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Nos 1396 et 1397

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 novembre 2018

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LES PROJETS DE LOI ORDINAIRE ET ORGANIQUE, ADOPTÉS PAR LE SÉNAT APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE,
 

de programmation 2019-2022 et de réforme pour la justice (n° 1349) et relatif au renforcement de lorganisation des juridictions (n° 1350),

 

 

PAR Mme Laetitia AVIA et M. Didier PARIS

Députés

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TOME I

SYNTHÈSE ET COMMENTAIRES DARTICLES

 

 

Voir les numéros :

                        Sénat :  463 (2017-2018), 11, 13 et T.A. 7 (2018-2019)

Assemblée nationale :  1349 et 1350.


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  SOMMAIRE

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Pages

AVANT-PROPOS............................................ 19

SYNTHÈSE

I. PRÉSENTATION SYNTHÉTIQUE DES projets de loi initiaux

A. LE PROJET DE LOI ORDINAIRE

1. Les orientations et la programmation de la justice (titre Ier)

2. La simplification et lamélioration de la procédure civile et administrative (titre II)

3. Lallègement des charges des juridictions administratives (titre III)

4. La simplification et le renforcement de lefficacité de la procédure pénale (titre IV)

5. Le renforcement de lefficacité et du sens de la peine (titre V)

6. La modification de lorganisation des juridictions (titre VI)

B. LE PROJET DE LOI ORGANIQUE

II. PRINCIPALES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LE SÉNAT

A. LE PROJET DE LOI ORDINAIRE

1. Le volet programmation

2. Les dispositions relatives à la procédure civile et administrative

3. Les dispositions relatives à la procédure pénale

4. Les dispositions relatives aux peines

5. Lorganisation judiciaire

B. LE PROJET DE LOI ORGANIQUE

III. PRINCIPAUX APPORTS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS

A. Le projet de loi ORDINAIRE

1. Apport n° 1 : redéfinir des orientations pluriannuelles crédibles et garantir de véritables moyens dévaluation parlementaire

2. Apport n° 2 : aménager les procédures civile et administrative dans un objectif defficacité

3. Apport n° 3 : simplifier réellement la procédure pénale sans renoncer à la garantie des droits

4. Apport n° 4 : mieux protéger et lutter contre le terrorisme

5. Apport n° 5 : moderniser et personnaliser les peines

6. Apport n° 6 : traduire les travaux de la Commission sur les prisons

7. Apport n° 7 : penser la réforme de laide juridictionnelle

8. Apport n° 8 : adapter lorganisation juridictionnelle aux enjeux territoriaux

B. Le projet de loi organique

CONTRIBUTION DE M. JEAN-LOUIS MASSON,  RAPPORTEUR SUR LA MISE EN APPLICATION DE LA LOI

Examen des articles du projet de loi

titre Ier DISPOSITIONS RELATIVES AUX Objectifs de la Justice et À LA programmation financière

Article 1er Programmation financière et approbation du rapport annexé

Article 1er bis Programmation de la progression du nombre des conciliateurs de justice

Article 1er ter Rapport annuel au Parlement sur lexécution de la présente loi

Titre II SIMPLIFIER LA PROCÉDURE CIVILE ET ADMINISTRATIVE

Sous-titre Ier Redéfinir le rôle des acteurs du procès

Chapitre Ier Développer la culture du règlement alternatif des différends

Article 2 (art. 22-1, 22-2 et 22-3 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à lorganisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative et art. 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle) Développement du recours aux modes alternatifs de règlement des différends

Article 3 (art. 4-1 à 4-7 [nouveaux] de la loi  2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle) Encadrement juridique et certification des services en ligne de résolution amiable des litiges

Chapitre II Étendre la représentation obligatoire

Article 4 (art. 2 de la loi n° 20071787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit ; art. L. 14531 A [nouveau] du code du travail ; art. 364 [nouveau] du code des douanes ; art. L. 1214 du code des procédures civiles dexécution ; art. 12 de la loi n° 20161547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle) Extension de la représentation obligatoire

Chapitre III Repenser loffice des juridictions

Article 5 (art. 46, 311-20 et 317 du code civil, art. L. 2141-6, L. 2141-10 et L. 2141-10 du code de la santé publique, art. 4 de la loi n° 68-671 du 25 juillet 1968 relative à létat civil des Français ayant vécu en Algérie ou dans les anciens territoires français doutre-mer ou sous tutelle devenus indépendants, loi du 20 juin 1920 ayant pour objet de suppléer par des actes de notoriété à limpossibilité de se procurer des expéditions des actes de létat civil dont les originaux ont été détruits ou sont disparus par suite de faits de guerre et art. 1er et 2 de lordonnance n° 62-800 du 16 juillet 1962 facilitant la preuve des actes de létat civil dressés en Algérie) Compétence des notaires pour délivrer certains actes de notoriété et recueillir le consentement dans le cadre dune assistance médicale à la procréation avec tiers donneur

Article 6 Modalités de révision des pensions alimentaires

Article 7 (art. 1397 du code civil) Allégement des conditions dans lesquelles les époux  peuvent modifier leur régime matrimonial

Article 8 (art. 116, 427, 431, 459, 500, 501, 507, 507-1 et 836 du code civil ; art. L. 1323 du code des assurances ; art. L. 2235 du code de la mutualité)  Suppression du contrôle préalable du juge pour certains actes relevant  de la responsabilité du tuteur dune personne protégée

Article 8 bis (art. 63, 174, 175, 249, 2491 [abrogé], 2493, 2494, 460 et 462 du code civil)  Droits matrimoniaux dune personne protégée

Article 8 ter (art. L. 5 [abrogé], L. 64, L. 721 [nouveau], L. 111, L. 3871 [nouveau] et L. 388 du code électoral)  Droit de vote dune personne protégée

Article 8 quater (art. 26 de la loi n° 2015177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires extérieures)  Durée légale avant le réexamen des mesures de protection

Article 9 Compétence de la Caisse des dépôts et consignations pour la gestion de certaines sommes saisies ou consignées et leur répartition entre créanciers

Article 9 bis (art. L. 1251, L. 3115, L. 3221, L. 3224 et L. 4332 du code des procédures civiles dexécution) Procédure de saisie et de vente immobilière

Article 9 ter (art. L. 21111 [nouveau] et L. 52311 [nouveau] du code des procédures civiles dexécution ; art. L. 151 A du livre des procédures fiscales)  Transmission électronique des saisies-attribution et des saisies conservatoire

Article 10 Modernisation des modalités de délivrance des apostilles et légalisations

Article 10 bis (art. L. 6512 du code de la construction et de lhabitation) Allégement du rôle des parquets généraux dans les procédures de changement irrégulier dusage dun local

Article 10 ter (art. L. 33323 et L. 333241 du code de la santé publique) Contrôle des débits de boissons

Article 11 (art. L. 444-2, L. 444-7 et L. 9501 du code de commerce) Révision des critères de détermination des tarifs des professions réglementées du droit et du dispositif des remises

Article 11 bis (art. 45 de lordonnance n° 451418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels) Prestation de serment des officiers publics et ministériels

Sous-titre II Assurer lefficacité de linstance

Chapitre Ier Simplifier pour mieux juger

Article 12 (art. 233, 238, 246, 247-2, 251 à 254, 257, 262-1, 311-20, 313, 375-3 et 515-12 du code civil, art. L. 441-1 du code de la construction et de lhabitation et art. L. 2141-2 du code de la santé publique) Réforme de la procédure de divorce contentieux

Article 12 bis A (art. 238 du code civil) Réduction du délai de séparation requis pour constater la cessation de la vie commune entre les époux

Article 12 bis (art. 296, 298, 301, 303 et 307 du code civil) Alignement du régime procédural de la séparation de corps sur celui du divorce par consentement mutuel

Article 12 ter (art. 1175 du code civil) Autorisation de la signature électronique dans la procédure de divorce par consentement mutuel

Article 13 (art. L. 212-5-1 et L. 212-5-2 [nouveaux] du code de lorganisation judiciaire) Procédure sans audience devant le tribunal de grande instance et procédure dématérialisée de règlement des litiges de faible montant

Article 14 (art. L. 211-17 et L. 211-18 [nouveaux] du code de lorganisation judiciaire) Traitement dématérialisé des injonctions de payer par une juridiction à compétence nationale

Article 15 Habilitation à légiférer par voie dordonnance pour harmoniser les procédures au fond à bref délai devant les juridictions judiciaires

Chapitre II Simplifier pour mieux protéger

Article 16 (art. 428, 483, 494-1, 494-3, 494-5 à 494-11 du code civil) Assouplissement de lhabilitation familiale

Article 17 (art. 486, 503, 511 à 513, 513-1 [nouveau] et 514 du code civil) Réforme des modalités dinventaire et de contrôle des comptes de gestion des personnes protégées

Article 18 (art. 373-2, 373-2-6 et 373-2-10 du code civil) Renforcement de lexécution des décisions du juge aux affaires familiales en matière dautorité parentale

Article 18 bis (art. 373-2-9-1 [nouveau] du code civil) Attribution du logement par le juge aux affaires familiales en cas de séparation de parents non mariés

Chapitre III Concilier la publicité des décisions de justice  et le droit au respect de la vie privée

Article 19 (art. L. 153-1 du code de commerce, L. 10, L. 10-1 [nouveau], L. 751-1 [nouveau], L. 751-2 [nouveau] et L. 751-4 du code de justice administrative, L. 111-11-1 à L. 111-11-4 [nouveaux] et L. 111-13 du code de lorganisation judiciaire, 11-1 à 11-3 de la loi n° 72626 du 5 juillet 1972 instituant un juge de lexécution et relative à la réforme de la procédure civile et 8 et 9 de la loi n° 7817 du 6 janvier 1978 relative à linformatique, aux fichiers et aux libertés) Encadrement et harmonisation des régimes  de diffusion des décisions de justice

titre II bis dispositions relatives aux juridictions commerciales

Article 19 bis (art. 713-7, 713-11, 723-4 et 723-7 du code de commerce) Élargissement du corps électoral des tribunaux de commerce

Article 19 ter (art. 234-1, 611-2, 611-2-1 [abrogé], 611-3, 611-4, 611-5, 621-2, 640-5, 662-3, 662-6, 713-6, 713-7, 713-11, 713-12, 721-1, 721-2, 721-3, 721-3-1, 721-4, 721-5 [abrogé], 721-6, 721-7, 721-8, 722-1, 722-2, 722-3, 722-3-1, 722-4, 722-5, 722-6, 722-6-1, 722-6-2, 722-6-3, 722-7, 722-8, 722-9, 722-10, 722-11, 722-12, 722-13, 722-14, 722-15, 722-16, 722-17, 722-18, 722-19, 722-20, 722-21, 723-1, 723-3, 723-4, 723-7, 723-9, 723-10, 723-11, 723-12, 724-1, 724-1-1, 724-2, 724-3, 724-3-1, 724-3-3, 724-4, 724-7, 731-2, 731-4, 732-1, 732-2, 732-3, 732-4, 732-5, 732-6, 732-7, 741-1, 741-2, 742-1, 742-2, 743-1, 743-2, 743-3, 743-4, 743-5, 743-6, 743-7, 743-8, 743-12, 743-12-1, 743-13, 743-14, 743-15, 744-1 et 744-2 du code de commerce, art. 351-2 du code rural et de la pêche maritime, art. 215-1 et 261-1 du code de lorganisation judiciaire, art.  145 A du livre des procédures fiscales et art. 2315-74, 2325-55 et 7322-5 du code du travail) Nouvelle dénomination et élargissement du champ de compétence des juridictions consulaires

Article 19 quater (art. 145-56, 622-14-1 [nouveau] et 721-3-2 [nouveau] du code de commerce) Extension de la compétence du tribunal de commerce aux litiges entre entreprises relatifs aux baux commerciaux

titre III dispositions relatives aux JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

Chapitre Ier Alléger la charge des juridictions administratives

Article 20 A (art. 54 A [nouveau] de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971) Définition de la consultation juridique

Article 20 (art. 5 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016) Allongement de la durée de lexpérimentation de la médiation préalable obligatoire dans certains litiges

Article 21 (art. 222-2-2, 222-2-3, 222-5, 222-6 [nouveaux] et 222-2-1 du code de justice administrative) Élargissement et encadrement du recours à des magistrats honoraires

Article 22 (art. 122-3 et 228-1 du code de justice administrative) Création dune fonction de juriste assistant au sein des juridictions administratives

Article 22 bis (art. 213-5 du code de justice administrative) Assouplissement des conditions de mobilité des magistrats administratifs

Article 23 (art. 133-7 [nouveau], 233-7, 233-8 du code de justice administrative et art. 1er de la loi n° 86-1304 du 23 décembre 1986) Encadrement du maintien en activité de magistrats administratifs au-delà de la limite dâge

Chapitre II Renforcer l’efficacité de la justice administrative

Article 24 (art. 511-2 du code de justice administrative) Possibilité de recourir à la collégialité en matière de référés précontractuels et contractuels

Article 25 (art. 911-1, 911-2, 911-3, 911-4, 911-5 du code de justice administrative et art. 2333-87, 2333-87-3 et 2333-87-8-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) Mesures permettant de renforcer leffectivité des décisions de justice administratives

Article 25 bis A (art. 611-1, 77-13-1, 77-13-2 [abrogé] et 775-2 [abrogé] du code de justice administrative) Protection du secret des affaires

Article 25 bis (art. L. 228-2 et L. 228-5 du code de la sécurité intérieure et  L. 773-10 [nouveau] du code de justice administrative) Contestation devant le juge administratif des mesures  individuelles de contrôle administratif et de surveillance

Article 25 ter (art. L. 229-1, L. 229-4 et L. 229-5 du code de la sécurité intérieure) Extension du régime procédural prévu pour la saisie administrative de données et supports informatiques aux documents saisis

Article 25 quater (art. L. 285-1, L. 286-1, L. 287-1 et L. 288-1 du code de la sécurité intérieure) Application outre-mer des articles 25 bis et 25 ter

TITRE IV DISPOSITIONS PORTANT SIMPLIFICATION ET RENFORCEMENT  DE LEFFICACITÉ DE LA PROCÉDURE Pénale

Chapitre Ier Dispositions relatives au parcours judiciaire des victimes

Article 26 (art. 10-2, 15-3, 15-3-1 [nouveau], 40-4-1, 89, 391, 393-1, 420-1 et 706-57 du code de procédure pénale) Amélioration du parcours judiciaire de la victime

Article 26 bis (art. 707 du code de procédure pénale) Information de la victime sur les modalités  dexécution dune peine privative de liberté

Article 26 ter  (art. L. 217-5 [nouveau] du code de lorganisation judiciaire, 706-16-1 et 706-16-2 [nouveaux]  du code de procédure pénale et L. 422-1-1 [nouveau] et L. 422-2 du code des assurances) Simplification et sécurisation du parcours procédural  dindemnisation des victimes dactes de terrorisme

Chapitre II Dispositions relatives aux phases denquête et dinstruction

Section 1 Dispositions communes aux enquêtes et à linstruction

Sous-section 1 Dispositions relatives au recours aux interceptions par la voie des communications électroniques, à la géolocalisation, à lenquête sous pseudonyme et aux techniques spéciales denquête

Article 27 (art. 60-4, 77-1-4 [nouveaux], 100, 100-1, 230-32 à 230-35, 230-45,  706-1-1, 706-1-2, 706-72, 70695, 706-95-5 à 706-95-10 et  709-1-3 du code de procédure pénale et 67 bis 2 du code des douanes) Mise en cohérence des dispositions relatives aux interceptions des communications électroniques et à la géolocalisation

Article 28 (art. 230-46 [nouveau] du code de procédure pénale, 706-2-2, 706-2-3, 706-35-1, 706-47-3,  706-72 et 706-87-1 du code de procédure pénale) Harmonisation du cadre applicable à lenquête sous pseudonyme

Article 29 (art. 230-45, 706-95-1, 706-95-2, 706-95-4, 706-95-11 à 706-95-20 [nouveaux] et 706-96 à 7061029 du code de procédure pénale et 226-3 du code pénal) Uniformisation du régime applicable à  certaines techniques spéciales denquête

Sous-section 2 Dispositions relatives au statut et aux compétences des officiers, fonctionnaires et agents exerçant des missions de police judiciaire

Article 30 (art. 16, 18, 21, 28, 60, 601, 602, 603, 762, 771, 7711 à 7713 et 3901 du code de procédure pénale ; art. 3651 du code des douanes ; art. L. 1307 du code de la route) Statut et compétence de la police judiciaire

Sous-section 3 Dispositions relatives à la garde à vue

Article 31 (art. 63, 63431, 7061121 [nouveau] et 706113 du code de procédure pénale) Simplification du régime de la garde à vue

Article 31 bis (art. 104, 153 et 612 du code de procédure pénale) Assistance de la victime par un avocat dès le dépôt de plainte

Section 2 Dispositions propres à lenquête

Sous-section 1 Dispositions étendant les pouvoirs des enquêteurs

Article 32 (art. 53, 561, 76, 78, 7822 et 8022 [nouveau] du code de procédure pénale ; art.  64 du code des douanes ; art. 41 du code des douanes de Mayotte ; art. L. 62112 du code monétaire et financier ; art. L. 16 B et L. 38 du livre des procédures fiscales) Extension des pouvoirs des enquêteurs

Article 32 bis (art. 66, 155 [abrogé], 4952, 5306,70657 et 8011 du code de procédure pénale) Procédure orale pour la répression de certaines infractions prévues par le code de la route

Article 32 ter Rapport sur le recours aux données issues des objets connectés dans le cadre du traitement juridique dune affaire

Sous-section 2 Dispositions diverses de simplification

Article 33 (art. 43 et 60 du code de procédure pénale ; art. L. 2344, L. 2345, L. 2349 et L. 2352  du code de la route) Dispositions diverses de simplification

Section 3 Dispositions propres à linstruction

Sous-section 1 Dispositions relatives à louverture de linformation

Article 34 (art. 805 [nouveau], 85, 86, 173, 3921 et 706242 [abrogé] du code de procédure pénale) Continuité des actes denquête lors de la saisine du juge dinstruction et recevabilité des plaintes avec constitution de partie civile

Sous-section 2 Dispositions relatives au déroulement de linstruction

Article 35 (art. 81, 97, 1426, 1427, 70671 et 884 du code de procédure pénale ; art. 511 [nouveau] de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse) Mesures diverses de simplification du déroulement de linstruction

Article 35 bis (art. 14542 [nouveau] du code de procédure pénale ; art. 40 de la loi n° 20091436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire) Droit de correspondance des personnes placées en détention provisoire

Sous-section 3 Dispositions relatives à la clôture et au contrôle de linstruction

Article 36 (art. 414, 416, 841, 891, 116, 1701 [nouveau], 173, 175, 1751, 1792, 1801, 185, 186-3, 706119, 706153 et 778 du code de procédure pénale) Dispositions relatives à la clôture et au contrôle de linstruction

Chapitre III Dispositions relatives à laction publique et au jugement

Section 1 Dispositions relatives aux alternatives aux poursuites et aux poursuites

Article 37 A (art. 559 du code de procédure pénale) Citation à parquet

Sous-section 1 Dispositions clarifiant et étendant la procédure de lamende forfaitaire

Article 37 (art. L. 33533 et L. 34211 du code de la santé publique ; art. 4461 du code pénal ; art. L. 33155 du code des transports ; art. 49517, 49519, 49520, 49521, 49523 [abrogé], 5307 [abrogé], 768, 7681, 769, 775 et 7773 du code de procédure pénale ; art. L. 1215 et L. 32512 du code de la route) Extension du champ dapplication de lamende forfaitaire délictuelle

Sous-section 2 Dispositions relatives aux alternatives aux poursuites, à la composition pénale et à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité

Article 38 (art. 411, 4111 [abrogé], 412, 4131 A [nouveau], 4958, 49510 et 495111 [nouveau] du code de procédure pénale ; art. 642 de la loi n° 91647 du 10 juillet 1991 relative à laide juridique ; art. 233 de lordonnance n° 921147 du 12 octobre 1992 relative à laide juridictionnelle en matière pénale en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna) Dispositions relatives aux alternatives aux poursuites, à la composition pénale et à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité

Section 2 Dispositions relatives au jugement

Sous-section 1 Dispositions relatives au jugement des délits

Article 39 (art. 80, 3885, 393, 3931, 394, 39711 [nouveau], 3972, 3977 et 49510 du code de procédure pénale) Dispositions relatives au tribunal correctionnel

Article 40 (art. 3981, 495, 4951 et 4953 du code de procédure pénale ; art. L. 1633 du code monétaire et financier) Extension du champ dapplication de la procédure de jugement à juge unique et de lordonnance pénale

Article 41 (art. 502, 509, 510 et 512 du code de procédure pénale) Effet dévolutif de lappel en matière correctionnelle et formation à juge unique de la chambre des appels correctionnels

Sous-section 2 Dispositions relatives au jugement des crimes

Article 42  (art. 281, 3161 [nouveau], 331, 332, 3651, 3711 [nouveau], 38021 A [nouveau], 68911 et 6986 du code de procédure pénale) Mesures de simplification du procès dassises et expérimentation du tribunal criminel départemental

Chapitre IV (nouveau) Dispositions relatives au terrorisme et au crime organisé

Article 42 bis AA (art. L. 217-5 [nouveau] du code de lorganisation judiciaire, 706-16-1 et 706-16-2 [nouveaux]  du code de procédure pénale, L. 422-1-1 [nouveau] et L. 422-2 du code des assurances, L. 169-4  et L. 169-10 du code de la sécurité sociale et 9-2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à laide juridique) Simplification et sécurisation du parcours procédural  dindemnisation des victimes dactes de terrorisme

Article 42 bis AB (art. L. 228-2 et L. 228-5 du code de la sécurité intérieure et  L. 773-10 [nouveau] du code de justice administrative) Contestation devant le juge administratif des mesures  individuelles de contrôle administratif et de surveillance

Article 42 bis AC (art. L. 229-1, L. 229-4 et L. 229-5 du code de la sécurité intérieure) Extension du régime procédural prévu pour la saisie administrative de données et supports informatiques aux documents saisis

Article 42 bis A (art. 421-2-6 du code pénal) Modification de la définition du délit dentreprise individuelle terroriste

Article 42 bis B (art. 706-75, 706-77, 706-80, 706-80-1 [nouveau] et 706-80-2 [nouveau] du code de procédure pénale et 67 bis, 67 bis-3 [nouveau] et 67 bis-4 [nouveau] du code des douanes) Clarification du cadre procédural applicable aux opérations de surveillance en matière de criminalité et de délinquance organisées

Article 42 bis C (art. L. 122-3, L. 213-12 [nouveau], L. 217-1 à L. 217-4 et L. 217-5 [nouveau]  du code de lorganisation judiciaire, 41, 628 à 628-3, 628-10, 702, 706-17 à 706-17-2,  706-18, 706-19, 706-22-1, 706-25 et 706-168 à 706-170 du code de procédure pénale  et L. 225-2, L. 225-3, L. 228-2 à L. 228-5 et L. 229-1 du code de la sécurité intérieure) Organisation judiciaire en matière de lutte contre le terrorisme

Chapitre V Dispositions relatives à la cassation

Article 42 bis (art. 567, 584 et 585 [abrogés], 5851, 586, 588, 5901 et 858 [abrogé] du code de procédure pénale ; art. 58 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; art. 49 [abrogé] de la loi du 27 juin 1983 rendant applicable le code pénal, le code de procédure pénale et certaines dispositions législatives dans les territoires doutre-mer) Représentation obligatoire devant la chambre criminelle de la Cour de cassation

Chapitre VI (nouveau) Dispositions relatives à l’entraide internationale

Article 42 ter (art. 230-19, 694-31, 695-26, 696-9-1, 696-47-1 nouveau et 696-73 du code de procédure pénale, 227-4-2 du code pénal et 64 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à laide juridique) Dispositions relatives à lentraide pénale internationale

TITRE V RENFORCER Lefficacité et le sens de la peine

Chapitre Ier Dispositions relatives aux peines encourues et au prononcé de la peine

Article 43 (art. 131-3, 131-4-1, 131-5-1, 131-6 à 131-8, 131-9, 131-16, 131-22, 131-35-1, 131-35-2,  131-36, 2218, 222-44, 22245, 223-18, 224-9, 225-19, 225-20, 227-29, 227-32, 311-14,  312-13, 321-9, 322-15 et 712-1 A [nouveau] du code pénal, 709-1-1 et 709-1-3 du code de  procédure pénale, L. 3421-1 et L. 3353-3 du code de la santé publique, 202-1 [nouveau],  2041 et 20-5 de lordonnance n° 45174 du 2 février 1945 relative à lenfance délinquante,  24, 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et 3 de la loi n° 2010-1192  du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans lespace public) Renforcement de la cohérence et de lefficacité des peines correctionnelles

Article 43 bis (art. 131-30-3 [nouveau] du code pénal) Peine obligatoire complémentaire dinterdiction du territoire français pour tous les délits et crimes punis dau moins cinq ans demprisonnement

Article 43 ter (art. 132-16-5 du code pénal) Systématisation de laggravation de la peine  à raison de létat de récidive légale

Article 43 quater (art. 132-29, 132-35 à 132-39, 132-42, 132-47 à 132-50 du code pénal  et 735 et 735-1 du code de procédure pénale) Révocation automatique et intégrale du sursis simple et  modification des règles de révocation du sursis avec mise à lépreuve

Article 44 (art. 41 et 81 du code de procédure pénale et 132-70-1 du code pénal) Amélioration de la connaissance de la personnalité  du prévenu par le tribunal correctionnel

Article 45 (art. 132-1, 132-17, 132-19 et 132-25 à 132-27 du code pénal, 464-2 [nouveau], 465-1, 474, 723-7, 723-7-1, 72313, 723-15, 723-15-1, 723-17, 723-17-1 et 747-2 du code de procédure pénale  et 22 de lordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à lenfance délinquante) Modification des conditions du prononcé des peines demprisonnement ferme

Article 45 bis A (art. 717-1, 721 à 721-2, 723-29 du code de procédure pénale, 132-24 du code pénal et 41 de la loi  2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales) Suppression du crédit « automatique » de réduction de peine

Article 45 bis B (art. 785 du code de procédure pénale) Allongement du délai de demande de réhabilitation judiciaire  après le décès de la personne condamnée

Article 45 bis (art. 709-2 du code de procédure pénale) Élargissement du contenu et de la publicité  du rapport annuel sur lexécution des peines

Article 45 ter A (art. L. 132-5 du code de la sécurité intérieure) Débat sur lexécution des peines et la prévention de la récidive  en conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance

Article 45 ter B (art. L. 132-13 du code de la sécurité intérieure) Débat sur lexécution des peines et la prévention de la récidive  en conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance

Article 45 ter (art. 131-36-1 à 131-36-4, 221-9-1, 221-15, 222-48-1, 222-65, 224-10, 227-31  et 421-8 du code pénal et 763-3, 763-5 et 763-10 du code de procédure pénale) Élargissement du champ dapplication du suivi socio-judiciaire

Article 45 quater (art. 731-1 du code de procédure pénale) Assouplissement des conditions de placement sous surveillance  électronique mobile dans le cadre dune libération conditionnelle

Chapitre II Dispositions relatives à la probation

Article 46 (art. 131-4-1, 131-4-2 à 131-4-8 [nouveaux], 132-40 à 132-57 et 132-64 du code pénal,  230-19, 7201, 720-1-1, 721-2, 723-4, 723-10, 723-30 et 731 du code de procédure pénale,  L. 265-1 du code de justice militaire et 20-4, 20-5 et 20-10 de lordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à lenfance délinquante) Création dun « sursis probatoire »

Article 47 (art. 471, 712-20, 713-42 à 713-49, 713-50 à 713-52 [nouveaux]  et 739 à 747-2 du code de procédure pénale) Rôle du service pénitentiaire dinsertion et de probation et du juge de lapplication des peines dans la mise en œuvre du sursis probatoire

Chapitre III Dispositions relatives à lexécution des peines

Article 48 (art. 713-42 à 713-49 du code de procédure pénale) Modalités dexécution de la peine de  détention à domicile sous surveillance électronique

Article 48 bis (art. 733 du code de procédure pénale) Modification des conditions doctroi de la libération conditionnelle

Article 49 (art. 720 du code de procédure pénale) Systématisation de la libération sous contrainte aux deux tiers des peines demprisonnement inférieures ou égales à cinq ans

Article 49 bis A (art 723-6-1 nouveau du code de procédure pénale) Agrément et conventionnement des structures  faisant du placement à lextérieur

Article 49 bis (art. 723-19 du code de procédure pénale) Rétablissement de la surveillance électronique de fin de peine

Article 50 (art. 48-1, 706-54, 706-54-1 [nouveau], 706-56-1-1, 710, 711, 712-4-1 [nouveau], 712-5,  723-1, 723-3, 723-7, 730-2 et 747-1 à 747-2 du code de procédure pénale) Simplification de diverses modalités dexécution de peines

Article 50 bis A (art. 147-1, 720-1-1 et 729 du code de procédure pénale) Suspension de peine ou remise en liberté médicales pour  les personnes détenues hospitalisées sans leur consentement

Article 50 bis (art. 707-1-1 [nouveau] du code de procédure pénale) Création dune Agence de lexécution des peines

Chapitre III bis  Du droit de vote des détenus

Article 50 ter Expérimentation du droit de vote des détenus par correspondance

Chapitre III ter Dispositions pénitentiaires

Article 50 quater (art. 714, 717 et 726-2 du code de procédure pénale) Conditions de détention des personnes prévenues dangereuses

Chapitre IV Favoriser la construction détablissements pénitentiaires

Article 51 (art. 100 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire) Allégement des formalités préalables à la construction de prisons

Article 51 bis (art. 4, 39 et 40 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire) Isolement électronique des détenus

Article 51 ter (art. 35 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire) Palpations systématiques des visiteurs en détention

Chapitre V Diversifier les modes de prise en charge des mineurs délinquants

Article 52 (art. 33 et 40 de lordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à lenfance délinquante) Amélioration de la préparation à la sortie des mineurs délinquants

TITRE V BIS ACCROÎTRE LA MAÎTRISE DES DÉPENSES DAIDE JURIDICTIONNELLE

Article 52 bis (art. 1635 bis Q du code général des impôts) Rétablissement dune contribution pour laide juridique

Article 52 ter (art. 18-1 [nouveau] de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à laide juridique) Consultation obligatoire dun avocat  avant toute demande daide juridictionnelle

Article 52 quater (art. 21 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à laide juridique) Consultation obligatoire des organismes sociaux par les bureaux daide juridictionnelle pour apprécier les ressources du demandeur

Article 52 quinquies (art. 44 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à laide juridique) Attribution au Trésor public du recouvrement des sommes  à récupérer versées au titre de laide juridictionnelle

Titre VI Renforcer lorganisation des juridictions

Chapitre Ier Améliorer l’efficacité en première instance

Article 53 (art. 121-1, 121-3, 121-4, 122-1, 123-1, 123-4, 211-1, 211-3, 211-4, 211-4-1 [nouveau], 211-4-2 [nouveau], 211-5 [abrogé], 211-6, 211-7, 211-8, 211-9-2, 211-9-3 [nouveau], 211-10, 211-11, 211-11-1, 211-12, 211-13, 211-14, 211-16, 212-1, 212-2, 212-3, 212-4, 212-6, 212-6-1 [nouveau], 212-7 [nouveau], 213-1, 213-2, 213-4-1 [nouveau], 213-4-2 à 213-4-8 [nouveaux], 213-5, 213-6, 213-7, 213-9, 215-1, 215-2 et 215-3 à 215-7 [nouveaux], 216-1, 216-2, 217-1, 217-2, 218-1, 218-6 et 218-10 du code de lorganisation judiciaire, art. 39-4 [nouveau], 52-1, 80 et 712-2 du code de procédure pénale, 1134-10, 1422-1, 1423-11, 1454-2, 1521-3, 2312-15, 2312-46, 2315-74, 2323-4, 2323-39, 2325-38, 2325-40, 2325-55 et 3252-6 [abrogé] du code du travail, 4261-2 et 4262-2 du code des transports)  Réorganisation juridictionnelle et statutaire

Article 53 bis A (art. 148-1 du code de laction sociale et des familles, art. 723-3 du code de commerce, art. 1114-1, 3223-2, 3241-2 et 3844-2 du code de la santé publique, art. 251-4 et 251-6 du code de la sécurité intérieure, 3452-3 du code des transports, art. 3 de la loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse, art. 1651H, 1653F, 1741A du code général des impôts, art. 11-4 du code du patrimoine, art. 332-18 du code du sport, art. 561-39, 612-5, 612-9, 621-2 du code monétaire et financier, art. 327-3 et 327-4 du code de la propriété intellectuelle, art. 228-2 du code de laviation civile, art. 302-9-1-1 du code de la construction et de lhabitation, art. 18 de la loi n° 47585 du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques, art. 6 bis de la loi n° 57-711 du 7 juin 1951 sur lobligation, la coordination et le secret en matière de statistiques, art. 1er et 20 de la loi n° 77-1453 du 29 décembre 1977 accordant des garanties de procédures aux contribuables en matière fiscale et douanière, art. 72 de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption dinnocence et les droits des victimes, art. 2 de lordonnance n° 2009-79 du 22 janvier 2009 créant lAutorité des normes comptables, art. 4 de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à lindemnisation des essais nucléaires français, art. 2 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique et art. 13, 14, 16 [abrogé], 17, 19 et 20 de la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours dappel) Suppression de la participation de magistrats à diverses commissions administratives

Chapitre Ier bis (nouveau) Améliorer lefficacité des juridictions en cas de crise

Article 53 bis B (art. 121-5 et 124-2 [nouveaux] du code de lorganisation judiciaire) Délégation de magistrats exerçant à titre temporaire et de magistrats honoraires et transfert temporaire des services dune juridiction vers une autre commune

Article 53 bis (art. 21 du code civil et art. 2 de la loi n° 2002-306 du 4 mars 2002) Gestion électronique des registres des associations et des associations coopératives de droit local en Alsace-Moselle

Chapitre II Améliorer la cohérence du service public de la justice au niveau des cours d’appel

Article 54 Expérimentation de fonctions danimation et de coordination attribuées à certains chefs de cours dappel et spécialisation de cours dappel en matière civile

Chapitre III Dispositions diverses

Article 55 Habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance pour tirer les conséquences de la réorganisation judiciaire

Article 55 bis (art. 111-5 du code des procédures civiles dexécution) Force exécutoire des actes notariés dressés en Alsace-Moselle au sujet dune prétention ayant pour objet le paiement dune somme dargent déterminée

Titre VII dispositions relatives À lentrÉe en vigueur  et À lapplication outre-mer

Article 56 Modalités particulières dentrée en vigueur de certains articles

Article 57 (art. 4 de lordonnance n° 2012-1222 du 2 novembre 2012 portant extension et adaptation à WallisetFutuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie des dispositions du droit civil et du droit de laction sociale relatives à la protection juridique des majeurs, 711-1 du code pénal, 804 du code de procédure pénale, L. 243-1, L. 243-2, L. 244-1, L. 244-2, L. 245-1 et L. 245-2 du code de la route, L. 3826-3 du code de la santé publique, 69 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et 44 de lordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à lenfance délinquante) Coordinations pour lapplication des dispositions du projet de loi à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française, aux îles Wallis et Futuna et aux Terres australes et antarctiques françaises

Examen des articles du projet de loi organique

Titre Ier DISPOSITIONS RELATIVES AU Statut de la magistrature

Article 1er A (art. 2 de lordonnance n° 581270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) Durées minimale et maximale daffectation des magistrats au sein dune même juridiction

Article 1er B (art. 21 [nouveau] de lordonnance n° 581270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) Règle de mobilité des magistrats au terme de leur durée maximale daffectation au sein dune même juridiction

Article 1er (art. 3 et 3-1 de lordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) Suppression de la fonction de premier vice-président chargé du service dun tribunal dinstance

Article 1er bis (art. 32 [nouveau] de lordonnance n° 581270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) Nouvelles possibilités de collaboration entre magistrats du siège

Article 1er ter (art. 121 de lordonnance n° 581270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) Articulation entre les critères de nomination et dévaluation des chefs de juridiction

Article 1er quater (art. 14 de lordonnance n° 581270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) Obligation de formation pour les chefs de cour et de juridiction

Article 1er quinquies (art. 212 [nouveau] de lordonnance n° 581270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) Nouvelles possibilités de collaboration entre magistrats du siège

Article 1er sexies (art. 28 de lordonnance n° 581270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) Durée minimale dexercice des fonctions de conseiller référendaire à la Cour de cassation

Article 1er septies  (art. 281 A et 281 B [nouveaux] de lordonnance n° 581270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) Critères de nomination des chefs de juridiction

Article 1er octies (art. 282 de lordonnance n° 581270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) Durée minimale dexercice des fonctions de chef de juridiction pour les magistrats du premier grade

Article 2 (art. 28-3 de lordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) Suppression de la fonction spécialisée de juge dinstance et création de la fonction de juge des contentieux de la protection

Article 2 bis (art. 37 de lordonnance n° 581270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) Durée minimale dexercice des fonctions de premier président dune même cour dappel

Article 2 ter (art. 371 A et 3811 [nouveaux] de lordonnance n° 581270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) Critères de nomination des chefs de cour

Article 2 quater (art. 381 de lordonnance n° 581270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) Durée minimale dexercice des fonctions de procureur général près une même cour dappel

Article 2 quinquies (art. 382 de lordonnance n° 581270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) Durée minimale dexercice des fonctions de chef de juridiction, pour les magistrats hors hiérarchie

Article 3 (art. 41-10 A de lordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) Impossibilité pour une formation collégiale de comporter une majorité de magistrats honoraires ou à temps partiel

Article 4 (art. 41-10 de lordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) Possibilité pour les magistrats à titre temporaire dexercer leurs fonctions dans les chambres de proximité

Article 5 (art. 41-11 de lordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) Coordination des dispositions relatives au régime des magistrats à titre temporaire avec la suppression du tribunal dinstance et la création de la fonction de juge des contentieux de la protection

Article 6 (art. 41-14 de lordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) Coordination des dispositions relatives au régime des magistrats à titre temporaire avec la suppression du tribunal dinstance

Article 7 (art. 41-26 de lordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) Possibilité pour une formation collégiale de comporter plusieurs magistrats honoraires

Article 7 bis (art. 2, 3, 3-1, 12-1, 13, 28, 28-2, 28-3, 32, 38-2, 41-10, 41-13, 41-14, 41-25, 41-26, 41-28, 41-29, 72-3, 76-1-1 de lordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) Coordinations relatives à la création du tribunal judiciaire

Article 7 ter (art. 38-2 de lordonnance n° 581270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) Coordination relative à la création du parquet national antiterroriste

Titre II Dispositions diverses et transitoires

Article 8 A (art. 1er, 2, 4-1 et 15 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature, art 132 et 384-1 du code électoral et art. 22 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits) Coordinations relatives à la création du tribunal judiciaire

Article 8 (art. 9 de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour lélection du Président de la République et art. 1er de la loi organique n° 2016-1047 du 1er août 2016 rénovant les modalités dinscription sur les listes électorales des Français établis hors de France) Coordinations relatives à la fusion des tribunaux dinstance de Paris et à la création du tribunal judiciaire

Article 9 Coordination pour lexpérimentation du tribunal criminel départemental

Article 9 bis Coordination avec la création du juge des contentieux de la protection

Article 9 ter Situation des magistrats exerçant à titre temporaire à la suite de la suppression des fonctions de juge dinstance et de la fusion des tribunaux dinstance et de grande instance

Article 10 Entrée en vigueur différée de certaines dispositions du projet de loi organique

PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS

ANNEXE : LES CINQ CHANTIERS DE LA JUSTICE

Chantier relatif À la transformation numérique

Chantier relatif À la simplification de la procÉdure pÉnale

Chantier relatif À la simplification de la procÉdure civile

Chantier relatif À ladaptation de lorganisation judiciaire

Chantier relatif au sens et À lefficacitÉ des peines


—  1  —

 

 

 

 

Mesdames, Messieurs,

Seize ans… voilà plus de seize ans que le Parlement adoptait la loi du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice. Aucun Gouvernement n’a, depuis lors, présenté un texte à l’ambition comparable, exception faite de la loi de programmation du 27 mars 2012 mais dont l’objet était cantonné à l’exécution des peines.

Pourtant, nombre de professionnels de la justice, de praticiens et de parlementaires n’ont cessé, depuis lors, d’appeler de leurs vœux la programmation, sur plusieurs années, de l’évolution des moyens consacrés à la justice et le lancement de réformes d’ampleur de son mode de fonctionnement. Une telle programmation, dont le champ a été étendu par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 ([1]), est d’ailleurs utilisée dans d’autres domaines, comme celui de la sécurité intérieure ou des armées : pourquoi n’en serait‑il pas de même pour la justice, fonction régalienne par excellence ?

La nécessité d’une telle programmation est d’autant plus forte que le constat de la dégradation du service public de la justice est désormais unanimement partagé. Notre système judiciaire manque de rapidité, de lisibilité et d’efficacité et peine à répondre aux attentes des justiciables. L’état de nos prisons, peu compatible avec l’exigence de dignité des personnes détenues et préjudiciable aux conditions de travail des personnels pénitentiaires, nuit au sens et à l’efficacité des peines prononcées.

Le ministère de la justice a connu une hausse de ses moyens depuis une quinzaine d’années – en moyenne de 6,5 % par an entre 2002 et 2007, 3,6 % entre 2007 et 2012 et 3 % entre 2012 et 2017. Il bénéficie, depuis 2017, d’un effort significatif, à hauteur de 3,9 % l’année dernière et 3,8 % l’année prochaine.

Malgré tout, ces évolutions n’ont pas permis de rattraper le retard qu’a pris notre système judiciaire du fait de sous-investissements chroniques et de l’insuffisance des recrutements, dont témoignent les vacances de postes trop nombreuses, l’état de vétusté de certains tribunaux, les conditions dégradées de travail des magistrats et de leurs équipes ainsi que celles de l’accueil des justiciables, l’entassement des archives dans les couloirs, etc.

La hausse continue des moyens consacrés à la justice ces dernières années n’a pas davantage mis les acteurs de la justice en mesure de faire face à l’alourdissement de l’activité juridictionnelle générée par la multiplication des réformes législatives.

Le constat d’une justice qui fonctionne de moins en moins bien est connu et partagé. Les délais de jugement ne cessent de s’allonger en dépit de la mobilisation des magistrats et des fonctionnaires. En 2016, ils s’établissent à plus de onze mois s’agissant des affaires civiles dans les tribunaux de grande instance, à près de quatorze mois en appel – dont plus de dix-huit mois dans les chambres sociales – et à dix-sept mois dans les conseils de prud’hommes.

La justice apparaît ainsi souvent au justiciable comme un labyrinthe, avec une organisation à la lisibilité incertaine, des procédures difficilement intelligibles et des décisions difficilement compréhensibles.

L’organisation judiciaire, qui diffère de celle des autres administrations de l’État, constitue un frein à la conduite de la politique publique de la justice qui nécessite une interaction étroite avec les services de police et de gendarmerie ainsi qu’avec les préfets, les autres administrations de l’État et les collectivités territoriales.

Enfin, la progression des moyens n’a pas été à la hauteur des besoins d’un parc carcéral vieillissant, sous-dimensionné et inadapté à des conditions modernes d’exécution des peines. Devenue le premier budget du ministère de la justice, l’administration pénitentiaire demeure confrontée, depuis de très nombreuses années, à une surpopulation carcérale chronique : la densité carcérale est passée de 98,4 % en 2001 à 118 % en octobre 2018, ce taux atteignant même 142 % dans les maisons d’arrêt.

Le constat n’est pas récent. Il y a vingt ans déjà, les députés installaient une commission d’enquête parlementaire sur la situation dans les prisons françaises et observaient l’« inadaptation importante de beaucoup de lieux de détention et [les] difficultés rencontrées par une administration pénitentiaire désorientée et confrontée à une mission impossible ».

Sous la précédente législature, les présidents des commissions des Lois de l’Assemblée nationale et du Sénat s’étaient déplacés conjointement, en juin 2016, dans une démarche inédite et transpartisane, au tribunal de grande instance de Créteil et à la maison d’arrêt de Bois-d’Arcy afin d’étudier les moyens dévolus à la justice et de souligner l’urgence de la situation.

Dès novembre 2017, la commission des Lois de l’Assemblée nationale organisait la visite, simultanée et sur l’ensemble du territoire, de députés au sein de prisons. Elle prolongeait sa réflexion, d’abord par la création de quatre groupes de travail sur les conditions de détention en France, qui rendaient leurs conclusions en mars 2018 ([2]), puis par un déplacement au nouveau tribunal de grande instance des Batignolles et par l’organisation d’une réunion « hors les murs » au centre pénitentiaire de Fresnes le 17 octobre 2018.

Lors de sa déclaration de politique générale du 4 juillet 2017, le Premier ministre annonçait la présentation au Parlement d’une loi quinquennale de programmation des moyens de la justice afin d’engager un mouvement de dématérialisation, de simplification et de réorganisation de la justice civile, administrative et pénale ainsi que du système pénitentiaire. M. Édouard Philippe rappelait alors que « dans un État de droit, rien nest possible sans une justice forte », qu’« avoir confiance dans la justice, cest pouvoir y recourir simplement et savoir quelle tranchera rapidement, en particulier sur les infractions les plus graves, (…) sans oublier jamais que la prison nest pas une fin en soi » et sans s’interdire « de réfléchir au sens de la peine, à la nécessité dempêcher la récidive, à lobligation de préparer la réinsertion ».

Le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et le projet de loi organique relatif au renforcement de l’organisation des juridictions, déposés sur le Bureau du Sénat en avril 2018 et aujourd’hui soumis à l’Assemblée nationale, sont le fruit d’une large concertation avec les acteurs de la justice – magistrats, greffiers, policiers, gendarmes, agents pénitentiaires… – qui détiennent en grande partie les clés de cette transformation.

Pour mener à bien la concertation, le ministère de la Justice a ouvert cinq chantiers de réflexion, chacun confié à deux référents, qui ont rendu leurs conclusions le 15 janvier 2018 :

– le premier, consacré à la transformation numérique, dont les référents étaient MM. Jean-François Beynel, premier président de la cour d’appel de Grenoble, et Didier Casas, secrétaire général de Bouygues Télécom, et destiné à faciliter les procédures en ligne des justiciables par la mise en place d’un plan de transformation numérique autour du portail www.justice.fr ([3]) ;

– le deuxième, relatif à l’amélioration et à la simplification de la procédure pénale, confié à MM. Jacques Beaume, procureur général honoraire, et Franck Natali, avocat au barreau de l’Essonne et ancien bâtonnier, en vue d’accroître l’efficacité de la procédure pénale au profit du justiciable, des magistrats et des enquêteurs mais dans le respect des droits et libertés ([4]) ;

– le troisième, dédié à l’amélioration et à la simplification de la procédure civile, dont les référents étaient Mme Frédérique Agostini, présidente du tribunal de grande instance de Melun, et M. Nicolas Molfessis, professeur de droit privé à l’université Panthéon-Assas, visant à simplifier la procédure civile en première instance (dématérialisation, simplification des règles de saisine, développement de la conciliation et de la médiation, etc.) ([5]) ;

– le quatrième, portant sur l’adaptation de l’organisation judiciaire, afin de maintenir le contentieux du quotidien à proximité des justiciables et mettre en place des équipes pluridisciplinaires autour des magistrats, confié à MM. Dominique Raimbourg et Philippe Houillon, anciens députés et présidents de la commission des Lois de l’Assemblée nationale ([6]) ;

– le cinquième, consacré au sens et à l’efficacité des peines, dont les référents étaient Mme Julia Minkowski, avocate au barreau de Paris, et M. Bruno Cotte, ancien président de la chambre criminelle de la Cour de cassation, destiné à renforcer la portée et l’effectivité de la peine et à permettre la prise en charge sécurisée et digne des personnes détenues ([7]).

Ces chantiers – dont le contenu est présenté en annexe au présent rapport – ont alimenté nombre des dispositions du projet de loi ordinaire, dont les six titres sont dédiés aux objectifs de la justice et à la programmation financière (titre Ier), à la simplification de la procédure civile et administrative (titre II), au fonctionnement des juridictions administratives (titre III), à la simplification et au renforcement de l’efficacité de la procédure pénale (titre IV), au renforcement de l’efficacité et du sens de la peine (titre V) et à l’organisation des juridictions (titre VI).

Les deux projets de loi ont été profondément modifiés par le Sénat avant leur adoption par celui-ci le 23 octobre. Beaucoup de ces modifications se sont inspirées des travaux de la mission d’information sur le redressement de la justice, présidée et rapportée par M. Philippe Bas, président de la commission des Lois du Sénat ([8]), et dont certaines recommandations avaient été traduites dans la proposition de loi d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice, adoptée par cette assemblée en octobre 2017.

D’autres dispositions ou modifications débattues au Sénat résultent de réflexions conduites en parallèle des chantiers de la justice ou postérieurement au dépôt des textes, sur la protection juridique des personnes ([9]), l’open data des décisions de justice ([10]) ou l’indemnisation des victimes de terrorisme ([11]). D’autres encore pourraient être tirées des conclusions de missions d’information mises en place par la commission des Lois de l’Assemblée nationale, comme celle menée par MM. Dimitri Houbron et Xavier Breton sur le régime des fouilles en détention ([12]) ou celle conduite par votre rapporteur, conjointement avec M. Pierre Morel-À-L’Huissier, sur les fichiers mis à la disposition des forces de sécurité ([13]).

Le volet « programmation » et « orientation » du projet de loi a notamment été étudié par Mme Laetitia Avia, de même que les dispositions relatives à la procédure civile et administrative ainsi qu’à l’organisation des juridictions ([14]). Les dispositions relatives à la procédure pénale, aux peines, à la détention et aux mineurs délinquants ont été plus particulièrement suivies par M. Didier Paris ([15]). Ensemble, ils souscrivent pleinement à l’ambition de ces textes. Ils ont formulé des propositions afin de l’enrichir, en se fondant sur les nombreuses auditions qu’ils ont menées et les travaux qu’ils ont eux-mêmes conduits sur certains sujets, comme la lutte contre le racisme et l’antisémitisme sur internet dans le cas de votre rapporteure ([16]) ou le travail d’intérêt général pour ce qui concerne votre rapporteur ([17]).


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   SYNTHÈSE

I.   PRÉSENTATION SYNTHÉTIQUE DES projets de loi initiaux

A.   LE PROJET DE LOI ORDINAIRE

1.   Les orientations et la programmation de la justice (titre Ier)

L’article 1er fixe les orientations et la programmation de la justice sur la période allant de 2018 à 2022, entérine une hausse de 1,3 milliard d’euros des moyens de la justice et la création de 6 500 emplois d’ici 2022.

2.   La simplification et l’amélioration de la procédure civile et administrative (titre II)

Les articles 2 à 19 procèdent à une simplification et à des améliorations de la procédure civile et administrative par :

– le développement des modes alternatifs des différends, en particulier de la médiation, de la conciliation ou de l’arbitrage (articles 2 et 3) ;

– l’extension de la représentation obligatoire par un avocat dans de nouvelles matières (article 4) ;

– le recentrage de l’office des juridictions sur les tâches nécessitant une intervention du juge, notamment en matière matrimoniale ou dans le domaine des tutelles (articles 5 à 10) ;

– la modification du régime procédural du divorce afin de répondre au double objectif de simplification du parcours processuel des époux en instance de divorce et de réduction des délais de traitement (article 12) ;

– la possibilité de juger des litiges sans audience si les parties en sont d’accord (article 13) ou la dématérialisation accrue de certaines requêtes (article 14) ;

– un renforcement de la protection de certains justiciables, tels que les majeurs protégés (articles 16 à 17) ;

– un renforcement de l’exécution des décisions du juge aux affaires familiales grâce à la possibilité pour le procureur de requérir le concours de la force publique (article 18) ;

– la mise en place d’un processus de diffusion au public des décisions de justice qui seraient désormais accessibles à tous, en ligne ou auprès des greffes, selon un régime unifié (article 19).

3.   L’allègement des charges des juridictions administratives (titre III)

Les articles 20 à 25 tendent à alléger la charge des juridictions administratives, en particulier par :

– l’élargissement des possibilités de recours aux magistrats honoraires (article 21) ;

– le recrutement de juristes assistants (article 22) ;

– la prise en compte de l’intérêt du service public de la justice pour apprécier les mérites d’une demande de maintien en activité au-delà de la limite d’âge (article 23) ;

– l’extension possible de la collégialité en matière de référés contractuels et précontractuels (article 24) ;

– le renforcement des pouvoirs dévolus au juge administratif en matière d’astreinte et de prescription d’office (article 25).

4.   La simplification et le renforcement de l’efficacité de la procédure pénale (titre IV)

Les articles 26 à 42 mettent en œuvre diverses dispositions de simplification et de renforcement de l’efficacité de la procédure pénale, à travers notamment :

– l’amélioration du parcours judiciaire de la victime, permise par la consécration de la possibilité pour celle-ci de porter plainte en ligne ou de se constituer partie civile devant le tribunal par voie dématérialisée (article 26) ;

– l’harmonisation et la simplification des règles encadrant le recours à certaines techniques d’enquête, comme les interceptions ou la géolocalisation (article 27), l’infiltration en ligne (article 28) et les techniques spéciales d’enquête (article 29), en contrepartie d’un renforcement des prérogatives du juge des libertés et de la détention ;

– la limitation des avis de transport à l’avocat du gardé à vue aux seules situations ayant des conséquences en termes de procédure pénale (article 31) ;

– l’extension des pouvoirs des enquêteurs (article 32) ;

– la réduction des obligations de présentation du mis en cause au magistrat, remplacées par un recours accru à la visioconférence (article 35) ou par un caractère désormais facultatif de la comparution à fin de prolongation de la garde à vue (article 31) ;

– la mise en place d’une procédure de comparution différée destinée à éviter l’ouverture d’informations judiciaires inutiles (article 39).

Ils poursuivent également l’ambition de supprimer les formalités administratives devenues sans objet, comme les prestations de serment et les demandes d’habilitation renouvelées à chaque mutation pour les personnels de la police judiciaire (article 30). La simplification des règles applicables en matière de scellés va dans ce sens (article 33), de même que l’accroissement des tâches confiées aux agents de police judiciaire afin de recentrer les officiers de police judiciaire vers les activités d’investigation proprement dites (articles 30 et 33).

Il convient de relever également la volonté de développer les alternatives aux procédures classiques de jugement : à travers l’accroissement du périmètre de la composition pénale et de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (articles 36 et 38), mais aussi par le recours à l’amende forfaitaire pour la répression de contentieux massifs insuffisamment poursuivis aujourd’hui (article 37) et par la possibilité de condamner désormais à une peine de jours-amende ou à un travail d’intérêt général par la voie de l’ordonnance pénale (article 40).

Le projet de loi marque également une extension de la compétence du juge unique qui connaîtra d’un nombre plus élevé de délits au tribunal correctionnel (article 40), mais aussi de leur jugement en cour d’appel (article 41) et d’un nombre limité de contentieux dans le cadre de la chambre de l’instruction (article 36).

Enfin, le projet de loi est l’occasion d’un assouplissement de la procédure criminelle de droit commun et de l’expérimentation d’une juridiction nouvelle, le tribunal criminel département, composé de cinq magistrats professionnels, qui sera appelé à connaître des faits punis d’une peine de réclusion criminelle n’excédant pas vingt ans (article 42).

5.   Le renforcement de l’efficacité et du sens de la peine (titre V)

Les articles 43 à 52 ont pour objet de renforcer l’efficacité et le sens de la peine, en particulier par :

– la modification de l’échelle des peines correctionnelles, avec la création d’une peine autonome de détention à domicile sous surveillance électronique (article 43) et la fusion de la contrainte pénale, du sursis assorti de l’obligation d’accomplir un travail d’intérêt général et du sursis avec mise à l’épreuve au sein d’un sursis probatoire (articles 46 et 47) ;

– l’interdiction du prononcé des peines d’emprisonnement ferme de moins d’un mois, l’aménagement obligatoire de celles de moins de six mois et l’aménagement de principe de celles de six mois à un an (article 45) ;

– l’amélioration des conditions du prononcé de ces peines, afin de mettre le tribunal en capacité de décider de la peine la plus adaptée ou de la forme de son aménagement (articles 44 et 45) ;

– la simplification de diverses modalités d’exécution de peines, notamment la délivrance des permissions de sortir et la dématérialisation de certains échanges en commissions de l’application des peines (article 50) ;

– l’allègement des formalités préalables à la construction de prisons, afin de parvenir à l’objectif de 15 000 nouvelles places d’ici 2027, dont 7 000 en 2022 (article 51) ;

– de nouveaux dispositifs destinés à préparer au mieux la sortie des mineurs de centres éducatifs fermés, leur retour en famille et leur réinsertion (article 52).

6.   La modification de l’organisation des juridictions (titre VI)

L’article 53 vise à renforcer l’organisation des juridictions, en particulier celle des tribunaux de grande instance et des tribunaux d’instance dans un souci de meilleure lisibilité pour le justiciable et de bonne administration de la justice.

L’article 54 permet d’expérimenter des nouveaux pouvoirs de coordination et d’animation dévolus aux premiers présidents des cours d’appel et procureurs généraux.

L’article 55 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures de coordination nécessaires dans l’ensemble des textes et codes en vigueur.

B.   LE PROJET DE LOI ORGANIQUE

Les articles 1er à 7 modifient le statut de la magistrature afin notamment de :

– supprimer les fonctions de premier vice-président chargé du service d’un tribunal d’instance et de juge chargé du service d’un tribunal d’instance, pour prendre en compte la fusion des tribunaux d’instance dans les tribunaux de grande instance (articles 1er et 2) ;

– permettre aux magistrats exerçant à titre temporaire d’être nommés pour exercer les fonctions de juge chargé du service d’une chambre détachée du tribunal de grande instance, appelée à remplacer le tribunal d’instance (article 4).

Aux articles 8 à 10 figurent diverses dispositions, notamment transitoires, parmi lesquelles l’extension, dans le cadre de l’expérimentation du tribunal criminel départemental, de la compétence des magistrats exerçant à titre temporaire et des magistrats exerçant des fonctions juridictionnelles à la formation collégiale du tribunal criminel départemental pour une durée limitée de trois ans (article 9).

II.   PRINCIPALES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LE SÉNAT

A.   LE PROJET DE LOI ORDINAIRE

1.   Le volet programmation

À l’article 1er, le Sénat a augmenté les crédits de la justice de 5 % par an en moyenne, pour atteindre un budget global de 9 milliards d’euros hors charges de pensions, contre 8,3 milliards d’euros dans le projet initial du Gouvernement, et proposé la création de 13 700 emplois, contre 6 500 dans le projet de loi initial, sans toutefois replacer ces évolutions dans le contexte budgétaire actuel ni tenir compte des capacités réelles de recrutement de l’institution judiciaire.

Le Sénat a créé un article 1er bis afin de programmer un nombre de conciliateurs de justice à l’horizon 2022, en dépit du caractère bénévole de cette activité.

Un article 1er ter a également été créé pour prévoir la remise par le Gouvernement d’un rapport annuel d’exécution de la présente loi.

2.   Les dispositions relatives à la procédure civile et administrative

À l’article 2, le Sénat a maintenu l’interdiction faite au juge de désigner un médiateur pour procéder aux tentatives préalables de conciliation dans le cadre de la procédure de divorce et de séparation de corps. Il a également supprimé l’extension de la tentative préalable obligatoire de conciliation, médiation, et procédure participative avant la saisine du tribunal de grande instance.

À l’article 3, le Sénat a procédé à une distinction entre l’arbitrage et les autres modes de règlement amiable des litiges et étendu l’encadrement juridique aux services en ligne d’aide à la saisine des juridictions. En outre, il a autorisé le prononcé de sentences arbitrales sous forme électronique et rendu obligatoire la certification préalable des plateformes par le ministère de la justice.

Le Sénat s’est montré attaché à la liberté de représentation devant le tribunal paritaire des baux ruraux où il a exclu l’obligation de ministère d’avocat, à l’article 4.

Réticent à l’idée de progresser sur la voie de la déjudiciarisation, le Sénat a supprimé les dispositions qui prévoient, à larticle 5, la compétence exclusive du notaire en matière de recueil du consentement dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur, ainsi que larticle 12, qui met fin à la phase de conciliation de la procédure de divorce. Il a également fortement encadré la possibilité pour le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales de réviser le montant des pensions alimentaires à l’article 6, a imposé le maintien d’une homologation judiciaire pour tout changement de régime matrimonial en présence d’un enfant mineur à l’article 7 et limité l’autonomie des personnes chargées de la mise en œuvre d’une mesure de protection (tutelle ou curatelle) à l’article 8.

À larticle 9, les sénateurs ont refusé d’habiliter le Gouvernement à prendre les mesures relevant du domaine de la loi pour permettre la gestion par la Caisse des dépôts et consignations des sommes issues des saisies de rémunérations et des consignations pour expertise ordonnées en justice.

En adoptant un amendement présenté par le Gouvernement, devenu l’article 9 bis, le Sénat a accepté la simplification des saisies immobilières, laissant une plus grande chance de succès aux tentatives d’accord entre créancier et débiteur.

Le Sénat est également à l’origine des articles 12 bis, alignant le régime de la séparation de corps par consentement mutuel sur celle du divorce par consentement mutuel, et 12 ter, autorisant le recours à la signature électronique pour les procédures de divorce sans juge.

À larticle 13, le Sénat a prévu que la procédure sans audience ne pourrait être mise en œuvre qu’à l’initiative des parties et l’a complétée avec la comparution des parties à l’audience, si le juge l’estime nécessaire ou si l’une des parties le demande. Il a également précisé que la procédure dématérialisée pour le règlement des litiges de faible montant serait soumise à l’accord exprès des parties et a supprimé la faculté offerte au tribunal de refuser une demande de retour à l’audience formulée par l’une des parties. À larticle 14, le Sénat a rendu optionnel le traitement dématérialisé des injonctions de payer.

À larticle 17, le Sénat a prévu une gradation du mécanisme de sanction en cas de défaillance du tuteur dans l’établissement de l’inventaire. S’agissant, par ailleurs, du contrôle des comptes de gestion, le Sénat a prévu un dispositif qui maintient un contrôle par défaut du greffe et a réservé la dispense d’établissement et de contrôle des comptes de gestion aux seuls mandataires familiaux.

À l’article 18, le Sénat a conditionné la faculté du procureur à requérir le concours de la force publique pour exécuter une décision du juge aux affaires familiales à l’échec d’une démarche engagée en la matière auprès d’un officier de police judiciaire.

Le Sénat a créé un article 18 bis qui tend à permettre au juge aux affaires familiales de statuer sur la jouissance du domicile, dans le cadre de la définition des modalités d’exercice de l’autorité parentale, en cas de séparation des parents non-mariés.

À l’article 19, le Sénat a modifié le régime d’ouverture des décisions de justice en substituant à l’obligation d’occulter les seuls éléments identifiants en cas de risque pour la vie privée ou la sécurité des personnes un principe général de respect de la vie privée et de prévention de « tout risque de ré-identification » ainsi que de « tout risque, direct ou indirect, datteinte à la liberté dappréciation des magistrats et à limpartialité des juridictions ».

Le Sénat a créé trois articles numérotés 19 bis, 19 ter et 19 quater visant notamment à réformer le corps électoral des juridictions consulaires et à élargir leur champ d’intervention.

Un article 20 A a été créé afin de définir la notion de consultation juridique.

Concernant les articles 20 à 25 relatifs à la justice administrative, le Sénat a adopté ces dispositions sans modification, à l’exception de l’article 21 relatif à l’encadrement du recours aux magistrats honoraires pour lequel il a précisé que c’est uniquement à la demande de ces derniers que les chefs de juridictions pourront leur proposer d’exercer des fonctions d’aide à la décision.

3.   Les dispositions relatives à la procédure pénale

En matière d’amélioration du parcours judiciaire des victimes, le Sénat, tout en approuvant certaines des dispositions de l’article 26, en a restreint la portée en interdisant la plainte en ligne pour les crimes et délits contre les personnes et en supprimant la possibilité pour le tribunal de renvoyer l’affaire sur l’action civile lorsque la victime n’a pas été informée de l’audience statuant sur l’action publique. Il a cependant adopté, sur proposition du Gouvernement, un article 26 ter simplifiant et sécurisant le parcours procédural des victimes d’actes de terrorisme par la création d’un juge unique et spécialisé à Paris, le juge de l’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme (JIVAT).

Aux articles 27 à 29, le Sénat est revenu sur l’effort de simplification et d’harmonisation des techniques d’enquête, comme le seuil unique d’emprisonnement permettant les interceptions, l’élargissement de l’enquête sous pseudonyme à tous les délits punis d’emprisonnement et l’extension aux procédures criminelles des techniques spéciales d’enquête (recueil de données techniques de connexion, sonorisation et captation d’images…).

Aux articles 30 et 32 bis, le Sénat s’est montré attentif aux demandes des représentants des forces de l’ordre en conférant la qualité d’agent de police judiciaire aux réservistes opérationnels de la gendarmerie nationale et en oralisant la procédure pour la répression de certains délits routiers. À l’article 42 bis, il a pris l’initiative de rendre obligatoire le ministère d’avocat devant la chambre criminelle de la Cour de cassation.

Les sénateurs ont exprimé leurs réticences à l’encontre des mesures de simplification de la procédure pénale dans lesquelles ils ont fréquemment cru deviner un risque pour les droits des parties. Ils ont ainsi :

– maintenu la présentation au parquet à fin de prolongation de la garde à vue et l’avis à l’avocat en cas de déplacement de son client (article 30) et fait obstacle au développement de la vidéo-audience (article 35) ;

– imposé la présence de l’avocat lors des perquisitions et supprimé la possibilité de pénétration au domicile pour l’exécution d’une convocation à comparaître (article 32), tout en imposant également l’assistance d’un avocat auprès de la victime dès le début de la procédure (article 31 bis) ;

– limité la possibilité de perpétuer les mesures de l’enquête dans les premiers jours de l’information judiciaire à quarante-huit heures et aux seules infractions relevant de la délinquance et de la criminalité organisées (article 34) ;

– réduit l’accroissement du périmètre de la composition pénale et de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (articles 36 et 41) ;

– supprimé les différentes extensions prévues pour la compétence du juge unique (articles 36, 40 et 41).

À l’article 42, le Sénat a élargi la compétence des tribunaux français pour le jugement des crimes de guerre, génocides et crimes contre l’humanité commis à l’étranger.

Enfin, à l’article 42 bis B, le Sénat a adopté, à l’initiative du Gouvernement, des dispositions améliorant la coordination des juridictions interrégionales spécialisées dans le traitement d’affaires d’une grande complexité et clarifiant le cadre procédural des opérations de surveillance en matière de criminalité et de délinquance organisées.

4.   Les dispositions relatives aux peines

Aux articles 43 et suivants, le Sénat a proposé un scénario alternatif de réforme du droit des peines.

Il n’a pas retenu la nouvelle peine de détention domiciliaire sous surveillance électronique (article 48) et a remplacé le sursis probatoire par une peine de probation, présentée comme autonome de l’emprisonnement (articles 43 et 46).

Il a supprimé l’interdiction des peines de prison ferme de moins d’un mois, posé un principe d’aménagement de toutes les peines d’emprisonnement de moins d’un an et supprimé la saisine automatique du juge de l’application des peines postérieurement au jugement (article 45).

Le Sénat a par ailleurs adopté une série de dispositions conduisant à un durcissement de la répression et à une moindre personnalisation des peines :

– la généralisation du suivi socio-judiciaire (article 45 ter) ;

– l’obligation de prononcer la peine complémentaire d’interdiction du territoire français pour tous les crimes et délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement, la systématisation de l’aggravation de la peine à raison de l’état de récidive légale et la révocation automatique et intégrale du sursis simple (articles 43 bis à quater) ;

– la suppression des crédits « automatiques » de réduction de peine (article 45 bis A) ;

– l’interdiction d’octroyer une seconde libération conditionnelle après l’échec d’une première et la suppression de la systématisation de la libération sous contrainte aux deux-tiers de la peine, pour la remplacer par une surveillance électronique de fin de peine (articles 48 bis, 49 et 49 bis).

Quant au volet pénitentiaire du projet de loi, le Sénat a approuvé plusieurs des évolutions proposées par le Gouvernement, à l’exception de la dématérialisation des échanges en commissions de l’application des peines (article 50) et de certains allègements des formalités préalables à la construction de prisons (article 51).

Il a adopté, à l’article 50 ter, un dispositif d’expérimentation du droit de vote des détenus par correspondance, distinct de celui qui avait été proposé par le Gouvernement.

Sur proposition du Gouvernement, il a introduit des dispositions améliorant les conditions d’affectation dans les établissements pénitentiaires des détenus particulièrement signalés, y compris les prévenus, pour faire suite aux dysfonctionnements constatés lors de l’évasion de M. Rédoine Faïd en juillet 2018 (article 50 quater).

Enfin, il a approuvé sans réserve les nouveaux dispositifs destinés à préparer au mieux la sortie des mineurs de centres éducatifs fermés (article 52).

5.   L’organisation judiciaire

Le Sénat a introduit, aux articles 52 bis à 52 quinquies, une réforme de l’aide juridictionnelle, consistant notamment dans le rétablissement d’une contribution pour l’aide juridique en première instance et l’obligation de consultation préalable d’un avocat avant toute demande d’aide.

Il a substantiellement modifié l’article 53 relatif à la réorganisation des juridictions de premier degré. La dénomination du tribunal de grande instance a été changée en tribunal de première instance. Le socle de compétence des chambres détachées sera fixé au niveau national, par décret pris en Conseil d’État. Des compétences supplémentaires pourront leur être attribuées par les chefs de cours sur proposition des chefs de juridiction. Outre la mise en place de garanties de localisation des emplois de magistrat et de greffier, le Sénat a créé un dispositif d’encadrement de toute modification de la carte judiciaire, ainsi qu’une fonction non-statutaire de juge chargé des contentieux de la proximité. Enfin, il a supprimé la possibilité de spécialiser des tribunaux de grande instance au sein d’un même département en matière civile et pénale.

Le Sénat a créé un article 53 bis afin d’autoriser l’informatisation des registres des associations et des associations coopératives de droit local en Alsace-Moselle.

L’article 54, relatif à l’expérimentation de nouveaux pouvoirs de coordination et d’animation dévolus aux chefs de cours ainsi qu’à la spécialisation facultative de cours d’appel, a été supprimé.

Enfin, Le Sénat a créé un article 55 bis dans le but d’assouplir les conditions permettant de conférer le caractère exécutoire à un acte notarié établi en Alsace-Moselle par lequel le paiement d’une somme d’argent est exigé.

B.   LE PROJET DE LOI ORGANIQUE

Le Sénat a adopté plusieurs amendements de coordination et portant articles additionnels aux articles 1er à 8 afin de tirer les conséquences des modifications apportées au projet de loi, parmi lesquelles figure la création du tribunal de première instance prévue à l’article 53.

En outre, il a modifié l’article 2 afin d’introduire une durée minimale de quatre années pour l’exercice de fonctions spécialisées au sein d’une même juridiction.

Surtout, les sénateurs ont saisi l’occasion de l’examen du projet de loi organique pour introduire treize articles additionnels reprenant le contenu de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017 à l’initiative de M. Philippe Bas, président de la commission des Lois. Ces dispositions visent à encadrer la carrière des magistrats en établissant des critères conditionnant leur progression dans la hiérarchie judiciaire (articles 1er ter, 1er septies et 2 ter), encadrant la durée pendant laquelle ils occupent leurs fonctions dans un même tribunal (articles 1er A, 1er sexies, 1er octies, 2 bis, 2 quater et 2 quinquies), imposant des obligations de formation (article 1er quater), organisant leurs mutations (article 1er B) et même les relations de travail entre les jeunes magistrats et leurs collègues plus expérimentés (articles 1er bis et 1er quinquies).

III.   PRINCIPAUX APPORTS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS

A.   Le projet de loi ORDINAIRE

1.   Apport n° 1 : redéfinir des orientations pluriannuelles crédibles et garantir de véritables moyens d’évaluation parlementaire

La Commission a rétabli à l’article 1er la version initiale de la programmation pluriannuelle des crédits affectés à la Mission « Justice » et des créations nettes d’emplois sur les années 2018-2022, dans un souci de réalisme. Elle a également procédé au rétablissement du texte du rapport annexé modifié par le Sénat.

Elle a supprimé l’article 1er bis introduit au Sénat qui prévoyait la programmation du nombre de conciliateurs de justice. Cette disposition apparaissait peu pertinente eu égard au caractère bénévole des fonctions exercées par les conciliateurs de justice.

La Commission a également modifié l’article 1er ter afin de prévoir la présentation au Parlement de deux rapports du Gouvernement relatifs, d’une part, à la mise en place des structures d’accompagnement vers la sortie et, d’autre part, à l’évaluation de la récidive selon le parcours des personnes détenues. Une évaluation des modules de confiance expérimentés dans certains établissements pénitentiaires depuis 2015 figurera également au sein du rapport annuel d’exécution de la présente loi.

2.   Apport n° 2 : aménager les procédures civile et administrative dans un objectif d’efficacité

La Commission a rétabli les dispositions initiales de l’article 2 relatif au développement des modes de règlement amiable des différends, en supprimant l’interdiction qui est faite au juge aux affaires familiales de désigner un médiateur pour procéder aux tentatives préalables de conciliation prescrites par la loi en matière de divorce et de séparation de corps et en maintenant l’extension de l’obligation de tentative préalable de conciliation.

La Commission a rétabli les dispositions initiales de l’article 3 relatif à l’encadrement des services en ligne de résolution amiable des litiges, en insérant plusieurs précisions rédactionnelles afin de protéger le périmètre du droit et d’imposer le respect d’obligations incombant aux plateformes. Le caractère facultatif de la certification susceptible d’être délivrée aux services en ligne par un organisme accrédité a également été rétabli.

La Commission a rétabli les dispositions relatives à la compétence exclusive du notaire en matière de recueil du consentement à l’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur et a étendu cette compétence à la procédure d’accueil d’embryon, tout en prévoyant, à l’initiative de votre rapporteure, d’exonérer ces procédures de droits d’enregistrement (article 5).

À l’article 6, la Commission a rétabli la plénitude des pouvoirs du directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales pour la révision du montant de la pension alimentaire. Le Gouvernement s’est engagé, à cette occasion, à assortir, par voie réglementaire, le nouveau mécanisme d’une procédure en référé afin de prévenir d’éventuels abus.

La Commission a rétabli les dispositions supprimées ou restreintes par le Sénat en matière de changement de régime matrimonial (article 7) et de transfert de la responsabilité de gestion de fonds à la Caisse des dépôts et consignations (article 9).

La Commission a également poursuivi son ambition de simplification en facilitant le recouvrement des petites créances (article 9 bis), en imposant la transmission électronique des actes de saisie-attribution et de saisie conservatoire (article 9 ter) et en allégeant le régime disciplinaire des officiers publics et ministériels (article 11 bis). Elle a libéré le procureur de la République de sa mission de contrôle des débits de boissons (articles 10 ter).

La Commission a rétabli larticle 12 relatif au divorce, tout en le modifiant afin de prévoir la tenue systématique d’une audience de fixation des mesures provisoires en début de procédure. Elle a par ailleurs réduit de deux à un an le délai de séparation requis pour constater la cessation de la communauté de vie entre les époux dans le cas du divorce pour altération définitive du lien conjugal (article 12 bis A). Elle a enfin prévu que la signature d’une convention de divorce par consentement mutuel au moyen d’une signature électronique ne dispense pas les parties d’une obligation de présence au côté de leurs avocats (article 12 ter).

À l’initiative de votre rapporteure, la Commission a inclus dans le champ de la procédure dématérialisée prévue à larticle 13 les oppositions aux ordonnances portant injonction de payer et a rétabli la possibilité offerte au tribunal de rejeter la demande d’une des parties en faveur de la tenue d’une audience. La Commission a par ailleurs rétabli, à larticle 14, le caractère obligatoire du recours à la saisine dématérialisée s’agissant de la requête en injonction de payer, en l’assortissant d’exceptions, et a centralisé les contestations tendant à l’obtention de délais de paiement tout en prévoyant que les contestations au fond seront transmises au tribunal de grande instance territorialement compétent.

S’agissant des personnes protégées, la Commission, qui a récemment mis en place sur ce sujet une mission d’information (« Droits fondamentaux des majeurs protégés ») confiée à Mme Caroline Abadie (LaREM) et Aurélien Pradié (LR), s’est fortement investie. Elle a affermi les règles de subsidiarité relatives au mandat de protection future (article 16). Elle a supprimé le dispositif gradué de sanctions instauré par le Sénat en cas de défaillance dans la transmission de l’inventaire et rétabli la possibilité pour le juge de désigner un professionnel qualifié pour y procéder. Pour ce qui concerne les modalités de contrôle des comptes de gestion, la Commission a rétabli, d’une part, le principe du contrôle interne si plusieurs personnes sont désignées pour exercer la mesure de protection et, d’autre part, la désignation, par le juge, à défaut de contrôle interne et dès lors que la personne sous tutelle dispose d’un patrimoine important, d’un professionnel qualifié chargé de la vérification de ses comptes (article 17). Elle a limité l’intervention du juge aux situations les plus délicates et les plus conflictuelles, confiant une responsabilité étendue à la personne chargée de la mise en œuvre de la mesure de protection et à la personne protégée elle-même (article 8). Surtout, elle a rendu une autonomie de décision aux personnes protégées dans les matières matrimoniale (article 8 bis) et électorale (article 8 ter). Les membres de la commission des Lois ont enfin adopté une mesure transitoire évitant aux familles dont un proche est frappé par la maladie sans espoir de guérison l’épreuve consistant à faire renouveler la mesure de protection avant 2025 (article 8 quater).

À l’article 18, la Commission a supprimé l’obligation préalable d’engager une démarche auprès d’un officier de police judiciaire introduite au Sénat, tout en précisant que la faculté laissée au procureur de la République pour requérir le concours de la force publique s’effectue à titre exceptionnel. La Commission a par ailleurs apporté des clarifications rédactionnelles à l’article 18 bis afin de sauvegarder l’effet utile de ces dispositions.

Enfin, en matière d’open data, votre rapporteure a proposé une solution permettant de redonner sa pleine portée à l’exigence de publicité des décisions de justice, en prévoyant l’occultation systématique des nom et prénom des tiers et parties et, uniquement en cas de risque pour la vie privée ou la sécurité, celle des autres éléments se rapportant à ces personnes ainsi que les éléments permettant d’identifier les magistrats et fonctionnaires de greffe (article 19).

En l’absence d’études préalables et de concertations menées sur la réforme des juridictions consulaires, la Commission a supprimé les articles 19 bis à quater introduits par le Sénat. Elle a également supprimé l’article 20 A par lequel le Sénat a défini la notion de consultation juridique.

Concernant la justice administrative, la Commission a adopté sans modification, ou en apportant de simples précisions rédactionnelles, les articles 20 à 24. À l’initiative de votre rapporteure, elle a adopté l’article 22 bis qui assouplit les conditions de mobilité professionnelle des magistrats administratifs. La Commission a également complété l’article 25 afin de simplifier l’activité et le fonctionnement de la commission du contentieux du stationnement payant et créé un article 25 bis A afin de mettre en cohérence la procédure administrative avec les dispositions introduites par la loi du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires.

3.   Apport n° 3 : simplifier réellement la procédure pénale sans renoncer à la garantie des droits

À l’article 26, la Commission, à l’initiative notamment de votre rapporteur, a rétabli l’entière possibilité de déposer plainte en ligne mais a clarifié les obligations à la charge des services enquêteurs, notamment la nécessité de procéder à l’audition de la victime si les faits le justifient.

La Commission, suivant l’avis de votre rapporteur et celui du Gouvernement, a rétabli certaines des dispositions supprimées ou modifiées par le Sénat qui auraient eu pour conséquence de renoncer à la simplification des règles applicables aux techniques d’enquêtes, souhaitée par les enquêteurs et les magistrats : maintien du seuil de peine encourue de trois ans pour les interceptions au stade de l’enquête (article 27), possibilité de recourir à l’infiltration en ligne pour tous les délits punis d’emprisonnement (article 28), extension des techniques spéciales d’enquête aux procédures criminelles (article 29), perpétuation des mesures d’investigation décidées pendant l’enquête au cours des premiers jours de l’information judiciaire (article 34). Elle n’est en revanche pas revenue sur des apports utiles du Sénat de nature à renforcer l’encadrement de la mise en œuvre de ces techniques et de garantir le respect des libertés individuelles.

La Commission sest attachée à dissiper les craintes quavait exprimées le Sénat en matière de simplification de la procédure pénale. Elle a considéré les explications du Gouvernement et les garanties textuelles suffisantes pour rétablir, à linitiative du rapporteur ou sur proposition du Gouvernement suivant les cas, les dispositions initiales en matière de prolongation de la mesure de garde à vue et de réduction du périmètre de lavis de transport à lavocat (article 31), de présence de lavocat lors de la perquisition et de pénétration au domicile pour lexécution dune comparution forcée (article 32), de vidéo-audience sous réserve de certaines concessions pour laudience de placement en détention provisoire (article 35), de création d’une procédure de comparution différée (article 39) et d’extension de la compétence du juge unique (articles 36, 40 et 41).

La Commission s’est également employée à renforcer la protection des droits des personnes en inscrivant dans la loi les conséquences de plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité. Elle a ainsi créé, à l’initiative conjointe du rapporteur et du groupe La République en marche, un régime dérogatoire et assoupli pour la garde à vue des personnes faisant l’objet d’une mesure de protection juridique (article 31), et, sur proposition du Gouvernement, une voie de recours pour les prévenus en détention provisoire auxquels l’autorité judiciaire refuse le droit de correspondre avec l’extérieur (article 35 bis).

Attachée à la mise à disposition des services de police et de l’autorité judiciaire des avancées de la technologie, la Commission a adopté deux amendements identiques du rapporteur et du groupe La République en marche visant à généraliser l’usage du numérique tout au long de la procédure pénale. À l’oralisation de quelques infractions relevant du code de la route proposée par le Sénat, la Commission a préféré une expérimentation de grande ampleur permettant, pour l’ensemble des infractions, l’oralisation de la notification de ses droits au mis en cause (article 32 bis).

En revanche, la Commission n’a pas perçu l’intérêt de commander au Gouvernement un rapport sur les objets connectés, dont elle a supprimé par conséquent la base textuelle (article 32 ter). Elle a également supprimé, la considérant satisfaite par le droit en vigueur, l’assistance de la victime par un avocat dès les premiers stades de la procédure pénale (article 31 bis).

La commission des Lois, sur proposition du rapporteur, a rationnalisé la citation à parquet en substituant à l’exploit d’huissier, consommateur de temps et de crédit, un procès-verbal permettant d’engager la procédure de jugement par défaut (article 37A).

Sur proposition de la rapporteure, l’usage de l’ordonnance pénale en répression des injures et des diffamations racistes, sexistes, homophobes et handiphobes a été autorisé. Elle permettra une meilleure responsabilisation des auteurs qui tendent, aujourd’hui, à considérer internet comme une zone de non droit dans laquelle l’expression du pire est sans conséquence. Cette disposition n’a cependant vocation à s’appliquer qu’à l’encontre des personnes non soumises aux dispositions spéciales du droit de la presse, qui prévoient des modalités spécifiques d’engagement de la responsabilité pénale (article 40).

Sur proposition conjointe du groupe La République en marche et de membres de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité entre les hommes et les femmes, la Commission a renommé le tribunal criminel, juridiction expérimentale chargée de connaître des crimes punis d’une peine de réclusion n’excédant pas vingt ans, en « cour criminelle » de façon à témoigner aux victimes toute la considération dont fait l’objet leur affaire (article 42).

Enfin, à l’initiative de votre rapporteur et dans le prolongement des travaux de la mission d’information sur les fichiers de sécurité qu’il a conduite avec M. Pierre Morel-À-L’Huissier ([18]), la Commission a modifié certaines règles relatives au fichier national automatisé des empreintes génétiques pour renforcer les droits des personnes qui y sont inscrites et améliorer l’efficacité de ce fichier (article 50).

4.   Apport n° 4 : mieux protéger et lutter contre le terrorisme

Toutes les dispositions relatives au terrorisme et au crime organisé, qui se trouvaient de manière éparse dans le texte adopté par le Sénat, ont été regroupées après l’article 42, dans un chapitre dédié (conséquences de diverses décisions du Conseil constitutionnel, parcours des victimes d’actes de terrorisme, organisation judiciaire en matière de terrorisme, cadre procédural des opérations de surveillance en matière de criminalité et délinquance organisées…).

Sur le fond, votre rapporteur a amélioré les dispositions relatives au parcours procédural des victimes d’actes de terrorisme, déplacées dans un nouvel article 42 bis AA, afin que les pouvoirs du Fonds de garantie soient mieux encadrés et respectent les droits de ces victimes.

Par ailleurs, la Commission, à l’initiative du Gouvernement, a procédé à la création d’un parquet national antiterroriste, rejeté par le Sénat qui avait cependant accepté des améliorations de l’organisation judiciaire existante en la matière, notamment de larges pouvoirs de réquisition sur tout le territoire national. Ce parquet sera susceptible de recevoir l’appui de magistrats supplémentaires en fonction de l’évolution de la menace et de bénéficier du relais de magistrats délégués à la lutte contre le terrorisme désignés au sein de diverses juridictions (article 42 bis C). Force de frappe judiciaire antiterroriste, il sera compétent pour l’ensemble des infractions susceptibles d’être liées au terrorisme (crimes contre l’humanité, infractions de guerre, atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation…). Il disposera d’une visibilité institutionnelle importante. Cette création permettra au procureur de la République de Paris de se recentrer sur les autres contentieux, lourds et nombreux, qui relèvent de sa compétence.

5.   Apport n° 5 : moderniser et personnaliser les peines

La Commission, à l’initiative principale du Gouvernement et suivant l’avis favorable de votre rapporteur, a rétabli l’essentiel des dispositions relatives aux peines qui avaient été supprimées ou modifiées par le Sénat, préférant le dispositif gradué, équilibré et cohérent du projet de loi initial aux évolutions inabouties, répressives et insuffisamment incitatives proposées par le Sénat, sous réserve des apports utiles de cette assemblée.

En particulier, elle a restauré, au sein de l’échelle des peines correctionnelles, la peine autonome de détention à domicile sous surveillance électronique et le sursis probatoire, estimant que la peine de probation adoptée par le Sénat n’était, en pratique, pas autonome de l’emprisonnement et constituait la reprise de la contrainte pénale, dont l’expérience a démontré qu’elle n’avait pas été acceptée par les tribunaux (articles 43, 46, 47 et 48).

Votre rapporteur a significativement enrichi les dispositions relatives au travail d’intérêt général, en rétablissant la possibilité de prononcer cette peine avec le consentement différé de la personne condamnée, en augmentant le plafond d’heures susceptibles d’être ordonnées, en permettant le prononcé de cette peine pour les mineurs âgés de 16 ans lors du jugement et en étendant l’expérimentation au secteur marchand en visant, aux côtés des acteurs de l’économie sociale et solidaire, les sociétés à mission en cours de création.

À l’article 44, la Commission a créé, à titre expérimental, sur proposition du Gouvernement, un dossier unique de personnalité pour les personnes majeures suivies par la justice, afin de permettre aux juridictions et à leurs partenaires de disposer, en un seul endroit et de manière dématérialisée, de l’ensemble des éléments de personnalité d’un individu.

Par ailleurs, à l’article 45, la Commission a rétabli l’interdiction des peines de prison ferme de moins d’un mois et le double mécanisme, progressif, d’aménagement des peines proposé par le Gouvernement, reposant sur l’aménagement obligatoire des peines d’un mois à six mois et l’aménagement de principe de celles de six mois à un an.

La Commission a supprimé les dispositions adoptées par le Sénat dont la philosophie paraissait incompatible avec l’objectif de personnalisation des peines poursuivi par ce texte (articles 43 bis à quater, 45 bis A, 45 ter, 48 bis).

Tout au long de l’examen de ces dispositions, la Commission s’est efforcée d’enrichir les dispositions initiales du projet de loi en se fondant sur les observations des praticiens, en particulier celles de l’Association nationale des juges de l’application des peines.

6.   Apport n° 6 : traduire les travaux de la Commission sur les prisons

La Commission a modifié le volet pénitentiaire du projet de loi afin de simplifier réellement certaines modalités d’exécution des peines – délivrance des permissions de sortir, dématérialisation d’échanges en commissions de l’application des peines – et de mettre l’administration pénitentiaire en mesure de construire les 15 000 places de prison que le Gouvernement s’est engagé à créer d’ici 2027 (articles 50 et 51).

Plusieurs des modifications apportées par la Commission au projet de loi font suite aux travaux engagés par cette dernière, notamment dans le cadre des groupes de travail sur la détention ([19]).

Il en va ainsi des dispositions introduites à l’initiative de sa présidente en matière de renforcement des capacités d’évaluation du ministère de la justice, par l’élargissement de l’accès, par les services statistiques de ce ministère, aux données nominatives du logiciel Cassiopée en vue de permettre la réalisation d’études de cohortes d’individus et le suivi de long terme des parcours pénaux. Ont également été introduites, à l’article 1er ter, des dispositions destinées à évaluer les structures d’accompagnement vers la sortie, reprises des centres pénitentiaires de réinsertion proposés par le groupe de travail sur la diversification des conditions de détention, ainsi que les taux de récidive des personnes détenues en fonction des conditions générales de leur détention.

Toujours sur proposition de sa présidente, la Commission a adopté un article 49 bis A relatif à l’agrément et au conventionnement des structures faisant du placement à l’extérieur, afin d’en sécuriser l’existence et d’en développer le nombre.

Par ailleurs, la Commission a rétabli la systématisation de la libération sous contrainte aux deux tiers de la peine dans une rédaction, suggérée par des magistrats lors de son déplacement au centre pénitentiaire de Fresnes le 17 octobre 2018, permettant d’anticiper l’examen des dossiers des personnes concernées (article 49).

Au rapport annexé, la Commission a adopté des amendements de M. Philippe Gosselin et Mme Laurence Vichnievsky, chargés des groupes de travail sur l’activité en détention et le lien avec le tissu économique local dans une perspective de réinsertion, prévoyant que les projets de construction de nouveaux établissements pénitentiaires prendraient en compte l’exigence de développement du travail en détention et que l’expérimentation de chantiers d’insertion dans les centres pénitentiaires en cours depuis 2016 pourrait être étendue à d’autres établissements, dans le but de favoriser l’insertion professionnelle des détenus.

Enfin, à l’initiative de M. Stéphane Mazars, responsable du groupe de travail sur la prise en charge des détenus souffrant de troubles psychiatriques, la Commission a adopté, à l’article 50 bis A, des dispositions de nature à améliorer la continuité et la qualité de cette prise en charge.

7.   Apport n° 7 : penser la réforme de l’aide juridictionnelle

La Commission, suivant l’avis de votre rapporteure, a supprimé les articles 52 bis à 52 quinquies, ne souhaitant pas inscrire la réforme de l’aide juridictionnelle dans ce projet de loi sans avoir, au préalable, évalué l’état du droit existant et les conséquences éventuelles d’une telle réforme sur l’accès des justiciables à la justice.

Elle s’en est donc remise aux conclusions d’une mission d’information qu’elle a créée sur ce sujet et dont les travaux commenceront prochainement.

8.   Apport n° 8 : adapter l’organisation juridictionnelle aux enjeux territoriaux

La Commission a rétabli les dispositions modifiées par le Sénat à l’article 53. De plus, elle a inséré de nouvelles dispositions visant à renforcer la lisibilité de l’organisation juridictionnelle et à garantir l’efficacité du traitement des contentieux relatifs aux questions de vulnérabilité socio-économique.

La Commission a ainsi adopté la dénomination de tribunaux judiciaires, en lieu et place du tribunal de première instance créé par le Sénat.

Elle a instauré la fonction statutaire de juge des contentieux de la protection, illustrant ainsi la nécessité d’unifier le traitement des litiges afférents aux questions économiques et sociales du quotidien, telles que les baux d’habitation, le surendettement et les crédits à la consommation.

Elle a également prévu des critères de volumétrie et de technicité afin de déterminer les matières susceptibles de faire l’objet d’une spécialisation de certains tribunaux judiciaires.

En outre, à l’initiative de votre rapporteure et suivant un amendement initialement déposé par M. Denis Sommer (LaREM), la Commission a prévu un mécanisme permettant, à titre exceptionnel et à certaines conditions, la mise en place d’une spécialisation contentieuse entre deux tribunaux judiciaires situés sur deux départements distincts, dans un souci d’adaptabilité de l’organisation juridictionnelle à la pluralité et la spécificité des intérêts territoriaux.

La Commission a également créé les articles 53 bis A et 53 bis B. Ils visent à supprimer ou limiter la participation de magistrats au sein de diverses commissions administratives pour lesquelles leur présence n’apparaît pas opportune (article 53 bis A) et à autoriser, selon un cadre strict, la délégation de magistrats exerçant à titre temporaire et de magistrats honoraires dans le ressort d’une cour d’appel (article 53 bis B). L’article 53 bis B créé par la Commission prévoit également le transfert temporaire des services d’une juridiction vers une autre commune, en cas de crise majeure entravant leur bon fonctionnement.

L’article 54, relatif à l’expérimentation de pouvoirs de coordination et d’animation dévolus aux chefs de cours ainsi qu’à la spécialisation facultative de cours d’appel en matière civile, a été rétabli par la Commission. À l’initiative de votre rapporteure, le champ d’application géographique de cette expérimentation a été étendu de deux à cinq régions.

La Commission a adopté les articles 55 à 57 sans leur apporter de modification de fond.

B.   Le projet de loi organique

La Commission a adopté diverses mesures de coordination aux articles 1er à 8 du projet de loi organique qui ont notamment été rendues nécessaires par la création du tribunal judiciaire et de la fonction statutaire de juge des contentieux de la protection. Elle a également adopté deux articles additionnels (9 bis et 9 ter) pour cette même raison.

La Commission a supprimé la durée minimale d’exercice de fonctions spécialisées au sein d’une juridiction introduite par le Sénat à l’article 2.

Elle a adopté un amendement de coordination pour prendre en compte, dans le texte organique, la nouvelle dénomination de la « cour criminelle », juridiction expérimentale créée à l’article 42 du projet de loi ordinaire.

Enfin, la Commission s’est attachée à raffermir le lien entre le projet de loi organique et le projet de loi simple en supprimant la totalité des ajouts du Sénat encadrant le déroulement de la carrière des magistrats.

 


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   CONTRIBUTION DE M. JEAN-LOUIS MASSON,
RAPPORTEUR SUR LA MISE EN APPLICATION DE LA LOI

Du mardi 6 au vendredi 9 novembre 2018, sous la présidence de Mme Yaël Braun‑Pivet, Présidente, en présence de Mme la ministre de la Justice, garde des Sceaux, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République a examiné le projet de loi portant programmation 2019-2022 et de réforme pour la justice et le projet de loi organique relatif au renforcement des juridictions, adoptés par le Sénat.

M. Jean-Louis Masson, député du Var, en sa qualité de rapporteur d’application, formule les observations suivantes :

I.   OBSERVATIONS BUDGÉTAIRES LIMINAIRES

Le budget de la justice a été abondé d’environ 260 millions en 2018 par rapport à 2017 et d’un peu plus de 300 millions de plus en 2019 par rapport à 2018, soit + 560 millions en 2 ans. Cela lui permet d’être régulièrement présenté comme un des budgets « gagnants ». Au demeurant, compte tenu de la situation alarmante de la justice, de l’inflation qui se stabilise désormais autour des 2 % et au regard de la trajectoire des prélèvements obligatoires qui ont passé la barre des 1 000 milliards en 2017 pour s’établir à 1 038 milliards et seront respectivement de 1 053 en 2018 et 1 070 milliards en 2019, soit + 42 milliards (560 milliards = 0,013 % de 42 milliards), le projet de budget est largement insuffisant. D’autant qu’il s’agit d’une des principales missions régaliennes de l’État.

La France s’enorgueillit peut-être de dispenser une justice gratuite. Résultat, elle est pauvre et mal outillée, ses magistrats professionnels (un quart environ du total) sont mal payés, et sa couverture d’aide judiciaire minimale. Ce devrait être un sujet de réflexion, d’autant plus que cette gratuité et l’absence de sanction par les tribunaux des cas de procédure abusive provoquent un encombrement de ces mêmes tribunaux. D’où la nécessité peut-être de réintroduire une contribution pour l’aide juridique modulable de 20 à 50 euros. Par ailleurs, l’obligation de consultation d’un avocat avant toute demande d’aide juridictionnelle tendrait, elle aussi, à assurer un filtrage effectif en appréciant la recevabilité et le bien-fondé de l’affaire.

C’est pourquoi nos collègues sénateurs ont adopté un texte largement remanié tant du point de vue des moyens que de certaines réformes de fond par rapport au texte soumis à leur examen par le Gouvernement.

II.   Sur les moyens généraux et la politique pénale

A.   MOYENS GÉNÉRAUX

La progression du budget de la justice demeure moins rapide que dans les autres pays de l’Europe. Comme l’ont signifié nos collègues du Sénat, les projets du Gouvernement, et donc les budgets qui les sous-tendent, ne sont pas à la hauteur de l’urgence absolue dans laquelle se trouve la justice. C’est pourquoi ils ont notamment proposé de porter la hausse d’ici 2022 à 33,8 % au lieu des 24 % programmés, la création de 13 700 postes plutôt que les 6 500 projetés et de rétablir l’objectif de la création des 15 000 places de prisons en 2022. Le rapporteur d’application considère ces amendements comme justifiés. Si le Gouvernement rabat ses ambitions à 7 000 places, il n’y parviendra même pas. D’ailleurs le doute est inscrit dans le suivi opérationnel des programmes. Compte tenu des délais de réalisation d’un établissement pénitentiaire, de l’ordre de quatre à cinq ans au moins, la possibilité de livrer 7 000 nouvelles places de prison d’ici 2022 semble d’ores et déjà irréalisable.

Compte tenu de la situation actuelle et durable de surpopulation, l’accroissement des places de prison est la condition sine qua non de l’exécution sans délai de toute peine de prison. L’enjeu est aussi plus large, il est de permettre un travail sécurisé pour les personnels pénitentiaires, lesquels connaissent une augmentation des atteintes à leur intégrité physique.

B.   POLITIQUE PÉNALE

La Commission européenne pour l’efficacité de la Justice (CEPEJ) examine cette question d’efficacité au moyen de deux indicateurs de performance : le « clearance date » (rapport entre le nombre d’affaires résolues et le nombre d’affaires nouvelles pendant une période déterminées), et le « disposition time » (durée estimée de l’écoulement du stock : rapport entre le stock d’affaires en fin d’année et le nombre d’affaires résolues).

En matière pénale, le clearance rate est bon en première instance (106 %), mais dégradé en deuxième instance (96 %). Les données concernant le disposition time (seules celles de seconde instance sont disponibles) sont très médiocres.

Au demeurant, il faut saluer les quelques avancées en direction d’une simplification de la procédure pénale ou l’ouverture de la possibilité de plainte en ligne, laquelle est susceptible de porter à la connaissance des pouvoirs publics, et, partant, leur permettre d’exercer leurs prérogatives, des crimes et délits dans des cas pour lesquels une forte pression voire des représailles pourraient s’exercer sur les victimes.

S’agissant de l’exécution des peines, le projet du Gouvernement ne marque aucune rupture avec la pratique résultant des règles actuelles de l’aménagement des peines. Aussi, les peines exécutées sont rarement celles prononcées. En outre, l’introduction de la peine de détention à domicile sous surveillance électronique et le caractère automatique de la libération sous contrainte aux deux tiers de la peine risquent de créer confusion et incompréhension.

Enfin, le rapporteur d’application se dit plutôt hostile aux tribunaux criminels départementaux, lesquels se traduisent par la suppression des jurys populaires pour les crimes réprimés par une peine de 15 à 20 ans de réclusion criminelle.

C.   JUSTICE CIVILE

Le dernier rapport de la Commission européenne pour l’efficacité de la Justice (CEPEJ) tire un bilan négatif s’agissant des affaires civiles et commerciales. En effet, la France n’est pas bien placée sur ces deux indicateurs : en première instance, un clearance rate de 98 %, donc légèrement inférieur à 100 %, et un disposition time de 353 jours, très supérieur à la moyenne (233 jours) et à la médiane » (192 jours) et l’un des pires des pays européens. En deuxième instance (appel) les résultats sont encore plus mauvais (95 % et 487 jours). La situation semble s’être dégradée depuis la dernière enquête. 

Le délai moyen de traitement des procédures civiles (hors procédures courtes) ne diminue pas, voire augmente :

– concernant la cour de cassation, le délai moyen était de 15,9 mois en 2017 contre 16 en 2018 ;

– concernant les cours d’appel, quand il était de 14,7 en 2017 il est passé à 15 en 2018 ;

– enfin les TGI sont passés d’un délai de 11,8 mois en moyenne en 2017 à 12,3 en 2018.

Rappelons que la maîtrise des délais de jugement constitue la préoccupation majeure des juridictions judiciaires en matière civile.

Le sens général du texte proposé par le Gouvernement tend à la déjudiciarisation. Il est sous tendu par des économies de gestion faibles et éparses.

Dans certains cas, la déjudiciarisation paraît défavorable aux parties, par exemple concernant l’extension de la résolution amiable préalable à toute saisine du juge. Ainsi doit être conservée une phase de conciliation dans la procédure de divorce contentieux.

De manière générale, la dématérialisation des procédures ne doit pas se faire au détriment de l’accès au juge pour tous les justiciables. Par ailleurs, il convient d’assurer l’encadrement des services en ligne de résolution à l’amiable des litiges en prévoyant une certification obligatoire.

D.   SUR LA RÉORGANISATION DE LA JUSTICE

Du point de vue de l’efficacité, l’effort de rationalisation est louable. Néanmoins, il ne doit se faire ni au détriment des justiciables ni au prix de l’éloignement des instances. C’est pourquoi, l’initiative de nos collègues sénateurs en faveur de la création d’un juge chargé du contentieux de proximité sur le modèle du juge aux affaires familiales paraît souhaitable dans le cadre du rapprochement des tribunaux d’instance et de grande instance. En outre, aucune implantation judiciaire ne devra être fermée.

Par ailleurs, certains oublis dommageables concernant d’autres pans de notre système juridictionnel peuvent être observés. Il en va ainsi de la nécessaire réforme des tribunaux de commerce. Le Sénat a introduit une pertinente réforme en étendant leur corps électoral et leur compétence en matière de prévention et de traitement des difficultés des entreprises à toutes les entreprises, incluant les agriculteurs et les travailleurs indépendants et professions libérales. Il proposait également de leur octroyer compétence en matière de baux ruraux.

Enfin, des efforts accentués doivent être consacrés à la mobilité des magistrats, laquelle pèse aujourd’hui négativement sur le fonctionnement des juridictions.

Concernant cette réforme, si on cumule les analyses des critères de moyens comme d’efficacité, le constat de l’insuffisance tombe. Or, cette efficacité, c’est-à-dire la capacité de répondre aux attentes des justiciables, est nécessaire à la confiance des citoyens dans leur justice. Un sentiment de confiance est vital pour la démocratie.

 


—  1  —

   Examen des articles du projet de loi

titre Ier
DISPOSITIONS RELATIVES AUX Objectifs de la Justice et À LA programmation financière

Article 1er
Programmation financière et approbation du rapport annexé

Adopté par la Commission avec modifications

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à approuver le rapport annexé au projet de loi qui définit les orientations et la programmation des moyens de la justice pour la période 2018‑2022. Il établit l’évolution annuelle des crédits de la mission « Justice » et des créations nettes d’emplois du ministère jusqu’en 2022. Il précise, dans sa version initiale, que la présente programmation fera l’objet d’au moins une actualisation avant le 31 décembre 2021.

Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 a défini une orientation pluriannuelle de l’évolution des crédits et des créations d’emplois de la mission « Justice ».

Modifications apportées au Sénat

Cet article a été modifié par un amendement présenté par les rapporteurs lors de l’examen en commission afin d’augmenter les crédits et créations nettes d’emplois sur la période 2018-2022 et de supprimer le dispositif d’actualisation avant le 31 décembre 2021.

Lors de l’examen en séance, un amendement présenté par les rapporteurs contre l’avis du Gouvernement a été adopté afin de décaler le calendrier de programmation à la période 2019-2022 et d’adapter en conséquence le montant des crédits et le nombre de créations d’emplois pour chaque année de la période. En outre, 23 amendements de coordination visant à modifier le rapport annexé ont été adoptés contre l’avis du Gouvernement, dans le but de mettre en cohérence le contenu de celui-ci avec les suppressions, ajouts ou modifications d’articles du projet de loi effectués par le Sénat. Le Gouvernement a également présenté un amendement, rejeté par le Sénat, tendant à rétablir la version initiale de cet article.

  Modifications apportées par la Commission

Deux amendements ont été adoptés à l’article 1er à l’initiative du Gouvernement, tendant à rétablir la version initiale de cet article, et 16 sur le rapport annexé – 14 à l’initiative du Gouvernement et deux à l’initiative de M. Philippe Gosselin (LR).

1.   L’état du droit

L’avant-dernier alinéa de l’article 34 de la Constitution, issu de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008, précise que des lois de programmation définissent les orientations pluriannuelles des finances publiques et que celles-ci s’inscrivent dans l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques.

Pour autant, conformément à la jurisprudence constitutionnelle : « Les orientations pluriannuelles ainsi définies par la loi de programmation des finances publiques nont pas pour effet de porter atteinte à la liberté dappréciation et dadaptation que le Gouvernement tient de larticle 20 de la Constitution dans la détermination et la conduite de la politique de la Nation ; elles nont pas davantage pour effet de porter atteinte aux prérogatives du Parlement lors de lexamen et du vote des projets de loi de finances et des projets de loi de financement de la sécurité sociale ou de tout autre projet ou proposition de loi ». ([20])

Seules les lois de finances initiales ou rectificatives emportent un engagement de dépenses. Pour revêtir un caractère véritablement effectif, les dispositions prévues par les lois de programmation doivent être « confirmées » chaque année par une loi de finances.

La dernière loi de programmation en matière de justice est la loi n° 2002‑1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice qui s’étend sur la période 2003-2007.

Entre 2007 et 2017, le budget de la mission « Justice » a augmenté en moyenne de 3,2 % par an. 12 000 postes d’équivalents temps plein travaillés ont également été créés sur la même période.

L’article 15 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 a déterminé le cadre pluriannuel d’évolution des dépenses de l’État. L’évolution des plafonds de crédits alloués à la mission « Justice » pour l’exercice triennal 2018-2020 est ainsi précisée. En outre, l’article 22 impose à tout projet de loi de programmation sectoriel de se conformer à la trajectoire des finances publiques figurant dans la loi de programmation des finances publiques en vigueur.

2.   Le projet de loi initial

Le présent article prévoit l’évolution des crédits de paiement de la mission « Justice », hors pensions, en milliards d’euros, sur la période 2018‑2022 :

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT – PROJET DE LOI INITIAL

2018

2019

2020

2021

2022

7,0

7,3

7,7

8,0

8,3

Cette trajectoire pluriannuelle correspond à une augmentation annuelle moyenne comprise entre 3,8 % et 5,5 %, soit un rythme nettement supérieur à celui constaté sur la décennie précédente. Par rapport à 2017, cette évolution correspond à une hausse cumulée de 1,6 milliard d’euros sur cinq ans, soit une augmentation globale du budget dédié à la mission « Justice » de 23,5 %. Ces montants sont conformes à ceux indiqués par la loi de programmation des finances publiques du 22 janvier 2018 pour la période triennale 2018-2020.

Sur la même période quinquennale, la progression des créations nettes d’emplois du ministère de la justice, en équivalents temps pleins, se décline comme suit :

ÉVOLUTION DES CRÉATIONS D’EMPLOIS – PROJET DE LOI INITIAL

2018

2019

2020

2021

2022

1 110

1 300

1 620

1 260

1 220

Ces créations d’emplois s’élèvent par conséquent à 6 500 entre 2018 et 2022, soit un rythme de progression annuel là encore supérieur à celui constaté, en moyenne, sur la décennie précédente. À la demande des rapporteurs du Sénat, le Gouvernement a rendu publique la ventilation qu’il envisage des crédits de la mission « Justice » pour l’année cible 2022 :

CRÉDITS DE LA MISSION JUSTICE POUR 2022

 

Loi de finances initiale 2017

Cible 2022

Évolution 2022-2017 en valeur €

Évolution 2022-2017 en %

Mission « Justice »

6 715 500 000

8 308 400 000

+ 1 592 900 000

+ 23,7

Programme justice judiciaire

2 623 000 000

2 953 500 000

+ 330 500 00

+ 12,6

Programme administration pénitentiaire

2 663 200 000

3 599 100 000

+ 935 900 000

+ 35,1

Programme conduite et pilotage de la politique de la justice

337 800 000

492 000 000

+ 154 200 000

+ 45,6

Programme accès au droit et à la justice

483 100 000

483 100 000

+ 80 000 000

+ 19,8

Programme protection judiciaire de la jeunesse

684 200 000

776 000 000

+ 91 800 000

+ 13,4

Programme Conseil supérieur de la magistrature

4 200 000

4 700 000

+ 500 000

+ 11,9

Le Gouvernement a par ailleurs souhaité inscrire dans la loi le principe selon lequel la présente programmation ferait l’objet d’actualisations, dont l’une obligatoirement avant le 31 décembre 2021, afin de vérifier la bonne adéquation entre les objectifs fixés dans le rapport annexé et les réalisations et moyens effectivement consacrés.

Le rapport annexé dont l’approbation est prévue développe l’ensemble des mesures et des objectifs chiffrés qui s’inscrivent dans les perspectives financières pluriannuelles précitées. Ainsi, il prévoit la construction de 7 000 places de prison supplémentaires disponibles dès 2022. Les dispositifs d’accompagnement des personnes placées sous main de justice ainsi que des nouveaux mécanismes d’insertion et de probation bénéficieront également de financements prioritaires par le Gouvernement.

En outre, le Gouvernement insiste dans le rapport annexé sur la nécessité de développer la modernisation informatique des outils de travail de la justice judiciaire, de mettre en œuvre la construction de vingt nouveaux centres éducatifs fermés au titre de la protection judiciaire de la jeunesse et de renforcer l’ensemble des aides aux victimes et favorisant l’accès au droit.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

Lors de l’examen en commission, cet article a été modifié par un amendement des rapporteurs afin de substituer un autre « scénario » aux évolutions pluriannuelles de crédits et de créations nettes envisagées par le Gouvernement. Reprenant la programmation financière établie dans le cadre de la proposition de loi d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017, l’amendement adopté par la commission prévoit une augmentation des crédits de 33,8 % entre 2017 et 2022 pour un montant total s’élevant en 2022 à 8,99 milliards d’euros, contre 8,32 milliards d’euros, soit + 23,5 % dans la version initiale du projet de loi.

De même, l’augmentation des créations nettes d’emplois sur la période s’élève à 13 728, soit plus du double de celle envisagée par le Gouvernement (6 500).

En outre, le Sénat a supprimé l’obligation d’actualisation de la présente programmation avant le 31 décembre 2021, arguant du caractère non contraignant de celle-ci.

Lors de l’examen en séance, un amendement adopté à l’initiative des rapporteurs a redéfini la période de programmation de 2019 à 2022, en raison de l’exécution en cours de l’année 2018. Cet amendement ajuste en conséquence le montant des crédits annuels dédiés à la mission « Justice » ainsi que le nombre de créations nettes d’emplois ([21]) prévues par le présent article :

TEXTE MODIFIÉ PAR LE SÉNAT

Programmation des crédits de la mission « Justice » en milliards deuros

Programmation des créations nettes demplois

2019

2020

2021

2022

2019

2020

2021

2022

7,29

7,65

8,20

8,99

2 987

3 095

3 213

3 333

Pour des motifs de coordination, la modification par le Sénat de la programmation des crédits et des créations nettes d’emplois ainsi que de plusieurs articles du projet de loi a rendu nécessaire l’adoption de 23 amendements au rapport annexé.

4.   La position de la Commission

Deux amendements présentés par le Gouvernement ont été adoptés afin de rétablir la version initiale du présent article. D’une part, le calendrier de programmation pluriannuelle revient à un point de départ fixé à l’année 2018. D’autre part, dans un souci de réalisme budgétaire, la programmation initiale de l’évolution des crédits de la mission « Justice » et des créations nettes d’emplois a été rétablie, ainsi que l’actualisation de celle-ci avant le 31 décembre 2021.

Sur le rapport annexé, ont été adoptés 14 amendements présentés par le Gouvernement, tendant pour l’essentiel à assurer une coordination avec l’évolution des dispositions du projet de loi ordinaire, et deux amendements rectifiés de M. Philippe Gosselin (LR), relatifs à l’architecture des nouvelles prisons et à l’insertion professionnelle des détenus.

*

*     *

Article 1er bis
Programmation de la progression du nombre des conciliateurs de justice

Supprimé par la Commission

 

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à programmer la hausse annuelle du recrutement de conciliateurs de justice afin de porter leur nombre à 3 420 en 2022.

  Modifications apportées au Sénat

Cet article a été introduit par un amendement adopté lors de l’examen en commission à l’initiative des rapporteurs. Un amendement de coordination présenté par les rapporteurs afin d’ajuster la période de programmation de 2019 à 2022 a été adopté lors de l’examen en séance, contre l’avis du Gouvernement. Le Gouvernement a également présenté un amendement, rejeté par le Sénat, tendant à supprimer cet article.

  Modifications apportées par la Commission

À l’initiative du Gouvernement, un amendement tendant à supprimer cet article a été adopté.

1.   L’état du droit

Le conciliateur de justice est un auxiliaire de justice bénévole dont la mission est de faciliter l’émergence d’une solution négociée satisfaisante afin de trancher des litiges en matière civile ([22]). Son action relève des modes de règlement amiable des différends.

Le décret n° 78-381 du 20 mars 1978 relatif aux conciliateurs de justice précise leur statut, leur condition de nomination et les obligations auxquelles ils sont assujettis.

Peuvent ainsi être nommées conciliateurs de justice les personnes que leur compétence et leur activité qualifient particulièrement pour l’exercice de ces fonctions et qui justifient d’une expérience en matière juridique d’au moins trois ans. Le conciliateur de justice est nommé, pour une première période d’un an, par ordonnance du premier président de la cour d’appel, après avis du procureur général, sur proposition du magistrat coordonnateur des tribunaux d’instance. À l’issue de celle-ci, le conciliateur de justice peut, dans les mêmes formes, être reconduit dans ses fonctions pour une période renouvelable de deux ans.

En pratique, le profil des conciliateurs de justice correspond à des retraités très majoritairement masculins, dont l’âge est compris entre 65 et 75 ans.

Selon les chiffres communiqués par le Gouvernement lors de l’examen du présent projet de loi au Sénat, 2 229 conciliateurs de justice sont recensés comme étant en activité en octobre 2018. À l’issue d’une campagne de promotion organisée par le ministère de la Justice, ce nombre affiche une progression de 11 % par rapport à l’année 2016, au cours de laquelle 1 958 conciliateurs de justice en activité étaient recensés.

Lors de son audition par vos rapporteurs, la Fédération nationale des conciliateurs de justice a présenté des statistiques similaires, faisant état de 2 179 conciliateurs de justice en activité aujourd’hui.

2.   La programmation proposée par le Sénat

Par un amendement adopté en commission à l’initiative des rapporteurs, le Sénat a établi une programmation pluriannuelle du nombre de conciliateurs de justice, en fixant ce nombre à 3 420 en activité en 2022 ([23]).

NOMBRE DE CONCILIATEURS DE JUSTICE – SÉNAT

 

2019

2020

2021

2022

Nombre de conciliateurs de justice

2 520

2 820

3 120

3 420

Cette trajectoire représente une augmentation de près de 50 % du nombre de conciliateurs de justice par rapport à 2018. Le Gouvernement a émis un avis défavorable à cet amendement, en raison du caractère irréaliste du volume des recrutements escomptés, qui s’élèveraient à plus de 1 200 sur une durée de quatre ans et représenteraient ainsi une trajectoire difficilement soutenable.

3.   La position de la Commission

Un amendement présenté par le Gouvernement a été adopté afin de supprimer cet article. Il apparaît en effet peu pertinent de programmer un recrutement prévisionnel de personnes exerçant une activité à titre bénévole.

*

*     *

Article 1er ter
Rapport annuel au Parlement sur lexécution de la présente loi

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à prévoir jusqu’à 2022 la présentation au Parlement d’un rapport annuel du Gouvernement sur l’exécution de la présente loi de programmation, préalablement au débat d’orientation des finances publiques, afin d’assurer chaque année le suivi régulier de l’exécution de celle-ci.

  Modifications apportées au Sénat

Cet article a été introduit par un amendement adopté lors de l’examen en commission à l’initiative des rapporteurs.

  Modifications apportées par la Commission

À l’initiative de la Présidente de la Commission Mme Yaël Braun-Pivet, deux amendements ont été adoptés tendant à prévoir la présentation au Parlement de deux rapports du Gouvernement relatifs, d’une part, à la mise en place des structures d’accompagnement vers la sortie et, d’autre part, à l’évaluation de la récidive selon le parcours des personnes détenues.

Un amendement présenté par Mme Naïma Moutchou (LaREM) a également été adopté dans le but d’intégrer au sein du rapport annuel d’exécution de la présente loi une évaluation des modules de confiance expérimentés dans certains établissements pénitentiaires depuis 2015.

*

*     *

Titre II
SIMPLIFIER LA PROCÉDURE CIVILE ET ADMINISTRATIVE

Sous-titre Ier
Redéfinir le rôle des acteurs du procès

Chapitre Ier
Développer la culture du règlement alternatif des différends

Article 2
(art. 22-1, 22-2 et 22-3 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à lorganisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative et art. 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle)
Développement du recours aux modes alternatifs de règlement des différends

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à :

– favoriser le développement du recours aux modes de règlement amiable en supprimant l’interdiction faite au juge de désigner un médiateur pour procéder aux tentatives préalables de conciliation dans le cadre de la procédure de divorce et de séparation de corps, par coordination avec la suppression de la phase de conciliation en la matière prévue par l’article 12 ;

– généraliser la faculté laissée au juge d’enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur familial à tout moment de la procédure, y compris en référé ;

– permettre au juge d’ordonner une médiation recueillant l’accord des parties dans le cadre de la décision statuant définitivement sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale ;

– prévoir une obligation de tentative préalable d’une conciliation, médiation ou procédure participative avant la saisine du tribunal de grande instance, à peine d’irrecevabilité, pour les litiges inférieurs à un certain montant et ceux relatifs à un conflit de voisinage.

  Dernières modifications législatives intervenues

L’article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a instauré une obligation de tentative préalable de conciliation avant la saisine du tribunal d’instance, à peine d’irrecevabilité.

  Modifications apportées au Sénat

À l’initiative des rapporteurs, deux amendements ont été adoptés lors de l’examen en commission afin, d’une part, de maintenir l’interdiction faite au juge de désigner un médiateur pour procéder aux tentatives préalables de conciliation dans le cadre de la procédure de divorce et de séparation de corps, et, d’autre part, de supprimer l’extension de la tentative préalable obligatoire de conciliation, médiation, et procédure participative avant la saisine du tribunal de grande instance.

Lors de l’examen en séance publique, le Gouvernement a présenté un amendement, rejeté par le Sénat, tendant à rétablir les dispositions supprimées en commission.

  Modifications apportées par la Commission

À l’initiative du Gouvernement, deux amendements ont été adoptés afin de rétablir la version initiale de cet article.

1.   L’état du droit

L’article 21 du code de procédure civile prévoit une disposition générale par laquelle la conciliation des parties relève intrinsèquement des missions dévolues au juge. Cependant, cet objectif de conciliation fait également appel au recours à des modes alternatifs de règlement des différends qui peut revêtir un caractère facultatif ou obligatoire.

Ainsi, l’article 22-1 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure pénale, civile ou administrative prévoit que le juge peut enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur, dans les hypothèses où une tentative préalable de conciliation est prescrite par la loi ([24]). En raison de la phase de conciliation afférente aux procédures de divorce prévue par l’article 252 du code civil, il est interdit au juge de désigner un médiateur pour procéder aux tentatives préalables de conciliation en la matière.

Les articles 22-2 et 22-3 précisent les conditions de prise en charge par les parties des frais de la médiation ([25]) et de la durée de celle-ci.

La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 tend à favoriser le recours aux modes amiables de règlement des différends, afin de limiter l’inflation contentieuse des litiges civils du quotidien relevant de la compétence du tribunal d’instance ([26]). L’article 4 prévoit une obligation de tentative préalable de conciliation avant la saisine du tribunal d’instance, à peine d’irrecevabilité d’office prononcée par le juge.

La dispense de cette tentative préalable est prévue dans trois hypothèses :

– si l’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord ;

– si les parties justifient d’autres diligences en vue de parvenir à une résolution amiable de leur litige, telle que la mise en œuvre d’une assurance de protection juridique ;

– si l’absence de recours à la conciliation est justifiée par un motif légitime, à l’instar de l’indisponibilité d’un conciliateur de justice.

Seule la conciliation par un conciliateur de justice, auxiliaire de justice exerçant à titre bénévole, est donc retenue comme mode alternatif de règlement des différends devant faire l’objet d’une tentative préalable de la part des justiciables.

2.   Le projet de loi initial

L’article 2 du projet de loi a pour objet de renforcer le recours aux règlements amiables des litiges, en affirmant le caractère obligatoire de celui-ci dans un certain nombre de cas. Il modifie les dispositions prévues à l’article 22-1 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 en permettant au juge, en tout état de la procédure y compris en référé, d’enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur.

Conformément à la suppression, par l’article 12 du projet de loi, de l’audience de conciliation dans le cadre des procédures de divorce et de séparation de corps, il est procédé à la suppression de l’interdiction faite au juge de désigner un médiateur familial afin de mettre en œuvre une tentative de conciliation en la matière, dans une perspective d’ouverture du champ de la médiation aux litiges entre époux.

Le présent article modifie également les articles 22-2 et 22-3 afin d’autoriser le juge à prononcer une mesure de médiation dans la décision par laquelle il statue définitivement sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale. L’intérêt de cette mesure « post-sentencielle » est de favoriser la compréhension par les parents de la décision du juge. Il s’agit de parvenir, grâce à l’intervention d’un tiers, à mettre en œuvre les moyens concrets garantissant le respect de celle-ci. L’intervention du tiers présente un aspect pédagogique utile à l’aplanissement des tensions subsistant entre les parties, qui n’ont pas nécessairement été éteintes par le prononcé de la décision de justice définitive.

Enfin, cet article étend le champ de l’obligation de recourir à une tentative préalable de règlement amiable des différends prévue par l’article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016. À peine d’irrecevabilité de leur demande devant le tribunal de grande instance, les parties doivent obligatoirement engager une tentative de conciliation, médiation ou procédure participative pour tous les litiges inférieurs à un certain montant ([27]) défini par décret en Conseil d’État et relatifs aux conflits de voisinage. Les litiges relatifs aux crédits immobiliers et aux crédits à la consommation ne sont pas concernés par cette tentative préalable obligatoire.

Cette réforme diversifie les modalités de règlement amiable des différends auxquels les parties sont susceptibles de recourir. Outre la conciliation présentant un caractère gratuit, la mise en œuvre d’une médiation ou d’une procédure participative dans laquelle les parties sont assistées par leur avocat peut ainsi être envisagée.

Par ailleurs, la nouvelle rédaction de l’article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 prévoit qu’il peut être dérogé à l’obligation de tentative préalable de conciliation ([28]) dans quatre cas :

– lorsque le litige requiert l’exercice d’un recours préalable obligatoire, à l’instar de certains contentieux sociaux ou fiscaux ;

– si le juge doit procéder à une tentative préalable de conciliation, par exemple dans le cadre de litiges relatifs aux baux ruraux ou aux saisies sur rémunération ;

– si l’absence de recours à un mode alternatif de règlement des différends est justifiée par un motif légitime ;

– si l’une des parties sollicite l’homologation d’un accord.

Le champ d’application de ces dispositions et les exceptions qu’elles prévoient garantissent le respect du droit au recours effectif tel que prévu par l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits d’homme et des libertés fondamentales.

Il convient, à ce titre, de rappeler que les obligations précitées n’imposent pas une réussite du processus de médiation ou de conciliation, mais simplement la tentative de celui-ci par les parties au litige.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

Lors de l’examen en commission, deux amendements ont été adoptés à l’initiative des rapporteurs.

Par cohérence avec un amendement de suppression de l’article 12 du projet de loi présenté par les rapporteurs, le Sénat a choisi de maintenir l’interdiction faite au juge de désigner un médiateur familial dans le cadre de la procédure de divorce ou de séparation de corps.

Le Sénat a également supprimé les dispositions de l’article 2 qui prévoient d’élargir le périmètre de l’obligation de tentative préalable de conciliation aux termes de l’article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, arguant d’une extension excessive et inopportune.

Lors de l’examen en séance, le Gouvernement a présenté un amendement, rejeté par le Sénat, tendant à rétablir les dispositions supprimées en commission.

4.   La position de la Commission

Deux amendements présentés par le Gouvernement ont été adoptés afin de rétablir la version initiale de cet article.

Le premier amendement vise à supprimer l’interdiction qui est faite au juge aux affaires familiales de désigner un médiateur pour procéder aux tentatives préalables de conciliation prescrites par la loi en matière de divorce et de séparation de corps, conformément au rétablissement de la suppression de l’audience de non conciliation prévu par l’article 12.

Le second amendement prévoit le rétablissement des dispositions relatives à l’extension du périmètre de l’obligation de tentative préalable de conciliation prévue par l’article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, afin de développer le recours aux modes de résolution amiables de différends pour des litiges dont la nature même le justifie.

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*     *

Article 3
(art. 4-1 à 4-7 [nouveaux] de la loi  2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle)
Encadrement juridique et certification des services en ligne de résolution amiable des litiges

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article confère un cadre juridique à l’activité des services en ligne de résolution des litiges et prévoit une certification facultative de ces derniers en fonction du respect de plusieurs obligations tenant à leur fonctionnement.

  Modifications apportées au Sénat

À l’initiative des rapporteurs, trois amendements, dont un de précision, ont été adoptés lors de l’examen de cet article en commission afin notamment de procéder à une distinction entre l’arbitrage et les autres modes de règlement amiable des litiges, d’étendre l’encadrement juridique aux services en ligne d’aide à la saisine des juridictions, de prévoir que les sentences arbitrales peuvent être rendues sous forme électronique et de rendre obligatoire la certification préalable des plateformes par le ministère de la justice.

Lors de l’examen en séance, trois amendements de nature rédactionnelle ou de précision présentés par les rapporteurs ont été adoptés, ainsi qu’un amendement de Mme Josiane Costes (RDSE), contre l’avis du Gouvernement, tendant à permettre aux parties de s’opposer à ce que la sentence arbitrale soit rendue sous forme électronique.

Le Gouvernement a présenté un amendement, rejeté par le Sénat, visant à rétablir le caractère facultatif de la certification des plateformes par un organisme accrédité.

  Modifications apportées par la Commission

À l’initiative de la rapporteure, cinq amendements ont été adoptés visant notamment à encadrer plus précisément l’activité des services en ligne et à rétablir le caractère facultatif de leur certification.

1.   L’état du droit

La résolution amiable de différends en ligne constitue une activité libérale bénéficiant de la liberté d’entreprise. Le cadre actuel se caractérise par une absence de régulation des services proposés dans ce sens par des plateformes numériques dont la délimitation des prestations apparaît imprécise.

Cette situation peut engendrer des difficultés tenant au respect du périmètre du droit tel que défini par la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

Ainsi, le développement croissant des « legal techs » requiert la mise en œuvre d’un encadrement juridique de leurs activités, en conciliant le principe conventionnel de libre prestation de services avec l’impératif de protection des justiciables en matière d’accès au droit. En outre, la régulation des services en ligne de résolution amiable des différends semble d’autant plus indispensable que l’article 2 du projet de loi tend notamment à encourager le recours aux processus de médiation et de conciliation.

2.   Le projet de loi initial

Dans sa version initiale le présent article proposait d’insérer trois articles à la suite de l’article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 dans le but, d’une part, de déterminer un ensemble d’obligations régissant l’activité des plateformes, et, d’autre part, de prévoir une faculté de certification de celle-ci par un organisme accrédité.

Un article 4-1 est ainsi créé afin de soumettre les plateformes proposant des services en ligne de médiation, de conciliation ou d’arbitrage à l’ensemble des obligations relatives à la protection des données personnelles et au respect du principe de confidentialité, sauf accord contraire des parties.

Le fonctionnement de ces services, dont la dimension informatique et donc technique peut souffrir d’une forme d’opacité, doit faire l’objet d’une transparence suffisante pour que les parties disposent des informations nécessaires à la compréhension du processus de médiation, de conciliation ou d’arbitrage dans lequel elles ont décidé de s’engager. À cette fin, l’activité accomplie par les plateformes ne peut résulter d’un seul traitement algorithmique. Il est également précisé que l’utilisation d’algorithmes doit être portée à la connaissance des parties et que celles-ci doivent expressément y consentir.

Ces règles de transparence se conjuguent au respect d’obligations imposées aux personnes physiques responsables de ces services, qui sont tenues au secret professionnel et doivent accomplir leur mission avec diligence et compétence, et de façon indépendante et impartiale.

Les nouveaux articles 4-2 et 4-3 prévoient la possibilité pour les plateformes de bénéficier, à leur demande, d’une certification ([29]) par un organisme accrédité ([30]) dans le but d’attester du respect par ces services en ligne des obligations précitées.

Enfin, le texte précise qu’un décret pris en Conseil d’État précise les cas dans lesquels la certification est exigée ainsi que les modalités de procédure de la délivrance, du retrait et de la publicité des certifications.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

Lors de l’examen en commission, le Sénat a adopté trois amendements présentés par les rapporteurs. Les modifications apportées tendent à renforcer l’encadrement de l’activité des plateformes en précisant les différents types de services qu’elles sont susceptibles de réaliser.

Les services d’arbitrage et ceux assurant des activités de médiation ou de conciliation font l’objet d’une distinction formelle, bien que les obligations auxquelles ils sont soumis demeurent identiques. Il est également précisé que la sentence arbitrale peut être rendue sous forme électronique.

Le cadre juridique applicable est étendu à tous les services en ligne proposant une résolution amiable des différends, au-delà de l’arbitrage, de la médiation et de la conciliation limitativement énumérés dans la version initiale de l’article 3. En outre, le respect de l’ensemble des règles et obligations précitées est étendu aux plateformes d’aide à la saisine des juridictions.

Le Sénat a modifié le dispositif de certification des plateformes envisagé initialement. La certification serait une obligation préalable pour l’exercice de leur activité et serait délivrée non plus par un organisme accrédité mais par les services du ministère de la justice.

Lors de l’examen en séance, trois amendements rédactionnels et de précision ont été adoptés à l’initiative des rapporteurs tendant notamment à garantir le caractère intelligible des informations transmises par les plateformes sur le fonctionnement de leurs services et à expliciter l’interdiction faite à celles-ci de donner des consultations juridiques et de réaliser des actes sous seing privés conformément au « monopole du droit » prévu par l’article 54 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971.

Un amendement de Madame Josiane Costes (RDSE) a également été adopté dans le but de permettre aux parties de s’opposer à ce que la sentence arbitrale puisse être rendue de manière électronique.

Enfin, un amendement du Gouvernement visant à rétablir la certification facultative des plateformes par un organisme accrédité a été rejeté par le Sénat.

4.   La position de la Commission

La Commission a adopté cinq amendements à l’initiative de la rapporteure.

Outre un amendement rédactionnel explicitant l’application des dispositions du présent article aux personnes physiques et morales qui proposent des services en ligne, deux amendements de précision ont été adoptés. Il s’agit de rappeler que l’activité de ces services est soumise au respect du périmètre du droit tel que prévu que par la loi du 31 décembre 1971 et de supprimer la mention par laquelle les plateformes informent leurs utilisateurs des conséquences des actions en justice qu’elles permettent de réaliser, et ce afin d’éviter qu’elles ne puissent délivrer des consultations à caractère juridique.

Conformément aux obligations visant les médiateurs en matière administrative prévues par l’article 5 de loi du 18 novembre 2016, les services en ligne devront respecter des obligations de diligence, de compétence et d’impartialité. Par ailleurs, une obligation d’indépendance, terme connexe de l’impartialité, a été ajoutée afin d’exiger une véritable autonomie des plateformes dans l’exercice de leur activité.

Enfin, un amendement a été adopté tendant à rétablir le caractère facultatif de la certification susceptible d’être délivrée aux services en ligne par un organisme accrédité. Cette disposition se justifie par la nécessité de garantir le respect du principe conventionnel de libre prestation de services. La faculté de bénéficier d’une certification permettra d’atteindre les mêmes objectifs qu’une certification obligatoire, en ce qu’elle permettra au public de distinguer les services en ligne selon le respect des critères de transparence et des obligations précitées. Les modalités concrètes entourant le régime de certification relevant du domaine réglementaire, un décret pris en Conseil d’État précisera les procédures applicables en la matière.

*

*     *

Chapitre II
Étendre la représentation obligatoire

Article 4
(art. 2 de la loi n° 20071787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit ; art. L. 14531 A [nouveau] du code du travail ; art. 364 [nouveau] du code des douanes ; art. L. 1214 du code des procédures civiles dexécution ; art. 12 de la loi n° 20161547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle)
Extension de la représentation obligatoire

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 4 étend le principe de la représentation obligatoire du justiciable par un avocat en matière civile, devant le tribunal paritaire des baux ruraux et en appel s’agissant du contentieux de la sécurité sociale et de l’aide sociale.

  Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2015‑990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron », a institué le défenseur syndical, salarié autorisé à assister ou représenter un autre salarié engagé dans une procédure contentieuse en première instance comme en appel. Il intervient à titre gratuit.

  Modifications apportées au Sénat

Le Sénat a exclu l’extension de la représentation obligatoire au contentieux des baux ruraux. Il a également procédé à diverses codifications du droit en vigueur dans les domaines commercial et prud’homal.

  Modifications apportées par la Commission

À l’initiative du Gouvernement, la Commission a apporté diverses modifications à l’article 4, revenant sur l’inscription dans la loi des règles de représentation devant le tribunal de commerce et prévoyant des modalités particulières de représentation en matière de contentieux de l’aide et de la sécurité sociales.

1.   L’état du droit

a.   L’obligation de représentation par un avocat

Dans un procès civil, les parties disposent de la liberté de se défendre elles-mêmes, sauf lorsque la représentation par un avocat leur est imposée par la loi ou le règlement ([31]). Le mandat de représentation en justice « emporte pouvoir et devoir daccomplir au nom du mandant les actes de la procédure » ([32]) ; les lois et règlements en vigueur l’imposent en matière civile devant le tribunal de grande instance ([33]), la cour d’appel ([34]) et la Cour de cassation ([35]).

L’article 4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques prévoit que « nul ne peut, sil nest avocat, assister ou représenter les parties, postuler ([36]) et plaider devant les juridictions et les organismes juridictionnels ou disciplinaires de quelque nature que ce soit sous réserve des dispositions régissant les avocats au Conseil dÉtat et à la Cour de cassation ([37]) ». En revanche, la prestation de conseil juridique échappe à ce monopole ([38]).

Ledit article 4 de la loi du 31 décembre 1971 autorise cependant des exceptions au principe de la représentation par avocat, dans le cadre notamment du « libre exercice des activités des organisations syndicales régies par le code du travail ou de leurs représentants, en matière de représentation et dassistance devant les juridictions sociales et paritaires et les organismes juridictionnels ou disciplinaires auxquels ils ont accès ».

Il appartient au pouvoir réglementaire de dispenser les justiciables de se faire représenter par un avocat dans des contentieux déterminés ([39]). Le législateur peut également, par exception, autoriser une représentation par un tiers non avocat ([40]).

b.   Les exceptions au principe de représentation obligatoire

En première instance, les parties peuvent se défendre elles-mêmes sans avoir l’obligation de prendre un avocat pour les contentieux relevant du tribunal d’instance ([41]) et du conseil de prud’hommes ([42]). Il en va de même devant le tribunal de commerce (TC) ([43]), le tribunal paritaire des baux ruraux (TBPR) ([44]), le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) ([45]), le tribunal du contentieux de l’incapacité (TCI) ([46]), les commissions départementales et centrales d’aide sociale (CDAS) ([47]), ainsi que la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail (CNITAAT) ([48]).

Les textes en vigueur diffèrent pour ce qui concerne les personnes autorisées à représenter les parties. S’il est toujours possible de solliciter un avocat, le conjoint, le partenaire de pacte civil de solidarité et le concubin, chaque juridiction ouvre des possibilités de représentation particulières et variables : par exemple les parents et alliés devant le tribunal d’instance ([49]), un membre ou un salarié d’une organisation professionnelle agricole devant le tribunal paritaire des baux ruraux ([50]), un salarié ou un employeur appartenant à la même branche d’activité ou par un défenseur syndical devant le conseil de prud’hommes ([51]), voire par toute personne devant le tribunal de commerce ([52])

Il est cependant constant que le représentant, s’il n’est avocat, doive justifier d’un pouvoir spécial.

Enfin, le principe selon lequel le ministère d’avocat est obligatoire devant le tribunal de grande instance et la cour dappel est lui-même grevé de nombreuses exceptions énumérées par les rapporteurs du Sénat ([53]) :

– les dérogations sont nombreuses pour les questions détat civil et de droit de la famille – adoption d’un enfant recueilli avant l’âge de 15 ans ([54]), changement de sexe ([55]), révision de la prestation compensatoire ([56]), délégation ou retrait de l’autorité parentale et déclaration judiciaire de délaissement parental ([57]), incapacité des mineurs ([58]), demande de consentement à une procréation médicalement assistée avec tiers donneur ([59]) ;

– dans le silence des textes, une « règle coutumière » dispense les parties d’avocat en matière de référé devant le tribunal de grande instance ;

– en matière commerciale pour les entreprises qui relèvent du tribunal de grande instance ([60]) dans le contentieux des baux commerciaux ([61]) et dans le cadre de procédures collectives ([62]) ;

– dans le contentieux de lexécution de première instance ([63]) ;

– dans les contentieux fiscaux ([64]), douaniers ([65]) et de l’expropriation ([66]), en première instance comme en appel.

Au stade de l’appel, la représentation obligatoire par avocat est plus fréquente. Elle s’applique notamment à la contestation des décisions rendues par les tribunaux de grande instance, d’instance, ou le tribunal de commerce, où les parties ont pu se défendre librement ([67]). Pour ce qui est des appels à l’encontre des décisions du conseil de prud’hommes, la représentation des parties est désormais obligatoire mais elle peut être confiée à un avocat ou à un défenseur syndical ([68]).

2.   Les dispositions du projet de loi

L’étude d’impact jointe au projet de loi souligne que, si l’absence de représentation obligatoire est généralement justifiée par la préservation de l’accès au juge ou par les difficultés économiques des parties, l’intervention d’un avocat est « bénéfique pour le justiciable, mais également pour le juge ». Le conseil juridique qu’il délivre et sa plus-value pour faire valoir les intérêts de son client sont souvent indispensables à une défense effective. En outre, l’argumentaire ordonné d’un avocat aide le juge dans sa prise de décision. L’avis délibéré par le Conseil d’État abonde en ce sens : « le principe de la représentation obligatoire des parties ne peut, en principe, quassurer une meilleure présentation des causes et favoriser la qualité des décisions juridictionnelles, dans un contexte de complexification du droit » ([69]). Quant à la Cour européenne des droits de l’homme, elle a jugé par le passé que l’accès au juge sans avocat pouvait porter atteinte au principe d’égalité des armes ([70]).

En conséquence, l’article 4 poursuit l’objectif d’une extension de la représentation obligatoire par un avocat. Ses dispositions sont cependant limitées dans la mesure où, au contraire de la procédure pénale dont il revient au législateur la compétence de fixer les règles ([71]), la procédure civile relève du domaine réglementaire ([72]). Elles ont également un impact direct sur le périmètre de l’aide juridictionnelle ([73]) que l’étude d’impact jointe au projet de loi estime à 24 millions d’euros.

Le I abroge l’article 83 de la loi du 23 janvier 1990 complémentaire à la loi n° 88-1202 du 30 décembre 1988 relative à l’adaptation de l’exploitation agricole à son environnement économique et social, de sorte que la représentation par avocat devienne obligatoire devant le tribunal paritaire des baux ruraux. Il en résulterait la fin de la possibilité pour les parties de se faire assister ou représenter par des salariés ou membres des organisations professionnelles agricoles.

Le II tire les conséquences de la fusion des tribunaux d’instance et de grande instance prévue à l’article 53 du présent projet de loi. Il modifie l’article 2 de la loi n° 2007‑1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit, pour déroger au monopole de la représentation par avocat devant le tribunal de grande instance dans certaines matières, en raison de la nature du litige ou en considération de sa valeur ([74]) – critères fixés par décret en Conseil d’État. La liste des personnes autorisées à assister ou représenter les parties correspond à celle figurant actuellement à l’article 828 du code de procédure civile régissant la représentation devant le tribunal d’instance. Par ailleurs, la rédaction proposée par le Gouvernement indique que les parties peuvent se défendre elles-mêmes, alors que cette disposition est aujourd’hui de rang réglementaire. Les personnes publiques pourraient toujours se faire représenter ou assister par un fonctionnaire ou un agent de leur administration, sauf exceptions, dans un souci d’économie. Enfin, les règles applicables au conseil de prud’hommes demeurent inchangées.

En matière de contentieux douanier, l’objectif poursuivi par le Gouvernement d’une extension de la représentation obligatoire aux litiges civils sera atteint par voie réglementaire. Le III se borne à opérer une coordination en restreignant aux seules juridictions répressives le principe selon lequel l’instruction se fait en première instance et en appel sur simple mémoire, donc sans représentation obligatoire. Il crée à cette fin un nouvel article 364 au sein du code des douanes et supprime le A du paragraphe 1 de la section 5 du chapitre III du titre XII, composé du seul article 367, qui posait jusqu’à présent ce principe pour l’ensemble des affaires douanières.

Le IV généralise la représentation obligatoire devant le juge de lexécution, sauf en matière d’expulsion et pour les demandes tendant au paiement d’une somme qui n’excède pas un montant défini par décret en Conseil d’État où les parties pourraient solliciter les personnes figurant sur la liste présentée au I.

Le V et le VI appliquent la même extension au contentieux général et technique de la sécurité sociale et au contentieux de ladmission à laide sociale. Un avocat devra être constitué pour l’appel dans les affaires que traiteront les pôles sociaux institués au 1er janvier 2019 au sein des tribunaux de grande instance ([75]). Les parties demeureront libres de se défendre elles-mêmes en première instance. Une dérogation dispense les organismes de sécurité sociale du ministère d’avocat pour des raisons de maîtrise des dépenses et de connaissance suffisante de la procédure parmi les agents spécialisés dans le contentieux.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

a.   En commission des Lois

S’ils ont soutenu le principe d’une extension de la représentation obligatoire à l’instance par un avocat, considérant qu’une meilleure présentation des causes a pour conséquence une meilleure chance de succès, les rapporteurs ont proposé plusieurs amendements à la commission des Lois, qui les a adoptés.

i.   La suppression de la disposition relative aux tribunaux paritaires des baux ruraux

Les rapporteurs ont estimé qu’il convenait de déroger au principe de la représentation obligatoire devant certaines juridictions dans lesquelles une expertise juridique pouvait valablement être apportée par des personnes autres que des avocats. Tel est le cas du tribunal paritaire des baux ruraux devant lequel interviennent des membres des organisations professionnelles agricoles, « juristes aguerris au contentieux des baux ruraux, soumis aux dispositions légales relatives à la délivrance de consultations juridiques, et notamment au respect du secret professionnel ([76]) ». Les rapporteurs ont jugé que l’argument d’une meilleure présentation des causes par les avocats manquait de force dans cette situation particulière. De surcroît, les dispositions procédurales actuelles sont défendues par les principales organisations professionnelles agricoles et ne concernent qu’un contentieux réduit – 2 860 affaires par an ([77]).

En outre, le projet de loi maintient l’assistance et la représentation en justice par d’autres professionnels que les avocats, notamment syndicaux ou associatifs, devant les futurs pôles sociaux des tribunaux de grande instance, les conseils de prud’hommes et les tribunaux de commerce. La commission des Lois du Sénat n’a pas souhaité distinguer les tribunaux paritaires des baux ruraux parmi ces juridictions spécialisées.

En conséquence, la commission des Lois a fait le choix de maintenir le droit en vigueur en adoptant quatre amendements de ses rapporteurs, de M. Jacques Bigot au nom du groupe socialiste et républicain, de Mme Josiane Costes et de M. Daniel Gremillet, qui suppriment le I de larticle 4.

ii.   Une élévation au rang législatif des règles de procédure prud’homale et commerciale

En ce qui concerne le contentieux des relations de travail, la commission des Lois a adopté un amendement des rapporteurs codifiant à droit constant dans la partie législative du code du travail les principes d’assistance et de représentation devant le conseil de prud’hommes. Les sénateurs ont jugé cette option préférable à la rédaction du projet de loi qui procédait par renvoi de la loi n° 2007‑1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit aux dispositions – réglementaires – du code du travail. Ils ont donc créé un II bis à cette fin.

Quant au principe de la libre assistance et représentation des parties devant le tribunal de commerce et le tribunal de grande instance en tant que juge des procédures collectives, la commission des Lois estime qu’il s’agit d’une dérogation au monopole légal des avocats imposé par l’article 4 de la loi du 31 décembre 1971. De surcroît, les rapporteurs indiquent avoir pris connaissance, au cours de leurs travaux, de l’ambition du Gouvernement « détendre la représentation obligatoire devant le tribunal de commerce, sans même donc avoir besoin que le législateur ne sen saisisse » ([78]). Afin de faire échec à ce projet, la commission des Lois a donné, sur proposition des rapporteurs, une valeur législative à cette liberté de représentation qui figure au II ter de larticle 4.

iii.   Des modifications légistiques et rédactionnelles

Sur proposition de ses rapporteurs, la commission des Lois du Sénat a préféré inscrire la liste des personnes autorisées à assister et représenter les parties devant le tribunal de grande instance pour les litiges relevant actuellement du tribunal d’instance, non dans la loi n° 2007‑1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit comme le proposait le Gouvernement, mais au sein d’un nouvel article 4‑1 dans la loi n° 71‑1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques qui énonce le principe de la représentation par avocat. Cette même disposition précise, par cohérence, que tout représentant qui n’est pas avocat doit disposer d’un pouvoir spécial, comme le mentionne actuellement le code de procédure civile.

