millions d’euros).

L’endettement devrait, en conséquence, se stabiliser en 2019 à 35 milliards d’euros.

Situation financière de l’UnÉdic

(en millions d’euros)

Année

2016

2017

2018

2019

Recettes

35 146

36 364

37 975

38 745

Dépenses

39 503

39 874

39 378

38 875

Résultat

– 4 357

– 3 444

– 1 363

– 89

 

 

 

 

 

Endettement

29 585

33 549

34 912

– 35 001

Source : Unédic.

La dette actuelle représente onze mois de recettes de l’assurance chômage.

c.   Règles d’endettement de l’Unédic

Le besoin de financement de l’Unédic est assuré par trois types d’instruments :

– des emprunts obligataires ;

– des billets de trésorerie ;

– et des bons à moyen terme négociables.

variation de la trÉSORERIE de l’UnÉdic

(en millions d’euros)

Sources de financement

31 décembre 2016

31 décembre 2017

Variation

Emprunts obligataires

– 25 300

– 28 800

– 3 500

Bons à moyen terme négociables

– 3 350

– 5 950

– 2 600

Billets de trésorerie

– 4 960

– 3 010

+ 1 950

Placements

2 293

1 993

– 300

Disponibilités bancaires

1 560

2 219

+ 658

Total

 29 757

 33 549

 3 792

Source : rapport financier 2017 de l’Unédic.

L’Unédic peut, en effet, émettre des obligations sur les marchés financiers dans les conditions de droit commun.

En tant qu’association, elle est toutefois soumise aux dispositions des articles L. 213-8 et suivants du code monétaire et financier, dont l’objet est de protéger les souscripteurs d’un emprunt obligataire. L’article L. 213-15 du code précité prévoit qu’une association dont « les fonds propres ont diminué de plus de la moitié par rapport au montant atteint à la fin de lexercice précédant celui de lémission » est tenue de reconstituer ses fonds propres dans un délai de deux ans. À défaut, cette association perd le droit d’émettre de nouveaux titres obligataires et tout porteur de titres déjà émis peut demander en justice le remboursement immédiat de la totalité de l’émission.

Or, l’Unédic se trouve précisément dans cette situation compte tenu de la dégradation de sa situation financière.

L’article 107 de la loi de finances rectificative pour 2004 ([332]) a exonéré les émissions de titres de l’Unédic, qui bénéficient de la garantie de l’État, des dispositions précitées du code monétaire et financier.

En d’autres termes, en l’état du droit et compte tenu de sa situation financière, l’Unédic ne peut pas émettre de nouvelles obligations sans la garantie de l’État, tant qu’elle n’a pas reconstitué ses fonds propres.

2.   La garantie de l’État

L’État peut apporter sa garantie en application du 5° du II de l’article 34 de la LOLF ([333]).

Depuis 2010, la loi de finances rectificative de fin d’exercice est systématiquement l’occasion d’autoriser le ministre chargé de l’économie à accorder la garantie de l’État aux emprunts contractés par l’Unédic ([334]).

Au 31 décembre 2017, l’encours de dette garantie par l’État s’élevait à 29,049 milliards d’euros ([335]), soit près du triple que celui constaté au 31 décembre 2012.

Encours de la dette de l’UnÉdic garantie par l’État

(en millions d’euros)

Date

Montant de la dette garantie

31 décembre 2012

9 711

31 décembre 2013

14 826

31 décembre 2014

20 490

31 décembre 2015

23 902

31 décembre 2016

25 522

31 décembre 2017

29 049

Source : compte général de l’État, de 2012 à 2017.

Par ailleurs, l’article 82 de la seconde loi de finances rectificative pour 2017 ([336]) a autorisé l’État à accorder sa garantie aux emprunts contractés par l’Unédic au cours de l’année 2018, en principal et en intérêts, dans la limite d’un plafond global en principal de 4,5 milliards d’euros.

Le niveau du plafond a été fixé de manière à couvrir le remboursement de 1,55 milliard d’euros de titres obligataires arrivant à échéance le 1er juin 2018 ainsi que le besoin de financement en 2018 de l’assurance chômage.

Selon l’évaluation préalable du présent article, moins de 3 milliards d’euros de dette garantie ont été émis par l’Unédic en 2018 sur les 4,5 milliards d’euros autorisés. Ceci s’explique par le fait que le déficit de l’Unédic a été moins élevé que prévu.

Le Rapporteur général souligne lévolution impressionnante de lendettement garanti par lÉtat de lassurance chômage. Si les éléments conjoncturels ont pu légitimement expliquer la dégradation financière du régime, il apparaît aujourd’hui indispensable d’adopter des mesures fortes, afin de rétablir son équilibre financier. Celles-ci doivent être de deux ordres, d’une part des mesures financières propres à la gestion budgétaire du régime, d’autre part la poursuite de réformes structurelles du marché de travail ([337]).

B.   LES ÉVOLUTIONS DE L’ASSURANCE CHÔMAGE

Le système d’indemnisation du chômage connaît quelques évolutions qui l’éloignent de la logique assurantielle pour le rapprocher d’une logique de solidarité :

– son financement sera désormais assuré en partie par l’impôt ;

– et de nouveaux bénéficiaires qui n’y ont pas cotisé ou qui n’ont pas subi de sinistre (licenciement) pourront avoir droit à une indemnisation.

Compte tenu de ces réformes, le système français d’indemnisation du chômage se rapprocherait d’un système mixte, à dominante assurantielle.

Il existe trois grandes catégories de régimes d’indemnisation chômage selon les pays.

La première repose sur une logique assurantielle (Allemagne, Espagne, Suède). Le montant de l’allocation versée est proportionnel à l’ancien revenu ou salaire de référence. L’indemnisation est la contrepartie de l’affiliation au régime d’assurance qui implique le versement d’une contribution.

La deuxième repose sur une logique dassistance ou de solidarité. Le montant de l’allocation est forfaitaire. L’allocation n’est pas subordonnée à une affiliation préalable.

La troisième repose sur une logique mixte. L’indemnisation chômage est caractérisée par le versement d’une allocation ne pouvant s’apparenter totalement à une allocation d’assurance (conditions d’accès particulières) ni à une allocation typiquement universelle (montant non forfaitaire). C’est notamment le cas de la Belgique qui verse une allocation de longue durée dont la nature et le montant évoluent, empruntant autant au modèle d’assurance qu’au modèle d’assistance. C’est également le cas de l’Irlande, du Portugal et du Royaume-Uni.

Source : Unédic.

Par ailleurs, l’État a défini des objectifs d’économies dans une lettre de cadrage adressée aux partenaires sociaux.

1.   Un financement qui repose désormais en partie sur l’impôt

L’Unédic était jusqu’à présent financée presque exclusivement par les contributions des employeurs et des salariés.

Le taux de ces contributions – pour le cas général – est resté quasiment stable depuis 2003 à 4 % pour les employeurs (4,05 % à compter du 1er octobre 2017) et 2,4 % pour les salariés.

Désormais, le financement de l’Unédic reposera dans une proportion importante sur l’impôt à raison de la mise en œuvre de deux réformes importantes.

En premier lieu, le basculement de cotisations sociales sur la contribution sociale généralisée (CSG) pour soutenir le pouvoir d’achat des salariés du secteur privé a entraîné la suppression en deux étapes de la cotisation salariale d’assurance chômage. Elle est passée de 2,40 % à 0,95 % au 1er janvier, puis a été supprimée au 1er octobre par application de l’article 8 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 ([338]).

En second lieu, la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en baisse de cotisations sociales sera en partie mise en œuvre par une baisse de la cotisation patronale d’assurance chômage. Elle sera exonérée de façon dégressive entre 1 et 1,6 SMIC à partir du 1er octobre 2019.

En contrepartie, un mécanisme provisoire de compensation a été mis en place en 2018, via l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), à hauteur de 9,4 milliards d’euros.

À compter de 2019, une fraction du rendement de la CSG sera attribuée à l’Unédic. L’article 19 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 attribue à l’Unédic une fraction de 1,45 point de la CSG « activité », compensant intégralement les pertes de recettes liées à la suppression des cotisations d’assurance chômage. Cette fraction est évaluée à 13,9 milliards d’euros.

Le 9 juillet 2018, devant le Parlement réuni en Congrès, le président de la République a souligné l’importance de cette évolution qui « conduit aussi à modifier la philosophie même de notre solidarité nationale, afin, en quelque sorte, den retrouver le sel ».

Il a ajouté à l’adresse des parlementaires :

« Cette solidarité est de moins en moins une assurance individuelle assortie dun droit de tirage. Financée par lensemble des contribuables, elle implique des droits et des devoirs, car chacun est comptable de tous et tous de chacun. Par suite de la réforme que vous avez votée, lassurance chômage nest plus du tout financée par les cotisations des salariés, elle est financée par les cotisations des employeurs et par la CSG. De cette transformation il faut évaluer toutes les conséquences. Il ny a plus un droit au chômage, au sens où on lentendait classiquement, il y a un droit qui est offert par la société, mais dont on ne sest pas garanti laccès à titre individuel, puisque tous les contribuables lont financé. Cest là que se joue la véritable transformation, et cest là que réside la véritable dignité : tout le monde doit être protégé, mais chacun a sa part de responsabilité dans la société. »

2.   Une extension à de nouveaux bénéficiaires

Conformément à un engagement pris par le président de la République durant la campagne électorale, la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel ([339]) a ouvert l’assurance chômage aux salariés démissionnaires et aux travailleurs indépendants.

Une « allocation des travailleurs indépendants » a ainsi été instituée à l’article L. 5421-2 du code du travail. Celle-ci devrait être réservée aux travailleurs indépendants dont la cessation d’activité résulte d’une liquidation ou d’un redressement judiciaire. Un décret en Conseil d’État devrait préciser le champ des bénéficiaires ainsi que la durée et le montant de l’allocation forfaitaire. Selon des renseignements recueillis par le Rapporteur général, une allocation forfaitaire de 800 euros versée pendant six mois coûterait 140 millions d’euros par an à l’assurance chômage en régime de croisière.

Pour bénéficier de l’indemnisation chômage, les salariés démissionnaires devront poursuivre un projet de reconversion professionnelle nécessitant le suivi d’une formation ou un projet de création ou de reprise d’une entreprise (article L. 5422-1 du code du travail). Par ailleurs, la durée d’affiliation minimum pour bénéficier de ce nouveau droit devrait être fixée à cinq ans. Le flux annuel des dépenses additionnelles pour l’Unédic liées à l’ouverture de l’assurance chômage aux démissionnaires serait estimé à 360 millions d’euros en rythme de croisière.

Ainsi les hypothèses de dépenses supplémentaires associées à ces réformes, en supposant une entrée en vigueur au 1er juillet 2019, sont de 110 millions d’euros en 2019, de 580 millions d’euros en 2020 puis de 500 millions d’euros en régime permanent à partir de 2021.

La prochaine convention en cours de négociation par les partenaires sociaux devra préciser les conditions d’éligibilité à l’assurance chômage pour ces nouveaux bénéficiaires.

3.   Une nouvelle convention en négociation

Lors de son discours prononcé devant le Congrès, le président de la République a également souhaité que « les partenaires sociaux révisent les règles de lassurance chômage afin que, dans cette période de reprise économique, nous puissions non seulement nous assurer quelles récompensent bien davantage la reprise dactivité, mais aussi quelles incitent à la création demplois de qualité ».

La lettre de cadrage de la négociation sur l’assurance chômage a été envoyée par le Gouvernement aux partenaires sociaux le 25 septembre 2018. Elle fixe notamment un objectif d’économies compris entre un et 1,3 milliard d’euros par an, soit jusqu’à 3,9 milliards sur trois ans. Selon des renseignements recueillis par le Rapporteur général, ces économies permettront à la fois de financer les mesures nouvelles et d’accélérer le désendettement du régime. Elles conduiraient ainsi le niveau d’endettement de l’Unédic en 2021 à une fourchette comprise entre 27,681 et 28,581 milliards d’euros en 2021, au lieu des 30,381 milliards anticipés par l’Unédic.

Dans la lettre de cadrage précitée, il est également demandé aux partenaires sociaux la mise en place d’un bonus-malus sur les cotisations patronales, une régulation des contrats courts et une redéfinition des règles du cumul entre allocation et salaire.

Les partenaires sociaux ouvriront la négociation le 9 novembre et ont arrêté un cycle de réunion jusqu’à la mi-janvier 2019.

Le Gouvernement a indiqué qu’en cas d’échec des négociations, l’État reprendrait la main sur la définition des règles de l’assurance chômage.

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article autorise l’octroi, à titre gratuit, de la garantie de l’État aux emprunts émis par l’Unédic en 2019 dans la limite d’un plafond en principal de 2,5 milliards d’euros.

Mais cette nouvelle garantie ne devrait pas accroître significativement les engagements de l’État concernant la dette de l’Unédic.

En effet, la situation financière de l’Unédic doit s’améliorer en 2019. Le déficit de l’Unédic est prévu à 390 millions d’euros selon l’exposé des motifs du présent article (0,6 milliard d’euros en comptabilité nationale en raison de retraitements spécifiques). Dans ses prévisions de juin 2018, l’Unédic prévoit un déficit limité à 89 millions d’euros pour 2019. Ainsi, l’endettement doit se stabiliser à environ 35 milliards d’euros.

La nouvelle garantie n’a donc pour principal objet de couvrir le financement du déficit de l’Unédic ou une augmentation significative de son endettement. Elle permettra en revanche le refinancement de la dette antérieure. L’Unédic doit, en effet, rembourser 2,1 milliards d’euros de titres obligataires arrivant à échéance en 2019.

La situation financière de l’Unédic rend donc indispensable l’émission de nouveaux titres de dette, malgré la stabilisation de son endettement.

Or, à défaut de reconstitution de ses fonds propres, lUnédic ne dispose pas du droit démettre de nouvelles obligations par application de larticle L. 21315 du code monétaire et financier.

La garantie prévue par le présent article permettra à l’Unédic de rester exemptée de l’application de l’article précité et d’émettre des obligations pour refinancer sa dette, conformément à l’article 107 de la loi de finances rectificative pour 2004 précitée.

Elle permet, par ailleurs, de minimiser le coût de la dette de l’Unédic par rapport à un financement par emprunts de court terme, tels que des billets de trésorerie.

Enfin, elle n’emporte aucune conséquence budgétaire pour l’État tant que l’Unédic ne fait pas défaut sur sa dette et que la garantie n’est pas appelée.

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La commission adopte l’article 68 sans modification.

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Article 69
Prorogation de la garantie de lÉtat au titre des prêts à taux zéro
pour la création et la reprise dentreprises

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise :

– à prolonger d’un an, jusqu’au 31 décembre 2019, la garantie octroyée par l’État aux prêts à taux zéro accordés aux personnes sans emploi, qui créent ou reprennent une entreprise ;

– et à relever de 500 à 550 millions d’euros le niveau de la garantie de l’État.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

Le présent article à prolonger d’un an, jusqu’au 31 décembre 2019, la garantie octroyée par l’État aux prêts à taux zéro accordés aux personnes sans emploi ou rencontrant des difficultés pour s’insérer durablement dans l’emploi, qui créent ou reprennent une entreprise, dans le cadre du dispositif de nouvel accompagnement à la création ou la reprise d’entreprise (NACRE). Il prévoit également de relever de 500 millions à 550 millions d’euros le niveau de la garantie de l’État.

I.   L’ÉTAT DU DROIT

A.   Le dispositif nacre

1.   La création du dispositif

a.   L’objectif et la gestion du dispositif

Instauré le 1er janvier 2009, le dispositif NACRE est prévu à larticle L. 5141-5 du code du travail.

Celui-ci prévoit que « la région participe, par convention, au financement dactions daccompagnement et de conseil organisées avant la création ou la reprise dune entreprise et pendant les trois années suivantes ». Lesdites actions bénéficient à « des personnes sans emploi ou rencontrant des difficultés pour sinsérer durablement dans lemploi, pour lesquelles la création ou la reprise dentreprise est un moyen daccès, de maintien ou de retour à lemploi ».

Initialement de la compétence de l’État, le dispositif NACRE a été transféré aux régions à compter du 1er janvier 2017, aux termes de l’article 7 de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRE) ([340]).

Dans le cadre de ce transfert de compétence, l’article 34 de la loi de finances initiale pour 2017 a prévu l’affectation aux régions d’une fraction de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) ([341]). La loi de finances initiale pour 2018 a reproduit ce schéma de financement via une fraction de TICPE, en tenant compte de l’élargissement du transfert de compétences à Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon à compter du 1er janvier 2018 ([342]).

b.   Les modalités de fonctionnement du dispositif

Le dispositif NACRE inclut trois phases, qui peuvent être suivies en tout ou partie :

– une aide au montage du projet de création ou de reprise de l’entreprise (durée de quatre mois pour un projet de création et six mois pour un projet de reprise) ;

– une aide à la structuration financière et à l’intermédiation bancaire (durée de quatre mois pour un projet de création et six mois pour un projet de reprise) ;

– et un accompagnement au démarrage et au développement de l’activité (durée de trente-six mois au total, décomposés en trois périodes de douze mois, à compter de l’immatriculation de l’entreprise).

Selon une enquête de l’INSEE de 2018, il apparaît que 27 % des créations dentreprises étaient le fait de demandeurs demploi et 13 % de personnes éloignées de lemploi au cours du premier semestre 2014, soit un total de 40 % des créateurs d’entreprises ([343]). Cela illustre la pertinence du dispositif qui aide et accompagne les demandeurs d’emploi ou les personnes éloignées de l’emploi à créer ou reprendre une entreprise.

2.   Le dispositif des prêts à taux zéro

a.   Les prêts à taux zéro octroyés par la Caisse des dépôts et consignations

La Caisse des dépôts et consignations propose des prêts à taux zéro d’un montant maximum de 8 000 euros et d’une durée maximale de cinq ans aux personnes inscrites dans le dispositif NACRE. Le prêt doit être couplé à un prêt complémentaire, dont le montant et la durée doivent être supérieurs ou égaux à ceux du prêt à taux zéro.

Les prêts à taux zéro sont financés par des ressources issues du fonds d’épargne géré par la Caisse des dépôts et consignations, prévu à l’article L. 221-7 du code monétaire et financier.

L’évaluation préalable du présent article indique que 89 420 prêts ont été octroyés dans le cadre du dispositif NACRE, pour un montant moyen de 5 000 euros, depuis le 1er janvier 2009. Selon le rapport d’activité et de développement durable 2017 de la Caisse des dépôts et consignations, 5 605 prêts NACRE à taux zéro ont été décaissés en 2017 pour un montant de 22 millions d’euros, soit un montant moyen de 3 925 euros ([344]).

b.   La double garantie des prêts à taux zéro

Les prêts à taux zéro bénéficient d’une double garantie :

– dun fonds, constitué à cet effet au sein du fonds de cohésion sociale (FCS), mentionné au III de l’article 80 de la loi de programmation pour la cohésion sociale ([345]) ; l’article 144 de la loi de finances rectificative pour 2016 a ajusté les dispositions relatives à cette garantie, permettant au FCS de garantir les prêts à taux zéro accordés dans le cadre des actions d’accompagnement et de conseil financées par les régions, à compter du 1er janvier 2017 ([346]) ; le présent projet de loi de finances inscrit 2 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement au bénéfice du FCS au titre de la garantie mise en place pour lesdits prêts ([347]) ;

– et de la garantie de lÉtat.

B.   LA GARANTIE OCTROYÉE PAR L’ÉTAT

1.   L’octroi de la garantie de l’État

L’article 101 de la loi de finances rectificative pour 2009 autorise l’octroi de la garantie de l’État pour les prêts à taux zéro accordés « aux personnes sans emploi ou rencontrant des difficultés pour sinsérer durablement dans lemploi qui créent ou reprennent une entreprise » ([348]). Celle-ci ne peut être appelée quaprès épuisement des ressources du fonds de garantie constitué au sein du FCS.

En outre, le même article encadre l’évolution de l’encours des prêts à taux zéro octroyés par la Caisse des dépôts et consignations. Celui-ci ne doit pas dépasser un multiple de la dotation budgétaire totale effectivement versée au FCS et affectée au fonds de garantie. Ce multiple a été fixé à cinq par arrêté conjoint des ministres chargés de l’économie, de l’emploi et du budget du 31 mars 2010 ([349]).

Ainsi, la garantie de l’État couvre 80 % du montant total des prêts qui ne sont pas déjà couverts par le fonds de garantie du FCS, qui couvre, lui, un cinquième de l’encours.

2.   Les prorogations successives de la garantie de l’État

Les lois de finances rectificatives ont successivement étendu le montant de la garantie de l’État et prorogé la période couverte par celle-ci.

prorogation et extension de la garantie de l’État

Référence législative

Montant de la garantie

Période couverte par la garantie

LFR 2009

400 millions d’euros

Avances remboursables octroyées avant le 31 décembre 2012

LFR 2012

400 millions d’euros

Avances remboursables octroyées avant le 31 décembre 2013

LFR 2013

500 millions d’euros

Avances remboursables octroyées avant le 31 décembre 2017

LFR 2017

500 millions d’euros

Avances remboursables octroyées avant le 31 décembre 2018

Source : commission des finances.

Ainsi, la garantie de l’État correspond désormais au montant des avances remboursables octroyées avant le 31 décembre 2018, dans la limite de 500 millions d’euros.

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A.   LE PROLONGEMENT ET LE RÉHAUSSEMENT DE LA GARANTIE DE L’ÉTAT

Le présent article prévoit de proroger dun an la garantie de lÉtat, qui couvrirait le montant des avances remboursables octroyées avant le 31 décembre 2019.

Il étend également la garantie à hauteur de 50 millions deuros, la portant à 550 millions d’euros du montant des avances remboursables octroyées. La garantie de l’État couvrirait ainsi 80 % du montant des prêts à taux zéro accordés dans le cadre du dispositif NACRE, dans la limite de 550 millions d’avances octroyées. L’évaluation préalable du présent article précise que 450 millions d’euros de prêts à taux zéro ont été décaissés au 30 juin 2018. Ainsi, le relèvement du montant de garantie apparaît nécessaire pour couvrir l’encours résultant des nouveaux prêts octroyés au cours de l’année 2019.

Il est à noter que les dispositions relatives à la prorogation ou au relèvement du niveau de garantie de l’État dans le cadre des prêts à taux zéro relatifs au dispositif NACRE avaient toujours figuré en loi de finances rectificative de fin d’année. Le placement de cette disposition en loi de finances initiale résulte de la volonté, fort bienvenue, du Gouvernement de restreindre le champ de la loi de finances rectificative de fin d’année. Celle-ci ne devrait plus contenir que les dispositions budgétaires indispensables à la fin de gestion et les dispositions fiscales relatives à l’exercice en cours. Le Rapporteur général ne peut que se féliciter de cette décision du Gouvernement, qui améliore les conditions d’examen et de contrôle du Parlement.

B.   L’IMPACT BUDGÉTAIRE ET ÉCONOMIQUE DE LA MESURE

Le présent article aura pour effet d’accroître lencours des garanties de lÉtat, recensées au sein des engagements hors bilan de l’État dans le compte général de l’État. Au-delà de cet élément, le présent dispositif n’emporte pas de conséquence budgétaire, ni sur les dépenses, ni sur le déficit, ni sur la dette publics.

L’évaluation préalable du présent article précise que le taux de sinistralité des prêts octroyés est inférieur à 14 %, ce qui signifie que la probabilité de lappel de la garantie de lÉtat est faible. Cela permet également de considérer que la détermination du coefficient multiplicateur est opportune et vise à s’assurer que la garantie de l’État ne sera pas appelée.

L’exposé sommaire de l’article précise qu’une mission dévaluation du dispositif NACRE aura lieu en 2019. Une première évaluation du dispositif NACRE avait été menée en octobre 2013 par l’inspection générale des finances (IGF) et l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) ([350]). Celle-ci avait relevé les résultats globalement positifs de NACRE qui affichait un taux de pérennité des entreprises créées ou reprises de 78 % à deux ans alors que les publics éloignés de l’emploi ont, sans accompagnement, un taux de défaillance très supérieur aux moyennes nationales enregistrées par l’Insee. Toutefois, elle avait préconisé des aménagements importants visant notamment à recentrer le dispositif NACRE vers les personnes les plus éloignées de l’emploi et celles dont les difficultés de bancarisation sont caractérisées.

Dans l’attente des conclusions de la nouvelle mission d’évaluation, le présent article vise d’un point de vue économique à soutenir la création et la reprise d’entreprises par les demandeurs d’emploi ou les personnes éloignées de l’emploi.

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La commission adopte l’article 69 sans modification.

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Article 70
Extension de la garantie de refinancement aux crédits couverts
par la garantie des projets stratégiques

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à étendre le périmètre de la garantie de refinancement octroyée par Bpifrance Assurance Export au nom et pour le compte de l’État. Celle-ci ne visera plus seulement les opérations relatives à l’exportation, mais également les opérations « présentant un intérêt stratégique pour léconomie française à létranger ».

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’ÉTAT DU DROIT

A.   Les garanties publiques pour le commerce extérieur

1.   Les différents mécanismes de garantie

L’article 84 de la dernière loi de finances rectificative pour 2012 ([351]) autorise le ministre chargé de l’économie à accorder la garantie de l’État afin de couvrir :

– les risques de non-paiements relatifs au financement dexportations d’avions civils de plus de dix tonnes au décollage et d’hélicoptères civils de plus d’une tonne au décollage (1° du I) ;

– les risques de change sur la valeur résiduelle d’aéronefs civils (2° du I) ;

– et les risques de non-paiement au titre des contrats conclus en vue du refinancement d’opérations assurées au titre du a du 1° de l’article L. 432‑2 du code des assurances, soit les risques commerciaux, politiques, monétaires et catastrophiques, afférents à des opérations de nature à contribuer au développement du commerce extérieur de la France ou présentant un intérêt stratégique pour l’économie française à l’étranger (3° du I).

L’article du code des assurances précité relève du chapitre relatif aux garanties publiques pour le commerce extérieur. Celles-ci sont définies à l’article L. 432-1 du code des assurances, elles visent :

– les opérations concourant au développement du commerce extérieur de la France ;

– les entreprises françaises exportatrices et les personnes morales de droit étranger qu’elles contrôlent seules ou conjointement ;

– les entreprises françaises importatrices ou investissant à l’étranger ;

– les opérations de construction navale ou de construction d’engins spatiaux civils ;

– les entreprises françaises en concurrence avec une personne étrangère bénéficiant d’un soutien public ;

– les établissements de crédit, les sociétés de financement, les entreprises d’assurance et de réassurance, les mutuelles et institutions de prévoyance, de droit français ou étrangers, et les organismes de placement ;

– et les opérations de gestion des opérations ainsi que les couvertures du risque monétaire.

2.   Les modalités de gestion de la garantie de l’État pour le commerce extérieur par Bpifrance Assurance Export

L’article 103 de la loi de finances rectificative pour 2015 a réformé le dispositif de garanties publiques en faveur du développement du commerce international ([352]).

Initialement confiée à la compagnie française pour le commerce extérieur (COFACE), la gestion des garanties publiques a été transférée à Bpifrance Assurance Export, à compter de 2017. En outre, le schéma de garantie a été modifié avec le passage d’une garantie de l’État indirecte (l’État garantissait la COFACE, qui elle-même garantissait les entreprises exportatrices) à une garantie directe (Bpifrance Assurance Export garantit les entreprises au nom et pour le compte de l’État). Ainsi l’article L. 432-2 du code des assurances dispose qu’un « organisme est chargé par lÉtat de gérer et délivrer sous son contrôle, pour son compte et en son nom les garanties publiques pour le commerce extérieur prévues à larticle L. 432-1. »

3.   La présentation sous forme de compte de commerce

Les opérations relatives aux garanties publiques de soutien à l’export sont désormais retracées au sein du compte de commerce Soutien financier au commerce extérieur.

Le compte de commerce est divisé en six sections illustrant les différents mécanismes de garanties publiques :

– assurance-crédit et assurance-investissement ;

– assurance-prospection ;

– change ;

– risque économique ;

– risque exportateur ;

– et financement de la construction navale.

Les recettes du compte recouvrent notamment les primes relatives aux garanties, les commissions d’engagement, les récupérations sur les sinistres indemnisés, les produits du remboursement en capital et intérêts des prêts et avances consentis, les recettes de réassurance, les produits financiers liés à ces garanties. Les dépenses du compte recouvrent principalement les indemnisations des sinistres relatifs aux garanties, les frais accessoires sur ces sinistres, les restitutions de primes, les dépenses de réassurance, les versements de prêts et avances, les charges financières.

Le présent projet de loi de finances dote la section 1 du compte de commerce relative à l’assurance-crédit et à l’assurance-investissement d’un niveau de recettes et de dépenses prévisionnelles de 762,2 millions deuros.

B.   LES MODALITÉS DE MISE EN ŒUVRE DE LA GARANTIE DE REFINANCEMENT

1.   L’objet de la garantie de refinancement

La garantie dite de refinancement prévue au 3° du I de l’article 84 de la loi de finances rectificative pour 2012 vise à couvrir le risque de non-paiement dun établissement de crédit au titre dun contrat destiné au refinancement (« contrat de refinancement ») d’un contrat de prêt finançant une opération d’exportation (« contrat de prêt »). Elle vise à améliorer la compétitivité des exportations françaises en facilitant laccès à de nouvelles sources de liquidités.

Concrètement, la garantie couvre les investisseurs qui apportent les liquidités nécessaires aux banques pour financer leurs crédits à l’exportation. Selon la nomenclature de Bpifrance Assurance Export, ce mécanisme est désigné sous le vocable de « garantie rehaussée ». Le contrat garanti est le contrat de refinancement conclu entre la banque prêteuse et le « refinanceur », en vue du refinancement d’un ou plusieurs contrats de prêt.

Le contrat de refinancement peut être à taux fixe ou à taux flottant, avec passage à taux fixe à tout moment sous réserve de l’accord de Bpifrance Assurance Export. La devise du contrat garanti doit être l’euro ou le dollar américain et être identique à celle du contrat de prêt.

Le contrat de prêt, ou crédit export, est considéré comme le contrat sous-jacent. Celui-ci doit bénéficier d’une police d’assurance-crédit délivrée par Bpifrance Assurance Export, à l’exclusion des opérations ayant déjà bénéficié d’un refinancement ou d’une titrisation. En cas de disparition de ce sous-jacent, la garantie rehaussée doit être dénouée.

La garantie porte sur :

– 100 % du principal ;

– 100 % des intérêts de refinancement au taux du contrat (sans pénalité) jusqu’à la date d’indemnisation ;

– et la prime « make whole » (option de remboursement anticipé) ou les « breakage costs » (coûts de rupture) dus au « refinanceur » s’il est décidé d’indemniser globalement.

Selon les documents de présentation de Bpifrance Assurance Export, le sinistre est constitué au terme d’un délai de quinze jours à compter de la date d’exigibilité de la créance impayée et au plus tard dans les quatre-vingt-dix jours de la date d’exigibilité. L’indemnisation intervient au terme d’un délai technique de cinq jours ouvrés après réception des documents nécessaires ([353]).

2.   Les bénéficiaires de la garantie de refinancement

Selon la présentation de Bpifrance Assurance Export, le « refinanceur » bénéficie d’une garantie de paiement irrévocable et inconditionnelle à 100 % sur le crédit qu’il accorde à la banque de crédit export (la « banque prêteuse »).

Conformément au 3° du I de l’article 84 de la loi de finances rectificative pour 2012, les « refinanceurs » pouvant bénéficier de la garantie sont :

– des établissements de crédit, des établissements financiers de droit français ou étranger ;

– des entreprises d’assurance et de réassurance, des mutuelles et des institutions de prévoyance de droit français ou étranger ;

– des organismes mentionnés à l’article L. 214-1 du code monétaire et financier (organismes de placement collectif : OPC en valeurs mobilières, fonds d’investissement alternatifs et autres placements collectifs) ;

– au cas par cas et sous conditions, des investisseurs ou leurs représentants dans le cadre d’émissions d’obligations ;

– des institutions de retraite professionnelle de droit français ou étranger ;

– et des banques centrales, États et fonds souverains sous certaines conditions.

Par ailleurs, la banque prêteuse au titre du contrat de prêt doit être un établissement de crédit de lUnion européenne, dont l’échelon de risque est au moins égal à trois et dont la qualité de risque est jugée satisfaisante par Bpifrance Assurance Export.

La garantie publique a un coût pour le bénéficiaire qui est calculé en fonction du risque représenté par la banque prêteuse et de la durée du contrat garanti. Par ailleurs, les frais encourus par Bpifrance Assurance Export lors de l’instruction de la demande de garantie sont à la charge de la banque prêteuse ou du « refinanceur ».

3.   La garantie de refinancement est réservée aux opérations relatives à l’exportation

Le 3° du I de l’article 84 de la loi de finances rectificative pour 2012 précitée précise le périmètre de la garantie de refinancement.

Celle-ci ne vise que les créances couvertes par lassurance-crédit à lexportation. Ainsi, l’article précité dispose qu’« en cas de défaillance de létablissement de crédit ayant consenti la créance couverte par lassurance-crédit à lexportation, le droit au bénéfice de lindemnisation au titre de cette assurance-crédit est délégué à létablissement bénéficiaire de la garantie de refinancement ».

Ainsi, les opérations « présentant un intérêt stratégique pour léconomie française à létranger » ne sont pas couvertes par la garantie de refinancement. Or, elles relèvent de l’article L. 432-2 du code des assurances, visé par le 3° du I de l’article 84 précité.

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A.   L’EXTENSION DE LA GARANTIE DE REFINANCEMENT

1.   L’extension de la garantie de refinancement aux opérations présentant un intérêt stratégique pour l’économie française à l’étranger

Le présent article vise à étendre la garantie de refinancement aux opérations « présentant un intérêt stratégique pour léconomie française à létranger », conformément au a du 1° de l’article L. 432-2 du code des assurances.

Ainsi, il supprime à la deuxième phrase du troisième alinéa du 3° du I de l’article 84 de la loi de finances rectificative pour 2012 la référence « à lexportation ». Dès lors, la garantie de refinancement concernera :

– d’une part, les opérations relevant de l’exportation ;

– et d’autre part, les opérations présentant un intérêt stratégique pour l’économie française à l’étranger.