Enfin, un amendement des rapporteurs a procédé à diverses améliorations rédactionnelles de l’article 4.

b.   En séance publique

Aucun amendement au projet de loi n’a été adopté au cours de la discussion en séance publique.

4.   La position de la Commission

La commission des Lois a diversement considéré les modifications apportées par le Sénat à un article 4 dont la philosophie lui semblait correctement exprimée dans sa rédaction initiale proposée par le Gouvernement.

Outre deux amendements rédactionnels, la Commission a adopté trois amendements avec l’avis favorable de la rapporteure :

–  sur proposition du Gouvernement, elle a fait le choix de mentionner les exceptions à la représentation obligatoire dans la loi n° 20071787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit, comme le prévoyait le texte initial, plutôt qu’au sein de la loi n° 71‑1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques. En effet, l’option retenue par le Sénat laissait subsister dans sa rédaction actuelle l’article 2 de la loi du 20 décembre 2007 qui traite de la représentation des parties devant le tribunal d’instance, ce qui suscitait une difficulté dès lors que le projet de loi entend procéder à la fusion des tribunaux d’instance et de grande instance ;

–  sur les suggestions du Gouvernement et de Mme Nadia Ramassamy (LR), elle a souhaité maintenir au rang règlementaire le principe de libre assistance et représentation des parties en matière commerciale, principe permettant aux parties de se défendre elles-mêmes ou d’être assistées ou représentées par toute personne de leur choix qu’énoncent les articles 853 du code de procédure civile et R.  662-2 du code de commerce. Cette position est conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel ([79]) ;

–  enfin, sur proposition du Gouvernement, elle a modifié l’article L. 142‑9 du code de la sécurité sociale aux termes duquel, en première instance, les parties se défendent elles-mêmes ([80]). En effet, cette disposition ne mentionne pas la possibilité pour les autorités administratives parties à l’instance – maison départementale des personnes handicapées (MDPH) ou président du conseil départemental – d’être représentées par un de leurs agents. Même si elle n’a jusqu’à aujourd’hui pas conduit les tribunaux du contentieux de l’incapacité à écarter une telle représentation, la Commission a préféré en faire mention expressément dans la loi. Par ailleurs, alors que l’article 4 impose un ministère d’avocat devant les cours d’appels spécialement désignées pour connaitre de l’ensemble des recours sur les contentieux sociaux, mais qu’il admet une dispense pour les organismes de sécurité sociale autorisés à être représentés par un de leurs agents, la Commission a souhaité qu’une dispense analogue bénéficie aux personnes publiques parties au litige.

En revanche, la Commission s’est montrée convaincue par la décision du Sénat de maintenir un statu quo en matière de représentation devant le tribunal paritaire des baux ruraux. Les membres des organisations professionnelles agricoles qui interviennent aujourd’hui au côté des parties disposent d’une expertise technique incontestable, de sorte qu’une représentation obligatoire par avocat n’apporterait pas, dans ce contentieux, les bienfaits attendus dans les autres branches du droit. Elle impliquerait également une remise en question du rôle de ces organisations professionnelles qui, dans un contexte économique difficile pour la profession, amènerait une fragilité supplémentaire.

La Commission a également approuvé le choix du Sénat de réunir dans la loi les dispositions relatives à la représentation devant le conseil de prudhommes. Dans la mesure où elles se composaient d’éléments épars dans la partie réglementaire du code du travail, mais aussi d’une définition législative du défenseur syndical et de son rôle, l’élévation de l’ensemble au niveau législatif a été privilégiée par les commissaires.

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Chapitre III
Repenser loffice des juridictions

Article 5
(art. 46, 311-20 et 317 du code civil, art. L. 2141-6, L. 2141-10 et L. 2141-10 du code de la santé publique, art. 4 de la loi n° 68-671 du 25 juillet 1968 relative à létat civil des Français ayant vécu en Algérie ou dans les anciens territoires français doutre-mer ou sous tutelle devenus indépendants, loi du 20 juin 1920 ayant pour objet de suppléer par des actes de notoriété à limpossibilité de se procurer des expéditions des actes de létat civil dont les originaux ont été détruits ou sont disparus par suite de faits de guerre et art. 1er et 2 de lordonnance n° 62-800 du 16 juillet 1962 facilitant la preuve des actes de létat civil dressés en Algérie)
Compétence des notaires pour délivrer certains actes de notoriété
et recueillir le consentement dans le cadre dune assistance médicale
à la procréation avec tiers donneur

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 5 confère aux notaires le traitement des demandes de délivrance de certains actes de notoriété et leur attribue de manière exclusive le recueil du consentement en matière d’assistance à la procréation avec tiers donneur.

  Dernières modifications législatives intervenues

L’article 317 du code civil, relatif à la délivrance d’actes de notoriété constatant la possession d’état établissant la filiation, a été modifié pour la dernière fois par la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l’allégement de certaines procédures juridictionnelles, afin de préciser que la demande doit être formulée auprès du tribunal d’instance du lieu de naissance de l’enfant ou du domicile des parents.

L’article 311-20 du code civil, relatif au recueil, par le juge ou le notaire, du consentement en cas d’assistance médicale à la procréation avec un tiers donneur, a été modifié en dernier lieu par l’ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005, pour en actualiser la rédaction.

  Modifications apportées au Sénat

Le Sénat a supprimé les dispositions qui prévoient que seul le notaire est compétent pour recueillir le consentement en matière d’assistance à la procréation avec tiers donneur.

  Modifications apportées par la Commission

À l’initiative du Gouvernement et avec l’avis favorable de votre rapporteure, la Commission a rétabli la compétence exclusive des notaires en matière de recueil de consentement à l’assistance médicale à la procréation en cas de recours à un tiers donneur et l’a étendue à la procédure d’accueil d’embryon. À l’initiative de votre rapporteure et avec l’avis favorable du Gouvernement, la Commission a également exonéré de droits d’enregistrement ces deux procédures.

I.   l’État du droit

A.   les actes de notoriÉtÉ

Le code civil permet, dans différentes situations, de prouver une situation juridique par l’établissement d’un acte de notoriété, c’est-à-dire un document par lequel un officier public recueille des témoignages en vue d’établir une circonstance ou un fait matériel qu’un grand nombre de personnes ont pu constater ou dont ils ont pu avoir connaissance ou qui leur semble être avéré.

Le nombre de ces actes de notoriété s’élève à une dizaine par an.

1.   Les actes de notoriété constatant la possession d’état en matière de filiation

Le code civil prévoit la possibilité d’établir un acte de notoriété afin de fournir :

– la preuve de la date et du lieu de naissance d’un ou des futurs époux, en cas d’absence d’acte de naissance (article 71 du code civil) ([81]) ;

– la preuve de la qualité d’héritier (article 730-1 du code civil) ;

– le constat de la possession d’état établissant la filiation ([82]) (article 317 du code civil).

Alors que les articles 71 et 730-1 du code civil prévoient la délivrance, par les notaires, des actes de notoriété destinés à prouver la date et le lieu de naissance en cas de projet de mariage ou la qualité d’héritier, l’article 317 du code civil prévoit la compétence du juge d’instance en cas de possession d’état établissant la filiation.

L’article 317 dispose en effet que l’acte de notoriété faisant foi de la possession d’état peut être demandé au juge du tribunal d’instance du lieu de naissance ou de domicile de la personne. Ce document est établi à partir des déclarations d’au moins trois témoins et, si nécessaire, de tout autre document attestant de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté nécessaires à l’établissement de la possession d’état.

2.   Les actes de notoriété suppléant les actes de l’état civil détruits ou disparus

Adoptée après la Première guerre mondiale, la loi du 20 juin 1920 a pour objet de suppléer par des actes de notoriété à l’impossibilité de se procurer des expéditions des actes de l’état civil dont les originaux ont été détruits ou sont disparus par suite de faits de guerre, jusqu’à la reconstitution ou la restitution des registres.

Ces actes de notoriété, établis à partir des déclarations d’au moins trois témoins, sont adressés sans aucun frais par le juge du tribunal d’instance du domicile ou de la résidence du requérant. L’expédition ([83]) en est délivrée dans les mêmes conditions que le serait l’expédition de l’acte qu’elle remplace, et sans que le coût puisse en être plus élevé. Ils sont visés pour timbre sur la minute et enregistrés gratuitement. Ils ne sont pas soumis à homologation.

Les requérants et les témoins qui seraient convaincus de fausses déclarations tombent sous l’application des articles 434-13 et suivants du code pénal, qui prévoient des peines d’emprisonnement et des amendes allant de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende.

Le juge du tribunal d’instance qui reçoit un acte de notoriété est tenu d’en adresser dans le mois une expédition au procureur de la République de l’arrondissement où se trouvait déposé l’original de l’acte de l’état civil auquel il a suppléé. Elle est déposée dans le délai d’un mois au greffe du tribunal de cet arrondissement.

La loi n° 68-671 du 25 juillet 1968 modifiée relative à l’état civil des Français ayant vécu en Algérie ou dans les anciens territoires français d’outre-mer ou sous tutelle devenus indépendants a par ailleurs prévu des modalités particulières de reconstitution ou d’établissement des actes d’état civil de ces Français, en prévoyant le recueil des déclarations de témoins par le juge d’instance. Son article 4 dispose en effet que les actes de l’état civil des personnes qui ont bénéficié de la reconnaissance de la nationalité française et de celles ayant conservé de plein droit ou acquis la nationalité française sont établis, soit par reproduction des registres originaux, soit au vu de copies ou extraits d’actes de l’état civil, soit, à défaut, au vu de tous documents judiciaires ou administratifs ou même sur des déclarations de témoins recueillies sans frais par le juge d’instance.

Des facilités de preuve ont été instituées par l’ordonnance n° 62-800 du 16 juillet 1962 pour les actes de l’état civil dressés en Algérie avant l’indépendance et en faveur des personnes qui ont vécu en Algérie quelle que soit leur nationalité.

B.   Le recueil du consentement en matiÈre d’assistance mÉdicale à la procréation

Tous les couples qui ont recours à une assistance médicale à la procréation doivent préalablement y consentir après avoir reçu une information sur cette technique ([84]).

Dans le cas d’une insémination artificielle sans intervention d’un tiers donneur, c’est au médecin qu’il revient d’informer le couple sur le processus médical et de recueillir leur consentement.

Dans le cas d’une assistance médicale à la procréation avec intervention d’un tiers donneur, les formalités du consentement donné par le couple sont plus rigoureuses, compte tenu des conséquences du recours à cette technique au regard de la filiation de l’enfant.

L’article 311-20 du code civil prévoit ainsi que les époux ou les concubins qui recourent à une assistance médicale à la procréation, nécessitant l’intervention d’un tiers donneur, doivent donner leur consentement au juge ou au notaire, qui les informe des conséquences de leur acte au regard de la filiation.

Le juge ou le notaire enregistre la déclaration de consentement sans exercer aucun contrôle d’opportunité, ni émettre aucun avis ou question relative à l’intérêt de l’enfant ou le mode de vie familiale des intéressés. La justification des conditions médicales ouvrant l’accès à l’assistance médicale à la procréation n’est pas non plus du ressort du juge ou du notaire, même s’il est admis qu’ils pourraient refuser de recevoir le consentement d’un couple qui ne remplirait manifestement pas les exigences légales.

Le consentement donné interdit ensuite, sauf exceptions, toute action aux fins d’établissement ou de contestation de la filiation.

Celui qui a donné son consentement et qui ne reconnaît finalement pas l’enfant issu de l’assistance médicale à la procréation engage sa responsabilité envers la mère et l’enfant et voit sa paternité judiciairement déclarée.

Sur les 3 200 couples ayant eu recours à l’assistance à la procréation médicale ([85]) en 2015, 1 800 consentements ont été recueillis par le juge, soit 56 %.

II.   la rÉforme proposÉe

L’article 5 du projet de loi poursuit un double objectif : recentrer l’institution judiciaire sur ses missions juridictionnelles et unifier les règles de compétence en matière d’établissement d’actes de notoriété.

A.   Le projet de loi initial

1.   L’établissement des actes de notoriété transféré aux notaires

a.   Les actes de notoriété constatant la possession d’état en matière de filiation

Le I de l’article 5 modifie l’article 317 du code civil afin de confier aux notaires l’établissement des actes de notoriété constatant la possession d’état en matière de filiation, par cohérence avec ce qui prévaut aujourd’hui pour les actes de notoriété en matière de mariage et de succession.

b.   Les actes de notoriété suppléant les actes de l’état civil dont les originaux ont été détruits ou ont disparu

Les II à V de l’article 5 transfèrent aux notaires l’établissement des actes de notoriété destinés à suppléer les actes de l’état civil dont les originaux ont été détruits ou sont disparus à la suite d’un sinistre ou de faits de guerre.

● Le III abroge la loi du 20 juin 1920 tandis que le II intègre certaines de ses dispositions au sein de l’article 46 du code civil, relatif aux preuves à fournir en l’absence de registres ([86]).

Il prévoit que jusqu’à ce que la reconstitution ou la restitution des registres ait été effectuée, il peut être suppléé par des actes de notoriété à tous les actes de l’état civil dont les originaux ont été détruits ou sont disparus par suite d’un sinistre ou de faits de guerre. Ces actes de notoriété sont délivrés par un notaire, sur la foi des déclarations d’au moins trois témoins et de tout autre document produit qui attestent de l’état civil de l’intéressé. L’acte de notoriété est signé par le notaire et par les témoins.

L’échelle des peines encourues par les requérants et les témoins est par ailleurs aggravée puisqu’ils sont passibles des peines prévues à l’article 441-4 du code pénal (dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende).

● Le IV modifie l’article 4 de la loi n° 68-671 du 25 juillet 1968 afin de transférer aux notaires la compétence de délivrer les actes supplétifs dans les mêmes conditions que celles prévues à l’article 317 du code civil précité, tel que modifié par le projet de loi.

● Le V procède enfin aux coordinations nécessaires au sein de l’ordonnance n° 62-800 du 16 juillet 1962 facilitant la preuve des actes de l’état civil dressés en Algérie et de la loi n° 68-671 du 25 juillet 1968 relative à l’état civil des Français ayant vécu en Algérie ou dans les anciens territoires français d’outre-mer ou sous tutelle devenus indépendants, dont la suppression de la référence à la loi du 20 juin 1920.

2.   Le recueil du consentement à l’assistance médicale à la procréation dévolu aux seuls notaires

Les VI et VII de l’article 5 suppriment la compétence concurrentielle du juge et du notaire, prévue par l’article 311-20 du code civil et reprise par l’article L. 2141-10 du code de la santé publique, en matière de recueil du consentement à l’assistance médicale à la procréation nécessitant l’intervention d’un tiers donneur.

Désormais, seuls les notaires recueilleraient ces consentements, dans la mesure où cette formalité ne suppose pas de contrôle des conditions légales posées pour y recourir mais a seulement pour objet d’informer le couple des conséquences de ses actes en matière de filiation.

B.   Les modifications apportÉes par le SÉnat

Outre un amendement rédactionnel, la commission des Lois du Sénat a, sur proposition de ses rapporteurs, adopté un amendement de suppression des dispositions qui confient exclusivement aux notaires le recueil du consentement du couple qui a recours à une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur.

Le Sénat n’a en effet pas souhaité anticiper sur les débats à venir dans le cadre de la révision des lois bioéthiques.

En séance publique, le Gouvernement a déposé un amendement destiné à rétablir les dispositions supprimées, mais il n’a pas été adopté.

C.   Les modifications apportÉes par la commission

À l’initiative du Gouvernement et avec l’avis favorable de votre rapporteure, la Commission a rétabli la compétence exclusive des notaires en matière de recueil de consentement à l’assistance médicale à la procréation en cas de recours à un tiers donneur et l’a étendue au recueil du consentement du couple qui a recours à une assistance médicale à la procréation avec accueil d’embryon, qui est aujourd’hui subordonné, aux termes de l’article L. 2141-6 du code de la santé publique, à une décision de l’autorité judiciaire.

À l’initiative de votre rapporteure, qui a souhaité en limiter le coût, et avec l’avis favorable du Gouvernement, la Commission a exonéré ces deux procédures de droits d’enregistrement.

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*     *

Article 6
Modalités de révision des pensions alimentaires

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 6 simplifie, à titre expérimental, la modification du montant d’une pension alimentaire en permettant, sous conditions et dans les situations les plus simples, aux caisses d’allocations familiales ou à des officiers publics et ministériels de statuer sur les demandes qui leur sont soumises par l’application d’un barème. L’objectif poursuivi consiste à réduire le délai de traitement des demandes et à permettre au juge de se consacrer aux cas les plus délicats.

  Dernières modifications législatives intervenues

Les modalités de fixation et de modification des pensions alimentaires ont été modifiées par deux fois au cours des deux dernières années.

D’une part, la loi n° 20161547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, tirant les conséquences de la création du divorce par consentement mutuel sans juge, a soumis à l’autorité judiciaire toute modification ultérieure des dispositions contenues dans la convention de divorce, ce qui inclut les stipulations relatives à la pension alimentaire.

D’autre part, la loi n° 2016‑1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017 a étendu les missions et pouvoirs des caisses d’allocations familiales en matière de recouvrement des impayés de pensions alimentaire.

  Modifications apportées au Sénat

Plutôt qu’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance, le Sénat a préféré rédiger l’intégralité du dispositif dans la loi et confier au pouvoir réglementaire le soin de déterminer les modalités de temps et de lieu de l’expérimentation, qu’il a par ailleurs restreinte à la seule compétence des caisses d’allocation familiales aux cas dans lesquels les parents ont trouvé un accord sur le montant révisé de la pension alimentaire.

  Modifications apportées par la Commission

Si la Commission a approuvé la position du Sénat privilégiant une disposition législative à l’habilitation à légiférer par ordonnance initialement sollicitée par le projet de loi, elle a adopté une série d’amendements du Gouvernement revenant sur les autres modifications apportées par les sénateurs.

1.   L’état du droit

La séparation des parents, lorsqu’elle conduit à confier à l’un des deux parents l’exercice de l’autorité parentale, ne prive pas l’autre du « droit et [du] devoir de surveiller lentretien et léducation de lenfant » ni ne le libère de l’obligation de contribuer « à lentretien et à léducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de lautre parent, ainsi que des besoins de lenfant » ([87]).

Cette contribution prend la forme d’une pension alimentaire dont les articles 373-2 à 373-2-13 du code civil prescrivent les modalités de fixation, de modification et de versement.

En 2016, le législateur a renforcé les pouvoirs des caisses d’allocations familiales pour le recouvrement des pensions alimentaires ([88]). La pension alimentaire peut être versée au directeur de la caisse d’allocations familiales lorsque le parent débiteur a fait l’objet d’une plainte pour menaces ou violences volontaires sur le parent créancier ou sur l’enfant, lorsqu’il a été condamné pour violences ou en cas de violences mentionnées dans une décision de justice. Le montant de la contribution est alors avancé au parent créancier et à l’enfant par l’organisme social, de façon à prévenir que le non-paiement de la pension vienne placer une famille dans l’embarras.

Les modalités de fixation et de révision de la pension alimentaire

 

Séparation des parents non mariés

Divorce des parents après mariage

Modalités de fixation de la pension alimentaire

Accord amiable des parents

ou

Accord amiable des parents homologué par le directeur de la caisse d’allocations familiales ([89])

ou

Accord amiable des parents homologué par le juge ([90])

ou

Saisine du juge par un des parents ou par le ministère public ([91])

Si divorce par consentement mutuel sans juge :

convention amiable déposée au rang des minutes d’un notaire ([92])

Si divorce par consentement mutuel judiciaire ([93]) :

convention amiable homologuée par le juge

Si autre modalité de divorce :

décision du juge

Modalités de révision de la pension alimentaire

Si accord amiable :

révision amiable

Saisine du juge par un des parents ou par le ministère public ([94])

Si homologation par le directeur de la caisse dallocations familiales : communication à l’organisme de tout changement de situation

Si décision judiciaire :

saisine du juge par un des parents ou par le ministère public (4)

Source : commission des Lois.

Toutefois, hormis dans les cas d’un accord amiable non homologué ou d’une convention homologuée par le directeur de la caisse d’allocation familiale, toute modification des modalités et du montant de la pension alimentaire relève du juge aux affaires familiales, y compris en cas daccord des parents.

D’après l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, cette compétence exclusive de l’autorité judiciaire conduit à un allongement excessif de la durée de traitement des 170 000 demandes de modification des dispositions régissant la vie des enfants (qui ne concernent donc pas seulement la pension alimentaire), qui dépasse généralement les six mois.

2.   Les dispositions du projet de loi

L’article 6 du projet de loi s’inscrit dans la continuité du mouvement de simplification engagé en matière de détermination des pensions alimentaires. Il fait suite aux réflexions formulées à l’occasion du « chantier de la justice » consacré à l’amélioration et à la simplification de la procédure civile qu’ont conduit Mme Frédérique Agostini et M. Nicolas Molfessis ([95]).

Compte tenu de la technicité du sujet et de la volonté de procéder à une expérimentation, le choix est d’habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures permettant aux parents dobtenir une modification du montant de la pension alimentaire par application dun barème. L’ordonnance, prise dans un délai de neuf mois à compter de la publication de la loi, porterait expérimentation pour une durée de trois ans et dans un nombre de départements limité par voie réglementaire (premier alinéa). Le Gouvernement dispose de quatre mois à compter de la publication de l’ordonnance pour présenter au Parlement un projet de loi de ratification tandis que le dispositif fait l’objet d’une évaluation transmise au Parlement six mois avant son terme (dernier alinéa).

L’objectif avancé est double :

– au bénéfice des parents justiciables, il s’agit de « permettre lobtention dun titre exécutoire relatif à la contribution à lentretien et à léducation des enfants dans des délais brefs, selon une procédure simplifiée et plus efficace » ;

– pour les juridictions judiciaires, l’intérêt consiste à « alléger la charge » de travail (premier alinéa).

Trois modifications législatives sont proposées.

Il s’agit, en premier lieu, de confier aux caisses dallocations familiales « dans le respect des garanties de compétence et dimpartialité » ou à des officiels publics et ministériels ([96]) la délivrance de titres exécutoires portant sur la seule modification du montant dune pension alimentaire sur la base dun barème national (1°). Afin de préserver le droit de tout parent de voir sa demande de modification examinée par un juge lorsqu’elle est complexe ou exige une appréciation circonstanciée d’éléments d’espèce (déménagement entraînant une évolution du coût du logement ou des frais de trajets, modification d’une activité sportive ou de loisir onéreuse…), lexpérimentation est circonscrite aux demandes les plus simples, correspondant à quatre conditions cumulatives :

– la pension alimentaire a déjà été fixée ou homologuée par le juge ou par convention de divorce par consentement mutuel sous forme d’acte sous signature privée contresigné par avocats et déposé au rang des minutes d’un notaire) (a)) ;

– le parent créancier, demandeur ou défendeur, vit dans l’un des départements où se tient l’expérimentation (b)) ;

– la demande est fondée sur l’évolution des ressources des parents ou l’évolution, décidée dun commun accord des parents, des modalités d’exercice du droit de visite et d’hébergement de l’enfant (c)) ;

– aucune demande de modification des modalités dexercice de lautorité parentale à l’égard de l’enfant nest pendante devant le juge aux affaires familiales (d)).

En deuxième lieu, les caisses d’allocations familiales ou les officiers publics et ministériels pourront moduler forfaitairement le montant de la pension en cas de carence d’un parent pour produire les informations nécessaires à l’instruction du dossier (2°).

En dernier lieu, la décision sera contestable devant le juge aux affaires familiales (3°).

Le barème guidant la fixation de la nouvelle pension alimentaire serait fondé sur la valeur moyenne du coût relatif de l’enfant établi par l’Institut national de la statistique et des études économiques dans son enquête « Budget de famille » ([97]), sans considération de l’âge de l’enfant, de son rang dans la fratrie ou des revenus des parents.

D’après l’étude d’impact jointe au projet de loi, ce dispositif s’inspire de la législation applicable à l’étranger. Le Québec, le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande et des États des États-Unis ont confié à des autorités non judiciaires le soin de fixer et réviser les pensions alimentaires, le juge n’intervenant qu’en cas de recours contre la décision de l’administration. Ainsi, au Québec, le service administratif de rajustement des pensions alimentaires pour enfants (SARPA) statue sur la réévaluation de la pension, qui atteint au minimum 15 % du montant précédent lorsque le parent attrait ne produit pas les pièces nécessaires à l’instruction du dossier.

Le Gouvernement espère de cette mesure un recentrage de l’office du juge aux affaires familiales sur ses missions essentielles, estimant qu’un tiers de son temps de travail serait consacré au jugement des 170 000 dossiers déposés chaque année.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

a.   En commission des Lois

Les rapporteurs ont émis plusieurs critiques à l’encontre du dispositif proposé par le Gouvernement, dont ils ont cependant affirmé percevoir l’intérêt et soutenir la philosophie.

En premier lieu, l’article 6 transfère la compétence de révision de la pension alimentaire à deux autorités distinctes : aux organismes débiteurs des prestations familiales et à des officiers publics et ministériels. Les premiers nommés interviennent déjà dans ce domaine au titre de leur pouvoir d’homologation des accords amiables entre parents qui décident d’une séparation ; en outre, ils disposent d’un accès aux informations nécessaires pour évaluer les ressources des parents. L’intervention des seconds est apparue plus étonnante aux sénateurs, d’autant que leurs services ont vocation à être rendus à titre onéreux – au contraire des organismes de sécurité sociale.

En second lieu, l’emploi d’un barème national pour la délivrance de titres exécutoires portant sur la modification du montant de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants a fait craindre une rigidité excessive du dispositif, l’application mathématique des lignes directrices en fonction des revenus connus se substituant au jugement humain de cas toujours particuliers que seul un juge peut espérer apprécier dans leur globalité.

En conséquence, les rapporteurs ont considéré que la procédure proposée présenterait des avantages lorsque les parents sont d’accord sur la modification de la pension alimentaire, l’organisme compétent se bornant à un contrôle du caractère non léonin de la convention. En revanche, ils ont estimé ce mécanisme inadapté aux situations conflictuelles, dans lesquelles le consensus ne peut être atteint et où les pièces demandées ne sont pas communiquées de bonne grâce, et qui ne pourrait se résoudre que par l’application mécanique du barème sans prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant. Les bornes posées par le Gouvernement, qui réservent le dispositif proposé aux demandes de modification consécutives à l’évolution des ressources des parents ou au changement, par accord des parties, des modalités d’exercice du droit de visite et d’hébergement, n’ont pas convaincu.

La commission des Lois a adopté un amendement des rapporteurs portant rédaction globale de l’article 6. Le dispositif, désormais inscrit dans la loi, limite l’expérimentation aux hypothèses dans lesquelles les parents ont trouvé un accord sur le montant révisé de la pension alimentaire. Sur le modèle de ce que prévoit l’article L. 582-2 du code de la sécurité sociale, seules les caisses d’allocations familiales – et non les officiers publics ou ministériels – homologueraient cet accord et lui donneraient force exécutoire après avoir vérifié, au moyen du barème national, qu’il préserve les intérêts de toutes les parties.

b.   En séance publique

Aucune modification n’a été apportée à l’article 6 en séance publique, l’amendement du Gouvernement revenant sur les dispositions adoptées en commission des Lois n’ayant pas prospéré. Il n’y a pas eu de tentative de rétablir l’habilitation à légiférer par ordonnance.

4.   La position de la Commission

Se conformant en cela à l’opinion de la rapporteure, la Commission n’a pas fait siennes les critiques adressées par le Sénat au dispositif figurant dans le projet de loi initial. Elle s’est attachée à en restaurer la rédaction initiale en adoptant sept amendements du Gouvernement et un amendement rédactionnel de la rapporteure.

La Commission a estimé que limiter lexpérimentation aux seules hypothèses daccords des parents sur le montant modifié de la contribution à lentretien et à léducation de lenfant manquait de pertinence puisque, depuis le 1er avril 2018, le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales peut déjà octroyer force exécutoire à l’accord par lequel des parents non mariés qui se séparent fixent le montant de la contribution à l’entretien et l’éducation de leur enfant sur le fondement de l’article L. 582‑2 du code de la sécurité sociale. L’expérimentation n’aurait alors pour seuls objets que l’élargissement du dispositif existant aux couples anciennement mariés et aux différentes procédures permettant aux parties d’établir par consensus le montant de la pension alimentaire.

Au contraire du Sénat, la Commission a souhaité, avec le Gouvernement, une expérimentation incluant les situations dans lesquelles le montant de la contribution à lentretien et à léducation des enfants a été préalablement fixé par le juge à lissue dune procédure contentieuse.

Pour déterminer le montant de la nouvelle pension alimentaire, il sera fait usage d’une table de référence valant barème. Cet instrument, établi selon une méthodologie nationale et scientifique, constitue la meilleure garantie à l’encontre d’éventuelles erreurs d’appréciation. Les situations atypiques auront certes vocation à être présentées devant le juge aux affaires familiales, mais le mécanisme envisagé pourrait suffire à traiter la grande majorité des demandes présentées par les familles.

Les droits des parties sont respectés puisque les pièces sont échangées contradictoirement et le recours en cas de contestation du titre sera formé devant le juge aux affaires familiales. En cas de carence d’un parent dans la production des renseignements et documents requis, il sera possible de moduler forfaitairement le montant de la contribution de façon à compenser une éventuelle dissimulation ou une potentielle manœuvre dilatoire.

Enfin, la garde des sceaux a indiqué devant la commission des Lois qu’un dispositif réglementaire serait adjoint à l’expérimentation de sorte que la revalorisation décidée par l’organisme débiteur des prestations familiales soit non seulement contestable au fond devant le juge aux affaires familiales, mais également par voie de référé devant le président du tribunal de grande instance. La Commission a jugé cette procédure de nature à définitivement apaiser la crainte d’une décision administrative frappée d’erreur manifeste d’appréciation et susceptible de mettre une famille dans l’embarras alors que plusieurs mois seraient nécessaires pour en obtenir l’annulation.

Sans préjuger du succès de cette expérimentation, la Commission a considéré qu’elle effectuait une conciliation judicieuse entre la volonté d’accélérer les revalorisations de pension alimentaire, de pacifier les relations entre parents séparés et de préserver les droits de chacun sous le contrôle du juge. Comme les sénateurs, elle a souhaité s’assurer d’une procédure gratuite, mise en œuvre par les organismes de sécurité sociale et non par des officiers publics et ministériels.  Ne partageant pas, en revanche, les autres réticences exprimées par le Sénat, elle a adopté un dispositif correspondant aux intentions initialement présentées par le Gouvernement.

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Article 7
(art. 1397 du code civil)
Allégement des conditions dans lesquelles les époux
peuvent modifier leur régime matrimonial

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 7 allège les conditions dans lesquelles les époux peuvent changer de régime matrimonial en supprimant la durée minimale requise avant toute modification et l’exigence d’homologation judiciaire en présence d’enfants mineurs. L’objectif est de moderniser des règles qui ne sont plus en adéquation avec les aspirations et le rythme de vie des couples et de recentrer l’office du juge sur les seuls dossiers sensibles ou problématiques.

  Dernières modifications législatives intervenues

Après la déjudiciarisation de la procédure de modification des régimes matrimoniaux opérée par la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions, qui a pratiquement supprimé l’homologation judiciaire du changement de régime matrimonial, la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs a soumis à l’autorisation préalable du juge des tutelles le changement de régime matrimonial d’une personne majeure protégée.

  Modifications apportées au Sénat

Le Sénat a maintenu l’exigence d’homologation judiciaire du changement de régime matrimonial en présence d’un enfant mineur.

  Modifications apportées par la Commission

Ne partageant pas les craintes exprimées par le Sénat, la Commission a rétabli la déjudiciarisation du changement de régime matrimonial en présence d’un enfant mineur sous le contrôle du notaire.

1.   L’état du droit

La gestion des biens des époux, leurs obligations pécuniaires envers les tiers, leurs obligations familiales, la composition de leurs patrimoines (biens communs, propres ou indivis) pendant et après le mariage sont décrits dans leur régime matrimonial. Le droit français distingue les régimes communautaires, dans lesquels la plupart des biens appartiennent en commun aux époux – communauté universelle, communauté de meubles et acquêts, communauté réduite aux acquêts – et les régimes séparatistes, dans lesquels les époux conservent un patrimoine personnel et répondent seul de leurs dettes – participation aux acquêts, séparation de biens. Les époux sont libres de choisir le cadre juridique de leur choix au moment du mariage et, à défaut, le régime légal de la communauté réduite aux acquêts leur est appliqué ([98]).

Les conditions de modification du régime matrimonial des époux sont énoncées à l’article 1397 du code civil. Ces dispositions concilient les exigences de stabilité et de protection matrimoniales, qui résultent du pacte de famille créé par le mariage, avec la nécessité de tenir compte de l’évolution des mœurs. À la traditionnelle immutabilité a succédé la mutabilité soumise au contrôle judiciaire et à un système adapté de publicité ([99]). Depuis la loi du 23 juin 2006 ([100]), un changement purement conventionnel de régime est possible, quoique soumis à certaines conditions de forme et de fonds, et plus rarement à homologation judiciaire.

En l’état du droit, le régime matrimonial – légal ou conventionnel – nest modifiable, hors instance de divorce, quà lissue dun délai de deux ans après la célébration du mariage ou la précédente modification. Le changement est effectué par acte notarié. Il n’est admis que s’il est justifié par « lintérêt de la famille ». Le juge intervient seulement, sous la forme d’une homologation de lacte, dans deux hypothèses résiduelles :

– de manière obligatoire lorsqu’au moins un des deux époux a des enfants mineurs ;

– de manière facultative lorsque les parties au contrat ou les enfants majeurs de chaque époux, personnellement informés, ou les éventuels créanciers, informés par la publication d’un avis dans un journal d’annonces légales, forment opposition dans un délai de trois mois.

Aucune modification du régime matrimonial d’une personne objet d’une protection juridique ([101]) n’est possible sans l’autorisation préalable du juge des tutelles ou du conseil de famille. Les créanciers qui ne se sont pas opposés dans les trois mois à la modification conservent la possibilité d’attaquer le changement de régime matrimonial en cas de fraude à leurs droits, par exemple si les époux adoptent la séparation de biens en invoquant « lintérêt de la famille » alors qu’il s’agit pour eux d’organiser l’insolvabilité de l’un d’eux.

2.   Les dispositions du projet de loi

L’article 7 du projet de loi allège les formalités préalables à la révision du régime matrimonial afin de recentrer le juge sur ses missions essentielles et de tirer les conséquences des réformes récentes en matière de divorce et d’administration légale.

a.   La suppression du délai minimal de deux ans avant une nouvelle modification du régime matrimonial

Il est proposé de supprimer le délai minimal de deux ans qui sépare aujourd’hui la célébration du mariage et la première modification du régime matrimonial (). Il s’agit de permettre aux époux d’adapter leur régime à leur situation professionnelle, susceptible de changer plus rapidement qu’auparavant, ou de préparer une succession.

Cette évolution serait aussi un alignement avec la souplesse du pacte civil de solidarité dont le régime juridique n’exige aucun délai minimal avant une première modification de la convention initiale ([102]).

b.   La simplification de la procédure en présence d’enfants mineurs

La procédure applicable en présence denfants mineurs est simplifiée par la disparition de l’homologation judiciaire systématique, sauf dans le cas particulier d’un mineur sous tutelle. Il lui est substitué un régime dans lequel le notaire pourra saisir le juge des tutelles lorsque les enfants mineurs sont placés sous le régime de l’administration légale et dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 387-3 du code civil, c’est-à-dire lorsqu’il a « connaissance dactes ou domissions qui compromettent manifestement et substantiellement les intérêts patrimoniaux du mineur ou dune situation de nature à porter un préjudice grave à ceux-ci » ().

Le Gouvernement entend raccourcir la procédure de changement de régime matrimonial, notamment lorsqu’elle est motivée par la crainte de décès de l’un des époux, et d’en diminuer le coût par la suppression du recours obligatoire à l’avocat. Cette évolution s’inscrit dans le prolongement des réformes intervenues depuis 2015 :

–  en matière d’administration légale, avec l’institution d’une présomption de bonne gestion des mineurs par ses représentants légaux ([103]) et l’existence d’un régime de responsabilité des administrateurs légaux pour une faute quelconque commise dans la gestion des biens du mineur, dans un délai de cinq ans à compter de la majorité ou de l’émancipation de l’intéressé ([104]) ;

–  avec la déjudiciarisation du divorce par consentement mutuel, pour lequel la compétence du juge est maintenue en cas de demande d’audition par l’enfant mineur ([105]).

L’étude d’impact jointe au projet de loi mentionne un taux très réduit de rejet des demandes d’homologation par le juge, 1 415 décisions d’acceptation totale ayant été rendues sur les 1 500 décisions rendues en 2017, soit un taux de rejet total de 2,27 % et un taux de rejet partiel de 3,4 %

c.   La clarification de la règle applicable en présence d’enfants majeurs protégés

L’article 7 lève une ambiguïté née de la rédaction de l’article 1397 du code civil sur la nature – acte de disposition engageant le patrimoine de la personne protégée ou non – du droit des enfants majeurs protégés de s’opposer au changement de régime matrimonial de leurs parents et, par voie de conséquence, la nécessité ou non pour le tuteur de requérir l’autorisation du conseil de famille ou du juge des tutelles pour former opposition.

Afin de dissiper le doute, le complète le deuxième alinéa de l’article 1397 afin de prévoir que l’information de la modification du régime matrimonial est délivrée au représentant de l’enfant mineur sous tutelle ou de l’enfant majeur sous protection juridique, et qu’il peut former opposition sans autorisation du conseil de famille ou du juge des tutelles.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

a.   En commission des Lois

La Commission a approuvé sans réserve la suppression du délai de deux ans et la précision de la protection des enfants majeurs qui font l’objet d’une mesure de protection juridique.

Concernant, en revanche, la suppression de l’homologation de l’acte notarié en présence d’enfants mineurs, les rapporteurs ont convaincu la commission des Lois de s’y opposer, en cohérence avec la position qui avait été celle du Sénat lors de la déjudiciarisation du divorce par consentement mutuel. Pour les sénateurs, il n’existe pas de présomption de bonne gestion des biens du mineur par les époux, et seul le juge peut garantir que les intérêts de l’enfant ne sont pas sacrifiés au bénéfice de ses parents. En outre, il n’a pas été jugé opportun de confier au notaire le soin de saisir le juge dans la mesure où cette obligation le placerait en situation de contester la volonté de ses clients au risque de les perdre.

En conséquence, la commission des Lois a adopté un amendement des rapporteurs portant suppression du 3° de larticle 7.

b.   En séance publique

En dépit d’un amendement du Gouvernement tendant à rétablir la rédaction initiale, l’article 7 a été adopté sans modification en séance publique.

4.   La position de la Commission

Comme le Sénat, la commission des Lois a approuvé la décision du Gouvernement de simplifier la procédure de changement de régime matrimonial en l’adaptant aux exigences de la modernité. Elle a adopté deux amendements présentés par le Gouvernement et bénéficiant du soutien de la rapporteure :

–  le premier aligne la situation juridique des mineurs sous tutelle sur celle des majeurs bénéficiant d’une mesure de protection juridique, de sorte que le représentant désigné pour la défense de ses intérêts soit informé du changement de régime matrimonial des parents et puisse être en mesure d’engager les démarches utiles ;

–  le second, dans l’esprit de l’ordonnance du 15 octobre 2015 portant simplification et modernisation du droit de la famille, réaffirme la présomption de bonne gestion des biens du mineur par ses représentants légaux. Contrairement aux sénateurs, les membres de la Commission ont considéré qu’il revenait prioritairement aux parents de sauvegarder les intérêts du mineur sous administration légale, et qu’il n’y avait pas lieu de présumer de la part du père ou de la mère une volonté de spolier son enfant au point qu’une homologation judiciaire systématique s’impose. Le mécanisme de contrôle prévu par le projet de loi initial, dans lequel le notaire peut saisir le juge des tutelles des mineurs, est apparu suffisant pour prévenir le risque d’abus.

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*     *

Article 8
(art. 116, 427, 431, 459, 500, 501, 507, 507-1 et 836 du code civil ; art. L. 1323 du code des assurances ; art. L. 2235 du code de la mutualité)
Suppression du contrôle préalable du juge pour certains actes relevant
de la responsabilité du tuteur dune personne protégée

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Afin de recentrer l’autorité judiciaire sur ses missions essentielles, l’article 8 allège ou supprime le contrôle préalable du juge des tutelles pour certains actes de gestion patrimoniale concernant des mineurs et majeurs en tutelle dès lors que ces actes relèvent de la responsabilité du tuteur ou du devoir de conseil renforcé du professionnel intervenant à l’opération.

  Dernières modifications législatives intervenues

Les règles applicables aux actes de gestion matrimoniale concernant des mineurs et majeurs en tutelle ont fait l’objet de mesures récentes de simplification et de déjudiciarisation :

–  la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités a allégé la procédure de partage amiable en présence de mineurs ou de majeurs protégés ;

–  la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures a déchargé le juge de l’établissement du budget de la tutelle ;

–  l’ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 portant simplification et modernisation du droit de la famille a déjudiciarisé la procédure de partage amiable en présence de mineurs soumis au régime de l’administration légale, en posant une présomption de bonne gestion des administrateurs légaux.

  Modifications apportées au Sénat

Le Sénat a refusé que, en l’absence de conseil de famille, le tuteur puisse procéder seul à l’intégration dans le budget de la tutelle de la rémunération des administrateurs particuliers et la conclusion d’un contrat de gestion des valeurs mobilières

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a pleinement soutenu la démarche visant à réduire le contrôle a priori du juge des tutelles sur les personnes protégées. Non seulement elle est revenue sur la modification effectuée par le Sénat, mais elle a enrichi l’article 8 de nouveaux éléments concourant à son objectif général.

1.   L’état du droit

Les modalités de gestion du patrimoine des absents, mineurs et majeurs en tutelle sont fixées par les articles 112 à 121 ([106]), 401 et 408 ([107]), et 496 à 515 ([108]) du code civil, concernant les actes pour lesquels lautorisation préalable du conseil de famille ([109]) ou, à défaut, du juge des tutelles ([110]), est nécessaire. Le tuteur est chargé d’arrêter le budget de la tutelle, « en déterminant, en fonction de limportance des biens de la personne protégée et des opérations quimplique leur gestion, les sommes annuellement nécessaires à lentretien de celle-ci et au remboursement des frais dadministration de ses biens ([111]) ». En cas de difficultés, cette compétence est exercée par le conseil de famille ou, à défaut, par le juge. Toutefois, lautorisation du conseil de famille ou du juge est nécessaire pour :

– inclure dans les frais de gestion la rémunération des administrateurs particuliers dont le tuteur demande le concours ;

– conclure un contrat pour la gestion des valeurs mobilières et instruments financiers de la personne protégée.

Par ailleurs, les articles 503 à 509 du code civil dressent la liste des actes que le tuteur peut effectuer sans autorisation, ceux qu’il doit réaliser après autorisation ainsi que ceux quil ne peut accomplir.

Les actes du tuteur

 Le tuteur peut, sans autorisation :

–  faire procéder à un inventaire des biens de la personne au début de la tutelle ainsi qu’à son actualisation en cours de tutelle (article 503) ;

  accomplir les actes conservatoires ([112]) et les actes dadministration ([113]) nécessaires à la gestion du patrimoine de la personne protégée ainsi que les actions en justice pour faire valoir les droits patrimoniaux de cette personne (article 504).

 Le tuteur ne peut procéder aux actes suivants quaprès autorisation par le conseil de famille ou, à défaut, le juge :

–  les actes de disposition ([114]) au nom de la personne protégée, sauf en cas de vente forcée sur décision judiciaire ou en cas de vente amiable sur autorisation du juge (article 505) ;

–  la transaction ou la compromission au nom de la personne protégée (article 506) ;

–  le partage amiable à l’égard de la personne protégée, l’état liquidatif devant être soumis à l’approbation du conseil de famille ou du juge (article 507) ;

–  l’acceptation pure et simple d’une succession si l’actif dépasse manifestement le passif, le renoncement à une succession et la révocation d’un renoncement à une succession (articles 507-1 et 507-2) ;

–  « à titre exceptionnel et dans lintérêt de la personne protégée », l’achat ou la prise à bail ou à ferme des biens de cette personne protégée, si le tuteur n’est pas mandataire judiciaire à la protection des majeurs (article 508).

 Le tuteur ne peut, même avec une autorisation (article 509) :

–  accomplir des actes qui emportent une aliénation gratuite des biens ou des droits de la personne protégée, sous réserve des règles applications aux donations (remise de dette, renonciation gratuite à un droit acquis, renonciation anticipée à une action en réduction, mainlevée d’hypothèque ou de sûreté sans paiement, constitution gratuite d’une servitude ou d’une sûreté pour garantir la dette d’un tiers…) ;

–  acquérir d’un tiers un droit ou une créance que ce dernier détient contre la personne protégée ;

–  exercer le commerce ou une profession libérale au nom de la personne protégée ;

–  acheter les biens de la personne protégée ainsi que les prendre à bail ou à ferme, sous réserve des dispositions de l’article 508 ;

–  transférer dans un patrimoine fiduciaire les biens ou droits d’un majeur protégé.

Parmi les actes soumis à l’exigence d’une autorisation préalable figurent notamment, outre les actes de disposition, le partage amiable ([115]) à l’égard de la personne protégée à travers la soumission de l’état liquidatif à l’approbation du conseil de famille ou du juge (article 507) et, en matière successorale, le renoncement à une succession et sa révocation ainsi que l’acceptation pure et simple d’une succession ([116]) si l’actif dépasse manifestement le passif (articles 507-1 et 507-2).

Le législateur a engagé, depuis 2006, un mouvement de simplification et de déjudiciarisation des actes de gestion patrimoniale concernant des mineurs et majeurs en tutelle :

– la loi n° 2006‑728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités a allégé la procédure de partage amiable en présence de personnes protégées, en faisant du partage amiable une alternative et non une exception, et en remplaçant l’homologation par l’approbation du conseil de famille ;

– la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures a déchargé le juge des tutelles de la mission d’établir le budget de la tutelle ;

– l’ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 portant simplification et modernisation du droit de la famille a déjudiciarisé la procédure de partage amiable en présence de mineurs sous administration légale, en posant une présomption de bonne gestion des administrateurs légaux.

2.   Les dispositions du projet de loi

L’article 8 du projet de loi poursuit le mouvement de simplification et de déjudiciarisation, dans le respect des droits fondamentaux des personnes protégées. Il transcrit les préconisations formulées par deux rapports successifs qui engagent le législateur à aménager les dispositions du code civil ([117]).

À cette fin, il réduit le contrôle préalable du juge des tutelles pour certains actes relevant de la responsabilité du tuteur ou du devoir de conseil renforcé du professionnel intervenant à lopération – le notaire pour le partage amiable et l’acceptation d’une succession, le conseiller financier pour la gestion des valeurs mobilières ou des instruments financiers.

La plus grande autonomie de décision accordée aux représentants des personnes en tutelle a une conséquence sur le régime de la curatelle. En effet, si une personne placée sous curatelle « ne peut, sans lassistance de son curateur, faire aucun acte qui, en cas de tutelle, requerrait une autorisation du juge ou du conseil de famille » ([118]), elle peut accomplir seule les actes que, dans la tutelle, un tuteur accomplit sans autorisation.

En conséquence, la disparition de l’autorisation d’un partage amiable par le juge ou le conseil de famille lorsqu’un mineur ou un majeur en tutelle est appelé à une succession, signifie que les personnes en curatelle pourront procéder elles-mêmes, sans l’assistance de leur curateur, à cette opération.

L’article 8 procède également à une coordination au sein de l’article 836 du code civil qui régit, de manière générale, le partage amiable ().

a.   L’intégration dans le budget de la tutelle de la rémunération d’un administrateur particulier et le contrat de gestion mobilière

Pour l’établissement du budget de la tutelle, le tuteur pourra seul – ou avec l’autorisation du conseil de famille s’il en existe un – inclure dans les frais de gestion la rémunération des administrateurs particuliers dont il demande le concours (a) du ) et conclure un contrat avec un tiers pour la gestion des valeurs mobilières et instruments financiers de la personne protégée (b) du ).

Le juge des tutelles n’étant plus chargé, depuis 2015, de l’établissement du budget de la tutelle, il n’y a plus lieu de requérir une autorisation de sa part pour ces deux actes.

b.   Le partage amiable

En matière de partage amiable, l’autorisation préalable du conseil de famille ou, à défaut, du juge sera seulement requise :

– dans le cas où divergent les intérêts de la personne absente ou hors d’état de manifester sa volonté par suite d’un éloignement et ceux de son représentant (([119]) ;

– « en cas dopposition dintérêts avec la personne chargée de la mesure de protection » s’il concerne une personne protégée (([120]).

L’allégement des démarches préalables au partage amiable permettra des procédures plus rapides et moins coûteuses sans priver les personnes absentes ou protégées de garanties importantes. Il appartiendra au notaire d’exercer avec vigilance son devoir de conseil renforcé dans l’instruction des dossiers qui lui sont présentés, en veillant à la sauvegarde de tous les intérêts.

Par ailleurs, le contrôle du conseil de famille ou, à défaut, du juge, est maintenu pour approuver létat liquidatif du partage et s’assurer de son caractère équilibré.

c.   L’acceptation d’une succession

Le tuteur pourra, sans autorisation du conseil de famille ou du juge, accepter purement et simplement une succession si lactif dépasse manifestement le passif.

Pour ce faire, il devra disposer « après recueil dune attestation du notaire ([121]) chargé du règlement de la succession » (). Seules les successions réalisées par un notaire seront donc concernées par cette mesure de simplification ([122]).

EFFET DU PROJET DE LOI SUR LE régime applicable aux actes
de gestion patrimoniale des BIENS DES mineurs et majeurs protégés

 

Avant la réforme

Après la réforme

Intégration au budget de la tutelle de la rémunération des administrateurs particuliers & conclusion dun contrat de gestion des valeurs mobilières

Autorisation du conseil de famille ou, à défaut, du juge

Sous la responsabilité du tuteur et avec l’autorisation du conseil de famille s’il existe

Partage amiable à légard dune personne absente

Autorisation du juge

Autorisation du juge « en cas dopposition dintérêts entre le représentant et le présumé absent »

Approbation par le juge de l’état liquidatif

Partage amiable à légard dun mineur ou majeur protégé

Autorisation du conseil de famille ou, à défaut, du juge

Autorisation conseil de famille ou, à défaut, du juge « en cas dopposition dintérêts avec la personne chargée de la mesure de protection »

Approbation de l’état liquidatif par le conseil de famille
ou, à défaut, le juge

Acceptation dune succession échue si lactif dépasse manifestement le passif

Autorisation du conseil de famille ou, à défaut, du juge

Sans autorisation « après recueil dune attestation du notaire chargé du règlement de la succession »

3.   Les modifications apportées par le Sénat

a.   En commission des Lois

La commission des Lois du Sénat a approuvé, sans les modifier, les dispositions de l’article 8 allégeant le contrôle de l’intervention d’une personne sous tutelle dans un partage amiable et dans l’acceptation pure et simple d’une succession. Ils en ont jugé la rédaction équilibrée, propre à faciliter les actes relatifs à la gestion du patrimoine des personnes protégées et à prévenir toute erreur ou fraude de gestion en maintenant, quoique sous des formes atténuées, le contrôle du conseil de famille, du juge des tutelles ou du notaire.

En revanche, un amendement des rapporteurs a écarté l’évolution des règles relatives à l’intégration dans le budget de la tutelle de la rémunération des administrateurs particuliers et à la conclusion d’un contrat de gestion des valeurs mobilière. La rédaction proposée par le Gouvernement prévoit que, pour ces deux actes, la décision du tuteur est opérée « sous sa propre responsabilité et avec lautorisation du conseil de famille lorsquil en a été désigné un ». Or, l’article 456 du code civil indique que la constitution d’un tel conseil est facultative et qu’elle n’a lieu que dans une minorité de cas. Il en résulte que le tuteur pourrait agir seul dans une majorité de tutelles et que, pour d’autres, sa capacité d’action soit limitée par le conseil de famille, ce qui constituerait selon les sénateurs une rupture du principe d’égalité devant la loi.

b.   En séance publique

Le Sénat n’a apporté aucune modification à l’article 8 en séance publique.

4.   La position de la Commission

Votre commission des Lois a approuvé toutes les dispositions de l’article 8 dans la rédaction qui lui a été transmise. Elle a estimé le contrôle exercé par le juge des tutelles manifestement excessif alors que l’accord conjoint de la personne protégée et de la personne chargée de la protection suffit le plus souvent à garantir qu’une action est bien entreprise conformément aux objectifs de la mesure de protection.

En conséquence, la commission des Lois a adopté un amendement de M. Jean Terlier et du groupe La République en marche, tendant à :

–  permettre au procureur de la République et au juge de définir au mieux la mesure la plus adaptée pour s’assurer du réel besoin de protection du majeur. Toute saisine du juge par le parquet dans les suites d’une alerte dun service médical, social ou médico-social devra impérativement être accompagnée, outre le certificat médical prévu par l’article 431 du code civil, d’une évaluation sociale et financière et d’une évaluation des solutions d’accompagnement de l’intéressé au regard des solutions de soutien déjà existantes ( ter du II) ;

–  clarifier le rôle du juge des tutelles lorsque des décisions médicales doivent être prises en faveur de la personne protégée. En effet, dans ce domaine, l’intervention du médecin, tiers à la mesure de protection et expert en son domaine, constitue une garantie suffisante, d’autant que les médecins sont formés au recueil du consentement. Le juge n’interviendrait plus qu’en cas de difficultés, notamment en cas d’opposition entre la volonté du patient et celle de la personne chargée de la mesure, même lorsqu’il s’agit d’un « acte médical grave »  ( quater du II) ;

–  procéder à l’allègement du contrôle a priori du juge des tutelles pour permettre au tuteur de prendre, sous sa propre responsabilité et sans formalisme excessif, les décisions concernant l’administration et la gestion des biens du majeur ou du mineur en tutelle. Les dispositions supprimées par le Sénat sont rétablies ( quinquies du II) et complétées d’assouplissements en matière de gestion des comptes de la personne protégée ( bis du II) ;

–  clarifier le régime des conventions-obsèques qui permettent d’anticiper la volonté du majeur protégé et de respecter ses volontés en matière de funérailles, le décès de la personne protégée mettant fin au mandat judiciaire du tuteur. La convention obsèques est aujourd’hui précisément encadrée et il convient de permettre au tuteur d’y souscrire sans autorisation préalable (IV) ;

–  préciser le régime applicable en cas de succession non réglée par un notaire en prévoyant que l’autorisation du conseil de famille ou du juge est alors requise pour une acceptation pure et simple par la personne chargée de la mesure de protection ;

Par voie de sous-amendement, le Gouvernement a souhaité adjoindre à ces dispositions une habilitation à légiférer par ordonnance pour mettre en cohérence les dispositions du code de la santé publique et du code de l’action sociale et des familles avec celles du code civil (III). Cette articulation, attendue depuis la réforme du 5 mars 2007 par l’ensemble des professionnels de la santé et de la protection juridique, est devenue absolument nécessaire pour harmoniser les règles applicables en tutelle, curatelle, mandat de protection future ou habilitation familiale. Elle permettra également d’articuler l’intervention des personnes chargées de ces mesures avec les personnes de confiance désignées en application du code de la santé publique et du code de l’action sociale et des familles ([123]).  En matières médicale et médico-sociale, l’expression de la volonté de chacun doit primer.

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*     *

Article 8 bis
(art. 63, 174, 175, 249, 2491 [abrogé], 2493, 2494, 460 et 462 du code civil)
Droits matrimoniaux dune personne protégée

Introduit par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Afin de garantir aux personnes protégées l’exercice de leurs droits fondamentaux, l’article 8 bis, issu d’un amendement de M. Jean Terlier et du groupe La République en marche adopté par la Commission avec le soutien du Gouvernement, leur octroie la liberté de contracter mariage. La personne chargée de la protection a qualité pour former opposition. Des conditions comparables régissent la procédure de divorce. Le choix du régime matrimonial est laissé à la discrétion de la personne chargée de la protection.

  Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2007‑308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs a consacré les principes de nécessité, subsidiarité et proportionnalité, conduisant à ne prononcer une mesure de protection judiciaire qu’au regard du degré d’altération des facultés personnelles des majeurs protégés. 

1.   L’état du droit

La loi n° 2007‑308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs a soumis les règles relatives à la protection des majeurs aux principes de nécessité, de subsidiarité et de proportionnalité. Il en ressort que la mesure de protection judiciaire doit être strictement limitée en fonction du degré d’altération des facultés personnelles des personnes concernées, et les laisser librement décider des choix qu’elles sont en capacité de consentir.

Or, le mariage et le pacte civil de solidarité (PACS), actes engageant personnellement les majeurs protégés, restent soumis à un régime d’autorisation soit de la personne en charge de la mesure, soit du juge des tutelles ou du conseil de famille, entravant l’autonomie des majeurs protégés ([124]). Ces dispositions limitent fortement les droits des personnes protégées puisque, en droit commun, empêcher un mariage suppose une opposition sur laquelle le tribunal de grande instance statue dans un délai de dix jours ([125]).

En ce qui concerne le divorce, les personnes protégées ne peuvent actuellement recourir au divorce par consentement mutuel ou au divorce par acceptation du principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l’origine de celle-ci. Seuls les divorces contentieux – pour faute ou altération définitive du lien conjugal – leur sont ouverts.

2.    Les dispositions adoptées par la Commission

La commission des Lois a considéré que les droits fondamentaux étaient attachés à la personne humaine, et par conséquent non susceptibles d’être retirés par l’autorité publique – même dans un objectif de protection de l’individu. Du reste, les mesures de protection ont pour fonction de protéger le patrimoine des personnes concernées, non dentraver leurs choix en matière sentimentale. En conséquence, la Commission a jugé venu le temps de permettre aux personnes protégées de prendre seules la décision de se marier, de conclure un pacte civil de solidarité ou de consentir à divorcer. Elle a adopté en ce sens, avec l’avis favorable du Gouvernement, un amendement de M. Jean Terlier et du groupe La République en marche.

Le conditionne la publication des bans à l’information de la personne chargée de la mesure de protection de l’un des époux.

Le  modernise la rédaction de l’article 174 du code civil, dont le vocabulaire pouvait stigmatiser les personnes bénéficiant d’une mesure de protection.

Le  donne qualité au tuteur ou au curateur pour former opposition au mariage de la personne qu’il assiste ou représente lorsqu’il apparaît que celle-ci est victime d’un abus.

Les 4°, 5° et 7° autorisent le majeur en curatelle à exercer lui-même l’action en divorce, avec l’assistance de son curateur, tandis que le majeur en tutelle est représenté par son tuteur. La personne protégée peut toujours accepter seule le principe de la rupture du mariage, le reste de la procédure donnant lieu à représentation ou assistance.

Le  ordonne l’interruption de la procédure de divorce jusqu’à la décision du juge chargé d’examiner la demande de protection regardant l’un des époux.

Le  substitue au régime d’autorisation du mariage, par le conseil de famille ou par le juge, une simple obligation d’information de la personne chargée de la mesure de protection.

Le donne aux personnes protégées le droit de conclure un pacte civil de solidarité sans autorisation préalable du juge ou du conseil de famille.

Ce dispositif a été complété par un sous-amendement de la rapporteure distinguant, au sein du mariage :

–  la décision de se marier et le choix du conjoint, qui relèvent de la personne protégée et qui ne doivent subir qu’un contrôle minimal ;

–  le choix du régime matrimonial et l’établissement de stipulations relatives au patrimoine des époux, qui entrent pleinement dans la mesure de protection. La personne chargée de la mesure de protection pourra solliciter du juge lautorisation de conclure une convention matrimoniale propre à préserver les intérêts patrimoniaux de la personne protégée.

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Article 8 ter
(art. L. 5 [abrogé], L. 64, L. 721 [nouveau], L. 111, L. 3871 [nouveau] et L. 388 du code électoral)
Droit de vote dune personne protégée

Introduit par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Issu d’un amendement de M. Jean Terlier et du groupe La République en marche adopté par la Commission avec le soutien du Gouvernement, l’article 8 ter retire au juge des tutelles la possibilité de priver du droit de vote les personnes protégées. Il énonce également des conditions restrictives en matière de procuration électorale afin que le droit de suffrage des personnes protégées ne soit pas objet d’abus.

  Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2005‑102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a mis fin à l’interdiction d’inscrire les personnes sous tutelle sur les listes électorales sous condition d’autorisation par le juge.

La loi n° 2007‑308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs a renversé cette logique en posant le principe du droit de vote des personnes sous tutelle sauf exception décidée par le juge.

1.   L’état du droit

L’article L. 5 du code électoral issu de la loi n° 2007‑308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs dispose que, « lorsquil ouvre ou renouvelle une mesure de tutelle, le juge statue sur le maintien ou la suppression du droit de vote de la personne protégée ». En pratique, le droit de vote est retiré sur décision du juge des tutelles à 83 % des majeurs en tutelle. Il en découle, chez les personnes concernées, le sentiment d’être rejeté de la sphère publique et d’être déchu de la qualité de citoyen.

L’abrogation de l’article L.5 du code électoral est une demande forte des associations de personnes handicapées et de leur famille. Cette évolution est soutenue par le Défenseur des droits, la Rapporteure spéciale des Nations unies sur les droits des personnes handicapées, le Conseil national consultatif des personnes handicapées, le comité interministériel du handicap et la commission nationale consultative des droits de l’homme. Elle figure parmi les orientations tracées par le Président de la République lors de son intervention devant le Parlement réuni en congrès, le 10 juillet 2018.

2.   Les dispositions adoptées par la Commission

L’article 8 ter est issu d’un amendement de M. Jean Terlier et du groupe La République en marche adopté avec le soutien du Gouvernement.

Considérant que la privation de droit de vote – droit pourtant éminemment personnel – que subissent les personnes protégées porte atteinte au libre exercice de leurs droits politiques fondamentaux tandis que leur participation à la vie publique est de nature à renforcer leur insertion dans la collectivité, il abroge larticle L. 5 du code électoral ().

Il convient néanmoins de garantir le respect du principe de sincérité du scrutin et de prévenir d’éventuels abus. Les conditions détablissement des procurations électorales par les majeurs protégés sont ainsi encadrées : elles ne pourront bénéficier aux mandataires judiciaires à la protection des majeurs, aux personnes accueillant, intervenant ou prenant en charge les majeurs en tutelle dans les établissements sociaux, médico-sociaux et sanitaires, ou travaillant à leur service (2° et 3°).

Le dispositif trouve application aux scrutins tenus en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. Pour ce faire, des mesures d’adaptation sont prévues et le « compteur Lifou » de l’article L. 388 du code électoral est relevé.

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Article 8 quater
(art. 26 de la loi n° 2015177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires extérieures)
Durée légale avant le réexamen des mesures de protection

Introduit par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Issu d’un amendement de Mme Caroline Abadie (LaREM) adopté par la Commission avec le soutien du Gouvernement, l’article 8 ter repousse à 2035 la date à laquelle les mesures de protection édictées au plus tard en 2015 devront faire l’objet d’une révision.

  Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2007‑308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs a posé le principe d’une révision périodique des mesures de protection.

La loi n° 2015‑177 du 16 février 2015, relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, a ouvert un délai de dix ans avant la révision des mesures de protection alors en vigueur.

1.   L’état du droit

La loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs a mis fin aux mesures de protection prononcées à durée indéterminée. Elle a imposé une révision périodique de ces dispositions, de sorte qu’une restriction des libertés d’une personne ne puisse lui être imposée alors que l’amélioration de son état de santé lui permettrait de recouvrer la plénitude de ses droits. L’article 441 du code civil, dans sa rédaction résultant de ladite loi, dispose que « le juge fixe la durée de la mesure sans que celle-ci puisse excéder cinq ans ». En outre, l’article 443 du même code prescrit que « la mesure prend fin, en labsence de renouvellement, à lexpiration du délai fixé, en cas de jugement de mainlevée passé en force de chose jugée ou en cas de décès de lintéressé ».

Enfin, le juge peut périodiquement renouveler la mesure de protection pour une durée de cinq ans ou, aux termes de l’article 442 du même code, pour une durée plus longue « lorsque laltération des facultés personnelles de lintéressé (…) napparaît manifestement pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la science ». Dans ce dernier cas, il statue par décision spécialement motivée et sur avis conforme du médecin.

Ces dispositions ont été réformées par la loi n° 2015177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures. La durée initiale de la mesure de protection peut désormais atteindre dix ans en cas d’altération des facultés personnelles insusceptible d’amélioration en l’état de la science, toujours par une décision spécialement motivée avec avis conforme d’un médecin. Pour ce qui est du renouvellement, la durée maximale est de vingt ans dans les mêmes conditions.

L’article 26 de la loi du 16 février 2015 a toutefois plafonné à dix ans à compter de son entrée en vigueur la durée de validité des mesures de protection édictées avant cette date, de façon à garantir la révision des dispositifs à durée indéterminée que le droit autorisait avant la loi du 5 mars 2007. Il convient donc de distinguer deux régimes juridiques pour les mesures de protection d’une durée supérieure à dix ans :

–  si la mesure a été prise postérieurement à la loi du 16 février 2015, le droit commun s’applique. Si une mesure de protection est prolongée pour une durée de vingt ans, cette dernière ne fait l’objet d’une révision et, le cas échéant, d’un renouvellement, qu’à son terme, à la mainlevée ou au décès de l’intéressé ;

–  si la mesure a été prise antérieurement à la loi du 16 février 2015, elle doit faire l’objet d’un renouvellement avant l’expiration d’un délai de dix ans à compter de l’entrée en vigueur de la loi – soit en 2025 – même si la mesure devait couvrir une période plus longue. À défaut de renouvellement dans ce délai, la mesure prend fin.

Ces dispositions ont pour conséquence qu’un grand nombre de mesures de protection devront être réévaluées avant 2025. Cette configuration présente deux inconvénients :

–  d’une part, cet afflux de dossiers fera peser une charge sur les juridictions et les greffes, qui devront absorber ce surplus de demandes. Le risque encouru est que certaines mesures deviennent caduques avant leur terme, exposant les intéressés à une situation délicate ;

–  d’autre part et surtout, l’obligation de révision alors même qu’un médecin a attesté de l’absence de perspective d’amélioration de l’état de santé de la personne protégée constitue une charge émotionnelle lourde pour les familles, qui sont contraintes de se confronter sans nécessité aux difficultés qui frappent leur proche sans espoir de rémission.

2.   Les dispositions adoptées par la Commission

Il ne saurait être envisagé de porter atteinte aux libertés fondamentales des majeurs protégés. Ceci étant affirmé, si le certificat médical fourni au moment du renouvellement de la mesure indique expressément que l’état de santé du majeur n’est susceptible d’aucune amélioration, et si aucune constatation ne vient infirmer cette position, il n’est pas forcément utile de contraindre le renouvellement avant son terme initialement prévu.

La Commission a donc adopté un amendement de Mme Caroline Abadie sous-amendé par la rapporteure avec l’avis favorable du Gouvernement. Il prévoit que, dans le cas d’une mesure renouvelée pour une durée supérieure à dix ans avant l’entrée en vigueur de la loi du 16 février 2015, la révision aura lieu à la date initialement prévue dès lors qu’un certificat médical indiquant qu’aucune amélioration de l’état de santé du majeur n’était envisageable a été produit alors, et au plus tard vingt ans après l’entrée en vigueur de ladite loi. Il en résulte que la révision obligatoire des mesures de protection édictée sous la législation antérieure est repoussée de 2025 à 2035.

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Article 9
Compétence de la Caisse des dépôts et consignations pour la gestion de certaines sommes saisies ou consignées et leur répartition entre créanciers

Rétabli par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 9 transfère à la Caisse des dépôts et consignations la gestion des sommes provenant de saisies de rémunérations et des consignations pour expertise. Cette tâche est assurée actuellement par les régies des greffes des tribunaux.

  Dernières modifications législatives intervenues

Les modalités de gestion et de répartition des sommes saisies sur des rémunérations et des consignations pour expertise relèvent principalement de dispositions réglementaires.

  Modifications apportées au Sénat

Le Sénat a supprimé l’article 9.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a rétabli l’article 9.

1.   L’état du droit

Il est constitué, au sein de chaque tribunal d’instance ou de grande instance, une régie de recettes et une régie d’avances. La régie, mode de gestion dérogatoire du principe de séparation des ordonnateurs et des comptables ([126]), consiste à permettre à un régisseur, nommé par l’ordonnateur et qui est, dans un tribunal, un fonctionnaire du greffe, à encaisser des recettes ou à réaliser des dépenses à part d’avances de fonds faites par un comptable ([127]).

Ces régies sont notamment chargées de la gestion de certaines sommes d’argent, parmi lesquelles consignations pour expertise et saisies sur rémunérations, et de leur répartition entre les créanciers ([128]).

D’après l’étude d’impact annexée au projet de loi, le montant des sommes déposées auprès de l’ensemble des régies de tribunaux s’élevait, en 2016, à 211,5 millions d’euros au titre des saisies sur rémunérations pour 129 697 procédures traitées et 209 millions d’euros au titre des consignations pour 43 000 expertises.

Recettes encaissées par les régisseurs de greffes

1° Les redevances de copies de pièces pénales ;

2° Les cautionnements ;

3° Les sommes provenant des saisies des rémunérations ;

4° Les consignations de parties civiles ;

5° Les provisions pour expertise ou médiation ;

6° Les provisions sur redevances et droits ;

7° Le produit des ventes d’ouvrages et publications vendus dans les greffes ;

8° Les sommes dues au titre des publicités au Bulletin des annonces civiles et commerciales ;

9° Les consignations dans le cadre de l’ajournement du prononcé de la peine.

a.   La gestion des saisies sur rémunération et leur répartition

La saisie des rémunérations est une mesure dexécution forcée prononcée par le tribunal dinstance et portant sur les revenus d’activité d’un débiteur salarié. Les règles qui lui sont applicables sont fixées par les articles L. 3252-1 à L. 3252-13 et R. 3252-1 à R. 3252-44 du code du travail.

Lorsque l’employeur d’une personne débitrice à l’égard d’un créancier doté d’un titre exécutoire ([129]) saisit des sommes sur la rémunération qu’il verse, il remet ces sommes soit directement au créancier s’il est unique, soit au régisseur du tribunal d’instance en cas de pluralité de créanciers ([130]). Si les sommes saisies sont versées mensuellement par l’employeur ([131]), le régisseur du tribunal d’instance est chargé de répartir périodiquement les fonds entre les créanciers, en principe tous les six mois ([132]).

En pratique, le régisseur verse les sommes qu’il reçoit et dont il est comptable sur un compte spécial auprès de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) ([133]) ; il opère les retraits nécessaires aux répartitions périodiques en justifiant de l’autorisation du directeur de greffe ([134]).

b.   La gestion des sommes consignées à des fins d’expertise

La régie du tribunal d’instance ou de grande instance gère également les sommes versées par les parties à titre de provision à valoir sur la rémunération de l’expert lorsqu’un magistrat ordonne une expertise en application de l’article 269 du code de procédure civile ([135]). L’expert commence sa mission une fois averti par le greffier que les parties ont consigné la provision mise à leur charge ; sa rémunération lui est délivrée une fois son rapport d’expertise produit.

Par exception, les sommes en cause sont confiées à la Caisse des dépôts et consignations en l’absence de régie constituée auprès de la juridiction qui ordonne l’expertise, comme c’est le cas pour les tribunaux d’Alsace-Moselle et les conseils de prud’hommes.

2.   Les dispositions du projet de loi

Le Gouvernement propose de modifier cette organisation qui soulève des difficultés liées à la constitution et au fonctionnement de certaines régies dans les tribunaux d’instance, peu compatibles avec les montants, significatifs, que représentent ces sommes. Les greffiers ont alors des difficultés à maîtriser les règles de la comptabilité publique et un faible nombre d’entre eux accepte d’assurer cette tâche, incompatible d’une part avec les fonctions de directeur de greffe et de greffier chargé de la gestion des saisies des rémunérations, et peu attractive d’autre part au regard de l’engagement de la responsabilité pécuniaire personnelle en cas de problème.

S’agissant des sommes provenant de saisies sur rémunérations, les créanciers subissent un allongement de la périodicité des répartitions au-delà des six mois prévus en droit. Les débiteurs peuvent être victimes de dysfonctionnements tels que la poursuite indue de saisies au-delà du montant fixé par le juge.

Afin de remédier à ces difficultés, l’article 9 du projet de loi confie la gestion et la répartition des fonds versés par lemployeur dans le cadre de saisies des rémunérations ainsi que la gestion des fonds relatifs aux expertises à la Caisse des dépôts et consignations (I) ([136]). Il prend la forme d’une demande d’habilitation du Gouvernement à édicter, par voie dordonnance dans un délai d’un an à compter de la publication de la loi, les dispositions nécessaires pour :

– transférer à la CDC la charge, d’une part, de « recevoir, gérer et répartir dans les meilleurs délais » les sommes provenant de saisies des rémunérations, et, d’autre part, de recevoir les sommes issues de la consignation de parties dans le cadre d’une expertise, et de procéder, « sur autorisation du juge », au versement des sommes dues à l’expert et à la restitution des sommes consignées en trop () ;

– déterminer les conditions de rémunération de ces prestations ().

L’intervention du législateur dans cette matière qui relève actuellement, à titre principal, de la compétence du pouvoir réglementaire, s’impose en raison du caractère législatif des dispositions relatives aux missions de la CDC et à la rémunération des fonds reçus au titre des consignations.

Le projet de loi de ratification des ordonnances devra être déposé dans un délai de quatre mois suivant leur publication (II).

Le choix de confier ces missions à la CDC se justifie par les missions qu’assure aujourd’hui cette institution, auprès de laquelle les comptes des régies des tribunaux sont ouverts, qui dispose d’un monopole pour recevoir ou reverser les consignations ordonnées par des lois ([137]). Cette évolution permettra de recentrer l’activité des greffes sur la répartition des sommes entre créanciers et non sur le respect des normes comptables, gain que l’étude d’impact jointe au projet de loi évalue à 140 équivalents temps plein (ETP). En revanche, elle nécessitera le développement d’outils informatiques interopérables entre les juridictions et la Caisse des dépôts et consignations.

3.   Une disposition supprimée par le Sénat

a.   En commission des Lois

Les rapporteurs du Sénat ont exprimé des doutes sur la légitimité et la faisabilité d’un tel transfert à la Caisse des dépôts et consignations :

– « la réflexion sur ce projet nest semble-t-il pas encore aboutie, eu égard aux échanges quils ont pu avoir avec la Caisse des dépôts et consignations » ([138]) ;

– « cette mission para-juridictionnelle semble assez éloignée du métier de la CDC », qui exécute pour l’heure une mission de conservation des sommes mais n’a jamais procédé à une activité comparable à la répartition entre créanciers ([139]) ;

– la Caisse des dépôts et consignations ne propose pas l’accueil physique aux justiciables, au contraire des régies des tribunaux, pour les cas dans lesquels un débiteur constate une saisie excessive sur sa rémunération ;

– l’étude d’impact jointe au projet de loi indique que « ce projet ne peut être mené quau terme dune concertation fine tenant compte des possibilités et des besoins du ministère de la justice et de la Caisse des dépôts et consignations », concertation qui ne semble pas avoir sensiblement avancé.

Pour ces raisons, la commission des Lois a adopté un amendement des rapporteurs portant suppression de larticle 9.

b.   En séance publique

En dépit d’un amendement du Gouvernement déposé afin de rétablir l’article 9 et l’habilitation qu’il sollicite, les sénateurs ont maintenu en séance publique la décision de suppression prise en commission des Lois.

4.   Une disposition rétablie par votre Commission

Si les modalités de mise en œuvre du transfert de la gestion des sommes saisies et consignées par les juridictions à la Caisse des dépôts et consignations restaient à définir au moment de l’examen du projet de loi par le Sénat, les informations recueillies au cours des travaux préparatoires ont permis de constater qu’une concertation était engagée pour la réussite de la réforme dans les meilleures conditions.

Par ailleurs, les missions que la CDC exerce déjà, notamment auprès des juridictions d’Alsace et de Moselle, la préparent tout à fait à l’exercice de nouvelles compétences.

En conséquence, la Commission a adopté un amendement du Gouvernement portant rétablissement de l’article 9.

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Article 9 bis
(art. L. 1251, L. 3115, L. 3221, L. 3224 et L. 4332 du code des procédures civiles dexécution)
Procédure de saisie et de vente immobilière

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Issu d’un amendement du Gouvernement adopté en séance publique par le Sénat, l’article 9 bis modifie la procédure de saisie immobilière en favorisant la vente au meilleur prix. Il permet de procéder dans un même mouvement à la saisie de plusieurs immeubles. Il autorise également la vente de gré à gré de l’immeuble après que sa vente forcée a été ordonnée par le juge.

  Dernières modifications législatives intervenues

Les articles visés du code des procédures civiles d’exécution n’ont pas été modifiés depuis la création dudit code par l’ordonnance n° 2011-1895 du 19 décembre 2011.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté un amendement de Mme Typhanie Degois (LaREM) facilitant la mise en œuvre de la procédure simplifiée de recouvrement des petites créances.

1.   L’état du droit

La saisie immobilière tend à la vente forcée de limmeuble du débiteur ou, le cas échéant, du tiers détenteur en vue de la distribution de son prix. Elle est réglée par le livre III du code des procédures civiles d’exécution.

Le créancier, muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible ([140]), peut solliciter un huissier de justice pour obtenir le paiement d’une créance. La procédure commence par la signification au débiteur d’un commandement de payer valant saisie comportant la mention selon laquelle le débiteur doit s’acquitter des sommes dues dans un délai de huit jours, à peine de vente de l’immeuble ([141]).

Lacte de saisie rend limmeuble indisponible et en restreint les droits de jouissance et d’administration. Le débiteur ne peut plus ni aliéner le bien ni le grever de droits réels – sous réserve d’une vente amiable dans le cadre de la procédure judiciaire ([142]). Il conserve cependant le droit de vivre dans le bien saisi, à moins que le commandement de payer n’ordonne également l’expulsion. La saisie immobilière est opposable aux tiers à partir de sa publication.

Dans les deux mois de la publication du commandement, le créancier fait délivrer par voie d’huissier une assignation à comparaître à une audience dorientation devant le juge de l’exécution, qui entend les parties pour connaître leurs observations et leurs contestations ([143]). Le jugement détermine la suite de la procédure, soit en autorisant la vente amiable si celle-ci lui a été préalablement demandée, soit en ordonnant la vente forcée, soit en interrompant la procédure d’exécution.

Si le juge accorde une vente amiable de limmeuble, celle-ci produit les effets d’une vente volontaire. La décision statue sur le montant en dessous duquel l’immeuble ne peut être vendu, sur la date de l’audience à laquelle l’affaire sera rappelée, dans un délai de quatre mois, afin de vérifier la réalisation de la vente. Si la vente volontaire échoue, le juge fixe la date d’adjudication. Si elle réussit, l’acte notarié de vente n’est établi que sur consignation du prix et des frais de la vente auprès de la Caisse des dépôts et consignations et justification du paiement des frais taxés ([144]).

Si la vente forcée est ordonnée, elle a lieu aux enchères publiques à l’audience du juge de l’exécution. Le montant de la mise à prix est fixé par le créancier poursuivant. À défaut d’adjudication, le créancier est déclaré adjudicataire à hauteur de ce montant.

L’adjudication entraîne la vente forcée du bien saisi et en transmet la propriété à l’adjudicataire. Le jugement d’adjudication vaut titre dexpulsion à l’encontre de la personne saisie ; ses meubles sont mis en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge, s’ils ne sont pas retirés au terme d’un délai d’un mois ([145]).

2.   Les dispositions adoptées par le Sénat

L’article 9 bis du projet de loi est issu d’un amendement du Gouvernement adopté par le Sénat en séance publique avec lavis favorable des rapporteurs. Il modifie la procédure de saisie immobilière pour donner l’opportunité aux parties de s’accorder sans recourir au juge. Il substitue également au juge de l’exécution une prescription légale pour des actes dans lesquels aucune appréciation particulière des faits n’est nécessaire ou qui font suite à une première décision sur une même affaire.

Le fait évoluer la rédaction de l’article L. 311-5 du code des procédures civiles d’exécution ([146]) afin qu’il soit possible, pour un même créancier, d’engager par une même procédure la saisie de plusieurs immeubles de son débiteur lorsque la saisie d’un seul de ceux-ci ne permet pas de le désintéresser – c’est-à-dire de couvrir le montant de la créance. Cette modification évitera de présenter une demande de saisie spécifique pour chacun des immeubles concernés et permettra au juge de l’exécution d’apprécier une même situation dans sa globalité. Le débiteur pourra cependant demander au juge de cantonner les effets de la saisie à un ou plusieurs des immeubles visés ([147]).

Le  autorise la vente de gré à gré de l’immeuble même après la tenue de l’audience d’orientation et la décision du juge d’ordonner une vente forcée, dès lors que les enchères ne sont pas encore ouvertes et qu’un accord existe en ce sens entre débiteur et créancier. En l’état du droit, la vente amiable de l’immeuble n’est plus possible lorsque sa vente par adjudication a été décidée : le débiteur saisi ne peut céder son bien hors de la procédure de saisie immobilière, même si ses créanciers soutiennent cette option. Il en résulte d’inutiles frais d’adjudication et un prix de vente souvent inférieur au prix du marché. La modification proposée de l’article L. 322‑1 du code des procédures civiles d’exécution préviendra ces inconvénients et évitera au tribunal de mener à terme une vente aux enchères dont les parties sont d’accord pour se passer.

Le  facilite la délivrance du titre de vente en cas de vente amiable sur autorisation judiciaire. Ainsi, il remplace à l’article L. 322‑4 du code des procédures civiles d’exécution l’obligation de consigner les frais de la vente par l’obligation de justifier de leur paiement. La délivrance du titre de vente aux acquéreurs en sera facilitée sans réduire pour autant leurs obligations.

Le simplifie la procédure d’expulsion après la vente forcée en supprimant l’obligation de tenir une audience pour statuer sur le sort des meubles de la personne expulsée lorsqu’ils demeurent sur les lieux un mois après l’expulsion. Ces meubles laissés sur place seront vendus s’ils ont une valeur marchande ; à défaut, ils seront réputés abandonnés.

3.   La position de la Commission

La commission des Lois a partagé les motivations du Sénat consistant à simplifier les procédures civiles d’exécution en matière immobilière. Les dispositions adoptées par les sénateurs n’ont fait l’objet d’aucune modification.

Par un amendement de Mme Typhanie Degois adopté avec le soutien de la rapporteure et du Gouvernement, la Commission a adjoint à l’article 9 bis un dispositif de simplification du recouvrement des petites créances prévu à l’article L. 125‑1 du code des procédures civiles d’exécution ([148]).

Cette procédure simplifiée commence par une lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée par huissier de justice au débiteur pour l’inviter à suivre cette voie procédurale. À compter de l’envoi de la lettre recommandée, ledit débiteur dispose d’un mois pour manifester son accord. Une absence de réponse vaut refus implicite ; le créancier peut alors saisir le juge afin d’obtenir un titre exécutoire dans le cadre de la procédure normale de recouvrement. Or, certains débiteurs ne retirent pas les lettres recommandées, ce qui condamne la procédure à l’échec.

La Commission a donc prévu que la notification adressée au débiteur puisse prendre la forme dun message électronique. Cette évolution présente un triple bénéfice : elle renforce la probabilité que la proposition parvienne bien au débiteur ; elle simplifie la tâche du créditeur et de l’huissier de justice qu’il sollicite ; elle s’inscrit pleinement dans la logique du projet de loi en faveur d’une dématérialisation des procédures judiciaires.

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Article 9 ter
(art. L. 21111 [nouveau] et L. 52311 [nouveau] du code des procédures civiles dexécution ; art. L. 151 A du livre des procédures fiscales)
Transmission électronique des saisies-attribution et des saisies conservatoire

Introduit par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Issu d’un amendement de la rapporteure adopté par la Commission avec le soutien du Gouvernement, l’article 9 ter améliore l’efficacité des procédures de saisie-attribution et de saisie conservatoire des créances de sommes d’argent en imposant aux établissements bancaires la transmission électronique des actes de ces procédures.

Il met aussi la loi en conformité avec le règlement européen n° 655/2014 du 15 mai 2014 portant création d’une procédure d’ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires.

  Dernières modifications législatives intervenues

Aucune.

1.   La transmission électronique des actes de saisie par les établissements bancaires

Aux termes de larticle L. 211-2 du code des procédures civiles dexécution, la saisie-attribution est engagée par la signification dun acte de saisie au tiers saisi. Celle-ci emporte attribution immédiate au saisissant de la créance saisie. Larticle R. 2113 prévoit des modalités spécifiques en cas de signification par voie électronique, qui est donc une voie autorisée, mais elle nimpose pas dy recourir de préférence à une signification sur support papier ([149]).

Quant à la saisie conservatoire des créances de sommes d’argent, elle permet au créancier de rendre indisponibles les créances que détient son débiteur à l’égard d’un tiers. Sa conversion en saisie-attribution entraîne attribution immédiate de la créance saisie au saisissant. Là encore, la procédure est engagée par la signification au tiers saisi d’un acte de saisie conservatoire. Selon l’article 653 du code de procédure civile, « la signification est faite sur support papier ou par voie électronique ».

L’article 662‑1 du code de procédure civile impose que « lacte de signification [par voie électronique] porte mention du consentement du destinataire à ce mode de signification ». La chambre nationale des huissiers de justice est ainsi chargée de tenir à jour la liste des personnes l’ayant déjà accepté ([150]). Si le destinataire ne figure pas dans ce fichier, les huissiers de justice sont contraints de se transporter dans les agences bancaires pour y délivrer leurs significations, sans que ce déplacement comporte la moindre plus-value.

Afin de remédier à cette situation, le I du nouvel article 9 ter issu d’un amendement de la rapporteure impose l’usage de la voie électronique lorsque le tiers saisi est un établissement habilité par la loi à tenir des comptes de dépôt. Cette prescription vaut pour la saisie-attribution et pour la saisie conservatoire.

2.    La mise en conformité de la loi avec le droit de l’Union européenne

Le II du nouvel article 9 ter met en conformité la loi – en l’occurrence le livre des procédures fiscales – avec le règlement européen n° 655/2014 du 15 mai 2014 portant création d’une procédure d’ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires, dont l’article 14 permet au créancier titré de demander à la juridiction d’obtenir des informations relatives aux comptes du débiteur par le biais d’un accès des huissiers de justice au fichier des comptes bancaires (FICOBA). Cet accès est possible alors même que le créancier ne dispose que d’une décision, d’une transaction judiciaire ou d’un acte authentique qui n’est pas encore exécutoire.

Or, l’article L.  151 A du livre des procédures fiscales autorise un accès au FICOBA à la condition que le créancier dispose d’un titre exécutoire. Il s’agit désormais d’une infraction aux prescriptions de l’Union européenne à laquelle il convient de mettre fin.

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Article 10
Modernisation des modalités de délivrance des apostilles et légalisations

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 10 habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour décharger le ministère public de tâches de nature administrative consistant à garantir la véracité de la signature et la qualité de la personne signataire de documents établis par les autorités françaises (apostilles et légalisations).

  Dernières modifications législatives intervenues

Le régime des légalisations a été modifié par la loi n° 2009‑526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allégement des procédures, qui a supprimé la mention dans la loi du principe de légalisation des actes publics étrangers.

  Modifications apportées au Sénat

Le Sénat a adopté sans modification l’habilitation demandée par le Gouvernement. Il s’est borné à disjoindre le III de l’article 10, comportant une mesure sans rapport et dont il a fait un article 10 bis autonome.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a apporté à l’article 10 une modification de nature rédactionnelle.

1.   L’état du droit

La valeur à l’étranger d’un acte public français – actes d’état civil, jugements, extraits de casiers judiciaires, extraits Kbis, diplômes – dépend, hors cas de dispense, d’un certificat établi par les autorités françaises garantissant la véracité de la signature et la qualité de la personne signataire.

Deux formalités distinctes coexistent, dont la réalisation est fonction du pays dans lequel l’acte concerné devra produire des effets :

– la légalisation est une formalité qui découle de la coutume internationale. Elle est réalisée, successivement, par le bureau des légalisations du ministère français des affaires étrangères afin d’attester de la signature de l’auteur de l’acte, puis par l’ambassade ou le consulat de l’État destinataire en vue de garantir l’authenticité du cachet apposé ;

– l’apostille est une formalité allégée unique prévue par la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 ([151]). Elle consiste, pour les parquets généraux, à vérifier la qualité, le sceau et la signature de l’auteur de l’acte et à apposer sur celui-ci un timbre confirmant sa valeur dans les États parties à la convention.

Chaque année, près de 230 000 actes publics sont apostillés par les parquets généraux et plus de 130 000 sont légalisés par le ministère des affaires étrangères. Malgré ces volumes considérables, les procédures mises en œuvre pour délivrer ces certificats reposent quasi-exclusivement sur des formalités « papier ». En effet, elles s’appuient sur des registres de signature rarement actualisés et inadaptés aux procédures numérisées. Pour ces raisons, elles ne permettent pas un contrôle parfaitement effectif de l’intégrité des actes.

2.   Les dispositions du projet de loi

a.   La modernisation de la procédure de délivrance des légalisations et apostilles

Le I de larticle 10 du projet de loi vise à moderniser les procédures dapostille et de légalisation afin de faciliter la démarche des usagers et de décharger les parquets généraux d’une tâche administrative sans lien direct avec leurs compétences.

Le Gouvernement sollicite du Parlement une habilitation à légiférer par ordonnance dans un délai d’un an à compter de la publication de la loi pour :

– « simplifier et moderniser la délivrance des apostilles et légalisations » () en déléguant, en tout ou partie, ces formalités « à des officiers publics ou ministériels ou à toute personne publique ou tout organisme de droit privé chargé dune mission de service public dont les compétences, la mission et le statut justifient son intervention » (2°) ;

– tirer toutes les conséquences législatives de cette réforme ().

Le projet de loi de ratification de l’ordonnance devra être déposé dans un délai de quatre mois suivant la publication de celle-ci.

Le Gouvernement justifie le recours à une ordonnance par la nature même des procédures à réformer et la nécessité de procéder à certaines évaluations et concertations avec les autorités – non judiciaires – susceptibles de prendre en charge ces tâches. À cette fin, il pourra s’appuyer sur les conclusions d’une mission conjointe de l’inspection du ministère de la Justice et du ministère des Affaires étrangères, appelée à réfléchir sur l’opportunité de créer un guichet unique et en ligne de présentation des requêtes.

La réforme participera à la mise en conformité de la législation française avec les dispositions du règlement européen sur les conditions de présentation de certains documents publics dans l’Union européenne ([152]), adopté le 6 juillet 2016 et dont l’entrée en vigueur est prévue le 16 février 2019. Ce règlement dispense certains documents de légalisation et d’apostille sauf si un « doute raisonnable » concernant leur authenticité justifie une demande d’information par l’intermédiaire d’une plateforme dédiée.

b.   Le rétablissement de l’exigence de légalisation en droit interne

Le II de larticle 10 du projet de loi rétablit dans le droit français lexigence de légalisation des actes publics étrangers sauf convention internationale contraire. Cette disposition avait été abrogée par erreur par l’ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques ([153]). La liste des actes publics concernés serait fixée par décret en Conseil d’État.

Cette disposition est la conséquence de la jurisprudence de la Cour de cassation, qui a considéré la légalisation comme une exigence de la coutume internationale qu’il n’appartenait pas au législateur de supprimer ([154]). Elle est aussi la traduction d’une recommandation constamment formulée par la Cour depuis 2009 dans ses rapports annuels ([155]).

3.   Des dispositions non modifiées par le Sénat

Le Sénat n’a apporté aucune modification à la rédaction proposée par le Gouvernement. La commission des Lois s’est bornée à faire de la disposition apparaissant à l’origine au III de l’article 10 un nouvel article 10 bis sur proposition des rapporteurs.

Aucun amendement à l’article 10 n’a été discuté en séance publique.

4.   La position de la Commission

La Commission a approuvé l’économie du dispositif présenté par le Gouvernement. Elle a adopté un amendement de nature rédactionnelle à l’initiative de la rapporteure.

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Article 10 bis
(art. L. 6512 du code de la construction et de lhabitation)
Allégement du rôle des parquets généraux dans les procédures de changement irrégulier dusage dun local

Adopté par la Commission sans modification

  Résumé du dispositif et effets principaux

Dans la rédaction initiale du projet de loi, le III de l’article 10 dispensait le ministère public de déposer des conclusions dans les procédures de changement irrégulier d’usage de locaux d’habitation jugées par le président du tribunal de grande instance.

  Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 20161547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a transféré au maire ou à l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) la compétence qui était auparavant dévolue au ministère public dans le cadre de la procédure de remise en usage de logement des locaux irrégulièrement transformés.

  Modifications apportées au Sénat

Si le Sénat n’a apporté aucune modification de fond au dispositif proposé par le Gouvernement au III de l’article 10, il a estimé que celui-ci était dépourvu de lien avec les autres dispositions de l’article en question et qu’il convenait d’en faire un nouvel article 10 bis.

  Modifications apportées par la Commission

Aucune.

1.   L’état du droit

Le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est soumis à l’autorisation préalable du maire dans les communes de plus de 200 000 habitants et les communes des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et de Val-de-Marne ([156]).

En cas de méconnaissance de cette obligation, l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation prévoit le prononcé, par le président du tribunal de grande instance, dune amende civile de 50 000 euros par local irrégulièrement transformé. Le magistrat statue en la forme des référés sur requête du maire ou de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) et « sur conclusions du procureur de la République, partie jointe avisée de la procédure ».

Sur requête du maire ou de l’ANAH, le président du tribunal ordonne le retour à l’usage d’habitation du local transformé sans autorisation, cette fois sans intervention du ministère public.

Ces dispositions résultent de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle. La compétence relative à la remise en usage de logement de locaux irrégulièrement transformés était auparavant exercée à titre principal par le procureur de la République.

2.   Les dispositions du projet de loi

Le III de larticle 10 du projet de loi vise à tirer les conséquences du transfert de compétence aux maires et à l’Agence nationale de l’habitat pour engager ces procédures en tant que parties principales. Tous deux connaissent les locaux concernés bien mieux que le ministère public ; ils ont, en outre, intérêt à engager ces procédures afin d’augmenter l’offre de logement dans les territoires très urbanisés. Par ailleurs, l’amende civile est intégralement versée à la commune dans laquelle est situé le local.

Le droit en vigueur ne rend plus nécessaire l’intervention systématique du procureur de la République dans ces procédures. Il est donc proposé de supprimer lobligation pour le ministère public de communiquer son avis en cas de non-respect des règles relatives au changement d’usage des locaux d’habitation.

3.   Des dispositions adoptées sans modification de fond par le Sénat

Le Sénat n’a apporté aucune modification de fond à la rédaction proposée par le Gouvernement. Cependant, les rapporteurs ont estimé malvenu que cette disposition figure à l’article 10, relatif aux apostilles et légalisations. La commission des Lois a donc disjoint le dispositif et créé un nouvel article 10 bis.

Aucun amendement n’a été déposé en séance publique sur cet article.

4.   Une disposition adoptée sans modification par la Commission

La commission des Lois a approuvé la décision de simplifier la procédure de changement irrégulier d’usage d’un local destiné à l’habitation. L’intervention du procureur de la République ne se justifie plus dans la répression de ce manquement sanctionné d’une amende civile, que le maire de la commune concernée et l’ANAH sont les mieux placés pour appréhender.

Les membres de la Commission ont également fait leur la décision du Sénat de disjoindre ce dispositif du reste de l’article 10, effectivement sans rapport. En conséquence, la Commission a adopté l’article 10 bis sans modification.

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Article 10 ter
(art. L. 33323 et L. 333241 du code de la santé publique)
Contrôle des débits de boissons

Introduit par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Issu d’un amendement de la rapporteure adopté par la Commission avec le soutien du Gouvernement, l’article 10 ter retire au procureur de la République la mission de contrôle des débits de boissons que lui attribue le code de la santé publique.

  Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté a mis fin à l’exigence de nationalité française ou européenne pesant sur l’exploitant d’un débit de boissons.

1.   L’état du droit

Le code de la santé publique dispose, en son article L. 3332-3, que tout individu qui souhaite ouvrir un café, un cabaret ou un débit de boissons à consommer sur place est tenu de faire, quinze jours au moins à l’avance et par écrit, une déclaration comprenant diverses informations sur sa personne et sur son projet d’établissement. Jusqu’à la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, il devait également justifier de sa nationalité française ou de son appartenance à un autre État qui soit membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen. La déclaration est faite en mairie et, à Paris, à la préfecture de police ; elle est transmise dans les trois jours au procureur de la République ainsi qu’au préfet.

Ce régime extrêmement strict remonte à la loi du 9 novembre 1915 relative à la réglementation de l’ouverture de nouveaux débits de boissons. À l’époque, c’est-à-dire en pleine Première Guerre mondiale, ce choix manifestait une volonté de préserver la moralité, composante de l’ordre public, dans un contexte particulièrement exigeant. L’intervention du procureur de la République était justifiée par cette même préoccupation d’ordre public et par la volonté d’informer systématiquement l’autorité judiciaire de l’existence de tels lieux, où l’alcool était susceptible de favoriser la commission d’infractions pénales, et de l’identité de leurs exploitants.

2.   Les dispositions adoptées par la Commission

Les considérations qui présidaient aux décisions du législateur de 1915 ne sont plus dactualité aujourd’hui. Si un contrôle des débits de boissons demeure justifié, il est exercé prioritairement par le préfet qui décide seul d’accorder ou de refuser les autorisations sollicitées, qui peut infliger des sanctions administratives en répression des différents manquements, et qui ne sollicite le parquet qu’en cas d’infraction pénale caractérisée. Le rôle du procureur de la République dans la procédure se réduit le plus souvent à une simple vérification d’état civil.

En conséquence, la Commission a adopté un amendement de la rapporteure bénéficiant du soutien du Gouvernement afin de relever le procureur de la République de sa mission de contrôle des débits de boissons. Il restera loisible au préfet, s’il vient à suspecter la commission d’une infraction pénale, d’en référer au parquet dans le cadre des procédures classiques en la matière.

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Article 11
(art. L. 444-2, L. 444-7 et L. 9501 du code de commerce)
Révision des critères de détermination des tarifs des professions réglementées du droit et du dispositif des remises

Adopté par la Commission sans modification

  Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 11 modifie les règles de fixation des tarifs des professions réglementées du droit. Il est proposé qu’ils soient désormais fixés sur la base d’un objectif de taux de résultat moyen. Des remises peuvent être consenties pour certaines prestations et au-delà d’un certain montant d’émolument.

  Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron », a instauré un dispositif de régulation tarifaire des professions réglementées du droit basé sur le principe d’orientation des tarifs vers les coûts.

  Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a apporté à cet article des modifications de nature rédactionnelle.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté l’article 11 sans modification.

1.   L’état du droit

L’article 50 de la loi n° 2015‑990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a réformé le cadre de rémunération de sept professions réglementées du droit – les administrateurs judiciaires, les avocats pour les prestations de postulation, les commissaires-priseurs judiciaires, les greffiers des tribunaux de commerce, les huissiers de justice, les mandataires judiciaires et les notaires ([157]). Ces dispositions sont applicables aux prestations réglementées délivrées par les professionnels, non aux activités exercées sur un marché libre.

L’encadrement décidé en 2015 a pour principe l’orientation des tarifs vers les coûts. Ils prennent en compte « les coûts pertinents du service rendu et une rémunération raisonnable, définie sur la base de critères objectifs », mais permettent une « péréquation des tarifs applicable à lensemble des prestations servies » par la profession concernée ([158]).

Un décret du 26 février 2016 ([159]) a précisé les modes d’évaluation des coûts pertinents et de la rémunération raisonnable ainsi que les caractéristiques de la péréquation. Il a également édicté des tarifs provisoires sur la base de ceux en vigueur auparavant dans la limite d’une variation de 5 %, dans l’attente de la collecte des données économiques nécessaires au calcul des nouvelles règles tarifaires.

Les professions réglementées du droit peuvent consentir des remises sur leurs émoluments ([160]) pour les prestations dont le tarif est fixé proportionnellement à la valeur du bien ou du droit en cause, à la condition que l’assiette de ce tarif excède un seuil établi par voie réglementaire. Le taux des remises est fixe, identique pour tous.

Le décret du 26 février 2016 a précisé les règles applicables : le rabais ne peut excéder 10 % du montant de l’émolument perçu, cette limite étant portée à 40 % pour l’immobilier d’entreprise, l’immobilier commercial et industriel et les logements sociaux ([161]). S’agissant des notaires, la remise de 10 % est applicable à la part d’émolument calculée sur les tranches d’assiette supérieures à 150 000 euros, celle de 40 % à la part d’émolument calculée sur les tranches d’assiette supérieures ou égales à 10 millions d’euros ([162]).

2.   Les dispositions du projet de loi

En modifiant l’article L. 444-2 du code de commerce, l’article 11 du projet de loi change en deux points les règles de tarification des professions réglementées du droit : en posant le principe d’un objectif de taux de résultat moyen dont le montant est estimé globalement pour chaque profession d’une part, et en assouplissant les conditions d’octroi d’une remise d’autre part.

a.   Les règles d’établissement du tarif

Le a) du 1° dispose que les tarifs sont arrêtés « sur la base dun objectif de taux de résultat moyen (...) dont le montant est estimé globalement pour chaque profession pour lensemble des prestations tarifées », complétant la règle actuelle selon laquelle ils « prennent en compte les coûts pertinents du service rendu et une rémunération raisonnable, définie sur la base de critères objectifs » et peuvent, par dérogation, opérer « une péréquation des tarifs applicables à lensemble des prestations servies ». La tarification est donc déterminée globalement, en fonction de l’activité complète de chacune des professions et par un taux moyen, non acte par acte en fonction de la rentabilité de chaque prestation offerte.

Cette rédaction inscrit dans la loi linterprétation du dispositif de régulation tarifaire qua livrée le Conseil dÉtat. Dans un arrêt confirmant la légalité du décret du 26 février 2016 ([163]), la juridiction administrative a accepté que, par dérogation à la méthode de tarification acte par acte, les tarifs puissent être fixés sur la base d’une péréquation entre les prestations en cause dès lors qu’elle a pour effet de garantir une rémunération raisonnable globale aux professionnels concernés.

Une tarification globale répond aux souhaits des représentants des professions réglementées dans la mesure où elle dispense les études et offices de mettre en place une comptabilité analytique incorporant le temps passé par les praticiens pour chaque prestation afin de déterminer ses coûts pertinents.

b.   Les règles d’octroi d’une remise

Le b) du 1° prévoit que « le professionnel et son client peuvent convenir du taux des remises » pour certaines prestations et au-delà d’un certain montant d’émolument, dérogeant ainsi à la règle selon laquelle « le taux des remises octroyées par un professionnel est fixe, identique pour tous et compris dans des limites définies par voie réglementaire ».

Selon l’étude d’impact jointe au projet de loi, le caractère « fixe et identique pour tous » des remises, qu’impose le code de commerce, nuit à la fluidité des transactions. La remise majorée de 40 % a considérablement renchéri la rémunération due aux notaires par rapport au droit antérieur, qui permettait de réduire – voire d’effacer complètement – le montant des émoluments afférents à un acte supérieurs à 80 000 euros. Cette situation a un impact sur les bailleurs sociaux et les collectivités territoriales en termes de surcoût pour l’acquisition de logement social. Elle incite également les investisseurs dans le secteur production à privilégier l’achat d’une société possédant un actif plutôt que d’une acquisition directe de l’actif ([164]).

Pour une fluidité accrue, la mesure proposée permet, pour certaines prestations et au-delà d’un montant d’émolument fixé par arrêté conjoint des ministres de la justice et de l’économie, la négociation du taux de remise applicable entre le professionnel et son client.

c.   Les coordinations nécessaires

Le  modifie l’article L. 444-7 du code de commerce renvoyant à un décret en Conseil d’État le soin de préciser les modalités d’application des articles précédents, de façon à opérer les coordinations nécessaires à l’application des dispositions du 1°.

Enfin, le  modifie l’article L. 950‑1 du code de commerce pour l’application des dispositions précédentes dans les îles Wallis et Futuna.

3.   Des dispositions approuvées par le Sénat

La commission des Lois n’a adopté à l’article 11 qu’un amendement de nature rédactionnelle, les rapporteurs « approuvant pleinement léconomie générale de cette disposition » dont ils estiment qu’elle correspond à la position défendue par le Sénat lors de la discussion de la loi du 6 août 2015 ([165]).

Aucun amendement n’a été adopté en séance publique.

4.   Une disposition adoptée sans modification par la Commission

La commission des Lois a jugé bienvenues les évolutions prévues par le projet de loi, qui s’inscrivent dans la continuité de la loi du 6 août 2015 et qui sont correctement accueillies par les professionnels du droit.

En conséquence, la Commission a adopté l’article 11 sans modification.

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Article 11 bis
(art. 45 de lordonnance n° 451418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels)
Prestation de serment des officiers publics et ministériels

Introduit par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Issu d’un amendement de la rapporteure adopté par la Commission avec le soutien du Gouvernement, l’article 11 bis simplifie et modernise le régime des prestations de serment des officiers publics et ministériels.

  Dernières modifications législatives intervenues

Les dispositions visées par le présent article n’ont connu aucune modification depuis la loi n° 73‑546 du 25 juin 1973 relative à la discipline et au statut des notaires et de certains officiers ministériels.

1.   L’état du droit

L’article 45 de l’ordonnance n° 45‑1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels prévoit que l’officier public ou ministériel qui ne prête pas le serment professionnel dans le mois de la publication de sa nomination au Journal officiel est démissionné doffice de ses fonctions à moins de justifier d’un cas de force majeure ([166]).

Peut également être déclaré démissionnaire d’office, après avoir été mis en demeure de présenter ses observations, l’officier public ou ministériel qui, soit en raison de son éloignement prolongé de sa résidence, soit en raison de son état physique ou mental, est empêché d’assurer l’exercice normal de ses fonctions. La même sanction est encourue lorsque, par des manquements répétés à ses obligations professionnelles, l’officier public ou ministériel a révélé son inaptitude à assurer l’exercice normal de ses fonctions.

L’empêchement ou l’inaptitude est constaté par le tribunal de grande instance saisi soit par le procureur de la République, soit par le président de la chambre de discipline de la profession.

2.   Les dispositions adoptées par la Commission

La Commission a considéré excessivement sévères les dispositions intimant la démission d’office de l’officier public ou ministériel n’ayant pas prêté serment dans le mois suivant sa nomination. L’exigence d’un cas de force majeure apparaît disproportionnée pour un manquement dont les conséquences demeurent essentiellement de l’ordre du symbole.

En revanche, rien n’est prévu pour tirer les conséquences d’un défaut d’installation de l’officier public ou ministériel régulièrement nommé, qui prive la population locale de l’accès à un professionnel du droit alors que la limitation du nombre des offices empêche l’émergence d’une offre concurrente.

En conséquence, la Commission a adopté un amendement de la rapporteure bénéficiant d’un avis favorable du Gouvernement portant modification du régime disciplinaire des officiers publics ou ministériels :

–  la démission d’office consécutive au défaut de prestation de serment dans le mois de la nomination est désormais prononcée sauf motif valable, condition plus simple à remplir et à apprécier qu’un cas de force majeure ;

–  l’absence dinstallation effective six mois après la création de loffice peut constituer un cas de démission d’office, ce qui permet de constater la vacance de l’office ou de le supprimer, malgré la prestation de serment, tout en conservant un pouvoir d’appréciation sur les raisons qui expliquent cette situation.

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Sous-titre II
Assurer l’efficacité de l’instance

Chapitre Ier
Simplifier pour mieux juger

Article 12
(art. 233, 238, 246, 247-2, 251 à 254, 257, 262-1, 311-20, 313, 375-3 et 515-12 du code civil, art. L. 441-1 du code de la construction et de lhabitation et art. L. 2141-2 du code de la santé publique)
Réforme de la procédure de divorce contentieux

Rétabli par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 12 supprime au sein du corpus des règles communes aux divorces de nature contentieuse la phase préliminaire, relative à la tentative de conciliation, et propose de favoriser le recours au divorce accepté.

  Dernières modifications législatives intervenues

Le régime procédural du divorce a été modifié en dernier lieu par la loi n° 2016‑1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, qui a introduit le divorce par consentement mutuel conventionnel.

S’agissant des divorces contentieux, leur régime a été modifié par la loi n° 2004‑439 du 26 mai 2004 relative au divorce, avec comme objectif de mieux faire coïncider la procédure choisie par les époux avec la réalité de leur situation conjugale, de favoriser les accords entre les époux, d’unifier la procédure de la phase préliminaire et de concentrer autant que possible le règlement des conséquences pécuniaires et patrimoniales du divorce au moment de son prononcé.

  Modifications apportées au Sénat

Le Sénat a supprimé cet article.

  Modifications apportées par la Commission

À l’initiative du Gouvernement et avec, sous réserve d’un sous-amendement, l’avis favorable de votre rapporteure, la Commission a rétabli l’article 12 en le modifiant afin de prévoir la tenue systématique d’une audience de fixation des mesures provisoires en début de procédure.

I.   l’État du droit

Depuis la loi du 26 mai 2004 relative au divorce ([167]), quatre cas de divorce sont prévus à l’article 229 du code civil :

– par consentement mutuel ;

– par acceptation du principe de la rupture du mariage ;

– pour altération définitive du lien conjugal ;

– pour faute.

Sur 75 254 divorces prononcés en 2017, 32 965, soit près de 44 %, l’ont été par consentement mutuel tandis que 22 381 (30 %) l’ont été par acceptation du principe de la rupture du mariage, 13 346 (18 %) pour altération définitive du lien conjugal et 5 866 (8 %) sur le fondement de la faute.

Le divorce par consentement mutuel est l’objet, à titre principal, d’une procédure extrajudiciaire depuis la loi du 18 novembre 2016. L’article 50 de cette loi a en effet introduit, aux côtés de la procédure judiciaire dont il a restreint le champ aux seuls cas de demande d’audition formée par un enfant mineur ou à ceux où l’un des époux est majeur protégé, une procédure conventionnelle : le divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats et déposé au rang des minutes d’un notaire.

En revanche, les trois autres cas de divorce, de nature contentieuse, requièrent une procédure judiciaire qui, bien que présentant des règles propres à chacun d’entre eux, comporte un ensemble de dispositions communes.

A.   Le corpus commun relatif à la procÉdure de divorce contentieux

Le régime procédural commun aux divorces contentieux comporte deux phases : une phase préalable, dite de tentative de conciliation, qui se situe « avant linstance judiciaire » ([168]), et une phase décisoire, qui correspond au divorce à proprement parler (instance et jugement).

1.   La phase de tentative de conciliation

Cette phase débute avec la requête en divorce et obéit à la procédure orale.

a.   La requête initiale

L’époux qui souhaite former une demande en divorce doit présenter, par l’intermédiaire d’un avocat, une requête au juge ([169]).

Si la requête ne doit pas indiquer les motifs du divorce (le fondement juridique de la demande ou les faits à l’origine de celle-ci), elle doit mentionner l’identité complète des deux époux, les lieu et date du mariage ainsi que l’état civil des enfants du couple et être précise quant aux demandes formées au titre des mesures provisoires – elle doit notamment comprendre un exposé sommaire de leurs motifs.

Cette dernière obligation permet au juge de mieux cerner la situation et les souhaits de l’époux demandeur dès le début de la procédure et garantit un meilleur respect du principe du contradictoire, les demandes de mesures provisoires étant plus aisément susceptibles de faire l’objet d’un véritable débat lors de la tentative de conciliation, dès lors qu’elles ont été soumises à la partie adverse et au juge avant l’audience.

La demande de mesures provisoires contenue dans la requête initiale n’est pas définitive, en ce qu’elle n’interdit pas de formuler une nouvelle demande lors de l’audience de conciliation, sous réserve cependant de la comparution des deux parties. Si le défendeur ne comparaît pas, le demandeur ne pourra pas solliciter du juge des mesures provisoires supplémentaires ou différentes lors de la tentative de conciliation, faute de respecter le principe du contradictoire.

L’époux qui introduit une requête initiale en divorce peut demander au juge aux affaires familiales la mise en place de mesures urgentes, destinées à s’appliquer avant même la tentative de conciliation. L’article 257 du code civil prévoit en effet que le juge peut prendre toutes les mesures qui s’imposent, en cas d’urgence, pour protéger l’intérêt d’un époux ou des enfants, le texte faisant notamment référence à la possibilité qu’il a d’autoriser l’époux à résider séparément, s’il y a lieu avec les enfants mineurs. Le juge peut également ordonner des mesures conservatoires pour assurer la préservation des biens communs.

Le demandeur doit se présenter en personne pour solliciter ces mesures, au cours d’une audience dite de « présentation » et en cas d’empêchement dûment constaté, le juge peut se rendre à la résidence de l’époux ([170]). Cette règle permet au magistrat de s’entretenir avec l’époux à propos de la nécessité de telles mesures qui seront, le cas échéant, ordonnées sans que l’autre époux n’en ait été averti et ait pu les discuter, à l’exception de la mesure consistant à attribuer le logement familial à l’époux victime de violences, qui doit être précédée d’un débat contradictoire.

En réponse à la requête initiale, le juge rend une ordonnance ([171]) qui prend la forme d’une simple indication, au bas de celle-ci, des jour, heure et lieu auxquels il procédera à la tentative de conciliation. Si des mesures urgentes sont demandées, l’ordonnance se prononce également sur ce point.

Cette ordonnance n’est susceptible d’aucune voie de recours.

b.   La tentative de conciliation

Avant l’instance judiciaire, une tentative de conciliation est obligatoire. Elle peut être renouvelée pendant l’instance.

Son objectif principal était, avant l’entrée en vigueur de la loi du 26 mai 2004, de faire renoncer les époux au divorce. Désormais, l’article 252 du code civil précise que le juge doit chercher à concilier les époux tant sur le principe du divorce que sur ces conséquences, ce qui peut aussi bien signifier les faire renoncer au divorce que les conduire vers un divorce accepté, voire par consentement mutuel.

La tentative de conciliation peut, ce qui est rare en pratique, aboutir à la réconciliation des époux, le demandeur renonçant à son intention de divorcer. Dans ce cas, la réconciliation donne lieu à la rédaction d’un procès-verbal qui met fin à la procédure.

Dans le cas, beaucoup plus fréquent, où la tentative de conciliation n’aboutit pas, le juge rend soit une ordonnance par laquelle il renvoie les époux à une nouvelle tentative de conciliation, soit une ordonnance de non-conciliation autorisant, immédiatement et en tout état de cause dans un délai de trente mois, les époux à introduire l’instance en divorce ([172]). Cette ordonnance peut également contenir les mesures provisoires ([173]) nécessaires pour assurer l’existence des époux et des enfants jusqu’à la date à laquelle le jugement passe en force de chose jugée ([174]). Le juge doit inciter les époux à régler les conséquences du divorce à l’amiable ([175]). Il leur demande de présenter pour l’audience de jugement un projet de règlement des effets du divorce.

LE DÉROULEMENT DE LA TENTATIVE DE CONCILIATION

(articles 252 à 252-2 et 252-4 à 253 du code civil et 1108 à 1110 du code de procédure civile)

La convocation à la tentative de conciliation adressée à l’époux qui n’est pas à l’origine de la requête l’informe qu’il doit se présenter en personne, seul ou assisté d’un avocat, tout en précisant que l’assistance d’un avocat est obligatoire pour accepter le principe de la rupture du mariage. La convocation doit être accompagnée d’une copie de l’ordonnance rendue à la suite du dépôt de la requête et d’une notice d’information exposant les dispositions relatives à la conciliation et aux mesures provisoires, en particulier la possibilité pour le juge d’enjoindre les époux à s’informer sur la médiation et de désigner un notaire afin de procéder à la liquidation du régime matrimonial.

La convocation doit être expédiée à l’époux qui n’a pas présenté la requête par le greffe au moins quinze jours avant la date prévue pour la tentative de conciliation.

Lors de la tentative de conciliation, le juge doit s’entretenir avec chacun des époux séparément, puis avec les deux ensemble. Ce n’est qu’ensuite que les avocats sont appelés à participer à l’entretien. Les propos tenus ou les écrits remis lors de la tentative de conciliation ne peuvent être utilisés dans la suite de la procédure.

Les deux époux doivent être personnellement présents à la tentative de conciliation. En cas d’impossibilité pour l’un des époux de se déplacer, notamment parce qu’il est incarcéré ou hospitalisé, le juge peut se rendre sur place pour l’entendre ou donner à un autre magistrat la mission de procéder à cette audition. L’avocat peut cependant représenter l’époux avant la tentative de conciliation, notamment pour contester la compétence du juge ou lui indiquer l’impossibilité pour son client de se présenter. En revanche, le fait qu’un époux ne se présente pas à la tentative de conciliation sans invoquer d’empêchement ne constitue pas un obstacle au déroulement de celle-ci, le juge n’étant pas tenu de renvoyer les parties à une nouvelle tentative de conciliation. En l’absence du défendeur, le juge s’entretient avec le seul demandeur et l’incite à la réflexion.

Le juge peut suspendre la tentative de conciliation et la reprendre ultérieurement dans la limite d’un délai de huit jours. Il peut également, s’il estime utile de donner un délai de réflexion plus long aux époux, suspendre la procédure et renouveler la tentative de conciliation dans les six mois. Il ordonne alors, le cas échant, les mesures provisoires destinées à s’appliquer pendant le délai précédant la nouvelle tentative de conciliation.

Au cours de la tentative de conciliation, les époux peuvent opter pour un divorce accepté. L’article 253 du code civil prévoit en effet la possibilité pour les époux d’accepter le principe de la rupture du mariage dès ce stade de la procédure, en subordonnant cette acceptation à ce que chacun des époux soit assisté d’un avocat, condition essentielle dès lors que l’acceptation n’est pas rétractable, même par voie d’appel.

2.   La phase décisoire

La phase décisoire, ou phase de divorce proprement dite, débute avec l’acte introductif d’instance – assignation ou requête conjointe – et obéit à la procédure écrite.

a.   Introduction de l’instance en divorce

Après l’ordonnance de non-conciliation, un époux peut introduire l’instance ou former une demande reconventionnelle pour acceptation du principe de la rupture du mariage, pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute ([176]).

L’acte introductif d’instance doit intervenir dans le délai de trente mois ([177]). L’époux qui a déposé la requête initiale peut seul introduire la demande pendant un délai de trois mois suivant l’ordonnance de non-conciliation. Dans les vingt-sept mois qui suivent, les deux époux peuvent agir. Ce long délai tient compte de ce qu’un divorce pour rupture définitive du lien conjugal implique deux ans de séparation de fait.

Si l’acte introductif d’instance consiste généralement en une assignation, les époux peuvent introduire l’instance par une requête conjointe dans le cas particulier du divorce accepté. La demande peut en être présentée par les époux immédiatement après l’ordonnance de non-conciliation.

L’acte introductif d’instance est très important sur le plan procédural, puisqu’il marque le début de la « phase de divorce » proprement dite et emporte constitution d’avocat ([178]), mais également sur le fond.

Cet acte contient en effet le fondement de la demande en divorce : pour acceptation du principe de la rupture du mariage, pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute ([179]). La demande ne peut être fondée que sur un seul des cas de divorce ([180]). Toute demande formée à titre subsidiaire sur un autre cas est irrecevable.

La demande introductive d’instance doit par ailleurs comporter une proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux, sous peine d’irrecevabilité ([181]).

C’est enfin à partir de l’assignation que les époux peuvent conclure des conventions pour régler tout ou partie des conséquences du divorce ou pour liquider et partager leur régime matrimonial.

b.   Les passerelles

Par exception au principe de l’exclusivité du fondement de la demande, il est possible, dans certains cas, d’exercer une passerelle entre les différentes formes de divorce en cours de procédure. Ces passerelles, introduites par la loi du 26 mai 2004, ont pour objet de permettre l’élaboration d’accords réglant tout ou partie des conséquences de leur divorce et ainsi d’éviter d’attiser les situations de conflit.

Les articles 247 à 247-2 du code civil prévoient ainsi trois passerelles.

L’article 247 pose tout d’abord la possibilité de passer d’un divorce contentieux, quelle que soit sa nature, au divorce par consentement mutuel. Cette possibilité est ouverte à tout moment de la procédure, même si une décision au fond a été rendue. Dans sa rédaction issue de la loi du 18 novembre 2016, l’article 247 prévoit en effet que les époux peuvent divorcer par consentement mutuel selon la procédure conventionnelle ou, dans le seul cas où un enfant mineur des époux demande à être entendu par le juge, par la voie judiciaire. Dans ce dernier cas, les époux demandent au juge de constater leur accord pour voir prononcer le divorce par consentement mutuel en lui présentant une convention réglant les conséquences de celui-ci.

L’article 247-1 prévoit par ailleurs une passerelle entre les différents divorces contentieux dans le sens d’une atténuation du conflit. Il est en effet possible de passer, à tout moment de la procédure, d’un divorce pour faute ou d’un divorce pour altération définitive du lien conjugal à un divorce accepté. Lorsqu’elle intervient en cours d’instance, la demande des époux de voir prononcer le divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage doit être formulée de manière expresse et concordante dans les conclusions des parties, auxquelles chaque époux doit annexer sa déclaration d’acceptation signée de sa main.

L’article 247-2 organise enfin une passerelle vers le divorce pour faute. Lorsqu’une demande pour altération définitive du lien conjugal est présentée en premier lieu et qu’il y est répondu par une demande en divorce pour faute, l’article 247-2 permet au demandeur de modifier sa requête pour invoquer les fautes de son conjoint. En permettant au demandeur de revenir dans un second temps sur les torts de son conjoint si celui-ci choisit de placer le débat sur ce terrain, la loi l’incite à ne pas le faire dans un premier temps, et à préférer une voie moins contentieuse.

c.   L’instance et le jugement

Pendant la phase écrite du divorce, le juge intervient comme juge de la mise en état : il est chargé de veiller au bon déroulement de la procédure, en particulier que les parties se sont communiqué leurs arguments et leurs preuves, et il peut être amené à rendre des ordonnances d’incident, notamment sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale.

À l’issue des débats au cours desquels les preuves rapportées sont discutées, le juge rend sa décision, qui est susceptible de voies de recours.

Lorsqu’il rejette définitivement la demande en divorce, le juge peut statuer sur la contribution aux charges du mariage, la résidence de la famille et les modalités de l’exercice de l’autorité parentale ([182]).

S’il estime la demande fondée, le juge prononce le divorce. Le jugement de divorce prononce la dissolution du mariage et règle les conséquences du divorce.

B.   les rÈgles propres À deux cas de divorce contentieux

1.   Le divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage ou divorce accepté

Héritier du divorce sur demande acceptée ou divorce sur double aveu ([183]), le divorce par acceptation du principe de la rupture du mariage, autrement dénommé divorce accepté, est fondé sur l’idée d’une acceptation du principe du divorce sans accord sur ses effets.

Mi-consensuel mi-contentieux, ce divorce est de nature hybride. Bien qu’il soit classé dans la catégorie des divorces contentieux, il apparaît comme un divorce d’accord, dans lequel l’accord des époux ne porte que sur la décision de divorcer et où il revient au juge d’organiser les effets de leur rupture. Il peut par ailleurs être demandé par les deux époux et non seulement demandé par l’un et accepté par l’autre, ce qui renforce sa nature consensuelle.

Le divorce accepté est exclu si l’un des époux est sous régime de protection.

a.   La cause du divorce : l’accord définitif des époux sur son principe

L’acceptation du principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l’origine de celle-ci est la seule condition, posée par l’article 233 du code civil, à ce divorce.

i.   Le formalisme simplifié de l’acceptation

Le divorce accepté peut intervenir à tout moment de la procédure. Selon la phase au cours de laquelle il intervient, le formalisme de l’acceptation diffère.

S’il est choisi par les époux au stade de l’audience de conciliation – et c’est le seul cas de divorce où cette possibilité est ouverte –, l’acceptation du principe de la rupture du mariage doit être constatée par procès-verbal dressé par le juge, signé par les époux et leurs avocats respectifs ([184]). Le juge renvoie ensuite les époux à introduire l’instance afin qu’il prononce le divorce et statue sur ses effets, la cause du divorce demeurant acquise. La forme de l’introduction d’instance est alors une requête conjointe ou une assignation.

Si l’acceptation du principe de la rupture du mariage intervient entre la tentative de conciliation et la demande en divorce, elle doit prendre la forme d’une déclaration de chacun des époux, signée de sa main et selon laquelle il accepte le principe de la rupture du mariage. Ces déclarations sont annexées à la requête conjointe introductive d’instance afin de valoir acceptation.

Si l’acceptation du principe de la rupture du mariage a lieu en cours d’instance, les époux demandent alors au juge de constater leur accord pour voir prononcer le divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage. La demande en ce sens des époux doit être formulée de manière expresse et concordante dans leurs conclusions respectives, auxquelles doit être annexée leur déclaration d’acceptation signée de leur main.

Pour que soit garantie la réalité de son consentement, chacun des époux doit être assisté par un avocat lors de la manifestation de l’acceptation de la rupture du mariage. Cette exigence est particulièrement formulée dans la convocation à l’ordonnance de conciliation qui doit, selon l’article 1108 du code de procédure civile, préciser que l’assistance d’un avocat est obligatoire pour accepter le principe de la rupture du mariage lors de l’audience de conciliation.

ii.   Le caractère définitif de l’acceptation

L’alinéa 2 de l’article 233 du code civil énonce clairement que l’acceptation de la rupture du mariage n’est pas susceptible de rétractation, même par la voie de l’appel, contrairement à ce que permettait le droit antérieur à l’entrée en vigueur de la loi du 26 mai 2004.

Quels que soient sa forme – procès-verbal ou déclaration – et le moment où elle intervient, l’acceptation du principe de la rupture par les époux doit être accompagnée de la mention selon laquelle elle n’est pas susceptible de rétractation même par la voie de l’appel et ce, à peine de nullité.

b.   Le règlement du divorce

S’il a acquis la conviction que chacun des époux a donné librement son accord, le juge prononce le divorce et statue uniquement sur ses conséquences, en application de l’article 234 du code civil.

Le juge doit donc être particulièrement attentif au caractère réel de l’acceptation du divorce par chacun des époux. Il peut refuser de prononcer le divorce s’il n’en est pas convaincu. Toutefois, le juge n’entend les époux et ne peut vérifier la liberté de leur consentement que lorsque l’acceptation intervient lors de l’audience de conciliation. Si l’acceptation intervient plus tardivement, la procédure ne prévoit pas d’audience au cours de laquelle il pourrait s’entretenir avec les époux pour vérifier leur consentement.

Le désaccord des époux ne portant pas nécessairement sur tous les effets du divorce, ces derniers peuvent présenter au juge une convention réglant certains d’entre eux.

2.   Le divorce pour altération définitive du lien conjugal

Aux termes des articles 237 et 238 du code civil, le divorce peut être demandé par l’un des époux lorsque le lien conjugal est définitivement altéré, l’altération définitive du lien conjugal résultant de la cessation de toute vie commune depuis deux ans au minimum.

La condition de séparation de fait des époux est nécessaire mais pas suffisante. La jurisprudence considère en effet que la simple séparation de fait ne suffit pas, puisqu’elle peut ne pas être volontaire (emprisonnement, hospitalisation…) et que la rupture de la vie commune doit s’accompagner d’une absence de relations intimes et affectives entre les époux ([185]). La rupture de la vie commune doit donc être volontaire.

Si le divorce pour altération définitive du lien conjugal est demandé à titre principal, le délai de deux ans de séparation est exigé. Ce délai doit être constitué au jour de l’assignation en divorce et non au jour de la requête initiale.

Le délai ne peut pas être suspendu. Ainsi, en cas de réconciliation des époux, et donc de reprise de la vie commune, le délai jusque-là cumulé retombe à zéro.

Ce délai de séparation doit être prouvé par le demandeur par tous moyens. La compétence du juge est liée en la matière : il ne peut relever d’office le moyen tiré du défaut d’expiration du délai de deux ans ([186]).

Si le divorce pour altération définitive du lien conjugal est demandé à titre reconventionnel dans le cadre d’une demande en divorce pour faute, le délai de deux ans n’est pas requis. En effet, lorsqu’un époux est assigné en divorce pour faute, la vie commune est difficilement supportable, et l’altération du lien conjugal ne fait pas de doute. Aussi, lorsqu’un époux forme une demande en divorce pour faute et que le défendeur forme une demande reconventionnelle en divorce pour altération définitive du lien conjugal, le juge examine d’abord la demande pour faute et, s’il la rejette, prononce le divorce pour altération définitive du lien conjugal.

II.   la rÉforme proposÉe

A.   le projet de loi initial

L’article 12 du projet de loi a pour objet d’alléger et de simplifier la procédure de divorce qui, destinée à l’origine à inviter les époux à la réflexion avant de rompre leur lien conjugal, s’avère trop longue et complexe au regard des évolutions de la société.

Cette procédure est lente. Les deux phases, de tentative de conciliation et de divorce à proprement parler, sont en effet séparées d’un délai de réflexion qui peut aller jusqu’à trente mois entre l’ordonnance de non-conciliation rendue par le juge et l’assignation délivrée à l’initiative d’une des parties.

Il ressort ainsi de la dernière étude menée par le ministère de la Justice sur la durée des divorces contentieux ([187]) un allongement de leur durée moyenne à 22,1 mois en 2010 contre 17,3 mois en 2004, alors que celle du divorce par consentement mutuel a baissé à 2,6 mois en 2010 contre 8,8 mois en 2004. Un tiers de la durée des divorces contentieux est imputable au délai de réflexion laissé aux époux, qui est de 8,2 mois en moyenne.

La procédure se caractérise également par sa complexité. Au cours du divorce se succèdent ainsi la procédure orale, à laquelle le défendeur, contrairement au demandeur, n’est pas tenu d’être assisté, puis la procédure écrite, où les deux parties doivent être assistées. Les règles pour modifier les mesures provisoires diffèrent en outre selon que la demande de modification intervient avant la délivrance de l’assignation ou après. Le juge est saisi par requête dans le premier cas et rend, selon le mode de saisine, une ordonnance ou un jugement. Dans le second cas, les règles relatives à la mise en état s’appliquent et le juge rend une ordonnance d’incident. Pour autant, il peut prononcer, dans les deux cas, les mêmes mesures.

Le groupe de travail mené par Mme Frédérique Agostini et M. Nicolas Molfessis sur le chantier de l’amélioration et de la simplification de la procédure civile a ainsi mis en évidence, dans ses conclusions remises à la ministre de la Justice le 15 janvier 2018, que l’audience de conciliation, « qui na dévidence plus de sens eu égard au nombre très limité des conciliations effectuées, retarde lintroduction de linstance pour les époux. En outre, elle affecte fortement lactivité des greffes civils des juridictions qui ont à gérer un stock important dordonnances de non conciliation en attente de la délivrance de lassignation ».

Aussi, afin de mieux répondre aux attentes des justiciables en termes de réduction des délais et de simplification de la procédure et d’alléger la charge des tribunaux, la réforme propose de supprimer la phase de conciliation et l’éventuel délai de réflexion avant la demande en divorce et de favoriser le recours au divorce accepté.

1.   Supprimer la phase de conciliation

► Le 6° du présent article réorganise la section 3 du chapitre II du titre VI du livre Ier du code civil relative à la procédure applicable aux cas de divorce autres que celui par consentement mutuel, afin de supprimer la phase de tentative de conciliation.

Il est proposé que cette section, divisée en cinq paragraphes consacrés, respectivement, à la requête initiale (article 251), à la conciliation (articles 252 à 253), aux mesures provisoires (articles 254 à 257), à l’introduction de l’instance en divorce (articles 257-1 à 258) et aux preuves (articles 259 à 259-3), soit désormais composée de trois paragraphes relatifs à l’introduction de la demande en divorce, aux mesures provisoires et aux preuves.

● Dans l’organisation ainsi définie, le premier paragraphe, relatif à l’introduction de la demande en divorce, est composé des articles 251, 252 et 253 qui font l’objet d’une nouvelle rédaction qui, tout en supprimant toute référence à la conciliation, reprend et complète celle des articles 257-1, 257-2 et 258.

L’article 251 reprend ainsi la disposition selon laquelle un époux peut introduire l’instance ou former une demande reconventionnelle pour acceptation du principe de la rupture du mariage, pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute, en y supprimant toute référence à la conciliation.

Il prévoit par ailleurs qu’un époux peut également introduire l’instance en divorce et formuler des demandes relatives aux mesures provisoires sans qu’il ait à préciser le cas de divorce sur lequel il fonde sa demande. Dans cette hypothèse, le fondement doit être exposé dans les premières conclusions au fond. En permettant au demandeur de choisir son cas de divorce au plus tard lors de ses premières écritures au fond, il s’agit d’éviter que la suppression de la conciliation ne favorise une logique d’affrontement et d’autoriser un rapprochement des parties en cours de procédure.

L’article 252 prévoit les mentions devant figurer dans la demande introductive d’instance. Elle doit comporter, comme c’est déjà prévu aujourd’hui, une proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux, sous peine d’irrecevabilité. Elle doit en outre comporter – et c’est une nouveauté qui doit être soulignée – le rappel des dispositions relatives à :

– la médiation en matière familiale et à la procédure participative ;

– l’homologation des accords partiels ou complets des parties sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale et les conséquences du divorce.

Si l’introduction de la mention du recours possible à ces modes de règlement amiable de résolution des litiges s’inscrit dans la logique du développement des modes alternatifs de règlement des différends et devrait contribuer à une plus grande implication des avocats, il convient de souligner que l’absence de ces dispositions n’entraîne pas, contrairement à celle de la proposition de règlement des intérêts pécuniaires, l’irrecevabilité de la demande.

L’article 253 reprend la disposition selon laquelle lorsqu’il rejette définitivement la demande en divorce, le juge peut statuer sur la contribution aux charges du mariage, la résidence de la famille et les modalités de l’exercice de l’autorité parentale.

● Le deuxième paragraphe, consacré aux mesures provisoires, est composé des articles 254 à 256.

Tirant les conséquences de la suppression de la tentative de conciliation, l’article 254 est modifié afin de prévoir la possibilité pour le juge de prendre des mesures provisoires non plus lors de l’audience de conciliation mais à la demande d’une des parties.

L’article 257, consacré aux mesures d’urgence qui peuvent être prises dès la requête initiale, est supprimé. Cet article, qui permettait au juge de prendre des mesures de manière non contradictoire, était en effet très rarement mis en œuvre. Les mesures qui étaient prononcées sur son fondement pourront toutefois toujours l’être mais dans d’autres cadres procéduraux : les pouvoirs du juge de la mise en état, les ordonnances sur requête, les mesures provisoires ou l’ordonnance de protection. Dans les cas où l’absence de contradictoire est nécessaire, par exemple s’agissant d’un constat d’adultère, les ordonnances sur requête seront possibles. Les mesures patrimoniales (comme les mesures conservatoires) pourront être demandées au juge de la mise en état dès la saisine du juge. Enfin, si des mesures urgentes sont nécessaires dans un contexte de violences conjugales, l’époux victime pourra saisir le juge d’une demande d’ordonnance de protection.

En revanche, les articles 255, qui dresse la liste des mesures provisoires pouvant être prises par le juge, et 256, propre aux mesures provisoires relatives à aux enfants, ne sont pas modifiés.

● Le troisième paragraphe, relatif aux preuves, qui comprend les articles 259 à 259-3, n’est pas davantage modifié.

Ainsi, la procédure de divorce contentieux commencera avec l’assignation en divorce, qui sera le seul acte de saisine du juge aux affaires familiales. S’en suivra la constitution d’avocat par le défendeur.

Selon le ministère de la Justice, à l’appel du dossier à la conférence du président, le juge pourra fixer :

– un bref calendrier de procédure devant conduire à une clôture et à un jugement rapide, en particulier si le défendeur n’a pas constitué avocat ou s’il n’y a aucune demande de mesures provisoires ;

– une audience pour déterminer les mesures provisoires à condition d’avoir été saisi par au moins une des parties de demandes en ce sens. Dans cette hypothèse, l’audience se tiendra en présence des parties.

En supprimant la phase de conciliation et l’éventuel délai de réflexion qui s’ensuit, cette réforme poursuit un quadruple objet quant à la procédure de divorce :

– la moderniser grâce à la suppression de certains éléments de procédure qui n’apparaissent plus en adéquation avec les évolutions de la société comme la conciliation sur le principe même du divorce ;

– réduire ses délais : cette réduction pourrait atteindre 10 mois en moyenne alors que la durée moyenne d’un divorce contentieux est de 26 mois en 2016 ;

– la simplifier et la rendre plus égalitaire pour les deux époux. Ainsi, en matière de représentation, chaque partie sera assistée par un avocat alors qu’actuellement le défendeur n’est pas tenu d’être assisté en phase de conciliation contrairement au demandeur ;

– conforter les garanties l’entourant. À chaque fois qu’un des époux aura besoin d’une décision temporaire pour organiser la vie de famille séparée pendant la procédure, une audience aura lieu. Le juge pourra prononcer les mêmes mesures provisoires qu’aujourd’hui ;

– la recentrer sur les fonctions essentielles du juge et du greffier. Alors que les dossiers en attente d’assignation, qui alourdissent inutilement la gestion par les greffes, devraient disparaître, la suppression de la phase de conciliation devrait permettre, selon l’étude d’impact, de gagner, en temps de travail, de 29 à 39 ETPT de magistrats et environ 53 ETPT au sein de l’équipe autour du magistrat.

► Les 7°, 8°, 9° et 10° du présent article tirent les conséquences de la suppression de la phase de conciliation, en procédant aux coordinations nécessaires aux articles 262-1, consacré aux conséquences du jugement de divorce sur les biens des époux, 311-20 (recueil du consentement des époux en cas de recours à l’assistance médicale à la procréation), 313 (présomption de paternité), 375-3 (assistance éducative) et 515-12 (protection des victimes de violences) du code civil.

2.   Favoriser le recours au divorce accepté

Afin d’éviter que la suppression de la phase de conciliation et de réflexion ne favorise une logique d’affrontement entre les époux, l’article 12 du projet de loi propose d’encourager le recours au divorce accepté, qui représente actuellement environ 30 % du nombre total de divorces et 53 % des divorces contentieux.

À cet effet, le 1° de l’article 12 propose de modifier l’article 233 du code civil, afin de prévoir, outre la possibilité de saisine conjointe des époux, qui est maintenue, une nouvelle procédure, de nature conventionnelle, selon laquelle le divorce peut être demandé par l’un des époux si chacun d’eux, assisté d’un avocat, a accepté, avant la saisine du juge, le principe de la rupture du mariage par acte sous signature privée contresigné par avocats.

Il donne par ailleurs la possibilité à l’un des époux de demander le divorce sans considération des faits à l’origine de la rupture du mariage, alors même qu’il n’a pas encore sollicité ou obtenu l’accord de son conjoint sur le principe du divorce accepté. Le conjoint peut accepter en cours de procédure le principe de la rupture du mariage sans invoquer une faute ou l’altération définitive du lien conjugal.

Il rappelle enfin que l’acceptation n’est pas susceptible de rétractation, même par la voie de l’appel.

3.   Créer de nouvelles passerelles

Afin de favoriser le recours au divorce accepté, deux dispositions destinées à faciliter les modifications du fondement d’une demande en divorce sont prévues.

Le 4° de l’article 12 propose de compléter l’article 247-2 du code civil, qui prévoit une passerelle du divorce pour altération définitive du lien conjugal vers le divorce pour faute, avec le cas du divorce accepté. Ainsi, lorsqu’une demande pour acceptation du principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l’origine de celle-ci sera présentée en premier lieu et qu’il y sera répondu par une demande en divorce pour faute, il sera permis au demandeur de modifier sa requête pour invoquer les fautes de son conjoint.

Le 5° de l’article 12 prévoit d’ajouter un article 247-3 qui crée une nouvelle passerelle entre les cas de divorce qui, à rebours de celle prévue à l’article 247-1, va dans le sens d’une « aggravation » du conflit. Il prévoit en effet qu’un des époux peut engager la procédure de divorce accepté sans que les autres voies procédurales (divorce pour altération définitive du lien conjugal ou divorce pour faute) ne lui soient fermées si l’autre époux n’accepte pas le principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l’origine de celle-ci.

4.   Revoir le délai du divorce pour altération définitive du lien conjugal

La suppression de la conciliation et du délai de réflexion entre l’ordonnance de non-conciliation et l’assignation nécessite enfin de modifier le moment de l’appréciation du délai de deux ans de séparation caractérisant l’altération définitive du lien conjugal.

Aussi, le 2° de l’article 12 propose-t-il de modifier l’article 238 du code civil, afin de prévoir que l’appréciation du point de départ du délai de deux ans pour l’altération du lien conjugal se fera non plus lors de l’assignation, mais lors de la demande en divorce ou au plus tard à la date de prononcé du divorce.

Il s’agit ainsi d’éviter qu’un demandeur qui introduirait seul une demande en divorce sans considération des faits à l’origine de la demande, qui se verrait ensuite refuser l’acceptation du principe de la rupture par le défendeur en cours de procédure, ne soit débouté de sa demande en divorce qu’il fonderait alors sur l’altération définitive du lien conjugal, car il ne remplirait pas la condition de la séparation depuis deux ans.

Tirant les conséquences des modifications apportées à l’article 238 du code civil, le 3° de l’article 12 propose de supprimer au sein de l’article 246 du code civil, relatif à la demande concurrente en divorce pour faute et en divorce pour altération définitive du lien conjugal, la précision selon laquelle si le juge rejette la demande pour faute, il statue sur la demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal.

En application de l’article 56 du projet de loi, l’article 12 doit entrer en vigueur à compter d’une date définie par décret et au plus tard le 1er septembre 2020. Lorsque la requête initiale a été présentée avant l’entrée en vigueur de la présente loi, l’action en divorce ou en séparation de corps est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Dans ce cas, le jugement rendu après l’entrée en vigueur de la présente loi produit les effets prévus par la loi ancienne.

B.   Les modifications opÉrÉes par le sÉnat

Sur proposition de ses rapporteurs, la commission des Lois du Sénat a supprimé cet article pour plusieurs raisons :

– la suppression de la phase de conciliation aurait des effets dommageables pour les parties ;

– il ne serait pas pertinent de confier au juge de la mise en état la compétence de fixer les mesures provisoires régissant le fonctionnement du foyer jusqu’au prononcé du divorce ;

– le problème de lenteur de la procédure de divorce ne résulterait pas tant de la phase de conciliation que de l’insuffisance des moyens octroyés aux juridictions pour se prononcer dans des délais raisonnables.

En séance publique, le Gouvernement a présenté un amendement destiné à rétablir l’article 12, qui n’a pas été adopté.

C.   LES MODIFICATIONS apportÉES PAR La commission

Suivant l’avis favorable de votre rapporteure, la commission des Lois a adopté, à l’initiative du Gouvernement, un amendement sous-amendé par votre rapporteure, qui rétablit l’article 12 tout en le modifiant sur plusieurs points.

S’agissant du divorce accepté prévu à l’article 233 du code civil, la possibilité offerte à l’un des époux de demander le divorce sans considération des faits à l’origine de la rupture du mariage, alors même qu’il n’a pas encore sollicité ou obtenu l’accord de son conjoint sur son principe, est remplacée par la précision selon laquelle les époux peuvent accepter le principe de la rupture du mariage en cours de procédure si la demande en divorce est introduite sans indication de son fondement.

Pour ce qui concerne les dispositifs de passerelle entre types de divorce prévus par l’article 247-2 du code civil et par le nouvel article 247-3 du même code, le champ du premier est restreint au seul divorce pour altération définitive du lien conjugal, tandis que le second est supprimé.

Les modalités de l’introduction de la demande en divorce prévues par l’article 251 du code civil sont clarifiées : l’époux qui introduit l’instance en divorce peut indiquer les motifs de sa demande si celle-ci est fondée sur l’acceptation du principe de la rupture du mariage ou l’altération définitive du lien conjugal. Hors ces deux cas, le fondement de la demande doit être exposé dans les premières conclusions au fond.

Quant aux mesures provisoires prévues à l’article 254 du code civil, il ressort de l’amendement déposé par le Gouvernement, sous-amendé par votre rapporteure, qu’une audience se tient systématiquement en début de procédure afin de fixer ces mesures, sauf si les parties considèrent que les circonstances ne l’imposent pas.

Il est enfin procédé aux coordinations nécessaires afin de tirer les conséquences de la suppression de la phase de conciliation aux articles L. 411-1 du code de la construction et de l’habitation et L. 2141-2 du code de la santé publique.

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Article 12 bis A
(art. 238 du code civil)
Réduction du délai de séparation requis pour constater la cessation de la vie commune entre les époux

Introduit par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Issu d’un amendement de M. Jean Terlier et des membres du groupe La République en marche, ayant bénéficié d’un avis favorable du Gouvernement et de votre rapporteure, le présent article réduit de deux à un an le délai de séparation requis pour constater la cessation de la communauté de vie entre les époux, dans le cas du divorce pour altération définitive du lien conjugal prévu à l’article 238 du code civil.

  Dernières modifications législatives intervenues

La rédaction de l’article 238 n’a pas été modifiée, depuis son introduction dans le code civil par la loi  2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce. 

Adopté à l’initiative du groupe La République en marche, avec l’avis favorable du Gouvernement et de votre rapporteure, et destiné à tenir compte des évolutions de la société, l’article 12 bis A réduit de deux à un an le délai de séparation requis pour constater la cessation de la communauté de vie entre les époux, dans le cas du divorce pour altération définitive du lien conjugal prévu à l’article 238 du code civil.