L’évaluation préalable du présent article précise que l’extension de la garantie de refinancement met en œuvre un engagement du Gouvernement, exprimé par le Premier ministre en déplacement à Roubaix le 23 février 2018. Celui-ci a déclaré que le Gouvernement allait « également mettre en place une garantie export dédiée pour des projets qui seraient jugés stratégiques, ce qui constitue une évolution conceptuelle majeure. LÉtat accepterait de garantir certains projets sans forcément quil y ait une opération dexportation sous-jacente immédiate » ([354]).

Cela vise à permettre aux établissements ayant consenti des prêts pour le financement de tels projets de refinancer plus facilement, et à des conditions plus favorables, leurs créances auprès d’un tiers, qui bénéficiera de la garantie de l’État par le biais de Bpifrance Assurance Export.

2.   La compatibilité du présent article au droit de l’Union européenne

L’évaluation préalable du présent article précise que le présent article est conforme au droit de l’Union européenne, et plus particulièrement au régime des aides d’État.

Celui-ci est défini à l’article 107 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), qui prévoit que sont incompatibles avec le marché intérieur « les aides accordées par les États ou au moyen de ressources dÉtat sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ».

Toutefois, le présent article est ouvert à toutes les institutions de l’Union européenne actives sur le marché du refinancement des crédits. Par ailleurs, la garantie de refinancement donne lieu à une tarification supérieure au coût du risque couvert, selon des modalités qui seraient retenues par un acteur privé.

Enfin, le régime de la garantie de refinancement des opérations présentant un intérêt stratégique sera identique à celui applicable aux opérations relatives à l’exportation. Or, la Commission européenne a examiné le régime de la garantie publique des opérations relatives à l’exportation et a conclu dans une décision du 5 mai 2015 à l’absence de « nouveaux éléments daide dÉtat » ([355]). Cela résulte de deux éléments :

– une mise en concurrence des banques pouvant être refinancées ;

– et une tarification supérieure au coût du risque.

B.   L’IMPACT BUDGÉTAIRE ET ÉCONOMIQUE DE LA MESURE

1.   Un nombre limité de projets potentiellement bénéficiaires

L’évaluation préalable du présent article précise que cinq à dix projets pourraient bénéficier de lextension du dispositif financier de soutien à l’export et à l’internationalisation des entreprises. Un arrêté devrait fixer prochainement le seuil d’éligibilité des projets à la garantie des projets stratégiques et par conséquent à la garantie de leur refinancement.

À titre de comparaison, l’évaluation préalable souligne que la garantie prévue dans le cadre du dispositif actuel a été octroyée à vingt reprises en trois ans.

2.   Une faible probabilité d’appels en garantie

L’évaluation préalable du présent article souligne qu’aucun appel en garantie na eu lieu depuis la mise en place de la garantie de refinancement pour les opérations relatives à l’exportation en 2013.

Il est en effet à noter que la garantie de refinancement n’est appelée qu’en cas de défaut simultané et cumulatif de l’établissement de crédit prêteur et du débiteur final.

La garantie de refinancement n’est pas appelée dans les cas suivants :

– si l’établissement de crédit prêteur est seul défaillant, alors l’indemnisation du « refinanceur » est permise par les remboursements du crédit par le débiteur ;

– si le débiteur final est seul défaillant, alors l’établissement prêteur est couvert par l’assurance-crédit.

Enfin, le mécanisme de la garantie de refinancement fait l’objet d’une rémunération perçue par Bpifrance Assurance Export, selon l’évaluation du risque de la banque prêteuse et de la durée du contrat garanti. Cette rémunération est inscrite en recettes du compte de commerce précité et permet de minimiser l’espérance de coût pour le budget général de l’État en cas d’appel en garantie.

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La commission adopte l’article 70 sans modification.

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Article 71
Garantie de lÉtat au titre de prêts de lAgence française de développement (AFD) à lAssociation internationale de développement (AID) et au Fonds international de développement agricole (FIDA)

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à autoriser le ministre chargé de l’économie à accorder, à titre gratuit, à l’Agence française de développement (AFD), la garantie de l’État au titre :

– du prêt consenti à l’Association internationale de développement (AID), portant sur le principal et les intérêts dans la limite d’un plafond de 800 millions d’euros en principal ;

– du prêt consenti au Fonds international de développement agricole (FIDA), portant sur le principal et les intérêts dans la limite d’un plafond de 50 millions d’euros en principal.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’ÉTAT DU DROIT

A.   L’ASSOCIATION INTERNATIONALE DE DÉVELOPPEMENT (AID)

1.   Le rôle de l’AID

Fondée en 1960, l’Association internationale de développement (AID), composée de 173 États membres, constitue le guichet concessionnel de la Banque mondiale. Elle complète l’autre guichet de prêt de la Banque mondiale, représenté par la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD). Celle-ci accorde des prêts et fournit des conseils aux pays à revenu intermédiaire solvables.

L’AID octroie aux pays en développement les plus pauvres des dons et des prêts à taux très faible ou à des conditions dites « concessionnelles », c’est-à-dire avec un taux d’intérêt très faible, voire nul et des conditions de remboursement étalées sur vingt ou quarante ans, avec un différé d’amortissement de cinq à dix ans. L’AID finance également des allégements substantiels de dette dans le cadre de l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (Initiative PPTE) et de l’initiative pour l’allégement de la dette multilatérale (IADM).

L’action de l’AID vise à réduire la pauvreté, à financer des programmes de nature à stimuler la croissance économique, à réduire les inégalités et à améliorer la vie des plus démunis au sein des pays bénéficiaires. 75 pays sont actuellement éligibles aux financements de lAID, dont 39 sont en Afrique subsaharienne. L’éligibilité d’un pays à l’AID est déterminée par deux critères non cumulatifs :

– une pauvreté relative, calculée via le revenu national brut (RNB) par habitant, qui doit être inférieur à un seuil actualisé chaque année (fixé à 1 165 dollars en 2018) ;

– ou l’incapacité à accéder aux marchés financiers en raison, notamment, d’une situation financière trop dégradée.

Par ailleurs, quinze pays sont dits « à financement mixte », compte tenu de leur double éligibilité à l’AID et à la BIRD (comme le Vietnam ou le Pakistan).

À titre d’illustration, les dix premiers emprunteurs auprès de l’AID au cours de l’exercice 2018 sont les suivants.

10 premiers EMPRUNTEURS AUPRÈS DE L’AID

(en millions de dollars)

Pays

Montant de lemprunt

Éthiopie

3 122

Bangladesh

2 991

Nigeria

2 586

Pakistan

1 948

Kenya

1 280

Côte d’Ivoire

987

Tanzanie

955

Ouzbékistan

740

Népal

706

Ouganda

640

Source : site internet de l’IDA Banque mondiale (lien).

Les prêts accordés par l’AID financent des secteurs d’activité variés, en témoigne la répartition pour l’exercice 2018.

rÉPARTITION DES PRÊTS DE L’AID PAR SECTEUR D’ACTIVITÉ

Secteur dactivité

Part

Infrastructure

32 %

Services sociaux

30 %

Administration publique et droit

21 %

Industrie et commerce

8 %

Agriculture

6 %

Finance

2 %

Source : site internet de l’IDA Banque mondiale (lien).

2.   Les ressources financières de l’AID

a.   Le niveau de financement global de l’AID

Selon les données de l’AID, les engagements de lassociation se sont élevés à 24 milliards de dollars au cours de l’exercice budgétaire clos le 30 juin 2018, dont 21 % sous forme de dons. Les nouveaux engagements ont permis le financement de 206 nouvelles opérations ([356]).

Depuis sa création, l’AID a atteint un niveau de financement de 369 milliards de dollars pour des opérations réparties dans 113 pays. Les engagements annuels ont progressé pour atteindre une moyenne annuelle de 20 milliards de dollars au cours des trois dernières années.

À la différence de la BIRD qui lève la plupart de ses fonds sur les marchés internationaux de capitaux, l’AID est principalement financée par les contributions des États membres. Une coalition de plus de soixante gouvernements donateurs participe au financement de l’AID. Les fonds de l’AID sont reconstitués tous les trois ans.

b.   La troisième reconstitution de l’AID : AID-18

La dernière reconstitution « AID-18 » couvre la période du 1er juillet 2017 au 30 juin 2020, a été décidée lors de la réunion des 14 et 15 décembre 2016 à Yogyakarta en Indonésie et approuvée au début de l’année 2017 ([357]).

Les ressources de lIDA-18 s’élèvent à 53,5 milliards de DTS (droits de tirage spéciaux, soit environ 75 milliards de dollars), au lieu de 37,2 milliards de DTS pour l’AID-17 (soit environ 52 milliards de dollars).

Les autorisations d’engagement correspondantes ont été engagées en 2017 et les paiements sont effectués par tranche de 2018 à 2020.

L’IDA-18 a retenu cinq thèmes principaux d’intervention :

– la transformation économique et la création d’emplois ;

– le développement et l’égalité femmes-hommes ;

– le changement climatique ;

– la violence, les conflits et la fragilité ;

– et les institutions et la gouvernance.

Les négociations pour la prochaine reconstitution de l’AID (AID-19) auront lieu en 2019.

c.   La contribution de la France à l’AID-18

La contribution de la France au titre de l’AID-18 comprend :

– un don de 1 039,6 millions deuros, financé via le programme 110 Aide économique et financière au développement de la mission Aide publique au développement ;

– et un prêt concessionnel à taux nul de 800 millions deuros, d’une maturité de quarante ans dont dix ans de différé de remboursement en principal. Le prêt sera octroyé par l’intermédiaire de l’AFD et les bonifications du prêt seront portées par le programme 110 précité à hauteur de 350 millions d’euros.

Ainsi, la France maintient ainsi son rang de cinquième contributeur de l’organisation.

Le présent projet de loi de finances inscrit 346,54 millions deuros en crédits de paiement pour lexercice 2019 au titre du versement de la deuxième tranche du don prévu par l’AID-18 au sein du programme budgétaire 110 précité. Une troisième tranche de 346,5 millions d’euros est prévue pour l’exercice 2020, afin de couvrir les autorisations d’engagement restantes ([358]). Selon l’évaluation préalable du présent article, le présent projet de loi de finances prévoit également l’ouverture de 350 millions deuros en autorisations dengagement au titre de la bonification dintérêt versée par l’État à l’AFD.

B.   LE FONDS INTERNATIONAL DE DÉVELOPPEMENT AGRICOLE (FIDA)

1.   L’objet du FIDA

Créé en 1977 à l’initiative des États membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), le Fonds international de développement agricole (FIDA) est rattaché au système des Nations Unies et est une institution financière internationale. Le FIDA est composé de 176 États membres.

Il a pour objet de lutter contre la pauvreté et la faim en milieu rural. Il vise à améliorer la sécurité alimentaire et nutritionnelle des populations rurales pauvres, d’accroître leurs revenus et de renforcer leurs capacités de résilience aux chocs.

2.   Les ressources du FIDA

a.   Le niveau de financement global du FIDA

Le FIDA intervient dans 98 pays et un territoire avec un portefeuille de 224 projets représentant environ 5,4 milliards de dollars.

Ses opérations sont principalement financées par les contributions des États membres, les remboursements de prêts, les revenus de placements et les contributions spéciales d’États non membres. Les autres sources de financement comprennent les emprunts souverains et, plus récemment, les prêts concessionnels et les emprunts sur les marchés internationaux des capitaux.

Les projets du FIDA ont bénéficié à 430 millions de personnes et le Fonds s’est engagé à sortir 80 millions de personnes de la pauvreté sur 2013-2018.

Le FIDA prévoit d’accorder environ 45 % de ses ressources de base à l’Afrique subsaharienne et 50 % au continent africain dans son ensemble.

lieux d’intervention du fida et portefeuille en cours

Zone géographique

Projets en cours

Nombre de pays bénéficiaires

Niveau de financements

(en millions de dollars)

Amérique latine et Caraïbes

34 projets

19

600,6

Afrique de l’Ouest et du Centre

35 projets

21

1 195,4

Afrique orientale et australe

42 projets

17

1 591,5

Proche-Orient, Afrique du Nord et Europe

42 projets

20

913,2

Asie et Pacifique

58 projets

20

2 201,0

Source : rapport annuel 2017 FIDA.

Selon l’évaluation préalable du présent article, il apparaît que la stratégie du FIDA donne la priorité aux pays fragiles et à faible revenu en soutenant l’instauration d’un seuil de 90 % d’allocation de ses ressources de base à destination des pays les plus pauvres.

b.   La onzième reconstitution des ressources du FIDA

Entre février 2017 et février 2018, les États membres du FIDA ont négocié la onzième reconstitution des ressources du FIDA (FIDA11), couvrant la période 2019-2021.

Les États membres sont parvenus à un accord fixant un objectif de mobilisation des ressources de base à hauteur de 1,2 milliard de dollars, afin de financer un programme de prêts et de dons d’un montant total de 3,5 milliards de dollars ([359]).

c.   La contribution de la France à FIDA

Dans le cadre de la dixième reconstitution des ressources du FIDA (FIDA10) portant sur la période 2016-2018, la France a versé un niveau de dons de 35 millions d’euros.

Dans le cadre de la onzième reconstitution des ressources du FIDA (FIDA11), la France contribuera sous forme d’un don de 36 millions deuros, porté par le programme 110 précité, et d’un prêt bonifié de 50 millions deuros, accordé par l’AFD et dont le programme 110 fournit les crédits de bonifications, pour un montant qui pourra aller jusqu’à 27 millions d’euros, décaissés sur quarante ans. La France représente ainsi l’un des cinq principaux contributeurs de lorganisation.

Le présent projet de loi de finances inscrit 12,3 millions deuros en crédits de paiement pour l’exercice 2019, au titre des dons versés au FIDA. Les crédits de paiement sont fixés à 12 millions d’euros en 2020 et 11,7 millions d’euros en 2021, afin de couvrir les autorisations d’engagement restantes à couvrir.

Il prévoit un niveau de 0,3 million deuros en crédits de paiement pour l’exercice 2019, au titre des bonifications des prêts octroyés au FIDA. Cela correspond à la première tranche de couverture des autorisations d’engagement ouvertes à hauteur de 27 millions d’euros en 2018 ([360]). L’évaluation préalable du présent article prévoit toutefois un montant différent de bonification du prêt versée à l’AFD pour le FIDA, à hauteur de 19 millions d’euros.

Il est à noter qu’une évaluation rétrospective du partenariat de la France avec le FIDA a été menée à la demande de la direction générale du Trésor par le cabinet Ernst & Young, dont la restitution a été réalisée en novembre 2017 ([361]). Selon cette étude, il apparaît que la contribution financière de la France était en baisse avant FIDA11. Ainsi, la France a été le neuvième contributeur avec un financement à hauteur de 383 millions de dollars en cumulé depuis 1978, et le douzième contributeur avec un financement de 47 millions de dollars entre 2016 et 2018. L’étude a conclu à la relative efficacité du partenariat entre le FIDA et la France et a préconisé de « réaffirmer la place et limportance du FIDA en tant que partenaire multilatéral de la France en matière dagriculture, en maintenant a minima le niveau de la contribution de la France au FIDA dans le cadre des négociations pour FIDA11 ».

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A.   LA GARANTIE DE L’ÉTAT AU TITRE DES PRÊTS DE L’AFD À L’AID ET AU FIDA

1.   La garantie de deux prêts octroyés par l’AFD

Le présent projet de loi vise à autoriser le ministre chargé de l’économie à accorder, à titre gratuit, la garantie de l’État à l’AFD au titre :

– du prêt octroyé à l’AID, dans la limite d’un plafond de 800 millions deuros en principal ;

– et du prêt octroyé au FIDA, dans la limite d’un plafond de 50 millions deuros en principal.

Par conséquent, le présent article relève au total le niveau des garanties accordées par l’État à hauteur de 850 millions d’euros.

2.   Les modalités d’octroi des deux prêts par l’AFD

L’AFD octroierait les deux prêts sur la base de ses ressources de marché, à la suite de la conclusion d’une convention conclue entre l’État et l’AFD précisant les modalités de gestion de l’opération par l’Agence.

L’évaluation préalable du présent article précise que le choix de l’octroi de prêts par l’AFD « facilite la mise en œuvre de la contribution de la France aux deux organisations internationales via lopérateur pivot de la France en matière de mise en œuvre de sa politique daide au développement ». Il aurait en effet pu être envisagé d’octroyer le prêt directement par le budget général de l’État par le biais de la création d’une mission budgétaire dédiée.

B.   L’IMPACT BUDGÉTAIRE ET ÉCONOMIQUE DU PRÉSENT ARTICLE

Le présent article n’a pas d’impact sur le budget général de l’État, ni en dépenses, ni en déficit, ni en dette publics. En revanche, les deux garanties de l’État seront retracées en tant qu’engagement hors bilan de l’État au sein du compte général de l’État.

Les deux prêts garantis doivent avoir un impact positif sur le développement économique des pays bénéficiaires des deux organisations internationales. Cela doit permettre à la fois de favoriser la sortie de la pauvreté des populations visées, d’améliorer leur nutrition, d’inciter à la création d’emplois et de renforcer l’égalité femmes-hommes en incitant à la scolarisation et à l’éducation des filles.

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La commission adopte l’article 71 sans modification.

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II. ‑ Autres mesures

Administration générale et territoriale de l’État

Article additionnel avant l’article 72
Rapport au Parlement dressant le bilan de la mise en œuvre du plan « Préfectures nouvelle génération »

Cet article a été rattaché aux crédits de la mission Administration générale et territoriale de lÉtat, qui ont été examinés par la commission le 24 octobre 2018 après-midi.

La commission est saisie de lamendement II-CF311 du rapporteur spécial.

M. Jacques Savatier, rapporteur spécial. Le plan « Préfectures nouvelle génération » (PPNG) a été conduit pendant trois ans. Il s’est encore présenté des difficultés en 2018, avec des retards importants dans la délivrance de titres. On me dit qu’ils se seraient à peu près résorbés aujourd’hui, mais j’en suis moyennement convaincu. Je pense que cela reste un peu hétérogène, même si les délais moyens sont à peu près revenus aux normes que nous connaissions auparavant. Des moyens complémentaires ont été mis en œuvre auprès de l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) et des préfectures pour accompagner un déploiement parfois chaotique. Le moment est venu de faire le point sur cette question, en la reliant à la fusion éventuelle des programmes 307 et 333. L’étude porterait sur la satisfaction des usagers, en particulier en termes de délais, mais aussi sur les moyens engagés et les conditions de travail des personnels.

M. Jean-Paul Dufrègne. Je soutiens cet amendement. Il existe des disparités entre territoires et il est important de dresser un état des lieux pour apporter des réponses aux questions que j’ai posées.

M. Éric Coquerel. Je le soutiendrai également, monsieur le rapporteur spécial. Intégrez-vous dans cette mission ce que nous présentons à l’amendement suivant, à savoir la mutualisation de services par des plateformes spécialisées ?

M. le rapporteur spécial. Oui, car le dispositif prévoit tout à la fois des procédures de dématérialisation et la spécialisation de certains services du ministère, notamment au niveau régional, en appui aux préfectures pour lesquelles le besoin d’expertise était moindre. C’est l’ensemble de ces dispositifs qu’il faut analyser, à savoir non seulement la dématérialisation, mais aussi le regroupement d’expertises sur le territoire ainsi que la satisfaction des personnels et des usagers.

La commission adopte cet amendement II-CF311 (amendement II162).

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Avant l’article 72

Puis la commission examine lamendement II-CF203 de Mme Sabine Rubin.

M. Éric Coquerel. Cet amendement est satisfait dès lors que le rapport d’information mission portera sur tous les sujets, y compris le manque de personnels, qui est une question objective.

Lamendement est retiré.

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Aide publique au développement

Article 72
Souscription à laugmentation de capital de la Banque mondiale

Cet article a été rattaché aux crédits de la mission Aide publique au développement, qui ont été examinés par la commission le 24 octobre 2018 soir.

Il a fait l’objet d’un commentaire dans le rapport spécial relatif à cette mission et annexé au présent rapport général (M. Marc Le Fur, rapporteur spécial) ([362]).

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Suivant lavis favorable du rapporteur spécial, la commission adopte larticle 72 rattaché, sans modification.

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Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

Article 73
Revalorisation de lallocation de reconnaissance et de lallocation viagère des conjoints survivants danciens membres des formations supplétives

Cet article a été rattaché aux crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, qui ont été examinés par la commission le 25 octobre 2018 après-midi.

Il a fait l’objet d’un commentaire dans le rapport spécial relatif à cette mission et annexé au présent rapport général (M. Fabien Roussel, rapporteur spécial) ([363]).

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La commission adopte larticle 73 rattaché sans modification.

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Cohésion des territoires

Article 74
Augmentation de la contribution de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) à lAgence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU)

Cet article a été rattaché aux crédits de la mission Cohésion des territoires, qui ont été examinés par la commission le 30 octobre 2018 après-midi.

Il a fait l’objet d’un commentaire dans le rapport spécial relatif à cette mission et annexé au présent rapport général (M. François Jolivet, rapporteur spécial Logement et hébergement durgence([364]).

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La commission adopte larticle 74 sans modification.

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Après l’article 74

La commission examine, en discussion commune, les amendements IICF669, IICF670 et II-CF671 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Je ne comprends pas pourquoi le Gouvernement et la majorité actuelle n’ont pas voulu, à l’occasion de la réforme des aides personnelles au logement, prendre la mesure de justice sociale que nous proposons.

Aujourd’hui, à peu près 30 % des allocataires reçoivent une aide personnalisée au logement (APL) et un forfait charges d’un montant supérieur ou égal à leur loyer. Ainsi, certains Français ne paient pas de loyer alors que d’autres, à situation sociale équivalente et à situation de logement équivalente, en paient. C’est tout à fait anormal. Pourquoi quelqu’un qui réside dans une ville X, avec un revenu Y, paierait-il un loyer alors que celui qui vit avec le même revenu dans la ville d’à côté n’en paierait pas ? C’est socialement incompréhensible.

Ces trois amendements visent à faire en sorte que tous les allocataires des APL paient au moins une partie de leur loyer. Cela introduirait un peu de justice sociale et ferait faire quelques milliards d’économies au passage.

M. François Jolivet, rapporteur spécial. Mon cher collègue, ces amendements, qui avaient déjà été présentés l’année dernière, avaient reçu un avis défavorable.

Vous proposez de laisser un minimum à la charge des allocataires – 10 %, 15 % ou 20 % du loyer, selon les amendements. Nous avons pris une option différente : ces personnes, dont le loyer est intégralement payé ainsi qu’une partie de leurs charges, ont de très faibles ressources, et nous ne souhaitons pas majorer leur participation.

M. Thibault Bazin. Je veux appuyer ces amendements qui me semblent intéressants, même s’ils ont déjà été déposés et rejetés – ce qui n’est d’ailleurs pas un argument en soi. Sur le fond, ils posent une bonne question. Nombre de bailleurs profitent de ceux qui n’autofinancent rien grâce à l’APL, et cela peut favoriser les marchands de sommeil. Par ailleurs, je pense qu’il est important de responsabiliser les gens.

M. François Pupponi. J’avais déjà proposé, sous la précédente législature, de réformer les APL, en particulier les APL étudiantes, où l’on relève de véritables injustices sociales. J’avais notamment suggéré que les étudiants rattachés au foyer fiscal de leurs parents ne touchent pas l’APL si ces derniers sont assujettis à l’impôt de solidarité sur la fortune.

Mais, dans le cas présent, expliquez-moi la logique d’un système dans lequel, à niveau de revenu équivalent, vous payez un loyer ou vous n’en payez pas selon l’endroit où vous habitez. Où est la justice sociale ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Eh oui !

M. François Pupponi. Rien ne le justifie !

L’idée est que tout le monde paie un minimum. Vous dites que ces personnes n’ont pas beaucoup de revenus. Mais il y a des villes où des gens qui n’ont pas beaucoup de revenus touchent l’APL, mais paient tout de même un loyer. Et pourquoi, dans la ville d’à côté, ces mêmes personnes n’en paieraient-elles pas ?

C’est peut-être difficile, politiquement, de dire que certaines personnes qui ne paient pas de loyer aujourd’hui devront en payer un demain. Mais votre réforme pénalise tout le monde, ceux qui paient un loyer comme ceux qui n’en paient pas. Pour ma part, je propose de ne pénaliser que ceux qui, actuellement, ne paient pas de loyer. Cela me paraît plus juste.

M. Jean-Louis Bourlanges. Je comprends très bien votre point de vue. Mais suivant que l’on vit dans un endroit ou dans un autre, la situation peut varier, notamment sur le plan fiscal. Donc, le système n’est pas choquant en soi. En revanche, on prendrait un risque à pénaliser des gens qui sont déjà en bas de l’échelle. Ce serait extrêmement imprudent voire explosif !

M. François Jolivet, rapporteur spécial. Monsieur Bazin, nous parlons ici de l’APL que perçoivent directement les bailleurs HLM – qui, je l’espère, ne sont pas des marchands de sommeil. Nous ne parlons pas de l’ALS ni de l’ALF. Je vous renvoie à l’article L. 351‑3 du code de la construction et de l’habitation.

Monsieur Pupponi, nous avons déjà eu cette conversation l’année passée, et nous sommes parvenus au même constat : des personnes dont la situation économique est la même peuvent occuper des logements dont le niveau de loyer est différent. Cela pose la question de l’uniformisation des loyers HLM sur un même territoire. Or la situation peut varier selon les villes, selon la date de construction de l’immeuble, selon les calculs de solvabilité HLM – puisque l’aide est calculée à partir des ressources et du montant du loyer. Il est donc difficile d’annoncer à quelqu’un qu’il va payer, alors qu’il ne payait pas auparavant.

M. François Pupponi. Où est la justice ?

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant lavis défavorable du rapporteur spécial, elle rejette lamendement II-CF672 de M. François Pupponi.

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Article additionnel après l’article 74
Rapport du Gouvernement au Parlement évaluant limpact du dispositif
de la réduction de loyer de solidarité

La commission examine ensuite lamendement II-CF827 de Mme Stéphanie Do.

Mme Stéphanie Do, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques (Logement). Cet amendement vise à procéder à une évaluation objective et chiffrée du dispositif de réduction du loyer de solidarité (RLS) dans le secteur HLM, créé par la loi de finances pour 2018. En 2018 et 2019, ce dispositif générera une baisse de 4,19 % des recettes des organismes de logement social (OLS) et permettra une économie d’environ 800 millions d’euros pour le budget de l’État. Il est prévu que le montant du dispositif passe à 1,5 milliard d’euros en 2020, soit une baisse de près de 8 % des recettes locatives pour les OLS.

Après une dizaine d’auditions menées en tant que rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, il me paraît essentiel, eu égard aux montants en jeu et aux possibles conséquences sur l’activité de construction et de réhabilitation de logements sociaux, qu’une évaluation de l’impact de ce dispositif sur l’autofinancement et les capacités d’investissement des bailleurs sociaux soit menée en 2019, afin de s’assurer de la pertinence et de la faisabilité d’un doublement de la RLS par le projet de loi de finances pour 2020.

M. François Jolivet, rapporteur spécial. Je ne suis pas un fanatique des rapports. Pour autant, je pense que la représentation nationale a besoin d’avoir des informations sur les conséquences de ces orientations de la loi de finances pour 2018 et d’en mesurer l’impact. Une clause de revoyure figure dans l’accord HLM qui lie l’État aux OLS. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis favorable sur cet amendement.

M. Thibault Bazin. Nous allons aussi soutenir cet amendement. On voit bien l’impact des mesures qui sont programmées sur les trois années. La troisième année, notamment, sera insupportable pour les bailleurs.

M. Stéphane Peu. Je suis évidemment favorable à cet amendement qui permettra de revoir la RLS, et plus encore peut-être. Mais je m’interroge : si j’ai bien entendu le ministre Denormandie au congrès du secteur HLM à Marseille, on fera jouer la clause de revoyure avec les organismes HLM avant le débat budgétaire de l’an prochain, c’est-à-dire dans le premier semestre 2019. Est-ce bien cela ?

M. François Jolivet, rapporteur spécial. En effet.

La commission adopte lamendement II-CF827 (amendement II-817).

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Culture

Après l’article 74

Lors de sa réunion du 23 octobre 2018 après-midi, la commission examine lamendement II-CF235 de M. Éric Coquerel.

Mme Sabine Rubin. La création du loto du patrimoine est pour notre groupe le symbole d’un désengagement de l’État sur une de ses missions les plus fondamentales : assurer la conservation du patrimoine. Il ne devrait rapporter que 13 millions d’euros, qu’il faut mettre en regard des 58 millions d’euros d’AE et des 42 millions d’euros en CP qui ont été supprimés par la loi de finances rectificative de 2017 pour la conservation du patrimoine.

M. Gilles Carrez, rapporteur spécial. Avis défavorable. Il n’y a pas eu d’annulation de crédits en loi de finances rectificative pour 2017, mais des redéploiements en gestion. J’ai expliqué comment, depuis des années, des crédits sont réaffectés à l’archéologie à partir de l’action Monuments historiques et patrimoine monumental. C’est ce mouvement dont nous espérons qu’il cessera en 2018 et en 2019.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine lamendement II-CF237 de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. Nous demandons un rapport sur l’équilibre budgétaire à long terme des opérations de financement propre des établissements publics culturels. Ce rapport examinera les dépenses afférentes à la recherche de financements et les crédits d’impôt qui pourraient être perçus par les donateurs et donatrices et, in fine, supportés par la collectivité tout entière.

M. Pierre Person, rapporteur spécial. Ces éléments relèvent des contrats pluriannuels d’objectifs et de performance, dont je pense qu’il faut augmenter le nombre. En l’occurrence, ces contrats responsabilisent les opérateurs et leur donnent de la visibilité à long terme, tout en permettant d’assurer un suivi de leur action. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

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Défense

Après l’article 74

Lors de sa réunion du 25 octobre 2018 après-midi, la commission examine lamendement II-CF398 de Mme Sabine Rubin.

Mme Danièle Obono. Le service national universel (SNU) tel qu’il a été présenté consistera en un service d’un mois pour tous les jeunes âgés de dix-huit à vingt et un ans, qui seront principalement encadrés par les armées, la gendarmerie nationale et les réservistes – quoiqu’il nous semble avoir entendu que l’encadrement serait plutôt confié à l’éducation nationale ; ce n’est pas clair. Indépendamment des critiques formulées concernant la durée du SNU, qui serait bien trop courte pour être efficace, nous craignons que ce service national impose de mobiliser des moyens considérables. L’amendement vise donc à ce que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’impact qu’aura le SNU sur les finances publiques.

M. Olivier Gaillard, rapporteur spécial. Ce sont les conclusions de l’enquête lancée qui détermineront le contenu du SNU ; il n’est donc pas pertinent de demander la remise d’un rapport avant mars 2019. Quant aux trajectoires des crédits budgétaires, elles sont prévues aux articles 3 et 6 de la loi de programmation militaire ([365]). Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

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Écologie, développement et mobilité durables

Article 75
Pérennisation du financement du plan Écophyto et fixation des modalités de contribution des agences de leau à lAgence française pour la biodiversité (AFB) et à lOffice national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS)

Cet article a été rattaché aux crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables, qui ont été examinés par la commission le 26 octobre 2018 matin.

Il a fait l’objet d’un commentaire dans le rapport spécial relatif à cette mission et annexé au présent rapport général (M. Éric Coquerel, rapporteur spécial Paysage, eau et biodiversité ; Prévention des risques ; Expertise, information géographique et météorologie ; Conduite et pilotage des politiques de lécologie, du développement et de la mobilité durables([366]).

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La commission examine lamendement II-CF449 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel, rapporteur spécial. Cet amendement est dans la droite ligne de ce que je disais tout à l’heure sur la question de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). Vous avez refusé d’accorder des crédits correspondant à la somme qui va manquer à l’ONCFS : 21 millions d’euros, du fait de la baisse de la redevance cynégétique nationale. J’attaque donc par un autre versant en demandant d’annuler cette baisse de 197,50 euros à 44,50 euros ainsi que la baisse pour la redevance temporaire. Je signale au passage que ces baisses avantagent les chasseurs les plus fortunés, puisque cela ne concerne pas la redevance départementale. Ces baisses visent aussi à augmenter la chasse, puisque cela permettra à des chasseurs ayant acquitté une cotisation nationale d’aller plus facilement d’un département à l’autre. Toujours est-il qu’il manquera 21 millions d’euros à l’ONCFS pour accomplir ses missions. Dès lors que vous n’augmentez pas ses crédits, je vous demande d’annuler la baisse de la redevance.

La commission rejette lamendement.

Elle étudie, en présentation commune, les amendements II-CF91 et IICF92, tous deux de la commission du développement durable.

M. Yannick Haury, rapporteur pour avis de la commission du développement durable. Il s’agit d’amendements rédactionnels.

M. Éric Coquerel, rapporteur spécial. Mon avis reste défavorable sur les redevances cynégétiques. Mais comme il s’agit là de corrections rédactionnelles, je ne saurai m’y opposer.

M. le président Éric Woerth. Au moins, on s’entend sur l’essentiel !

La commission adopte successivement les amendements II-CF91 (amendement II-431) et IICF92 (amendement II-432).

Elle en vient à lamendement II-CF486 de Mme Véronique Louwagie.

M. Éric Coquerel, rapporteur spécial. Cet amendement vise à supprimer le II de l’article 75, qui établit un système de modulation à la contribution des agences de l’eau au financement de l’Agence française pour la biodiversité (AFB) et de l’ONCFS. Comme vous, je souhaite qu’il soit mis fin à l’étranglement que subissent les agences de l’eau depuis qu’on leur fait supporter le financement de l’AFB et de l’ONCFS. Je note cependant que les dispositions que vous souhaitez supprimer ne sont pas celles qui instituent cette obligation de financement : l’objet du II est d’établir une modulation de contribution de chaque agence en prenant en compte le potentiel économique du bassin hydrographique et le poids de sa population rurale – pour résumer, les agences les plus riches paieront un peu plus que les agences les moins riches. Je vous invite donc à retirer votre amendement. À défaut, j’émets un avis défavorable.