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Article 12 bis
(art. 296, 298, 301, 303 et 307 du code civil)
Alignement du régime procédural de la séparation de corps sur celui du divorce par consentement mutuel

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Issu d’un amendement de M. André Reichardt et plusieurs de ses collègues adopté en séance publique par le Sénat avec le soutien du Gouvernement et un avis de sagesse des rapporteurs, l’article 12 bis déjudiciarise la procédure de séparation de corps par consentement mutuel.

  Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2004‑439 du 26 mai 2004 relative au divorce, qui a notamment créé la procédure de divorce pour altération définitive du lien conjugal, a peu modifié les dispositions régissant la séparation de corps. Elle a limité à deux ans le délai à l’issue duquel une séparation de corps peut être convertie en divorce.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a apporté à l’article 12 bis des modifications d’ordre rédactionnel.

1.   L’état du droit

La séparation de corps est régie par les articles 296 à 308 du code civil. Ouverte exclusivement aux couples mariés, elle « met fin au devoir de cohabitation » ([188]). Elle « peut être prononcée à la demande de lun des époux dans les mêmes cas et aux mêmes conditions que le divorce judiciaire », c’est-à-dire par consentement mutuel ou dans un cadre contentieux ([189]).

Le mariage continue cependant à produire ses effets. Sauf décision contraire du juge, chacun des époux séparés conserve l’usage du nom de l’autre ([190]). En cas de décès, l’époux séparé de corps bénéficie des droits successoraux et des avantages que la loi attribue au conjoint survivant ([191]). La séparation de corps entraîne le changement du régime matrimonial vers la séparation de biens ([192]). Elle laisse cependant subsister l’obligation de secours que les époux se doivent mutuellement.

La séparation de corps prend fin soit avec la reprise volontaire de la vie commune dûment constatée par notaire ou par déclaration à l’officier d’état civil ([193]), soit avec sa conversion en divorce par consentement mutuel ([194]) ou sur demande de l’un des époux après un délai de deux ans – la cause de la séparation de corps devient alors la cause du divorce sans modification de l’attribution des torts ([195]).

La séparation de corps présente un intérêt pour les croyants qui souhaitent respecter le précepte religieux dindissolubilité du mariage ([196]). « La séparation de corps est une décision judiciaire opérant un relâchement du mariage qui autorise les époux à vivre séparément. Elle permettait la solution pratique aux mésententes entre époux, à défaut de divorce. Comme le lien du mariage lui-même nest pas dissous, la doctrine du droit canon sur lindissolubilité du mariage ne se trouvait pas atteinte. La séparation de corps est donc compatible avec la doctrine catholique et cest pourquoi elle a été conservée dans notre droit comme étant le divorce des catholiques. ([197]) » Elle est cependant résiduelle aujourdhui puisque, en 2015, la France a compté 977 séparations de corps et 566 conversions de celles-ci en divorces pour 123 102 divorces directs ([198]).

Cependant, alors même que la séparation de corps est conçue comme un succédané du divorce à destination des citoyens dont les convictions personnelles empêchent qu’ils rompent définitivement leur lien matrimonial, ses exigences procédurales peuvent désormais paradoxalement excéder celles posées par la loi pour un divorce par consentement mutuel. En effet, depuis la réforme opérée par la loi n° 2016‑1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, celui-ci est susceptible d’être prononcé suivant deux modalités alternatives :

–  par principe, au moyen une convention prenant la forme d’un acte sous signature privée signée par les époux, contresigné par leurs avocats et déposée au rang des minutes d’un notaire qui en contrôle la validité ([199]) ;

–  par exception, lorsque l’un des époux est un majeur protégé ([200]) ou si l’un des enfants mineurs du couple sollicite son audition par le juge aux affaires familiales, au moyen d’une convention soumise à homologation judiciaire ([201]).

2.   Les dispositions adoptées par le Sénat

L’article 12 bis est issu d’un amendement de M. André Reichardt et plusieurs de ses collègues adopté en séance publique par le Sénat avec un avis de sagesse « positive » ([202]) des rapporteurs et le soutien du Gouvernement. Selon la ministre de la justice, Mme Nicole Belloubet, il « répond à un oubli, puisque les dispositions proposées auraient dû figurer demblée dans la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle » ([203]).

 Les dispositions de l’article 12 bis visent à déjudiciariser la procédure de séparation de corps par consentement mutuel, à l’instar de ce qui prévaut depuis la loi du 18 novembre 2016 pour le divorce par consentement mutuel.

Le  dispose que la séparation de corps peut être prononcée à la demande de l’un des époux dans les mêmes cas et aux mêmes conditions que le divorce, que celui prenne une forme judiciaire ou non.

Le  prévoit que la séparation de corps par consentement mutuel peut validement être formalisée par convention prenant la forme d’un acte sous signature privée signée par les époux, contresigné par leurs avocats et déposé au rang des minutes d’un notaire ([204]).

Le  autorise les époux à convenir des règles d’usage de leur nom respectif.

Le  procède à une modification rédactionnelle permettant aux époux de régler leurs droits successoraux après une séparation de corps non judiciaire.

Le  permet à la convention extrajudiciaire d’établir le montant et les modalités de versement d’une pension alimentaire.

Le  prescrit que les demandes de conversion d’une séparation de corps par consentement mutuel ne puissent aboutir, par parallélisme, qu’à un divorce par consentement mutuel.

3.   Des dispositions adoptées par la Commission

La séparation de corps est une procédure dont la vocation est de suivre le divorce dans ses modalités procédurales en lui attachant des effets plus doux quant à la continuité du lien conjugal. En conséquence, il était illogique que la simplification et la déjudiciarisation du divorce par consentement mutuel opérées par la loi du 18 novembre 2016 ne trouvent pas leur équivalent dans le dispositif de séparation de corps par consentement mutuel.

La Commission a estimé que l’initiative du Sénat venait combler cette carence en réalignant les procédures : elle a donc avalisé les dispositions votées par les sénateurs. Elle a adopté un amendement du Gouvernement bénéficiant de l’avis favorable de la rapporteure opérant diverses coordinations rédactionnelles et de cohérence.

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Article 12 ter
(art. 1175 du code civil)
Autorisation de la signature électronique dans la procédure de divorce par consentement mutuel

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Issu de deux amendements identiques respectivement déposés par Mme Muriel Jourda et M. André Reichardt et plusieurs de leurs collègues adoptés en séance publique par le Sénat avec le soutien des rapporteurs et contre l’avis du Gouvernement, l’article 12 ter permet que les conventions de divorce et de séparation de corps par consentement mutuel puissent être conclues par signature électronique des parties.

  Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2016‑1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a ouvert la possibilité d’un divorce sans intervention du juge, par une convention prenant la forme d’un acte sous signature privée signé par les époux, contresigné par leurs avocats et déposé au rang des minutes d’un notaire.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a précisé que la signature électronique de la convention de divorce par consentement mutuel ne dispense pas les parties d’une présence physique auprès de leurs avocats.

1.   L’état du droit

Avec la déjudiciarisation de la procédure de divorce par consentement mutuel décidée par la loi n° 2016‑1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, la convention de divorce est désormais régie par les articles 229‑1 à 229‑4 du code civil. Elle prend la forme d’un acte signé par les époux, contresigné par leurs avocats et déposé au rang des minutes d’un notaire, qui en contrôle le respect des exigences formelles ([205]).

L’article 1175 du code civil exclut expressément que la signature de la convention de divorce par les époux puisse être recueillie par voie électronique : « Il est fait exception aux dispositions de larticle [1174 autorisant lutilisation de la signature électronique] pour : 1° Les actes sous signature privée relatifs au droit de la famille et des successions ».

2.   Les dispositions adoptées par le Sénat

L’article 12 ter est issu de deux amendements identiques respectivement déposés par Mme Muriel Jourda et M. André Reichardt et plusieurs de leurs collègues adoptés en séance publique par le Sénat avec le soutien des rapporteurs. Il modifie l’article 1175 du code civil de façon à permettre de recueillir par voie électronique la signature des époux au bas d’une convention extrajudiciaire de divorce par consentement mutuel ou d’une convention extrajudiciaire de séparation de corps par consentement mutuel ([206]).

Le Gouvernement a argumenté contre l’adoption de l’amendement, craignant que la signature à distance de la convention de divorce n’ouvre la voie à la fraude, au dol ou encore à la dissimulation d’un vice de consentement, dès lors que les avocats ne seraient plus en mesure d’attester de la volonté libre et éclairée de leurs clients au moment de parapher l’accord négocié.

3.   Des dispositions modifiées par la Commission

La Commission a estimé que tant le Gouvernement que les sénateurs soutenaient des positions convaincantes.

D’une part, il est incontestable que la numérisation des procédures judiciaires et extrajudiciaires compte parmi les objectifs principaux du projet de loi, et que l’admission de la signature électronique dans la procédure de divorce sans juge serait un progrès dans la bonne direction. Cette évolution offrirait aux avocats un gain d’espace dans la conservation des pièces, de praticité dans leur consultation et de temps dans leur communication.

D’autre part, il est à craindre qu’une procédure entièrement virtuelle empêche d’affirmer la validité du consentement des parties, qui pourraient subir une contrainte ou se trouver en situation de détresse émotionnelle que nul ne viendrait constater au moment de la signature. Or, la certitude du respect des droits des personnes est la condition sine qua non d’une déjudiciarisation de la procédure de divorce.

Souhaitant parvenir à une solution de consensus qui respecte tant l’ambition de modernité qui préside au présent projet de loi, que la volonté de préserver les droits des personnes que nul membre du Parlement ou du Gouvernement ne saurait abdiquer, la Commission a adopté un amendement de la rapporteure permettant l’emploi de la signature électronique dans la procédure de divorce sans juge à la condition expresse que les parties soient présentes – accompagnées de leurs avocats – au moment de conclure. Cette rédaction, qui a obtenu le soutien du Gouvernement, concilie les avantages de la numérisation et la garantie du caractère libre et éclairé du consentement de chacun.

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Article 13
(art. L. 212-5-1 et L. 212-5-2 [nouveaux] du code de lorganisation judiciaire)
Procédure sans audience devant le tribunal de grande instance et procédure dématérialisée de règlement des litiges de faible montant

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 13 introduit, au sein de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, deux nouveaux articles prévoyant le règlement de certains litiges sans audience et la création d’une procédure dématérialisée de règlement des litiges de faible montant.

  Dernières modifications législatives intervenues

Aucune.

  Modifications apportées au Sénat

Le Sénat a codifié les dispositions inscrites à l’article 13 au sein du code de l’organisation judiciaire. Il a également prévu que la procédure sans audience ne pourrait être mise en œuvre qu’à l’initiative des parties et l’a complétée avec la comparution des parties à l’audience, si le juge l’estime nécessaire ou si l’une des parties le demande. Il a enfin précisé que la procédure dématérialisée pour le règlement des litiges de faible montant serait soumise à l’accord exprès des parties et a supprimé la faculté offerte au tribunal de refuser une demande de retour à l’audience formulée par l’une des parties.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté un amendement de votre rapporteure avec l’avis favorable du Gouvernement qui vise à inclure dans le champ de la procédure dématérialisée les oppositions aux ordonnances portant injonction de payer. Elle a par ailleurs rétabli, à l’initiative du Gouvernement et avec l’avis favorable de votre rapporteure, la possibilité offerte au tribunal de rejeter la demande d’une des parties en faveur de la tenue d’une audience.

I.   lÉtat du droit

A.   lexigence dune audience publique et ses limites

1.   Au niveau conventionnel

Le principe de la publicité des débats, et donc de l’audience publique, est affirmé au niveau conventionnel. L’article 10 de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 énonce que toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant.

L’article 14 du Pacte des droits civils et politiques du 19 décembre 1966 et l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme du 4 novembre 1950 reprennent cette exigence de publicité, en précisant que le procès et le jugement doivent être publics et en y apportant des tempéraments.

L’article 6 §1 dispose ainsi que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement ».

Il ajoute toutefois que « laccès de la salle daudience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans lintérêt de la moralité, de lordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès lexigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice ».

Le principe de publicité de l’audience n’est donc pas absolu. Outre des exceptions au caractère public de l’audience ([207]), la Cour européenne des droits de lhomme reconnaît ainsi des dérogations à la tenue même d’une audience.

La Cour a en effet admis, en grande chambre, dans une affaire relative au non-versement de compléments de salaires à des policiers finlandais, que l’absence d’audience était conforme à l’article 6 §1 dans la mesure où les requérants avaient la possibilité de solliciter une audience, que la décision du juge refusant de tenir une audience était motivée et que les requérants avaient eu amplement l’occasion de présenter leur thèse par écrit et de répondre aux conclusions de la partie adverse ([208]).

La Cour a également reconnu que l’absence d’audience pouvait être admise dans des affaires soulevant une question purement juridique et de nature restreinte, des questions de droit sans complexité particulière ou des questions hautement techniques. Dans cette dernière hypothèse, elle a notamment considéré, à propos d’un litige en matière de sécurité sociale ([209]), que les autorités nationales pouvaient, compte tenu d’impératifs d’efficacité, s’abstenir de tenir une audience.

En revanche, la Cour a sanctionné le recours à une procédure simplifiée sans audience et le refus de la juridiction de tenir une audience en l’absence de motivation de ce refus ([210]).

La Cour a donc posé l’accord des parties comme condition au principe d’une procédure sans audience, maintenu la possibilité d’une audience lorsque le juge l’estime nécessaire et imposé au juge de motiver le refus d’en tenir une lorsqu’une ou plusieurs parties le demandent et qu’il rejette la demande.

2.   Au niveau national

Au niveau national, si le droit effectif au recours est consacré à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789, qui dispose que « toute société dans laquelle la garantie des droits nest pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, na point de Constitution », le Conseil constitutionnel n’a pas consacré, au plan civil, l’exigence de débats comme une déclinaison constitutionnelle du droit au recours effectif.

Pour sa part, la Cour de cassation considère que le principe de publicité des débats est général et qu’il doit s’appliquer chaque fois que la loi n’y a pas expressément dérogé ([211]).

Le Conseil d’État a précisé que la publicité des débats judiciaires est un principe général du droit ([212]). Saisi d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un texte réglementaire qui limitait le domaine de la publicité, le Conseil d’État a décidé son annulation, car il appartient au seul Parlement de fixer les limites d’un principe général.

Pour l’ensemble des procédures civiles, les articles 22 et 433 du code de procédure civile affirment le principe de la publicité des débats, sauf dans les cas où la loi exige ou permet qu’ils aient lieu en chambre du conseil.

B.   les dÉrogations dÉjÀ admises

Au-delà des dérogations à la publicité des audiences prévues par l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, l’article 6 § 1 de la CEDH et le code de procédure civile – dont le champ a été étendu par la jurisprudence de la CEDH et des juridictions nationales ([213]) – , il est déjà permis, dans un nombre limité de cas, de trancher les litiges sans entendre les parties.

1.   Les procédures européennes

Le droit de l’Union européenne prévoit une procédure écrite sans audience en matière de petits litiges – inférieurs à 5 000 euros – transfrontaliers au sein de l’Union européenne ([214]).

L’article 5, § 1er bis, du règlement (CE) n° 861/2007 du 11 juillet 2007 dispose en effet qu’en cas de litige inférieur à 5 000 euros « la juridiction tient une audience uniquement si elle estime quil nest pas possible de rendre une décision sur la base des preuves écrites ou si lune des parties en fait la demande. La juridiction peut rejeter cette demande si elle estime que, compte tenu des circonstances de lespèce, une audience nest pas nécessaire pour garantir le déroulement équitable de la procédure. Ce refus est motivé par écrit. Il ne peut pas être contesté séparément dun recours à lencontre de la décision elle-même ».

Dans ce cas, l’audience a lieu en utilisant toute technologie de communication à distance appropriée, telle que la vidéoconférence ou la téléconférence, dont la juridiction dispose, à moins que, compte tenu des circonstances particulières de l’espèce, l’utilisation d’une telle technologie ne soit pas appropriée au regard du déroulement équitable de la procédure.

Cette procédure relative aux petits litiges transfrontaliers trouve désormais également à s’appliquer, depuis le 14 juillet 2017, dans les cas d’injonction de payer européenne. L’article 17 du règlement n° 1896/2006 instaurant une procédure européenne d’injonction de payer ([215]) a en effet prévu, pour les petites créances, une passerelle entre la procédure d’injonction de payer et celle de règlement des petits litiges.

2.   Les procédures nationales

Devant le tribunal de grande instance, dans le cadre des procédures avec représentation obligatoire, qui suivent une procédure écrite, le juge de la mise en état peut autoriser les avocats à déposer leurs dossiers au greffe à une date fixée. Dans ce cas, les parties ne comparaissent pas à l’audience ([216]).

Devant les tribunaux d’instance, les tribunaux de commerce, les conseils de prud’hommes, les tribunaux des affaires de sécurité sociale et les tribunaux paritaires ruraux, où la procédure est orale, les exceptions au principe de comparution obligatoire dérogent au principe cardinal de cette procédure selon lequel, pour saisir valablement le juge d’une demande, il est nécessaire de la soutenir à l’audience. La Cour de cassation retient ainsi que « loralité de la procédure impose à la partie de comparaître ou de se faire représenter pour formuler valablement des prétentions et les justifier » ([217]). Même pour demander le renvoi de l’affaire, les parties doivent comparaître. Les parties ne peuvent pallier cette comparution par l’envoi d’écritures récapitulant leurs moyens et prétentions. En pareille hypothèse, la juridiction n’est pas saisie de ces demandes, si bien qu’elle n’a pas à les examiner. La Cour de cassation a ainsi décidé que « le dépôt par une partie devant la juridiction prudhomale de conclusions écrites, même notifiées en temps utile à la partie adverse, ne peut suppléer son défaut de comparution » ([218]). Il en va de même de l’envoi d’une lettre faisant état des demandes et moyens ou de l’envoi du dossier de plaidoirie.

Une première exception au principe de comparution obligatoire des parties a concerné la procédure suivie devant le juge de l’exécution. Créée par l’article 14 du décret du 31 juillet 1992 concernant la procédure suivie devant le juge de l’exécution, elle figure aujourd’hui à l’article R. 121-10 du code des procédures civiles d’exécution, en vertu duquel : « en cours dinstance, toute partie peut aussi exposer ses moyens par lettre adressée au juge de lexécution, à condition de justifier que la partie adverse en a eu connaissance avant laudience par lettre recommandée avec demande davis de réception. La partie qui use de cette faculté peut ne pas se présenter à laudience ». Cette exception est également prévue pour les procédures suivies devant le juge d’instance statuant en matière de surendettement ([219]), devant le juge aux affaires familiales statuant en matière d’obligation alimentaire envers des ascendants ([220]) et devant le tribunal des affaires de sécurité sociale ([221]).

Introduit par le décret n° 2010-1165 du 1er octobre 2010, l’article 446-1 du code de procédure civile a étendu la possibilité de dispenser les parties de se présenter à l’audience. Il dispose en effet, en son second alinéa, que « lorsquune disposition particulière le prévoit, les parties peuvent être autorisées à formuler leurs prétentions et leurs moyens par écrit sans se présenter à laudience. Le jugement rendu dans ces conditions est contradictoire. Néanmoins, le juge a toujours la faculté dordonner que les parties se présentent devant lui ».

Ce principe trouve une première application avec la dispense judiciaire prévue à l’article 847-1 du même code. Le juge qui organise les échanges entre les parties comparantes peut dispenser une partie qui en fait la demande de se présenter à une audience ultérieure du tribunal d’instance, ce qui suppose qu’elle ait donc comparu à au moins une audience. Cette dispense, qui est prévue devant le tribunal d’instance, est également possible devant le tribunal de commerce ([222]), le tribunal paritaire des baux ruraux ([223]), le conseil de prud’hommes ([224]), les juridictions de sécurité sociale ([225]) et le juge de l’exécution ([226]). La dispense de comparution est générale : elle peut s’appliquer, non seulement aux audiences destinées à faire le point sur l’avancement de la procédure, mais également à l’audience des plaidoiries. Il appartient au juge et aux parties de clairement déterminer l’étendue de cette dispense de comparution.

La dispense de comparution trouve une seconde application avec la dispense légale prévue en matière de délai de paiement. L’article 847-2 du même code autorise ainsi le défendeur à présenter une demande incidente de délai de paiement fondée sur l’article 1244-1 du code civil par écrit et à ne pas se présenter à l’audience. Cette facilité offerte au défendeur est applicable devant le tribunal d’instance ([227]) mais également devant le tribunal de commerce ([228]). Bien que constituant une alternative appréciable entre le défaut complet de comparution et la comparution à toutes les audiences jusqu’à ce que l’affaire soit retenue, cette faculté de demande de délai écrite demeure, en pratique, rarement utilisée.

II.   La rÉforme proposÉe

Afin d’adapter l’offre de justice à la demande des justiciables, il est proposé d’instaurer la possibilité de procédures sans audience dès lors que les parties en sont d’accord. En effet, il convient d’assouplir les règles qui veulent qu’aujourd’hui un tribunal ne peut statuer si le demandeur n’est pas présent ou représenté par un avocat même si la demande est très simple et que les pièces sont fournies au tribunal.

La transformation numérique de la justice doit en outre permettre de renforcer l’efficacité de la justice en permettant au juge de traiter les litiges sans audience lorsque les parties choisissent de ne pas se déplacer au regard de l’enjeu du litige ou des contraintes matérielles que cela représente pour elles.

Il apparaît justifié que ces dispositions, qui dérogent au principe de publicité des débats et restreignent l’accès au juge, relèvent du domaine de la loi et non du domaine réglementaire.

A.   Le projet de loi initial

S’inscrivant dans la même volonté de mieux répondre aux attentes des citoyens que la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, l’article 13 du projet de loi en complète le chapitre II du titre Ier consacré à l’accès à la justice en y insérant deux articles, 2-1 et 2-2, afin de prévoir la possibilité de régler certains litiges sans audience et de mettre en place une procédure dématérialisée de règlement des petits litiges.

● L’article 2-1 a pour objet d’étendre la possibilité du règlement d’un litige sans audience, aujourd’hui restreinte à un nombre limité de cas, à tous les contentieux portés devant le tribunal de grande instance, sous réserve de l’accord des parties. La procédure est, dans ce cas, exclusivement écrite.

Cette disposition devrait s’appliquer aussi bien en procédure écrite – où les avocats peuvent déjà être autorisés par le juge à se limiter à déposer leurs conclusions ([229]) –, qu’en procédure orale, où les parties doivent actuellement comparaître à une première audience avant d’être dispensées de comparaître à celle des débats ([230]).

Il s’agit ainsi de mettre en œuvre la proposition 17 du rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile remis par Mme Frédérique Agostini et M. Nicolas Molfessis à la garde des Sceaux le 15 janvier 2018.

● L’article 2-2 ouvre la possibilité d’un règlement des litiges du quotidien, autrement dénommés « petits litiges », par voie dématérialisée et sans audience.

Il s’agit de permettre la mise en œuvre de l’engagement pris par le Président de la République lors de la campagne électorale en faveur de la création d’« une procédure simple, exclusivement numérique et rapide pour le règlement des litiges de la vie quotidienne » et de traduire les propositions formulées en ce sens par le groupe de travail dirigé par M. Guy Canivet pour l’Institut Montaigne et celui conduit par Mme Frédérique Agostini et M. Nicolas Molfessis consacré au chantier de l’amélioration et de la simplification de la procédure civile.

PROPOSITIONS EN FAVEUR DUN RÈGLEMENT DÉMATÉRIALISÉ

DES LITIGES DU QUOTIDIEN

– M. Guy Canivet, Justice : faites entrer le numérique, Institut Montaigne, novembre 2017 : « Dans cette perspective, un certain nombre de litiges de la vie courante, simples, répétitifs et de faible montant, pourrait, en tout ou partie, être jugé par des moyens électroniques : la formulation des demandes, la production des preuves et des mémoires pourraient être traitées et même, éventuellement, le jugement rendu et exécuté en ligne. Dans tous ces cas, lorsque la comparution physique nest pas indispensable, la proximité géographique de la juridiction nest plus nécessaire ».

– Mme Frédérique Agostini et M. Nicolas Molfessis, Chantier de la justice consacré à lamélioration et à la simplification de la procédure civile, janvier 2018 : « Il convient denvisager la mise en place dune juridiction entièrement numérique, notamment pour le traitement des « petits litiges » ».

S’inspirant de la procédure européenne relative aux petits litiges transfrontières, le nouvel article 2-2 prévoit que les demandes formées devant le tribunal de grande instance en paiement d’une somme n’excédant pas un certain montant, qui devrait être fixé à 5 000 euros par décret en Conseil d’État, peuvent, avec l’accord des parties, être traitées dans le cadre d’une procédure dématérialisée. La procédure, en particulier la mise en état de l’affaire et le jugement, se déroulera, dans ce cas, sans audience.

Les justiciables pourront ainsi obtenir une décision dans un délai raccourci grâce à des échanges s’effectuant de manière dématérialisée par l’intermédiaire du portail de la justice. Le recours à cette procédure sera particulièrement indiqué lorsque les parties sont domiciliées dans des ressorts géographiques distincts, par exemple lors d’une action en restitution d’un dépôt de garantie à l’issue d’un contrat de bail d’habitation.

Toutefois, le tribunal pourra décider de tenir une audience s’il estime qu’il n’est pas possible de rendre une décision au regard des preuves écrites ou si l’une des parties en fait la demande. À l’inverse, le tribunal pourra, par décision spécialement motivée, rejeter cette demande s’il estime que, compte tenu des circonstances de l’espèce, une audience n’est pas nécessaire pour garantir le déroulement équitable de la procédure. Le refus de tenir une audience ne pourra être contesté indépendamment du jugement sur le fond.

B.   Les modifications opÉrÉes par le SÉnat

Sur proposition de ses rapporteurs, la commission des Lois du Sénat a adopté un amendement qui codifie les dispositions prévues par l’article 13 au sein du code de l’organisation judiciaire, en y créant deux nouveaux articles L. 212-5-1 et L. 212-5-2.

Par ce même amendement, elle a prévu que la procédure sans audience ne pourrait être mise en œuvre qu’à l’initiative des parties et l’a complétée avec la comparution des parties à l’audience, si le juge l’estime nécessaire ou si l’une des parties le demande.

Elle a enfin précisé que la procédure dématérialisée pour le règlement des litiges de faible montant serait soumise à l’accord exprès des parties et a supprimé la faculté offerte au tribunal de refuser une demande de retour à l’audience formulée de la part de l’une des parties.

Sur proposition de ses rapporteurs, la commission des Lois a adopté un amendement à l’article 56 du projet de loi afin de prévoir une entrée en vigueur différée au 1er janvier 2021 de la disposition relative à la procédure dématérialisée.

En séance publique, le Gouvernement a présenté un amendement destiné à rétablir la possibilité pour le tribunal, dans le cadre de la procédure de traitement dématérialisé des litiges de faible montant, de refuser de tenir une audience lorsque cette demande émane de l’une des parties et qu’il estime que celle-ci n’est pas nécessaire. Il n’a pas été adopté.

C.   Les modifications apportÉes par la commission

Suivant l’avis favorable du Gouvernement, la Commission a adopté un amendement de la rapporteure qui incluant dans la procédure dématérialisée les oppositions aux ordonnances portant injonction de payer, afin de renforcer la cohérence de l’articulation entre les articles 13 et 14 du projet de loi.

La Commission a par ailleurs rétabli, à l’initiative du Gouvernement et avec l’avis favorable de votre rapporteure, la possibilité offerte au tribunal de rejeter la demande d’une des parties en faveur de la tenue d’une audience.

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Article 14
(art. L. 211-17 et L. 211-18 [nouveaux] du code de lorganisation judiciaire)
Traitement dématérialisé des injonctions de payer par une juridiction à compétence nationale

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit le traitement dématérialisé des injonctions de payer ainsi que la désignation d’une juridiction nationale à cet effet.

  Dernières modifications législatives intervenues

Aucune.

  Modifications apportées au Sénat

Le Sénat a rendu la saisine dématérialisée optionnelle et a exclu du champ de compétence du tribunal national les requêtes qui relèvent des juridictions commerciales.

  Modifications apportées par la Commission

Sur proposition du Gouvernement et avec l’avis favorable de votre rapporteure, la Commission a rétabli le caractère obligatoire du recours à la saisine dématérialisée s’agissant de la requête en injonction de payer, tout en prévoyant des exceptions pour les personnes physiques n’agissant pas à titre professionnel et non représentées par un mandataire et pour la procédure européenne d’injonction de payer. La Commission a également centralisé les contestations tendant à l’obtention de délais de paiement tout en prévoyant que les contestations au fond seront transmises au tribunal de grande instance territorialement compétent.

I.   la procÉdure dinjonction de payer

La procédure d’injonction de payer ([231]) est une procédure simplifiée qui offre à certains créanciers dont la créance porte sur une somme d’argent la faculté d’obtenir, à un moindre coût et dans un délai relativement rapide, le recouvrement de leur créance impayée.

A.   la procÉdure nationale

Cette procédure permet au créancier d’obtenir rapidement un titre exécutoire par le mécanisme dit d’« inversion du contentieux », en vertu duquel il incombe au destinataire de l’injonction d’engager une procédure contradictoire s’il entend contester.

Elle peut être employée, pour une créance civile ou commerciale, dans trois cas :

– lorsqu’une créance est d’origine contractuelle ou résulte d’une obligation de caractère statutaire (par exemple le paiement des charges en matière de copropriété) et qu’elle s’élève à un montant déterminé ;

– lorsque l’engagement résulte de l’acceptation ou du tirage d’une lettre de change, ou de la souscription d’un billet à ordre ou de l’endossement ou de l’aval de l’un ou l’autre de ces titres ;

– si l’engagement résulte de l’acceptation de la cession de créances.

La demande est portée devant le tribunal d’instance, compétent jusqu’à 10 000 euros, ou le tribunal de grande instance, qui est compétent au-delà. Quant au tribunal de commerce, il est compétent sans limite de taux, dès lors que la créance entre dans sa compétence d’attribution. La juridiction territorialement compétente est le tribunal du lieu où demeure le débiteur poursuivi.

Il revient au créancier d’adresser ou de déposer au greffe de la juridiction concernée une requête, qui indique la somme précise réclamée et le fondement de la créance et doit être accompagnée de tous les documents justificatifs.

Le juge statue sans audience le plus souvent, « sur requête et pièces » ([232]). Si la demande lui paraît justifiée, en tout ou en partie, il rend une ordonnance d’injonction de payer pour la somme qu’il retient, qui n’a pas à être motivée. S’il ne considère pas la demande comme justifiée, il la rejette. Le créancier ne peut former aucun recours contre cette décision ; il peut toutefois procéder suivant les voies ordinaires et assigner son débiteur à l’audience devant le tribunal compétent. Si le juge ne retient la requête que pour partie, sa décision est également sans recours pour le créancier qui peut néanmoins ne pas signifier l’ordonnance et procéder selon les voies de droit commun. La notification de l’injonction de payer au débiteur est faite par voie d’huissier dans les six mois suivant la date de l’ordonnance.

Une fois l’ordonnance portant injonction de payer signifiée, le débiteur dispose d’un mois pour contester la décision en formant opposition devant la juridiction qui l’a rendue, afin de faire entendre ses explications et de présenter ses moyens de défense. L’opposition a pour effet de saisir le tribunal de la demande initiale du créancier, mais aussi de l’ensemble du litige. Le greffier convoque les parties à l’audience, même celles qui n’ont pas formé d’opposition. Il appartient au créancier de prouver la réalité et l’étendue de sa créance. Le jugement rendu par le tribunal se substitue à l’ordonnance portant injonction de payer.

S’il n’a pas été formé d’opposition dans le délai d’un mois suivant la signification de l’injonction de payer, le créancier peut requérir du greffe, dans le délai d’un mois, l’apposition de la formule exécutoire sur l’ordonnance. Elle produit alors tous les effets d’un jugement contradictoire.

430 400 requêtes en injonction de payer nationales ont été déposées en 2017, contre 474 000 en 2016 et 495 000 en 2015. Selon l’étude d’impact, un nombre légèrement supérieur d’ordonnances a été rendu pour ces années (435 000 en 2017). Un juge traite ainsi jusqu’à 50 dossiers environ par demi-journée.

Toutefois, le nombre d’oppositions est assez faible. Seulement 18 000 oppositions (soit 4,15 %) ont été enregistrées en 2017, 20 000 (4,21 %) en 2016 et 23 000 (soit 4,64 %) en 2015.

Parmi les décisions rendues sur opposition en 2017, 43 % environ ne statuent pas sur la demande (irrecevabilité, désistement, caducité et radiation). Sur les 57 % de décisions statuant sur les demandes, 18 % environ confirment totalement la décision rendue, 30 % l’infirment totalement et 52 % partiellement.

B.   la procÉdure europÉenne

Il existe également, depuis le règlement n° 1896/2006 du 12 décembre 2006 ([233]), entré en application le 12 décembre 2008, une procédure d’injonction de payer européenne. Cette dernière, limitée aux litiges transfrontaliers, permet à un créancier de saisir une juridiction d’un État membre afin de statuer sur une demande de recouvrement d’une créance portant sur une somme d’argent. Cette procédure spécifique est facultative pour le créancier qui peut préférer recourir à d’autres procédures, par exemple celles qu’offre le droit national d’un État membre.

Chaque État membre désigne les juridictions compétentes pour délivrer une injonction de payer européenne. En France, il s’agit du juge du tribunal d’instance ([234]) et du président du tribunal de commerce, dans la limite de la compétence d’attribution de cette dernière juridiction ([235]).

Le règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale prévoit selon les situations plusieurs chefs de compétence territoriale possibles qui sont mentionnés dans le formulaire de demande d’injonction de payer européenne.

L’article 1424-1 du code de procédure civile précise que lorsque ce règlement désigne les juridictions d’un État membre sans autre précision, la juridiction territorialement compétente est celle du lieu où demeure le ou l’un des défendeurs. Lorsque le défendeur est un consommateur, la compétence appartient aux seules juridictions de l’État membre où le défendeur à son domicile.

Selon le rapport remis en 2016 par la Commission européenne au Parlement européen sur la mise en œuvre de la procédure européenne d’injonction de payer ([236]), entre 12 000 et 13 000 requêtes sont adressées aux juridictions par an. C’est en Allemagne et en Autriche que les requêtes sont les plus élevées, pour s’élever à environ 4 000 par an. Viennent ensuite la Belgique, la République tchèque, la France, la Hongrie, les Pays-Bas, le Portugal et la Finlande, dont les juridictions connaissent entre 300 et 700 demandes par an.

LA PROCÉDURE DINJONCTION DE PAYER EUROPÉENNE

Cette procédure s’applique en matière civile et commerciale, quelle que soit la nature du tribunal compétent. Elle ne s’applique pas, en revanche, aux affaires fiscales, douanières, administratives ainsi qu’aux régimes matrimoniaux, testaments et successions, aux faillites et aux affaires liées à la sécurité sociale. Sont également exclues les créances résultant d’obligations non contractuelles, sauf si elles ont fait l’objet d’un accord entre les parties ou s’il existe une reconnaissance de dette, ou si elles ont trait à des dettes liquides résultant de la propriété conjointe d’un bien.

La créance doit être chiffrée et échue.

La demande doit être formulée selon un formulaire type. Même si le règlement a opté pour le système sans preuve – c’est-à-dire sans obligation du demandeur de démontrer le bien-fondé de sa créance –, il exige que le demandeur fasse une description des éléments de preuve étayant la créance. La représentation par avocat ou par un autre professionnel n’est pas obligatoire.

Il n’est pas prévu de véritable contrôle de la pertinence de la créance, contrairement au droit français. Aucun recours n’est recevable contre la décision de rejet de la requête. Si le juge fait droit à la demande, l’injonction doit préciser au défendeur qu’elle a été rendue sur le seul fondement des informations fournies par le demandeur et non vérifiées par la juridiction et qu’elle deviendra exécutoire sauf si une déclaration d’opposition est déposée auprès de la juridiction dans un délai de 30 jours.

Si le défendeur s’oppose, la procédure continue comme une instance au fond, sauf si le demandeur a expressément indiqué qu’il préférait qu’il soit mis fin à la procédure en cas d’opposition. Elle se poursuit selon la procédure nationale appropriée ou, depuis le 14 juillet 2017 en application du règlement 2015/2421 du 16 décembre 2015, selon la procédure européenne de règlement des petits litiges ([237]).

Si, au contraire, le défendeur ne forme pas d’opposition dans les délais, la juridiction d’origine rend l’injonction de payer exécutoire.

L’injonction est immédiatement exécutoire sur le territoire de n’importe quel État membre sauf le Danemark, sans qu’un exequatur soit nécessaire.

Selon le ministère de la Justice, 601 requêtes ont été formées en 2016 et 448 en 2017. Sur les 601 requêtes en injonction de payer européenne formées en 2016, il y a eu 293 acceptations (49 %), 294 rejets (49 %) et 12 oppositions (4 %). Sur les 448 requêtes en injonction de payer européenne formées en 2017, il y a eu 285 acceptations (64 %), 176 rejets (40 %) et 16 oppositions (3,5 %).

II.   le dispositif proposÉ

A.   Le projet de loi initial

Alors que ce contentieux est aujourd’hui éparpillé entre les tribunaux, l’article 14 prévoit la dématérialisation du traitement des injonctions de payer ainsi que sa centralisation auprès d’une juridiction nationale spécialisée à cet effet, afin de permettre une instruction rapide des procédures d’injonction de payer et d’unifier la jurisprudence en la matière.

Il s’agit ainsi de mettre en œuvre les propositions formulées dans le rapport dirigé par M. Guy Canivet pour l’Institut Montaigne ([238]) et le rapport d’amélioration et de simplification de la procédure civile présenté par Mme Frédérique Agostini et M. Nicolas Molfessis (proposition n° 7). Partant du constat selon lequel, depuis 2011, la saisine du tribunal d’instance par voie dématérialisée est juridiquement possible mais réservée aux huissiers de justice, Mme Agostini et M. Molfessis concluent en effet que cette hypothèse de saisine et de traitement dématérialisés des requêtes en injonctions de payer pourrait être étendue aux avocats et aux particuliers.

● Le I de l’article 14 enrichit la sous-section 2 de la section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre II du code de l’organisation judiciaire, intitulée « Compétence particulière à certains tribunaux de grande instance », en y insérant un nouvel article L. 211-17 qui vise à confier à un tribunal de grande instance unique pour tout le territoire la compétence en matière de traitement des injonctions de payer.

Ce tribunal de grande instance spécialement désigné, qui devrait être celui de Strasbourg, connaîtra des demandes d’injonction de payer nationales et européennes.

Il connaîtra également des oppositions aux ordonnances portant injonction de payer lorsqu’elles tendent exclusivement à l’obtention de délais de paiement. Ces procédures impliquent, en effet, une reconnaissance du droit du créancier.

Le ministère de la Justice estime que le traitement de ce contentieux repose aujourd’hui sur 20 postes de magistrats, 3 500 vacations de magistrats à titre temporaire et 202 postes de fonctionnaires de greffe. Une des options avancées est de déléguer le traitement de ces requêtes à des greffiers expérimentés. Sur une moyenne de 50 dossiers, la Chancellerie estime que cela reviendrait à occuper une vingtaine de greffiers environ.

● Le II de l’article 14 prévoit par ailleurs que les demandes d’injonctions de payer sont formées par voie dématérialisée.

Il précise également que les oppositions aux ordonnances portant injonction de payer sont traitées sans audience lorsque l’opposition tend exclusivement à l’obtention de délais de paiement. Il s’agit ainsi de pousser à son terme la logique posée par l’article 847-2 du code procédure civile qui permet déjà de dispenser de comparution la personne qui présente une demande incidente tendant à l’octroi de délais de paiement ([239]).

Il dispose enfin que les oppositions aux ordonnances portant injonction de payer autres que celles qui tendent à l’obtention de délais de paiement relèveront des juridictions matériellement et territorialement compétentes. Une contestation sur le droit du créancier justifie en effet que la procédure soit confiée à un juge proche des plaideurs.

● En application de l’article 56 du projet de loi, l’article 14 doit entrer en vigueur à compter d’une date définie par décret en Conseil d’État et au plus tard le 1er janvier 2021.

B.   Les modifications opÉrÉes par le SÉnat

Craignant que l’institution d’une saisine obligatoire par voie dématérialisée constitue un frein à l’accès à la justice, la commission des Lois du Sénat a, sur proposition de ses rapporteurs, adopté un amendement qui rend la voie dématérialisée optionnelle et codifie la procédure applicable devant la juridiction compétente dans le code de l’organisation judiciaire.

En séance publique, le Gouvernement a présenté un amendement destiné à exclure du champ de compétence du tribunal national les requêtes qui relèvent des juridictions commerciales et à rétablir la saisine dématérialisée obligatoire. Si le Sénat a adopté la première disposition, il a rejeté la seconde.

C.   les modifications apportÉes par la commission

Outre un amendement rédactionnel présenté par votre rapporteure, la Commission a adopté plusieurs amendements du Gouvernement avec l’avis favorable de votre rapporteure afin de préciser le caractère dématérialisé de la procédure d’injonction de payer.

Elle a tout d’abord rétabli le caractère obligatoire du recours à la saisine dématérialisée s’agissant de la requête en injonction de payer, tout en prévoyant des exceptions :

– pour les personnes physiques n’agissant pas à titre professionnel et non représentées par un mandataire, afin de préserver l’accès au juge ;

– pour la procédure européenne d’injonction de payer, le règlement (CE) n° 1896/2006 imposant de maintenir la voie papier.

Elle a ensuite précisé que les oppositions aux injonctions de payer sont formées devant le tribunal de grande instance spécialement désigné.

Puis elle a indiqué que les oppositions aux ordonnances portant injonction de payer, lorsqu’elles tendent exclusivement à l’obtention de délais de paiement, sont traitées par le tribunal de grande instance spécialement désigné.

La Commission a enfin précisé que les oppositions aux ordonnances portant injonction de payer, autres que celles qui ont pour objet d’obtenir des délais de paiement, sont transmises par le greffe du tribunal de grande instance spécialement désigné aux tribunaux de grande instance territorialement compétents.

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*     *

Article 15
Habilitation à légiférer par voie dordonnance pour harmoniser les procédures au fond à bref délai devant les juridictions judiciaires

Adopté par la Commission sans modification

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article habilite, sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement à prendre des mesures législatives par voie d’ordonnance afin d’unifier et harmoniser le traitement des procédures d’urgences au fond, dites « comme en matière de référés » ou « en la forme des référés ».

  Dernières modifications législatives intervenues

Si ces procédures relèvent principalement de dispositions de nature réglementaire, elles sont prévues dans la partie législative de treize codes et par six lois différentes.

  Modifications apportées au Sénat

Le Sénat a adopté un amendement rédactionnel.

  Modifications apportées par la Commission

Aucune.

I.   lÉtat du droit

Le référé en la forme présente la particularité d’être une procédure au fond – c’est-à-dire une procédure aux termes de laquelle le juge rend une décision définitive et qui possède l’autorité de la chose jugée au principal ([240]) –, qui n’emprunte au référé que sa forme procédurale allégée, qui se caractérise par sa simplicité, sa rapidité et son efficacité.

Alors que le législateur a multiplié les références à cette procédure, qui figure aujourd’hui dans treize codes ([241]) et six lois, sous des dénominations diverses, le pouvoir réglementaire a voulu mettre un terme aux confusions et aux difficultés qu’elle pouvait susciter en jurisprudence. Le décret n° 2011-1043 du 1er septembre 2011 a donc inséré dans le code de procédure civile, à la fin de la présentation de la procédure de référé, un article 492-1 qui précise le régime juridique du référé en la forme ([242]).

Aux termes de cet article, le juge doit suivre la procédure simplifiée et allégée du référé, y compris en ce qui concerne les voies de recours, telle qu’elle est prévue aux articles 485 à 487 et 490 du même code ([243]). Il exerce les pouvoirs dont dispose la juridiction au fond et statue par une ordonnance ayant l’autorité de la chose jugée relativement aux contestations qu’elle tranche. L’ordonnance est exécutoire à titre provisoire, à moins que le juge en décide autrement.

Malgré cette clarification, les difficultés procédurales auxquelles sont confrontées tant les parties que les juridictions n’ont pas totalement disparu.

Ainsi, le référé en la forme, qui existe devant plusieurs juridictions de l’ordre judiciaire comme le tribunal de grande instance, le tribunal de commerce ou encore le conseil de prud’hommes, relève du juge statuant en la forme des référés, qui est distinct du juge des référés. Or il n’existe pas, pour le partage des attributions entre le juge des référés et celui statuant en la forme des référés, de règle générale. C’est seulement par une lecture attentive des textes dont il envisage de demander l’application que le plaideur ou son représentant peut déterminer s’il se trouve en présence d’une véritable procédure de référé ou d’une procédure au fond n’empruntant au référé que sa forme allégée. Cette procédure peut ainsi s’apparenter à une sorte de « piège procédural » pour les plaideurs qui n’imaginent pas toujours les effets négatifs d’une erreur de saisine.

La procédure peut par ailleurs varier selon les cas. Tantôt seule la saisine de la juridiction est faite en la forme des référés, tantôt c’est l’ensemble de l’instance qui obéit aux règles de la procédure de référé. Par exemple, l’article 1469 du code de procédure civile prévoit que le président du tribunal de grande instance est saisi d’une demande « formée, instruite et jugée comme en matière de référé » des demandes de production de pièces dans le cadre d’une instance arbitrale, mais sa décision n’est pas exécutoire de plein droit, contrairement au principe posé à l’article 492-1 du même code.

Les cas dans lesquels cette procédure est prévue sont en outre très nombreux. Il en va ainsi, à titre d’exemple, en matière d’autorisation de l’appel d’une décision ordonnant une expertise ou un sursis à statuer, de demande de relevé de forclusion en cas d’expiration d’un délai de recours, de saisine du juge aux affaires familiales ou du juge d’appui en matière d’arbitrage ou encore de désignation d’un expert pour évaluer les droits sociaux ou pour présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion dans les sociétés anonymes.

À cette multiplicité des cas de recours à la procédure en la forme s’ajoute un autre facteur de complexité : la diversité de sa dénomination. Ces jugements peuvent en effet tout aussi bien être qualifiés, selon les cas, d’« en la forme », « selon la forme », « dans la forme », « comme en la forme », « sous la forme », « comme dans la forme » du référé ou bien encore « comme en matière de référé ».

II.   la rÉforme proposÉe

Afin de mettre fin à la confusion et aux difficultés procédurales suscitées par le référé en la forme, l’article 15 habilite le Gouvernement à légiférer pour modifier les dispositions mentionnant la procédure « en la forme », « selon la forme », « dans la forme », « comme en la forme », « sous la forme », « comme dans la forme », « comme en matière » du ou des référés, dans l’objectif d’unifier les modes de saisine des juridictions judiciaires et d’harmoniser le traitement des procédures d’urgence permettant d’obtenir un jugement au fond.

Cet article s’inscrit dans le cadre de la vaste réforme de la procédure civile lancée par le Gouvernement, qui vise à « simplifier la saisine de la juridiction par un acte de saisine judiciaire unifié » ([244]) et, à terme, à unifier les régimes procéduraux grâce à la mise en place d’une procédure civile commune à la plupart des contentieux.

Dans son avis rendu sur le présent projet de loi, le Conseil d’État a indiqué qu’« au vu de lhétérogénéité des hypothèses dans lesquelles la procédure « en la forme des référés » est prévue par des textes de nature législative, sous des vocables divers, le Conseil dÉtat souscrit à la demande dhabilitation sollicitée par le Gouvernement pour assurer une mise en cohérence des dispositions en vigueur et harmoniser le traitement au fond des contentieux concernés, de manière rapide et efficace ».

L’habilitation demandée au Parlement couvre un large champ : treize codes et six lois sont mentionnés dans l’étude d’impact.

Quant à son objet, le ministère de la Justice a précisé à votre rapporteure que deux hypothèses étaient envisagées :

– la première consisterait en un simple changement de dénomination, par l’harmonisation de l’appellation des procédures en la forme des référés et autres sous l’appellation unique d’« ordonnances au fond » ;

– la seconde, plus ambitieuse, reposerait sur une harmonisation de la procédure, en substituant au régime des référés « en la forme », celui applicable en matière de procédure à jour fixe. Prévue par les articles 788 à 792 du code de procédure civile, cette procédure est également une procédure d’urgence qui permet d’obtenir une décision au fond. Il s’agit d’une procédure par laquelle le président du tribunal de grande instance peut autoriser, en cas d’urgence, le demandeur à assigner le défendeur à jour fixe, et qui permet d’obtenir une décision du tribunal sur le fond.

Le Parlement pourra procéder à un contrôle « ex post » des choix du Gouvernement, lors de l’examen du projet de loi de ratification qui devra être déposé dans un délai de quatre mois à compter de la publication de l’ordonnance, qui elle-même interviendra dans un délai identique après la publication de la présente loi.

Le Sénat a adopté une modification rédactionnelle à l’article 15.

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Chapitre II
Simplifier pour mieux protéger

Article 16
(art. 428, 483, 494-1, 494-3, 494-5 à 494-11 du code civil)
Assouplissement de lhabilitation familiale

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit plusieurs mesures destinées à faciliter le recours à l’habilitation familiale et à étendre son champ d’application.

  Dernières modifications législatives intervenues

L’habilitation familiale est une mesure de protection juridique des majeurs vulnérables qui n’a pas été modifiée depuis sa création par l’ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 portant simplification et modernisation du droit des personnes et de la famille, prise en application de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures.

  Modifications apportées au Sénat

Le Sénat n’a apporté aucune modification.

  Modifications apportées par la Commission

À l’initiative du Gouvernement et avec l’avis favorable de votre rapporteure, la Commission a affermi les règles de subsidiarité relatives au mandat de protection future en faisant de ce dernier le premier dispositif de protection, les autres mesures, conventionnelles, légales ou judiciaires, n’ayant vocation à intervenir qu’à défaut de mise en œuvre du mandat voulu par le majeur à protéger. La Commission a par ailleurs, avec l’avis favorable de votre rapporteure, adopté un amendement déposé par le Gouvernement qui permet, dans les cas où une mesure d’habilitation familiale a été ordonnée, à toute personne intéressée, de saisir le juge des tutelles en cas de difficulté.

Introduite par l’ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 aux articles 494-1 à 494-12 du code civil, l’habilitation familiale est une nouvelle mesure de protection juridique des majeurs qui permet au juge des tutelles d’habiliter un ou plusieurs proches ([245]) d’une personne majeure qui ne peut pas manifester sa volonté ([246]) à la représenter ou à passer des actes en son nom.

Elle a pour objet d’organiser un mode de protection consensuel, au formalisme allégé, reposant sur la confiance faite aux familles tout en déchargeant le juge des tutelles. Il s’agit ainsi d’éviter le prononcé d’une tutelle lorsque la situation familiale est consensuelle.

L’habilitation familiale n’entre pas dans le cadre des mesures de protection judiciaire, même si elle nécessite l’intervention d’un juge, car, une fois la personne désignée pour recevoir l’habilitation familiale, sauf exceptions, le juge n’intervient plus, contrairement à la sauvegarde de justice, la tutelle et à la curatelle.

L’habilitation familiale rencontre un succès croissant auprès des familles : 6 000 demandes d’habilitation familiale ont été formulées en 2016 et 17 000 en 2017. 1 600 habilitations ont été délivrées en 2016 et 13 120 l’ont été en 2017, dont 95 % ont pris la forme d’une habilitation générale et 5 % d’une habilitation spéciale.

La durée de l’habilitation est fixée très majoritairement, dans plus de 90 % des cas, à 10 ans. Le juge des tutelles rejette rarement – à hauteur de 3 % – les demandes.

Malgré son essor, le régime juridique de l’habilitation familiale présente plusieurs faiblesses, auxquelles l’article 16 propose de remédier.

 

LE RÉGIME JURIDIQUE DE LHABILITATION FAMILIALE

Conformément aux principes de nécessité et de subsidiarité qui s’appliquent aux mesures de protection, l’habilitation familiale ne peut être ordonnée par le juge qu’en cas de nécessité et lorsqu’il ne peut être pourvu aux intérêts de la personne par l’application des règles du droit commun de la représentation, de celles relatives aux droits et devoirs respectifs des époux et des régimes matrimoniaux, par une autre mesure judiciaire moins contraignante ou par le mandat de protection future conclu par l’intéressé.

La personne habilitée doit remplir les conditions pour exercer les charges tutélaires et exerce sa mission à titre gratuit. Le juge exerce un contrôle sur le choix de la personne habilitée : il s’assure de l’adhésion ou, à défaut, de l’absence d’opposition légitime à la mesure d’habilitation et au choix de la personne habilitée. Il habilite le proche s’il entretient des liens étroits et stables avec la personne ou manifeste de l’intérêt à son égard.

L’habilitation familiale peut être spéciale – c’est-à-dire porter sur un ou plusieurs actes déterminés – ou bien générale et porter sur l’ensemble des actes patrimoniaux et/ou des actes relatifs à la personne. Elle ne peut excéder une durée de dix ans afin de garantir une réévaluation des conditions du principe et de l’exercice de l’habilitation, notamment la persistance d’un consensus.

Le représentant du majeur est beaucoup plus libre que le tuteur. Il gère ainsi librement les comptes bancaires. Si l’habilitation est générale, il reçoit tous les pouvoirs de gérer le patrimoine, sans qu’une distinction soit opérée entre actes d’administration et de disposition. Il n’est, en particulier, pas prévu de contrôle périodique des comptes pas plus que la possibilité de désigner un tiers pour contrôler la personne habilitée.

Seuls certains actes sont soumis à une autorisation préalable du juge des tutelles. Ainsi, la personne habilitée ne peut accomplir seule un acte de disposition à titre gratuit (donation par exemple) ou conclure un acte pour lequel elle se trouverait en conflit d’intérêts.

Si les règles relatives à l’étendue des pouvoirs ne sont pas respectées, l’acte en cause est nul de plein droit. Seuls les actes accomplis pendant les deux années précédant le jugement délivrant l’habilitation ne sont pas nuls automatiquement : ils peuvent être réduits ou annulés.

Outre le décès et l’arrivée du terme, des causes spécifiques sont prévues pour l’extinction de l’habilitation, qui peut prendre fin par le placement de l’intéressé sous sauvegarde de justice, sous curatelle ou sous tutelle ou en cas de jugement de mainlevée passée en force de juge jugée prononcé par le juge à la demande de l’un des proches ou du procureur de la République.

I.   La saisine du juge

1.   Létat du droit : une saisine restreinte

En application de l’article 494-3 du code civil, la demande aux fins de désignation d’une personne habilitée peut être présentée au juge des tutelles par l’un des proches du majeur vulnérable – descendant, ascendant, frère ou sœur, époux, concubin ou partenaire de Pacs – ou par le procureur de la République à la demande de l’un d’entre eux.

Le juge des tutelles peut être saisi par les mêmes personnes au sujet des difficultés qui pourraient survenir dans la mise en œuvre du dispositif, conformément à l’article 494-10 du même code, et aux fins de révocation de l’habilitation en cas de jugement de mainlevée passé en force de chose jugée lorsqu’il s’avère que les conditions de l’habilitation ne sont plus réunies ou lorsque l’exécution de l’habilitation familiale est de nature à porter atteinte aux intérêts de la personne protégée, en application de l’article 494-11.

2.   La réforme proposée : louverture au majeur protégé

Le a) du 3° de l’article 16 reconnaît, à l’article 494-3 du code civil, la faculté de la personne à protéger de saisir le juge d’une demande d’habilitation familiale.

Conforme aux dispositions de l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme, la solution est étendue, par le 9° de l’article 16, au 2° de l’article 494-11 du code civil, aux hypothèses de révocation judiciaire de la mesure d’habilitation.

II.   Les cas de prononcÉ de lhabilitation familiale

1.   Létat du droit : une acception restrictive

L’article 494-1 du code civil définit les cas de prononcé de l’habilitation familiale comme ceux où une personne est « hors d’état de manifester sa volonté » pour l’une des causes prévues à l’article 425 du même code, c’est-à-dire en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles.

Cette définition, qui résulte de l’emprunt fait par l’ordonnance de 2015 au dispositif des mesures de sauvegarde conjugales ([247]), s’avère plus restrictive que celle visant les majeurs faisant l’objet d’une mesure de protection juridique, puisqu’elle concerne les seules personnes hors d’état de manifester leur volonté, alors que les majeurs protégés sont les personnes dans l’impossibilité de pourvoir seules à leurs intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, de leurs facultés mentales ou corporelles de nature à empêcher l’expression de leur volonté.

2.   La réforme proposée : lalignement des cas de prononcé de lhabilitation familiale sur le régime des autres mesures de protection juridique

Le a) du 2° de l’article 16 modifie l’alinéa 1er de l’article 494-1 du code civil, afin d’aligner les cas de prononcé de l’habilitation familiale sur le régime des autres mesures de protection juridique.

Il remplace la référence actuelle aux personnes « hors d’état de manifester leur volonté », qui peut laisser penser que la mesure n’a vocation à s’appliquer que dans de rares hypothèses, par l’expression consacrée aux mesures de protection judiciaire (tutelle, curatelle, etc.), qui vise les personnes dans l’impossibilité de pourvoir seules à leurs intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, de leurs facultés mentales ou corporelles de nature à empêcher l’expression de leur volonté.

Cette clarification, souhaitée par l’ensemble des acteurs de la protection des majeurs et en particulier les notaires ([248]), permet de dissiper les incertitudes sur le contenu exact des causes d’ouverture de l’habilitation familiale et de tenir compte de l’élargissement de l’habilitation familiale aux cas d’assistance, l’expression « hors d’état de manifester sa volonté » étant plus évocatrice de la représentation que de l’assistance.

III.   Le champ des pouvoirs confÉrÉs À la personne habilitÉe À la reprÉsentation

1.   Létat du droit : la limitation au domaine de la représentation

Les mesures qui peuvent être accomplies par la personne habilitée relèvent du domaine de la représentation de la personne protégée, et non de l’assistance.

En effet, l’article 494-1 du code civil prévoit que le juge des tutelles peut habiliter un ou plusieurs des proches d’un majeur vulnérable à « la représenter ou à passer un ou des actes en son nom dans les conditions et selon les modalités prévues à la présente section et à celles du titre XIII du livre III qui ne lui sont pas contraires, afin dassurer la sauvegarde de ses intérêts ».

2.   La réforme proposée : lextension aux mesures dassistance

S’inscrivant dans la logique de la proposition du Défenseur des droits, M. Jacques Toubon ([249]), d’« étendre la mesure dhabilitation familiale aux majeurs ayant besoin dune assistance temporaire dans la gestion de leur patrimoine », l’article 16 ouvre l’habilitation familiale aux hypothèses d’assistance, qui se matérialise par l’apposition de la signature de la personne habilitée au côté de celle du majeur protégé lors de la conclusion d’actes écrits.

Le b) du 2° de l’article 16 prévoit en effet d’ajouter, à l’alinéa 1er de l’article 494-1 du code civil, à la mission de « représenter » le majeur vulnérable celle de l’« assister », selon les conditions prévues pour la curatelle ([250]).

L’habilitation familiale devient donc une mesure graduée sur le terrain non plus seulement de l’étendue de la mission de la personne habilitée mais aussi de sa nature.

Plusieurs dispositions de coordination sont nécessaires pour tirer les conséquences de cet élargissement aux hypothèses d’assistance.

Le 5° de l’article 16 précise ainsi, au quatrième alinéa de l’article 494-6 du code civil, que la personne habilitée ne peut accomplir « en représentation » un acte de disposition à titre gratuit qu’avec l’autorisation du juge des tutelles. Votre rapporteure souligne que, mise en regard des alinéas 1er et 2 du même article, cette rédaction suggère que la personne habilitée à assister la personne protégée peut l’assister pour effectuer un tel acte et, notamment, pour consentir une donation.

Le 6° de l’article 16 ajoute, à l’article 494-7, que la personne habilitée « à représenter » la personne protégée peut, sauf décision contraire du juge, procéder sans autorisation à la modification des comptes ou livrets ouverts au nom de la personne protégée ou à l’ouverture d’un autre compte ou livret.

Le 7° de l’article 16 tire par ailleurs les conséquences, à l’article 494-8 du code civil, de l’ouverture de l’habilitation familiale à l’assistance sur le terrain de la capacité juridique de la personne protégée. Il prévoit en effet que la personne à l’égard de qui l’habilitation a été délivrée conserve l’exercice de ses droits autres que ceux dont l’exercice a été confié à la personne habilitée « à la représenter » et qu’elle ne peut, toutefois, en cas d’habilitation générale « à la représenter », conclure un mandat de protection future pendant la durée de l’habilitation.

Le 8° de l’article 16 complète enfin l’article 494-9 du code civil, relatif à la sanction des actes irréguliers de la personne protégée, en prévoyant que si le majeur vulnérable accomplit seul un acte dont l’exercice nécessitait une assistance de la personne habilitée, l’acte ne peut être annulé que s’il est établi que la personne protégée a subi un préjudice.

IV.   les passerelles avec les mesures de protection judiciaire

1.   Létat du droit : labsence de passerelle avec les mesures de protection judiciaire

Alors que l’habilitation familiale a été conçue à l’origine ([251]) comme un dispositif alternatif de protection, destiné à renforcer les principes de nécessité et de subsidiarité des mesures de protection juridique des majeurs – l’objectif alors affiché étant d’étendre à la proche famille ainsi qu’au couple non marié l’habilitation judiciaire entre époux ([252]) –, l’ordonnance du 15 octobre 2015 a finalement adopté un autre parti, en intégrant l’habilitation familiale dans le champ des mesures de protection juridique des majeurs. Toutefois, il convenait, pour respecter la loi de 2015, de l’exclure du champ des mesures de protection judiciaire. C’est la raison pour laquelle cette mesure de protection occupe une section spécifiquement dédiée au sein du code civil et du code de procédure civile en dépit de nombreux emprunts aux mesures de protection judiciaire et à la procédure gouvernant ces dernières.

Il reste que toutes les conséquences de l’exclusion de l’habilitation familiale de l’éventail des mesures judiciaires de protection (tutelle, curatelle…) n’ont pas été tirées. En particulier, aucune passerelle n’a été prévue d’une mesure à l’autre.

Par conséquent, le juge, qui ne peut plus se saisir d’office depuis la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, est dans l’impossibilité de prononcer une mesure de protection à l’égard d’un majeur à protéger lorsqu’il refuse l’habilitation familiale, sauf à ce que les requérants ou le procureur de la République le saisissent d’une demande de protection judiciaire.

À l’inverse, lorsque le juge saisi d’une demande de curatelle ou de tutelle estime que les conditions de l’habilitation familiale sont réunies, il ne peut, en l’état du droit civil, la prononcer.

Certains juges de tutelle, de première instance et d’appel, ont fait application du principe de subsidiarité pour ordonner une mesure d’habilitation familiale alors même qu’ils avaient été saisis d’une demande de protection judiciaire. Cependant, la Cour de cassation a condamné cette démarche, considérant « quaucune disposition légale nautorise le juge des tutelles, saisi dune requête aux fins douverture dune mesure de protection judiciaire, à ouvrir une mesure dhabilitation familiale » ([253]).

Cette difficulté peut toutefois être contournée par le juge. S’il estime que les conditions de l’habilitation familiale sont réunies, ce dernier peut en effet, lors de l’audition, demander aux requérants de se désister de leur demande de tutelle ou de curatelle et de le saisir d’une requête en habilitation familiale. Cette solution pragmatique présente néanmoins un double inconvénient. Tout d’abord sa mise en œuvre n’est possible qu’au cours de l’audition, sous réserve que le requérant fasse partie de la liste des proches énoncée à l’article 494-1 du code civil ([254]) et que les mentions de la requête répondent aux exigences de l’article 1260-2 du code de procédure civile ([255]). Ensuite, elle conduit à alourdir inutilement les démarches des proches de la personne à protéger.

En outre, « labsence de passerelle entre lhabilitation familiale et les mesures de protection judiciaire met obstacle, en pratique, à ce que lhabilitation familiale soit complétée dune tutelle à la personne et, donc, à ôter à cette nouvelle mesure de protection la majeure partie de son intérêt », comme le souligne Mme Nathalie Peterka, professeure à l’Université Paris-Est Créteil ([256]). Le renvoi de l’article 494-6 du code civil à l’article 459 du même code interdit, en effet, d’investir la personne habilitée d’une mission de représentation de la personne protégée en matière personnelle. Seule l’ouverture d’une tutelle accompagnée de l’autorisation donnée au tuteur de représenter l’intéressé pour les décisions personnelles le concernant permet une telle représentation. Or l’exclusion de l’habilitation familiale des mesures de protection judiciaire et l’absence de passerelle empêchent les proches de la personne vulnérable de saisir le juge des tutelles d’une requête en vue d’une habilitation générale accompagnée d’une tutelle autorisant le protecteur à représenter la personne protégée dans le domaine des actes personnels.

2.   La création de passerelles entre les mesures de protection judiciaire et lhabilitation familiale

a.   Vers lhabilitation familiale

Le 3° de l’article 16 complète l’article 494-3 du code civil, relatif aux demandes d’habilitation familiale, afin de prévoir que la désignation d’une personne habilitée est possible à l’issue de l’instruction d’une requête aux fins d’ouverture d’une mesure de protection judiciaire ou lorsque le juge des tutelles substitue une habilitation familiale à une mesure de curatelle ou de tutelle. Ainsi, le juge pourra à tout moment remplacer une mesure de protection judiciaire par une mesure d’habilitation familiale après avoir recueilli l’avis de la personne chargée de la mesure de protection, sous réserve que les conditions de l’habilitation familiale, notamment l’adhésion des proches, soient réunies. Il s’agit de permettre aux familles de solliciter, sans délai ni démarche supplémentaires, une habilitation familiale, y compris en cas de renouvellement d’une mesure de tutelle ou de curatelle.

b.   Vers une mesure de protection judiciaire

Le 4° de l’article 16 propose d’introduire, à l’article 494-5 du code civil, une passerelle en sens inverse, afin de permettre au juge, si les conditions de l’habilitation familiale ne lui paraissent pas réunies pour désigner une personne habilitée, d’ordonner une mesure de protection judiciaire.

Par coordination avec l’introduction de ces passerelles, le 1° de l’article 16 précise à l’article 428 du code civil que les mesures de protection judiciaire sont subsidiaires par rapport à l’habilitation familiale. Cette disposition complète l’article 494-2 qui consacre, depuis la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, la subsidiarité de l’habilitation familiale non seulement par rapport au droit commun de la représentation ainsi qu’au mandat de protection future mais encore au droit du mariage et des régimes matrimoniaux. Elle traduit le prolongement de l’éligibilité de l’habilitation familiale aux dispositifs d’assistance et non plus seulement de représentation.

V.   les Modifications apportÉes par la Commission

Sur proposition du Gouvernement et avec l’avis favorable de votre rapporteure, la Commission a affermi les règles de subsidiarité relatives au mandat de protection future en faisant de ce dernier le premier dispositif de protection, les autres mesures, conventionnelles, légales ou judiciaires, n’ayant vocation à intervenir qu’à défaut de mise en œuvre du mandat voulu par le majeur à protéger.

Suivant l’avis favorable de votre rapporteure, la Commission a par ailleurs adopté un amendement déposé par le Gouvernement qui permet, dans les cas où une mesure d’habilitation familiale a été ordonnée, à toute personne intéressée de saisir le juge des tutelles en cas de difficulté.

*

*     *

Article 17
(art. 486, 503, 511 à 513, 513-1 [nouveau] et 514 du code civil)
Réforme des modalités dinventaire et de contrôle des comptes de gestion des personnes protégées

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article renforce les sanctions à l’égard du tuteur défaillant dans la transmission de l’inventaire et réforme les modalités du contrôle des comptes de gestion des mesures de tutelle.

  Dernières modifications législatives intervenues

Les mesures relatives à l’établissement, à la vérification et à l’approbation des comptes de gestion ont été introduites dans le code civil par la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs. À l’exception du changement de dénomination de « greffier en chef » en « directeur des services de greffe judiciaires » opéré par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, ces mesures n’ont pas été modifiées.

  Modifications apportées au Sénat

Le Sénat a prévu une gradation et un encadrement plus rigoureux du mécanisme de sanction en cas de défaillance du tuteur dans l’établissement de l’inventaire. S’agissant par ailleurs du contrôle des comptes de gestion, le Sénat a prévu un dispositif qui maintient un contrôle par défaut du greffe et a réservé la dispense d’établissement et de contrôle des comptes de gestion aux seuls mandataires familiaux.

  Modifications apportées par la Commission

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission a adopté plusieurs amendements proposés par le Gouvernement qui prévoient :

– la possibilité, pour le juge, de désigner, dès l’ouverture de la mesure de protection, un commissaire-priseur judiciaire pour qu’il procède à l’inventaire des biens meubles et des espèces de la personne protégée ;

– le rétablissement de la possibilité, pour le juge, en cas de retard dans la transmission de cet inventaire, de désigner un professionnel qualifié pour y procéder et la suppression concomitante du dispositif gradué instauré par le Sénat ;

– la clarification des règles relatives au contrôle des comptes de gestion des mineurs sous tutelle ;

– le rétablissement, pour la vérification des comptes de gestion du majeur protégé, du contrôle interne en cas de désignation de plusieurs personnes pour exercer la mesure ;

– le rétablissement du principe de désignation, par le juge, à défaut de contrôle interne et dès lors que la personne sous tutelle dispose d’un patrimoine important, d’un professionnel qualifié chargé de la vérification de ses comptes ;

– la présentation, dans un article distinct, des modalités de transmission des comptes au juge.

Parmi les 78 397 régimes de protection ouverts en 2016, 56 % l’ont été sous la forme d’une gestion professionnelle, la gestion familiale intervenant à hauteur de 44 %. Toutefois, la répartition entre gestion professionnelle et familiale varie selon le type de mesure : la gestion professionnelle est largement majoritaire pour les curatelles (75 %) tandis qu’il est davantage fait appel à la gestion familiale en cas de tutelle (59 %) et de sauvegarde de justice (88 %).

rÉgimes de protection ouverts en 2016

Tutelle

42 119

– gestion familiale

24 797

– gestion professionnelle

17 322

Curatelle

34 774

– gestion familiale

8 539

– gestion professionnelle

26 235

Sauvegarde de justice

1 504

– gestion familiale

1 330

– gestion professionnelle

137

– sans mandataire spécial

37

Total

78 397

Source : ministère de la Justice

I.   Lobligation faite au tuteur de dresser linventaire des biens de la personne protÉgÉe

A.   lÉtat du droit

Aux termes de l’article 503 du code civil, le tuteur ou le curateur désigné dans le cadre d’une mesure de curatelle renforcée – d’un mineur ou d’un majeur – doit faire procéder, dans les trois mois de l’ouverture de la tutelle, à un inventaire qu’il transmet au juge des tutelles.

Les mandataires professionnels doivent en outre formaliser, au début de la mesure, deux documents : le budget prévisionnel de la personne protégée et le document individuel de protection du majeur.

L’inventaire, qui doit être actualisé au cours de la mesure par le tuteur, constitue un document essentiel de la protection des biens du majeur. Point de départ de la gestion du patrimoine par le tuteur, il permet au juge de s’assurer de la pertinence du budget prévisionnel, au greffier en chef de vérifier les comptes annuels et à la personne protégée elle-même de suivre la bonne gestion et la sauvegarde de son patrimoine. Il permet également de vérifier, à la fin de la tutelle, que la personne protégée ou ses héritiers récupèrent tous ses biens.

Conformément à l’article 1253 du code de procédure civile, l’inventaire est réalisé en présence de la personne protégée, si son état de santé ou son âge le permet, de son avocat le cas échéant, ainsi que, si l’inventaire n’est pas réalisé par un officier public ou ministériel, de deux témoins majeurs qui ne sont pas au service de la personne protégée ni de la personne exerçant la mesure de protection. Il est daté et signé par les personnes présentes.

Cet inventaire contient une description des meubles meublants, une estimation des biens immobiliers ainsi que des biens mobiliers ayant une valeur de réalisation supérieure à 1 500 euros, la désignation des espèces en numéraire et un état des comptes bancaires, des placements et des autres valeurs mobilières.

Aux fins d’établissement de cet inventaire, le tuteur peut se faire communiquer tous les documents nécessaires auprès de personnes publiques ou privées (banques, notaires, etc.), qui sont déliées du secret professionnel ou, le cas échéant, du secret bancaire.

En cas d’absence d’inventaire ou d’inventaire incomplet ou inexact, la personne protégée ou ses héritiers peuvent faire la preuve de la consistance de ses biens par tous moyens.

Aussi rigoureux soit-il, ce dispositif présente plusieurs faiblesses mises en évidence par la Cour des comptes dans son rapport consacré à la protection juridique des majeurs, en particulier à propos des inventaires dont sont chargés les associations tutélaires et les mandataires judiciaires à la protection des majeurs ([257]).

La Cour des comptes concluait que « seul le recours à un commissaire-priseur ou à un notaire satisferait aux exigences de transparence et de contradictoire qui s’imposent ici, en tout cas pour les patrimoines dont la valeur excéderait un montant à déterminer. Il est par ailleurs nécessaire de prévoir les modalités de financement et de tarification de cette obligation, qui est inhérente à la mesure de protection. Au-delà d’un plancher, le financement pourrait être à la charge du majeur ; en deçà, les solutions à envisager sont les mêmes que pour le compte de gestion ».

EXTRAIT DU RAPPORT DE LA COUR DES COMPTES SUR LA PROTECTION JURIDIQUE DES MAJEURS

« En dépit de limportance cardinale quils revêtent, létablissement et lenvoi des inventaires savèrent particulièrement défaillants :

 nombre dassociations contrôlées nont pas de procédures écrites encadrant les opérations dinventaire ;

 les inventaires eux-mêmes sont souvent dressés de manière partielle ; si les comptes bancaires et les placements apparaissent, en général, correctement retracés, les inventaires nincluent pas toujours les biens immobiliers du majeur ;

 ils ne sont que très rarement effectués en présence des témoins requis par le code civil, lesquels témoins savèrent souvent difficiles à trouver, a fortiori quand la personne protégée est isolée ;

 une proportion très élevée des inventaires dressés (plus de 80 % des dossiers examinés) nest pas réalisée dans les trois mois qui suivent louverture de la mesure. Or linventaire na de portée que sil est effectué à brève échéance après celle-ci ;

 pour lévaluation des biens, meubles ou immeubles, le recours à un commissaire-priseur est très minoritaire ;

 aucun cas dactualisation de linventaire na été constaté ».

Si la Cour s’est concentrée sur les mandataires judiciaires à la protection des majeurs, « ces constats peuvent sans doute être étendus aux mandataires familiaux désignés dont les magistrats et les fonctionnaires de greffe indiquent que la gestion peut aussi être défaillante », comme le souligne Mme Anne Caron-Déglise dans son rapport de mission interministérielle remis le 4 octobre 2018 ([258]).

Les associations tutélaires et mandataires judiciaires entendus par votre rapporteure ont rapporté de réelles difficultés pour établir l’inventaire et ont souligné qu’il existait déjà une sanction en cas de défaillance du tuteur. L’article 417 du code civil donne en effet le pouvoir au juge des tutelles de prononcer des injonctions contre les personnes chargées de la protection et de les condamner à une amende civile lorsqu’elles n’y ont pas déféré.

Mais cette disposition n’apporte pas toujours une réponse adaptée et est rarement mise en œuvre. En effet, comme le souligne Mme Anne Caron-Déglise, « les inventaires ne sont que rarement vérifiés par les juges, les directeurs des services du greffe judiciaires ou les greffiers et les anomalies ne sont quasiment jamais sanctionnées. Rares sont les tribunaux qui adressent aux mandataires des remarques ou des relances sur les inventaires transmis ou sur leur absence ».

B.   le dispositif proposÉ

1.   Le projet de loi initial

Afin d’encadrer davantage les conditions d’établissement de l’inventaire, le II de l’article 17 du projet de loi propose de modifier l’article 503 du code civil sur deux points :

– il ajoute à la transmission de l’inventaire au juge des tutelles celle du budget prévisionnel, afin de faciliter le contrôle des comptes de gestion de la tutelle ;

– il prévoit un nouveau dispositif de sanction dans l’hypothèse où le tuteur remet l’inventaire en retard. Le juge des tutelles peut alors désigner un technicien pour y procéder. Celui-ci intervient aux frais du tuteur.

2.   Les modifications opérées par le Sénat

À l’initiative de ses rapporteurs, la commission des Lois du Sénat a adopté un amendement qui prévoit une plus grande modulation et un encadrement plus rigoureux du dispositif de sanction en cas de défaillance du tuteur.

Serait ainsi tout d’abord offerte au juge la possibilité d’accorder au tuteur un délai complémentaire pour réaliser l’inventaire, dès lors qu’il rapporte la preuve de difficultés manifestes dans la communication de renseignements ou de documents par un tiers, malgré l’accomplissement de toutes les diligences requises de sa part.

Ce dispositif serait ensuite davantage encadré dans la mesure où « la personne qualifiée » (et non plus « le technicien » – cette notion étant apparue aux sénateurs trop restrictive) désignée par le juge pour procéder à l’inventaire aux frais du tuteur serait choisie sur une liste établie par le procureur de la République et où le juge fixerait le délai qui lui serait accordé ainsi que sa rémunération, qui ne devrait pas excéder un plafond fixé par décret en Conseil d’État.

Par ce même amendement, le Sénat a également supprimé la référence au dispositif de l’amende civile prévu par l’article 417 du code civil, la jugeant inutile en l’espèce.

En séance publique, le Gouvernement a déposé un amendement qui précisait le champ de l’inventaire visé (meubles meublants, biens immobiliers et espèces en numéraire) et supprimait les mesures d’encadrement proposées par la commission des Lois. Cet amendement n’a pas été adopté par le Sénat.

3.   Les modifications apportées par la Commission

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission a adopté plusieurs amendements proposés par le Gouvernement qui prévoient :

– la possibilité, pour le juge, de désigner, dès l’ouverture de la mesure de protection, un commissaire-priseur judiciaire pour qu’il procède à l’inventaire des biens meubles et des espèces de la personne protégée ;

– le rétablissement de la possibilité, pour le juge, en cas de retard dans la transmission de cet inventaire, de désigner un professionnel qualifié pour y procéder et la suppression concomitante du dispositif gradué instauré par le Sénat.

II.   le contrÔle des comptes de gestion

A.   lÉtat du droit

Les dispositions du code civil relatives au contrôle des comptes de gestion des mesures de protection sont applicables aux mesures de placement en tutelle, en curatelle renforcée, mais aussi en cas de désignation d’un mandataire spécial s’agissant d’un placement en sauvegarde de justice.

1.   Les règles relatives à létablissement, à la vérification et à lapprobation des comptes

a.   La production du compte de gestion et sa dispense

L’article 510 du code civil prévoit que le tuteur établit chaque année un compte de sa gestion. À cette fin, il peut solliciter les établissements auprès desquels un ou plusieurs comptes sont ouverts au nom de la personne protégée, sans que puisse lui être opposé le secret professionnel ou le secret bancaire. Par dérogation au principe de confidentialité auquel il est tenu, le tuteur remet chaque année une copie du compte de gestion et des pièces justificatives à la personne protégée si elle est âgée d’au moins seize ans, ainsi qu’au subrogé tuteur s’il a été nommé et – si le tuteur le juge utile – aux autres personnes chargées de la protection de l’intéressé. Le juge peut, après avoir entendu la personne protégée et recueilli son accord, si elle est âgée d’au moins seize ans et si son état le permet, autoriser le conjoint, le partenaire du pacte civil de solidarité qu’elle a conclu, un parent, un allié de celle-ci ou un de ses proches, s’ils justifient d’un intérêt légitime, à se faire communiquer à leur charge par le tuteur une copie du compte et des pièces justificatives ou une partie de ces documents.

Pour le tuteur, refuser de se soumettre à cette obligation constitue un manquement à une obligation essentielle de sa charge pouvant justifier qu’il soit déchargé de la tutelle par le juge ([259]), en application de l’article 417 du code civil.

L’article 514 du code civil prévoit par ailleurs que, lorsque sa mission prend fin pour quelque cause que ce soit, le tuteur établit un compte de gestion des opérations intervenues depuis l’établissement du dernier compte annuel et le soumet à la vérification et à l’approbation du directeur des services de greffe. Dans les trois mois qui suivent la fin de sa mission, le tuteur remet, en outre, une copie des cinq derniers comptes de gestion à la personne devenue capable si elle n’en a pas déjà été destinataire ou à la personne nouvellement chargée de la mesure de gestion ou aux héritiers de la personne protégée. Le tuteur remet enfin à ces personnes les pièces nécessaires pour continuer la gestion ou assurer la liquidation de la succession, ainsi que l’inventaire initial et les actualisations auxquelles il a donné lieu.

Enfin, l’article 512 du code civil permet, lorsque la mesure de protection n’a pas été confiée à un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, de dispenser le tuteur d’établir le compte de gestion et de le soumettre à l’approbation du directeur des services de greffe judiciaires, compte tenu de la modicité des revenus et du patrimoine de la personne protégée. Utilisée par les juges des tutelles dans moins de 3 % des mesures ordonnées, cette dispense a pour objet de ne pas alourdir la charge des tuteurs familiaux lorsque les revenus du majeur protégé sont très modestes et couvrent à peine ses besoins journaliers ou que ses actifs ne nécessitent aucune gestion. La Cour de cassation a rappelé à cet égard que la dispense de compte de gestion n’est qu’une faculté pour le juge, celui-ci disposant d’un pouvoir souverain d’appréciation, nonobstant la modicité des revenus et du patrimoine de la personne protégée ([260]).

b.   La vérification et à lapprobation des comptes

Malgré l’introduction de mesures destinées à confier la mission de contrôle des comptes de gestion à des personnes ne relevant pas du personnel judiciaire, cette tâche demeure, pour l’essentiel, assurée par les directeurs des services de greffe judiciaires.

i.   Le contrôle par le directeur des services de greffe judiciaires

Aux termes de l’article 511 du code civil, le directeur des services de greffe judiciaires du tribunal d’instance pour les majeurs – ou du tribunal de grande instance pour les mineurs – est compétent pour contrôler le compte de gestion. À cette fin, il peut faire usage du droit de communication auprès des établissements où des comptes sont ouverts au nom de la personne protégée.

Le directeur des services de greffe judiciaires engage sa responsabilité sans faute du chef de cette mission, en vertu de l’article 422 du code civil.

L’article 1254-1 du code de procédure civile lui permet d’être assisté par un huissier de justice, aux frais de la personne protégée. Par ailleurs, le directeur des services de greffe judiciaires peut bénéficier d’un pré-contrôle par le subrogé tuteur qui, lorsqu’il a été nommé, doit vérifier le compte avant de le lui transmettre avec ses observations.

Dans l’hypothèse où le directeur des services de greffe judiciaires refuse d’approuver le compte, le juge des tutelles doit statuer sur la conformité du compte, à la lumière d’un rapport du directeur des services de greffe judiciaires dressant les difficultés rencontrées.

ii.   Le contrôle par le subrogé-tuteur ou par le conseil de famille

En application des deux derniers alinéas de l’article 511, le contrôle des comptes de gestion (vérification et approbation) peut également être confié par le juge au subrogé-tuteur ou au conseil de famille, lorsqu’ils ont été nommés.

Cette faculté est toutefois rarement exercée : elle concerne 1,5 % des dossiers.

iii.   Le contrôle par un technicien désigné par le juge

Lorsque les ressources de la personne protégée le permettent et si l’importance et la composition de son patrimoine le justifient, l’article 513 autorise le juge à décider, en considération de l’intérêt patrimonial en cause, que la vérification et l’approbation du compte de gestion seront effectuées par un technicien, aux frais de la personne protégée.

La désignation d’un technicien aux fins de contrôle des comptes de gestion demeure toutefois marginale.

2.   Leur mise en œuvre

Le contrôle des comptes de gestion est défaillant.

Comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport sur la protection juridique des majeurs, « exception faite de quelques greffes, la procédure dexamen des comptes rendus est largement inopérante. Il sagit dune situation alarmante et gravement préjudiciable aux personnes protégées comme aux mandataires ».

Parmi les manquements les plus fréquemment relevés peuvent être cités :

– le défaut de dépôt des comptes pendant plusieurs années, sans aucune réaction du directeur des services de greffe judiciaires ou du juge des tutelles ;

– des comptes déposés de manière très lacunaire, sans pièce justificative ;

– des autorisations de placement de capitaux sur des comptes bloqués, sans que le juge des tutelles ne vérifie l’exécution de sa décision et l’évolution des placements par la suite ;

– dans certains dossiers, qui concernent plus particulièrement des patrimoines importants (placements mobiliers nombreux et/ou propriétés immobilières), une défaillance du mandataire qui s’est retrouvé en incapacité de gérer en raison de la complexité de la situation financière.

Ces défaillances résultent notamment du manque de moyens humains consacrés à cette mission.

EXTRAIT DU RAPPORT DE LA COUR DES COMPTES

 SUR LA PROTECTION JURIDIQUE DES MAJEURS

« Aucun texte de niveau national ou local ne définit ni même ne mentionne ce qui pourrait tenir lieu de « politique de vérification » des comptes. De fait, les greffes nutilisent pas de méthodologie rigoureuse de contrôle et les modes opératoires peuvent varier au sein dun tribunal. Quelques greffiers en chef examinent sil existe des dépenses « manifestement disproportionnées » et si les pièces justificatives sont transmises, mais la plupart se contentent de vérifier lévolution du solde du ou des comptes bancaires et labsence de solde négatif. Dans ces conditions, lapprobation du compte na guère de portée.

Le temps passé par les greffes au contrôle des comptes est lui aussi des plus variables, certains ny consacrant que quelques quarts dheure par mois. Pour mesurer lactivité réelle de contrôle des greffes, la Cour na pu obtenir de statistique précise ni du ministère de la justice ni des greffes rencontrés. De rares greffes tiennent statistique des rapports de difficultés. Les textes ne précisent pas la forme de lapprobation des comptes ; au demeurant il est fréquent que les comptes rendus soient considérés par le greffe comme approuvés mais nen comportent pas la mention. Dautres comportent une simple mention, parfois manuscrite.

La plupart des tribunaux ne communiquent pas leur décision aux mandataires, ce qui est contestable à plusieurs égards : manque dinformation du mandataire et du majeur sur lopinion du tribunal ; risque de maintien de la responsabilité du mandataire. Certains tribunaux ne communiquent de document dapprobation quà la demande expresse du mandataire. Quelques tribunaux adressent un document dapprobation ».

Ainsi, M. Jacques Toubon, Défenseur des droits, a mis en évidence dans son rapport de septembre 2016 ([261]) que « les problèmes découlant de labsence de contrôle ou de contrôle incomplet sont dus pour une grande part à linsuffisance des moyens humains et techniques confiés à la justice dédiée à la protection des majeurs : en France, 80 juges équivalents temps plein (ETP) sont dédiés aux mesures de protection des majeurs ; en moyenne 3 000 dossiers sont confiés à chaque ETP ».

B.   le dispositif proposÉ

1.   Le projet de loi initial

Afin de « décharger complètement les directeurs des services de greffe judiciaires et les juges des tutelles de cette charge de travail chronophage » ([262]) et de remédier aux défauts du contrôle des comptes de gestion des mesures de protection, les paragraphes I, III et IV à VII de l’article 17 du projet de loi proposent d’en revoir en profondeur les modalités.

Le III de l’article 17 modifie tout d’abord l’actuel article 511 du code civil, qui prévoit la compétence du service des greffes en matière de contrôle des comptes de gestion, afin de préciser que cette compétence demeure dans le cas des mineurs sous tutelle, sauf en cas de dispense de compte de gestion.

Le IV de l’article 17 réécrit l’article 512 du code civil, afin de prévoir, pour les majeurs protégés, un contrôle interne par les organes de protection de la mesure eux-mêmes en lieu et place de la mission de vérification et d’approbation des comptes dévolue aux greffes. Il s’agit ainsi d’abandonner le principe du contrôle des comptes de gestion par la puissance publique.

Ainsi, les comptes de gestion seraient vérifiés et approuvés :

– soit par le subrogé tuteur lorsqu’il en a été nommé un ;

– soit par le conseil de famille s’il en existe un. Celui-ci délibère hors de la présence du juge.

Lorsque plusieurs personnes ont été désignées pour assurer la gestion patrimoniale de la personne protégée (co-tuteur ou tuteur adjoint de l’article 447 du code civil), les comptes de gestion que ces personnes auraient établis seraient considérés comme approuvés dès lors qu’ils seraient signés par l’ensemble des personnes désignées par le juge.

Le juge n’interviendrait qu’en cas de difficultés ou de refus de signature, pour statuer sur la conformité des comptes à la requête de l’une des personnes chargées de la mesure de protection.

Par dérogation à ce contrôle interne à la mesure de protection, lorsque l’importance et la composition du patrimoine le justifient, le juge désignerait, dès réception de l’inventaire et du budget prévisionnel, une personne qualifiée chargée de la vérification et de l’approbation des comptes dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État. Sont visés des professionnels du droit et du chiffre, particulièrement les experts-comptables. Le juge devrait fixer dans sa décision les modalités selon lesquelles le tuteur soumet à cette dernière le compte de gestion, accompagné des pièces significatives, en vue de ces opérations. Le projet de loi reprend ici l’idée de l’actuel article 513 du code civil qui n’est toutefois jusqu’à présent qu’une faculté pour le juge.

En l’absence de désignation d’un subrogé tuteur, d’un co-tuteur ou d’un conseil de famille, le juge pourrait également faire application de cette procédure externe de contrôle des comptes de gestion par la désignation d’une personne qualifiée. Ainsi, dans cette hypothèse, le juge devrait statuer sur les modalités de contrôle des comptes (dispense de contrôle, d’établissement de comptes ou contrôle par un tiers extérieur) dès la réception de l’inventaire et du budget prévisionnel.

Le V de l’article 17 du projet de loi réécrit également l’article 513 du code civil pour étendre aux mandataires judiciaires à la protection des majeurs la possibilité, aujourd’hui réservée aux mandataires familiaux, d’être dispensé, par le juge, de soumettre à approbation leurs comptes de gestion, compte tenu de la modicité des revenus ou du patrimoine de la personne protégée.

Le VI de l’article 17 crée un nouvel article 513-1 au sein du code civil afin de prévoir la remise du compte de gestion, après sa vérification, au dossier du tribunal par la personne chargée de cette mission. De plus, en cas de refus d’approbation des comptes, le juge serait saisi des difficultés et pourrait statuer sur la conformité du compte.

Enfin, il convient de souligner que l’article 56 du projet de loi prévoit que ces dispositions s’appliqueront dès leur entrée en vigueur aux mesures de protection ouvertes antérieurement, à l’exception de celle relative à la désignation d’une personne qualifiée chargée de la vérification des comptes de gestion en cas de patrimoine important dont l’entrée en vigueur est différée, au plus tard, au 31 décembre 2023. La vérification et l’approbation des comptes annuels de gestion établis antérieurement à cette date d’entrée en vigueur resteront dévolues au directeur des services de greffe judiciaires.

2.   Les modifications opérées par le Sénat

Craignant que la réforme ainsi proposée n’aboutisse à la « disparition pure et simple de tout contrôle, en particulier pour les personnes aux revenus et patrimoines les plus modestes » ([263]), la commission des Lois du Sénat a adopté, sur proposition de ses rapporteurs, deux amendements destinés :

– à maintenir la dispense d’établissement et de contrôle des comptes de gestion au bénéfice des seuls mandataires familiaux – les rapporteurs considérant qu’« il ny avait aucune raison délargir la possibilité de dispense aux mesures de protection confiées aux mandataires judiciaires à la protection des majeurs » ;

– à prévoir un dispositif alternatif de garantie de la protection des personnes vulnérables.

Ce dispositif retient tout d’abord le principe proposé par le Gouvernement d’un contrôle interne par le subrogé tuteur ou le conseil de famille. En cas de difficultés, le juge pourrait statuer sur les comptes à la demande de l’une des personnes en charge de la protection. Serait en revanche supprimée la possibilité pour les personnes chargées d’établir les comptes (lorsque plusieurs personnes sont en charge de la tutelle) de les approuver, compte tenu du risque de manque d’impartialité.

Ensuite, le dispositif proposé par le Sénat prévoit que, si la composition ou l’importance du patrimoine de la personne protégée le justifie, le juge peut désigner une personne qualifiée pour contrôler les comptes, en y ajoutant la condition selon laquelle les ressources de la personne le permettent. La personne qualifiée serait choisie sur une liste établie par le procureur de la République, et ce dans le cadre de tarifs plafonnés par décret.

Enfin, serait maintenu un contrôle par les greffes des tribunaux d’instance dès lors que la personne protégée ne dispose ni d’organe de contrôle interne, ni d’un patrimoine justifiant le recours à un contrôle externe.

Dans tous les cas, en cas de refus d’approbation des comptes, le juge pourrait être saisi d’un rapport de difficultés par la personne chargée de vérifier et d’approuver les comptes. Il devrait alors statuer sur la conformité du compte.

Lors de la séance publique, le Gouvernement a déposé un amendement qui, visant à revenir à sa proposition de rédaction initiale, n’a pas été adopté.

3.   Les modifications apportées par la Commission

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission a adopté plusieurs amendements proposés par le Gouvernement qui prévoient :

– la clarification des règles relatives au contrôle des comptes de gestion des mineurs sous tutelle ;

– le rétablissement, pour la vérification des comptes de gestion du majeur protégé, du contrôle interne en cas de désignation de plusieurs personnes pour exercer la mesure ;

– le rétablissement du principe de désignation, par le juge, à défaut de contrôle interne et dès lors que la personne sous tutelle dispose d’un patrimoine important, d’un professionnel qualifié chargé de la vérification de ses comptes ;

– la présentation, dans un article distinct, des modalités de transmission des comptes au juge.

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Article 18
(art. 373-2, 373-2-6 et 373-2-10 du code civil)
Renforcement de lexécution des décisions du juge aux affaires familiales en matière dautorité parentale

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à renforcer les pouvoirs du juge aux affaires familiales afin d’assurer l’exécution de ses décisions lorsqu’il statue sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale. Il lui permet ainsi :

– de proposer aux parents de recourir à la médiation familiale dès le prononcé de sa décision ;

– d’assortir les mesures qu’il prononce d’une astreinte et d’infliger une amende civile en cas de manquement grave ou répété de l’un des parents à ses obligations ;

– de saisir, au même titre que le parent intéressé, le procureur de la République aux fins de requérir le concours de la force publique pour assurer l’exécution de sa décision ou d’un accord fixant les modalités d’exercice de l’autorité parentale.

  Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants a complété l’article 373-2-6 du code civil afin de préciser que l’interdiction de sortie du territoire sans l’autorisation des deux parents susceptible d’être prononcée par le juge aux affaires familiales est inscrite au fichier des personnes recherchées par le procureur de la République.

La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a modifié l’article 373-2-10 afin de préciser que l’injonction de rencontrer un médiateur familial prononcée par le juge à l’encontre des parents n’est pas autorisée en cas de violences commises par l’un des parents sur l’autre parent ou sur l’enfant.

  Modifications apportées au Sénat

Cet article a été modifié par un amendement adopté lors de l’examen en commission à l’initiative des rapporteurs afin de supprimer la possibilité de saisir le procureur de la République aux fins de requérir le concours de la force publique.

Lors de l’examen en séance, un amendement présenté par Mme Muriel Jourda (groupe Les Républicains) ayant recueilli un avis de sagesse de la commission et un avis défavorable du Gouvernement a été adopté afin de rétablir la possibilité de saisir le procureur de la République pour requérir le concours de la force publique, uniquement après l’échec de toute démarche préalablement engagée par l’un des parents auprès d’un officier de police judiciaire. Le Gouvernement a présenté un amendement, rejeté par le Sénat, tendant à rétablir la version initiale de l’article.

  Modifications apportées par la Commission

À l’initiative du Gouvernement, un amendement a été adopté dans le but de supprimer l’obligation préalable d’engager une démarche auprès d’un officier de police judiciaire avant de saisir le procureur de la République pour requérir le concours de la force publique.

1.   L’état du droit

a)     Le recours à la médiation familiale

Créé par la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale, l’article 373-2-10 du code civil permet au juge aux affaires familiales, avec l’accord des parents, de solliciter le concours d’un médiateur familial afin de faciliter la recherche par ces derniers d’un exercice consensuel de l’autorité parentale. Un pouvoir d’injonction lui est également reconnu en la matière ([264]) afin que le médiateur familial puisse informer les parents sur l’objet et le déroulement de la médiation.

Le législateur a récemment souhaité renforcer les dispositifs de médiation en matière familiale. L’article 7 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 a ainsi instauré l’expérimentation, jusqu’au 31 décembre 2019, d’une tentative de médiation familiale préalable obligatoire (TMFPO) à la saisine du juge aux affaires familiales. L’arrêté ministériel du 16 mars 2017 a désigné onze juridictions habilitées à expérimenter la TMFPO.

Dans le cadre de cette expérimentation, les décisions fixant les modalités de l’exercice de l’autorité parentale ou la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant ([265]) peuvent être modifiées ou complétées à tout moment par le juge, à la demande du ou des parents ou du ministère public, qui peut lui-même être saisi par un tiers, parent ou non. À peine d’irrecevabilité que le juge peut soulever d’office, la saisine du juge par le ou les parents doit ainsi être précédée d’une tentative de médiation familiale, sauf dans les cas où :

– la demande émane conjointement des deux parents afin de solliciter l’homologation d’une convention selon les modalités fixées à l’article 373-2-7 du code civil ;

– l’absence de recours à la médiation est justifiée par un motif légitime ;

– des violences ont été commises par l’un des parents sur l’autre parent ou sur l’enfant.

b)     La faible capacité du juge aux affaires familiales à garantir lexécution de ses décisions

Le juge aux affaires familiales ne dispose pas de moyens véritablement efficaces afin de garantir l’exécution des décisions qu’il prononce en matière d’exercice de l’autorité parentale. Si l’article 373-2-6 prévoit que le juge peut prendre des mesures permettant de garantir la continuité et l’effectivité du maintien des liens de l’enfant avec chacun de ses parents, l’application concrète de celles-ci reste souvent partielle, à défaut de mécanismes contraignants ou réellement dissuasifs.

L’inexécution des décisions rendues par le juge aux affaires familiales découle de l’absence de règles d’exécution forcée, en dépit de l’article 1074-1 du code de procédure civile qui prévoit que les mesures relatives à l’exercice de l’autorité parentale sont exécutoires de droit à titre provisoire.

Les deux seuls cas où le recours à la force publique peut être requis directement par le procureur de la République sont les déplacements internationaux illicites d’enfants ([266]) et le placement en assistance éducative décidé par le juge des enfants ([267]). C’est principalement dans ces deux hypothèses que s’applique l’article 153-1 du code des procédures civiles d’exécution, au titre duquel le recours à la force publique par l’État peut être sollicité afin de concourir à l’exécution des jugements et des autres mesures exécutoires.

Si ces situations présentent un degré de gravité et de danger encouru par l’enfant théoriquement plus élevé que les conflits relatifs aux modalités d’exercice de l’autorité parentale, ces derniers peuvent aussi dégénérer à brève échéance, au risque de porter un grave préjudice aux intérêts de l’enfant et à ceux de l’un des deux parents. L’inexécution des décisions du juge aux affaires familiales est alors perçue comme un signe d’impuissance publique vecteur de contentieux supplémentaires.

2.   Le projet de loi initial

a)     Lextension du recours à la médiation familiale

Le présent article complète l’article 373-2-10 afin de laisser la faculté au juge aux affaires familiales de proposer aux parents de rencontrer un médiateur familial dans le but d’appliquer de façon consensuelle la décision définitive rendue par le juge sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale.

Cette médiation post-sentencielle vise à renforcer l’exécution des décisions prononcées par le juge en s’appuyant sur la pédagogie du médiateur et la volonté participative des parents pour déterminer les moyens concrets par lesquels le jugement sera pleinement respecté par chacun des deux parents.

b)     Le pouvoir du juge de prononcer une astreinte et dinfliger une amende

L’article 18 complète les dispositions prévues à l’article 373-2-6 afin de donner au juge aux affaires familiales de véritables pouvoirs propres à assurer l’exécution de ses décisions.

Ainsi, il pourra assortir d’une astreinte les mesures qu’il prononce afin de préserver la continuité et l’effectivité du maintien des liens de l’enfant avec chacun de ses parents. De plus, le juge pourra condamner le parent défaillant à une amende civile d’un montant maximum de 10 000 euros ([268]) afin de sanctionner l’obstruction de celui-ci à l’encontre de l’exécution d’une décision qu’il a prononcée, des stipulations d’une convention homologuée ou d’une convention de divorce par consentement mutuel définissant les modalités d’exercice de l’autorité parentale.

Ces pouvoirs d’astreinte ou d’amende présentent un caractère hautement dissuasif. Ils constituent un véritable levier d’action dont le juge aux affaires familiales pourra se saisir afin de renforcer l’exécution de ses décisions.

c)     La saisine du procureur de la République aux fins de requérir le concours de la force publique

L’article 18 modifie l’article 373-2 afin de permettre au procureur de la République de requérir le concours de la force publique pour garantir l’exécution des décisions rendues par le juge aux affaires familiales, les stipulations d’une convention homologuée ou les stipulations d’une convention de divorce par consentement mutuel déterminant les modalités d’exercice de l’autorité parentale. À la demande du parent intéressé ou du juge, le ministère public se voit donc octroyer la possibilité d’utiliser le recours à la force publique dans le but de faire respecter des décisions ou obligations relatives au droit de visite ou droit de garde des enfants dont les parents sont séparés.

Le recours à la force publique demeure une simple faculté laissée à l’appréciation du procureur et ne constitue donc pas une obligation systématique. Il ne peut être mis en œuvre qu’à la demande expresse du juge aux affaires familiales ou du parent dont les droits ne sont pas respectés. Son existence revêt une dimension dissuasive susceptible de renforcer l’effectivité des décisions relatives au partage de l’autorité parentale, sans qu’il soit par ailleurs nécessaire d’actionner in fine ce mécanisme, dont il convient de circonscrire l’utilisation aux cas les plus graves et pour lesquels la mise en œuvre de l’ensemble des dispositions précitées n’aura été suivie d’aucun effet.

3.   Le dispositif proposé par le Sénat

Lors de son examen en commission et en séance, le Sénat a adopté sans modification les nouvelles dispositions relatives à la médiation familiale et aux pouvoirs permettant au juge d’assortir d’une astreinte les mesures qu’il prononce et d’infliger une amende civile au parent défaillant.

À l’initiative des rapporteurs, un amendement a été adopté en commission afin de supprimer la modification de l’article 373-2 relative à la faculté pour le procureur de la République de requérir le concours de la force publique, eu égard au caractère prétendument inadapté et excessif de cette mesure en matière familiale.

Un amendement présenté en séance par Mme Muriel Jourda a été adopté ([269]) afin de rétablir cette disposition, sous réserve de l’accomplissement d’une démarche préalable engagée auprès d’un officier de police judiciaire destinée à obtenir l’exécution des mesures décidées par le juge, ou le respect des stipulations contractuelles auxquelles les deux parents sont tenus.

4.   La position de la Commission

La Commission a adopté un amendement présenté par le Gouvernement qui tend à supprimer l’exigence de démarche préalable engagée auprès d’un officier de police judiciaire avant de saisir le procureur de la République pour requérir le concours de la force publique afin d’exécuter une décision du juge aux affaires familiales ([270]).

S’il apparaît nécessaire de réserver l’exécution forcée de celle-ci aux cas les plus graves, le dispositif adopté par le Sénat constituait une contrainte procédurale inadaptée aux enjeux. L’amendement précise que le procureur ne peut requérir le concours de la force publique qu’à titre exceptionnel, conformément à l’objectif visé.

Des précisions ont également été apportées afin de clarifier le régime applicable relatif à l’astreinte et à sa liquidation.

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Article 18 bis
(art. 373-2-9-1 [nouveau] du code civil)
Attribution du logement par le juge aux affaires familiales en cas de séparation de parents non mariés

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à permettre au juge aux affaires familiales de statuer sur la jouissance du domicile, dans le cadre de la définition des modalités d’exercice de l’autorité parentale, en cas de séparation des parents non-mariés.

  Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant a complété l’article 373-2-9 du code civil en précisant que la décision relative à l’exercice du droit de visite du parent qui n’héberge pas son enfant requiert une motivation spéciale lorsque ce droit de visite s’exerce dans un espace de rencontre désigné par le juge.

  Modifications apportées au Sénat

Cet article est issu d’un amendement identique présenté en séance par les groupes LR, LaREM et RDSE qui a recueilli un avis favorable de la commission et de sagesse du Gouvernement.

  Modifications apportées par la Commission

À l’initiative du Gouvernement, la Commission a adopté un amendement qui apporte plusieurs clarifications rédactionnelles et précise que le juge aux affaires familiales peut constater l’accord des parents sur le montant de l’indemnité d’occupation susceptible d’être versée par le parent occupant le logement en faveur de son ex-conjoint.

1.   L’état du droit

L’article 373-2-9 du code civil permet au juge aux affaires familiales de déterminer les conditions de résidence des enfants dont les parents sont séparés.

Ainsi, la résidence de l’enfant peut être fixée en alternance au domicile de chacun des parents, ou au domicile de l’un d’eux. Le juge peut également ordonner, à titre provisoire puis définitif, la résidence alternée ou au domicile de l’un des parents, en cas de désaccord entre ces derniers. Les modalités de droit de visite du parent qui n’héberge pas son enfant sont précisées dans un cadre adapté à la protection de la sécurité de l’enfant et au respect de ses intérêts.

Dans le cadre des mesures provisoires susceptibles d’être prononcées au cours de la procédure de divorce, l’article 255 autorise le juge à statuer sur les modalités de la résidence séparée des époux. Il peut également attribuer à l’un d’eux la jouissance du logement du ménage ou partager entre eux cette jouissance, en précisant son caractère gratuit ou en déterminant le montant d’une indemnité d’occupation dont s’acquitte le conjoint qui occupe le domicile.

En outre, l’article 515-9 ([271]) donne au juge la faculté de délivrer en urgence une ordonnance de protection à l’égard du conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin victime de violences conjugales afin de déterminer les conditions de résidence des membres du couple.

L’article 515-11 prévoit que le juge aux affaires familiales peut, en cas de danger avéré auquel la victime est exposée, décider de :

– statuer sur la résidence séparée des époux en précisant lequel des deux continuera à résider dans le logement conjugal et sur les modalités de prise en charge des frais afférents à ce logement ([272]) ;

– attribuer la jouissance du logement ou de la résidence du couple au partenaire ou au concubin qui n’est pas l’auteur des violences et préciser les modalités de prise en charge des frais afférents à ce logement.

La durée maximale des mesures de protection précitées s’élève à quatre mois ([273]). L’article 515-11 précise également que le juge peut également se prononcer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale dans le cadre de la délivrance de l’ordonnance de protection.

Il convient cependant de constater que, hormis les cas avérés de violences conjugales, il n’existe pas, en l’état du droit, de dispositions permettant au juge aux affaires familiales de statuer sur la jouissance provisoire du domicile en cas de séparation de parents non mariés. Si le juge peut se prononcer en la matière dans le cadre des mesures provisoires afférentes à la procédure de divorce prévues par l’article 255, la jouissance du logement familial par les partenaires pacsés ou les concubins ne relève pas des compétences.

2.   Le dispositif proposé par le Sénat

Présenté comme une réponse à un vide juridique, un amendement identique proposé par les groupes LR, LaREM et RDSE et portant création d’un article 373-2-9-1 a été adopté lors de l’examen en séance, après avoir recueilli un avis de sagesse du Gouvernement.

L’article 373-2-9-1 permet au juge aux affaires familiales, lorsqu’il est saisi d’une requête relative aux modalités d’exercice de l’autorité parentale, d’attribuer provisoirement la jouissance du domicile familial à l’un des deux parents, dès lors que ce logement est détenu en indivision par ces derniers. La durée maximale de la jouissance du logement s’élève à six mois ([274]). Par une décision spécialement motivée, le juge peut attribuer la jouissance du logement au parent n’étant pas propriétaire du bien et peut également décider du caractère gratuit de l’occupation du logement au titre de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants.

Cet article a pour but d’aligner le droit applicable aux parents pacsés ou concubins sur les dispositions de l’article 255 concernant les parents mariés engagés dans une procédure de divorce.

L’objectif est de contribuer à pacifier les situations conflictuelles entre parents non-mariés en voie de séparation afin de permettre au juge, lorsqu’il est saisi d’une requête relative aux modalités d’exercice de l’autorité parentale, d’attribuer provisoirement la jouissance du logement familial à l’un des deux parents, en tenant compte de l’intérêt des enfants lorsque ces derniers y résident habituellement.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté un amendement présenté par le Gouvernement qui tend à clarifier les dispositions permettant au juge aux affaires familiales de statuer provisoirement sur la jouissance du domicile familial par les parents non-mariés, en supprimant la condition de détention du logement en indivision, et ce afin de couvrir l’ensemble des situations juridiques existantes.

L’amendement précise également qu’il n’appartient pas au juge aux affaires familiales de déterminer le montant de l’éventuelle indemnité d’occupation du logement mais qu’il peut le cas échéant, comme pour les couples mariés, constater l’accord des parties sur celui-ci.

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Chapitre III
Concilier la publicité des décisions de justice
et le droit au respect de la vie privée

Article 19
(art. L. 153-1 du code de commerce, L. 10, L. 10-1 [nouveau], L. 751-1 [nouveau], L. 751-2 [nouveau] et L. 751-4 du code de justice administrative, L. 111-11-1 à L. 111-11-4 [nouveaux] et L. 111-13 du code de lorganisation judiciaire, 11-1 à 11-3 de la loi n° 72626 du 5 juillet 1972 instituant un juge de lexécution et relative à la réforme de la procédure civile et 8 et 9 de la loi n° 7817 du 6 janvier 1978 relative à linformatique, aux fichiers et aux libertés)
Encadrement et harmonisation des régimes
de diffusion des décisions de justice

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à mieux définir les conditions de la mise à disposition du public des décisions de justice, en conciliant l’objectif d’ouverture de ces décisions avec la nécessaire préservation de la vie privée des personnes concernées et des secrets protégés, en harmonisant les règles applicables aux deux ordres de juridiction et en adaptant les dispositions relatives à l’accès des tiers à ces décisions par l’intermédiaire des greffes.

  Dernières modifications législatives intervenues

Le cadre juridique de la mise à disposition des décisions de justice et de leur réutilisation a été fixé par la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, qui a renvoyé à un décret le soin d’en définir les modalités pratiques, et a été mis en conformité avec les règles européennes par la loi du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles.

  Modifications apportées au Sénat

Le Sénat a substantiellement modifié ces conditions, en particulier en substituant à l’obligation d’occulter les seuls éléments identifiants en cas de risque pour la sécurité ou la vie privée des personnes un principe général de respect de la vie privée ainsi que de prévention de tout risque de ré‑identification et d’atteinte à la liberté d’appréciation des magistrats et à l’impartialité des juridictions.

  Modifications apportées par la Commission

À l’initiative de votre rapporteure et avec l’avis favorable du Gouvernement, la Commission a remanié la rédaction de cet article, en rétablissant notamment une obligation d’occultation préalable, de principe pour les nom et prénoms des parties et des tiers et possible, en cas de risque sur la sécurité ou la vie privée, pour les autres éléments susceptibles d’identifier ces personnes et ceux susceptibles de se rapporter aux magistrats et personnels de greffe.

1.   L’état du droit

La mise à disposition du public (open data) des décisions de justice, qu’elles proviennent de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif, résulte de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, qui en a posé le principe aux articles L. 111-13 du code de lorganisation judiciaire et L. 10 du code de justice administrative et a renvoyé au pouvoir réglementaire le soin d’en définir les conditions.

Cette politique, qui s’inscrit dans celle, plus générale, d’ouverture des données publiques, est aussi le prolongement d’un principe ancien et inhérent au fonctionnement de la justice dans un État de droit : la publicité des débats judiciaires. Consacrée par l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ([275]), la publicité des audiences et des jugements est aussi un principe général du droit ([276]) s’appliquant dans l’ordre administratif (articles L. 6 et L. 10 du code de justice administrative) comme dans celui judiciaire (articles 11-1 et 11-2 de la loi n° 72‑626 du 5 juillet 1972 instituant un juge de l’exécution et relative à la réforme de la procédure civile en matière civile ; articles 306, 400 et 535 du code de procédure pénale en matière pénale). Cette politique d’open data tend à généraliser une mise à disposition des décisions de justice demeurée jusqu’alors partielle, limitée à certaines juridictions (Conseil d’État, Cour de cassation, sélection de décisions des juridictions du fond) sur le site Légifrance.

Aux termes de ces dispositions, les décisions de justice « sont mises à la disposition du public à titre gratuit dans le respect de la vie privée des personnes concernées », après une « analyse du risque de ré-identification des personnes ». Les informations contenues dans ces décisions peuvent être réutilisées dans les conditions fixées par le code des relations entre le public et l’administration ([277]).

La loi n° 2018-493 du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles a complété le cadre juridique applicable à cette mise à disposition afin de le mettre en conformité avec le droit européen ([278]) :

– elle a étendu la liste des personnes habilitées à procéder au traitement de données pénales, à des fins autres que la prévention et la répression d’infractions pénales, aux réutilisateurs des informations publiques figurant dans les décisions de justice sous réserve que les traitements mis en œuvre n’aient ni pour objet ni pour effet de permettre la réidentification des personnes concernées ([279]) ;

– elle a, sous la même réserve, autorisé la réutilisation des données sensibles – dont le traitement est par principe interdit – contenues dans les décisions de justice ([280]).

Un décret, dont la publication était annoncée sur Légifrance en janvier 2017 mais qui n’a jamais été pris, devait préciser les conditions d’application des règles générales de mise à disposition du public des décisions de justice.

2.   Le dispositif proposé

a.   Le projet de loi initial

Le Gouvernement, confronté à des difficultés dans l’élaboration de ce décret, a confié une mission d’étude et de préfiguration à M. Loïc Cadiet ([281]). Elle a formulé plusieurs recommandations, dont certaines de niveau législatif, destinées à permettre la mise à disposition du public des décisions de justice des deux ordres, en soulignant la nécessité de mettre en cohérence l’exigence d’ouverture au public des décisions de justice avec les règles de publicité des décisions de justice et d’accès par les tiers à ces décisions à travers les greffes.

Le présent article traduit dans la loi ces recommandations afin, d’une part, de mieux concilier l’exigence d’ouverture et la nécessaire protection de la vie privée des personnes ainsi que des secrets protégés, et, d’autre part, de parvenir à un régime juridique harmonisé pour les deux ordres de juridictions.

Sur la forme, il est procédé à une clarification des règles applicables dont certaines relèvent aujourd’hui du niveau réglementaire :

– s’agissant des juridictions administratives, il est proposé de transférer dans le titre du code de justice administrative consacré à la notification des décisions les dispositions relatives à la mise à disposition des jugements que le législateur avait inscrites à l’article L. 10 de ce code (I) ;

– pour les juridictions judiciaires, ces dispositions conservent leur place à l’article L. 111-13 et au sein d’un nouvel article L. 111-14 du code de l’organisation judiciaire (II).

Sur le fond, il est prévu que les décisions seront « mises à la disposition du public à titre gratuit sous forme électronique, dans des conditions de nature à garantir leur authenticité », sous réserve docculter « les éléments permettant didentifier les personnes physiques mentionnées dans la décision (…) si leur divulgation est de nature à porter atteinte à la sécurité ou au respect de la vie privée de ces personnes ou de leur entourage ». Pourront donc être occultés non seulement les noms des parties et des tiers mais aussi ceux des magistrats et des personnels de justice mentionnés dans le jugement.

Les règles relatives à la réutilisation des informations publiques figurant dans ces décisions demeureront fixées par le code des relations entre le public et l’administration.

Afin d’éviter que, par un accès direct de tiers à d’importants volumes de décisions brutes auprès des greffes, certaines personnes contournent les règles protectrices instituées en matière d’open data des décisions de justice, les demandes de copie de décisions, qui seront soumises à la même réserve doccultation, ne seront pas possibles lorsquelles seront abusives, compte tenu notamment de leur nombre ou de leur caractère répétitif ou systématique.

Par ailleurs, le présent article actualise les règles relatives à la publicité des audiences en matière civile en étendant, aux articles 11-1 et 11-2 de la loi n° 72‑626 du 5 juillet 1972 instituant un juge de l’exécution et relative à la réforme de la procédure civile, les cas dans lesquels il peut être dérogé au principe de publicité des débats et du prononcé des jugements en visant « les matières, déterminées par décret, intéressant la vie privée ou mettant en cause le secret des affaires » (1° du III) ([282]).

Par cohérence avec les règles applicables aux débats en chambre du conseil en matière civile, l’article 11-3 de la même loi est modifié afin que, dans ce cas, la copie des jugements soit limitée au dispositif (2° du III).

b.   Les modifications opérées par le Sénat

Le présent article a fait l’objet de modifications substantielles adoptées par la commission des Lois du Sénat à l’initiative de ses rapporteurs.

S’inspirant des dispositions qu’elle avait adoptées lors de la discussion, en octobre 2017, de la proposition de loi d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice, elle a supprimé l’obligation préalable d’une analyse du risque de ré‑identification des personnes et l’a remplacée par un principe général de respect de la vie privée des personnes mentionnées dans la décision et de prévention de « tout risque de réidentification des magistrats et des fonctionnaires de greffe, des parties et de leur entourage et de toutes les personnes citées dans la décision, de même que tout risque datteinte à la liberté dappréciation des magistrats et à limpartialité des juridictions ».

Par ailleurs, elle a supprimé lune des deux restrictions à la possibilité dobtenir copie dune décision de justice auprès du greffe lorsque la divulgation de certains éléments est de nature à porter atteinte à la sécurité ou au respect de la vie privée des personnes ou de leur entourage.

S’agissant des règles relatives aux débats et jugements devant les juridictions civiles, elle a modifié les possibilités données aux juridictions de tenir les débats en chambre du conseil et de ne pas prononcer les jugements publiquement :

– d’une part, en supprimant cette possibilité pour les matières mettant en cause le secret des affaires, la loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires ayant déjà prévu des dispositions de nature à préserver les informations protégées par le secret des affaires devant toutes les juridictions civiles et administratives ;

– d’autre part, en transformant en principe la faculté ainsi ouverte dans les matières, déterminées par décret, intéressant la vie privée.

Enfin, sur le plan formel, elle a codifié, dans le code de l’organisation judiciaire, les règles relatives à la publicité des débats et du prononcé des jugements devant les juridictions civiles et, au sein du code de justice administrative, le renvoi à un décret en Conseil d’État concernant la mise à disposition du public des décisions des juridictions administratives ainsi que la délivrance de copies individuelles de ces décisions.

c.   La position de la Commission

Cet article a été réécrit à l’initiative de votre rapporteure et suivant l’avis favorable du Gouvernement, afin de redonner sa pleine portée à l’exigence de publicité des décisions de justice.

Sur le plan formel, les dispositions relatives à la publicité des décisions de justice administrative ont été déplacées au sein du titre liminaire du code de justice administrative, eu égard à leur importance et par parallélisme avec le choix opéré dans le code de l’organisation judiciaire où ces dispositions figurent dans les principes généraux.

Sur le fond, la Commission est revenue sur l’obligation générale posée par le Sénat, qui aurait eu pour effet d’empêcher l’open data des décisions de justice en imposant d’effacer des parties entières des décisions avant leur diffusion au public. Elle a remplacé cette obligation par une exigence doccultation préalable :

–  systématique sagissant des nom et prénom des tiers et parties, personnes physiques, mentionnés dans la décision ;

–  possible sagissant des autres éléments permettant didentifier ces personnes et des éléments permettant didentifier les magistrats et fonctionnaires de greffe à condition quils soient « de nature à porter atteinte à la sécurité ou au respect de la vie privée de ces personnes ou de leur entourage ».

Par ailleurs, la Commission a rétabli la restriction à la possibilité d’obtenir auprès du greffe une copie de décision de justice : en raison du moindre impact de la publicité donnée à la décision, elle a prévu de n’autoriser que l’occultation des éléments identificateurs des parties et tiers en cas de risque pour la sécurité ou la vie privée de ces personnes ou de leur entourage.

Enfin, elle a déplacé les règles relatives à la publicité des débats et du prononcé des jugements civils, propres à la matière civile, dans la loi du 5 juillet 1972 instituant un juge de l’exécution et relative à la réforme de la procédure civile, à la place du choix fait par le Sénat de les insérer dans le code de l’organisation judiciaire. Par la même occasion, elle a restauré la possibilité de déroger à ces règles dans les matières mettant en cause le secret des affaires : si votre rapporteure constate, comme le Sénat, que des dispositions spécifiques existent dans le code de commerce sur cette question, elle a préféré, par souci de clarté de la loi, en rétablir la mention et renvoyer aux dispositions de ce code.

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titre II bis
dispositions relatives aux juridictions commerciales

Article 19 bis
(art. 713-7, 713-11, 723-4 et 723-7 du code de commerce)
Élargissement du corps électoral des tribunaux de commerce

Supprimé par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à étendre le corps électoral des tribunaux de commerce aux agriculteurs et professionnels indépendants. Il porte également à cinq mandats consécutifs le nombre maximal de mandats qu’un juge consulaire peut accomplir.

  Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a étendu aux artisans le corps électoral des tribunaux de commerce et l’éligibilité aux fonctions de juge consulaire.

  Modifications apportées au Sénat

Cet article a été introduit par un amendement présenté par les rapporteurs et adopté lors de l’examen en commission. Le Gouvernement a présenté un amendement, rejeté par le Sénat, tendant à supprimer cet article.

  Modifications apportées par la Commission

À l’initiative du Gouvernement, la Commission a adopté un amendement tendant à supprimer cet article.

1.   L’état du droit

Les juges siégeant au sein des tribunaux de commerce étant élus au suffrage indirect, les articles 713-7 et 713-11 du code de commerce déterminent le corps électoral de l’élection des délégués consulaires.

L’article 713-7 dispose que les électeurs des délégués consulaires se distinguent en trois types selon qu’ils participent à raison de leur statut (commerçants et chefs d’entreprise, conjoints collaborateurs de ces derniers, commandants de marine et pilotes aéronautiques, anciens et actuels membres des tribunaux de commerce), en tant que représentants de sociétés à caractère commercial ou en tant que cadres de direction employés par les deux premiers types d’électeurs. L’ensemble de ces personnes figurent sur une liste électorale telle que prévue à l’article 723-4.

L’article 713-11 prévoit que les électeurs des délégués consulaires sont répartis dans le ressort de chaque tribunal de commerce parmi quatre catégories professionnelles correspondant aux activités commerciales, artisanales, industrielles ou de services. L’article 94 de la loi du 18 novembre 2016 a inclus les artisans au sein du corps électoral eu égard à la compétence préexistante des tribunaux de commerce vis-à-vis des entreprises artisanales en difficulté.

L’article 723-4 fixe l’ensemble des conditions d’éligibilité aux fonctions de juge consulaire. L’article 723-7 établit une limite d’éligibilité à quatre mandats consécutifs ([283]). L’article 95 de la loi du 18 novembre 2016 a complété l’article 723-7 afin de créer une limite d’âge fixée à 75 ans.

2.   Le dispositif proposé par le Sénat

Le projet de loi ne contenait initialement aucune disposition relative aux juridictions consulaires. Lors de l’examen du texte en commission, le Sénat a choisi d’insérer ce nouvel article qui reprend le contenu de l’article 14 de la proposition de loi d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017. Cet article concrétisait la proposition n° 60 du rapport de la mission d’information de la commission des Lois du Sénat « Cinq ans pour sauver la justice ! » rendu public le 4 avril 2017.

Tirant la conséquence de l’extension du champ de compétence des tribunaux de commerce à l’ensemble des entreprises prévue par l’article 19 ter également introduit par un amendement des rapporteurs lors de l’examen en commission, le présent article élargit leur corps électoral et l’éligibilité aux fonctions de juge consulaire aux exploitants agricoles et professionnels indépendants, incluant les professions libérales réglementées, ainsi qu’à leur conjoint collaborateur conformément aux dispositions en vigueur relatives aux commerçants et artisans.

Les électeurs des délégués consulaires se répartiraient parmi deux catégories professionnelles supplémentaires que constitueraient les agriculteurs et les professions libérales, aux côtés des catégories d’activité commerciale, artisanale, industrielle et de services énumérées à l’article 713-11. L’article 723-4 serait modifié en conséquence, afin de prévoir l’éligibilité des personnes immatriculées au registre des actifs agricoles. Pour les professionnels libéraux, la liste des inscrits aux tableaux des ordres professionnels et celle des personnes déclarées auprès de l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) serait utilisée afin d’établir les listes électorales de cette nouvelle catégorie.

Enfin, le présent article modifie la limite du nombre maximal de mandats consécutifs prévue par l’article 723-7 en portant celle-ci à cinq au lieu de quatre, sans faire évoluer la durée des mandats ni la limite d’âge qui demeure à 75 ans.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté un amendement présenté par le Gouvernement tendant à supprimer cet article. L’extension du corps électoral des tribunaux de commerce s’inscrit dans la perspective d’une réforme d’ampleur des juridictions consulaires qui suppose, le cas échéant, la mise en œuvre de nombreuses concertations et la réalisation d’études préalables.

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Article 19 ter
(art. 234-1, 611-2, 611-2-1 [abrogé], 611-3, 611-4, 611-5, 621-2, 640-5, 662-3, 662-6, 713-6, 713-7, 713-11, 713-12, 721-1, 721-2, 721-3, 721-3-1, 721-4, 721-5 [abrogé], 721-6, 721-7, 721-8, 722-1, 722-2, 722-3, 722-3-1, 722-4, 722-5, 722-6, 722-6-1, 722-6-2, 722-6-3, 722-7, 722-8, 722-9, 722-10, 722-11, 722-12, 722-13, 722-14, 722-15, 722-16, 722-17, 722-18, 722-19, 722-20, 722-21, 723-1, 723-3, 723-4, 723-7, 723-9, 723-10, 723-11, 723-12, 724-1, 724-1-1, 724-2, 724-3, 724-3-1, 724-3-3, 724-4, 724-7, 731-2, 731-4, 732-1, 732-2, 732-3, 732-4, 732-5, 732-6, 732-7, 741-1, 741-2, 742-1, 742-2, 743-1, 743-2, 743-3, 743-4, 743-5, 743-6, 743-7, 743-8, 743-12, 743-12-1, 743-13, 743-14, 743-15, 744-1 et 744-2 du code de commerce, art. 351-2 du code rural et de la pêche maritime, art. 215-1 et 261-1 du code de lorganisation judiciaire, art.  145 A du livre des procédures fiscales et art. 2315-74, 2325-55 et 7322-5 du code du travail)
Nouvelle dénomination et élargissement du champ de compétence des juridictions consulaires

Supprimé par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à élargir le champ de compétence des tribunaux de commerce afin que ces derniers puissent statuer sur toutes les procédures collectives concernant l’ensemble des entreprises et les personnes morales non commerçantes. Cette évolution se conjugue à une nouvelle appellation des juridictions consulaires, dénommées tribunaux des affaires économiques, plus représentative de leur nouveau périmètre d’activité.

  Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 d’actualisation du droit des outre-mer a complété l’article 611-2 du code de commerce afin de préciser que le président de l’observatoire des prix situé dans certaines collectivités ultramarines peut saisir le président du tribunal de commerce afin d’enjoindre sous astreinte les dirigeants d’une société commerciale de procéder au dépôt de leurs comptes annuels dans les délais prévus par les textes applicables.

  Modifications apportées au Sénat

Cet article a été introduit par un amendement présenté par les rapporteurs et adopté lors de l’examen en commission. À l’initiative du rapporteur François-Noël Buffet, un amendement de coordination a également été adopté en séance. Le Gouvernement a présenté un amendement, rejeté par le Sénat, tendant à supprimer cet article.

  Modifications apportées par la Commission

À l’initiative du Gouvernement, la Commission a adopté un amendement tendant à supprimer cet article.

1.   L’état du droit

L’article 611-2 du code de commerce prévoit la compétence des tribunaux de commerce en matière de procédures collectives pour les sociétés commerciales, les groupements d’intérêt économique et les entreprises individuelles, commerciales ou artisanales. Les litiges relatifs aux difficultés des entreprises agricoles, des professionnels indépendants membres des professions réglementées ou des personnes morales non commerçantes ([284]) relèvent de la compétence du tribunal de grande instance. À ce titre, des règles particulières sont applicables au traitement des difficultés économiques auxquelles les entreprises agricoles et les professions réglementées sont confrontées, eu égard à la spécificité de leur domaine d’activité.

L’article 732-3 du code de commerce tel que modifié par l’article 34 de la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées dispose que le greffe des tribunaux mixtes de commerce ultramarins est assuré par un greffier de tribunal de commerce, conformément à la situation qui prévaut dans les tribunaux de commerce métropolitains. Cependant, l’article 60 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques qui a modifié l’article 123-6 du code de commerce, prévoit la délégation à titre expérimental dans les départements de Guadeloupe, de Martinique et de La Réunion de la gestion matérielle du registre du commerce des sociétés à la chambre de commerce et d’industrie compétente à compter du 1er janvier 2016 pour une durée de trois ans.

2.   Le dispositif proposé par le Sénat

Introduit par un amendement des rapporteurs adopté lors de l’examen en commission, le nouvel article 19 ter correspond à l’article 15 de la proposition de loi adoptée au Sénat le 24 octobre 2017 et à la proposition n° 60 du rapport de la mission d’information précitée.

a.   Un périmètre d’activité étendu à de nouvelles entreprises

Cet article ouvre le champ de compétence des juridictions consulaires délimité à l’article 611-2 du code de commerce aux entreprises agricoles, aux professionnels indépendants membres des professions réglementées et aux personnes morales non commerçantes dont les procédures collectives relèvent en l’état du droit actuel du tribunal de grande instance. Cet élargissement justifie l’ouverture du corps électoral et de l’éligibilité aux fonctions de juge consulaire aux membres de ces professions ([285]), comme le prévoit le nouvel article 19 bis.

Cette unification du contentieux au sein des tribunaux de commerce, renommés tribunaux des affaires économiques ([286]), est présentée comme une mesure de simplification permettant au tribunal de grande instance de se recentrer sur son activité civile et de bénéficier de l’expertise économique qui caractérise de longue date des juridictions consulaires dont la nouvelle dénomination consacre expressément leur rôle de « tribunal des entreprises ».

b.   Un contentieux stabilisé

L’extension du champ de compétence des tribunaux de commerce serait circonscrite aux litiges relevant du livre VI du code de commerce relatif à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises. Le tribunal de grande instance demeure ainsi compétent pour le contentieux général des litiges entre entreprises, à l’exception de ceux relatifs aux baux commerciaux dont le nouvel article 19 quater transfère la compétence aux juridictions consulaires.

Par ailleurs, les règles procédurales spécifiques aux exploitants agricoles ou aux professionnels libéraux réglementés ne seraient pas modifiées.

c.   La réaffirmation d’un greffe propre aux tribunaux mixtes de commerce ultramarins

L’article 19 ter préserve la rédaction actuelle de l’article 732-3 du code de commerce qui prévoit que le greffe des tribunaux mixtes de commerce de Guadeloupe, de Martinique et de la Réunion est assuré par un greffier rattaché à ces derniers, et non par des greffiers de tribunal de grande instance, conformément à la loi du 28 mars 2011 précitée.

Les rapporteurs du Sénat font état de nombreux dysfonctionnements organisationnels affectant le greffe des tribunaux mixtes de commerce ultramarins. Ils déplorent leurs effets préjudiciables à la vie économique insulaire, eu égard aux multiples retards de délivrance des documents nécessaires à l’activité des entreprises locales. L’expérimentation de la gestion matérielle du registre du commerce des sociétés à la chambre de commerce et d’industrie n’a pas été mise en œuvre, en l’absence de conventions conclues entre le ministère de la Justice et les chambres de commerce et d’industrie compétentes ([287]). Dans cette perspective, Mme Annick Girardin, ministre des Outre-mer, a confirmé lors de l’assemblée générale de la Fédération des entreprises des Outre-mer réunie le 25 mai dernier, la mise en place au 1er janvier 2019 de greffes privés propres à chaque tribunal mixte ultra-marin, sur le modèle qui prévaut pour les tribunaux de commerce métropolitain ([288]).

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté un amendement présenté par le Gouvernement tendant à supprimer cet article, par cohérence avec la suppression de l’article 19 bis.

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Article 19 quater
(art. 145-56, 622-14-1 [nouveau] et 721-3-2 [nouveau] du code de commerce)
Extension de la compétence du tribunal de commerce aux litiges entre entreprises relatifs aux baux commerciaux

Supprimé par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à octroyer au tribunal de commerce la compétence pour connaître des litiges entre entreprises relatifs aux baux commerciaux qui relèvent, en l’état actuel du droit, de la compétence du tribunal de grande instance.

  Modifications apportées au Sénat

Cet article a été introduit par un amendement présenté par les rapporteurs et adopté lors de l’examen en commission. Le Gouvernement a présenté un amendement, rejeté par le Sénat, tendant à supprimer cet article.

  Modifications apportées par la Commission

À l’initiative du Gouvernement et de M. Ugo Bernalicis (LFI), la Commission a adopté deux amendements tendant à supprimer cet article.

1.   L’état du droit

L’article L. 145-56 du code de commerce prévoit que les règles de compétence et de procédure des contestations relatives aux baux commerciaux sont fixées par décret en Conseil d’État. Sur ce fondement, l’article R. 145-23 du même code a attribué au tribunal de grande instance ([289]) la compétence de statuer sur l’ensemble des litiges relatifs aux baux commerciaux.

La jurisprudence de la Cour de cassation ([290]) confirme la compétence exclusive du TGI en matière de litiges relatifs aux baux commerciaux, à l’exception de ceux concernant le prix du bail ([291]). La compétence du TGI sur ces contentieux revêt une dimension historique consacrant le juge civil comme détenant une compétence générale pour connaître des litiges immobiliers, dans la mesure où le bailleur peut ne pas être un commerçant ou une société commerciale.

Parallèlement, le tribunal de commerce connaît des procédures collectives telles que le redressement ou la liquidation judiciaire concernant les personnes exerçant une activité commerciale, en application de l’article L. 721-3 du code de commerce. Le contentieux de ces procédures collectives et celui des baux commerciaux relèvent donc de deux juridictions distinctes, en dépit de l’apparente connexité de ces deux catégories de litiges.

2.   Le dispositif proposé par le Sénat

À l’instar des nouveaux articles 19 bis et 19 ter, le nouvel article 19 quater a été introduit par un amendement des rapporteurs adopté lors de l’examen en commission. Il correspond, comme l’article 19 ter, à l’article 15 de la proposition de loi adoptée au Sénat le 24 octobre 2017 et à la proposition n° 60 du rapport de la mission d’information précitée.

Il est proposé de créer deux nouveaux articles 622-14-1 et 721-3-2 du code de commerce afin de transférer la compétence des litiges relatifs aux baux commerciaux au tribunal de commerce, dans la mesure où le bailleur et le preneur du bail relèvent du champ de compétence des juridictions consulaires en raison de leur activité commerciale.

Ce transfert de compétence du TGI vers le tribunal de commerce s’étendrait également aux contentieux relatifs aux baux professionnels et aux conventions d’occupation précaire conclus par l’ensemble des personnes mentionnées à l’article 721-3.

L’unification de ces contentieux au sein des juridictions consulaires est présentée comme un moyen de renforcer la synchronisation et donc l’efficacité des procédures auxquelles les commerçants sont susceptibles d’être attraits.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté deux amendements présentés par le Gouvernement et M. Ugo Bernalicis tendant à supprimer cet article, par cohérence avec la suppression des deux articles précédents.

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titre III
dispositions relatives aux JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

Chapitre Ier
Alléger la charge des juridictions administratives

Article 20 A
(art. 54 A [nouveau] de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971)
Définition de la consultation juridique

Supprimé par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à définir la notion de consultation juridique dont le cadre d’exercice est établi par l’article 54 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

  Modifications apportées au Sénat

Cet article a été introduit par un amendement adopté en séance publique, contre l’avis du gouvernement.

  Modifications apportées par la Commission

À l’initiative du Gouvernement et de la rapporteure, la Commission a adopté deux amendements tendant à supprimer cet article.

1.   L’état du droit

L’article 54 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques détermine les personnes autorisées à réaliser une consultation juridique au bénéfice d’un tiers.

À ce titre, seules les personnes exerçant une profession juridique réglementée (avocats, notaires, huissiers de justice, commissaires-priseurs judiciaires, administrateurs judiciaires, mandataires-liquidateurs), les organismes chargés d’une mission de service public et l’ensemble des organismes agréés (associations, fondations, syndicats…) peuvent ainsi effectuer des consultations juridiques pour autrui, à titre habituel et rémunéré.

Si l’article 54 identifie l’ensemble des personnes autorisées à réaliser une consultation juridique, il ne contient aucune disposition explicitant cette notion dont la définition résulte d’une réponse ministérielle du 8 juin 1992 que rappelle la jurisprudence de la Cour de cassation ([292]) : « la consultation est une prestation intellectuelle personnalisée qui tend à fournir un avis concourant par les éléments quil apporte à la prise de décision du bénéficiaire de la consultation et donc distincte de linformation à caractère documentaire qui consiste à renseigner un interlocuteur sur létat du droit ou de la jurisprudence relativement à un problème donné ».

2.   Le dispositif proposé par le Sénat

Le projet de loi ne contenait initialement aucune disposition définissant la consultation juridique. Après avoir été repoussé lors de l’examen en commission, un amendement présenté par Mme Muriel Jourda a été adopté en séance publique, à la suite d’un avis de sagesse de la commission et d’un avis défavorable du gouvernement. Il définit ainsi la notion de consultation juridique comme une « prestation intellectuelle personnalisée tendant à fournir un avis ou un conseil sur une question de droit en vue dune éventuelle prise de décision ».

Le gouvernement s’est opposé à cet amendement, jugeant inutile d’inscrire dans la loi une telle définition et mettant en garde contre les rigidités qu’elle engendrerait à l’épreuve des futures évolutions technologiques susceptibles de renouveler les modalités d’exercice des activités de conseil juridique.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté deux amendements présentés par le Gouvernement et la rapporteure tendant à supprimer cet article. Outre l’emplacement inopportun de cette disposition au sein du titre III relatif aux juridictions administratives, il n’y a pas lieu de figer dans la loi la définition de la consultation juridique compte tenu de la clarté de la jurisprudence sur ce sujet.

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Article 20
(art. 5 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016)
Allongement de la durée de lexpérimentation de la médiation préalable obligatoire dans certains litiges

Adopté par la Commission sans modification

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à repousser au 31 décembre 2021 la date à laquelle prendra fin l’expérimentation de la médiation préalable obligatoire dans certains litiges de la fonction publique et divers litiges sociaux.

  Dernières modifications législatives intervenues

Cette expérimentation est prévue par l’article 5 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIè siècle et relève des conditions d’application précisées par le décret n° 2018-101 du 16 février 2018.

1.   L’état du droit

Adopté sur le fondement de l’article 37-1 de la Constitution, l’article 5 de la loi du 18 novembre 2016 prévoit que la médiation préalable obligatoire dans certains litiges ([293]) fait l’objet d’une expérimentation sur une durée de quatre ans à compter de la promulgation de la loi, soit jusqu’au 18 octobre 2020.

Cependant, l’expérimentation est entrée en vigueur le 1er avril 2018 en raison de la publication tardive du décret d’application n° 2018-101 du 16 février 2018 précisant ses conditions de mise en œuvre, soit près de dix-huit mois après la promulgation de la loi.

Les litiges sociaux et les litiges de la fonction publique représentent plus d’un quart des contentieux sur lesquels statue le juge administratif. La mise en place d’une médiation préalable obligatoire sur ces litiges répond à un objectif de désengorgement des tribunaux administratifs faisant face à une évolution croissante de ce type de contentieux sériels.

Les arrêtés du 2 mars et du 6 mars 2018 déterminent les collectivités territoriales sur lesquelles s’appliquent respectivement l’expérimentation relative aux litiges de la fonction publique (une cinquantaine de départements) et celle concernant les litiges sociaux (une trentaine de départements).

2.   Le dispositif adopté par le Sénat

Cet article vise à prolonger la durée de l’expérimentation au 31 décembre 2021, afin de se conformer à la volonté initiale du législateur qui était de lui conférer une durée de quatre ans. Le Sénat ne lui a apporté aucune modification lors de son examen en commission et en séance.

Lors de l’audition conduite par vos rapporteurs, la représentante du Conseil d’État a précisé que près de 600 affaires avaient fait l’objet de ce dispositif d’expérimentation depuis son entrée en vigueur le 1er avril dernier.

Un bilan de cette expérimentation sera réalisé en 2021 afin d’apprécier l’opportunité de pérenniser l’obligation d’une médiation préalable pour l’ensemble des litiges précités, avant une éventuelle extension à d’autres types de contentieux.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

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Article 21
(art. 222-2-2, 222-2-3, 222-5, 222-6 [nouveaux] et 222-2-1 du code de justice administrative)
Élargissement et encadrement du recours à des magistrats honoraires

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à assouplir les conditions de recours à des magistrats honoraires au sein des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel en élargissant les fonctions susceptibles de leur être confiées et en renforçant l’encadrement statutaire régissant leur activité.

  Dernières modifications législatives intervenues

L’article 50 de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité a modifié l’article 222-2-1 du code de justice administrative en étendant aux recours en annulation contre les décisions de placement en rétention administrative et en assignation à résidence les contentieux sur lesquels peuvent statuer les magistrats honoraires.

  Modifications apportées au Sénat

Lors de l’examen en commission, cet article a été modifié par un amendement présenté par le rapporteur M. Yves Détraigne (groupe UC) précisant que c’est uniquement à la demande des magistrats honoraires que ces derniers pourront être désignés par les chefs de juridiction afin d’exercer des fonctions d’aide à la décision au profit de magistrats en exercice.

  Modifications apportées par la Commission

À l’initiative de la rapporteure, la Commission a adopté deux amendements de nature rédactionnelle.

1.   L’état du droit

Dans l’ordre administratif, l’honorariat correspond à une qualité dont peuvent se prévaloir les magistrats ayant fait valoir leur droit à la retraite et justifiant de vingt années d’exercice ([294]). L’honorariat peut être refusé, au moment du départ en retraite du magistrat, par une décision motivée de l’autorité qui prononce la mise à la retraite pour un motif tiré de la qualité des services rendus.

Créé par la loi n° 2006-911 du 25 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration, l’article 222-2-1 du code de justice administrative prévoit que le président du tribunal administratif peut désigner un magistrat administratif honoraire choisi parmi les magistrats inscrits, pour une durée de trois ans renouvelable, sur une liste arrêtée par le vice-président du Conseil d’État, pour statuer sur les recours en annulation dont le tribunal administratif est saisi en application des III et IV de l’article L. 512-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).

Les magistrats honoraires peuvent donc être amenés à statuer sur des recours en matière de contentieux des étrangers tels que la reconduite à la frontière, l’obligation de quitter le territoire français (OQTF), le placement en rétention administrative ou l’assignation à résidence.

L’article 731-2 du CESEDA prévoit que des magistrats honoraires puissent être nommés en tant que présidents de formation de jugement à la cour nationale du droit d’asile. Ils peuvent également être désignés en tant que présidents d’un tribunal des pensions ou membres assesseurs de cours régionales des pensions aux termes des articles 721-2 et 722-3 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre.

2.   Le dispositif adopté par le Sénat

Inspiré des mesures applicables aux magistrats honoraires de l’ordre judiciaire depuis la loi n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature, le texte adopté par le Sénat élargit le champ de compétence des magistrats honoraires, détermine un cadre statutaire et déontologique et étend aux cours administratives d’appel la possibilité de désigner des magistrats honoraires.

a.   L’élargissement du champ de compétence des magistrats honoraires

L’élargissement du champ de compétence des magistrats honoraires portant modification de l’article 222-2-1 et création de l’article 222-2-3 du code de justice administrative revêt une double dimension.

Premièrement, le présent article permet au président du tribunal administratif de désigner des magistrats honoraires pour statuer sur les recours relevant de la compétence du juge unique ainsi que sur les référés visés au titre V du code de justice administrative tels que les référés précontractuel, contractuel, fiscal, portant sur la communication audiovisuelle ou en matière d’urbanisme. Il s’agit de diversifier les contentieux susceptibles d’être pris en charge par les magistrats honoraires dont l’activité juridictionnelle est aujourd’hui circonscrite aux seuls recours en matière de droit des étrangers. De plus, l’article prévoit que les magistrats honoraires pourront désormais exercer des fonctions de rapporteur en formation collégiale, dans la limite d’un magistrat honoraire par formation de jugement.

Deuxièmement, le nouvel article 222-2-3 ouvre la faculté laissée au président du tribunal administratif de désigner des magistrats honoraires pour exercer des fonctions d’aide à la décision au profit des magistrats. Ces fonctions d’appui seront incompatibles avec l’exercice d’activités juridictionnelles telles que mentionnées à l’article 222-2-1 précité. Par un amendement du rapporteur François-Noël Buffet adopté en commission, le Sénat a ajouté que c’est uniquement à la demande des magistrats honoraires que ces derniers pourront être désignés par les chefs de juridiction afin d’exercer des fonctions d’aide à la décision au profit de magistrats en exercice. Cette précision est motivée par le souci de préserver la volonté propre du magistrat honoraire d’accomplir cette mission non-juridictionnelle afin d’éviter qu’elle ne lui soit imposée par les chefs de juridiction.

b.   L’encadrement statutaire et déontologique de l’honorariat

Sur le modèle des obligations statutaires et déontologiques applicables aux magistrats honoraires des juridictions judiciaires ([295]), le présent article crée un nouvel article 222-2-2 visant à soumettre les magistrats honoraires des juridictions administratives exerçant des fonctions juridictionnelles aux dispositions des articles 231-1 à 239-9 du code de justice administrative résultant de la loi n° 2016‑483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.

Parallèlement aux règles relatives au cumul d’activités ainsi qu’au régime de sanctions disciplinaires, le nouvel article 222-2-2 prévoit une limite d’âge fixée à 75 ans. Le nouvel article 222-2-3 relatif aux fonctions d’aide à la décision susceptibles d’être confiées à des magistrats honoraires encadre également le cumul d’activités et précise que ces derniers sont tenus au secret professionnel. La limite d’âge de 75 ans est également applicable.

Un amendement de M. Mohamed Soilihi adopté en séance publique a étendu cette limite d’âge aux magistrats honoraires exerçant une fonction de président de formation de jugement à la cour nationale du droit d’asile ([296]).

L’étude d’impact annexée au projet de loi précise que l’honorariat concerne 73 magistrats âgés de moins de 75 ans en 2018.

c.   L’extension aux cours administratives d’appel du recours aux magistrats honoraires

Suggérée par le Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi rendu le 12 avril 2018, l’extension aux cours administratives d’appel de la possibilité de désigner des magistrats honoraires pour exercer des fonctions juridictionnelles et d’aide à la décision est prévue par les nouveaux articles 222-5 et 222-6.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté cet article modifié par deux amendements rédactionnels présentés par la rapporteure.

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Article 22
(art. 122-3 et 228-1 du code de justice administrative)
Création dune fonction de juriste assistant au sein des juridictions administratives

Adopté par la Commission sans modification

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à créer une fonction de juriste assistant confiée à des personnels contractuels de catégorie A au sein des juridictions administratives.

  Dernières modifications législatives intervenues

L’article 24 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a créé l’article 123-4 du code de l’organisation judiciaire qui détermine le cadre d’exercice des juristes assistants au sein des juridictions judiciaires.

1.   L’état du droit

L’article 123-4 du code de l’organisation judiciaire créé par la loi du 18 novembre 2016 a autorisé le recrutement de juristes assistants au sein des tribunaux d’instance, de première instance, des cours d’appels et de la Cour de cassation.

Aux termes de l’article 1er du décret  2017-1618 du 28 novembre 2017 relatif aux juristes assistants et aux personnes habilitées à accéder au bureau dordre national automatisé des procédures judiciaires, les juristes assistants contribuent par leur expertise, en matière civile et en matière pénale, à l’analyse juridique des dossiers techniques ou comportant des éléments de complexité qui leur sont soumis par les magistrats sous la direction desquels ils sont placés. Ils ne participent ni à la procédure ni aux audiences et ne peuvent assister aux délibérés.

Agents contractuels de catégorie A, les juristes assistants sont recrutés par les chefs de la Cour de cassation ou de la cour d’appel dans le ressort duquel ils sont affectés, pour une durée de trois ans renouvelable une fois, à temps partiel ou complet. Les candidats à cette fonction doivent être titulaires d’un doctorat ou d’un diplôme de master 2 de droit avec au moins deux ans d’expérience professionnelle dans le domaine juridique.

Les juridictions administratives ont aujourd’hui principalement recours à trois catégories de personnels non-magistrats :

– les assistants du contentieux, agents de greffe relevant du ministère de l’Intérieur et placés au sein des tribunaux administratif et cours administratives d’appel ;

– les vacataires intervenant au titre de l’aide à la décision, agents contractuels recrutés pour une durée maximale d’un an et placés au sein des tribunaux administratif et cours administratives d’appel ;

– les assistants de justice ([297]), agents contractuels titulaires d’un diplôme de master 1 de droit, placés au sein des tribunaux administratif, des cours administratives d’appel et au Conseil d’État.

Ces personnels exercent un ensemble de tâches notamment documentaires et procédurales, dont la délimitation s’avère relativement imprécise et différente selon l’organisation du travail propre à chaque juridiction.

2.   Le dispositif adopté par le Sénat

Cet article autorise le recrutement de juristes assistants par les juridictions administratives selon un modèle identique à celui qui prévaut au sein des juridictions judiciaires. Ce déploiement de juristes assistants dans les juridictions administratives constituerait une aide précieuse pour les magistrats, confrontés à une augmentation croissante de leur charge de travail.

Les conditions de recrutement particulièrement exigeantes permettraient d’attirer des profils sensiblement plus qualifiés et expérimentés que les assistants de justice très majoritairement représentés par des étudiants en droit occupant des fonctions à temps partiel, et dont les effectifs observent une rotation régulière.

L’étude d’impact précise que ces juristes assistants auraient vocation à remplacer progressivement les assistants du contentieux et les vacataires « aides à la décision ». En 2018, on dénombre 98 assistants du contentieux et 37 vacataires « aides à la décision ». Les besoins en juristes assistants sont estimés à 200 sur cinq ans.

Cet article n’a fait l’objet d’aucune modification lors de son examen au Sénat.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

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Article 22 bis
(art. 213-5 du code de justice administrative)
Assouplissement des conditions de mobilité des magistrats administratifs

Introduit par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à assouplir les conditions de mobilité administrative des conseillers des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel en élargissant les fonctions qu’ils sont susceptibles d’exercer au sein d’administrations déconcentrées ou territoriales situées dans le ressort de leur juridiction.

  Modifications apportées par la Commission

Cet article est issu d’un amendement adopté à l’initiative de la rapporteure.

1.   L’état du droit

L’article 231-5 du code de justice administrative interdit la nomination au sein d’un tribunal administratif ou d’une cour administrative d’appel d’un conseiller qui aurait préalablement occupé certaines fonctions électives ou administratives depuis moins de trois ans dans le ressort territorial de la juridiction. Trois catégories d’incompatibilité sont ainsi prévues :

– les fonctions publiques électives ([298]) ;

– une fonction de représentant de l’État dans une région, ou de représentant de l’État dans un département, ou de délégué de celui-ci dans un arrondissement, ou de directeur régional ou départemental d’une administration publique de l’État ;

– une fonction de direction dans l’administration d’une collectivité territoriale.

Ces dispositions entravent la mobilité des magistrats administratifs, dont le niveau de recrutement et la catégorie professionnelle garantissent leur capacité à exercer des fonctions d’encadrement supérieur au sein d’administrations déconcentrées ou de collectivités territoriales.

Lors des auditions conduites par votre rapporteure, l’ensemble des syndicats de magistrats administratifs ont déploré le caractère excessivement rigide des incompatibilités précitées. En outre, celles-ci constituent un frein à l’avancement des magistrats, eu égard à l’obligation statutaire de mobilité externe qui conditionne la progression de leur carrière au sein des juridictions.

2.   La position de la Commission

Adopté à l’initiative de votre rapporteure, cet article ne maintient l’interdiction précitée que pour les fonctions publiques électives, les fonctions préfectorales et les fonctions de direction générale des services dans une collectivité territoriale de plus de 100 000 habitants. L’exercice de ces fonctions depuis moins de trois ans sur le ressort de la juridiction administrative empêchera toujours la nomination de leur titulaire au sein des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel.

Cette évolution permet d’atteindre un point d’équilibre entre le nécessaire maintien d’un régime d’incompatibilités professionnelles et le besoin légitime d’assouplir les conditions de mobilité des magistrats administratifs.

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Article 23
(art. 133-7 [nouveau], 233-7, 233-8 du code de justice administrative et art. 1er de la loi n° 86-1304 du 23 décembre 1986)
Encadrement du maintien en activité de magistrats administratifs au-delà de la limite dâge

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à prendre en considération l’intérêt du service et l’aptitude des magistrats administratifs présentant une demande de maintien en activité lorsqu’ils ont atteint l’âge limite fixé pour l’exercice de ses fonctions.

  Dernières modifications législatives intervenues

L’article 45 de la loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature a modifié l’article 76-1-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature afin de soumettre les demandes de maintien en activité des magistrats judiciaires à la prise en compte de l’intérêt du service et de l’aptitude des intéressés.

  Modifications apportées par la Commission

À l’initiative de la rapporteure, la Commission a adopté deux amendements de nature rédactionnelle.

1.   L’état du droit

L’article 233-7 du code de justice administrative prévoit que les magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel peuvent être maintenus en activité, sur leur demande, lorsqu’ils ont atteint la limite d’âge, soit 67 ans selon l’article 1er de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d’âge dans la fonction publique et le secteur public. Le maintien en activité est donc de droit.

L’article 1er de la loi n° 86-1304 du 23 décembre 1986 relative à la limite d’âge et aux modalités de recrutement de certains fonctionnaires civils de l’État prévoit une disposition identique pour les membres du Conseil d’État.

Le maintien en activité de l’ensemble des membres des juridictions administratives au-delà de la limite d’âge s’achève lorsqu’ils atteignent la limite d’âge en vigueur avant la loi du 13 septembre 1984 ([299]), soit 68 ans.

2.   Le dispositif adopté par le Sénat

Cet article encadre le maintien en activité demandé par les magistrats administratifs ayant dépassé la limite d’âge. Il crée un nouvel article 133-7-1 et modifie l’article 233-7 aux fins de soumettre la demande de maintien en activité à l’avis du Conseil supérieur du Conseil d’État (CSCE) ou du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel (CSTACAA). Ces structures collégiales seront appelées à se prononcer à la lumière d’un double critère afférent à l’intérêt du service et à l’aptitude de l’intéressé.

Il est par ailleurs précisé que le magistrat concerné ne pourrait être maintenu en activité au sein de la juridiction dont il aurait été le président.

L’examen du CSCE ou du CSTACAA mettra fin au caractère automatique du maintien en activité, celui-ci étant actuellement de droit pour les magistrats présentant une demande en ce sens. L’encadrement du maintien en activité répond à un objectif de bonne administration de la justice afin d’éviter le maintien en fonction de magistrats dont l’activité serait dénuée d’intérêt pour les juridictions.

Ces dispositions s’inspirent directement de la réforme du maintien en activité applicable aux magistrats judiciaires depuis la loi organique du 8 août 2016 qui dispose que les demandes de maintien en activité des magistrats sont transmises à la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) et instruites selon la prise en compte de leur aptitude et de l’intérêt du service ([300]).

Cet article n’a fait l’objet d’aucune modification lors de son examen au Sénat.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté cet article modifié par deux amendements rédactionnels présentés par la rapporteure.

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Chapitre II
Renforcer l’efficacité de la justice administrative

Article 24
(art. 511-2 du code de justice administrative)
Possibilité de recourir à la collégialité en matière de référés précontractuels et contractuels

Adopté par la Commission sans modification

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article autorise le renvoi de recours en référés précontractuels et contractuels devant une formation collégiale composée de trois magistrats.

  Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires a complété l’article 551-2 du code de justice administrative en précisant que les contentieux des référés « urgence » pouvaient être renvoyés à une formation collégiale composée de trois magistrats.

1.   L’état du droit

Selon le chapitre 1er du Titre V du Livre V du code de justice administrative, le traitement des contentieux des référés précontractuels ([301]) et contractuels ([302]) fait l’objet d’un jugement prononcé par un juge unique.

Cependant, la jurisprudence du Conseil d’État ([303]) admet la possibilité de renvoyer les recours en matière de référés précontractuels et contractuels devant la formation de jugement de la chambre du tribunal administratif ou de la cour administrative d’appel composée du président, du rapporteur, de l’assesseur et du rapporteur public.

Cette faculté de renvoi présente l’inconvénient majeur de bouleverser le calendrier des audiences préalablement déterminé par la chambre, alors même que les recours en référés impliquent un jugement dans des délais contraints.

L’article 62 de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires a permis d’assouplir l’organisation du traitement des contentieux en matière de référés « suspension », « liberté » et « mesures utiles » prévus par le titre II du Livre V du code de justice administrative. L’alinéa 3 de l’article 511-2 prévoit désormais que, lorsque la nature de l’affaire le justifie, le président de juridiction peut décider qu’elle sera jugée par une formation composée de trois juges des référés, sans préjudice du renvoi de l’affaire à une autre formation de jugement dans les conditions de droit commun.

2.   Le dispositif adopté par le Sénat

Le présent article prévoit d’étendre aux référés précontractuels et contractuels la possibilité pour le président de la juridiction saisie de renvoyer leur traitement devant une formation de trois juges des référés, cette faculté ne pouvant actuellement être mise en œuvre que pour les seuls référés « urgence ».

La modification proposée apparaît judicieuse car elle concilie les bénéfices de la collégialité, d’autant plus nécessaires dans des contentieux de nature économique parfois complexes tels les marchés et contrats publics, à l’impératif de célérité inhérent aux procédures de référés.

Cette souplesse d’organisation, qui ne concernerait qu’un nombre limité d’affaires (environ une dizaine par an), est très favorablement accueillie par les syndicats de magistrats administratifs ayant été auditionnés par vos rapporteurs.

Cet article n’a fait l’objet d’aucune modification lors de son examen au Sénat.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

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Article 25
(art. 911-1, 911-2, 911-3, 911-4, 911-5 du code de justice administrative et art. 2333-87, 2333-87-3 et 2333-87-8-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales)
Mesures permettant de renforcer leffectivité des décisions de justice administratives

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à renforcer l’effectivité des décisions prononcées par la juridiction administrative. Il permet notamment au juge de prescrire d’office des mesures d’exécution qu’il peut au besoin définir lui-même, de déterminer un délai dans lequel ces mesures doivent être exécutées et d’assortir d’office ses décisions d’une astreinte.

Le présent article renforce également les pouvoirs dévolus à la commission du contentieux du stationnement payant.

  Dernières modifications législatives intervenues

Créée par la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (loi dite « MAPTAM »), la commission du contentieux du stationnement payant est une juridiction administrative spécialisée à compétence nationale dont la fonction est de juger les litiges portant sur le stationnement payant.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté un amendement du Gouvernement tendant notamment à simplifier l’activité et le fonctionnement de la commission du contentieux du stationnement payant.

1.   L’état du droit

a.   Les mesures d’injonction et d’astreinte

Les articles 911-1 et 911-2 à 911-5 du code de justice administrative déterminent un ensemble de principes visant à garantir la bonne exécution des décisions de justice administrative. Ces derniers correspondent notamment aux dispositions prévues par la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 relative aux astreintes prononcées en matière administrative et à l’exécution des jugements par les personnes morales de droit public et par la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.

Ainsi, les articles 911-1 et 911-2 disposent que la juridiction administrative prescrit à l’administration, dans un délai déterminé, les mesures d’exécution et l’adoption d’une nouvelle décision administrative rendues nécessaires pour assurer l’effectivité de ses jugements. Ces injonctions adressées à l’administration ne peuvent être prononcées que si la juridiction a été saisie de conclusions en ce sens par le requérant.

L’article 911-3 prévoit que la juridiction peut, saisie de conclusions en ce sens, assortir les injonctions précitées d’une astreinte dont elle fixe la date d’effet.

Les articles 911-4 et 911-5 précisent les pouvoirs de la juridiction administrative en cas d’inexécution de ses jugements.

L’article 911-4 prévoit qu’en cas d’inexécution du jugement, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d’appel d’en assurer l’exécution. Si le jugement dont l’exécution est demandée n’a pas défini les mesures d’exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut également déterminer un délai d’exécution et prononcer une astreinte. L’article 911-5 prévoit des dispositions similaires relatives au Conseil d’État qui bénéficie au surplus d’un pouvoir de prescription d’office d’une astreinte.

b.   La commission du contentieux du stationnement payant (CCSP)

Définie à l’article 2333-87 du code général des collectivités territoriales (CGCT), la commission du contentieux du stationnement payant (CCSP) est une juridiction spécialisée ([304]) présidée par un magistrat membre du corps des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel.

La CCSP statue sur les recours formés contre les décisions individuelles relatives aux forfaits de post-stationnement émis par les collectivités territoriales ou établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à l’encontre de l’automobiliste ne s’étant pas acquitté de sa redevance de stationnement. Aux termes de l’article 2333-87-8, la CCSP condamne la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’elle détermine, dans un objectif d’équité entre les parties.

2.   Le dispositif adopté par le Sénat

Le présent article modifie les articles 911-1, 911-2 et 911-3 en supprimant l’exigence selon laquelle la juridiction doit être impérativement saisie de conclusions présentées par le requérant afin d’enjoindre l’administration à prendre des mesures d’exécution ou de prononcer une astreinte à son encontre.

Il s’agit d’ancrer dans la loi la jurisprudence du Conseil d’État ([305]) qui a reconnu au juge administratif la possibilité de prescrire d’office des mesures devant être mises en œuvre par l’administration. De plus, cette réforme permettra également aux tribunaux administratifs et cours administratives d’appel de prononcer d’office une astreinte à l’encontre de l’administration, cette prérogative étant seulement, en l’état du droit, accordée au Conseil au titre de l’article 911-5.

Ces modifications tendent à renforcer l’effectivité des décisions prononcées par les juridictions administratives, en garantissant leur bonne exécution dans les meilleurs délais. Elles visent également à combattre l’inflation contentieuse qu’impliquent les re-saisines des juridictions par les requérants ayant dans un premier temps oublié de demander au juge d’enjoindre l’administration, le cas échéant sous astreinte, à mettre en œuvre la mesure d’exécution nécessaire ou de prendre une nouvelle décision conformément au jugement rendu.

Les articles 911-4 et 911-5 font l’objet d’une nouvelle rédaction, dans un souci de simplification et de cohérence rédactionnelle.

Poursuivant une logique identique de bonne administration de la justice et de fluidification du traitement de ces contentieux, le nouvel article 2333-87-8-1 du CGCT autorise la CCSP à prononcer une injonction à l’encontre de la collectivité territoriale ou de l’EPCI afin de restituer aux automobilistes requérants les sommes qu’ils auraient indûment versées à l’administration dans l’hypothèse où le jugement de la CCSP aurait annulé le forfait de post-stationnement. Le versement préalable de ces sommes constitue une condition de recevabilité du recours contentieux formé devant la CCSP.

Cet article n’a fait l’objet d’aucune modification lors de son examen au Sénat.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté cet article complété par un amendement du Gouvernement, qui tend à simplifier l’activité et le fonctionnement de la CCSP, dans un souci de bonne administration de la justice.

L’amendement ainsi adopté prévoit la possibilité pour la CCSP de notifier des avis de paiement rectificatifs par courrier simple et de distinguer les membres de la CCSP selon qu’ils siègent à titre permanent ou non.

Enfin, cet amendement permet également de ratifier l’ordonnance            n° 2015-45 du 23 janvier 2015 relative à la commission du contentieux du stationnement payant et l’ordonnance n° 2015-401 du 9 avril 2015 relative à la gestion, au recouvrement et à la contestation du forfait de post-stationnement.

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Article 25 bis A
(art. 611-1, 77-13-1, 77-13-2 [abrogé] et 775-2 [abrogé] du code de justice administrative)
Protection du secret des affaires

Introduit par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit le caractère suspensif du recours devant la juridiction administrative dirigé contre une ordonnance exigeant la communication d’une pièce couverte par le secret des affaires.

  Dernières modifications législatives intervenues

L’article 3 de la loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires a créé les articles 611-1 et 77-13-2 du code de justice administrative. L’article 611-1 adapte les règles du contradictoire à celles protégeant le secret des affaires, et l’article 77-13-2 prévoit le caractère suspensif de recours contentieux circonscrits à la prévention, la cessation ou la réparation d’une atteinte au secret des affaires et aux contentieux indemnitaires du fait des pratiques anticoncurrentielles.

  Modifications apportées par la Commission

Cet article est issu d’un amendement adopté à l’initiative de M. Jean Terlier (LaREM).

Dans le cadre des procédures engagées devant le juge administratif, le présent article consacre le caractère suspensif du recours dirigé contre une ordonnance qui exige la communication d’une pièce couverte par le secret des affaires, quelle que soit la nature du litige sur lequel statue le juge administratif.

Si une telle mesure relève du niveau réglementaire dans l’ordre judiciaire, l’intervention du législateur est requise en matière administrative. Il s’agit d’élargir les dispositions prévues aux articles 77-3-2 et 775-2 du code de justice administrative résultant de la loi du 30 juillet 2018, dont l’application était limitée aux seuls litiges relatifs à la prévention, cessation ou réparation d’une atteinte au secret des affaires ainsi qu’aux contentieux indemnitaires afférents aux pratiques anticoncurrentielles.

Dans une perspective de renforcement des garanties procédurales en faveur des justiciables, cette évolution vise à préserver l’effet utile de l’aménagement des règles du contradictoire afin d’éviter la communication de pièces dont le juge de cassation pourrait estimer en dernière instance qu’elles sont protégées par le secret des affaires.

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Article 25 bis
(art. L. 228-2 et L. 228-5 du code de la sécurité intérieure et
L. 773-10 [nouveau] du code de justice administrative)
Contestation devant le juge administratif des mesures
individuelles de contrôle administratif et de surveillance

Supprimé par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article tire les conséquences de deux décisions du Conseil constitutionnel, du 16 février et du 29 mars 2018, relatives aux modalités de contrôle par le juge administratif des mesures individuelles de contrôle et de surveillance prises par le ministre de l’intérieur à l’encontre d’une personne représentant une menace terroriste grave.

  Dernières modifications législatives intervenues

Ces mesures ont été instituées par la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.

  Modifications apportées au Sénat

Le présent article est issu de l’adoption par le Sénat d’un amendement du Gouvernement, sous-amendé par sa commission des Lois contre l’avis de ce dernier.

  Modifications apportées par la Commission

Sur proposition de votre rapporteur et avec l’avis favorable du Gouvernement, la Commission a supprimé cet article pour le déplacer après l’article 42, au sein d’un nouveau chapitre dédié au terrorisme et au crime organisé.

Votre rapporteur renvoie au commentaire de l’article 42 bis AB pour plus de précisions.

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Article 25 ter
(art. L. 229-1, L. 229-4 et L. 229-5 du code de la sécurité intérieure)
Extension du régime procédural prévu pour la saisie administrative de données et supports informatiques aux documents saisis

Supprimé par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article tire les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 29 mars 2018 qui a censuré les règles applicables à la saisie, l’exploitation, la conservation et la restitution de documents et d’objets saisis à l’occasion d’une visite administrative aux fins de prévention d’un acte de terrorisme.

  Dernières modifications législatives intervenues

Ces règles ont été créées par la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.

  Modifications apportées au Sénat

Le présent article est issu de l’adoption par le Sénat d’un amendement du Gouvernement, avec l’avis favorable de sa commission des Lois.

  Modifications apportées par la Commission

Sur proposition de votre rapporteur et avec l’avis favorable du Gouvernement, la Commission a supprimé cet article pour le déplacer après l’article 42, au sein d’un nouveau chapitre dédié au terrorisme et au crime organisé.

Votre rapporteur renvoie au commentaire de l’article 42 bis AC pour plus de précisions.

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Article 25 quater
(art. L. 285-1, L. 286-1, L. 287-1 et L. 288-1 du code de la sécurité intérieure)
Application outre-mer des articles 25 bis et 25 ter

Supprimé par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article rend applicables outre-mer les modifications apportées au droit existant par les deux articles précédents.

  Modifications apportées au Sénat

Le présent article est issu de l’adoption par le Sénat d’un amendement du Gouvernement, avec l’avis favorable de sa commission des Lois.

  Modifications apportées par la Commission

Sur proposition de votre rapporteur et avec l’avis favorable du Gouvernement, la Commission a supprimé cet article pour en inscrire les dispositions à l’article 57, qui règle les modalités d’entrée en vigueur outre-mer du projet de loi.

Votre rapporteur renvoie au commentaire de l’article 57 pour plus de précisions.

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TITRE IV
DISPOSITIONS PORTANT SIMPLIFICATION ET RENFORCEMENT
DE L’EFFICACITÉ DE LA PROCÉDURE Pénale

Chapitre Ier
Dispositions relatives au parcours judiciaire des victimes

Article 26
(art. 10-2, 15-3, 15-3-1 [nouveau], 40-4-1, 89, 391, 393-1, 420-1 et 706-57 du code de procédure pénale)
Amélioration du parcours judiciaire de la victime

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à faciliter certaines démarches judiciaires des victimes, en ouvrant la possibilité de dématérialiser le dépôt de plainte ou la constitution de partie civile avant une audience, en assouplissant les conditions dans lesquelles certaines victimes peuvent déclarer leur adresse professionnelle dans une procédure pénale et en permettant le renvoi de l’affaire sur l’action civile quand la victime n’a pas été informée de l’audience.

  Dernières modifications législatives intervenues

La liste des droits des victimes au cours de la procédure pénale résulte de la loi du 17 août 2015 portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne, qui a regroupé et précisé les dispositions éparses relatives aux victimes qui figuraient auparavant dans le code de procédure pénale.

  Modifications apportées au Sénat

Tout en approuvant cette facilitation des démarches des victimes, le Sénat a exclu la possibilité de déposer plainte en ligne pour les crimes et délits commis contre les personnes, prévu que soit expressément fait mention, au moment du dépôt de la plainte par voie électronique, des poursuites encourues en cas de dénonciation calomnieuse et interdit que la plainte par voie électronique soit imposée à la victime. Par ailleurs, il a supprimé la possibilité de renvoyer l’affaire sur l’action civile quand la victime n’a pas été informée de l’audience.

  Modifications apportées par la Commission

Avec le soutien du Gouvernement, la Commission a adopté des amendements revenant sur des modifications opérées par le Sénat, clarifier l’obligation pour les forces de sécurité de recevoir une plainte et préciser les modalités d’audition et d’accompagnement de la victime après un dépôt de plainte en ligne.

A.   L’État du droit

Les victimes d’infractions pénales disposent d’un certain nombre de droits consacrés par le code de procédure pénale – dont l’article préliminaire prévoit que « lautorité judiciaire veille à linformation et à la garantie des droits des victimes au cours de toute procédure pénale » – et qui trouvent à se concrétiser tout au long de la procédure judiciaire.

Principaux droits des victimes au cours d’une procédure pénale

Le sous-titre III du titre préliminaire du code de procédure pénale traite des droits des victimes d’être informées, par les officiers et agents de police judiciaire, de leurs droits :

– d’obtenir réparation de leur préjudice ;

– de se constituer partie civile et, le cas échéant, d’être assistées d’un avocat ;

– d’être aidées par un service ou une association daide aux victimes ;

– de saisir, le cas échéant, la commission d’indemnisation des victimes d’infraction ;

– d’être informées sur les mesures de protection dont elles peuvent bénéficier, des peines encourues par les auteurs des violences et des conditions dexécution des éventuelles condamnations ;

– si nécessaire, de bénéficier dun interprète et dune traduction des informations indispensables à l’exercice de leurs droits ;

– le cas échéant, d’être accompagnées, à leur demande, à tous les stades de la procédure, par leur représentant légal et la personne majeure de leur choix, sauf décision contraire de l’autorité judiciaire ;

– de déclarer comme domicile l’adresse d’un tiers, sous réserve de son accord ;

– de faire lobjet dune évaluation personnalisée afin de déterminer si elles ont besoin de mesures spécifiques de protection.

Parmi ces droits, certains revêtent une importance particulière pour la connaissance, par l’autorité judiciaire, des faits subis par la victime ainsi que l’association de cette dernière aux investigations et au jugement des auteurs.

1.   Le dépôt de plainte

De manière générale, les services de police et de gendarmerie ont l’obligation « de recevoir les plaintes déposées par les victimes dinfractions à la loi pénale et de les transmettre, le cas échéant, au service ou à lunité de police judiciaire territorialement compétent » (article 15-3).

Ce dépôt de plainte doit faire l’objet d’un procès-verbal et donner lieu à la délivrance immédiate d’un récépissé à la victime, mentionnant les délais de prescription de l’action publique et la possibilité d’interrompre le délai de prescription par le dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile.

Si le dépôt de plainte se fait aujourd’hui par le déplacement physique de la victime présumée dans un commissariat de police ou une brigade de gendarmerie, plusieurs expériences numériques sont en cours de développement afin, dune part, de faciliter la démarche des victimes et, dautre part, daméliorer lanalyse, le rapprochement et le traitement des infractions :

– depuis 2009, la plateforme PHAROS ([306]), relevant de l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication, permet de signaler en ligne certains contenus et comportements illicites observés sur internet (pédophilie, pédopornographie, racisme, antisémitisme, xénophobie, incitation à la haine raciale, ethnique ou religieuse, terrorisme et apologie du terrorisme, escroqueries et arnaques financières en ligne) susceptibles de constituer des infractions pénales et de donner lieu à l’ouverture d’une enquête ;

– la plateforme PERCEVAL ([307]), initiée en 2015 par la direction générale de la gendarmerie nationale et ouverte en juin 2018, permet le signalement en ligne dusages frauduleux de cartes bancaires sur internet ;

– la plateforme THESEE, développée depuis 2014 par la direction générale de la police nationale, permettra prochainement le dépôt de plaintes en ligne en matière de cyber-escroqueries (escroqueries à la petite annonce et à la romance, chantages à la webcam, faux sites de vente, usurpation de boîte mail, rançongiciels…).

2.   La constitution de partie civile

La plainte avec constitution de partie civile constitue, avec la citation directe, l’une des deux formes d’action pour la victime prétendue d’une infraction (articles 85 à 91-1). La plainte avec constitution de partie civile consiste dans une lettre adressée au juge dinstruction ou une déclaration devant lui consignée sur procès-verbal. Traditionnellement, la partie civile doit verser une consignation, sauf si elle bénéficie de l’aide juridictionnelle, en vue d’éviter les démarches abusives ou dilatoires. La constitution de partie civile n’est recevable que si la personne justifie que le procureur de la République n’engagera pas lui-même des poursuites ou que si un délai de trois mois s’est écoulé depuis qu’elle a déposé plainte devant ce magistrat.

La constitution de partie civile a pour effet de faire de la victime une partie au procès pénal et de lui conférer certains droits comme celui :

– de déclarer, à la place de son adresse personnelle, l’adresse d’un tiers, sous réserve de l’accord exprès de celui-ci (articles 40-4-1 et 89) ;

– d’être entendue par le juge d’instruction en présence de son conseil à la disposition duquel la procédure doit être mise avant son audition (article 114) ;

– de se voir signifiée les actes importants de la procédure (articles 89 et 183) ;

– de faire valoir ses preuves et de formuler des demandes d’acte ou de présenter des requêtes en annulation (article 89-1) ;

– dans certaines procédures, d’être avisée, tous les six mois, de l’état d’avancement de l’information (article 90-1) ;

– d’obtenir des dommages-intérêts en réparation de son préjudice, la juridiction devant statuer sur sa demande (articles 91, 371, 418, 464, 536 et 539) ;

– de contester les ordonnances du juge d’instruction lui faisant grief, les jugements et décisions des tribunaux et cours d’assises quant à ses intérêts civils (articles 186, 186-1, 497, 567 et 573).

La constitution de partie civile est aussi possible à laudience de jugement ou par lettre recommandée avec avis de réception ou télécopie parvenue au tribunal vingt‑quatre heures au moins avant la date de l’audience (article 420‑1).

L’article 393-1 oblige le procureur de la République à aviser par tout moyen la victime, qu’elle se soit, ou non, constituée partie civile, de la date de l’audience lorsqu’il décide d’engager des poursuites selon la procédure de comparution immédiate ou de convocation par procès-verbal, afin de lui permettre d’être présente si elle le souhaite.

B.   Le dispositif proposé

1.   Le projet de loi initial

Le présent article vise, à titre principal, à faciliter pour la victime d’une infraction pénale l’exercice d’un certain nombre de ces droits.

a.   La dématérialisation de certaines démarches

En premier lieu, il ouvre la possibilité de déposer plainte et de se constituer partie civile à l’audience de manière dématérialisée.

Aux termes du nouvel article 15-3-1 du code de procédure pénale, la victime pourra porter plainte en ligne, dans des cas et selon des modalités fixés par le pouvoir réglementaire (I).

Le procès-verbal de réception de la plainte et le récépissé ainsi que, le cas échéant, la copie du procès-verbal, lui seront adressés de manière dématérialisée par le recours à une signature électronique et numérique. La plainte ainsi déposée pourra être traitée conjointement avec d’autres si elles sont susceptibles de faire l’objet de recoupements ou sera transférée au procureur de la République et aux services enquêteurs territorialement compétents selon les règles de droit commun.

La victime pourra également se constituer partie civile à l’audience par voie dématérialisée, et non plus seulement par lettre recommandée avec avis de réception ou par télécopie. L’irrecevabilité tirée du non-respect du délai de vingt‑quatre heures avant la date de l’audience ne lui sera pas opposable dès lors que « le tribunal [en] a effectivement eu connaissance, avant les réquisitions du ministère public sur le fond » (VI).

La dématérialisation de ces deux démarches ne constituera qu’une faculté laissée à la victime, qui conservera la liberté de se déplacer dans un service enquêteur ou d’adresser un courrier au procureur de la République.

b.   L’élargissement des possibilités pour certaines victimes de ne pas déclarer leur adresse personnelle

En deuxième lieu, cet article reconnaît aux victimes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public, de déclarer leur adresse professionnelle sans l’accord exprès de leur employeur ou du parquet, lorsque l’infraction a été commise en raison de leurs fonctions ou missions, ce qui concernera principalement les policiers et gendarmes.

Cette possibilité est inscrite dans les droits généraux de la victime énumérés à l’article 10-2 du code de procédure pénale (II) et ouverte à la partie civile qui se constitue devant le juge d’instruction (III) ainsi qu’aux témoins (VII).

c.   Le renforcement des droits de la victime devant le tribunal correctionnel

En dernier lieu, le présent article tend à éviter le renvoi du procès sur l’action publique en raison de l’absence de la victime.

À cette fin, il prévoit que lorsqu’il n’est pas établi que la victime a effectivement été avisée de la date d’audience, le tribunal pourra statuer sur l’action publique dès lors « quil estime que la présence de la victime nest pas indispensable aux débats » mais devra renvoyer le jugement de l’affaire sur l’action civile à une audience ultérieure (IV et V).

2.   Les modifications opérées par le Sénat

Le Sénat a approuvé ces dispositions sous les réserves suivantes, toutes adoptées contre l’avis du Gouvernement :

– sur proposition de ses rapporteurs, la commission des Lois a exclu la possibilité de déposer plainte en ligne pour les crimes et délits commis contre les personnes ;

– à l’initiative de Mme Josiane Costes et de plusieurs sénateurs du groupe Rassemblement démocratique et social européen, il a été prévu que soit expressément fait mention, au moment du dépôt de la plainte par voie électronique, des poursuites encourues en cas de dénonciation calomnieuse et, sur proposition de M. Jacques Bigot et plusieurs sénateurs du groupe Socialiste et républicain, a été ajoutée une disposition interdisant que la plainte par voie électronique soit imposée à la victime ;

– sur proposition de M. Jacques Bigot et plusieurs sénateurs du groupe Socialiste et républicain, la disposition permettant que le procès sur laction publique se tienne en labsence de la victime à qui un avis a été adressé mais dont il nest pas certain quil a été reçu a été supprimée.

3.   La position de la Commission

La Commission est revenue sur certaines modifications apportées au texte par le Sénat. Suivant l’avis favorable de votre rapporteur, elle a adopté des amendements :

–  du Gouvernement supprimant la mention des poursuites encourues en cas de dénonciation calomnieuse ;

–  du Gouvernement, de Mme Bérengère Couillard (groupe de La République en marche) et de Mme Laurence Vichnievsky (groupe du Mouvement démocrate et apparentés) afin de rétablir la possibilité de déposer plainte en ligne en cas d’atteinte aux personnes et ainsi, d’une part, simplifier les démarches judiciaires des victimes et, d’autre part, permettre la mise en place de plateformes spécifiques pour les infractions sexuelles ou en ligne.

Par ailleurs, sur proposition de votre rapporteur et de M. Stéphane Mazars et les membres du groupe de La République en marche, avec l’avis favorable du Gouvernement, elle a clarifié les dispositions de l’article 15-3 du code de procédure pénale relatives à l’obligation de recevoir une plainte, en autorisant les agents de police judiciaire à les prendre en compte au même titre que les officiers, et en précisant la portée de cette obligation lorsque la plainte est déposée dans un service ou une unité territorialement incompétents.

La Commission a également adopté un amendement du Gouvernement, suivant l’avis favorable de votre rapporteur, précisant que le dépôt d’une plainte en ligne par la victime ne dispenserait pas les enquêteurs de procéder à son audition à une date susceptible d’être fixée au moment du dépôt de la plainte et s’accompagnerait d’une information de la victime sur ses droits.

Enfin, sur proposition du Gouvernement et avis favorable de votre rapporteur, elle a rétabli le IV sur le renvoi par le tribunal correctionnel de laudience sur les intérêts civils, dans une version améliorée faisant de ce renvoi une simple faculté et le réservant aux cas où lavis à victime lui aurait été adressé sans quil soit certain quelle lait reçu.

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Article 26 bis
(art. 707 du code de procédure pénale)
Information de la victime sur les modalités
dexécution dune peine privative de liberté

Adopté par la Commission sans modification

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article modifie les conditions d’information de la victime au stade de l’exécution de la peine afin de l’aviser des conditions de sortie de prison de la personne condamnée pour les faits qu’elle a subis.

  Dernières modifications législatives intervenues

Le cadre applicable aux droits de la victime au cours de l’exécution de la peine, dont les intérêts sont pris en compte depuis la loi du 10 mars 2010 tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle, résulte de l’adoption de la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales, qui a consacré l’ensemble des principes ayant vocation à régir l’exécution des peines prononcées par les juridictions pénales.

  Modifications apportées au Sénat

Le présent article est issu de l’adoption par le Sénat d’un amendement Les Républicains avec l’avis favorable de sa commission des Lois mais contre celui du Gouvernement.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

Le présent article résulte de l’adoption par le Sénat d’un amendement de M. Henri Leroy et plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains, suivant l’avis favorable de sa commission des Lois mais contre celui du Gouvernement.

Il modifie les conditions d’information de la victime sur l’exécution de la peine de l’auteur des faits.

La place de la victime dans l’exécution de la peine

Parmi les dispositions du code de procédure pénale prenant en compte les intérêts de la victime au stade de l’exécution de la peine, on peut citer :

 la possibilité pour les juridictions de l’application des peines de procéder à toutes investigations utiles sur les conséquences des mesures d’individualisation de la peine au regard de la situation de la victime, dont les observations écrites peuvent être recueillies avant toute décision d’aménagement (article 712-16-1) ;

 la possibilité pour ces mêmes juridictions d’assortir toute décision d’individualisation d’une interdiction d’entrer en relation avec la victime ou la partie civile et de paraître à proximité de son domicile et de son lieu de travail, la victime étant destinataire d’un avis l’informant de cette interdiction et des conséquences potentielles de sa violation par le condamné ; cette faculté est obligatoire, sauf décision contraire motivée, dans les procédures relatives à une infraction de nature sexuelle, dans lesquelles la victime peut demander à être informée de la date de libération de la personne condamnée, lorsque celle-ci intervient à la date d’échéance de la peine (article 712-16-2) ;

 la possibilité pour le juge de l’application des peines de soumettre le condamné ayant bénéficié d’un crédit de réduction de peine ou d’une réduction supplémentaire de peine à l’interdiction de rencontrer ou à l’obligation d’indemniser la partie civile après sa libération : en cas d’inobservation de ces mesures, le condamné peut se voir retirer ses réductions de peines conditionnelles et être réincarcéré (article 721-2) ;

 la possibilité pour l’avocat de la partie civile qui en fait la demande de faire valoir ses observations, en débat contradictoire, devant les juridictions de l’application des peines pour les demandes de libération conditionnelle concernant des personnes condamnées à une peine d’emprisonnement égale ou supérieure à cinq ans ou à une peine de réclusion criminelle (article 730) et pour les demandes de relèvement de la période de sûreté ou de suspension de peine pour raison médicale qui relèvent de la compétence du tribunal de l’application des peines (article D. 49-74) ;

 l’extension de la formation de la chambre de l’application des peines, compétente pour connaître de l’appel des décisions rendues par le tribunal de l’application des peines en matière de libération conditionnelle, de relèvement de la période de sûreté et de suspension de peine, à un représentant d’une association de réinsertion des détenus et à un représentant d’une association d’aide aux victimes (articles 712-13 et 712-7) ;

 en cas de condamnation à du sursis avec mise à l’épreuve, le droit de la victime à être informée de la date de fin de la mise à l’épreuve comportant notamment une interdiction de paraître en certains lieux et d’entrer en relation avec la victime (article 745) ;

 la compétence des services de police et de gendarmerie pour appréhender, d’office ou sur instruction du juge de l’application des peines ou, en cas d’urgence, du procureur de la République, toute personne ayant manqué à ses obligations, notamment une interdiction d’entrer en relation avec certaines personnes, dont la victime, ou de paraître en un lieu (article 712-16-3).

En l’état du droit, en vertu du IV de l’article 707 du code de procédure pénale, la victime d’une infraction pénale se voit reconnaître plusieurs droits au cours de l’exécution de la peine de la personne condamnée pour cette infraction :

– celui de saisir l’autorité judiciaire de toute atteinte à ses intérêts () ;

– celui d’obtenir la réparation de son préjudice, par l’indemnisation de celui-ci ou par tout autre moyen adapté, y compris, s’il y a lieu, en se voyant proposer une mesure de justice restaurative () ;

– le droit d’être informée, si elle le souhaite, de la fin de l’exécution d’une peine privative de liberté, dans les cas et conditions prévus au code de procédure pénale () ;

– la prise en compte, s’il y a lieu, de la nécessité de garantir sa tranquillité et sa sûreté ().

Le présent article vise à prévoir, au 3°, que la victime a le droit d’être « informée, si elle le souhaite, des modalités d’exécution d’une peine privative de liberté, notamment les conditions de sortie d’incarcération », dans les cas et conditions prévus au code de procédure pénale.

Pour les sénateurs à l’origine de cette disposition, l’objectif est de permettre à la victime de « connaître le statut carcéral de son agresseur pratiquement en temps réel », de « suivre un agresseur dont la peine a été aménagée et dinformer la victime notamment si celui-ci vient habiter à côté de chez elle, sil a été arrêté pour une nouvelle infraction, si son statut légal change » ([308]).

La Commission a adopté cet article sans modification.

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Article 26 ter
(art. L. 217-5 [nouveau] du code de lorganisation judiciaire, 706-16-1 et 706-16-2 [nouveaux]
du code de procédure pénale et L. 422-1-1 [nouveau] et L. 422-2 du code des assurances)
Simplification et sécurisation du parcours procédural
dindemnisation des victimes dactes de terrorisme

Supprimé par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à simplifier et sécuriser le parcours procédural d’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme :

– en confiant à un juge civil unique et spécialisé, situé à Paris, la compétence de statuer sur l’ensemble des litiges liés à la reconnaissance de leur droit à indemnisation, à l’organisation d’une expertise judiciaire et à la réparation de leur préjudice ;

– en supprimant la compétence des juridictions pénales pour connaître de l’action civile en réparation du dommage causé par une infraction terroriste, sous réserve des droits reconnus à la partie civile durant la procédure pénale ;

– en renforçant les garanties d’impartialité du médecin appelé à intervenir, durant la phase amiable, pour l’évaluation du préjudice subi et en dotant le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI) des moyens de remplir sa mission.

  Dernières modifications législatives intervenues

Les dernières modifications législatives intervenues dans cette matière concernent, d’une part, l’extension de la prise en charge des frais de santé des victimes d’actes de terrorisme par la loi du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017 et, d’autre part, l’attribution d’une nouvelle ressource au FGTI – la part des valeurs pécuniaires d’une personne détenue affectée à l’indemnisation des parties civiles qui n’a pas été réclamée – par la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales.

  Modifications apportées au Sénat

Le présent article est issu de l’adoption par le Sénat d’un amendement du Gouvernement, suivant l’avis favorable de sa commission des Lois.

  Modifications apportées par la Commission

Sur proposition de votre rapporteur et avec l’avis favorable du Gouvernement, la Commission a supprimé cet article pour le déplacer après l’article 42, au sein d’un nouveau chapitre dédié au terrorisme et au crime organisé.

Votre rapporteur renvoie au commentaire de l’article 42 bis AA pour plus de précisions.

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Chapitre II
Dispositions relatives aux phases denquête et dinstruction

Section 1
Dispositions communes aux enquêtes et à linstruction

Sous-section 1
Dispositions relatives au recours aux interceptions par la voie des communications électroniques, à la géolocalisation, à lenquête sous pseudonyme et aux techniques spéciales denquête

La présente sous-section vise à simplifier et harmoniser les règles applicables à certaines techniques d’investigation susceptibles d’être utilisées dans le cadre d’une information judiciaire ou d’une enquête, pour certaines infractions de droit commun ou lorsque ces infractions relèvent de la délinquance et de la criminalité organisées.

TECHNIQUES SUSCEPTIBLES D’ÊTRE MISES EN ŒUVRE POUR LA RECHERCHE ET LA POURSUITE DES AUTEURS D’INFRACTIONS

Disposition du code de procédure pénale

Procédure

Techniques

Infractions de droit commun

Articles 60-1 et 60-2

Enquête de flagrance

Réquisitions adressées à une personne physique ou morale de remise d’informations ou de données utiles à la manifestation de la vérité

Articles 77-1-1 et 77‑1-2

Enquête préliminaire

Articles 99-3 et 99-4

Information judiciaire

Article 77-1

Enquête préliminaire

Recours à une personne qualifiée pour des constatations, des examens techniques ou scientifiques

Article 100

Information judiciaire

Interceptions de correspondances

Articles 230-1 et 230‑2

Enquêtes ou information judiciaire

Opérations techniques de déchiffrement

Articles 230-32 et 230-33

Enquêtes ou information judiciaire

Géolocalisation

Infractions relevant de la délinquance et criminalité organisées

Articles 706-81 et 706-87

Enquêtes ou information judiciaire

Infiltration

Article 706-87-1

Enquêtes ou information judiciaire

Enquête sous pseudonyme

Article 706-95

Enquête de flagrance ou préliminaire

Interceptions de correspondances électroniques

Article 706-95-1

Enquête de flagrance ou préliminaire

Accès aux correspondances stockées sur internet et protégées au moyen d’un identifiant numérique

Article 706-95-2

Information judiciaire

Article 706-95-4

Enquête de flagrance ou préliminaire

IMSI-catcher aux fins :

– de recueil des données techniques de connexion permettant l’identification d’un équipement ou du numéro d’abonnement de son utilisateur ainsi que des données relatives à la localisation d’un équipement

–  d’interception des correspondances émises ou reçues par un équipement

Article 706-95-5

Information judiciaire

Article 706-96

Enquête de flagrance ou préliminaire

Sonorisations de lieux ou véhicules privés ou publics et fixations d’images dans un lieu privé

Article 706-96-1

Information judiciaire

Article 706-102-1

Enquête de flagrance ou préliminaire

Cheval de Troie dans un système informatique pour en capter les données, les enregistrer, les conserver et les transmettre telles qu’elles sont stockées, telles qu’elles s’affichent sur un écran, telles qu’elles sont introduites ou telles qu’elles sont reçues et émises par des périphériques audiovisuels

Article 706-102-2

Information judiciaire

Article 27
(art. 60-4, 77-1-4 [nouveaux], 100, 100-1, 230-32 à 230-35, 230-45,
706-1-1, 706-1-2, 706-72, 70695, 706-95-5 à 706-95-10 et
709-1-3 du code de procédure pénale et 67 bis 2 du code des douanes)
Mise en cohérence des dispositions relatives aux interceptions des communications électroniques et à la géolocalisation

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article apporte de la cohérence aux conditions dans lesquelles il peut être recouru, au stade de l’enquête et de l’instruction, à deux techniques d’enquête, les interceptions de correspondances électroniques et la géolocalisation, en fixant à trois ans le seuil d’emprisonnement encouru permettant leur mise en œuvre.

  Dernières modifications législatives intervenues

Le cadre applicable à ces deux techniques a été modifié, d’une part, par la loi du 28 mars 2014 relative à la géolocalisation, visant à remédier au vide juridique consécutif à deux arrêts de la Cour de cassation du 22 octobre 2013 interprétant la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, et, d’autre part, la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, qui a renforcé les moyens des services de police et de justice en matière de lutte contre la délinquance et la criminalité organisées.

  Modifications apportées au Sénat

Le Sénat a approuvé certaines des évolutions portées par cet article mais est revenu sur le seuil d’emprisonnement unique permettant les interceptions au stade de l’enquête, en le relevant de trois à cinq ans, et supprimé la procédure d’autorisation en urgence pour la mise en place de ces interceptions.

  Modifications apportées par la Commission

Sur proposition du Gouvernement et de parlementaires et suivant l’avis favorable de votre rapporteur, la Commission a maintenu le seuil de peine encourue de trois ans pour les interceptions susceptibles d’être mises en œuvre au stade de l’enquête et rétabli la possibilité pour le procureur de la République de les autoriser seul en cas d’urgence, dans des conditions cependant mieux définies.

Les services enquêteurs peuvent, en vue de constater des infractions, d’en rassembler les preuves et d’en rechercher les auteurs, utiliser plusieurs techniques. L’usage de ces techniques, susceptible de porter atteinte aux droits et libertés des personnes, est encadré par le code de procédure pénale en fonction de la nature et de la gravité de l’infraction en cause d’une part, et du cadre procédural dans lequel la technique est sollicitée d’autre part. Parmi ces techniques figurent les interceptions de correspondances émises par la voie des communications électroniques et la géolocalisation. L’article 27 du projet de loi vise à répondre aux difficultés soulevées par l’état du droit en la matière qui, d’une part, réserve les interceptions au cours de l’enquête aux faits de délinquance et criminalité organisées alors que tel n’est pas le cas à l’instruction, et, d’autre part, comporte deux seuils de recours à la géolocalisation, assortis de deux exceptions.

A.   Les interceptions de correspondances Électroniques

1.   L’état du droit

Les interceptions de correspondances émises par la voie des communications électroniques sont permises :

– à l’instruction, pour toute infraction criminelle ou délictuelle si la peine encourue est égale ou supérieure à deux ans d’emprisonnement, sur décision et sous le contrôle du juge d’instruction, pour une durée de quatre mois renouvelable mais ne pouvant excéder un an ou deux ans si l’infraction relève de la délinquance ou de la criminalité organisée (articles 100 à 100-7 du code de procédure pénale) ;

– dans le cadre d’une enquête de flagrance ou préliminaire pour les besoins d’une enquête relative à une infraction relevant de la délinquance ou de la criminalité organisée, sur décision et sous le contrôle du juge des libertés et de la détention, pour une durée d’un mois renouvelable une fois (article 706-95 du même code).

2.   Le dispositif proposé

a.   Le projet de loi initial

Le présent article harmonise, pour lenquête et linstruction, le champ des infractions justifiant des interceptions de correspondances électroniques, qui seront possibles pour tous les crimes et délits punis dau moins trois ans demprisonnement, et tous les délits punis demprisonnement lorsque linterception devra avoir lieu sur la ligne de la victime et à sa demande (appels téléphoniques malveillants, harcèlement sexuel ou moral par téléphone…).

Le choix du seuil de trois ans, déjà retenu par le droit actuel pour de nombreuses autres dispositions de procédure (mandat de recherche, détention provisoire, gel et confiscation de biens, anonymisation des enquêteurs et témoins…) permet de couvrir un large spectre d’infractions pour lesquelles cette technique pourrait être utile. L’évolution proposée constitue un abaissement du seuil d’emprisonnement permettant les interceptions au stade de l’enquête et un accroissement d’une année de celui applicable à l’instruction.

Ces dispositions figureront au sein d’un nouvel article 60-4 du code de procédure pénale s’agissant de l’enquête de flagrance (I), auquel un nouvel article 77-1-4 fait référence pour l’enquête préliminaire (II), et par la modification de l’article 100 du même code autorisant les interceptions durant l’information judiciaire (III). Les dispositions relatives aux interceptions permises dans les enquêtes en matière de délinquance et de criminalité organisées sont en conséquence abrogées (IV).

Les règles entourant la mise en œuvre des interceptions demeureront inchangées, telles que la nécessité, sauf cas d’urgence, d’une autorisation préalable par le juge des libertés et de la détention durant l’enquête, et le maintien de durées d’autorisation différentes pour l’instruction et l’enquête, justifiées notamment par le caractère non contradictoire de cette dernière.

Labaissement du seuil demprisonnement permettant les interceptions au stade de lenquête est compensé par un renforcement des garanties conditionnant leur mise en œuvre, en particulier :

– la communication au juge des libertés et de la détention des procès‑verbaux dressés en exécution de son autorisation ;

– la possibilité pour celui-ci d’ordonner leur destruction et du support des enregistrements « sil estime que les opérations nont pas été réalisées conformément à son autorisation ou que les dispositions applicables du présent code nont pas été respectées », cette décision pouvant faire l’objet d’un appel du procureur de la République devant le président de la chambre de l’instruction dans un délai de dix jours.

b.   Les modifications opérées par le Sénat

La commission des Lois du Sénat a accepté l’extension des possibilités de recours aux interceptions judiciaires et leur utilisation lors d’enquêtes portant sur des infractions de droit commun, sous les réserves suivantes, adoptées à l’initiative de ses rapporteurs :

– fixer le seuil demprisonnement permettant les interceptions au stade de lenquête de flagrance à cinq ans au lieu de trois ;

– exiger une ordonnance motivée du juge dinstruction lorsque les interceptions seraient autorisées dans le cadre d’une information judiciaire ;

– que les interceptions soient ordonnées durant l’enquête ou l’information judiciaire, la motivation de l’autorisation devant se faire « par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations sont nécessaires » ;

– supprimer, durant lenquête, la procédure durgence qui permet, en l’état actuel du droit, au procureur de la République d’autoriser des interceptions pour une durée de vingt-quatre heures, sous le contrôle a posteriori du juge des libertés et de la détention.

Le Sénat, sur proposition de sa commission des Lois et malgré l’avis défavorable du Gouvernement, a également relevé à cinq ans le seuil demprisonnement permettant les interceptions au stade de lenquête préliminaire, par cohérence avec ce qui avait été adopté en commission pour l’enquête de flagrance.

c.   La position de la Commission

Suivant l’avis favorable de votre rapporteur, la Commission est revenue sur certaines de ces modifications, en rétablissant, sur proposition du Gouvernement et de M. Erwan Balanant et plusieurs députés du groupe Mouvement démocrate et apparentés, le seuil de peine encourue de trois ans pour recourir à des interceptions au stade de lenquête et, à l’initiative du Gouvernement, la possibilité, en cas durgence, de mettre en place de telles interceptions sur la seule autorisation du procureur de la République.

Elle a en effet considéré que, compte tenu des garanties prévues, ces dispositions étaient nécessaires et proportionnées à l’objectif poursuivi, comme dans le cas d’enquêtes pour soustraction de mineurs par un parent, pour vol ou pour abus de confiance et permettraient, grâce à la procédure d’autorisation en urgence, de retrouver rapidement une victime enlevée.

B.   La gÉolocalisation

1.   L’état du droit

Aux termes des articles 230-32 et 230-44 du code de procédure pénale, la géolocalisation est possible :

– à l’instruction, pour les besoins des procédures relatives aux infractions d’atteintes aux personnes, de recel de malfaiteurs et d’évasion punies d’au moins trois ans d’emprisonnement ou à tout crime ou délit puni d’au moins cinq ans de prison, sur décision du juge d’instruction pour une durée de quatre mois renouvelable ;

– dans le cadre d’une enquête de flagrance ou préliminaire, pour les besoins d’une procédure relative aux mêmes infractions que celles précédemment mentionnées, sur décision du procureur de la République pour une durée de quinze jours puis après autorisation du juge des libertés et de la détention pour une durée d’un mois renouvelable.

2.   Le dispositif proposé

a.   Le projet de loi initial

Dans le même souci dharmonisation, le présent article autorise le recours à la géolocalisation pour les nécessités dune enquête ou dune instruction portant sur un crime ou un délit puni dau moins trois ans demprisonnement (V), y compris dans le cadre d’une enquête douanière (VII).

En contrepartie, la durée pendant laquelle le procureur de la République peut seul autoriser la mise en œuvre de cette technique est abaissée de quinze à huit jours, afin de permettre l’intervention plus rapide du juge des libertés et de la détention à l’issue de ce délai (VI).

Comme pour les interceptions, le cadre applicable à la géolocalisation demeure, pour le reste, inchangé, s’agissant notamment des différences de durée d’autorisation entre l’instruction et l’enquête.

b.   Les modifications opérées par le Sénat

Sur proposition de ses rapporteurs, la commission des Lois du Sénat a approuvé la détermination dun seuil unique de recours à la géolocalisation pour les infractions pénales punies dune peine demprisonnement dau moins trois ans, à condition, durant lenquête :

– que lautorisation du juge des libertés et de la détention soit renouvelée tous les quinze jours, et non tous les mois comme c’est le cas aujourd’hui ;

– que la durée totale de recours à cette technique soit plafonnée à deux ans ;

– que les données collectées soient supprimées lorsque la mesure a été décidée en urgence sans que le juge des libertés et de la détention ne la valide.

Enfin, elle a supprimé lextension de la géolocalisation aux délits douaniers punis d’une peine d’emprisonnement d’une durée égale ou inférieure à trois ans, pour maintenir le seuil actuel de cinq ans.

c.   La position de la commission des Lois

Sur proposition du Gouvernement et suivant l’avis favorable de votre rapporteur, la Commission a supprimé certaines de ces modifications qui apparaissaient comme des complexifications injustifiées :

– d’une part, la réduction de la durée de la mesure autorisée par le juge des libertés et de la détention ;

– d’autre part, le doublement, pour la poursuite d’une géolocalisation en urgence, de l’information ou de l’autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction par une autorisation du juge des libertés et de la détention.

Dans les mêmes conditions, elle a modifié le plafond de la durée de mise en œuvre dune géolocalisation, fixé uniformément à deux ans par le Sénat, en l’abaissant, comme pour les interceptions, à un an, sauf en matière de criminalité et de délinquance organisées où il serait de deux ans.

Évolution des possibilitÉs de recours aux interceptions de correspondances Électroniques et À la gÉolocalisation

 

Droit actuel

Projet de loi initial

Projet de loi adopté par le Sénat

 

Infraction poursuivie

Durée dautorisation

Infraction poursuivie

Durée dautorisation

Infraction poursuivie

Durée dautorisation

Interceptions de correspondances électroniques

Enquête

Délinquance ou criminalité organisées

1 mois, ne pouvant excéder 2 mois

Crimes et délits punis d’au moins trois ans de prison

 

Délits punis de prison lorsque l’interception doit avoir lieu sur la ligne de la victime et à sa demande

Droit actuel

Crimes et délits punis d’au moins cinq ans de prison

 

Délits punis de prison lorsque l’interception devra avoir lieu sur la ligne de la victime et à sa demande

Droit actuel

Information judiciaire

Crimes et délits punis de deux ans de prison ou plus

4 mois, ne pouvant excéder 1 an (2 ans si délinquance et criminalité organisées)

Droit actuel

Crimes et délits punis d’au moins trois ans de prison

 

Délits punis de prison lorsque l’interception devra avoir lieu sur la ligne de la victime et à sa demande

Droit actuel

Géolocalisation

Enquête

Délit d’atteinte aux personnes puni d’au moins trois ans de prison

Délits de recel de malfaiteurs ou d’évasion

Crimes et délits punis d’au moins cinq ans de prison

Recherche des causes de la mort ou de la disparition ou d’une personne en fuite

Décision du procureur de la République pour 15 jours, puis autorisation du juge des libertés et de la détention pour 1 mois renouvelable

Crimes et délits punis d’au moins trois ans de prison, y compris les délits douaniers

Décision du procureur de la République pour 8 jours, puis autorisation du juge des libertés et de la détention pour 1 mois renouvelable

Crimes et délits punis d’au moins trois ans de prison, sauf les délits douaniers

Décision du procureur de la République pour 8 jours, puis autorisation du juge des libertés et de la détention pour 15 jours, ne pouvant excéder 2 ans

Information judiciaire

4 mois renouvelables

4 mois renouvelables

4 mois renouvelables

*

*     *

Article 28
(art. 230-46 [nouveau] du code de procédure pénale, 706-2-2, 706-2-3, 706-35-1, 706-47-3,
706-72 et 706-87-1 du code de procédure pénale)
Harmonisation du cadre applicable à lenquête sous pseudonyme

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article sécurise le régime applicable à l’enquête sous pseudonyme en unifiant les dispositions aujourd’hui éparses et hétérogènes qui la régissent, en étendant le champ des infractions pour lesquelles cette technique peut être utilisée et en encadrant la possibilité pour les enquêteurs d’acquérir ou de transmettre des contenus, produits, substances ou services illicites.

  Dernières modifications législatives intervenues

Introduite par la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance afin de mieux lutter contre la mise en péril de mineurs, l’enquête sous pseudonyme a été progressivement élargie à d’autres domaines, notamment la loi du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, la loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme et la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement.

  Modifications apportées au Sénat

Tout en approuvant l’harmonisation du cadre applicable à l’enquête sous pseudonyme, le Sénat a limité le recours à cette technique aux infractions commises par voie numérique punies d’au moins trois ans de prison et complété les exigences entourant sa mise en œuvre (interdiction de recourir à des procédés frauduleux ou stratagèmes, contrôle de l’autorité judiciaire…).

  Modifications apportées par la Commission

Sur proposition de votre rapporteur et de parlementaires, avec l’avis favorable du Gouvernement, la Commission a rétabli le recours à cette technique aux délits punis d’emprisonnement.

1.   L’état du droit

L’enquête sous pseudonyme est une technique d’infiltration numérique qui permet aux enquêteurs de procéder à plusieurs actes sur internet sans être pénalement responsables :

– participer à des échanges sans révéler leur véritable identité ;

– entrer en contact avec des personnes susceptibles de commettre des infractions ;

– recueillir les éléments de preuve et les données sur ces personnes ;

– extraire, transmettre à un tiers sur sa demande, acquérir ou conserver des contenus illicites (technique dite des « coups d’achat »).

En tout état de cause, ces actes ne sauraient, à peine de nullité, constituer une incitation à commettre ces infractions.

Cette technique d’enquête peut être mise en œuvre pour la poursuite d’une grande diversité dinfractions dont la liste sest élargie au fil des années depuis son introduction dans le code de procédure pénale en 2007. Les règles applicables au recours à cette technique figurent, de manière éparse et dans des rédactions hétérogènes, au sein dune dizaine de dispositions du code de procédure pénale, de codes spécialisés et de lois.

Liste des infractions pour lesquelles
l’enquÊte sous pseudonyme peut Être utilisÉe

Infractions

Dispositions

Infractions en matière environnementale et de santé publique

Art. 706-2-2 et 706-2-3 du code de procédure pénale, L. 172-11-1 du code de lenvironnement et L. 14357-2 du code de la santé publique

 Traite des êtres humains

 Proxénétisme

 Recours à la prostitution

Art. 706-35-1 du code de procédure pénale

 Provocation de mineurs à la commission dinfractions (usage de stupéfiants ; transport, détention, offre ou cession de stupéfiants ; consommation excessive ou habituelle dalcool ; commission dun crime ou dun délit)

 Corruption de mineurs

 Pédopornographie

 Mise en danger de mineurs

Art. 706-47-3 du code de procédure pénale

 Atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données

 Criminalité et délinquance organisées

Art. 706-87-1 du code de procédure pénale

Infractions à loccasion de paris ou de jeux en ligne

Art. 59 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à louverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux dargent et de hasard en ligne

 Contrebande, importation ou exportation sans déclaration de marchandises prohibées ou de produits du tabac manufacturé

 Exportation, importation, transfert, compensation ou opération financière entre la France et létranger portant sur des fonds provenant dun délit douanier ou dune infraction à la législation sur les stupéfiants

 Non-respect de la législation et réglementation des relations financières avec létranger

Article 67 bis-1 A

2.   Le dispositif proposé

a.   Le projet de loi initial

Le présent article vise à clarifier ces dispositions hétérogènes afin de sécuriser davantage l’usage de cette technique d’enquête. À cet effet, il est inséré, au sein des dispositions du code de procédure pénale communes à la conduite de la politique pénale, l’exercice de l’action publique et l’instruction, un nouveau chapitre VII dédié à l’enquête sous pseudonyme (I) regroupant en un article unique les dispositions existantes qui sont en conséquence abrogées (II et III).

Cette rationalisation des règles applicables à l’enquête sous pseudonyme est l’occasion de procéder à deux modifications de fond.

En premier lieu, le recours à cette technique denquête est étendu à une catégorie d’infractions définies non plus par leur nature mais par la peine encourue d’une part, et le mode opératoire d’autre part : elle sera désormais possible aux fins de constater « les crimes et délits punis dune peine demprisonnement commis par un moyen de communication électronique ». Cet élargissement tient compte du fait que l’enquête sous pseudonyme ne porte pas atteinte au droit au respect de la vie privée, à la différence d’autres techniques spéciales d’enquête pour lesquelles un seuil d’emprisonnement se justifie, et permettra de mieux viser des faits pour lesquels le recours à cette technique est aujourd’hui impossible, comme dans le cas des recels déguisés en ventes illicites en ligne.

En second lieu, les conditions dans lesquelles les enquêteurs peuvent réaliser des « coups dachat » sont mieux encadrées : l’autorisation préalable du procureur de la République ou du juge d’instruction sera nécessaire et, à peine de nullité, devra être mentionnée ou versée au dossier de la procédure. En l’état actuel du droit, seul le service interministériel d’assistance technique de la direction centrale de la police judiciaire procède à un contrôle au moment de l’examen de la recevabilité des demandes de moyens de paiement.

La liste des actes autorisés et l’interdiction faite aux enquêteurs d’inciter à commettre des infractions sont conservées.

b.   Les modifications opérées par le Sénat

À l’initiative de ses rapporteurs, la commission des Lois du Sénat a limité le recours à cette technique d’enquête à la poursuite des infractions commises par un moyen de communication électronique punies d’une peine égale ou supérieure à trois ans demprisonnement.

Elle a par ailleurs complété le cadre juridique applicable au recours à cette technique par :

– linterdiction de « recourir à des procédés frauduleux ou à des stratagèmes de nature à déterminer des agissements délictueux » ;

– l’exigence, pour réaliser des « coups d’achat », d’une autorisation écrite et motivée ;

– le contrôle de l’ensemble des opérations par le procureur de la République ou le juge d’instruction.

c.   La position de la Commission

La Commission, suivant l’avis favorable du Gouvernement, est revenue sur certaines de ces modifications :

– sur proposition de votre rapporteur et de M. Erwan Balanant et plusieurs députés du groupe Mouvement démocrate et apparentés, elle a rétabli le recours à cette procédure pour lensemble des délits punis de lemprisonnement : ce rétablissement, justifié par le développement généralisé d’internet, permet de ne pas opérer de recul par rapport au droit existant, cette technique pouvant aujourd’hui être utilisée en matière d’acquisition ou de consultation d’images pédopornographiques, délit puni de deux ans d’emprisonnement ;

– à l’initiative de votre rapporteur, elle a maintenu le principe d’une autorisation par tout moyen de procéder à des « coups d’achat », afin de ne pas alourdir inutilement la procédure.

*

*     *

Article 29
(art. 230-45, 706-95-1, 706-95-2, 706-95-4, 706-95-11 à 706-95-20 [nouveaux] et 706-96 à 7061029 du code de procédure pénale et 226-3 du code pénal)
Uniformisation du régime applicable à
certaines techniques spéciales denquête

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article, dans un souci de clarté et d’opérationnalité, harmonise les conditions d’autorisation, de durée et de mise en œuvre de trois techniques spéciales d’enquête faisant aujourd’hui l’objet de dispositions hétérogènes et éclatées (le recueil de données techniques de connexion, la sonorisation et la captation d’images et la captation de données informatiques) ainsi que les modalités de conservation des données ainsi recueillies. Il étend la possibilité d’y recourir aux enquêtes et instructions relatives aux crimes.

  Dernières modifications législatives intervenues

Le régime applicable à ces techniques ainsi qu’à l’accès à distance aux correspondances électroniques stockées, également modifié par le présent article, a été substantiellement revu par la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement.

  Modifications apportées au Sénat

Le Sénat, sur proposition des rapporteurs de sa commission des Lois, a rejeté l’extension du recours à ces techniques spéciales d’enquête aux enquêtes et instructions relatives aux crimes mais approuvé l’uniformisation du régime applicable à ces techniques, en complétant les garanties prévues.

  Modifications apportées par la Commission

Sur proposition du Gouvernement et suivant l’avis favorable de votre rapporteur, la Commission a rétabli l’extension du recours à ces techniques aux procédures criminelles et est revenue sur certaines des modifications apportées par le Sénat à leur cadre de mise en œuvre.

A.   L’État du droit

Parmi les techniques spéciales d’enquête susceptibles d’être utilisées pour faciliter la répression de certaines infractions, autres que les interceptions de correspondances, la géolocalisation et l’enquête sous pseudonyme qui sont l’objet des deux précédents articles, figurent, au sein du code de procédure pénale, d’autres mesures :

– l’accès à distance aux correspondances stockées par la voie des communications électroniques accessibles au moyen dun identifiant informatique (articles 706-95-1 à 706-95-3), qui autorise, de manière distincte de la perquisition, la saisie de données stockées sur une messagerie électronique ;

– le recueil des données techniques de connexion en temps réel (articles 706-95-4 à 706-95-10) : il s’agit de placer un dispositif mobile, se comportant comme une antenne-relais téléphonique fictive (IMSI-catcher ([309])), dans un endroit afin de capter les données techniques de connexion ([310]) émises par les téléphones en activité dans son périmètre, de les géolocaliser et d’intercepter les correspondances ;

– la sonorisation et la captation dimages (articles 706-96 à 706-102), qui permettent de capter, fixer, transmettre et enregistrer des paroles et images dans des lieux ou véhicules publics ou privés ;

– et la captation de données informatiques (articles 706-102-1 à 706‑102‑9), par l’utilisation de logiciels espions (Chevaux de Troie), de type « keylogger », permettant aux enquêteurs d’accéder, en temps réel, aux données informatiques telles qu’elles s’affichent au même moment pour l’utilisateur sur son écran ou telles qu’il les introduit sur un terminal et de les enregistrer, conserver et transmettre.

Les règles applicables à ces techniques sont le fruit de la sédimentation de dispositifs issus de lois successivement adoptées entre 2004 et 2016. Si elles sont toutes possibles durant l’enquête comme l’information judiciaire, sur autorisation préalable, selon le cas, du juge des libertés et de la détention ou du juge d’instruction, les durées pendant lesquelles ces mesures peuvent être autorisées ne sont pas homogènes.

DurÉe d’autorisation de mise en œuvre
de certaines techniques spÉciales d’enquÊte

Technique spéciale denquête

Durée dautorisation

Enquête

Instruction

Recueil des données techniques de connexion (IMSI-catcher)

1 mois renouvelable une fois

(48 heures renouvelables une fois en cas dinterceptions)

2 mois renouvelables jusquà 6 mois

(48 heures renouvelables une fois en cas dinterceptions)

Sonorisation et captation dimages

1 mois renouvelable une fois

2 mois renouvelables jusquà 2 ans

Captation de données informatique

1 mois renouvelable une fois

4 mois renouvelables jusquà 2 ans

À ce défaut de lisibilité s’ajoute labsence de procédure dautorisation en urgence pour recourir à ces techniques, à l’exception du recueil de données techniques de connexion possible en cas d’urgence « résultant dun risque imminent de dépérissement des preuves ou datteinte grave aux personnes ou aux biens ».

Enfin, le régime applicable à ces techniques, réservées à la répression des infractions relevant de la criminalité et de la délinquance organisées, de certaines infractions économiques et financières ([311]) et des atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données ([312]), pose la question de son adéquation aux nouveaux modes opératoires utilisés pour commettre d’autres infractions.

B.   Le dispositif proposÉ

1.   Le projet de loi initial

Le présent article vise à lever ces trois difficultés.

Sur le plan formel, il procède à une profonde réorganisation des dispositions du code de procédure pénale régissant ces techniques :

– les dispositions communes ayant vocation à sappliquer au recueil des données techniques de connexion, à la sonorisation et à la captation dimages ainsi quà la captation de données informatiques sont regroupées au sein d’une section unique, comprenant les nouveaux articles 706-95-11 à 706‑95‑19 (1° et 2° du III) ;

– l’accès à distance aux correspondances stockées par la voie des communications électroniques, technique d’une autre nature, fera l’objet d’un régime distinct aux articles 706-95-1 à 706-95-4 du même code (1° du II).

Il en résulte de nombreux alinéas de coordinations réécrivant les dispositions relatives au recueil des données techniques de connexion (3° du III et IV), à la sonorisation et à la fixation d’images (4° du III) et à la captation des données informatiques (5° à 9° du III et V).

Sur le fond, le présent article procède à deux séries de modifications.

a.   L’extension à tous les crimes des cinq techniques spéciales d’enquête

Pour l’ensemble des quatre techniques spéciales d’enquête précédemment mentionnées (accès à distance aux correspondances stockées par la voie des communications électroniques, recueil des données techniques de connexion, sonorisation, captation d’images et captation de données informatiques), il est prévu d’étendre la possibilité d’y recourir à l’ensemble des crimes ([313]).

L’extension proposée tient compte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel en la matière, qui considère que le législateur peut fixer des règles spéciales de surveillance et d’investigation « eu égard à la gravité des infractions » en cause et sous réserve de prévoir des « garanties encadrant la mise en œuvre de ces mesures spéciales denquête et dinstruction » ([314]).

b.   Les dispositions communes au recueil des données techniques de connexion, à la sonorisation, à la captation d’images et à la captation de données informatiques

Il est procédé à une harmonisation des conditions d’autorisation, de durée, de mise en œuvre et de conservation des données recueillies pour trois des quatre techniques spéciales d’enquêtes précédemment mentionnées : le recueil des données techniques de connexion, la sonorisation, la captation d’images et la captation de données informatiques (2° du III).

En premier lieu, leur est rendue applicable la procédure dautorisation en urgence aujourd’hui prévue, au stade de l’enquête, pour le seul recueil des données techniques de connexion. Le procureur de la République sera alors compétent pour autoriser la mise en œuvre de la technique, cette autorisation devant être confirmée par le juge des libertés et de la détention dans un délai de vingt-quatre heures. Cette procédure d’urgence est également prévue durant l’instruction, auquel cas l’avis préalable du procureur de la République n’est pas requis (article 706-95-15).

En second lieu, il est procédé à une uniformisation des durées de mise en œuvre des trois techniques (article 706-95-16) pour :

– un mois renouvelable une fois au cours de l’enquête ;

– quatre mois renouvelables sans que la durée totale des opérations ne puisse excéder deux ans au cours d’une information judiciaire.

Pour le reste, les dispositions communes relatives à l’autorisation (articles 706-95-12 et 706-95-13), au contrôle du magistrat qui l’a délivrée (article 706-95-14), à la mise en place des techniques spéciales (article 706‑95‑17), aux procès-verbaux à dresser (article 706-95-18) et à la conservation des enregistrements et données (article 706-95-19) sont identiques à celles prévues actuellement, sous réserve d’une harmonisation rédactionnelle et de la possibilité nouvellement octroyée à l’agent de police judiciaire de participer, sous la responsabilité d’un officier de police judiciaire, à la mise en place de ces techniques.

2.   Les modifications opérées par le Sénat

Sur proposition de ses rapporteurs, la commission des Lois a approuvé l’uniformisation proposée du cadre applicable à ces techniques spéciales d’enquête, sous plusieurs réserves d’inégale importance.

En premier lieu, elle a rejeté lextension du recours à ces techniques aux enquêtes et instructions relatives aux crimes.

En deuxième lieu, elle a complété les garanties prévues pour la mise en œuvre de ces techniques :

– par l’interdiction à peine de nullité que les opérations aient un autre objet que la recherche et la constatation des infractions visées par l’autorisation ;

– par la possibilité pour le magistrat qui a autorisé les techniques d’« ordonner à tout moment leur interruption » ;

– par l’obligation de motiver l’autorisation « par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations sont nécessaires » ;

– si la technique est mise en œuvre dans le cadre d’une enquête, par l’information sans délai du juge des libertés et de la détention et la possibilité pour ce dernier d’ordonner la destruction des procès-verbaux et du support des enregistrements effectués s’il estime que les opérations n’ont pas été réalisées conformément à son autorisation ou dans le respect du code de procédure pénale ou si la mise en œuvre de la technique, autorisée en urgence par le procureur de la République, n’a pas été confirmée dans les vingt-quatre heures ;

– par l’interdiction de conserver des séquences relatives à la vie privée qui sont étrangères aux infractions visées par l’autorisation.

En troisième lieu, elle a cantonné à vingt-quatre heures maximum la durée de lautorisation de recourir à la technique daccès à distance des correspondances stockées par la voie des communications électroniques.

En dernier lieu, elle a subordonné l’autorisation, durant l’instruction, du recueil des données techniques de connexion, de la sonorisation et de la captation d’images ainsi que de la captation de données informatiques, à l’information du procureur de la République et non au recueil de son avis.

3.   La position de la Commission

À l’initiative du Gouvernement et avec l’avis favorable de votre rapporteur, la Commission est revenue sur nombre de ces modifications :

– en rétablissant l’extension de ces techniques à l’ensemble des procédures criminelles ;

– en ne retenant pas, pour la mise en œuvre de ces techniques dans le cadre d’une enquête, l’information directe du juge des libertés et de la détention sans passer par le procureur de la République ;

– en permettant que la procédure d’autorisation en urgence s’applique dans le cadre de procédures relatives aux atteintes aux biens comme aux personnes et que le juge d’instruction puisse, dans ce cas, se dispenser de l’avis du procureur de la République ;

– en supprimant la durée maximale fixée par le Sénat pour la captation de données informatiques stockées.

Elle a, dans les mêmes conditions, modifié le champ d’application de la captation de données informatiques afin de couvrir la captation de données émises ou reçues par tout type de périphérique, et plus seulement les périphériques audiovisuels.

*

*     *

Sous-section 2
Dispositions relatives au statut et aux compétences des officiers, fonctionnaires et agents exerçant des missions de police judiciaire

Article 30
(art. 16, 18, 21, 28, 60, 601, 602, 603, 762, 771, 7711 à 7713 et 3901 du code de procédure pénale ; art. 3651 du code des douanes ; art. L. 1307 du code de la route)
Statut et compétence de la police judiciaire

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 30 du projet de loi simplifie les démarches que doivent accomplir les officiers de police judiciaire pour être habilités par les parquets généraux et pour agir en dehors de la circonscription dans laquelle ils exercent habituellement leur mission. Certains actes de la seule compétence d’un officier de police judiciaire pourront désormais être accomplis par un agent de police judiciaire. Les modalités de supervision du parquet sont allégées pour les actes d’enquête les plus courants et les plus simples.

  Dernières modifications législatives intervenues

La supervision des officiers et des agents de police judiciaire a été partiellement confiée à la chambre de l’instruction par la loi n° 2016‑731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale.

  Modifications apportées au Sénat

Le Sénat a souhaité conférer la qualité d’agent de police judiciaire aux officiers et sous-officiers de réserve de la gendarmerie nationale dans l’exercice de fonctions le justifiant.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a supprimé la disposition ajoutée par le Sénat faisant de tous les réservistes de la gendarmerie nationale des agents de police judiciaire. Elle a également facilité les modalités de co-saisine de différents services exerçant des missions de police judiciaire. Elle a enfin permis aux agents des douanes et des administrations qui disposent de pouvoirs de police judiciaire de délivrer des convocations en justice.

1.   La police judiciaire

La police judiciaire est régie par les articles 12 à 29‑1 du code de procédure pénale. Elle est exercée « sous la direction du procureur de la République » ([315]) afin « de constater les infractions à la loi pénale, den rassembler les preuves et den rechercher les auteurs tant quune information nest pas ouverte » ([316]). Sa subordination aux magistrats répond à une exigence de la Constitution ([317]).

La police judiciaire est placée, dans chaque ressort de cour d’appel, sous la surveillance du procureur général et le contrôle de la chambre de l’instruction ([318]). Les enquêtes administratives sur l’exercice d’une mission de police judiciaire associent l’inspection générale des services judiciaires. Elle se compose d’officiers (OPJ), d’agents et d’agents adjoints (APJ et APJA), et de fonctionnaires et agents auxquels sont attribuées par la loi certaines fonctions de police judiciaire ([319]).

a.   L’officier de police judiciaire

Les articles 16 et R. 5 du code de procédure pénale attribuent la qualité d’officiers de police judiciaire aux maires et à leurs adjoints ainsi qu’à certains personnels de la gendarmerie nationale ([320]) et de la police nationale ([321]). Toutefois, hormis les maires et leurs adjoints, ils « ne peuvent exercer effectivement les attributions attachées à leur qualité dofficier de police judiciaire ni se prévaloir de cette qualité que sils sont affectés à un emploi comportant cet exercice et en vertu dune décision du procureur général près la cour dappel les y habilitant personnellement ».

La procédure ([322]) prévoit que, à peine de nullité de ses actes, l’OPJ ne peut exercer ses attributions qu’après habilitation du procureur général près la cour d’appel dans le ressort de laquelle il exerce habituellement ses fonctions, ou du procureur général près la cour d’appel de Paris s’il agit sur l’ensemble du territoire national ([323]). Le procureur général accorde ou refuse l’habilitation par arrêté, au regard de la nature des fonctions en cause et du dossier disciplinaire de l’intéressé lui permettant d’apprécier ses qualités professionnelles et morales. L’habilitation est accordée seulement pour les fonctions déterminées et pour le temps de leur exercice. Son renouvellement est sollicité à chaque changement daffectation. Elle peut aussi être retirée ou suspendue par le procureur général, au terme d’une procédure disciplinaire, en cas de manquement professionnel et d’atteinte à l’honneur ou à la probité. En temps normal, le contrôle du procureur général prend la forme d’une notation comptant pour l’avancement de l’OPJ ([324]).

L’OPJ dispose de pouvoirs importants dans le cadre d’une investigation, parmi lesquels celui de placer une personne en garde à vue ([325]). Il peut également, d’initiative dans une enquête de flagrance ([326]) et sur l’autorisation préalable du procureur de la République dans une enquête préliminaire ([327]), effectuer des réquisitions pour :

– faire procéder à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques par des personnes qualifiées, et informer les personnes soupçonnées des résultats de ces investigations ;

– obtenir de toute personne susceptible de détenir des informations intéressant l’enquête communication de celles-ci ;

– réaliser des copies de supports de données informatiques placés sous scellés afin de faciliter leur exploitation.

b.   L’agent de police judiciaire et l’agent de police judiciaire adjoint

Les agents de police judiciaire sont les élèves-gendarmes affectés en unité opérationnelle et les gendarmes n’ayant pas la qualité d’OPJ, les fonctionnaires des services actifs de la police nationale n’ayant pas la qualité d’OPJ, ainsi que les gendarmes et policiers servant dans la réserve ([328]). Toutefois, ces fonctionnaires et militaires ne peuvent exercer effectivement les attributions attachées à leur qualité d’APJ que s’ils sont affectés à un emploi comportant cet exercice.

L’APJ seconde l’OPJ dans ses fonctions. Il peut constater les crimes, délits ou contraventions et en dresser procès-verbal, ainsi que recevoir par procès-verbal les déclarations qui lui sont faites. En revanche, il ne peut placer une personne en garde à vue.

Quant aux agents de police judiciaire adjoints ([329]), il s’agit des policiers qui ne sont pas APJ, des volontaires servant dans la gendarmerie, des adjoints de sécurité, des contrôleurs de la voie publique de la préfecture de police de Paris, des agents de police municipale et des gardes champêtres. L’APJA seconde l’OPJ et ne peut constater, de son propre chef, que des infractions mineures ([330]).

c.   Les fonctionnaires et agents auxquels sont attribuées certaines fonctions de police judiciaire

Certains fonctionnaires et agents ont qualité pour constater les infractions pénales aux lois régissant leur domaine d’activité ([331]).

L’habilitation des agents des douanes et des services fiscaux à effectuer des enquêtes judiciaires est prononcée par le procureur général près la cour d’appel ([332]). Quant aux autres agents de surveillance de la voie publique et fonctionnaires et agents exerçant des missions de police judiciaire, ils sont assermentés.

d.   La compétence territoriale de la police judiciaire

Les OPJ et les agents qui les assistent « ont compétence dans les limites territoriales où ils exercent leurs fonctions habituelles » ([333]). Cette étendue, qui est déterminée par celle des services dans lesquels ils exercent, peut correspondre soit à l’ensemble du territoire national, soit à une ou plusieurs zones de défense ou parties de celles-ci, soit à l’ensemble d’un département ([334]). La règle de compétence territoriale est dordre public : tout acte accompli par un officier ou un agent en dehors des limites territoriales où il exerce ses fonctions habituelles est nul ([335]).

Cette compétence géographique limitée peut néanmoins être exceptionnellement étendue :

– aux circonscriptions limitrophes, pour poursuivre des investigations dans le cadre d’une enquête débutée sur leur circonscription habituelle ([336]) ;

– à l’ensemble du territoire national et à l’étranger sur commission rogatoire expresse du juge d’instruction ou sur réquisitions du procureur de la République lors d’une enquête ([337]) ;

– à l’ensemble du territoire national pour la surveillance de personnes soupçonnées d’avoir commis des infractions en matière de criminalité ou de délinquance organisées ([338]).

2.   Les dispositions du projet de loi

Le droit en vigueur exige des procédures nombreuses et répétées pour qu’un officier ou un agent de police judiciaire puisse valablement exercer ses fonctions. Afin de recentrer les personnels sur leurs attributions en matière d’investigation et de décharger les parquets généraux d’une supervision excessivement consommatrice de temps, l’article 30 du projet de loi élimine des redondances procédurales et supprime des formalités devenues superflues.

a.   L’habilitation des officiers de police judiciaire

Le I modifie l’article 16 du code de procédure pénale afin d’alléger la procédure dhabilitation de lOPJ par le procureur général près la cour d’appel dans le ressort de laquelle il exerce ses fonctions. Aujourd’hui renouvelée à chaque mutation dans le ressort d’une nouvelle cour d’appel, l’habilitation délivrée par le procureur général à la première affectation de l’OPJ resterait valable pendant toute la durée de lexercice de ses fonctions, y compris en cas de changement d’affectation.

Les rapporteurs du Sénat ont estimé que ces mesures permettraient de réduire denviron 5 000 le nombre de demandes dhabilitation traitées chaque année. Ils soulignent également le caractère formel de l’examen de ces dossiers par les parquets généraux, et le délai de plusieurs mois désormais nécessaire à la délivrance des habilitations qui empêche le policier ou le gendarme fraîchement affecté dans le ressort d’une cour d’appel d’assumer immédiatement ses fonctions d’officier de police judiciaire ([339]).

L’étude d’impact jointe au projet de loi souligne qu’il ne résultera pas de cette simplification une distension du lien qui unit les juridictions à la police judiciaire. Le procureur général conserve son pouvoir de notation de l’OPJ ainsi que la capacité de suspendre ou de retirer son habilitation. Les prérogatives de la chambre de l’instruction sont également inchangées, de même que la compétence de l’inspection générale de la justice lors de toute enquête administrative relative au comportement d’un officier ou d’un agent de police judiciaire dans l’exercice de sa mission. De plus, conformément aux recommandations formulées à l’occasion des chantiers de la justice ([340]), le Gouvernement constituera un fichier national des officiers de police judiciaire afin de permettre au parquet de disposer de toutes les informations utiles concernant la situation administrative des OPJ sous leur autorité.

b.   La compétence territoriale des officiers de police judiciaire

Le II modifie l’article 18 du code de procédure pénale pour faciliter l’action des OPJ à l’extérieur des limites territoriales dans lesquelles ils exercent leurs missions habituelles. Ils seraient autorisés à se transporter sur tout le territoire national pour poursuivre leurs investigations ou procéder à des auditions, perquisitions et saisies, à la simple condition davoir informé l’autorité judiciaire pour le compte de laquelle ils agissent ([341]) – procureur de la République ou juge d’instruction – ainsi que le procureur de la République du ressort dans lequel les investigations sont réalisées.

Comme le souligne l’étude d’impact jointe au projet de loi, « sauf quelques syndicats de magistrats, qui y voient un recul du contrôle du procureur de la République sur la police judiciaire, dans leur très grande majorité, les organismes nationaux (Conférences, AFMI...) et les juridictions consultées adhèrent à cette modification. Tous estiment cependant indispensable linformation du procureur dans le ressort duquel lofficier de police judiciaire est affecté et de celui dans le ressort duquel il se déplace. »

c.   La compétence accrue des agents de police judiciaire

Les IV et VI accordent aux agents de police judiciaire, sous le contrôle d’un officier de police judiciaire, le pouvoir de procéder aux réquisitions actuellement du ressort du seul OPJ – d’initiative ou sur autorisation de l’autorité judiciaire suivant le cadre d’enquête. Cette revalorisation du rôle de l’APJ poursuit l’objectif de fluidifier l’enquête et de recentrer l’OPJ vers les tâches les plus essentielles de sa mission. Le IV fait évoluer le droit dans l’enquête de flagrance ; le VI procède aux mêmes changements dans l’enquête préliminaire ([342]).

À cette fin, le IV modifie les articles 60, 60-1 et 60-3 du code de procédure pénale. En flagrance, un APJ pourrait désormais, sous le contrôle dun OPJ, solliciter toute personne qualifiée pour un examen scientifique ou technique et révéler au suspect le résultat de ces investigations, requérir la communication par toute personne de toute information intéressant l’enquête, et ordonner à une personne qualifiée de réaliser une copie de données informatiques dont le support est sous scellés.

Quant au VI, il modifie les articles 76-2, 77-1, 77-1-1, 77-1-2 et 77-1-3 du code de procédure pénale. Dans une enquête préliminaire, un APJ pourrait désormais, sur autorisation du procureur de la République, faire procéder à un prélèvement externe sur toute personne soupçonnée d’avoir commis une infraction et prendre les réquisitions décrites au paragraphe précédent.

d.   L’allégement d’une supervision devenue excessive de l’autorité judiciaire

Le III modifie l’article 28 du code de procédure pénale pour prévoir, à l’endroit des fonctionnaires et agents des administrations et services publics auxquels des lois spéciales attribuent certains pouvoirs de police judiciaire, un allégement similaire à celui que le projet de loi prévoit pour l’habilitation des officiers de police judiciaire. Lorsqu’un serment doit être prêté avant l’exercice de leurs attributions de police judiciaire, ce serment naura pas à être renouvelé en cas de changement d’affectation de la personne.

En cohérence, le VII supprime à l’article L. 130‑7 du code de la route l’obligation faite aux agents chargés de constater certaines infractions routières de renouveler leur serment devant le juge du tribunal d’instance à chaque nouvelle affectation.

Enfin, en matière de réquisition faite par l’officier de police judiciaire et désormais, comme le prévoit le VI, par l’agent de police judiciaire, dans l’objectif d’obtenir de toute personne la remise d’une information intéressant une enquête préliminaire ([343]), le V prévoit un allégement complémentaire. Si le principe demeure d’une autorisation expresse du procureur de la République, les OPJ et APJ pourront désormais agir dinitiative dans deux hypothèses :

– lorsque la réquisition est adressée à un organisme public ;

– ou si l’exécution de la réquisition engendre des frais de justice d’un montant inférieur à un seuil fixé par voie réglementaire.

Cette simplification est d’ailleurs largement appliquée dans les faits
– quoique contra legem – puisque tant la jurisprudence ([344]) que l’administration ([345]) ont neutralisé l’exigence d’une autorisation formelle du procureur de la République pour que soit requise une communication d’information.

3.   Les modifications adoptées par le Sénat

a.   En commission des Lois

La commission des Lois a pleinement approuvé le dispositif proposé par le Gouvernement et s’est bornée à corriger, sur proposition de ses rapporteurs, diverses imprécisions de nature rédactionnelle.

b.   En séance publique

Avec le soutien de la Commission et contre l’avis du Gouvernement, le Sénat a adopté en séance publique un amendement de M. Roger Karoutchi et plusieurs de ses collègues visant à conférer la qualité dagent de police judiciaire aux sous-officiers et officiers de la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale lorsqu’ils sont appelés à occuper un poste le justifiant. Il insère un II bis et, pour coordination, un II ter au sein de l’article 30 du projet de loi. Un nouvel article 20‑2 est ainsi créé au sein du code de procédure pénale, qui pose le principe d’une attribution de la qualité d’APJ aux réservistes de la gendarmerie nationale et renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de préciser les modalités de son application.

4.   Des dispositions modifiées par la Commission

La Commission a approuvé sans réserve les dispositions initiales du projet de loi, qui introduisent dans les pratiques de la police judiciaire une souplesse bienvenue sans qu’il soit aucunement porté atteinte aux droits des personnes.

Outre des modifications d’ordre rédactionnel, la Commission a adopté plusieurs amendements :

–  à l’initiative du rapporteur et avec le soutien du Gouvernement, elle est revenue sur la décision du Sénat de conférer à tous les réservistes de la gendarmerie nationale la qualité dagent de police judiciaire.

Cette ambition est déjà partiellement satisfaite par l’actuel article 20-1 du code de procédure pénale, qui recouvre également cette thématique pour la police nationale. Il dispose : « Les fonctionnaires de la police nationale et les militaires de la gendarmerie nationale à la retraite ayant eu durant leur activité la qualité dofficier ou dagent de police judiciaire peuvent bénéficier de la qualité dagent de police judiciaire lorsquils sont appelés au titre de la réserve civile de la police nationale ou au titre de la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale. »

La disposition adoptée par le Sénat ne bénéficiait, en fait, qu’aux seuls intégrés directs de la réserve de la gendarmerie nationale ; or, si leur dévouement et leur service sont éminemment profitables à la société, ils ne disposent pas des compétences nécessaires à l’exercice de missions de police judiciaire. La formation qu’ils reçoivent, limitée dans le temps, n’apparaît pas en mesure de les leur apporter ;

– bénéficiant d’un avis favorable du Gouvernement, un amendement du rapporteur a aligné les pouvoirs des agents de police judiciaire en matière de réquisitions dans les cadres denquête préliminaire et de flagrance, considérant illogique que leurs prérogatives soient plus étendues dans la première que dans la seconde ;

– deux amendements identiques – du rapporteur pour l’un, de M. Stéphane Mazars et de ses collègues du groupe La République en marche pour l’autre – ont clarifié, avec le soutien du Gouvernement, les dispositions du code de procédure pénale pour co-saisir, pour une même enquête, des officiers de police judiciaire et des fonctionnaires et agents des administrations qui disposent de pouvoirs de police judiciaire. Ils permettent également au procureur de la République de confier à ces fonctionnaires et agents la mise en œuvre des mesures alternatives aux poursuites ([346]) comme c’est déjà le cas pour les officiers de police judiciaire et les délégués et médiateurs du procureur de la République ;

– un amendement de M. Stéphane Mazars et de ses collègues du groupe La République en marche, adopté avec l’avis favorable du Gouvernement, permet au procureur de la République de faire délivrer des convocations en justice par les agents des douanes et fonctionnaires et agents des administrations qui disposent de pouvoirs de police judiciaire. Il sera donc désormais inutile de saisir à cette fin les services de police et de gendarmerie alors même qu’ils n’ont pas réalisé l’enquête ([347]).               

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Sous-section 3
Dispositions relatives à la garde à vue

Article 31
(art. 63, 63431, 7061121 [nouveau] et 706113 du code de procédure pénale)
Simplification du régime de la garde à vue

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 31 renverse le principe selon lequel la prolongation de la garde à vue suppose, sauf exception, une présentation au procureur de la République. La présentation aura désormais lieu sur demande expresse du parquet. Par ailleurs, l’information de l’avocat en cas de déplacement de son client gardé à vue est réduite aux cas dans lesquels ce déplacement précède une audition, une reconstitution ou une séance d’identification.

  Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2016‑731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale impose aux enquêteurs de prévenir l’avocat du gardé à vue avant tout transport.

  Modifications apportées au Sénat

Le Sénat s’est opposé à la modification des règles de présentation au parquet à fin de prolongation de la garde à vue. Il a également souhaité que l’avocat demeure prévenu des déplacements effectués par les enquêteurs pour effectuer de nouvelles constatations ou procéder à une saisie.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a rétabli le principe d’une prolongation de la mesure de garde à vue sans présentation systématique au procureur, sauf à ce que ce dernier en décide autrement. Elle a également réduit l’avis à l’avocat en cas de transport du gardé à vue aux cas prévus par le droit de l’Union européenne. Enfin, elle a édicté des règles spéciales applicables à la garde à vue des personnes bénéficiant d’une mesure de protection juridique.

1.   L’état du droit

L’article 62-2 du code de procédure pénale définit la garde à vue comme « une mesure de contrainte décidée par un officier de police judiciaire, sous le contrôle de lautorité judiciaire, par laquelle une personne à lencontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner quelle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni dune peine demprisonnement est maintenue à la disposition des enquêteurs ». Elle est motivée par l’un des objectifs suivants : empêcher une altération des preuves, toute pression sur les témoins ou les victimes, et toute concertation entre le suspect et d’éventuels complices, mais aussi permettre les investigations impliquant la présence du gardé à vue, garantir sa présentation devant le procureur de la République et faire cesser l’infraction.

En droit commun, la garde à vue « ne peut excéder vingt-quatre heures ». Elle peut néanmoins être prolongée pour un nouveau délai de vingt-quatre heures sur autorisation écrite et motivée du procureur de la République, si l’infraction que la personne est suspectée d’avoir commis consiste en un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement d’un an, dès lors que la prolongation de la mesure est l’unique moyen de parvenir à l’un des objectifs mentionnés précédemment. L’autorisation ne peut être accordée qu’après présentation au procureur de la République, éventuellement par visioconférence, même s’il est possible de déroger à cette exigence procédurale « à titre exceptionnel » ([348]).

Dès le début de la garde à vue, la personne peut demander à être assistée par un avocat ([349]). Depuis la loi n° 2016‑731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, celui-ci est informé sans délai de tout transport de son client sur un autre lieu ([350]). L’étude d’impact jointe au projet de loi mentionne cependant qu’une circulaire de la direction des affaires criminelles et des grâces du 30 juin 2016 a limité la portée de l’obligation faite aux enquêteurs, considérant qu’il « résultait des débats parlementaires que cette information ne doit évidemment intervenir quen cas de transports effectués pour les nécessités de lenquête, mais quelle ne sapplique pas aux autres transports, comme ceux nécessités par une hospitalisation ou un examen médical, ou ceux nécessités pour les présentations devant un magistrat en vue dune éventuelle prolongation de la garde à vue ». La rédaction de la loi excède les exigences du droit de l’Union européenne, qui ordonne que les suspects « aient droit au minimum à la présence de leur avocat lors des mesures denquête ou des mesures de collecte de preuves suivantes, lorsque ces mesures sont prévues par le droit national et si le suspect ou la personne poursuivie est tenu dy assister ou autorisé à y assister : séances didentification des suspects, confrontations, reconstitutions de la scène dun crime » ([351]).

À la fin de la mesure de garde à vue, la personne déférée comparaît le jour même devant le procureur de la République ([352]). Toutefois et par dérogation, la comparution peut avoir lieu le lendemain et dans un délai de vingt heures suivant la levée de la garde à vue à la condition que la personne soit retenue dans des locaux de la juridiction spécialement aménagés – les « petits dépôts » ([353]) – et qu’elle soit alors présentée à un magistrat du siège ([354]).

2.   Les dispositions du projet de loi

a.   Les conditions de prolongation de la garde à vue

Le I de l’article 31 modifie l’article 63 du code de procédure pénale pour simplifier les conditions de prolongation de la garde à vue.

L’article 63 du code de procédure pénale autorise le placement en garde à vue et sa prolongation afin de permettre une présentation au procureur de la République. La chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé que cette option demeurait ouverte même une fois accomplies toutes les investigations nécessaires ([355]). Le  transcrit cette jurisprudence dans la loi en précisant que la prolongation de la garde à vue peut avoir pour but la présentation devant l’autorité judiciaire ([356]), hormis lorsque le tribunal dispose d’un « petit dépôt » permettant de retenir la personne jusqu’à vingt heures dans l’attente de sa comparution.

Alors que le droit en vigueur exige par principe que la prolongation de la garde à vue soit précédée d’une présentation au procureur de la République, sauf exception, le  renverse ce principe et supprime lobligation de présentation, sauf demande expresse du parquet dans les cas où il la juge utile. L’étude d’impact jointe au projet de loi qualifie cette mesure d’ « allégement réel du formalisme de la garde à vue, tout en maintenant un contrôle effectif et in concreto du parquet ». Le procède à une coordination.

b.   L’avis à l’avocat en cas de transport du gardé à vue

Le II de l’article 31 revient sur l’article 63-4-3-1 du code de procédure pénale, lequel prévoit que le transport d’une personne gardée à vue sur un autre lieu impose l’information de son avocat sans délai. Cette prescription est motivée par le fait que le transport du gardé à vue peut mener les enquêteurs à la découverte d’éléments susceptibles de l’incriminer.

L’étude d’impact jointe au projet de loi affirme néanmoins que cette obligation « impose une contrainte excessive aux enquêteurs », qui se trouvent contraints de multiplier les avis à l’avocat pour des transports parfois motivés par de seules considérations logistiques. En conséquence, l’article 31 la limite aux déplacements donnant lieu à :

– une audition ;

– une opération de reconstitution ;

– une séance d’identification des suspects dont fait partie le gardé à vue.

3.   Des dispositions modifiées par le Sénat

a.   En commission des Lois

La commission des Lois du Sénat a adopté sans modification l’inscription dans la loi de la jurisprudence permettant la prolongation de la garde à vue à fin de présentation à l’autorité judiciaire. En revanche, elle a modifié en profondeur les autres dispositions de l’article 31.

En adoptant deux amendements des rapporteurs et de Mme Jacky Deromedi, la commission des Lois a maintenu lobligation de présentation au procureur de la République, sauf exception, pour la prolongation de la garde à vue, au motif qu’il résulterait de la rédaction proposée par le Gouvernement un moindre contrôle du parquet sur le déroulement des gardes à vue. La rencontre du suspect avec un magistrat est une opportunité pour ce dernier de suivre l’activité de la police judiciaire et d’exercer le contrôle qui entre dans ses attributions constitutionnelles.

Par ailleurs, la Commission a considéré que la limitation de l’avis de transport à l’avocat revenait à n’informer celui-ci que dans les cas dans lesquels sa présence auprès de son client est de droit. Elle s’est référée au rapport sur la procédure pénale de M. Jacques Beaume, procureur général près la cour d’appel de Lyon, commandé en 2014 par le ministère de la justice, qui avait inspiré la création de l’article 64‑4‑3‑1 du code de procédure pénale, et qui préconisait notamment que lavocat soit prévenu des déplacements destinés à procéder à de nouvelles constatations ou à une saisie. Un amendement des rapporteurs a été adopté en ce sens.

b.   En séance publique

En dépit d’amendements du Gouvernement visant à rétablir les dispositions du texte initial en matière de prolongation de la garde à vue et d’avis à l’avocat en cas de transport du gardé à vue, l’article 31 a été adopté sans modification par le Sénat en séance publique.

4.   Des dispositions modifiées par la Commission

La Commission n’a pas partagé l’opinion du Sénat en ce qui concerne l’avis de transport à l’avocat et l’obligation de présentation du gardé à vue au procureur de la République à fin de présentation. Elle a considéré que les dispositions actuelles, sans effet sur la protection des droits des personnes, étaient sources de rigidité procédurale et pesaient inutilement sur les autorités judiciaires ainsi que sur les services de police judiciaire. En conséquence :

– par l’adoption de deux amendements identiques – du rapporteur pour l’un, de M. Stéphane Mazars et de ses collègues du groupe La République en marche pour l’autre – ayant reçu le soutien du Gouvernement, la Commission a rétabli les dispositions initiales du projet de loi rendant facultative la présentation de la personne gardée à vue devant le procureur de la République ou le juge d’instruction pour la prolongation de cette mesure. L’intéressé conserve le droit de présenter des observations au magistrat et, pour ce dernier, l’obligation demeure de justifier de la nécessité de cette prolongation ([357]) ;

– un amendement du rapporteur soutenu par le Gouvernement a conformé le droit français aux exigences de la directive européenne du 22 octobre 2013 précitée en garantissant la présence dun avocat lorsque la personne doit être entendue, ou quelle doit participer à une opération de reconstitution ou à une séance didentification des suspects. Les autres déplacements du gardé à vue n’ayant strictement aucune incidence sur son parcours judiciaire, ils ne justifient pas que les services de police en avisent son avocat.

Par ailleurs, la Commission a profité de la discussion du projet de loi pour tirer les conséquences de la décision n° 2018-730 QPC  du 14 septembre 2018, M. Mehdi K., par laquelle le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution le premier alinéa de l’article 706-113 code de procédure pénale au motif qu’il ne prévoyait pas l’information du curateur ou du tuteur dune personne sous protection de justice et placée garde à vue ([358]). Avec l’avis favorable du Gouvernement, elle a adopté deux amendements identiques – du rapporteur pour l’un, de M. Stéphane Mazars et de ses collègues du groupe La République en marche pour l’autre – créant au sein du code de procédure pénale un nouvel article 706-112-1. Lorsque les éléments recueillis au cours de la garde à vue d’une personne font apparaître que celle-ci bénéficie d’une mesure de protection, il est prévu un avis  au curateur, au tuteur ou au mandataire spécial qui peut solliciter l’assistance d’un avocat et l’examen par un médecin. Dans le souci de concilier respect des droits de la défense et efficacité de l’enquête, un délai de six heures est laissé à l’enquêteur pour procéder à cet avis, qui pourra être différé si cette décision est, au regard des circonstances, indispensable au recueil ou à la conservation des preuves ou à la prévention d’une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l’intégrité physique d’une personne ([359]).

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Article 31 bis
(art. 104, 153 et 612 du code de procédure pénale)
Assistance de la victime par un avocat dès le dépôt de plainte

Supprimé par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Issu d’un amendement de M. Henri Leroy et plusieurs de ses collègues adopté par le Sénat en séance publique avec le soutien de la Commission et contre l’avis du Gouvernement, l’article 31 bis prévoit l’assistance de la victime par son avocat dès le dépôt de plainte.

  Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2011‑392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue prévoit la présence de l’avocat auprès de son client dès le début de sa garde à vue. La loi n° 2015‑993 du 17 août 2015 portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne a créé au sein du code de procédure pénale une subdivision relative aux droits des victimes.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a supprimé l’article 31 bis.

1.   Le droit en vigueur

Les jurisprudences de la Cour européenne des droits de l’Homme ([360]), du Conseil constitutionnel ([361]) et de la Cour de cassation ([362]) ont amené le législateur à admettre la présence de l’avocat au côté du mis en cause dès le début de sa garde à vue ([363]).

Par parallélisme, la loi n° 2015‑993 du 17 août 2015 portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne a créé au sein du code de procédure pénale un nouvel article 10‑2 faisant obligation aux officiers et agents de police judiciaire d’informer au plus tôt les victimes des droits dont elles disposent. Parmi ces droits se trouve celui « dêtre, si elles souhaitent se constituer partie civile, assistées dun avocat quelles peuvent choisir ou qui, à leur demande, est désigné par le bâtonnier de lordre des avocats près la juridiction compétente, les frais étant à la charge des victimes sauf si elles remplissent les conditions daccès à laide juridictionnelle ou si elles bénéficient dune assurance de protection juridique ». L’information est délivrée par un interprète si sa compréhension de la langue française est insuffisante.

Par ailleurs, l’article 10‑4 du code de procédure pénale prévoit que, « à tous les stades de lenquête, la victime peut, à sa demande, être accompagnée par son représentant légal et par la personne majeure de son choix, sauf décision contraire motivée prise par lautorité judiciaire compétente ». Cette personne peut être son avocat.

2.   Les dispositions adoptées par le Sénat

Issu d’un amendement de M. Henri Leroy et plusieurs de ses collègues adopté par le Sénat en séance publique avec le soutien de la Commission et contre l’avis du Gouvernement qui le jugeait satisfait par le droit en vigueur, l’article 31 bis prévoit l’assistance de la victime par un avocat dès le dépôt de plainte et pour la durée de la procédure.

Le complète l’article 10‑4 du code de procédure pénale par un alinéa prévoyant l’information de la victime de son droit à être assistée par un avocat avant son audition. Celui-ci peut poser des questions et formuler des observations jointes à la procédure.

Le  modifie l’article 15‑3 du code de procédure pénale disposant que la police judiciaire reçoit les plaintes déposées par les victimes. Il lui ajoute une phrase indiquant que les victimes ont le droit d’être assistées par un avocat – à l’occasion du dépôt de plainte – dont elles assument les frais, sauf si elles disposent d’une assurance de protection juridique.

Le étend, à l’article 61‑2 du code de procédure pénale, le droit de la victime à être assisté par un avocat dans le cadre d’une confrontation ou d’auditions de toute nature.

3.   Une disposition supprimée par la Commission

La Commission a considéré satisfaites par le droit en vigueur les dispositions de l’article 31 bis. Le  code de procédure pénale prévoit déjà :

– l’assistance de la victime par un avocat si elle souhaite se constituer partie civile ;

– la possibilité pour elle, partie civile ou non, d’être accompagnée par la personne de son choix – le cas échéant un avocat ;

– l’assistance par un avocat de toute victime, même non partie civile, confrontée avec une personne placée en garde à vue.

Cette nouvelle disposition aurait, en outre, un impact négatif sur le déroulement de l’enquête en retardant l’audition des victimes, le temps que l’avocat puisse être contacté et se déplacer.

La Commission a donc supprimé larticle 31 bis en adoptant, avec le soutien du Gouvernement, deux amendements identiques – du rapporteur pour l’un, de M. Stéphane Mazars et de ses collègues du groupe La République en marche pour l’autre.

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Section 2
Dispositions propres à lenquête

Sous-section 1
Dispositions étendant les pouvoirs des enquêteurs

Article 32
(art. 53, 561, 76, 78, 7822 et 8022 [nouveau] du code de procédure pénale ; art.  64 du code des douanes ; art. 41 du code des douanes de Mayotte ; art. L. 62112 du code monétaire et financier ; art. L. 16 B et L. 38 du livre des procédures fiscales)
Extension des pouvoirs des enquêteurs

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 32 accroît les pouvoirs des enquêteurs par diverses modifications : il allonge l’enquête de flagrance, étend les possibilités de perquisition lors d’une enquête préliminaire, autorise la police judiciaire à pénétrer dans un domicile pour l’exécution d’une comparution forcée et permet la fouille systématique de navires. En contrepartie, il ouvre au justiciable un droit au recours pour contester la régularité d’une perquisition.

  Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2016‑731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, a modernisé le régime des perquisitions.

  Modifications apportées au Sénat

Le Sénat a donné à la personne dont le logement est perquisitionné la possibilité de solliciter l’assistance de son avocat. Le régime juridique des visites douanières au domicile ou au cabinet d’un avocat est aligné sur celui des perquisitions. La pénétration au domicile pour l’exécution d’une comparution forcée est supprimée. Un encadrement de la fouille des navires est ajouté, avec un délai maximal d’immobilisation de douze heures et la remise d’un procès-verbal. Le recours à l’encontre d’une perquisition est jugé par le président de la chambre de l’instruction plutôt que par le juge des libertés et de la détention.

  Modifications apportées par la Commission

À l’initiative du Gouvernement et avec l’avis favorable du rapporteur, la Commission est revenue sur les modifications apportées par le Sénat. Elle a également unifié le régime des perquisitions et des visites domiciliaires effectuées au cabinet ou au domicile d’un avocat.

1.   L’allongement de l’enquête de flagrance

a.   Le droit en vigueur

Si une enquête est composée de l’ensemble des recherches et des actes effectués selon les règles du code de procédure pénale, le cadre d’enquête détermine les pouvoirs dont dispose la police judiciaire et sa supervision par l’autorité judiciaire.

Parmi les cadres d’enquête, l’enquête de flagrance se caractérise par l’infraction qui se commet actuellement, ou qui vient de se commettre, ou par la poursuite par la clameur publique de la personne soupçonnée d’avoir participé à l’infraction dans un temps très voisin de l’action ([364]). En raison de l’urgence à agir pour empêcher le dépérissement des preuves, l’officier de police judiciaire est doté de prérogatives coercitives qui, dans le cadre commun de l’enquête préliminaire ([365]), ne sont exercées que sur l’autorisation du parquet.

Pouvoirs des enquêteurs en Enquête préliminaire et en flagrance

 

Flagrance

Préliminaire

Arrestation

D’initiative

Ordre de comparaître par le ministère public ([366])

Perquisition

D’initiative ([367])

Assentiment
de l’intéressé ou autorisation du juge des libertés et de la détention pour les crimes et les délits punis de cinq ans d’emprisonnement ([368])

Perquisition nocturne dans des locaux d’habitation

Autorisation du juge des libertés et de la détention en matière de criminalité et délinquance organisées et de terrorisme ([369])

Autorisation du juge des libertés et de la détention en matière de terrorisme ([370])

Réquisitions, prélèvements, examens scientifiques

D’initiative ([371])

Autorisation judiciaire ([372])

Prérogative particulière

Faire défense à une personne de quitter le lieu de l’infraction ([373])

Néant

Sources : étude d’impact jointe au projet de loi et commission des Lois de l’Assemblée nationale.

L’enquête de flagrance est soumise à deux limitations :

– les prérogatives d’initiative de l’officier de police judiciaire ne lui sont octroyées qu’en répression dun crime ou dun délit puni dune peine demprisonnement ([374]) ;

– la durée de l’enquête de flagrance est limitée à huit jours au cours desquels elle doit se poursuivre sans discontinuer ([375]). Toutefois, lorsque l’enquête porte sur un crime ou un délit puni d’une peine supérieure ou égale à cinq ans d’emprisonnement et que des investigations sont nécessaires à la manifestation de la vérité, le procureur de la République peut prolonger la durée de l’enquête de flagrance jusqu’à seize jours ([376]).

Par rapport à l’enquête préliminaire, qui constitue le régime de droit commun des enquêtes, l’enquête de flagrance se caractérise par des prérogatives très coercitives confiées directement aux officiers de police judiciaire (OPJ), voire aux agents de police judiciaire. Ces pouvoirs accrus sont admis par la jurisprudence constitutionnelle en raison de l’urgence et de la forte suspicion qui pèse sur un individu mis en cause dans le cadre de la flagrance, éléments absents dans l’enquête préliminaire ([377]).

b.   Les dispositions du projet de loi

Le I de l’article 32 prévoit une extension de la durée de l’enquête de flagrance.

D’une part, le porte la durée initiale de l’enquête de flagrance de huit à seize jours lorsque la procédure porte sur un crime ou sur une infraction définie aux articles 706-73 et 706-73-1 du code de procédure pénale, qui déterminent le champ d’application des procédures applicables à la délinquance et à la criminalité organisées.

D’autre part, le  étend la possibilité donnée au procureur de la République de prolonger de huit jours l’enquête de flagrance de droit commun lorsque « des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité ne peuvent être différées » pour tout crime ou délit puni d’une peine demprisonnement de trois ans demprisonnement, et non de cinq ans d’emprisonnement comme aujourd’hui.

Deux éléments persisteraient dans le droit en vigueur : l’enquête de flagrance demeurerait limitée à huit jours pour les délits punis d’une peine d’emprisonnement de moins de trois ans ; quelle que soit l’infraction, la flagrance ne pourrait se perpétuer au-delà de seize jours.

c.   Des dispositions adoptées par le Sénat

Le Sénat a adopté sans l’amender la rédaction proposée par le Gouvernement, tant en commission des Lois qu’en séance publique.

2.   L’extension des possibilités de perquisition en enquête préliminaire

a.   L’état du droit

L’article 76 du code de procédure pénale prescrit les conditions alternatives dans lesquelles, au cours d’une enquête préliminaire et sous l’autorité du procureur de la République, la police judiciaire peut procéder à des perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction selon des modalités par ailleurs contraintes ([378]). Elles supposent :

– soit l’assentiment écrit de la personne chez laquelle l’opération a lieu ;

– soit une décision écrite et motivée du juge des libertés et de la détention sur réquisition du procureur de la République, mentionnant la qualification de l’infraction objet de l’enquête, et pour les seuls crimes et délits punis dune peine demprisonnement de cinq ans.

b.   Les dispositions du projet de loi

Le II de l’article 32 abaisse de cinq à trois ans le quantum de la peine encourue à partir duquel une enquête préliminaire peut donner lieu à une perquisition au domicile sans l’assentiment de la personne concernée.

c.   Des dispositions profondément modifiées par le Sénat

Les rapporteurs ont porté un regard sévère sur l’évolution proposée par le Gouvernement. Ils ont estimé qu’elle n’était motivée ni par l’urgence de l’affaire, puisqu’elle porte sur les pouvoirs des enquêteurs dans l’enquête préliminaire et non en situation de flagrance, ni par sa complexité, puisque le dossier pourrait alors valablement donner lieu à l’ouverture d’une information judiciaire et à la désignation d’un juge d’instruction. De plus, ils ont pointé un effet de ciseau entre la diminution des seuils permettant le recours à des mesures d’investigations plus coercitives et le rehaussement régulier de l’échelle des peines sanctionnant un comportement délictueux. Enfin, ils se sont interrogés sur la proportionnalité de l’évolution proposée, considérant que les délits punis de trois ans d’emprisonnement ou moins justifiant une mesure aussi invasive qu’une perquisition sont rares, alors même que les chantiers de la justice avaient fait apparaître qu’un seuil de trois ans d’emprisonnement « concernerait désormais quasiment toutes les infractions, mêmes mineures », une « unification simplificatrice » à cinq ans étant recommandée pour le seuil des perquisitions et des géolocalisations en enquête préliminaire ([379]).

Toutefois, la commission des Lois a adopté la mesure proposée par le Gouvernement, mais elle l’a assortie, sur proposition des rapporteurs, de la possibilité pour la personne perquisitionnée de solliciter lassistance de son avocat (I bis). Inscrite à l’article 56 du code de procédure pénale, cette disposition aurait vocation à s’appliquer dans le cadre de l’enquête préliminaire comme dans celui de la flagrance.

Par ailleurs, la Commission a également adopté un amendement de Mme Jacky Deromedi alignant le régime des visites douanières effectuées au domicile ou au cabinet dun avocat sur celui de l’article 56‑1 du code de procédure pénale relatif à la perquisition en ces mêmes lieux ([380]) (VI).

En séance publique, les sénateurs ont adopté deux amendements des rapporteurs portant coordination avec les modifications apportées en commission des Lois. L’amendement du Gouvernement visant à rétablir le texte initial a été rejeté.

3.   L’autorisation de pénétrer dans un domicile pour faire exécuter un ordre de comparaître, lors d’une enquête préliminaire

a.   L’état du droit

Dans le cadre d’une enquête préliminaire, l’article 78 du code de procédure pénale prescrit aux personnes convoquées par un officier de police judiciaire à fin d’audition qu’elles sont tenues de comparaître. À défaut de présentation volontaire, ou s’il est craint que la personne ne défère pas, l’OPJ peut solliciter du procureur de la République l’autorisation de la faire comparaître par la force ([381]).

Il n’est cependant pas possible, dans le cadre d’une comparution forcée, d’aller saisir la personne concernée à son domicile si elle ne donne pas son assentiment. Afin de contourner cette difficulté, la police judiciaire a recours à la procédure du mandat de recherche ([382]) : si l’enquête porte sur un crime ou un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement, le procureur de la République peut décerner mandat contre toute personne à l’encontre de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre l’infraction. Il est alors possible de pénétrer au domicile entre 6 heures et 21 heures, mais la personne saisie est obligatoirement placée en garde à vue, ce qui n’est pas forcément opportun si elle devrait comparaître en tant que témoin.

Par ailleurs, la Cour de cassation a jugé que l’article 78 du code de procédure pénale ne permettait pas de pénétrer par effraction et en son absence dans le domicile d’un tiers susceptible d’héberger la personne convoquée : « une telle atteinte à la vie privée ne pouvant résulter que de dispositions légales spécifiques confiant à un juge le soin den apprécier préalablement la nécessité » ([383]) .

b.   Les dispositions du projet de loi

Le III de l’article 32 complète l’article 78 du code de procédure pénale afin que les agents autorisés par le procureur de la République, par écrit motivé, à forcer la comparution de la personne convoquée puissent pénétrer au domicile entre 6 heures et 21 heures, qu’il s’agisse de celui de la personne concernée ou d’un tiers, lorsqu’il existe des « raisons plausibles de soupçonner quelle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni dune peine dau moins trois ans demprisonnement ».

Au contraire du mandat de recherche, la disposition envisagée ne commande pas le placement en garde à vue de l’intéressé.

c.   Une disposition supprimée par le Sénat

Les rapporteurs ont critiqué sur plusieurs points la mesure proposée par le Gouvernement :

– l’autorisation de pénétrer au domicile émanerait du ministère public et ne serait à aucun moment contrôlée par un juge du siège ;

– le mécanisme proposé ressemble fortement à la procédure du mandat de recherche – une peine encourue d’au moins trois ans d’emprisonnement et une autorisation écrite préalable et motivée du procureur de la République ;

– l’absence de lien direct et évident entre le domicile concerné et la personne recherchée pourrait conduire à pénétrer de force dans tout local d’habitation où la personne convoquée serait susceptible de se trouver, qu’elle en soit propriétaire, occupante ou non ;

– la disproportion entre le but poursuivi – une simple audition – et les moyens déployés – une intrusion au domicile.

Sur proposition des rapporteurs, la commission des Lois a supprimé cette disposition que le Gouvernement n’est pas parvenu à faire rétablir en séance publique.

4.   Les visites de navires présents en mer territoriale

a.   L’état du droit

L’article 78‑2‑2 du code de procédure pénale ([384]) autorise, sur réquisitions écrites du procureur de la République et pour une durée renouvelable de vingt-quatre heures, la visite systématique par les officiers et agents de police judiciaire des véhicules qui circulent, stationnent ou sont arrêtés sur la voie publique ou dans des lieux accessibles au public. Cette opération a lieu aux fins de recherche et de poursuites des infractions relatives au terrorisme, aux armes, aux stupéfiants, au vol et au recel. La visite suppose la présence du conducteur ou du propriétaire du véhicule, ou d’un tiers requis à cet effet. Le véhicule est immobilisé pour le temps nécessaire au contrôle seulement. Un procès-verbal des opérations de fouilles est rédigé sur demande ou en cas de découverte d’une infraction.

L’article 78‑2‑2 n’est toutefois pas applicable aux navires. En la matière, l’article L. 5211‑3‑1 du code des transports autorise la fouille des navires se trouvant dans les eaux intérieures ou en mer territoriale française ([385]). Avec l’assentiment du capitaine du navire, ou à défaut l’autorisation du juge des libertés et de la détention, les autorités françaises peuvent monter à bord à la recherche de matériels, d’armes ou d’explosifs, pour prévenir une atteinte grave à la sécurité des personnes et des biens.

b.   Les dispositions du projet de loi

Considérant le dispositif du code de procédure pénale plus efficace que celui du code des transports, le IV de l’article 32 applique aux navires le régime en vigueur pour les fouilles de véhicules. Il permet aux mêmes agents, pour les mêmes infractions, d’accéder et de visiter tous les navires, bateaux ou engins flottants ([386]) présents en mer territoriale, dans les eaux intérieures, ou se dirigeant vers un port ou vers les eaux intérieures.

La visite se déroule en présence du capitaine. La durée de l’immobilisation est limitée au temps strictement nécessaire au déroulement de la visite.

c.   Une disposition adoptée par le Sénat

La commission des Lois a soutenu la mesure proposée pour un meilleur contrôle des navires et autres objets flottants. En adoptant un amendement des rapporteurs, elle a souhaité l’encadrer en limitant à douze heures la durée de l’immobilisation et en ordonnant qu’un procès-verbal soit délivré à l’issue de la visite.

Le Gouvernement n’a pas souhaité revenir sur ces modifications. Aucun amendement n’a été adopté en séance publique.

5.   La création d’un recours contre les perquisitions et visites

a.   L’état du droit et les dispositions du projet de loi

Considérant les dispositions précédentes, le Conseil d’État a estimé, dans son avis préalable à l’adoption du projet de loi en Conseil des ministres, qu’un « tel assouplissement du recours aux perquisitions et au régime de lenquête de flagrance ne peut être admis que si le régime des perquisitions prévu par le code de procédure pénale est mis en conformité avec les exigences du droit à un recours juridictionnel effectif. Les personnes qui ont fait lobjet dune perquisition et à lencontre desquelles laction publique nest pas mise en mouvement doivent, comme les personnes poursuivies, disposer du droit de faire juger de la légalité et de la régularité, en droit et en fait, de la mesure dont elles ont fait lobjet » ([387]). Le Conseil d’État recommande notamment que ces personnes puissent saisir d’une demande tendant à l’annulation de la perquisition le juge des libertés et de la détention ou, dans le cadre d’une instruction, la chambre de l’instruction.

Le Gouvernement a donné suite cet avis. Le V de l’article 32 crée, dans un nouvel article 802‑2 du code de procédure pénale, une voie de contestation de la régularité ([388]) dune visite domiciliaire ou dune perquisition, intervenue au cours d’une enquête ou d’une information judiciaire contre une personne n’ayant pas acquis, six mois après, la qualité de prévenu, de témoin assisté ou de mis en examen ([389]). Ce droit au recours est ouvert pour un an devant le juge des libertés et de la détention, qui statue dans le mois après avoir recueilli les observations du procureur de la République ou, sur réquisition de celui-ci, dans les huit jours. L’ordonnance du juge des libertés et de la détention est susceptible d’appel devant la chambre de l’instruction.

Si l’action publique a été engagée dans la même affaire contre d’autres personnes que celles ayant formé le recours, il appartient d’en connaître au président de la chambre de l’instruction dans le cadre d’une information judiciaire, ou au président de la juridiction de jugement si des poursuites ont été engagées.

b.   Une disposition adoptée par le Sénat

La commission des Lois du Sénat s’est montrée favorable à la création de ce recours au regard de la tendance à l’allongement des enquêtes préliminaires pendant de nombreuses années sans que les tiers non poursuivis aient la possibilité de contester la régularité, la proportionnalité et la nécessité des mesures coercitives qu’ils ont subies. Ils ont cependant déploré que ce nouveau mécanisme, certes créateur de droits pour le justiciable, vienne compliquer davantage la procédure pénale.

Un amendement des rapporteurs a été adopté, qui confie le soin de statuer sur ce contentieux non au juge des libertés et de la détention, mais au président de la chambre de linstruction, afin d’éviter qu’un juge des libertés et de la détention ne soit amené à se prononcer a posteriori sur la régularité d’une perquisition dont il aurait lui-même jugé a priori du bien-fondé.

6.   Des dispositions modifiées par la Commission

Si elle a apporté plusieurs améliorations rédactionnelles à l’article 32 à l’initiative du rapporteur, la Commission a estimé les explications apportées par le Gouvernement suffisantes pour lever les doutes exprimés par le Sénat. En conséquence, elle a adopté des amendements du Gouvernement soutenus par le rapporteur visant à :

– supprimer les dispositions prévoyant le droit dêtre assisté par un avocat lors dune perquisition réalisée dans le cadre d’une enquête de flagrance ou en préliminaire, considérant que rien n’interdit à la personne faisant l’objet d’une perquisition de solliciter la venue de son conseil sur les lieux et que rien n’autorise les services de police judiciaire à s’opposer sa présence ([390]) ;

– rétablir la possibilité pour les enquêteurs de pénétrer de jour au domicile dune personne afin de linterpeller dans le cadre dun ordre à comparaître délivré par le parquet, possibilité supprimée par le Sénat en raison de sa similarité avec la procédure du mandat de recherche. La Commission a jugé excessif et incohérent d’imposer au procureur de la République un recours au mandat de recherche mobilisant tous les services du territoire national alors même que le lieu de résidence de la personne visée est parfaitement identifié. Elle a également apprécié que le Gouvernement adjoigne à son dispositif une précision qui ne figurait pas dans le texte initial, aux termes de laquelle la pénétration au domicile ne peut se muer en perquisition et donner lieu à saisie que dans des circonstances précises – crime ou délit flagrant et, dans le cadre préliminaire, consentement de la personne ou autorisation du juge des libertés et de la détention ;

– supprimer lexigence détablissement dun procès-verbal lors de la visite de navires, cette formalité n’étant exigée que dans le cas de locaux spécialement aménagés à usage d’habitation et effectivement utilisés comme résidence et, par ailleurs, n’étant pas prévue pour la fouille des véhicules régie par l’article 78‑2‑2 du code de procédure pénale ;

– rétablir la compétence du juge des libertés et de la détention pour contrôler les perquisitions, ce qui permet un recours à l’encontre de ses décisions devant le président de la chambre de l’instruction. La solution retenue par le Sénat confiant d’emblée la compétence de premier ressort audit président de la chambre de l’instruction, avec un recours de ses décisions devant cette même chambre, soulève d’importantes difficultés puisqu’un magistrat présiderait la formation statuant sur le recours formé contre sa propre décision. Au contraire, la compétence du juge des libertés et de la détention n’appelle aucune critique, quand bien même il aurait préalablement ordonné la perquisition, puisqu’il lui serait demandé de vérifier le bon déroulement de celle-ci et non sa justification en opportunité ;

– harmoniser les règles relatives à la perquisition et à la visite domiciliaire au cabinet ou au domicile dun avocat en prévoyant l’application par principe des règles du code de procédure pénale. Cette solution est préférable à la multiplication des conditions particulières dans les différents codes pouvant donner lieu à une visite domiciliaire, dont il aurait pu résulter des différences et des contradictions dans les rédactions.

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Article 32 bis
(art. 66, 155 [abrogé], 4952, 5306,70657 et 8011 du code de procédure pénale)
Procédure orale pour la répression de certaines infractions prévues par le code de la route

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Issu d’un amendement de M. François Grosdidier et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains adopté en séance publique au Sénat avec le soutien de la Commission et contre l’avis du Gouvernement, l’article 32 bis prévoit d’expérimenter un moindre recours à l’écrit dans la procédure pénale en répression de certaines infractions au code de la route.

  Dernières modifications législatives intervenues

Aucune modification législative n’est intervenue en la matière.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a remanié le dispositif de l’article 32 bis. Elle a limité l’oralisation de la procédure à l’étape de notification des droits. Elle a également posé les bases d’une numérisation accrue de la procédure pénale.

1.   L’état du droit

Le formalisme constitue l’une des caractéristiques de la procédure pénale : il garantit le justiciable contre l’arbitraire et protège l’auteur des investigations contre les accusations d’abus de pouvoir. Il convient, cependant, que cette protection ne se mue pas en carcan, et que les outils mis à la disposition de la police judiciaire par les nouvelles technologies puissent être employés pour libérer les officiers et les agents des tâches administratives les plus rébarbatives.

Rapport Beaume, 2014 ([391])

Ne pourrait-on pas, non seulement dématérialiser, mais aussi « oraliser » (« déscripturaliser », disent certains) les procédures les plus simples ? Elles donneraient lieu au versement de toutes les pièces utiles à l’enquête (plainte écrite initiale, certificat médical, attestation écrite, résultat d’analyse ou d’expertise, copie d’un jugement ou d’une notification judiciaire, copie d’un document bancaire ou administratif…), au seul enregistrement sonore (sur CD-Rom, ou mieux, sur un serveur qui pourrait devenir accessible au juge et à l’avocat…) des actes effectués en garde à vue ou en audition libre (notification des droits, témoignages, audition du mis en cause…), enfin à une sorte de procès-verbal de synthèse récapitulative écrit valant déroulé de l’enquête : heure et mode de saisie, heures et diligences de la garde à vue, heures et bref résumé des auditions, décision du ministère public.

Une telle proposition paraît résolument iconoclaste, en tout cas opposée à notre culture judiciaire de l’écrit : elle mérite cependant attention, quand on sait que globalement, sur 100 procédures traitées par les enquêteurs, environ 2/3 ne finissent pas soumises à l’appréciation d’un juge du siège : classements sans suite (y compris d’opportunité), rappels à la loi par délégué de procureur, alternatives aux poursuites. Il est bien évident que, en cas de nécessité (demande du parquet ou de la défense, changement d’orientation de la décision d’action publique), la transcription pourrait intervenir sans délai. On notera, au surplus, qu’une transcription sera(it) bien plus fidèle aux notifications réellement effectuées et aux propos effectivement tenus qu’un procès-verbal dont chacun sait qu’il se limite à l’essentiel. Il est aussi évident, à l’inverse, que toute procédure conduite devant le juge (instruction ou jugement) devra rester une procédure intégralement écrite.

Les représentants de la police et de la gendarmerie nationales plaident notamment pour une « oralisation » de certains pans de la procédure, qui consisterait à faire d’enregistrements audio ou vidéo des pièces de procédure à part entière, versées au dossier au même titre qu’une pièce écrite éventuellement accompagnées d’un procès-verbal de synthèse.

L’oralisation soulève, de l’avis de la chancellerie, des difficultés importantes de mise en œuvre, dès lors qu’elle conduirait à alourdir la tâche des magistrats et allongerait les délais de traitement des procédures judiciaires. Elle bouleverserait également les méthodes de travail des magistrats et des avocats, qui seraient contraints de rechercher des extraits audio ou vidéo dans un enregistrement de plusieurs heures.

Mais, comme le souligne un rapport du Sénat remis à l’été, « force est toutefois de constater que policiers et gendarmes consacrent une part significative de leur temps de travail à des opérations de transcription, alors même quune partie conséquente des actes de procédures, notamment dans les affaires qui ne prospèrent pas, nest pas lue par les magistrats » ([392]). Le lancement d’une expérimentation avait été envisagé en 2015 par la direction générale de la gendarmerie nationale, avec l’accord de la direction des affaires criminelles et des grâces, sans trouver de concrétisation.

2.   Les dispositions adoptées par le Sénat

Issu d’un amendement de M. François Grosdidier, rapporteur de la commission d’enquête sénatoriale précédemment mentionnée, et de plusieurs de ses collègues, l’article 32 bis a été adopté contre l’avis du Gouvernement, mais avec le soutien de la commission des Lois.

Il prévoit qu’une expérimentation dune durée de trois ans soit lancée dans les six mois suivant la promulgation de la loi. Les constatations relatives à certaines infractions, habituellement écrites, prendraient la forme d’un enregistrement audio accompagné d’une synthèse écrite. Les infractions concernées appartiennent au code de la route : il s’agit de la conduite sous linfluence de lalcool ou de stupéfiants et des comportements compromettant délibérément la sécurité ou la tranquillité des usagers de la route ([393]).

3.   Des dispositions profondément modifiées par la Commission

La Commission a partagé l’ambition du Sénat d’une modernisation de la procédure pénale par un recours accru aux technologies modernes. Elle a pris note des demandes répétées des représentants des forces de l’ordre pour une oralisation de certains éléments de la procédure, mais aussi des réticences des magistrats devant les difficultés que ne manqueraient pas de susciter cette pratique au moment de l’instruction ou du jugement. Ces deux positions lui ont semblé également pertinentes. Par ailleurs, la Commission a pris connaissance avec intérêt des résultats décevants d’une précédente expérimentation d’oralisation de la procédure : il en ressortait que l’objectif de simplification n’était pas atteint dans la mesure où les constatations de fond réalisées par les enquêteurs – notamment les auditions – impliquent la rédaction de procès-verbaux de synthèse, également consommateurs de temps et de surcroît plus contestables que les actuels procès-verbaux exhaustifs.

La Commission s’est attachée à rédiger un dispositif complet, à la fois ambitieux et réaliste, qui puisse donner satisfaction aux partisans d’un moindre recours au format papier sans compliquer la tâche des autres intervenants de la chaîne judiciaire. Elle a ainsi adopté deux amendements identiques, présentés par le rapporteur et par M. Stéphane Mazars et les membres du groupe La République en marche, auxquels le Gouvernement a apporté son soutien.

Le II du dispositif adopté préserve le principe de l’oralisation à travers une expérimentation de trois ans, conduite à partir du 1er janvier 2019. Celle-ci prendrait la forme d’une notification orale de leurs droits aux personnes entendues, arrêtées ou placées en garde à vue, qui ferait l’objet d’un enregistrement sonore ou audiovisuel. Il en résultera l’élimination d’une pièce de procédure écrite pour les services d’enquête sans dommage pour les magistrats puisqu’il ne sera jamais nécessaire de consulter l’enregistrement plus d’une fois pour s’assurer du bon accomplissement de la formalité.

Toutefois, la Commission a considéré que l’objectif de simplification de la procédure pénale serait plus efficacement poursuivi par la dématérialisation intégrale des procédures, sentiment qui rejoint les conclusions de la mission de préfiguration des ministères de l’intérieur et de la justice « Procédure pénale numérique » dont le rapport a été remis en avril 2018.

À cette fin, le I du dispositif adopté modifie plusieurs articles du code de procédure pénale ([394]) afin que les affaires puissent être étudiées sans support papier, du premier acte d’enquête à l’audience de jugement et à l’exécution de la peine, grâce à un dossier de procédure numérique. Certaines formalités sont ainsi assouplies : l’obligation de signature page par page ou l’apposition d’un sceau pour certains actes, l’obligation de conserver un original papier alors même que celui-ci a été numérisé, la distinction entre actes originaux et copies et donc l’obligation de certification conforme, ou encore l’obligation de recourir à un support physique placé sous scellé pour des contenus numériques.

La consécration dans le code de procédure pénale du dossier de procédure numérique, composé à la fois des pièces numérisées (scannées) et des pièces numériques (générées sans impression), permettra à chacun de bénéficier de tous les gains de la dématérialisation, parmi lesquels certaines fonctionnalités – par exemple, pour les actes qui le nécessitent, une signature numérique qui assurera l’intégrité de l’acte, ou encore une consultation du dossier facilitée.             

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Article 32 ter
Rapport sur le recours aux données issues des objets connectés dans le cadre du traitement juridique dune affaire

Supprimé par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Issu d’un amendement de M. Dany Wattebled et de plusieurs de ses collègues adopté par le Sénat en séance public avec le soutien des rapporteurs et contre l’avis du Gouvernement, l’article 32 ter sollicite la production d’un rapport gouvernemental sur le recours aux données issues des objets connectés dans le cadre du traitement juridique d’une affaire.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a supprimé l’article 32 ter.

1.   L’état du droit

La loi n° 2014‑372 du 28 mars 2014 relative à la géolocalisation a inséré au sein du code de procédure pénale et du code des douanes des dispositions permettant aux enquêteurs, sous certaines conditions, de recourir « à tout moyen technique destiné à la localisation en temps réel, sur lensemble du territoire national, dune personne, à linsu de celle-ci, dun véhicule ou de tout autre objet, sans le consentement de son propriétaire ou de son possesseur » ([395]).

La multiplication des objets connectés donne aux services d’investigation un accès à de nouveaux types de données d’une grande utilité dans l’élucidation d’une infraction.

Diverses affaires criminelles ont été résolues par les données enregistrées par le bracelet électronique de la victime – voire de l’auteur des faits.

2.   Les dispositions adoptées par le Sénat

Issu d’un amendement de M. Dany Wattebled (groupe Les Indépendants – République et Territoires) et de plusieurs de ses collègues adopté par le Sénat en séance public avec le soutien des rapporteurs et contre l’avis du Gouvernement, l’article 32 ter sollicite la production d’un rapport gouvernemental sur le recours aux données issues des objets connectés dans le cadre du traitement juridique d’une affaire.

Le meurtre et l’objet connecté (extraits) ([396])

Sil sagit dun fait divers, il illustre toutefois très bien comment les objets connectés sont amenés à servir comme preuve en justice pour confirmer la culpabilité dun suspect ou, au contraire, laver lhonneur dun prévenu. Il faut dire en effet que ces appareils offrent un accès exceptionnel à lindividu et à ce quil fait, puisquils enregistrent des informations très intimes, comme la fréquence cardiaque.

Ces informations physiologiques permettent par exemple de savoir quel était létat dun individu à tel ou tel moment. Il est possible de détecter sil y a eu un rapport sexuel en observant lévolution dans le temps des pulsations du cœur. Les indications au niveau du GPS permettent aussi de savoir où était le bracelet — et donc, en théorie, son porteur.

En France, lutilisation judiciaire des accessoires et objets connectés est possible, dans la mesure où le principe dit que la preuve admissible est libre en matière civile, administrative et pénale. Dit autrement, tout moyen de preuve licite est admis. Donc il est concevable de demander une ordonnance judiciaire pour récupérer les données que le fabricant de tel ou tel objet connecté collecte.

3.   Des dispositions supprimées par la Commission

Par principe, votre commission des Lois est hostile aux dispositions législatives commandant au Gouvernement la production d’un rapport. Les parlementaires disposent des moyens nécessaires à leur rédaction par la création de missions d’information ou de commissions d’enquête.

Par ailleurs, la Commission a jugé peu évident le sujet du rapport commandé à l’article 32 ter, qu’elle a supprimé sur proposition du rapporteur bénéficiant d’un avis favorable du Gouvernement.

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Sous-section 2
Dispositions diverses de simplification

Article 33
(art. 43 et 60 du code de procédure pénale ; art. L. 2344, L. 2345, L. 2349 et L. 2352
du code de la route)
Dispositions diverses de simplification

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 33 comporte diverses mesures destinées à réduire la complexité de la procédure pénale. Il prévoit une nouvelle possibilité de dépayser une enquête, la modification des règles de placement sous scellés et la simplification des conditions dans lesquelles s’exerce le contrôle d’un conducteur suspecté de se trouver sous l’emprise de l’alcool ou de produits stupéfiants.

  Dernières modifications législatives intervenues

La possibilité pour le procureur de la République de dépayser une enquête a été ouverte par la loi n° 2004‑204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Les règles relatives au contrôle routier et au dépistage de la consommation d’alcool par un conducteur ont été peu modifiées depuis la loi n° 2001‑1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne.

  Modifications apportées au Sénat

Le Sénat a transformé en obligation la faculté de dépayser une enquête offerte au procureur général en cas de relation entre l’auteur ou la victime de l’infraction avec un magistrat ou un fonctionnaire de la cour d’appel. En matière de contrôle routier, le Sénat a souhaité que la police judiciaire puisse librement privilégier un examen médical ou une analyse biologique pour établir de façon probante l’alcoolisation du conducteur contrôlé.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a rétabli la simple faculté de dépaysement d’une enquête dont dispose le procureur général en cas de danger pour l’apparence d’impartialité de la cour d’appel.

1.   L’état du droit et les dispositions du projet de loi

a.   La décision de dépayser une enquête

La compétence territoriale des parquets est régie par l’article 43 du code de procédure pénale : « Sont compétents le procureur de la République du lieu de linfraction, celui de la résidence de lune des personnes soupçonnées davoir participé à linfraction, celui du lieu darrestation dune de ces personnes, même lorsque cette arrestation a été opérée pour une autre cause et celui du lieu de détention dune de ces personnes, même lorsque cette détention est effectuée pour une autre cause » ([397]).

Toutefois, le second alinéa du même article prévoit une exception dans le cas où serait mise en cause limpartialité du parquet en raison de la proximité d’une victime ou d’un auteur d’une infraction avec un magistrat, un avocat, un officier public ou ministériel, un gendarme, un policier, un fonctionnaire des douanes ou de l’administration pénitentiaire, ou toute autre personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public habituellement, par ses fonctions ou sa mission, en relation avec les magistrats et fonctionnaires de la juridiction. Le fait quil y ait effectivement un défaut dimpartialité est sans importance puisque, en laissant peser un soupçon en ce sens, la juridiction porte déjà atteinte à l’image d’indépendance qui doit toujours être la sienne ([398]).

Afin de prévenir toute suspicion de corruption ou de favoritisme, le procureur général peut, d’office, sur proposition du procureur de la République ou à la demande de l’intéressé, transmettre la procédure au procureur de la République près le tribunal de grande instance le plus proche du ressort de la cour d’appel. On parle de décision de dépayser le dossier.

Conçue pour intervenir au stade de l’enquête, la procédure de l’article 43 du code de procédure pénale présente l’avantage d’une grande simplicité ([399]). Elle souffre néanmoins d’une lacune : elle ne porte que sur le premier degré de juridiction. Or, il est tout à fait possible que l’auteur ou la victime de l’infraction poursuivie n’ait aucune relation avec un magistrat ou un fonctionnaire de la juridiction de première instance, mais qu’il en aille différemment avec les personnes travaillant à la cour d’appel saisie de son affaire.

En conséquence, le I de l’article 33 comble ce manque en prévoyant que, dans pareille situation, le procureur général peut transmettre la procédure au procureur général près la cour d’appel la plus proche, ce dernier chargeant de l’enquête le procureur de la République près le tribunal de grande instance voisin.

b.   Le placement sous scellés

Dans le cadre d’une enquête de flagrance, l’officier de police judiciaire (OPJ) peut avoir recours à toute personne qualifiée pour procéder à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques ([400]). Les personnes désignées pour procéder à ces examens peuvent ouvrir des scellés ([401]). En revanche, seul lofficier de police judiciaire peut constituer des scellés et, par sa présence, permettre que soit effectué un placement sous scellés.

La pratique montre qu’il serait utile et plus efficace que les personnes sollicitées par l’OPJ pour procéder à des examens techniques puissent placer des éléments sous scellés sans sa présence. L’étude d’impact jointe au projet de loi mentionne notamment le cas « des autopsies pour lesquelles il semble logique dautoriser les médecins à placer leurs prélèvements sous scellés ».

Le II de l’article 33 autorise, hors la présence de lofficier de police judiciaire, les personnes requises par lui pour effectuer des examens techniques et médicaux à replacer sous scellés les objets examinés et placer sous scellés les éléments résultant de leur examen.

c.   Le contrôle d’un conducteur sous l’emprise de l’alcool ou de produits stupéfiants

Le code de la route autorise l’officier de police judiciaire et, sur son ordre et sous sa responsabilité, les agents de police judiciaire (APJ) et les agents de police judiciaire adjoints (APJA), à soumettre un conducteur à un dépistage de limprégnation alcoolique par l’air expiré, même en l’absence d’infraction préalable ou d’accident ([402]). Lorsque ce dépistage laisse présumer l’existence d’un état alcoolique ou que le conducteur refuse de s’y soumettre, les officiers ou agents de police judiciaire font procéder aux vérifications destinées à établir de façon probante l’état du conducteur :

– soit au moyen d’analyses et examens médicaux, cliniques et biologiques ;

– soit grâce à un appareil homologué permettant de déterminer la concentration d’alcool par l’analyse de l’air expiré ([403]).

En cohérence avec l’article 30 du projet de loi visant à recentrer l’OPJ vers ses missions principales et à confier des missions étendues aux APJ, le 2° du III de l’article 33 autorise l’APJ à soumettre le conducteur contrôlé à un dépistage sans pour cela se placer sous les ordres et la responsabilité d’un OPJ.

Par ailleurs, le 1° du III précise que l’officier ou l’agent de police judiciaire qui fait procéder à une analyse ou à un examen médical, clinique ou biologique peut requérir un médecin, un interne, un étudiant en médecine autorisé à exercer la médecine comme remplaçant ou un infirmier pour effectuer une prise de sang.