M. Julien Aubert, rapporteur spécial Énergie, climat et après-mines ; Service public de lénergie et comptes spéciaux ; Financement des aides aux collectivités pour lélectrification rurale et Transition énergétique. Cet amendement a surtout pour objectif de supprimer une nouvelle ponction sur le budget des agences de l’eau. J’ai entendu dans l’hémicycle certains de vos collègues expliquer que les agences de l’eau étaient dans une situation financière compliquée. Or, vous donnez un avis défavorable sur un principe qui me semble plutôt positif. J’ai donc du mal à comprendre votre position politique. Il me semblait en effet que cet amendement allait plutôt dans le bon sens : la politique de l’eau a toujours bénéficié du principe de « l’eau paie l’eau », donc d’un certain principe de proportionnalité. Il m’a semblé entendre, dans votre propre explication, que vous étiez contre le fait que les agences plus riches payent davantage que les avances plus pauvres. C’est là une évolution qu’il faudra peut-être nous expliquer : je croyais jusqu’à présent que La France insoumise était plutôt pour que les pauvres payent moins que les riches...

M. le président Éric Woerth. C’est un vaste débat dans lequel je ne vous propose pas de vous engager !

M. Éric Coquerel, rapporteur spécial. Quand on se lit, on relève parfois des incohérences... Après avoir écouté les arguments de M. Aubert, je m’abstiens.

La commission rejette lamendement.

Nonobstant lavis du rapporteur spécial, la commission adopte larticle 75 rattaché, ainsi modifié.

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Article 76
Évolution du régime de la redevance pour pollutions diffuses

Cet article a été rattaché aux crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables, qui ont été examinés par la commission le 26 octobre 2018 matin.

Il a fait l’objet d’un commentaire dans le rapport spécial relatif à cette mission et annexé au présent rapport général (M. Éric Coquerel, rapporteur spécial) ([367]).

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La commission est saisie, en discussion commune, des amendements IICF93 de la commission du développement durable, II-CF457 de Mme Sabine Rubin et II-CF456 de M. Éric Coquerel.

M. Yannick Haury, rapporteur pour avis. L’amendement II-CF93 vise à étendre la redevance pour pollutions diffuses aux engrais minéraux azotés. Leur impact sur l’environnement, connu de longue date, est très important, et leur coût environnemental a été chiffré entre un milliard et 1,5 milliard d’euros si l’on inclut les coûts payés par les services de l’eau et de l’assainissement, les coûts pris en charge sur le budget des collectivités, etc.

L’utilisation de l’azote minérale est également une source importante de gaz à effet de serre, avec la formation de particules fines d’ammoniac.

Je rappelle qu’en juin 2018, l’Allemagne a été condamnée pour la teneur trop élevée de ses eaux en nitrates. Des projets de taxation sont à l’étude ou proposés depuis plus de quinze ans. Tout dernièrement, le rapport de l’inspection générale des finances et du conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) de juillet 2018 sur l’avenir des opérateurs de l’eau et de la biodiversité recommandait la mise en place d’une redevance assise sur les ventes d’engrais minéraux azotés. Le taux, tel qu’il est proposé, 2 centimes d’euro par kilo d’azote, représente, compte tenu des volumes en jeu, une recette supplémentaire de 42 millions d’euros. Afin d’assurer la mise en place progressive d’un signal prix, il est proposé de doubler le taux de la taxe en 2021, ce qui permettrait d’orienter le recours aux engrais organiques qui n’ont pas les mêmes effets, notamment sur la pollution de l’air.

Mme Mathilde Panot. Dans le même esprit, notre amendement II-CF457 vise à étendre la redevance pour pollutions diffuses aux engrais minéraux azotés, mais également aux engrais minéraux phosphatés : la pollution par le phosphore provoque l’eutrophisation des milieux aquatiques – c’est le problème dit des algues vertes en Bretagne. Le taux initialement proposé de 2 centimes par kilo d’azote nous paraît insuffisamment incitatif ; nous proposons donc un taux de 5 centimes par kilo, ce qui représenterait une recette supplémentaire de 115 millions d’euros.

Avec l’amendement II-CF456, nous souhaitons aller encore plus loin dans la lutte contre les nitrates et les phosphates, qui représentent les principales sources de pollution des eaux souterraines ou de surface : 70 % du territoire français est désormais touché par cette pollution. Nous proposons d’instaurer une taxe sur les engrais azotés et phosphatés qu’utilisent les exploitants agricoles. Cette mesure nous paraît tout à fait réaliste et ne pose aucun problème technique de mise en œuvre puisque les agriculteurs font régulièrement le bilan de leur sol.

M. Éric Coquerel, rapporteur spécial. Avis favorable.

M. Julien Aubert, rapporteur spécial. Je comprends bien l’objectif de votre amendement, mais il manque une étude d’impact sur l’agriculture. Il aurait été intéressant en effet de savoir quelle conséquence aurait la mesure que vous proposez pour une exploitation qui, même si elle n’est pas pollueuse, va se retrouver à payer tout de même un peu plus. Or, quand on connaît la situation actuelle de l’agriculture, les problèmes de compétitivité, le nombre de suicides d’agriculteurs, mieux vaudrait disposer d’éléments chiffrés que des simples arguments avancés ici.

Mme Perrine Goulet. J’interviendrai une fois seulement sur les amendements qui visent à taxer différents minéraux, phosphates, etc. : vous savez très bien qu’un travail est en cours avec les agriculteurs sur la totalité des intrants et sur tout ce qui est mis dans les sols. Nous avons décidé de ne pas alourdir la fiscalité et de les accompagner, Nous voterons donc contre tous les amendements qui institueraient de nouvelles redevances ou augmenteraient les redevances existantes.

Mme Mathilde Panot. Monsieur Aubert, nous sommes tous conscients qu’un paysan se suicide tous les deux jours et qu’un paysan sur trois vit avec moins 350 euros par mois. Mais c’est précisément l’agriculture telle qu’elle est pratiquée actuellement qui crée cette situation. Il va donc vraiment falloir qu’on avance à un moment donné en ce qui concerne la transition agricole, et en premier lieu pour ces agriculteurs.

Je maintiens mes amendements tout en appelant mes collègues à adopter celui de la commission du développement durable.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle est saisie de lamendement II-CF252 de Mme Frédérique Tuffnell.

Mme Frédérique Tuffnell. Cet amendement vise à élargir l’assiette de la redevance pour pollutions diffuses aux produits biocides développant les mêmes substances chimiques que les produits phytopharmaceutiques. Je rappelle, pour éviter tout amalgame avec les amendements sur les engrais minéraux azotés, que faire rentrer les biocides dans l’assiette n’aura aucun impact négatif sur les agriculteurs, dans la mesure où ce n’est pas eux qui utilisent ces produits, mais les professionnels du secteur dit « de la 3D » (désinfection, désinsectisation, dératisation). Ce n’est pas la nature d’une substance biocide qui fait que le produit est biocide ou phyto, c’est la revendication du produit. Une substance peut donc être classée en biocide, produit phyto ou médicament. Par exemple, intervenir sur des chenilles processionnaires du pin ou du chêne dans une forêt sera considéré comme une utilisation de produits phytosanitaires puisqu’il n’y a pas de lien avec l’activité agro-sylvicole. En revanche, si une entreprise 3D est appelée dans la cour de récréation d’une école primaire du fait de la présence de ces mêmes chenilles processionnaires sur un arbre, on considère qu’il s’agit d’une intervention utilisant un produit biocide. Dans les deux cas, on utilise le même produit, tantôt phytosanitaire, tantôt biocide. Les produits phytosanitaires et les produits biocides véhiculent exactement les mêmes risques pour la santé humaine et pour l’environnement.

Cet amendement vise donc à corriger une inégalité et ainsi à inciter à une moindre utilisation du produit.

M. Éric Coquerel, rapporteur spécial. Cet amendement vise à étendre la redevance pour pollutions diffuses aux biocides qui représentent, tout comme les produits phytosanitaires, des dangers pour la santé humaine et pour l’environnement. Je suis tout à fait favorable à cette initiative. Je souscris pleinement aux souhaits des auteurs de cet amendement d’une lutte intégrée contre l’usage des pesticides et biocides. En conséquence, j’émets un avis favorable.

La commission rejette lamendement.

Puis elle étudie lamendement II-CF454 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel, rapporteur spécial. Cet amendement vise à doubler les taux de la redevance pour pollutions diffuses proposés à l’article 76 du présent projet de loi de finances. Son objectif est de provoquer une hausse véritablement dissuasive des prix des produits phytosanitaires. On connaît de longue date le rôle des pesticides dans le désastre écologique actuel. Face aux atermoiements du gouvernement français et de l’Union européenne, il est proposé ici un renchérissement substantiel de ces produits.

La commission rejette lamendement.

La commission examine lamendement II-CF455 de Mme Sabine Rubin.

Mme Mathilde Panot. Cet amendement tend à élargir l’assiette de la redevance pour pollutions diffuses en prenant en considération le danger que peuvent représenter certaines substances actives, comme énoncé dans le rapport conjoint du conseil général de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux, du CGEDD et de l’inspection générale des affaires sociales. Le Gouvernement s’est engagé à interdire le glyphosate dans un délai de trois ans, sans que ce soit pour autant inscrit dans la loi. L’accompagnement vers l’arrêt de l’usage de ces substances passe nécessairement par un taux de redevance dissuasif. Tel est l’objet de cet amendement.

M. Éric Coquerel, rapporteur spécial. Avis favorable.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine lamendement II-CF465 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel, rapporteur spécial. L’exposé des motifs du projet de loi indique que le produit attendu de la hausse de la redevance pour pollutions diffuses prévue à l’article 76 s’élève à 50 millions d’euros. Or, en l’état actuel, ces recettes supplémentaires ou, en tout état de cause, leur plus grande partie seront directement versées au budget de l’État. En effet, elles dépasseront le plafond de taxes et redevances perçues par les agences de l’eau, lequel a été abaissé en 2019.

Cet amendement vise à sécuriser l’utilisation du produit escompté au profit de l’environnement, moyennant une stricte application du principe pollueur-payeur, de façon que l’exposé des motifs ne soit pas contredit par cette problématique de plafond.

Il est ainsi proposé de relever de 41 à 91 millions le plafond du prélèvement annuel sur le produit de la redevance au profit de l’AFB, afin de mettre en œuvre le programme national visant à la réduction de l’usage des pesticides dans l’agriculture et à la maîtrise des risques y afférents, dit « plan Écophyto ».

La commission rejette lamendement.

La commission adopte larticle 76 rattaché, sans modification.

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Après l’article 76

La commission est saisie de lamendement II-CF324 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert, rapporteur spécial. Cet amendement vise à corriger une spécificité du mode d’établissement du budget du médiateur national de l’énergie, une scorie qui n’a pas été modifiée lors de l’adoption de la loi du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes ([368]).

Le médiateur est une autorité administrative indépendante mais son budget « est arrêté, sur sa proposition, par les ministres chargés de léconomie, de lénergie et de la consommation » – cette phrase, qui date de 2006, contrevient à l’article 37 de la loi de 2017 précitée. Il demande donc, et le ministère de la transition écologique et solidaire m’a indiqué y être favorable, de supprimer une phrase de l’article L. 122-5 du code de l’énergie de façon à simplifier la gestion budgétaire pour ses services. En 2017, la demande de budget du médiateur pour 2018 a été présentée en juin et le déblocage est intervenu au mois de mai suivant ; de janvier à mai, le médiateur de l’énergie a donc dû fonctionner sur son fonds de roulement, tout simplement parce que son budget doit être visé par les ministres.

Mme Perrine Goulet. Je ne comprends pas bien ce qui bloque, étant donné que l’on trouve les 5 millions du médiateur de l’énergie dans le bleu budgétaire.

M. le président Éric Woerth. Quel est le rôle de ce médiateur ?

M. Julien Aubert, rapporteur spécial. Le médiateur de l’énergie intervient dans des contestations sur les affaires énergétiques, les questions de tarifs et autres ; il sert ainsi d’intermédiaire entre l’administration et le grand public.

Le principal problème, c’est qu’il s’agit d’une autorité administrative indépendante ; normalement, son budget devrait entrer en vigueur sitôt la loi de finances votée par le Parlement. Aujourd’hui, du fait de cette rédaction inadéquate, il doit être au préalable arrêté par les ministres, ce qui décale le déblocage des fonds et oblige le médiateur de l’énergie à fonctionner sur son fonds de roulement. C’est lui qui demande cette suppression, au motif d’ailleurs qu’il devrait être traité comme n’importe quelle autre autorité administrative indépendante ; or, il a été oublié dans la simplification de 2017 et reste le seul dans cette situation. Le ministère m’a dit être favorable à cette demande.

Mme Perrine Goulet. Cela vous ennuie-t-il de retirer l’amendement pour que nous voyions cela directement avec le ministre ? Les 5 millions du médiateur figurent bien dans le bleu, en page 369, et ce n’est pas non plus la seule autorité indépendante à avoir ce type de financement : c’est aussi le cas de l’Agence française de lutte contre le dopage, par exemple.

M. Julien Aubert, rapporteur spécial. J’ai vu les saints mais je peux aussi voir Dieu, et nous verrons si Dieu est d’accord avec ses saints. Nous allons vérifier.

M. le président Éric Woerth. Je rappelle qu’institutionnellement, il n’y a ni Dieu ni saints, mais seulement un législatif et un exécutif, qui se valent.

Lamendement est retiré.

La commission examine ensuite lamendement II-CF355 de Mme Émilie Cariou.

M. Julien Aubert, rapporteur spécial. Dieu n’existe peut-être pas en politique mais le diable certainement, et on sait qu’il se cache toujours dans les détails. En l’occurrence, c’est le cas avec cet amendement qui sollicite du ministre de la transition écologique et solidaire l’établissement d’un rapport présentant en particulier un comparatif financier des pistes de gestion des déchets radioactifs de long terme, rapport qui serait communiqué à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques et aux commissions chargées des finances et du développement durable.

J’émets un avis défavorable sur cet amendement dans la mesure où il est clairement redondant : l’article L. 542-12 du code de l’environnement confie déjà à l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) la charge de contribuer à l’évaluation des coûts afférents à la mise en œuvre, et rien n’interdit aux parlementaires d’auditionner l’ANDRA sur ce point s’ils ont des questions. Par ailleurs, l’Assemblée nationale a déjà publié de nombreux rapports, que je ne qualifierai pas d’excellents car j’en ai commis un, en juillet 2013 à la suite d’une mission d’information, et qui a déjà répondu à vos questions : je l’avais établi avec notre collègue Christophe Bouillon, avec un examen comparatif des options alternatives au stockage. En outre, lorsque le projet Cigéo devra être confirmé par le Parlement, il est évident que cette question sera de toute façon centrale.

Mme Perrine Goulet. Sur le fond, je partage le point de vue de M. Aubert. Je pense par ailleurs que c’est un autre levier qui devrait être activé. Je ne suis pas sûre en effet que ce soit au Gouvernement qu’il faille demander un rapport, mais plutôt à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), comme nous l’avions fait lors de la mission d’information sur le nucléaire en début d’année, où nous lui avions demandé une étude comparative entre le refroidissement du combustible en piscine et le refroidissement à sec. L’IRSN est bien plus compétent que le ministère ; il serait donc plus pertinent de voir cela avec lui, ou avec l’ANDRA, comme l’indique M. Aubert.

Lamendement est retiré.

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Engagements financiers de l’État

Article 77
Participation française à laugmentation de capital sujet à appel, de la Banque européenne dinvestissement (BEI)

Cet article a été rattaché aux crédits de la mission Engagements financiers de lÉtat, qui ont été examinés par la commission le 24 octobre 2018 matin.

Il a fait l’objet d’un commentaire dans le rapport spécial relatif à cette mission et annexé au présent rapport général (Mmes Bénédicte Peyrol et Dominique David, rapporteures spéciales) ([369]).

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Suivant lavis favorable du rapporteur spécial, la commission adopte larticle 77 rattaché, sans modification.

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Gestion des finances publiques

Après l’article 77

Lors de sa réunion du 23 octobre 2018 soir, la commission se saisit de lamendement II-CF308 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. Il s’agit de demander au Gouvernement un rapport afin d’examiner si l’indemnité de résidence actuellement versée aux fonctionnaires est suffisante pour faire face au coût de la vie.

Mme Cendra Motin, rapporteure spéciale. Je vous remercie, chère collègue, de reprendre à votre compte un amendement que j’avais moi-même déposé l’an dernier. Je partage effectivement le constat : non seulement l’indemnité de résidence mais également le supplément familial de traitement sont déconnectés de la réalité du terrain et de la vie des agents, nonobstant la mission interministérielle qui prévoit notamment un certain nombre d’actions sociales, telle la mise à disposition de places de crèche. C’est un point qui a été abordé dans les négociations salariales par le ministre, pas plus tard qu’hier, et sur lequel il souhaite mener une réflexion dans le cadre de la négociation avec les partenaires sociaux d’une « remise à plat » bien plus large de la rémunération des agents des services publics – il prépare également l’avenir et le passage à un régime de retraite universel.

Je ne donnerai pas un avis favorable à cet amendement dans la mesure où le ministre a vraiment pris les choses en main et que ce sera un vrai sujet de négociation avec les partenaires sociaux, sitôt passées les échéances électorales de décembre.

Lamendement est retiré.

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Immigration, asile et intégration

Article additionnel après l’article 77
Clarification des compétences de lOffice français de limmigration
et de lintégration relatives aux contributions sanctionnant lemploi détrangers en situation irrégulière et conséquences tirées de certains contentieux

Lors de sa réunion du 26 octobre 2018 matin, la commission est saisie dun amendement II110 du Gouvernement.

M. Stanislas Guerini, rapporteur spécial. Avis favorable. Il s’agit d’un amendement de coordination technique.

Lamendement est adopté.

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Outre-mer

Après l’article 77

Lors de sa réunion du 24 octobre 2018 après-midi, la commission examine lamendement II-CF329 de M. Jean-Hugues Ratenon.

M. Jean-Hugues Ratenon. Je l’ai défendu.

M. Olivier Serva, rapporteur spécial. Cet amendement a pour but de demander au Gouvernement un rapport assurant qu’il n’existe pas d’effet d’aubaine pour les entreprises qui bénéficieront des exonérations de charges. L’évaluation de ces dispositifs de soutien à l’économie, que le projet de loi de finances propose de renforcer, est en effet nécessaire. Avis favorable.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite lamendement II-CF331 de M. Jean-Hugues Ratenon.

M. le rapporteur spécial. Cet amendement demande, concernant l’orpaillage illégal en Guyane, des rapports supplémentaires. Mais en observant les actions déjà entreprises, notamment l’opération Harpie qui a permis la destruction de plus de 800 sites illégaux en 2016 et 645 en 2017, ainsi qu’une intensification des moyens de la défense et de l’armée, il est permis de considérer qu’un rapport supplémentaire n’apporterait pas davantage d’informations : l’essentiel est d’intensifier les efforts liés à l’opération Harpie. Nous invitons donc notre collègue à retirer cet amendement pour le présenter en séance.

Lamendement est rejeté.

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Pouvoirs publics

Après l’article 77

Lors de sa réunion du 23 octobre 2018 après-midi, la commission examine lamendement II-CF196 de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. Nous souhaitons la transmission d’un rapport d’information sur le coût exhaustif des dépenses liées aux déplacements privés du programme Présidence de la République, incluant notamment la masse salariale des agents mobilisés et tous les autres frais actuellement non pris en compte par la Cour des comptes dans son rapport annuel sur les comptes et la gestion des services de la présidence de la République. Le rapport susmentionné précise actuellement que « comme pour les déplacements officiels, ces montants ne comprennent pas la masse salariale des agents mobilisés ». Par souci de transparence, nous souhaitons comprendre ce que se cache derrière ces chiffres.

Mme Lise Magnier, rapporteure spéciale. Mon avis sera défavorable pour une raison de forme. Vous demandez au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur le coût complet des déplacements privés du chef de l’État. Or, je ne vois aucun organe placé sous l’autorité du Gouvernement qui soit à même de mener une telle étude.

Cette question relève de la seule compétence de la Cour des comptes, laquelle, vous le savez, effectue un contrôle annuel complet des comptes et de la gestion de la présidence de la République depuis 2007. Le rapport consacré à l’exercice 2017, que vous citez, donne des indications relativement précises quant aux frais engendrés par ces déplacements, tout en précisant que « comme pour les déplacements officiels, ces montants ne comprennent pas la masse salariale des agents mobilisés », ce que vous dénoncez. Mais le Président rembourse bien évidemment ses frais personnels.

Dans ce même rapport, la Cour invite la Présidence à développer ses outils de comptabilité analytique : c’est fait puisque, depuis le 1er janvier 2017, l’Élysée applique un nouveau règlement budgétaire et comptable plus conforme au décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.

Je partage les remarques de la Cour des comptes, mais j’estime qu’un rapport d’origine gouvernementale ne serait d’aucun effet pour faire progresser la production de données en coût complet.

La commission rejette lamendement.

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Recherche et enseignement supérieur

Article 78
Renforcement de la mobilité étudiante

Cet article a été rattaché aux crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur, qui ont été examinés par la commission le 29 octobre 2018 après-midi.

Il a fait l’objet d’un commentaire dans le rapport spécial relatif à cette mission et annexé au présent rapport général (M. Fabrice Le Vigoureux, rapporteur spécial) ([370]).

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La commission examine les amendements identiques II-CF602 de Mme Christine Pires Beaune et II-CF633 de M. Éric Coquerel.

M. Régis Juanico. L’aide à la recherche d’un premier emploi (ARPE), instaurée en 2016, était une revendication ancienne des représentants des étudiants et permettait d’accompagner l’insertion de plus en plus tardive des jeunes sur le marché du travail. Elle permettait aussi le prolongement des bourses sur critères sociaux pendant quatre mois après l’obtention du diplôme. En 2017, ce dispositif a bénéficié à 26 000 étudiants et à 2 000 apprentis.

Alors que votre document de présentation de l’évaluation préalable des articles du projet de loi de finances reconnaît qu’il s’agit « sans conteste dune aide pour les jeunes dans la transition vers le premier emploi », vous la supprimez brutalement pour la remplacer par un dispositif d’aide exceptionnelle à la mobilité aux personnes qui, dans le cadre de la procédure nationale de préinscription à Parcoursup, souhaitent s’inscrire à une formation de l’enseignement supérieur.

Notre amendement vise donc à supprimer cet article 78, qui lui-même supprime le dispositif.

M. Michel Larive. Cet article prévoit la suppression de l’ARPE au motif qu’elle serait, aux dires du Gouvernement, redondante avec la garantie jeunes. Nous considérons qu’au contraire, ces deux types d’aides sont complémentaires : elles ne touchent pas le même public et n’ont pas les mêmes finalités.

En effet, la garantie jeunes ne concerne que les jeunes qui ne sont ni en emploi, ni en formation, ni en étude et en situation de grande précarité sociale. Elle concerne les jeunes âgés de seize à moins de vingt-six ans. L’ARPE, en revanche, bénéficie à des jeunes pouvant avoir jusqu’à vingt-huit ans et qui ont obtenu un diplôme à finalité professionnelle. Au demeurant, cette aide est ciblée, puisqu’elle ne s’adresse qu’aux étudiants boursiers, ce qui permet d’accompagner les jeunes au plus près de leurs besoins.

Le Gouvernement argue aussi du fait qu’il veut créer un dispositif exceptionnel d’aide à la mobilité destiné aux jeunes qui, dans le cadre de leur préinscription Parcoursup, souhaitent s’inscrire à une formation de l’enseignement supérieur. Faute de précisions sur ce nouveau dispositif, et ne croyant pas sur parole à la générosité du Gouvernement, nous souhaitons, par cet amendement, nous assurer de la pérennité de l’ARPE.

M. Fabrice Le Vigoureux, rapporteur spécial. Les crédits de l’ARPE sont chaque année de plus en plus sous-consommés : dans le dernier budget, 58 millions d’euros étaient prévus pour le financement de cette aide, mais seuls 33 millions d’entre eux ont été consommés. Le défaut majeur du dispositif est qu’il ne fait l’objet d’aucun accompagnement particulier. Les rapporteurs spéciaux au Sénat l’ont d’ailleurs souligné : ce dispositif produit des effets d’aubaine. Il n’est pas contrôlé ou, en tout cas, les contrôles sont très difficiles à effectuer et les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) n’ont pas les moyens de s’assurer que le demandeur n’est plus en formation, qu’il recherche bien un emploi et qu’il n’en a pas trouvé. L’aide peut même, en outre, retarder l’insertion professionnelle.

Nous faisons donc clairement un autre choix, celui de quadrupler les crédits consacrés à la mobilité étudiante – crédits qui passent de 7 à 30 millions d’euros –, de renforcer les parcours personnalisés pour améliorer la réussite des étudiants et de privilégier les dispositifs réels d’insertion professionnelle qui se développent assez bien. Nous faisons aussi le choix d’étendre la garantie jeunes pour ceux d’entre eux qui sont dans une situation de rupture sociale et qui ont véritablement besoin à la fois d’un accompagnement financier et d’un accompagnement humain qui fait défaut dans le cadre de l’ARPE. Nous préférons investir en amont plutôt que dans un dispositif qui n’a pas fait ses preuves, qui n’a pas trouvé son public et qui est assez coûteux au regard de son efficacité. Avis défavorable.

M. Charles de Courson. Monsieur le rapporteur spécial, pourriez-vous nous rappeler le montant de l’ARPE ?

M. le rapporteur spécial. L’aide est en moyenne de 300 euros par mois pendant quatre mois à compter de l’obtention du diplôme.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle adopte larticle 78 sans modification.

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Article additionnel après l’article 78
Rapport du Gouvernement au Parlement sur lapplication de la réserve
de précaution aux crédits des programmes 150 et 172 de la mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur

La commission examine, en présentation commune, les amendements
II-CF646, IICF649 et II-857 de Mme Amélie de Montchalin, rapporteure spéciale Recherche.

Mme Amélie de Montchalin, rapporteure spéciale. Nous pourrions défendre l’amendement II-CF646 à deux voix avec mon collègue Fabrice Le Vigoureux. Dans ce budget, nombre de crédits d’intervention, tels que ceux de l’Agence nationale de la recherche (ANR), sont définis comme devant être dépensés – puisqu’il s’agit de fonds que l’État donne à des agences pour leur permettre de faire des appels à projets et donc de financer la recherche – mais ont un taux de mise en réserve de 8 %, bien supérieur aux 3 % théoriquement appliqués à l’ensemble du budget. De plus, le taux de mise en réserve des crédits d’intervention devrait conceptuellement être à zéro puisque le but est bien de dépenser ces crédits sur l’ensemble de l’année. Le taux de mise en réserve étant un outil de gestion de la direction du budget, nous ne pouvons le faire figurer dans la loi. Nous demandons donc un rapport sur l’application de la mise en réserve de précaution des programmes 150 et 172 pour comprendre comment elle intervient.

Nous avons également noté que les crédits des missions internationales, telles que celles de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), et des grands projets internationaux font également l’objet d’une mise en réserve qui oblige à faire en fin de gestion des deuxièmes versements à des organismes internationaux attendant que la France paie l’intégralité de ses dus.

M. Fabrice Le Vigoureux, rapporteur spécial. Cet amendement est important car le taux de 8 % pénalise fortement les établissements dans un contexte d’augmentation très soutenue de leurs effectifs, avec 5 % à 6 % d’étudiants supplémentaires chaque année depuis trois ans. Cette augmentation pose d’ailleurs des difficultés budgétaires.

Mme la rapporteure spéciale. Quant à l’amendement II-CF649, il vise à obtenir un « jaune » budgétaire sur l’intégralité des dotations affectées à la sécurité et à la sûreté nucléaires – M. Aubert appréciera. L’idée est de pouvoir mettre en lien les budgets du Commissariat à l’énergie atomique (CEA), de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), du Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire, des commissions locales d’information (CLI) et de l’Association nationale des CLI, ainsi que les dotations versées à toute autre autorité publique agissant dans ce domaine. Compte tenu de la grande opacité qui existe en la matière, il est important d’avoir une vision transversale de ces financements au sein d’un même document.

Mme Émilie Cariou. Le coût afférent à la gestion des déchets nucléaires radioactifs de haute activité et de moyenne activité à vie longue a été fixé à des montants assez différents : 25 milliards d’euros par Ségolène Royal en 2016, 34 milliards d’euros par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs la même année et 43 milliards d’euros par Price Waterhouse Coopers. La Cour des comptes a relevé qu’on ne savait pas encore très bien quel serait le coût de la gestion des déchets nucléaires, quelle que soit la solution retenue à terme.

Cet amendement vise à l’obtention d’un rapport financier exposant une comparaison financière des trois pistes de gestion des déchets radioactifs. Ces trois pistes, fixées dans les lois de 1991 et de 2006, sont la piste technologique de la transmutation, la piste du stockage en surface ou en subsurface et la piste de l’enfouissement en couche géologique profonde.

Cette demande de rapport rejoint notre volonté de renforcer les moyens de contrôle et d’évaluation de l’Assemblée nationale afin de disposer de chiffrages crédibles. Il est nécessaire que nous ayons à notre disposition les informations 
– notamment financières – nécessaires pour orienter les choix scientifiques qui engageront collectivement le pays. Il faudra que nous ayons l’assurance que l’option retenue est la meilleure en matière de sûreté nucléaire et qu’elle est supportable financièrement. Parfois, l’option la moins sûre est aussi la plus chère.

Dans le cadre de la préparation par la Commission nationale du débat public de la consultation sur le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs, nous demandons un rapport chiffré qui fasse une évaluation un peu plus fiable que celles qu’on a eues jusqu’à présent. Aujourd’hui, on a surtout exploré l’option du stockage en couche géologique profonde. Le document de politique transversale dont vient de parler Amélie de Montchalin nous permettra également d’y voir beaucoup plus clair quant à l’action des différents organismes agissant dans le domaine de la sûreté nucléaire.

M. Julien Aubert. Je suis circonspect, car je vois qu’on multiplie les demandes de rapports sur des sujets pour lesquels nous avons déjà des informations. J’ai rédigé en 2014 avec mon collègue Christophe Bouillon un rapport sur les déchets nucléaires et sur le coût de Cigéo. Il y a eu un rapport de la Cour des comptes, également sur les déchets nucléaires. Juste avant la fin de la dernière législature, nous avons eu un débat sur le projet Cigéo et sur la réversibilité. Comme le prescrit la loi, nous aurons un débat le jour où il nous faudra décider si nous réalisons effectivement ce projet Cigéo. C’est à ce moment-là qu’il faudra faire la vérité sur les coûts mais ce n’est pas seulement une question de coût ni un sujet théorique. Cela fait maintenant près de vingt ans qu’on réfléchit et il y a un laboratoire souterrain. J’ose espérer que compte tenu de la nécessité d’assurer la stabilité de l’investissement à faire, on ne va pas changer tous les ans de stratégie sur les déchets nucléaires !

Ensuite, il y a effectivement un second sujet qui est celui de la transmutation. Pour répondre à la question de notre collègue de Courson, l’État est pudiquement et hypocritement en train d’asphyxier le projet ASTRID en disant qu’il va en réduire la taille et qu’il ne va pas fabriquer de prototype mais plutôt faire des simulations pour tester ses hypothèses. L’État crée ainsi, de manière assez cynique, le problème : si nous ne savons pas transmuter les déchets, les poubelles vont déborder. La question est celle de l’orientation politique qu’on veut donner au projet. Si l’on veut régler le problème des déchets nucléaires, il faut investir dans le projet ASTRID, continuer Cigéo et faire le rapport que vous proposez au moment où nous devrons prendre notre décision.

M. Charles de Courson. Le but de cet amendement est d’évaluer, en investissement et en fonctionnement, combien pourraient coûter dans la durée les différentes hypothèses de gestion des déchets nucléaires. Or, il n’y a qu’une seule option dont on commence à cerner l’ordre de grandeur : c’est le stockage souterrain à Bure. On sait que cela coûtera entre 25 et 30 milliards d’euros d’investissements, mais on ne sait pas si la transmutation est une piste praticable.

M. Julien Aubert. Si l’on n’investit pas, on ne le saura jamais.

M. Charles de Courson. On ne sait pas du tout quantifier cette piste. Si d’autres pays l’avaient explorée, on aurait une idée du coût de la transmutation. Je veux bien voter cet amendement, mais je ne vois pas très bien comment le Gouvernement pourra produire un rapport sur les trois pistes évoquées. Il ne pourra donner d’ordre de grandeur que pour l’une des trois.

Mme Émilie Cariou. Dans le cadre de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, j’approfondis la question nucléaire en général et celle des déchets en particulier. Pour l’instant, on a effectivement du mal à passer à la phase industrielle du programme ASTRID et de la transmutation. Il va donc être difficile de chiffrer le coût du projet.

En revanche, il est possible de le faire pour le stockage en subsurface, qui consiste à creuser dans une colline l’équivalent d’un tunnel ferroviaire, comme le font les Allemands. Le stockage en subsurface est plus réversible que le stockage en couche géologique profonde, qui n’est réversible que jusqu’à un certain point car, au bout d’un certain temps, la roche se referme. L’objet même de ce stockage à 500 mètres sous terre est que les déchets soient pris dans la pierre et n’en bougent plus jusqu’à la nuit des temps. Je comprends, monsieur Aubert, que vous déploriez la publication d’un rapport de plus, mais le débat national est en cours et nous allons prendre des décisions qui engageront notre planète pendant des centaines de milliers d’années. Le problème de la sûreté nucléaire est le plus important pour nous.

Ensuite, le problème financier est d’assurer la meilleure sûreté nucléaire possible à un coût supportable et prévisible. Des alertes ont été lancées, notamment dans le rapport d’information de Barbara Pompili issu de la commission d’enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires. Je sais que vous ne partagez pas les conclusions de cette commission d’enquête, monsieur Aubert, mais le rapport que nous proposons devrait nous permettre de prévoir les financements adéquats. Il nous montrera aussi que nous ne sommes pas beaucoup creusé la tête sur les autres solutions de stockage que Cigéo alors que les lois de 1991 et 2006 prévoient l’obligation de le faire.