Le  du III procède aux mêmes modifications en matière de contrôle d’un conducteur sous l’emprise de produits stupéfiants ([404]).

2.   Les modifications apportées par le Sénat

a.   En commission des Lois

Les membres de la commission des Lois du Sénat ont estimé que les dispositions de l’article 33, bien qu’hétéroclites, permettaient des avancées : la disposition relative au dépaysement des affaires « permet de combler une lacune de notre droit » ; la plus grande autonomie donnée aux APJ et aux experts devrait permettre aux OPJ de « se consacrer à dautres activités pour lesquelles leurs compétences seront mieux employées ». Quant à la possibilité de requérir des professionnels de santé pour effectuer des prises de sang, elle « constitue une mesure pragmatique qui ne soulève pas de difficulté de principe » ([405]).

La commission a adopté un amendement déposé par le Gouvernement et complétant le III relatif au contrôle de la consommation d’alcool ou de stupéfiants par les conducteurs de véhicule. Une fois le dépistage positif ou après le refus de la personne contrôlée de s’y prêter, l’article L. 234‑4 du code de la route prévoit que les vérifications destinées à prouver l’état alcoolique sont réalisées au moyen d’examens médicaux et d’analyses biologiques. Or, l’exigence d’examen médical impose de faire appel à un médecin alors que l’analyse d’un prélèvement biologique suffit à établir l’imprégnation alcoolique. Le  bis du III permet à la police judiciaire de choisir son mode de vérification, examen médical ou analyse biologique, cette dernière pouvant être réalisée par simple prise de sang par un infirmier.

b.   En séance publique

En séance publique, le Sénat a adopté un amendement de Mme Brigitte Lherbier et de plusieurs de ses collègues contre les avis des rapporteurs et du Gouvernement. Le dépaysement d’une enquête en cas de relation d’une personne concernée avec un magistrat ou un fonctionnaire de la cour d’appel devient une obligation faite au procureur général – et non, comme le prévoyait le texte initial, une faculté laissée à son appréciation.

3.   Des dispositions modifiées par la Commission

La Commission a approuvé lensemble des initiatives des rapporteurs du Sénat et des modifications introduites dans le texte initial par la commission des Lois. Elle s’est bornée à leur apporter, sur proposition du rapporteur, des améliorations de nature rédactionnelle.

 En revanche, comme d’ailleurs la commission des Lois du Sénat, la Commission n’a pas soutenu la décision prise par les sénateurs en séance publique de transformer en obligation la faculté offerte au procureur général de dépayser une enquête en cas de danger pour l’apparence d’impartialité de la cour d’appel. En dépit de l’attention toute particulière qu’elle porte à la prévention des conflits d’intérêts et à l’objectif de moralisation de la vie publique, elle a jugé cet impératif de dépaysement manifestement excessif. La rédaction issue du Sénat empêche le procureur général d’apprécier la nature de la relation entre une des personnes apparaissant dans l’enquête et un magistrat ou agent de la cour d’appel : il lui est donc interdit de proportionner sa décision aux circonstances de l’espèce. De plus et surtout, en prescrivant une obligation de dépaysement, la disposition votée par le Sénat ouvrirait de nouveaux contentieux puisqu’il suffirait de mettre au jour une relation, a posteriori, pour solliciter la nullité de l’ensemble de la procédure.

Sur proposition du rapporteur, la Commission a donc rétabli le pouvoir du procureur général de décider de lopportunité dun dépaysement de l’enquête.

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Section 3
Dispositions propres à linstruction

Sous-section 1
Dispositions relatives à louverture de linformation

Article 34
(art. 805 [nouveau], 85, 86, 173, 3921 et 706242 [abrogé] du code de procédure pénale)
Continuité des actes denquête lors de la saisine du juge dinstruction et recevabilité des plaintes avec constitution de partie civile

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 34 comporte deux dispositions tout à fait distinctes. Il généralise la possibilité de poursuivre certaines opérations postérieurement à l’ouverture d’une information judiciaire. Il modifie également la procédure de dépôt de plainte avec constitution de partie civile en allongeant le délai de réponse imparti au procureur de la République, en créant un recours obligatoire à l’encontre de sa décision devant le procureur général et en permettant au juge d’instruction de ne pas informer pour orienter le plaignant vers une citation directe devant le tribunal.

  Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2016‑731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, a permis aux mesures ordonnées par le procureur de la République de ne pas s’interrompre pendant les 48 heures suivant le réquisitoire introductif lorsque l’infraction concernée relève du terrorisme.

  Modifications apportées au Sénat

Le Sénat a limité la possibilité de perpétuer les mesures de l’enquête dans les premiers jours de l’information judiciaire à quarante-huit heures et aux seules infractions relevant de la délinquance et de la criminalité organisées. Il a également supprimé le recours hiérarchique obligatoire devant le procureur général.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a recherché une voie médiane pour la perpétuation des mesures de l’enquête dans les premiers jours de l’instruction, décidant que celle-ci serait limitée à quarante-huit heures comme le souhaitait le Sénat, mais concernerait l’ensemble des crimes et des délits punis d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à trois ans.

1.   La prolongation de certaines mesures ordonnées par le procureur de la République après l’ouverture d’une information judiciaire

a.   L’état du droit

Le passage de l’enquête à l’information judiciaire change la direction des investigations : sous la responsabilité du procureur de la République dans le premier cas, elle incombe au juge d’instruction dans le second. Par principe, la clôture de l’enquête fait cesser les mesures de surveillance, d’infiltration ou encore d’interception ordonnées par le procureur de la République. Leur reprise implique l’autorisation du magistrat instructeur. La désignation d’un juge d’instruction entraîne ainsi une rupture dans la collecte dinformations utiles à la manifestation de la vérité.

Afin de prévenir cette interruption dans la collecte d’information, la loi n° 2016‑731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, a créé au sein du code de procédure pénale un nouvel article 706‑24‑2 prévoyant, en matière de terrorisme uniquement, que les actes d’investigation ([406]) autorisés pendant la phase de l’enquête restent valides pendant 48 heures à compter de la délivrance du réquisitoire introductif ([407]) si le procureur prend une décision spéciale et motivée en ce sens. Le juge d’instruction peut alors décider de perpétuer la mesure dans les conditions du droit commun ou y mettre un terme avant l’expiration du délai prévu.

Les professionnels de la justice et les enquêteurs ont qualifié de « sas » ces quarante-huit heures permettant d’assurer une continuité entre l’enquête et l’instruction.

b.   Les dispositions du projet de loi

Le I de l’article 34 généralise au droit commun lexistence du « sas » entre l’enquête et l’instruction à travers la création, au sein du code de procédure pénale, d’un nouvel article 80‑5. Il assure la continuité des actes d’enquête ([408]) pour lensemble des crimes et délits de droit commun.

La durée de ce sas serait doublement limitée puisqu’elle ne pourrait :

– excéder sept jours à compter du réquisitoire introductif ;

– dépasser de plus de quarante-huit heures le terme légal dans le cadre de lenquête, c’est-à-dire les huit ou seize jours de l’enquête de flagrance suivant les circonstances de l’espèce ([409]).

L’autorisation délivrée par le procureur de la République n’est versée au dossier de la procédure qu’en même temps que les procès-verbaux relatant l’exécution et constatant l’achèvement des actes dont la poursuite a été autorisée et qui ont, le cas échéant, été prolongés par le juge d’instruction.

En revanche, le projet de loi ne reprend pas la précision apportée au dispositif actuellement en vigueur en matière terroriste par la loi n° 2017‑1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite « SILT », selon laquelle le juge d’instruction peut décider de ne pas faire figurer au dossier la décision spéciale et motivée de prolongation du procureur de la République pour le temps du déroulement des opérations d’enquête ([410]). À la décision au cas par cas du juge d’instruction est substituée une disposition générale aux termes de laquelle l’autorisation délivrée par le procureur de la République n’est versée au dossier qu’en même temps que les procès-verbaux constatant l’achèvement des opérations.

En conséquence de cette généralisation au droit commun, le dispositif existant de « sas » appliqué exclusivement aux infractions de nature terroriste et figurant à l’article 706‑24‑2 du code de procédure pénale est supprimé (V).

2.   L’encadrement du régime procédural de la plainte avec constitution de partie civile

a.   L’état du droit

Aux termes de l’article 85 du code de procédure pénale, « toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit peut en portant plainte se constituer partie civile devant le juge dinstruction compétent ». Cette décision a le même effet que le réquisitoire introductif délivré par le procureur de la République : elle déclenche l’action publique sous la direction dun magistrat instructeur.

Cette procédure est cependant soumise à des conditions de recevabilité édictées par le même article 85 : la plainte avec constitution de partie civile n’est recevable qu’à la condition d’une plainte préalable auprès du procureur de la République – directement ou par l’intermédiaire d’un service de police judiciaire – ayant donné lieu soit à une décision du parquet de ne pas engager des poursuites, soit à une absence de réponse ([411]).

L’article 40-3 du code de procédure pénale prévoit également que toute personne ayant dénoncé des faits au procureur de la République puisse former un recours hiérarchique gracieux auprès du procureur général contre la décision de classement sans suite prise à la suite de cette dénonciation. Le procureur général peut alors enjoindre au procureur de la République d’engager des poursuites, ou s’il estime le recours infondé, confirmer le classement ordonné.

L’article 86 du code de procédure pénale ordonne la communication de la plainte adressée au juge dinstruction au procureur de la République afin que celui-ci prenne ses réquisitions. S’il estime qu’il n’y a pas lieu de poursuivre l’instruction, il peut adresser au magistrat :

– des réquisitions de non-lieu dans le cas où il est établi de façon manifeste, le cas échéant au vu des investigations réalisées à la suite du dépôt de la plainte, que les faits dénoncés par la partie civile n’ont pas été commis ;

 des réquisitions de non informer si, pour des causes affectant l’action publique elle-même, les faits ne peuvent légalement comporter une poursuite ou si, à supposer ces faits démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale.

Le juge d’instruction est libre de continuer à informer s’il ne partage pas la position du procureur de la République. En ce cas, il statue par ordonnance motivée.

b.   Les dispositions du projet de loi

En 2016, 23 % des ouvertures d’informations judiciaires l’ont été à la suite d’une plainte avec constitution de partie civile. 18,6 % des informations judiciaires clôturées la même année avaient été ouvertes sur constitution de partie civile. Près de deux-tiers dentre elles se sont clôturées par un non-lieu (1 869 pour 2 810 affaires) ([412]). Ce faible taux de conversion a été souligné à l’occasion du chantier de la justice sur l’amélioration et la simplification de la procédure pénale. « Les magistrats, mais aussi les avocats, déplorent fréquemment les "abus" des constitutions de partie civile, qui occupent une part significative des cabinets dinstruction (outre le coût dune procédure), disproportionnée par rapport à lintérêt public quelles représentent. Deux idées émergent le plus souvent : dune part le rehaussement significatif (voire linstauration dun minimum légal) de la consignation préalable ; dautre part et surtout, lallongement du délai (6 mois ? 9 mois ?) pour pouvoir se constituer après le dépôt de la plainte au parquet, doublé peut-être de lobligation, en cas de classement sans suite, dexercer préalablement le recours devant le procureur général. ([413]) »

Le II de l’article 34 vise à transcrire dans la loi ces recommandations :

– le  porte de trois à six mois le délai au terme duquel, en l’absence de réponse du procureur de la République, le plaignant peut valablement saisir le juge d’instruction d’une plainte avec constitution de partie civile ;

– le rend obligatoire le recours hiérarchique devant le procureur général à l’encontre de la décision du procureur de la République de ne pas engager des poursuites. Cette formalité, qui n’est encadrée par aucun délai, n’est cependant pas imposée à la suite d’un silence de six mois du procureur de la République.

Par ailleurs, le III crée une nouvelle hypothèse dans laquelle le procureur de la République suggère au juge d’instruction l’arrêt de ses investigations. Outre les réquisitions de non informer et de non-lieu, il pourrait requérir « une ordonnance constatant linutilité dune information et invitant la partie civile à engager des poursuites par voie de citation directe » en présence de plusieurs conditions cumulatives :

– les investigations réalisées à la suite de la plainte déposée avant la saisine du juge d’instruction ont permis de mettre à jour des charges suffisantes ;

– les faits commis sont de nature délictuelle ;

– l’auteur des faits est une personne majeure ;

– en opportunité, le procureur de la République n’a pas souhaité engager des poursuites ([414]) ;

– la procédure de la citation directe devant le tribunal est ouverte ([415]).

Par cohérence, le IV mentionne que la consignation versée par le plaignant à la saisine du juge d’instruction vaut dans la procédure de citation directe.

3.   Des dispositions modifiées par le Sénat

a.   En commission des Lois

Outre la correction d’une erreur de référence à l’article 173 du code de procédure pénale (VI), la commission des Lois du Sénat a adopté plusieurs amendements à l’article 34.

i.   La prolongation des mesures ordonnées par le procureur de la République après la désignation d’un juge d’instruction

Les rapporteurs ont regretté l’extension de cette procédure, conçue et appliquée aujourd’hui uniquement aux infractions terroristes, à la délinquance de droit commun. Ils ont aussi souligné que le « sas » aurait vocation à s’appliquer à tous les délits alors que certaines techniques spéciales d’enquête ne peuvent être ordonnées par le procureur de la République dans un cadre préliminaire de droit commun ([416]).

Au motif d’un « risque de chevauchement des attributions et de superposition des cadres denquêtes (droit commun, délinquance et criminalité organisées, informations judiciaires, etc.) », la commission des Lois a adopté un amendement des rapporteurs limitant le périmètre de l’extension du « sas » par l’article 34. Existant aujourd’hui uniquement dans les dossiers relatifs aux actes de terrorisme, la procédure serait désormais applicable aux infractions relevant de la délinquance et de la criminalité organisées ([417]) à travers un nouvel article 706‑104 du code de procédure pénale.

Par ailleurs, les rapporteurs se sont opposés à lallongement à sept jours de la durée de prolongation des mesures denquête à compter du réquisitoire introductif. Ils ont estimé que la poursuite, pendant une semaine, d’opérations aussi intrusives et attentatoires aux libertés individuelles, ne pouvait valablement se fonder sur la seule autorité du procureur de la République. Le délai de quarante-huit heures leur est apparu suffisant, dans les dossiers les plus sensibles, pour que le juge d’instruction prenne la décision de reconduire les mesures. Ils se sont également prononcés à lencontre dune prolongation exceptionnelle de lenquête de flagrance. La rédaction adoptée par le Sénat préserve donc les délais actuellement prévus à l’article 706‑24‑2 du code de procédure pénale – soit quarante-huit heures en tout et pour tout.

ii.   Le régime de la plainte avec constitution de partie civile

Les rapporteurs ont considéré qu’une excessive restriction des constitutions de partie civile pouvait porter préjudice à l’égalité des citoyens devant la loi. Ils ont toutefois admis le bien-fondé de la démarche du Gouvernement visant à éviter les procédures abusives qui encombrent les cabinets des juges d’instruction.

Ainsi la commission des Lois a-t-elle adopté sans modification la disposition portant de trois à six mois le délai laissé au procureur de la République pour apporter une réponse à une plainte, délai au terme duquel le plaignant peut valablement saisir un juge d’instruction d’une constitution de partie civile.

En revanche, des amendements identiques des rapporteurs, du Gouvernement et de M. Thani Mohamed Soilihi au nom du groupe La République en Marche ont écarté la perspective dun recours hiérarchique obligatoire devant le procureur général. Cette formalité, dépourvue de délai de réponse, aurait eu pour conséquence de retarder inutilement la saisine d’un juge ; elle était, par ailleurs, fortement combattue par les représentants des avocats.

Enfin, les rapporteurs ont admis la difficulté posée par les cas dans lesquels une enquête révèle des faits qui peuvent revêtir une qualification pénale, mais où le procureur de la République décide, conformément à la politique pénale nationale et locale et comme le lui permet le code de procédure pénale, de privilégier une réponse alternative aux poursuites ou un classement sans suite. Si la société s’estime satisfaite de cette résolution, il est possible que la victime en disconvienne – car victime il y a – et qu’elle souhaite nettement, par la tenue d’un procès, l’application stricte de la loi. La voie de la citation directe semble alors s’imposer pour répondre aux attentes de toutes les parties. En conséquence, les rapporteurs du Sénat ont approuvé la proposition du Gouvernement de permettre au procureur de la République de requérir cette issue procédurale du juge d’instruction. Leurs amendements ont affiné le dispositif, faisant explicitement de cette situation un troisième cas d’ordonnance de refus d’informer, supprimant la condition malvenue de « charges suffisantes » ([418]) et procédant à une coordination (III bis).

b.   En séance publique

En dépit de la tentative du Gouvernement de revenir à la rédaction initiale du texte en matière de poursuite de certains actes d’enquête en cas d’ouverture d’une information pour toute infraction punie d’au moins trois ans emprisonnement, aucun amendement n’a été adopté par le Sénat en séance publique.

4.   Des dispositions modifiées par la Commission

Hormis sur des éléments purement rédactionnels, la Commission na pas souhaité modifier le régime du dépôt de plainte avec constitution de partie civile adopté par le Sénat. Elle a jugé le dispositif équilibré, conciliant efficacement droits des parties et impératifs de bonne administration de la justice. De la même façon, elle s’est rangée aux aménagements apportés par les sénateurs à la procédure dans laquelle le juge d’instruction inviterait le plaignant à agir par voie de citation directe.

 En revanche, la Commission a constaté le désaccord opposant le Sénat et le Gouvernement pour la définition des conditions dans lesquelles les mesures ordonnées pendant l’enquête se perpétuent dans les premiers jours de l’instruction. Convaincue du bien-fondé de cette disposition, mais également attentive à la nécessaire proportionnalité des moyens mis en œuvre, elle a adopté deux amendements identiques – lun du rapporteur, lautre de M. Stéphane Mazars et des membres du groupe La République en marche – précisant les modalités de fonctionnement de ce « sas » :

–  en limitant à quarante-huit heures sa durée à compter du réquisitoire introductif, comme le souhaitait le Sénat, la durée de sept jours sollicitée par le Gouvernement apparaissant manifestement excessive ;

–  en l’appliquant aux crimes et aux délits punis dune peine supérieure ou égale à trois ans demprisonnement, ce qui permet une voie médiane entre la position du Sénat la restreignant aux faits de criminalité et de délinquance organisée et celle du Gouvernement défendant une ouverture à l’ensemble des crimes et délits.

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Sous-section 2
Dispositions relatives au déroulement de linstruction

Article 35
(art. 81, 97, 1426, 1427, 70671 et 884 du code de procédure pénale ; art. 511 [nouveau] de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse)
Mesures diverses de simplification du déroulement de linstruction

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 35 contient plusieurs dispositions de simplification relatives au déroulement de l’instruction : communication avec le juge, règles relatives à l’ouverture des scellés, assignation à résidence avec surveillance électronique, visioconférence et mise en examen pour diffamation.

  Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2011‑267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure a ouvert à la personne concernée la possibilité de refuser une visioconférence relative à sa détention provisoire, sauf risque de graves troubles à l’ordre public ou d’évasion.

  Modifications apportées au Sénat

Le Sénat a maintenu le droit du justiciable d’exiger de comparaître en personne avant son placement en détention provisoire ou la prolongation de celle-ci.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté une série d’amendements du Gouvernement permettant au mis en cause de refuser qu’une audience de placement initial en détention provisoire se déroule par visioconférence. Elle a également aligné les régimes procéduraux de la diffamation et de l’injure.

1.   La communication avec le juge d’instruction

a.   L’état du droit

Aux termes de l’article 81 du code de procédure pénale, « le juge dinstruction procède, conformément à la loi, à tous les actes dinformation quil juge utiles à la manifestation de la vérité. Il instruit à charge et à décharge ». Il peut ainsi « prescrire un examen médical, un examen psychologique ou ordonner toutes mesures utiles ».

Les parties peuvent solliciter par demande écrite et motivée qu’il soit procédé à l’un des examens ou à toutes autres mesures utiles. Par principe, cette demande prend la forme d’une déclaration au greffier du juge dinstruction saisi du dossier, qui la date et la signe. L’article 81 admet cependant deux exceptions :

– si le demandeur ou son avocat ne réside pas dans le ressort de la juridiction compétente, la déclaration peut être faite au moyen d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception ;

– si le demandeur est détenu, une déclaration auprès du chef de l’établissement pénitentiaire suffit.

b.   Les dispositions du projet de loi adoptées sans modification par le Sénat

Le I généralise à toute personne, sans considération de son domicile, la possibilité d’adresser une demande au juge d’instruction par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Cette mesure de simplification évite aux parties et à leur avocat de se déplacer, et au greffier de leur consacrer un rendez-vous.

Le Sénat a adopté cette disposition sans modification.

2.   Les règles d’ouverture des scellés

a.   L’état du droit

Aux termes du sixième alinéa de l’article 97 du code de procédure pénale, des scellés « ne peuvent être ouverts […] quen présence de la personne mise en examen, assistée de son avocat, ou eux dûment appelés. Le tiers chez lequel la saisie a été faite est également invité à assister à cette opération. »

b.   Les dispositions du projet de loi adoptées sans modification par le Sénat

Le II simplifie la procédure, sans réduire pour autant les droits de la défense, en prévoyant une dérogation à cette présence obligatoire de la personne mise en examen. Lorsque l’ouverture et la reconstitution du scellé n’exigent pas l’audition de cette dernière, le juge d’instruction et le greffier y procèdent en présence de son avocat, ou celui-ci dûment appelé.

Le Sénat a adopté cette disposition sans modification, soulignant sa cohérence avec les autres articles du projet de loi simplifiant la procédure en matière de scellés.

3.   L’assignation à résidence avec surveillance électronique

a.   L’état du droit

L’article 142‑6 du code de procédure pénale ouvre deux voies procédurales au juge d’instruction – ou au juge de la liberté et de la détention – pour décider d’une assignation à résidence avec surveillance électronique (ARSE) une fois la mesure techniquement possible :

– après un débat contradictoire où sont conviés à s’exprimer le procureur de la République et la personne mise en examen ;

– sans débat dans le seul cas d’une personne mise en examen, faisant l’objet d’une détention provisoire et sollicitant sa mise en liberté ([419]).

L’assignation à résidence est ordonnée pour une durée maximale de six mois. Elle peut être prolongée pour une même durée dans la limite de deux ans ([420]).

b.   Les dispositions du projet de loi

Comme le souligne l’étude d’impact jointe au projet de loi, l’assignation à résidence sous surveillance électronique demeure numériquement anecdotique : au 1er juillet 2017, 292 personnes seulement y étaient soumises ([421]). L’insuffisance d’enquête de faisabilité ordonnée en amont des débats de prolongation de détention provisoire, ainsi qu’un manque de lisibilité des règles applicables à l’assignation à résidence sous surveillance électronique lors de la clôture de l’instruction, expliquent en partie ce constat.

Afin de rendre l’ARSE plus attractive, le III procède à diverses modifications du code de procédure pénale.

Le  prévoit que, dans le cadre d’une procédure contradictoire, le procureur de la République peut certes prendre part au débat, mais également communiquer des réquisitions écrites dont il serait donné lecture à la personne mise en examen.

Le  autorise le juge à prononcer l’assignation à résidence avec surveillance électronique sans débat contradictoire dans le cadre d’une mise en liberté doffice, décision prise d’office et sans demande du prévenu placé en détention provisoire. La faisabilité technique de la mesure est vérifiée par le service pénitentiaire dinsertion et de probation – quand le droit en vigueur n’indique pas à qui incombe cette tâche. En matière correctionnelle, cette vérification a systématiquement lieu si la personne détenue en formule la demande un mois avant la date de prolongation de sa détention, sauf si le juge s’y oppose par ordonnance spécialement motivée.

Quant au IV, il précise que le renouvellement de l’assignation à résidence avec surveillance électronique tous les six mois ne vaut que pour le temps de l’instruction. Elle peut être maintenue sans terme fixe à lencontre dune personne renvoyée devant une juridiction de jugement et jusqu’à la date du procès ([422]). La durée totale de la mesure ne saurait cependant excéder deux ans, instruction incluse, et la personne pourrait toujours en demander la mainlevée.

c.   Des dispositions adoptées sans modification par le Sénat

Les rapporteurs ont soutenu la volonté du Gouvernement de privilégier le recours à l’assignation à résidence avec surveillance électronique sur le placement en détention provisoire. S’ils ont adopté cette disposition sans modification, ils ont toutefois souligné que leur succès supposait une augmentation des moyens alloués au service pénitentiaire d’insertion et de probation sur lequel repose la faisabilité technique de la mesure.

4.   La mise en examen pour diffamation

a.   L’état du droit

Au regard du code pénal et du code de procédure pénale, le droit de la presse est régi par des dispositions plus strictes figurant dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Les exigences procédurales renforcées traduisent la volonté du législateur de protéger la liberté d’expression et la vigueur du débat public.

Il en va ainsi du délit de diffamation ([423]). Par dérogation aux règles de droit commun, tout acte d’instruction portant sur la vérité des faits diffamatoires ou la bonne foi est interdit, comme du reste tout acte d’enquête. Nul ne peut interférer dans l’action des parties sur la démonstration de la bonne foi ou dans la procédure de notification de la preuve de la vérité des faits diffamatoires ([424]). Ainsi, le juge d’instruction ne peut pas instruire sur le fond ; à défaut, ses actes sont frappés de nullité ([425]).

Les règles formelles de l’instruction demeurent cependant celles du droit commun. Comme pour tout crime ou délit, la mise en examen ne peut intervenir qu’après l’audition de la personne assistée de son avocat et le recueil de ses observations par le juge d’instruction ([426]).

b.   Les dispositions du projet de loi adoptées sans modification par le Sénat

Le VI insère dans la loi du 29 juillet 1881 un nouvel article 51-1 voué à adapter les formalités afférentes à l’instruction au régime procédural très particulier de la diffamation. Compte tenu des prérogatives très limitées du juge d’instruction, il allège le formalisme qui entoure la mise en examen et privilégie une procédure écrite.

L’intention du juge de mettre en examen prend la forme d’une lettre recommandée précisant les faits reprochés et leur qualification juridique ainsi que le droit de présenter des observations écrites dans le délai d’un mois, le cas échéant sur la base de questions figurant dans le courrier. La personne visée est informée de ses droits d’être entendue à sa demande et de choisir un avocat. La procédure est consultable au cabinet dinstruction avec possibilité de se faire délivrer des copies des pièces du dossier.

La mise en examen proprement dite fait l’objet d’une seconde lettre recommandée, avec avis de réception, réitérant le droit de la personne d’être entendue.

Enfin, l’information achevée, le juge d’instruction communique le dossier au procureur de la République qui prend ses réquisitions dans un délai de deux mois. En cas de silence du procureur, le juge d’instruction rend une ordonnance de règlement ([427]).

La commission des Lois a adopté ces dispositions sans modification. En séance publique, un amendement rédactionnel des rapporteurs a été adopté avec le soutien du Gouvernement.

5.   La visioconférence au cours de l’instruction

a.   L’état du droit

L’utilisation de moyens de télécommunication dans le cadre dune instruction – notamment – est encadrée par l’article 706-71 du code de procédure pénale ([428]). La visioconférence peut concerner l’audition ou l’interrogatoire d’une personne détenue, le débat contradictoire préalable au placement en détention provisoire d’une personne détenue pour une autre cause, la prolongation de la détention provisoire ou encore le contentieux de la détention provisoire. Elle est même obligatoire pour la notification d’une expertise lorsque la personne est détenue, sauf décision motivée ou s’il doit être procédé concomitamment à un autre acte.

Lorsqu’il est statué sur le placement en détention provisoire ou sur sa prolongation, la personne détenue peut refuser l’utilisation de la visioconférence, « sauf si son transport paraît devoir être évité en raison des risques graves de trouble à lordre public ou dévasion » ([429]). Le refus ne peut être exprimé qu’au moment où la personne est informée de la date de l’audience et du fait que le recours à ce moyen est envisagé.

La personne qui comparaît à distance est assistée de son avocat. Celui-ci peut se trouver soit auprès du magistrat instructeur ([430]), soit auprès de son client ([431]).

L’étude d’impact jointe au projet de loi souligne que le recours à la visioconférence permet de diminuer le nombre dextractions et les difficultés rencontrées par l’administration pénitentiaire pour répondre aux demandes des magistrats. En 2017, douze mille extractions n’ont pu être prises en charge, soit 15 % du total.

b.   Les dispositions du projet de loi

Le V élargit les possibilités de recours à la visioconférence au cours de l’instruction.

Le  pose le principe de l’emploi de la visioconférence aux fins d’une bonne administration de la justice.

Le  modifie la règle applicable au débat contradictoire prévu pour la prolongation de la détention provisoire, en élargissant la possibilité d’utiliser la visioconférence à la situation dans laquelle un tribunal correctionnel devant lequel a été renvoyé un prévenu en détention n’a pas tenu d’audience au fond dans un délai de deux mois suivant l’ordonnance de renvoi. Le tribunal peut alors prolonger la détention provisoire pour deux nouveaux mois, mais la comparution personnelle du prévenu est de droit ([432]). Elle pourrait donc avoir lieu par visioconférence.

Alors que la personne mise en cause peut aujourd’hui exiger de comparaître en personne pour une audience au cours de laquelle il doit être statué sur son placement en détention provisoire ou sa prolongation, et ne peut y être contrainte qu’en cas de graves risques d’évasion ou de trouble à l’ordre public, le  supprime cette possibilité de refuser la visioconférence.

Le  modifie l’article 706-71 du code de procédure pénale pour tenir compte de la présence éventuelle dun interprète. Celui-ci pourra se trouver auprès du juge ou auprès du détenu, éventuellement dans un lieu différent de l’avocat.

Il est enfin précisé que la visioconférence garantit le droit du justiciable à présenter lui-même ses observations et à s’entretenir directement avec le magistrat.

c.   Des dispositions modifiées par le Sénat

Si la commission des Lois a approuvé l’essentiel des propositions du Gouvernement, elle s’est montrée réticente à faciliter lemploi des moyens de télécommunication pour décider dun placement en détention provisoire. Outre les difficultés que suscite l’absence d’unité de lieu pour la défense, les rapporteurs ont exprimé leur crainte que « le recours à la visioconférence, sil se généralisait, [conduise] à un plus grand nombre de placements en détention provisoire » en raison de la distance entre le juge et le prévenu qui facilite la décision d’incarcération.

Pour ces raisons, par l’adoption de trois amendements identiques des rapporteurs, de Mme Jacky Deromedi et du groupe Socialiste et républicain, la Commission a souhaité maintenir le régime actuel dans lequel la visioconférence peut être refusée par l’intéressé, sauf risque d’évasion ou de graves troubles à l’ordre public.

En séance publique, le Gouvernement a soutenu, sans succès, une rédaction de compromis aux termes de laquelle les risques d’évasion et de troubles à l’ordre public font obstacle à la visioconférence, à laquelle la personne concernée ne peut cependant s’opposer. Un amendement des rapporteurs portant coordination avec le droit applicable à Mayotte a, en revanche, été adopté.

6.   Des dispositions modifiées par la Commission

La Commission a approuvé la grande majorité des dispositions adoptées par le Sénat, estimant qu’elles allaient dans le sens général du projet de loi en simplifiant la procédure pénale et en améliorant le régime de l’assignation à résidence sous surveillance électronique de sorte qu’elle devienne une réelle alternative à la détention provisoire.

La Commission a cependant procédé à deux modifications :

–  un amendement de Mme Naïma Moutchou sous-amendé par le rapporteur et bénéficiant du soutien du Gouvernement a étendu la simplification de la procédure pénale en matière de diffamation à celle applicable à l’injure publique, ces deux infractions suivant un régime similaire fondé sur la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Il est expressément précisé que, en dépit de l’échange écrit entre le juge d’instruction et le prévenu qu’instaure le projet de loi, les débats de fond restent de la seule compétence des juridictions de jugement ;

–  quatre amendements du Gouvernement soutenus par le rapporteur revenant sur les conditions de recours à la visio-conférence. Ces dispositions retirent à lintéressé la possibilité de refuser cette modalité dorganisation en cas de débat portant sur la prolongation de la détention provisoire. En revanche, contrairement au projet de loi initial, elles laissent au mis en cause la capacité de refuser des débats à distance pour un placement initial en détention provisoire – sauf, comme c’est déjà le cas, en raison de risques graves d’évasion ou de trouble à l’ordre public. Il est également précisé, pour des raisons de bonne administration de la justice, que l’acceptation d’une visio-conférence est définitive et qu’il n’est pas possible de se rétracter par la suite. La Commission a estimé ces dispositions équilibrées et préservant un contact direct entre le justiciable et le magistrat au moment du placement en détention.

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Article 35 bis
(art. 14542 [nouveau] du code de procédure pénale ; art. 40 de la loi n° 20091436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire)
Droit de correspondance des personnes placées en détention provisoire

Introduit par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Issu d’un amendement du Gouvernement adopté par la Commission avec l’avis favorable du rapporteur, l’article 35 bis ouvre une voie de recours devant le président de la chambre de l’instruction à l’encontre des décisions d’opposition au droit de correspondance d’un prévenu placé en détention provisoire.

  Dernières modifications législatives intervenues

L’article 40 de la loi n° 2009‑1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire, qui autorise l’autorité judiciaire à s’opposer au droit de correspondance d’un prévenu en détention provisoire, a été déclaré contraire à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel n° 2018‑715 QPC du 22 juin 2018, Section française de lObservatoire international des prisons.

1.   L’état du droit

L’article 40 de la loi n° 2009‑1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire énonce, en son premier alinéa, que « les personnes condamnées et, sous réserve que lautorité judiciaire ne sy oppose pas, les personnes prévenues peuvent correspondre par écrit avec toute personne de leur choix ». Cette faculté offerte à l’autorité judiciaire se justifie par le risque de concertation entre les personnes et de destruction de preuves qui pourrait mettre en péril le bon déroulement de l’enquête.

Dans sa décision n° 2018‑715 QPC du 22 juin 2018, Section française de lObservatoire international des prisons, le Conseil constitutionnel a déclaré ces prescriptions contraires à la Constitution, au visa de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, au motif qu’elles contreviennent au droit des prisonniers à un recours effectif. En effet, ni la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 ni aucune autre disposition législative ne permet de contester devant une juridiction une décision refusant l’exercice du droit de correspondance à un justiciable en détention provisoire.

Le Conseil constitutionnel a repoussé au 1er mars 2009 l’entrée en vigueur de la déclaration d’inconstitutionnalité.

2.   Les dispositions adoptées par la Commission

Avec l’avis favorable du rapporteur, la Commission a adopté un amendement du Gouvernement tirant les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel.

Il insère dans le code de procédure pénale un nouvel article 145-4-2 prévoyant que, lorsqu’une personne mise en examen est placée en détention provisoire, le juge d’instruction peut prescrire à son encontre l’interdiction de correspondre par écrit avec les personnes qu’il désigne, au regard des nécessités de l’instruction, du maintien du bon ordre et de la sécurité ou de la prévention des infractions.  Il peut, pour les mêmes motifs, retenir un courrier écrit par le mis en examen ou qui lui est adressé. Une fois l’instruction clôturée et dans les cadres procéduraux autres que l’instruction, ces prérogatives appartiennent au procureur de la République et, au stade de l’appel, au procureur général.

Ces décisions peuvent faire l’objet d’un recours devant le président de la chambre de linstruction qui statue dans un délai d’un mois, ainsi que le prévoit déjà l’article 145-4 du code de procédure pénale pour les refus de permis de visite.

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Sous-section 3
Dispositions relatives à la clôture et au contrôle de linstruction

Article 36
(art. 414, 416, 841, 891, 116, 1701 [nouveau], 173, 175, 1751, 1792, 1801, 185, 186-3, 706119, 706153 et 778 du code de procédure pénale)
Dispositions relatives à la clôture et au contrôle de linstruction

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 36 réduit le délai dans lequel le juge d’instruction peut rendre son ordonnance de règlement, favorise le recours à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité à la fin de l’instruction et autorise le président de la chambre de l’instruction à statuer à juge unique sur certains contentieux.

  Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2011‑1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l’allégement de certaines procédures juridictionnelles a autorisé le recours à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité à la fin de l’instruction.

La loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, a renforcé le rôle des chambres de l’instruction dans le contrôle des décisions de saisie au cours de l’enquête et de l’information judiciaire.

  Modifications apportées au Sénat

Le Sénat a porté de dix à quinze jours le délai accordé aux parties pour faire savoir au juge d’instruction qu’elles souhaitent présenter des observations ou formuler des requêtes avant qu’il rende son ordonnance de règlement.

Le Sénat a également supprimé les dispositions du présent article relatives à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité à la fin de l’instruction et à la capacité octroyée au président de la chambre de l’instruction de juger seul certains contentieux.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a rétabli la capacité octroyée au président de la chambre de l’instruction de juger seul certains contentieux ainsi que la possibilité, pour le procureur de la République, d’opter dans le cadre d’une information pour une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Elle a également prévu que la date de l’audience devant la juridiction de jugement puisse figurer dans l’ordonnance de renvoi du juge d’instruction, celle-ci valant alors convocation des parties à l’audience.

1.   L’ordonnance de règlement

a.   L’état du droit

L’article 175 du code procédure pénale fixe les règles applicables au règlement de l’information judiciaire.

Quand l’information lui apparaît terminée, le juge d’instruction communique le dossier au procureur de la République et en avise les parties et leurs avocats. Le ministère public prend ses réquisitions dans un délai de trois mois, délai ramené à un mois si une personne mise en examen se trouve en détention provisoire. Les parties, qui reçoivent copie des réquisitions, disposent alors de ce même délai d’un mois ou de trois mois pour adresser leurs observations au juge d’instruction, formuler des demandes ou présenter des requêtes à fin d’expertise, d’audition ou de toute mesure utile. À l’expiration de ce délai, les parties ne sont plus recevables à formuler ou présenter de telles demandes ou requêtes.

Par la suite, le procureur de la République et les parties, qui ont reçu copie des réquisitions et des observations, disposent d’un nouveau délai pour adresser au juge d’instruction des réquisitions ou des observations complémentaires ([433]).

Toutefois, la personne mise en examen, la partie civile et le témoin assisté ([434]) peuvent renoncer à ces délais à tout moment à compter de la première comparution – pour la personne mise en examen – ou de la première audition
– pour la partie civile et le témoin assisté ([435]). Cette renonciation ne produit ses effets que si elle a été faite par l’ensemble des parties à la procédure. Elle peut aussi ne concerner que le droit de faire des observations sur les réquisitions.

b.   Les dispositions du projet de loi

Le II réduit les délais prévus à l’article 175 du code de procédure pénale avant la prise de lordonnance de règlement de l’information judiciaire. Il procède également à une réécriture globale de l’article 175 en le subdivisant en huit paragraphes reprenant et modifiant les dispositions précédemment exposées :

– le I prévoit que le juge d’instruction avise de sa volonté de mettre un terme à l’information judiciaire les avocats des parties, et non les parties elles-mêmes à moins qu’elles ne soient pas représentées ;

– en cohérence, le II précise que la copie des réquisitions du procureur est adressée aux parties non représentées par un avocat, quand le droit en vigueur ne prévoit qu’une communication aux avocats ;

– le III accorde aux parties un délai de dix jours, à compter de l’envoi de l’avis prévu au I, pour faire connaître au juge d’instruction qu’elles souhaitent exercer leur droit de produire des observations, quand le droit en vigueur permet une renonciation à tout moment de la procédure. Cette décision est communiquée par déclaration au greffier du juge d’instruction ou par lettre recommandée avec avis de réception ;

– le IV relatif aux droits reconnus aux parties, le V traitant des réquisitions complémentaires du procureur et le VI encadrant les observations complémentaires des parties ne modifient pas le droit en vigueur ;

– le VII prévoit que le juge d’instruction peut rendre son ordonnance de règlement à l’expiration de ces différents délais (délais d’un mois ou de trois mois, puis de dix jours ou d’un mois en cas de réquisitions ou d’observations complémentaires), même s’il n’a reçu aucune réponse dans les délais prescrits. Cette modification permet au juge d’instruction de rendre lordonnance de règlement plus rapidement quaujourdhui où, en l’absence de détention provisoire, il s’écoule quatre mois même si le parquet communique ses réquisitions en amont et que les autres parties n’interviennent pas. Si les parties ne se manifestent pas dans le délai de dix jours qui leur est imparti, le juge pourrait rendre son ordonnance au bout d’un ou trois mois, selon qu’il y ait dans l’affaire un détenu provisoire ou pas ;

– enfin, le VIII précise que certaines dispositions s’appliquent au témoin assisté comme le délai pour faire connaître son intention d’exercer ses droits, le droit d’adresser des observations écrites et celui de présenter des observations complémentaires. Il peut aussi présenter une requête en nullité.

Par coordination, le I de larticle 36 modifie l’article 84-1 du code de procédure pénale selon lequel le juge d’instruction peut demander à la personne mise en examen, à la partie civile ou au témoin assisté s’il souhaite renoncer à la possibilité de :

– poser des questions à un expert ou de demander la désignation d’un autre expert, comme le permet l’article 161‑1 du code de procédure pénale ;

– d’adresser, l’information judiciaire terminée, des observations écrites au juge d’instruction, ce que prévoit l’actuel article 175 du code de procédure pénale.

Par coordination avec le II, l’article 84-1 serait modifié pour ne plus viser que le seul article 161-1.

c.   Des dispositions peu modifiées par le Sénat

La commission des Lois a approuvé l’économie générale du dispositif proposé. Elle s’est bornée à adopter, outre un amendement des rapporteurs corrigeant une erreur matérielle, trois amendements identiques déposés par les rapporteurs, le Gouvernement et le groupe La République En Marche afin de porter de dix à quinze jours le délai accordé aux parties pour faire savoir au juge d’instruction qu’elles souhaitent présenter des observations ou formuler des demandes et requêtes avant qu’il rende son ordonnance de règlement.

En séance publique, un amendement des rapporteurs a été adopté avec le soutien du Gouvernement pour opérer des coordinations d’ordre légistique (paragraphes IV bis à IV quater).

2.   La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité après information judiciaire

a.   L’état du droit

La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), ou « plaider-coupable », a été créée par la loi n° 2004‑204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, dite « loi Perben II ». Elle figure aux articles 495‑7 à 495‑16 du code de procédure pénale. Elle permet d’éviter le procès de la personne qui reconnaît les faits qui lui sont reprochés.

La CRPC est applicable à tous les délits commis par des majeurs punis d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à cinq ans, à l’exception des délits de presse, des homicides involontaires, des délits politiques, des atteintes à l’intégrité des personnes et des agressions sexuelles.

La procédure commence par une proposition de peine formulée par le procureur de la République à la personne mise en cause, peine qui ne peut excéder un an d’emprisonnement ni la moitié de la peine d’emprisonnement encourue. Si la proposition est acceptée, elle est soumise pour homologation au président du tribunal correctionnel. L’ordonnance a les effets d’un jugement de condamnation ; elle est immédiatement exécutoire. Si la personne mise en cause refuse la proposition du procureur de la République ou si le président du tribunal correctionnel refuse de l’homologuer, la procédure se poursuit suivant les règles du droit commun.

La CRPC est généralement proposée dans le cadre de l’enquête de flagrance ou de l’enquête préliminaire. Toutefois, il est également possible d’y recourir à l’issue d’une information judiciaire. « Si le juge dinstruction estime que les faits constituent un délit, que la personne mise en examen reconnaît les faits et quelle accepte la qualification pénale retenue, il peut, à la demande ou avec laccord du procureur de la République, du mis en examen et de la partie civile, prononcer par ordonnance le renvoi de laffaire au procureur de la République aux fins de mise en œuvre dune comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ([436]) ». Le recours à une CRPC suppose donc un accord général : du juge d’instruction, du procureur de la République, du mis en examen et de la partie civile. L’acquiescement de chacun fait l’objet d’un écrit ou d’une mention sur procès-verbal.

b.   Les dispositions du projet de loi supprimées par le Sénat

Le III donne application à une préconisation formulée dans le cadre des chantiers de la justice ([437]). Il complète l’article 180‑1 du code de procédure pénale pour définir la procédure applicable à la CRPC proposée par le procureur de la République à l’issue de l’information judiciaire.

Les parties disposent de dix jours pour acquiescer à la proposition à compter de sa notification. Elles peuvent signifier leur accord par télécopie, déclaration au greffe ou lettre recommandée. En cas d’accord, l’ordonnance de renvoi est dispensée de motivation.

La commission des Lois du Sénat a adopté un amendement du groupe Socialiste et républicain supprimant ce paragraphe. Elle a considéré que, si l’intervention du procureur de la République au moment du règlement de l’instruction allait faire gagner du temps au magistrat instructeur, ce bénéfice serait dissipé au stade de la proposition et de l’homologation de la CRPC. Le gain escompté serait donc hypothétique et de nature à créer plus de pesanteur procédurale que d’assouplissement.

3.   Le contentieux de l’instruction

a.   L’appel du procureur de la République contre l’ordonnance du juge d’instruction ou du juge des libertés et de la détention

L’article 185 du code de procédure pénale autorise le procureur de la République à interjeter appel d’une ordonnance du juge d’instruction ou du juge des libertés et de la détention devant la chambre de l’instruction. Cet appel doit avoir lieu dans les cinq jours qui suivent la notification de la décision.

Le IV porte ce délai d’appel de cinq à dix jours de façon à l’aligner sur ceux prévus pour le procureur général ([438]) ainsi que pour le mis en examen et la partie civile ([439]).

Le Sénat a adopté cette disposition sans modification.

b.   Le président de la chambre de l’instruction statuant à juge unique

La chambre de l’instruction ([440]), juridiction d’instruction du second degré, a remplacé la chambre de l’accusation avec la loi n° 2000‑516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes. Chaque cour d’appel comprend au moins une chambre de l’instruction. Elle se compose de deux conseillers de la cour d’appel, qui tiennent les fonctions d’assesseur, et d’un président de chambre spécialement nommé pour la présider.

La chambre de l’instruction statue sur les appels des ordonnances du juge d’instruction ou du juge des libertés et de la détention. Les fonctions du ministère public y sont exercées par le procureur général ou l’un de ses substituts.

Les V et VI donnent compétence au président de la chambre de linstruction pour statuer à juge unique dans certaines affaires :

– le contentieux de la restitution d’objets placés sous main de justice ([441]) ;

– le contentieux de la saisie de biens ou droits incorporels ([442]) ;

– les demandes de rectification d’état civil ([443]).

Aux termes du VII, le président de la chambre de l’instruction est également appelé à se prononcer à juge unique sur les requêtes en annulation dont la solution « paraît simposer de façon manifeste ». Le projet de loi prévoit une procédure avec débat contradictoire et arrêt rendu en audience publique ; toutefois, si la décision qui s’impose est l’annulation des actes de procédure, le président pourrait statuer par ordonnance et sans audience si le ministère public en convient.

c.   Des dispositions supprimées par le Sénat

La commission des Lois du Sénat a estimé que, même si une telle modification permettrait certainement de réduire lencombrement de la chambre de linstruction, ce renoncement au principe de la collégialité se paierait « dune dégradation de la qualité de la délibération et de la protection du justiciable contre laléa inhérent à toute décision individuelle » ([444]). Elle a également considéré les nullités de l’information judiciaire comme un contentieux trop sensible et trop complexe pour qu’un homme puisse écarter ses assesseurs et prendre seul la décision d’imposer son sentiment.

En conséquence, un amendement du groupe Socialiste et républicain adopté en commission des Lois a supprimé les paragraphes VII et VIII. Le Gouvernement a échoué à rétablir ces dispositions en séance publique.

4.   Des dispositions modifiées par la Commission

La Commission a apporté des modifications aux trois dispositions contenues à l’article 36 du projet de loi, outre diverses améliorations rédactionnelles et autres coordinations.

En ce qui concerne l’ordonnance de règlement, la Commission a approuvé l’économie générale du dispositif, propre à simplifier et à accélérer la procédure. Elle a jugé positive l’initiative du Sénat portant de dix à quinze jours le délai accordé aux parties pour faire part au juge d’instruction de leur volonté de présenter des observations. Avec l’avis favorable du rapporteur, elle a adopté un amendement du Gouvernement prévoyant que la date de l’audience devant la juridiction de jugement – tribunal de police ou tribunal correctionnel – puisse figurer dans l’ordonnance de renvoi du juge d’instruction, celle-ci valant alors convocation des parties à l’audience et dispensant le procureur de la République des diligences relatives à leur citation. Il s’agit là d’une nouvelle mesure de simplification par ailleurs favorables aux justiciables, qui seront informés en amont du calendrier de jugement.

En ce qui concerne la possibilité pour le procureur de la République d’opter pour une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité dans le cadre dune information judiciaire, la Commission a adopté un amendement du rapporteur rétablissant le dispositif figurant initialement dans le projet de loi. Cette évolution relève de l’harmonisation, le parquet détenant déjà l’initiative de la CRPC dans le cadre de l’enquête. Cette simplification permettra également au magistrat instructeur de rendre une ordonnance de renvoi non motivée, puisque les parties se seront accordées en amont sur la solution retenue, ce qui représente un gain de temps incomparable avec celui que le juge du siège consacre à l’homologation d’une CRPC.

Enfin, un amendement du rapporteur a rétabli les dispositions étendant la compétence du président de la chambre de linstruction statuant à juge unique aux contentieux en matière de saisie, de restitution et de rectification d’identité, ainsi que pour les requêtes en annulation dont la solution paraît s’imposer. La Commission a considéré les simplifications portées par ces dispositions d’une grande cohérence : la compétence du président de la chambre de l’instruction pour statuer en appel sur la restitution des objets placés sous main de justice existe déjà dans le cadre de l’enquête, tout au plus est-elle étendue au cadre de l’instruction. Par ailleurs, les nullités évidentes ne doivent pas requérir une formation collégiale, d’autant que le ministère public formule préalablement son accord et que la décision bénéficie alors au justiciable. La Commission a par ailleurs noté que la collégialité serait de droit à la demande de l’auteur de la requête en annulation, et que ces évolutions faisaient écho à celles de l’article 41 du présent projet de loi, relatif à la collégialité de l’appel.

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*     *

Chapitre III
Dispositions relatives à laction publique et au jugement

Section 1
Dispositions relatives aux alternatives aux poursuites et aux poursuites

Article 37 A
(art. 559 du code de procédure pénale)
Citation à parquet

Introduit par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Issu d’un amendement du rapporteur adopté par la Commission avec le soutien du Gouvernement, l’article 37 A substitue un procès-verbal à la procédure de citation à parquet préalable au jugement d’un justiciable par défaut.

  Dernières modifications législatives intervenues

Aucune modification législative n’est intervenue récemment en la matière.

1.   L’état du droit

L’article 550 du code de procédure pénale prévoit que « les citations et significations, sauf disposition contraire des lois et règlements, sont faites par exploit dhuissier de justice ». Lorsque le procureur de la République entend citer une personne devant la juridiction de jugement, il procède par voie de citation qu’il appartient à l’huissier de délivrer à la personne concernée afin qu’elle soit informée des faits jugés et de leur qualification, de la date et du lieu de l’audience.

L’article 559 du même code précise toutefois que, « si la personne visée par lexploit est sans domicile ou résidence connus, lhuissier remet une copie de lexploit au parquet du procureur de la République du tribunal saisi ». On parle alors de citation à parquet, formalité qui permet de juger lintéressé par défaut aux termes de l’article 412 du même code ([445]). Elle est cependant peu satisfaisante puisque, s’il est établi que l’adresse de l’intéressé est introuvable, elle revient à ce que le parquet se cite lui-même par voie dhuissier.

2.   Les dispositions adoptées par la Commission

À l’initiative du rapporteur et avec le soutien du Gouvernement, la Commission a souhaité rationnaliser la procédure de citation à parquet. À l’exploit d’huissier est substitué un procès-verbal du procureur de la République constatant qu’une personne qu’il veut citer à comparaître est sans domicile ou résidence connu ou, s’il s’agit d’une personne morale, que son siège est inconnu. Ce procès-verbal vaut citation à parquet et permet de juger la personne par défaut.

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Sous-section 1
Dispositions clarifiant et étendant la procédure de lamende forfaitaire

Article 37
(art. L. 33533 et L. 34211 du code de la santé publique ; art. 4461 du code pénal ; art. L. 33155 du code des transports ; art. 49517, 49519, 49520, 49521, 49523 [abrogé], 5307 [abrogé], 768, 7681, 769, 775 et 7773 du code de procédure pénale ; art. L. 1215 et L. 32512 du code de la route)
Extension du champ dapplication de lamende forfaitaire délictuelle

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 37 étend le champ d’application de l’amende forfaitaire à trois délits : l’usage illicite de stupéfiants ; la vente et l’offre d’alcool à un mineur ; le transport routier en violation des règles relatives au chronotachygraphe.

  Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a également instauré une amende forfaitaire en répression d’infractions délictuelles, en l’occurrence la conduite sans assurance ou sans permis de conduire.

  Modifications apportées au Sénat

Le Sénat a généralisé la procédure de l’amende forfaitaire à l’ensemble des délits prévus par le code pénal et réprimés seulement d’une peine d’amende.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission est revenue sur la généralisation de l’amende forfaitaire délictuelle votée par le Sénat. Elle a également soumis à cette procédure le délit de vente à la sauvette et réduit les sanctions encourues en répression de la consommation de stupéfiants. Elle a enfin précisé les modalités de mise en œuvre de la procédure par le Procureur de la République ainsi que les conditions d’inscription des amendes forfaitaires au casier judiciaire.

1.   L’état du droit

a.   L’amende forfaitaire délictuelle

La procédure de l’amende forfaitaire contraventionnelle remonte au décret-loi du 28 décembre 1926 concernant l’unification des compétences en matière de police de la circulation et de la conservation des voies publiques. Elle permet une réponse pénale simplifiée aux contentieux de masse par la verbalisation immédiate et automatique certaines infractions, que le contrevenant peut contester devant le juge. C’est aussi une procédure de transaction : lorsque le contrevenant acquitte l’amende, dont le montant est inférieur au maximum encouru, il éteint laction publique. Prévue pour les contraventions des quatre premières classes ([446]), la forfaitisation a été étendue aux contraventions de cinquième classe par la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à lallégement de certaines procédures juridictionnelles, mais aucun décret n’est venu fixer le montant de l’amende forfaitaire encourue.

La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a également instauré une amende forfaitaire applicable à certains délits ([447]). Pour l’heure, seules sont concernées les infractions de conduite sans permis ([448]) et de conduite sans assurance ([449]). La procédure est exclue si plusieurs infractions sont constatées simultanément et que l’une d’entre elle ne peut pas donner lieu à une amende forfaitaire, ou lorsque le délit a été commis en récidive ou par un mineur.

Le recours à l’amende forfaitaire n’est qu’une faculté. En fonction des circonstances de l’espèce et de la politique pénale locale, le ministère public conserve la possibilité dengager des poursuites devant le tribunal correctionnel.

Le mécanisme permet de sanctionner l’auteur de l’infraction qui doit s’acquitter dans un délai maximal de 45 jours ([450]) d’une amende forfaitaire dont le montant est fixé par la loi. Il vise un meilleur recouvrement des amendes et une moindre sollicitation des tribunaux puisqu’il ne recourt au juge qu’en cas de contestation ([451]). La procédure est dématérialisée en deux temps : d’abord la constatation du délit qui donne lieu à un procès-verbal électronique, ensuite l’envoi d’un avis d’infraction, d’une notice de paiement et d’un formulaire de requête en exonération envoyé au domicile.

L’article 495-23 du code de procédure pénale prévoit que le paiement de l’amende forfaitaire est assimilé à une condamnation définitive pour l’application des règles du code pénal en matière de récidive délictuelle.

Toutefois, en dépit de toutes ces dispositions légales et de la parution des textes d’application ([452]), la procédure de lamende forfaitaire délictuelle ne fonctionne pas à lheure actuelle. Selon l’étude d’impact jointe au projet de loi, son entrée en vigueur « est suspendue jusquà la publication dun arrêté précisant les modalités selon lesquelles les requêtes et les réclamations peuvent être adressées de façon dématérialisée sur le site de lAgence nationale de traitement automatisé des infractions ». Les rapporteurs du projet de loi au Sénat font mention de « certains obstacles techniques, notamment informatiques », de sorte qu’« aucune évaluation du dispositif na donc pu être réalisée à ce jour » ([453]).

b.   La jurisprudence constitutionnelle et conventionnelle

Le Conseil constitutionnel a validé à plusieurs reprises la procédure de l’amende forfaitaire :

– au regard des conditions de recevabilité de la requête en exonération ou de la réclamation, sous la réserve que la décision du ministère public déclarant irrecevable la réclamation puisse être contestée devant un juge ([454]) ;

– en ce que le juge saisi d’une contestation ne peut prononcer une peine qui ne puisse être inférieure au montant de l’amende forfaitaire ([455]).

La Cour européenne des droits de l’homme considère que rien ne s’oppose par principe à la création d’une sanction forfaitaire. Elle a ainsi affirmé que, « eu égard au grand nombre des infractions légères, notamment dans le domaine de la circulation routière, un État contractant peut avoir de bons motifs de décharger ses juridictions du soin de les poursuivre et de les réprimer. Confier cette tâche, pour de telles infractions, à des autorités administratives ne se heurte pas à la Convention pour autant que lintéressé puisse saisir de toute décision ainsi prise à son encontre un tribunal » ([456])

Encore faut-il, cependant, que le droit au recours effectif devant un juge indépendant se trouve garanti ([457]).

2.   Les dispositions du projet de loi

L’article 37 applique à trois nouveaux délits le mécanisme de l’amende forfaitaire. Il s’agit du transport routier en violation des règles relatives au chronotachygraphe ([458]), de la vente d’alcool à un mineur et d’offre à titre gratuit à des mineurs de moins de 16 ans de boissons alcooliques à consommer sur place ou à emporter ([459]), et de l’usage illicite de stupéfiants ([460]).

procédure de l’amende forfaitaire

 

 

Peine actuelle

Dispositions du projet de loi

 

Amende forfaitaire

Amende minorée

Amende majorée

Vente et offre de boissons alcooliques à des mineurs

3 750 €

300 €

250 €

600 €

Usage illicite de stupéfiants

Un an de prison
et 3 750 €

300 €

250 €

600 €

Transport routier non conforme

Six mois de prison et 3 750 €

800 €

640 €

1 600 €

Source : droit en vigueur et projet de loi.

Par ailleurs, l’article 37 opère diverses modifications dans le droit en vigueur :

– il fixe à trois mille euros le montant maximal de l’amende forfaitaire délictuelle ( du III) ;

– il abroge l’article 495‑23 du code de procédure pénale assimilant le paiement de l’amende à une condamnation définitive pour l’application des règles sur la récidive (2° du III([461]) ;

– aux fins d’informer les juridictions, il inscrit au casier judiciaire les informations relatives aux amendes forfaitaires pour les délits et pour les contraventions de la cinquième classe (3° à 6° du III([462]) ;

–  il admet que l’amende forfaitaire s’accompagne d’une mesure administrative de rétention et de suspension du permis de conduire, voire d’immobilisation et de mise en fourrière ( du IV), mais pas sa confiscation ( du IV).

a.   Le délit de vente d’alcool à un mineur et d’offre à titre gratuit à des mineurs de moins de 16 ans de boissons alcooliques à consommer sur place ou à emporter

Le 1° du I applique la procédure de l’amende forfaitaire aux délits de vente d’alcool à un mineur et d’offre à titre gratuit à des mineurs de moins de 16 ans de boissons alcooliques à consommer sur place ou à emporter ([463]).

L’étude d’impact ne fournit aucun élément sur les raisons qui ont conduit le Gouvernement à faire ce choix. Les données statistiques montrent qu’il s’agit d’une infraction très peu sanctionnée, ayant donné lieu à 15 condamnations seulement en 2016. Toutefois, la vente ou l’offre d’alcool étant le fait de professionnels dûment enregistrés et facilement identifiables, il est possible de supposer que le faible taux de poursuite s’explique par la lourdeur de la procédure correctionnelle, quand la verbalisation électronique attachée à l’amende forfaitaire apporterait la simplicité nécessaire à une meilleure sanction.

b.   Le transport routier avec une carte de conducteur non conforme, ou n’appartenant pas au conducteur l’utilisant, ou sans carte insérée dans le chronotachygraphe

Le II applique la procédure de l’amende forfaitaire aux délits consistant à se livrer au transport routier avec une carte de conducteur non conforme, ou n’appartenant pas au conducteur l’utilisant, ou sans carte insérée dans le chronotachygraphe ([464]).

Comme pour la précédente incrimination, l’étude d’impact jointe au projet de loi ne fait mention d’aucune justification de l’inclusion dans le champ de l’amende forfaitaire. Là encore, le nombre de condamnations prononcées par les juridictions est faible, de l’ordre d’une centaine par an.

Néanmoins, comme précédemment, les auteurs de l’infraction ont pour particularité d’être très facilement identifiables au moyen de la plaque d’immatriculation du véhicule et du permis de conduire. L’amende forfaitaire peut, là encore, permettre de mieux sanctionner un délit qui ne parvient que rarement devant le tribunal correctionnel.

c.   Le délit d’usage illicite de stupéfiants

La répression par amende forfaitaire délictuelle de l’usage illicite de stupéfiants ( du I) a fait l’objet de nombreux travaux, y compris de la part de la commission des Lois de l’Assemblée nationale qui avait formulé des recommandations en ce sens au début de l’année 2018 ([465]). Dans ce contentieux, l’emploi de l’amende forfaitaire permettrait l’allégement de la charge des juridictions ([466]) sans pour autant affaiblir la réponse pénale.

Selon l’étude d’impact jointe au projet de loi, l’amende forfaitaire est particulièrement justifiée s’agissant de l’infraction d’usage de stupéfiants, pour laquelle le taux de réponse pénale dépasse 98 % en 2017. Sur un peu moins de 120 000 affaires, 63 000 ont abouti à des alternatives aux poursuites ([467]) tandis que 53 000 ont vu l’engagement de poursuites ([468]).

3.   Une disposition fortement modifiée par le Sénat

Les rapporteurs du Sénat ont souligné l’intérêt que portent les services de police et de gendarmerie au mécanisme de l’amende forfaitaire, tandis que les magistrats apparaissent plus réservés à l’égard de cette extension. Ils ont également rappelé que si des bénéfices pouvaient en découler en termes d’harmonisation de la sanction et de réponse pénale dans les contentieux de masse, des risques existaient au regard du principe de lindividualisation des peines et de la cohérence de la politique pénale. Enfin, ils ont relevé que les professionnels redoutaient que la forfaitisation vienne mettre un terme au volet sanitaire que comporte nécessairement une politique de lutte contre l’usage de stupéfiants.

La commission des Lois du Sénat a toutefois été sensible aux avantages de l’amende forfaitaire plutôt qu’à ses inconvénients, notamment dans la mesure où les magistrats peuvent toujours imposer aux consommateurs de stupéfiants un stage de sensibilisation aux dangers de l’usage de produits stupéfiants. Surtout, la Commission a relevé que l’amende forfaitaire est une procédure facultative et qu’il reste toujours possible, en fonction de la politique pénale nationale et locale, dengager des poursuites selon les modalités traditionnelles.

Un amendement des rapporteurs a explicité le fait que seul le ministère public, qui dirige l’action publique, dispose de l’opportunité de recourir ou non à la procédure simplifiée de l’amende forfaitaire : dès lors, il appartient au procureur de choisir soit une procédure alternative aux poursuites, soit le recours à l’amende forfaitaire délictuelle.

De façon plus ambitieuse et par le même amendement, la Commission a fait le choix de généraliser la procédure de lamende forfaitaire délictuelle à la totalité des délits prévus par le code pénal et réprimés dune simple peine damende. Sauf disposition spécifique contraire, l’action publique pourrait être éteinte par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 300 €, aux montants minorés et majorés respectivement fixés à 250 € et 600 €.

Inquiets, en revanche, des retards accumulés en matière informatique pour le bon fonctionnement du dispositif, les rapporteurs ont pris argument de la mention dans l’étude d’impact jointe au projet de loi d’un délai pouvant atteindre deux ans pour le développement des logiciels adaptés pour repousser au 1er janvier 2020 l’entrée en vigueur de l’inscription des amendes forfaitaires au casier judiciaire ([469]) .

Aucun amendement na été adopté en séance publique en dépit de la tentative du Gouvernement de rétablir le texte initial.

4.   Une disposition largement rétablie par la Commission

La Commission a jugé malvenue la décision du Sénat d’ouvrir la procédure de l’amende forfaitaire à l’ensemble des délits punis d’une peine d’amende. Elle a considéré qu’il appartenait au législateur de se prononcer, au cas par cas, sur l’opportunité de permettre à l’autorité judiciaire d’emprunter cette voie répressive particulière. À cette fin, la Commission a adopté deux amendements identiques du Gouvernement et de M. Erwan Balanant soutenus par le rapporteur.

La Commission a également adopté un amendement de M. Éric Pouilliat diminuant sensiblement le montant des sanctions encourues en cas de consommation de stupéfiants – l’amende forfaitaire passant de 300 à 200 euros, l’amende forfaitaire minorée de 250 à 150 euros et l’amende forfaitaire majorée de 600 à 400 euros.

En adoptant un amendement de M. Stéphane Mazars et du groupe La République en marche soutenu par le rapporteur et par le Gouvernement, la Commission a souhaité que puisse être réprimé par la voie de l’amende forfaitaire le délit de vente à la sauvette ([470]). Les peines prévues sont d’un montant de 300 euros pour l’amende forfaitaire, de 250 euros pour l’amende forfaitaire minorée et de 600 euros pour l’amende forfaitaire majorée. Cet ajout correspond à la philosophie du dispositif : la vente à la sauvette est un délit fréquent, notamment dans les grandes villes, peu réprimé en raison de la lourdeur de la procédure au regard des faits reprochés, et dans lequel il n’existe d’autre victime que la collectivité.

Enfin, deux amendements du Gouvernement ont précisé la procédure applicable :

–  d’une part, la mention introduite par le Sénat selon laquelle le procureur de la République « décide » de recourir à l’amende forfaitaire est supprimée car trompeuse : si le parquet fixe effectivement la politique pénale locale et peut valablement enjoindre aux forces de l’ordre de privilégier la voie de l’amende forfaitaire en répression d’une infraction donnée, il est illusoire de penser quune décision individuelle sera prise à chaque constatation de la commission de ladite infraction. Il est substitué à cette disposition une limitation du montant maximum des amendes forfaitaires au maximum des amendes contraventionnelles, soit 3 000 euros ;

–  d’autre part, les modalités d’enregistrement des amendes forfaitaires au casier judiciaire, ainsi que les règles relatives à leur conservation, sont précisées. L’enregistrement automatique de ces amendes au casier est autorisé en permettant que celui-ci soit alimenté par des traitements mis en œuvre par des services de l’État autres que ceux du ministère de la justice, en l’espèce le système de contrôle automatisé du ministère de l’intérieur qui centralise le traitement des amendes forfaitaires.

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Sous-section 2
Dispositions relatives aux alternatives aux poursuites, à la composition pénale et à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité

Article 38
(art. 411, 4111 [abrogé], 412, 4131 A [nouveau], 4958, 49510 et 495111 [nouveau] du code de procédure pénale ; art. 642 de la loi n° 91647 du 10 juillet 1991 relative à laide juridique ; art. 233 de lordonnance n° 921147 du 12 octobre 1992 relative à laide juridictionnelle en matière pénale en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna)
Dispositions relatives aux alternatives aux poursuites, à la composition pénale et à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité

Adopté par la Commission sans modification

  Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 38 comporte diverses dispositions relatives aux alternatives aux poursuites, à la composition pénale et à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

  Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2004‑204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, dite « loi Perben II », a institué la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

La loi n° 2014‑896 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales a créé la transaction pénale.

  Modifications apportées au Sénat

Le Sénat a porté à trois ans, contre cinq dans le projet de loi initial, la peine d’emprisonnement maximale qui peut être prononcée dans le cadre d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté l’article 38 sans modification.

1.   L’interdiction de paraître

Préalablement à sa décision sur l’action publique, le procureur de la République peut édicter diverses mesures qui lui paraissent de nature à assurer la réparation du dommage causé à la victime, mettre fin au trouble résultant de l’infraction ou contribuer au reclassement de l’auteur des faits ([471]). Parmi ces dispositions figurent l’accomplissement d’un stage, la réparation du dommage causé à la victime, l’obligation de résider hors du domicile conjugal ou encore le rappel à la loi.

Le ajoute à cette liste la possibilité pour le procureur de demander à l’auteur des faits de ne pas paraître, pour une durée qui ne saurait excéder six mois, dans un ou plusieurs lieux déterminés dans lesquels l’infraction a été commise ou dans lesquels réside la victime.

Conformément au dernier alinéa de l’article 41‑1 du code de procédure pénale, « en cas de non-exécution de la mesure en raison du comportement de lauteur des faits, le procureur de la République, sauf élément nouveau, met en œuvre une composition pénale ou engage des poursuites ».

2.   La disparition de la transaction pénale

Prévue à l’article 41‑1‑1 du code de procédure pénale et d’institution récente ([472]), la transaction pénale autorise l’officier de police judiciaire, sur autorisation du procureur de la République et tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement, de transiger sur la poursuite :

– des contraventions ne donnant pas lieu à amende forfaitaire ;

– de divers délits ([473]).

Une consignation peut être exigée en vue de garantir le paiement d’une amende ne pouvant excéder le tiers du montant de l’amende encourue, outre une obligation éventuelle de réparer le dommage. La transaction est homologuée par le juge. L’action publique s’éteint avec l’exécution des obligations résultant de la transaction ; l’inexécution desdites obligations permet au procureur de la République d’engager des poursuites ou d’opter pour d’autres alternatives.

L’étude d’impact jointe au projet de loi indique que la transaction pénale se confond avec la composition pénale et qu’elle est très peu utilisée. De surcroît, ses dispositions réglementaires d’application ont été annulées par la juridiction administrative, faute qu’il soit prévu d’informer le justiciable des faits qui lui sont reprochés et de leur qualification juridique ([474]).

En conséquence, le abroge l’article 41-1-1 du code de procédure pénale relatif à la transaction pénale.

3.   La composition pénale

a.   Le droit en vigueur

La composition pénale a été créée par la loi n° 99‑515 du 23 juin 1999 renforçant l’efficacité de la procédure pénale dans une perspective de diversification et de simplification des réponses pénales. Elle est régie par l’article 41‑2 du code de procédure pénale.

La composition pénale permet au procureur de la République, tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement, de proposer une sanction pénale, directement ou par l’intermédiaire d’une personne habilitée, au justiciable qui reconnaît avoir commis un délit puni dune peine damende ou dune peine demprisonnement dune durée nexcédant pas cinq ans ([475]).

L’article 41-2 du code de procédure pénale énumère dix-huit mesures de composition pénale : le versement d’une amende, la réalisation de stages, l’interdiction de paraître, la réalisation d’un travail non rémunéré ou encore l’injonction thérapeutique. Lorsque la victime est identifiée, le procureur de la République propose à l’auteur de réparer les dommages causés – sauf si ce dernier justifie l’avoir préalablement fait.

Lorsque l’auteur des faits donne son accord aux mesures proposées, le procureur de la République saisit le juge du siège pour validation. Le président du tribunal peut procéder à l’audition de l’auteur des faits et de la victime. Si la proposition est validée, les mesures deviennent exécutoires ; si elle ne l’est pas, la proposition est caduque.

Le défaut d’exécution intégrale d’une composition validée conduit le parquet à mettre en œuvre l’action publique. L’exécution, en revanche, éteint laction publique.

Les compositions pénales apparaissent au bulletin n° 1 du casier judiciaire. La procédure est très utilisée avec 70 000 occurrences annuelles selon l’étude d’impact jointe au projet de loi.

b.   Les dispositions du projet de loi

Afin de développer encore le recours à la composition pénale, le comporte diverses mesures destinées à la rendre plus opérationnelle.

Le a) du  prévoit d’élargir le recours à la composition pénale à tous les délits, quel que soit le quantum de la peine encourue, et non plus aux seuls délits punis d’une peine d’emprisonnement n’excédant pas cinq ans.

Le b) du , en cohérence avec le 1°, aligne la rédaction de la mesure de composition d’interdiction de paraître avec celle que peut édicter le procureur de la République préalablement à sa décision sur l’action publique. Les lieux dans lesquels l’auteur des faits réside habituellement peuvent désormais lui être interdits, ce qui est très souhaitable dans le cas de violences familiales.

Le c) du  libère les magistrats du siège de la contrainte consistant à valider la proposition de composition pénale, laissant le seul accord de l’auteur et du parquet lui donner un caractère exécutoire. Cette dérogation est soumise à deux conditions :

– porter sur un délit puni d’une peine d’emprisonnement d’une durée n’excédant pas trois ans ;

– limiter la sanction à une amende ou à la confiscation de la chose qui a servi à commettre l’infraction ou qui en est l’objet, dans la limite de 3 000 euros.

Le d) du modifie les dispositions relatives aux droits de la victime. La rédaction actuelle dispose que la composition pénale ne fait pas échec au droit de la partie civile de délivrer citation directe devant le tribunal correctionnel afin qu’il statue sur ses intérêts civils. La citation directe, délicate à engager, laisse place à une citation de l’auteur des faits à une audience devant le tribunal par le procureur de la République, qui a l’obligation d’informer la victime des droits dont elle dispose parmi lesquels celui de se constituer partie civile.

Enfin, le rend la composition pénale applicable aux personnes morales. Il crée pour cela un nouvel article 41-3-1 dans le code de procédure pénale. La reconnaissance de la responsabilité pénale incombe au représentant légal de la personne morale ou à toute personne bénéficiant d’une délégation de pouvoir à cet effet. Le montant de l’amende de composition serait égal au quintuple de lamende encourue par les personnes physiques ([476]).

4.   La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité

a.   Le droit en vigueur

La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), ou « plaider-coupable », a été créée par la loi n° 2004‑204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, dite « loi Perben II ». Elle figure aux articles 495‑7 à 495‑16 du code de procédure pénale. Elle permet d’éviter le procès de la personne qui reconnaît les faits qui lui sont reprochés.

La CRPC est applicable à tous les délits commis par des majeurs punis dune peine demprisonnement dune durée supérieure à cinq ans, à l’exception des délits de presse, des homicides involontaires, des délits politiques, des atteintes à l’intégrité des personnes et des agressions sexuelles.

La procédure commence par une proposition de peine formulée par le procureur de la République à la personne mise en cause et à son avocat ([477]), peine qui ne peut excéder un an demprisonnement ni la moitié de la peine demprisonnement encourue, et dont il précise si elle sera susceptible d’aménagement ou immédiatement exécutée ([478]). Si la personne mise en cause refuse la proposition ([479]) du procureur de la République ou si le président du tribunal correctionnel refuse de l’homologuer, la procédure se poursuit suivant les règles du droit commun. Si la proposition est acceptée, elle est soumise pour homologation au président du tribunal correctionnel ([480]). L’ordonnance a les effets d’un jugement de condamnation ; elle est immédiatement exécutoire sous réserve d’appel interjeté dans les dix jours suivant la notification à l’intéressé ([481]).

Les droits de la victime de l’infraction sont également garantis : obligatoirement informée, elle peut se constituer partie civile et demander réparation lors de l’audience d’homologation.

Selon l’étude d’impact jointe au projet de loi, la CRPC est un grand succès. En 2016, 76 000 propositions ont été homologuées selon cette procédure soit un cinquième de lensemble des condamnations de lannée.

b.   Les dispositions du projet de loi

Le réforme la procédure de la CRPC afin de la rendre plus opérationnelle encore.

Le a) du  supprime, à l’article 495-8 du code de procédure pénale, la limitation du quantum de la peine à un an demprisonnement. Une peine plus lourde peut être proposée à la seule condition de ne pas dépasser la moitié de la peine d’emprisonnement encourue. Comme les délits sont punis d’une peine maximale de dix années d’emprisonnement ([482]), la peine d’emprisonnement proposée dans le cadre de la CRPC pourrait donc atteindre cinq ans. Toutefois, les dispositions du code pénal qui répriment la récidive sont également applicables ([483]) : en matière délictuelle, elles induisent un doublement de la peine encourue. Le plafond de la peine proposée en CRPC serait donc, dans ce cas, de dix années.

Le b) du  élargit la palette des sanctions à la disposition du procureur de la République, qui pourrait décider que la peine d’emprisonnement proposée emporte révocation de sursis précédemment accordés.

Le c) du 5° autorise le procureur de la République à mener une négociation avec l’auteur des faits et son avocat en lui permettant explicitement de faire connaître les propositions qu’il envisage de formuler. Le Gouvernement espère que l’ouverture d’un dialogue permettra un succès plus fréquent des CRPC.

Enfin, le insère dans le code de procédure pénale un nouvel article 495‑11‑1 précisant le rôle du magistrat du siège au moment de lhomologation. Celle-ci peut être refusée si la personnalité de l’intéressé, la situation de la victime ou les intérêts de la société justifient une audience correctionnelle, mais aussi si les déclarations de la victime apportent un éclairage nouveau sur les conditions de l’infraction ou sur la personnalité de son auteur ([484]).

Naturellement, le magistrat conserverait la possibilité de refuser l’homologation s’il constate que l’une des conditions prévues à l’article 495-11 n’est pas remplie : il lui revient de s’assurer que la personne reconnaît les faits qui lui sont reprochés, qu’elle accepte la peine proposée et que cette peine est justifiée au regard des circonstances et de la personnalité de l’auteur.

5.   Des dispositions soutenues par le Sénat

La commission des Lois s’est déclarée favorable à la quasi-totalité des dispositions proposées par le Gouvernement, considérant que les petites infractions avaient vocation à recevoir une réponse pénale sans pour autant encombrer le tribunal correctionnel.

Quatre amendements des rapporteurs, de portée rédactionnelle, ont été adoptés, procédant à des améliorations légistiques ou établissant des coordinations pour l’application outre-mer.

Un cinquième amendement adopté par la Commission, toujours à l’initiative des rapporteurs, est toutefois venu maintenir à un an d’emprisonnement la peine maximale pouvant être prononcée dans le cadre d’une CRPC. La perspective d’une condamnation à cinq ans d’emprisonnement sans audience devant le tribunal correctionnel est apparue de nature à mettre en péril les droits du justiciable.

En séance publique, le Gouvernement a proposé avec succès une voie de compromis fixant à trois ans la peine demprisonnement maximale dans le cadre dune CRPC. Un amendement rédactionnel des rapporteurs a également été adopté.

6.   Des dispositions adoptées sans modification par la Commission

La Commission a jugé satisfaisantes les propositions du Gouvernement amendées par le Sénat. Elle a adopté l’article 38 sans modification.

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Section 2
Dispositions relatives au jugement

Sous-section 1
Dispositions relatives au jugement des délits

Article 39
(art. 80, 3885, 393, 3931, 394, 39711 [nouveau], 3972, 3977 et 49510 du code de procédure pénale)
Dispositions relatives au tribunal correctionnel

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 39 du projet de loi a pour objet de créer une nouvelle procédure de comparution à délai différé, de faciliter le regroupement de plusieurs affaires au cours d’une même audience, de fixer un délai avant une audition devant le président du tribunal correctionnel et d’élargir la possibilité de demander un supplément d’information.

  Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2014-535 du 27 mai 2014 portant transposition de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales, a autorisé le tribunal correctionnel à ordonner un supplément d’information dans le cadre d’une convocation par procès-verbal.

  Modifications apportées au Sénat

Le Sénat s’est opposé à la création d’une procédure de comparution différée. Il a également adopté un amendement portant de trois à cinq jours la durée maximale de la détention provisoire d’une personne déférée en comparution immédiate dans l’hypothèse où le tribunal ne pourrait siéger le jour même.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission est revenue sur les principales modifications opérées par le Sénat.

1.   La convocation de l’avocat

a.   L’état du droit

Il existe différentes modalités de saisine du tribunal correctionnel, parmi lesquelles la convocation en justice délivrée par un officier ou agent de police judiciaire ([485]) et la citation directe ([486]).

L’article 388-5 du code de procédure pénale dispose : « En cas de poursuites par citation prévue à larticle 390 ou convocation prévue à larticle 3901, les parties ou leur avocat peuvent, avant toute défense au fond ou à tout moment au cours des débats, demander, par conclusions écrites, quil soit procédé à tout acte quils estiment nécessaire à la manifestation de la vérité. » S’il estime ces demandes justifiées, le président du tribunal peut en ordonner l’exécution. Les procès-verbaux et autres pièces relatant l’exécution sont joints au dossier et mis à la disposition des parties. Si le prévenu et la victime doivent être à nouveau entendus, ils ont le droit d’être assistés, lors de leur audition, par leur avocat.

b.   Les dispositions du projet de loi adoptées par le Sénat

Le I modifie l’article 388-5 du code de procédure pénale, qui précise les droits des parties et de leurs avocats en cas de poursuite par citation directe ou par convocation en justice. Afin qu’il soit permis de consulter le dossier et de préparer l’audition dans de bonnes conditions, il prévoit que l’avocat est convoqué au plus tard cinq jours ouvrables avant la date de l’audition et qu’il a accès au dossier au plus tard quatre jours ouvrables auparavant.

2.   Le regroupement de différentes affaires dans une même audience

Le IV modifie l’article 393 du code de procédure pénale pour autoriser le regroupement de plusieurs affaires au cours d’une même audience ([487]).

Dans le cadre d’une convocation par procès-verbal ou d’une comparution immédiate, le procureur de la République peut fixer à la même audience, pour qu’elles soient jointes à la procédure ou examinées ensemble, de précédentes poursuites dont le prévenu a fait lobjet pour dautres délits. Sauf comparution immédiate, la décision du procureur devrait intervenir au moins dix jours avant la date de l’audience afin que la défense puisse se préparer.

Le Sénat a adopté cette disposition sans modification, les rapporteurs la qualifiant de « consensuelle et de bon sens ».

3.   La possibilité de demander au tribunal correctionnel un supplément d’information

a.   L’état du droit

L’article 394 du code de procédure pénale donne la possibilité au tribunal correctionnel de décider, à la demande des parties ou d’office, un supplément d’information ([488]) dans le cadre d’une comparution par procès-verbal ([489]). Il est mené par l’un des juges du tribunal correctionnel ou par un juge d’instruction du tribunal.

Le tribunal peut aussi renvoyer le dossier au procureur afin que celui-ci requière l’ouverture d’une information.

b.   Les dispositions du projet de loi adoptées par le Sénat

L’article 39 supprime le dernier alinéa de l’article 394 du code de procédure pénale (VI) et lui substitue une disposition inscrite à l’article 397‑2 du même code ( du VIII).

L’article 397-2 permet au tribunal de décider un supplément d’information ou de renvoyer le dossier au procureur dans le cadre d’une comparution immédiate. Sa rédaction serait modifiée pour qu’il s’applique désormais « dans tous les cas prévus » au paragraphe 3 de la section 1 du chapitre 1er du titre II du livre II du code de procédure pénale – la comparution immédiate, la comparution par procès-verbal et la comparution différée prévue au présent article.

4.   La comparution à délai différé

a.   Les dispositions du projet de loi

Le rapport de MM. Jacques Beaume et Franck Natali sur l’amélioration et la simplification de la procédure pénale, issu des chantiers de la justice, plaide en faveur d’une procédure intermédiaire entre la comparution immédiate et les modalités classiques. « Lexpérience des juridictions a montré que, très souvent, certaines enquêtes, dans lesquelles les gardes à vue se terminent par un défèrement, sont ouvertes à linstruction pour la simple raison quune mesure de sûreté ([490]) est opportune alors quil ne manque, dans le délai de lenquête initiale, que la réponse à une réquisition, le résultat écrit dune expertise, un acte médical non terminé, une audition éloignée toujours en cours, en un mot un acte de pur complément à une enquête globalement achevée. Dans ce cas, louverture dune information occupe du temps dinstruction (déjà compté) sans bénéficier dune quelconque plus-value de fond autre que dattendre le versement de la pièce attendue. En outre, cette ouverture déclenche tout le formalisme chronophage de clôture ([491]). Il est donc proposé quune procédure intermédiaire puisse être créée, sous légide du parquet, permettant le complément de procédure assorti du prononcé dune mesure de sûreté en attendant la comparution devant le tribunal saisi de laction publique ».

Le VII crée au sein du code de procédure pénale une voie supplémentaire de saisine du tribunal correctionnel, la comparution à délai différé. Le nouvel article 397‑1‑1, qui en fixe les modalités, se compose de sept alinéas.

L’alinéa 1er définit les hypothèses dans lesquelles il est recouru à la comparution à délai différé. Il s’agit des cas prévus par l’article 395 du code de procédure pénale, c’est-à-dire si le maximum de lemprisonnement prévu par la loi est compris entre deux ans et sept ans, et à condition qu’il existe contre la personne des charges suffisantes sans qu’une comparution immédiate soit possible en raison de l’attente de résultats de réquisitions, d’examens techniques ou d’analyses médicales.

Le deuxième alinéa prescrit la présentation du prévenu devant le juge des libertés et de la détention, qui statue contradictoirement sur les réquisitions du ministère public aux fins de contrôle judiciaire, d’assignation à résidence avec surveillance électronique ou de détention provisoire. Les réquisitions mentionnent les raisons justifiant la comparution à délai différé et les actes dont les résultats sont attendus. La détention provisoire n’est possible que si la peine d’emprisonnement encourue est de trois ans. L’ordonnance rendue peut être contestée devant la chambre de l’instruction.

Le troisième alinéa précise que l’ordonnance prescrivant une mesure de sûreté est rendue dans les conditions et selon les modalités prévues par l’article 396 du code de procédure pénale ([492]). L’ordonnance énonce les faits et saisit le tribunal ; elle est notifiée verbalement au prévenu. Si la comparution n’a pas eu lieu au plus tard dans un délai de deux mois, il est mis fin d’office à la mesure de sûreté.

Le quatrième alinéa indique les conséquences du non-respect par le prévenu de la mesure de sûreté. Le procureur de la République décerne à son encontre un mandat d’arrêt ou un mandat d’amener et saisit le juge des libertés et de la détention pour demander le placement en détention provisoire ([493]). Les forces de l’ordre ont tout pouvoir pour l’appréhender ([494]).

Le cinquième alinéa dispose que les procès-verbaux et autres pièces attendues sont versés au dossier dès réception et mis à la disposition des parties.

Le sixième alinéa permet au prévenu de demander au président du tribunal la réalisation de tout acte qu’il estime nécessaire à la manifestation de la vérité, jusqu’à l’audience de jugement – le cas échéant, par déclaration auprès du chef de l’établissement pénitentiaire.

Enfin, le septième alinéa précise que la présentation de la personne devant le procureur de la République et devant le juge des libertés et de la détention peut intervenir dans un lieu autre que le tribunal si son état de santé ne permet pas de l’y transporter.

D’autres dispositions de l’article 39 procèdent à des coordinations nécessitées par la création de la comparution différée :

– le II modifie l’intitulé du paragraphe 3 de la section 1 du chapitre 1er du titre II du livre II du code de procédure pénale afin que la nouvelle procédure de « comparution différée » y figure ;

– le III modifie l’article 393 du même code pour y prévoir que les personnes que le procureur envisage de poursuivre en comparution à délai différé sont déférées devant lui ;

– le V ajoute, au même article 393, la comparution à délai différé à la liste des procédures que le procureur peut mettre en œuvre, et à l’article 393-1 pour informer la victime de la date de l’audience.

b.   Une disposition supprimée par le Sénat

La commission des Lois n’a pas jugé suffisantes les raisons invoquées pour justifier la création de la comparution à délai différé et les situations qui ont conduit à l’envisager. Elle a considéré que si les expertises attendues étaient importantes, la convocation devant le tribunal ne se justifiait pas. Mais si elles sont importantes, c’est le refus de procéder à une comparution immédiate qui ne se justifie pas.

D’une manière générale, les rapporteurs ont déploré la « tendance à rogner sur les prérogatives du juge dinstruction, dont la qualité des enquêtes est pourtant reconnue, au profit denquêtes conduites par le parquet qui ne présentent pas autant de garanties du point de vue de légalité des armes entre les parties ».

En conséquence, la Commission a adopté un amendement des rapporteurs supprimant les II, III, V et VII de l’article 39, ainsi que diverses coordinations (IV bis, IV ter et 1° du IV quater).

5.   La détention provisoire d’une personne déférée préalablement à une comparution immédiate

Issus d’un amendement de M. Bruno Retailleau et de plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains adopté en séance publique avec le soutien de la Commission et contre l’avis du Gouvernement, les IV quater A, 2° du IV quater et 2° du VIII ont trait à la comparution immédiate. La durée maximale de détention provisoire dune personne déférée préalablement à une comparution immédiate ([495]) est portée de trois à cinq jours si la réunion du tribunal est impossible le jour même.

6.   Des dispositions rétablies par la Commission

En adoptant deux amendements du Gouvernement soutenus par le rapporteur, la Commission est revenue sur les deux principales modifications apportées par le Sénat à l’article 39 :

–  elle a supprimé l’extension de trois à cinq jours de la durée maximale de détention provisoire dune personne déférée préalablement à une comparution immédiate, considérant que l’impossibilité de réunir le tribunal constituait un défaut d’organisation du service public de la justice dont la faute ne saurait se traduire en conséquences négatives pour le justiciable. Du reste, les juridictions considèrent généralement le délai de trois jours comme suffisant, hormis dans le cas où un tribunal dans lequel il n’y a pas de pôle de l’instruction se déclare incompétent au profit d’un tribunal dans lequel se trouve un tel pôle, ou inversement, puisque la procédure doit être transférée entre deux juridictions ;

–  elle a rétabli la comparution à délai différé, considérant judicieux d’éviter par cette nouvelle voie procédurale l’ouverture d’informations judiciaires uniquement justifiées par l’obligation formelle d’attendre la production d’une pièce donnée. L’influence positive que devrait avoir cette évolution sur le nombre de placements en détention provisoire et leur durée dans l’attente du jugement a également été soulignée.

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Article 40
(art. 3981, 495, 4951 et 4953 du code de procédure pénale ; art. L. 1633 du code monétaire et financier)
Extension du champ dapplication de la procédure de jugement à juge unique et de lordonnance pénale

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 40 étend la compétence de la formation à juge unique du tribunal correctionnel et le champ d’application de la procédure de l’ordonnance pénale.

  Dernières modifications législatives intervenues

Seize extensions de la compétence de la formation du tribunal correctionnel statuant à juge unique sont intervenues depuis 1995. La loi n° 2002‑1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice a institué l’ordonnance pénale en matière délictuelle.

  Modifications apportées au Sénat

Le Sénat a adopté une disposition prévoyant la compétence de principe du juge unique pour tous les délits du code pénal punis d’une peine d’emprisonnement n’excédant pas cinq ans. Une disposition similaire a été retenue en matière d’ordonnance pénale.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a souhaité que les infractions donnant lieu à un jugement par un juge unique demeurent énumérées par la loi, de préférence à la disposition générale privilégiée par le Sénat. Elle a également ouvert la voie d’une répression des injures et diffamations raciales commises en ligne par ordonnance pénale.

1.   L’extension de la compétence de la formation à juge unique du tribunal correctionnel

a.   L’état du droit

Le principe de collégialité désigne le fait qu’une affaire soit examinée par plusieurs juges, siégeant et délibérant ensemble.

Les formations du tribunal correctionnel sont collégiales. Toutefois et par dérogation, la formation du tribunal correctionnel statuant à juge unique a été créée par la loi n° 72-1226 du 29 décembre 1972 dans un souci de simplification et d’efficacité de la justice pénale.

La loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative a considérablement élargi la compétence du juge unique en matière délictuelle. Plus de 592 délits différents – contre 175 en application des anciennes dispositions – ont été attribués à la formation statuant à juge unique, constituant alors près de la moitié des affaires jugées chaque année par les tribunaux correctionnels.

Par la suite, l’article 398-1 du code de procédure pénale a été modifié à seize reprises : loi n° 2002‑1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice, loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, loi n° 2009‑526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allégement des procédures, loi n° 2011‑1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l’allégement de certaines procédures juridictionnelles…

Une majorité des affaires correctionnelles font désormais l’objet d’un jugement à juge unique. L’article 398-2 du code de procédure pénale prévoit la possibilité de renvoyer l’affaire à la formation collégiale en raison de la complexité des faits ou de l’importance de la peine encourue, mais ces dispositions ne sont quasiment jamais employées. Le même article prescrit aussi, en son dernier alinéa, que le tribunal correctionnel statuant à juge unique ne peut prononcer une peine demprisonnement ferme dune durée supérieure à cinq ans.

Selon l’étude d’impact jointe au projet de loi, en 2016, les infractions relevant de la compétence exclusive du juge unique ont représenté 78 % des décisions inscrites au casier judiciaire, qu’il s’agisse de décisions de condamnations ou de compositions pénales. La même année, 58 % des condamnations prononcées lont été par un juge unique.

Par ailleurs, entre 2000 et 2013, le champ du juge unique sest accru de près de 200 000 décisions, quand le champ collégial en perdait environ 13 000. Le juge unique absorbe donc un nouveau contentieux davantage qu’il ne dégrade le contentieux existant.

b.   Les dispositions du projet de loi

Le I s’inscrit dans la tendance consistant, depuis vingt ans, à élargir la compétence de la formation à juge unique du tribunal correctionnel à 170 nouveaux délits punis au maximum de cinq ans d’emprisonnement et choisis au cas par cas.

c.   Une disposition modifiée par le Sénat

Les rapporteurs ont affirmé ne pas être hostiles sur le fond à l’extension du champ de la compétence du juge unique en matière correctionnelle. Toutefois, ils ont élevé une critique sur la forme des évolutions successives, qui égrainent des listes d’infractions considérables et, ce faisant, participent à la complexification de la procédure pénale.

En conséquence, la commission des Lois a adopté un amendement des rapporteurs simplifiant de façon drastique la procédure : le juge unique a compétence générale pour toute infraction du code pénal faisant encourir une peine demprisonnement nexcédant pas cinq ans – à l’exception des délits d’agression sexuelle. L’extension de la procédure aux délits des autres codes, notamment le code de la route ou le code de la construction et de l’habitation, a été conservée.

Ces dispositions n’ont pas fait l’objet d’amendement en séance publique en dépit de la tentative du Gouvernement de rétablir sa rédaction initiale.

2.   L’extension du périmètre de la procédure simplifiée de l’ordonnance pénale

a.   L’état du droit

Créée par la loi n° 72-5 du 3 janvier 1972 tendant à simplifier la procédure applicable en matière de contraventions pour traiter les contraventions au code de la route, lordonnance pénale a été étendue à la matière délictuelle par la loi n° 2002‑1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice. Son principe a alors été jugé conforme à la Constitution ([496]). Elle est désormais prévue aux articles 495‑1 et suivants du code de procédure pénale.

Le ministère public qui choisit de l’employer communique le dossier de la poursuite et ses réquisitions au président de la juridiction, qui statue sans audience ni débat par une ordonnance portant relaxe ou condamnation à une amende et, le cas échéant, à une peine complémentaire. Le montant maximal de l’amende prononcée est de la moitié de celui de l’amende encourue sans pouvoir excéder 5 000 euros. Le condamné a quarante‑cinq jours pour faire connaître son opposition : l’affaire est alors renvoyée au tribunal correctionnel selon la procédure de droit commun.

L’article 495 du code de procédure pénale édicte les conditions pour recourir à l’ordonnance pénale :

– les faits reprochés au prévenu sont simples et établis ;

– les renseignements concernant la personnalité, les charges et les ressources du prévenu sont suffisants pour permettre la détermination de la peine ;

– il n’apparaît pas nécessaire, compte tenu de la faible gravité des faits, de prononcer une peine d’emprisonnement ou une peine d’amende d’un montant supérieur à 5 000 euros ;

– le recours à cette procédure n’est pas de nature à porter atteinte aux droits de la victime.

Par ailleurs, elle ne peut être appliquée à l’encontre d’un mineur, en cas de citation directe par la victime, si un délit a été commis ne permettant pas son application ou lorsque les faits ont eu lieu en état de récidive légale. Le parquet dispose de la faculté de faire opposition dans un délai de dix jours.

L’ordonnance pénale concerne plusieurs catégories de délits (délits routiers, vol, usage de stupéfiants, vente à la sauvette, etc.) au fil des multiples élargissements législatifs ([497]). Elle permet d’apporter une réponse rapide aux infractions de faible complexité : 160 000 ordonnances pénales ont été prononcées par le tribunal correctionnel en 2016 ; 3,3 % seulement d’entre elles ont fait l’objet d’une opposition – principalement dans les affaires d’atteinte aux personnes.

b.   Les dispositions du projet de loi

L’article 40 propose détendre le champ des infractions pouvant donner lieu à ordonnance pénale.

Par souci de simplification, le 1° du II aligne la liste des infractions concernées sur celle des délits relevant du juge unique – article 398-1 du code de procédure pénale – diminuée des atteintes aux personnes.

Par ailleurs, le 2° du II autorise le recours à l’ordonnance pénale en cas de récidive.

Le III ouvre la possibilité de prononcer d’autres peines que les amendes : un travail d’intérêt général, avec l’accord préalable du prévenu, ou une peine de jours-amendes.

Enfin, le IV ordonne que la condamnation à ces deux dernières peines soit portée oralement à la connaissance de l’intéressé ([498]).

L’étude d’impact jointe au projet de loi prévoit que ces évolutions engendrent une progression du nombre d’ordonnances pénales de lordre de 14 000 décisions par an.

c.   Une disposition modifiée par le Sénat

Sur proposition de ses rapporteurs et en cohérence avec la position adoptée au I, la commission des Lois a généralisé la procédure de l’ordonnance pénale à tous les délits punis d’une peine d’amende et aux délits punis d’une peine d’emprisonnement n’excédant pas cinq ans, à l’exception des délits d’atteintes à la personne humaine.

Par ailleurs, la Commission a doublé la notification orale de la sanction prononcée en cas de jours-amende ou de peine de travail d’intérêt général d’une notification écrite, pour la totalité des peines, sous la forme d’une lettre recommandée avec avis de réception.

Enfin, la commission des Lois a jugé ces modifications trop importantes pour entrer en vigueur avant un an à compter de la publication de la présente loi. Elle a modifié en ce sens l’article 56 précisant les modalités d’entrée en vigueur de l’ensemble des dispositions du projet de loi.

En séance publique, ces dispositions ont fait l’objet d’un amendement rédactionnel des rapporteurs.

3.   Des dispositions modifiées par la Commission

La Commission ne partage pas l’avis du Sénat quant à l’opportunité de substituer à la liste des infractions susceptibles d’être jugées à juge unique une disposition générale visant tous les délits réprimés d’une peine d’emprisonnement n’excédant pas cinq ans. En conséquence, elle a adopté plusieurs amendements du rapporteur rétablissant la liste contenue dans le projet de loi initial et lui adjoignant :

–  le recours à la prostitution ([499]) ;

–  le voyeurisme, qui n’existait pas au moment du dépôt du projet de loi sur le bureau du Sénat ([500]) ;

–  la contrefaçon ou la falsification de chèque, qui représente un nombre important d’affaires d’une relative simplicité, étant entendu que la commission de l’infraction en bande organisée demeure de la compétence de la formation collégiale du tribunal correctionnel ([501]). La sanction prévue par la loi est ramenée, par cohérence, de sept à cinq années d’emprisonnement.

La liste des délits susceptibles d’être sanctionnés par ordonnance pénale est alignée sur celle établissant la compétence du juge unique, à une exception découlant d’un amendement de la rapporteure concernant linjure et la diffamation à caractère raciste, sexiste, homophobe ou handiphobe ([502]). Ces délits, prévus par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, sont principalement réprimés par des peines d’amende et des stages de sensibilisation au racisme et à l’antisémitisme, qui pourraient utilement être prononcés par la voie de l’ordonnance pénale. Cette évolution permettra une meilleure sanction des comportements délictueux, particulièrement dans la perspective d’une généralisation de la plainte en ligne dont les internautes sauront se saisir avec la plus grande efficacité. Toutefois, dans le respect des dispositions spéciales qui régissent le droit de la presse, cette disposition ne sera pas applicable aux infractions commises sur un média dont la responsabilité éditoriale pourrait être mise en jeu par dautres voies et moyens. Elle ne sera pas non plus applicable aux déclarations formulées dans l’espace public réel, mais uniquement à celles réalisées en ligne.

Enfin, un amendement du rapporteur a imposé une notification orale de lordonnance pénale dès lors que celle-ci condamne le justiciable à une peine de jours-amendes ou de travail d’intérêt général, de sorte que la condamnation ne puisse prêter à discussion.

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Article 41
(art. 502, 509, 510 et 512 du code de procédure pénale)
Effet dévolutif de lappel en matière correctionnelle et formation à juge unique de la chambre des appels correctionnels

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 41 précise la possibilité pour une personne condamnée de faire un appel partiel de sa condamnation correctionnelle. Il instaure, en matière d’appel, une formation à juge unique pour les délits relevant de la formation à juge unique en première instance.

  Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, a créé les appels partiels, portant exclusivement sur la peine ou sur ses modalités d’exécution, non sur le jugement de culpabilité.

  Modifications apportées au Sénat

Sur proposition des rapporteurs, le Sénat s’est opposé au principe du juge unique en appel.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a rétabli la possibilité de juger à juge unique en appel.

1.   Le caractère dévolutif de l’appel en matière correctionnelle

a.   L’état du droit

L’appel est la voie de réformation qui permet que les points de fait et de droit qui ont été soumis aux juges de première instance le soient à nouveau devant une autre juridiction. La faculté de faire appel appartient au prévenu, mais aussi au ministère public (parquet et parquet général) et, pour ce qui est des intérêts civils, à la partie civile.

Aux termes de l’article 509 du code de procédure pénale, « laffaire est dévolue à la cour dappel dans la limite fixée par lacte dappel et par la qualité de lappelant ainsi quil est dit à larticle 515 ».

Afin d’alléger la charge de travail des cours d’appel, le législateur a ouvert la possibilité de former un appel partiel, c’est-à-dire de ne saisir la cour d’appel que de la peine prononcée, de certaines d’entre elles ou de leurs modalités d’application ([503]). Cette possibilité a cependant été faiblement utilisée depuis sa création.

b.   Les dispositions du projet de loi adoptées sans modification par le Sénat

Le I transforme la faculté en obligation : l’appelant sera désormais tenu de déclarer si son appel porte sur l’action publique, sur l’action civile ou sur les deux. S’il concerne l’action publique, la déclaration indiquera s’il porte sur la décision de culpabilité ou s’il est limité aux peines prononcées, à certaines d’entre elles ou à leurs modalités d’application.

Le II opère une coordination avec la disposition précédente, de sorte que leffet dévolutif de lappel sexercerait strictement dans les limites fixées par lacte dappel.

Cette mesure entre en vigueur trois mois après la publication de la loi au Journal officiel ([504]).

La commission des Lois « a approuvé, sans réserve, ces dispositions » ([505]).

2.   La procédure de jugement à juge unique en appel

a.   Les dispositions du projet de loi

Alors que le principe de collégialité de l’appel des juridictions de jugement ne souffre pas d’exception pour l’heure, le III introduit le principe du juge unique au second degré. Il s’appliquerait aux mêmes infractions qu’en première instance afin de lutter contre « lengorgement de certaines cours dappel », selon l’étude d’impact jointe au projet de loi.

Plus de la moitié des décisions d’appel seraient désormais rendues à juge unique ([506]).

b.   Des dispositions supprimées par le Sénat

Les rapporteurs du Sénat ont estimé que, bien que le principe de collégialité n’ait pas valeur constitutionnelle et qu’il soit loisible au législateur de l’aménager à son souhait, le fait de juger à plusieurs est aussi un gage sérieux de qualité des décisions de justice, une garantie en matière d’indépendance et un atout pour la formation des jeunes magistrats. La perspective d’un juge unique pour les affaires de la cour d’appel, donc les plus contestées, n’a pas convaincu la commission des Lois, qui a supprimé le III de larticle 41.

En séance publique, le Gouvernement nest pas parvenu à rétablir une rédaction de compromis laissant à l’appelant la possibilité de refuser que son appel soit examiné par une formation à juge unique.

3.   Des dispositions modifiées par la Commission

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur soutenus par le Gouvernement à l’article 41.

En premier lieu, elle a complété le dispositif autorisant le cantonnement de la déclaration dappel en précisant que les formalités prescrites ne le sont pas à peine d’irrecevabilité. L’imprécision de la déclaration d’appel conduira, par détermination de loi, à lui donner le plus large périmètre possible afin de respecter les droits de la défense et de ne pas priver l’appelant d’une chance de convaincre de son innocence la juridiction de second degré.

En second lieu, la Commission a rétabli le principe dun appel jugé à juge unique. En effet, elle a considéré que l’aménagement du principe de collégialité était entouré de toutes les garanties : elle ne peut être mise en œuvre si le prévenu est en détention provisoire ou s’il réclame que son affaire soit examinée par une formation collégiale. De plus, la cour d’appel à juge unique ne peut prononcer de peine d’emprisonnement ferme d’une durée supérieure à cinq ans. Enfin, le retour à la collégialité est toujours possible si le magistrat, d’office ou à la demande d’une des parties, estime l’affaire excessivement complexe ou susceptible de donner lieu à une peine importante.

L’amendement prévoit, par ailleurs, que l’examen en appel à juge unique des condamnations prononcées en premier ressort à juge unique s’applique également si l’appel porte sur une décision sur l’action civile ayant été rendue, après renvoi, par le tribunal correctionnel siégeant à juge unique ([507]). Cette disposition permettra un audiencement plus rapide des dossiers.

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Sous-section 2
Dispositions relatives au jugement des crimes

Article 42
(art. 281, 3161 [nouveau], 331, 332, 3651, 3711 [nouveau], 38021 A [nouveau], 68911 et 6986 du code de procédure pénale)
Mesures de simplification du procès dassises et expérimentation du tribunal criminel départemental

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 42 comporte plusieurs dispositions de réforme et d’aménagement de la procédure criminelle. Il procède surtout à la création, par voie d’expérimentation, du tribunal criminel départemental appelé à juger les crimes réprimés de peines de réclusion inférieures n’excédant pas vingt ans.

  Dernières modifications législatives intervenues

La décision du Conseil constitutionnel n° 2017-964 QPC du 2 mars 2018 impose que le choix de la peine soit motivé par la cour d’assises.

  Modifications apportées au Sénat

Le Sénat a refusé que le président de la cour d’assises puisse statuer seul sur l’action civile. Il a également adopté un amendement élargissant la compétence des tribunaux français pour le jugement des crimes de guerre, génocides et crimes contre l’humanité commis à l’étranger. Il a enfin permis aux jurés de la cour d’assises de consulter, sur demande, une pièce du dossier.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission est revenue sur l’aménagement du principe d’oralité des débats au bénéfice des jurés. Elle a également permis que le président de la cour d’assises puisse interrompre les témoins et statuer seul sur l’action civile. Elle a enfin renommé le tribunal criminel départemental « cour criminelle », en lui donnant la possibilité de décerner mandat de dépôt et en précisant que l’évaluation de l’expérimentation devrait associer l’ensemble des acteurs judiciaires.

1.   La production de la liste des témoins

L’article 281 du code de procédure pénale prévoit, en son premier alinéa, que « le ministère public et la partie civile signifient à laccusé, laccusé signifie au ministère public et, sil y a lieu, à la partie civile, dès que possible et vingt-quatre heures au moins avant louverture des débats, la liste des personnes quils désirent faire entendre en qualité de témoins ». Par ailleurs, le dernier alinéa du même article enjoint au ministère public de citer à sa requête les témoins dont la liste lui a été communiquée par les parties cinq jours avant l’ouverture des débats, sans que cette liste puisse comporter plus de cinq noms.

Ce délai de vingt-quatre heures entraîne des difficultés logistiques et d’organisation fréquentes : la production tardive d’une liste fournie peut entrer en conflit avec la durée programmée de la session et, in fine, provoquer le renvoi du procès.

Afin de remédier à ces difficultés, le du I modifie l’article 281 du code de procédure pénale :

– le délai de vingt-quatre heures est porté à un mois, afin de bénéficier de meilleures conditions d’organisation, eu égard à la durée nécessaire à l’audiencement ;

– le délai de cinq jours est porté à un mois et dix jours.

Le Sénat a adopté ces dispositions sans modification.

2.   La mise à la disposition des assesseurs du dossier de la procédure

La procédure devant la cour d’assises est marquée par l’oralité des débats. En conséquence, ni les deux assesseurs, ni les jurés, n’ont accès au dossier : celui-ci est connu seulement du président. Les autres membres du jury forgent leur opinion sur la base des débats contradictoires auxquels ils assistent.

La cour d’assises pourrait cependant bénéficier d’une communication du dossier aux assesseurs, qui sont des magistrats professionnels et qui pourraient le mettre à profit au cours de l’audience, voire qui pourraient plus facilement remplacer le président si celui-ci se trouvait subitement empêché.

À cette fin, le 2° du I crée un nouvel article 316‑1 dans le code de procédure pénale, pour que les assesseurs aient à leur disposition une copie du dossier de la procédure.

En cohérence, le 8° du I (numéroté 7° par erreur) applique la même règle à la cour d’assises spéciale chargée de statuer sur les crimes commis par les militaires dans l’exercice de leur service et exclusivement composée de magistrats professionnels. La procédure déroge à l’article 347 du code de procédure pénale aux termes duquel le dossier n’est consultable, pendant le délibéré, qu’à la demande du président de la cour, en présence du ministère public et des avocats – il serait ici à la disposition de la cour.

La commission des Lois du Sénat a constaté que plusieurs dispositions de l’article 42 avaient pour objet ou pour effet d’atténuer le principe de l’oralité des débats au profit d’une consultation plus large du dossier de la procédure, ce qui pourrait raccourcir quelque peu la durée des débats. Elle n’a adopté aucun amendement. Ces dispositions n’ont pas, non plus, été modifiées à l’occasion de l’examen du projet de loi en séance publique.

3.   L’accès des jurés au dossier

Issu d’un amendement de M. Jean-Pierre Grand adopté en commission des Lois et qui n’a fait l’objet d’aucun amendement en séance publique, le  bis du I autorise les jurés, au cours des débats, à demander au président l’accès à une ou plusieurs pièces de la procédure contenues dans le dossier.

Évoquée dans le cadre des chantiers de la justice, cette mesure en cohérence avec l’aménagement du principe de l’oralité permettra aux jurés de mieux suivre les débats, par exemple au cours de la déposition d’un témoin se référant en profondeur à une pièce figurant dans le dossier. Il conviendra cependant que le président veille à ce que la pièce sollicitée ne soit pas de nature à manifestement influencer le sentiment des jurés.

4.   La possibilité d’interrompre un témoin

L’article 331 du code de procédure pénale dispose que, sous réserve des dispositions de l’article 309 ([508]), les témoins ne sont pas interrompus dans leur déposition. C’est seulement à la fin de leur propos qu’il est possible de leur adresser des questions.

Le 3° du I supprime ce principe, qui peut avoir pour effet d’allonger artificiellement les débats. En outre, afin d’éviter que certains témoins soient placés dans une position inconfortable pendant leur déposition, il est précisé qu’ils ne sont pas tenus d’exprimer leur intime conviction sur la culpabilité de l’accusé.

Le  du I (numéroté 5° par erreur) modifie l’article 332 du même code, pour préciser que le président de la cour dassises pourrait interrompre les déclarations du témoin ou lui poser directement des questions, sans attendre la fin de la déposition, si cela lui paraît nécessaire à la clarté et au bon déroulement des débats.

Quoique disposée à aménager la procédure de la cour d’assises pour favoriser l’efficacité des débats, la commission des Lois du Sénat a adopté un amendement du groupe Socialiste et républicain supprimant la possibilité ouverte au président de la cour d’assises d’interrompre la déposition d’un témoin et de lui poser des questions. Elle a considéré que l’article 309 du code de procédure pénale permet déjà au président d’exercer la direction des débats et de mettre fin à des monologues inutiles.

Ces dispositions n’ont pas fait l’objet d’amendements en séance publique.

5.   La motivation du choix de la peine

Depuis le 1er janvier 2012 et l’entrée en vigueur de la loi n° 2011‑939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs, l’article 365-1 du code de procédure pénale confie au président de la cour d’assises, ou à l’assesseur qu’il désigne, le soin de motiver l’arrêt de culpabilité de l’accusé.

Dans sa décision n° 2017-964 QPC du 2 mars 2018, le Conseil constitutionnel a jugé que les exigences constitutionnelles imposaient à la cour d’assises que le choix de la peine soit également motivé, c’est-à-dire que soient énoncés les principaux éléments l’ayant convaincue dans le choix de la peine. Le Conseil constitutionnel a reporté les effets de sa décision d’inconstitutionnalité au 1er mars 2019, ce qui impose au législateur d’agir désormais avec célérité.

Le  du I (numéroté 4° par erreur) modifie l’article 365-1 du code de procédure pénale afin de rendre obligatoire la motivation de l’arrêt de la cour d’assises sur le choix de la peine. Les termes employés sont ceux du Conseil constitutionnel dans sa décision.

6.   La décision du président de la cour d’assises sur l’action civile

La décision sur l’action civile détermine le montant des dommages et intérêts alloués à la partie civile. La cour d’assises statue sur cette demande sans l’assistance du jury, une fois l’arrêt rendu sur l’action publique.

Le  du I (numéroté 5° par erreur) crée dans le code de procédure pénale un nouvel article 371-1 dans le but de réduire la durée des audiences : la cour d’assises aurait la faculté de mettre en délibéré sa décision sur l’action civile mais pourrait décider, après recueil des observations des parties, de renvoyer la décision devant le président de la cour dassises, siégeant à la cour d’appel. Le président pourrait alors prendre seul toutes les décisions relatives à l’action civile.

La commission des Lois s’est opposée à cette proposition, considérant que le principe de la collégialité devait être maintenu pour les décisions qui, comme celles-ci, présentent une grande importance pour les victimes. L’amendement de suppression des rapporteurs a été adopté. Le Gouvernement n’est pas parvenu à obtenir le rétablissement de cette disposition en séance publique.

7.   La possibilité de limiter l’appel à la peine prononcée

En matière correctionnelle, la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, a permis que la déclaration d’appel se limite aux peines prononcées, à certaines d’entre elles ou à leurs modalités d’application ([509]).

Le du I (numéroté 6° par erreur) introduit dans le code pénal un nouvel article 380-2-1 A transposant à la matière criminelle cette disposition. L’appel, formé par l’accusé ou par le ministère public, peut se limiter à la décision sur la peine, sans contester les réponses données par la cour d’assises sur la culpabilité.

Il serait alors possible de réduire la durée de l’audience d’appel : seuls seraient reçues les dépositions nécessaires aux assesseurs et aux jurés pour appréhender les faits commis et la personnalité de l’accusé.

8.   L’expérimentation du tribunal criminel départemental

Le II procède à l’expérimentation du tribunal criminel départemental en réponse à l’allongement constant du délai de jugement par les cours d’assises ([510]).

Ce tribunal criminel aurait une compétence déterminée : les crimes punis de quinze ou vingt ans de réclusion criminelle, ainsi que les délits connexes ([511]). Il siégerait au même lieu que la cour d’assises. Il serait exclusivement composé de magistrats professionnels, avec quatre assesseurs ([512]) et un président ([513]).

La mise en accusation serait effectuée selon les mêmes modalités que devant la cour d’assises, aux termes de l’article 181 du code de procédure pénale ([514]). L’audiencement relèverait de la décision conjointe du président du tribunal criminel et du procureur de la République.

La procédure est celle suivie devant la cour dassises sous les réserves suivantes : les dispositions relatives aux jurés ne seraient pas applicables ; le tribunal statuerait à la majorité simple contre des majorités qualifiées en cour d’assises ; la délibération interviendrait en possession du dossier de la procédure, auquel seuls accèdent les magistrats professionnels aux assises.

Le tribunal aurait la possibilité de renvoyer devant la cour d’assises l’affaire dans laquelle les débats révèleraient des faits constituant un crime passible d’une peine supérieure à vingt ans de réclusion criminelle.

L’appel des décisions du tribunal criminel demeurerait de la compétence de la cour dassises dappel.

Le III prévoit la réalisation de l’expérimentation entre le 1er janvier 2019 et le 1er janvier 2022, dans deux départements au moins et dix départements au plus. Un rapport d’évaluation serait transmis au Parlement six mois avant la fin de l’expérimentation

Faisant état d’opinions très partagées, la commission des Lois s’est rangée à la démarche de lexpérimentation. Elle a adopté ces dispositions sans modification. En séance publique, un amendement des rapporteurs a apporté des précisions rédactionnelles.

9.   La compétence internationale des tribunaux français en matière de crime de guerre, crime contre l’humanité et génocide commis à l’étranger

Issu d’un amendement du groupe Socialiste et républicain adopté par la commission des Lois du Sénat, le IV reprend le contenu d’une proposition de loi présentée par le président Jean-Pierre Sueur et adoptée par le Sénat en 2013 ([515]). Il modifie la rédaction de l’article 689-11 du code de procédure pénale afin d’élargir la compétence des tribunaux français pour juger les auteurs de génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis à létranger.

Dans ce but, l’amendement supprime la condition selon laquelle l’auteur des faits doit avoir sa résidence habituelle sur le territoire français. Il supprime également l’exigence de double incrimination, qui suppose que les faits soient punissables à la fois en droit français et dans la législation de l’État où ils ont été commis.

Les poursuites ne pourraient être exercées qu’à la requête du ministère public, et à la condition qu’aucune juridiction étrangère ou internationale ne demande la remise ou l’extradition de l’auteur des faits.

En séance publique, le Gouvernement n’est pas parvenu à obtenir la suppression de ces dispositions.

10.   Des dispositions modifiées par la Commission

La Commission a approuvé la majorité des dispositions de l’article 42 dans leur rédaction issue du Sénat. Elle a cependant adopté plusieurs amendements :

–  par amendement du rapporteur soutenu par le Gouvernement, la Commission a souhaité préserver le principe doralité des débats dassises pour les jurés citoyens, en interdisant qu’une pièce du dossier soit laissée à leur consultation ;

–  par amendement du rapporteur soutenu par le Gouvernement, la Commission a autorisé le président de la cour d’assises à interrompre la déclaration initiale dun témoin et à lui poser des questions dans le courant de celle-ci, dès lors que cela lui paraît nécessaire à la clarté et au bon déroulement des débats. Cette disposition, cohérente avec l’exercice de la police de l’audience par le président, permettra d’éviter les longues déclarations sans lien avec les débats ou teintées d’une coloration politique sans rapport avec l’affaire en jugement ([516]) ;

–  par amendement du rapporteur soutenu par le Gouvernement, la Commission a rétabli la possibilité, pour la cour dassises, de renvoyer sa décision sur laction civile devant son président siégeant à la cour d’appel. Cette disposition est une simplification attendue, considérant que la décision sur l’action civile est aujourd’hui d’ores et déjà prise par les magistrats professionnels de la cour d’assises hors la présence du jury, ce qui s’apparente à une forme de collégialité restreinte. Cette évolution est, de surcroît, en pleine cohérence avec le principe de jugement à juge unique étendu aux articles 36, 40 et 41 du projet de loi ;

–  par deux amendements identiques, soutenus par le rapporteur et le Gouvernement, de M. Stéphane Gouffier-Cha, au nom de la Délégation aux droits des femmes et à légalité entre les hommes et les femmes, et de M. Stéphane Mazars et des membres du groupe La République en marche, la Commission a décidé de nommer la juridiction chargée de juger les crimes punis d’une peine de réclusion n’excédant pas quinze ans « cour criminelle » et non « tribunal criminel départemental ». Cette dénomination est apparue plus solennelle et de nature à rassurer les victimes quant à l’attention portée à leur affaire par l’autorité judiciaire ;

–  par amendement de Mme Naïma Moutchou soutenu par le rapporteur et le Gouvernement, la Commission a autorisé la cour criminelle, dans le cas où elle devrait renvoyer l’affaire devant une cour d’assises parce que les faits dont elle est saisie constituent un crime puni de trente ans de réclusion ou de la réclusion criminelle à perpétuité, à décerner mandat de dépôt à l’encontre de l’accusé afin d’éviter sa libération dans l’attente de la réunion de la cour d’assises. L’amendement prévoit également que l’accusé qui comparaît en détention provisoire demeure, dans pareil cas, dans cette situation ;

–  enfin, par un amendement de Mme Cécile Untermaier et des membres du groupe Socialistes et apparentés ayant bénéficié du soutien du rapporteur et du Gouvernement, la Commission a souhaité inscrire dans la loi que l’évaluation du fonctionnement de la cour criminelle à l’issue de la période d’expérimentation fait l’objet d’une association de lensemble des acteurs du monde judiciaire. Quoique de nature probablement réglementaire, cette précision est de nature à rassurer les professionnels après une concertation initiale jugée trop brève par beaucoup.              

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Chapitre IV (nouveau)
Dispositions relatives au terrorisme et au crime organisé

Article 42 bis AA
(art. L. 217-5 [nouveau] du code de lorganisation judiciaire, 706-16-1 et 706-16-2 [nouveaux]
du code de procédure pénale, L. 422-1-1 [nouveau] et L. 422-2 du code des assurances, L. 169-4
et L. 169-10 du code de la sécurité sociale et 9-2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à laide juridique)
Simplification et sécurisation du parcours procédural
dindemnisation des victimes dactes de terrorisme

Introduit par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à simplifier et sécuriser le parcours procédural d’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme :

– en confiant à un juge civil unique et spécialisé, situé à Paris, la compétence de statuer sur l’ensemble des litiges liés à la reconnaissance de leur droit à indemnisation, à l’organisation d’une expertise judiciaire et à la réparation de leur préjudice ;

– en supprimant la compétence des juridictions pénales pour connaître de l’action civile en réparation du dommage causé par une infraction terroriste, sous réserve des droits reconnus à la partie civile durant la procédure pénale ;

– en renforçant les garanties d’impartialité du médecin appelé à intervenir, durant la phase amiable, pour l’évaluation du préjudice subi et en dotant le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI) des moyens de remplir sa mission.

  Dernières modifications législatives intervenues

Les dernières modifications législatives intervenues dans cette matière concernent, d’une part, l’extension de la prise en charge des frais de santé des victimes d’actes de terrorisme par la loi du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017 et, d’autre part, l’attribution d’une nouvelle ressource au FGTI – la part des valeurs pécuniaires d’une personne détenue affectée à l’indemnisation des parties civiles qui n’a pas été réclamée – par la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales.

  Modifications apportées par la Commission

Le présent article résulte de l’adoption d’un amendement de votre rapporteur avec l’avis favorable du Gouvernement, reprenant les dispositions de l’article 26 ter auxquelles votre rapporteur a souhaité apporter des modifications visant à mieux encadrer les pouvoirs du FGTI.

1.   Le parcours procédural d’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme

Aux termes des articles L. 422-1 à L. 422-6 du code des assurances, le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et dautres infractions (FGTI) occupe, dans le parcours procédural d’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme, une place essentielle, au travers d’un dispositif dindemnisation amiable.

Le FGTI est en effet compétent pour lindemnisation des dommages physiques, psychologiques et professionnels des victimes blessées et des préjudices moraux et économiques des ayants droit des victimes décédées, ainsi que les frais d’obsèques et les frais liés, à l’égard de toutes les victimes d’actes de terrorisme survenus sur le territoire français et de leurs ayants droit ainsi que, pour les actes de terrorisme survenus à l’étranger, des victimes de nationalité française, des ayants droit français de la victime décédée, quelle que soit sa nationalité, et des ayants droit étrangers de la victime française.

Le FGTI est informé de l’identité des victimes par le procureur de la République ou l’autorité consulaire, toute personne s’estimant victime pouvant toutefois lui adresser directement une demande d’indemnisation.

Il verse une première provision au plus tard un mois après réception de la demande et présente une offre dindemnisation définitive au plus tard trois mois après réception des justificatifs des préjudices subis. En cas de blessures avec séquelles, il peut verser plusieurs indemnités provisionnelles puis adresser un décompte détaillé de l’indemnité proposée une fois l’état de santé de la victime stabilisé. L’indemnisation est calculée en déduisant la créance des organismes sociaux et des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d’autres débiteurs du chef du même préjudice. Elle peut prendre la forme d’un capital, d’une rente ou d’une solution mixte.

Si la victime refuse loffre amiable formulée par le FGTI, elle peut saisir, en référé ou au fond, la juridiction civile territorialement compétente
– dans le ressort duquel demeure le défendeur, en l’espèce celui du tribunal de grande instance (TGI) de Créteil où est domicilié le Fonds, ou dans le ressort duquel l’attentat a eu lieu, principalement les TGI de Paris et Nice – à laquelle il reviendra de déterminer le montant de l’indemnité à verser.

À cette réparation de droit commun s’ajoute une réparation sous forme forfaitaire au titre du préjudice exceptionnel spécifique des victimes dactes de terrorisme, destiné à prendre en compte la particularité de leur situation, notamment l’état de stress post-traumatique ou les troubles liés au caractère particulier de ces événements.

Enfin, le FGTI a reconnu en mars 2017 deux préjudices spécifiques, le préjudice dangoisse subi par les personnes présentes sur les lieux de lattentat et le préjudice dattente et dinquiétude subi par leurs proches.

Activités et financement du Fonds de garantie des victimes
des actes de terrorisme et d’autres infractions

Au 31 août 2018, 5 900 victimes avaient été prises en charge par le Fonds depuis les premiers attentats de janvier 2015, pour un montant total d’indemnisations versées de 142 millions d’euros :

– dont 2 620 victimes au titre des événements survenus le 13 novembre 2015, pour un total de 81,8 millions d’euros d’indemnisations versées ;

– et 2 200 victimes au titre de l’attentat de Nice du 14 juillet 2016, pour un total de 42 millions d’euros d’indemnisations versées.

Doté de la personnalité civile, le FGTI est alimenté :

– par un prélèvement sur les contrats d’assurance de biens : le montant de la contribution, compris entre 0 euro et 6,50 euros et fixé par arrêté du ministre chargé des assurances, s’élevait en 2016 à 4,30 euros par contrat et a été relevé à 5,90 euros par contrat à partir de 2017 ;

– par le produit des sanctions financières ou patrimoniales prononcées à l’encontre des personnes reconnues coupables d’actes de terrorisme ;

– par le versement de la part des valeurs pécuniaires d’une personne détenue affectée à l’indemnisation des parties civiles qui n’a pas été réclamée ;

– le fonds est aussi subrogé dans les droits que possède la victime contre la personne responsable du dommage.

Plusieurs critiques ont été adressées à ce parcours procédural, en raison du caractère jugé trop opaque du mécanisme d’indemnisation, des critères de sélection des experts compétents pour l’évaluation des préjudices et des difficultés administratives rencontrées dans les démarches nécessaires à la reconnaissance de la qualité de victime et à l’obtention d’une indemnisation.

Certaines de ces critiques ont conduit à la signature, en mars 2017, d’une convention de mission de service public entre l’État et le FGTI, énonçant des objectifs, notamment en matière de transparence et de prévisibilité des procédures, et des engagements en termes de qualité de service et de règles de politique financière.

D’autres critiques, mises en lumière par la mission sur l’amélioration du dispositif d’indemnisation des victimes de préjudice corporel en matière de terrorisme présidée par Mme Chantal Bussière ([517]), portent sur la complexité de l’intervention judiciaire dans le mécanisme d’indemnisation. En pratique, et souvent par méconnaissance des mécanismes procéduraux, de nombreuses personnes se constitueraient parties civiles devant le juge d’instruction aux fins d’indemnisation ou pour se voir reconnaître plus aisément la qualité de victime par le FGTI, retardant la procédure d’instruction, paralysée par la recherche d’experts médicaux ou psychiatres et la notification de missions d’expertise et de rapports. Or, la participation de la victime au procès pénal « répond davantage à une préoccupation répressive que réparatrice » et, « sagissant de laction civile, elle doit rester laccessoire de laction publique » ([518]).

2.   Les évolutions proposées

Le présent article, qui figurait à l’article 26 ter dans sa version adoptée par le Sénat à l’initiative du Gouvernement et suivant l’avis favorable de la commission des Lois, entend simplifier ce parcours procédural en renforçant les garanties offertes aux victimes dans la phase amiable avec le FGTI et en mettant fin aux compétences concurrentes du juge civil et du juge pénal en matière d’indemnisation.

Il est la traduction législative de certaines des propositions formulées par la mission sur l’amélioration du dispositif d’indemnisation des victimes de préjudice corporel en matière de terrorisme présidée par Mme Chantal Bussière.

a.   La compétence exclusive du TGI de Paris

Le I donne compétence exclusive au TGI de Paris pour connaître, en matière dindemnisation des victimes de terrorisme, de lensemble des litiges liés à la reconnaissance de leur droit à indemnisation, à lorganisation dune expertise judiciaire et à la réparation de leur préjudice.

À cette fin est créée, au sein du code de l’organisation judiciaire, une nouvelle section, dédiée à l’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme et suivant celle consacrée aux parquets spécialisés près le TGI de Paris, comprenant un nouvel article L. 217-5. Cet article rend le TGI de Paris seul compétent pour connaître, selon les règles applicables à la procédure civile :

– des contestations portant sur la reconnaissance du droit à indemnisation au titre d’un acte de terrorisme ;

– des demandes d’expertise médicale ;

– des demandes de provisions ;

– des demandes tendant à la liquidation du préjudice à tout moment de la procédure pénale ;

– des recours subrogatoires du fonds de garantie en remboursement des indemnités ou provisions versées à la victime.

Concrètement, la victime d’un acte de terrorisme pourra saisir le juge de l’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme lorsque le FGTI ne reconnaîtra pas sa qualité de victime, lui allouera une provision qu’elle estime insuffisante, mettra en œuvre une expertise médicale amiable dont elle contestera les modalités, ne lui transmettra pas une offre d’indemnisation dans le délai de trois mois prévu par la loi ou lorsque la victime refusera le montant de l’offre de l’indemnisation.

b.   La fin de la compétence concurrente des juridictions civiles et pénales en matière d’indemnisation

Le II complète le titre XV du livre IV du code de procédure pénale, relatif à la poursuite, à l’instruction et au jugement des actes de terrorisme, par deux nouveaux articles 706-16-1 et 706-16-2 afin de mettre fin aux compétences concurrentes du juge civil et du juge pénal pour apprécier lindemnisation du préjudice résultant dune infraction constituant un acte de terrorisme.

Si ces juridictions ne seront plus compétentes pour connaître de l’action en réparation du dommage causé par une infraction terroriste, la victime d’une telle infraction conservera la possibilité de se constituer partie civile devant elles afin de mettre en mouvement ou de soutenir l’action publique, de se voir reconnaître la qualité de victime et ainsi de pouvoir avoir accès au dossier de la procédure et formuler toute demande dacte utile à la manifestation de la vérité. Si ces juridictions sont saisies d’une demande de réparation du préjudice causé par cette infraction, elles devront renvoyer l’affaire devant le juge de l’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme, qui devra l’examiner « durgence selon une procédure simplifiée déterminée par décret en Conseil dÉtat » (article 706-16-1).

Afin de permettre un accès du juge de l’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme aux pièces de la procédure pénale, le nouvel article 706-16-2 le dote des mêmes pouvoirs que ceux dont disposent aujourdhui les commissions dindemnisation des victimes dinfractions ([519]) en vertu de l’article 706-6 :

– celui de « procéder ou faire procéder à toutes auditions et investigations utiles, sans que puisse lui être opposé le secret professionnel » et de se faire communiquer une copie des procès-verbaux et de toutes les autres pièces de la procédure pénale, « même en cours » ;

– un pouvoir de réquisition auprès des administrations, services de l’État ou d’une collectivité publique, organismes sociaux ou compagnies d’assurances détenant des informations utiles à l’évaluation de l’indemnisation.

c.   L’encadrement des règles de fonctionnement du FGTI

Le III modifie, au sein du code des assurances, plusieurs règles de fonctionnement du FGTI.

Le insère un nouvel article L. 422-1-1 pour doter le Fonds de prérogatives lui permettant de disposer des informations utiles à linstruction du dossier dindemnisation, sans que puisse lui être opposé le secret professionnel. Sont visés les administrations, services de l’État et des collectivités publiques, organismes sociaux, établissements financiers ou entreprises d’assurance.

Le modifie l’article L. 422-2 :

– afin de garantir limpartialité du médecin qui intervient dans la phase amiable de lindemnisation, il est prévu que lorsque le FGTI fera procéder à l’examen médical de la victime, il sera tenu de choisir le médecin dans la rubrique des experts spécialisés en dommage corporel inscrits sur l’une des listes des experts judiciaires dressés par les cours d’appel (a)) ;

– il est précisé que le délai d’un mois imparti au FGTI pour verser une indemnité provisionnelle s’appliquera lorsque le juge reconnaîtra à la victime son droit à indemnisation et que le délai de trois mois dans lequel le fonds doit présenter à la victime une offre d’indemnisation commencera à courir, dans ce cas, à compter de la date à laquelle la décision du juge est exécutoire (b)).

d.   Les modalités d’entrée en vigueur

Le IV fixe les règles d’entrée en vigueur de ces dispositions et du transfert des affaires civiles en cours devant le TGI de Paris.

L’obligation pour le FGTI de désigner un médecin spécialisé en dommage corporel inscrit sur une liste d’experts judiciaires s’appliquera un an après la publication de la loi, afin de laisser le temps aux médecins spécialisés choisis par le Fonds de procéder aux démarches nécessaires à leur inscription et aux cours d’appel d’instruire leurs demandes.

Les autres dispositions entreront en vigueur le premier jour du mois suivant la publication de la loi :

– les affaires en cours seront renvoyées au TGI de Paris par la juridiction initialement saisie avant cette date par une audience postérieure à celle‑ci ;

– il ne sera pas nécessaire de renouveler les actes, formalités et jugements régulièrement intervenus avant cette date ;

– les juridictions antérieurement compétentes devront informer les victimes du lieu de réception de leurs démarches à venir.

Votre rapporteur, attentif aux inquiétudes qu’ont fait naître ces dispositions chez certaines associations de victimes, tient à souligner leur réelle plus-value pour les droits de ces dernières par rapport au droit existant. Le parcours de la victime en sortira renforcé dans son efficacité, grâce à un recours juridictionnel unifié et spécialisé et par une meilleure articulation avec la procédure judiciaire, suivant en cela certaines recommandations formulées par le Défenseur des droits ([520]).

En premier lieu, ces dispositions nentraînent pas un éloignement du juge civil des victimes dactes de terrorisme :

– il existe déjà un point d’entrée unique pour l’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme, au travers de la procédure amiable devant le FGTI, installé à Vincennes et disposant d’une antenne à Marseille ;

– en l’état du droit, le TGI compétent n’est pas forcément le tribunal le plus proche du lieu de résidence de la victime, qui ne réside pas toujours dans la ville où s’est produit l’attentat ;

– les poursuites, l’instruction et le jugement de ces affaires se tiennent à Paris, dont le TGI dispose par ailleurs déjà d’un pôle spécialisé dans la réparation des préjudices corporels.

En deuxième lieu, la centralisation proposée par ces dispositions ne concernera que la contestation de certains actes ou de décisions du FGTI. Par conséquent, les victimes continueront d’avoir accès à un expert proche de chez elles pour procéder à l’évaluation de leurs préjudices. Et l’expert pourra se déplacer auprès de la victime sur l’ensemble du territoire national.

En troisième lieu, lincompétence des juridictions pénales pour statuer sur les demandes indemnitaires permettra daccélérer le traitement des demandes dindemnisation, aujourd’hui retardé par le déroulement complexe des informations judiciaires en raison du grand nombre de victimes d’un même acte terroriste, ainsi que les procédures pénales, déchargées de ces contentieux.

En dernier lieu, la création d’un juge de l’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme contribuera à la spécialisation des juges dans l’indemnisation de ces préjudices et à l’unification de la jurisprudence, facteur dune plus grande égalité de traitement entre les victimes.

3.   La position de la Commission

Le présent article, issu du déplacement par votre rapporteur de l’article 26 ter dans ce nouveau chapitre dédié au terrorisme et au crime organisé, a fait l’objet de modifications de la part de la Commission.

En premier lieu, votre rapporteur, avec l’avis favorable du Gouvernement, a souhaité apporter deux précisions au dispositif initialement proposé par celui‑ci :

–  d’une part, encadrer les pouvoirs de réquisition du FGTI par l’information préalable de la victime sur les démarches qu’il entreprend et son accord préalable en cas de réquisition adressée à son employeur ;

–  d’autre part, reporter de six mois supplémentaires – soit dix-huit mois au total au lieu des douze initialement proposés – lentrée en vigueur des nouvelles conditions de désignation des médecins habilités à procéder à lexamen médical de la victime, le temps pour ces derniers d’effectuer les démarches nécessaires à leur inscription sur les listes des experts judiciaires des cours d’appel.

En second lieu, le Gouvernement, par un sous-amendement à l’amendement de rédaction globale présenté par votre rapporteur, a étendu, par coordination, le bénéfice de laide juridictionnelle sans condition de ressources aux victimes dactes de terrorisme pour la constitution de partie civile devant les juridictions pénales (V).

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Article 42 bis AB
(art. L. 228-2 et L. 228-5 du code de la sécurité intérieure et
L. 773-10 [nouveau] du code de justice administrative)
Contestation devant le juge administratif des mesures
individuelles de contrôle administratif et de surveillance

Introduit par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article tire les conséquences de deux décisions du Conseil constitutionnel, du 16 février et du 29 mars 2018, relatives aux modalités de contrôle par le juge administratif des mesures individuelles de contrôle et de surveillance prises par le ministre de l’intérieur à l’encontre d’une personne représentant une menace terroriste grave.

  Dernières modifications législatives intervenues

Ces mesures ont été instituées par la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.

  Modifications apportées par la Commission

Le présent article résulte de l’adoption d’un amendement de votre rapporteur avec l’avis favorable du Gouvernement, reprenant les dispositions de l’article 25 bis auxquelles le Gouvernement a souhaité apporter, par sous-amendement, des modifications destinées à clarifier le régime contentieux de ces mesures.

1.   Les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance

Les articles L. 228-1 à L. 228-7 du code de la sécurité intérieure permettent au ministre de l’intérieur, aux fins de prévenir des actes de terrorisme, de soumettre une personne pouvant constituer « une menace dune particulière gravité́ pour la sécurité́ et lordre publics et qui soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient, diffuse, lorsque cette diffusion saccompagne dune manifestation dadhésion à lidéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission dactes de terrorisme ou faisant lapologie de tels actes » à plusieurs obligations, notamment d’assignation au sein d’un périmètre géographique donné, afin de faciliter sa surveillance, et d’interdiction de fréquenter certaines personnes.

a.   Le régime complet de l’assignation dans un périmètre géographique avec obligations de pointage et de déclaration de domicile

Après information du procureur de la République de Paris et celui territorialement compétent, le ministre peut soumettre cette personne à une mesure dassignation dans un périmètre donné, au travers de trois obligations (articles L. 228-2 et L. 228-3) :

– ne pas se déplacer à l’extérieur d’un périmètre géographique déterminé, qui ne peut être inférieur au territoire de la commune, sous réserve pour l’intéressé de pouvoir « poursuivre une vie familiale et professionnelle » ;

– se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, dans la limite d’une fois par jour, ou, si la personne l’accepte, être placée sous surveillance électronique mobile dans un périmètre géographique qui ne peut être inférieur au département ;

– déclarer son lieu d’habitation et tout changement de lieu d’habitation.

Les obligations s’appliquent pour une durée maximale de trois mois, renouvelable pour la même durée « lorsque les conditions (…) continuent dêtre réunies » sans que la durée totale cumulée ne puisse excéder douze mois, chaque renouvellement au-delà d’une durée cumulée de six mois étant subordonné à « lexistence déléments nouveaux ou complémentaires ».

b.   Le dispositif alternatif moins contraignant

À défaut de la soumettre à ces obligations, le ministre peut, dans les mêmes conditions, l’obliger à déclarer son domicile et tout changement de domicile, signaler ses déplacements à l’extérieur d’un périmètre déterminé ne pouvant être plus restreint que le territoire de la commune de son domicile et ne pas paraître dans un lieu déterminé, qui ne peut inclure le domicile de la personne intéressée (article L. 228-4).

c.   Les obligations complémentaires

En plus de ces obligations, le ministre peut, dans les mêmes conditions, obliger la personne à « ne pas se trouver en relation directe ou indirecte avec certaines personnes, nommément désignées, dont il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace pour la sécurité publique » (article L. 228-5).

Les obligations mentionnées aux articles L. 228-4 et L. 228-5 peuvent être imposées pour une durée maximale de six mois, renouvelable pour la même durée « lorsque les conditions (…) continuent dêtre réunies » sans que la durée totale cumulée ne puisse excéder douze mois, chaque renouvellement au-delà d’une durée cumulée de six mois étant également subordonné à « lexistence déléments nouveaux ou complémentaires ».

d.   Le contrôle de la légalité de ces dispositifs

Sans préjudice des procédures de référé-suspension et référé-liberté, la personne peut former un recours pour excès de pouvoir contre la décision initiale ou de renouvellement du ministre de l’intérieur. Le législateur avait laissé à cette personne un délai d’un mois à compter de sa notification pour former ce recours contre la décision de placement sous assignation et de deux mois pour les autres mesures, le tribunal administratif disposant de deux mois pour statuer sur ce recours dans le premier cas, et de quatre mois pour les autres mesures.

La personne peut, par ailleurs, contester devant le juge administratif une décision de renouvellement de ses obligations. Pour ce faire, cette décision doit lui être notifiée au plus tard cinq jours avant son entrée en vigueur, afin que l’intéressé puisse saisir le juge administratif dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification. La mesure entrera en vigueur après que le juge eut statué sur la demande. Le législateur avait cantonné lobjet de ce recours au référé-liberté, cest-à-dire aux cas datteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

D’après les chiffres communiqués par le ministère de l’intérieur aux trois députés chargés du contrôle parlementaire de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, au 7 septembre 2018, 64 mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance avaient été prises depuis le 1er novembre 2017 ([521]).

2.   Les décisions du Conseil constitutionnel des 16 février et 29 mars 2018

Par deux décisions des 16 février et 29 mars 2018 ([522]), le Conseil constitutionnel a partiellement censuré celles de ces dispositions portant sur le contrôle que le juge administratif peut opérer sur ces mesures.

La décision du 16 février, qui porte sur la mesure administrative dassignation prévue à l’article L. 228-2, a censuré deux séries de dispositions.

D’une part, le Conseil a censuré les dispositions limitant à un mois le délai dans lequel l’intéressé peut demander l’annulation de cette mesure et laissant au juge un délai de deux mois pour statuer, « compte tenu de latteinte quune telle mesure porte aux droits de lintéressé » et de la nécessité de préserver le droit à un recours juridictionnel effectif, qui impose que le juge administratif statue sur la demande d’annulation de la mesure dans de brefs délais ([523]). Cette censure est entrée immédiatement en application.

D’autre part, il a jugé contraire à la Constitution la possibilité laissée à l’autorité administrative de renouveler l’assignation à résidence sans qu’un juge ait préalablement statué, à la demande de la personne concernée, sur la régularité et le bien-fondé de la décision, la seule limitation prévue par la loi du recours en référé, limité au contrôle des atteintes graves et manifestement illégales à une liberté fondamentale, ne suffisant pas à préserver les droits de la personne ([524]). Afin que la combinaison du caractère suspensif du recours contre la décision de renouvellement et l’absence de délai fixé au juge pour statuer n’ait pas pour conséquence d’empêcher l’exécution de la décision de renouvellement en temps utile, le Conseil constitutionnel a reporté les effets de cette censure au 1er octobre 2018.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 29 mars, a censuré, dans les mêmes conditions, les dispositions identiques relatives au contrôle du juge administratif sur la mesure dinterdiction de fréquenter certaines personnes prévue par l’article L. 228-5.

3.   Le dispositif proposé

Le présent article, qui figurait à l’article 25 bis dans sa version adoptée par le Sénat à l’initiative du Gouvernement et suivant l’avis favorable de sa commission des Lois, vise à remédier à ces deux censures.

a.   La réduction des délais d’examen des recours en annulation des décisions

En premier lieu, il fixe le délai de dépôt et dexamen du recours en excès de pouvoir contre les décisions de placement sous des mesures de contrôle administratif et de surveillance (c) des 1° et 2° du I).

Dans son amendement, le Gouvernement proposait :

– de laisser un mois à la personne concernée pour former son recours ;

– de fixer à un mois, contre deux auparavant, le délai laissé au juge administratif pour statuer sur ce recours en excès de pouvoir lorsqu’il concerne une mesure d’assignation prise en application de l’article L. 228-2 et à deux mois, au lieu de quatre auparavant, celui applicable à la mesure d’interdiction de fréquenter certaines personnes prise en vertu de l’article L. 228-5.

Par un sous-amendement adopté contre l’avis du Gouvernement, la commission des Lois du Sénat a porté à deux mois la durée pendant laquelle lintéressé pourra faire ce recours et réduit à quinze jours le délai laissé au juge administratif pour statuer.

b.   L’extension du contrôle préalable des décisions de renouvellement

En deuxième lieu, le présent article applique au contrôle préalable du renouvellement de ces mesures de nouvelles règles inspirées de celles applicables au contrôle des mesures déloignement notifiées aux personnes placées en rétention administrative ([525]), permettant ainsi de concilier l’exigence d’un contrôle entier du juge sur la légalité de la décision et un délai de jugement évitant une rupture de continuité entre la mesure initiale et son renouvellement (a) et b) des 1° et 2° du I).

La personne pourrait former un recours en excès de pouvoir dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de la mesure de renouvellement pour la contester. Ce recours pour excès de pouvoir serait suspensif et porterait sur la régularité et le bien-fondé de la mesure, et non plus seulement sur l’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. L’examen de ce recours serait dispensé de conclusions du rapporteur public et un délai de soixante-douze heures serait laissé au juge pour statuer, à compter de l’heure d’enregistrement de la requête. Ainsi, les cinq jours qui s’écoulent entre la notification de la décision de renouvellement à la personne concernée et son entrée en vigueur permettraient au juge administratif de procéder à un contrôle entier de la mesure.

Le Sénat a adopté, contre l’avis du Gouvernement, un sous-amendement de sa commission des Lois qui rend possible la présence de lintéressé durant laudience, ou celle de son avocat lorsqu’un sauf-conduit ne pourrait être délivré par le ministre de l’Intérieur « en raison de la menace pour la sécurité et lordre publics que constituerait un tel déplacement ».