M. Julien Aubert. Ce n’est pas une question de coût mais de stratégie. La France a fait un choix stratégique avec Cigéo.

Quant au rapport Pompili – j’en sais quelque chose puisque j’étais membre de cette commission d’enquête –, il a repris de très larges pans de l’enquête que j’avais moi-même menée en 2014, sauf qu’il en est arrivé à des conclusions différentes. Prélever un raisonnement et en changer la conclusion n’est pas tout à fait comme faire une enquête différente.

La commission adopte lamendement II-CF646 (amendement II-991).

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Article additionnel après l’article 78
Annexe générale au projet de loi de finances de lannée précisant lensemble des dotations budgétaires affectées à la politique de sécurité et de sûreté nucléaires

La commission adopte lamendement II-CF649 (amendement II-992).

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Article additionnel après l’article 78
Rapport du Gouvernement au Parlement sur la gestion des déchets radioactifs de long terme

La commission adopte lamendement II-CF857 (amendement II-993).

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Relations avec les collectivités territoriales

Article 79
Répartition de la dotation globale de fonctionnement (DGF)
et dautres dotations de fonctionnement

Cet article a été rattaché aux crédits de la mission Relations avec les collectivités territoriales qui ont été examinés par la commission le 29 octobre 2018 soir.

Il a fait l’objet d’un commentaire dans le rapport spécial relatif à cette mission et annexé au présent rapport général (MM. Jean-René Cazeneuve et Christophe Jerretie, rapporteurs spéciaux) ([371]).

La commission est saisie de l’amendement II-CF861 du Rapporteur général.

M. le Rapporteur général. L’an dernier, comme les années précédentes, nous avons examiné de nombreux amendements en séance relatifs aux communes touristiques et à la façon de comptabiliser les résidences secondaires au sein de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Nous avions demandé un rapport sur le sujet ; ce rapport, qui, pour l’instant, a fait l’objet d’une remise orale de la part du Gouvernement et de la direction générale des collectivités locales (DGCL), propose un équilibre qui me semble intéressant.

Le problème est de faire en sorte que les majorations de DGF ne touchent pas les communes trop importantes. Le dispositif prévu par le Gouvernement ne vise donc que les communes rurales de moins de 3 500 habitants, mais ne prendra pas en compte des communes trop riches, autrement dit celles dont le potentiel fiscal ne dépasse pas une fois et demie la moyenne de leur strate ; enfin, il ne concernera que les communes ayant au moins 30 % de résidences secondaires.

Cet amendement, issu de l’ensemble de ces discussions, prévoit que la majoration est de deux personnes par résidence secondaire dans les communes qui répondent à ces trois critères : ruralité, non-richesse fiscale et nombre important de résidences secondaires. Dans tous les autres cas, les extensions de réseaux nécessaires sont parfaitement absorbables par les budgets des collectivités concernées. Il s’agit d’un amendement d’équilibre sur un sujet qui nous préoccupe depuis fort longtemps.

M. Christophe Jerretie, rapporteur spécial. Cet amendement a, en effet, été évoqué l’an dernier. Nous avons retenu pour principe de ne pas faire évoluer les critères de la DGF ; par ailleurs, le rapport montre que les communes touristiques ne sont pas les plus dépourvues en DGF. Sur cette base de ces éléments, nous avons émis un avis plutôt défavorable à la modification des critères.

M. Gilles Carrez. Je repose la même question depuis des années : combien de communes sont-elles concernées et quel est l’enjeu financier ? Sachant que tout ce qui est versé en plus aux uns est retiré aux autres...

M. le Rapporteur général. Cet amendement qui concerne un gros millier de communes – je n’ai pas le chiffre exact car les critères ont également bougé. Sont essentiellement visées des communes rurales qui connaissent un fort développement touristique dans des zones comme le Massif central ou les Pyrénées – moins dans les Alpes car la richesse de beaucoup de communes alpines les place au-dessus du plafond de 1,5 fois le niveau du potentiel fiscal de la strate. C’est un amendement d’équilibre, soutenu par le Gouvernement.

M. Charles de Courson. Mais quel en est l’impact ? Puisque ce sera financé dans le cadre de l’enveloppe, ce que les unes auront en plus, c’est ce que les autres auront en moins, comme d’habitude. Quelles sont les masses concernées, 5 millions, 10 millions, 30 millions ?

M. le Rapporteur général. C’est autour de 15 millions d’euros et même plutôt inférieur à 15 millions – je n’ai pas le détail –, car les choses ont été stabilisées récemment.

Mme Marie-Christine Dalloz. Avec mille communes bénéficiaires, quel est le nombre de communes qui sortent du dispositif ?

M. le Rapporteur général. Il n’y en a pas.

Mme Marie-Christine Dalloz. Cela fait donc mille bénéficiaires de plus... Comme il s’agit d’une enveloppe normée, la dotation diminuera d’autant pour les autres.

M. le Rapporteur général. Cela joue sur la variable d’ajustement...

M. François Pupponi. Et cela fait moins pour les autres !

M. le Rapporteur général. Je répète que cet amendement d’équilibre qui a le soutien du Gouvernement concerne les communes rurales de moins de 3 500 habitants, dont le potentiel fiscal est inférieur à 1,5 fois le potentiel de la strate et dont le nombre de résidences secondaires atteint ou dépasse 30 % du total. Je considère que cela cible des communes rurales qui connaissent réellement des problématiques d’extension de voirie et de réseaux en raison des résidences secondaires. Et nous comptons deux habitants par résidence secondaire.

La commission adopte l’amendement II-CF861 (amendement II-799).

Elle examine ensuite, en discussion commune, les deux amendements identiques II-CF682 de M. François Pupponi et II-CF726 de Mme Christine Pires Beaune ainsi que les amendements II-CF681 et II-CF680 de M. François Pupponi et II-CF727 de Mme Christine Pires Beaune.

M. François Pupponi. Je reste sans voix... Nous demandions que la dotation de solidarité urbaine (DSU) remonte au niveau de 2015 et nous demandons là, en manière de repli, qu’elle remonte au niveau de 2018, soit 110 à 120 millions d’euros. Nous rajoutons donc 20 millions sur la DSU pour les communes les plus pauvres, qui comptent, elles, des dizaines de millions d’habitants. Et voilà qu’on vient de donner aux communes touristiques 15 millions d’euros, qui seront payés en partie par ces communes de banlieue. J’avoue que je suis impressionné. Chapeau, bravo ! J’attends avec intérêt de savoir si l’on témoignera autant de considération aux communes de banlieue...

Mme Christine Pires Beaune. Pourra-t-on nous fournir d’ici à la séance la liste des communes touristiques, avec leur revenu par habitant et leur coefficient d’intégration fiscale (CIF), ainsi que le montant que cela représente, pour que nous puissions apprécier mieux ce que nous venons de voter ?

M. le Rapporteur général. J’ai demandé la liste pour ce soir, mais ne l’ai pas eue.

M. Gilles Carrez. Et vous avez une idée précise de ce que cela représente ?

M. François Pupponi. 15 millions !

Mme Christine Pires Beaune. Mes amendements visent à augmenter les deux dotations de péréquation que sont la DSU et la dotation de solidarité rurale (DSR), le premier à hauteur de 180 millions d’euros pour chacune, le second à hauteur de 110 millions. Le fait que l’enveloppe globale de DGF soit stable ne justifie pas, me semble-t-il, l’arrêt de la progression de la péréquation. Comme je l’ai dit, la DGF est péréquatrice à moins de 50 %, il faut bien avoir cela à l’esprit.

Quant au montant moyen par habitant de dotation du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC), dont nous reparlerons longuement, il est en baisse par rapport à 2018.

M. Christophe Jerretie rapporteur spécial. Tous ces amendements visent à augmenter la DSU et la DSR à différents niveaux. L’objectif est d’obtenir un équilibre entre la stabilité et la péréquation. Avec 90 millions de chaque côté, nous allons atteindre des niveaux historiques en matière de péréquation et il n’y a pas lieu de modifier celle-ci une nouvelle fois. Il faut aussi savoir être raisonnable car on touche toujours quelqu’un. On me dira qu’un amendement vient d’être voté, mais c’était contre mon avis. Je conserve le même principe sur l’ensemble de ces éléments.

M. François Pupponi. Il faut être logique. Ce gouvernement a fait voter
– comme les autres – un abattement de 30 % pour que les bailleurs bénéficient des contrats de ville. Les communes concernées auraient dû encaisser 152 millions d’euros ; avec les textes votés l’année dernière, elles n’en touchent que 61 millions. On explique qu’on leur rajoute 60 millions en DSU, mais on leur retire 100 millions sur la taxe foncière sur les propriétés bâties... Elles se retrouvent à moins 40 millions ! Je ne sais pas si vous suivez l’actualité, en particulier le nombre de mineurs tués en banlieue dans les six derniers mois. Vous enlevez à ces communes pauvres 40 millions : il va falloir l’assumer. Et je ne parle que de l’abattement de 30 % : elles auraient dû toucher 154 millions au titre des quartiers prioritaires ; elles n’en auront que 34, parce que l’État ne compense que 34 millions... Elles perdent donc 120 millions d’euros. Nos amendements visaient juste à rattraper un peu tout cela mais, entre les communes de banlieue et les communes touristiques, vous avez fait votre choix. C’est limpide !

M. Christophe Jerretie, rapporteur spécial. Je n’ai pas fait de choix : j’ai donné un avis défavorable à l’amendement sur les communes touristiques et je pense de même sur les communes de banlieue. Il ne faut pas non plus généraliser et parler comme vous le faites : il faut savoir rester serein.

M. François Pupponi. Avec les amendements que vous faites adopter, c’est dur de rester serein !

M. Christophe Jerretie, rapporteur spécial. Il existe d’autres missions qui permettent de dédier des fonds à la sécurité. Je connais la dotation de votre commune : vous avez 60 millions de dotations pour 68 000 habitants. Des efforts sont déployés depuis des années sur ces collectivités et ils sont maintenus : 90 millions de péréquation de plus, une dotation politique de la ville (DPV) maintenue à 150 millions, des dotations d’investissement ; et un bloc intercommunal est de surcroît en train d’être mis en œuvre, qui offre des possibilités supplémentaires. Il ne faut pas tenir le genre de propos que vous avez tenus, surtout en commission des finances, qui est une commission technique. La sécurité doit être évoquée dans le cadre d’une commission spécifiquement compétente dans ce domaine.

M. Gilles Carrez. Compte tenu du fait que la DGF ne progresse pas, et compte tenu des efforts de ces dernières années en matière de progression de la DSU et de la DSR, je trouve qu’une augmentation de 90 millions pour la DSU et 90 millions pour la DSR représente déjà un gros effort. Il est impossible de progresser plus rapidement, sous peine, Mme Pires Beaune et M. Pupponi le savent bien, de créer de sérieuses difficultés dans d’autres communes qui subiront des baisses substantielles de DGF et, ne l’oublions pas, des baisses très importantes des variables d’ajustement. Deux fois 90 millions, c’est un maximum.

La commission rejette successivement les amendements identiques, puis les trois autres amendements.

Elle examine ensuite l’amendement II-CF879 de M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Nous revenons sur la volatilité de la DGF constatée cette année. Les principales composantes de la DGF ont des clauses de garantie ou de sortie, à l’exception de la majoration de la dotation nationale de péréquation (DNP) et de la DSR « cible ». Cette dernière concerne les 10 000 communes les plus rurales et les plus pauvres mais il se produit un effet de « tout ou rien » : si vous passez de la 9 999e à la 10 001e place, vous changez de statut, souvent sans avoir rien fait, simplement du fait qu’une commune à 500 kilomètres de là a bougé pour une raison ou une autre. Nous souhaitons donc une clause de garantie de 50 % la première année qui suit la sortie.

Mme Christine Pires Beaune. J’avais déposé le même amendement, sous le numéro II-CF716. Sous l’ancienne majorité, les amendements identiques, même s’ils provenaient de l’opposition, étaient par courtoisie examinés en même temps. Je m’étonne donc que mon amendement n’ait pas été placé à l’article 79 plutôt qu’après l’article 79.

M. Laurent Saint-Martin, président. Nous examinerons l’amendement II-CF716 après l’article 79 et nous examinons celui de M. Cazeneuve maintenant.

Mme Christine Pires Beaune. À ceci près que le mien va tomber, monsieur le président !

M. Laurent Saint-Martin, président. Il y a deux possibilités, et je laisserai le rapporteur spécial en décider : ou bien il retire son amendement, ou bien son amendement est adopté et alors le vôtre tombera, vous avez raison. Dans tous les cas, c’est un amendement de la commission qui sera proposé en séance publique.

M. Jacques Savatier. Cet amendement est une bonne mesure : nous avons eu des surprises l’an dernier, notamment du côté des communes qui avaient intégré des communautés de communes plus riches que celles qu’elles avaient quittées. Cela étant, cela ne concernera qu’un très petit nombre de communes dans la mesure l’essentiel des réorganisations intercommunales ont déjà eu lieu. Si je comprends bien l’amendement, il ne s’appliquerait en effet pas aux communes qui bénéficiaient de la DSR et ne l’ont plus eue en 2018. Elles verront la prolongation des dispositions prévues en 2018 et continueront donc à être fortement pénalisées par rapport à ce qu’elles avaient comme dotations d’État en 2017.

M. Charles de Courson. Comment cet amendement s’applique-t-il ? Comme l’a dit M. Savatier, l’essentiel, ce sont des chutes en 2018. L’appliquez-vous rétroactivement en tenant compte en 2019 de la variation 2017-2018 ? Ma commune était classée 7 000e et bénéficiait de la DSR cible ; elle se retrouve 13 000e parce que nous avons accepté dans notre intercommunalité cinq nouvelles communes qui étaient plus riches que nous. Comme l’un des critères du classement est la richesse de la communauté de communes, une commune pauvre qui adhère à une communauté de communes riche se retrouve considérée comme plus riche et donc pénalisée. Et réciproquement, ce que ne résout pas votre amendement, c’est le cas des communes riches ayant adhéré à des communautés de communes pauvres, qui se retrouvent fictivement appauvries et bénéficient de majorations de dotations ! C’est fou. Vous essayez de régler le premier problème, mais il faudrait compléter l’amendement de façon qu’il prenne en compte la variation 2017-2018, dans le calcul de la dotation 2019.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Monsieur de Courson, vous êtes trop fin connaisseur des finances locales pour imaginer que l’on puisse revenir sur ce qui a été fait l’an dernier...

M. Charles de Courson. Dans ce cas, votre amendement ne sert à rien...

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Il a au moins le mérite d’éviter que ce phénomène ne reproduise plus à partir de maintenant. Reprendre aux communes ce qu’elles ont gagné selon le processus que vous avez décrit semble par ailleurs extrêmement difficile, vous le savez pertinemment : cela supposerait d’adopter un amendement en première partie puisque cela nécessiterait un abondement. Je regarde aussi en parallèle la partie majoration DNP, pour lequel le même phénomène de « tout ou rien » se produit également.

Madame Pires Beaune, je travaille sur ce sujet depuis très longtemps et cette proposition de ma part est très ancienne. Si son introduction est récente, c’est parce que nous travaillions auparavant sur d’autres stimulations possibles. Cela étant, je vais retirer mon amendement, et le vôtre deviendra celui de la commission.

M. François Pupponi. Je ne comprends pas votre position. Dans certains cas, des communes riches ont gagné à être associées à des communes pauvres : par exemple, elles n’avaient plus à payer le FPIC, ce qui leur a économisé des millions d’euros. Nous connaissons les effets pervers, rien ne nous empêche de revenir dessus et de faire en sorte que des communes riches ne gagnent pas des millions d’euros par an sur le dos des communes pauvres, ce qui est absurde et injuste, et continuent à participer à la solidarité nationale.

M. Laurent Saint-Martin, président. En tant qu’élu de la Petite Couronne, je suis d’accord avec vous !

M. Jacques Savatier. Bon nombre de maires et de conseils municipaux ont été surpris car ils n’avaient pas anticipé ce phénomène au moment de la constitution des intercommunalités. Je pense qu’il faudrait faire démarrer le processus de correction que propose le rapporteur spécial à partir du moment de la constitution d’une intercommunalité, ce qui n’emporterait pas d’effet rétroactif.

M. Éric Alauzet. L’effet de l’année dernière a été d’autant plus délétère que ces communes, au-delà de l’aspect financier, étaient parfois réticentes à entrer dans les nouvelles intercommunalités.

Le système proposé est en deux temps, sur deux années. Ne faudrait-il pas prévoir, au niveau de la doctrine, quelque chose de symétrique avec celles qui entreraient ? Cela réglerait le problème financier. Si des communes sortent et perdent 100 %, on leur octroie 50 %, et les communes qui entrent, a priori aussi nombreuses, pourraient être traitées en deux temps, c’est-à-dire avec une bonification de 50 % puis de 100 % au bout de la deuxième année. Financièrement, ce serait neutre.

Mme Marie-Christine Dalloz. Comme le remarque mon collègue Alauzet, certaines communes ont en effet vécu cette affaire comme une double peine : non seulement elles ont été un peu forcées d’intégrer un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), mais elles se sont retrouvées à subir une perte de recettes financières. Je n’ai pas rédigé d’amendement, mais il faudrait imposer aux directions des finances publiques dans chaque département de procéder aux simulations en cas de création de communes nouvelles, d’intégration dans un EPCI ou de mariage d’EPCI. Aujourd’hui, les mouvements ont lieu et c’est seulement après que l’on constate les dégâts. Il serait bon que tout projet de fusion ou d’absorption soit accompagné d’une description des conséquences.

M. Laurent Saint-Martin, vice-président. Absolument.

Mme Christine Pires Beaune. Nous pouvons voter l’amendement des rapporteurs spéciaux, et le mien tombera, ce n’est pas un problème. Cela deviendra un amendement de la commission.

J’appelle tout de même votre attention sur le fait que la DSR cible est une affaire très complexe : la liste des 10 000 communes classées est refaite tous les ans. Revenir sur ce qui s’est passé l’an dernier suppose que l’État ajoute de l’argent : on ne va pas réclamer un indu aux communes intégrées dans la cible l’année dernière. Toute correction suppose un abondement par le budget de l’État, faute de quoi ce sont encore les autres collectivités qui paieront.

M. Gilles Carrez. Exactement.

M. Laurent Saint-Martin, vice-président. Monsieur le rapporteur spécial, vous avez indiqué vouloir retirer votre amendement. Maintenez-vous votre décision ?

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Oui, monsieur le président.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement II-CF723 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. Cet amendement concerne la dotation d’intercommunalité (DI). Quand nous l’avons déposé, nous ne disposions pas des simulations que nous avons reçues il y a quelques heures. J’ai commencé à les examiner rapidement, et j’avoue que je ne comprends pas la logique de cette réforme.

Comme c’est à enveloppe constante, il y a évidemment des gagnants et des perdants. Or, les communautés à fiscalité additionnelle sont toutes gagnantes : c’est comme si on leur octroyait une prime alors qu’elles n’ont pas rejoint la fiscalité professionnelle unique (FPU). Elles représentent 3 millions d’habitants, alors que les communautés à FPU en représentent 64 millions. Quelle est la justification de cette prime ?

Pour les communautés d’agglomération, j’ai regardé les territoires que je connais et je ne comprends pas non plus la logique. En Charente, il y a deux communautés d’agglomération, Cognac et le Grand Angoulême ; Cognac va gagner 61 % de dotations en 2023 alors que le Grand Angoulême va perdre 5 %. J’ai pourtant le sentiment que cette dernière est moins favorisée que la première. En Corrèze, Brive, plus favorisée que Tulle, gagne 30 % alors que Tulle perd 10 %. Dans le Gers, la seule communauté d’agglomération, qui n’est pas particulièrement favorisée, perd 22,6 %. En Ardèche, Privas ne gagne ni ne perd rien et Annonay perd 22,6 %. J’aimerais comprendre comment on arrive à de tels résultats.

Si je prends les communautés urbaines, par exemple, Dunkerque gagne 61 %, quand Alençon, Arras, Le Mans et Le Creusot ne gagnent rien. Si je prends les métropoles, et c’est là aussi un peu surprenant, Toulouse gagne 61 %, quand Saint-Étienne, Rouen, Grenoble et Clermont-Ferrand ne gagnent rien. Je demande à comprendre.

Enfin, j’appelle votre attention sur le fait que les simulations du Gouvernement sont évidemment faites sur la base du CIF 2018. On risque donc d’avoir des surprises : les gagnants de ces simulations seront peut-être les perdants de demain.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. C’est une réforme structurelle, extrêmement importante et comme c’est souvent le cas, il y a des gagnants et des perdants. Je pense qu’il ne faut pas, sur des sujets très rationnels, faire des projections à partir d’intuitions. Inutile donc de piocher dans nos 1 200 intercommunalités. La DI est extrêmement instable d’une année sur l’autre, au point que personne ne la comprend, et les changements de fiscalité ou de type d’intercommunalité ont de lourds effets.

Le travail réalisé par le Comité des finances locales (CFL), qui s’y est consacré longuement, apporte plusieurs innovations : la création d’une enveloppe unique pour éviter les effets de bord quand on passe d’un type d’intercommunalité à un autre ; l’intégration du revenu par habitant, ce qui permet d’apporter plus de justice dans le calcul de la DI ; la limitation des évolutions d’une année sur l’autre – en fixant un plancher et un plafond – pour éviter aux collectivités territoriales de mauvaises surprises qu’elles ne peuvent pas gérer lorsqu’elles découvrent le montant de leur dotation début avril.

On ne peut pas pleurer sur le système actuel, dire qu’on ne le comprend pas et qu’il est injuste, faire travailler dessus le CFL et une fois qu’il est parvenu à une solution somme qui somme toute apporte une série d’améliorations, la remettre en cause.

Cela, madame Pires Beaune, il y a de bonnes choses dans vos propos. Nous pouvons encore optimiser le système. Nous disposons effectivement de simulations depuis quelques heures, mais elles ont été réalisées sur la seule base des critères figurant dans ce projet de loi de finances. Que se passerait-il, par exemple, si l’on faisait bouger le critère appliqué aux métropoles en multipliant leur CIF par 1 ou 1,1 au lieu de 1,2 ?

Je reconnais qu’il y a encore du travail à faire mais, franchement, remettre en cause une réforme qui apporte autant d’améliorations ne me paraît pas être une bonne idée. J’ajoute que 90 % des intercommunalités vont être gagnantes, grâce à un abondement qui sera fait chaque année. Vous avez pris le Gers en exemple ; je crois qu’on pourrait en faire autant avec la Corrèze. Certes, aujourd’hui, la communauté d’agglomération dont vous parlez est perdante et il faut essayer de comprendre pourquoi, mais l’ensemble des communautés de communes, elles, sont gagnantes. Bien sûr, on peut toujours comparer la richesse des intercommunalités du Gers avec d’autres intercommunalités, mais si l’on raisonne en relatif, il n’est pas totalement idiot d’aider les intercommunalités très rurales par rapport aux intercommunalités bourgs-centres.

Mme Véronique Louwagie. Je voudrais rebondir sur les échanges qui viennent d’avoir lieu. Vous faites état des travaux du CFL, qui ont donné lieu à des propositions qui ont été adoptées à l’unanimité. À ceci près que l’article 79 ne reprend pas les propositions du CFL en l’état : il les modifie de manière sensible en intégrant, par exemple, des mesures beaucoup plus favorables pour certaines catégories d’EPCI à fiscalité propre au détriment des autres.

En fin de compte, le fait d’aller au-delà, voire de ne pas suivre les préconisations du CFL contribue-t-il à corriger des inégalités ou à les accroître ? Il est légitime de se poser cette question : les variations importantes relevées par notre collègue Christine Pires Beaune prêtent effectivement à interrogation. Et si les propositions retenues dans l’article 79, loin de corriger les inégalités, n’aboutissent qu’à les aggraver, où est l’intérêt de l’importante réforme de la DI qui nous est présentée ?

M. François Pupponi. Nous sommes quelques-uns dans cette salle à avoir fait diverses réformes de dotations dans le passé, et le principe est toujours le même. Personne ne remet en cause la nécessité de réformer cette dotation qui, on le sait, est injuste. Nous sommes même prêts à aller jusqu’à la réforme de la DGF, qui est encore plus injuste. Il n’y a donc pas de débat là-dessus.

Mais, quand on veut réformer une dotation comme celle-là, on part avec de bonnes intentions, puis on demande à la DGCL de faire des simulations, pour vérifier si l’on est arrivé aux résultats escomptés. C’est cela, l’intérêt des simulations, ce n’est pas de remettre en cause la réforme. Et si le résultat escompté n’est pas obtenu, on modifie les critères de la réforme. C’est bien ce que vous dit Mme Pires Beaune : visiblement, malgré la bonne intention de départ, le résultat n’est pas celui espéré par les uns et les autres. Et les simulations montrent qu’il nous reste effectivement du travail à faire.

Mme Christine Pires Beaune. Je vais retirer mon amendement car, lorsque je l’ai rédigé, nous ne disposions pas de simulations. Néanmoins, je pense que mes remarques sont justes et méritent d’être creusées.

Vous parlez d’un abondement de 30 millions. J’observe que celui-ci ne sera pas financé par l’État, mais par les collectivités. Je suis d’accord pour la réforme, mais sous réserve qu’elle permette plus de péréquation et plus d’équité. Sinon, on aura demandé 30 millions aux autres collectivités pour donner un peu plus à ceux qui n’en ont peut-être pas vraiment besoin.

J’ai du mal à comprendre certains alinéas de cet article. On réinjecte 5 euros par habitant aux EPCI qui n’ont plus de DGF. Mais s’ils n’ont plus de DGF, c’est peut-être pour une bonne raison. Lorsqu’on a pris à certaines collectivités 2 % sur la DGF, celles qui n’avaient plus de DGF se sont vues prélevées sur leur fiscalité. Mais là, vous allez redonner 5 euros par habitant à la métropole de Nice au motif qu’elle n’a plus de DGF. Il y a tout de même de quoi s’interroger !

Enfin, je vous ai dit que les CIF 2019 pourront être très différents des CIF 2018. Prenons l’exemple de la Haute-Loire : la communauté du Puy-en-Velay, que vous donnez perdante aujourd’hui, aura en 2019 un CIF supérieur à 40 %, et sera donc gagnante. Mais l’inverse se produira aussi. Et en 2019, certains sauront vous rappeler que vous leur aviez dit qu’ils allaient gagner à cette réforme, mais que ce n’est pas le cas. Je tenais à appeler votre attention sur ce point.

M. Gilles Carrez. Pour avoir eu l’honneur et le privilège de présider le CFL pendant huit ans, j’en ai tiré plusieurs conclusions.

Premièrement, toute réforme des finances locales à dotation constante, et a fortiori en diminution, est impossible.

Deuxièmement, si l’on veut faire aboutir une réforme, il ne faut surtout pas publier de simulations, sous peine de bloquer immédiatement le processus...

Troisièmement, on part de très loin en matière de DI, Charles de Courson s’en souvient très bien, et ce passé se retrouve à l’évidence : vous avez les « aristocrates » de la DGF intercommunale, les ex-communautés urbaines, qui touchent en moyenne 60 euros par habitant, suivis par la « petite noblesse » des communautés d’agglomération qui a droit à 40 euros, et puis la « roture », le lumpenprolétariat de la DGF intercommunale, les petites communautés de communes, à 10 euros par habitant.

Je ne peux donc pas porter de jugement sur cet article 79. Il est pétri de bonnes intentions, mais on trouvera toujours des exceptions pour les contredire. Il faudrait de l’argent frais...

L’amendement est retiré.

La commission examine alors en discussion commune les amendements IICF510 de Mme Sophie Beaudouin-Hubiere et II-CF758 de Mme Marie-Ange Magne.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Les EPCI à fiscalité propre qui ont décidé de changer de catégorie juridique au 1er janvier 2019 ont intégré dans leur projet de territoire des projections en termes de DI ; c’est le cas des communautés de communes appelées à devenir des communautés d’agglomération, ou des communautés d’agglomération qui deviendront des communautés urbaines l’an prochain.

Mon amendement vise à corriger les effets de bord introduits par la réforme de la DI portée par le présent projet de loi de finances. Afin de ne pas remettre en cause leurs projets locaux, il est proposé de déplafonner en 2019 le montant de DI par habitant perçue par rapport à 2018.

Cette mesure est évaluée à peu près à 7 millions d’euros ; afin de ne pas en faire porter le poids sur la DI des EPCI non concernés par un changement de catégorie, il est prévu de la financer par une minoration complémentaire automatique des compensations forfaitaires et compensatrices de la DGF du bloc communal.

Cet amendement règle par ailleurs la situation des deux EPCI de Polynésie française en actualisant le calcul de la dotation versée aux EPCI à fiscalité propre polynésiens.

Mme Marie-Ange Magne. Mon amendement a le même objectif : sécuriser le financement des EPCI à fiscalité propre qui ont décidé de changer de catégorie juridique au 1er janvier 2019.

Au-delà du fait qu’elle permet de sécuriser pleinement le dispositif en insérant un gage complémentaire, le traditionnel gage « tabac » alimenté par l’État, cette proposition nous amène à nous interroger sur la façon dont nous pouvons financer ce dispositif. Je souhaite laisser ouverte la question du financement par voie étatique, qui compléterait celui des collectivités. Sans aller forcément jusqu’à un partage égalitaire des coûts, ce serait le moyen de soulager pour partie les collectivités territoriales.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Je demande le retrait de l’amendement II-CF758 ; à défaut, mon avis sera défavorable. En revanche, mon avis est favorable à l’amendement II-CF510. Sur le principe, il y a une sorte d’injustice dans ce phénomène dont sont victimes une douzaine d’intercommunalités ayant décidé de changer de statut en 2019. Cet effet n’était pas prévu : elles auraient normalement dû gagner beaucoup plus. L’idée est de les protéger sur une seule année, afin qu’elles puissent être favorables à cette réforme.

M. Charles de Courson. Il faut faire attention : ces quinze dernières années, il y a eu des scandales avec certains changements de structure, dont l’objectif était de rafler la mise. Vous êtes-vous demandé ce qui se serait passé si la Ville de Paris, avec une ou deux communes qui la jouxtent, avait formé une communauté de communes ? Ils auraient fait péter la banque ! D’autres l’ont fait. M. Carrez se souvient sans doute de la commune d’Alençon...

M. Gilles Carrez. À ceci près que la ville d’Alençon n’avait que 65 000 habitants. Celle de Nice en compte beaucoup plus...

M. Charles de Courson. À Nice, cela a fait 15 ou 20 briques !

M. Gilles Carrez. Et tout ce qui est pris par les uns est ôté aux autres.

M. Charles de Courson. Tout ça, c’est de la haute aristocratie qui s’en met plein les fouilles ! C’est ça la vérité. Et le lumpenprolétariat, auquel j’appartiens, en a marre ! On ne fait que consolider les rentes de la haute aristocratie. Et il y a un moment où trop, c’est trop !

Mme Christine Pires Beaune. Sur le principe, je remarque que l’on a déjà procédé à ce genre de rattrapage. Mais encore une fois, il faudrait que nous ayons, d’ici à la séance, la liste des communautés d’agglomération concernées, pour savoir combien cela représente pour chacune.

M. Gilles Carrez. La seule réforme à avoir vraiment réussi est celle de 1999, la loi « Chevènement », qui a créé les communautés de communes et les communautés d’agglomération, pour une bonne et simple raison : la totalité des dotations avait alors été apportée par des crédits supplémentaires sur le budget de l’État. Les choses se sont donc bien passées. Mais depuis, on a toujours été obligé d’opérer à l’intérieur d’une enveloppe définie : du coup, ce que prenaient les uns était perdu par les autres.

M. Christophe Jerretie, rapporteur spécial. Effectivement, un tel rattrapage a déjà été fait. Nous avons demandé des simulations, en lien avec la DI qui vient d’être créée, pour avoir une idée plus claire et plus précise de la question. Mon avis est également favorable à l’amendement II-CF510.

Sur le principe, tout le monde est d’accord, mais il faut bien mesurer les conséquences d’une telle mesure. On ne va pas débattre encore de la DI, mais on prévoit des variations, vers le haut comme vers le bas, qui pourraient aller de 0 à 70 %, ce qui est tout de même assez important. Nous espérons recevoir ces simulations avant la séance publique, sur le nombre de communes, le combien est surtout le comment.

M. François Pupponi. Bien sûr, il faut savoir qui va en bénéficier, et être sûr qu’on ne va pas enrichir des riches. Le rapporteur spécial a dit que s’il n’y avait pas eu la réforme, ils auraient gagné plus. Mais d’où partent-ils ? Ce sont peut-être des riches qui touchent déjà injustement une DGF et qui s’associent pour gagner encore plus.

M. Charles de Courson. Exactement !

M. François Pupponi. Monsieur le rapporteur spécial, dans les simulations, il y a aussi ceux qui perdent, et pas seulement du fait de la réforme. En plus de ces 7 millions d’euros, il y aura les 15 millions d’euros de tout à l’heure, et les 30 millions que vous rajoutez sur les intercommunalités. Cela fait au total 53 millions d’euros, et il faut bien que quelqu’un les paie. Or ce sont souvent les communes les plus pauvres de notre pays qui paient, puisqu’on prend sur la variable d’ajustement. Autrement dit, vous êtes peut-être en train d’enrichir des riches avec l’argent des pauvres.

Mme Marie-Ange Magne. Je retire mon amendement, dans la mesure où l’amendement II-CF510 a obtenu un avis favorable.

L’amendement II-CF758 est retiré.

La commission adopte l’amendement II-CF510 (amendement II-800).

Elle est ensuite saisie des amendements identiques II-C222 de Mme Véronique Louwagie et II-CF724 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Véronique Louwagie. Mon amendement fait la transition avec les propos de notre collègue Gilles Carrez, qui a indiqué que pour qu’une réforme soit réussie, il fallait y consacrer des moyens nouveaux. Or, pour cette réforme de l’intercommunalité, l’intégralité des 30 millions d’euros prévus sera prélevée sur le bloc communal. Je vous propose donc de suivre les préconisations du CFL et de faire en sorte que seule la moitié de cette somme soit prise sur l’enveloppe des concours financiers, et l’autre moitié financée par l’État – 15 millions d’un côté, et 15 millions de l’autre.