En dernier lieu, par coordination, le présent article insère un nouvel article L. 773-10 dans le code de justice administrative pour renvoyer aux règles définies aux articles L. 228-2 et L. 228-5 du code de la sécurité intérieure ainsi modifiées la détermination des modalités selon lesquelles le tribunal administratif examine les recours en annulation formés contre les mesures individuelles de contrôle et de surveillance (II).

4.   La position de la Commission

Le présent article, issu du déplacement par votre rapporteur de l’article 25 bis dans ce nouveau chapitre dédié au terrorisme et au crime organisé, a fait l’objet de modifications par la Commission, à l’initiative du Gouvernement et suivant l’avis favorable de votre rapporteur, afin de :

–  prévoir que le requérant, qui a le droit d’être présent à l’audience, pourra solliciter un sauf-conduit dont loctroi ne sera cependant pas possible si son déplacement constitue une menace pour la sécurité et lordre publics ;

–  supprimer lobligation de représentation par un avocat en cas de nondélivrance dun sauf-conduit, contraire aux règles traditionnelles du recours pour excès de pouvoir, l’intéressé devant conserver le libre choix de se faire représenter ou non ;

–  réserver le recours en annulation de la personne faisant lobjet dun renouvellement de mesure au cas où lintéressée na pas déjà usé de la procédure accélérée, qui permet de saisir le juge de la légalité d’une mesure de renouvellement avant son entrée en vigueur.

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Article 42 bis AC
(art. L. 229-1, L. 229-4 et L. 229-5 du code de la sécurité intérieure)
Extension du régime procédural prévu pour la saisie administrative de données et supports informatiques aux documents saisis

Introduit par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article tire les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 29 mars 2018 qui a censuré les règles applicables à la saisie, l’exploitation, la conservation et la restitution de documents et d’objets saisis à l’occasion d’une visite administrative aux fins de prévention d’un acte de terrorisme.

  Dernières modifications législatives intervenues

Ces règles ont été créées par la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.

  Modifications apportées par la Commission

Le présent article résulte de l’adoption d’un amendement de votre rapporteur avec l’avis favorable du Gouvernement, reprenant, sans les modifier, les dispositions de l’article 25 ter.

1.   Le régime des saisies et visites administratives

Les articles L. 229-1 à L. 229-6 du code de la sécurité intérieure permettent la mise en œuvre de visites et saisies administratives, qui relèvent d’un régime juridique mixte, s’inspirant des perquisitions administratives prévues par la loi du 3 avril 1955 sur l’état d’urgence mais régies, dans leur mise en œuvre et leur contrôle, par des dispositions proches de celles applicables aux visites domiciliaires en matière pénale.

Le préfet doit au préalable informer le procureur de la République de Paris et celui territorialement compétent et saisir le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris, seul compétent pour autoriser leur mise en œuvre, aux fins « de prévenir la commission dactes de terrorisme et lorsquil existe des raisons sérieuses de penser quun lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace dune particulière gravité pour la sécurité et lordre publics et qui soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient, diffuse, lorsque cette diffusion saccompagne dune manifestation dadhésion à lidéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission dactes de terrorisme ou faisant lapologie de tels actes » (article L. 229-1).

Les modalités et le déroulement de la visite sont fixés par l’article L. 2292.

En vertu de l’article L. 229-4, l’officier de police judiciaire présent peut retenir la personne dont la fréquentation du lieu a suscité́ la visite, à l’exclusion de toute autre personne présente sur les lieux, « lorsquelle est susceptible de fournir des renseignements sur les objets, documents et données présents sur le lieu de la visite ayant un lien avec la finalité́ de prévention de la commission dactes de terrorisme ayant justifié́ la visite », pour le temps strictement nécessaire au déroulement des opérations, sans pouvoir excéder quatre heures.

En application de l’article L. 229-5, il peut être procédé, en présence de l’officier de police judiciaire et pour les mêmes finalités, à la saisie et à lexploitation des documents, objets ou données ainsi que de leurs supports lorsquils intéressent les investigations.

Si les règles applicables à la saisie sont déterminées pour l’ensemble de ces informations, c’est-à-dire les documents, les objets, les données et leurs supports informatiques, les conditions de leur exploitation ne sont prévues que pour les données et leurs supports.

Le juge des libertés et de la détention, statuant dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa saisine, est seul compétent pour autoriser, sur demande de l’autorité administrative, l’exploitation des données saisies ou pour prolonger celle-ci en cas de besoin :

– s’il autorise l’exploitation, les données ainsi que les supports saisis sont conservés pendant le temps strictement nécessaire à leur exploitation, les systèmes informatiques ou équipements terminaux sont restitués à leur propriétaire, le cas échéant après copie des données, à l’issue d’un délai maximal de quinze jours à compter de la date de leur saisie ou de la date à laquelle le juge a autorisé́ l’exploitation des données et les données copiées sont détruites à l’expiration d’un délai maximal de trois mois à compter de la date de la visite ou de la date à laquelle le juge en a autorisé́ l’exploitation ;

– s’il refuse l’exploitation des données et que sa décision devient définitive, les données copiées sont détruites et les supports saisis restitués.

Les articles L. 229-3, L. 229-5 et L. 229-6 organisent plusieurs voies de recours afin de permettre de contester la visite et la saisie ainsi que la régularité́ du déroulement de ces opérations, l’exploitation des données saisies et les éventuels dommages causés à l’occasion de ces opérations.

L’ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant autorisé́ la visite et la saisie peut être contestée devant le premier président de la cour d’appel de Paris dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, tout comme le déroulement de ces opérations : l’appel n’est pas suspensif et l’ordonnance du premier président est susceptible d’un pourvoi en cassation dans un délai de quinze jours (article L. 229-3).

L’ordonnance autorisant lexploitation des données saisies peut faire l’objet, dans un délai de quarante-huit heures, d’un appel devant le premier président de la cour d’appel de Paris : il est statué sur cet appel non suspensif dans un délai de quarante-huit heures, l’ordonnance du premier président de la cour d’appel de Paris étant également susceptible d’un pourvoi en cassation dans un délai de quinze jours (article L. 229-5).

Le contentieux indemnitaire résultant des mesures de visite et de saisie relève de la compétence des juridictions judiciaires en application des règles relatives à la responsabilité de l’État du fait du fonctionnement défectueux du service public de la justice (article L. 229-6).

D’après les chiffres communiqués par le ministère de l’intérieur aux trois députés chargés du contrôle parlementaire de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, au 7 septembre 2018, 38 visites et 22 saisies avaient été opérées sur le fondement de ces dispositions depuis le 1er novembre 2017 ([526]).

2.   La décision du Conseil constitutionnel du 29 mars 2018

Dans sa décision du 29 mars 2018, le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution à l’exception de celles relatives à la saisie de documents et d’objets.

En effet, contrairement au régime prévu en matière de saisie et conservation de données figurant dans les supports numériques, lexploitation, la conservation et la restitution des autres documents et objets nobéissait à aucune formalité particulière à l’article L. 229-5. Le Conseil constitutionnel a donc jugé que ces règles méconnaissaient le droit de propriété ([527]).

3.   Le dispositif proposé

Afin de tirer les conséquences de cette décision, le présent article, qui figurait à l’article 25 ter dans sa version adoptée par le Sénat après l’adoption d’un amendement du Gouvernement avec l’avis favorable de sa commission des Lois, étend le régime procédural prévu pour la saisie, lexploitation, la conservation et la restitution de données informatiques à la saisie, lexploitation, la conservation et la restitution de documents relatifs à la menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics.

Le Gouvernement a fait le choix de ne rétablir que des dispositions relatives à la saisie des documents, utiles « notamment en cas de documents rédigés en langue étrangère ou en cas de documents volumineux, en raison de limpossibilité de les exploiter sur place ». Il juge le rétablissement de celles relatives à la saisie d’objets inutile car, « dune part, leur saisie en police administrative nest pas nécessaire, la présence des objets étant relatée dans les procès-verbaux et suffisant à établir « les raisons sérieuses » exigées par la loi » et, « dautre part, lorsque leur possession est de nature à caractériser un délit, leur saisie se déroule en procédure incidente, selon les règles de procédure pénale » ([528]).

Ces dispositions n’ont pas fait l’objet de modifications de la part de la Commission.

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Article 42 bis A
(art. 421-2-6 du code pénal)
Modification de la définition du délit dentreprise individuelle terroriste

Adopté par la Commission sans modification

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article tire les conséquences d’une décision du Conseil constitutionnel du 6 avril 2017 qui a partiellement censuré la liste des éléments matériels susceptibles de constituer un acte préparatoire constitutif, à côté d’autres éléments, du délit d’entreprise individuelle terroriste.

  Dernières modifications législatives intervenues

Ce délit a été institué par la loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme.

  Modifications apportées au Sénat

Le présent article est issu de l’adoption par le Sénat d’un amendement du Gouvernement, avec l’avis favorable de sa commission des Lois.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté cet article sans lui apporter de modification.

1.   L’entreprise individuelle terroriste

Le délit d’entreprise individuelle terroriste, « infraction-obstacle », a été créé par la loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme afin d’étendre la répression judiciaire à la préparation, par un auteur unique, dactes terroristes et judiciariser le suivi de cet individu. Un tel comportement n’était en effet pas toujours susceptible d’être réprimé au titre de l’association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte de terrorisme.

Le législateur avait défini cette infraction à l’article 421-2-6 du code pénal par l’existence d’un élément intentionnel pour une finalité particulière et la réunion de deux faits matériels :

–  un élément intentionnel : la préparation de la commission de certains actes de terrorisme d’une particulière gravité ([529]) « dès lors que la préparation (…) est intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ayant pour but de troubler gravement lordre public par lintimidation ou la terreur » ;

–  un premier élément matériel, caractérisé par le « fait de détenir, de rechercher, de se procurer ou de fabriquer des objets ou des substances de nature à créer un danger pour autrui » ;

–  un second élément matériel, cumulatif, caractérisé par le fait soit de « recueillir des renseignements sur des lieux ou des personnes permettant de mener une action dans ces lieux ou de porter atteinte à ces personnes ou exercer une surveillance sur ces lieux ou ces personnes », soit de « sentraîner ou se former au maniement des armes ou à toute forme de combat, à la fabrication ou à lutilisation de substances explosives, incendiaires, nucléaires, radiologiques, biologiques ou chimiques ou au pilotage daéronefs ou à la conduite de navires », soit de « consulter habituellement un ou plusieurs services de communication au public en ligne ou détenir des documents provoquant directement à la commission dactes de terrorisme ou en faisant lapologie », soit d’« avoir séjourné à létranger sur un théâtre dopérations de groupements terroristes ».

Cette infraction est punie, en vertu de l’article 421-5 du même code, de dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende.

2.   La décision du Conseil constitutionnel du 6 avril 2017

Dans une décision du 6 avril 2017 ([530]), le Conseil constitutionnel a déclaré conforme au principe constitutionnel de légalité des délits et des peines la définition de ce délit. Il a toutefois estimé que le législateur avait méconnu le principe de nécessité des délits et des peines en retenant, au titre des faits matériels susceptibles de constituer un acte préparatoire, le fait de « rechercher » des objets ou des substances de nature à créer un danger pour autrui : il a considéré que, « sans circonscrire les actes pouvant constituer une telle recherche dans le cadre dune entreprise individuelle terroriste, le législateur a permis que soient réprimés des actes ne matérialisant pas, en eux-mêmes, la volonté de préparer une infraction » ([531]).

3.   Le dispositif proposé

Le présent article, résultant de l’adoption d’un amendement du Gouvernement par le Sénat avec l’avis favorable de sa commission des Lois, vise à tirer les conséquences de cette décision.

Il est proposé d’ajouter le fait de « tenter de se procurer » une arme au titre des éléments matériels pouvant constituer un acte préparatoire : selon le Gouvernement, « à la différence du mot « rechercher », la notion de tentative, bien connue du droit pénal, exige un commencement dexécution et permet ainsi dexclure toute ambiguïté quant à la volonté de se procurer des armes par lauteur de la tentative » ([532]).

La Commission a adopté cet article sans lui apporter de modification.

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Article 42 bis B
(art. 706-75, 706-77, 706-80, 706-80-1 [nouveau] et 706-80-2 [nouveau] du code de procédure pénale et 67 bis, 67 bis-3 [nouveau] et 67 bis-4 [nouveau] du code des douanes)
Clarification du cadre procédural applicable aux opérations de surveillance en matière de criminalité et de délinquance organisées

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Afin d’améliorer et de sécuriser la lutte contre la criminalité et la délinquance organisées, le présent article :

– étend la compétence de la juridiction interrégionale spécialisée de Paris à l’ensemble du territoire national pour les affaires d’une très grande complexité ;

– encadre la mise en œuvre des opérations de surveillance d’individus et de produits suspects en exigeant une autorisation préalable de l’autorité judiciaire pour que les enquêteurs puissent demander à d’autres services de ne pas procéder à l’interpellation de ces suspects ou à la saisie de ces produits le temps nécessaire à la poursuite de leurs investigations et puissent livrer, à la place des services postaux et des opérateurs de fret, les produits du crime.

  Dernières modifications législatives intervenues

Les opérations de surveillance susceptibles d’être conduites par les enquêteurs en matière de délinquance et de criminalité organisées ont été instituées par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité et n’ont pas fait l’objet de modifications législatives de fond depuis cette date.

  Modifications apportées au Sénat

Le présent article est issu de l’adoption par le Sénat d’un amendement du Gouvernement, avec l’avis favorable de sa commission des Lois.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté cet article sous réserve de modifications rédactionnelles.

1.   Le droit en vigueur

Le traitement des affaires de délinquance et de criminalité organisées obéit, dans notre droit, à un certain nombre de règles procédurales dérogatoires fixées par le code de procédure pénale et destinées à garantir l’efficacité des investigations dans ces matières sensibles et complexes.

En vertu des articles 706-75 à 706-79-1 de ce code, huit juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) ([533]), dotées de moyens renforcés et disposant d’un ressort de compétence plus étendu que celui de chacun des tribunaux de grande instance, regroupent des magistrats du parquet et de l’instruction possédant une expérience particulière dans ces matières.

Déchargés des dossiers plus simples et bénéficiant du soutien des agents des douanes notamment, les JIRS disposent des moyens denquête renforcés prévus aux articles 706-80 à 706-106, comme la surveillance, l’infiltration, l’enquête sous pseudonyme ([534]), des modalités spéciales de garde à vue, de perquisitions ou d’interceptions de correspondances, la sonorisation et la fixation dimages de certains lieux ou véhicules et la captation des données informatiques ([535]).

Parmi ces moyens d’enquête, l’article 706-80 permet aux officiers de police judiciaire et, sous leur autorité, aux agents de police judiciaire, après en avoir informé le procureur de la République et sauf opposition de ce magistrat, d’étendre à lensemble du territoire national la surveillance de personnes contre lesquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de les soupçonner davoir commis une infraction relevant de la délinquance et de la criminalité organisées ou la surveillance de lacheminement ou du transport des objets, biens ou produits tirés de la commission de ces infractions ou servant à les commettre.

Cette surveillance permet en pratique de différer les opérations d’interpellations et de saisies pour les besoins de l’instruction ou de l’enquête, le temps d’identifier des complices ou commanditaires.

En raison de la mission de lutte contre les trafics également assignée au droit pénal douanier, des dispositions similaires existent aux articles 67 bis à 67 bis-2 du code des douanes relatifs aux procédures spéciales d’enquête douanière. La surveillance est cantonnée, dans le code des douanes, aux fins de constatation des délits douaniers pour lesquels la peine encourue est égale ou supérieure à deux ans d’emprisonnement.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article, issu de l’adoption d’un amendement du Gouvernement par le Sénat suivant l’avis favorable de sa commission des Lois, clarifie et sécurise le cadre applicable à ces opérations de surveillance afin de permettre un contrôle efficace de lautorité judiciaire sur leur déroulement et mettre fin à des pratiques divergentes.

a.   La centralisation à Paris des affaires d’une très grande complexité

En premier lieu, il est prévu de centraliser à Paris certaines affaires de la grande criminalité, dune complexité et dune lourdeur exceptionnelles, dépassant souvent léchelle régionale.

À cette fin, les 1° à 3° du I étendent la compétence de la JIRS de Paris à l’ensemble du territoire national pour les affaires de criminalité et délinquance organisées « dune très grande complexité, en raison notamment du ressort géographique sur lequel elles sétendent ».

Le Gouvernement justifie cette évolution, qui ne remet pas en cause l’existence des sept autres JIRS, par la nécessité de centraliser le traitement des affaires dans lesquelles la surveillance d’une livraison transfrontalière présente un degré de complexité particulièrement important ou d’effectuer des recoupements dans des procédures traitées dans différentes juridictions au niveau régional.

b.   La possibilité pour les enquêteurs de demander le report de l’interpellation des personnes ou de la saisie des produits suspects

En second lieu, le 4° du I permet aux enquêteurs, sur autorisation de lautorité judiciaire, de différer linterpellation de personnes suspectes ou la saisie des produits de trafics, en demandant à dautres services de ne pas procéder au contrôle et à linterpellation de ces personnes pour ne pas compromettre la poursuite des investigations, notamment lorsque les suspects passent par des points de contrôle frontalier (nouvel article 706-80-1).

Cette possibilité serait soumise à l’autorisation préalable, selon le cas, du procureur de la République ou du juge d’instruction après en avoir avisé le parquet.

Elle serait ouverte dans le cadre d’une opération de surveillance de personnes soupçonnées de commettre une infraction relevant de la délinquance et de la criminalité organisées (premier alinéa) ou d’une opération de surveillance de l’acheminement ou du transport d’objets, de biens ou de produits tirés de la commission de cette infraction (deuxième alinéa).

L’autorisation pourrait être donnée par tout moyen et devrait être mentionnée ou versée au dossier de la procédure. Le procureur de la République devrait informer sans délai le procureur de la République de Paris de la délivrance de cette autorisation en raison de la compétence nationale conférée par cet article à la JIRS parisienne pour les affaires d’une très grande complexité (dernier alinéa).

Les enquêteurs pourraient également, dans le cadre d’une opération de surveillance de l’acheminement ou du transport d’objets, de biens ou de produits, être autorisés par l’autorité judiciaire à « livrer ou délivrer à la place des prestataires de services postaux et des opérateurs de fret ces objets, biens ou produits, sans être pénalement responsables ». L’autorisation devrait être délivrée, selon le cas, par le procureur de la République ou le juge d’instruction après en avoir avisé le parquet, par une décision écrite et motivée, versée au dossier de la procédure. Les actes autorisés ne pourraient en aucun cas constituer une incitation à commettre des infractions (nouvel article 706-80-2).

Cette évolution, nécessaire à l’efficacité des opérations de démantèlement des réseaux, permettra, dans un souci de sécurité, de ne pas exposer les services postaux ou les opérateurs de fret au danger que peut représenter la livraison de tels objets, biens ou produits.

Le II prévoit des dispositions similaires pour les services douaniers au sein de deux nouveaux articles 67 bis-3 et 67 bis-4 du code des douanes. Comme l’opération de surveillance, la possibilité de demander le report de l’interpellation des personnes ou de la saisie des produits serait cantonnée aux nécessités d’une enquête relative à un délit douanier dont la peine d’emprisonnement encourue est égale ou supérieure à deux ans. Seuls les agents habilités par le ministre chargé des douanes seraient autorisés à solliciter l’autorisation de le faire. Cette autorisation serait délivrée par le procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel les opérations de surveillance sont susceptibles de débuter.

La Commission a adopté cet article sous réserve de modifications principalement rédactionnelles.

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Article 42 bis C
(art. L. 122-3, L. 213-12 [nouveau], L. 217-1 à L. 217-4 et L. 217-5 [nouveau]
du code de lorganisation judiciaire, 41, 628 à 628-3, 628-10, 702, 706-17 à 706-17-2,
706-18, 706-19, 706-22-1, 706-25 et 706-168 à 706-170 du code de procédure pénale
et L. 225-2, L. 225-3, L. 228-2 à L. 228-5 et L. 229-1 du code de la sécurité intérieure)
Organisation judiciaire en matière de lutte contre le terrorisme

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article modifie l’organisation judiciaire en matière de lutte contre le terrorisme afin d’en améliorer l’efficacité :

–  en élargissant la spécialisation des juridictions parisiennes aux crimes et délits contre les intérêts fondamentaux de la Nation ;

–  en précisant les règles de réquisition de procureurs de la République ou d’officiers de police judiciaire pour réaliser des actes denquête sur tout le territoire ;

–  en permettant aux magistrats de la section antiterroriste du parquet de Paris de représenter le ministère public auprès de la cour d’assises spéciale chargée de juger les crimes terroristes.

  Dernières modifications législatives intervenues

L’organisation judiciaire antiterroriste a été adaptée par la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, qui a rendu les juridictions parisiennes de l’application des peines compétentes pour le suivi des personnes condamnées en matière de terrorisme à Paris, et la loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique, qui a allégé la composition de la cour d’assises spéciale chargée de juger les crimes terroristes.

  Modifications apportées au Sénat

Le présent article est issu de l’adoption par le Sénat d’un amendement de sa commission des Lois, contre l’avis du Gouvernement qui avait déposé un amendement concurrent visant à créer un parquet national antiterroriste.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission, suivant l’avis favorable de votre rapporteur, a adopté un amendement du Gouvernement instituant un parquet national antiterroriste, susceptible de bénéficier d’un mécanisme d’adaptation de ses effectifs aux évolutions de la menace et, sur l’ensemble du territoire national, du relais de magistrats délégués à la lutte contre le terrorisme.

Par ailleurs, elle a adopté un amendement de votre rapporteur, avec l’avis favorable du Gouvernement, permettant au parquet général d’être représenté par le parquet antiterroriste devant la cour d’assises spéciale statuant en appel.

A.   L’organisation judiciaire antiterroriste

Depuis la loi du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme et aux atteintes à la sûreté de l’État, le dispositif judiciaire en matière de lutte contre le terrorisme se caractérise par une centralisation parisienne et une spécialisation des magistrats.

1.   La spécialisation de la section antiterroriste du parquet et du pôle d’instruction près du tribunal de grande instance de Paris

L’article 706-17 du code de procédure pénale organise une compétence concurrente au profit des juridictions parisiennes, qui permet la poursuite, linstruction et le jugement par le procureur de la République, le pôle de linstruction, le tribunal correctionnel et la cour dassises de Paris de lensemble des infractions terroristes et des infractions commises en détention par une personne poursuivie ou condamnée pour terrorisme.

Cette compétence concurrente est, dans les faits, une compétence exclusive pour les faits de nature terroriste d’une certaine gravité puisque les délits de provocation aux actes de terrorisme et d’apologie de ces actes demeurent traités par les parquets territorialement compétents, sauf dans les cas où ces infractions s’inscrivent dans une démarche organisée et structurée de propagande.

En pratique, le procureur de la République localement compétent qui constate que les faits sont susceptibles de concerner des infractions terroristes en informe sans délai la section antiterroriste (C1) du parquet de Paris. Après avoir diligenté une évaluation des faits par les services spécialisés de Paris, celle‑ci apprécie l’opportunité d’un dessaisissement de la juridiction locale à son profit et, le cas échéant, transmet au parquet local un soit-transmis par lequel il revendique sa compétence.

Les articles 706-18 à 706-22 du même code organisent les conditions du dessaisissement dont l’initiative appartient au procureur de la République localement compétent, qui peut requérir le juge d’instruction localement compétent de se dessaisir. Après les observations des parties, le juge d’instruction rend son ordonnance entre huit jours et un mois plus tard. Celle-ci ne prend effet que cinq jours après, sans conséquence sur les titres de détention et les mandats décernés. Le ministère public, la partie civile et la défense disposent de cinq jours pour former un recours devant la chambre criminelle de la Cour de cassation qui dispose de huit jours pour statuer.

En vertu de l’article 70621 du même code, les actes de procédure réalisés avant la décision de dessaisissement ou d’incompétence conservent leur force exécutoire ou leur validité sans qu’il soit nécessaire de les renouveler.

À l’heure actuelle, la section C1 du parquet de Paris comporte 14 magistrats et le pôle d’instruction spécialisé 11 magistrats.

La section C1 peut également compter, en cas de crise, sur le renfort d’autres magistrats du parquet de Paris inscrits sur une liste spéciale et, de manière permanente au niveau local, sur les magistrats référents pour le suivi des affaires de terrorisme désignés dans chaque parquet. Contacts privilégiés de la section C1, ces magistrats référents doivent être informés par les magistrats du parquet et du siège de tous les dossiers susceptibles d’entrer dans le champ de compétences de la section antiterroriste du parquet de Paris et plus largement, de toute situation en lien avec la problématique de la radicalisation violente ; ils participent également aux cellules de suivi pour la prévention de la radicalisation et l’accompagnement des familles et aux groupes d’évaluation départementaux.

2.   La spécialisation des formations de jugement

La spécialisation du parquet et de l’instruction se poursuit, dans une certaine mesure, au stade du jugement.

D’une part, les délits terroristes sont jugés par la 16e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris, dont les magistrats sont spécialisés dans ce contentieux, mais cette spécialisation ne sétend pas à la cour dappel de Paris.

D’autre part, et à la différence des crimes de droit commun jugés par une cour d’assises notamment composée de jurés, les crimes terroristes commis par des majeurs ou des mineurs de plus de 16 ans sont jugés par une cour dassises spécialement composée sans juré ([536]), ainsi que le prévoit l’article 706-25 du même code. Compte tenu de l’augmentation du contentieux terroriste et de la politique pénale de criminalisation du départ au djihad irako-syrien, le législateur est intervenu en 2017 pour réduire, de six à quatre en premier ressort et de huit à six en appel, le nombre d’assesseurs professionnels de cette cour d’assises, afin d’audiencer un plus grand nombre d’affaires.

3.   La spécialisation des juridictions de l’application des peines

Depuis 2016, en vertu de l’article 706-22-1 du même code, les juridictions de lapplication des peines du tribunal de grande instance et de la cour dappel de Paris ont :

– une compétence exclusive pour le suivi des personnes condamnées par des juridictions de jugement spécialisées en matière de terrorisme principalement pour assassinat en lien avec une entreprise terroriste, association de malfaiteurs terroriste, entreprise individuelle terroriste ou financement du terrorisme ;

– une compétence concurrente avec les juridictions de lapplication des peines de droit commun pour le suivi des personnes condamnées par des juridictions de droit commun pour provocation à la commission d’actes de terrorisme ou apologie de tels actes.

Deux juges de l’application des peines sont aujourd’hui spécialisés sur le suivi de l’exécution des peines des terroristes condamnés.

B.   Le dispositif proposÉ

1.   Le dispositif adopté par le Sénat

Le Sénat, après avoir rejeté un amendement du Gouvernement tendant à instituer un parquet national antiterroriste, a adopté, contre l’avis de ce dernier, un amendement de sa commission des Lois modifiant certains aspects de cette organisation judiciaire. Les évolutions proposées reprennent une partie de celles proposées dans l’amendement du Gouvernement qui a été rejeté.

a.   L’extension de la spécialisation des juridictions parisiennes aux atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation

Par cohérence avec leur spécialisation en matière de terrorisme, il est proposé d’étendre la compétence concurrente des juridictions parisiennes à certaines atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation réprimés par le titre Ier du livre IV du code pénal (2° du II) :

– la trahison et lespionnage, réprimés par les articles 411-1 à 411-11 : la livraison de tout ou partie du territoire national, de forces armées ou de matériel à une puissance étrangère, les intelligences avec une puissance étrangère, la livraison dinformations à une puissance étrangère, le sabotage, la fourniture de fausses informations et la provocation à ces crimes ;

– les atteintes à la défense nationale : les atteintes à la sécurité des forces armées et aux zones protégées intéressant la défense nationale (articles 413‑1 à 413-8), les atteintes au secret de la défense nationale (articles 413-9 à 413-12) et les atteintes à certains services ou unités spécialisés (articles 413-13 à 413-14).

b.   L’extension des pouvoirs de réquisition du procureur de la République de Paris pour la réalisation d’actes d’enquête sur l’ensemble du territoire

Par ailleurs, il est proposé de créer un nouvel article 706-17-1 au sein du code de procédure pénale pour autoriser le procureur de la République de Paris à requérir, par délégation judiciaire, tout autre procureur de la République aux fins de procéder ou faire procéder aux actes denquête quil estime nécessaires, afin de répondre efficacement à l’ampleur des investigations nécessaires en cas d’attaque terroriste (3° et 4° du II).

La délégation judiciaire devrait mentionner les actes d’enquête confiés au procureur requis, indiquer la nature de l’infraction qui est l’objet de l’enquête, ne prescrire « que des actes se rattachant directement à lenquête pour laquelle elle a été délivrée », être datée et signée.

Le procureur de la République de Paris devrait fixer le délai dans lequel la délégation lui serait retournée accompagnée des procès-verbaux relatant son exécution, à défaut de quoi la délégation et les procès-verbaux lui seraient transmis dans les huit jours suivant la fin des opérations.

Les magistrats commis pour l’exécution de la délégation judiciaire disposeraient, dans les limites de celle-ci, de tous les pouvoirs du procureur de la République de Paris.

Cette réquisition s’exercerait sans préjudice de la possibilité, reconnue à l’article 41 du même code, pour tout autre procureur de la République de demander au procureur territorialement compétent de procéder ou de faire procéder à des actes d’enquête dans un autre ressort que celui de son tribunal de grande instance et de requérir tout officier de police judiciaire sur l’ensemble du territoire national de procéder à ces actes (1° du II).

c.   La représentation du ministère public auprès de la cour d’assises spéciale

En dernier lieu, l’article 42 bis C autorise les magistrats de la section antiterroriste du parquet de Paris de représenter le ministère public auprès de la cour dassises statuant en premier instance dans les affaires de terrorisme, par dérogation et en lieu et place des avocats généraux de la cour d’appel de Paris (I et 5° du II).

2.   La position de la Commission

a.   L’institution d’un parquet national antiterroriste

La Commission, sur proposition du Gouvernement et suivant l’avis favorable de votre rapporteur, a accepté la création dun parquet national antiterroriste, en remplacement de la compétence concurrente exercée dans cette matière par le ministère public près le tribunal de grande instance de Paris.

Pour le Gouvernement, la création d’un parquet national antiterroriste vise à « disposer dune véritable force de frappe judiciaire antiterroriste en créant un ministère public dédié à la lutte contre le terrorisme qui aura toute la disponibilité pour se consacrer à ce contentieux extrêmement spécifique » et « offrir une visibilité institutionnelle à ce procureur, sur le plan national comme international, dès lors quil sera nommé pour lutter contre le terrorisme ». Par ailleurs, « le parquet national antiterroriste sera un point de contact unique et identifié par les autorités judiciaires étrangères avec lesquelles il poursuivra les relations de travail mises en place par la section antiterroriste du parquet de Paris » en matière de coopération judiciaire et d’entraide pénale internationale. Enfin, « la création du parquet national antiterroriste permettra réciproquement au procureur de la République de Paris de recentrer son activité sur les contentieux, lourds et nombreux, qui relèvent de son champ de compétence ».

Le procureur antiterroriste, chef d’un parquet national antiterroriste, serait placé auprès du tribunal de grande instance de Paris (3° à 6° du I).

Le II prévoit que ce parquet serait compétent pour :

– les infractions terroristes (bis à 4° ter), y compris l’application des peines des auteurs de telles infractions (quater) ;

– les crimes contre lhumanité, les crimes et délits de guerre ainsi que les infractions qui leur sont connexes (bis à quinquies) ;

– les crimes de tortures et de disparitions forcées commises par les autorités étatiques (sexies) ;

– les infractions relatives à la prolifération darmes de destruction massive et de leurs vecteurs (6° à 8°) ;

– ainsi que les infractions portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation en temps de paix ().

En conséquence, les règles adoptées par le Sénat en matière de réquisition, par délégation judiciaire, de tout autre procureur de la République sur le territoire national et celles du code de la sécurité intérieure relatives au contrôle administratif des retours sur le territoire national (III) seraient rendues applicables au procureur antiterroriste en lieu et place du procureur de la République de Paris.

b.   L’adaptation des effectifs de magistrats aux évolutions de la menace

Afin de pérenniser la pratique existante au bénéfice de la section C1, le 7° du I complète le code de l’organisation judiciaire par des dispositions permettant au procureur antiterroriste de requérir un ou plusieurs magistrats du parquet de Paris figurant sur une liste préalablement arrêtée par le procureur général près la cour dappel de Paris « lorsque le renforcement temporaire et immédiat du parquet antiterroriste (…) apparaît indispensable pour assurer le traitement des procédures ».

c.   La désignation de magistrats du ministère public délégués à la lutte contre le terrorisme au sein de certains tribunaux de grande instance

Le 2° du I modifie le code de l’organisation judiciaire afin de créer, au sein de chaque tribunal de grande instance dans le ressort duquel « est susceptible de se trouver une forte concentration de personnes soutenant ou adhérant à des thèses incitant à la commission dactes de terrorisme », un magistrat du ministère public délégué à la lutte contre le terrorisme.

Ce magistrat serait chargé de plusieurs missions :

– l’information du procureur antiterroriste des affaires en lien avec le terrorisme et de l’état de la menace terroriste dans son ressort ;

– la participation à la coordination administrative de prévention et de détection du terrorisme et de la radicalisation ;

– le suivi des personnes placées sous main de justice identifiées comme étant radicalisées ;

– la diffusion auprès de ses collègues magistrats des informations permettant d’aider à prévenir les actes de terrorisme.

d.   La représentation du ministère public auprès de la cour d’assises spéciale statuant en appel

À l’initiative de votre rapporteur, après l’avis favorable du Gouvernement, la Commission a prévu que le parquet général puisse se faire représenter devant la cour d’assises spéciale statuant en appel par le parquet national antiterroriste.

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Chapitre V
Dispositions relatives à la cassation

Article 42 bis
(art. 567, 584 et 585 [abrogés], 5851, 586, 588, 5901 et 858 [abrogé] du code de procédure pénale ; art. 58 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; art. 49 [abrogé] de la loi du 27 juin 1983 rendant applicable le code pénal, le code de procédure pénale et certaines dispositions législatives dans les territoires doutre-mer)
Représentation obligatoire devant la chambre criminelle de la Cour de cassation

Adopté par la Commission sans modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Issu d’un amendement des rapporteurs adopté par la commission des Lois du Sénat, l’article 42 bis rend obligatoire la représentation par avocat devant la chambre criminelle de la Cour de cassation.

  Dernières modifications législatives intervenues

Aucune.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté l’article 42 bis sans modification.

1.   L’état du droit

À la différence de la procédure devant les chambres civile et commerciales de la Cour de cassation, laccès à la chambre criminelle nimpose pas que les pourvois soient soutenus par un avocat aux Conseils ([537]) : les justiciables peuvent ainsi, sans intermédiaire, saisir la Cour de cassation et faire valoir leurs arguments juridiques. Cette dérogation a été justifiée par la volonté de faciliter l’accès à la juridiction suprême dans une matière pénale où, par nature, la liberté individuelle du plaideur peut être en jeu. Aussi a-t-il été jugé préférable de lui permettre d’éviter d’engager des frais d’avocat.

Néanmoins, cette exception peut avoir pour effet de réduire les chances réelles de voir aboutir les pourvois présentés directement par les requérants. Ainsi, en 2016, le taux de non-admission pour les pourvois soutenus par un mémoire personnel était de 54 %, contre 10 % pour les pourvois soutenus par un avocat aux Conseils. De même, la probabilité d’une cassation est plus élevée en cas de représentation. Ce taux était de 25,35 % pour les pourvois soutenus par un avocat aux Conseils, contre 14,44 % pour les pourvois soutenus par un mémoire personnel.

En effet, la procédure de cassation répond à un formalisme précis dans la présentation des moyens de droit. Or, les mémoires personnels peuvent ne pas énoncer correctement un moyen ou même ne pas le soulever : il en résulte une perte de chance pour le défendeur et une inégalité entre les parties suivant leur représentation. Comme le relevait M. Guy Canivet, premier président de la Cour de cassation, dans une étude sur l’égalité d’accès à la Cour de cassation, « on ne voit pas comment des personnes sans qualification particulière pourraient utilement prendre parti à loral sur des mémoires ou sur des observations des avocats aux Conseils, des avocats généraux, régis par une stricte technique juridique, ou répondre à des moyens de pur droit soulevés doffice par la Cour » ([538]).

Par ailleurs, les délais impartis à l’auteur du pourvoi pour présenter un mémoire sont différents selon qu’il agit seul ou qu’il est assisté d’un avocat aux Conseils. Ainsi, sauf dérogation accordée par le président de la chambre criminelle, le mémoire du demandeur condamné pénalement agissant seul doit parvenir au greffe de la Cour de cassation un mois au plus tard après la date du pourvoi ([539]). En revanche, lorsque la partie intéressée au pourvoi est représentée par un avocat aux Conseils, le conseiller rapporteur fixe un délai pour le dépôt du mémoire, qui peut être supérieur à un mois.

2.   Les dispositions adoptées par le Sénat

Issu d’un amendement des rapporteurs adopté par la commission des Lois du Sénat et sur lequel le Gouvernement n’a pas tenté de revenir au cours de la séance publique, l’article 42 bis vise à rendre obligatoire la représentation devant la chambre criminelle de la Cour de cassation. Il reprend l’article 26 de la proposition de loi d’orientation et de redressement de la justice adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017 ([540]).

Le I prévoit le caractère obligatoire de la représentation pour le demandeur en cassation en matière pénale. Il procède aux coordinations nécessaires à cette obligation.

Le II modifie la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse pour que la partie civile demeure dispensée de ministère d’avocat en cassation dans cette matière très dérogatoire.

Le III opère une coordination pour l’outre-mer.

3.   Une disposition non modifiée par la Commission

La Commission a adopté l’article 42 bis sans modification.

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Chapitre VI (nouveau)
Dispositions relatives à l’entraide internationale

Article 42 ter
(art. 230-19, 694-31, 695-26, 696-9-1, 696-47-1 nouveau et 696-73 du code de procédure pénale, 227-4-2 du code pénal et 64 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à laide juridique)
Dispositions relatives à lentraide pénale internationale

Introduit par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à simplifier et améliorer la procédure applicable en matière d’entraide pénale internationale afin de lever des difficultés d’application et de se mettre en conformité avec certaines règles européennes.

  Dernières modifications législatives intervenues

Les règles relatives à l’entraine judiciaire internationale ont été récemment modifiées à trois reprises :

– par la loi du 5 août 2013 portant diverses dispositions d’adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l’Union européenne, qui a mis en conformité avec la législation européenne la procédure de remise entre les États membres de l’Union européenne (UE) ;

– par la loi du 17 août 2015 portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne qui a transposé la décision-cadre du 23 octobre 2009 concernant l’application, entre les États membres de l’UE, du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions relatives à des mesures de contrôle en tant qu’alternatives à la détention provisoire ;

– par l’ordonnance n° 2016-1636 du 1er décembre 2016 relative à la décision d’enquête européenne en matière pénale, prise en application de la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le terrorisme et le crime organisé afin de transposer la directive du 3 avril 2014 concernant la décision d’enquête européenne en matière pénale.

  Modifications apportées par la Commission

Le présent article a été adopté par la Commission à l’initiative du Gouvernement, suivant l’avis favorable de votre rapporteur.

Le présent article procède à quatre séries de modifications relatives à la procédure d’entraide judiciaire internationale.

1.   Le renforcement de l’effectivité des mesures de protection prises par un autre État membre de l’Union européenne

En premier lieu, le I prévoit l’inscription au fichier des personnes recherchées (FPR) des décisions dinterdiction de rencontrer une victime prises par un autre État membre de lUnion européenne (UE) dans le cadre de mesures de protection. À cette fin, l’article 230-19 du code de procédure pénale, qui énumère les décisions judiciaires inscrites au FPR, est complété afin d’y ajouter :

– l’interdiction de recevoir ou de rencontrer certaines personnes spécialement désignées par le juge aux affaires familiales, ainsi que d’entrer en relation avec elles ;

– l’interdiction de détenir ou de porter une arme ;

– les interdictions prévues par une mesure de protection en matière civile ou pénale, ordonnées dans un autre État membre de l’UE et ayant force exécutoire, imposant à une personne l’interdiction de se rendre dans certains lieux, l’interdiction ou la réglementation des contacts avec la victime et l’interdiction de l’approcher à moins d’une certaine distance ou dans certaines conditions.

Le III complète l’article 227-4-2 du code pénal afin de punir de deux ans d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende – peines encourues en cas de violation d’une obligation ou d’une interdiction imposée dans une ordonnance de protection – toute violation d’une mesure de protection en matière civile ordonnée dans autre État membre de l’UE.

2.   L’amélioration des dispositions relatives au mandat d’arrêt européen ou à une procédure d’extradition

La deuxième série de modifications porte sur les règles applicables aux personnes recherchées dans le cadre d’un mandat d’arrêt européen ou d’une procédure d’extradition.

D’une part, il est proposé de permettre au procureur général de mettre en œuvre une géolocalisation pour faciliter le repérage de ces personnes (2° du II).

D’autre part, le 3° du II insère un nouvel article 696-47-1 au sein des dispositions du code de procédure pénale relatives à l’extradition, afin de régler le cas particulier des demandes d’extension d’extradition à d’autres infractions à l’égard de personnes qui font l’objet d’une demande d’extradition du Gouvernement français et qui ne sont plus en fuite : dans ce cas, si un mandat d’arrêt n’avait pas déjà été délivré à leur encontre, un mandat d’amener pourra fonder la demande d’extension d’extradition, à l’instar de ce qui se fait, en vertu de l’article 695-16 du même code, pour la demande d’extension de remise d’une personne à la France à la suite de l’exécution d’un mandat d’arrêt européen.

3.   La correction de dispositions relatives à l’enquête européenne

En troisième lieu, les 1° et 4° du II procèdent à deux modifications au sein du code de procédure pénale afin de corriger une erreur de renvoi et d’opérer une coordination omise lors de la transposition, par l’ordonnance du 1er décembre 2016, de la directive du 3 avril 2014 concernant la décision d’enquête européenne en matière pénale s’agissant des motifs de non‑reconnaissance ou de non-exécution d’une enquête européenne ([541]) :

– l’article 694-31 est modifié afin d’ajouter aux motifs existants le cas des procédures qui ne sont pas relatives à une infraction pénale ;

– l’article 696-73 est également rectifié en vue de viser le cas des procédures qui, même si elles ne sont pas relatives à une infraction pénale, relèvent d’une catégorie d’infractions pour laquelle la décision d’enquête ne peut être refusée.

4.   L’extension de l’aide juridictionnelle aux procédures relatives au mandat d’arrêt européen

En dernier lieu, le III transpose l’article 5 de la directive du 26 octobre 2016 concernant l’aide juridictionnelle dans le cadre des procédures relatives au mandat d’arrêt européen ([542]) afin que, en application de l’article 64 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, l’avocat assistant une personne arrêtée dans l’État membre d’exécution du mandat d’arrêt qui remplit les conditions pour bénéficier de l’aide juridictionnelle ait droit à une rétribution.

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TITRE V
RENFORCER L’efficacité et le sens de la peine

Chapitre Ier
Dispositions relatives aux peines encourues et au prononcé de la peine

Article 43
(art. 131-3, 131-4-1, 131-5-1, 131-6 à 131-8, 131-9, 131-16, 131-22, 131-35-1, 131-35-2,
131-36, 2218, 222-44, 22245, 223-18, 224-9, 225-19, 225-20, 227-29, 227-32, 311-14,
312-13, 321-9, 322-15 et 712-1 A [nouveau] du code pénal, 709-1-1 et 709-1-3 du code de
procédure pénale, L. 3421-1 et L. 3353-3 du code de la santé publique, 202-1 [nouveau],
2041 et 20-5 de lordonnance n° 45174 du 2 février 1945 relative à lenfance délinquante,
24, 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et 3 de la loi n° 2010-1192
du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans lespace public)
Renforcement de la cohérence et de lefficacité des peines correctionnelles

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Compte tenu du caractère parfois inefficace ou injustifié de l’emprisonnement ferme et afin de redonner une cohérence et une réelle efficacité à l’échelle des peines encourues en matière délictuelle, le présent article :

–  instaure un nouveau sursis probatoire, fruit de l’absorption de la contrainte pénale par le sursis avec mise à l’épreuve ;

–  crée une nouvelle peine autonome de détention à domicile sous surveillance électronique, aujourd’hui simple modalité du contrôle judiciaire des personnes avant leur procès ou d’aménagement d’une peine d’emprisonnement ;

–  unifie le régime applicable aux peines de stages ;

–  facilite le prononcé d’une peine de travail d’intérêt général (TIG).

  Dernières modifications législatives intervenues

La dernière modification d’envergure de l’échelle des peines correctionnelles date de la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales, qui a créé la contrainte pénale en vue de revaloriser la place de la probation dans la lutte contre la récidive.

  Modifications apportées au Sénat

Le Sénat est substantiellement revenu sur le dispositif proposé :

–  il a modifié l’échelle des peines correctionnelles en ne retenant pas la peine de détention à domicile sous surveillance électronique, en supprimant la sanction‑réparation, en ajoutant le suivi socio-judiciaire et en substituant au sursis probatoire une nouvelle peine autonome de probation ;

–  il a approuvé l’essentiel des dispositions relatives à l’unification des peines de stage et à la facilitation du prononcé des peines de TIG, en supprimant cependant la liste des stages susceptibles d’être ordonnés par les juridictions afin de les laisser libres d’en définir le contenu et en revenant sur la possibilité de recueillir le consentement différé de la personne lors de sa condamnation à une peine de TIG.

  Modifications apportées par la Commission

À l’initiative du Gouvernement et de votre rapporteur, la Commission a rétabli le texte initial de cet article et significativement enrichi les dispositions relatives à la peine de TIG.

A.   L’État du droit

1.   L’échelle des peines délictuelles

Les peines en matière correctionnelle, définies aux articles 131-3 à 1319 du code pénal, sont au nombre de neuf, dans l’ordre suivant :

– l’emprisonnement ;

– la contrainte pénale ;

– l’amende ;

– le jour-amende ([543]) ;

– le stage de citoyenneté ;

– le travail d’intérêt général ;

– les peines privatives ou restrictives de droits ([544]) ;

– les peines complémentaires ;

– et la sanction-réparation ([545]).

a.   L’emprisonnement

L’emprisonnement, dont la durée en matière correctionnelle ne peut excéder dix ans, peut être assorti d’un sursis, faisant obstacle à sa mise à exécution, au moins provisoirement :

– en cas de sursis simple, l’emprisonnement n’est mis à exécution qu’en cas de condamnation pour une nouvelle infraction dans un délai de cinq ans ;

– en cas de sursis avec mise à l’épreuve (SME), le condamné est soumis à un délai dépreuve, dune durée de douze mois à trois ans en principe, durant lequel il doit satisfaire à des mesures et obligations particulières, le sursis pouvant être révoqué en cas de non-respect de ces mesures et obligations ou si la personne commet une nouvelle infraction punie d’une peine d’emprisonnement ferme (articles 131-4 et 132-29 à 132-53).

b.   La contrainte pénale

La contrainte pénale, encourue pour tous les délits depuis le 1er janvier 2017 ([546]) « lorsque la personnalité et la situation matérielle, familiale et sociale de lauteur (…) et les faits de lespèce justifient un accompagnement socio-éducatif individualisé et soutenu », « emporte pour le condamné lobligation de se soumettre (…) pendant une durée comprise entre six mois et cinq ans (…) à des mesures de contrôle et dassistance ainsi quà des obligations et interdictions particulières destinées à prévenir la récidive en favorisant son insertion ou sa réinsertion au sein de la société » (article 131-4-1).

La juridiction doit fixer la durée maximale de l’emprisonnement encouru par le condamné en cas de non-respect de ces obligations et interdictions, qui ne peut excéder deux ans ni le maximum de la peine de prison encourue.

La contrainte pénale ne peut être prononcée à l’encontre d’un mineur ([547]).

Mesures susceptibles d’être prononcées dans le cadre d’une contrainte pénale

1/ Mesures de contrôle général du sursis avec mise à lépreuve

– répondre aux convocations du juge de l’application des peines (JAP) ou du travailleur social ;

– recevoir les visites du travailleur social et lui communiquer les renseignements ou documents utiles ;

– prévenir le travailleur social de ses changements demploi et de ses changements de résidence ou de tout déplacement dont la durée excéderait quinze jours ;

– obtenir l’autorisation préalable du JAP pour tout changement d’emploi ou de résidence de nature à faire obstacle à l’exécution de ses obligations ;

– informer préalablement le JAP de tout déplacement à létranger.

2/ Obligations et interdictions particulières

– obligations et interdictions prévues en matière de sursis avec mise à lépreuve : exercer une activité professionnelle ou suivre un enseignement ou une formation professionnelle ; établir sa résidence en un lieu déterminé ; se soumettre à des mesures médicales ; justifier la contribution aux charges familiales ou l’acquittement régulier des pensions alimentaires ; réparer les dommages causés par l’infraction ; justifier le paiement des sommes dues au Trésor public à la suite de la condamnation ; s’abstenir de conduire certains véhicules ; s’inscrire et se présenter aux épreuves du permis de conduire ; ne pas se livrer à l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise ou à une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs ; s’abstenir de paraître dans certains lieux ; ne pas engager de paris ; ne pas fréquenter les débits de boissons ou certaines personnes, ; ne pas détenir ou porter une arme ; accomplir un stage de sensibilisation à la sécurité routière, de citoyenneté ou de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes ; s’abstenir de toute intervention publique relative à l’infraction ; remettre ses enfants entre les mains de ceux auxquels la garde a été confiée par décision de justice ; faire l’objet d’une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique ;

– obligation d’effectuer un travail dintérêt général ;

– injonction de soins si la personne a été condamnée pour un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru et qu’une expertise médicale a conclu qu’elle était susceptible de faire l’objet d’un traitement.

3/ Mesures daide matérielle ou à caractère social afin de seconder les efforts du condamné en vue de son reclassement social

c.   La peine de stage

Les stages sont des mesures ou des peines susceptibles d’être prononcés en pré-sentenciel (par exemple comme modalité d’une composition pénale), lors du jugement (à titre de peine principale ou complémentaire en matière correctionnelle ou contraventionnelle) ou dans le cadre de l’exécution d’une peine (contrainte pénale, SME) ou de son aménagement.

Le stage de citoyenneté, « tendant à lapprentissage des valeurs de la République et des devoirs du citoyen », peut être prononcé pour tous les délits, sauf si le prévenu la refuse ou n’est pas présent à l’audience, à moins qu’il ait fait connaître son accord par écrit et ait été représenté par son avocat (article 131-5-1).

Il n’est pas la seule peine de stage susceptible d’être prononcée par une juridiction. Il existe en effet de nombreuses autres peines de stage prévues comme peines complémentaires pour certains délits (stage de sensibilisation à la sécurité routière, stage de sensibilisation aux dangers de l’usage de produits stupéfiants, stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes, stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels, stage de responsabilité parentale), dont le stage de lutte contre le sexisme et de sensibilisation à l’égalité entre les femmes et les hommes, créé par la loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes et encouru en cas d’outrage sexiste ([548]).

d.   Le travail d’intérêt général

Le travail d’intérêt général (TIG), prévu par l’article 131-8, est un travail « non rémunéré au profit soit dune personne morale de droit public, soit dune personne morale de droit privé chargée dune mission de service public ou dune association habilitées à mettre en œuvre des travaux dintérêt général ».

Il peut être prononcé pour tous les délits, sauf si le prévenu la refuse ou n’est pas présent à l’audience, à moins qu’il ait fait connaître son accord par écrit et ait été représenté par son avocat. Il peut être prononcé pour une durée de 20 à 280 heures.

2.   La place de la probation dans l’échelle des peines délictuelles

a.   Une place réévaluée en 2014 avec la création de la contrainte pénale…

L’ordre dans lequel les peines correctionnelles sont mentionnées révèle, sur le plan symbolique, la prééminence de l’emprisonnement sur les autres, même si le législateur, en 2014, a inscrit en « deuxième » peine délictuelle une nouvelle peine de probation.

En effet, la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales a instauré la contrainte pénale, consistant en un suivi intensif en milieu ouvert distinct de la peine d’emprisonnement assortie d’un sursis avec mise à l’épreuve.

Cela s’est accompagné d’un renforcement massif des effectifs et moyens donnés aux services pénitentiaires d’insertion et de probation chargés de ce suivi, avec la création de 1 100 postes destinés à garantir la mise en œuvre de l’ensemble des dispositions de la loi du 15 août 2014 (contrainte pénale, libération sous contrainte et examen obligatoire de la situation des condamnés à des peines de plus de cinq ans ayant purgé les deux tiers de leur peine).

Cette loi entendait ainsi répondre aux limites que présentait alors le système probationnaire français, dans lequel le suivi en milieu ouvert, quantitativement plus important que l’incarcération, n’était pas perçu comme une véritable peine. Insuffisamment intense, peu orienté vers le soutien social aux condamnés et trop centré sur le contrôle formel du respect d’obligations, le suivi en milieu ouvert souffrait également du manque de moyens des services pénitentiaires d’insertion et de probation.

b.   … mais qui demeure insuffisante

Sans préjudice du bilan qualitatif susceptible d’en être dressé, la contrainte pénale n’est pas parvenue à atteindre pleinement les objectifs qui lui avaient été assignés, comme en témoignent le faible nombre de fois où les magistrats prononcent cette peine et les critiques qui lui sont adressées.

Malgré des initiatives locales intéressantes, caractérisées par un grand volontarisme et une forte mobilisation de certains magistrats, le nombre de contraintes pénales prononcées est resté, depuis 2014, en deçà des 8 000 à 20 000 estimées au moment du vote de la loi de 2014, suivant une répartition territoriale déséquilibrée. Ainsi, en 2016, seules 1 232 contraintes pénales ont été prononcées en 2016 et 1 750 en 2017.

Cette situation a pu s’expliquer, au départ, par des difficultés conjoncturelles, tenant aux délais incompressibles de recrutement et de formation des personnels pénitentiaires, l’incertitude sur l’application dans le temps de la nouvelle peine et la limitation initiale de son champ aux délits punis de moins de cinq ans d’emprisonnement. Mais d’autres raisons, structurelles, expliquent le bilan décevant de cette réforme ([549]) :

– la difficulté pour les professionnels de justice – magistrats comme avocats – de percevoir la valeur ajoutée de la contrainte pénale dans un arsenal répressif déjà dense, notamment au regard du sursis avec mise à l’épreuve ;

– l’incapacité des magistrats « didentifier, parmi les personnes poursuivies, celles susceptibles de justifier un accompagnement renforcé dans le cadre dune contrainte pénale, par manque déléments de personnalité suffisants portés à leur connaissance au moment de laudience » et le faible nombre d’avocats plaidant le prononcé de cette peine ;

– la relative complexité du dispositif prévu en cas de manquement du condamné aux obligations de la contrainte pénale, en raison de la nécessité de saisir le président de la juridiction pour mettre à exécution l’emprisonnement encouru et, jusqu’en juin 2016, du caractère non exécutoire par provision de la décision de mise à exécution de cet emprisonnement ([550]).

RÉpartition des peines principales dans les condamnations
prononcÉes en matière dÉlictuelle en 2016

Nature de la peine principale

Condamnations prononcées

Nombre

Taux

Emprisonnement

dont ferme

dont sursis simple total

dont sursis simple partiel

dont SME total

dont SME partiel

dont SME total avec TIG

285 131

102 887

99 372

3 731

46 416

23 655

9 070

52,0 %

18,8 %

18,1 %

0,7 %

8,5 %

4,3 %

1,7 %

Contrainte pénale

1 232

0,2 %

Amende

174 490

31,8 %

Peines de substitution

dont suspension de permis de conduire

dont interdiction du permis de conduire

dont TIG

dont jours-amendes

60 542

7 314

805

15 601

23 486

11,0 %

1,3 %

0,1 %

2,8 %

4,3 %

Mesures éducatives

21 303

3,9 %

Sanctions éducatives

1 771

0,3 %

Dispenses de peine

4 180

0,8 %

Total

548 649

100 %

Source : ministère de la justice, exploitation statistique du casier judiciaire national.

B.   Le dispositif proposÉ

Il est donc temps de redonner de la cohérence et de l’efficacité à l’échelle des peines correctionnelles, mises à mal par la complexification, au fil des réformes intervenues, de leurs dispositions et des conditions de leur mise en œuvre. Tel est l’objet du présent article.

1.   Le projet de loi initial

Le chantier de la justice consacré au sens et à l’efficacité des peines, conduit par M. Bruno Cotte et Mme Julia Minkowski, a formulé plusieurs recommandations, dont certaines figuraient déjà parmi celles émises par la Commission sur la refonte du droit des peines en 2015 ([551]), en vue d’adopter « une nouvelle conception de la peine », singulièrement en matière délictuelle où « la peine demprisonnement demeure la peine de référence (…) alors que beaucoup dautres peines pourraient être tout aussi utilement prononcées » ([552]).

Parmi ces recommandations figurent quatre évolutions notables :

– l’instauration « dune peine de probation combinant ce quil y a de meilleur dans lactuel sursis avec mise à lépreuve (…) et dans la contrainte pénale, (…) par une fusion de ces deux mesures ou (…) par un rapprochement (…) dans un objectif de plus grande simplicité et de plus grande lisibilité » ;

– la création d’une peine autonome de « détention à domicile sous surveillance électronique » en faisant de la mesure de placement sous surveillance électronique une peine autonome pouvant être assortie d’obligations et d’interdictions, tout en conservant la possibilité de la mettre en œuvre comme mesure d’aménagement ;

– l’amélioration des conditions de mise en œuvre de la peine de TIG ;

– la mise en cohérence des peines de stage existantes afin d’en développer le prononcé.

a.   La réécriture de l’échelle des peines délictuelles

Le présent article traduit dans notre droit ces recommandations.

Évolution de l’Échelle des peines correctionnelles

Avant le projet de loi

Après le projet de loi

1° Emprisonnement, susceptible d’être assorti d’un sursis simple ou avec mise à l’épreuve ou d’un aménagement

1° Emprisonnement, susceptible d’être assorti d’un sursis simple ou probatoire ou d’un aménagement

2° Contrainte pénale

2° Détention à domicile sous surveillance électronique

3° Amende

3° Travail d’intérêt général

4° Jour-amende

4° Amende

5° Stage de citoyenneté

5° Jour-amende

6° Travail d’intérêt général

6° Peines de stage

7° Peines privatives ou restrictives de droits

7° Peines privatives ou restrictives de droits

8° Peines complémentaires

8° Sanction-réparation

9° Sanction-réparation

Possibilité de compléter ces peines par des peines complémentaires

Il est procédé, en premier lieu, à une réécriture partielle de l’échelle des peines délictuelles de l’article 131-3 du code pénal, modifiant l’ordre dans lequel ces peines sont mentionnées, instituant une nouvelle peine autonome et créant une peine unique de stage (I) :

– si la peine d’emprisonnement est maintenue au début de l’énumération, il est précisé qu’il pourra faire l’objet d’un sursis, d’un sursis probatoire ou d’un aménagement : le sursis probatoire, dont le contenu et les modalités sont précisés par les articles 46 et 47 du projet de loi, résultera de l’absorption de la contrainte pénale et du sursis assorti de l’obligation d’accomplir un TIG par le sursis avec mise à l’épreuve ([553]) () ;

– une nouvelle peine autonome est instituée immédiatement après l’emprisonnement : la détention à domicile sous surveillance électronique (2°) ;

– le TIG, qui figurait jusqu’alors à la sixième place, devient la troisième peine correctionnelle (3° et 4°) ;

– la peine de stage de citoyenneté est remplacée par des « peines de stages » au régime unifié (5°) ;

– la référence aux peines complémentaires dans la liste des peines délictuelles est supprimée au bénéfice d’un alinéa final précisant que « ces peines ne sont pas exclusives des peines complémentaires » (6° et 7°).

b.   L’institution d’une peine autonome de détention à domicile sous surveillance électronique

La création d’une peine autonome de détention à domicile vise à faire de la surveillance électronique non plus seulement une modalité du contrôle judiciaire des personnes avant leur procès ou daménagement dune peine de prison ferme mais aussi, et surtout, une alternative crédible à lemprisonnement.

Le régime applicable au prononcé de cette nouvelle peine, appelée « détention à domicile sous surveillance électronique », est défini par l’article 131-4-1 du code pénal, aujourd’hui consacré à la contrainte pénale (II) :

– elle pourra être prononcée à la place de l’emprisonnement pour une durée comprise entre quinze jours et un an, sans pouvoir excéder la durée de l’emprisonnement encouru (premier alinéa) ;

– elle impliquera, pour le condamné, « de demeurer dans son domicile ou tout autre lieu désigné par la juridiction ou le juge de lapplication des peines » (deuxième alinéa), hors les périodes déterminées par le juge au cours desquelles le condamné sera autorisé à s’en absenter « pour le temps strictement nécessaire à lexercice dune activité professionnelle, au suivi dun enseignement, dun stage, dune formation ou dun traitement médical, à la recherche dun emploi ou à la participation à la vie de famille ou à tout projet dinsertion ou de réinsertion » (troisième alinéa) ;

– elle pourra être assortie de « mesures ayant pour objet de seconder ses efforts en vue de son reclassement social » (avant-dernier alinéa) ;

– son non-respect pourra conduire le juge de l’application des peines à limiter les autorisations d’absence initialement accordées ou à ordonner l’emprisonnement de la personne pour la durée de la peine restant à exécuter (dernier alinéa).

Cette nouvelle peine emprunte à l’assignation à résidence sous surveillance électronique prononcée à l’égard d’une personne mise en examen dans le cadre d’une information judiciaire ou d’une personne faisant l’objet d’une convocation par procès-verbal ou d’une comparution immédiate ([554]), et au placement sous surveillance électronique comme modalité d’exécution des peines d’emprisonnement de moins de deux ans ([555]).

Le VII, qui crée un nouvel article 20-2 au sein de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, rend cette nouvelle peine applicable aux mineurs délinquants, sous réserve de certains aménagements reprenant les règles prévues par l’ordonnance de 1945 en matière de justice des mineurs et consacrées par le Conseil constitutionnel au rang de principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ([556]) :

– seuls les mineurs âgés de plus de treize ans pourraient être condamnés à une telle peine ;

– la durée de la détention ne pourrait excéder la moitié de la peine d’emprisonnement encourue, sous réserve des cas des mineurs de plus de seize ans « à titre exceptionnel et compte tenu des circonstances de lespèce et de la personnalité du mineur ainsi que de sa situation » ;

– la peine ne pourrait être prononcée qu’avec l’accord des titulaires de l’autorité parentale, sauf carence ou impossibilité de donner leur consentement ;

– elle devrait être assortie d’une mesure éducative.

c.   La création d’une peine unique de stage

Il est par ailleurs proposé d’étendre les peines de stage encourues en regroupant sous un régime unique, applicable à l’ensemble de la matière délictuelle, les stages existants, aujourd’hui de manière éparse, dans une disposition unique simplifiant le droit existant, remettant de la cohérence dans l’usage de cette peine et en favorisant le recours (III) :

– la juridiction pourra prescrire « un ou plusieurs stages dont elle précise la nature eu égard à la nature du délit et aux circonstances dans lesquelles il a été commis » parmi les sept stages actuels (premier et quatrième à onzième alinéas) ;

– la peine de stage pourra être prononcée non seulement à la place mais aussi en même temps que la peine d’emprisonnement (premier alinéa) ;

– les règles relatives au déroulement du stage et aux frais qu’il génère, figurant aux articles 131-35-1 et 131-35-2 du code pénal, sont regroupées et clarifiées : le stage, dont la durée ne pourra excéder un mois, sera par principe effectué aux frais du condamné, sauf décision contraire de la juridiction, et dans un délai de six mois à compter de la condamnation définitive, sauf cas exceptionnel (deuxième et troisième alinéas) ;

– l’accord de l’intéressé ou sa représentation par un avocat s’il est absent à l’audience ne sera plus requis.

d.   L’amélioration des conditions de mise en œuvre de la peine de TIG

Enfin, le présent article tend à encourager le recours, par les magistrats, à la peine de TIG.

D’une part, il élargit les conditions de mise en œuvre de la peine de TIG définie à l’article 131-5-1 du code pénal, en prévoyant mieux les cas dans lesquels la juridiction envisage de prononcer cette peine alors que le prévenu est absent à l’audience (IV) :

– elle pourra être prescrite s’il est représenté à l’audience par son avocat et a fait connaître son accord par écrit ;

– à défaut, elle pourra également être prononcée suivant une procédure de consentement différé : avant sa mise à exécution, le juge de l’application des peines devra recueillir l’accord de l’intéressé qui, s’il refuse, devra exécuter une peine d’emprisonnement ou s’acquitter d’une amende ne pouvant excéder le quantum ou le montant préalablement défini par la juridiction.

D’autre part, il étend la liste des acteurs autorisés à proposer des TIG :

– par l’élargissement de la catégorie des personnes morales de droit privé chargées d’une mission de service public au profit desquelles le TIG peut être réalisé : un renvoi au pouvoir réglementaire permettra que soient visées non seulement les structures privées exerçant par nature une telle mission mais aussi celles qui se voient, ponctuellement, déléguer lexercice dun service public pour le compte de l’État ou des collectivités territoriales (1° du VII) ;

– par l’extension, à titre expérimental et dans des conditions précisées par décret en Conseil d’État, de cette liste aux coopératives, mutuelles, unions, sociétés dassurance mutuelles, fondations ou associations relevant du champ de léconomie sociale et solidaire et poursuivant un but dutilité sociale. L’expérimentation serait limitée à vingt départements et n’excéderait pas trois ans, au terme desquels une évaluation de ses résultats serait communiquée au Parlement (X).

Ces améliorations du droit régissant le TIG sont la traduction de propositions formulées par votre rapporteur, conjointement avec M. David Layani, dans le cadre d’une mission que leur avait confiée le Gouvernement et au terme de laquelle il est apparu nécessaire de remédier au « manque patent de dynamique » de cette peine, « lié tout autant à la faiblesse des prescriptions judiciaires, quà la complexité de sa mise en œuvre et la durée excessive de son exécution » ([557]).

Elles ne méconnaissent pas les règles internationales en matière de prohibition du travail forcé ou obligatoire, auquel n’est pas assimilé, pour la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le « travail requis normalement dune personne soumise à la détention (…) ou durant sa mise en liberté conditionnelle ». S’agissant des TIG susceptibles d’être effectués auprès d’une personne privée, le Conseil d’État a relevé que les modifications proposées par le présent article ne méconnaissaient pas les trois exigences posées par l’Organisation internationale du travail dans ce domaine (« la personne condamnée doit consentir formellement à la peine de travail dintérêt général ; le travail proposé doit avoir la nature dun travail dintérêt général ; le travail ne doit pas être réalisé en vue de procurer un intérêt économique à la personne morale de droit privé (…) mais fournir une valeur ajoutée à la collectivité ») ([558]).

Les autres dispositions du présent article procèdent à diverses coordinations, rendues nécessaires par la suppression de la contrainte pénale (V) et l’unification des peines de stages (VI, 2° du VII et IX).

2.   Les modifications opérées par le Sénat

À l’initiative de ses rapporteurs, la commission des Lois du Sénat est profondément revenue sur l’économie générale du dispositif proposé par le Gouvernement.

Elle a supprimé la création de la peine autonome de détention à domicile sous surveillance électronique au bénéfice du maintien du placement sous surveillance électronique.

Par ailleurs, elle a modifié léchelle des peines correctionnelles en supprimant la peine de sanction-réparation, trop peu prononcée selon elle, et en y inscrivant, par souci de clarification, la peine de suivi socio-judiciaire ainsi que, par coordination avec sa position sur le sursis probatoire à l’article 46, une nouvelle peine autonome de probation destinée à remplacer ce sursis

Enfin, elle a adopté une disposition permettant le prononcé de peines privatives ou restrictives de droit en même temps que lemprisonnement ou lamende et le prononcé de la peine de TIG en même temps que lemprisonnement, et non pas seulement à la place.

Pour le reste, sur proposition de sa commission des Lois et contre l’avis du Gouvernement, le Sénat a approuvé l’unification des régimes des peines de stage, mais en supprimant la liste des stages susceptibles d’être ordonnés et en permettant aux juridictions d’en définir le contenu, tout comme la facilitation du prononcé des peines de TIG, en approuvant l’extension des personnes morales de droit privé susceptibles d’offrir un TIG mais en supprimant la procédure de consentement différé.

3.   La position de la Commission

La Commission a rétabli le texte initial de cet article, en revenant sur nombre des modifications opérées par le Sénat.

a.   L’échelle des peines correctionnelles

S’agissant de l’architecture générale des peines correctionnelles, sur proposition du Gouvernement et suivant l’avis favorable de votre rapporteur :

– la Commission a maintenu la création de la peine autonome de détention à domicile sous surveillance électronique, de nature à diminuer le prononcé des peines d’emprisonnement, en fixant cependant la durée maximum de cette peine à six mois, au lieu dun an, pour éviter tout recoupement avec la surveillance électronique susceptible de constituer une mesure d’aménagement des peines d’emprisonnement jusqu’à un an ;

– elle est revenue sur la suppression de la peine de sanctionréparation, qui constitue dans de nombreux cas une réponse pénale appropriée et garantissant les droits des victimes ;

– en rétablissant le sursis probatoire, elle est revenue sur la création dune peine autonome de probation, qui ne constituerait que la reprise, sous un nom différent, de la contrainte pénale dont l’expérience démontre qu’elle n’a pas été acceptée par les tribunaux ;

– elle a décidé de ne pas faire du suivi socio-judiciaire une peine principale applicable à tous les délits et crimes, afin de ne pas revenir sur la spécificité de cette mesure et de ne pas aggraver de façon inutile la répression ;

– elle a rétabli la liste des peines de stages, conformément au principe de légalité des peines.

Par ailleurs, à l’initiative du Gouvernement et avec l’avis favorable de votre rapporteur, la Commission est revenue sur la possibilité, ouverte par le Sénat, de prononcer cumulativement une peine de prison ou d’amende et une peine privative ou restrictive de droits. Sur proposition de votre rapporteur et avec l’avis favorable du Gouvernement, la Commission a également supprimé la possibilité, permise par le Sénat, de prononcer en même temps une peine de TIG et une peine d’emprisonnement. Ces deux possibilités auraient généré une aggravation très importante et injustifiée de la répression ainsi qu’une multiplication des courtes peines.

b.   Les travaux d’intérêt général

La Commission a enrichi les dispositions relatives à la peine de TIG dans le prolongement des travaux de votre rapporteur sur ce sujet.

Avec l’avis favorable du Gouvernement, elle a adopté plusieurs amendements de votre rapporteur visant à :

– rétablir la possibilité de prononcer un TIG en labsence du condamné, sous réserve de recueillir son consentement de manière différée ;

– augmenter le plafond maximal dheures de TIG susceptibles dêtre prononcées, de 280 à 400 heures, afin de crédibiliser cette peine aux yeux des magistrats et de nos concitoyens ;

– permettre le prononcé dune peine de TIG à un mineur âgé de 16 à 18 ans lors du jugement, dès lors qu’il avait au moins 13 ans au moment des faits, ce qui sera de nature à favoriser son insertion professionnelle et sociale ;

– étendre lexpérimentation des personnes habilitées à proposer des TIG aux sociétés à mission ([559]), afin d’augmenter le nombre d’offres de postes, mieux prendre en compte les parcours d’insertion par l’économie des personnes condamnées et valoriser l’engagement citoyen des chefs d’entreprises et des professions libérales : cette extension demeurerait soumise aux règles générales de la peine de TIG (accord préalable de l’intéressé, contrôle des autorités publiques seules compétentes pour l’habilitation des sociétés concernées et la définition de la nature des travaux susceptibles d’être confiés aux personnes condamnées…).

Suivant l’avis favorable de votre rapporteur et du Gouvernement, la Commission a autorisé, à l’initiative de M. Philippe Dunoyer, l’habilitation des institutions de droit coutumier de Nouvelle-Calédonie à mettre en œuvre des TIG.

*

*     *

Article 43 bis
(art. 131-30-3 [nouveau] du code pénal)
Peine obligatoire complémentaire dinterdiction du territoire français pour tous les délits et crimes punis dau moins cinq ans demprisonnement

Supprimé par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à rendre obligatoire le prononcé de la peine complémentaire d’interdiction du territoire français pour les étrangers reconnus coupables d’une infraction punie d’au moins cinq ans de prison.

  Dernières modifications législatives intervenues

La liste des infractions dont les auteurs encourent cette peine a été élargie par la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, et le prononcé de cette peine rendu obligatoire pour les auteurs étrangers d’actes de terrorisme par la loi du 21 juillet 2016 prorogeant l’application de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence.

  Modifications apportées au Sénat

Le présent article est issu de l’adoption par le Sénat d’un amendement du groupe Les Républicains, suivant l’avis favorable de sa commission des Lois mais contre celui du Gouvernement.

  Modifications apportées par la Commission

À l’initiative de votre rapporteur et du groupe La République en marche, suivant l’avis favorable du Gouvernement, la Commission a supprimé cet article.

1.   L’état du droit

L’interdiction judiciaire du territoire français est une peine, définie à l’article 131-30 du code pénal, susceptible dêtre prononcée, pour une durée de dix ans au plus ou à titre définitif, à titre principal ou complémentaire, à l’encontre d’un étranger majeur dès lors quune disposition législative spécifique à une infraction ou catégorie dinfractions le prévoit expressément.

Parmi les nombreuses infractions concernées, figurent les crimes contre l’humanité et contre l’espèce humaine, les crimes et délits de guerre, des atteintes à la personne humaine, à l’intégrité physique ou psychique de la personne ou à sa dignité, des appropriations frauduleuses, des atteintes aux biens, des atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation, les actes de terrorisme, des atteintes à la paix publique, à l’autorité de la justice, à l’administration publique et à la confiance publique ou encore l’aide à l’entrée et au séjour irréguliers.

Le législateur a récemment étendu cette liste aux violences aggravées ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à huit jours, aux violences habituelles sur personne vulnérable, aux violences commises avec usage ou menace d’une arme sur une personne dépositaire de l’autorité publique en bande organisée ou avec guet-apens, aux manœuvres dolosives en vue d’un mariage forcé à l’étranger, à l’embuscade, aux agressions sexuelles et leur tentative, à la tentative des infractions à la législation sur les stupéfiants, à l’interruption illégale de grossesse sans le consentement de l’intéressé, à des atteintes aux libertés de la personne, aux vols aggravés ou encore aux destructions, dégradations ou détériorations d’un bien d’autrui par l’effet d’une substance explosive, d’un incendie ou d’un moyen dangereux pour les personnes ([560]).

Depuis 2016, elle est obligatoire à l’encontre des auteurs d’actes de terrorisme, sauf motivation spéciale de la juridiction.

Elle entraîne de plein droit la reconduite du condamné à la frontière : lorsqu’elle est prononcée à titre principal et assortie de l’exécution provisoire, elle entraîne le placement en rétention du condamné et si elle est prononcée à titre complémentaire, le placement en rétention a lieu, le cas échéant, à l’expiration de la peine d’emprisonnement.

Certaines personnes étrangères bénéficient d’une protection particulière à l’égard du prononcé d’une telle peine :

– en vertu de l’article 131-30-1, certaines ([561]) ne peuvent être condamnées à cette peine que par décision spécialement motivée de la juridiction au regard de la gravité de l’infraction et de leur situation personnelle et familiale ;

– en application de l’article 131-30-2, d’autres ([562]) bénéficient d’une protection absolue, sauf en matière de terrorisme, de groupes de combat et d’atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article, adopté par le Sénat à l’initiative de M. Bruno Retailleau et plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains, avec l’avis favorable de la commission des Lois mais contre celui du Gouvernement, rend obligatoire le prononcé de cette peine à lencontre de tout étranger reconnu coupable dune infraction dont la peine encourue serait supérieure ou égale à cinq ans demprisonnement, sauf « décision spécialement motivée (…) en considération des circonstances de linfraction et de la personnalité de son auteur ».

3.   La position de la Commission

La Commission, avec l’avis favorable du Gouvernement, a supprimé cet article sur proposition de votre rapporteur ainsi que de M. Stéphane Mazars et des membres du groupe La République en marche.

En effet, cette disposition, qui figurait dans le projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif dans sa version adoptée par le Sénat en première lecture, avait déjà fait l’objet d’un vote de rejet de la part de l’Assemblée nationale lors de l’examen de ce texte en nouvelle lecture.

Par ailleurs, cette peine obligatoire doit demeurer réservée aux infractions d’une particulière gravité, par exemple en matière terroriste, et ne saurait être étendue à toutes les infractions punies d’au moins cinq ans d’emprisonnement, sauf à méconnaître le principe de proportionnalité.

Enfin, la peine d’interdiction du territoire français est déjà encourue à titre complémentaire et facultatif pour de nombreux délits, le juge devant conserver la possibilité de la prononcer ou non en fonction des circonstances de l’espèce.

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*     *

Article 43 ter
(art. 132-16-5 du code pénal)
Systématisation de laggravation de la peine
à raison de létat de récidive légale

Supprimé par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article rend systématique l’aggravation de la peine à raison de l’état de récidive légale afin de renforcer la réponse pénale à l’égard des récidivistes.

  Dernières modifications législatives intervenues

La loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, mettant un terme à une jurisprudence jusqu’alors instable, a consacré dans le code pénal la faculté pour la juridiction de jugement de relever d’initiative la circonstance aggravante de récidive sans l’accord du prévenu.

  Modifications apportées au Sénat

Le présent article est issu de l’adoption par le Sénat d’un amendement du groupe Les Républicains, suivant l’avis favorable de sa commission des Lois mais contre celui du Gouvernement.

  Modifications apportées par la Commission

À l’initiative de votre rapporteur et du groupe La République en marche, suivant l’avis favorable du Gouvernement, la Commission a supprimé cet article.

1.   Le droit en vigueur

La récidive ([563]), régie par les articles 132-8 à 132-16-7 du code pénal, se définit comme le fait pour un individu, déjà condamné de manière définitive, de commettre une nouvelle infraction dans les conditions fixées par la loi. Elle suppose une première condamnation pénale, devenue définitive au jour où la seconde infraction est commise (premier terme) et la commission dune seconde infraction, identique ou assimilée (second terme).

L’état de récidive légale constitue une cause aggravante de la peine, ce qui a plusieurs conséquences sur son prononcé et son exécution, notamment :

– un doublement des peines d’emprisonnement et d’amende encourues pour la seconde infraction, sous réserve des règles applicables aux crimes ;

– la limitation à un ou deux du nombre de sursis avec mise à l’épreuve portant sur l’intégralité de la peine susceptibles d’être successivement prononcés ;

– la possibilité ou l’obligation de prononcer à l’égard de l’auteur des faits des peines complémentaires spécifiques ;

– l’augmentation du délai d’attente avant de pouvoir demander une libération conditionnelle.

Les articles 132-8 à 132-11 prévoient plusieurs cas de récidive légale :

Références du
code pénal

Première infraction commise

Nouvelle infraction commise

Quantum de
la peine encourue

132-8

Crime ou délit puni de plus de dix ans d’emprisonnement

Crime puni de vingt ou trente ans de réclusion criminelle

Perpétuité

Crime puni de quinze ans de réclusion criminelle

Vingt ou trente ans de réclusion criminelle

132-9

Crime ou délit puni de plus de dix ans d’emprisonnement

Délit commis dans un délai de dix ans à compter de l’expiration ou de la prescription de la précédente peine et puni de la même peine

Doublement de la peine d’amende et de la peine d’emprisonnement encourues

Délit commis dans un délai de cinq ans à compter de l’expiration ou de la prescription de la précédente peine et puni d’une peine d’emprisonnement comprise entre un et dix ans

Doublement de la peine d’amende et de la peine d’emprisonnement encourues

132-10

Délit

Délit identique ou assimilé au regard des règles de la récidive commis dans un délai de cinq ans à compter de la prescription ou de l’expiration de la précédente peine

Doublement de la peine d’amende et de la peine d’emprisonnement encourues

132-11

Contravention de la 5e classe

Même contravention dans un délai d’un an à compter de l’expiration ou de la prescription de la précédente peine

3 000 euros d’amende

En application de larticle 132-16-5 du code pénal, létat de récidive légale ne peut être relevé par la juridiction saisie de la seconde infraction que lorsquil est mentionné dans lacte de poursuites ou, lorsqu’il n’y est pas mentionné, « dès lors quau cours de laudience la personne poursuivie en a été informée et quelle a été mise en mesure dêtre assistée dun avocat et de faire valoir ses observations ».

2.   Le dispositif proposé

Le présent article, adopté par le Sénat à l’initiative de M. Bruno Retailleau et plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains, suivant l’avis favorable de sa commission des Lois mais contre celui du Gouvernement, vise à rendre obligatoire le relevé de létat de récidive légale, afin de renforcer la réponse pénale à l’égard des récidivistes.

Aux termes de la nouvelle rédaction proposée de l’article 132-16-5 précité, l’état de récidive légale devrait être relevé :

– au stade des poursuites, par le procureur de la République, sous réserve du principe d’opportunité des poursuites ;

– au stade du jugement, par le procureur de la République ou la juridiction de jugement, sauf décision spéciale et motivée, y compris lorsqu’il n’est pas mentionné dans l’acte de poursuites, sous réserve pour la personne poursuivie d’en être informée et d’avoir été mise en mesure d’être assistée d’un avocat et de faire valoir ses observations.

Cette disposition est la reprise de l’article 18 de la proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la justice pénale adoptée par le Sénat en janvier 2017.

3.   La position de la Commission

La Commission, avec l’avis favorable du Gouvernement, a supprimé cet article sur proposition de votre rapporteur ainsi que de M. Stéphane Mazars et des membres du groupe La République en marche.

D’une part, les dispositions proposées au stade des poursuites paraissent inutiles, le procureur de la République pouvant déjà relever d’office l’état de récidive légale.

D’autre part, l’obligation faite à la juridiction de jugement de relever d’office l’état de récidive légale y compris lorsqu’il n’est pas mentionné dans l’acte de poursuites semble excessive. En effet, le tribunal dispose déjà de cette faculté à l’audience sous réserve pour la personne poursuivie d’en être informée et d’avoir été mise en mesure d’être assistée d’un avocat et de faire valoir ses observations. Dans ces conditions, instaurer une telle obligation, sauf décision spécialement motivée ajouterait une complication inutile et formelle, les magistrats devant rester libres d’apprécier si le relevé de l’état de récidive est opportun ou non en fonction du cas d’espèce.

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Article 43 quater
(art. 132-29, 132-35 à 132-39, 132-42, 132-47 à 132-50 du code pénal
et 735 et 735-1 du code de procédure pénale)
Révocation automatique et intégrale du sursis simple et
modification des règles de révocation du sursis avec mise à lépreuve

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article rétablit la révocation automatique et intégrale du sursis simple et modifie les règles de révocation du sursis avec mise à l’épreuve (SME) pour les aligner partiellement sur celles applicables au sursis simple.

  Dernières modifications législatives intervenues

La loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales a supprimé la révocation automatique du sursis simple et la règle n’autorisant la révocation partielle d’un SME qu’une seule fois.

  Modifications apportées au Sénat

Le présent article est issu de l’adoption par le Sénat d’un amendement du groupe Les Républicains, suivant l’avis favorable de sa commission des Lois mais contre celui du Gouvernement.

  Modifications apportées par la Commission

À l’initiative de votre rapporteur et suivant l’avis favorable du Gouvernement, la Commission a substitué à ces dispositions de nouvelles dispositions permettant à la juridiction d’assortir la révocation du sursis simple de l’exécution provisoire afin de permettre l’incarcération immédiate de la personne.

1.   Le droit en vigueur

a.   Le sursis simple

En vertu des articles 132-29 à 132-39 du code pénal, le sursis simple a pour effet de dispenser d’exécution, en totalité ou en partie, une condamnation si la personne n’est pas condamnée pour une nouvelle infraction durant un délai dépreuve de cinq ans en matière criminelle ou délictuelle, de deux ans en matière contraventionnelle.

Il ne peut être prononcé que lorsque le prévenu n’a pas fait l’objet, au cours des cinq années précédentes, d’une peine de réclusion ou d’emprisonnement pour un crime ou un délit de droit commun (article 132-30).

Par ailleurs, il ne peut s’appliquer qu’à certaines peines limitativement énumérées par l’article 132-31 pour la matière criminelle et contraventionnelle ([564]) et l’article 132-34 en matière contraventionnelle ([565]).

Si l’intéressé ne commet pas de nouveau crime ou délit dans le délai d’épreuve, la condamnation est réputée non avenue (articles 132-35 et 132-37). Dans le cas contraire, la juridiction peut, par une décision spéciale, en cas de nouvelle condamnation à une peine demprisonnement ou de réclusion sans sursis durant le délai dépreuve, révoquer, totalement ou partiellement, le sursis, quelle que soit la peine quil accompagne. Elle dispose également de la possibilité de révoquer le sursis accompagnant une autre peine que l’emprisonnement en cas de nouvelle condamnation pour une peine autre que la réclusion ou l’emprisonnement (article 132-36).

Avant 2014, cette faculté était obligatoire.

b.   Le sursis avec mise à l’épreuve

En application des articles 132-40 à 132-53 du même code, le sursis avec mise à l’épreuve (SME) permet de dispenser d’exécution, en totalité ou en partie, une condamnation sous réserve pour la personne condamnée de se conformer à certaines mesures de contrôle et obligations.

Deux conditions sont posées au prononcé d’un SME (article 132-41) :

– il ne peut accompagner que des peines d’emprisonnement de cinq ans au plus (dix ans en cas de récidive légale), prononcées pour des crimes et des délits de droit commun, ce qui exclut la matière contraventionnelle ;

– il ne peut concerner des personnes qui ont déjà fait l’objet de deux condamnations assorties du SME pour des délits identiques ou assimilés et se trouvant en état de récidive légale, ou celles ayant déjà été condamnées avec un tel sursis pour une infraction grave, comme un crime, des violences volontaires, des agressions ou atteintes sexuelles ou un délit commis avec la circonstance aggravante de violence.

La durée dépreuve est fixée par la juridiction de jugement, sans toutefois pouvoir être inférieure à un an ni supérieure à trois ans, cinq ans en cas de récidive légale et sept ans en cas de nouvelle récidive (article 132-42).

Lorsque la personne condamnée ne commet pas de nouvelle infraction pendant ce délai et respecte les mesures de contrôle et obligations auxquelles elle est soumise, la condamnation est réputée non avenue (article 132-52). Dans le cas contraire, le SME peut faire lobjet, en tout ou partie, dune révocation (articles 132-47 à 132-51) :

– sur décision de la juridiction de jugement, après avis du juge de lapplication des peines, en cas de nouvelle condamnation, au cours du délai d’épreuve, à une peine d’emprisonnement sans sursis pour un crime ou un délit de droit commun ;

 sur décision du juge de lapplication des peines, en cas de manquement du condamné aux mesures de contrôle et obligations particulières qui lui sont imposées.

Lorsque le SME a été prononcé après une première condamnation pour les mêmes raisons, la juridiction qui révoque le sursis peut ordonner, par décision spéciale, que la première peine soit également exécutée (article 132-50). En tout état de cause, la juridiction qui ordonne la révocation du sursis peut, « par décision spéciale et motivée », faire incarcérer le condamné (article 132-51).

2.   Le dispositif proposé

Le présent article, adopté par le Sénat à l’initiative de M. Bruno Retailleau et plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains, suivant l’avis favorable de sa commission des Lois mais contre celui du Gouvernement, modifie les conditions de révocation du sursis simple et du SME pour la rendre plus systématique.

a.   La révocation automatique et intégrale du sursis simple

D’une part, le I tend à rétablir le principe de la révocation automatique et intégrale du sursis simple qui préexistait avant sa suppression en 2014.

Ainsi, toute nouvelle condamnation à une peine d’emprisonnement ou de réclusion aurait pour conséquence immédiate de révoquer, de manière intégrale, le sursis antérieurement accordé, et toute condamnation à une peine autre que la réclusion ou l’emprisonnement entraînerait la révocation automatique du sursis accompagnant une peine autre que la réclusion ou l’emprisonnement, en matière criminelle, délictuelle et contraventionnelle (2°, 3°, 4° et 6°). La personne devrait en conséquence être informée, après le prononcé de la peine assortie du sursis simple, des conséquences qu’entraînerait une condamnation pour une nouvelle infraction durant le délai d’épreuve ().

Toutefois, la juridiction pourrait, « par décision spéciale et motivée », ne pas révoquer le sursis, ne le révoquer que partiellement et limiter les effets de la dispense à un ou plusieurs sursis précédemment accordés (5°).

b.   Le rapprochement des conditions de révocation du SME sur celles du sursis simple

D’autre part, le I modifie les règles de révocation du SME pour les aligner partiellement sur celles applicables au sursis simple :

– en portant à cinq années le délai maximal dépreuve et, par voie de conséquence, en augmentant ce délai à sept ans en cas de récidive légale et dix ans en cas de nouvelle récidive () ;

– en systématisant la révocation du SME en cas de nouvelle infraction, sous réserve de la possibilité pour la juridiction de déroger à cette règle, par décision spéciale et motivée (8° et 9°) ;

  en rétablissant deux règles qui existaient avant 2014, linterdiction de révoquer partiellement le sursis plus dune fois (10°) et la mise à exécution systématique de la première peine lorsque le SME est révoqué après une condamnation déjà prononcée sous le même bénéfice, sauf décision contraire spéciale et motivée (11°).

Le II procède aux coordinations nécessaires dans le code de procédure pénale.

Ces dispositions sont la reprise des articles 10 et 11 de la proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la justice pénale adoptée par le Sénat en janvier 2017.

3.   La position de la Commission

À l’initiative de votre rapporteur et avec l’avis favorable du Gouvernement, la Commission a supprimé ces dispositions. Le principe d’une révocation du sursis expressément ordonnée par la juridiction, qui s’applique depuis maintenant presque quatre ans, doit être maintenu. Il permet d’individualiser la peine et de remédier aux difficultés liées à l’automaticité de la révocation, qui était très peu lisible et compréhensible dans la mesure où elle pouvait intervenir sans que la personne condamnée ne le sache et alors même que le tribunal n’en avait pas connaissance.

La Commission a substitué à ces dispositions de nouvelles dispositions améliorant lactuel dispositif de révocation du sursis simple sur décision de la juridiction.

Il est ainsi proposé de permettre à la juridiction d’assortir la révocation du sursis simple de l’exécution provisoire afin que, si elle l’estime nécessaire, elle puisse ordonner l’incarcération immédiate du condamné pour l’exécution de la peine révoquée. Cette précision permettra de remédier aux actuelles divergences d’application entre les juridictions et d’aligner le régime de la révocation du sursis simple sur celui des actuels sursis avec mise à l’épreuve et sursis avec obligation d’accomplir un travail d’intérêt général (et donc du futur sursis probatoire), laissant ainsi à la juridiction la possibilité, quel que soit le sursis prononcé, d’aménager la peine révoquée ou d’ordonner l’incarcération immédiate ou différée du condamné.

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Article 44
(art. 41 et 81 du code de procédure pénale et 132-70-1 du code pénal)
Amélioration de la connaissance de la personnalité
du prévenu par le tribunal correctionnel

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Afin d’améliorer la connaissance qu’a le tribunal de la personne dans la perspective d’une meilleure individualisation de la peine et d’un développement des alternatives à la détention, le présent article vise à étendre les enquêtes pré‑sentencielles et à faciliter la mise en œuvre de la procédure d’ajournement aux fins d’investigations sur la personnalité ou la situation du condamné.

  Dernières modifications législatives intervenues

Deux lois ont récemment modifié les règles applicables en la matière :

–  la loi du 27 mars 2012 de programmation relative à l’exécution des peines a changé les règles de compétence pour la réalisation des enquêtes pré-sentencielles en vue de recentrer les services pénitentiaires d’insertion et de probation sur leur mission première de suivi des personnes condamnées ;

–  la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales a créé la procédure d’ajournement aux fins d’investigations, qui permet à une juridiction de reporter le prononcé de la peine, le temps nécessaire à une meilleure connaissance du condamné.

  Modifications apportées au Sénat

Le Sénat a approuvé cet article sous réserve, d’une part, de maintenir le recours par priorité au secteur associatif pour les enquêtes pré-sentencielles et, d’autre part, d’étendre la mise en œuvre de la procédure d’ajournement aux fins d’investigations pour permettre le prononcé de toutes les peines, sans limitation.

  Modifications apportées par la Commission

Sur proposition de votre rapporteur et avec l’avis favorable du Gouvernement, la Commission a adopté une solution de compromis sur l’organisation de la phase pré‑sentencielle, conservant la place prééminente du secteur associatif mais permettant l’intervention plus large du service pénitentiaire d’insertion et de probation.

Par ailleurs, à l’initiative du Gouvernement et suivant l’avis favorable de votre rapporteur, elle a adopté un dispositif d’expérimentation d’un dossier unique de personnalité pour les personnes majeures.

A.   L’État du droit

1.   Le principe d’individualisation des peines

Au moment de déterminer la nature, le quantum et le régime de la peine qu’elle va prononcer, la juridiction doit, en vertu du principe dindividualisation des peines, examiner les circonstances de linfraction et la personnalité de son auteur ainsi que sa situation matérielle, familiale et sociale. Cette exigence, posée par l’article 132-1 du code pénal, est destinée à permettre que se concrétisent les fonctions de la peine, telles qu’elles sont énumérées à l’article 130-1 de ce code : « sanctionner lauteur de linfraction » d’une part, « favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion » d’autre part.

Les magistrats doivent donc avoir à leur disposition des éléments circonstanciés sur la personnalité du prévenu et sa situation. Cela est d’autant plus nécessaire que l’article 132-19 du même code prévoit que l’emprisonnement ferme ne peut être prononcé qu’« en dernier recours si la gravité de linfraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ». « Dans ce cas, la peine demprisonnement doit, si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle, faire lobjet [d’une mesure] daménagement ». Enfin, « lorsque le tribunal correctionnel prononce une peine demprisonnement sans sursis et ne faisant pas lobjet [d’une mesure] daménagement (…), il doit spécialement motiver sa décision, au regard des faits de lespèce et de la personnalité de leur auteur ainsi que de sa situation ».

Le principe dindividualisation des peines, qui a aujourdhui valeur constitutionnelle ([566]) et selon lequel une peine « ne peut être appliquée que si le juge la expressément prononcée, en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce » ([567]), n’implique toutefois pas « que la peine soit exclusivement déterminée en fonction de la personnalité de lauteur de linfraction » ([568]).

2.   Les règles de procédure permettant au tribunal d’individualiser la peine

Deux séries de mesures sont destinées à permettre au tribunal de disposer d’éléments suffisants sur la personnalité et la situation du prévenu afin d’individualiser la peine qu’il va prononcer et de développer les peines alternatives à la détention.

a.   Les enquêtes pré-sentencielles

Il existe deux catégories d’enquêtes pré-sentencielles :

– lenquête sociale rapide, destinée à vérifier la situation matérielle, familiale et sociale de la personne ;

– lenquête de personnalité, mesure d’investigation plus approfondie sur la personnalité et la situation matérielle, familiale, professionnelle et sociale de l’individu mis en cause.

L’article 41 du code de procédure pénale autorise le procureur de la République à faire « vérifier la situation matérielle, familiale et sociale dune personne faisant lobjet dune enquête et [à] linformer sur les mesures propres à favoriser linsertion sociale de lintéressé ». Cette enquête sociale rapide est obligatoire avant toute réquisition de placement en détention provisoire en cas de poursuites contre un majeur âgé de moins de 21 ans au moment de la commission de linfraction, lorsque la peine encourue nexcède pas cinq ans demprisonnement, en cas de poursuites selon la procédure de comparution immédiate et en cas de poursuites selon la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

L’enquête sociale rapide peut également être ordonnée par le juge d’instruction en vertu de l’article 81 du même code si le ministère public ne l’a pas déjà prescrite.

Par ailleurs, durant linformation judiciaire, en application du même article 81, le juge d’instruction doit faire procéder à une « enquête sur la personnalité des personnes mises en examen, ainsi que sur leur situation matérielle, familiale ou sociale ». Cette enquête de personnalité, plus détaillée que l’enquête sociale rapide précédemment mentionnée, est facultative en matière délictuelle et obligatoire en matière criminelle.

La rédaction des articles 41 et 81 du code de procédure pénale conduit à ce que ces enquêtes soient par priorité confiées au secteur associatif, sauf si une impossibilité matérielle justifie de saisir le service pénitentiaire dinsertion et de probation (SPIP). Il en allait différemment avant 2012 ([569]), où le procureur de la République ou le juge d’instruction pouvait les confier indifféremment au SPIP, au service compétent de la protection judiciaire de la jeunesse ou à toute personne habilitée.

b.   La procédure d’ajournement aux fins d’investigations

Il s’agit, en second lieu, de la procédure d’ajournement figurant à l’article 132-70-1 du code pénal.

Instaurée en 2014 ([570]), elle permet à la juridiction de reporter le prononcé de la peine à l’égard d’une personne « lorsquil apparaît nécessaire dordonner à son égard des investigations complémentaires sur sa personnalité ou sa situation matérielle, familiale et sociale, lesquelles peuvent être confiées au service pénitentiaire dinsertion et de probation ou à une personne morale habilitée ». La décision sur la peine doit alors intervenir dans un délai de quatre mois, renouvelable une fois, sous réserve de délais plus courts en cas de placement en détention provisoire de la personne.

B.   Le dispositif proposÉ

1.   Le projet de loi initial

Le présent article vise à développer le recours à ces dispositifs essentiels pour l’individualisation de la peine au travers d’un développement des enquêtes pré‑sentencielles de personnalité et d’une amélioration de la procédure d’ajournement.

a.   Le développement des enquêtes pré-sentencielles

Le Gouvernement a proposé trois mesures afin de développer les enquêtes de personnalité :

– rétablir la situation qui existait avant 2012 en restaurant la triple compétence du SPIP, du secteur associatif habilité et du service de la protection judiciaire de la jeunesse pour mener à bien les enquêtes pré‑sentencielles (1° des I et II) ;

– généraliser les enquêtes sociales rapides en cas de réquisition de détention provisoire, même si la personne est âgée de plus de 21 ans (3° du I et 2° du II) ;

–  autoriser le ministère public à requérir de telles enquêtes y compris « après le renvoi dune personne devant le tribunal correctionnel par le juge dinstruction, lorsque celle-ci est en détention provisoire » (2° du I).

b.   L’amélioration de la procédure d’ajournement aux fins d’investigations

Par ailleurs, il est proposé d’assouplir les conditions de l’ajournement aux fins d’investigations sur la personnalité ou la situation du condamné.

Aujourd’hui possible lorsque la juridiction l’estime « nécessaire », l’ajournement pourra désormais être décidé si les juges l’estiment « opportun » pour des finalités précisément définies, c’est-à-dire lorsque les investigations sont « de nature à permettre le prononcé dune peine de détention à domicile sous surveillance électronique, dun travail dintérêt général, dune peine demprisonnement avec sursis probatoire ou dune peine demprisonnement aménagée ». Durant l’ajournement, la juridiction pourra par ailleurs ordonner le placement de la personne sous contrôle judiciaire, sous assignation à résidence avec surveillance électronique ou en détention provisoire (III).

2.   Les modifications opérées par le Sénat

Sur proposition de ses rapporteurs, la commission des Lois du Sénat a approuvé la plupart de ces propositions, sous trois réserves :

 maintenir le recours par priorité au secteur associatif pour la réalisation des enquêtes pré-sentencielles ;

 élargir lobjet de ces enquêtes à la vérification de la faisabilité matérielle de certaines peines ou aménagements de peine ;

 étendre lassouplissement de la procédure dajournement aux fins dinvestigations en vue de prononcer toute « peine adaptée » et non seulement la peine de détention à domicile sous surveillance électronique, la peine de travail d’intérêt général, une peine d’emprisonnement avec sursis probatoire ou une peine d’emprisonnement aménagée.

3.   La position de la Commission

La Commission est revenue sur certaines de ces modifications.

En premier lieu, sur proposition de votre rapporteur et avec l’avis favorable du Gouvernement, elle a adopté une solution de compromis sur la mise en œuvre des enquêtes pré-sentencielles, entre, d’une part, la proposition initiale du Gouvernement, qui consistait à prévoir, en premier recours, la compétence des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP), et, d’autre part, la position du Sénat qui a maintenu le recours par priorité au secteur associatif et l’intervention à titre subsidiaire (« en cas dimpossibilité matérielle ») des SPIP.

Il est proposé de supprimer le recours à titre subsidiaire aux SPIP mais de conserver, dans lordre dénumération, la place prépondérante du secteur associatif. Cette rédaction permettra une complémentarité des interventions entre les SPIP et le secteur associatif dans le champ pré-sentenciel, ainsi que, dans certains cas, des évaluations approfondies afin d’éviter le prononcé de peines d’emprisonnement ferme et un rôle de coordination des SPIP, sans instituer une primauté de ces derniers sur les associations.

En deuxième lieu, elle a, dans les mêmes conditions, précisé les conditions de l’ajournement du prononcé d’une peine aux fins d’investigations en prévoyant que la détention provisoire en cas de renvoi du dossier après ajournement ne puisse être ordonnée que si la personne comparaît détenue ou selon la procédure de comparution immédiate, afin d’éviter que l’ajournement ne permette une détention dans les cas où elle n’est actuellement pas possible.

En dernier lieu, suivant l’avis favorable de votre rapporteur, elle a adopté un amendement du Gouvernement autorisant l’expérimentation dun dossier unique de personnalité (DUP) pour les personnes majeures.

Serait ainsi créé, à titre expérimental, un traitement qui centralisera les éléments sur la personnalité des personnes majeures faisant lobjet dune enquête de police judiciaire ou dune information judiciaire ou exécutant une peine pour des faits punis dune peine privative de liberté de trois ans et plus, y compris sur des ressorts différents.

Ces éléments seraient directement accessibles à l’autorité judiciaire, aux agents des services pénitentiaires d’insertion et de probation, au personnel des greffes des établissements pénitentiaires et aux agents de l’administration centrale chargés des orientations et affectations nationales.

Pourraient également consulter ces éléments, par lintermédiaire de lautorité judiciaire, les avocats, les membres de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, les experts et les personnes chargées d’une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité et le secteur associatif habilité.

Pour le Gouvernement, « en plaçant lensemble des acteurs de la justice à un même niveau dinformation, dans le respect des libertés fondamentales et de la vie privée, le DUP favorisera la cohérence des décisions judiciaires et la continuité de la prise en charge par le service public de la justice ».

Pour sa mise en place pratique, le DUP consolidera les données des différents systèmes d’information existants et pourra s’appuyer sur l’expérience acquise dans le cadre de la mise en œuvre du répertoire des données à caractère personnel prévu à l’article 706-56-2 du code de procédure pénale pour les personnes encourant un suivi socio-judiciaire.

Votre rapporteur se félicite de l’expérimentation proposée par le Gouvernement, laquelle permettra aux juridictions et à leurs partenaires de disposer, en un seul endroit et de manière dématérialisée, de l’ensemble des éléments sur la personnalité d’un individu.

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*     *

Article 45
(art. 132-1, 132-17, 132-19 et 132-25 à 132-27 du code pénal, 464-2 [nouveau], 465-1, 474, 723-7, 723-7-1, 72313, 723-15, 723-15-1, 723-17, 723-17-1 et 747-2 du code de procédure pénale
et 22 de lordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à lenfance délinquante)
Modification des conditions du prononcé des peines demprisonnement ferme

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Afin de renforcer l’effectivité des peines et de les rendre plus conformes aux objectifs de prévention de la récidive et de réinsertion sociale, le présent article modifie les conditions du prononcé des peines d’emprisonnement ferme :

– il limite le prononcé des courtes peines, d’une durée inférieure à un an, par l’interdiction des peines d’un mois, l’aménagement obligatoire, « sauf impossibilité », des peines d’un mois à six mois et l’aménagement de principe de celles de six mois à un an « si la personnalité et la situation du condamné le permettent » ;

– il met le tribunal qui prononce la peine en situation de décider immédiatement la forme de son aménagement ou, par une décision spécialement motivée, d’en refuser l’aménagement ultérieur par la création d’un mandat de dépôt à effet différé pour les peines de six mois à un an, permettant d’adapter le moment de l’incarcération à l’état d’occupation des établissements pénitentiaires et à la situation du condamné ;

– il supprime l’aménagement systématique des peines d’une durée comprise entre un an et deux ans.

  Dernières modifications législatives intervenues

Les règles applicables au prononcé et à l’aménagement des peines de prison ont été modifiées, à titre principal, par deux lois :

– la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, qui a affirmé le caractère subsidiaire de l’emprisonnement ferme ainsi que la nécessité de prévoir son aménagement et relevé à deux ans le seuil d’aménagement des peines d’emprisonnement ;

– la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales, qui a réaffirmé le principe d’individualisation des peines par l’abrogation des « peines planchers » et renforcé l’obligation de motivation des peines d’emprisonnement sans sursis ainsi que des refus d’aménagement.

  Modifications apportées au Sénat

Le Sénat a maintenu la possibilité de prononcer des peines d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à un mois, proposé un dispositif unique faisant de l’aménagement un principe pour toutes les peines d’une durée inférieure ou égale à un an, étendu la procédure du mandat de dépôt à effet différé aux peines d’une durée inférieure ou égale à six mois et supprimé la saisine automatique du juge de l’application des peines postérieurement au jugement.

S’agissant du mandat de dépôt à effet différé, il en a étendu l’application aux peines d’emprisonnement ferme d’une durée supérieure à un an et prévu que le procureur de la République pourrait donner connaissance au condamné de la date d’incarcération à l’issue de l’audience et que le mandat ne pourrait être mis à exécution en cas d’appel, sauf si la décision est assortie de l’exécution provisoire.

  Modifications apportées par la Commission

Sur proposition de votre rapporteur, du groupe La République en marche, de M. Erwan Balanant (Modem) et du Gouvernement, la Commission a rétabli plusieurs dispositions du texte initial et est revenue sur certaines des modifications opérées par le Sénat, en particulier l’interdiction des peines de prison de moins d’un mois et le double mécanisme d’aménagement des peines de moins d’un an.

A.   L’État du droit

1.   Le prononcé et l’exécution des courtes peines d’emprisonnement

Comme le prévoit l’article 132-19 du code pénal en matière délictuelle, l’emprisonnement ferme ne doit être prononcé par les juridictions qu’« en dernier recours si la gravité de linfraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ».

Dans ce cas, « si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle », la peine doit être aménagée. À défaut, le tribunal correctionnel devra spécialement motiver sa décision « au regard des faits de lespèce et de la personnalité de leur auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale ».

Le code pénal définit quatre modalités daménagement d’une peine d’emprisonnement ferme pour une personne qui justifie de l’exercice d’une activité professionnelle, du suivi d’un stage, d’un enseignement ou d’une formation professionnelle, de la recherche d’un emploi, de la participation à la vie de sa famille, du suivi d’un traitement médical ou d’efforts sérieux de réadaptation sociale :

– la semi-liberté : elle astreint la personne à rejoindre l’établissement pénitentiaire en fonction du temps nécessaire à l’activité en vue de laquelle elle a été admise à ce régime (articles 132-25 et 132-26) ;

– le placement à lextérieur : le condamné qui bénéficie de cet aménagement est astreint, sous le contrôle de l’administration pénitentiaire, à effectuer des activités en dehors de l’établissement pénitentiaire (mêmes articles) ;

– le placement sous surveillance électronique : il interdit à la personne de s’absenter de son domicile ou de tout autre lieu défini par le juge en dehors de certaines périodes et l’oblige à répondre aux convocations de toute autorité publique (articles 132-26-1 à 132-26-3) ;

– le fractionnement : ce régime prévoit l’exécution d’une peine par fractions, sur une période ne pouvant excéder quatre ans et sans qu’une fraction soit inférieure à une durée de deux jours (article 132-27).

Ces aménagements ne sont possibles que pour les personnes condamnées à une peine inférieure ou égale à deux ans demprisonnement – un an si elle est en état de récidive légale – ou en cas de prononcé d’un emprisonnement partiellement assorti du sursis ou du sursis avec mise à l’épreuve lorsque la partie ferme de la peine est inférieure ou égale à deux ans ou un an en cas de récidive ou encore lorsque la durée de la détention restant à subir est inférieure ou égale à l’un de ces seuils.

Par ailleurs, l’article 132-57 du code pénal permet la conversion dune peine de prison inférieure à six mois en sursis-travail dintérêt général ou en jouramende, l’exécution partielle du travail d’intérêt général pouvant même conduire à la conversion de la partie non exécutée en jour-amende.

Toutes les personnes condamnées à de l’emprisonnement ferme ne sont pas incarcérées à l’issue de l’audience : seules peuvent l’être, sur décision spécialement motivée du tribunal, celles condamnées à une peine d’emprisonnement sans sursis d’au moins une année « lorsque les éléments de lespèce justifient une mesure particulière de sûreté » (article 465 du code de procédure pénale) ou, quelle que soit la durée de l’emprisonnement prononcée, si les faits sont commis en état de récidive légale. Le mandat de dépôt est toutefois obligatoire, sauf décision contraire spécialement motivée, si la récidive concerne des faits de violences ou de violences sexuelles (article 465-1 du même code).

En l’absence de mandat de dépôt ou de maintien en détention de la personne condamnée, les modalités d’exécution de la peine prononcée à son égard peuvent être décidées, ab initio, par la juridiction de jugement (articles 132-25 à 132-26-3 du code pénal) ou postérieurement au jugement par le juge de l’application des peines qui examine la situation des condamnés libres (articles 474 et 723-15 du code de procédure pénale).

Le juge de l’application des peines est compétent pour décider, s’agissant des personnes condamnées incarcérées, que leur peine s’exécutera sous le régime de la semi-liberté, du placement à l’extérieur ou sous surveillance électronique en cas de condamnation à une peine d’emprisonnement d’une durée identique aux seuils précédemment mentionnés ou si la durée de la détention restant à subir est identique à l’un de ces seuils (articles 723-1 et 723-7 du même code). La personne incarcérée peut également bénéficier, au cours de sa détention, d’autres mesures, telles que les permissions de sortir « afin de préparer [sa] réinsertion professionnelle ou sociale (…), de maintenir ses liens familiaux ou de lui permettre daccomplir une obligation exigeant sa présence » ([571]) ou une libération conditionnelle à l’expiration d’un temps d’épreuve ([572]).

En tout état de cause, depuis la création, en 2014 ([573]), de la libération sous contrainte, la situation de la personne exécutant une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans doit être examinée par le juge de l’application des peines aux deux tiers de la peine. À l’issue de cet examen, il peut décider que la personne exécutera le reliquat de peine sous le régime de la semi-liberté, du placement à l’extérieur, du placement sous surveillance électronique ou de la libération conditionnelle ([574]).

2.   Les effets néfastes des courtes peines d’emprisonnement

Si seulement 19 % des peines d’emprisonnement prononcées en matière correctionnelle sont entièrement fermes, la proportion de peines de prison en tout ou partie ferme a connu une hausse globale de plus de 20 % entre 2004 et 2016.

Évolution des peines d’emprisonnement en tout ou partie ferme (2004-2016)

Source : Infostat Justice n° 156, Lévolution des peines demprisonnement de 2004 à 2016, décembre 2017, p. 3.

En 2016, les deux tiers de ces peines étaient dune durée inférieure ou égale à six mois et le quantum moyen oscillait autour de huit mois.

Condamnations comportant une peine d’emprisonnement
en tout ou partie ferme, selon le quantum ferme prononcÉ en 2016

Source : Exploitation statistique du casier judiciaire national.

Évolution de la distribution du quantum de peines
comportant une partie ferme d’emprisonnement (2004-2016)

Source : Infostat Justice n° 156, op. cit., p. 5.

Pourtant, l’impact positif sur les personnes condamnées des courtes peines de prison est aujourd’hui contesté, ces peines étant suffisamment longues pour entraîner les effets désocialisants de la prison (perte d’emploi, perte de logement, rupture de liens avec l’entourage…) mais trop courtes pour démarrer des démarches en faveur de linsertion sociale et de la sortie de la délinquance, compte tenu de la surpopulation carcérale dans les maisons d’arrêt.

Le même constat a été dressé dans le cadre du chantier de la justice consacré au sens et à l’efficacité des peines, conduit par M. Bruno Cotte et Mme Julia Minkowski, pour lesquels « chacun saccorde (…) sur le fait que les courtes peines demprisonnement ont un effet désocialisant majeur et quelles prédisposent à la récidive », qui relevaient que « plusieurs pays ont entendu réduire voire supprimer le prononcé de courtes peines demprisonnement » et invitaient le législateur à s’engager dans cette voie « si lon veut réellement agir sur létat de surpopulation que connaissent les maisons darrêt et qui est (…) facteur de récidive » ([575]).

Cette situation est aggravée par les conditions dexécution de ces peines, trop rarement aménagées par la juridiction qui les prononce, ce qui retarde le moment de leur mise en application. Ainsi, en 2016, le taux d’aménagement ab initio des peines d’emprisonnement prononcées par les juridictions demeurait très faible, ne dépassant pas les 1,3 % pour les peines inférieures ou égales à six mois, 0,8 % pour celles entre six mois et un an et 0,4 % pour celles entre un an et deux ans. La même année, 38 000 peines environ avaient été aménagées par les juges de l’application des peines postérieurement au jugement, sur le fondement de l’article 723-15 du code de procédure pénale, à raison de 22 000 placements sous surveillance électronique, 9 000 conversions en sursis–travail d’intérêt général et 5 000 conversions en jour-amende. 1 000 libérations conditionnelles avaient été accordées, 500 placements en extérieur et un nombre réduit de semi-libertés.

Évolution des amÉnagements de peine dans le cadre
de l’article 723-15 du code de procédure pénale (2014-2016)

Mesures

2014

2015

2016

Évolution
2014-2016

Semi-liberté

1 623

1 304

1         179

– 27 %

Placement extérieur

596

530

518

– 13 %

Placement sous surveillance électronique

20 554

20 391

21 672

+ 5 %

Conversion sursis-travail d’intérêt général

8 609

8 614

8 940

+ 4 %

Conversion jour-amende

4 602

4 720

4 941

+ 7 %

Libération conditionnelle

852

929

948

+ 11 %

Total

36 836

36 488

38 198

+ 4 %

Source : étude d’impact annexée au projet de loi, p. 572.

Le primat de la prison dans l’échelle des peines correctionnelles est le résultat de plusieurs lois de lutte contre la récidive adoptées entre 2005 et 2012 ([576]), qui ont érigé l’emprisonnement comme peine de référence, et du développement insuffisant, dans notre pays, de la culture du milieu ouvert. C’est à cette problématique que la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines a tenté de répondre, en renforçant les mécanismes d’individualisation de la peine, sans toutefois s’attaquer à la question spécifique posée par la recrudescence des courtes peines de prison ni parvenir à améliorer significativement la mise à exécution des sanctions pénales.

B.   Le dispositif proposÉ

1.   Le projet de loi initial

L’objectif du présent article est de remédier à ces difficultés en garantissant une répression effective – et sévère lorsque c’est nécessaire – des auteurs d’infractions sans que la peine exécutée par la personne condamnée empêche sa réinsertion et favorise la récidive.

Suivant les propositions formulées dans le cadre du chantier de la justice consacré au sens et à l’efficacité des peines, le Gouvernement présente une modification des règles applicables au prononcé et à l’exécution des peines d’emprisonnement consistant à limiter les peines les plus courtes, désocialisantes et prédisposant à la récidive, et à renforcer la mise en œuvre de celles, plus longues, permettant de punir sévèrement lauteur de linfraction et de préparer sa sortie de détention.

a.   L’interdiction ou la limitation des courtes peines d’emprisonnement ferme

Une nouvelle définition du prononcé des peines est proposée à l’article 132-19 du code pénal (I) :

– il est rappelé que la peine d’emprisonnement susceptible d’être prononcée par le tribunal peut non seulement être ferme mais aussi « assortie en partie ou en totalité du sursis » ;

– les peines demprisonnement ferme inférieures ou égales à un mois seront prohibées, susceptibles d’être remplacées par d’autres plus pertinentes ;

– au-delà, il ne sera possible de prononcer une peine d’emprisonnement ferme que si la gravité de l’infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine « indispensable » (et non plus « nécessaire »).

Le renforcement des exigences applicables à l’obligation de motivation spéciale du prononcé des peines d’emprisonnement ferme rejoint la jurisprudence récente de la Cour de cassation en la matière, qui exige que la juridiction s’explique sur les éléments de la personnalité du prévenu qu’elle a pris en considération pour fonder sa décision et sur le caractère inadéquat de toute autre sanction ([577]), et celle du Conseil constitutionnel, pour qui « le principe dindividualisation des peines (…) implique quune sanction pénale ne puisse être appliquée que si le juge la expressément prononcée, en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce », ce qui nécessite « la motivation des jugements et arrêts de condamnation, pour la culpabilité comme pour la peine » ([578]).

b.   L’aménagement accru des peines d’emprisonnement ferme de moins d’un an

Le champ des peines d’emprisonnement ferme susceptibles d’être aménagées sera étendu :

– laménagement en totalité de la peine demprisonnement ferme dune durée égale ou inférieure à six mois deviendra obligatoire, « sauf impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné » ;

 le droit actuel, qui prévoit laménagement de la peine, en totalité ou en partie, « si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle », est maintenu pour les peines de six mois à un an.

Aux termes des nouveaux articles 132-25 et 132‑26 du code pénal, ces peines devront être aménagées sous le régime de la semi-liberté, du placement à l’extérieur ou de la détention à domicile sous surveillance électronique, qui est appelé à remplacer l’actuel placement sous surveillance électronique, par cohérence avec la création, par l’article 43 du projet de loi, de cette nouvelle peine correctionnelle à l’article 131-3 du code pénal (II).

Le régime du placement à lextérieur est enrichi afin qu’il comporte l’obligation pour la personne concernée non seulement d’effectuer des activités mais aussi, le cas échéant, de « faire lobjet dune prise en charge sanitaire » en dehors de l’établissement pénitentiaire.

Le placement sous l’un de ces trois régimes obligera également le condamné à « répondre aux convocations de toute autorité publique désignée par le juge de lapplication des peines », obligation qui n’existait aujourd’hui que pour le placement sous surveillance électronique.

En tout état de cause, le condamné qui bénéficie de l’un de ces aménagements de peines demeurera susceptible d’être soumis aux mesures de contrôle et obligations particulières prévues dans le cadre du régime de mise à l’épreuve.

À la différence du droit existant, la mise en œuvre de lune de ces trois modalités daménagement ne sera plus conditionnée à lexistence dun projet de formation ou de réinsertion, au suivi dun traitement médical ou à la participation à la vie de famille.

c.   L’aménagement des peines prioritairement au moment de leur prononcé

Le III insère un nouvel article 464-2 au sein du code de procédure pénale afin de faciliter la mise en œuvre de ces aménagements dès le stade du prononcé des peines.

Lorsque le quantum de peine prononcé sera inférieur ou égal à un an, et donc susceptible dêtre aménagé, quatre possibilités s’offriront à la juridiction (I) :

– si elle dispose des éléments de personnalité et de situation suffisants, elle pourra décider la mise en œuvre soit d’une détention à domicile, soit d’une semi-liberté, soit d’un placement à l’extérieur, selon des modalités déterminées par le juge de l’application des peines () ;

– à défaut déléments suffisants pour choisir entre ces trois modalités de personnalisation de la peine, elle pourra ordonner la convocation de la personne devant le juge de l’application des peines et le service pénitentiaire d’insertion et de probation pour le prononcé de la mesure adéquate, dans les conditions prévues par l’article 723-15 du code de procédure pénale () ;

– pour les peines de six mois à un an, elle pourra « décerner un mandat de dépôt à effet différé », qui aura pour conséquence d’interdire tout aménagement de peine a posteriori par le juge de l’application des peines et d’ordonner la convocation du condamné dans un délai d’un mois devant le procureur de la République afin qu’il fixe la date d’incarcération () ;

– elle pourra enfin décerner mandat de dépôt ou darrêt contre la personne aux fins d’exécution immédiate de l’emprisonnement, à l’issue d’une procédure de comparution immédiate quelle que soit la durée de la peine et « daprès les éléments de lespèce » ([579]), pour toute autre condamnation correctionnelle à une peine d’emprisonnement ferme supérieure à un an « lorsque les éléments de lespèce justifient une mesure particulière de sûreté » ([580]) ou quelle que soit la durée de la peine prononcée si les faits ont été commis en état de récidive légale ([581]) ().

Il est expressément précisé que lorsque la juridiction décerne un mandat de dépôt immédiat ou à effet différé ou un mandat darrêt, « le tribunal doit spécialement motiver sa décision, au regard des faits de lespèce et de la personnalité de leur auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale, afin de justifier les raisons pour lesquelles il estime devoir prononcer une peine demprisonnement sans sursis et pour lesquelles il considère que cette peine ne peut être aménagée ».

Si le tribunal prononce une peine demprisonnement ferme de plus dun an, elle devra également spécialement motiver sa décision au regard des mêmes motifs « afin de justifier les raisons pour lesquelles il estime devoir prononcer une peine demprisonnement sans sursis » (II).

Le renforcement de l’obligation de motivation spéciale des peines de prison ferme non aménagées d’un mois à un an comme l’encouragement de l’aménagement ab initio des peines qui peuvent l’être complètent les dispositions introduites par l’article 44 du projet de loi en vue d’améliorer la connaissance qu’a le tribunal des éléments de personnalité et de situation des personnes comparaissant devant lui.

La création d’un mandat de dépôt à effet différé sera propice à une mise à exécution plus rapide des peines d’emprisonnement ferme que la juridiction a estimé indispensable de prononcer et de mettre en œuvre. La fixation de la date d’incarcération de la personne condamnée par le procureur de la République permettra que soient mieux prises en compte la capacité d’accueil de l’établissement pénitentiaire concerné et la situation de la personne condamnée, ce qui contribuera à la maîtrise de la surpopulation carcérale d’une part et évitera les ruptures de parcours – personnelles ou professionnelles – souvent induites par une incarcération.

La contrepartie de ces évolutions réside dans la nécessaire limitation du recours aux aménagements décidés après le jugement par le juge de lapplication des peines sur le fondement des articles 474 et 723-15 du code de procédure pénale :

– le juge de l’application des peines ne sera saisi que des aménagements de peines auxquels le tribunal ne se sera pas opposé et pour lesquels il n’aura pas disposé d’éléments suffisants pour se prononcer (1° des V et VIII) ;

– par cohérence, le seuil d’aménagement systématique des peines est abaissé, pour ne viser que les peines d’emprisonnement inférieures ou égales à un an, à l’exclusion de celles comprises entre un an et deux ans (2° des V et VIII).

Afin de parachever le mouvement de personnalisation des peines, le présent article supprime les règles dérogatoires applicables aux récidivistes en matière dobligation de mandat de dépôt (IV) et de seuil daménagement des peines (3° des V et VIII).

Les autres dispositions du présent article procèdent aux coordinations rendues nécessaires par ces modifications (4° du V, VI, VII et IX).

2.   Les modifications opérées par le Sénat

La commission des Lois du Sénat, suivant ses rapporteurs, est revenue sur nombre de ces évolutions :

– elle a maintenu la possibilité de prononcer des peines demprisonnement dune durée inférieure ou égale à un mois ;

– en complément de l’exigence de motivation spéciale de l’emprisonnement ferme, elle a posé un principe de motivation générale des peines correctionnelles et est revenue sur le caractère « indispensable » de la peine d’emprisonnement ferme au profit du droit actuel, qui renvoie à la nécessité de la peine ;

– elle a remplacé le double mécanisme d’aménagement des peines – obligation sauf impossibilité pour les peines entre un et six mois et principe pour celles de six mois à un an par un dispositif unique faisant de laménagement un principe pour toutes les peines dune durée inférieure ou égale à un an, en prenant en compte la personnalité du condamné et sa situation matérielle, familiale et sociale, sauf impossibilité matérielle ;

– tout en en approuvant le principe, elle a étendu la procédure du mandat de dépôt à effet différé aux peines dune durée inférieure ou égale à six mois ;

– elle a supprimé la saisine automatique du juge de lapplication des peines dans le cadre de la procédure daménagement des peines de larticle 723-15 du code de procédure pénale afin de laisser à la juridiction de jugement la compétence exclusive de décider de recourir ou non à cette procédure.

Par ailleurs, sur proposition de M. Thani Mohamed Soilihi et de plusieurs sénateurs du groupe La République en marche, suivant l’avis favorable de la commission des Lois et de sagesse du Gouvernement, le Sénat a modifié les règles applicables au mandat de dépôt à effet différé, en permettant que la date d’incarcération soit fixée à l’audience sans exiger une convocation devant le procureur dans le délai d’un mois, en étendant ce mandat aux peines de plus d’un an et en prévoyant, en cas d’appel, que ce mandat ne puisse être mis à exécution sauf en cas de décision d’exécution provisoire.

3.   La position de la Commission

La Commission est revenue sur plusieurs des évolutions proposées par le Sénat.

En premier lieu, à la demande du Gouvernement et avec l’avis favorable de votre rapporteur, elle na pas repris les dispositions prévoyant que chacune des peines prononcées devait être motivée, au motif qu’une telle exigence irait plus loin que ce qui découle de la jurisprudence de la Cour de cassation, aboutirait à une charge de travail très importante pour les juridictions et ne permettrait plus d’inciter les juridictions à prononcer des peines autres que des peines d’emprisonnement ferme et non aménagé, puisque de telles peines devraient être motivées de la même façon que les peines d’emprisonnement.

En deuxième lieu, à l’initiative de votre rapporteur, de M. Stéphane Mazars et des membres du groupe La République en marche, de M. Erwan Balanant et plusieurs membres du groupe Mouvement démocrate et apparentés ainsi que du Gouvernement, la Commission a rétabli linterdiction de prononcer des peines demprisonnement dune durée inférieure ou égale à un mois, suffisamment longues pour entraîner les effets désocialisants de la prison (perte d’emploi, perte de logement, rupture de liens avec l’entourage…) mais trop courtes pour démarrer des démarches en faveur de l’insertion sociale et de la sortie de la délinquance.

En dernier lieu, la Commission, suivant l’avis favorable de votre rapporteur, a adopté un amendement du Gouvernement rétablissant lobligation daménagement des peines de prison comprises entre un et six mois et, pour les peines comprises entre six mois et un an, la possibilité daménagement, par le tribunal ou à défaut, sauf mandat de dépôt à effet différé décerné par le tribunal, par le juge de l’application des peines dans le cadre de l’article 723-15 du code de procédure pénale.

À ce dispositif progressif, cohérent et équilibré, permettant de diminuer le prononcé des courtes peines d’emprisonnement, le Sénat avait en effet substitué un dispositif de nature à augmenter de façon significative et excessive, le nombre des incarcérations.

Par le même amendement, a été rétablie la peine de détention à domicile sous surveillance électronique qui allie un contrôle strict des mouvements du condamné à un suivi du service pénitentiaire d’insertion et de probation en milieu ouvert, propice à la réinsertion du condamné.

Ont toutefois été maintenues certaines améliorations du texte initial adoptées par le Sénat et relatives au mandat de dépôt différé, afin de permettre que la date d’incarcération soit fixée à l’audience sans exiger une convocation devant le procureur dans le délai d’un mois, d’étendre ce mandat aux peines de plus d’un an et de prévoir qu’en cas d’appel, ce mandat ne pourrait être mis à exécution sauf en cas de décision d’exécution provisoire.

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*     *

Article 45 bis A
(art. 717-1, 721 à 721-2, 723-29 du code de procédure pénale, 132-24 du code pénal et 41 de la loi  2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales)
Suppression du crédit « automatique » de réduction de peine

Supprimé par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à supprimer le caractère « automatique » de l’attribution d’un crédit de réduction de peines, prévu à l’article 721 du code de procédure pénale, pour ne retenir que le régime de la réduction de peine en cas d’efforts sérieux de réadaptation sociale, dont l’octroi serait conditionné à une demande du condamné.

  Dernières modifications législatives intervenues

Le régime applicable aux réductions de peines a fait l’objet de deux modifications récentes :

– la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales a aligné sur le régime de droit commun les règles de calcul des crédits « automatique » et supplémentaire de la peine applicables aux récidivistes ;

– la loi du 21 juillet 2016 prorogeant l’application de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence a exclu les personnes condamnées pour terrorisme du bénéfice du crédit « automatique » de réduction de peine.

  Modifications apportées au Sénat

Le présent article est issu de l’adoption par le Sénat d’un amendement du groupe Les Républicains, suivant l’avis favorable de sa commission des Lois mais contre celui du Gouvernement.

  Modifications apportées par la Commission

À l’initiative de votre rapporteur ainsi que des groupes La République en marche et La France insoumise, suivant l’avis favorable du Gouvernement, la Commission a supprimé cet article.

1.   L’état du droit

a.   Le crédit « automatique » de réduction de peine

Créées en 1972, les réductions de peine prévues à l’article 721 du code de procédure pénale permettaient initialement de réduire la peine privative de liberté prononcée par la juridiction de jugement en cas de bonne conduite du condamné, après un examen de sa situation au moins une fois par an. Octroyées, au fil du temps, de manière quasi-systématique, le législateur, en 2004, a prévu lattribution « automatique » à chaque détenu dun crédit de réduction de peine, susceptible dêtre retiré en cas de mauvaise conduite de la personne condamnée.

La réduction de peine ainsi accordée est de trois mois pour la première année d’emprisonnement, deux mois pour les années suivantes et, pour une peine de moins d’un an ou pour la partie de peine inférieure à une année, de sept jours par mois. Pour les peines supérieures à un an, le total de la réduction correspondant aux sept jours par mois ne peut excéder deux mois.

Ces crédits peuvent toutefois être retirés par le juge de l’application des peines, à raison de trois mois maximum par an et de sept jours par mois :

– « en cas de mauvaise conduite du condamné en détention » ;

– lorsque la personne, condamnée pour meurtre ou assassinat, torture ou actes de barbarie, viol, agression ou atteinte sexuelle commis sur un mineur, refuse de suivre le traitement médical qui lui a été proposé ou ne le suit pas de façon régulière ;

– lorsque la personne condamnée qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes, refuse les soins qui lui sont proposés.

Les personnes condamnées pour actes de terrorisme – hors les cas de provocation à la commission d’actes de terrorisme, d’apologie de tels actes et d’entrave intentionnelle au blocage de sites terroristes – sont exclues du bénéfice de ces crédits (article 721-1-1).

En cas de nouvelle condamnation à une peine privative de liberté pour un crime ou un délit commis par le condamné après sa libération pendant une période égale à la durée de la réduction de la peine, la juridiction de jugement peut ordonner le retrait de tout ou partie de cette réduction de peine et la mise à exécution de l’emprisonnement correspondant.

b.   La réduction supplémentaire de peine

En sus de ce crédit, « une réduction supplémentaire de la peine peut être accordée aux condamnés qui manifestent des efforts sérieux de réadaptation sociale », conformément à l’article 721-1 du même code. Ces efforts peuvent notamment être fondés sur le passage d’un examen, des progrès dans le cadre d’un enseignement, un investissement dans la lecture, l’écriture et le calcul, la participation à des activités culturelles, le suivi d’une thérapie destinée à limiter les risques de récidive ou l’indemnisation des victimes.

Cette réduction supplémentaire ne peut excéder :

– trois mois par année d’incarcération ou sept jours par mois lorsque la durée d’incarcération restant à subir est inférieure à une année ;

– deux mois par an ou quatre jours par mois lorsque la personne, condamnée pour meurtre ou assassinat, torture ou actes de barbarie, viol, agression ou atteinte sexuelle sur un mineur, refuse les soins qui lui sont proposés.

Sauf décision contraire du juge de l’application des peines, cette réduction supplémentaire de la peine n’est pas applicable aux personnes condamnées pour un crime ou délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru, qui refusent le traitement médical qui leur est proposé ou ne le suivent pas de façon régulière ou qui, atteintes au moment des faits pour lesquels elles ont été condamnées, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré leur discernement ou entravé le contrôle de leurs actes, refusent les soins qui leur sont proposés. Sauf décision du même juge, prise après avis de la commission de l’application des peines, cette réduction ne peut davantage bénéficier aux personnes condamnées pour infractions de nature sexuelle si, au moment de leur condamnation définitive, le casier judiciaire fait mention d’une telle condamnation.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article vise à supprimer les crédits de réduction de peine « automatiques » (1°, 2°, 4°, 5° et 6° du I et II) et adapter, en conséquence, lactuel régime de réduction de peine supplémentaire accordée pour « efforts sérieux de réadaptation sociale ».

La réduction supplémentaire de peine deviendrait ainsi la seule réduction susceptible dêtre accordée aux seuls condamnés manifestant des efforts sérieux de réadaptation sociale, dans les mêmes proportions qu’aujourd’hui mais en tenant compte des efforts de formation du condamné, de son travail en détention ou de sa participation à des activités culturelles, de ses recherches d’emploi, de l’indemnisation des parties civiles et de sa soumission à des mesures d’examen, de traitement ou de soins ().

Par ailleurs, les mêmes personnes que celles actuellement mentionnées à l’article 721-1 demeureraient exclues du dispositif, le juge de l’application des peines conservant la possibilité de déroger à cette impossibilité, par décision « spécialement motivée ».

La nouvelle rédaction proposée prévoit la possibilité daccorder une réduction supplémentaire de la peine de trois mois par année d’incarcération
– deux mois en cas de récidive légale – aux « condamnés qui passent avec succès un examen scolaire, professionnel ou universitaire ».

Enfin, il est proposé de prévoir que toute réduction de peine ne pourrait être accordée que sur demande motivée du condamné (II).

Cette disposition est la reprise de l’article 20 de la proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la justice pénale adoptée par le Sénat en janvier 2017.

3.   La position de la Commission

La Commission, avec l’avis favorable du Gouvernement, a supprimé cet article à la demande de votre rapporteur, de M. Stéphane Mazars et des membres du groupe La République en marche ainsi que de Mme Danièle Obono et des membres du groupe La France insoumise.

Contrairement à une idée reçue, les crédits « automatiques » de réduction de peine permettent d’inciter les comportements vertueux en détention. Ils peuvent être retirés par le juge de l’application des peines en cas de mauvaise conduite du condamné. Ils servent enfin à la surveillance judiciaire susceptible d’être imposée aux condamnés les plus dangereux après leur libération, la durée de cette surveillance correspondant aux réductions de peine dont ils ont bénéficié.

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Article 45 bis B
(art. 785 du code de procédure pénale)
Allongement du délai de demande de réhabilitation judiciaire
après le décès de la personne condamnée

Supprimé par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article allonge d’un an à vingt ans après le décès d’une personne condamnée le délai dans lequel ses ayants droit peuvent former une demande de réhabilitation judiciaire.

  Dernières modifications législatives intervenues

Les règles applicables à la réhabilitation judiciaire d’une personne condamnée n’ont pas fait l’objet de modifications législatives récentes.

  Modifications apportées au Sénat

Le présent article est issu de l’adoption par le Sénat d’un amendement du groupe Socialiste et républicain, suivant l’avis favorable de sa commission des Lois mais contre celui du Gouvernement.

  Modifications apportées par la Commission

À l’initiative du Gouvernement et suivant l’avis favorable de votre rapporteur, la Commission a supprimé cet article.

Le titre IX du livre V du code de procédure pénale permet la réhabilitation de toute personne condamnée par un tribunal français à une peine criminelle, correctionnelle ou contraventionnelle. La réhabilitation a notamment pour effet d’effacer la condamnation des bulletins nos 2 et 3, voire du bulletin n° 1, du casier judiciaire national.

Cette réhabilitation est de plein droit, en raison de labsence de condamnation nouvelle à une peine criminelle ou correctionnelle après un certain délai, dans les conditions fixées par les articles 133-13 à 133-17 du code pénal.

Elle peut également être prononcée par décision juridictionnelle de la chambre de linstruction constatant que lintéressé sest totalement réinséré et amendé. Dans ce cas, l’article 785 du code de procédure pénale prévoit qu’elle ne peut être demandée en justice, du vivant du condamné, que par celui-ci ou son représentant légal. En cas de décès du condamné, la demande peut être suivie par son conjoint, ses ascendants ou ses descendants, qui peuvent également la former mais seulement dans un délai dun an à compter de la date du décès.

Le présent article, adopté par le Sénat à l’initiative de M. Jean-Pierre Sueur et plusieurs sénateurs du groupe Socialiste et républicain, suivant l’avis favorable de sa commission des Lois mais contre celui du Gouvernement, vise à permettre au conjoint, aux ascendants ou aux descendants de former une demande de réhabilitation judiciaire dune personne condamnée décédée vingt ans après le décès de celle-ci, et non plus seulement un an.

Pour les sénateurs à l’origine de cette disposition, « linscription dans la loi de ce nouveau délai pourrait notamment permettre aux conjoints et descendants de Raymond Mis et Gabriel Thiennot de demander leur réhabilitation après leur décès » ([582]), alors que des doutes existent sur les fondements de leur condamnation à quinze ans de prison pour le meurtre d’un garde-chasse en décembre 1946.

La Commission, suivant l’avis favorable de votre rapporteur, a adopté un amendement de suppression de cet article déposé par le Gouvernement.

La réhabilitation judiciaire étant accordée au regard de la conduite la personne après sa condamnation et l’article 790-1 prévoyant notamment que le procureur doit s’entourer de tous renseignements utiles aux différents lieux où la personne a pu séjourner, la permettre vingt ans après son décès n’aurait aucun sens.

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Article 45 bis
(art. 709-2 du code de procédure pénale)
Élargissement du contenu et de la publicité
du rapport annuel sur lexécution des peines

Supprimé par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Afin d’améliorer la connaissance des magistrats sur l’état réel des conditions de détention ainsi que d’exécution et d’aménagement des peines dans le ressort de leur juridiction, le présent article étend le contenu du rapport annuel public du procureur de la République sur l’état et les délais de l’exécution des peines afin d’y inclure notamment une présentation de la politique pénale et d’aménagement des peines du parquet et de la jurisprudence en matière de peines de prison.

  Dernières modifications législatives intervenues

Le rapport annuel sur l’exécution des peines a été instauré par loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité et a seulement fait l’objet de modifications législatives mineures depuis lors.

  Modifications apportées au Sénat

Le présent article est issu de l’adoption par la commission des Lois du Sénat d’un amendement de ses rapporteurs et a été complété en séance par un amendement du groupe Socialiste et républicain.

  Modifications apportées par la Commission

À l’initiative du Gouvernement et suivant l’avis favorable de votre rapporteur, la Commission a supprimé cet article.

Le présent article, qui résulte de l’adoption par la commission des Lois du Sénat d’un amendement de ses rapporteurs, vise à renforcer le dialogue au sein de l’institution judiciaire et entre celle-ci et l’administration pénitentiaire sur la question de l’exécution et de l’aménagement des peines. À cette fin, il élargit le contenu du rapport annuel public du procureur de la République sur létat et les délais de lexécution des peines, prévu à larticle 709-2 du code de procédure pénale.

Créé en 2004, ce document doit aujourd’hui comprendre, en outre, une partie spécifique sur l’état du recouvrement des amendes dans la juridiction.

Le présent article prévoit que ce document serait désormais transmis au Parlement et comprendrait également « une présentation de la politique pénale et daménagement des peines du ministère public, une présentation de la jurisprudence du tribunal de grande instance en matière de peines privatives de liberté, ainsi quune synthèse des actions et conclusions de la commission de lexécution et de lapplication des peines du tribunal ».

Reprise d’une disposition que le Sénat avait adoptée lors de la discussion, en octobre 2017, de la proposition de loi d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice, cette disposition vise à améliorer l’information des magistrats sur les conditions de détention dans les maisons d’arrêt et de prise en charge des condamnés par l’administration pénitentiaire.

Sur proposition de M. Jacques Bigot et des membres du groupe Socialiste et républicain, avec l’avis favorable de la commission des Lois et défavorable du Gouvernement, le Sénat a prévu que ce rapport fasse l’objet d’échanges au sein du conseil de juridiction et soit présenté au sein des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance ainsi qu’au sein des conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance.

La Commission, suivant l’avis favorable de votre rapporteur, a adopté un amendement de suppression de cet article déposé par le Gouvernement.

Les dispositions adoptées par le Sénat constitueraient en effet une complexification du rapport sur l’exécution des peines établi chaque année par le procureur, alors qu’un rapport annuel de politique pénale est déjà prévu par les articles 30, 35 et 39-1 du code de procédure pénale.

Surtout, il ne paraît ni utile, ni justifié de prévoir que ces rapports soient adressés par les procureurs au Parlement, ceux-ci étant déjà rendus publics et la ministre de la justice – et non l’autorité judiciaire – devant, seule, rendre compte devant le Parlement de sa politique pénale.

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Article 45 ter A
(art. L. 132-5 du code de la sécurité intérieure)
Débat sur lexécution des peines et la prévention de la récidive
en conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance

Adopté par la Commission sans modification

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article permet aux conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) de s’auto-saisir des questions relatives à l’exécution des peines et à la prévention de la récidive.

  Dernières modifications législatives intervenues

La loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales a permis à l’autorité judiciaire de saisir les CLSPD afin qu’ils traitent de ces questions.

  Modifications apportées au Sénat

Le présent article est issu de l’adoption par le Sénat d’un amendement du groupe Socialiste et républicain, suivant l’avis favorable de sa commission des Lois et du Gouvernement.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

Le présent article modifie l’article L. 132-5 du code de la sécurité intérieure afin de permettre aux conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) de traiter, à la demande de leurs membres et plus seulement celle de lautorité judiciaire, des questions relatives à lexécution des peines et à la prévention de la récidive.

En 2007, le législateur, en même temps qu’il a consacré le maire comme acteur central de la politique de prévention de la délinquance, a rendu obligatoire la création d’un CLSPD dans les communes de plus de 10 000 habitants et dans celles comportant une zone urbaine sensible ([583]).

Ces conseils, qui constituent le cadre de concertation sur les priorités de la lutte contre l’insécurité et de la prévention de la délinquance sur le plan local, peuvent être institués au niveau de la commune ou de l’intercommunalité. Ils sont présidés par le maire ou, lorsqu’ils sont créés au niveau intercommunal, par le président de l’intercommunalité ou le maire d’une des communes membres de l’intercommunalité. Ils sont composés des différents acteurs compétents en matière de prévention de la délinquance, le préfet et le procureur de la République étant membres de droit de ces instances ([584]).

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Article 45 ter B
(art. L. 132-13 du code de la sécurité intérieure)
Débat sur lexécution des peines et la prévention de la récidive
en conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance

Adopté par la Commission sans modification

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article permet aux conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CISPD) de s’auto-saisir des questions relatives à l’exécution des peines et à la prévention de la récidive.

  Dernières modifications législatives intervenues

La loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales a permis à l’autorité judiciaire de saisir les CISPD afin qu’ils traitent de ces questions.

  Modifications apportées au Sénat

Le présent article est issu de l’adoption par le Sénat d’un amendement du groupe Socialiste et républicain, suivant l’avis favorable de sa commission des Lois et du Gouvernement.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

Par cohérence avec les dispositions adoptées à l’égard des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, le présent article modifie l’article L. 132-13 du code de la sécurité intérieure afin de permettre aux conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance de traiter, à la demande de leurs membres et plus seulement celle de lautorité judiciaire, des questions relatives à lexécution des peines et à la prévention de la récidive.

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Article 45 ter
(art. 131-36-1 à 131-36-4, 221-9-1, 221-15, 222-48-1, 222-65, 224-10, 227-31
et 421-8 du code pénal et 763-3, 763-5 et 763-10 du code de procédure pénale)
Élargissement du champ dapplication du suivi socio-judiciaire

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article généralise la possibilité de prononcer une mesure de suivi socio‑judiciaire à l’ensemble des auteurs d’infractions délictuelles et criminelles afin de renforcer le suivi de ces personnes à leur sortie de détention.

  Dernières modifications législatives intervenues

Créé par la loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles, le suivi socio-judiciaire a vu son champ d’application s’élargir au fil des années pour concerner également, depuis la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, les personnes condamnées pour actes de terrorisme.

  Modifications apportées au Sénat

Le présent article est issu de l’adoption par la commission des Lois du Sénat d’un amendement de ses rapporteurs, reprenant une disposition que cette assemblée avait adoptée lors de la discussion de la proposition de loi d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice en octobre 2017.

  Modifications apportées par la Commission

À l’initiative de votre rapporteur et du groupe La République en marche, suivant l’avis favorable du Gouvernement, la Commission a supprimé ces dispositions pour les remplacer par une amélioration des règles actuelles sur le suivi socio-judiciaire.

1.   L’état du droit

Créé en 1998, le suivi socio-judiciaire, régi par les articles 131-36-1 à 13136-8 du code pénal, est une mesure décidée par la juridiction à titre de peine complémentaire ou, en matière délictuelle, comme peine principale, afin de lutter contre la récidive et seconder les efforts de réinsertion sociale dune personne condamnée. Cette personne peut alors être soumise aux mesures de contrôle et aux obligations du sursis avec mise à l’épreuve ainsi qu’à une injonction de soins.

En vertu de l’article 131-36-1, la mesure est encourue par les auteurs dinfractions limitativement énumérées par la loi.

Liste des infractions pour lesquelles le suivi socio-judiciaire est encouru

– Crimes d’atteintes volontaires à la vie (meurtre, assassinat, empoisonnement…)

– Crime de disparition forcée

– Tortures ou actes de barbarie, viol et autres agressions sexuelles, exhibition sexuelle

– Violences et menaces commises soit par le conjoint ou le concubin de la victime ou par le partenaire lié à celle-ci par un pacte civil de solidarité, ou par son ancien conjoint, son ancien concubin ou l’ancien partenaire, soit sur un mineur de 15 ans, par un ascendant légitime, naturel ou adoptif, ou par toute autre personne ayant autorité sur la victime ([585])

– Trafic d’armes

– Crimes de réduction en esclavage et d’exploitation de personnes réduites en esclavage

– Crimes d’enlèvement et de séquestration

– Certaines infractions de mise en péril des mineurs (corruption de mineur, pédopornographie…)

– Destructions, dégradations et détériorations dangereuses pour les personnes

– Actes de terrorisme

En cas de non-respect du suivi, le condamné encourt une peine d’emprisonnement de trois ans en matière délictuelle et sept ans en matière criminelle.