Mme Christine Pires Beaune. Mon amendement propose également que les 30 millions qui sont nécessaires à cette réforme des intercommunalités soient financés à parité par les collectivités et par l’État.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Augmenter la DGF de 15 millions reviendrait à contredire ce que l’on vient de voter en première partie de budget. Je ne suis donc pas très à l’aise avec cette proposition.

Je vous rappelle par ailleurs que nous sommes, globalement, dans un cadre de dotations qui sont stables, contrairement à ce que l’on avait connu ces dernières années, où elles étaient en chute significative. Je reconnais que lorsqu’on donne à l’un, on prend à l’autre. Mais ramenés au poids des dotations du bloc communal, ces 30 millions représentent 0,2 % en moyenne. On peut trouver raisonnable de prendre 0,2 % sur la dotation pour financer une réforme aussi profonde et structurante. J’ajoute, même si ce n’est pas nécessairement une bonne raison, que nous avons souvent procédé par écrêtement au cours des années précédentes.

Donc, avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Puis elle examine en discussion commune les amendements II-CF219 de Mme Véronique Louwagie et II-CF725 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Véronique Louwagie. L’article 79 ne retient pas tout à fait les préconisations du CFL dans la mesure où il prévoit notamment d’intégrer des mesures beaucoup plus favorables pour certaines catégories d’EPCI à fiscalité propre, au détriment des autres. Si la nouvelle dotation que nous créons conduit à des variations très importantes sans forcément corriger les inégalités, il y a de quoi s’interroger. Mon amendement propose de revenir aux préconisations du CFL, afin que les objectifs de cette réforme soient respectés.

Mme Christine Pires Beaune. Mon amendement, dans le même esprit, vise à supprimer les alinéas 44 et 65, qui avantagent les métropoles au détriment des autres catégories de collectivités.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Je reviens à ce que j’ai dit tout à l’heure : il ne faut pas revenir sur cette réforme, dont certains points sont extrêmement positifs, même si, je le reconnais, nous devrons probablement continuer à travailler sur les différents critères.

Nous avons obtenu cet après-midi une simulation sur les critères qui figurent aujourd’hui dans le projet de loi de finances. Nous avons demandé que l’on procède à un certain nombre de modifications. Il s’agit de voir comment bouge la DI en fonction des différents critères. On ne peut pas jouer aux apprentis sorciers en remontant celui-ci, en abaissant celui-là, etc. Cela exige un peu de rigueur.

Je vous rappelle que la très grande majorité des intercommunalités gagnera à cette réforme grâce à cet abondement de 30 millions d’euros, et tout particulièrement la très grande majorité des communautés de communes, qui sont les plus pauvres. Mais entre les communautés d’agglomération et les métropoles, je comprends qu’il y ait un débat : il y a eu effectivement plusieurs versions des simulations et coefficients.

Je vous propose de retirer vos amendements. Cela nous permettra d’attendre de nouvelles simulations et de voir, d’ici à la séance, celle qu’il faut retenir.

M. Charles de Courson. Je suis un garçon très simple... Je voudrais comprendre pourquoi à l’alinéa 65, dont on nous propose la suppression, on pondère de 1,2 le CIF pour les métropoles.

M. François Pupponi. Eh oui !

M. Charles de Courson. À ma connaissance, il n’existe encore que deux métropoles sur onze : celle de Paris et celle de Lyon. Les autres ne sont pas encore constituées.

Mme Christine Pires Beaune. Il y en aura vingt-trois au 1er janvier.

M. Charles de Courson. Je croyais que les transferts étaient en cours.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. On peut discuter de la pondération 1,2 et 0,6 du CIF proposée dans le projet de loi : faut-il retenir 1, ou 1,1, ou 1,2 ? L’élasticité doit être appréciée en fonction des coefficients et critères retenus.

Il faut savoir que le CIF n’est pas calculé de la même manière selon qu’il s’agit des EPCI, des départements, des métropoles ou des communautés urbaines. Le choix qui s’offrait à nous était le suivant : soit faire deux enveloppes, de manière à séparer ces deux types d’EPCI qui avaient des calculs de CIF cohérents ; soit les regrouper pour éviter les effets de bord dont on a parlé, en insérant un coefficient de rattrapage dans le calcul du CIF, afin de prendre en compte un certain nombre de compétences désormais intégrées, mais qui ne le sont pas dans le CIF. Dans un souci de simplification et d’homogénéité, on a regroupé ces deux types d’EPCI.

M. Christophe Jerretie, rapporteur spécial. J’ajoute que l’on avait préparé trois amendements, qui se sont transformés en quatre. Quatre éléments font en effet varier, fortement ou faiblement, les dotations intercommunales dans la nouvelle mouture. Le premier est la pondération du CIF à 1,2 pour les métropoles ; nous avions déjà proposé un amendement à ce sujet, et il nous faut continuer à y travailler. Le deuxième est l’utilisation du CIF de 0,5 pour tous les EPCI. Le troisième est l’élargissement du tunnel entre 90 et 115, et le quatrième la hausse de la dotation d’intercommunalité à 45 millions d’euros.

Mais nous n’entendions pas déposer des amendements sans simulation, préférant y travailler d’ici à l’examen dans l’hémicycle. Cela nous ramène d’ailleurs aux propos de Christine Pires Beaune, de Véronique Louwagie et de Charles de Courson. Ce sont bien ces quatre éléments qui font varier la DI – au-delà du fait, monsieur Carrez, qu’il est évidemment plus facile d’opérer quand on a de l’argent. Ces trois ou quatre amendements verront peut-être le jour d’ici à la séance ; nous sommes preneurs de certaines évolutions : il n’est pas question de faire perdre tout à l’un et de faire gagner tout à l’autre, d’enrichir les riches et de faire perdre les pauvres comme le diraient François Pupponi ou Charles de Courson, qui ont d’ordinaire tendance à s’opposer lors des débats.

M. François Pupponi. On est ensemble !

M. Christophe Jerretie, rapporteur spécial. Le vrai sujet est d’être juste, et c’est toujours difficile. C’est vous dire la transparence dans laquelle on mène ces travaux sur la DI.

M. Laurent Saint-Martin, président. Je vous rappelle, monsieur le rapporteur spécial, que M. François Pupponi et M. Charles de Courson font désormais partie du même groupe...

Mme Christine Pires Beaune. Je ne vais pas retirer mon amendement. Je suis persuadée de la nécessité de réformer la DI. Mais cette réforme, telle qu’elle est rédigée, revient ni plus ni moins, comme vous l’avez dit, monsieur Cazeneuve, à donner plus aux communautés de communes à fiscalité professionnelle unique, et surtout à fiscalité additionnelle, ce qui pose question. Mais qui paie ? Ce ne sont pas les métropoles, mais les communautés d’agglomération qui financent la réforme des communautés de communes. Franchement, ce n’était l’objectif ni du CFL ni de ceux qui avaient travaillé sur cette réforme.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, nous avons eu une discussion torride à propos du célèbre « accord Mercier-Collomb », qui s’étaient mâtinés au Sénat avant que l’affaire ne soit réglée en commission mixte paritaire. L’idée était de créer une dotation réservée aux puissants, dont il fallait éviter la baisse des ressources ! Quand vous apprenez cela, vous sortez votre revolver ! Ce n’est pas possible, pensez-vous. Si les gens savaient tout ce qui s’est passé, beaucoup seraient dégoûtés ! D’ailleurs, vous pouvez en parler à Mme Pires Beaune, qui a essayé de réformer : elle a été lâchée par tout le monde, y compris par ses propres amis !

Mme Christine Pires Beaune. C’est vrai !

M. François Pupponi. Regardons les simulations : que penser d’une réforme qui fait gagner beaucoup d’argent aux métropoles de Lyon, de Nice et de Toulouse, en fait perdre à Bordeaux, et où la métropole d’Aix-Marseille, qui est loin d’être la plus riche compte tenu du potentiel fiscal relativement faible de Marseille, n’est ni gagnante ni perdante. On sait très bien comment les métropoles de Lyon et de Nice ont été constituées et comment elles ont obtenu des avantages financiers exorbitants en termes de dotations, y compris l’année dernière ! Et on en rajoute encore ! Quand les plus riches augmentent leurs recettes, payés par ceux qui sont moins riches, on ne peut parler de réforme juste.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle examine l’amendement II-CF868 de la commission des lois.

M. Paul Molac, rapporteur pour avis de la commission des lois. Cet amendement prévoit de limiter les pertes subies par certaines communautés d’agglomération grâce à un mécanisme consistant à porter le seuil de garantie de 50 % à 60 % du potentiel fiscal moyen par habitant.

La commission des lois l’a adopté à titre surtout conservatoire, afin qu’un débat sur cette question ait lieu dans l’hémicycle. Comme la modification qu’il propose n’aurait d’impact que sur quatorze communautés d’agglomération, votre commission va peut-être suggérer un élargissement.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Dans votre exposé sommaire, monsieur le rapporteur pour avis, vous évoquez le cas de certaines communautés d’agglomération qui pourraient perdre plus de 50 % du montant de leur DI, ce qui me paraît mathématiquement contestable : la perte étant de 5 % par an au maximum, cela fait plutôt 25 % en cinq ans... Par ailleurs, comme le soulignait M. Carrez, il y a un risque à vouloir cibler les gagnants et les perdants. Comme cette réforme repose sur un jeu à sommes nulles, chacun refait le raisonnement à l’envers, et sera tenté de juger la réforme bonne ou mauvaise selon que le résultat est positif ou négatif pour son intercommunalité.

Même si votre amendement nous semble aller plutôt dans le bon sens, je vous propose de le retirer en vue de la discussion en séance jeudi en huit. Cela laissera du temps de faire des simulations sur les coefficients.

M. le rapporteur pour avis. Il me semble délicat de retirer de mon propre chef un amendement adopté par la commission des lois.

Mme Amélie de Montchalin. En tant que cosignataire de cet amendement, je tiens à rappeler ce qui nous a motivés.

Les simulations montrent que tous les EPCI dits médians, notamment du point de vue du potentiel fiscal, sont plus ou moins lésés par cette réforme : 114 communautés d’agglomération vont perdre plus de 5 % de dotation d’intercommunalité et certaines jusqu’à 50 %.

La baisse est équivalente en valeur absolue à celle qui a résulté de la mise en œuvre de la contribution au redressement des finances publiques. Cela ne semble ni juste ni acceptable d’autant que la rédaction actuelle de l’article protège mieux les communautés de communes et d’autres EPCI que les communautés d’agglomération.

En portant la garantie de 50 % à 60 %, nous pourrions préserver les dotations de quatorze communautés d’agglomération, généralement fortement peuplées mais au potentiel fiscal faible du fait d’un nombre réduit d’activités économiques.

Sans doute faudra-t-il apporter des précisions en séance.

Mme Marie-Christine Dalloz. J’entends ce que dit Mme de Montchalin : on enlève 5 %, mais il faut voir d’où on part : on trouve des écarts sidérants entre communautés d’agglomération et communautés de communes en matière de dotation d’intercommunalité. Ainsi, pour la communauté d’agglomération de Lons-le-Saunier, la dotation d’intercommunalité s’élève à 34,50 euros par habitant contre 5,50 euros pour certaines communautés de communes du Jura. Si votre conception de la solidarité territoriale consiste à donner plus encore aux communautés d’agglomération, je n’y adhère pas. Il me paraît bon qu’il y ait un rééquilibrage en faveur des communautés de communes, même si je ne suis pas entièrement d’accord avec ses modalités.

Mme Amélie de Montchalin. Pour en rester aux exemples, madame Dalloz, je citerai la communauté d’agglomération de Val d’Yerres-Val de Seine dans l’Essonne : avec la contribution au redressement des finances publiques, ses dotations sont passées de 9 millions d’euros à 6 millions d’euros et elles descendraient à 3 millions avec la réforme proposée.

Nous ne cherchons pas à donner plus aux communautés d’agglomération, mais simplement à atténuer les effets de la baisse pour quatorze communautés d’agglomération, souvent fortement peuplées mais économiquement peu développées, qui se trouvent contraintes à financer des dépenses importantes avec peu de potentiel fiscal.

M. Laurent Saint-Martin, président. Si nous commençons à entrer dans le jeu des comparaisons de DI, nous en aurons pour plusieurs jours...

La commission rejette l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements II-CF862 du Rapporteur général et II-CF220 de Mme Véronique Louwagie.

M. le Rapporteur général. Pour respecter un parallélisme des formes avec les métropoles, les communautés urbaines et les communautés d’agglomération, nous proposons d’introduire dans le calcul du CIF des communautés de communes les redevances d’assainissement et d’eau potable. Rappelons que la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (« NOTRe ») a transféré les compétences de l’eau et de l’assainissement aux intercommunalités.

Mme Véronique Louwagie. Mon amendement procède du même esprit : les redevances d’assainissement ne sont prises en compte que dans le calcul du CIF des communautés d’agglomération, des communautés urbaines et des métropoles.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Avis favorable à l’amendement du Rapporteur général, ce qui satisfera du même coup celui de Mme Louwagie.

M. Charles de Courson. Cette affaire a fait l’objet de très longs débats il y a des années. Initialement, ces redevances étaient prises en compte pour les communautés de communes. Elles ont été retirées du calcul du CIF parce qu’on a tout simplement considéré que l’assainissement devait payer l’assainissement. Quelle logique y a-t-il à ce que la DGF vienne abonder le régime général pour un budget annexe équilibré ? Vous me direz que je devrais aller au bout de mon raisonnement : le problème se pose aussi pour les ordures ménagères.

Mme Christine Pires Beaune. Je soutiens l’amendement de M. Giraud. Je ne vois pas pourquoi les redevances d’eau et d’assainissement seraient prises en compte pour un type d’EPCI et pas pour un autre. Adoptons une position cohérente : soit elles doivent être intégrées pour tous les EPCI, soit pour aucun.

Mme Véronique Louwagie. Je vais retirer mon amendement, puisqu’il sera satisfait.

M. le Rapporteur général. Je vous propose de cosigner mon amendement, madame Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. J’accepte volontiers.

M. Charles de Courson. Pour l’examen en séance publique, il serait bon de disposer de simulations pour mesurer les conséquences de cette modification ; n’oublions pas que nous sommes dans le cadre d’une enveloppe fermée. L’intégration au CIF des redevances « eau et assainissement » va booster les EPCI qui ont déjà pris cette compétence ; et comme tout le monde, à terme, devra la prendre, le jeu va devenir compliqué.

M. Laurent Saint-Martin, président. Je compte sur les rapporteurs spéciaux pour actualiser leur « liste de courses ».

L’amendement II-CF220 est retiré.

La commission adopte l’amendement II-CF862 (amendement II-801)

Elle rejette ensuite l’amendement II-CF221 de Mme Véronique Louwagie.

Enfin, elle en vient à l’amendement II-CF735 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. Chaque année, un écrêtement est réalisé sur la dotation forfaitaire des communes les plus riches, mais certains EPCI échappent à ce mécanisme de financement de la péréquation verticale. Nous proposons qu’ils soient mis à contribution grâce à un prélèvement sur leur douzième de fiscalité.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. La fiscalité locale et la péréquation entre communes sont deux choses différentes : la péréquation procède d’un objectif d’égalité entre les collectivités, comme l’a souligné le Conseil constitutionnel, alors que la fiscalité locale est guidée par la libre administration et l’autonomie de chaque collectivité qui vote ses taux conformément au programme politique qui résulte des élections. Il faut concilier ces deux objectifs sans les confondre. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite l’article 79 rattaché, modifié.

*

*     *

Article additionnel après l’article 79
Création d’une dotation additionnelle à la dotation forfaitaire des communes au bénéfice de communes dont le territoire terrestre est couvert par un site Natura 2000

La commission examine l’amendement II-CF860 du Rapporteur général.

M. le Rapporteur général. L’an dernier, nous avions travaillé sur le « verdissement » de la DGF. Ce processus est déjà en œuvre : les communes dont une partie du territoire est incluse dans une zone cœur de parc national font l’objet d’une majoration de DGF. La loi de 2006 sur les parcs nationaux avait prévu que les aménités positives offertes par les collectivités à la nation fassent l’objet d’une juste rémunération, selon les termes de la ministre de l’environnement de l’époque. Cela a contribué au fait que 99 % des collectivités de la zone d’adhésion des parcs nationaux ont signé les chartes.

Afin que les sites Natura 2000 ne soient pas synonymes de contraintes imposées par l’État, comme l’obligation de mener une étude d’impact pour refaire un carrefour, je propose qu’un dispositif comparable soit instauré pour les communes dont plus des trois quarts du territoire est couvert par une zone Natura 2000 – qui oblige par exemple à faire systématiquement une étude d’impact pour la moindre réfection d’un carrefour. Cela bénéficierait à 1 079 communes pour un coût de 10 millions d’euros que le Gouvernement s’est engagé à financer par un amendement qu’il déposera en séance publique si cet amendement est adopté.

M. Christophe Jerretie, rapporteur spécial. Un amendement analogue avait été présenté l’année dernière, puis retiré. Nous constatons qu’il a été retravaillé et nous y sommes favorables, d’autant que le financement de cette dotation additionnelle sera assuré par le Gouvernement.

M. Gilles Carrez. 10 millions de plus... Notre Rapporteur général a des relations !

La commission adopte l’amendement II-CF860 (amendement II-802).

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Article additionnel après l’article 79
Information des collectivités territoriales sur les variations d’attributions
de dotation globale de fonctionnement

La commission est saisie de l’amendement II-CF880 de M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Aujourd’hui, les collectivités territoriales reçoivent les données relatives à la DGF au début du mois d’avril mais seulement sous forme de chiffres bruts. Elles ont beaucoup de mal à les comprendre et les préfectures sont incapables de leur fournir des explications alors que quelques jours plus tard, elles doivent voter leur budget.

Il importe de les éclairer davantage. Il ne s’agit pas d’exposer dans le détail à chaque commune les raisons des différences des sous-ensembles de la DGF, mais au moins de leur donner les motifs des variations de la dotation quand les écarts sont significatifs.

La DGCL a déjà consenti beaucoup d’efforts en ce sens. Je ne remets nullement son travail en cause mais je pense que nous pouvons aller encore plus loin par respect pour nos élus.

Mme Véronique Louwagie. Très bon amendement !

M. Charles de Courson. Les communes sont en effet confrontées à un réel problème : beaucoup diffèrent le vote de leur budget dans l’attente des notifications de DGF. Mais d’autres en ont marre et adoptent leur budget au début du mois de janvier, voire en décembre, en se fondant sur une estimation au doigt mouillé, ce qui les expose parfois à des déconvenues, à la hausse comme à la baisse. Cela retire beaucoup d’intérêt au contrôle de légalité.

La DGCL a-t-elle les moyens techniques d’accélérer les notifications ? Depuis vingt ans, on a monté une telle usine à gaz qu’il n’y a guère plus que le chef du bureau des finances locales et ses deux alter ego qui semblent capables de manipuler l’ordinateur...

La commission adopte l’amendement II-CF880 (amendement II-803).

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Article additionnel après l’article 79
Garantie de sortie de la dotation de solidarité rurale « cible »

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements II-CF716 et II-CF717 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. Nous en avons largement parlé tout à l’heure : l’amendement II-CF716, dont l’adoption ferait tomber l’amendement II-CF717, met en place un mécanisme de sortie en sifflet pour les communes qui perdraient le bénéfice de la troisième fraction de la DSR. Il s’inspire du dispositif destiné aux communes qui ne remplissent plus les conditions pour bénéficier de la première fraction de la DSR.

Sur l’avis favorable des rapporteurs spéciaux, la commission adopte l’amendement II-CF716 (amendement II-804).

En conséquence, l’amendement II-CF717 tombe.

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Après l’article 79

La commission rejette successivement les amendements II-CF694 de M. François Pupponi et II-CF728 de Mme Christine Pires Beaune.

Elle en vient à l’amendement II-CF619 de Mme Sabine Rubin.

Mme Bénédicte Taurine. Cet amendement propose de renforcer la péréquation en abondant, à partir de 2020, le fonds de péréquation des collectivités d’une nouvelle recette extérieure. Pour déterminer quelles collectivités seraient bénéficiaires, seraient pris en compte non plus uniquement le revenu fiscal moyen des habitants, qui peut cacher de nombreuses inégalités, mais aussi le revenu fiscal médian.

M. Christophe Jerretie, rapporteur spécial. Défavorable. Nous avons déjà parlé de la péréquation et du fonctionnement des dotations existantes.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement II-CF715 de M. Hervé Saulignac.

Mme Christine Pires Beaune. Cet amendement vise à neutraliser les effets contre-péréquateurs du transfert d’une part de la CVAE des départements vers les régions. Il s’agirait de comptabiliser les attributions de compensation versées par la région comme une ressource fiscale et, à l’inverse, de considérer les attributions de compensation versées par le département à la région comme une ressource fiscale négative.

M. Christophe Jerretie, rapporteur spécial. Avis défavorable. Un groupe de travail se consacre à la CVAE et le Parlement aura à se pencher sur les évolutions de la fiscalité de l’ensemble des collectivités. La question que vous soulevez sera donc traitée.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite, en présentation commune, les amendements II-CF647, II-CF644, II-CF643, II-CF718 de M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. Chacun est bien conscient des écarts de richesse entre les départements. Cela a été rappelé cet après-midi par la ministre et le Rapporteur général : on compte vingt-cinq départements en grande difficulté.

Les dispositifs de péréquation existants ne suffisent pas à empêcher certains départements de subir un effet de ciseau entre des prestations sociales en permanente augmentation et des recettes qui ne suivent pas. Les écarts restent particulièrement importants pour la recette essentielle que constituent les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) malgré la mise en place en 2011 d’un fonds de péréquation des DMTO.

La moyenne nationale se situe à 164 euros par habitant mais recouvre de grandes disparités. Pour l’Aisne, le montant moyen est de 72 euros avant péréquation et de 89 euros après alors que dans le Var, il est respectivement de 275 euros et de 247 euros. Et à Paris, il atteint 485 euros.

Le montant de la péréquation pour 2018, sur la base de 2017, est de 772 millions d’euros, soit 6,73 % du montant total des DMTO. Cette péréquation est alimentée par deux prélèvements : d’une part, un prélèvement sur stock – 326 millions pour 2018 – qui concerne les départements dont le montant des DMTO par habitant est supérieur à 75 % de la moyenne nationale des DMTO par habitant ; d’autre part, un prélèvement sur flux – 446 millions pour 2018 –, qui concerne les départements dont les recettes fiscales connaissent une progression supérieure à deux fois l’inflation et dont le montant perçu par habitant l’année précédente est supérieur à 75 % de la moyenne nationale des DMTO par habitant.

Cette recette dépendant de l’immobilier, sa dynamique est fonction de l’attractivité des territoires.

L’amendement II-CF647 muscle la contribution à la péréquation en augmentant le taux de participation de 3 %, sans toucher au nombre de bénéficiaires ou de contributeurs. C’est une mesure très attendue, notamment dans mon département qui est en grande difficulté.

L’amendement II-CF644 vise à élargir la contribution à la péréquation aux départements dont le montant par habitant des droits perçus l’année précédente est supérieur à 50 % et non plus 75 % de la moyenne nationale des DMTO par habitant.

Avec l’amendement II-CF643, nous proposons de déplafonner la contribution au fonds de péréquation afin que les départements les plus riches contribuent davantage au profit des départements les plus pauvres.

Enfin, l’amendement II-CF718 prévoit de relever le plafond des deux prélèvements.

M. Christophe Jerretie, rapporteur spécial. Dans leur principe, ces amendements nous semblent très intéressants. Ce débat sur la péréquation horizontale a déjà lieu au sein de l’Assemblée des départements de France (ADF). Il serait bon que nous en débattions dans l’hémicycle, d’autant que nous allons nous saisir des modifications à apporter à la fiscalité locale, dont les DMTO font partie, et que des discussions sont en cours entre les départements et le Gouvernement. Je vous propose donc de retirer vos amendements pour les redéposer en séance publique, ce qui vous permettra de demander où elles en sont. Mais le sujet mérite vraiment débat.

M. Charles de Courson. Quand il a été envisagé de créer un fonds national de péréquation des DMTO, certains étaient partisans d’un prélèvement sur flux et d’autres d’un prélèvement sur stock et c’est un compromis qui a été trouvé.

Les écarts sont colossaux. Notre collègue a cité les chiffres pour l’Aisne, mais il aurait pu tout aussi bien indiquer ceux de la Corrèze ou du Cantal, où le montant des DMTO par habitant doit se situer aux alentours de 20 ou 30 euros. Face à ce marché peu actif qui porte sur des valeurs faibles, on trouve des summums dans le département des Hauts-de-Seine et Paris, où l’on atteint près de 400 euros.

M. le rapporteur spécial s’est montré très ouvert. Notre collègue a en effet raison de poser ces questions. Le panachage n’est pas simple à faire. La solution la moins dangereuse consisterait à augmenter le prélèvement sur stock. Le risque de ne jouer que sur les flux, c’est que le marché de l’immobilier est cyclique : quand il monte, les recettes s’élèvent mais quand il descend, c’est problématique, ce qui oblige à constituer des réserves pour lisser les variations.

M. Laurent Saint-Martin, président. Maintenez-vous vos amendements, monsieur Bricout ?

M. Jean-Louis Bricout. Oui, je vais les maintenir par principe car l’enjeu est important pour notre département qui traverse des difficultés telles que le président du conseil départemental a annoncé cet été qu’il n’était pas sûr l’année prochaine de pouvoir distribuer des subventions aux associations. Nous recevrons la semaine prochaine le président de la République.

Pourrions-nous avoir des simulations à partir des différents scénarios proposés ? Cela serait très utile pour enrayer dans les départements en difficulté l’effet de ciseau entre les prestations sociales à payer qui ne cessent d’augmenter et des recettes en baisse du fait de la mauvaise santé du marché immobilier. Une cartographie des départements fondée sur le prix du mètre carré constructible suffirait pour saisir d’un regard ceux qui sont en bonne posture et ceux qui ne le sont pas.

M. Laurent Saint-Martin, président. La DGCL va à avoir à faire tourner fort ses simulateurs jusqu’au 8 novembre !

La commission rejette successivement les amendements.

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur spécial, la commission rejette l’amendement II-CF684 de M. François Pupponi.

Elle en vient à l’amendement II-CF693 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Il s’agit d’augmenter le fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France (FSRIF), pour une péréquation horizontale.

M. Christophe Jerretie, rapporteur spécial. Je vous suggère de retirer cet amendement afin que nous en discutions en séance avec le Gouvernement. L’année dernière, nous avions décidé in fine d’augmenter le FSRIF de 20 millions d’euros.

La commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur spécial, la commission rejette l’amendement II-CF686 de M. François Pupponi.

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Article additionnel après l’article 79
Maintien du reversement de la dotation d’intercommunalité dans la dotation d’équilibre des établissements publics territoriaux de la métropole du Grand Paris pour l’année 2019

La commission est saisie de l’amendement II-CF347 de M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez. Cet amendement est cosigné par Christophe Jerretie.

En région parisienne, nous avons le privilège d’avoir cinq niveaux de collectivités territoriales, dont deux niveaux d’intercommunalités créés par la loi « NOTRe » en 2014 : la métropole du Grand Paris (MGP) –, qui couvre Paris et les trois départements de petite couronne, et onze établissements publics territoriaux (EPT), dans chacun des trois départements de petite couronne.

Ces EPT ont repris les compétences des EPCI préexistants. À ce titre, ils auraient dû reprendre la DGF intercommunale. Mais les EPT n’ayant pas le statut plein d’EPCI – il ne peut y avoir deux EPCI sur un même territoire –, les dotations préexistantes sont versées à la métropole du Grand Paris, qui les leur restitue par le biais d’une dotation d’équilibre. Ce dispositif, provisoire, devait prendre fin en 2018 avec la réforme institutionnelle. Celle-ci n’ayant pas eu lieu, il convient de prolonger d’un an ce dispositif.

M. Christophe Jerretie, rapporteur spécial. Il nous faudrait bien plus de temps pour évoquer la MGP !

M. Laurent Saint-Martin, président. Étant moi-même élu du Val-de-Marne, je partage en tous points vos propos, sauf peut-être le terme « privilège », qui me semble mal choisi pour parler des cinq strates administratives qui caractérisent la petite couronne francilienne !

Mme Christine Pires Beaune. Je souscris à cet amendement. Je souhaite savoir, en vue de la séance, quel article permet de maintenir la MGP en garantie de non-baisse, ainsi qu’il apparaît sur les simulations concernant la dotation d’intercommunalité.

M. Gilles Carrez. Cela s’explique par le fait qu’elle est entrée à un niveau par habitant deux fois inférieur à la moyenne des métropoles ; sinon cela aurait coûté trop cher.

La commission adopte l’amendement II-CF347 (amendement II-805).

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Article additionnel après l’article 79
Suppression de la dotation de soutien à l’investissement territorial versée
par la métropole du Grand Paris aux établissements publics territoriaux
ou aux communes

La commission examine l’amendement II-CF348 de M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez. Cet amendement est cosigné par Christophe Jerretie.

Tirant la conséquence de l’amendement précédent dans lequel il est demandé à la MGP de poursuivre l’effort en faveur des EPT, il vise à dégager pour la métropole des marges de manœuvre et ce, alors que ses finances sont dans un état quasi catastrophique. Il propose la suppression de la dotation de soutien à l’investissement territorial (DSIT), qui n’existe que pour le Grand Paris, et qui est fonction de la progression annuelle de la CVAE.

M. Christophe Jerretie, rapporteur spécial. Ce sont environ 3,3 milliards des 3,4 milliards d’euros de la métropole du Grand Paris qui sont rétrocédés dans les flux financiers. La DSIT, unique en son genre, représente à peu près 10 millions d’euros.

M. Laurent Saint-Martin, président. La situation financière est-elle à ce point difficile que la MGP a besoin de 10 millions d’euros ? Pourquoi ne conserve-t-on pas la logique précédente, à laquelle je souscrivais : sans nouveau schéma institutionnel, pas de mouvement dans les transferts de dotations d’intercommunalité ?

M. Gilles Carrez. Lorsqu’elle a été constituée, la MGP a reçu un peu d’argent frais car certaines communes, qui n’avaient jusqu’alors jamais appartenu à une intercommunalité, apportaient avec elles un droit à dotation intercommunale. Pour rassurer M. de Courson, ce droit n’a pas été évalué comme à Marseille, Nice ou Lyon – cela aurait été beaucoup trop coûteux – mais à 30 euros par habitant, ce qui demeure, je le reconnais volontiers, très supérieur aux dotations des communautés de communes.

Quatre ans après, cet argent frais est complètement consommé, la MGP étant tenue, par le biais d’attribution de compensations, notamment la compensation part salaires, de garantir aux communes leur niveau de ressources passé, ce qui représente davantage que ce qu’elle a reçu en argent supplémentaire. Avec la contribution au redressement des finances publiques et les mécanismes de péréquation, la MGP voit son budget entrer progressivement dans le rouge. Je pense que cela tiendra en 2019, peut-être en 2020, mais il faut trouver une solution. Pour passer l’année 2019, nous avons besoin de supprimer la DSIT.

M. Laurent Saint-Martin, président. À mon tour de demander une simulation : il serait intéressant de savoir quels territoires seront le plus touchés par la suppression de cette dotation, à hauteur de 10 millions. J’imagine que la situation est assez inégale d’un EPT à l’autre, certains fonctionnant beaucoup plus mal que d’autres.

M. Charles de Courson. Cela ne devrait pas causer trop de problèmes aux EPT, mais les montants peuvent être significatifs pour les communes, si toutefois elles bénéficient de cette dotation.

M. Gilles Carrez. Le choix a été fait de verser l’essentiel aux EPT.

M. Laurent Saint-Martin, président. Je sais que pour l’EPT Grand Paris Sud Est Avenir, dit « EPT T11 », cette dotation faisait clairement partie du plan de financement et n’était pas neutre.

La commission adopte l’amendement II-CF348 (amendement II-806).

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Après l’article 79

La commission est saisie de l’amendement II-CF683 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Avec la création du Grand Paris, certaines communes qui étaient contributrices au FPIC ne le sont plus, du fait qu’elles ont intégré un EPT regroupant des communes pauvres, tandis que ces dernières ne bénéficient pas davantage de la péréquation. Cet amendement, que je présente en vain depuis deux ou trois ans, vise à éviter cet effet d’aubaine.

M. Laurent Saint-Martin, président. Vous venez en fait de défendre l’amendement suivant, II-CF685. Qu’en est-il du II-CF683, monsieur Pupponi ?

M. François Pupponi. Je me suis effectivement trompé...

L’amendement II-CF683 propose d’inscrire le dispositif de dédoublement des classes de CP et de CE1 dans les missions de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL). Le Gouvernement a décidé de dédoubler les classes, mais ce sont les communes qui payent. Et comme les dédoublements de classes se déroulent souvent dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), ce sont des communes en difficulté financière qui se retrouvent obligées d’assumer des dépenses de plusieurs centaines de milliers d’euros par an. Et quand elles demandent une subvention au titre du fonds de soutien à l’investissement public local (FSIL), le préfet refuse en prétextant qu’elles ne sont pas éligibles !

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Je suis assez surpris, car la circulaire du 7 mars 2018 aux préfets de région a déjà fait de cette éligibilité juridique une thématique prioritaire « notamment dans le cadre du doublement des classes dans les zones REP +, afin de préparer la rentrée dans les meilleures conditions possibles ». Cette priorité est désormais intégrée. D’autre part, il ne paraît pas nécessaire de figer dans la loi les règles d’attribution de la DSIL. Je vous suggère de retirer cet amendement, qui est satisfait.

M. François Pupponi. Non, monsieur le rapporteur spécial, cet amendement n’est pas du tout satisfait. C’est ce que je viens d’expliquer : les préfets n’appliquent pas ces règles, ou ils le font à la tête du client. Je propose donc de l’inscrire dans la loi, afin qu’ils n’aient pas le choix.

M. Jean-Louis Bricout. Les communes rurales ont le droit d’être aidées pour ces dépenses importantes et perçoivent à ce titre la DETR. Cela fonctionne très bien. Les QPV doivent pouvoir être financés de la même façon.

Mme Cendra Motin. Avant de lancer le hashtag #BalanceTonPréfet, reconnaissons tout de même qu’il y a des choses qui fonctionnent... ! Pour avoir la chance de faire partie de la commission dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) en Isère, je peux vous assurer que, chez moi, les préfets appliquent à la lettre les directives de l’État sur la priorité donnée aux établissements scolaires pour les dédoublements de classes.

M. François Pupponi. Pas chez nous !

Mme Cendra Motin. Ainsi, les communes de Chavanoz et de Pont-de-Chéruy, dans ma circonscription, ont reçu des aides pour aménager des locaux afin d’accueillir les enfants dans de bonnes conditions.

M. François Pupponi. Chère collègue, nous sommes d’accord, nous venons de dire que cela fonctionnait pour la DETR. Je vous explique que ce n’est pas le cas pour la DSIL, en Île-de-France.

Ainsi, la ville de Villiers-le-Bel, cinquième commune la plus pauvre de France, a déposé un dossier de demande au titre du FSIL à hauteur de 600 000 euros pour dédoubler les classes de CP et de CE1 à la demande de l’État. Réponse du préfet du Val-d’Oise, confirmée par le préfet de région : zéro. Voilà ce qui se passe à 20 kilomètres de Paris. Comme cela fonctionne pour la DETR, mais pas pour la DSIL, je propose de l’inscrire dans la loi.

La commission rejette l’amendement.

M. François Pupponi. Je n’ai pas vu de mains se lever contre, et j’ai compté cinq pour !

M. Laurent Saint-Martin, président. Je sais compter, et vous n’êtes pas à ma place, monsieur Pupponi.

M. François Pupponi. Ne jouez pas à ce jeu. Personne n’a voté contre cet amendement !

C’est un sujet grave. On parle d’une décision prise par le Gouvernement, que les communes les plus pauvres sont obligées d’assumer. Une aide de 600 000 euros, pour une commune pauvre de banlieue, ce n’est pas rien ! On peut balayer cela d’un revers de la main, considérer que l’on n’en a rien à faire. Nous enregistrons bien, depuis tout à l’heure, que certaines communes sont favorisées, d’autres oubliées. C’est le leitmotiv depuis le début, et cela ne semble pas vous poser de problème. Mais en quoi cela vous gêne-t-il de mettre dans la loi que l’État doit assumer le choix politique assumé par le Gouvernement ? Cela ne vous coûte pas un euro de plus, mais cela aussi, vous le refusez à ces communes.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Nous ne le refusons pas. La loi prévoit que la DSIL peut subventionner la création, la transformation, la rénovation des bâtiments scolaires. La circulaire aux préfets de région précise que cela figure dans les priorités. Si le préfet n’applique ni la loi ni les circulaires, il y a un problème, mais ce n’est pas la loi qui doit changer !

M. François Pupponi. Bien sûr que si ! Les établissements scolaires sont mentionnés dans la loi, mais pas le dédoublement des classes. Le préfet peut donc financer ce qu’il veut, y compris dans des villes qui ne sont pas pauvres. Nous proposons de viser en priorité les zones REP et REP +, concernées par le dédoublement. En quoi cela pose-t-il un problème ?

Mme Amélie de Montchalin. Élus locaux et parlementaires siègent au sein de commissions chargées de discuter de la répartition de ces dotations. Il faut arriver à comprendre ce qu’il s’y dit. Ce sont des sujets infralégaux. J’ai constaté en Essonne que la commission des élus jouait un rôle essentiel et qu’elle avait fixé pour objectif prioritaire à la DSIL de permettre aux dédoublements de classe de se dérouler partout dans de bonnes conditions. Qu’en a-t-il été dans le Val-d’Oise ?

M. François Pupponi. Nous sommes deux élus de l’opposition dans le Val-d’Oise, et, bien entendu, nous n’avons pas été invités à cette commission de répartition.

Mme Amélie de Montchalin. Dans notre commission DETR, c’est multipartisan...

M. François Pupponi. Pas dans le Val-d’Oise... C’est ainsi que cela se passe dans la vraie vie ! Nous ne sommes pas associés aux décisions, ni pour l’attribution de la DETR, ni pour les subventions aux associations, ni pour l’attribution du FSIL. Nous avons obtenu les subventions que nous avions demandées en 2017, mais aucune en 2018. Comme c’est ainsi que cela se passe dans la réalité, nous proposons de préciser les conditions dans la loi, afin que le préfet soit tenu de les respecter et qu’il ne puisse pas attribuer la dotation à la tête du client.

La commission est saisie de l’amendement II-CF685 de M. François Pupponi.

M. Laurent Saint-Martin, président. Monsieur Pupponi, je vous laisse l’opportunité de défendre cet amendement.

M. François Pupponi. Non.

La commission rejette l’amendement.

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Article 80
Décalage de la date dentrée en vigueur de lautomatisation du FCTVA

Cet article a été rattaché aux crédits de la mission Relations avec les collectivités territoriales, qui ont été examinés par la commission le 29 octobre 2018 soir.

Il a fait l’objet d’un commentaire dans le rapport spécial relatif à cette mission et annexé au présent rapport général (MM. Jean-René Cazeneuve et Christophe Jerretie, rapporteurs spéciaux) ([372]).

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La commission est saisie de l’amendement II-CF388 de Mme Valérie Petit.

Mme Catherine Osson. Cet amendement vise à encourager la végétalisation des toits des bâtiments des collectivités territoriales. Il prévoit que les dépenses correspondantes seront éligibles, à compter du 1er janvier 2020, au FCTVA, au même titre que les dépenses réelles d’investissement et d’entretien des bâtiments publics et de la voirie.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Je pense que cet amendement est satisfait. En tout état de cause, et dans la mesure où il induit une augmentation du FCTVA, il s’agit d’un amendement se rapportant à la première partie du projet de loi de finances. Avis défavorable.

M. Charles de Courson. Je confirme : ces dépenses sont intégrées dans l’assiette subventionnable. À ma connaissance, cela ne pose aucun problème.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 80 rattaché, sans modification.

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Article 81
Soutien à linvestissement local

Cet article a été rattaché aux crédits de la mission Relations avec les collectivités territoriales, qui ont été examinés par la commission le 29 octobre 2018 soir.

Il a fait l’objet d’un commentaire dans le rapport spécial relatif à cette mission et annexé au présent rapport général (MM. Jean-René Cazeneuve et Christophe Jerretie, rapporteurs spéciaux) ([373]).

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La commission examine l’amendement II-CF699 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Je connais bien, pour l’avoir inventée, la DPV. Nous l’avions créée pour les communes de banlieue les plus pauvres.

Lorsque l’on réforme une dotation, comme cela a été le cas tout à l’heure de la DI, on augmente le montant de l’enveloppe, afin d’éviter qu’il y ait des perdants. Dans le cas de la DPV, la seule qui existe dans le domaine, vous élargissez le nombre de communes éligibles, vous limitez le nombre de critères pour éviter que des communes en sortent, mais à enveloppe constante. Cela signifie que les communes qui bénéficiaient de la DPV en 2018 auront moins en 2019.

Vous touchez à la seule dotation sur la politique de la ville, sans augmenter son montant, et en en élargissant le périmètre. La DPV n’était pas faite pour cela. C’est entre le signe, limpide, que les communes de banlieue ne vous préoccupent pas. Vous refusez d’augmenter cette dotation de quelques millions d’euros pour ne pas toucher à ceux que vous voulez favoriser.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Je rappelle que la DSU augmente quand même de 90 millions d’euros.

L’élargissement, à la marge, ne constitue pas une modification majeure de la DPV – dont vous êtes, il est vrai, à l’origine –, mais permettra de la rendre un peu plus juste. Il s’agit d’abord de rationaliser les critères d’éligibilité, en prenant en compte non pas la dernière année, mais les trois dernières, pour éviter les entrées et les sorties intempestives des communes. Il s’agit aussi de ne plus distinguer, de façon artificielle, quartiers d’intérêt national et quartiers d’intérêt régional, lesquels sont exclus de la DPV, même s’ils connaissent les difficultés urbaines les plus importantes. Il est donc nécessaire de déplafonner les communes éligibles pour inclure ces quartiers, dont la liste, précisons-le, ne sera prise en compte qu’en 2020. Avis défavorable.

M. François Pupponi. Vous confirmez ce que je viens de dire : vous élargissez le champ d’attribution de cette dotation sans en augmenter l’enveloppe, contrairement à ce que vous avez fait pour les intercommunalités et pour les communes touristiques. Vous ne voulez pas y consentir pour les communes de banlieue, c’est votre choix ; vous êtes dans la logique qui vous guide depuis le début de ce projet de loi de finances.

Dernière précision, vous procédez à cette réforme sans aucune simulation, sans pouvoir donc dire qui y gagnera et qui y perdra.

M. Christophe Jerretie, rapporteur spécial. Sans vouloir allonger un débat que nous avons déjà eu l’an dernier dans l’hémicycle, je précise que les dotations que vous venez d’évoquer, monsieur Pupponi, sont des dotations de fonctionnement. La DPV est une dotation d’investissement.

M. François Pupponi. Pas du tout !

M. Christophe Jerretie, rapporteur spécial. C’est en tout cas ainsi qu’elle est catégorisée. Elle ne peut, par définition, faire l’objet des mêmes dispositions que la DI, laquelle concerne l’ensemble des 1 200 intercommunalités.

La DPV est une dotation spécifique, abondée à hauteur de 150 millions et qui a augmenté pendant trois ou quatre ans, par votre fait – et c’est très bien. On ne peut pas dire, comme vous le répétez depuis le début de la réunion, que les communes pauvres de banlieue n’ont jamais rien ! J’entends nombre de vos arguments, mais il n’y a pas que les communes de banlieue qui sont pauvres, et il faut cesser d’opposer les uns aux autres. Nous cherchons au contraire à accompagner tout le monde ; pour cela, chacun doit y mettre du sien.

La DSU a été augmentée de 90 millions d’euros, la DPV est maintenue à 150 millions d’euros. Nous l’ouvrons légèrement à une quinzaine de communes supplémentaires qui, ne l’oublions pas, en étaient sorties et nous rattrapons également des quartiers qui devraient être dans la logique des QPV et de la DPV.

Nous n’augmentons pas l’enveloppe, certes, mais je ne peux pas vous laisser dire que nous ne travaillons pas sur la banlieue. Comme tous les gouvernements précédents s’y sont employés, celui-ci tente d’améliorer la péréquation en agissant sur la DSR et la DSU. Les communes pauvres de banlieue bénéficient à la fois des dotations d’État et des fonds de péréquation, comme le FSRIF et le FPIC, ce qui représente tout de même des sommes assez importantes. Je ne dis pas que cela suffit, mais le discours que vous tenez n’est pas justifié.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements II-CF687, IICF688, II-CF689, II-CF690, II-CF691 et II-CF692 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Monsieur Jerretie, vous n’écoutez pas quand on vous parle. Je n’ai pas dit que rien n’était fait : j’ai dit que l’année dernière, la DSU a augmenté de 110 millions d’euros. Cette année, elle n’augmente que de 90 millions d’euros.

M. Éric Alauzet. 110 millions, ce n’est pas un chiffre magique !

M. François Pupponi. Je ne dis pas que ce n’est rien, je dis que c’est moins que l’année dernière. Le FSRIF n’augmente pas non plus cette année et les 180 communes éligibles l’an dernier à la DPV toucheront moins en 2019, puisque les bénéficiaires seront plus nombreux : c’est mathématique. Vous auriez pu avoir au moins la décence d’augmenter d’autant l’enveloppe. Cela aurait témoigné d’un respect pour ces quartiers. J’ai le droit de vous dire cela !

Je rigole doucement, mais c’est de l’humour noir... Tout cela vient après le discours de M. Borloo, et vous verrez comment vos inventions seront interprétées. Vous pouvez balayer tout cela d’un revers de la main, mais vous prendrez conscience un jour que nous ne disons pas que des contre-vérités et qu’il vous arrive de vous tromper. Vous touchez à la DPV en augmentant le nombre de communes éligibles sans en ajuster le montant : je constate, et vous ne pouvez pas dire le contraire, que vous ne le faites pas pour d’autres dotations.

M. Christophe Jerretie, rapporteur spécial. Lors du printemps de l’évaluation 2017, nous avions constaté que la DPV fonctionnait correctement. Nous ne pensons pas utile, ou intéressant, d’en faire une DSU bis, ainsi que vous le proposez. La DPV reste dans une logique d’appels à projets, qui implique le préfet de département. Il nous paraît important de conserver en parallèle la DSU, qui augmente de 90 millions d’euros, et la DPV, qui répond à des objectifs différents.

Avis défavorable sur les amendements en discussion commune.

M. François Pupponi. Ce n’est pas moi qui le propose, cela figure dans le rapport de Jean-Louis Borloo, commandé par le président de la République, remis au Premier ministre. Vous n’en voulez pas ? C’est votre choix.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle examine ensuite l’amendement II-CF719 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. Par cet amendement, nous proposons que la DETR bénéficie bien aux territoires ruraux, en précisant que les communes membres d’une métropole ne peuvent y être éligibles.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Avis favorable : il nous paraît juste et conforme à la vocation de la DETR que les communes appartenant à une métropole soient exclues du bénéfice de cette dotation. Cependant, si cette mesure n’a aucun coût, puisque c’est un jeu à somme nulle, il serait bon que nous connaissions le nombre des communes qu’elle exclurait du dispositif et son impact sur les autres.

Mme Christine Pires Beaune. Je remercie le rapporteur spécial. Une simulation serait en effet la bienvenue, mais je crois que très peu de communes sont concernées. Par ailleurs, on constate, du moins dans ma circonscription, que la DSIL bénéficie plutôt aux métropoles et aux communautés urbaines, voire aux communautés d’agglomération qu’aux communautés de communes, qui ne sont plus concernées – peut-être en raison d’un manque de crédits –, tandis que la DETR serait plutôt concentrée sur les territoires ruraux. Cela me paraît être une bonne chose.

M. Charles de Courson. Je suis un peu étonné par l’amendement de notre collègue ; je croyais que les communes membres d’une communauté urbaine étaient exclues de la DETR.

Mme Christine Pires Beaune. Non. Dans ma circonscription, Chamalières, siège de l’imprimerie de la Banque de France, compte moins de 15 000 habitants et est éligible à la DETR alors qu’elle est membre de Clermont Auvergne Métropole depuis le 1er janvier 2017.

La commission adopte l’amendement II-CF719 (amendement II-807).

Puis elle est saisie de l’amendement II-CF720 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. Cet amendement, que nous avions déjà déposé l’an dernier, tend à confier au préfet de département, qui connaît mieux les dossiers que le préfet de région, le soin de répartir les subventions versées au titre de la DSIL.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. L’avis est le même que l’an dernier. Les projets relevant de la DSIL ne sont pas du même type que ceux qui relèvent de la DETR : ils sont deux à trois fois plus importants et s’inscrivent dans des cycles plus longs. Les laisser à la main des régions me paraît donc pertinent et complémentaire de l’approche DETR.

M. Charles de Courson. Je suis d’accord avec Mme Pires Beaune. En effet, que se passe-t-il, dans le Grand Est, par exemple ? On dépose les dossiers dans les préfectures de département, qui les instruisent puis les envoient à Strasbourg, à la préfecture de région, qui reçoit ainsi les dossiers de dix départements avant de les faire redescendre. Vous rendez-vous compte du temps que cela prend ? Si l’objectif est que les crédits soient consommés lentement, restons-en à la procédure actuelle. Mais si l’on veut qu’ils soient consommés rapidement – c’est-à-dire, dans les faits, au minimum deux ans, le temps de réaliser les travaux – et que le dispositif soit efficace, mieux vaut confier la répartition aux préfets de département.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Non, j’insiste. Les projets seraient morcelés et plus courts. L’étude que nous avons réalisée sur la DSIL a montré très clairement qu’il s’agissait de projets beaucoup plus importants et structurants. Il n’est donc pas idiot de les traiter à l’échelle régionale.

M. François Pupponi. En Île-de-France, certaines communes viennent à peine de recevoir la notification pour des projets que nous aurions voulu réaliser en 2018 et qui ne le seront qu’en 2019 ou 2020. Nous avons ainsi perdu un an d’investissement ! Monsieur le rapporteur spécial, demandez aux préfets de région, d’ici à la séance publique, comment ils ont réparti la DSIL, et vous verrez avec quelle rapidité ils obtempèrent. Faites l’expérience !

Mme Véronique Louwagie. Si nous voulons diminuer les délais de procédure et améliorer la réactivité, il faut faire en sorte que la décision soit prise au plus près des projets ; à cet égard, l’échelon départemental paraît pertinent. Au demeurant, je ne partage pas l’opinion du rapporteur spécial, pour qui les projets seraient alors forcément morcelés et plus petits. Je crois que la collectivité, quelle que soit sa dimension, fera le choix de soutenir des projets d’infrastructures importants et déterminants. En tout cas, je voterai cet amendement.

La commission adopte l’amendement II-CF720 (amendement II-808).

Elle examine ensuite l’amendement II–CF729 de Mme Christine Pires Beaune.

M. Jean-Louis Bricout. Il s’agit de supprimer l’alinéa 35 de l’article 81, qui tend à minorer de 84 millions d’euros les crédits de la nouvelle DSID pour payer les restes à charge des exercices antérieurs de la DGE. En effet, l’apurement de ces restes à payer sera supporté par les collectivités elles-mêmes par le biais de cette minoration des variables d’ajustement au sein de l’enveloppe des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales, au même titre que les 50 millions du fonds d’urgence pour Saint-Martin et les 8 millions du plan « Bibliothèques ».

Suivant l’avis défavorable des rapporteurs spéciaux, la commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis défavorable des rapporteurs spéciaux, elle rejette l’amendement II-CF730 de Mme Christine Pires Beaune.

Enfin, la commission adopte l’article 81 rattaché, modifié.

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Après l’article 81

La commission est saisie de l’amendement II-CF631 de Mme Valérie Petit.

Mme Catherine Osson. Défendu.

M. Christophe Jerretie, rapporteur spécial. Le sujet est assez technique et complexe. Nous n’avons aucune simulation des effets de cette mesure, qui pourrait offrir beaucoup de possibilités de transferts entre investissement et fonctionnement dans le cadre du transfert de compétences. Je suggère donc à Mme Osson de retirer l’amendement, sachant que nous pourrons y retravailler, si elle le souhaite.

L’amendement est retiré.

La commission examine en présentation commune les amendements II-CF620 et II-CF621 de Mme Sabine Rubin, qui font l’objet d’une discussion commune, ainsi que l’amendement II-CF650 de Mme Bénédicte Taurine.

Mme Bénédicte Taurine. Ces trois amendements ont pour objet de demander au Gouvernement de remettre au Parlement trois rapports d’information portant respectivement sur l’état des lieux de la compensation par l’État des transferts de compétences aux collectivités territoriales, sur un bilan des suppressions et baisses d’impôts locaux décidées par l’État qui, contrairement à l’engagement de celui-ci, n’ont pas été compensées et, enfin, sur un bilan des conséquences de la diminution des dotations de l’État aux collectivités territoriales sur les services publics locaux et sur la diminution des subventions et investissements des collectivités dans des secteurs tels que l’action sociale, la culture, la jeunesse et les sports.

M. Christophe Jerretie, rapporteur spécial. Nous disposons déjà, grâce aux rapports existants, voire à l’Observatoire des finances locales ou au CFL, de nombreux éléments qui nous permettent d’établir que les compensations financières sont faibles sur le long terme. J’ajoute que cette question sera discutée dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances rectificative qui portera sur la réforme des finances locales. Quant au rapport sur les conséquences de la diminution des dotations de l’État, il serait complexe à réaliser ; mieux vaut se consacrer à des sujets spécifiques. J’ajoute que, là encore, la collecte des éléments déjà disponibles permettrait d’avoir une bonne vision de la situation. Je demande donc à Mme Taurine de bien vouloir retirer ces trois amendements.

La commission rejette successivement ces amendements.

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Santé

Après l’article 81

Lors de sa réunion du 31 octobre 2018 matin, la commission, la commission étudie lamendement II-CF859 de Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Je n’ai pas réagi tout à l’heure aux propos qui ont été tenus sur la prévention, mais c’est évidemment une préoccupation majeure, que je fais mienne en tant que médecin de santé publique. Si l’on peut se réjouir que la prévention soit un des piliers de la stratégie nationale de santé, il reste un certain nombre de questions à régler. Pour assurer un pilotage efficace, il est nécessaire d’assurer un suivi du financement de la politique de prévention en santé.

Comme l’ont dernièrement fait remarquer Cyrille Isaac-Sibille et Ericka Bareigts dans leur rapport sur la prévention auprès des jeunes, les financements de la prévention sont difficiles à appréhender de façon globale car ils sont dispersés entre beaucoup de ministères – agriculture, sport, éducation, université, recherche, justice, et j’en passe. Si l’on veut savoir où l’on va, on ne peut rester dans ce flou ni au stade des vœux pieux.

Cet amendement vise donc à créer un nouveau document de politique transversale, dit « orange » budgétaire, pour construire une vision consolidée et exhaustive des dépenses dédiées à la prévention. Il présentera les grandes orientations stratégiques de l’État, les différents moyens affectés et leur répartition par programme budgétaire. C’est une proposition de 2011 de la Cour des comptes, qui a été réitérée en 2017 et qui est reprise par le rapport précité.

L’enjeu est double. D’une part, faire en sorte que l’exécutif mène une réflexion sur le financement de la prévention, son pilotage et sur la possibilité de l’améliorer et de le clarifier. D’autre part, informer clairement le Parlement et les citoyens sur la politique de prévention en santé. La création de cet « orange » budgétaire peut constituer une étape préalable à la création d’un document budgétaire plus large, regroupant les financements de l’État, des collectivités locales et de la sécurité sociale.

Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Je rejoins tout à fait votre préoccupation. La prévention en santé doit être au cœur de nos politiques. Elle intervient dans de nombreuses missions et de nombreux programmes, et l’approche de ce thème est un peu dispersée. Au demeurant, il est important qu’on puisse mieux l’appréhender et mieux l’utiliser et donc d’améliorer l’information du Parlement. Je ne suis pas certaine que votre amendement soit facile à appliquer. Cependant, j’y suis favorable.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. Comme la rapporteure spéciale, nous sommes évidemment sensibles à ce sujet et partageons la volonté de faire de la prévention. Cependant, le groupe majoritaire vous invite à retirer cet amendement et à débattre du sujet dans l’hémicycle avec les ministres des solidarités et de la santé et de l’action et des comptes publics. En effet, la rapporteure spéciale l’a dit à juste titre : cet amendement nous semble difficilement applicable car il ne concerne pas que le budget de l’État mais aussi celui des collectivités locales et de la sécurité sociale.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. J’entends la difficulté. Même si l’objectif est ambitieux, il faut vraiment le tenir sinon on ne mettra pas en évidence la volonté de faire de la prévention une réelle politique.

M. le président Éric Woerth. Retirez-vous votre amendement ?

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Oui, et j’en discuterai effectivement avec Mme Buzyn et M. Darmanin.

Lamendement est retiré.

Il est repris, sous le numéro II-CF932, par la rapporteure spéciale

Mme Marie-Christine Dalloz. Cet amendement est pertinent et va permettre un dialogue. La rapporteure spéciale y est favorable. Par conséquent, le groupe Les Républicains le reprend.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement II-CF890 de la rapporteure spéciale.

Mme la rapporteure spéciale. J’ai eu l’occasion d’évoquer, à la fois dans mon propos introductif et en réponse à certaines questions, la difficulté d’instruction des dossiers relatifs à la Dépakine. La procédure d’indemnisation des victimes est peu lisible. Il faut prendre en compte l’ensemble des familles aujourd’hui en difficulté. Je vous propose donc qu’un rapport puisse être établi par le Gouvernement et remis au Parlement pour le 1er septembre prochain sur la soutenabilité pour les finances publiques du dispositif tel qu’il a été prévu et sur sa gestion. Je vous rappelle qu’il y a au moins 16 000 victimes et que seules quinze d’entre elles seront probablement indemnisées à la fin de l’année 2018.

M. Patrick Hetzel. Évidemment, nous soutenons pleinement cet amendement. Sur de nombreuses questions relatives à la politique de santé, on a besoin d’y voir clair. Cet amendement va dans ce sens. Nous espérons donc que le groupe majoritaire se rangera à cet avis sans quoi cela voudrait dire qu’il ne souhaite pas de transparence sur ces questions.

M. François Ruffin. Je n’ai pas le droit de vote dans cette commission, mais j’apporte mon soutien moral à cet amendement. On peut a minima demander au Gouvernement si on va réussir à indemniser les familles et, si on n’y arrive pas par le biais du budget de l’État, comment faire pour que d’autres responsables mettent la main au portefeuille.

Mme Bénédicte Peyrol. La majorité est attentive à ce qui se passe. Dans la nuit de jeudi à vendredi, la ministre des solidarités et de la santé s’est engagée à travailler avec les familles dont les mères ont pris de la Dépakine pendant leur grossesse. Mme Louwagie a évoqué la procédure qui a été instituée et dont on aura une première évaluation d’ici à la fin de l’année 2018. Les engagements qu’a pris la ministre et la transparence qu’apporte ce comité d’experts sont autant d’éléments de réponse. Le groupe La République en Marche ne votera donc pas cet amendement.

M. Patrick Hetzel. Ces arguments ne sont pas très convaincants. Le rôle du Parlement est aussi d’assurer un contrôle de l’action gouvernementale. Il ne s’agit pas d’être dans une logique de défiance mais en refusant cet amendement, vous ne remplissez pas votre rôle de parlementaires. Il y a une séparation des pouvoirs et nous devons à nos concitoyens de faire ce contrôle. Votre vision de la représentation parlementaire est extrêmement inquiétante.

M. Charles de Courson. Nous voterons en faveur de cet amendement. Ceux qui sont depuis quelques années au sein de cette assemblée savent qu’à chaque fois qu’on a voté un texte d’indemnisation – ce fut le cas à la suite des irradiations consécutives aux expérimentations menées dans le Pacifique et du scandale de l’amiante –, on s’est heurté à l’extrême lenteur de la procédure. On demande à ces familles, déjà accablées par le malheur, de suivre tout un processus bureaucratique et cela finit toujours mal. Demander au Gouvernement un rapport régulier obligera les ministres successifs à mettre leur nez dans ces affaires et à simplifier la procédure d’indemnisation pour la rendre plus efficace et plus rapide. Être indemnisé trois ou quatre ans après les faits, cela vous fait une belle jambe ! Si on ne maintient pas constamment la pression sur le Gouvernement, il se passera ce qui s’est passé à chaque fois qu’on a voté des textes d’indemnisation.

M. François Ruffin. Je ne comprends pas la réaction de la majorité. Dans cette affaire, les pouvoirs publics ont été lamentables depuis trente ans. Il y a eu une série de scandales. D’abord, Sanofi n’a pas été contrôlé. Ensuite, les contre-indications qui auraient dû être précisées par les autorités de santé ne l’ont pas été pendant des décennies. Puis les indemnisations ont été confiées à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM), alors qu’il était incapable de gérer un afflux de dossiers et qu’il était en état de paralysie. Deux ans plus tard, il n’y a toujours pas une seule famille indemnisée ! On est dans le contexte d’une série de scandales et lorsque la droite demande un rapport pour vérifier si on a les fonds suffisants pour indemniser les victimes, si le traitement des dossiers avance et s’il y a suffisamment de fonctionnaires au sein de l’ONIAM pour les traiter, la majorité le refuse. C’est incompréhensible pour moi et ce le sera encore davantage pour les victimes de la Dépakine.

Mme la rapporteure spéciale. Madame Peyrol, les interventions de Mme la ministre lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale ne m’ont pas rassurée. Elle a dit que le recouvrement des sommes auprès de Sanofi n’était pas une priorité. Cela laisse craindre que le remboursement effectif de ces sommes doive être engagé uniquement dans le cadre du fonds dédié à l’indemnisation des victimes. Or, ce fonds est crédité de moins de 500 millions d’euros pour 10 290 victimes.

La ministre a reconnu qu’il y avait une vraie difficulté d’approche et s’est engagée à utiliser les bases de données de l’assurance maladie pour retrouver les victimes potentielles de la Dépakine et les indemniser. Si cette démarche va dans le bon sens, elle ne résout en rien le problème structurel de la complexité de la procédure. Le dossier fait 800 pages ! Il faut simplifier de façon significative la procédure d’indemnisation pour qu’elle soit véritablement accessible. C’est pourquoi je demande la publication d’un rapport. Vous ne pouvez rester insensibles à un sujet qui m’a troublée quand j’en ai pris connaissance dans le cadre de l’élaboration de mon rapport spécial. Les personnes devant constituer ces dossiers sont souvent atteintes d’épilepsie et ont des enfants en difficulté. Dans certains cas, il s’agit de femmes seules, abandonnées par leur compagnon.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite lamendement II-CF891 de la rapporteure spéciale.

Mme la rapporteure spéciale. Comme il a été dit par Marie‑Christine Dalloz et Philippe Vigier, il est important d’avoir une vision exhaustive des dépenses de santé. Or, nous n’avons pas de chiffrage concernant les dépenses de santé liées aux personnes en situation irrégulière à Mayotte, puisque l’aide médicale de l’État (AME) n’y existe pas. Nous savons cependant qu’environ 40 % des entrées dans le centre hospitalier de Mayotte sont le fait de personnes en situation irrégulière. Nous n’avons pas d’approche plus précise de ces dépenses de santé. Je vous propose donc de demander au Gouvernement de remettre sur ce sujet un rapport avant le 1er septembre prochain. Je sais que nos collègues députés de Mayotte sont inquiets de cette situation et des problèmes qui en résultent.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement II-CF892 de la rapporteure spéciale.

Mme la rapporteure spéciale. Comme je l’indiquais, le dispositif des soins urgents relevant de l’AME bénéficie d’une dotation forfaitaire de 40 millions d’euros, ce qui ne suffit pas. Il manque à peu près 25 millions d’euros. Il faut que nous ayons des précisions et une connaissance exacte du coût des soins urgents de sorte que l’AME prenne en compte l’ensemble des dépenses, dans un souci de transparence.

La commission rejette lamendement.

Puis, elle est saisie de lamendement II-CF641 de Mme Sarah El Haïry.

Mme Sarah El Haïry. Il est défendu !

Mme la rapporteure spéciale. Votre demande de rapport sur la fixation de tarifs et de prix limites de vente au public de certains dispositifs médicaux est intéressante, mais ce rapport ne porte pas directement sur les crédits de la mission Santé. C’est pourquoi je crois qu’il vaudrait mieux qu’il soit discuté dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Mme Sarah El Haïry. Je le retire sur les sages conseils de la rapporteure spéciale.

Lamendement est retiré.

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Solidarité, insertion et égalité des chances

Article 82
Création dune nouvelle bonification de la prime dactivité

Cet article a été rattaché aux crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances, qui ont été examinés par la commission le 31 octobre 2018 matin.

Il a fait l’objet d’un commentaire dans le rapport spécial relatif à cette mission et annexé au présent rapport général (Mme Stella Dupont, rapporteure spéciale) ([374]).

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La commission adopte larticle 82 sans modification.

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Article 83
Simplification des compléments à lallocation aux adultes handicapés (AAH)

Cet article a été rattaché aux crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances, qui ont été examinés par la commission le 31 octobre 2018 matin.

Il a fait l’objet d’un commentaire dans le rapport spécial relatif à cette mission et annexé au présent rapport général (Mme Stella Dupont, rapporteure spéciale) ([375]).

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La commission examine lamendement II-CF611 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. Sous couvert de simplification, l’article 83 fusionne deux allocations versées aux personnes handicapées : le complément de ressources (CR) et la majoration pour la vie autonome (MVA). Ces deux allocations ne sont pas cumulables, mais elles sont de montants différents. La MVA, d’un montant de 104 euros, est versée aux personnes handicapées avec un taux d’incapacité supérieur ou égal à 80 %, qui occupent un logement autonome pour favoriser l’accès à cette autonomie. Le CR s’élève à 179 euros et vient compléter l’AAH.

Je ne suis pas opposée à une fusion pour cause de simplification. Mais vous en profitez pour aligner le montant par le bas, ce qui aboutit à une perte de pouvoir d’achat de 75 euros pour les personnes concernées. C’est contraire à vos engagements en faveur du handicap. Notre amendement vise donc à supprimer l’article 83.

Mme Stella Dupont, rapporteure spéciale. Il ne s’agit pas vraiment d’une fusion, mais de la suppression du CR. La problématique des ressources des personnes handicapées, sujet majeur, mérite un débat dans l’hémicycle avec Mme la ministre.

Je me permettrai simplement de souligner quelques éléments. Les bénéficiaires actuels du CR continueront à en bénéficier pendant dix ans. Il n’y a donc pas de rupture brutale de financement. En outre, la plupart des bénéficiaires du CR sont également éligibles à la MVA. Par ailleurs, l’AAH augmente de 90 euros entre 2017 et 2019.

Certes, le montant de la MVA est inférieur de 75 euros à celui du CR. Mais les conditions d’obtention de la MVA sont plus simples et plus rapides : elle est attribuée automatiquement et ne nécessite pas l’évaluation par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées d’une capacité de travail inférieure à 5 %.

La principale différence réside dans la situation locative des personnes bénéficiaires : les personnes qui auraient été éligibles au CR, mais ne le seront pas à la MVA, sont celles qui sont propriétaires ou logées à titre gratuit. En effet, la MVA est versée uniquement aux personnes qui perçoivent des aides au logement.

À travers cet article, le Gouvernement nous propose d’orienter les financements vers l’accès au logement et à la vie autonome. J’entends vos questions et je pense qu’il est important d’en débattre avec la ministre. Je vous propose en conséquence de retirer votre amendement.