La durée du suivi socio-judiciaire ne peut excéder, en matière délictuelle, dix ans sauf décision spécialement motivée de la juridiction de jugement qui peut la porter à vingt ans et, en matière criminelle, vingt ans, sauf crime puni de trente ans de réclusion criminelle portant la durée à trente ans et hors les cas où la cour d’assises décide, pour les crimes punis de la perpétuité, qu’il s’appliquera sans limitation de durée ([586]). Lorsqu’il accompagne une peine privative de liberté, il ne s’applique qu’à compter de la fin de cette peine.

Depuis 2005, la personne condamnée au suivi socio-judiciaire peut également faire l’objet, à titre de mesure de sûreté, d’un placement sous surveillance électronique mobile. Par ailleurs, toute condamnation à une peine privative de liberté d’une durée égale ou supérieure à sept ans pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru expose la personne à la surveillance judiciaire ([587]) afin de permettre son contrôle pour une durée ne pouvant excéder les crédits de réduction de peine et les réductions de peines supplémentaires dont elle a bénéficié.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article, qui résulte de l’adoption par la commission des Lois d’un amendement de ses rapporteurs, tend à faire du suivi socio-judiciaire une peine complémentaire et générale pour tous les auteurs de crimes et délits.

À cette fin, le I modifie la rédaction de l’article 131-36-1 pour permettre à la juridiction de jugement d’ordonner un suivi socio-judiciaire « en matière criminelle ou correctionnelle » et prévoir que la durée du suivi n’excédera pas trois ans en cas de condamnation pour un délit ou dix ans pour un délit sexuel ou commis en récidive, les autres durées maximales actuellement prévues étant conservées.

Le II procède à diverses coordinations.

Repris d’une disposition que le Sénat avait adoptée lors de la discussion, en octobre 2017, de la proposition de loi d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice, ce dispositif serait destiné à éviter les sorties « sèches » de prison.

3.   La position de la Commission

À l’initiative de votre rapporteur ainsi que de M. Stéphane Mazars et des membres du groupe La République en marche, la Commission, suivant l’avis favorable du Gouvernement, a supprimé ces dispositions.

L’extension du suivi socio-judiciaire proposée par le Sénat, qui n’est pas demandée par les praticiens, paraît en effet injustifiée. Elle reviendrait sur la spécificité de cette mesure, qui concerne actuellement les personnes coupables d’infractions sexuelles ou violentes pour lesquelles une injonction de soin apparaît utile, le cas échéant assortie d’un traitement inhibiteur de la libido. Elle aboutirait par ailleurs à une aggravation excessive de la répression, puisque le suivi socio-judiciaire s’ajouterait à la peine privative prononcée. Elle est enfin inutile pour empêcher les « sorties sèches », qui peuvent déjà être évitées, dans la majorité des cas, grâce aux aménagements de peines et libérations conditionnelles, que facilite la libération sous contrainte, au travers du suivi post-peine, et, dans les cas les plus graves, grâce à la surveillance judiciaire ou la surveillance de sûreté.

La Commission a remplacé ces dispositions par une amélioration des règles actuelles sur le suivi socio-judiciaire, en précisant la possibilité pour le juge de l’application des peines d’ordonner, à tout moment au cours de l’exécution de la mesure, une expertise médicale afin de déterminer si la personne est ou non susceptible de faire l’objet d’une injonction de soins. L’évolution proposée sera de nature à unifier les pratiques entre les juridictions. En effet, la rédaction actuelle de l’article 763‑3 du code de procédure pénale, qui impose au juge d’ordonner une expertise « en vue de la libération du condamné », conduit à des divergences d’application entre les juridictions, certains juges estimant impossible d’ordonner une telle expertise au cours du suivi.

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Article 45 quater
(art. 731-1 du code de procédure pénale)
Assouplissement des conditions de placement sous surveillance
électronique mobile dans le cadre dune libération conditionnelle

Adopté par la Commission sans modification

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article assouplit les conditions dans lesquelles une personne condamnée pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru peut être placée sous surveillance électronique mobile dans le cadre d’une libération conditionnelle.

  Dernières modifications législatives intervenues

La loi du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs a supprimé la condition d’un examen de dangerosité préalable au prononcé d’un placement sous surveillance électronique mobile dans le cadre d’une libération conditionnelle et limité son champ d’application aux personnes condamnées à une peine d’au moins sept ans d’emprisonnement.

  Modifications apportées au Sénat

Le présent article résulte de l’adoption par le Sénat d’un amendement de M. Henri Leroy (groupe Les Républicains), suivant l’avis favorable de sa commission des Lois et de sagesse du Gouvernement.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

Le présent article assouplit les conditions dans lesquelles une mesure de placement sous surveillance électronique mobile peut être mise en œuvre dans le cadre dune libération conditionnelle.

À cette fin, il réduit de sept à cinq ans le seuil de peine demprisonnement prononcée à l’égard d’une personne condamnée pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru afin qu’elle puisse être placée, durant sa libération conditionnelle, sous surveillance électronique mobile en application de l’article 731-1 du code de procédure pénale.

La Commission a adopté cet article sans modification.

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Chapitre II
Dispositions relatives à la probation

Article 46
(art. 131-4-1, 131-4-2 à 131-4-8 [nouveaux], 132-40 à 132-57 et 132-64 du code pénal,
230-19, 7201, 720-1-1, 721-2, 723-4, 723-10, 723-30 et 731 du code de procédure pénale,
L. 265-1 du code de justice militaire et 20-4, 20-5 et 20-10 de lordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à lenfance délinquante)
Création dun « sursis probatoire »

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article fusionne, au sein d’un « sursis probatoire », le sursis avec mise à l’épreuve, le sursis assorti d’un travail d’intérêt général et la contrainte pénale, trois peines probatoires proches mais dont les régimes juridiques distincts freinent la mise en œuvre, en permettant que cette probation prenne la forme d’un « suivi renforcé, pluridisciplinaire et évolutif » lorsque c’est nécessaire.

  Dernières modifications législatives intervenues

La contrainte pénale est la dernière peine probatoire à avoir été créée, par la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales

  Modifications apportées au Sénat

Le Sénat a procédé à une réécriture d’ensemble de cet article afin de remplacer le « sursis probatoire » par une nouvelle peine de probation, érigée en peine autonome mais empruntant largement aux sursis avec mise à l’épreuve et sursis assorti d’un travail d’intérêt général ainsi qu’à la contrainte pénale.

  Modifications apportées par la Commission

Sur proposition du Gouvernement et avec l’avis favorable de votre rapporteur, la Commission a rétabli le texte initial de cet article, sous réserve de plusieurs modifications destinées à améliorer le sursis probatoire.

1.   L’état du droit

Parmi les peines prévues par le code pénal, certaines sont plus particulièrement destinées à assortir la répression de l’auteur de l’infraction d’un accompagnement spécifique en faveur d’une sortie de la délinquance et de sa réinsertion sociale et professionnelle.

a.   Le sursis avec mise à l’épreuve

Tel est le cas, en premier lieu, de l’emprisonnement lorsqu’il est assorti d’un sursis avec mise à l’épreuve (SME), apparu dans notre droit en 1958 (articles 13240 à 132-53).

Il s’agit d’un régime dans lequel la peine de prison n’est pas mise à exécution si, pendant un délai de douze mois à trois ans en principe, le condamné, soumis à un délai d’épreuve, satisfait à des mesures et obligations particulières.

Le sursis peut être révoqué en cas de non‑respect de ces mesures et obligations ou si la personne commet une nouvelle infraction punie d’une peine d’emprisonnement ferme.

Cette peine est applicable aux condamnations à l’emprisonnement prononcées pour une durée de cinq ans au plus, en raison d’un crime ou d’un délit de droit commun, ou, si la personne est en état de récidive légale, aux condamnations à l’emprisonnement prononcées pour une durée de dix ans au plus. En principe, elle ne peut être prononcée à l’encontre d’une personne ayant déjà fait l’objet de deux condamnations assorties d’un tel sursis pour des délits identiques ou assimilés et se trouvant en état de récidive légale ou, dans le cas d’un crime ou d’un délit de violences volontaires, d’agressions ou d’atteintes sexuelles ou commis avec la circonstance aggravante de violences, à l’égard d’une personne ayant déjà fait l’objet d’une condamnation assortie de ce sursis.

b.   Le sursis assorti d’un travail d’intérêt général (sursis-TIG)

Créé plus récemment, en 1983, le sursis-TIG oblige le condamné à accomplir, pour une durée de 20 à 280 heures, un TIG non rémunéré, dans les mêmes conditions et modalités que pour le SME, le délai d’exécution du travail étant assimilé au délai d’épreuve (articles 132-54 à 13257).

Le juge peut soumettre le condamné à tout ou partie des obligations particulières prévues dans le cadre du SME, pour une durée maximale de dix-huit mois, ainsi qu’à certaines mesures de contrôle recouvrant celles du SME et en lien avec l’exécution du TIG.

Il ne peut être ordonné si le prévenu le refuse ou n’est pas présent à l’audience, sauf s’il a fait connaître par écrit son accord et qu’il est représenté par son avocat.

Cette peine peut aussi résulter de la décision du juge de l’application des peines de surseoir à l’exécution d’une peine d’emprisonnement ferme de six mois maximum et d’ordonner l’accomplissement d’un TIG, l’inexécution de ce dernier pouvant donner lieu à une conversion de la partie non exécutée en jour-amende.

c.   La contrainte pénale

La contrainte pénale, introduite dans l’échelle des peines délictuelles en 2014 et encourue pour tous les délits depuis le 1er janvier 2017 ([588]), consiste en un accompagnement socio-éducatif individualisé et soutenu « lorsque la personnalité et la situation matérielle, familiale et sociale de lauteur (…) et les faits de lespèce [le] justifient ». Elle « emporte pour le condamné lobligation de se soumettre (…) pendant une durée comprise entre six mois et cinq ans (…) à des mesures de contrôle et dassistance ainsi quà des obligations et interdictions particulières destinées à prévenir la récidive en favorisant son insertion ou sa réinsertion au sein de la société » (article 131-4-1([589]).

La juridiction doit fixer la durée maximale de l’emprisonnement encouru par le condamné en cas de non-respect de ces obligations et interdictions, qui ne peut excéder deux ans ni le maximum de la peine de prison encourue.

d.   Trois peines relevant de régimes probatoires très proches

Ces trois peines probatoires présentent de fortes similitudes, eu égard au champ et à la nature des obligations et interdictions susceptibles d’être imposées à la personne concernée. Le relatif échec quantitatif de la contrainte pénale trouve d’ailleurs en partie son origine dans la difficulté rencontrée par les magistrats à comprendre la plus-value de cette peine par rapport au SME.

obligations et interdictions susceptibles d’Être imposÉes dans le cadre d’un SME, d’un sursis-TIG et d’une contrainte pÉnale

Obligations et interdictions

Peines de probation

Mesures de contrôle général

(réponses aux convocations, communications des renseignements utiles, notification des changements demploi et de résidence, information préalable avant un déplacement…)

SME

Contrainte pénale

Sursis-TIG

Obligations et interdictions particulières

(exercice dune activité professionnelle ou suivi dune formation, établissement de la résidence en un lieu déterminé, mesures dexamen médical ou de soins, contribution aux charges familiales, réparation des dommages causés, interdiction de conduire ou de fréquenter des lieux ou des personnes, accomplissement dun stage…)

SME

Sursis-TIG

Contrainte pénale

Effectuer un TIG

Sursis-TIG

Contrainte pénale

Mesures d’aide matérielle ou à caractère social

SME

Contrainte pénale

Réaliser un examen médical d’aptitude au travail

Sursis-TIG

Injonction de soins

Contrainte pénale

2.   Le dispositif proposé

a.   Le projet de loi initial

Compte tenu de la très grande proximité de ces trois peines et des conséquences préjudiciables de leur distinction pour le développement de la probation dans notre pays, le présent article vise à fusionner le SME, le sursisTIG et la contrainte pénale au sein dune peine unique dénommée « sursis probatoire », au régime unifié et clarifié.

Pour ce faire, il abroge les dispositions du code pénal spécifiques au sursis-TIG (XI), celles propres à la contrainte pénale ayant été supprimées ou remplacées par l’article 43 du projet de loi.

Ne subsisteront donc que les dispositions fixant le régime du SME ainsi rebaptisé, dont les conditions et les modalités resteront inchangées.

Toutefois, afin que la disparition de la contrainte pénale ne conduise pas à un affaiblissement du contenu de la nouvelle peine de sursis probatoire, le IV crée un nouvel article 132-41-1 au sein du code pénal afin de permettre à la juridiction de « décider que le sursis probatoire consistera en un suivi renforcé, pluridisciplinaire et évolutif, faisant lobjet dévaluations régulières par le service pénitentiaire dinsertion et de probation, afin de prévenir la récidive et favorisant linsertion ou la réinsertion au sein de la société » lorsque la personnalité et la situation de lauteur de linfraction et les faits commis le justifieront. Cette faculté sera même ouverte au-delà des cas actuels de la contrainte pénale, réservée aux auteurs de délits punis d’une peine d’emprisonnement.

Dans ce cas, l’interdiction de prononcer un sursis probatoire à l’encontre de personnes ayant déjà fait l’objet de condamnations pour une infraction identique ou assimilées et se trouvant en état de récidive légale ([590]), qui sont précisément les personnes dont la personnalité et la situation requièrent un accompagnement renforcé, sera levée.

La juridiction pourra définir elle-même les obligations et interdictions auxquelles sera soumise la personne condamnée si elle dispose d’éléments suffisants sur sa personnalité et sa situation, comme tendent à le lui permettre les dispositions de l’article 44 du projet de loi relatives aux enquêtes pré-sentencielles et aux ajournements du prononcé de la peine. À défaut, cette tâche reviendra au juge de l’application des peines « après évaluation de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale du condamné par le service pénitentiaire dinsertion et de probation ».

Les autres dispositions du présent article procèdent aux coordinations rendues nécessaires par cette réforme et les dispositions de l’article 43 sur les peines de stages :

– les références au « sursis avec mise à lépreuve », à « la mise à lépreuve » et au « temps dépreuve » sont respectivement remplacées par « sursis probatoire », « la probation » et « temps de probation » dans les dispositions concernées du code pénal (I, II, III, V, VI, VII, IX et X) ;

– les mentions, à l’article 132-45 du code pénal, des différents stages dans la liste des obligations susceptibles d’être imposées durant le temps probatoire sont remplacées par une référence unique à la nouvelle peine de stages prévue par l’article 131-5-1 de ce code (1°, 2° et 3° du VIII) ;

– sont ajoutées à cette même liste l’obligation d’accomplir un TIG et l’injonction de soins, deux mesures qui s’appliquent aujourd’hui à la contrainte pénale mais pas au SME (4° du VIII) ;

– la référence à la contrainte pénale au sein de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante est supprimée (XII).

b.   Les modifications opérées par le Sénat

Sur proposition de ses rapporteurs, la commission des Lois du Sénat a procédé à une réécriture d’ensemble du présent article afin de remplacer le sursis probatoire par une nouvelle peine de probation, érigée en peine autonome de l’emprisonnement.

Le régime de cette peine, dont il serait fait mention dans l’échelle des peines correctionnelles établie par l’article 43 du projet de loi dans sa rédaction résultant des travaux du Sénat, figurerait au sein de l’article 131-4-1 du code pénal et de nouveaux articles 131-4-2 à 131-4-8 du même code, en remplacement des dispositions actuelles relatives à la contrainte pénale (131-4-1), du SME (articles 132-40 à 132‑53) et du sursis-TIG (articles 132-54 à 132-57) qui se trouveraient abrogées.

Cette peine pourrait être prononcée à la place ou en même temps que l’emprisonnement et ses modalités emprunteraient au SME et au suris-TIG :

– l’article 131-4-1 fixerait les conditions du prononcé de la peine de probation, très proches de celles applicables au SME et reprenant la possibilité d’un « suivi renforcé, pluridisciplinaire et évolutif », potentiellement applicable à tous les auteurs de délits punis d’une peine d’emprisonnement ;

– le nouvel article 131-4-2 serait relatif au délai de probation ;

– le nouvel article 131-4-3 porterait sur les mesures de contrôle auxquelles le condamné serait soumis, qui seraient identiques à celles du SME ;

– le nouvel article 131-4-4 prévoirait les obligations spéciales susceptibles de lui être imposées, également identiques à celles du SME sous réserve de l’ajout de l’obligation d’accomplir un TIG et de l’injonction de soins ;

– le nouvel article 131-4-5 traiterait des mesures d’aide destinées à seconder les efforts du condamné en vue de son reclassement social, identiques au SME ;

– les nouveaux articles 131-4-6 à 131-4-8 détermineraient respectivement le point de départ de la probation lorsque la peine accompagnerait un emprisonnement ferme, la sanction du non-respect des obligations par la personne condamnée et le caractère non avenu de la condamnation lorsque le condamné n’aurait pas fait l’objet d’une décision ordonnant son emprisonnement.

Initialement limitée aux délits punis, au plus, de cinq ans d’emprisonnement, la peine de probation a été étendue par le Sénat, sur proposition de sa commission des Lois contre l’avis du Gouvernement, à l’ensemble des délits punis de l’emprisonnement.

c.   La position de la Commission

Sur proposition du Gouvernement et suivant l’avis favorable de votre rapporteur, la Commission a rétabli le texte initial de cet article afin de maintenir la transformation du SME en sursis probatoire pouvant comporter, si la personnalité du condamné le justifie, un suivi individualisé, renforcé, pluridisciplinaire et évolutif, fondé sur des évaluations régulières du condamné.

Pour le Gouvernement, « la peine de contrainte pénale, en raison de sa complexité, nayant été que très insuffisamment prononcée par les juridictions, il paraît en effet plus efficace et pragmatique daméliorer le sursis avec mise à lépreuve, institution familière et fréquemment utilisée, pour aboutir à la mise en œuvre effective dune mesure de probation de nature à prévenir la récidive ».

Il est de surcroît apparu que la déconnexion entre la peine de probation et la peine d’emprisonnement était difficile à opérer sur le plan juridique et pratique. En effet, le tribunal qui prononcerait une peine de probation devrait fixer, dans la limite de deux ans, la durée de l’emprisonnement encouru par le condamné ne respectant pas ses obligations.

Plusieurs modifications ont cependant été apportées au texte initial afin daméliorer, à la demande de praticiens, le sursis probatoire :

– par l’ajout de trois obligations nouvelles demandées par les praticiens (restitution d’objet confisqué, justification du paiement des impôts et justification d’une comptabilité) :

–  au travers de précisions sur les obligations de la personne faisant lobjet dun sursis probatoire avec TIG (examen médical obligatoire avant d’exécuter les travaux) ;

–  et par la possibilité offerte au juge de lapplication des peines de sanctionner le manquement commis pendant le suivi mais découvert après lexpiration de la mesure, par une prolongation du délai d’épreuve, et non pas seulement par une révocation de la mesure comme c’est le cas aujourd’hui.

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*     *

Article 47
(art. 471, 712-20, 713-42 à 713-49, 713-50 à 713-52 [nouveaux]
et 739 à 747-2 du code de procédure pénale)
Rôle du service pénitentiaire dinsertion et de probation et du juge de lapplication des peines dans la mise en œuvre du sursis probatoire

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article précise la procédure applicable, au stade de l’exécution de la peine, lorsque la juridiction a ordonné un sursis probatoire sous la forme d’un « suivi renforcé, pluridisciplinaire et évolutif ».

  Dernières modifications législatives intervenues

Les conditions d’exécution du sursis avec mise à l’épreuve, appelé à devenir le sursis probatoire, ont été modifiées pour la dernière fois par la loi du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs, qui a amélioré la continuité du suivi des condamnés par les services pénitentiaires d’insertion et de probation et prévu l’information de la victime de la date de fin d’une mesure de mise à l’épreuve lorsque celle-ci comporte une interdiction de la rencontrer.

  Modifications apportées au Sénat

Le Sénat a procédé à une réécriture d’ensemble de cet article tirant les conséquences du remplacement, à l’article 46 du projet de loi, du sursis probatoire par une nouvelle peine de probation.

  Modifications apportées par la Commission

Sur proposition du Gouvernement et avec l’avis favorable de votre rapporteur, la Commission a rétabli le texte initial de cet article, sous réserve de plusieurs modifications destinées à améliorer le sursis probatoire renforcé.

1.   L’état du droit

Les règles d’exécution du sursis avec mise à l’épreuve sont fixées par les articles 739 à 747 du code de procédure pénale, qui définissent notamment :

– le rôle du juge de l’application des peines en matière de contrôle de la personne condamnée, de vérification du respect des interdictions et obligations et de modification de ces mesures (articles 739 à 741) ;

– la procédure applicable dans le cas d’une condamnation, avec incarcération, à une peine d’emprisonnement assortie pour partie du sursis avec mise à l’épreuve (SME) (article 741-1) ;

– les conditions de révocation ou de prolongation du sursis en cas de non‑respect des obligations (articles 742 et 743) ou, à l’inverse, les modalités selon lesquelles la condamnation peut être déclarée non avenue si le reclassement de la personne paraît acquis (article 744) ;

– le champ de l’obligation d’information de la victime ou partie civile dans le cas où l’une des mesures imposées à la personne condamnée est l’interdiction de paraître dans un lieu afin d’éviter un contact avec elles ou l’obligation de s’abstenir d’entrer en relation avec elles (article 745).

2.   Le dispositif proposé

a.   Le projet de loi initial

Le présent article tire les conséquences, dans le code de procédure pénale, de la fusion du SME, du sursis assorti d’un travail d’intérêt général et de la contrainte pénale au sein d’un sursis probatoire.

Sur le plan formel, il substitue cette nouvelle dénomination aux références au SME (I, II, III et V).

Sur le fond, il insère un nouvel article 741-2 afin de déterminer la procédure applicable à la mise en œuvre du sursis probatoire lorsquil prend la forme dun « suivi renforcé, pluridisciplinaire et évolutif, faisant lobjet dévaluations régulières » en application de larticle 132-41-1 du code pénal créé par l’article 46 du projet de loi :

– le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) sera chargé d’évaluer la personnalité et la situation du condamné (premier alinéa) ;

– à l’issue de cette évaluation, il adressera au juge de l’application des peines « un rapport comportant des propositions relatives au contenu et aux modalités de mise en œuvre des mesures de contrôle et dassistance, des obligations et des interdictions » (deuxième alinéa), au vu duquel le juge déterminera ces mesures, obligations et interdictions si le tribunal ne l’a pas fait au moment du prononcé de la peine ou pourra les modifier, supprimer ou compléter si elles ont déjà été fixées (troisième alinéa) ;

– le juge devra statuer dans les quatre mois suivant la condamnation, « par ordonnance motivée, après réquisitions écrites du procureur de la République et après avoir entendu les observations du condamné ainsi que, le cas échéant, celles de son avocat », la personne condamnée conservant le droit de refuser l’accomplissement d’un travail d’intérêt général (quatrième alinéa) ;

– la situation de la personne devra être réévaluée « à chaque fois que nécessaire (…) et au moins une fois par an » et les obligations et interdictions auxquelles elle est soumise modifiées en conséquence (avant-dernier alinéa).

En tout état de cause, même lorsque le tribunal n’aura pas ordonné la mise en œuvre d’un sursis probatoire sous la forme d’un suivi renforcé, le juge de l’application des peines conservera la possibilité d’ordonner un tel suivi après évaluation de la situation de la personne, « sil estime que la personnalité du condamné le justifie » (dernier alinéa).

b.   Les modifications opérées par le Sénat

Sur proposition de ses rapporteurs, la commission des Lois du Sénat, en cohérence avec son choix, à l’article 46, de remplacer le sursis probatoire par une peine autonome de probation, a procédé à une réécriture densemble du présent article, permettant aux associations habilitées d’assurer le suivi du condamné au même titre que le SPIP ([591]).

c.   La position de la Commission

Sur proposition du Gouvernement et avec l’avis favorable de votre rapporteur, la Commission a rétabli larticle 47 dans sa rédaction initiale, sous réserve de plusieurs améliorations, demandées par l’Association nationale des juges de l’application des peines, destinées à garantir lévolutivité et la souplesse de la mesure :

–  il a été précisé que l’évaluation de la personne interviendrait de façon pluridisciplinaire, comme c’est le cas actuellement pour la contrainte pénale ;

–  afin de permettre l’adaptation des modalités du suivi du condamné à l’évolution de sa situation, il a été prévu que le juge de l’application des peines puisse mettre fin de façon anticipée au suivi renforcé en cas de bon comportement de la personne ;

–  enfin, l’article 471 du code de procédure pénale est modifié pour tenir compte des cas où le sursis probatoire serait exceptionnellement confié à une association, afin de clarifier les missions qui sont alors dévolues au travailleur social.

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Chapitre III
Dispositions relatives à lexécution des peines

Article 48
(art. 713-42 à 713-49 du code de procédure pénale)
Modalités dexécution de la peine de
détention à domicile sous surveillance électronique

Rétabli par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article précise les modalités d’exécution de la nouvelle peine de détention à domicile sous surveillance électronique créée par les articles 43 et 45 du projet de loi : soumise aux mêmes règles que celles prévues pour l’actuel placement sous surveillance électronique, elle pourra être levée de manière anticipée en cas de bonne conduite pendant une durée au moins égale à la moitié de la peine prononcée ou interrompue en cas de mauvaise conduite.

  Dernières modifications législatives intervenues

Le régime d’exécution du placement sous surveillance électronique n’a fait l’objet, au cours des dernières années, que de modifications mineures de la part du législateur.

  Modifications apportées au Sénat

Le Sénat a supprimé cet article par cohérence avec son rejet, à l’article 43 du projet de loi, de la nouvelle peine de détention à domicile sous surveillance électronique.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission, à l’initiative du Gouvernement et suivant l’avis favorable de votre rapporteur, a rétabli cet article dans une version améliorée.

1.   L’état du droit

Les modalités d’exécution du placement sous surveillance électronique comme modalité d’aménagement des peines d’emprisonnement ferme d’une durée inférieure ou égale à deux ans – un an pour une personne en état de récidive légale – sont déterminées par les articles 723-7 à 723-13-1 du code de procédure pénale, qui prévoient notamment :

– le rôle du juge de l’application des peines lorsque le tribunal a procédé à l’aménagement de la peine au moment de son prononcé, les délais de mise à exécution de cette mesure et les conditions dans lesquelles son bénéfice peut être retiré à la personne ou son exécution remplacée par une mesure de semi-liberté ou de placement à l’extérieur (article 723-7-1) ;

– la mise en place d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence du condamné dans le lieu prévu pour la période déterminée, dans « le respect de la dignité, de lintégrité et de la vie privée de la personne » (article 723-8) ;

– les conditions dans lesquelles le dispositif technique de surveillance est installé et le contrôle, à distance, de la personne par l’administration pénitentiaire (article 723-9) ;

– la faculté laissée au juge de l’application des peines de soumettre la personne condamnée aux mesures de contrôle et aux obligations particulières prévues dans le cadre du sursis avec mise à l’épreuve (article 723-10) et de modifier l’ensemble des conditions d’exécution de la mesure de surveillance, « doffice ou à la demande du condamné, et après avis du procureur de la République » (article 723-11) ;

– la désignation par ce juge d’un médecin pour vérifier que la mise en œuvre du dispositif de surveillance est compatible avec la santé du condamné, cette désignation étant de droit à la demande de ce dernier (article 723-12) ;

– la possibilité donnée à ce même juge de retirer la décision de placement sous surveillance électronique et les conséquences de ce retrait sur la mise à exécution du reliquat de peine d’emprisonnement restant à subir (article 723-13).

2.   Le dispositif proposé

a.   Le projet de loi initial

Le présent article précise, dans le code de procédure pénale, les modalités dexécution de la détention à domicile sous surveillance électronique instituée comme nouvelle peine correctionnelle autonome à l’article 131-3 du code pénal ([592]) et comme modalité d’aménagement des peines de prison d’une durée égale ou inférieure à un an aux articles 132-19 et 132-25 du même code ([593]).

À cette fin, il substitue au titre Ier bis du livre V du code de procédure pénale, consacré à la contrainte pénale absorbée dans le nouveau sursis probatoire ([594]), un nouveau titre Ier bis consacré à la peine de détention à domicile sous surveillance électronique et composé des articles 713-42 à 713-44.

La personne condamnée sera placée sous le contrôle du juge de l’application des peines et les dispositions des articles 723-8 à 723-12 précités s’appliqueront (article 713-42).

Le nouvel article 713-43 prévoit que le juge de l’application des peines, d’office ou sur requête du condamné, pourra mettre fin de manière anticipée à la détention à domicile « si le condamné a satisfait aux mesures, obligations et interdictions qui lui étaient imposées pendant une durée au moins égale à la moitié de la peine prononcée, que son reclassement paraît acquis et quaucun suivi ne paraît plus nécessaire ». Cette fin anticipée de la peine ne pourra être ordonnée par le juge qu’avec l’accord du ministère public, à défaut duquel le juge devra statuer après un débat contradictoire.

Si, à l’inverse, la personne condamnée ne respecte pas les obligations et interdictions auxquelles elle est soumise ou en cas « dinconduite notoire, de nouvelle condamnation ou de refus par le condamné dune modification nécessaire des conditions dexécution », le juge pourra, à la suite d’un débat contradictoire, soit limiter les autorisations dabsence qu’il avait délivrées, soit ordonner lemprisonnement de la personne pour la durée de la peine restant à exécuter (article 713-44).

b.   Les modifications opérées par le Sénat

Par cohérence avec la suppression de la nouvelle peine de détention à domicile sous surveillance électronique à l’article 43 du projet de loi, la commission des Lois du Sénat, sur proposition de ses rapporteurs, a supprimé le présent article.

c.   La position de la Commission

Sur proposition du Gouvernement et avec l’avis favorable de votre rapporteur, la Commission a rétabli cet article, par cohérence avec sa position sur les articles précédents.

Le texte adopté est cependant amélioré afin de permettre au juge de lapplication des peines :

– dans un souci de prévention de la récidive, lorsqu’il met fin de manière anticipée à la surveillance électronique en raison de la bonne conduite du condamné, de soumettre celui-ci jusquà la date de fin de peine aux mesures de contrôle de l’article 132-44 du code pénal ainsi quà certaines obligations ou interdictions spéciales prévues à l’article 132-45 du même code, telles que par exemple l’interdiction de contact avec la victime ou encore l’obligation de soins ;

 dordonner lemprisonnement du condamné pour la durée de la peine restant à exécuter si celui-ci ne respecte pas ces obligations.

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Article 48 bis
(art. 733 du code de procédure pénale)
Modification des conditions doctroi de la libération conditionnelle

Supprimé par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article rend impossible l’octroi d’une seconde libération conditionnelle après l’échec d’une première.

  Dernières modifications législatives intervenues

La loi du 10 mars 2010 tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale a précisé qu’était susceptible de constituer un motif de révocation d’une libération conditionnelle le fait, pour le condamné, de refuser de commencer ou de poursuivre le traitement médical qui lui a été proposé dans le cadre d’une injonction de soins.

  Modifications apportées au Sénat

Le présent article est issu de l’adoption par le Sénat d’un amendement du groupe Les Républicains avec l’avis favorable de sa commission des Lois mais contre celui du Gouvernement.

  Modifications apportées par la Commission

À l’initiative de votre rapporteur, de Mme Nicole Dubré-Chirat ainsi que des autres membres du groupe La République en marche, avec l’avis favorable du Gouvernement, la Commission a supprimé cet article.

Le présent article, issu de l’adoption par le Sénat d’un amendement de M. Henri Leroy et plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains, suivant l’avis favorable de sa commission des Lois mais contre celui du Gouvernement, empêche loctroi dune seconde libération conditionnelle après léchec dune première.

En vertu des articles 729 à 733 du code de procédure pénale, la libération conditionnelle est une mesure d’aménagement de peine permettant la mise en liberté d’un condamné avant la date d’expiration normale de sa peine de prison sous réserve de respecter, pendant un délai d’épreuve, certaines obligations. En l’état du droit, elle peut être octroyée alors même qu’une précédente mesure de même nature avait échoué.

L’article 733 dispose que la décision d’octroi d’une libération conditionnelle peut être révoquée « en cas de nouvelle condamnation, dinconduite notoire, dinfraction aux conditions ou dinobservation des mesures énoncées dans la décision de mise en liberté conditionnelle » ou lorsque le condamné ne remplit plus les conditions légales pour en bénéficier. La révocation entraîne lobligation pour le condamné de subir, selon ce que prévoit la décision de révocation, tout ou partie de la durée de la peine quil lui restait à exécuter au moment de sa mise en liberté conditionnelle, à laquelle peut s’ajouter toute nouvelle peine qu’il aurait encouru.

Le présent article modifie la rédaction de l’article 733 afin de préciser qu’en cas de révocation, la personne condamnée, dune part, ne pourra plus bénéficier dune nouvelle libération conditionnelle et, dautre part, devra exécuter toute la durée de la peine qu’il lui restait à subir.

Sur proposition de votre rapporteur, de Mme Nicole Dubré-Chirat ainsi que de M. Stéphane Mazars et des membres du groupe La République en marche, la Commission a supprimé cet article, qui va à l’encontre de l’objectif d’individualisation des peines poursuivi par le projet de loi. En effet, l’échec d’une première libération conditionnelle pouvant faire partie du processus d’amendement d’une personne condamnée et d’apprentissage des règles nécessaires à sa réinsertion, il convient de laisser aux juridictions de l’application des peines le soin d’apprécier si une deuxième libération conditionnelle est possible ou non.

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Article 49
(art. 720 du code de procédure pénale)
Systématisation de la libération sous contrainte aux deux tiers des peines demprisonnement inférieures ou égales à cinq ans

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article systématise le prononcé d’une libération sous contrainte au bénéfice de toute personne ayant purgé les deux tiers d’une peine de prison de moins de cinq ans, sauf décision spécialement motivée du juge de l’application des peines, afin de réduire au maximum les « sorties sèches » de détention.

  Dernières modifications législatives intervenues

La libération sous contrainte a été instituée par la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales et n’a pas fait l’objet de modifications depuis lors.

  Modifications apportées au Sénat

Le Sénat est revenu sur la systématisation proposée du prononcé d’une libération sous contrainte.

  Modifications apportées par la Commission

Sur proposition du Gouvernement et avec l’avis favorable de votre rapporteur, la Commission a rétabli le texte initial de cet article dans une version améliorée.

1.   L’état du droit

Introduite par la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales, la libération sous contrainte est une mesure de suivi post-sentenciel destinée à organiser le retour progressif et encadré à la liberté des personnes condamnées à une ou plusieurs peines privatives de liberté dune durée de cinq ans au plus.

Il s’agit d’une procédure dexamen obligatoire de la situation de ces personnes aux deux tiers de la peine, afin d’apprécier s’il y a lieu de leur faire bénéficier d’une mesure de sortie encadrée.

Cette procédure était destinée à pallier les insuffisances observées en matière de sorties « sèches » de détention, c’est-à-dire dépourvues d’accompagnement, malgré, d’une part, l’existence de procédures d’octroi des aménagements de peine et de la libération conditionnelle et, d’autre part, l’augmentation des seuils d’aménagement de peine consécutive à l’entrée en vigueur de la loi pénitentiaire de 2009.

Aux termes de l’article 720 du code de procédure pénale, le juge de l’application des peines, après l’examen de la situation du condamné en commission d’application des peines ([595]), décide :

– soit de prononcer une mesure de libération sous contrainte, ce qui entraîne lexécution du reliquat de peine sous le régime de la semi-liberté, du placement à lextérieur, du placement sous surveillance électronique ou de la libération conditionnelle ;

– soit, « sil estime quune telle mesure nest pas possible ou si la personne condamnée na pas fait préalablement connaître son accord », de ne pas prononcer une mesure de libération sous contrainte.

En l’état du droit, l’octroi d’une libération sous contrainte doit se faire « dans le respect des exigences prévues à larticle 707 » du code de procédure pénale, qui prévoit l’adaptation du régime d’exécution des peines privatives de liberté « au fur et à mesure de lexécution de la peine, en fonction de lévolution de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale de la personne condamnée, qui font lobjet dévaluations régulières » et que « toute personne condamnée incarcérée (…) bénéficie, chaque fois que cela est possible, dun retour progressif à la liberté en tenant compte des conditions matérielles de détention et du taux doccupation de létablissement pénitentiaire (…) afin déviter une remise en liberté sans aucune forme de suivi judiciaire ».

Une procédure spécifique est prévue en cas d’absence d’examen de la situation de la personne condamnée, donnant au président de la chambre de l’application des peines la possibilité, d’office ou sur saisine de la personne condamnée ou du procureur de la République, de prononcer une mesure de libération sous contrainte.

Sur le fond, la libération sous contrainte se distingue de l’aménagement de peine « classique » en ce qu’elle ne requiert pas de la personne condamnée la conception d’un projet d’insertion mais son adhésion à un parcours d’exécution de peine et la fixation d’objectifs. Au moment de tirer un premier bilan de cette mesure en octobre 2016, le Gouvernement observait que « la libération sous contrainte vient parfaitement compléter les dispositifs existants, se centrant sur des profils de personnes détenues désocialisées et jusque-là insusceptibles de bénéficier dun aménagement de peine par incapacité à présenter un projet dinsertion ». Il formulait également plusieurs suggestions d’évolution afin d’encourager le développement de cette mesure, notamment en créant des structures pénitentiaires tournées vers la réinsertion et en améliorant la procédure préalable au prononcé d’une telle mesure ([596]).

2.   Le dispositif proposé

a.   Le projet de loi initial

Le présent article tend à faciliter la mise en œuvre dune mesure de libération sous contrainte en la systématisant par principe et en simplifiant la procédure préalable à son prononcé.

En premier lieu, il rappelle, au premier alinéa de l’article 720 précité, le caractère obligatoire de lexamen, aux deux tiers de leur peine, de la situation des personnes condamnées à une ou plusieurs peines privatives de liberté d’une durée de cinq ans au plus, « afin que soit prononcée une libération sous contrainte ». Le juge de l’application des peines devra la décider après avis de la commission d’application des peines en déterminant la mesure d’exécution du reliquat de peine « la mieux adaptée à la situation du condamné ». Il ne pourra la refuser « quen constatant, par ordonnance spécialement motivée, quil est impossible de mettre en œuvre une de ces mesures au regard des exigences de larticle 707 » (1° et 2°).

En second lieu, il exclut la mise en œuvre de la procédure de libération sous contrainte si la personne condamnée a fait connaître son refus d’en bénéficier. Cette procédure ne s’appliquera pas non plus dans le cas où la personne concernée a une requête en aménagement de peine pendante devant une juridiction : dans cette situation, l’aménagement demandé devra être ordonné si la personne, qui exécutait une peine de prison de moins de cinq ans, a purgé les deux tiers de sa peine « sauf sil est impossible à mettre en œuvre au regard des exigences de larticle 707 » ().

b.   Les modifications opérées par le Sénat

À l’initiative de ses rapporteurs, la commission des Lois du Sénat a supprimé la systématisation du prononcé dune libération sous contrainte mais a conservé les dispositions du 3° excluant l’application de cette procédure pour les condamnés qui la refusent ou qui ont une requête en aménagement de peine pendante.

c.   La position de la Commission

Sur proposition du Gouvernement et avec l’avis favorable de votre rapporteur, la Commission a rétabli la systématisation du prononcé dune libération sous contrainte, essentielle pour éviter les « sorties sèches ».

Afin de tenir compte des observations formulées par le parquet du tribunal de grande instance de Créteil lors du déplacement de la Commission au centre pénitentiaire de Fresnes le 17 octobre 2018, la rédaction adoptée prévoit que cest la libération sous contrainte, et non lexamen de la situation du condamné, qui doit intervenir lorsque la durée de la peine accomplie est au moins égale au double de la durée de la peine restant à subir. Cette nouvelle rédaction permettra un examen anticipé de la situation de la personne un peu avant les deux‑tiers de sa peine et la libération sous contrainte des personnes condamnées à des courtes peines, pour lesquelles la durée de détention restant à subir est souvent trop limitée pour permettre la mise en œuvre de cette procédure.

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Article 49 bis A
(art 723-6-1 nouveau du code de procédure pénale)
Agrément et conventionnement des structures
faisant du placement à lextérieur

Introduit par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article pose le cadre général de l’agrément et du conventionnement des structures accueillant et accompagnant des personnes faisant l’objet d’une mesure de placement à l’extérieur, afin de sécuriser l’existence de ces structures et d’en développer le nombre.

  Dernières modifications législatives intervenues

Les modalités d’intervention des structures faisant du placement à l’extérieur n’ont pas fait l’objet de modifications législatives récentes.

  Modifications apportées par la Commission

Le présent article a été adopté par la Commission à l’initiative de sa présidente, Mme Yaël Braun-Pivet, avec l’avis favorable de votre rapporteur et du Gouvernement.

En l’état du droit, les peines d’emprisonnement d’une durée égale ou inférieure à deux ans peuvent être aménagées sous le régime de la semi-liberté́, du placement sous surveillance électronique ou du placement à l’extérieur.

Le présent projet de loi, qui abaisse le seuil d’aménagement à un an, vise à rendre cet aménagement obligatoire, sauf impossibilité, pour les peines d’emprisonnement d’un mois à six mois, et à en faire la règle de principe pour celles de six mois à un an.

Le placement à l’extérieur, régi par les articles 132-25 et 132-26 du code pénal ainsi que les articles 723 à 723-2 et 723-4 du code de procédure pénale, astreint le condamné à effectuer, sous le contrôle de l’administration, des activités en dehors de l’établissement pénitentiaire. Ce sont généralement des structures associatives qui accueillent et accompagnent la personne condamnée.

Le présent article complète les dispositions du code de procédure pénale par un nouvel article 723-6-1 permettant de doter ces structures d’un statut susceptible de sécuriser juridiquement et pérenniser financièrement leurs activités, qui jouent un rôle essentiel dans la réinsertion des personnes détenues :

– elles seraient agréées par lÉtat ;

– une convention pourrait être conclue entre l’État et ces structures pour une durée de trois ans renouvelable, définissant la nature du projet de réinsertion proposé, les conditions d’accueil et d’accompagnement ainsi que les droits et obligations de la personne accueillie et les modalités de financement de la mesure de placement ;

– les règles d’agrément et de conventionnement seraient déterminées par décret en Conseil d’État.

Pour la présidente de la Commission, à l’origine de cette disposition, un tel statut serait particulièrement adapté pour celles de ces structures qui proposent un projet de réinsertion fondé sur des activités agricoles ou le développement durable, dont le modèle mérite d’être encouragé.

Le présent article s’inscrit dans le prolongement des recommandations formulées en 2016 par l’inspection générale des services judiciaires, l’inspection générale des affaires sociales et l’inspection générale des finances, qui, après avoir constaté le plafonnement du nombre des aménagements de peines, préconisaient de « favoriser, notamment au moyen dappels à projet et de participations financières plus adaptées aux besoins, la création de structures daccueil et daccompagnement de personnes sous main de justice offrant des travaux agricoles respectueux de lenvironnement » ([597]).

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Article 49 bis
(art. 723-19 du code de procédure pénale)
Rétablissement de la surveillance électronique de fin de peine

Supprimé par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article permet au juge de l’application des peines de prononcer, à l’égard d’une personne détenue arrivant en fin de peine et n’ayant bénéficié d’aucun aménagement, un placement sous surveillance électronique, à la demande de cette personne, sous réserve de présenter un projet sérieux d’insertion ou de réinsertion et assortie de mesures de contrôle et d’obligations.

  Dernières modifications législatives intervenues

La surveillance électronique de fin de peine, créée en 2009, avait été abrogée par la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales

  Modifications apportées au Sénat

Le présent article est issu de l’adoption par le Sénat d’un amendement du groupe Les Républicains, suivant l’avis favorable de sa commission des Lois mais contre celui du Gouvernement.

  Modifications apportées par la Commission

À l’initiative de votre rapporteur et suivant l’avis favorable du Gouvernement, la Commission a supprimé cet article.

1.   L’état du droit

Expérimentée puis généralisée, à l’article 723-28 du code de procédure pénale, par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, la surveillance électronique de fin de peine prévoyait l’exécution automatique du reliquat de la peine dune personne détenue sous le régime du placement sous surveillance électronique, sauf en cas d’impossibilité matérielle, de refus de l’intéressé, d’incompatibilité entre sa personnalité et la nature de la mesure ou de risque de récidive.

Elle s’appliquait :

– aux personnes condamnées à une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans auxquelles il restait quatre mois d’emprisonnement à subir, lorsqu’aucune mesure d’aménagement de peine n’avait été ordonnée six mois avant la date d’expiration de la peine ;

– aux personnes condamnées à une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à six mois et auxquelles il restait les deux tiers de la peine à subir.

Sa mise en œuvre était confiée au directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation, sans intervention du juge de l’application des peines, mais sous lautorité du procureur de la République qui pouvait fixer des mesures de contrôle et des obligations identiques à celles prévues pour le sursis avec mise à lépreuve.

En l’absence de décision de placement, la personne condamnée pouvait saisir le juge de l’application des peines pour qu’il statue.

La loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales avait abrogé ce dispositif, tirant les conséquences de sa faible utilisation et des critiques formulées à son encontre quant au suivi minimal de la personne concernée, au caractère quasi-automatique de sa mise en œuvre et aux craintes sur les motifs de son utilisation à des fins de gestion des flux de la population carcérale.

La suppression de ce dispositif s’était accompagnée de la création de la procédure de la libération sous contrainte ([598]), répondant au même objectif d’éviter les sorties « sèches » de prison, facteur de récidive.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article, adopté par le Sénat à l’initiative de M. François Pillet et plusieurs membres du groupe Les Républicains, avec l’avis favorable de sa commission des Lois mais contre celui du Gouvernement, rétablit cette mesure au sein dun nouvel article 72319 du code de procédure pénale, en laménageant.

La mesure serait prononcée non plus de manière automatique mais à la demande de la personne condamnée, sous réserve de présenter « un projet sérieux dinsertion ou de réinsertion » et sur décision du juge de lapplication des peines.

Par ailleurs, le procureur de la République, sous l’autorité duquel la mise en œuvre de la mesure serait placée, aurait obligation de prévoir, en complément, des mesures de contrôle et des obligations inspirées de celles prévues dans le cadre du sursis avec mise à l’épreuve.

Le champ d’application de la mesure, défini en fonction de la durée de la peine prononcée, de la durée de la peine restant à subir et de l’absence de mesure d’aménagement de peine, serait identique à celui de l’ancien dispositif.

Cette disposition est la reprise de l’article 19 bis de la proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la justice pénale adoptée par le Sénat en janvier 2017.

3.   La position de la Commission

Sur proposition de votre rapporteur et avec l’avis favorable du Gouvernement, la Commission a supprimé cet article.

La surveillance électronique de fin de peine ne présente plus d’intérêt pratique, du fait de l’existence de la libération sous contrainte. Sa réintroduction, dans une rédaction différente de celle qui était prévue avant 2014, conduirait à poser des conditions plus strictes que celles de l’actuelle libération sous contrainte, qui permet déjà une libération avec surveillance électronique.

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Article 50
(art. 48-1, 706-54, 706-54-1 [nouveau], 706-56-1-1, 710, 711, 712-4-1 [nouveau], 712-5,
723-1, 723-3, 723-7, 730-2 et 747-1 à 747-2 du code de procédure pénale)
Simplification de diverses modalités dexécution de peines

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article procède à plusieurs simplifications et harmonisations des règles procédurales applicables à l’exécution des peines en vue d’alléger le fonctionnement des commissions d’application des peines (CAP), de simplifier le régime des permissions de sortir et d’accélérer le traitement des requêtes post‑sentencielles.

  Dernières modifications législatives intervenues

Ces règles ont fait l’objet de modifications récentes par deux lois, celle du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales (clarification des critères de confusion des peines, présence obligatoire des services pénitentiaires d’insertion et de probation dans les CAP …) et celle du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement (allégement de la procédure des rectifications derreurs matérielles).

  Modifications apportées au Sénat

Le Sénat a approuvé cet article en supprimant cependant la possibilité de dématérialiser les échanges au sein des CAP et en apportant une précision à la simplification du régime des permissions de sortir.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a procédé à plusieurs modifications :

– à la demande du Gouvernement, avec l’avis favorable de votre rapporteur, elle a rétabli la dématérialisation de certains échanges en CAP et les dispositions initiales relatives à la simplification de la délivrance des permissions de sortir ;

– elle a introduit, dans les mêmes conditions, des dispositions améliorant la procédure de conversion de peine ;

– sur proposition de sa présidente, Mme Yaël Braun-Pivet, et suivant l’avis favorable de votre rapporteur et du Gouvernement, elle a modifié les conditions d’accès, par les services statistiques du ministère de la justice, aux données nominatives du logiciel Cassiopée, afin d’améliorer l’évaluation des politiques pénales ;

– à l’initiative de votre rapporteur et avec l’avis favorable du Gouvernement, elle a modifié les règles relatives au fichier national automatisé des empreintes génétiques afin d’en améliorer le fonctionnement et de renforcer la garantie des droits des personnes qui y figurent.

La procédure d’exécution des peines est fixée par le livre V du code de procédure pénale, auquel le présent article apporte plusieurs modifications visant à en simplifier et à en harmoniser les règles, notamment pour recentrer les commissions de l’application des peines sur les requêtes les plus importantes. Nombre de ces modifications sont la traduction de demandes formulées dans le cadre du chantier de la justice consacré au sens et à l’efficacité des peines ([599]).

1.   Le projet de loi initial

a.   Les incidents contentieux sur l’exécution des peines

S’agissant des incidents contentieux portant sur l’exécution d’une peine :

– le I modifie l’article 710 afin de permettre un examen par juge unique des demandes de confusion de peines ([600]), comme c’est le cas pour les autres requêtes post-sentencielles (réparation d’une omission, restitution d’objets saisis, traitement des requêtes en relèvement, en dispense d’inscription aux bulletins nos 2 et 3 du casier judiciaire, relatives à l’application d’une loi d’amnistie ou en contestation d’identité…) à l’exception de celles relevant de contentieux pour lesquels la loi a prévu une procédure spéciale ;

– le II étend, à l’article 711, le traitement simplifié – sans audience, par ordonnance rectificative du président de la juridiction – qui s’applique aujourd’hui aux demandes de rectification des erreurs purement matérielles à lensemble des requêtes post-sentencielles, sous réserve de laccord des parties et sans qu’il soit nécessaire de recueillir celui du ministère public.

b.   Le fonctionnement des juridictions de l’application des peines

Pour ce qui concerne les règles applicables aux juridictions de l’application des peines, le présent article améliore le fonctionnement des commissions dapplication des peines (CAP), en rendant facultative, au sein d’un nouvel article 712-4-1, la présence du chef détablissement pénitentiaire lorsque la CAP est appelée à donner son avis sur la situation d’un condamné sous surveillance électronique ou en placement extérieur sans surveillance de l’administration pénitentiaire – le condamné n’étant pas hébergé dans son établissement, le chef d’établissement n’a pas connaissance de son comportement – et en autorisant les délibérations par voie dématérialisée (III et IV).

c.   Le régime applicable aux aménagements de peines des récidivistes

Dans le prolongement des autres dispositions du projet de loi visant à une plus grande personnalisation de la peine et à un développement de la probation, cet article supprime le seuil dérogatoire dun an demprisonnement – contre deux ans dans le droit commun – applicable pour loctroi dun aménagement de peine à une personne condamnée en état de récidive légale, qu’il s’agisse de la semi-liberté, du placement à l’extérieur ou du placement sous surveillance électronique (V).

Si l’état de récidive légale peut être pris en compte au stade du prononcé de la peine, tel ne doit pas être le cas au moment de son exécution, a fortiori si la personne condamnée démontre de sérieux efforts de réinsertion.

d.   Les permissions de sortir

Le VI simplifie, à l’article 723-3, les modalités de délivrance des permissions de sortir ([601]) aux condamnés majeurs en permettant au directeur de létablissement pénitentiaire où est hébergé le condamné de les octroyer lorsqu’une première permission a été accordée par le juge de l’application des peines après avis de la CAP, sous réserve que ce dernier ne s’y oppose pas. En cas de refus du directeur d’octroyer la permission, le condamné pourra formuler une demande au juge de l’application des peines dans les conditions du droit commun.

Pour le Conseil d’État, « aucune disposition de la Constitution ni aucun principe fondamental reconnu par les lois de la République nexclut que les modalités dexécution des peines privatives de liberté soient décidées par des autorités autres que des juridictions » ([602]). L’évolution proposée s’inspire de ce que pratiquent déjà certains pays européens où l’application des peines relève, en tout ou partie, de la compétence d’une autorité administrative, à l’instar du Royaume‑Uni ou des Pays-Bas.

e.   La libération conditionnelle

Le VII vise à simplifier, à l’article 730-2, la procédure doctroi de la libération conditionnelle lorsqu’elle concerne des personnes condamnées à la réclusion criminelle à perpétuité, à une peine de prison égale ou supérieur à quinze ans pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire ou à une peine de prison égale ou supérieure à dix ans pour une infraction pour laquelle la rétention ou la surveillance de sûreté est encourue.

À cette fin, il supprime lobligation de recueillir, au préalable, lavis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté ([603]), qui apparaît inutile au regard de l’exigence d’évaluation pluridisciplinaire de dangerosité, réalisée dans un service spécialisé chargé de l’observation des personnes détenues et assortie d’une expertise médicale.

Dans le rapport qu’il avait consacré en 2015 à la refonte du droit des peines, M. Bruno Cotte préconisait une telle suppression, notamment en raison des délais dinstruction trop longs de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, incompatible avec les délais de la libération conditionnelle, et du caractère « souvent moins riche » de l’avis qu’elle formule par rapport à celui du centre national d’évaluation ([604]).

f.   La conversion des courtes peines en peines de travail d’intérêt général ou de jour-amende

Les VIII à XII introduisent de nouvelles dispositions portant sur la conversion d’une peine d’emprisonnement ferme en peine de travail d’intérêt général (TIG) ou de jour-amende, qui figurent aujourd’hui dans le code pénal, aux articles 747-1 à 747-2 du code de procédure pénale, relatifs au sursis‑TIG appelé à être absorbé dans le sursis probatoire ([605]).

Comme c’est le cas aujourd’hui, le juge de l’application des peines pourra, avant son exécution ou en cours d’exécution, d’office ou à la demande du condamné, ordonner la conversion dune peine demprisonnement ferme dune durée inférieure ou égale à six mois en TIG ou jour-amende « lorsque cette conversion lui paraît de nature à assurer la réinsertion du condamné et à prévenir sa récidive ». Deux clarifications sont apportées à ces dispositions : d’une part, la conversion en TIG ne sera possible que si la personne ne s’y oppose pas et, d’autre part, en cas de conversion en jour-amende, le nombre de jour sera égal à celui de la peine d’emprisonnement prononcé ou son reliquat.

Comme aujourd’hui, le juge pourra substituer au sursis probatoire comportant l’obligation daccomplir un TIG une peine de jour-amende ou linverse.

2.   Les modifications opérées par le Sénat

Suivant ses rapporteurs, la commission des Lois du Sénat a approuvé l’essentiel de ces évolutions sous deux réserves :

– elle a supprimé la possibilité de fixer par décret des règles de quorum ainsi que les cas et modalités dans lesquels la CAP pourrait délibérer par voie dématérialisée ;

– elle a précisé que la délégation de pouvoir du juge de lapplication des peines au chef détablissement pénitentiaire pour la délivrance de nouvelles permissions de sortir ne concernerait que celles destinées à préparer la réinsertion du condamné ou à maintenir ses lieux familiaux.

3.   La position de la Commission

La Commission a procédé à quatre séries de modifications.

a.   Le rétablissement des dispositions relatives à la dématérialisation des échanges en CAP et aux permissions de sortir

Tout d’abord, sur proposition du Gouvernement et avec l’avis favorable de votre rapporteur, la Commission a rétabli la possibilité pour la CAP de délibérer par voie dématérialisée, lorsqu’elle sera appelée à formuler des avis ne nécessitant pas la réunion physique de l’ensemble de ses membres, ainsi que les dispositions permettant au chef détablissement daccorder des permissions de sortir lorsquune première permission a été accordée par le juge de lapplication des peines, sans exiger de décision expresse de délégation par ce dernier.

b.   L’amélioration des capacités d’évaluation du ministère de la justice

Par ailleurs, à l’initiative de sa présidente et suivant l’avis favorable de votre rapporteur et du Gouvernement, la Commission a autorisé la sousdirection de la statistique et des études (SDSE) du ministère de la justice davoir accès aux informations nominatives de Cassiopée (I A).

Actuellement, la SDSE, service statistique ministériel au sens de la loi n° 51‑711 du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques, dispose de sources expurgées des données nominatives, provenant notamment de Cassiopée, l’article 48‑1 du code de procédure pénale prévoyant que « sauf lorsquil sagit de données non nominatives exploitées à des fins statistiques ou dinformations relevant de larticle 111, les informations figurant dans le bureau dordre national automatisé ne sont accessibles quaux autorités judiciaires ».

Cette situation freine le travail d’évaluation, qui implique de pouvoir constituer et suivre des cohortes d’individus et de rapprocher des informations relatives à une même personne enregistrées dans des fichiers différents ou dans un même fichier mais à des dates successives, lors de retours en justice. Pour le faire et s’assurer de la qualité du rapprochement, c’est-à-dire vérifier que des informations relatives à des personnes différentes ne soient pas rapprochées à tort, il est indispensable de disposer d’un identifiant commun. En l’absence d’un identifiant unique dans les fichiers de la justice, il appartient au statisticien de construire un tel identifiant, ce qui ne peut se faire que sur la base d’éléments nominatifs.

C’est pourquoi l’article 48‑1 précité est modifié afin de permettre que, au‑delà de l’autorité judiciaire, la SDSE, dans le cadre de sa mission de service statistique ministériel soumis au secret statistique, soit rendue destinataire de données nominatives issues de Cassiopée, dans des conditions précisées par décret en Conseil d’État.

c.   La modification des règles de fonctionnement du fichier national automatisé des empreintes génétiques

Sur proposition de votre rapporteur et avec l’avis favorable du Gouvernement, la Commission a complété le présent article par des dispositions relatives au fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG). Certaines de ces modifications résultent des travaux de la mission d’information sur les fichiers mis à la disposition des forces de sécurité conduite par votre rapporteur et M. Pierre Morel-À-L’Huissier ([606]).

D’une part, il s’agit de mettre notre droit en conformité avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de lhomme, en particulier de son arrêt Aycaguer contre France du 22 juin 2017 ([607]) (I B et I C) :

– en prévoyant que les refus d’effacement du procureur pourront être directement contestés devant le président de la chambre de l’instruction, sans intervention du juge des libertés et de la détention, à l’instar de ce qui est prévu pour le traitement des antécédents judiciaires ;

– en créant une garantie nouvelle pour les personnes déclarées coupables afin de leur permettre, comme c’est déjà le cas pour les personnes suspectes et comme l’impose l’arrêt précité, de solliciter leffacement anticipé de leurs données : à peine d’irrecevabilité, la personne ne pourra former sa demande d’effacement qu’après un délai fixé par décret, puisque la durée maximale de conservation des données est elle-même prévue par décret.

D’autre part, il est proposé diverses modifications destinées à améliorer le fonctionnement de ce fichier et renforcer la garantie des droits :

– le refus par une personne condamnée de se soumettre au prélèvement entraînera de plein droit le retrait des seuls crédits de réduction de peine liés aux faits qui lui sont reprochés, à savoir ceux dont elle bénéficie au titre de la condamnation pour cette infraction et de celle fondant le prélèvement, à l’exclusion des autres réductions de peine (I D).

– les recherches en parentalité ne seront plus limitées aux parents en ligne directe, ce qui renforcera l’efficacité du FNAEG (1° du I E) ;

– la référence à la notion d’ADN codant, qui est devenue obsolète et peut représenter pour l’avenir un handicap d’adaptation aux évolutions des nouvelles technologies, est supprimée (2° du I E).

d.   L’amélioration des dispositions relatives aux conversions de peines

Enfin, avec l’avis favorable de votre rapporteur, la Commission a adopté un amendement du Gouvernement améliorant les modalités de conversion des peines (VIII à XII), à la suite d’observations formulées par l’Association nationale des juges de l’application des peines.

Ces nouvelles dispositions visent à permettre la conversion dune peine demprisonnement ferme inférieure ou égale à six mois – déjà possible en peine de travail d’intérêt général (TIG) ou en jour-amende – en peine de détention à domicile sous surveillance électronique ou en emprisonnement assorti dun sursis probatoire renforcé, si elle est de nature à assurer la réinsertion du condamné et à prévenir sa récidive.

Par ailleurs, alors que le projet de loi initial permettait de substituer des peines de jour-amende à des peines de TIG et inversement, il est proposé que cette possibilité de substitution, qui sera également appelée conversion, s’applique par cohérence à la peine de détention à domicile sous surveillance électronique, sous réserve que la situation du condamné se soit modifiée depuis la décision de condamnation.

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Article 50 bis A
(art. 147-1, 720-1-1 et 729 du code de procédure pénale)
Suspension de peine ou remise en liberté médicales pour
les personnes détenues hospitalisées sans leur consentement

Introduit par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article ouvre la possibilité aux personnes détenues placées en hospitalisation sans leur consentement de solliciter une remise en liberté médicale ou une suspension de peine pour raison médicale, afin d’améliorer la continuité de la prise en charge dont elles doivent faire l’objet.

  Dernières modifications législatives intervenues

La loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales a facilité l’octroi d’une suspension de peine pour raison médicale, notamment en visant expressément l’existence de troubles mentaux, et autorisé la remise en liberté de personnes prévenues pour la même raison.

  Modifications apportées par la Commission

Le présent article a été adopté par la Commission à l’initiative de M. Stéphane Mazars et des membres du groupe La République en marche, suivant l’avis favorable de votre rapporteur et du Gouvernement.

1.   L’état du droit

a.   La suspension de peine pour motif médical

En vertu de l’article 720-1-1 du code de procédure pénale, une personne condamnée exécutant une peine d’emprisonnement peut bénéficier d’une suspension de peine, sauf s’il existe un risque grave de renouvellement de l’infraction, dès lors qu’il est établi qu’elle est atteinte « dune pathologie engageant le pronostic vital ou que [son] état de santé physique ou mentale est durablement incompatible avec le maintien en détention ».

Une expertise médicale – contre deux avant que la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales ne simplifie cette règle – doit préalablement établir que le condamné se trouve dans l’une de ces situations, sauf en cas d’urgence où la suspension peut être ordonnée au vu d’un certificat médical établi par le médecin responsable de la structure sanitaire dans laquelle est pris en charge le détenu.

La juridiction qui accorde la suspension peut décider de soumettre le condamné à une ou plusieurs obligations ou interdictions prévues pour le régime de la mise à l’épreuve et ordonner, à tout moment, une expertise médicale afin de vérifier que les conditions sont toujours réunies et, le cas échéant, mettre fin à la suspension. La suspension peut également être interrompue si le condamné ne respecte pas les obligations qui lui ont été imposées ou s’il existe de nouveau un risque grave de renouvellement de l’infraction.

b.   La remise en liberté médicale

Depuis la loi du 15 août 2014 précitée, une personne prévenue placée en détention provisoire peut également solliciter une mise en liberté pour motif médical. Cette procédure, prévue par l’article 147-1 du même code, s’inspire de la suspension médicale de peine prévue pour les personnes détenues condamnées.

La mise en liberté du prévenu peut être prononcée, sauf en cas de risque grave de renouvellement de l’infraction, dès lors qu’une expertise médicale établit qu’il est atteint « dune pathologie engageant le pronostic vital ou que son état de santé physique ou mentale est incompatible avec le maintien en détention ». La personne remise en liberté peut alors être placée sous contrôle judiciaire ou assignée à résidence avec surveillance électronique. Cette remise en liberté peut toutefois prendre fin si les conditions ne sont plus réunies ou si la personne ne respecte pas les obligations qui lui ont été imposées. En cas d’amélioration de l’état de santé de la personne, il appartient au juge d’instruction de demander à nouveau son placement en détention provisoire.

c.   L’exclusion des personnes détenues hospitalisées sans leur consentement

En tout état de cause, les personnes détenues admises en soins psychiatriques sans leur consentement sont exclues du bénéfice de ces dispositions.

2.   Le dispositif proposé

Pour le groupe de travail sur la prise en charge des détenus souffrant de troubles psychiatriques, créé par la commission des Lois et confié à M. Stéphane Mazars (LaREM), l’exclusion, justifiée en droit, de ces personnes lorsqu’elles sont admises en soins sans leur consentement a des conséquences pratiques néfastes en termes de prise en charge médicale.

Si, en droit, cette exclusion s’explique par la comptabilisation de la période de soins sous contrainte, exécutée dans un cadre pénitentiaire, sur le temps de la peine, en pratique, elle oblige à multiplier les allers-retours en hospitalisation d’office dans une unité hospitalière spécialement aménagée ou dans un hôpital psychiatrique le temps pour la personne de se soigner, ce qui entraîne de nombreuses ruptures de soins et une aggravation de son état de santé dès son retour en détention ([608]).

Le présent article, adopté par la Commission à l’initiative de M. Stéphane Mazars et des membres du groupe La République en marche, suivant l’avis favorable de votre rapporteur et du Gouvernement, vise donc à supprimer cette exclusion et à permettre aux personnes détenues placées en hospitalisation sans leur consentement de solliciter une remise en liberté médicale si elles sont prévenues (1°) ou une suspension de peine pour raison médicale si elles sont condamnées (2°).

Par ailleurs, il est proposé de modifier le délai à partir duquel, après l’octroi d’une suspension de peine pour motif médical, une libération conditionnelle peut être accordée sans condition quant à la durée de la peine accomplie si une nouvelle expertise établit que leur état de santé physique ou mental est toujours durablement incompatible avec le maintien en détention et si le condamné justifie d’une prise en charge adaptée à sa situation, conformément à l’article 729 du même code. Aux termes de la nouvelle rédaction de cet article, le délai serait fixé à un an, au lieu de trois actuellement ().

Ces nouvelles dispositions seront de nature à améliorer la qualité et la continuité de la prise en charge médicale dont doivent faire l’objet les personnes détenues souffrant de troubles psychiatriques, ce que l’incarcération ne permet pas.

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Article 50 bis
(art. 707-1-1 [nouveau] du code de procédure pénale)
Création dune Agence de lexécution des peines

Supprimé par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article tend à créer une Agence de l’exécution des peines afin de centraliser et faciliter le traitement des demandes d’exécution des peines d’amende, de confiscation ou d’emprisonnement présentant une certaine complexité en raison de leur dimension internationale.

  Dernières modifications législatives intervenues

Les modalités d’exécution des peines comportant une dimension internationale ont été modifiées par la loi du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale, qui a institué une procédure de coopération internationale aux fins d’exécution des décisions de confiscation.

  Modifications apportées au Sénat

Le présent article est issu de l’adoption par la commission des Lois du Sénat d’un amendement de ses rapporteurs.

  Modifications apportées par la Commission

À l’initiative du Gouvernement et suivant l’avis favorable de votre rapporteur, la Commission a supprimé cet article.

1.   L’état du droit

En l’état du droit, l’exécution des peines comportant une dimension internationale relève de la compétence de plusieurs services des ministères de la justice et de l’intérieur.

Au ministère de la justice, la direction des affaires criminelles et des grâces conseille les juridictions et répond à leurs interrogations par l’intermédiaire du bureau de l’exécution des peines et des grâces ; elle suit également les dossiers d’exécution des peines à vocation internationale impliquant une transmission formalisée entre l’autorité judiciaire française et l’autorité judiciaire étrangère au travers du bureau de l’entraide pénale internationale. Par ailleurs, le bureau de l’action juridique et du droit pénitentiaire de la direction de l’administration pénitentiaire apporte un appui juridique aux greffes judiciaires pénitentiaires. Enfin, l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués traite les demandes étrangères de saisies et confiscations sur le territoire français.

Au ministère de l’intérieur, la « mission Justice » de la direction centrale de la police judiciaire assure l’exécution des conventions internationales de coopération judiciaire.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article, qui résulte de l’adoption par la commission des Lois du Sénat d’un amendement de ses rapporteurs, insère un nouvel article 707-1-1 au sein du code de procédure pénale qui vise à unifier ces compétences au sein d’une Agence de lexécution des peines « ayant pour mission de centraliser la gestion des procédures complexes dexécution des peines ».

Outre un rôle de représentation au sein des instances internationales compétentes en matière d’exécution des peines et de proposition d’évolution du droit de l’exécution des peines, trois missions spécifiques lui seraient confiées :

– participer à la coordination administrative, centraliser et diffuser les informations permettant d’aider les juridictions dans leurs missions d’exécution des peines ;

– assurer « la gestion des dossiers dexécution complexes en matière de peines privatives de liberté ou de peines restrictives de droit résultant de condamnations étrangères de personnes de nationalité française, ou de nationalité étrangère résidant en France » ;

– assurer la mise à exécution des peines de confiscation prononcées par les juridictions françaises sur des biens ou une personne étrangère.

3.   La position de la Commission

Sur proposition du Gouvernement et avec l’avis favorable de votre rapporteur, la Commission a supprimé cet article, après avoir estimé que la création d’une telle agence n’était pas justifiée et soulèverait des problèmes, notamment quant à ses modalités de financement et à la capacité d’une telle agence à prendre ou élaborer indirectement une décision juridictionnelle en lieu et place des magistrats en juridiction.

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*     *

Chapitre III bis
Du droit de vote des détenus

Article 50 ter
Expérimentation du droit de vote des détenus par correspondance

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à expérimenter le vote par correspondance des personnes détenues lors des élections européennes de mai 2019.

  Dernières modifications législatives intervenues

Les conditions d’exercice du droit de vote des détenus n’ont pas fait l’objet de modifications législatives récentes.

  Modifications apportées au Sénat

Le présent article est issu de l’adoption par le Sénat d’un amendement de sénateurs du groupe Les Indépendants – République et territoires, avec l’avis favorable de sa commission des Lois mais contre celui du Gouvernement qui avait proposé un dispositif alternatif.

  Modifications apportées par la Commission

À l’initiative conjointe de votre rapporteur, du groupe La République en marche et du Gouvernement, la Commission a remplacé le dispositif adopté par le Sénat par celui initialement envisagé par le Gouvernement et présentant des garanties supérieures en termes de secret du vote, de sincérité du scrutin et de sécurité.

1.   L’état du droit

Les personnes détenues qui, depuis le 1er mars 1994, ne sont plus automatiquement privées de leur droit de vote au moment de leur condamnation, peuvent s’inscrire dans les conditions de droit commun, soit sur la liste électorale de leur commune d’origine, à condition d’y conserver un domicile, soit sur celle de la commune où est situé l’établissement pénitentiaire, à condition d’y être incarcérées depuis six mois consécutifs, ce qui, dans les faits, constitue une hypothèse minoritaire.

Si elle est régulièrement inscrite sur une liste électorale, la personne détenue peut exercer le droit de vote de deux manières :

– en se déplaçant dans son bureau de vote après avoir sollicité et obtenu une permission de sortir, dont l’un des objets est de permettre « lexercice par le condamné de son droit de vote » ([609]) ;

– en votant par procuration, dont le bénéfice est ouvert par l’article L. 71 du code électoral aux « personnes placées en détention provisoire et [aux] détenus purgeant une peine nentraînant pas une incapacité électorale ».

En l’état du droit, plusieurs obstacles s’opposent en pratique à l’exercice du droit de vote par les personnes détenues, prévenues ou condamnées :

– la complexité des démarches administratives à réaliser pour s’inscrire sur une liste électorale, pour une population ne disposant pas toujours des connaissances suffisantes et d’une maîtrise de la lecture et de l’écriture ;

– la difficulté, tout particulièrement dans les maisons d’arrêt suroccupées, de trouver un mandataire de confiance et de faire valider sa procuration par un officier de police judiciaire ou un membre du tribunal d’instance qui accepte de se déplacer en détention ;

– le caractère limitatif des permissions de sortir qui ne peuvent être octroyées qu’aux personnes condamnées à une ou plusieurs peines d’une durée totale n’excédant pas cinq ans ainsi qu’aux personnes condamnées à une ou plusieurs peines d’une durée totale supérieure à cinq ans lorsqu’elles ont exécuté la moitié de leur peine, ce qui exclut les personnes placées en détention provisoire, les longues peines et les personnes soumises à une période de sûreté.

Ainsi, seules 3,9 % des 53 000 personnes détenues titulaires du droit de vote l’avaient exercé à l’occasion de l’élection présidentielle de 2012, 1,1 % lors des élections municipales de 2014, 2 % lors de la dernière élection présidentielle et 1 % aux élections législatives de juin 2017. Pour ces deux dernières élections, le nombre des procurations effectuées s’élevait respectivement à 853 et 412 et celui des permissions de sortir accordées à 200 et 113.

Plusieurs propositions ont été formulées afin de faciliter le droit de vote en prison. En 2012, les sénateurs Jean-René Lecerf et Nicole Borvo Cohen-Seat recommandaient l’installation de bureaux de vote dans les établissements pénitentiaires, sous réserve d’adaptations aux spécificités de ces établissements ([610]). À la suite, notamment, d’une mobilisation et de recours formés devant le juge administratif par l’association Robin des lois ([611]), le précédent garde des Sceaux, M. Jean-Jacques Urvoas, avait annoncé, en mai 2017, des pistes de réflexion en faveur de l’introduction en détention du vote par correspondance sous pli fermé, sur le modèle de l’élection des députés représentant les Français de l’étranger, après avoir renoncé au lancement d’une expérimentation de bureaux de vote dans un centre pénitentiaire pour les élections de 2017, faute de temps et de base légale.

Lors de son discours devant l’École nationale d’administration pénitentiaire le 6 mars 2018, le président de la République avait formulé le vœu « que tous les détenus en France puissent exercer le droit de vote » pour les prochaines élections européennes.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article, adopté par le Sénat à l’initiative de M. Alain Marc et de sénateurs du groupe Les Indépendants – République et territoires, avec l’avis favorable de sa commission des Lois mais contre celui du Gouvernement, vise à expérimenter un vote par correspondance sous pli fermé dans les établissements pénitentiaires pour les prochaines élections européennes qui se tiendront en mai 2019.

Le choix du vote par correspondance plutôt que l’installation de bureaux de vote permet de tenir compte des difficultés que générerait cette seconde solution, d’une part, pour la tenue et la mise à jour des listes électorales au sein d’établissements qui connaissent de nombreuses et fréquentes entrées et sorties et, d’autre part, sur la composition du corps électoral de la commune où se situe l’établissement.

Pourraient voter les personnes détenues remplissant les conditions pour être électeur, après avoir été informées « au moins huit semaines avant le scrutin » de ce droit et avoir reçu, « à une date fixée par décret en Conseil dÉtat, les bulletins et le matériel de vote ainsi que les circulaires des candidats ».

Ces personnes pourraient voter le jeudi précédant le scrutin, après un passage dans lisoloir et en remettant au chef de létablissement pénitentiaire un pli contenant son bulletin de vote.

LInstitut national de la statistique et des études économiques, désormais chargé de centraliser et mettre à jour l’ensemble des demandes d’inscription et de radiation sur les listes électorales communales au sein d’un répertoire électoral unique, devrait notifier aux chefs détablissements pénitentiaires les communes dans lesquelles les personnes détenues sont inscrites afin que ceux-ci puissent transmettre le pli à la commune dinscription de la personne, « au plus tard le vendredi précédant le scrutin ».

La personne détenue signerait une attestation de remise de son bulletin de vote, sur laquelle figurerait le numéro du pli. Un avis de réception du pli par la commune d’inscription de la personne détenue serait transmis au chef d’établissement « sans délai » (II et III).

Les conditions de l’enregistrement, de la conservation et du transfert du pli seraient définies par décret en Conseil d’État afin de garantir la confidentialité et la sécurité du vote (IV).

Le jour du vote, dans la commune d’inscription de la personne détenue qui a voté par correspondance, le président du bureau de vote et ses assesseurs seraient chargés, à la clôture du bureau, dindiquer le numéro du pli sur la liste démargement et dintroduire lenveloppe contenant le bulletin de vote dans lurne, après vérification que l’électeur n’a pas déjà voté (V).

Le VI du présent article prévoit un bilan de l’expérimentation dans les six mois suivants les élections européennes.

L’adoption de cet article a conduit au rejet d’un amendement concurrent déposé par le Gouvernement, qui proposait également un vote par correspondance sous pli fermé mais aussi l’institution d’une commission électorale chargée d’établir la liste des détenus admis à voter par ce procédé, de recenser les votes et de veiller à la régularité ainsi qu’à la sincérité des opérations de vote.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté trois amendements identiques de votre rapporteur, de M. Stéphane Mazars et des membres du groupe La République en marche ainsi que du Gouvernement, remplaçant ces dispositions par le dispositif initialement proposé par le Gouvernement.

En effet, les dispositions adoptées par le Sénat soulevaient plusieurs difficultés :

– un risque d’atteinte au principe de secret du vote protégé par l’article 3 de la Constitution dans les communes équipées de machines à voter ;

– un risque de stigmatisation des détenus, dans la mesure où les listes d’émargement sur lesquelles les détenus seraient identifiés comme les seuls votants par correspondance pourraient être consultées par tout électeur ;

– une charge supplémentaire pour les communes et les établissements pénitentiaires, à travers l’obligation faite aux 190 chefs d’établissements d’être en lien direct avec l’INSEE pour identifier les électeurs détenus pouvant voter par correspondance et d’adresser leurs votes à de très nombreuses communes ;

– un risque de fraude ou de pertes des plis, eu égard, notamment, au mode d’acheminement des votes et aux délais peu réalistes prévus pour procéder aux formalités nécessaires.

La nouvelle rédaction repose, à l’inverse, sur un dispositif sécurisé de centralisation des suffrages par une commission électorale, permettant de garantir l’opérationnalité du vote par correspondance, à travers une sécurisation de l’acheminement des plis, le respect de la vie privée des détenus et le secret du vote. Cette commission électorale, « chargée de veiller à la régularité et à la sincérité des opérations de vote », aurait pour mission d’établir une liste des électeurs admis à voter, qui constituerait la liste d’émargement, et de procéder au recensement des votes.

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Chapitre III ter
Dispositions pénitentiaires

Article 50 quater
(art. 714, 717 et 726-2 du code de procédure pénale)
Conditions de détention des personnes prévenues dangereuses

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à permettre l’affectation dans les établissements pénitentiaires les plus sécurisés de certains détenus particulièrement signalés, quel que soit leur statut pénal de prévenu ou de condamné, le cas échéant au sein d’une unité dédiée d’évaluation et de prise en charge spécifique.

  Dernières modifications législatives intervenues

Les règles applicables à l’incarcération des personnes prévenues n’ont pas fait l’objet de modifications législatives récentes. La loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement a consacré dans la loi l’existence de ces unités dédiées, en les réservant aux personnes condamnées.

  Modifications apportées au Sénat

Le présent article est issu de l’adoption d’un amendement du Gouvernement par le Sénat avec l’avis favorable de sa commission des Lois.

  Modifications apportées par la Commission

Sur proposition du Gouvernement et avec l’avis favorable de votre rapporteur, la Commission a complété cet article par des dispositions destinées à modifier les règles applicables à l’affectation de personnes détenues au sein de quartiers spécifiques de prise en charge de la radicalisation.

1.   L’état du droit

Le code de procédure pénale fixe des règles spécifiques d’incarcération pour les personnes détenues selon qu’elles sont prévenues ou condamnées, conformément au principe de séparation des prévenus et des condamnés posé par les règles pénitentiaires européennes ainsi que plusieurs conventions internationales ([612]).

Les personnes mises en examen, prévenues et accusées placées en détention provisoire doivent être affectées en maison darrêt (article 714).

Les personnes condamnées purgent leur peine dans un établissement pour peines. Toutefois, peuvent être affectés ou maintenus en maison d’arrêt, à titre exceptionnel, « lorsque des conditions tenant à la préparation de leur libération, leur situation familiale ou leur personnalité le justifient », les condamnés à l’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à deux ans et ceux auxquels il reste à subir une peine d’une durée inférieure à un an, sous réserve d’être incarcérés dans un quartier distinct. Si toute personne condamnée détenue en maison d’arrêt à laquelle il reste à subir une peine d’une durée supérieure à deux ans peut, à sa demande, obtenir son transfèrement dans un établissement pour peines dans un délai de neuf mois à compter du jour où sa condamnation est devenue définitive, elle peut cependant être maintenue en maison d’arrêt lorsqu’elle bénéficie d’un aménagement de peine ou est susceptible d’en bénéficier rapidement (article 717).

Par ailleurs, l’article 726-2 prévoit, depuis 2016, un programme dévaluation et de prise en charge spécifique au sein dune unité dédiée des personnes détenues condamnées « lorsquil apparaît que leur comportement porte atteinte au maintien du bon ordre de létablissement ». Dans ce cas, les personnes peuvent être amenées à exercer leurs activités à l’écart des autres personnes détenues.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article, adopté à l’initiative du Gouvernement par le Sénat, suivant l’avis favorable de sa commission des Lois, vise à déroger à lincarcération de principe des prévenus en maison darrêt pour ceux dentre eux qui présentent une certaine dangerosité.

L’article 714 du code de procédure pénale est complété afin de prévoir que ces prévenus seraient incarcérés dans un établissement pour peines, « à titre exceptionnel, au regard de leur personnalité ou de leur comportement (…) lorsque cette décision apparaît nécessaire à la prévention des évasions ou au maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements pénitentiaires » (I).

Ces prévenus pourraient faire l’objet d’un programme d’évaluation et de prise en charge spécifique dont les conditions, aujourd’hui réservées aux condamnés par l’article 726-2 du même code, sont élargies aux prévenus (I et III).

Enfin, le II complète l’article 717 du même code afin de permettre laffectation des personnes condamnées en maison darrêt au sein dun quartier dédié pour faire lobjet dun programme dévaluation et de prise en charge spécifique.

Le présent article tire les conséquences des observations de la mission d’inspection diligentée par la garde des Sceaux à la suite de l’évasion de M. Rédoine Faïd du centre pénitentiaire du Sud-francilien en juillet 2018, laquelle avait identifié des difficultés liées à la doctrine de gestion des détenus d’une dangerosité particulière. L’exception qu’il est proposé d’instituer au principe de séparation des prévenus et des condamnés devra répondre, pour le Gouvernement, à « des considérations impératives de sécurité, lorsque le comportement, les antécédents ou la personnalité dun prévenu compromettent la sécurité ou lordre de létablissement » ([613]).

3.   La position de la Commission

Tout en approuvant cet article, la Commission, sur proposition du Gouvernement et suivant l’avis favorable de votre rapporteur, en a complété les dispositions afin de modifier le régime juridique applicable aux personnes détenues au sein de quartiers dédiés à la prise en charge de la radicalisation :

– la nouvelle rédaction proposée de l’article 726-2 précité permet l’affectation, dans ces quartiers, des seules personnes détenues majeures, lorsque leur comportement porte atteinte au maintien du bon ordre de létablissement – ce que prévoit le droit actuel – mais aussi à la sécurité public ou est susceptible de porter une telle atteinte ;

– la décision daffectation serait prise par l’autorité administrative, et non plus spécialement par le chef d’établissement, devrait être motivée et ne pourrait « intervenir quaprès une procédure contradictoire au cours de laquelle la personne concernée, qui peut être assistée de son avocat, présente ses observations orales ou écrites » ;

– l’affectation aurait pour effet de soumettre ces personnes à « un programme adapté de prise en charge » et « à un régime de détention impliquant notamment des mesures de sécurité renforcée » ;

– la décision d’affectation devrait faire l’objet d’un réexamen à intervalles réguliers ;

– cette décision ne pourrait pas affecter le droit au respect de la dignité de la personne concernée et de ses autres droits, « sous réserve des aménagements quimpose la sécurité » ;

– les activités en détention continueraient de pouvoir se faire à l’écart des autres personnes détenues, « sous réserve des aménagements quimpose la sécurité ».

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Chapitre IV
Favoriser la construction détablissements pénitentiaires

Article 51
(art. 100 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire)
Allégement des formalités préalables à la construction de prisons

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article adapte les règles d’urbanisme applicables aux opérations d’extension ou de construction d’établissements pénitentiaires afin de rendre possible la livraison, d’ici 2022, de 7 000 nouvelles places de prison : dérogation à l’obligation de réaliser une enquête publique, recours à la procédure d’expropriation d’extrême urgence, mise en compatibilité accélérée des documents d’urbanisme, autorisation des cessions gratuites ou avec décote des terrains des collectivités territoriales.

Il repousse en conséquence à 2022 la mise en œuvre effective du principe d’encellulement individuel.

  Dernières modifications législatives intervenues

Plusieurs lois récentes ont déjà modulé certaines règles d’urbanisme afin de tenir compte de la nécessité ou de l’urgence de procéder à certaines opérations d’intérêt général, notamment la loi du 26 mars 2018 relative à l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.

Le moratoire sur l’encellulement individuel a été repoussé pour la dernière fois, de cinq années, par la loi du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014.

  Modifications apportées au Sénat

Le Sénat a supprimé la possibilité de recourir à la procédure d’expropriation d’extrême urgence. Tout en approuvant les autres dispositions, il en a limité l’application aux opérations entrées en phase d’études avant le 31 décembre 2022, au lieu de 2026, et a renforcé les exigences d’impartialité en cas de dérogation à l’obligation de réaliser une enquête publique. Il a enfin prolongé l’information du Parlement sur l’encellulement individuel jusqu’à la fin du moratoire.

  Modifications apportées par la Commission

Sur proposition du Gouvernement et avec l’avis favorable de votre rapporteur, la Commission a rétabli la possibilité de recourir à la procédure d’expropriation d’extrême urgence et supprimé la limitation de l’application des dispositions du présent article aux seuls projets en phase d’études opérationnelles.

A.   L’état du droit

1.   Des délais de construction trop longs…

La construction de nouvelles structures pénitentiaires est soumise à un certain nombre de formalités durbanisme qui peuvent être regroupées en quatre étapes principales susceptibles de sétaler sur cinq années :

– une première étape, constituée des études préparatoires, de la phase d’acquisition foncière et de la procédure de déclaration d’utilité publique, d’une durée de trente mois environ ;

– une deuxième étape consacrée à la programmation (recherche de nouvelles fonctionnalités, réflexions autour de la qualité architecturale, concertation avec les utilisateurs), qui prend près de neuf mois ;

– une troisième étape, dédiée à la consultation des concepteurs et des entreprises sous la forme de marchés de conception – réalisation, qui dure environ douze mois, voire quinze en cas de procédure de dialogue compétitif ou de consultation infructueuse ;

– une dernière étape, correspondant à la notification du marché et aux études de conception, pour une durée de douze mois.

À ces cinq années de formalités préalables sajoutent environ vingtsept mois de construction, hors oppositions et résistances locales éventuelles, aléas et chantiers préalables de démolition, ainsi que les délais nécessaires pour l’administration pénitentiaire et son opérateur, l’Agence publique pour l’immobilier de la justice, afin qu’ils se dotent des moyens, notamment humains, utiles à la montée en charge du programme immobilier. En définitive, la durée moyenne entre lannonce dun programme immobilier et la livraison du dernier établissement pénitentiaire serait de lordre dune décennie ([614]).

2.   …qui s’expliquent en partie par certaines formalités d’urbanisme

Une partie de ce délai décennal trouve son origine dans la longueur induite par certaines formalités d’urbanisme.

a.   La procédure d’enquête publique

Les projets d’établissements pénitentiaires relèvent en effet du champ de la procédure de l’évaluation environnementale prévue par l’article L. 122-1 du code de l’environnement ([615]) et de la procédure d’enquête publique posée par l’article L. 123-2 du même code afin d’assurer l’information et la participation du public ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers lors de l’élaboration des décisions susceptibles d’affecter l’environnement.

La procédure denquête publique suit plusieurs étapes déterminées par les articles L. 123-3 à L. 123-18 du même code et qui peuvent prendre 120 jours :

Certains projets, qui font lobjet dune évaluation environnementale, sont exemptés denquête publique, comme les projets de création de zone d’aménagement concerté et des projets de faible importance ([616]). Pour ceux-ci, la participation du public s’effectue par voie électronique, en application de l’article L. 123-19 de ce même code. Cette procédure plus courte consiste dans la mise à disposition du public du dossier par voie électronique, l’information de celui-ci, en ligne et par affichage en mairie, quinze jours avant l’ouverture de la participation électronique, laquelle est ouverte pour une durée d’au moins trente jours.

b.   La procédure d’expropriation

Des expropriations peuvent parfois être nécessaires, notamment lorsque le projet de construction se situe en centre-ville. Une procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique, composée de deux phases distinctes, l’une administrative, l’autre judiciaire, doit alors être mise en œuvre selon les modalités fixées par le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique :

– l’utilité publique est déclarée après enquête publique par arrêté de l’autorité compétente de l’État ou décret en Conseil d’État et déclenche l’ouverture d’une enquête parcellaire permettant à l’autorité compétente de dresser la liste des propriétaires concernés et de déclarer cessibles les parcelles ;

– à défaut de cession amiable, le transfert de propriété se fait par voie d’ordonnance du juge de l’expropriation et l’envoi en possession ([617]) n’intervient que si le transfert a été ordonné par le juge sous réserve que l’expropriant verse les indemnités d’expropriation ou procède à leur consignation.

Par dérogation à ces règles, une procédure dexpropriation spéciale est prévue par les articles L. 521-1 à L. 522-4 du même code « lorsque lextrême urgence rend nécessaire lexécution immédiate de travaux intéressant la défense nationale » ou lorsque l’exécution de certains travaux de construction déclarés dutilité publique « risque dêtre retardée par des difficultés tenant à la prise de possession dun ou de plusieurs terrains non bâtis, situés dans les emprises de louvrage » (autoroutes, routes express ou nationales, voies de chemins de fer, de tramways ou de transport en commun en site propre, oléoducs et ouvrages des réseaux publics d’électricité régulièrement déclarés d’utilité publique). Cette procédure permet de faire prononcer l’envoi en possession par décret rendu sur avis conforme du Conseil dÉtat et de ne le subordonner qu’au paiement ou à la consignation d’une indemnité provisionnelle dans les quinze jours suivants le décret autorisant la prise de possession.

c.   La mise en compatibilité des documents d’urbanisme

La mise en œuvre de certains projets de constructions entraîne généralement la nécessité de modifier préalablement, parfois de façon substantielle, certains documents d’urbanisme à vocation générale (plan local d’urbanisme, schéma de cohérence territoriale…) ainsi que des schémas et plans plus spécifiques (plan de prévention des risques…). Le nombre des documents d’urbanisme à modifier peut être important et chacun de ces schémas ou plans, issu d’une législation particulière, doit l’être selon une procédure spécifique, ce qui génère de longues périodes de mise en conformité des plans d’urbanisme.

Pour faire face à ces difficultés, le législateur a institué, à partir de 2003, des procédures accélérées de mise en compatibilité des documents durbanisme – la déclaration de projet et la procédure intégrée – permettant une mise en compatibilité conjointe des documents durbanisme locaux et des normes de rang supérieur pour certaines opérations dintérêt général. Par l’intégration de plusieurs procédures en une seule, elles permettent de raccourcir les délais, notamment en organisant une seule évaluation environnementale, une seule enquête publique et une seule concertation. Parmi ces procédures figure la procédure intégrée prévue à larticle L. 300-6-1 du code de lurbanisme qui s’applique, depuis l’entrée en vigueur de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, à quatre types d’opérations :

– la réalisation d’une opération d’aménagement ou de construction d’intérêt général comportant principalement des logements ;

– la réalisation d’un projet immobilier de création ou d’extension de locaux d’activités économiques, présentant un caractère d’intérêt général en raison de son intérêt majeur pour l’activité économique locale ou nationale et au regard de l’objectif de développement durable ;

– la réalisation d’une grande opération d’urbanisme d’intérêt général ;

– la réalisation d’une opération de revitalisation du territoire.

B.   Le dispositif proposé

Le présent article vise à adapter ces règles de construction et durbanisme à la nécessité d’augmenter rapidement la capacité carcérale de notre pays et de répondre au double défi posé par létat du parc pénitentiaire :

– le défi de la suroccupation, posé par les taux d’occupation records des prisons (117 % au 1er septembre 2018), singulièrement des maisons d’arrêt (141 %) et l’incapacité à respecter le principe de l’encellulement individuel, inscrit dans la loi depuis 1875 et que les dispositions du projet de loi en faveur des peines de probation ne suffiront pas à résoudre sans accroissement du nombre de places de prison ;

– le défi du vieillissement et de l’inadaptation, qui oblige à de lourdes et coûteuses opérations de reconstruction ou de réhabilitation, d’autant plus coûteuses que le parc vieillit aussi vite qu’il est suroccupé, ainsi qu’à repenser l’équipement et la localisation des établissements afin de les adapter aux profils des personnes détenues et aux exigences de leur réinsertion sociale.

CARTE DES 15 000 PLACES DU PLAN IMMOBILIER PÉNITENTIAIRE

C’est à ce double défi qu’entend répondre le Gouvernement au travers du plan pénitentiaire annoncé par la garde des Sceaux le 12 septembre 2018 et financé à hauteur d’un milliard et demi d’euros. 15 000 places de prisons seront construites d’ici 2027, dont 7 000 livrées dès 2022. 2 500 places seront construites en maisons d’arrêt, le cas échéant avec un haut niveau de sécurité. Pour mieux adapter les régimes de détention, 2 000 places seront créées au sein de structures d’accompagnement vers la sortie (SAS) – situées en agglomération pour favoriser la réinsertion sociale et professionnelle, elles accueilleront les condamnés à des peines de moins d’un an ou à de longues peines en fin de détention – et deux prisons expérimentales centrées autour du travail et dotées de 360 places permettront d’intégrer des entreprises partenaires à la prise en charge en détention (voir, en annexe du présent rapport, la carte des 15 000 places de prison).

1.   Le projet de loi initial

Pour permettre la concrétisation rapide de ce nouveau plan pénitentiaire et éviter les écueils calendaires des précédents, quatre mesures sont proposées.

a.   Déroger à l’obligation de réaliser une enquête publique

Le I du présent article prévoit d’alléger la procédure de consultation du public en prévoyant que, « pour la réalisation des opérations dextension ou de construction détablissements pénitentiaires entrés en phase détudes avant le 31 décembre 2026, la participation du public aux décisions ayant une incidence sur lenvironnement » seffectue par voie électronique, comme c’est le cas aujourd’hui pour les projets faisant l’objet d’une évaluation environnementale et exemptés d’enquête publique (premier alinéa).

Il est précisé que les observations et propositions déposées par le public feront l’objet d’une synthèse dans le mois suivant la clôture de la participation par un ou plusieurs garants nommés par la Commission nationale du débat public dans des conditions garantissant leur neutralité et impartialité. Cette synthèse mentionnerait les réponses et évolutions proposées par le maître d’ouvrage ou la personne publique responsable pour en tenir compte (deuxième alinéa).

Cette dérogation à l’obligation de réaliser une enquête publique ne sera toutefois pas applicable à l’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique dans le cadre d’une expropriation pour cause d’utilité publique, notamment pour permettre une meilleure évaluation du montant de l’indemnisation de la personne expropriée (dernier alinéa).

Le gain de temps attendu par le Gouvernement est estimé à 45 à 120 jours.

b.   Recourir à la procédure d’expropriation d’extrême urgence

Le II rend la procédure d’expropriation d’extrême urgence prévue aux articles L. 522-1 à L. 522-4 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique applicable à ces mêmes opérations d’extension ou de construction.

La prise de possession immédiate des immeubles dont l’acquisition est nécessaire à la réalisation de ces opérations pourra donc se faire par décret rendu sur avis conforme du Conseil dÉtat et n’être subordonnée qu’au paiement ou à la consignation d’une indemnité provisionnelle.

L’extension de cette procédure à d’autres cas que ceux mentionnés dans le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique n’est pas une nouveauté, plusieurs lois de 1987, 1993, 2001, 2010 et 2018 l’ayant étendue, à titre temporaire, pour les besoins, respectivement, de l’organisation des Jeux Olympiques d’Albertville, de la construction du stade de France à Saint-Denis, de la réalisation d’un itinéraire à grand gabarit pour l’acheminement des pièces du fuselage de l’airbus A 380, du réseau de transport du Grand Paris et de l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

c.   Mettre en œuvre la procédure intégrée pour la mise en compatibilité des documents d’urbanisme

Le III autorise la mise en œuvre de la procédure intégrée prévue à l’article L. 300-6-1 du code de l’urbanisme pour la réalisation des mêmes opérations, ce qui permettra la mise en compatibilité simultanée de plusieurs documents durbanisme, simplifiant et raccourcissant ainsi les délais d’avancement du programme immobilier pénitentiaire.

Cette évolution s’inscrit dans le prolongement d’autres extensions de la procédure intégrée en 2018, l’une, pérenne, aux fins de réaliser une grande opération d’urbanisme ou une opération de revitalisation du territoire ([618]), l’autre, temporaire, pour les nécessités de l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ([619]).

d.   Faciliter la cession gratuite ou avec décote de terrains par les collectivités territoriales

Enfin, pour remédier aux difficultés soulevées par la phase d’acquisition foncière, en particulier au coût parfois élevé d’une telle acquisition dans certaines zones « tendues » comme l’Île-de-France ou la région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur, le IV autorise la cession gratuite ou avec décote de terrains des collectivités territoriales.

Une telle cession n’est pas admise en l’état du droit, une collectivité publique ne pouvant céder un bien de son patrimoine privé à un prix inférieur à sa valeur réelle. Contraire aux principes d’égalité et de protection due au droit de propriété, cette pratique est assimilée à une aide indirecte et prohibée depuis la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Par exception, l’article L. 1511-3 du code général des collectivités territoriales permet à certaines collectivités territoriales ([620]) d’octroyer des aides sur leur territoire mais seulement en matière d’investissement immobilier des entreprises et de location de terrains ou d’immeubles, aux seules fins de création ou dextension des activités économiques.

Le présent article ajoute une deuxième exception à la prohibition des aides indirectes, « pour favoriser la réalisation des opérations dextension ou de construction détablissements pénitentiaires entrés en phase détudes avant le 31 décembre 2026 », au bénéfice de lensemble des collectivités territoriales, de leurs établissements publics ou de leurs groupements.

L’ensemble de ces quatre évolutions devrait permettre, d’après l’étude d’impact annexée au projet de loi, de réduire d’environ neuf mois le délai de construction d’une maison d’arrêt et de six mois celui d’une structure à sécurité adaptée.

e.   Le report du moratoire sur l’encellulement individuel

Le V tire les conséquences de l’impossibilité matérielle datteindre lobjectif de lencellulement individuel avant le 31 décembre 2019, date fixée par le législateur en 2014, et à repousser sa mise en œuvre au 31 décembre 2022.

Le principe de l’encellulement individuel est fixé à l’article 717-2 du code de procédure pénale, qui dispose que « les condamnés sont soumis dans les maisons darrêt à lemprisonnement individuel de jour et de nuit, et dans les établissements pour peines, à lisolement de nuit seulement, après avoir subi éventuellement une période dobservation en cellule » et qu’« il ne peut être dérogé à ce principe que si les intéressés en font la demande ou si leur personnalité justifie que, dans leur intérêt, ils ne soient pas laissés seuls, ou en raison des nécessités dorganisation du travail ».

Introduit dans notre droit par la loi du 5 juin 1875 sur le régime des prisons départementales ([621]), ce principe a été repris dans le code de procédure pénale en 1958, avec des possibilités d’y déroger, mais ce n’est qu’avec la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes qu’un délai, de trois ans, a été fixé pour sa mise en œuvre effective. Afin de réduire les risques de contentieux pour l’État nés de la suroccupation des établissements, l’entrée en vigueur de ce principe a, par la suite, été reportée, de cinq années supplémentaires par la loi du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière puis par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009. Enfin, le moratoire a une nouvelle fois été prorogé de cinq ans, jusqu’au 31 décembre 2019, par la loi du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014.

Pour le Gouvernement, la date du 31 décembre 2022 est réaliste, en raison de l’effet conjugué, d’une part, de la livraison de 7 000 places de prison d’ici 2022, que les dispositions du présent article entendent faciliter, et, d’autre part, de la baisse du nombre de détenus, estimée à 8 000, grâce au développement des peines de probation encouragé par d’autres articles du projet de loi.

2.   Les modifications opérées par le Sénat

La commission des Lois du Sénat, sur proposition de ses rapporteurs, est revenue sur certaines de ces dispositions :

– sagissant de la possibilité de déroger à lobligation de réaliser une enquête publique, elle a renforcé les exigences dimpartialité des garants chargés de la synthèse des observations et propositions déposées par le public ;

 elle a supprimé le recours à la procédure dexpropriation dextrême urgence ;

– elle a remplacé l’enquête publique nécessaire pour mener la procédure intégrée de mise en conformité des documents d’urbanisme par un dispositif de participation du public par voie électronique, comme c’est le cas pour la préparation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ;

– elle a limité lapplication du présent article aux seules opérations d’extension ou de construction d’établissements entrées en phase détudes opérationnelles, et non préalables, avant le 31 décembre 2022, au lieu de 2026 ;

– elle a prévu linformation du Parlement sur la mise en œuvre de lencellulement individuel par la remise d’un rapport au dernier trimestre 2019 puis au troisième trimestre 2022.

3.   La position de la Commission

À l’initiative du Gouvernement et suivant l’avis favorable de votre rapporteur, la Commission est revenue sur deux de ces modifications :

– d’une part, elle a supprimé la limitation du champ dapplication des dispositions du présent article aux seuls projets en phase détudes opérationnelles : le Sénat ayant ramené à fin 2022, au lieu de 2026, la période de recours à ces dispositions, il importe de viser non seulement les projets en phase d’études opérationnelles mais aussi ceux faisant encore l’objet, à cette date, d’études préalables, d’opportunité et de faisabilité technique d’implantation ;

– d’autre part, elle a rétabli les dispositions permettant le recours à la procédure dexpropriation dextrême urgence dans la mesure où cette procédure est très encadrée et s’applique déjà dans d’autres domaines d’intérêt comparable.

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Article 51 bis
(art. 4, 39 et 40 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire)
Isolement électronique des détenus

Supprimé par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article inscrit dans la loi l’interdiction pour les détenus de disposer d’un terminal mobile ou de terminaux de connexion à internet dans leur cellule et restreint leur droit de communiquer avec l’extérieur aux seules correspondances postales.

  Dernières modifications législatives intervenues

Les conditions dans lesquelles les personnes détenues ont accès au téléphone et peuvent correspondre par écrit avec l’extérieur et les modalités de surveillance de ces communications ont été consacrées pour la première fois au niveau législatif par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009.

  Modifications apportées au Sénat

Le présent article est issu de l’adoption par le Sénat d’un amendement du groupe Les Républicains, suivant l’avis favorable de sa commission des Lois mais contre celui du Gouvernement.

  Modifications apportées par la Commission

À l’initiative du Gouvernement et avec l’avis favorable de votre rapporteur, la Commission a supprimé cet article.

1.   L’état du droit

Les principales règles applicables au contrôle des communications de toute nature des personnes détenues avec l’extérieur sont fixées par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009.

a.   Le contrôle des communications téléphoniques

L’article 39 de cette loi reconnaît à toutes les personnes détenues, qu’elles soient prévenues ou condamnées, « le droit de téléphoner aux membres de leur famille » et la possibilité d’être autorisées à téléphoner à d’autres personnes pour préparer leur réinsertion.

Toutefois, pour pouvoir téléphoner, les prévenus doivent obtenir l’autorisation de l’autorité judiciaire.

Ce droit n’interdit pas le refus, la suspension ou le retrait de laccès au téléphone « pour des motifs liés au maintien du bon ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions et, en ce qui concerne les prévenus, aux nécessités de linformation ».

L’exercice de ce droit se fait par lintermédiaire de terminaux de téléphonie filaire fixe, autrement dits des « points-phone ». Sont en conséquence interdites toutes les autres communications électroniques, notamment les communications sans fil transitant par les technologies « GSM », « GPRS », « Bluetooth », « Wifi » « Wimax », ce qui couvre le cas des terminaux de téléphonie mobile ou offrant un accès à internet (smartphone). Cette interdiction est posée par l’article R. 57-6-18 du même code, relatif aux règlements intérieurs des établissements.

Les communications téléphoniques font l’objet de contrôles de ladministration pénitentiaire au travers de diverses techniques de renseignement, dans les conditions prévues par l’article 727-1 du même code et à l’exception des communications entre la personne détenue et son avocat.

b.   Le contrôle des correspondances écrites

L’article 40 de cette loi règle les conditions dans lesquelles les personnes détenues peuvent correspondre par écrit avec l’extérieur.

Si « les personnes condamnées et, sous réserve que lautorité judiciaire ne sy oppose pas, les personnes prévenues peuvent correspondre par écrit avec toute personne de leur choix », ces correspondances peuvent être contrôlées et retenues par ladministration pénitentiaire lorsqu’elles paraissent « compromettre gravement leur réinsertion ou le maintien du bon ordre et la sécurité ». Cette possibilité de contrôle et de retenue est exclue pour les correspondances échangées entre les personnes détenues et leur défenseur, certaines autorités administratives et judiciaires françaises et internationales et les aumôniers agréés auprès de l’établissement.

c.   L’interdiction de contrôler les échanges avec le Contrôleur général des lieux de privation de liberté

En vertu de l’article 4 de la même loi, la possibilité de contrôler les communications téléphoniques, les correspondances et tout autre moyen de communication ne s’applique pas aux échanges entre le Contrôleur général des lieux de privation de liberté et les personnes détenues, sous peine de sanctions pénales.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article, adopté par le Sénat à l’initiative de Mme Catherine Di Folco et plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains, avec l’avis favorable de sa commission des Lois mais contre celui du Gouvernement, vise à organiser « lisolement électronique des détenus » ([622]) dans leur cellule.

Le inscrit à l’article 39 de la loi pénitentiaire l’interdiction pour les détenus de disposer dun terminal mobile ou de terminaux de connexion à internet dans leur cellule

Le complète l’article 40 de cette loi pour prévoir que le droit pour tout détenu de correspondre par écrit avec une personne à lextérieur ne concerne que la correspondance postale, à l’exclusion des correspondances électroniques. Il dispose également que « laccès libre à internet nest pas autorisé aux détenus ».

Enfin, le 1° exclut les échanges autres que les communications téléphoniques et les correspondances de linterdiction de contrôler les échanges entre le Contrôleur général des lieux de privation de liberté et les personnes détenues.

3.   La position de la Commission

Sur proposition du Gouvernement et suivant l’avis favorable de votre rapporteur, la Commission a supprimé cet article, qui relève du niveau règlementaire, et non législatif, et aurait pour effet d’interdire le développement de la dématérialisation des démarches en détention (projet « Numérique en détention »), sans répondre en pratique au défi de l’introduction illicite de moyens de communication en détention.

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Article 51 ter
(art. 35 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire)
Palpations systématiques des visiteurs en détention

Supprimé par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article autorise l’administration pénitentiaire à soumettre les personnes titulaires d’un permis de visite à « toute mesure de contrôle jugée nécessaire à la sécurité et au bon ordre de létablissement » avant leur entrée en détention, ce qui permet notamment des palpations systématiques.

  Dernières modifications législatives intervenues

Les modalités de contrôle des visiteurs en prison n’ont pas fait l’objet de modifications législatives.

  Modifications apportées au Sénat

Le présent article est issu de l’adoption par le Sénat d’un amendement du groupe Les Républicains, suivant l’avis favorable de sa commission des Lois mais contre celui du Gouvernement.

  Modifications apportées par la Commission

À l’initiative de votre rapporteur, du groupe La France insoumise et du Gouvernement, la Commission a supprimé cet article.

Les modalités selon lesquelles les personnes détenues, condamnées ou prévenues, peuvent faire l’objet de visites en détention sont déterminées par l’article 35 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009.

Les prévenus peuvent être visités par les membres de leur famille ou d’autres personnes, au moins trois fois par semaine, et les condamnés au moins une fois par semaine.

S’agissant des prévenus, le permis de visite doit être délivré par l’autorité judiciaire et la décision de refus motivée. Pour ce qui concerne les condamnés, l’autorité administrative est seule compétente pour délivrer les permis de visite et peut les refuser, suspendre ou retirer :

– aux membres de la famille pour des motifs liés au maintien du bon ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions ;

– à d’autres personnes que les membres de la famille pour les mêmes motifs « ou sil apparaît que les visites font obstacle à la réinsertion du condamné ».

L’article D. 406 du code de procédure pénale prévoit que « laccès au parloir implique les mesures de contrôle jugées nécessaires à légard des visiteurs, pour des motifs de sécurité ». En pratique, les familles et proches d’une personne détenue qui rentrent dans un établissement pénitentiaire pour accéder aux parloirs sont soumises à un détecteur métallique, leurs affaires sont passées dans un tunnel à rayons X et des palpations de sécurité sont possibles en cas de détection persistante du portique.

Le présent article, adopté par le Sénat à l’initiative de Mme Catherine Di Folco et de plusieurs sénateurs Les Républicains, avec l’avis favorable de sa commission des Lois mais contre celui du Gouvernement, prévoit que les visiteurs pourront être soumis à « toute mesure de contrôle jugée nécessaire à la sécurité et au bon ordre de létablissement », ce qui peut inclure la réalisation de palpations systématiques des visiteurs en détention, afin déviter lintroduction en prison dobjets ou substances illicites.

La Commission a adopté trois amendements identiques de votre rapporteur, de M. Ugo Bernalicis et des membres du groupe La France insoumise ainsi que du Gouvernement visant à supprimer cet article.

Comme pour le précédent, les dispositions de cet article relèvent du niveau réglementaire et non de la loi, sont disproportionnées et auraient pour effet de ne soumettre aux contrôles proposés que les familles qui rendent visite à un proche détenu, à l’exclusion des autres personnes susceptibles d’intervenir en détention.

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Chapitre V
Diversifier les modes de prise en charge des mineurs délinquants

Article 52
(art. 33 et 40 de lordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à lenfance délinquante)
Amélioration de la préparation à la sortie des mineurs délinquants

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article améliore les outils de la protection judiciaire de la jeunesse pour préparer la réinsertion des mineurs délinquants, en autorisant l’accueil temporaire à l’extérieur d’un mineur placé en centre éducatif fermé (CEF) afin de préparer sa sortie du centre ou gérer certaines situations de crise, en prévoyant un droit de visite et d’hébergement pour les parents à l’égard d’un mineur placé et en expérimentant une nouvelle mesure d’accueil de jour, intermédiaire entre les actuelles activités de jour, qui n’offrent pas une prise en charge assez intensive, et le placement.

  Dernières modifications législatives intervenues

La loi d’orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, qui a créé les CEF, les avait réservés aux mineurs de 13 à 18 ans ayant commis des crimes ou délits et placés sous contrôle judiciaire ou condamnés à une peine assortie d’un sursis avec mise à l’épreuve. La loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité puis celle du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance ont ajouté, à ces hypothèses de placement, les mineurs en libération conditionnelle et ceux en placement extérieur.

  Modifications apportées au Sénat

Cet article a été adopté par le Sénat sans modification.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté cet article en ne lui apportant que des modifications rédactionnelles.

A.   L’État du droit

L’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante fait dépendre la poursuite et le jugement des mineurs délinquants de règles particulières, héritées du début du 20e siècle et soumises au principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice pénale des mineurs. Ce principe suppose « latténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de lâge » ainsi que la recherche du « relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées » ([623]).

En vertu de l’article 2 de cette ordonnance, les magistrats peuvent prononcer, à l’égard d’un mineur :

– des mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation appropriées ;

– lorsque les circonstances et sa personnalité l’exigent, une sanction éducative s’il est âgé de plus de 10 ans ou, s’il a plus de 13 ans, une peine (amende, emprisonnement, travail d’intérêt général tenant compte de l’atténuation de sa responsabilité pénale), le cas échéant complétée d’une sanction éducative.

Les mesures éducatives susceptibles d’être prononcées à l’égard d’un mineur sont d’une grande diversité ([624]) mais consistent, en principe, soit dans un accompagnement en milieu ouvert par des services territoriaux (liberté surveillée, mesure de réparation, mise sous protection judiciaire), soit dans un placement éducatif en établissement du secteur public ou associatif habilité.

Dans la plupart des cas, les mesures de placement s’opèrent dans des structures ouvertes sur l’extérieur. Elles peuvent toutefois, depuis 2002, être mises en œuvre au sein de centres éducatifs :

– soit dans l’un des 51 centres éducatifs renforcés (CER) : ce sont des structures d’hébergement, créées en 1999, destinées à organiser une rupture temporaire du mineur avec son milieu d’origine et fondées sur des programmes d’activités intensifs ;

– soit au sein de l’un des 52 centres éducatifs fermés ([625]) (CEF) : créés en 2002, ce sont des structures d’hébergement alternatives à l’incarcération à destination des mineurs de 13 à 18 ans, multirécidivistes, multiréitérants ou ayant commis des faits très graves, placés en application d’un contrôle judiciaire, d’un sursis avec mise à l’épreuve, d’un placement à l’extérieur ou d’une libération conditionnelle, et proposant une prise en charge intensive et permanente d’une durée de six mois, renouvelable une fois.

En 2017, 983 mineurs avaient intégré un CER, pour une durée moyenne de 3,2 mois, un taux d’occupation de 83 % et un coût moyen à la journée de 563 euros par mineur, tandis que 1 519 jeunes avaient été placés en CEF, pour une durée moyenne de 3,9 mois, un taux d’occupation de 76 % et un coût moyen à la journée de 661 euros par mineur ([626]).

Si le nombre de places en CER tend à diminuer ces dernières années, la programmation budgétaire inscrite dans le présent projet de loi vise la création de 20 nouveaux CEF afin de remédier au déséquilibre de leur implantation géographique, en particulier dans le sud de la France, et de répondre à la forte demande sociale de contrôle et de sécurité.

B.   Le dispositif proposÉ

Plusieurs évaluations des CEF ont été conduites par le passé, concluant toutes à la nécessité dorganiser un accompagnement renforcé pour les mineurs sortant de CEF ([627]) « afin de les soutenir dans leur réadaptation vers un cadre de vie non fermé » et « damoindrir la rupture que constitue le passage du CEF, dispositif très encadré, à un retour au domicile ou à une prise en charge dans une autre structure », en assouplissant les conditions de placement en en associant les partenaires extérieurs ([628]).

Tel est l’objet du présent article, qui entend traduire dans notre droit ces recommandations afin de combler le vide laissé par labsence de mesure intermédiaire entre laccompagnement du mineur en milieu ouvert et son placement et tenir compte des difficultés auxquelles se heurte l’élaboration du projet éducatif de fin de placement « en raison de léloignement de certains de ces établissements des centres urbains, de léloignement du lieu de résidence familiale ou du service éducatif de milieu ouvert connaissant le jeune antérieurement et garant de la continuité de la prise en charge » ([629]).

1.   Le projet de loi initial

a.   L’accueil temporaire dans le cadre d’un placement en CEF

Afin de remédier à ces difficultés de préparation à la sortie mais aussi répondre aux situations ponctuelles de crise qu’une sortie provisoire du mineur du CEF permettrait de désamorcer, il est proposé que le juge ou le tribunal des enfants puisse autoriser létablissement à organiser un accueil temporaire du mineur dans dautres lieux, par exemple un foyer, une famille d’accueil ou un hébergement autonome en appartement. Le non-respect par le mineur de ses obligations en cas d’accueil dans l’un de ces lieux pourrait entraîner son incarcération. Il est précisé que le CEF resterait juridiquement responsable si le jeune causait un dommage lors de son accueil à l’extérieur (1° du I).

Par ailleurs, le présent article reconnaît un droit de visite et dhébergement aux parents dun mineur qui fait lobjet dune mesure de placement au pénal. Ce droit devra être fixé par le magistrat dans sa décision et pourra concerner les placements en CEF, dans les autres types d’hébergement du secteur public ou associatif de la protection judiciaire de la jeunesse ou auprès d’un tiers digne de confiance (2° du I). Ce nouveau droit, qui vient sécuriser des pratiques existantes, est déjà prévu pour les mineurs placés en assistance éducative au civil, en vertu de l’article 375-7 du code civil.

Votre rapporteur voit deux bénéfices principaux à ces dispositions :

– elles amélioreront les perspectives de réinsertion du jeune, par une augmentation de la durée moyenne de placement en CEF – en pratique nettement inférieure à la prescription judiciaire de six mois – et par le maintien d’un accompagnement éducatif quotidien dans un cadre moins sécurisé mais plus responsabilisant ;

– le caractère séquentiel des temps de placement permettra d’anticiper les crises – ce qui sera un facteur d’apaisement pour le groupe pris en charge – ou d’extraire un mineur du collectif en réponse à un incident sans qu’il soit nécessaire de révoquer le contrôle judiciaire ou la mise à l’épreuve.

De manière plus générale, une enquête conduite en 2012 sur les mineurs placés entre 2003 et 2006 démontrait que la baisse de la réitération après un placement en CEF dépendait principalement de la durée du placement – la récidive baissant au-delà de six mois de placement – et que ce dernier commençait à produire des effets à partir de quatre mois d’accueil effectif, ce qui souligne l’importance d’un maintien du jeune dans la même structure malgré la survenue d’incidents ou à l’issue d’un passage en détention.

b.   L’expérimentation d’une mesure éducative d’accueil de jour

Le II autorise l’expérimentation, pour une durée de trois ans à compter de la publication de la loi, du prononcé dune mesure daccueil de jour, consistant « en une prise en charge pluridisciplinaire en journée, collective, et dont la continuité est garantie à partir dun emploi du temps individualisé, adapté aux besoins spécifiques du mineur ». Elle serait ordonnée pour une durée de six mois, renouvelable deux fois, et pourrait se poursuivre après la majorité du jeune s’il en est d’accord.

La mesure pourrait être mise en œuvre, sur décision du magistrat, par un service ou un établissement du secteur public ou du secteur associatif habilité. Les ressorts dans lesquels cette mesure pourrait être prononcée, dont le nombre ne saurait excéder vingt, seront définis par arrêté du ministre de la justice : la direction de la protection judiciaire de la jeunesse prévoit de sélectionner dix‑huit projets, soit deux par direction inter-régionale.

L’expérimentation ferait l’objet d’une évaluation transmise au Parlement dans les six mois qui précèdent son achèvement.

Cette nouvelle mesure éducative d’accueil de jour, intermédiaire entre l’accompagnement du mineur en milieu ouvert et son placement, contribuera elle aussi à faciliter le passage du CEF aux dispositifs de droit commun, tels que la mesure d’activité de jour, qui n’offrent pas une prise en charge aussi contenante.

2.   Les modifications opérées par le Sénat

Cet article a été adopté par le Sénat sans modification.

3.   La position de la Commission

La Commission a approuvé cet article, sous réserve de modifications rédactionnelles et de précision.

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TITRE V BIS
ACCROÎTRE LA MAÎTRISE DES DÉPENSES DAIDE JURIDICTIONNELLE

Les articles 52 bis à 52 quinquies résultent tous de l’adoption par la commission des Lois du Sénat d’amendements de ses rapporteurs, visant à traduire dans notre droit certaines recommandations de la mission d’information sénatoriale sur le redressement de la justice en matière de maîtrise des dépenses de justice ([630]) et reprises dans la proposition de loi d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice adoptée par cette assemblée en octobre 2017.

Article 52 bis
(art. 1635 bis Q du code général des impôts)
Rétablissement dune contribution pour laide juridique

Supprimé par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article rétablit une contribution pour l’aide juridique, acquittée par tout  justiciable introduisant une instance devant une juridiction judiciaire ou administrative, à l’exclusion de certaines procédures, et modulable de 20 à 50 euros.

  Dernières modifications législatives intervenues

Créée par la loi du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 afin de financer l’aide juridique, cette contribution a été supprimée par la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

  Modifications apportées au Sénat

Le présent article est issu de l’adoption par la commission des Lois du Sénat d’un amendement de ses rapporteurs.

  Modifications apportées par la Commission

À l’initiative de votre rapporteure et avec l’avis favorable du Gouvernement, la Commission a supprimé cet article.

1.   L’état du droit

a.   L’aide juridique

Aux termes de l’article 1er de loi du 10 juillet 1991, laide juridique comprend trois dispositifs :

– l’aide juridictionnelle, qui bénéficie aux personnes physiques et, exceptionnellement, aux personnes morales à but non lucratif, dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits en justice, et ce pour toutes les procédures juridictionnelles, actes ou mesures d’exécution des peines ;

– l’aide à lintervention non-juridictionnelle de lavocat, qui garantit lassistance dune personne par un avocat au cours dune garde à vue, dune audition libre, dune retenue douanière ou dune retenue pour vérification du droit au séjour ou de circulation, lors de mesures alternatives aux poursuites ou au cours de procédures en milieu pénitentiaire ;

– l’aide à laccès au droit, qui recouvre l’ensemble des dispositifs visant à développer l’accès à l’information juridique, en particulier pour les personnes démunies confrontées à des difficultés juridiques et sociales, au travers notamment des conseils départementaux d’accès au droit et des maisons de justice et du droit.

b.   La contribution pour l’aide juridique

Pour financer laide juridique, le législateur avait institué, en 2011, une contribution pour laide juridique (« droit de timbre ») dun montant de 35 euros, perçue pour chaque instance introduite en matière civile, commerciale, prud’homale, sociale ou rurale devant une juridiction judiciaire, ou par instance introduite devant une juridiction administrative, et due par la partie qui introduit l’instance au moment de l’introduction de celle-ci.

Cette contribution n’était toutefois pas due par l’État et les bénéficiaires de l’aide juridictionnelle ainsi que pour certaines procédures :

– devant la commission d’indemnisation des victimes d’infraction, le juge des enfants, le juge des libertés et de la détention et le juge des tutelles ;

– celles de traitement des situations de surendettement des particuliers ainsi que de redressement et de liquidation judiciaires ;

– devant une juridiction administrative à l’encontre de toute décision individuelle relative à l’entrée, au séjour et à l’éloignement d’un étranger ainsi qu’au droit d’asile ;

– devant le juge des référés afin d’obtenir la sauvegarde d’une liberté fondamentale ;

– devant le juge aux affaires familiales dans le cas de violences exercées au sein du couple ;

– ou dans le cas de réclamations de personnes estimant avoir été omises sur les listes électorales par suite d’une erreur purement matérielle ou avoir été radiées de ces listes sans observation des formalités requises.

Afin de ne pas freiner laccès à la justice, en particulier pour les justiciables aux ressources situées juste au-dessus du plafond de l’aide juridictionnelle, le législateur a supprimé la contribution pour laide juridique par la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014. La suppression de ce financement, qui représentait chaque année environ 50 millions d’euros, a été compensée par une prise en charge par l’État et par plusieurs mesures :

– en 2014, le renforcement du dispositif permettant de faire payer les frais d’avocat de la partie qui bénéficie de l’aide juridictionnelle par son adversaire, si celui-ci perd le procès ([631]) ;

– en 2015, laugmentation de la taxe spéciale sur les contrats d’assurance de protection juridique, la revalorisation du montant de la taxe forfaitaire sur les actes des huissiers de justice, acquittée par l’huissier, pour le compte de son client et l’augmentation des droits fixes de procédure dus par chaque condamné en matière pénale, variant de 31 à 527 euros selon l’importance de l’instance ([632]) ;

– en 2016, une nouvelle hausse de la taxation des contrats d’assurance de protection juridique, le remplacement des recettes provenant de la taxe sur les actes des huissiers et du droit fixe de procédure pénale par un prélèvement forfaitaire sur le produit d’une partie des amendes pénales ;

– en 2018, une nouvelle hausse de la taxation des contrats d’assurance de protection juridique et une augmentation de la fraction prélevée sur le produit des amendes pénales ([633]).

À titre indicatif, dans le projet de loi de finances pour 2019, les dépenses daide juridictionnelle pour lannée prochaine devraient atteindre 506,7 millions deuros (contre 453,9 millions d’euros l’année dernière), financées par 423,7 millions d’euros de crédits budgétaires (contre 370,9 millions d’euros l’année dernière) et 83 millions d’euros de ressources extrabudgétaires, stables par rapport à 2018 (45 millions d’euros au titre de la taxe sur les contrats d’assurance et 38 millions d’euros au titre du prélèvement forfaitaire sur le produit d’une partie des amendes pénales). Les aides aux interventions non‑juridictionnelles des avocats devraient représenter 69,8 millions d’euros.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article, adopté par la commission des Lois du Sénat à l’initiative de ses rapporteurs, est la reprise de l’article 18 de la proposition de loi d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice, que cette assemblée avait adoptée en octobre 2017.

Il est la traduction juridique d’une proposition de la mission d’information sénatoriale sur le redressement de la justice, visant à apporter une « réponse simple et efficace au besoin de financement de laide juridictionnelle » face au constat d’une augmentation constante des dépenses d’aide juridictionnelle « avec lextension continue du champ des procédures dans lesquelles le droit à lassistance dun avocat est reconnu (présence de lavocat en garde à vue, assistance de la victime qui participe à une identification...), mais également au fil des réformes concernant le système daide lui-même (relèvement du plafond dadmission pour les justiciables, revalorisation de lunité de valeur au bénéfice des avocats, meilleure prise en charge de la médiation...) » ([634]).

Il est donc proposé de rétablir, à larticle 1635 bis Q du code général des impôts, la contribution pour laide juridique, dans une rédaction très proche de celle qui existait avant sa suppression :

– le montant de cette contribution ne serait plus de 35 euros mais modulable, de 20 à 50 euros ;

– comme par le passé, la contribution ne serait pas due par les bénéficiaires de laide juridictionnelle et dans les mêmes contentieux précédemment mentionnés, auxquels le présent article ajoute les procédures prudhomales introduites par les salariés et les procédures de conciliation.

Pour les sénateurs qui en sont à l’origine, le rétablissement de cette contribution rapporterait chaque année plus de 50 millions d’euros.

3.   La position de la Commission

Sur proposition de votre rapporteure et suivant l’avis favorable du Gouvernement, la Commission a supprimé cet article pour quatre raisons :

– de manière générale, le fonctionnement et le financement de l’aide juridictionnelle font déjà l’objet de réflexions de la part du Gouvernement et du Parlement, une mission d’information de la Commission ayant récemment été créée sur ce sujet, dont il convient d’attendre les conclusions ;

– l’instauration d’un tel « droit de timbre » serait de nature à freiner l’accès à la justice, en particulier pour les justiciables aux ressources situées juste au-dessus du plafond de l’aide juridictionnelle ;

– même si le budget consacré à l’aide juridictionnelle a augmenté significativement ces dernières années, des provisions suffisantes ont été prévues pour l’année 2019, tenant compte de l’extension de la représentation obligatoire prévue dans le projet de loi ;

– enfin, la modulation, proposée par le Sénat, du montant de cette contribution, entre 20 et 50 euros, pose question quant à sa conformité au principe constitutionnel d’égalité devant les charges publiques, aucun critère n’étant défini pour déterminer le montant de cette contribution au sein de cette fourchette.

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Article 52 ter
(art. 18-1 [nouveau] de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à laide juridique)
Consultation obligatoire dun avocat
avant toute demande daide juridictionnelle

Supprimé par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à rendre obligatoire, sauf exceptions, la consultation d’un avocat préalablement au dépôt d’une demande d’aide juridictionnelle, afin que celui-ci vérifie le bien-fondé de l’action et prévienne l’attribution indue de l’aide pour des affaires manifestement irrecevables ou dénuées de fondement.

  Dernières modifications législatives intervenues

Le principe du filtrage des demandes d’aide juridictionnelle pour des actions manifestement irrecevables ou dénuées de fondement existe depuis l’adoption de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique et n’a pas fait l’objet de modification depuis lors.

  Modifications apportées au Sénat

Le présent article est issu de l’adoption par la commission des Lois du Sénat d’un amendement de ses rapporteurs. Le Sénat a rejeté un amendement de suppression de cet article déposé par le Gouvernement en séance.

  Modifications apportées par la Commission

À l’initiative de votre rapporteure et avec l’avis favorable du Gouvernement, la Commission a supprimé cet article.

Le présent article, qui résulte de l’adoption par la commission des Lois du Sénat d’un amendement de ses rapporteurs, insère un nouvel article 18-1 au sein de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique prévoyant la consultation obligatoire dun avocat avant toute demande daide juridictionnelle afin que celui-ci « vérifie que laction envisagée napparaît pas manifestement irrecevable ou dénuée de fondement ».

Cette consultation ne serait toutefois pas exigée lorsque le justiciable est défendeur ou, en matière pénale, dans le cas de demandes relevant de l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle en raison de leur caractère urgent (témoin assisté, personne mise en examen, prévenue, accusée, condamnée ou faisant l’objet d’une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité).

La rétribution de l’avocat pour cette consultation serait prise en charge au titre de l’aide juridictionnelle si le demandeur remplit les autres conditions que celle relative au bien-fondé de l’action.

Les sénateurs à l’origine de cette disposition entendent « rendre effectif le filtre actuellement prévu par larticle 7 de la loi du 10 juillet 1991 relative à laide juridique, qui nest jamais appliqué en pratique » alors qu’il dispose que « laide juridictionnelle est accordée à la personne dont laction napparaît pas, manifestement, irrecevable ou dénuée de fondement ».

Cette disposition est la reprise de l’article 19 de la proposition de loi d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice, que cette assemblée avait adoptée en octobre 2017.

Sur proposition de votre rapporteure et suivant l’avis favorable du Gouvernement, la Commission a supprimé cet article, dans l’attente d’une réforme d’ensemble de l’aide juridictionnelle.

Par ailleurs, des consultations juridiques gratuites, préalables à une demande d’aide juridictionnelle, sont d’ores et déjà délivrées dans le cadre des dispositifs d’accès au droit pour mieux conseiller les justiciables et favoriser le recours aux modes alternatifs de règlement des différends quand ils sont plus adaptés.

Enfin, rendre la consultation préalable d’un avocat obligatoire et prévoir sa rétribution à l’aide juridictionnelle aurait un coût élevé.

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Article 52 quater
(art. 21 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à laide juridique)
Consultation obligatoire des organismes sociaux par les bureaux daide juridictionnelle pour apprécier les ressources du demandeur

Supprimé par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article rend obligatoire la faculté aujourd’hui donnée aux bureaux d’aide juridictionnelle (BAJ) d’interroger certains services et organismes sociaux afin de rendre plus effectif et rapide le contrôle des ressources prises en compte pour apprécier l’éligibilité de l’intéressé à l’aide.

  Dernières modifications législatives intervenues

Les conditions dans lesquelles les BAJ procèdent à ce contrôle n’ont pas fait l’objet de modifications de nature législative depuis leur instauration par la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.

  Modifications apportées au Sénat

Le présent article est issu de l’adoption par la commission des Lois du Sénat d’un amendement de ses rapporteurs. Le Sénat a rejeté un amendement de suppression de cet article déposé par le Gouvernement en séance.

  Modifications apportées par la Commission

À l’initiative de votre rapporteure et avec l’avis favorable du Gouvernement, la Commission a supprimé cet article.

Dans le même esprit que les deux précédents, le présent article, qui résulte de l’adoption par la commission des Lois du Sénat d’un amendement de ses rapporteurs, vise à rendre obligatoire, à l’article 21 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, la consultation, aujourdhui facultative, par les bureaux daide juridictionnelle (BAJ) des services ou des organismes sociaux compétents pour apprécier les ressources des demandeurs.

En l’état du droit, l’article 21 précité dispose en effet que « le bureau daide juridictionnelle peut recueillir tous renseignements sur la situation financière de lintéressé » et que « les services de lÉtat et des collectivités publiques, les organismes de sécurité sociale et les organismes qui assurent la gestion des prestations sociales sont tenus de communiquer au bureau, sur sa demande, sans pouvoir opposer le secret professionnel, tous renseignements permettant de vérifier que lintéressé satisfait aux conditions exigées pour bénéficier de laide juridictionnelle ».

Désormais, les BAJ devraient consulter ces services et organismes qui demeureraient tenus de leur communiquer tous renseignements utiles, sans pouvoir opposer le secret professionnel.

Traduction de la proposition n° 106 de la mission d’information sénatoriale sur le redressement de la justice ([635]), cette disposition est présentée par les sénateurs qui en sont à l’origine comme un moyen permettant aux BAJ de contrôler rapidement et effectivement les ressources d’un demandeur, sans se contenter de déclarations sur l’honneur. Elle est la reprise de l’article 20 de la proposition de loi d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice, que cette assemblée avait adoptée en octobre 2017.

Sur proposition de votre rapporteure et suivant l’avis favorable du Gouvernement, la Commission a supprimé cet article, dans l’attente d’une réforme d’ensemble de l’aide juridictionnelle.

Par ailleurs, l’obligation de consultation par les BAJ des services ou des organismes sociaux pour apprécier les ressources du demandeur n’est pas nécessaire, les BAJ ayant d’ores et déjà accès à ces données.

Enfin, la consultation d’administrations détentrices d’informations pertinentes à l’instruction d’une demande d’aide juridictionnelle est déjà programmée dans le cadre du projet de « système d’information de l’aide juridictionnelle » qui vise notamment à simplifier la constitution du dossier de demande.

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Article 52 quinquies
(art. 44 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à laide juridique)
Attribution au Trésor public du recouvrement des sommes
à récupérer versées au titre de laide juridictionnelle

Supprimé par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article confie au Trésor public le soin de recouvrer les sommes versées au bénéficiaire de l’aide juridictionnelle à la suite d’une décision de retrait de l’aide ou auprès de la partie – non bénéficiaire de l’aide juridictionnelle – condamnée aux dépens ou qui perd son procès afin d’améliorer l’effectivité du recouvrement.

  Dernières modifications législatives intervenues

Les modalités de recouvrement de ces sommes, initialement organisées comme en matière d’amendes ou de condamnations pécuniaires, ont été modifiées par la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 qui a prévu qu’elles se feraient comme en matière de recettes non fiscales.

  Modifications apportées au Sénat

Le présent article est issu de l’adoption par la commission des Lois du Sénat d’un amendement de ses rapporteurs. Le Sénat a rejeté un amendement de suppression de cet article déposé par le Gouvernement en séance.

  Modifications apportées par la Commission

À l’initiative de votre rapporteure et avec l’avis favorable du Gouvernement, la Commission a supprimé cet article.

1.   L’état du droit

La loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique prévoit que le bénéfice de laide juridictionnelle peut être retiré dans plusieurs cas :

– dans le cadre de la procédure dadmission provisoire à laide juridique, à la suite de la mise en œuvre d’un contrôle a posteriori des ressources du demandeur auquel cette aide avait été octroyée « dans les cas durgence » ou « lorsque la procédure met en péril les conditions essentielles de vie de lintéressé, notamment en cas dexécution forcée emportant saisie de biens ou expulsion », sans contrôle a priori de la recevabilité de sa demande (article 20) ;

– en cas de déclarations ou de pièces inexactes (premier alinéa de l’article 50) ;

– si le bénéficiaire perçoit ultérieurement des ressources (1° du même article) ou lorsque la décision passée en force de chose jugée lui a procuré des ressources (2° du même article) telles que, si elles avaient existé au jour de la demande daide juridictionnelle, celle-ci aurait été refusée ;

– lorsque la procédure engagée par le demandeur bénéficiaire a été jugée dilatoire ou abusive (3° du même article).

Jusqu’en 2011, le recouvrement de ces sommes suivait les mêmes procédures qu’en matière d’amendes et de condamnations pécuniaires. La loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 a simplifié ces règles pour les aligner sur celles applicables aux créances étrangères à limpôt et au domaine et les adapter à la nature juridique des sommes dues, qui sont des frais avancés par lÉtat.

Malgré cette évolution, la mission d’information sénatoriale sur le redressement de la justice estimait qu’« en pratique, le retrait nest que rarement ordonné – il représente environ 0,1 % du nombre dadmissions annuel – et, quand il lest, les sommes ne sont recouvrées que dans 3 ou 4 % des cas » ([636]).

2.   Le dispositif proposé

Traduction de la proposition n° 109 de cette mission d’information, le présent article, qui résulte de l’adoption, par la commission des Lois du Sénat, d’un amendement de ses rapporteurs, vise à améliorer le taux de recouvrement des sommes versées au bénéficiaire de laide juridictionnelle à la suite dune décision de retrait de laide ou, plus généralement, auprès de la partie condamnée aux dépens ou qui perd son procès ([637]), dès lors que celle-ci n’est pas bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, en confiant ce recouvrement au Trésor public.

Cette disposition est la reprise de l’article 22 de la proposition de loi d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice, que cette assemblée avait adoptée en octobre 2017.

3.   La position de la Commission

Sur proposition de votre rapporteure et suivant l’avis favorable du Gouvernement, la Commission a supprimé cet article, dans l’attente d’une réforme d’ensemble de l’aide juridictionnelle.

Par ailleurs, le circuit de recouvrement a été modifié plusieurs fois ces dernières années : l’intérêt de le changer une nouvelle fois n’est donc pas établi et l’évolution proposée impliquerait de nouveaux développements informatiques et transfèrerait la charge de travail sur les greffes des juridictions.

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Titre VI
Renforcer l’organisation des juridictions

Chapitre Ier
Améliorer l’efficacité en première instance

Article 53
(art. 121-1, 121-3, 121-4, 122-1, 123-1, 123-4, 211-1, 211-3, 211-4, 211-4-1 [nouveau], 211-4-2 [nouveau], 211-5 [abrogé], 211-6, 211-7, 211-8, 211-9-2, 211-9-3 [nouveau], 211-10, 211-11, 211-11-1, 211-12, 211-13, 211-14, 211-16, 212-1, 212-2, 212-3, 212-4, 212-6, 212-6-1 [nouveau], 212-7 [nouveau], 213-1, 213-2, 213-4-1 [nouveau], 213-4-2 à 213-4-8 [nouveaux], 213-5, 213-6, 213-7, 213-9, 215-1, 215-2 et 215-3 à 215-7 [nouveaux], 216-1, 216-2, 217-1, 217-2, 218-1, 218-6 et 218-10 du code de lorganisation judiciaire, art. 39-4 [nouveau], 52-1, 80 et 712-2 du code de procédure pénale, 1134-10, 1422-1, 1423-11, 1454-2, 1521-3, 2312-15, 2312-46, 2315-74, 2323-4, 2323-39, 2325-38, 2325-40, 2325-55 et 3252-6 [abrogé] du code du travail, 4261-2 et 4262-2 du code des transports) 
Réorganisation juridictionnelle et statutaire

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à :

– procéder à la fusion du tribunal de grande instance avec les tribunaux d’instance de son ressort maintenus sous la forme de chambres détachées du tribunal de grande instance dont les compétences minimales seront fixées par décret ;

– supprimer la fonction spécialisée de juge d’instance ;

– prévoir une possibilité de spécialisation de certains tribunaux de grande instance en matière civile et pénale au sein d’un même département ;

– désigner des procureurs de la République chefs de file au niveau départemental ;

– garantir la présence d’au moins un juge d’instruction et juge d’application des peines à l’échelle départementale.

  Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a modifié les articles 211-1 et 221-1 du code de l’organisation judiciaire afin de retirer la compétence pénale exercée par le tribunal d’instance en tant que tribunal de police au profit du tribunal de grande instance et créé l’article 123-3 qui institue un service d’accueil unique du justiciable (SAUJ).

  Modifications apportées au Sénat

Lors de l’examen en commission, plusieurs amendements ont été adoptés à l’initiative des rapporteurs, afin de :

– changer la dénomination du tribunal de grande instance en tribunal de première instance ;

– supprimer la dénomination de tribunal d’instance pour les chambres détachées du tribunal de grande instance en conservant la seule dénomination de « chambres détachées » ;

– préciser que le socle de compétence des chambres détachées sera fixé au niveau national par décret pris en Conseil d’État et que des compétences supplémentaires pourront leur être attribuées par les chefs de cours sur proposition des chefs de juridiction ;

– prévoir des garanties de localisation des emplois de magistrat et de greffier ;

– mettre en place un dispositif d’encadrement de toute modification de la carte judiciaire ;

– créer une fonction non-statutaire de juge chargé des contentieux de la proximité ;

– supprimer la possibilité de spécialiser des tribunaux de grande instance au sein d’un même département en matière civile et pénale.

Lors de l’examen en séance, le Sénat a rejeté un amendement de réécriture globale de l’article présenté par le Gouvernement, et a adopté plusieurs amendements rédactionnels ou de coordination.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté un amendement de réécriture globale présenté par le Gouvernement dans le but, d’une part, de rétablir la version initiale des dispositions modifiées par le Sénat et, d’autre part, d’instaurer une nouvelle dénomination de « tribunal judiciaire », de préciser les conditions de spécialisation des contentieux à l’échelle départementale et de créer la fonction statutaire de juge des contentieux de la protection.

Cet amendement a fait l’objet d’un sous-amendement à l’initiative de la rapporteure afin de prévoir, à titre exceptionnel, un mécanisme de spécialisation contentieuse inter-départementale entre tribunaux judiciaires.

1.   Létat du droit

Découlant de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, l’organisation judiciaire n’a pas subi de profonds bouleversements depuis 1958, au-delà de quelques évolutions à l’instar de la mise en place des juridictions interrégionales spéciales (JIRS) par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, ou de la création par la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale de pôles de l’instruction en matière criminelle.

Dans un souci de bonne administration de la justice et de simplification de l’accès au droit, l’article 2 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 a créé le service d’accueil unique du justiciable (SAUJ) prévu par l’article 123-3 du code de l’organisation judiciaire. Situé au sein de chaque juridiction, le SAUJ constitue un point d’entrée unique et centralisé pour le justiciable qui peut ainsi obtenir des informations sur les modalités de saisine des juridictions compétentes et effectuer des actes de procédure pouvant relever d’une autre juridiction.

Le code de l’organisation judiciaire détermine également l’institution, la compétence, l’organisation et le fonctionnement du tribunal d’instance et du tribunal de grande instance qui composent les juridictions de première instance.

L’article 211-3 précise que le tribunal de grande instance est la juridiction de droit commun de première instance. Statuant par principe en formation collégiale, il connaît des affaires civiles et pénales, sous réserve des compétences des autres juridictions d’attribution (cour d’assises, tribunal pour enfant, tribunal de commerce, conseil de prud’hommes, etc.). Il détient une compétence exclusive dans certains domaines (état des personnes, successions, actions immobilières, etc.). En matière pénale, il est dénommé « tribunal correctionnel » lorsqu’il juge les délits, et « tribunal de police » lorsqu’il juge les contraventions ([638]). Un parquet est institué près chaque tribunal de grande instance.

En outre, plusieurs tribunaux de grande instance sont spécialement désignés pour statuer dans certaines matières, sur tout ou partie du territoire national, telles que les actions en matière de propriété littéraire et artistique ([639]) ou celles engagées en matière de déplacement illicite international d’enfants ([640]).

Le fonctionnement et la compétence du tribunal d’instance sont fixés par les articles 221-1 et suivants. Statuant à juge unique, le tribunal d’instance traite des affaires civiles d’un montant inférieur à 10 000 euros ([641]). Il détient également des compétences particulières relatives à des contentieux sériels tels que les baux d’habitation, le surendettement ou les tutelles des majeurs. Il dispose d’un greffe qui lui est propre, bénéficiant ainsi d’une véritable autonomie vis-à-vis du tribunal de grande instance.

Eu égard à la notion d’ordre public de protection qui caractérise les contentieux traités par le tribunal d’instance, le législateur a spécialement prévu la faculté pour le juge d’instance de relever d’office les moyens tirés du non-respect du code de la consommation ([642]) ou de vérifier d’office la dette locative ([643]), sans qu’il ne soit saisi en ce sens par les parties au litige.

Le statut de juge d’instance ([644]) correspond à une fonction spécialisée prévue par la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature. L’article 28-3 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précise ainsi que les juges d’instance sont nommés par décret du Président de la République sur proposition du ministre de la justice après avis conforme de la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature.

Le cadre statutaire et organisationnel des juridictions de première instance fait ainsi apparaître une forme de cloisonnement et de rigidité peu adaptée à l’évolution des contentieux et à la prise en compte des spécificités territoriales au sein de chaque ressort.

2.   Le projet de loi initial

Dans un objectif de simplification et d’efficacité de l’organisation territoriale des juridictions judiciaires de première instance, le projet de loi déposé au Sénat comporte plusieurs axes de réforme permettant de renforcer le rôle du tribunal de grande instance et d’assouplir les contraintes pesant sur l’organisation juridictionnelle à l’échelle départementale.

a)     La suppression des tribunaux dinstance et la création de chambres détachées du tribunal de grande instance

Dans sa version originelle, le présent article supprime le tribunal d’instance et transfère le traitement des litiges qui lui sont dévolus vers le tribunal de grande instance qui devient par conséquent l’unique juridiction de premier degré en matière civile ([645]). Parallèlement, il crée un article 212-7 qui dispose que le tribunal de grande instance peut comprendre en dehors de son siège des chambres détachées ([646]) dénommées « tribunaux dinstance » dont le siège et le ressort sont fixés par décret.

Le champ de compétence minimal de ces chambres détachées est déterminé par un décret pris en Conseil d’État. Des compétences supplémentaires peuvent également leur être attribuées par décret sur décision conjointe des chefs de cours après avis conjoint des chefs de juridictions.

Contrairement à l’actuel tribunal d’instance qui bénéficie d’une autonomie organisationnelle vis-à-vis du tribunal de grande instance, les chambres détachées représentent de simples « antennes » locales de celui-ci au sein d’une juridiction unifiée. Ainsi, les chambres détachées conserveront l’implantation territoriale des actuels tribunaux d’instance et auront à connaître de l’essentiel des contentieux relevant de leur champ de compétence.

La suppression des tribunaux d’instance emporte également la suppression de la fonction spécialisée de juge d’instance dont le statut avait été consacré par la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001. L’article 213-6 est ainsi modifié afin d’attribuer au juge de l’exécution la compétence de connaître des litiges relatifs aux saisies de rémunérations et situations de surendettement actuellement dévolus au juge d’instance.

Cette réorganisation présente trois avantages majeurs.