Mme Christine Pires Beaune. Je vous remercie pour tous ces éléments. Malgré tout, je maintiens l’amendement car je n’en suis pas à l’origine. Je comprends vos explications. Je suis favorable à la simplification. C’est également une bonne chose d’avoir conservé le dispositif dont l’assiette est la plus large. Pour autant, on aurait pu aligner le montant de l’allocation sur la plus élevée ! Cette perte de 75 euros est importante pour les personnes concernées et l’économie budgétaire sera probablement négligeable...

La commission rejette lamendement.

Puis elle adopte larticle 83 sans modification.

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Après l’article 83

La commission examine, en discussion commune, les amendements IICF612 de Mme Christine Pires Beaune, II-CF802 de M. Vincent Descoeur et II-CF856 de Mme Sandrine Mörch.

Mme Christine Pires Beaune. Mon amendement vise à demander un rapport au Gouvernement pour disposer d’un bilan de l’application du décret du 31 août 2018 relatif au financement des mandataires judiciaires à la protection des majeurs. Ce décret accroît les frais à la charge des majeurs protégés. Or, vous le savez, ces personnes sont fragiles et connaissent déjà des conditions de vie difficiles. Il nous semble utile de mesurer ce que le décret a changé.

M. Vincent Descoeur. Il ne s’agit pas d’une énième demande de rapport, mais d’éclairer le Parlement sur les effets sociaux de la réforme du financement des mandataires judiciaires à la protection des majeurs. Cette réforme, menée par voie réglementaire, a eu pour effet d’augmenter la participation financière des majeurs concernés. Certains acteurs associatifs s’interrogent sur ses conséquences. Mon amendement vise à ce que ces dernières soient analysées.

Mme Sandrine Mörch. La hausse de la participation financière des majeurs protégés inquiète beaucoup les associations. Elles craignent des conséquences dramatiques sur des personnes qui vivent déjà souvent en dessous du seuil de pauvreté et subissent de ce fait une nouvelle forme de précarisation.

Alors que les ministères de la santé et de la justice se penchent sur la révision de la protection juridique des majeurs, un rapport communiqué au Parlement sur les conséquences de cette augmentation pourrait contribuer à l’information du législateur, sur ce sujet qui touche de près l’inclusion sociale.

Mme la rapporteure spéciale. Avant de me prononcer sur vos amendements, il me semble utile de rappeler les barèmes en vigueur. Aucune participation n’est requise pour les personnes dont les ressources sont inférieures ou égales à l’AAH. Si les ressources sont supérieures à l’AAH, la participation s’élèvera à 0,6 % sur la tranche des revenus inférieurs ou égaux à l’AAH, puis à 8,5 % pour les revenus jusqu’au SMIC – contre 7 % par le passé.

En conséquence, les personnes protégées les plus vulnérables continuent à ne pas participer financièrement. Par ailleurs, le Gouvernement a demandé un rapport à Mme Anne Caron-Déglise, avocate générale près la Cour de cassation, concernant l’évolution de la protection juridique des majeurs. Ce rapport vient d’être publié, en septembre. Il est particulièrement dense. Je ne sais pas si vous avez pu en prendre connaissance, mais il contient de très nombreuses informations et analyses. C’est pourquoi un nouveau rapport ne me semble pas pertinent. Nous pourrons éventuellement l’envisager l’an prochain. Cette année, le dispositif est encore très récent.

M. Charles de Courson. Sur le difficile sujet de la protection des personnes sous tutelle ou curatelle, quelle est votre position suite à la publication de ce rapport ? Les amendements n’abordent que la question du financement des mandataires ; ce n’est qu’un sous-problème. Le système fonctionne-t-il ? Donne-t-il lieu à des abus ? Quand il y a abus, les détecte-t-on ? Connaît-on les intentions du Gouvernement ? Les magistrats chargés des tutelles nous disent avoir bien du mal à contrôler les mandataires et les comptes qu’ils doivent remettre annuellement.

Mme la rapporteure spéciale. L’an dernier, j’avais abordé cette thématique dans mon rapport budgétaire et j’avais mis en évidence l’absence de pilotage des mandataires, ballottés entre deux ministères. C’est l’une des conclusions du rapport de Mme Caron‑Déglise : elle propose la désignation d’un délégué interministériel pour répondre à ce besoin de coordination.

Une réflexion est engagée concernant le cadre déontologique et professionnel des mandataires. J’attends ses conclusions. Ces métiers sont sensibles, vous avez raison, car les mandataires travaillent au contact de personnes fragiles. Pour le moment, un rapport vient d’être publié. Je souhaite que certaines des propositions soient mises en œuvre, afin de mieux encadrer cette profession, constituée de personnels de la fonction publique hospitalière, mais aussi de mandataires privés et indépendants. Cet encadrement est de la responsabilité de l’État ; il doit y veiller.

M. Vincent Descoeur. Les associations ont-elles eu connaissance des conclusions de ce rapport ? Si c’est le cas, cela ne semble pas les avoir rassurées. Peut-être est-ce parce qu’il vient d’être publié ? Pour autant, il faut analyser les effets sociaux de l’évolution du barème. Je maintiens donc mon amendement. Nous verrons la semaine prochaine s’il peut être satisfait par ce rapport.

Les amendements II-CF612 et II-CF856 sont retirés.

La commission rejette lamendement II-CF802.

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Sport, jeunesse et vie associative

Après l’article 83

Lors de sa réunion du 29 octobre 2018 après-midi, La commission examine lamendement II-CF630 de Mme Sabine Rubin.

M. Michel Larive. Yves Raibaud et d’autres géographes ont démontré l’inégalité patente entre les investissements sportifs à destination des hommes et ceux réalisés pour les femmes. Qu’il s’agisse des investissements destinés aux professionnels ou de ceux réalisés pour les amatrices et amateurs, les inégalités sont frappantes. Les investissements portant sur des activités qui concernent plus majoritairement les femmes sont spécifiques. Il nous semble important de bénéficier d’un rapport chiffré détaillé, afin de lutter contre l’éviction des femmes de cette activité et d’encourager le sport féminin en le valorisant financièrement autant que le sport masculin.

Mme Perrine Goulet, rapporteure spéciale. J’entends votre volonté et la partage. Toutefois, la gouvernance du sport est en train d’évaluer. Je ne suis donc pas sûre qu’un rapport publié dans les quelques mois qui viennent puisse apporter quoi que ce soit. Je vous propose de reporter la publication de ce rapport à une date plus éloignée, par exemple au 1er septembre 2019, de redéposer à cette fin un autre amendement en séance et de retirer le présent amendement.

La commission rejette lamendement.

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Travail et emploi

Article 84
Modification du dispositif dallocation dactivité partielle relative au délai de réclamation et au régime de recouvrement

Cet article a été rattaché aux crédits de la mission Travail et emploi, qui ont été examinés par la commission le 30 octobre 2018 soir.

Il a fait l’objet d’un commentaire dans le rapport spécial relatif à cette mission et annexé au présent rapport général (Mme Marie-Christine Verdier‑Jouclas, rapporteure spéciale) ([376]).

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La commission adopte larticle 84, sans modification.

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CAS Aides à l’acquisition de véhicules propres

Après l’article 84

Lors de sa réunion du 26 octobre 2018 matin, la commission, la commission est saisie de lamendement II-CF462 de Mme Sabine Rubin.

Mme Mathilde Panot. Cet amendement demande un rapport. Nous ne sommes pas d’accord avec la vision exprimée à l’instant, selon laquelle le message à envoyer serait qu’il faut remplacer son véhicule par un véhicule électrique, parce que cette vision ne sort pas du présent modèle de société. Un chiffre doit nous faire réfléchir : près de 35 % du lithium produit sur la planète sert d’ores et déjà à fabriquer des batteries. Avec une conversion à cette échelle, si l’on ne remet pas en cause le fait que chacun ait sa voiture individuelle, on arrivera très vite à un épuisement de cette ressource et on est donc en train de préparer une transition écologique qui s’éteindra dans trente ou quarante ans, autrement dit à très court terme. C’est pourquoi je demandais un plan vélo plus ambitieux. Il faut voir plus loin que la conversion au tout électrique.

M. Benoit Simian, rapporteur spécial. Je note un peu d’excès. L’exposé sommaire de votre amendement n’en fait d’ailleurs pas mystère : cette demande de rapport est un prétexte pour débattre ici des enjeux de la conversion du parc automobile mondial au tout électrique. Cela nous éloigne des enjeux concrets concernant l’efficacité de la prime à la conversion et du bonus. Vous le savez, je suis un fervent défenseur de la mobilité hydrogène ; le Premier ministre m’a d’ailleurs confié une mission sur le train à hydrogène, mission que je suis en train de conclure. Je suis bien conscient que notre avenir ne sera pas 100 % électrique, mais je ne pense pas, comme vous, que les 264 millions d’euros inscrits pour 2019 au titre du bonus présentent le moindre risque d’épuiser les ressources naturelles de la planète en lithium. Avis défavorable.

M. Damien Pichereau, rapporteur pour avis de la commission du développement durable. Je rejoins notre rapporteur et je m’inscris en faux vis-à-vis de ce qu’a dit Mme Panot. Nous devons continuer à convertir notre parc. Je vous invite, madame Panot, à venir à Suré, le village où j’ai grandi : la première gare est à 20 kilomètres ! Je suis favorable au développement de l’intermodalité, je l’ai dit, ainsi que du covoiturage, je le dis au quotidien, mais, que l’on parle d’intermodalité ou de covoiturage, pour les habitants d’un village à 20 kilomètres d’une gare, l’un comme l’autre exigent une voiture : dès lors, autant qu’elle soit propre. Même si l’électrique a des défauts, nous n’en sommes qu’au début d’une technologie appelée à évoluer, avec des batteries de plus en plus recyclables et propres dans leur conception. Laissons la technologie évoluer. Remettre en cause le bonus écologique va dans le mauvais sens. Ajoutons qu’il concerne aussi les petits véhicules utilitaires légers, à destination des professionnels, de la logistique urbaine et du dernier kilomètre de livraison. C’est cela que vous remettez en cause ; nous ne pouvons nous le permettre.

M. Éric Coquerel. Plusieurs questions sont posées et pas seulement celle du lithium : le recyclage des batteries est aussi un drame, et avec le recours systématique à l’électricité, on aura beau jeu d’expliquer qu’il faudra toujours des centrales nucléaires et des EPR car l’électricité n’est pas produite par l’opération du Saint-Esprit. Même si nous pouvons envisager, comme notre groupe le propose, de passer à 100 % d’énergies renouvelables dans les années à venir, cela devra tout de même se cumuler avec une plus grande sobriété en termes de consommation électrique.

Quant à l’argument qui consiste à dire que nous ne connaîtrions pas les problèmes des ruraux, j’y réponds en disant qu’il vaudrait mieux ne pas fermer les gares de proximité. Si les gares sont toujours plus lointaines, c’est parce que les restructurations successives de la SNCF ont abouti à casser le maillage fin du territoire, obligeant à faire 30, 40 ou 50 kilomètres pour prendre un train, ou encore des « cars Macron » et autres.

M. Benoit Simian, rapporteur spécial. Sur les dessertes des petites lignes, il ne faut pas raisonner de cette façon. Aujourd’hui, rien ne vous permet de dire que nous fermons des gares. Nous avons au contraire une stratégie innovante sur ces dessertes fines du territoire. La mission que je mène sur le train à hydrogène vise justement à introduire des innovations sur ces lignes de la ruralité.

La commission rejette lamendement.

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CAS Gestion du patrimoine immobilier de l’État

Article additionnel après l’article 84
Critères de calcul de la décote applicable à la cession de biens
du domaine privé de lÉtat

Article additionnel après l’article 84
Rapport du Gouvernement au Parlement évaluant la pertinence
des différents outils et montages juridiques susceptibles de permettre
à lÉtat dassurer la valorisation son patrimoine immobilier
autrement que par la cession de ses biens

Lors de sa réunion du 23 octobre 2018 soir, la commission examine, en présentation commune, les amendements IICF309 et II-CF307 du rapporteur spécial.

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur spécial. Je souhaite, par ces deux amendements, revenir sur la décote dite « Duflot », thématique à laquelle j’ai consacré mon rapport lors du printemps de l’évaluation et qui a fait l’objet d’une résolution examinée et adoptée par l’Assemblée nationale en juin dernier.

En commission d’évaluation des politiques publiques, le ministre avait déjà indiqué partager ce constat qui est non seulement le mien, mais aussi celui de la Cour des comptes.

Introduite dans notre droit en 2013 avec des objectifs chiffrés, en vertu desquels 110 000 logements devaient être construits entre 2012 et 2016, et 224 sites cédés, la décote n’a pas atteint son objectif. En effet, le bilan est faible : en 2017, 20 biens ont été cédés – 87 depuis 2013, loin des 224 ambitionnés. Elle n’a pas non plus produit le « choc d’offre » escompté : 8 000 logements construits dont 6 000 sociaux au lieu des 110 000 logements prévus.

En revanche, la décote peut léser le contribuable, notamment à Paris où le coût de la décote est de 100 000 euros par logement social, alors qu’ailleurs en France, il est de 16 000 euros par logement social. C’est, en outre, un dispositif complexe, peu efficient, coûteux pour l’argent public, et qui suscite des effets pervers de spéculation de la part de collectivités pourtant bien dotées, qui préfèrent y recourir plutôt que dutiliser leur patrimoine foncier quelles valorisent différemment.

La résolution adoptée au mois de juin visait ainsi à garantir un usage plus proportionné et plus pertinent du mécanisme de la décote, en proposant une révision du dispositif réglementaire fixant les critères de calcul ainsi que les règles de plafonnement et en établissant un contrôle financier a posteriori des opérations ayant donné lieu à la cession de biens immobiliers de l’État. Ces préconisations visent à remédier à la fragilité des recettes finançant la politique immobilière de l’État et à sauvegarder l’équilibre financier du compte d’affectation spéciale (CAS) Gestion du patrimoine immobilier de lÉtat.

Avec ces deux amendements, je vous propose de poursuivre ce travail.

L’amendement II-CF309 vise à préciser les critères de calcul de la décote applicable à la cession des biens du domaine privé de l’État en introduisant deux nouveaux critères. Ces critères seraient : d’une part, l’existence de réserves foncières susceptibles de permettre la réalisation de programmes comprenant la réalisation de logements sociaux à un prix de revient équivalent à celui résultant de la décote ; d’autre part, le coût moyen de la construction de logements sociaux dans la commune ou l’agglomération, qui créerait les conditions d’une application plus pertinente et proportionnée de la décote.

Lamendement II-CF307 est un amendement dappel qui vise, en demandant un rapport, à inviter le Gouvernement à améliorer la gestion du patrimoine immobilier de lÉtat en développant dautres outils de valorisation  baux emphytéotiques, foncières –, afin de ne pas avoir pour seul réflexe leur cession.

M. le président Éric Woerth. L’immobilier de l’État à l’étranger entre-t-il dans le champ de ce CAS ?

M. le rapporteur spécial. Non.

M. le président Éric Woerth. Il doit donc figurer directement dans les crédits de l’action extérieure de l’État. Quel est le taux de retour lorsqu’une administration vend un bien ? Je crois qu’il était très élevé chez les militaires et aux affaires étrangères, mais je ne sais plus ce qu’il en est dans les autres administrations.

M. le rapporteur spécial. Je vous répondrai un peu plus tard.

La commission adopte successivement les amendements IICF309 (amendement II-143) et IICF307 (amendement II-144).

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CAS Participations financières de l’État

Après l’article 84

Lors de sa réunion du 24 octobre 2018 matin, la commission examine lamendement II-CF289 de M. Éric Coquerel, demandant au Gouvernement de remettre au Parlement, dans un délai de douze mois, un rapport dinformation faisant le bilan de la cession des participations de lÉtat dans les secteurs économiques, industriels et stratégiques de la Nation depuis 1986.

Mme Valérie Rabault, rapporteure spéciale. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

La commission rejette lamendement.

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CAS Services nationaux de transports conventionnés de voyageurs

Après l’article 84

Lors de sa réunion du 26 octobre 2018 matin, la commission est saisie de lamendement II-CF463 de M. Éric Coquerel.

Mme Mathilde Panot. Cet amendement tend une fois de plus à demander un rapport, mais ce n’est pas un prétexte, monsieur le rapporteur spécial : les débats budgétaires sont aussi des débats politiques ; il est important de le rappeler, nous ne sommes pas des technocrates.

La transition écologique ne se fera jamais en pensant qu’invention après invention, nous allons pouvoir continuer avec le même modèle, toujours plus vite, toujours plus loin. De vraies questions sur des choix de société vont se poser ; et si nous ne nous les soulevons pas, nous serons dans une situation de chaos face au changement climatique dont nous voyons déjà poindre les effets.

Nous ne pouvons parler du budget des mobilités sans aborder le nouveau pacte ferroviaire et ses effets, que j’ai évoqués précédemment.

M. Benoit Simian, rapporteur spécial. Votre amendement, vous le dites vous‑même, a pour objet de rouvrir le débat sur le nouveau pacte ferroviaire, que nous n’allons pas refaire ce matin : vous avez eu tout le loisir de vous exprimer sur le sujet. Je me réjouis que ce Gouvernement et cette majorité aient répondu à l’urgence en la matière, car c’était une question de survie pour notre service public ferroviaire.

Quant au reste, je ne suis ni favorable à la réunionite, ni aux rapports que l’on empile sur les étagères. Je vous renvoie au printemps de l’évaluation, au cours duquel nous aurons l’occasion d’évoquer ce dossier. Sans oublier que la mission « flash » sur le matériel roulant des trains d’équilibre du territoire nous a donné tout le loisir d’examiner ces sujets. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

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CCF Avances à l’audiovisuel public

Article additionnel après l’article 84
Rapport relatif aux conséquences de la réforme de la taxe dhabitation
sur le recouvrement de la contribution à laudiovisuel public

Lors de sa réunion du 25 octobre 2018 matin, la commission se saisit de lamendement II-CF487 de la rapporteure spéciale.

Mme Marie-Ange Magne, rapporteure spéciale. Par cet amendement, je demande au Gouvernement de remettre un rapport sur la réforme de la contribution à l’audiovisuel public (CAP). Deux éléments incitent effectivement à une inscription de cette réforme dans le prochain projet de loi de finances : d’une part, la suppression complète de la taxe d’habitation, annoncée par le président de la République pour 2021 au plus tard, suppression conduisant à la disparition du vecteur de recouvrement de la CAP, qui est adossée à la taxe d’habitation ; d’autre part, la transformation des modes de consommation et les problèmes d’équité qui en découlent, puisque des contribuables consomment aujourd’hui les contenus audiovisuels proposés par voie numérique. La remise de ce rapport avant le 1er juin prochain permettra d’engager suffisamment en amont les réflexions nécessaires à l’inscription de cette réforme dans le projet de loi de finances pour 2020.

Par ailleurs, il me semble nécessaire d’entamer une réflexion sur l’avenir de la CAP, parallèlement à la réforme de l’audiovisuel public qui doit intervenir au premier semestre 2019.

La commission adopte lamendement II-CF487 (amendement II-170).

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Après l’article 84

Elle en vient ensuite à lamendement II-CF240 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. Cet amendement vise à éviter la disparition de France Ô et France 4. C’est une très mauvaise nouvelle, et, en ce qui concerne France Ô, pas seulement pour le public a priori visé. Mon entourage, ma famille comptent beaucoup de personnes, notamment âgées, qui, durant la journée, regardent ces chaînes de qualité. Je peux vous assurer que leur disparition est vécue comme un très mauvais coup porté à la qualité du service public. Tous ces documentaires et autres programmes faisaient honneur au service public. Un rapport rendu par Aurore Bergé sur la réforme de l’audiovisuel exprimait une certaine préoccupation à cet égard. En outre, la suppression de ces chaînes représente une gabegie financière difficilement compréhensible, même si, évidemment, nous ne nous opposons pas forcément à la création de nouvelles chaînes.

Mme la rapporteure spéciale. Je comprends totalement vos inquiétudes quant à la réforme de l’audiovisuel public. Celle-ci, d’après les annonces du Gouvernement, passe par un effort substantiel en matière budgétaire, puisque 190 millions d’euros d’économies sont programmés à l’horizon 2022 et, par ailleurs, par la suppression de France Ô et de France 4.

Le processus d’élaboration du projet de loi, vous le savez, associera aussi les parlementaires. À titre personnel, je suis opposée à la suppression de France 4 sans garantie apportée au secteur de l’animation. Je serai donc particulièrement attentive aux arguments du Gouvernement. Par ailleurs, je ne doute pas que l’étude d’impact qui accompagnera ce projet de loi établira un bilan détaillé de l’opportunité de la suppression de ces deux chaînes si cette option est maintenue.

Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. Éric Coquerel. Pardonnez-moi, madame la rapporteure spéciale, mais je ne comprends pas très bien : en gros, vous me donnez raison ou, du moins, vous partagez mes inquiétudes, et vous êtes défavorable à cet amendement... Je rappelle qu’il s’agit d’obtenir du Gouvernement un rapport sur la viabilité de sa politique budgétaire public en matière d’audiovisuel public et en ce qui concerne ces deux chaînes. Vous auriez donc pu être favorable à cet amendement.

Mme la rapporteure spéciale. J’y suis défavorable dans la mesure où nous avons déjà beaucoup de rapports, notamment des rapports parlementaires – vous-même avez cité celui d’Aurore Bergé. La réforme sera connue assez vite, au cours du premier semestre de l’année 2019, et un dialogue est déjà engagé avec les sociétés de l’audiovisuel public et avec le Gouvernement.

Mme Céline Calvez, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles. Effectivement, les rapports sont déjà nombreux. Certes, ils ne portent pas spécifiquement sur le point évoqué par M. Coquerel mais le Parlement peut s’en saisir – demander un rapport au Gouvernement n’est pas forcément ce qu’il y a de plus constructif.

L’idée est aussi de pouvoir mettre les contenus consacrés à l’outre-mer et les contenus dédiés à la jeunesse plus en avant sur les autres canaux de France Télévisions.

M. le président Éric Woerth. De même, on pourrait considérer que le Parlement doit se saisir de la question de la redevance plutôt que de demander au Gouvernement un rapport. Sur le fond, je ne me prononcerai pas sur la nécessité d’un rapport, mais, sur la forme, c’est un peu « deux poids, deux mesures »...

Mme la rapporteure spéciale. Précisément, plusieurs rapports parlementaires ont porté sur la réforme de la CAP. La question est maintenant de connaître les chiffres objectifs, ce qui justifie une demande de rapport au Gouvernement.

La commission rejette lamendement.

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CCF Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

Article 85
Autorisation dabandon de créances correspondant à des prêts
du Fonds de développement économique et social (FDES)

Cet article a été rattaché aux crédits de la mission Économie, qui ont été examinés par la commission le 25 octobre 2018 après-midi.

Il a fait l’objet d’un commentaire dans le rapport spécial relatif à cette mission et annexé au présent rapport général (Mme Olivia Gregoire et M. Xavier Roseren, rapporteurs spéciaux) ([377]).

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Suivant lavis des rapporteurs spéciaux, la commission adopte larticle 85 rattaché, sans modification.

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Au cours de sa séance du 8 novembre 2018, la commission adopte la seconde partie du projet de loi de finances pour 2019 modifiée.

Puis, elle adopte lensemble du projet de loi de finances pour 2019 ainsi modifié.

 


—  1  —

ANNEXE :

LISTE DES RAPPORTS SPÉCIAUX ANNEXÉS AU RAPPORT GÉNÉRAL SUR LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2019

 

Rapports spéciaux PLF 2019

Rapporteurs

Date de la réunion de la commission des finances

1. Action extérieure de lÉtat

M. Vincent LEDOUX

Mercredi 24 octobre
21 h 00

2. Action extérieure de lÉtat : Tourisme

Mme  Émilie BONNIVARD

Mercredi 24 octobre
21 h 00

3. Administration générale et territoriale de lÉtat

M. Jacques SAVATIER

Mercredi 24 octobre
16 h 15

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales :

4. Politiques de l’agriculture, forêt, pêche et aquaculture ; Développement agricole et rural

5. Sécurité alimentaire

 

M. Hervé PELLOIS

Mme Émilie CARIOU

 

M. Michel LAUZZANA

Mercredi 24 octobre
9 h 00

6. Aide publique au développement ; Prêts à des États étrangers

M. Marc LE FUR

Mercredi 24 octobre
21 h 00

7. Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

M. Fabien ROUSSEL

Jeudi 25 octobre
15 h 00

Cohésion des territoires :

8. Logement et hébergement d’urgence

9. Politique des territoires

 

M. François JOLIVET

M. Mohamed LAQHILA

Mardi 30 octobre
17 h 00

10. Conseil et contrôle de lÉtat

M. Daniel LABARONNE

Mardi 23 octobre
17 h 00

Culture :

11. Création ; transmission des savoirs et démocratisation de la culture

12. Patrimoines

 

M. Pierre PERSON

 

M. Gilles CARREZ

Mardi 23 octobre
17 h 00

Défense :

13. Préparation de l’avenir

14. Budget opérationnel de la défense

 

M. François CORNUT-GENTILLE

M. Olivier GAILLARD

Jeudi 25 octobre
15 h 00

15. Direction de laction du Gouvernement ; Publications officielles et information administrative. Investissements davenir

Mme Marie-Christine DALLOZ

Jeudi 25 octobre
9 h 00

Écologie, développement et mobilité durables :

16. Paysage, eau et biodiversité ; Prévention des risques ; Expertise, information géographique et météorologie ; Conduite et pilotage des politiques

17. Affaires maritimes

18. Énergie, climat et après-mines ; Service public de l’énergie ; Financement des aides aux collectivités pour lélectrification rurale ; Transition énergétique

19. Infrastructures et services de transports ; Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs ; Aides à lacquisition de véhicules propres ; Contrôle et exploitation aériens

 

 

M. Éric COQUEREL

 

 

M. Saïd AHAMADA

 

 

M. Julien AUBERT

 

 

 

Mme Anne-Laure CATTELOT

M. Benoit SIMIAN

 

Vendredi 26 octobre
9 h 00

Économie :

20. Développement des entreprises et du tourisme ; Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

21.  Commerce extérieur

22. Statistiques et études économiques ; Stratégie économique et fiscale ; Accords monétaires internationaux

 

 

Mme Olivia GRÉGOIRE

M. Xavier ROSEREN

 

Mme Nicolas FORISSIER

 

M. Philippe CHASSAING

M. Alexandre HOLROYD

Jeudi 25 octobre
15 h 00

23. Engagements financiers de lÉtat

Mme Bénédicte PEYROL

Mme Dominique DAVID

Mercredi 24 octobre
9 h 00

24. Enseignement scolaire

Mme Catherine OSSON

Mme Aina KURIC

Lundi 29 octobre
16 h 00

Gestion des finances publiques et des ressources humaines :

25. Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local ; Facilitation et sécurisation des échanges. Conduite et pilotage des politiques économiques et financières ; Action et transformation publiques

26. Fonction publique ; Crédits non répartis

 

27. Gestion du patrimoine immobilier de lÉtat

 

 

 

 

M. Laurent SAINT-MARTIN

 

 

 

Mme Cendra MOTIN

Mme Valérie PETIT

 

M. Jean-Paul MATTEI

Mardi 23 octobre
21 h 00

28. Immigration, asile et intégration

M. Stanislas GUERINI

M. Jean-Noël BARROT

Vendredi 26 octobre
9 h 00

29. Justice

M. Patrick HETZEL

Jeudi 25 octobre
15 h 00

30. Médias, livre et industries culturelles ; Avances à laudiovisuel public

Mme Marie-Ange MAGNE

Jeudi 25 octobre
9 h 00

31. Outremer

M. Olivier SERVA

Mercredi 24 octobre
16 h 15

32. Pouvoirs publics

M. Lise MAGNIER

Mardi 23 octobre
17 h 00

Recherche et enseignement supérieur :

33. Recherche

34.  Enseignement supérieur et vie étudiante

 

Mme Amélie DE MONTCHALIN

M. Fabrice LE VIGOUREUX

Lundi 29 octobre
16 h 00

35. Régimes sociaux et de retraite ;
Pensions

M. Olivier DAMAISIN

Mardi 30 octobre
21 h 00

36. Relations avec les collectivités territoriales ; Avances aux collectivités territoriales

M. Jean-René CAZENEUVE

M. Christophe JERRETIE

Lundi 29 octobre
21 h 00

37. Remboursements et dégrèvements

Mme Christine PIRES BEAUNE

Mardi 23 octobre
21 h 00

38. Santé

Mme Véronique LOUWAGIE

Mercredi 31 octobre
9 h 30

Sécurités

39. Police, gendarmerie, sécurité routière, Contrôle de la circulation et du stationnement routiers

40. Sécurité civile

 

 

M. Romain GRAU

Mme Nadia HAI

 

Mme Sarah EL HAÏRY

Vendredi 26 octobre
9 h 00

41. Solidarité, insertion et égalité des chances

Mme Stella DUPONT

Mercredi 31 octobre
9 h 30

42. Sport, jeunesse et vie associative

Mme Perrine GOULET

Mme Sarah EL HAÏRY

Lundi 29 octobre
16 h 00

43. Travail et emploi ; Financement national du développement et de la modernisation de lapprentissage

Mme Marie-Christine VERDIER‑JOUCLAS

Mardi 30 octobre
21 h 00

44. Participations financières de lÉtat ; Participation de la France au désendettement de la Grèce ; Avances à divers services de lÉtat ou organismes gérant des services publics

Mme Valérie RABAULT

Mercredi 24 octobre
9 h 00

45. Affaires européennes

M. Xavier PALUSZKIEWICZ

 


([1]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, article 58.

([2]) (lien).

([3]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([4]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([5]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

([6]) Loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009.

([7]) Loi n° 73-1150 du 27 décembre 1973 de finances pour 1974.

([8]) Arrêté du 24 janvier 2011 portant abrogation des arrêtés des 3 mars 1982 et 30 avril 1999 modifiés fixant la liste des établissements et organismes de diffusion culturelle et d’enseignement dotés de l’autonomie financière.

([9]) Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, article 72.

([10]) Loi précitée, article 106.

([11]) Loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes. L’article 52 de cette loi a abrogé l’article 106 de la loi de finances précitée.

([12]) En application de l’article 72 de la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018.

([13]) Loi n° 2018-515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire.

([14]) Bénédicte Peyrol, Rapport d’information sur l’évasion fiscale internationale des entreprises, Assemblée nationale, XVe législature, n° 1236, 12 septembre 2018, notamment pages 75 à 116 et 220 à 228.

([15]) Maurice Cozian, Les grands principes de la fiscalité des entreprises, quatrième édition, 1999, réédition LexisNexis 2015, page 20.

([16]) Loi n° 2008‑1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008.

([17]) Conseil d’État, plénière fiscale (7e, 8e et 9e sous-sections réunies), 10 juin 1981, Ministre du budget c. X, n° 19079, au Recueil.

([18]) Premier alinéa de l’article L. 64 du LPF.

([19]) Ibid.

([20]) Conseil constitutionnel, décision  2013685 DC du 29 décembre 2013, Loi de finances pour 2014, § 112119.

([21]) Conseil constitutionnel, décision  2015726 du 29 décembre 2015, Loi de finances rectificative pour 2015, § 1213.

([22]) Voir ainsi Conseil d’État, 17 juillet 2013, SARL Garnier Choiseul Holding, n° 352989, aux Tables.

([23]) Voir, par exemple, Conseil d’État, 11 mai 2015, SA Natixis banques populaires, n° 365564, et Conseil d’État, 25 octobre 2017, Consorts Verdannet, précité.

([24]) Analyse confirmée par le Bulletin officiel des finances publiques (BOI‑CF‑IOR‑30, § 10).

([25]) Conseil d’État, 25 octobre 2017, Consorts Verdannet, n° 396954, au Recueil. Il s’agissait en l’espèce de la convention fiscale conclue entre la France et le Luxembourg.

([26]) Directive (UE) 2015/121 du Conseil du 27 janvier 2015 modifiant la directive 2011/96/UE concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et aux filiales d’États membres différents.

([27]) Directive 2011/96/UE du 30 novembre 2011 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et aux filiales d’États membres différents.

([28]) Loi n° 2015‑1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015.

([29]) Conseil constitutionnel, décision n° 2015‑726 du 29 décembre 2015 précitée, § 12-13.

([30]) Philippe Martin et Bruno Gouthière, « Les conflits de normes : les clauses anti-évasion », Revue de droit fiscal, n° 39, 28 septembre 2017, n° 471.

([31]) Bénédicte Peyrol, rapport précité, pages 106-107.

([32]) Conseil constitutionnel, décision  2015726 du 29 décembre 2015 précitée, observations du Gouvernement.

([33]) CJCE, 21 février 2006, Halifax plc, C-255/02, § 86 (nous soulignons).

([34]) CJCE, 21 février 2008, Ministero dell’Economia e delle Finanze c. Part Service Srl, C-425/06, § 45 (nous soulignons).

([35]) CJCE, 21 février 2006, Halifax plc précitée, § 75.

([36]) CJCE, 16 juillet 1998, Impercial Chemical Industries plc (ICI), C-264/96, § 26.

([37]) CJCE, 12 septembre 2006, Cadbury Schweppes plc et Cadbury Schweppes Overseas Ltd, C-196/04, § 55.

([38]) CJUE, 7 septembre 2017, Eqiom SAS, anciennement Holcim France SAS, et Enka SAS, C-6/16, § 30.

([39]) Conseil constitutionnel, décision  2015726 du 29 décembre 2015 précitée, observations du Gouvernement.

([40]) Directive n° 2009/133/CE du Conseil du 19 octobre 2009 concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, scissions partielles, apports d’actifs et échanges d’actions intéressant des sociétés d’États membres différents, ainsi qu’au transfert du siège statutaire d’une SE ou d’une SCE d’un État membre à un autre.

([41]) Loi n° 2017‑1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017.

([42]) CJUE, 10 novembre 2011, Foggia  Sociedade Gestora de Participaçoes Sociais SA, C-126/10, § 35.

([43]) Loi n° 2018‑604 du 12 juillet 2018 autorisant la ratification de la convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices.

([44]) Bénédicte Peyrol, Avis au nom de la commission des finances sur le projet de loi autorisant la ratification de la convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, Assemblée nationale, XVe législature, n° 1093, 20 juin 2018.

([45]) Pour une présentation détaillée, il est renvoyé aux développements dédiés figurant dans l’avis de la commission des finances précité, pages 122-123.

([46]) Directive (UE) 2016/1164 du Conseil du 12 juillet 2016 établissant des règles pour lutter contre les pratiques d’évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur.

([47]) Directive (UE) 2016/1164 du Conseil du 12 juillet 2016 précitée, exposé des motifs, § 11.

([48]) L’article 6 de la proposition de directive portait sur un dispositif qui n’a finalement pas été retenu dans la version finale du texte, d’où le décalage de numérotation entre la proposition et la directive adoptée.

([49]) Commission européenne, Proposition de directive du Conseil établissant des règles pour lutter contre les pratiques d’évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur, 28 janvier 2016, COM(2016) 26 final 2016/0011(CNS), article 7 (nous soulignons).

([50]) Philippe Martin et Bruno Gouthière, article précité.

([51]) Bénédicte Peyrol, rapport d’information précité, proposition n° 6, faisant l’objet de développements détaillés pages 112-113.

([52]) Amendement n° IICF1066 portant article additionnel après l’article 48 du présent projet de loi de finances.

([53]) Amendement n° II‑CF1061.

([54]) Maurice Cozian, ouvrage précité, pages 43-44.

([55]) Loi n° 87‑502 du 8 juillet 1987 modifiant les procédures fiscales et douanières.

([56]) Un amendement du Rapporteur général n° II‑CF1403 portant article additionnel après l’article 63 et visant à assurer la neutralité de l’avis du comité de l’abus de droit en matière de charge de la preuve a été adopté par la commission.

([57]) Loi n° 2006‑1770 du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié et portant diverses dispositions d’ordre économique et social.

([58]) Article 46 quater‑0 YZ de l’annexe III du CGI.

([59]) Article 46 quater‑0 YY de l’annexe III du CGI.

([60]) Loi n° 2008‑776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie (LME).

([61]) BPCE, L’Observatoire, La cession-transmission des PME, mars 2014.

([62]) Mme Fanny Dombre-Coste, Favoriser la transmission d’entreprise en France : diagnostic et propositions, Rapport remis au ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, à la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire, 7 juillet 2015, page 16.

([63]) Ministère de l’économie et des finances, PACTE  Le Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises en 10 mesures, juin 2018, page 16.

([64]) Ibid.

([65]) Pour une présentation détaillée du dispositif du FCPE et des modifications apportées par le projet de loi PACTE, il est renvoyé à l’encadré figurant au c du 1 du A du présent I.

([66]) Loi n° 2018‑32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. Pour mémoire, l’article 23 de la précédente loi de programmation des finances publiques prévoyait une évaluation triennale des dépenses fiscales (loi n° 2014‑1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019).

([67]) Évaluations préalables des articles du projet de loi de finances pour 2018, page 319.

([68]) Commission européenne, Comment les fonds structurels peuvent soutenir la politique en faveur des PME  Faciliter la transmission d’entreprises, 2013.

([69]) Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

([70]) Loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015.

([71]) Lien.

([72]) Règlement (UE)  1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2003 relatif à lapplication des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de lUnion européenne aux aides de minimis.

([73]) Loi n° 98-1266 du 30 décembre 1998 de finances pour 1999.

([74]) Comme le relevait le rapporteur général, ce second volet constituait « une manière de révolution, dun point de vue juridique, dans la mesure où la plus nest normalement imposée que si elle est réalisée. De même que lon nimpose pas un revenu virtuel, on nimpose pas, en principe, une plus-value latente. Cette innovation serait fâcheuse si cette imposition était définitive et irrévocable, mais tel nest pas le cas ».

([75]) Cour de justice des Communautés européennes (CJCE), 11 mars 2004, Hughes de Lasteyrie du Saillant contre ministère de léconomie, des finances et de lindustrie, affaire C-9/02.

([76]) Loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005, article 19.

([77]) Loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011.

([78]) La version initiale du projet d’article soumis à l’examen du Parlement en 2011 visait les contribuables ayant été domicilié pendant les six années précédant leur départ, ce qui ouvrait à l’évidence la voie à des possibilités d’optimisation fiscale : un retour temporaire après un départ ayant occasionné l’application de l’« exit tax » suffisait à permettre le dégrèvement de l’impôt.

([79])  Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), 14 février 1995, Finanzamt Köln-Altstadt contre Roland Schumacker, affaire C-279/93.

([80]) Conformément au 1 ter de l’article 150-0 D du CGI, cet abattement est, pour les titres acquis avant le 1er janvier 2018, de 50 % après deux ans de détention et de 65 % après huit ans de détention.

([81]) Mis en place suite au mouvement dit des « pigeons », il est, pour les titres acquis avant le 1er janvier 2018, de 50 % au bout d’un an de détention, de 65 % après quatre ans et il est porté à 85 % après huit ans (1 quater de l’article 150-0 D du CGI).

([82]) Loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011.

([83]) Loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013.

([84]) Loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012.

([85]) Loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013.

([86]) Direction générale des finances publiques, Rapport 2017 relatif aux contribuables quittant le territoire national, juin 2017.

([87]) Loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012.

([88]) Loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016.

([89]) Gilles Carrez, Rapport fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances rectificative pour 2011, Assemblée nationale, XIIIe législature, n° 3406, 1er juin 2011.

([90]) Ibid.

([91]) Christian Eckert, Rapport dinformation sur lapplication de la loi fiscale, Assemblée nationale, XIVe législature, n° 1328, 25 juillet 2013 (lien).

([92]) Conseil des prélèvements obligatoires, Les prélèvements obligatoires sur le capital des ménages, janvier 2018.

([93])  Le compte rendu audiovisuel de cette audition peut être consulté à l’adresse suivante : lien.

([94]) Conseil des prélèvements obligatoires, Les prélèvements obligatoires sur le capital des ménages, janvier 2018.

([95]) Loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014.

([96]) Loi du 31 janvier 1944 porte réforme de certaines dispositions du code général des impôts directs et du code de l’enregistrement.

([97]) Loi n° 89-935 du 29 décembre 1989 de finances pour 1990, article 17.

([98]) Projet de loi de finances pour 2019, Évaluations des voies et moyens, tome I, page 165.

([99]) Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, Annexe 6 Relations financières entre la sécurité sociale et les autres administrations publiques, page 35.

([100]) Inspection générale des finances (IGF), Assurance-emprunteur, novembre 2003.

([101]) Loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, article 25.

([102]) Loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, article 21.

([103]) Loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, article 60.

([104]) Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, article 54.

([105]) Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

([106]) Décision n° 2016-741 DC du 8 décembre 2016, Loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, paragraphe 120.

([107]) Décision n° 2017-685 QPC du 12 janvier 2018, Fédération bancaire française.

([108]) Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), Le financement de l’habitat en 2016, 2017.

([109]) Visée à l’article 24-2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.

([110]) Rapport annuel 2017 Action Logement, page 6.

([111]) Par référence à l’article L. 313-1 du code de la consommation.

([112]) Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

([113]) Projet de loi, adopté, par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la croissance et la transformation des entreprises le 9 octobre 2018 (lien).

([114]) Joël Giraud, Rapport fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2019, tome II, Assemblée nationale, XVe législature, n° 1302, 11 octobre 2018, page 866 (lien).

([115]) Assemblée nationale, XVe législature, session ordinaire de 2018-2019, compte rendu intégral, deuxième séance du lundi 22 octobre 2018 (lien).

([116]) Projet de loi de finances pour 2019, Évaluations des voies et moyens, tome I, pages 58 et 59.

([117]) Ibid., page 143.

([118]) Conformément au a) du 7° du II de l’article 34 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

([119]) Règlement (UE) n° 702/2014 de la Commission du 25 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides, dans les secteurs agricole et forestier et dans les zones rurales, compatibles avec le marché intérieur, en application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. La définition des différentes catégories d’entreprises est donnée à l’article 2 de l’annexe I du règlement.

([120]) Cour des comptes européennes, rapport spécial, Le soutien de l’UE en faveur des jeunes agriculteurs devrait être mieux ciblé pour favoriser un renouvellement efficace des générations, 2017, page 30.

([121]) Projet annuel de performances de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales, page 47.

([122]) Loi n° 92‑1376 du 30 décembre 1992 de finances pour 1993.

([123]) Loi n° 2006‑1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006, article 65.

([124]) Il s’agit du SMIC net annuel au titre de 2018 au sens fiscal et non dans son acception commune : son montant est supérieur à celui communément indiqué dans la mesure où il intègre une fraction de contribution sociale généralisée non déductible.

([125]) Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, Rapport, 29 août 2011, Annexe J, Dépense fiscale n° 170201.

([126]) Réforme de la fiscalité agricole, 20 septembre 2018, point 3, page 4.

([127]) Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, Id.

([128]) Directive (UE) 2017/1852 du Conseil du 10 octobre 2017 concernant les mécanismes de règlement des différends fiscaux dans l’Union européenne.

([129]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([130]) Bénédicte Peyrol, Avis sur le projet de loi autorisant la ratification de la convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, Assemblée nationale, XVe législature, n° 1093, 20 juin 1918.

([131]) MM. Bruno Gibert, Pascal Médard, « La résolution des conflits : les procédures amiables et l’arbitrage, Actes du XXXe colloque du CEFEP », 29 juin 2017, in Revue de droit fiscal, n° 39, 28 septembre 2017, n° 473, page 3.

([132]) Soit « érosion de la base fiscale et transfert de bénéfices ».

([133]) Lien.

([134]) Loi n° 2018-604 du 12 juillet 2018 autorisant la ratification de la convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert des bénéfices.

([135]) OCDE, « Questions fréquemment posées sur l’Instrument multilatéral (IM) », réponse à la question n° 27.

([136]) Si des recours juridictionnels portant sur des questions similaires à celle en cause ont été introduits dans l’une des juridictions avec pour effet de suspendre la procédure amiable, ou si les deux juridictions estiment que le contribuable à l’origine de l’affaire n’a pas fourni toutes les informations pertinentes pour le traitement de son cas (article 19, §2-3).

([137]) Convention relative à l’élimination des doubles impositions en cas de correction des bénéfices des entreprises associées (90/436/CEE).

([138]) Lien.

([139]) Lien.

([140]) La différence entre le stock de cas à la fin de l’année 2016 et celui enregistré au début de l’année 2017 provient d’une modification de périmètre résultant de l’accroissement du nombre de pays référencés.

([141]) Lien.

([142]) Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, article 21.

([143]) Dispositifs des articles 199 undecies B, 217 undecies, 217 duodecies et 244 quater W du CGI.

([144]) Terminologie figurant dans les Évaluations des voies et moyens.

([145]) Loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l’outre-mer, exposé des motifs.

([146]) Évaluations préalables annexées au présent projet de loi de finances, page 368.

([147]) Évaluations préalables annexées au présent projet de loi de finances, page 369.

([148]) Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, article 110.

([149]) Les sociétés de participation sont toutefois exclues.

([150]) 3° du I de l’article 199 undecies B du CGI.

([151]) L’agrément est délivré dans les conditions prévues au III de l’article 217 undecies du CGI.

([152]) Conformément au vingt-sixième alinéa de l’article 199 undecies B du CGI.

([153]) Il s’agit des conditions mentionnées aux quinzième à dix-huitième alinéas de l’article 217 undecies du CGI.

([154]) Règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur, en application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

([155]) II de l’article 199 undecies B du CGI.

([156]) Deuxième alinéa du c) du I ter de l’article 199 undecies B du CGI.

([157]) Article 199 undecies D du CGI.

([158]) Ces deux dispositifs ont fait l’objet d’une présentation dans le commentaire de l’article 11 du présent projet de loi de finances. Pour mémoire, l’article 11 a procédé à une prorogation du dispositif ainsi qu’à certains aménagements.

([159]) « Cette égalité de traitement a pour conséquence que lÉtat se prive de recettes fiscales pour réduire les charges de toutes les entreprises, y compris de celles qui nen ont pas besoin. », Cour des comptes, Rapport public annuel 2012, tome I.

([160]) À titre d’illustration, la Cour des comptes avait notamment souligné les surcapacités qui pouvaient résulter de la défiscalisation, en particulier s’agissant du parc de camions aux Antilles. Cour des comptes, Rapport public annuel 2012, tome I, page 94.

([161]) Rapport du comité dévaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, juin 2011.

([162]) Cour des comptes, Rapport public annuel 2012, tome I.

([163]) Cour des comptes, Rapport public annuel 2012, tome I, page 98.

([164]) Pour mémoire, la prorogation des dispositifs concernant spécifiquement le logement social ont fait l’objet d’une prorogation similaire dans l’article 11 du présent projet de loi de finances.

([165]) Évaluations préalables annexées au présent projet de loi de finances, page 369.

([166]) Livre bleu des outre-mer publié en juin 2018.

([167]) Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, article 110.

([168]) Olivier Serva, Rapport sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2017, annexe  31 : Outre-mer, Assemblée nationale, XVe législature, n° 1055, 13 juin 2018.

([169]) Exposé des motifs de la loi « Girardin » précitée.

([170]) Évaluation préalables, page 369.

([171]) Article L. 313-1 du code monétaire et financier.

([172]) Article 242 septies du CGI.

([173]) Article 1740-00 AB du CGI.

([174]) Décret n° 2015-149 du 10 février 2015 relatif aux obligations déclaratives et à la mise en concurrence des intermédiaires en défiscalisation outre-mer.

([175]) Articles 199 undecies A, 199 undecies B, 199 undecies C, 217 undecies, 217 duodecies, 244 quarter W et 244 quarter X du CGI.

([176]) Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, article 101.

([177]) Évaluations préalables, page 370.

([178]) Conseil d’État, 27 juillet 2015, Société des pétroles Miroline, n° 261899 (lien).

([179]) Loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017, article 30.

([180]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, article 103.

([181]) Loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat, article 19.

([182]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, article 103.

([183]) Direction générale des finances publiques (DGFiP), Rapport relatif aux modalités dévaluation et à la sécurisation de la qualification des locaux industriels, septembre 2018.

([184]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, article 79.

([185]) Joël Giraud, Rapport sur le projet de loi de finances pour 2018, tome III, Assemblée nationale, XVe législature, n° 273, 11 octobre 2017.

([186]) Joël Giraud, Rapport sur l’application des mesures fiscales, Assemblée nationale, XVe législature, n° 1172, 18 juillet 2018.

([187]) Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, article 3.

([188]) Loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 de finances pour 2000, article 5.

([189]) 4 de l’article 200 quater du CGI.

([190]) Pour de plus amples détails, le lecteur est invité à se référer au rapport de Joël Giraud, Rapport sur le projet de loi de finances pour 2018, tome II, Assemblée nationale, XVe législature, n° 273, 12 octobre 2017.

([191]) Loi  2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, article 36 ; loi  2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, articles 81 et 83.

([192]) Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, article 74.

([193]) Ibid.

([194]) Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015.

([195]) Le taux du crédit d’impôt a été porté à 30 % pour l’ensemble des dépenses (au lieu de 15 ou 25 % selon les cas auparavant).

([196]) Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, article 106.

([197]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, article 23.

([198]) Évaluations préalables annexées au projet de loi de finances pour 2018.

([199]) Voir en particulier le rapport de l’inspection générale des finances (IGF) et du conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), Aides à la rénovation énergétique des logements privés, avril 2017.

([200]) Pour chacune de ces années, les données portent sur la France entière et sont issues de la sixième émission.

([201]) Les données renseignées correspondent aux sommes des éléments déclarés par les contribuables.

([202]) Évaluations préalables annexées au présent projet de loi de finances, page 391.

([203]) Rapport IGF-CGEDD précité.

([204]) Selon l’enquête OPEN 2015 de l’ADEME.

([205]) Rapport IGF-CGEDD précité.

([206]) Enquête Tremi, travaux de rénovation énergétique des maisons individuelles, campagne 2017.

([207]) Évaluations préalables annexées au projet de loi de finances pour 2018.

([208]) Évaluations préalables annexées au présent projet de loi de finances, page 389.

([209]) Loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009.

([210]) Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

([211]) Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

([212]) Ibid., article 1er.

([213]) Observatoire national de la précarité énergétique, Les chiffres clés de la précarité énergétique 2017 (lien).

([214]) Cour des comptes, Le programme « habiter mieux » de lAgence nationale de lhabitat, février 2018 (lien).

([215]) Société de gestion des financements et de la garantie de l’accession sociale à la propriété (SGFGAS), Bilan statistique des éco-prêts à 0 % émis en 2017.

([216]) ADEME, Enquête TREMI campagne 2017, octobre 2018 (lien).

([217]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

([218]) Ministère de la transition écologique et solidaire, Ministère de la cohésion des territoires, Concertation sur le plan de rénovation énergétique des bâtiments, avril 2018 (lien).

([219]) Ministère de la transition écologique et solidaire, Bilan énergétique de la France métropolitaine 2017, avril 2018 (lien).

([220]) Philippa Howden-Chapman, « Effects of improved home heating on asthma in community dwelling children : randomised controlled trial », The British Medical Journal, 2008 (lien).

([221])  Agence de l’environnement et de maîtrise de l’énergie, Déchets chiffres-clés, 2017.

([222]) Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, Étude comparative de la taxation de lélimination des déchets en Europe, mars 2017 (lien).

([223]) Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

([224]) Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, Étude comparative de la taxation de lélimination des déchets en Europe, précité.

([225]) Loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016, article 52.

([226]) Directive n°2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets.

([227]) Ministère de la transition écologique et solidaire, Feuille de route de léconomie circulaire, mai 2018 (lien).

([228]) Agence de l’environnement et de maîtrise de l’énergie, Déchets chiffres-clés, 2017.

([229]) Directive 2009/28/CE du 23 avril 2009 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, modifiée par la directive 2015/1513 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015.

([230]) Directive 2009/30/CE du 23 avril 2009 modifiant la directive 98/70/CE en ce qui concerne les spécifications relatives à l’essence, au carburant diesel et aux gazoles ainsi que l’introduction d’un mécanisme permettant de surveiller et de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

([231]) Arrêté du 17 janvier 2012 pris en application du d de l’article 1er et de l’article 3 du décret n° 2011-1468 du 9 novembre 2011 pris pour l’application de l’ordonnance n° 2011-1105 du 14 septembre 2011 portant transposition des directives 2009/28/CE et 2009/30/CE dans le domaine des énergies renouvelables et des biocarburants, précisant les modalités du double comptage et fixant la liste des biocarburants et des bioliquides dispensés de respecter les critères de durabilité définis à l’article L. 661-5 du code de l’énergie.

([232]) Directive 2009/28/CE du 23 avril 2009 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, modifiée par la directive 2015/1513 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015.

([233]) Directive 2015/1513 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 modifiant la directive 98/70/CE concernant la qualité de l’essence et des carburants diesel et modifiant la directive 2009/28/CE relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables.

([234]) Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

([235]) Décret n° 2016-1442 du 27octobre 2016 relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie.

([236]) IFP énergies nouvelles, Tableau de bord biocarburants 2017 (lien).

([237]) Cour des comptes, Rapport public annuel 2016, février 2016.

([238]) IFP énergies nouvelles, Tableau de bord biocarburants 2017 (lien).

([239]) Circulaire CPAD1727521C du 16 octobre 2017 relative à la TGAP.

([240]) Loi n°2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013.

([241]) Cour des comptes, Relations aux usagers et modernisation de lÉtat : vers une généralisation des services publics numériques, rapport communiqué au Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale en application de l’article L. 132-5 du code des juridictions financières, février 2016 (lien).

([242]) Cour des comptes, La DGFiP : dix ans après la fusion, une transformation à accélérer, juin 2018 (lien).

([243])  Cour des comptes, Simplifier la collecte des prélèvements versés par les entreprises, juillet 2016 (lien).

([244]) Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, articles 26 et 27.

([245]) Loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018, article 19.

([246]) Arrêté du 22 décembre 2017 fixant pour 2018 le tarif des droits d’accises sur les alcools et les boissons alcooliques prévus aux articles 317, 402 bis, 403, 438 et 520 A du CGI, le tarif des contributions prévues aux articles 1613 ter et 1613 quater du CGI, ainsi que le tarif de la cotisation prévue à l’article L. 245-9 du code de la sécurité sociale.

([247]) Cour de cassation, chambre criminelle, n° 13-88513, Société France Quick.

([248]) Cour des comptes, « Les missions fiscales de la Douane : un rôle et une organisation à repenser », Rapport public annuel 2014, février 2014.

([249]) Cour des comptes, « Les missions fiscales de la Douane : des coûts trop élevés, une modernisation et une simplification à mettre en œuvre », Rapport public annuel 2018, février 2018.

([250]) Loi n° 2001-1275 du 28 décembre 2001 de finances pour 2002.

([251]) Loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013.

([252]) Loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017.

([253]) Présent projet de loi de finances pour 2019, annexe Évaluations préalables des articles du projet de loi.

([254]) Voir par exemple le site internet de Solidaires finances publiques (lien).

([255]) Observatoire de l’inclusion bancaire, rapport annuel 2017 (lien).

([256]) Source : Cour des comptes, La DGFiP, 10 ans après la fusion, juin 2018 (lien).

([257]) Loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018, article 17.

([258]) Décret n° 2018-292 du 20 avril 2018 relatif à la procédure d’homologation du prix de vente au détail des tabacs manufacturés.

([259]) Directive n° 2011/64/UE du Conseil du 21 juin 2011 concernant la structure et les taux des accises applicables aux tabacs manufacturés.

([260]) Décret n° 2010-720 du 28 juin 2010 relatif à l’exercice du monopole de la vente au détail des tabacs manufacturés.

([261]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, article 106.

([262]) Décret n° 63-1104 du 30 octobre 1963 relatif au régime d’allocations viagères des gérants de débits de tabac, article 2.

([263]) Arrêté du 26 décembre 2007 modifiant l’article 56 AJ de l’annexe IV au code général des impôts et fixant le contenu des déclarations de livraisons de tabac des fournisseurs aux débits de tabac.

([264]) Décret n° 2018-895 du 17 octobre 2018 portant création d’une aide à la transformation des débits de tabacs, article 1er.

([265]) Ibid., article 3.

([266]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, article 106.

([267]) Décret n° 2016-1987 du 30 décembre 2016 relatif aux modalités de calcul et de versement du complément de remise.

([268]) Décret n° 2018-561 du 29 juin 2018 portant création d’une remise transitoire en faveur des débitants de tabac.

([269]) Décret n° 2017-1109 du 26 juin 2017 portant sur la remise compensatoire en faveur des débitants de tabac.

([270]) Arrêté du 23 février 2018 constatant pour 2018 les départements en difficulté au titre des aides à l’activité pour les débitants de tabac.

([271]) Décret n° 2017-1239 du 4 août 2017 portant création d’une prime de diversification des activités à destination des débitants de tabacs.

([272]) Décret n° 2017-977 du 10 mai 2017 relatif aux indemnités de fin d’activité en faveur des débitants de tabac.

([273]) Arrêté du 26 décembre 2007 modifiant l’article 56 AJ de l’annexe IV au code général des impôts et fixant le contenu des déclarations de livraisons de tabac des fournisseurs aux débits de tabac.

([274]) Directive n° 2011/64/UE du Conseil du 21 juin 2011 concernant la structure et les taux des accises applicables aux tabacs manufacturés.

([275]) Cour des comptes, « Le soutien aux débitants de tabac : supprimer les aides au revenu, revoir les relations entre l’État et la profession », Rapport public annuel 2017, février 2017.

([276]) Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, article 44.

([277]) Voir notamment M. Olivier Véran, Rapport sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, Assemblée nationale, XVe législature, n° 1336, 17 octobre 2018, tome II, commentaire de l’article 44.

([278]) Évaluations préalables des articles du projet de loi, page 443.

([279]) Loi n° 2008-111 du 8 février 2008 pour le pouvoir d’achat, article 9.

([280]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, article 126.

([281]) Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, article 57.

([282]) Titre IV de la loi du 17 août 2015 précitée.

([283]) Article L. 843-6 du code de la sécurité sociale.

([284]) Définie à l’article D. 843-3 du code de la sécurité sociale, cette fraction s’établissait depuis la création de la PA à 62 %. Elle s’élève, depuis le mois d’août 2018, à 61 %.

([285]) Les ressources prises en compte dans le calcul de la PA listées à l’article L. 842-4 du code de la sécurité sociale.

([286]) 2° de l’article L. 842-3 du code de la sécurité sociale.

([287]) Les seuils figurant à l’article D. 843-2 du code de la sécurité sociale sont exprimés en fonction du SMIC horaire (« 59 fois le montant » et « 95 fois le montant » du SMIC ; ce qui correspond respectivement à 0,5 et 0,8 SMIC).

([288]) Conformément au sixième alinéa de l’article L. 842-3 du code de la sécurité sociale.

([289]) Article L. 161-25 du code de la sécurité sociale.

([290]) Conformément au deuxième alinéa de l’article L. 161-25 du code de la sécurité sociale.

([291]) Article L. 821-1-1 du code de la sécurité sociale.

([292]) Article L. 821-1-2 du code de la sécurité sociale.

([293]) Conformément au deuxième alinéa de l’article L. 821-3-1 du code de la sécurité sociale.

([294]) L’évaluation préalable de l’article indique ainsi la méthodologie utilisée : l’évaluation « se fonde sur les hypothèses dinflation sous-jacentes au PLF 2019 pour les mois de janvier et avril des années 2019 et 2020 pour établir les trajectoires prévisionnelles toutes choses égales par ailleurs avec la revalorisation prévue par larticle L. 161-25 du code de la sécurité sociale et la revalorisation maîtrisée fixée dans l’article 65 du PLF 2019 ; les incidences budgétaires sont établies par différence entre ces deux trajectoires ».

([295]) Documents annexés au projet de loi de finances pour 2019, projet annuel de performances du programme 109 Aide à laccès au logement.

([296]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, article 126.

([297]) Voir notamment Olivier Véran, Rapport sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, Assemblée nationale, XVe législature, n° 1336, 17 octobre 2018, tome II, commentaire de l’article 50.

([298]) Documents annexés au projet de loi de finances pour 2019, projet annuel de performances du programme 109 Aide à laccès au logement.

([299]) Décret n° 2018-836 du 3 octobre 2018 portant revalorisation du montant forfaitaire de la prime d’activité et réduction de l’abattement appliqué aux revenus professionnels.

([300])  Décret n° 2018-836 du 3 octobre 2018 précité.

([301]) Il n’a pas été possible d’obtenir d’éléments plus fins sur l’impact « microéconomique » de ces modifications selon le profil des travailleurs.

([302]) Évaluations préalables des articles du projet de loi, page 543.

([303]) Stella Dupont, Rapport sur le projet de loi de finances pour 2010, Annexe  41 : Solidarité, insertion et égalité des chances, Assemblée nationale, XVe législature, n° 1302, 11 octobre 2018.

([304]) Évaluations préalables des articles du projet de loi, page 543.

([305]) Évaluations préalables des articles du projet de loi, page 544.

([306]) Audition de Mme Agnès Buzyn et examen des crédits de la mission Santé et de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances, réunion de la commission des affaires sociales, 31 octobre 2018.

([307]) Amendement n° II-1541adopté lors de la séance du jeudi 8 novembre 2018.

([308]) Amendement n° II-1596 adopté lors de la séance du jeudi 8 novembre 2018.

([309]) Documents annexés au projet de loi de finances pour 2019, projet annuel de performances du programme n° 157 Handicap et dépendance, page 57.

([310]) Cet article est également commenté dans le rapport de Stella Dupont précité.

([311]) Loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit.

([312]) Arrêté du 26 avril 2018 portant approbation de la convention constitutive du groupement d’intérêt public « #France 2023 ».

([313]) Cour des comptes, Les soutiens publics à lEuro 2016 en France, septembre 2017 (lien).

([314]) Loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007.

([315]) Loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014.

([316]) Décret n° 2015-910 du 23 juillet 2015 fixant la liste des compétitions sportives internationales organisées en France bénéficiaires du régime fiscal prévu à l’article 1655 septies du code général des impôts.

([317]) En vertu du 5° du II de l’article 34 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

([318]) Conformément au 7° de l’article 54 de la LOLF.

([319]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([320]) Loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017.

([321]) Loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

([322]) Assemblée nationale, XVe législature, deuxième séance du vendredi 8 décembre 2007, voir les débats à l’article 33 (lien).

([323]) Loi n° 53-80 du 7 février 1953 relative au développement des dépenses d’investissement pour 1953, article 34.

([324]) Loi n° 67-1172 du 22 décembre 1967 de finances rectificative pour 1967, article 20.

([325]) Loi n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 de finances rectificative pour 2003.

([326]) M. Gilles Carrez, Rapport sur le projet de loi de finances rectificative pour 2003, Assemblée nationale, XIIe législature, n° 1266, tome II, 2 décembre 2003, page 85 (lien).

([327]) Convention du 31 décembre 1958.

([328]) Initialement, l’Unédic désignait l’Union nationale interprofessionnelle pour l’emploi dans l’industrie et le commerce.

([329]) Article L. 5427-1 du code du travail.

([330]) Unédic, Perspectives financières de lassurance chômage 2018-2021, juin 2018 (lien).

([331]) Unédic, Perspectives financières de lassurance chômage 2018-2021, juin 2018 (lien).

([332]) Loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004.

([333]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([334]) Loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010, article 97 ; loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011, article 85 ; loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, article 80 ; loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013, article 75 ; loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014, article 111 ; loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015, article 105 ; loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016, article 122 ; loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017, article 82.

([335])  Compte générale de l’État, 2017, page 170 (lien).

([336]) Loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017.

([337]) Cf. loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.

([338]) Loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018.

([339]) Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

([340]) Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.

([341]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

([342]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

([343]) INSEE, « Les créateurs d’entreprises : la frontière entre salariat et entreprenariat s’atténue », Insee Première, n° 1701, juin 2018.

([344]) Groupe Caisse des Dépôts, Rapport dactivité et de développement durable 2017, page 33.

([345]) Loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale.

([346]) Loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016, article 144.

([347]) Annexe au projet de loi de finances pour 2019, Projet annuel de performances Mission Travail et emploi, page 119.

([348]) Loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009.

([349]) Arrêté du 31 mars 2010 pris pour lapplication de larticle 101 de la loi  2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009.

([350]) Inspection général des finances, inspection générale des affaires sociales, Évaluation du dispositif NACRE, octobre 2013.

([351]) Loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012.

([352]) Loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015.

([353]) Site internet de Bpifrance, rubrique garantie rehaussée (lien).

([354]) Discours du Premier ministre sur la « Stratégie du Gouvernement en matière de commerce extérieur », 23 février 2018.

([355]) Commission européenne, C(2015) 3046, Aide d’État n° SA.39690 (2015/N) – France Extension du champ d’activité de SFIL/CAFFIL au financement des crédits à l’exportation, 5 mai 2015.

([356]) Site internet AID – Banque mondiale (lien).

([357]) AID, Rapport des Administrateurs de lAssociation internationale de développement au Conseil des Gouverneurs, Augmentation des ressources de lIDA : dix-huitième reconstitution, IDA-18 : Perspective 2030 Investir dans la croissance, la résilience et les opportunités, approuvé par les Administrateurs de l’IDA le 12 janvier 2017.

([358]) Annexe au projet de loi de finances pour 2019, Aide publique au développement, page 25.

([359]) Rapport annuel 2017 du FIDA, page 3.

([360]) Annexe au projet de loi de finances pour 2019, Mission Aide publique au développement, page 35.

([361]) DG Trésor – Ministère de l’économie et des finances, Évaluation rétrospective du partenariat de la France avec le Fonds international de développement agricole (FIDA), Restitution 17 novembre 2017 (lien).

([362]) Rapport n° 1302, annexe n° 6 : http://www.assemblee-nationale.fr/15/budget/plf2019/b1302-tIII-a6.asp.

([363]) Rapport n° 1302, annexe n° 7 : http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/budget/plf2019/b1302-tIII-a7.pdf.

([364]) Rapport n° 1302, annexe n° 8 : http://www.assemblee-nationale.fr/15/budget/plf2019/b1302-tIII-a8.asp.

([365]) Loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

([366]) Rapport n° 1302, annexe n° 16 : http://www.assemblee-nationale.fr/15/budget/plf2019/b1302-tIII-a16.asp.

([367]) Rapport n° 1302, annexe n° 16 : http://www.assemblee-nationale.fr/15/budget/plf2019/b1302-tIII-a16.asp.

([368]) Loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes.

([369]) Rapport n° 1302, annexe n° 23 : http://www.assemblee-nationale.fr/15/budget/plf2019/b1302-tIII-a23.asp.

([370]) Rapport n° 1302, annexe n° 34 : http://www.assemblee-nationale.fr/15/budget/plf2019/b1302-tIII-a34.asp.

([371]) Rapport n° 1302, annexe n° 36 : http://www.assemblee-nationale.fr/15/budget/plf2019/b1302-tIII-a36.asp.

([372]) Rapport n° 1302, annexe n° 36 : http://www.assemblee-nationale.fr/15/budget/plf2019/b1302-tIII-a36.asp.

([373]) Rapport n° 1302, annexe n° 36 : http://www.assemblee-nationale.fr/15/budget/plf2019/b1302-tIII-a36.asp.

([374]) Rapport n° 1302, annexe n° 41 : http://www.assemblee-nationale.fr/15/budget/plf2019/b1302-tIII-a41.asp.

([375]) Rapport n° 1302, annexe n° 41 : http://www.assemblee-nationale.fr/15/budget/plf2019/b1302-tIII-a41.asp.

([376]) Rapport n° 1302, annexe n° 43 : http://www.assemblee-nationale.fr/15/budget/plf2019/b1302-tIII-a43.asp.

([377]) Rapport n° 1302, annexe n° 20 : http://www.assemblee-nationale.fr/15/budget/plf2019/b1302-tIII-a20.asp.