En premier lieu, elle permettra une mutualisation des effectifs de magistrats actuellement répartis entre le tribunal d’instance et le tribunal de grande instance et offrira ainsi une souplesse de gestion des ressources humaines selon l’évolution qualitative et quantitative des contentieux sur le ressort du tribunal de grande instance. Concrètement, le président de juridiction pourra intégrer dans le tableau de roulement du tribunal de grande instance l’ensemble des audiences actuellement organisées par les tribunaux d’instance selon des tableaux de roulement qui leur sont propres.

En deuxième lieu, la mutualisation des effectifs concernera également les personnels de greffe. Un greffe unique procédant de la fusion de celui du tribunal d’instance avec celui du tribunal de grande instance sera ainsi placé sous l’autorité du directeur du greffe du tribunal de grande instance, afin de disposer d’une vue d’ensemble des moyens humains à répartir sur le ressort de la juridiction.

En dernier lieu, cette réorganisation aboutira à unifier la gestion budgétaire du tribunal de grande instance et de ses chambres détachées, conformément à un objectif de rationalisation et de simplification.

La fusion du tribunal d’instance et du tribunal de grande instance rend nécessaire une importante coordination formelle des textes en vigueur. À cette fin, l’article 55 du projet de loi prévoit une habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures qui visent à tirer les conséquences de cette réforme dans l’ensemble du droit existant.

b)     La possibilité de spécialisation dun ou plusieurs tribunaux de grande instance au sein dun même département.

Le présent article crée un article 211-9-3 visant à rendre possible la spécialisation d’un tribunal de grande instance à l’échelle du département, dans la mesure où celui-ci compte au moins deux tribunaux de grande instance sur son territoire ([647]). Un décret pris en Conseil d’État déterminera la liste de certains délits ([648]), contraventions et matières civiles ([649]) pour lesquels un tribunal de grande instance pourrait se voir reconnaître une compétence exclusive à l’échelle départementale. Cette désignation s’effectuerait par décret, sur proposition des chefs de cours après avis des chefs de juridictions.

Cette spécialisation revêt un caractère facultatif et implique le consensus des chefs de cours et de juridiction. Elle concernerait notamment les contentieux civils techniques présentant un faible volume d’affaires et une certaine complexité. Il s’agit d’un levier d’action qui permettra d’effectuer des regroupements de contentieux pertinents à l’initiative des acteurs de terrain, afin d’améliorer le traitement de certains litiges selon les réalités judiciaires afférentes à chaque département.

c)     Lassouplissement du maillage des juges dinstruction et juges dapplication des peines à léchelle infra-départementale

L’article 53 comporte également plusieurs dispositions visant à assouplir l’organisation territoriale des juridictions à l’échelle infra-départementale. L’article 52-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié afin de prévoir la présence d’au moins un juge d’instruction par département, afin de garantir une présence minimale sur l’ensemble du territoire. En revanche, si plusieurs tribunaux de grande instance sont situés sur le territoire d’un même département, un décret peut fixer la liste des tribunaux dans lesquels aucun juge d’instruction n’est affecté et déterminer en conséquence le tribunal de grande instance compétent pour connaître des infractions qui nécessitent l’intervention d’un juge d’instruction.

Cette mesure vise à éviter l’isolement de certains juges d’instruction au sein des tribunaux de grande instance ([650]), dans une logique conforme à celle ayant abouti à la création des pôles de l’instruction en 2007. Le présent article prévoit une disposition identique concernant l’affectation des juges d’application des peines, en modifiant en conséquence l’article 712-2.

En outre, l’article 80 est modifié afin d’adapter la procédure pénale à ces mesures d’assouplissement. Ainsi, le procureur près le tribunal de grande instance dans lequel aucun juge d’instruction n’est affecté pourra ouvrir lui-même une information devant le tribunal où se trouve le juge d’instruction territorialement compétent, y compris en faisant déférer les personnes concernées devant lui. Le procureur près le tribunal de grande instance compétent demeure le seul compétent pour suivre le déroulement des informations judiciaires. Si l’instruction est ainsi délocalisée, l’affaire restera jugée par le tribunal correctionnel du tribunal initialement compétent.

d)     La faculté pour le procureur général de désigner un « procureur chef de file »

La réforme de l’organisation judiciaire prévoit également la faculté attribuée au procureur général de désigner un procureur de la République afin de représenter, au sein d’un même département, l’ensemble des parquets dans le cadre de leurs relations avec les autorités administratives. Ce procureur « chef de file » assurera la coordination des politiques partenariales menées avec les services préfectoraux, s’agissant notamment des dispositifs de prévention de la délinquance.

Comme le prévoit le nouvel article 39-2, ce procureur n’exercera aucune autorité hiérarchique sur les autres procureurs du département et les informera des diligences entreprises dans le cadre de cette fonction.

Cette disposition permet de répondre à l’enjeu décisif que représente la nécessaire coordination de l’autorité judiciaire et des autorités administratives, notamment en matière de lutte contre l’insécurité.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

À l’initiative des rapporteurs, plusieurs amendements adoptés lors de l’examen en commission ont procédé à cinq modifications substantielles de l’article 53 :

– le tribunal de grande instance voit sa dénomination évoluer en « tribunal de première instance ». La mention de « tribunal dinstance » accolée aux chambres détachées disparaît définitivement, au profit de la simple dénomination de « chambres détachées ». Ces modifications rendent nécessaires de nombreuses coordinations avec l’ensemble des textes et codes en vigueur ;

– des garanties supplémentaires relatives au maintien géographique d’emplois de magistrats et de greffiers sont créées afin d’encadrer la mobilité forcée entre différents sites de juridiction ([651]) ;

– une fonction non-statutaire ([652]) de juge chargé des contentieux de proximité au sein du tribunal de première instance est créée afin de garantir que plusieurs magistrats seront réellement affectés au traitement des contentieux anciennement dévolus au juge d’instance, c’est-à-dire les litiges sériels à caractère socio-économique ([653]). En conséquence, l’amendement supprime l’attribution de la compétence en matière de surendettement et de saisies sur rémunération au juge de l’exécution, et confie le traitement de ces affaires au nouveau juge chargé des contentieux de proximité au sein du tribunal de première instance ;

– un dispositif d’encadrement de toute modification de la carte judiciaire ([654]) est mis en place afin de prévoir la réalisation obligatoire d’une évaluation préalable s’appuyant notamment sur les observations formulées par les chefs de juridictions ;

– la possibilité de spécialisation contentieuse d’un tribunal de grande instance au sein d’un département comptant plusieurs tribunaux de grande instance est supprimée.

Enfin, un amendement rédactionnel présenté par les rapporteurs a été adopté afin de préciser que le socle de compétences des chambres détachées est déterminé au niveau national par décret en Conseil d’État.

Lors de l’examen en séance, le Gouvernement a présenté un amendement de réécriture globale de l’article 53 afin de rétablir et de compléter la version initiale de celui-ci. Rejeté par le Sénat, cet amendement visait notamment à :

– restaurer la dénomination de « tribunal de grande instance » et modifier l’appellation de « chambre détachée » en « chambre de proximité » dénommée « tribunal de proximité » ;

– préciser les conditions de la spécialisation contentieuse d’un tribunal de grande instance au sein d’un département comptant plusieurs de tribunaux de grande instance en indiquant un critère de volumétrie et de technicité des matières civiles et pénales concernées ;

– créer un juge spécialisé des contentieux de la protection chargé des litiges relatifs aux problématiques de vulnérabilité socio-économique touchant à l’ordre public de protection.

4.   La position de la Commission

Un amendement a été adopté à l’initiative du Gouvernement afin de rétablir les dispositions initiales du présent article modifiées par le Sénat.

Une nouvelle dénomination de « tribunal judiciaire » est instaurée en lieu et place de celle de « tribunal de première instance » introduite par le Sénat.  Ce changement sémantique renforce la lisibilité de l’organisation juridictionnelle pour les justiciables, qui pourront ainsi identifier plus facilement les tribunaux de l’ordre judiciaire par rapport aux tribunaux administratifs. L’appellation de chambre détachée se transforme également en « chambre de proximité », dénommée « tribunal de proximité ».

Les conditions concourant à la mise en œuvre de la spécialisation contentieuse des tribunaux judiciaires au sein d’un même département sont définies. En matière civile, des critères relatifs à la volumétrie et à la technicité des affaires permettront de déterminer les matières susceptibles de faire l’objet d’une spécialisation. En matière pénale, les délits portant sur des matières techniques relevant du juge unique correctionnel pourront faire l’objet d’une spécialisation départementale.

À l’initiative de la rapporteure, un sous-amendement reprenant les dispositions d’un amendement déposé par M. Denis Sommer (LaREM) a été adopté afin de prévoir, à titre exceptionnel, la mise en place d’une spécialisation contentieuse entre deux tribunaux judiciaires appartenant à deux départements distincts si les spécificités territoriales et la proximité géographique entre ces derniers le justifient.

Afin de garantir l’efficacité du traitement des litiges qui relèvent actuellement du champ de compétence du juge d’instance, une fonction statutaire de juge des contentieux de la protection est créée. Ce juge spécialisé sera amené à statuer sur les contentieux afférents à la vulnérabilité sociale, économique ou personnelle touchant à l’ordre public de protection, à l’instar des procédures relatives aux tutelles des majeurs, du surendettement, des baux d’habitation, ou des crédits à la consommation. Ce champ de compétence présente donc un aspect cohérent, exclusivement centré autour des questions socio-économiques du quotidien.

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Article 53 bis A
(art. 148-1 du code de laction sociale et des familles, art. 723-3 du code de commerce, art. 1114-1, 3223-2, 3241-2 et 3844-2 du code de la santé publique, art. 251-4 et 251-6 du code de la sécurité intérieure, 3452-3 du code des transports, art. 3 de la loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse, art. 1651H, 1653F, 1741A du code général des impôts, art. 11-4 du code du patrimoine, art. 332-18 du code du sport, art. 561-39, 612-5, 612-9, 621-2 du code monétaire et financier, art. 327-3 et 327-4 du code de la propriété intellectuelle, art. 228-2 du code de laviation civile, art. 302-9-1-1 du code de la construction et de lhabitation, art. 18 de la loi n° 47585 du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques, art. 6 bis de la loi n° 57-711 du 7 juin 1951 sur lobligation, la coordination et le secret en matière de statistiques, art. 1er et 20 de la loi n° 77-1453 du 29 décembre 1977 accordant des garanties de procédures aux contribuables en matière fiscale et douanière, art. 72 de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption dinnocence et les droits des victimes, art. 2 de lordonnance n° 2009-79 du 22 janvier 2009 créant lAutorité des normes comptables, art. 4 de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à lindemnisation des essais nucléaires français, art. 2 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique et art. 13, 14, 16 [abrogé], 17, 19 et 20 de la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours dappel)
Suppression de la participation de magistrats à diverses commissions administratives

Introduit par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à supprimer ou réduire la participation de magistrats administratifs et judiciaires ainsi que de membres du Conseil d’État ou de la Cour des comptes au sein de diverses commissions administratives.

  Modifications apportées par la Commission

Cet article est issu d’un amendement adopté à l’initiative du Gouvernement.

Cet article permet de recentrer l’action des magistrats de l’ordre judiciaire et de l’ordre administratif ainsi que les membres du Conseil d’État et de la Cour des comptes sur leurs missions initiales, en allégeant voire en supprimant leur participation au sein de plusieurs dizaines de commissions administratives pour lesquelles leur présence n’apparaît pas nécessaire.

Dans un souci de cohérence et de rationalisation des structures administratives, il prévoit également la suppression de la Commission nationale d’indemnisation des avoués, à la suite de la suppression de la profession d’avoué depuis le 1er février 2012.

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Chapitre Ier bis (nouveau)
Améliorer lefficacité des juridictions en cas de crise

Article 53 bis B
(art. 121-5 et 124-2 [nouveaux] du code de lorganisation judiciaire)
Délégation de magistrats exerçant à titre temporaire et de magistrats honoraires et transfert temporaire des services dune juridiction vers une autre commune

Introduit par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à renforcer les capacités organisationnelles des juridictions face à une surcharge d’activité ou à la survenue de crises majeures empêchant le bon fonctionnement de l’ensemble de leurs services.

  Modifications apportées par la Commission

Cet article est issu d’un amendement adopté à l’initiative de M. Jean Terlier (LaREM).

Le présent article crée l’article 121-5 du code de l’organisation judiciaire qui prévoit un mécanisme de délégation, au sein de la cour d’appel, de magistrats exerçant à titre temporaire et de magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles, conformément au régime de délégations de magistrats du siège (article L. 121-4 du code de l’organisation judiciaire) et de magistrats du parquet (articles R. 122-2 et R. 122-3 du code de l’organisation judiciaire). Dans un souci de bonne administration de la justice, cette réforme renforcera les capacités d’organisation des tribunaux judiciaires, en leur permettant de bénéficier du renfort de ces magistrats en cas de surcharge importante d’activité. Les possibilités de délégation sont par ailleurs encadrées afin d’apporter des garanties minimales de stabilité en faveur des magistrats concernés.

En outre, cet article introduit, par la création d’un article 124-1, la possibilité pour le premier président de la cour d’appel après avis du procureur général, de transférer temporairement, en tout ou partie, les services d’une juridiction dans une commune autre que celle où la juridiction a son siège, dans la limite du ressort de leur cour et pour une durée limitée à six mois, renouvelable une fois. Il s’agit de répondre à des situations de crise majeure, notamment d’ordre météorologique, susceptibles d’entraver le fonctionnement régulier des juridictions.

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Article 53 bis
(art. 21 du code civil et art. 2 de la loi n° 2002-306 du 4 mars 2002)
Gestion électronique des registres des associations et des associations coopératives de droit local en Alsace-Moselle

Adopté par la Commission sans modification

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à permettre l’informatisation des registres des associations et des associations coopératives de droit local en Alsace-Moselle.

  Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion a modifié la loi n° 2002-306 du 4 mars 2002 portant réforme de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, dans ses dispositions relatives à la publicité foncière, afin d’autoriser l’établissement public d’exploitation du livre foncier informatisé (EPELFI) à procéder à l’enregistrement électronique des requêtes dont il est saisi.

  Modifications apportées au Sénat

Cet article a été adopté lors de l’examen en séance par un amendement présenté par le Gouvernement auquel les rapporteurs ont émis un avis favorable.

1.   L’état du droit

L’article 2 de la loi n° 2002-306 du 4 mars 2002 a créé un établissement public d’exploitation du livre foncier placé sous la tutelle du ministère de la Justice, l’EPELFI, qui assure la gestion informatique du livre foncier grâce à un outil de dématérialisation ([655]) conçu et mis en œuvre pour informatiser les registres manuscrits répartis dans l’ensemble des bureaux fonciers des tribunaux d’instance d’Alsace-Moselle.

Le livre foncier est un système de publicité foncière propre à l’Alsace-Moselle créé par la loi du 18 août 1896 ([656]). Il correspond à une forme d’état civil des propriétés immobilières situées dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. Le décret n° 2009-1193 du 7 octobre 2009 relatif au livre foncier et à son informatisation dans les départements précités énonce les conditions de consultation électronique du livre foncier, dont l’EPELFI garantit la sécurité d’accès et réalise le paramétrage.

Les registres des associations et des associations coopératives de droit local sont gérés par les tribunaux d’instance selon l’article 21 du code civil local d’Alsace-Moselle. Contrairement au livre foncier pris en charge par l’EPELFI, ces registres ne font pas l’objet d’un traitement informatisé et ne permettent donc pas la dématérialisation de démarches ou consultations à distance, contrairement aux dispositifs existant pour les associations dites « loi de 1901 » répertoriées dans les autres départements français.

2.   Le dispositif adopté par le Sénat

Par un amendement du Gouvernement, cet article étend le champ de compétence de l’EPELFI à l’informatisation des registres des associations et des associations coopératives de droit local. L’expérience acquise par l’EPELFI dans l’exploitation du livre foncier informatisé justifie l’élargissement de son périmètre d’activité à ces registres, dont l’accès dématérialisé facilitera leur consultation par l’ensemble des acteurs publics et privés.

Le Gouvernement a indiqué que la situation financière de l’EPELFI lui permettrait d’absorber sans difficulté cette nouvelle tâche, ce qui allégerait corrélativement la charge de travail des greffiers des tribunaux d’instance d’Alsace-Moselle correspondant à la gestion des registres associatifs.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

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Chapitre II
Améliorer la cohérence du service public de la justice
au niveau des cours d’appel

Article 54
Expérimentation de fonctions danimation et de coordination attribuées à certains chefs de cours dappel et spécialisation de cours dappel en matière civile

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Sur le fondement de l’article 37-1 de la Constitution, le présent article prévoit l’expérimentation de deux dispositions relatives aux cours d’appel, sur le territoire de deux régions et pour une durée de trois ans. D’une part, il autorise la désignation par décret de chefs de cour d’appel chargés d’accomplir des missions d’animation et de coordination vis-à-vis des autres chefs de cour au sein d’une même région. D’autre part, il permet de déterminer par décret des cours d’appel spécialisées pour connaître de certains contentieux civils.

  Modifications apportées au Sénat

Cet article a été supprimé par un amendement des rapporteurs adopté lors de l’examen en commission. Le Gouvernement a présenté un amendement, rejeté par le Sénat, tendant à rétablir cet article.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté un amendement de rétablissement de cet article présenté par le Gouvernement. Cet amendement a fait l’objet d’un sous-amendement à l’initiative de la rapporteure afin d’étendre de deux à cinq régions le périmètre géographique concerné par cette expérimentation.

1.   L’état du droit

Le titre I du livre III du code de l’organisation judiciaire définit l’organisation et le champ de compétence de la cour d’appel. L’article 311-1 prévoit que la cour d’appel connaît, sous réserve des compétences attribuées à d’autres juridictions, des recours contre les décisions judiciaires, civiles et pénales rendues en premier ressort. La cour d’appel statue en formation collégiale et un parquet général est institué près celle-ci.

Certaines cours d’appel peuvent bénéficier d’une spécialisation sur un ou plusieurs contentieux. À titre d’exemple, la cour d’appel de Paris détient une compétence exclusive pour connaître de certains recours tels que :

– les recours formés contre les décisions de certaines autorités administratives indépendantes (Autorité de la concurrence, Autorité des marchés financiers, Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, Autorité de régulation et de distribution de la presse…) ;

– les recours formés contre les décisions des organes de régulation des professions judiciaires ([657]).

À compter du 1er janvier 2019, la cour d’appel d’Amiens détiendra une compétence exclusive pour traiter en première instance des litiges relatifs à la tarification des accidents du travail. ([658])

L’étude impact soulève l’existence de deux difficultés affectant l’efficacité de l’organisation et du fonctionnement des juridictions d’appel, en raison d’une implantation territoriale apparaissant aujourd’hui comme peu opportune. En effet, les périmètres géographiques que recouvrent les ressorts des 30 cours d’appels en France métropolitaine présentent une forte hétérogénéité qui ne semble pas justifiée au regard des évolutions démographiques et économiques survenues au cours des dernières décennies.

Premièrement, de nombreuses cours d’appel au sein d’une même région doivent statuer sur des litiges complexes et de faible volume, au risque d’allonger les durées de traitement de ces contentieux particulièrement techniques et d’aboutir à des divergences jurisprudentielles entre les ressorts de cours d’appel pourtant situées au sein d’une même région.

Deuxièmement, les discordances existant actuellement entre l’organisation territoriale administrative et la carte judiciaire nuisent à la cohérence des politiques partenariales menées par les juridictions judiciaires avec les autorités administratives, celles-ci étant confrontées à de multiples interlocuteurs représentant l’ordre judiciaire à l’échelle régionale.

Ces constats appellent donc l’engagement de réflexions quant à la réorganisation et au fonctionnement des cours d’appel, dans un objectif de bonne administration du service public de la justice.

2.   L’article 54 supprimé par le Sénat

L’article 54 du projet de loi prévoit la mise en œuvre à titre expérimental de la spécialisation de certaines cours d’appel en matière civile ainsi que l’attribution de pouvoirs d’animation et de coordination à certains chefs de cours d’appel sur un ressort susceptible de regrouper plusieurs cours d’appel au sein d’une même région. La sensibilité de ces enjeux justifie le recours à une expérimentation qui se déroulera dans deux régions et pour une durée de trois ans. Le Gouvernement remettra un rapport d’évaluation du dispositif au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation.

Par un amendement présenté par les rapporteurs et adopté en commission, le Sénat a supprimé cet article.

a.   La spécialisation en matière civile de certaines cours d’appel

L’expérimentation prévoit que certaines cours d’appel pourront être désignées par décret pour connaître, sur le ressort de plusieurs cours d’appel au sein d’une même région, de certains contentieux civils dont la liste sera déterminée par décret en Conseil d’État. Dans son avis rendu le 12 avril 2018, le Conseil d’État approuve cette spécialisation eu égard à la nécessité de traiter de façon ciblée un certain nombre de litiges caractérisés par un fort degré de technicité.

Lors de l’examen en séance, le Gouvernement a proposé le rétablissement de l’article supprimé en commission à l’initiative des rapporteurs. L’amendement du Gouvernement, rejeté par le Sénat, proposait de compléter le texte initial en précisant que les matières susceptibles de donner lieu à une spécialisation seront déterminées en tenant compte de leur technicité et de leur faible volume, sur le modèle de la spécialisation envisagée pour les tribunaux de grande instance.

Cette spécialisation permettrait d’homogénéiser la jurisprudence à l’échelle régionale et de renforcer l’efficacité du traitement de ces contentieux exigeant une expertise relativement importante.

b.   Les nouveaux pouvoirs d’animation et de coordination attribués à certains chefs de cour d’appel

Les premiers présidents de cours d’appel et les procureurs généraux près ces cours pourront être désignés par décret afin d’assurer des pouvoirs d’animation et de coordination sur le ressort de plusieurs cours d’appel au sein d’une même région. L’expérimentation de cette évolution organisationnelle a pour but de renforcer le pilotage des politiques partenariales qui associent les juridictions judiciaires et les autorités administratives à l’échelle régionale.

Les chefs de cours désignés par décret n’exerceraient aucune autorité hiérarchique sur les autres premiers présidents de cours d’appel et procureurs généraux afin de préserver le principe de l’indépendance juridictionnelle des cours d’appel et le respect des équilibres statutaires.

Lors de l’examen en séance, le Gouvernement a précisé que l’expérimentation de ces nouveaux pouvoirs d’animation et de coordination pourrait notamment concerner la mise en cohérence des procédures d’hospitalisation sous contrainte avec l’agence régionale de santé, ou l’harmonisation des seuils de transactions douanières avec la direction régionale des douanes.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté un amendement présenté par le Gouvernement tendant à rétablir cet article. Il complète le texte initial en précisant que les matières pouvant donner lieu à une spécialisation seront déterminées selon le respect de critères de volumétrie et de technicité.

À l’initiative de la rapporteure, un sous-amendement a été adopté tendant à élargir le champ d’application géographique de cette expérimentation à cinq régions, dans le but de disposer d’un échantillon territorial plus représentatif avant d’envisager la pérennisation éventuelle du dispositif.

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Chapitre III
Dispositions diverses

Article 55
Habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance pour tirer les conséquences de la réorganisation judiciaire

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi afin d’adapter et de mettre en cohérence l’ensemble des dispositions prévues par tous les codes et textes en vigueur à la suite de la réforme de l’organisation judiciaire résultant de l’article 53.

  Modifications apportées au Sénat

Cet article a fait l’objet de deux amendements de précision présentés par les rapporteurs lors de l’examen en commission.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté un amendement de coordination présenté par le Gouvernement.

1.   L’état du droit

L’article 38 de la Constitution prévoit que le Gouvernement peut, pour l’exécution de son programme, demander au Parlement l’autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi.

Les ordonnances entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n’est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d’habilitation. La réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 a précisé qu’elles ne peuvent être ratifiées que de manière expresse.

Le recours aux ordonnances permet notamment au Gouvernement de procéder à de nombreuses coordinations légistiques dans l’ensemble du droit en vigueur afin de tirer les conséquences de réformes substantielles adoptées par le législateur.

La jurisprudence du Conseil constitutionnel relative au contrôle des lois d’habilitation exige que le Gouvernement indique au Parlement de façon précise « la finalité des mesures quil se propose de prendre ainsi que leur domaine dintervention » ([659]). Le Conseil constitutionnel a par exemple estimé contraire à la Constitution l’article 39 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté qui habilitait le Gouvernement à remplacer les régimes de déclaration d’ouverture préalable des établissements privés par un régime d’autorisation, sans préciser dans le texte d’habilitation les motifs pouvant justifier un refus d’ouverture.

2.   Le dispositif adopté par le Sénat

L’article 55 a pour objet d’habiliter le Gouvernement à tirer les conséquences de la suppression des tribunaux d’instance prévue à l’article 53, dans l’ensemble des textes et codes en vigueur dont ceux régissant les juridictions de Saint-Pierre-et-Miquelon, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et les îles Wallis et Futuna.

Un amendement présenté par les rapporteurs et adopté lors de l’examen en commission, l’article a ajouté une référence à l’aménagement et à la mise en cohérence ([660]) des dispositions relatives à la création du « tribunal de première instance ». Il ne s’agit pas d’une extension du champ de l’habilitation ([661]) mais d’une adaptation rendue nécessaire par la modification de l’article 53.

Cette nouvelle dénomination du tribunal de grande instance adoptée par le Sénat dans le cadre de l’article 53 a cependant recueilli un avis défavorable du Gouvernement qui a déposé un amendement en séance afin de rétablir la notion de tribunal de grande instance.

Conformément à l’article 38 de la Constitution, cet article prévoit que l’ordonnance doit être prise dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi et qu’un projet de loi de ratification sera déposé devant le Parlement dans un délai de quatre mois à compter de la publication de l’ordonnance précitée, à peine de caducité.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté un amendement de coordination présenté par le Gouvernement tendant à préciser le périmètre de l’habilitation donnée au Gouvernement pour tirer les conséquences formelles, dans l’ensemble des textes et codes en vigueur, de la création du tribunal judiciaire et de la fonction spécialisée de juge des contentieux de la protection.

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Article 55 bis
(art. 111-5 du code des procédures civiles dexécution)
Force exécutoire des actes notariés dressés en Alsace-Moselle au sujet dune prétention ayant pour objet le paiement dune somme dargent déterminée

Adopté par la Commission sans modification

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à assouplir les conditions permettant de conférer le caractère exécutoire à un acte notarié établi en Alsace-Moselle par lequel le paiement d’une somme d’argent est exigé.

  Dernières modifications législatives intervenues

L’ordonnance n° 2011-1895 du 19 décembre 2011 intègre les dispositions prévues par l’article 794-5 du code local des procédures civiles applicable en Alsace-Moselle à l’article 111-5 du code des procédures civiles d’exécution.

  Modifications apportées au Sénat

Cet article a été introduit par un amendement présenté par M. André Reichardt (groupe LR) lors de l’examen en commission. À l’initiative du rapporteur François-Noël Buffet, un amendement de précision qui a recueilli un avis favorable du Gouvernement a également été adopté en séance.

1.   L’état du droit

L’article 111-5 du code des procédures civiles d’exécution prévoit notamment que les actes notariés dans les départements du Bas-Rhin, Haut-Rhin et de la Moselle constituent des titres exécutoires lorsqu’ils sont dressés au sujet d’une prétention ayant pour objet le paiement d’une somme d’argent déterminée, et que le débiteur consent à l’exécution forcée immédiate.

L’exigence du caractère « déterminé » est appréciée de façon stricte par la jurisprudence de la Cour de cassation ([662]) qui considère qu’une somme d’argent simplement « déterminable » ne saurait suffire à conférer la force exécutoire à des actes notariés dressés aux fins du paiement par le débiteur d’une somme due à son créancier.

Cependant, le droit commun applicable sur le reste du territoire prévoit que la force exécutoire peut être établie à la garantie du paiement d’une somme simplement déterminable. Cette disposition facilite le recouvrement des créances susceptible de prendre la forme d’une vente forcée de biens appartenant au débiteur.

2.   Le dispositif proposé par le Sénat

Introduit par un amendement lors de l’examen en commission, l’article 55 bis vise à aligner le droit local alsacien-mosellan sur le droit commun. Il complète l’article 111-5, en permettant que le montant de la somme d’argent visée par l’acte notarié puisse être simplement déterminable.

Un amendement de précision présenté en séance par le rapporteur François-Noël Buffet a été adopté afin de supprimer le caractère interprétatif de la modification apportée à l’article 111-5, en raison de la dimension substantielle de celle-ci.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

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Titre VII
dispositions relatives À l’entrÉe en vigueur
et À l’application outre-mer

Article 56
Modalités particulières dentrée en vigueur de certains articles

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à préciser les délais à partir desquels plusieurs dispositions du projet de loi entreront en vigueur.

  Modifications apportées au Sénat

Cet article a été modifié par plusieurs amendements des rapporteurs lors de l’examen en commission et en séance pour lesquels le gouvernement a émis un avis défavorable. Ces amendements visent principalement à reporter la date d’entrée en vigueur de certaines dispositions, notamment en matière pénale.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté trois amendements de coordination présentés par le Gouvernement tendant à prévoir l’entrée en vigueur différée de certaines dispositions du projet de loi.

1.   Le projet de loi initial

Cet article prévoit l’entrée en vigueur différée d’une quinzaine de dispositions du projet de loi, en précisant les conditions et la date à laquelle ces derniers seront applicables. Il s’agit de prévoir un temps de préparation de plusieurs mois ou années nécessaire à l’entrée en vigueur de ces articles, dans un souci de prévisibilité et de sécurité juridique.

Ainsi, il est précisé que :

– l’article 4 relatif à l’extension de la représentation obligatoire entrera en vigueur le 1er janvier 2019 ([663]) ;

– l’article 12 réformant le régime procédural de divorce entrera en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État et au plus tard le 1er septembre 2020 ;

– l’article 14 qui prévoit le traitement dématérialisé des requêtes en injonction de payer par un tribunal de grande instance à compétence nationale entrera en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État et au plus tard le 1er janvier 2021 ;

– le deuxième alinéa de l’article 512 du code civil résultant de la modification opérée par l’article 17 relatif à la vérification et approbation des comptes des majeurs protégés entrera en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 31 décembre 2023 ;

– l’article 802-2 du code de procédure pénale résultant de la modification opérée par l’article 32 relatif aux perquisitions et visites domiciliaires s’appliquera à compter de la publication de la présente loi ;

– les dispositions prévues au II de larticle 34 et de larticle 36 relatives à louverture et à la clôture des informations judiciaires, ainsi que larticle 41 relatif à lappel en matière de délit et larticle 42 relatif à la modification de la procédure devant les cours dassises et lexpérimentation du tribunal criminel départemental entreront en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la publication de la présente loi ;

– les dispositions prévues par le titre V relatif aux peines entreront en vigueur un an après la publication de la présente loi ([664]) ;

– larticle 49 relatif à la libération sous contrainte de plein droit entrera en vigueur six mois après la publication de la présente loi ;

– larticle 53 relatif à la réorganisation judiciaire entrera en vigueur le   1er janvier 2020.

2.   Les modifications adoptées par le Sénat

Lors de l’examen en commission, plusieurs amendements ont été adoptés à l’initiative des rapporteurs afin de :

– garantir la concomitance de l’entrée en vigueur au 1er janvier 2020 de la réforme du tribunal de première instance prévue par l’article 53 et de l’extension de la représentation obligatoire prévue par l’article 4 ;

– reporter au 1er janvier 2021 l’entrée en vigueur de la procédure dématérialisée des petits litiges devant le tribunal de grande instance ;

– prévoir l’entrée en vigueur au 1er janvier 2020 de l’article 19 bis relatif à l’élargissement du corps électoral des juridictions consulaires et de l’article 19 quater relatif à l’extension de leur champ de compétences aux baux commerciaux ;

– prévoir l’entrée en vigueur au 1er janvier 2022 de l’extension du champ de compétence des juridictions consulaires à l’ensemble des entreprises en matière de prévention et de traitement des difficultés des entreprises ;

– reporter au 1er janvier 2020 l’entrée en vigueur de l’inscription au casier judiciaire des amendes forfaitaires prévue par l’article 37 ;

– reporter d’un an à compter de la publication de la présente loi les dispositions relatives à l’extension du champ de l’ordonnance pénale prévues à l’article 40 ;

– reporter de trois mois à compter de la publication de la présente loi l’entrée en vigueur de la réforme de l’appel dévolutif en matière correctionnelle.

Lors de l’examen en séance, un amendement de coordination présenté par les rapporteurs a été adopté afin de supprimer l’entrée en vigueur différée de l’article 12 relatif au régime procédural de divorce, en raison de la suppression de ces dispositions lors de l’examen en commission.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté deux amendements de coordination présentés par le Gouvernement tendant à fixer au 1er janvier 2020 l’entrée en vigueur de la représentation obligatoire en appel en matière de sécurité sociale et d’aide sociale et de la création du parquet national antiterroriste.

La Commission a également adopté un amendement à l’initiative du Gouvernement afin de prévoir l’entrée en vigueur des mesures relatives à la limitation ou suppression de la participation de magistrats à diverses commissions administratives à compter du prochain renouvellement de leurs membres.

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Article 57
(art. 4 de lordonnance n° 2012-1222 du 2 novembre 2012 portant extension et adaptation à WallisetFutuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie des dispositions du droit civil et du droit de laction sociale relatives à la protection juridique des majeurs, 711-1 du code pénal, 804 du code de procédure pénale, L. 243-1, L. 243-2, L. 244-1, L. 244-2, L. 245-1 et L. 245-2 du code de la route, L. 3826-3 du code de la santé publique, 69 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et 44 de lordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à lenfance délinquante)
Coordinations pour lapplication des dispositions du projet de loi à la
Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française, aux îles Wallis et Futuna et aux Terres australes et antarctiques françaises

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 57 effectue des coordinations pour l’application outre-mer des dispositions du projet de loi.

  Modifications apportées au Sénat

Le Sénat a adopté sept amendements de coordination au cours de l’examen du projet de loi en séance publique.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté trois amendements de coordination.

L’article 57 procède à des coordinations pour l’application des dispositions du projet de loi en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

La commission des Lois du Sénat a adopté cet article sans modification.

En séance publique, le Sénat a adopté six amendements des rapporteurs et un amendement du Gouvernement.

À l’initiative de votre rapporteur et du Gouvernement, la Commission a procédé à plusieurs coordinations.

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—  1  —

   Examen des articles du projet de loi organique

Titre Ier
DISPOSITIONS RELATIVES AU Statut de la magistrature

Article 1er A
(art. 2 de lordonnance n° 581270 du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Durées minimale et maximale daffectation des magistrats
au sein dune même juridiction

Supprimé par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 1er A du projet de loi organique a pour objet d’instituer une durée minimale et une durée maximale d’affectation des magistrats au sein d’une même juridiction.

  Modifications apportées au Sénat

Cet article est issu d’un amendement des rapporteurs adopté par la commission des Lois du Sénat et dont le Gouvernement n’est pas parvenu à obtenir la suppression en séance publique.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a supprimé cet article.

1.   Le dispositif adopté par le Sénat

L’article 1er A reprend l’article 2 de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017 à l’initiative de M. Philippe Bas, président de la commission des Lois. Il modifie l’article 2 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature pour prévoir que les magistrats ne peuvent être affectés moins de trois années et plus de dix années dans la même juridiction, sans préjudice des durées maximales spécifiques déjà prévues par le droit en vigueur pour certaines fonctions qui resteraient inchangées ([665]).

Ces nouvelles règles seraient applicables aux magistrats nommés à compter du 1er septembre 2019. Les magistrats nommés avant cette date et ayant exercé leurs fonctions depuis au moins dix années dans la même juridiction disposeraient d’un délai supplémentaire de trois années pour s’acquitter de leur obligation de mobilité.

Le Gouvernement a échoué à faire supprimer cette disposition en séance publique.

2.   Un dispositif supprimé par la Commission

La Commission a estimé que le projet de loi organique qui lui était soumis était le corollaire du projet de loi ordinaire de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. À son dépôt, il ne comportait, en effet, que des dispositions de coordination et des modifications de conséquence rendues nécessaires par les évolutions décidées dans la loi ordinaire.

En conséquence, le choix du Sénat d’employer le projet de loi organique comme véhicule législatif pour des dispositions de fond déjà adoptées sous la forme d’une proposition de loi organique ([666]) n’est pas partagé. Sans préjudice du contenu de ses propositions, la Commission a résolu de se limiter à l’objet initial du projet de loi. Elle a donc adopté un amendement de suppression présenté par le Gouvernement et ayant recueilli l’avis favorable de la rapporteure.

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Article 1er B
(art. 21 [nouveau] de lordonnance n° 581270 du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Règle de mobilité des magistrats au terme de leur durée maximale daffectation au sein dune même juridiction

Supprimé par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 1er B du projet de loi organique a pour objet de fixer les règles de mobilité des magistrats au terme de leur durée maximale d’affectation au sein d’une même juridiction.

  Modifications apportées au Sénat

Cet article est issu d’un amendement des rapporteurs adopté par la commission des Lois du Sénat et dont le Gouvernement n’est pas parvenu à obtenir la suppression en séance publique.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a supprimé cet article.

1.   Le dispositif adopté par le Sénat

L’article 1er B reprend l’article 3 de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017 à l’initiative de M. Philippe Bas, président de la commission des Lois. Il crée un nouvel article 2‑1 au sein de l’ordonnance n° 58‑1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature afin de fixer les règles de mobilité des magistrats au terme de leur durée maximale d’affectation au sein d’une même juridiction. Le dispositif retenu s’inspire des règles applicables aux conseillers référendaires et avocats généraux référendaires à la Cour de cassation ([667]).

Neuf mois avant la fin de la dixième année d’exercice de leurs fonctions, les magistrats soumis à l’obligation de mobilité de l’article 1er A du présent projet de loi organique feraient connaître au garde des Sceaux leur souhait d’affectation dans trois juridictions au moins appartenant à des ressorts de cour d’appel différents. Le garde des Sceaux pourrait inviter les intéressés, six mois au plus tard avant la fin de la dixième année d’exercice de leurs fonctions, à présenter trois autres demandes. À l’expiration de la dixième année d’exercice de leurs fonctions, les intéressés seraient nommés dans l’une des fonctions demandées, au besoin en surnombre.

Ces dispositions seraient applicables aux magistrats nommés à compter du 1er septembre 2019.

Le Gouvernement n’est pas parvenu à faire supprimer cette disposition en séance publique.

2.   Un dispositif supprimé par la Commission

Pour les mêmes raisons que celles évoquées à propos de l’article 1er A, la Commission a adopté, avec l’avis favorable de la rapporteure, un amendement de suppression présenté par le Gouvernement.

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Article 1er
(art. 3 et 3-1 de lordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Suppression de la fonction de premier vice-président chargé du service dun tribunal dinstance

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à tirer les conséquences de la suppression du tribunal d’instance prévue par l’article 53 du projet de loi ordinaire en supprimant les mentions du premier vice-président chargé du service d’un tribunal d’instance aux articles 3 et 3-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

  Modifications apportées au Sénat

Cet article a fait l’objet d’un amendement rédactionnel adopté lors de l’examen en commission à l’initiative des rapporteurs.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté un amendement de coordination présenté par le Gouvernement tendant à prévoir la création de la fonction statutaire de juge des contentieux de la protection.

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Article 1er bis
(art. 32 [nouveau] de lordonnance n° 581270 du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Nouvelles possibilités de collaboration entre magistrats du siège

Supprimé par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 1er bis, en lien avec l’article 1er quinquies, vise à mettre en place de nouvelles possibilités de collaboration entre magistrats du siège, pour le traitement de contentieux particuliers ou pour la préparation de décisions complexes.

  Modifications apportées au Sénat

Cet article est issu d’un amendement des rapporteurs adopté par la commission des Lois du Sénat et dont le Gouvernement n’est pas parvenu à obtenir la suppression en séance publique.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a supprimé cet article.

1.   Le dispositif adopté par le Sénat

L’article 1er bis reprend l’article 4 de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017 à l’initiative de M. Philippe Bas, président de la commission des Lois. Il crée un nouvel article 3‑2 au sein de l’ordonnance n° 58‑1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature pour explorer de nouvelles possibilités de collaboration entre magistrats du siège. Ainsi, le magistrat en charge de l’affaire, qui seul endosse la responsabilité du jugement, bénéficie-t-il d’un renfort pour rédiger sa décision. Le jeune magistrat parfait, quant à lui, sa formation pratique.

L’article 1er bis concerne les magistrats en poste depuis moins de trois ans. Le président de la juridiction peut leur demander de prêter leur concours au magistrat en charge d’une affaire dont la nature le justifierait.

Le Gouvernement a échoué à faire supprimer cette disposition en séance publique.

2.   Un dispositif supprimé par la Commission

Pour les mêmes raisons que celles évoquées à propos de l’article 1er A, la Commission a adopté, avec l’avis favorable de la rapporteure, un amendement de suppression présenté par le Gouvernement.

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Article 1er ter
(art. 121 de lordonnance n° 581270 du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Articulation entre les critères de nomination et dévaluation des chefs de juridiction

Supprimé par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 1er ter du projet de loi organique a pour objet de prévoir la prise en compte, lors de l’évaluation des chefs de juridiction, des critères devant présider à leur nomination et à celle des chefs de cour.

  Modifications apportées au Sénat

Cet article est issu d’un amendement des rapporteurs adopté par la commission des Lois du Sénat et dont le Gouvernement n’est pas parvenu à obtenir la suppression en séance publique.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a supprimé cet article.

1.   Le dispositif adopté par le Sénat

L’article 1er ter reprend l’article 5 de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017 à l’initiative de M. Philippe Bas, président de la commission des Lois. Il modifie l’article 12‑1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature pour prévoir la prise en compte, lors de l’évaluation des chefs de juridiction, des critères devant présider à leur nomination et à celle des chefs de cour.

L’article 12-1 prévoit que l’activité professionnelle de chaque magistrat donne lieu à une évaluation tous les deux ans. L’autorité d’évaluation prend en compte les conditions d’organisation et de fonctionnement du service dans lequel le magistrat exerce ses fonctions. S’agissant des chefs de juridiction, elle apprécie, outre leurs qualités juridictionnelles, leur capacité à gérer et à animer une juridiction.

Ces dispositions sont complétées pour la prise en compte, lors de l’évaluation des chefs de juridiction nommés à compter du 1er septembre 2019, des critères de nomination des chefs de cour et de juridiction prévus aux articles 1er septies et 2 ter du projet de loi organique : qualités juridictionnelles, aptitude à exercer des fonctions d’encadrement et à conduire des projets, à conduire et à animer le dialogue social, à dialoguer avec l’ensemble des auxiliaires de justice du ressort de la juridiction, ainsi qu’avec les services de l’État, à représenter l’institution judiciaire...

Le Gouvernement n’est pas parvenu à faire supprimer cette disposition en séance publique.

2.   Un dispositif supprimé par la Commission

Pour les mêmes raisons que celles évoquées à propos de l’article 1er A, la Commission a adopté, avec l’avis favorable de la rapporteure, un amendement de suppression présenté par le Gouvernement.

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Article 1er quater
(art. 14 de lordonnance n° 581270 du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Obligation de formation pour les chefs de cour et de juridiction

Supprimé par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 1er quater du projet de loi organique a pour objet d’instituer une obligation de formation pour les chefs de cour et de juridiction.

  Modifications apportées au Sénat

Cet article est issu d’un amendement des rapporteurs adopté par la commission des Lois du Sénat et dont le Gouvernement n’est pas parvenu à obtenir la suppression en séance publique.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a supprimé cet article.

1.   Le dispositif adopté par le Sénat

L’article 1er quater reprend l’article 6 de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017 à l’initiative de M. Philippe Bas, président de la commission des Lois. Il modifie l’article 14 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature pour instituer une obligation de formation pour les chefs de cour et de juridiction.

L’article 14 de l’ordonnance précitée du 22 décembre 1958 dispose que les magistrats sont soumis à une obligation de formation continue organisée par l’École nationale de la magistrature dans les conditions fixées par un décret en Conseil d’État.

Ces dispositions sont complétées pour faire obligation aux magistrats nommés à des fonctions de chef de cour ou de juridiction de suivre, au plus tard dans les six mois suivant leur installation, une formation spécifique à l’exercice de leurs fonctions, ayant pour objet le développement des compétences d’encadrement, d’animation et de gestion au sein d’une juridiction.

Le Gouvernement n’est pas parvenu à faire supprimer cette disposition en séance publique.

2.   Un dispositif supprimé par la Commission

Pour les mêmes raisons que celles évoquées à propos de l’article 1er A, la Commission a adopté, avec l’avis favorable de la rapporteure, un amendement de suppression présenté par le Gouvernement.

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Article 1er quinquies
(art. 212 [nouveau] de lordonnance n° 581270 du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Nouvelles possibilités de collaboration entre magistrats du siège

Supprimé par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 1er quinquies, en lien avec l’article 1er bis, vise à mettre en place de nouvelles possibilités de collaboration entre magistrats du siège, pour le traitement de contentieux particuliers ou pour la préparation de décisions complexes

  Modifications apportées au Sénat

Cet article est issu d’un amendement des rapporteurs adopté par la commission des Lois du Sénat et dont le Gouvernement n’est pas parvenu à obtenir la suppression en séance publique.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a supprimé cet article.

1.   Le dispositif adopté par le Sénat

L’article 1er quinquies reprend l’article 7 de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017 à l’initiative de M. Philippe Bas, président de la commission des Lois. Il crée un nouvel article 21‑2 au sein de l’ordonnance n° 58‑1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature pour instituer de nouvelles possibilités de collaboration entre magistrats du siège.

Il prévoit, ainsi, que des auditeurs de justice puissent être nommés en premier poste auprès d’un magistrat du siège exerçant ses fonctions au sein d’une juridiction qui détient des compétences particulières ou au sein d’une juridiction spécialisée. L’objectif de cette disposition est de créer des pôles d’excellence pour les magistrats du siège, sur le modèle de ce qui existe avec les juridictions interrégionales spécialisées pour les magistrats du parquet.

Le Gouvernement a échoué à faire supprimer cette disposition en séance publique.

2.   Un dispositif supprimé par la Commission

Pour les mêmes raisons que celles évoquées à propos de l’article 1er A, la Commission a adopté, avec l’avis favorable de la rapporteure, un amendement de suppression présenté par le Gouvernement.

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Article 1er sexies
(art. 28 de lordonnance n° 581270 du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Durée minimale dexercice des fonctions de conseiller référendaire
à la Cour de cassation

Supprimé par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 1er sexies du projet de loi organique a pour objet d’instituer une durée minimale d’exercice des fonctions de conseiller référendaire ou d’avocat général référendaire à la Cour de cassation.

  Modifications apportées au Sénat

Cet article est issu d’un amendement des rapporteurs adopté par la commission des Lois du Sénat et dont le Gouvernement n’est pas parvenu à obtenir la suppression en séance publique.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a supprimé cet article.

1.   Le dispositif adopté par le Sénat

L’article 1er sexies reprend l’article 8 de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017 à l’initiative de M. Philippe Bas, président de la commission des Lois. Il modifie l’article 28 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature pour instituer une durée minimale d’exercice des fonctions de conseiller référendaire ou d’avocat général référendaire à la Cour de cassation.

Il est ainsi prévu d’imposer trois années d’exercice minimum des fonctions de conseiller référendaire et d’avocat général référendaire à la Cour de cassation. Les dispositions actuelles fixant à dix ans la durée maximale d’exercice de ces mêmes fonctions restent inchangées. Ces dispositions seraient applicables aux magistrats nommés à compter du 1er septembre 2019.

Pour tenir compte des difficultés pratiques susceptibles de découler de cette nouvelle règle, il pourrait y être dérogé sur avis motivé du Conseil supérieur de la magistrature, pour des raisons personnelles ou professionnelles, ou pour garantir l’égalité de traitement des magistrats dans leur déroulement de carrière.

Le Gouvernement n’est pas parvenu à faire supprimer cette disposition en séance publique.

2.   Un dispositif supprimé par la Commission

Pour les mêmes raisons que celles évoquées à propos de l’article 1er A, la Commission a adopté, avec l’avis favorable de la rapporteure, un amendement de suppression présenté par le Gouvernement.

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Article 1er septies
(art. 281 A et 281 B [nouveaux] de lordonnance n° 581270 du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Critères de nomination des chefs de juridiction

Supprimé par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 1er septies du projet de loi organique a pour objet d’instituer de nouveaux critères de nomination des chefs de juridiction, afin notamment de prendre davantage en compte les compétences d’administration et d’encadrement.

  Modifications apportées au Sénat

Cet article est issu d’un amendement des rapporteurs adopté par la commission des Lois du Sénat et dont le Gouvernement n’est pas parvenu à obtenir la suppression en séance publique.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a supprimé cet article.

1.   Le dispositif adopté par le Sénat

L’article 1er septies reprend pour partie les articles 14 et 15 de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017 à l’initiative de M. Philippe Bas, président de la commission des Lois. Il crée deux nouveaux articles 28‑1 A et 28‑A B au sein de l’ordonnance n° 58‑1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature pour instituer de nouveaux critères de nomination des chefs de juridiction applicables aux magistrats nommés à compter du 1er septembre 2019.

Le nouvel article 28-1 A confie à la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour arrêter les propositions de nomination de président de tribunal de grande instance le soin d’apprécier une série de neuf critères, parmi lesquels les qualités juridictionnelles des intéressés mais également leur aptitude à exercer des fonctions d’encadrement et à conduire des projets, à collaborer avec l’autre chef de juridiction, à conduire et à animer le dialogue social, à dialoguer avec l’ensemble des auxiliaires de justice du ressort de la juridiction ainsi qu’avec les services de l’État, ou encore à représenter l’institution judiciaire...

Des critères similaires sont prévus, au sein d’un nouvel article 28-1 B, pour l’avis que la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature formule sur les propositions de nomination du garde des Sceaux aux fonctions de procureur de la République près un tribunal de grande instance.

Le Gouvernement n’est pas parvenu à faire supprimer cette disposition en séance publique.

2.   Un dispositif supprimé par la Commission

Pour les mêmes raisons que celles évoquées à propos de l’article 1er A, la Commission a adopté, avec l’avis favorable de la rapporteure, un amendement de suppression présenté par le Gouvernement.

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Article 1er octies
(art. 282 de lordonnance n° 581270 du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Durée minimale dexercice des fonctions de chef de juridiction pour les magistrats du premier grade

Supprimé par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 1er octies du projet de loi organique a pour objet d’instituer une durée minimale d’exercice des fonctions de chef de juridiction, pour les magistrats du premier grade.

  Modifications apportées au Sénat

Cet article est issu d’un amendement des rapporteurs adopté par la commission des Lois du Sénat et dont le Gouvernement n’est pas parvenu à obtenir la suppression en séance publique.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a supprimé cet article.

1.   Le dispositif adopté par le Sénat

L’article 1er octies reprend l’article 9 de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017 à l’initiative de M. Philippe Bas, président de la commission des Lois. Il modifie l’article 28-2 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature pour instituer une durée minimale d’exercice des fonctions de chef de juridiction, pour les magistrats du premier grade nommés à compter du 1er septembre 2019.

Cette durée minimale serait fixée à trois années d’exercice pour les fonctions de président et de procureur de la République d’un même tribunal de grande instance ou de première instance, pour les magistrats du premier grade. Les dispositions actuelles qui limitent à sept années la durée maximale d’exercice de ces mêmes fonctions resteraient inchangées.

Pour tenir compte des difficultés pratiques susceptibles de découler de cette nouvelle règle, il pourrait y être dérogé sur avis motivé du Conseil supérieur de la magistrature, pour des raisons personnelles ou professionnelles, ou pour garantir l’égalité de traitement des magistrats dans leur déroulement de carrière.

Le Gouvernement n’est pas parvenu à faire supprimer cette disposition en séance publique.

2.   Un dispositif supprimé par la Commission

Pour les mêmes raisons que celles évoquées à propos de l’article 1er A, la Commission a adopté, avec l’avis favorable de la rapporteure, un amendement de suppression présenté par le Gouvernement.

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Article 2
(art. 28-3 de lordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Suppression de la fonction spécialisée de juge dinstance et création de la fonction de juge des contentieux de la protection

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à tirer les conséquences de la suppression du tribunal d’instance prévue par l’article 53 du projet de loi ordinaire en supprimant les mentions de la fonction spécialisée de juge d’instance prévue à l’article 28-3 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

  Dernières modifications législatives intervenues

La loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature a modifié l’article 28-3 en insérant les fonctions de juge de la liberté et de la détention parmi les fonctions spécialisées.

  Modifications apportées au Sénat

Cet article a fait l’objet d’un amendement adopté lors de l’examen en commission à l’initiative des rapporteurs afin d’introduire une durée minimale de quatre années pour l’exercice de fonctions spécialisées au sein d’une même juridiction. Lors de l’examen en séance, le Gouvernement a présenté un amendement, rejeté par le Sénat, tendant à supprimer cette disposition.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté un amendement présenté par le Gouvernement afin de prendre en compte la création de la fonction statutaire de juge des contentieux de la protection et de supprimer la durée minimale d’exercice de fonctions spécialisées au sein d’une même juridiction introduite par le Sénat.

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Article 2 bis
(art. 37 de lordonnance n° 581270 du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Durée minimale dexercice des fonctions de premier président dune même cour dappel

Supprimé par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 2 bis du projet de loi organique a pour objet d’instituer une durée minimale d’exercice des fonctions de premier président d’une même cour d’appel.

  Modifications apportées au Sénat

Cet article est issu d’un amendement des rapporteurs adopté par la commission des Lois du Sénat et dont le Gouvernement n’est pas parvenu à obtenir la suppression en séance publique.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a supprimé cet article.

1.   Le dispositif adopté par le Sénat

L’article 2 bis reprend l’article 11 de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017 à l’initiative de M. Philippe Bas, président de la commission des Lois. Il modifie l’article 37 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature pour instituer une durée minimale d’exercice des fonctions de premier président d’une même cour d’appel nommés à compter du 1er septembre 2019.

Cette durée minimale serait de trois années d’exercice pour les fonctions de premier président d’une même cour d’appel. Les dispositions actuelles qui limitent à sept années la durée maximale d’exercice de ces mêmes fonctions resteraient inchangées.

Pour tenir compte des difficultés pratiques susceptibles de découler de cette nouvelle règle, il pourrait y être dérogé sur avis motivé du Conseil supérieur de la magistrature, pour des raisons personnelles ou professionnelles, ou pour garantir l’égalité de traitement des magistrats dans leur déroulement de carrière.

Le Gouvernement n’est pas parvenu à faire supprimer cette disposition en séance publique.

2.   Un dispositif supprimé par la Commission

Pour les mêmes raisons que celles évoquées à propos de l’article 1er A, la Commission a adopté, avec l’avis favorable de la rapporteure, un amendement de suppression présenté par le Gouvernement.

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Article 2 ter
(art. 371 A et 3811 [nouveaux] de lordonnance n° 581270 du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Critères de nomination des chefs de cour

Supprimé par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 2 ter du projet de loi organique a pour objet d’instituer de nouveaux critères de nomination des chefs de cour, afin notamment de prendre davantage en compte les compétences d’administration et d’encadrement.

  Modifications apportées au Sénat

Cet article est issu d’un amendement des rapporteurs adopté par la commission des Lois du Sénat et dont le Gouvernement n’est pas parvenu à obtenir la suppression en séance publique.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a supprimé cet article.

1.   Le dispositif adopté par le Sénat

L’article 2 ter reprend pour partie les articles 14 et 15 de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017 à l’initiative de M. Philippe Bas, président de la commission des Lois. Il crée deux nouveaux articles 37‑1 A et 38‑1‑1 au sein de l’ordonnance n° 58‑1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature pour instituer de nouveaux critères de nomination des chefs de cour applicables aux magistrats nommés à compter du 1er septembre 2019.

Le nouvel article 37‑1 A confie à la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour arrêter les propositions de nomination de premier président de cour d’appel le soin d’apprécier une série de neuf critères, parmi lesquels les qualités juridictionnelles des intéressés mais également leur aptitude à exercer des fonctions d’encadrement et à conduire des projets, à collaborer avec l’autre chef de juridiction, à conduire et à animer le dialogue social, à dialoguer avec l’ensemble des auxiliaires de justice du ressort de la juridiction ainsi qu’avec les services de l’État, ou encore à représenter l’institution judiciaire...

Des critères similaires sont prévus, au sein d’un nouvel article 38‑1‑1, pour l’avis que la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature formule sur les propositions de nomination du garde des Sceaux aux fonctions de procureur général près une cour d’appel.

Le Gouvernement n’est pas parvenu à faire supprimer cette disposition en séance publique.

2.   Un dispositif supprimé par la Commission

Pour les mêmes raisons que celles évoquées à propos de l’article 1er A, la Commission a adopté, avec l’avis favorable de la rapporteure, un amendement de suppression présenté par le Gouvernement.

*

*     *

Article 2 quater
(art. 381 de lordonnance n° 581270 du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Durée minimale dexercice des fonctions de procureur général près une même cour dappel

Supprimé par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 2 quater du projet de loi organique a pour objet d’instituer une durée minimale d’exercice des fonctions de procureur général près une même cour d’appel.

  Modifications apportées au Sénat

Cet article est issu d’un amendement des rapporteurs adopté par la commission des Lois du Sénat et dont le Gouvernement n’est pas parvenu à obtenir la suppression en séance publique.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a supprimé cet article.

1.   Le dispositif adopté par le Sénat

L’article 2 quater reprend l’article 12 de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017 à l’initiative de M. Philippe Bas, président de la commission des Lois. Il modifie l’article 38-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature pour instituer une durée minimale d’exercice des fonctions de procureur général près une même cour d’appel nommés à compter du 1er septembre 2019.

Cette durée minimale serait fixée à trois ans. Les dispositions actuelles qui limitent à sept années la durée maximale d’exercice de ces mêmes fonctions resteraient inchangées.

Pour tenir compte des difficultés pratiques susceptibles de découler de cette nouvelle règle, il pourrait y être dérogé sur avis motivé du Conseil supérieur de la magistrature, pour des raisons personnelles ou professionnelles, ou pour garantir l’égalité de traitement des magistrats dans leur déroulement de carrière.

Le Gouvernement n’est pas parvenu à faire supprimer cette disposition en séance publique.

2.   Un dispositif supprimé par la Commission

Pour les mêmes raisons que celles évoquées à propos de l’article 1er A, la Commission a adopté, avec l’avis favorable de la rapporteure, un amendement de suppression présenté par le Gouvernement.

*

*     *

Article 2 quinquies
(art. 382 de lordonnance n° 581270 du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Durée minimale dexercice des fonctions de chef de juridiction, pour les magistrats hors hiérarchie

Supprimé par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 2 quinquies du projet de loi organique a pour objet d’instituer une durée minimale d’exercice des fonctions de chef de juridiction, pour les magistrats hors hiérarchie.

  Modifications apportées au Sénat

Cet article est issu d’un amendement des rapporteurs adopté par la commission des Lois du Sénat et dont le Gouvernement n’est pas parvenu à obtenir la suppression en séance publique.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a supprimé cet article.

1.   Le dispositif adopté par le Sénat

L’article 2 quinquies reprend l’article 13 de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017 à l’initiative de M. Philippe Bas, président de la commission des Lois. Il modifie l’article 38-2 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature pour instituer une durée minimale d’exercice des fonctions de chef de juridiction, pour les magistrats hors hiérarchie nommés à compter du 1er septembre 2019.

Cette durée minimale serait de trois années d’exercice. Les dispositions actuelles qui limitent à sept années la durée maximale d’exercice de ces mêmes fonctions resteraient inchangées.

Pour tenir compte des difficultés pratiques susceptibles de découler de cette nouvelle règle, il pourrait y être dérogé sur avis motivé du Conseil supérieur de la magistrature, pour des raisons personnelles ou professionnelles, ou pour garantir l’égalité de traitement des magistrats dans leur déroulement de carrière.

Le Gouvernement n’est pas parvenu à faire supprimer cette disposition en séance publique.

2.   Un dispositif supprimé par la Commission

Pour les mêmes raisons que celles évoquées à propos de l’article 1er A, la Commission a adopté, avec l’avis favorable de la rapporteure, un amendement de suppression présenté par le Gouvernement.

*

*     *

Article 3
(art. 41-10 A de lordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Impossibilité pour une formation collégiale de comporter une majorité de magistrats honoraires ou à temps partiel

Adopté par la Commission sans modification

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article complète l’article 41-10 A de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature afin de préciser que les magistrats honoraires ou les magistrats exerçant des fonctions à temps partiel ne peuvent être majoritaires au sein d’une formation collégiale de leur juridiction, conformément à la décision n° 2016-732 DC du Conseil constitutionnel rendue le 28 juillet 2016.

  Dernières modifications législatives intervenues

La loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature a créé l’article 41-10 A qui prévoit que les magistrats précités ne peuvent exercer qu’une part limitée de la compétence de la juridiction dans laquelle ils sont nommés.

*

*     *

Article 4
(art. 41-10 de lordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Possibilité pour les magistrats à titre temporaire dexercer leurs fonctions dans les chambres de proximité

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article tire les conséquences de la suppression du tribunal d’instance prévue par l’article 53 du projet de loi ordinaire et modifie par cohérence l’article 41-10 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958. Il prévoit ainsi que les magistrats à titre temporaire pourront être nommés au sein des nouvelles chambres détachées des tribunaux de grande instance.

  Dernières modifications législatives intervenues

La loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature a modifié l’article 41-10 qui détermine les conditions de nomination et d’exercice des magistrats à titre temporaire pour exercer des fonctions de juge d’instance, d’assesseur dans les formations collégiales des tribunaux de grande instance, de juge du tribunal de police ou de juge chargé de valider les compositions pénales afin d’élargir les fonctions susceptibles d’être exercées par ces derniers et d’établir une limite d’âge fixée à 75 ans.

  Modifications apportées au Sénat

Cet article a fait l’objet d’un amendement adopté lors de l’examen en commission à l’initiative des rapporteurs, afin de procéder à une simple coordination rendue nécessaire par la création du tribunal de première instance prévue par l’article 53 du projet de loi ordinaire.

Lors de l’examen en séance, le Gouvernement a présenté un amendement, rejeté par le Sénat, afin que les magistrats à titre temporaire puissent être nommés pour connaître d’une part limitée des compétences matérielles pouvant être dévolues par voie réglementaire aux chambres détachées.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté un amendement du Gouvernement visant, d’une part, à assurer une coordination avec la création de la fonction de juge des contentieux de la protection, et, d’autre part, à préciser que les magistrats à titre temporaire puissent être nommés pour connaître d’une part limitée des compétences matérielles pouvant être dévolues par voie réglementaire aux chambres de proximité.

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Article 5
(art. 41-11 de lordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Coordination des dispositions relatives au régime des magistrats à titre temporaire avec la suppression du tribunal dinstance et la création de la fonction de juge des contentieux de la protection

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article modifie par cohérence l’article 41-11 de l’ordonnance n° 58‑1270 du 22 décembre 1958 afin de tirer les conséquences de la suppression du tribunal d’instance prévue par l’article 53 du projet de loi ordinaire et des précisions apportées par l’article 3 du projet de loi organique. En outre, le présent article précise que les magistrats à titre temporaire ne peuvent assurer plus du tiers des services au sein des nouvelles chambres détachées du tribunal de grande instance.

  Dernières modifications législatives intervenues

La loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature a modifié l’article 41-11 afin notamment de porter à un tiers, contre un quart précédemment, la part des services pouvant être assurés par des magistrats à titre temporaire au sein de la juridiction à laquelle ils sont affectés.

  Modifications apportées au Sénat

Cet article a fait l’objet d’un amendement adopté lors de l’examen en commission à l’initiative des rapporteurs, contre l’avis du Gouvernement, afin de procéder à une simple coordination rendue nécessaire par la création du tribunal de première instance prévue par l’article 53 du projet de loi ordinaire.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté un amendement du Gouvernement visant à assurer une coordination des dispositions relatives à l’encadrement de l’activité des magistrats à titre temporaire avec la création de la fonction de juge des contentieux de la protection.

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*     *

Article 6
(art. 41-14 de lordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Coordination des dispositions relatives au régime des magistrats à titre temporaire avec la suppression du tribunal dinstance

Adopté par la Commission sans modification

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article modifie par cohérence l’article 41-11 de l’ordonnance n° 58‑1270 du 22 décembre 1958 relatif aux conditions de cumul d’activité professionnelle des magistrats à titre temporaire afin de tirer les conséquences de la suppression du tribunal d’instance prévue par l’article 53 du projet de loi ordinaire.

  Dernières modifications législatives intervenues

La loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature a modifié l’article 41-14 afin de préciser que les magistrats à titre temporaire ne peuvent effectuer aucun acte de leur profession dans le ressort de la juridiction à laquelle ils sont affectés ni se prévaloir de leur qualité dans le cadre de l’exercice de leur activité professionnelle.

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Article 7
(art. 41-26 de lordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Possibilité pour une formation collégiale de comporter plusieurs magistrats honoraires

Adopté par la Commission sans modification

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article modifie par cohérence l’article 41-26 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 afin de tirer les conséquences des précisions apportées par l’article 3 du projet de loi organique en supprimant les dispositions relatives au nombre maximal de magistrats honoraires susceptibles d’exercer des fonctions d’assesseur au sein d’une formation collégiale de la cour d’appel ou du tribunal de grande instance.

  Dernières modifications législatives intervenues

La loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature a créé l’article 41-26 afin de préciser les conditions d’exercice des magistrats honoraires affectés en qualité d’assesseurs au sein d’une formation collégiale de la cour d’appel ou du tribunal de grande instance.

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Article 7 bis
(art. 2, 3, 3-1, 12-1, 13, 28, 28-2, 28-3, 32, 38-2, 41-10, 41-13, 41-14, 41-25, 41-26, 41-28, 41-29, 72-3, 76-1-1 de lordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Coordinations relatives à la création du tribunal judiciaire

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article tire les conséquences de la suppression du tribunal de grande instance et de la création concomitante du tribunal de première instance prévue par l’article 53 du projet de loi afin de modifier, par cohérence, l’ensemble des dispositions de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 dans lesquelles apparaît la mention du tribunal de grande instance.

  Modifications apportées au Sénat

Cet article a été introduit par un amendement adopté lors de l’examen en commission à l’initiative des rapporteurs, afin de procéder à l’ensemble des coordinations formelles résultant de la création du tribunal de première instance prévue à l’article 53 du projet de loi ordinaire. Lors de l’examen en séance, le Gouvernement a présenté un amendement, rejeté par le Sénat, afin de supprimer cet article.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté un amendement de coordination du Gouvernement relatif à la création du tribunal judiciaire.

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*     *

Article 7 ter
(art. 38-2 de lordonnance n° 581270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Coordination relative à la création du parquet national antiterroriste

Introduit par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article tire les conséquences de la création du parquet national antiterroriste prévue par le projet de loi ordinaire.

  Modifications apportées par la Commission

Cet article a été introduit par un amendement présenté par le Gouvernement.

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*     *

Titre II
Dispositions diverses et transitoires

Article 8 A
(art. 1er, 2, 4-1 et 15 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994
sur le Conseil supérieur de la magistrature, art 132 et 384-1 du code électoral et art. 22 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits)
Coordinations relatives à la création du tribunal judiciaire

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article tire les conséquences de la suppression du tribunal de grande instance et de la création concomitante du tribunal de première instance prévue par l’article 53 du projet de loi afin de modifier, par cohérence, l’ensemble des dispositions de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature dans lesquelles apparaît la mention du tribunal de grande instance.

  Modifications apportées au Sénat

Cet article a été introduit par un amendement adopté lors de l’examen en commission à l’initiative des rapporteurs afin de procéder à l’ensemble des coordinations formelles résultant de la création du tribunal de première instance prévue à l’article 53 du projet de loi ordinaire. Lors de l’examen en séance, le Gouvernement a présenté un amendement, rejeté par le Sénat, afin de supprimer cet article.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté un amendement présenté par le Gouvernement tendant à réaliser plusieurs coordinations au sein du code électoral et de la loi organique du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits rendues nécessaires par la création du tribunal judiciaire.

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*     *

Article 8
(art. 9 de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour lélection du Président de la République et art. 1er de la loi organique n° 2016-1047 du 1er août 2016 rénovant les modalités dinscription sur les listes électorales des Français établis hors de France)
Coordinations relatives à la fusion des tribunaux dinstance de Paris et à la création du tribunal judiciaire

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article tire les conséquences de la suppression du tribunal d’instance prévue par l’article 53 du projet de loi ordinaire et de la fusion des vingt tribunaux d’instance d’arrondissement de Paris en un seul tribunal d’instance telle qu’opérée par le décret n° 2017-1643 du 30 novembre 2017 afin de prévoir la compétence du tribunal de grande instance de Paris pour connaître des contestations relatives aux inscriptions d’un électeur sur le registre des Français établis hors de France.

  Dernières modifications législatives intervenues

L’article 9 de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l’élection du Président de la République a été modifié par la loi organique n° 2016-506 du 25 avril 2016 de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle qui précise que la radiation d’un Français du registre des Français établis hors de France entraîne de plein droit sa radiation de la liste électorale consulaire, sauf opposition de sa part.

  Modifications apportées au Sénat

Cet article a fait l’objet d’un amendement adopté lors de l’examen en commission à l’initiative des rapporteurs afin, d’une part, de procéder à une coordination rendue nécessaire par la création du tribunal de première instance prévue par l’article 53 du projet de loi ordinaire, et, d’autre part, de réaliser une correction légistique à l’article 1er de la loi organique n° 2016-1047 du 1er août 2016 rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales des Français établis hors de France. Lors de l’examen en séance, le Gouvernement a présenté un amendement, rejeté par le Sénat, afin de supprimer les coordinations relatives à la création du tribunal de première instance.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté un amendement de coordination du Gouvernement relatif à la création du tribunal judiciaire.

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Article 9
Coordination pour lexpérimentation du tribunal criminel départemental

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 9 effectue une coordination permettant aux magistrats à titre temporaire et aux magistrats honoraires de prendre part, avec des fonctions d’assesseur, à l’expérimentation du tribunal criminel départemental.

  Modifications apportées au Sénat

Aucune.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté un amendement de coordination.

1.   Le dispositif adopté par le Sénat

L’article 9 effectue une coordination avec l’article 42 du projet de loi ordinaire pour l’expérimentation, dans deux départements au moins et dix départements au plus, du tribunal correctionnel départemental destiné à juger des crimes punis d’une peine de réclusion n’excédant pas vingt ans.

Il dispose que les fonctions d’assesseur du tribunal criminel départemental peuvent être occupées par :

– des magistrats à titre temporaire ([668]) ;

– des magistrats honoraires ([669]).

Comme la création du tribunal criminel départemental n’est qu’expérimentale, l’article 9 n’est pas codifié dans l’ordonnance n° 58‑1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

Le Sénat n’a apporté aucune modification à cet article.

2.   Des dispositions adoptées par la Commission

La Commission a approuvé les dispositions figurant à l’article 9 du projet de loi organique. Elle a seulement adopté un amendement de coordination présenté par le rapporteur afin de prendre en compte le changement de dénomination de la juridiction expérimentale créée à l’article 42 du projet de loi ordinaire, que la Commission a préféré nommer « cour criminelle » – et non « tribunal criminel départemental » comme dans la version initiale du projet de loi.

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*     *

Article 9 bis
Coordination avec la création du juge des contentieux de la protection

Introduit par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 9 bis, issu d’un amendement du Gouvernement adopté par la Commission avec l’avis favorable de la rapporteure, permet aux juges d’instance de continuer à exercer leurs fonctions au sein d’un tribunal de proximité ou du tribunal de grande instance devenu tribunal judiciaire, afin qu’ils conservent leur affectation dans l’ensemble des implantations judiciaires.

1.   L’état du droit

L’article 31 de l’ordonnance n° 58‑1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature prévoit les modalités de nomination des magistrats dont les fonctions ou les juridictions ont été supprimées. Son mécanisme complexe permet de concilier le principe d’inamovibilité et la capacité des pouvoirs législatif et exécutif à faire évoluer l’organisation judiciaire.

Cet article a été créé dans l’hypothèse où une suppression de juridiction imposerait à des magistrats de changer de lieu d’exercice des fonctions, ou dans l’hypothèse où une suppression de fonctions conduirait des magistrats à exercer à titre principal d’autres fonctions que celles pour lesquelles ils ont été nommés.

2.   Les dispositions adoptées par la Commission

Issu d’un amendement du Gouvernement adopté par la Commission avec l’avis favorable de la rapporteure, l’article 9 bis fait suite à la création dans le projet de loi de programmation pour la justice du juge des contentieux de la protection.

Eu égard aux spécificités de certains contentieux posant des problématiques de vulnérabilité personnelle, sociale ou économique, en lien avec l’ordre public de protection, il est apparu opportun de conserver la spécialisation de magistrats en poste, s’agissant tout particulièrement du domaine des tutelles, du surendettement, des baux d’habitation ou encore des crédits à la consommation. Larticle 9 bis permet ainsi aux juges dinstance de continuer à exercer leurs fonctions au sein dun tribunal de proximité ou du tribunal de grande instance devenu tribunal judiciaire, afin qu’ils conservent leur affectation dans l’ensemble des implantations judiciaires.

Dans ce cadre, il ne sera pas nécessaire de procéder à la nouvelle nomination prescrite à l’article 31 de l’ordonnance du 22 décembre 1958. Cette solution est conforme au principe d’inamovibilité dès lors que le lieu d’exercice des fonctions est inchangé et que les compétences exercées évoluent peu.

Il est prévu que cette réaffectation n’ait aucune incidence sur le calcul de la durée d’exercice des fonctions, limitée à dix ans pour les actuels juges d’instance comme pour les futurs juges des contentieux de la protection.

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*     *

Article 9 ter
Situation des magistrats exerçant à titre temporaire à la suite de la suppression des fonctions de juge dinstance et de la fusion des tribunaux dinstance et de grande instance

Introduit par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 9 ter, issu d’un amendement du Gouvernement adopté par la Commission avec l’avis favorable de la rapporteure, édicte une disposition transitoire au bénéfice des magistrats exerçant à titre temporaire à la suite de la suppression des fonctions de juge d’instance et de la fusion des tribunaux d’instance et de grande instance.

1.   L’incidence de la réforme de l’organisation judiciaire sur les magistrats exerçant à titre temporaire

La réforme de l’organisation judiciaire – suppression des fonctions de juge d’instance ; fusion des tribunaux d’instance et de grande instance – n’aura aucun impact sur les magistrats exerçant à titre temporaire nommés dans un tribunal de grande instance. En revanche, elle aura une incidence sur  les magistrats exerçant à titre temporaire nommés pour exercer les fonctions de juge d’instance au sein d’un tribunal d’instance ou de grande instance.

Par ailleurs, les fonctions exercées par les magistrats exerçant à titre temporaire sont énumérées à l’article 41-10 de l’ordonnance du 22 décembre 1958. Celles-ci n’évoluant guère dans le cadre de la réforme, ils connaîtront de contentieux quasiment identiques à aujourd’hui.

2.   Les dispositions adoptées par la Commission

Afin que les magistrats exerçant à titre temporaire puissent poursuivre leur mandat et l’exercice de leurs fonctions au sein du même lieu de justice, il convient de le prévoir sous la forme d’une disposition transitoire au sein du projet de loi organique.

C’est la raison pour laquelle la Commission a adopté un amendement du Gouvernement en ce sens avec l’avis favorable de la rapporteure.

*

*     *

Article 10
Entrée en vigueur différée de certaines dispositions du projet de loi organique

Adopté par la Commission avec modifications

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit l’entrée en vigueur au 1er janvier 2020 des articles 1er, 2, 4, 5, 6 et du 1° du II de l’article 8 de la présente loi organique.

  Modifications apportées au Sénat

Cet article a fait l’objet d’un amendement adopté lors de l’examen en commission à l’initiative des rapporteurs, afin de prévoir, par cohérence, l’entrée en vigueur différée au 1er janvier 2020 des nouveaux articles 7 bis et 8 A, ainsi que du II de l’article 8 de la présente loi organique. Un amendement de coordination relatif à l’entrée en vigueur de l’article 2 présenté par les rapporteurs, contre l’avis du Gouvernement, a également été adopté lors de l’examen en séance. Le Gouvernement a également présenté un amendement, rejeté par le Sénat, afin de procéder à diverses coordinations.

  Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté un amendement de coordination du Gouvernement rendu nécessaire par la modification de l’article 2 du projet de loi organique.

 

 

 


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   PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS

Jeudi 4 octobre 2018

   M. Jean-François Beynel, président, premier président de la cour d’appel de Grenoble

   M. Gilles Accomando, membre, premier président de la cour d’appel de Pau

   M. Jean-François Thony, président, procureur général près la cour d’appel de Rennes

   M. Frédéric Fèvre, membre, procureur général près la cour d’appel de Nancy

   M. Marc Cimamonti, président, procureur de la République près le tribunal de grande instance (TGI) de Lyon

   M. Nicolas Jacquet, vice-président, procureur de la République près le TGI de Rennes

   M. Sébastien Nicolas, secrétaire général

   M. Ivan Gombert, secrétaire national

   M. Pierre Yves Lapresle, secrétaire national

   M. Julien Magnier, secrétaire national

   Mme Aurélie Demmer, secrétaire générale adjointe

   M. Gautier Schont, secrétaire national

   Mme Céline Parisot, présidente

   M. Jacky Coulon, secrétaire national

   M. Florent Boitard, chargé de mission

   Mme Katia Dubreuil, présidente

   M. Vincent Charmoillaux, secrétaire national

   Mme Juliane Pinsard, secrétaire nationale

   M. Jérôme Voiturier, directeur général de l’UNIOPSS

   Mme Marie Lambert-Muyard, conseillère technique Enfances-familles-jeunesses de l’UNIOPSS

   Mme Sophie Diehl, conseillère technique Justice des enfants et des adolescents de Citoyens et Justice, membre de l’UNIOPSS

Lundi 8 octobre 2018

   M. Hadeel Chamson, délégué général

   M. Antoine Peraldi, administrateur

   Mme Sandrine Schwob, déléguée générale

   Mme Guillemette Leneveu, directrice générale

   Mme Lauriane Sochon, chargée de mission protection juridique des majeurs

   Mme Claire Ménard, chargée des relations parlementaires

   M. Claude Petit, président

   Mme Valérie Albou Pavlik, conseil de l’association, déléguée Paris Île‑de-France

   M. Jacques Vivien, conseil de l’association, délégué Provence-Alpes-Côte-D’azur

Mardi 9 octobre 2018

   Mme Béatrice Brugère, secrétaire générale

   M. Marc Lifchitz, secrétaire général adjoint

   Mme Claire Danko, membre du bureau national

   M. Philippe Ferlet, avocat général à la cour d’appel de Paris

   M. François Molins, procureur de la République près le TGI de Paris et procureur général en cours de nomination (à la date de laudition)

   M. Philippe Ingall-Montagnier, doyen des premiers avocats généraux, procureur général par intérim près la Cour de cassation (à la date de laudition)

   Mme Delphine Legoherel, avocate générale, chargée de mission au cabinet du procureur général près la Cour de cassation

   M. Olivier Christen, procureur-adjoint près le TGI de Paris

   Mme Aurélia Devos, vice-procureure et cheffe de la section « Pôle crimes contre l’humanité - crimes et délits de guerre » au TGI de Paris

   M. Paul Marconot, président

   M. Didier Baudoin, vice-président

   Mme Laurence Fayet, déléguée générale

   Mme Stéphanie Cherbonnier, contrôleure générale, conseillère judiciaire au cabinet du directeur général

   M. Jean-Philippe Lecouffe, sous-directeur de la police judiciaire

   Mme Sandrine Guillon, conseillère juridique et judiciaire du directeur général

   Mme Céline Michta, cheffe d’escadron du bureau de la police judiciaire

   M. Sylvain Lhuissier, délégué général

Mercredi 10 octobre 2018

   Mme Christiane Féral-Schuhl, présidente

   Mme Géraldine Cavaillé, directrice du pôle juridique

   Mme Françoise Louis-Tréfouret, directrice des relations institutionnelles

   Mme Marie-Aimée Peyron, bâtonnier de Paris

   M. Jérôme Gavaudan, président

   M. Roy Spitz, président

   Mme Laurence Roques, présidente

   Mme Aminata Niakate, présidente

   Mme Joëlle Munier, présidente, présidente du TGI d’Albi

   M. Benjamin Deparis, vice-président, président du TGI d’Évry

   M. Christophe Mackowiak, vice-président, président du TGI de Blois

   M. Vito Fortunato, secrétaire national

   Mme Alexia Peyre, secrétaire nationale

   M. Jérôme Bertin, directeur général

   Mme Isabelle Sadowski, directrice juridique et de la coordination de l’aide aux victimes

   Mme Mireille Faugère, conseillère maître

   M. Jean François Humbert, premier vice-président

   M. François Devos, directeur des affaires juridiques

   Mme Christine Mandelli, chargée des relations institutionnelles

Jeudi 11 octobre 2018

   M. Bertrand Louvel, premier président

   Mme Isabelle Goanvic, secrétaire générale de la Cour de cassation

   Mme Anne Caron-Déglise, avocate générale près la 1ère chambre civile de la Cour de cassation

   M. Léonard Sellem, directeur général

   M. Thomas Cailleau, consultant

   M. Benjamin Jean, président

   M. Bertrand Cassar, secrétaire général

   M. Guillaume Kaltenbach

   M. Antoine Dusséaux, directeur général

   Mme Clémence Arto, directrice juridique et affaires publiques

Vendredi 12 octobre 2018

   M. Philippe Houillon, référent, avocat, ancien député et président de la commission des Lois de l’Assemblée nationale

   M. Dominique Raimbourg, référent, avocat, ancien député et président de la commission des Lois de l’Assemblée nationale

   M. Didier Morfoisse, président

   Mme Gabrielle Planes, présidente d’honneur

   M. Jean-Louis Coquin, président

   Mme Sophie Lassalle, secrétaire générale

   M. Robin Mulot, président

   Mme Muriel Le Barbier, membre du conseil syndical

   M. Ivan Pertuy, président

   Mme Catherine Bergeal, secrétaire générale

Lundi 15 octobre 2018

   M. Stéphane Achab, chargé de mission communication

   M. David Olivier, conseiller technique investigation

   M. David Alberto, conseiller technique

   M. Benjamin Iseli, conseiller technique

   M. Jean-Paul Mégret, secrétaire national

   M. Jérôme Moisant, secrétaire National aux conditions de travail

   M. Yann Bastière, référent investigation

   M. Grégory Cornillon, commissaire de police

   M. Guillaume Ryckewaert, secrétaire national chargé des commissaires de police

   M. Francois Dufour, secrétaire général adjoint

   M. Emmanuel Franchet, secrétaire

   M. Philippe Antoni, membre

   M. Sébastien Baudoux, membre

   M. Jérôme Gallet, membre

   M. Frédéric Guaignier, membre

   Mme Hélène L’Hôtelier, membre

   M. Alain Mouline, membre

   M. Franck Potier, membre

   M. Gregory Rivière, membre

Mardi 16 octobre 2018

   M. Jean-François Beynel, référent, premier président de la cour d’appel de Grenoble

   M. Didier Casas, référent, directeur général adjoint Bouygues Telecom

   Mme Géraldine Duchemin, présidente de la commission nationale Pré-sentencielle majeurs

   Mme Stéphanie Lassalle, conseillère technique Post-sentenciel

   Mme Véronique Dandonneau, juriste, chargée de projets

   M. Frédéric Lauféron, directeur général

   Mme Renée Koering-Joulin, personnalité qualifiée, conseillère honoraire à la Cour de cassation

   Mme Ophélie Marrel, conseillère juridique

   M. Bruno Cotte, référent, président honoraire de la chambre criminelle de la Cour de cassation

   M. Franck Natali, référent, avocat au barreau de lEssonne, président honoraire de la Conférence des bâtonniers

   Mme Sophie Grimault, secrétaire générale adjointe

   M. Jean-Jacques Pieron, membre

   Mme Martine Motard, secrétaire générale adjointe

   Mme Dominique Dutemps, secrétaire nationale, trésorière

   M. Christophe Thevenot, président

   M. Christophe Basse, vice-président

   M. Alexandre de Montesquiou, consultant

   M. Thierry Bary, délégué général

   M. Gabriel Mecarelli, directeur des affaires juridiques

   M. Jean-Marc Bahans, vice-président

   M. Thomas Denfer, chargé de mission

   Mme Agnès Carlier, vice-présidente

   M. Georges Decocq, conseil, professeur d’université

   M. Jean Latizeau, président

   Mme Catherine Chesseboeuf, militante

   M. Claude Néris, président

   Mme Virginie Bardet, vice-présidente, responsable du pôle juridique

   Mme Carole Lapanouse, présidente

   Mme Claire Lallemand

Jeudi 18 octobre 2018

   Mme Claudine Bernfeld, présidente

   M. Frédéric Bibal, administrateur

   Mme Cécile Dangles, présidente

   M. Thomas Campeaux, directeur des libertés publiques et des affaires juridiques

   M. Vincent Plumas, chef du bureau des questions pénales

Vendredi 19 octobre 2018

   Mme Carine Denoit-Benteux, élue chargée du Centre national de médiation des avocats, présidente de la commission « Textes » du Conseil national des barreaux (CNB)

   Mme Géraldine Cavaillé, directrice du pôle juridique, membre du CNB

   Mme Emilie Pistorio, juriste, membre du CNB

   M. Claude Brugel, membre du bureau exécutif, chargé des études juridiques

   M. Georges Richelme, président

   M. Paul Barincou, président

Lundi 22 octobre 2018

   M. Olivier Dailly, directeur général adjoint

   Mme Patricia Foucher, cheffe du service économique, juridique et de la documentation

   M. David Rodrigues, juriste

   Mme Sandrine Perrois, juriste

   M. Raphaël Bartlomé, responsable du service juridique

   M. Guilhem Fenieys, chargé de mission relations institutionnelles

   Mme Frédérique Agostini, référente, présidente du TGI de Melun

Mercredi 24 octobre 2018

   M. Jacques Toubon, Défenseur des droits

   Mme Claudine Jacob, directrice de la protection des droits et des affaires judiciaires

   M. Pascal Montfort, chef du pôle Justice et libertés

   Mme France de Saint-Martin, attachée parlementaire

Jeudi 25 octobre 2018

   M. Olivier Laplaud, vice-président

   Mme Marine Gauchy-Nieto, juriste

   M. Guillaume Denoix de Saint Marc, fondateur et directeur général

   Mme Marie-Cécile Castel, responsable de l’aide aux victimes

   Mme Yasmine Chaouchi, responsable Affaires Publiques et territoires

   Mme Sophia Ben Azib Seco, co-directrice

   M. Yassine Bourouais, président

   Mme Elisabeth Pelsez, déléguée interministérielle

   M. Abdel-Akim Mahi, chef du pôle de la coordination de la politique publique d’aide aux victimes

   Mme Anne Rivière, cheffe de bureau au service de l’accès au droit et à la justice et de l’aide aux victimes

Vendredi 26 octobre 2018

MARDI 13 NOVEMBRE 2018

   M. Pascal Gastineau, président de l’AFMI, vice-président chargé de l’instruction au pôle financier du TGI de Paris

   M. Marc-Emmanuel Gounot, secrétaire général de l’AFMI, vice‑président chargé de l’instruction à la JIRS de Lyon

   Mme Lucie Delaporte, vice-présidente de l’instruction au TGI de Bobigny

 

 

*

*     *

 

 

Contributions écrites reçues par les rapporteurs de la part de personnes qui nont pas été auditionnées :

 

 

 

 

 

 

 

(*) Ces représentants dintérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, sengageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de lAssemblée nationale.


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   ANNEXE : LES CINQ CHANTIERS DE LA JUSTICE

Conformément aux engagements du Président de la République, le Premier ministre, M. Édouard Philippe, et la ministre de la Justice, garde des Sceaux, Mme Nicole Belloubet, ont annoncé, le 6 octobre 2017 à Nantes, le lancement des chantiers de la justice. Ces derniers ont pris la forme d’une large concertation, dune durée de trois mois, menée par dix référents et destinée à préparer une réforme globale de la justice en permettant de faire « remonter » les expériences et les initiatives des acteurs de terrain.

Estimant que « létat de nos juridictions et de nos prisons ne répond pas aux attentes des citoyens », le Gouvernement souhaitait, à travers ces chantiers, « engager une réforme de la justice pour rendre plus effectives les décisions des magistrats, donner plus de sens à leurs missions et rétablir la confiance de nos concitoyens dans notre Justice ».

Les chantiers se sont articulés autour de cinq thèmes :

– la transformation numérique (MM. Jean-François Beynel et Didier Casas) ;

– la simplification de la procédure pénale (MM. Jacques Beaume et Franck Natali) ;

– la simplification de la procédure civile (Mme Frédérique Agostini et M. Nicolas Molfessis) ;

– l’adaptation de l’organisation judiciaire (MM. Dominique Raimbourg et Philippe Houillon) ;

– le sens et l’efficacité des peines (M. Bruno Cotte et Mme Julia Minkowski).

Cette consultation a abouti à la remise de cinq rapports à la garde des Sceaux, le 15 janvier 2018, à la suite de laquelle une nouvelle concertation fut ouverte le 9 mars 2018, dont les résultats furent intégrés dans le projet de loi de programmation 2018–2022 et de réforme pour la justice ainsi que dans le projet de loi organique relatif au renforcement de l’organisation des juridictions présentés le 20 avril 2018 en Conseil des ministres.


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Chantier relatif À la transformation numérique

MM. Jean-François Beynel, premier président de la Cour d’appel de Grenoble, et Didier Casas, secrétaire général de Bouygues Télécom et maître des requêtes au Conseil d’Etat, affirment la place du numérique comme levier d’adaptation du service public de la justice aux besoins du justiciable et des professionnels de la justice.

1.   Dès 2018-2019, consolider les actions déjà engagées

Les référents affirment la nécessité de poursuivre la remise à niveau du socle technique :

– par une consolidation des centres de données ainsi qu’une augmentation massive du débit des réseaux, permettant un usage plus fluide de la messagerie et des applications ;

– à travers un renouvellement et une modernisation des outils du travail du quotidien, en particulier des outils de mobilités tels que les smartphones sécurisés et les ultraportables ;

– à travers une plateforme d’échange de documents volumineux assurant la traçabilité des échanges ainsi que le développement des systèmes de visio‑conférence, afin de faciliter le travail des acteurs de la justice et du droit.

La transformation numérique s’accomplirait par ailleurs à court terme à travers la poursuite du déploiement de Cassiopée dans les cours d’appel et les chambres de l’instruction, ainsi qu’en ouvrant de nouvelles fonctionnalités comme la gestion des scellés ou celle des procès hors normes.

Elle serait également mise en œuvre via la mise en place de la saisine en ligne de la justice pour toutes les procédures civiles. Les référents préconisent à cet égard une montée en puissance par bloc de contentieux et de matières, tout en maintenant des exceptions permettant une adaptation progressive. Ils soulignent toutefois la nécessité d’un encadrement de la saisine en ligne afin d’éviter les débordements liés à un foisonnement non contrôlé, notamment par une cristallisation du lien contentieux en amont de la saisine du juge et la formalisation contradictoire par les parties de leurs accords et désaccords.

L’engagement de la transformation numérique suppose, enfin, la mise en place précoce dinstruments de soutien aux publics les plus éloignés du numérique afin de garantir légal accès de tous au droit. Les référents évoquent, à ce titre, une intégration du numérique aux services d’accueil uniques des justiciables, l’utilisation du réseau des maisons de justice et du droit ainsi qu’une collaboration renforcée avec le réseau associatif.

2.   À l’horizon 2020, une refonte des systèmes d’information du ministère

Les référents soulignent que le développement applicatif au service des métiers constitue une attente forte des magistrats et des agents :

– le remplacement des actuelles applications aurait pour objectif d’offrir aux professionnels du droit une procédure entièrement dématérialisée ;

– la création dun dossier judiciaire numérique unique, partagé par les procédures civiles et pénales, apparaîtrait dès lors fondamentale. Alimenté par les parties et les acteurs du procès et de la procédure, il serait consultable par chaque acteur sur la base d’accréditations définissant des niveaux de droit d’accès.

Les référents souhaitent inscrire la transformation numérique dans une vision prospective, en s’appuyant de manière raisonnée sur les legal tech, qui constituent une source importante de créativité et sont susceptibles d’encourager un développement large des modes alternatifs de résolution des conflits par le numérique : médiation, conciliation, ou encore traitement participatif.

La transformation numérique est aussi l’occasion de repenser la relation entre les citoyens et le service public de la justice. Dans ce cadre, une diffusion renforcée des informations générales via le site « justice.fr » servirait de pivot afin de tendre vers une transparence de fonctionnement. Il fournirait également des référentiels, modèles et listes de pièces normés et approuvés.

Le caractère interactif de laudience se verrait par ailleurs accru : la numérisation permettrait aux parties d’échanger l’ensemble de leurs pièces et écritures, ou encore l’établissement en amont de questions par le juge auxquelles les parties répondraient contradictoirement avant l’audience.

Cette évolution offrirait en outre une aide à la rédaction, ainsi qu’une incitation à l’harmonisation des pratiques et des jurisprudences.

Les référents notent enfin que la transformation numérique doit permettre une amélioration des systèmes dinformation de ladministration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse.


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Chantier relatif À la simplification de la procÉdure pÉnale

MM. Jacques Beaume, procureur général honoraire, ancien membre du Conseil supérieur de la magistrature, et Franck Natali, avocat au barreau de l’Essonne, ancien bâtonnier, soulignent la nécessité de supprimer les règles et formalités qui complexifient le travail des enquêteurs, des magistrats et des fonctionnaires.

1.   Faciliter l’accès à la justice

Les référents insistent sur l’importance de la numérisation afin de réaliser une ouverture accrue de la procédure pénale au justiciable :

– par une consécration du recueil de la plainte en ligne ;

– à travers la généralisation des échanges de pièces par voie dématérialisée entre juges et avocats dans le cadre de la constitution d’une partie civile afin de raccourcir les délais de procédure.

Au-delà de cette transformation numérique, faciliter les constitutions de partie civile passerait également par une ouverture améliorée aux victimes non comparantes, grâce à l’instauration d’un dossier unique au pénal ou au recueil de la plainte au jugement.

2.   Supprimer les formalités inutiles et redondantes

Rendre les enquêtes plus efficaces exigerait une simplification des régimes procéduraux et des seuils prévus dans le code de procédure pénale :

– l’enquête de flagrance verrait ainsi une extension de sa durée à quinze jours, avec renouvellement possible de huit jours ;

– un seuil unique de cinq ans d’emprisonnement encouru serait instauré pour les régimes des techniques spéciales d’enquête, les perquisitions avec autorisation du juge des libertés et de la détention en enquête préliminaire ainsi que la géolocalisation ;

– est par ailleurs conseillée la poursuite d’une réflexion de moyen terme sur la recodification du code de procédure pénale.

Les référents préconisent également une réduction des formalités :

– en ce qui concerne l’exercice des missions des officiers de police judicaire et afin d’éviter qu’ils recherchent une nouvelle habitation à chaque changement d’affectation, une habilitation unique par le procureur général du premier lieu d’exercice, valable dix ans, est proposée ;

– l’autorisation nécessaire à la consultation des fichiers administratifs par les officiers et agents de police judiciaire devrait être supprimée ;

– par la présentation non systématique des mis en cause au procureur de la République en cas de prolongation de la garde à vue à 48 heures.

3.   Permettre une réponse pénale efficace et rapide tout en respectant les droits fondamentaux

Les référents affirment la nécessité de simplifier le jugement des affaires :

 à travers une clarification de la répartition entre collégialité et juge unique devant le tribunal correctionnel : la liste actuelle des infractions se verrait remplacée par un seuil unique de peine encourue ;

– par la présence d’un « conseiller unique » en appel, ainsi que la possibilité pour l’accusé de limiter son appel au quantum de la peine ;

– grâce au développement de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, procédure intermédiaire entre la comparution immédiate et l’information judiciaire ;

– à travers l’expérimentation d’un tribunal criminel départemental.

Une accélération de la procédure pénale serait en outre encouragée par l’instauration de mécanismes tels que le développement de la forfaitisation pour le domaine contraventionnel ou la possibilité pour le parquet de conclure une transaction financière avec le suspect sans qu’il soit nécessaire de solliciter une homologation par un juge du siège par la suite.

 


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Chantier relatif À la simplification de la procÉdure civile

Mme Frédérique Agostini, présidente du tribunal de grande instance de Melun, et M. Nicolas Molfessis, professeur de droit privé à l’université Panthéon-Assas et secrétaire général du Club des juristes, soulignent la nécessité de simplifier la saisine des juridictions, d’assurer une meilleure lisibilité de l’avancement de la procédure, d’améliorer les délais de traitement et d’accroitre l’efficacité de l’action des juridictions.

  1. Refonder l’architecture de première instance

Les référents affirment l’importance d’une simplification de la procédure devant la juridiction de première instance. Dans cette optique, la numérisation revêt un intérêt notable et doit être développée :

– par une dématérialisation de la procédure, notamment à partir d’une plateforme dédiée, ainsi que la désignation d’un délégué à la numérisation de la justice ;

– à travers la création d’une juridiction unique et recentrée en première instance : un tribunal judiciaire regrouperait le tribunal de grande instance et le tribunal d’instance ;

– via une amélioration des outils : acte de saisine judicaire unifié ou encore unification des circuits procéduraux avec coexistence d’une phase écrite et orale ;

– grâce au recours accru à la mise en état conventionnelle, dont le rythme serait conditionné à la date de l’examen de fond ;

– par une rationalisation de l’instruction (fin des exceptions d’incompétence, redéfinition des régimes des exceptions de nullité de fond et des fins de non-recevoir, soumission du divorce à la procédure de droit commun...).

Ils préconisent par ailleurs le recours aux modes alternatifs de règlement des différends. Le recours aux modes amiables de résolution des différends devrait par exemple être encouragé à travers l’instauration d’une césure du procès civil, permettant notamment au juge de ne statuer que sur les questions de principe.

  1. Repenser les droits et devoirs des acteurs du procès

Il est proposé de consacrer deux principes :

– d’une part, la représentation obligatoire par avocat, qui serait progressivement étendue afin d’accroître les droits du justiciable, de rationaliser le procès et d’améliorer la qualité de la décision ;

– d’autre part, la loyauté procédurale : les comportements déloyaux, telle la non-participation de bonne foi à l’administration contradictoire de la preuve, seraient sanctionnés afin de renforcer la crédibilité de la prestation judiciaire.

Repenser les droits et devoirs des acteurs du procès exigerait également de clarifier loffice du juge quant à la détermination de la règle de droit applicable. Une solution envisagée serait de faire obligation au juge, sauf disposition contraire, de relever le moyen de droit, qu’il soit d’ordre public ou non.

Est enfin proposée l’instauration d’une contribution au financement de la justice civile par les parties.

  1. Assurer la qualité et l’efficacité de la décision de justice

Les référents soulignent qu’un renforcement de la première instance requiert l’amélioration de la prise de décision elle-même :

– la culture de son élaboration évoluerait à travers une restauration de la collégialité dès la première instance et une augmentation du nombre de magistrats expérimentés dans ces mêmes juridictions ;

– une harmonisation de la jurisprudence est en outre préconisée à travers un renforcement des liens de la première instance avec la Cour de Cassation : utilisation accrue de son service de documentation, des études et du rapport ainsi que de la saisine pour avis ;

– l’établissement d’une procédure de traitement des litiges en série est également évoqué.

Enfin, afin d’améliorer l’effectivité de la justice civile, les référents préconisent de généraliser lexécution provisoire de droit, d’offrir au parquet la possibilité de requérir la force publique pour la mise à exécution forcée en matière familiale, et de renforcer l’évaluation de la qualité de la justice civile en privilégiant une analyse qualitative et la réalisation d’enquêtes de satisfaction.


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Chantier relatif À l’adaptation de l’organisation judiciaire

MM. Dominique Raimbourg et Philippe Houillon, avocats, anciens députés et anciens présidents de la commission des Lois de l’Assemblée nationale, soulignent la nécessité de mettre en cohérence les principes de clarté et de lisibilité de l’organisation judiciaire, de proximité avec les justiciables et de spécialisation des magistrats avec la nouvelle organisation territoriale de la République, reposant sur le maintien du maillage actuel des juridictions.

1.   Juridictions de première instance : une revitalisation au sein des départements

L’architecture de la première instance doit concilier un besoin de proximité et l’exigence d’expertise pour les matières complexes. Les référents préconisent dès lors la mise en œuvre d’un schéma dorganisation départementalisé :

– par l’instauration, en lieu et place des tribunaux d’instance et de grande instance, de tribunaux de proximité et de tribunaux judiciaires, à raison d’un tribunal judiciaire par département, qui animerait et coordonnerait un ou plusieurs tribunaux de proximité ;

– le maintien de l’ensemble des sites actuels en vue d’assurer une justice de proximité ;

– la conservation, au sein de chaque tribunal judiciaire, d’un président, d’un procureur de la République et d’un directeur des services de greffes judiciaires dont les compétences demeureraient inchangées ;

– la compétence des chefs de juridiction pour la gestion du budget de fonctionnement de celle-ci afin de permettre le déploiement de projets locaux et le pilotage des tribunaux de proximité par un vice-président pour le siège et un magistrat du parquet, assistés d’un directeur des services de greffes judiciaires ;

– la constitution de pôles pour traiter les contentieux techniques.

Les rapporteurs estiment toutefois nécessaire de prévoir des exceptions à la création dun tribunal judiciaire unique par département, au regard des spécificités de certains territoires. Par ailleurs, dans l’hypothèse où plusieurs tribunaux judiciaires seraient maintenus dans un même département, chacun conserverait la plénitude de ses compétences juridictionnelles. Le tribunal judiciaire départemental se verrait alors investi d’une mission de coordination des autres tribunaux judiciaires du département.

Enfin, il est proposé de procéder à une nouvelle répartition des contentieux :

– la compétence des tribunaux de proximité serait réservée aux contentieux de la vie quotidienne, pour lesquels la rencontre avec le juge est nécessaire ou l’enjeu financier moindre, ainsi qu’à la protection des personnes les plus vulnérables (tutelle des mineurs en matière civile, jugement des contraventions en matière pénale…) ;

– le tribunal judiciaire connaîtrait des contentieux spécialisés, requérant notamment la représentation obligatoire par avocat en matière civile.

2.   Juridictions d’appel : un réseau à l’échelle des régions et des territoires

Les référents soulignent l’existence de chevauchements de compétences territoriales avec les régions administratives, rendant nécessaire une organisation tendant à la concordance des ressorts dans un souci de cohérence.

Ils mettent par ailleurs en avant le besoin de maintenir des contentieux dappel « de proximité » dans un objectif daménagement du territoire. Est dès lors préconisé le positionnement d’une cour d’appel régionale par région administrative, tout en tenant compte des spécificités des territoires afin de réajuster les ressorts des cours d’appel.

La cour dappel de région serait investie d’un rôle de coordination des politiques judiciaires au niveau régional. Comme pour les cours d’appel territoriales, chacune se verrait dirigée par un premier président ainsi qu’un procureur général, qui conserveraient la plénitude de leurs attributions juridictionnelles en matière civile et pénale.

Un renforcement de lautonomie budgétaire des cours dappel régionales est en outre préconisé à travers la gestion d’un budget opérationnel de programme ainsi que des services administratifs régionaux étoffés. Les cours d’appel territoriales auraient quant à elles la qualité d’unité opérationnelle.

Enfin, dans l’hypothèse où plusieurs cours d’appel territoriales seraient localisées dans un même ressort régional, chacune devrait disposer d’un socle commun de compétences juridictionnelles généralistes. Les contentieux spécialisés se verraient répartis entre les cours d’une même région en s’appuyant sur les domaines d’expertise de chacune. Les cours ainsi désignées seraient compétentes pour en connaître sur l’ensemble de la région.


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Chantier relatif au sens et À l’efficacitÉ des peines

M. Bruno Cotte, ancien président de la chambre criminelle de la Cour de cassation, ancien magistrat à la Cour pénale internationale et auteur d’un rapport pour une refonte du droit des peines en décembre 2015, et Mme Julia Minkowski, avocate au barreau de Paris, cofondatrice et présidente du Club des femmes pénalistes, soulignent l’illisibilité du système d’exécution des peines ainsi que la multiplication excessive de courtes peines d’emprisonnement.

1.   Redonner du sens à la peine

Pour les référents, les courtes peines d’emprisonnement ont un effet désocialisant majeur et prédisposent à la récidive. Ils préconisent donc des sanctions mieux adaptées en cessant de faire de lemprisonnement lunique peine de référence et en favorisant le développement de peines autonomes et alternatives :

– par la création d’une « peine de probation », qui permettrait d’assortir une condamnation de l’ensemble des mesures alternatives prévues par la contrainte pénale et le sursis avec mise à l’épreuve ;

– avec le développement de la peine de travail d’intérêt général (TIG) et la création d’une « Agence du TIG » ;

– en faisant de la mesure de placement sous surveillance électronique une peine autonome susceptible d’être assortie d’obligations et d’interdictions.

En définitive, l’échelle des peines en matière correctionnelle se présenterait sous la forme suivante : l’emprisonnement, la surveillance électronique, la peine de probation, le TIG, l’amende, la peine de jour-amende, les stages et les interdictions.

Redonner du sens à la peine ne pourrait toutefois être effectif sans repenser la place de la peine demprisonnement :

– à travers l’interdiction du prononcé de peines d’emprisonnement inférieures à un mois ;

– par l’exécution, sauf exception, des peines d’emprisonnement inférieures ou égales à six mois sous le régime de la semi-liberté, du placement à l’extérieur ou de la surveillance électronique.

Il est enfin recommandé de repenser la détention provisoire, qui conditionne souvent le prononcé de peines d’emprisonnement ferme, en réexaminant les critères de placement, en élevant le seuil d’emprisonnement encouru requis et en limitant sa durée.

2.   Renforcer l’efficacité des peines

Les référents appellent par ailleurs à un renforcement de l’efficacité de la peine ainsi repensée, en particulier pour les peines d’emprisonnement :

– par la systématisation de la libération sous contrainte aux deux-tiers de la peine pour les peines de moins de cinq ans d’emprisonnement afin d’éviter les « sorties sèches », sauf décision contraire du juge de l’application des peines ;

– par l’interdiction daménager avant mise à exécution les peines fermes de plus dun an afin de réduire l’écart entre la peine prononcée et celle exécutée ;

– à travers une meilleure motivation des peines ;

– pour les peines moyennes et longues, en redéfinissant le régime de la période de sûreté ou en veillant à une inscription plus précoce des réclusionnaires à perpétuité dans un parcours d’exécution de peine et dans un dispositif de réinsertion.

Mettre en œuvre des peines alternatives efficaces suppose pour le juge de disposer déléments dinformation suffisants sur la personnalité du prévenu :

– par un renforcement des enquêtes de personnalité ;

– en augmentant les effectifs et les moyens des services pénitentiaires d’insertion et de probation ;

– à travers la création d’un « dossier unique de personnalité ».

Enfin, plusieurs simplifications en matière d’application des peines sont suggérées :

– une clarification des attributions respectives du juge de l’application des peines et du tribunal d’application des peines ;

– l’édiction de règles communes pour les procédures d’aménagement des peines ;

– l’unification du régime des permissions de sortir ;

– s’agissant du contentieux post-sentenciel, une réforme de la procédure de réhabilitation judiciaire, qui serait de la compétence du tribunal de grande instance afin de pouvoir exercer une voie de recours devant la chambre des appels correctionnels ;

– plus généralement, une réécriture des titres du code pénal et du code de procédure pénale relatifs aux peines, ainsi que la rédaction d’un code pénitentiaire.


([1]) L’antépénultième alinéa de l’article 34 de la Constitution dispose, depuis, que « des lois de programmation déterminent les objectifs de l’action de l’État ».

([2]) Rapport (n° 808, XVe législature) fait par les groupes de travail sur la détention au nom de la commission des Lois de l’Assemblée nationale, Repenser la prison pour mieux réinsérer, mars 2018.

([3]) J-F. Beynel et D. Casas, Transformation numérique.

([4]) J. Beaume et F. Natali, Amélioration et simplification de la procédure pénale.

([5]) F. Agostini et N. Molfessis, Amélioration et simplification de la procédure civile.

([6]) D. Raimbourg et P. Houillon, Adaptation du réseau des juridictions.

([7]) B. Cotte et J. Minkowski, Sens et efficacité des peines.

([8]) Rapport d’information (n° 495, session ordinaire de 2016-2017) fait par M. Philippe Bas au nom de la mission d’information de la commission des Lois du Sénat sur le redressement de la justice, avril 2017.

([9]) A. Caron Déglise, L’évolution de la protection juridique des personnes : reconnaître, soutenir et protéger les personnes les plus vulnérables, septembre 2018.

([10]) L. Cadiet, L’open data des décisions de justice, novembre 2017.

([11]) C Bussière, Rapport n° 007-18 de la mission sur l’amélioration du dispositif d’indemnisation des victimes de préjudice corporel en matière de terrorisme, mars 2018.

([12]) Rapport d’information (n° 1295, XVe législature) fait par MM. Dimitri Houbron et Xavier Breton en conclusion des travaux d’une mission d’information sur le régime des fouilles en détention, octobre 2018.

([13]) Rapport d’information (n° 1335, XVe législature) fait par MM. Didier Paris et Pierre MorelÀL’Huissier en conclusion des travaux d’une mission d’information sur les fichiers mis à la disposition des forces de sécurité, octobre 2018.

([14]) Jusqu’à l’article 25 bis A inclus et à partir de l’article 52 bis de la loi ordinaire, et la loi organique.

([15]) De l’article 25 bis à l’article 52 de la loi ordinaire.

([16]) K. Amellal, L. Avia et G. Taieb, Renforcer la lutte contre le racisme et l’antisémitisme sur Internet, rapport au Premier ministre le 20 septembre 2018.

([17]) D. Paris et D. Layani, Les leviers permettant de dynamiser le travail d’intérêt général, rapport à la garde des Sceaux, ministre de la Justice, le 5 mars 2018.

([18]) Rapport d’information (n° 1335, XVe législature) précité.

([19]) Rapport (n° 808, XVe législature) précité, pp. 51 et s.

([20]) Décision n° 2012-658 DC du 13 décembre 2012 sur la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques. 

([21]) Ce qui aboutit à un nombre total de créations nettes d’emplois entre 2019 et 2022 s’élevant à 12 628, contre 13 728 envisagées par l’amendement adopté en commission sur la période 2018-2022.

([22]) Tels que des problèmes de voisinage, des différends entre propriétaires et locataires, des litiges de la consommation, des malfaçons de travaux, etc.

([23]) L’amendement reprend les dispositions prévues par l’article 4 de la proposition de loi d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017.

([24]) Il s’agit de la procédure ordinaire devant le tribunal d’instance, de la procédure de saisie des rémunérations et des procédures devant le conseil de prud’hommes et les tribunaux paritaires des baux ruraux.

([25]) Les frais de médiation peuvent être couverts par le versement de l’aide juridictionnelle aux parties éligibles (articles 118-9 et suivants du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique).

([26]) C’est-à-dire les litiges dont le montant est inférieur à 4 000 € selon l’article 843 du code de procédure civile.

([27]) Lors de l’examen en séance au Sénat, le Gouvernement a indiqué que le montant retenu s’élèverait environ à 5 000 €, soit une augmentation de 25 % du plafond correspondant aux litiges relevant du champ de compétence des tribunaux d’instance.

([28]) Il s’agit d’un terme générique regroupant l’ensemble des modes alternatifs de règlement des différends.

([29]) Le deuxième alinéa de l’article 4-2 prévoit que : « Par exception au deuxième alinéa, la certification est accordée aux conciliateurs de justice, aux médiateurs qui justifient de leur inscription sur la liste prévue à l’article L. 615-1 du code de la consommation au titre de leur activité de médiation de consommation ainsi qu’aux personnes inscrites, dans le ressort d’une cour d’appel, sur la liste des médiateurs prévue à l’article 22-1 A de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative ».

([30]) Lors de l’examen en séance au Sénat, le Gouvernement a indiqué qu’il s’agirait d’un des organismes accrédités par le Comité français d’accréditation (COFRAC).

([31]) Art. 18 du code de procédure civile. Cette obligation ne fait pas obstacle à ce que le juge entende les parties elles-mêmes, aux termes de l’article 20 du même code.

([32]) Art. 441 du code de procédure civile.

([33]) Art. 751 du code de procédure civile.

([34]) Art. 899 du code de procédure civile.

([35]) Art. 973 du code de procédure civile.

([36]) La postulation est une règle de procédure civile qui impose aux parties à un procès devant un tribunal de grande instance d’être représentées par un avocat inscrit dans un barreau du ressort de la cour d’appel dont dépend le tribunal de grande instance. L’obligation de postulation est prévue par les articles 1er, 5 et 10 de la loi du 31 décembre 1971.

([37]) Devant les juridictions suprêmes, les parties ne peuvent être représentées par un avocat au barreau. Les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation sont seuls compétents pour agir en la matière.

([38]) L’article 54 de la loi du 31 décembre 1971 réglemente la profession de conseil juridique.

([39]) Conseil d’État, 19 mars 1993, n° 108246 et 109457 : « ni l’article 4 de la loi du 31 décembre 1971, qui confère aux avocats le monopole de la représentation des parties devant les juridictions et les organismes juridictionnels ou disciplinaires, ni le principe général des droits de la défense, n’ont pour objet ni pour effet d’interdire au pouvoir réglementaire, dans le cadre des pouvoirs qu’il détient pour régler la procédure civile ou administrative, de dispenser les justiciables de recourir, en certaines matières, au ministère d’un avocat ».

([40]) Conseil d’État, 6 avril 2001, n° 205136.

([41]) Sont portés devant le tribunal d’instance les litiges civils en matière personnelle et mobilière à concurrence de 10 000 euros (art. L. 221‑4 du code de l’organisation judiciaire). Le tribunal d’instance connaît également des injonctions de payer, des saisies sur salaire, des baux d’habitation, du surendettement, des tutelles des majeurs et autres contentieux (art. L. 221-4 et suivants et R. 221-3 et suivants du code de l’organisation judiciaire). L’article 827 du code de procédure civile autorise les parties à se défendre elles-mêmes et à se faire assister ou représenter à leur convenance.

([42]) Art. 1411-3 du code du travail : « Le conseil de prud’hommes règle les différends et litiges nés entre salariés à l’occasion du travail. » Les parties se défendent elles-mêmes et ont la faculté de se faire assister ou représenter, aux termes de l’article R. 1453-1 du même code.

([43]) Art. 853 du code de procédure civile.

([44]) Le tribunal paritaire des baux ruraux connaît des litiges relatifs au contrat de bail rural entre un propriétaire agricole et son preneur.

([45]) Le tribunal des affaires de sécurité sociale est compétent pour les litiges relatifs aux prestations et droits sociaux entre les assurés sociaux et les organismes de sécurité sociale.

([46]) Le tribunal du contentieux de l’incapacité statue sur les questions médicales relatives à l’appréciation des taux d’invalidité, d’incapacité ou de nécessité de soins. Ses décisions relèvent, en appel, de la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail (art. L. 143-2 du code de la sécurité sociale).

([47]) Les commissions départementales d’aide sociale, présidées par le président du tribunal de grande instance et relevant de l’ordre administratif, connaissent des recours sur les prestations d’aide sociale versées par l’État ou le département. L’appel de leurs décisions est porté devant les commissions centrales d’aide sociale (CCAS) (articles L. 134-1 et suivants du code de l’action sociale et des familles).

([48]) La CNITAAT connaît des appels contre les décisions des TCI, mais aussi en premier et dernier ressort du contentieux relatif à la fixation des taux de cotisation des accidents du travail (articles L. 143-3 et suivants du code de la sécurité sociale).

([49]) Art. 828 du code de procédure civile.

([50]) Art. 83 de la loi n° 90-85 du 23 janvier 1990 complémentaire à la loi n° 88-1202 du 30 décembre 1988 relative à l’adaptation agricole à son environnement économique.

([51]) Art. L. 1453-4 et R. 1453-2 du code du travail.

([52]) Art. 853 du code de procédure civile.

([53]) Rapport n° 11 (2018-2019) de MM. François-Noël Buffet et Yves Détraigne, fait au nom de la commission des lois, déposé le 3 octobre 2018, commentaire sous l’article 4.

([54]) Art. 1168 du code de procédure civile.

([55]) Art. 1055-7 du code de procédure civile.

([56]) Art. 1139 du code de procédure civile.

([57]) Art. 1203 du code de procédure civile.

([58]) Art. 1217 et suivants du code de procédure civile.

([59]) Art. 1157-2 du code de procédure civile.

([60]) L’article L. 621‑1 du code de commerce dispose en son premier alinéa : « Le tribunal compétent est le tribunal de commerce si le débiteur exerce une activité commerciale ou artisanale. Le tribunal de grande instance est compétent dans les autres cas. »

([61]) Art. R. 145-29 du code de commerce.

([62]) Art. 853 du code de procédure civile et R. 622-2 du code de commerce.

([63]) Art. L. 121-4 du code des procédures civiles d’exécution. Le juge de l’exécution connaît des litiges relatifs aux titres exécutoires et aux contestations formulées à l’occasion de l’exécution forcée, mais aussi des saisies immobilières et des demandes de réparation fondées sur l’exécution des mesures d’exécution forcée. Le ministère d’avocat est cependant obligatoire dans les procédures de saisie immobilière et en appel (art. R. 121-20 du code des procédures civiles d’exécution).

([64]) Art. R. 202-2 du livre des procédures fiscales.

([65]) Art. 367 du code des douanes.

([66]) Art. R. 311-20 et R. 311-27 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.

([67]) Le droit admet toujours de nombreuses exceptions : les décisions du juge des enfants et du juge des tutelles (art. 1192 et 1239 du code de procédure civile), du juge des libertés et de la détention en droit des étrangers (art. R. 552‑12 et R. 552‑21 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) et pour la visite domiciliaire de l’administration fiscale (art. L. 16 B du livre des procédures fiscales), du tribunal paritaire des baux ruraux (art. 892 du code de procédure civile) ou encore des juridictions sociales (art. R. 142‑28 du code de la sécurité sociale) peuvent être frappées d’appel sans qu’il soit nécessaire de recourir à un avocat.

([68]) Art. L. 1453-4 et R. 1461-1 du code du travail. Institué par l’article 258 de la loi n° 2015‑990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron », le défenseur syndical est un salarié autorisé à assister ou représenter un autre salarié engagé dans une procédure contentieuse (conseil de prud’hommes, cour d’appel). Il est soumis à diverses obligations et bénéficie de droits et garanties.

([69]) Conseil d’État, section de l’intérieur, avis sur le projet de loi de programmation pour la justice 2018-2022, séance du 12 avril 2018, n° 394535.

([70]) Cour européenne des droits de l’homme, 13 février 2003, Bertuzzi c. France, n° 36378/97 : « la possibilité de défendre seul sa cause dans une procédure l’opposant à un professionnel du droit n’offre pas au plaideur un droit d’accès au tribunal dans des conditions lui permettant de bénéficier de manière effective de l’égalité des armes inhérente au procès équitable ».

([71]) Art. 34 de la Constitution du 4 octobre 1958.

([72]) Conseil constitutionnel, décision n° 80-11 L du 14 mai 1980, Nature juridique des diverses dispositions du code général des impôts relatives à la procédure contentieuse en matière fiscale, cons. n° 1 : « les dispositions de la procédure à suivre devant les juridictions civiles ou administratives relèvent de la compétence réglementaire dès lors qu’elles ne (...) mettent en cause aucune des règles ni aucun des principes fondamentaux placés dans le domaine de la loi par l’article 34 de la Constitution ».

([73]) L’aide juridictionnelle permet aux personnes disposant de faibles ressources de bénéficier d’une prise en charge totale ou partielle par l’État des honoraires et frais de justice occasionnés par le procès.

([74]) La détermination de ces critères est renvoyée à un décret en Conseil d’État, mais le Gouvernement a exposé son intention de les faire correspondre avec l’actuel périmètre de compétence du tribunal d’instance.

([75]) La réforme des juridictions sociales a été adoptée dans la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle avec une entrée en vigueur différée. Les procédures actuellement traitées par les tribunaux des affaires de sécurité sociale et les tribunaux du contentieux de l’incapacité relèveront du tribunal de grande instance à compter du 1er janvier 2019.

([76]) Articles 54 et suivants de la loi n° 71‑1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

([77]) Étude d’impact jointe au projet de loi.

([78]) Rapport n° 11 (2018-2019) de MM. François-Noël Buffet et Yves Détraigne, fait au nom de la commission des lois, déposé le 3 octobre 2018, commentaire sous l’article 4.

([79]) Ces dispositions sont antérieures à la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques. Dans sa décision n° 85‑139 L du 8 août 1985, Nature juridique de dispositions contenues dans des textes relatifs à la sécurité sociale, le Conseil constitutionnel a indiqué, concernant les règles d’assistance et de représentation devant les conseils régionaux de discipline, que celles-ci s’inscrivent dans le cadre des exceptions au monopole des avocats défini par la loi du 31 décembre 1971 : « la désignation des personnes ou organismes autorisés à agir devant les conseils régionaux de discipline concerne une procédure administrative et est de nature réglementaire ; (…) les règles de représentation devant ces conseils qui s’inscrivent dans le cadre des exceptions au monopole des avocats défini par la loi du 31 décembre 1971 sont de nature réglementaire ». Le même raisonnement prévaut devant le tribunal de commerce : les dérogations au monopole de représentation par avocat sont antérieures à la loi de 1971 et ont vocation à rester de niveau réglementaire.

([80]) Cette rédaction est issue de la loi n° 2016‑1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle. Elle reprend les dispositions de l’actuel article L. 144‑3 du code de la sécurité sociale qui précise qui peut assister ou représenter les parties devant les tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS) et les tribunaux du contentieux de l’incapacité (TCI).

([81]) En application de l’article 311-1 du code civil, la possession d’état s’établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir. Les principaux de ces faits sont :

– que cette personne a été traitée par celui ou ceux dont on la dit issue comme leur enfant et qu’elle-même les a traités comme son ou ses parents ;

– que ceux-ci ont, en cette qualité, pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation ;

– que cette personne est reconnue comme leur enfant, dans la société et par la famille ;

– qu’elle est considérée comme telle par l’autorité publique ;

– qu’elle porte le nom de celui ou ceux dont on la dit issue.

([82]) En vertu de l’article 70 du code civil, chaque futur époux doit fournir l’extrait avec indication de la filiation de son acte de naissance. En cas d’impossibilité de fournir un tel acte, l’article 71 du même code prévoit que le futur époux peut le suppléer « en rapportant un acte de notoriété délivré par un notaire ».

([83]) L’expédition est aussi dénommée « copie authentique ».

([84]) L’article L. 2141-10 du code de la santé publique prévoit notamment que la mise en œuvre de l’assistance médicale à la procréation doit être précédée d’entretiens particuliers des demandeurs avec les membres de l’équipe médicale. Ces derniers doivent :

– vérifier la motivation de l’homme et de la femme formant le couple et leur rappeler les possibilités ouvertes par la loi en matière d’adoption ;

– informer ceux-ci des possibilités de réussite et d’échec des techniques d’assistance médicale à la procréation, de leurs effets secondaires et de leurs risques à court et à long terme, ainsi que de leur pénibilité et des contraintes qu’elles peuvent entraîner ;

– informer ceux-ci de l’impossibilité de réaliser un transfert des embryons conservés en cas de rupture du couple ou de décès d’un de ses membres ;

– leur remettre un dossier comportant le rappel des dispositions législatives et réglementaires relatives à l’assistance médicale à la procréation, un descriptif de ces techniques et le rappel des dispositions législatives et réglementaires relatives à l’adoption, ainsi que l’adresse des associations et organismes susceptibles de compléter leur information à ce sujet.

([85]) 2 382 couples ayant fait appel à un donneur et 818 couples à une donneuse.

([86]) Créé par la loi 1803-03-11 du 21 mars 1803, l’article 46 du code civil prévoit que « lorsqu’il n’aura pas existé de registres, ou qu’ils seront perdus, la preuve en sera reçue tant par titres que par témoins ; et, dans ces cas, les mariages, naissances et décès pourront être prouvés tant par les registres et papiers émanés des pères et mères décédés, que par témoins ».

([87]) Dernier alinéa de l’article 373-2-1 et article 371-2 du code civil.

([88]) Article 373-2-2 du code civil issu de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017.

([89]) Art. L. 582-2 du code de la sécurité sociale : sur demande de parents qui ont mis fin à leur concubinage ou qui dissolvent le pacte civil de solidarité qui les liait, « le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales donne force exécutoire à l’accord par lequel ils fixent le montant de la contribution à l’entretien et à l’éducation en faveur de l’enfant mise à la charge du débiteur ». Cette faculté est notamment subordonnée à la condition qu’aucun d’entre eux ne soit titulaire d’une créance alimentaire fixée par une décision de justice, que le montant défini par l’accord soit supérieur à un certain seuil dépendant de la situation d’espèce et que l’accord contienne les informations nécessaires à la détermination de ce seuil. Enfin, toute décision judiciaire exécutoire postérieure au titre exécutoire ainsi délivré le prive d’effet.

([90]) Cette homologation prévue à l’article 373-2-7 du code civil donne force exécutoire à la convention établissant les devoirs de chacun et permet de contraindre le parent défaillant à s’y conformer.

([91]) Article 373-2-8 du code civil.

([92]) Article 229-3 du code civil.

([93]) L’article 229-2 du code civil exclut le divorce par consentement mutuel en l’absence d’un juge lorsque l’un des époux est un majeur protégé ou si un enfant mineur du couple demande à être entendu.

([94]) Art. 373-2-13 du code civil : « Les dispositions contenues dans la convention homologuée ou dans la convention de divorce par consentement mutuel prenant la forme d’un acte sous signature privée contresigné par avocats déposé au rang des minutes d’un notaire ainsi que les décisions relatives à l’exercice de l’autorité parentale peuvent être modifiées ou complétées à tout moment par le juge, à la demande des ou d’un parent ou du ministère public, qui peut lui-même être saisi par un tiers, parent ou non. »

([95]) F. Agostini et N. Molfessis, Amélioration et simplification de la procédure civile, p. 43.

([96]) Le projet de loi ne précise pas quelle profession serait plus particulièrement concernée : notaires, huissiers de justice…

([97]) Enquête « Budget de Famille » 2016-2017 – 2016X002EC, https://www.cnis.fr/enquetes/enquete-budget-de-famille-2016-2017/

([98]) L’article 1387 du code civil dispose que « la loi ne régit l’association conjugale, quant aux biens, qu’à défaut de conventions spéciales que les époux peuvent faire comme ils le jugent à propos, pourvu qu’elles ne soient pas contraires aux bonnes mœurs ni aux dispositions qui suivent ». L’article 1393 ajoute : « Les époux peuvent déclarer, de manière générale, qu’ils entendent se marier sous l’un des régimes prévus au présent code. À défaut de stipulations spéciales qui dérogent au régime de communauté ou le modifient, les règles établies dans la première partie du chapitre II formeront le droit commun de la France. »

([99]) Loi n° 65-570 du 13 juillet 1965 portant réforme des régimes matrimoniaux.

([100]) Loi  2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités.

([101]) Sauvegarde de justice, curatelle ou tutelle (chapitre II du titre XI du livre Ier du code civil).

([102]) Article 515-3 du code civil.

([103]) Ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 portant simplification et modernisation du droit de la famille.

([104]) Articles 385 et 386 du code civil.

([105]) Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.

([106]) Absents et personnes qui se trouvent, par suite d’éloignement, hors d’état de manifester leur volonté.

([107]) Mineurs en tutelle.

([108]) Mineurs et majeurs en tutelle.

([109]) Assemblée de parents ou de personnes qualifiées, chargée, sous la présidence du juge des tutelles, d’autoriser certains actes graves accomplis au nom du majeur en tutelle, et de contrôler la gestion du tuteur.

([110]) L’article L. 221-9 du code de l’organisation judiciaire dispose que le juge des tutelles des majeurs siège au tribunal d’instance. En revanche, les fonctions de juge des tutelles des mineurs étant exercées par les juges aux affaires familiales aux termes de l’article L. 213‑3‑1 du même code, il siège au tribunal de grande instance.

([111]) Article 500 du code civil.

([112]) Acte nécessaire et urgent qui prévient la perte d’un bien ou d’un droit.

([113]) Acte de gestion d’un patrimoine sans atteinte au capital.

([114]) Acte comportant transmission de droits pouvant avoir pour effet de diminuer la valeur d’un patrimoine.

([115]) Le partage, amiable ou judiciaire, est l’opération par laquelle les copropriétaires d’un bien ou d’une universalité mettent fin à l’indivision. Il est dit amiable lorsque les copartageants sont tous présents, majeurs et d’accord et procèdent au partage selon la forme qu’ils choisissent.

([116]) L’acceptation pure et simple d’une succession rend définitive la transmission du patrimoine du défunt dans son intégralité, au contraire de l’acceptation à concurrence de l’actif net par laquelle l’héritier confirme la transmission réalisée, mais ne prend pas en charge le passif successoral excédant l’actif qu’il recueille.

([117]) Rapport du Défenseur des droits du 29 septembre 2016, Protection des personnes vulnérables ; rapport de Mme Anne Caron-Déglise du 21 septembre 2018, L’évolution de la protection juridique des personnes : reconnaître, soutenir et protéger les personnes les plus vulnérables.

([118]) Article 467 du code civil.

([119]) L’article 113 du code civil prévoit que « le juge peut désigner un ou plusieurs parents ou alliés, ou, le cas échéant, toutes autres personnes pour représenter la personne présumée absente dans l’exercice de ses droits ou dans tout acte auquel elle serait intéressée ». Comme l’absent et le représentant appartiennent à la même famille, il n’est pas exclu qu’ils soient tous deux appelés à la même succession et que leurs intérêts respectifs divergent à cette occasion.

([120]) L’article 425 du code civil prévoit qu’une protection juridique est accordée aux majeurs dont les facultés personnelles sont altérées : « toute personne dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts, en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté peut bénéficier d’une mesure de protection juridique (...) destinée à la protection tant de la personne que de ses intérêts patrimoniaux ». S’agissant des mineurs, ils peuvent être protégés par le régime de l’administration légale – dans lequel leurs parents agissent en leur nom – ou par celui de la tutelle sous lequel ils sont placés.

([121]) C’est généralement sur le fondement de cette déclaration que les juges des tutelles autorisent aujourd’hui, en pratique, l’acceptation pure et simple d’une succession lorsque l’actif dépasse manifestement le passif.

([122]) La grande majorité des successions voient l’intervention d’un notaire puisque sa présence est obligatoire lorsque le défunt possédait un bien immobilier, si le montant de la succession excède 5 000 euros ou si le défunt avait rédigé un testament ou consenti une donation entre époux.

([123]) L’article L. 1111-6 du code de la santé publique, créé par la loi n° 2002‑303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, a institué la personne de confiance : « Si le patient le souhaite, la personne de confiance l’accompagne dans ses démarches et assiste aux entretiens médicaux afin de l’aider dans ses décisions. » L’article L. 311‑5‑1 du code de l’action sociale et des familles formule des prescriptions similaires.

La loi n° 2005‑370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, dite « loi Léonetti », fait également référence à la personne de confiance obligatoirement consultée avant toute décision d’arrêt ou de limitation d’un traitement chez un patient hors d’état de s’exprimer.

([124]) Articles 460 e 462 du code civil pour, respectivement, le mariage et le pacte civil de solidarité.

([125]) L’opposition au mariage est une action attitrée qui ne peut être exercée que par la famille proche (art. 173 et 174 du code civil), la personne déjà mariée à l’un des deux époux (art. 172 du même code), le tuteur ou le curateur (art. 175) et le ministère public (art. 175‑1).

([126]) L’ordonnateur est un agent d’autorité qui constate les recettes, en arrête le montant et en ordonne le recouvrement ; il décide en outre de la dépense, la liquide et en ordonne la mise en paiement. Mais il ne manipule pas l’argent public : cette tâche revient au comptable public qui, sur ordre de l’ordonnateur, encaisse ou décaisse la somme en question. Le comptable public est responsable sur ses deniers propres des sommes qui viendraient à manquer de son compte. La séparation des ordonnateurs et des comptables poursuit une double finalité de contrôle, en permettant de repérer les irrégularités en amont, et de probité, car deux agents sont moins tentés de s’écarter des règles qu’un seul.

([127]) Articles R. 123-20 et R. 123-21 du code de l’organisation judiciaire.

([128]) Article R. 123-24 du même code.

([129]) Un titre exécutoire est un acte juridique constatant une créance et permettant au créancier d’en poursuivre l’exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d’exécution (par exemple par voie d’huissier de justice).

([130]) Article R. 3252-27 du code du travail.

([131]) Article L. 3252-10 du même code.

([132]) Article R. 3252-34 du même code.

([133]) Aux termes de l’article L. 518‑2 du code monétaire et financier, « la Caisse des dépôts et consignations et ses filiales constituent un groupe public au service de l’intérêt général et du développement économique du pays. Ce groupe remplit des missions d’intérêt général en appui des politiques publiques conduites par l’État et les collectivités territoriales et peut exercer des activités concurrentielles. La Caisse des dépôts et consignations est un établissement spécial chargé d’administrer les dépôts et les consignations, d’assurer les services relatifs aux caisses ou aux fonds dont la gestion lui a été confiée et d’exercer les autres attributions de même nature qui lui sont légalement déléguées. »

([134]) Article R. 3252-10 du même code.

([135]) « Le juge qui ordonne l’expertise ou le juge chargé du contrôle fixe, lors de la nomination de l’expert ou dès qu’il est en mesure de le faire, le montant d’une provision à valoir sur la rémunération de l’expert aussi proche que possible de sa rémunération définitive prévisible. Il désigne la ou les parties qui devront consigner la provision au greffe de la juridiction dans le délai qu’il détermine ; si plusieurs parties sont désignées, il indique dans quelle proportion chacune des parties devra consigner. Il aménage, s’il y a lieu, les échéances dont la consignation peut être assortie. »

([136]) Il s’agit d’une proposition issue de l’un des cinq chantiers de la justice, consacré à l’amélioration et à la simplification de la procédure civile (F. Agostini et N. Molfessis, Amélioration et simplification de la procédure civile, p. 43).

([137]) Article 2 de l’ordonnance du 3 juillet 1816 relative aux attributions de la Caisse des dépôts et consignations créée par la loi du 28 avril 1816 et L. 518-23 du code monétaire et financier.

([138]) Rapport n° 11 (2018-2019) de MM. François-Noël Buffet et Yves Détraigne, fait au nom de la commission des lois, déposé le 3 octobre 2018, commentaire sous l’article 9.

([139]) Ibid.

([140])  Un titre exécutoire est un acte juridique constatant une créance et permettant au créancier d’en poursuivre l’exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d’exécution.

([141]) Art. R. 321-1 à R. 321-3 du code des procédures civiles d’exécution.

([142]) Art. L. 321-2 du code des procédures civiles d’exécution.

([143]) Art. R. 322-4 du code des procédures civiles d’exécution.

([144]) Art. L. 322‑4 du code des procédures civiles d’exécution.

([145]) Art. L. 433-2 et R. 433-2 du code des procédures civiles d’exécution.

([146]) Le premier alinéa dudit article dispose : « Le créancier qui a procédé à la saisie d’un immeuble de son débiteur ne peut engager une nouvelle procédure de saisie sur un autre bien immobilier de celui-ci que dans le cas d’insuffisance du bien déjà saisi. »

([147]) Art. L. 321‑6 du code des procédures civiles d’exécution, laissé inchangé par le présent projet de loi : « En cas de saisies simultanées de plusieurs de ses immeubles, le débiteur peut demander au juge le cantonnement de celles-ci. Il peut également solliciter du juge une conversion partielle des saisies en hypothèque sur certains de ses immeubles qui prendra rang au jour de la publication de la saisie, sous réserve de l’inscription de la sûreté dans le mois de la notification de la décision. »

([148]) « Une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances peut être mise en œuvre par un huissier de justice à la demande du créancier pour le paiement d’une créance ayant une cause contractuelle ou résultant d’une obligation de caractère statutaire et inférieure à un montant défini par décret en Conseil d’État. » Ce montant est fixé à 4 000 euros par le décret n° 2016‑285 du 9 mars 2016 relatif à la procédure simplifiée de recouvrement des petites créances.

([149]) Plus de 450 000 actes relatifs à une procédure de saisie-attribution ont cependant été délivrés par voie électronique depuis le début de l’année 2018.

([150]) Art. 8 de l’ordonnance n° 45‑2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers, repris à compter du 1er janvier 2019 à l’art. 16 de l’ordonnance n° 2016‑728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice.

([151]) Convention du 5 octobre 1961 supprimant l’exigence de la légalisation des actes publics étrangers, entrée en vigueur le 24 janvier 1965.

([152]) Règlement (UE) 2016/1191 du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 2016 visant à favoriser la libre circulation des citoyens en simplifiant les conditions de présentation de certains documents publics dans l’Union européenne, et modifiant le règlement (UE) n° 1024/2012.

([153]) L’ordonnance a été ratifiée par la loi  2009526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allégement des procédures.

([154]) Malgré l’abrogation par l’ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques des dispositions de l’ordonnance de Colbert d’août 1681 qui posait le principe de la légalisation en droit interne, la Cour de cassation maintient que « la formalité de la légalisation des actes de l’état civil établis par une autorité étrangère et destinés à être produits en France demeure, selon la coutume internationale et sauf convention contraire, obligatoire » (Cass. civ. 1ère, 4 juin 2009,  08-13.541).

([155]) La Cour estime nécessaire « d’affirmer, en droit positif, le principe d’obligation de légalisation des actes de l’état civil étranger, qui relève de la coutume internationale, depuis l’abrogation de l’ordonnance royale d’août 1681 par une ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques ratifiée par la loi n° 2009526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allégement des procédures. L’objectif consiste à assurer la stabilité et la sécurité juridiques que requiert un principe comme la légalisation des actes de l’état civil étranger » (rapport annuel de la Cour de cassation 2016, p. 23).

([156]) Article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation.

([157]) Ce dispositif est codifié aux articles L. 444‑1 et suivants du code de commerce.

([158]) Art. L. 441‑2 du code de commerce.

([159]) Les dispositions du décret n° 2016‑230 du 26 février 2016 relatif aux tarifs de certains professionnels du droit et au fonds interprofessionnel de l’accès au droit et à la justice sont codifiées au titre IV bis du livre IV du code de commerce, soit aux articles R. 444-1 et suivants.

([160]) La distinction entre émoluments et honoraires est importante puisque les premiers sont tarifés et correspondent à une prestation réglementée tandis que les seconds rémunèrent une prestation de libre marché et sont donc négociables.

([161]) Art. R. 444-10 du code de commerce. 

([162]) Art. A. 444-174 du code de commerce.

([163]) Conseil d’État, Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce et autres, 24 mai 2017, n° 398801, 398986, 399218, 399289, 399290, 399291 & 401921. L’étude d’impact jointe au projet de loi signale toutefois que cette jurisprudence est contraire à l’avis adressé au Gouvernement par la section de l’intérieur du Conseil d’État au moment de la préparation du décret du 26 février 2016, qui défendait la tarification acte par acte et dont la philosophie était réaffirmée dans le rapport annuel du Conseil d’État pour l’année 2016.

([164]) Outre l’impact sur la sécurité des transactions, cette pratique conduit à contourner le droit de préemption et limite les prélèvements fiscaux assis sur la mutation immobilière.

([165]) Rapport n° 11 (2018-2019) de MM. François-Noël Buffet et Yves Détraigne, fait au nom de la commission des lois, déposé le 3 octobre 2018, commentaire sous l’article 11.

([166]) La Cour de cassation décrit la force majeure comme un événement extérieur « imprévisible et irrésistible » (Cass. Ass. plén., 14 avril 2006, n° 04-18902). La disposition est applicable aux greffiers des tribunaux de commerce par l’effet de l’article R. 742‑31 du code de commerce.

([167]) Alors que le droit du divorce issu de la loi du 27 juillet 1884, dite loi Naquet, avait réintroduit le divorce mais ne l’avait admis que sur preuve de la faute de l’un des époux – l’idée du divorce-sanction l’ayant emporté –, la loi du 11 juillet 1975 a ouvert une pluralité de cas de divorce (le divorce pour faute, le divorce pour rupture de la vie commune et le divorce par consentement mutuel qui recouvre deux procédures : l’une gracieuse, le divorce sur demande conjointe des époux, l’autre contentieuse, le divorce demandé par l’un des époux et accepté par l’autre), en a organisé les effets en s’efforçant de dédramatiser le divorce et d’assurer l’équilibre des intérêts des époux et des enfants et a promu un règlement définitif des rapports entre époux.

([168]) Article 252 du code civil.

([169]) Article 251 du code civil précisé par l’article 1106 du code de procédure civile.

([170]) Article 1106, alinéa 2, du code de procédure civile.

([171]) Article 1107 du code de procédure civile.

([172]) Alinéa 1er de l’article 1111 du code de procédure civile.

([173]) Ces mesures sont énumérées à l’article 255 du code civil : recours à la médiation, résidence séparée, attribution en jouissance du logement et du mobilier du ménage, attribution et gestion des autres biens, remise des vêtements et objets personnels, pension alimentaire, prise en charge provisoire du passif, provisions, préparation de la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux.

([174]) Article 254 du code civil.

([175]) Article 252-3 du code civil.

([176]) Alinéa 1er de l’article 257-1 du code civil.

([177]) Article 1113 du code de procédure civile.

([178]) La représentation est obligatoire en matière de divorce.

([179]) Toutefois, lorsqu’à l’audience de conciliation les époux ont déclaré accepter le principe de la rupture du mariage et le prononcé du divorce, l’instance ne peut être engagée que sur ce même fondement, comme précisé à l’alinéa 2 de l’article 257-1.

([180]) Article 1077 du code de procédure civile.

([181]) Article 257-2 du code civil.

([182]) Article 258 du code civil.

([183]) Introduit dans le code civil par la loi du 26 mai 2004 afin de remplacer le divorce demandé par un époux et accepté par l’autre, il s’en distingue, d’une part, par son fondement qui ne réside plus dans le double aveu de faits rendant intolérable le maintien de la vie commune mais dans l’acceptation commune du principe de la rupture du mariage et, d’autre part, par l’absence de possibilité de rétractation de l’acceptation du principe de la rupture du mariage même par la voie de l’appel. Ce divorce est donc devenu un véritable divorce pour cause objective, dans lequel il n’est pas tenu pas compte d’un quelconque partage des torts. Du point de vue procédural le divorce accepté est très différent de l’ancien divorce sur demande acceptée : l’exigence de mémoires échangés par les époux a fait place à un formalisme plus simple, traduisant ainsi l’évolution de ce cas de divorce désormais fondé moins sur un aveu que sur un accord sur le principe du divorce. Le caractère définitif de l’acceptation du divorce entraîne par ailleurs un certain nombre de précautions pour s’assurer de la réalité du consentement des époux.

([184]) Alinéa 2 de l’article 1123 du code de procédure civile.

([185]) Cour de cassation, deuxième chambre civile, 30 janvier 1980, n° 79-12.470.

([186]) Article 1126 du code de procédure civile.

([187]) Divorces : une procédure à deux vitesses, Zakia Belmokhtar, Infostat Justice n° 117, mai 2012.

([188]) Art. 299 du code civil.

([189]) Art. 296 du code civil. Par renvoi de l’article 298 du même code, « le tribunal de grande instance statuant en matière civile est seul compétent » pour prononcer une séparation de corps.

([190]) Art. 300 du code civil.

([191]) Art. 301 du code civil.

([192]) Art. 302 du code civil.

([193]) Art. 305 du code civil.

([194]) Art. 307 du code civil.

([195]) Art. 306 et 308 du code civil.

([196]) « Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! » (évangile de Marc, chap. 10, verset 9 ; évangile de Matthieu, chap. 19, verset 6). Il en va différemment des religions juive et musulmane qui admettent le principe du divorce.

([197]) Alain Benabent, Droit de la famille, 9e édition, 1998, p. 328.

([198]) Les données statistiques publiées par le ministère de la justice indiquent par ailleurs que le taux de conversion des séparations de corps en divorce s’établit constamment, pour les années 2010 à 2015, entre 50 % et 60 %. On peut en déduire qu’un tiers à une moitié des mariages concernés par une séparation de corps soit voient une reprise volontaire de la vie commune, soit prennent fin au décès de l’un des conjoints (http://www.justice.gouv.fr/statistiques-10054/donnees-statistiques-10302/les-divorces-et-ruptures-dunion-25130.html).

([199]) Art. 229-1 à 229-4 du code civil.

([200]) Sauvegarde de justice, curatelle ou tutelle (chapitre II du titre XI du livre Ier du code civil).

([201]) Art. 229-2, 230 et 231 du code civil.

([202]) Sénat, séance du 9 octobre 2018 (n° 3).

([203]) Ibid.

([204]) Comme pour le divorce, cette option resterait donc fermée aux époux si l’un d’eux bénéficie d’une mesure de protection ou en présence d’un enfant mineur sollicitant son audition par le juge.

([205]) Ces exigences figurent à l’article 229‑3 du code civil. La convention comporte à peine de nullité :

1° Les nom, prénoms, profession, résidence, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des époux, la date et le lieu de mariage, ainsi que les mêmes indications, le cas échéant, pour chacun de leurs enfants ;

2° Le nom, l’adresse professionnelle et la structure d’exercice professionnel des avocats qui assistent les époux ainsi que le barreau auquel ils sont inscrits ;

3° L’accord des époux sur la rupture du mariage et sur ses effets dans les termes de la convention ;

4° Les modalités du règlement des effets du divorce, notamment s’il y a prestation compensatoire ;

5° L’état liquidatif du régime matrimonial, le cas échéant en la forme authentique devant notaire lorsque la liquidation porte sur des biens soumis à publicité foncière ;

6° La mention que l’enfant mineur a été informé par ses parents de son droit à être entendu par le juge et qu’il ne souhaite pas faire usage de cette faculté.

([206])  En cohérence avec l’amendement adopté par le Sénat et devenu l’article 12 bis du projet de loi.

([207]) Après avoir rappelé que la publicité des débats judiciaires constitue un principe fondamental consacré par l’article 6§1, la Cour a en effet reconnu que « ni la lettre ni l’esprit de ce texte n’empêchent une personne d’y renoncer de son plein gré de manière expresse ou tacite, mais pareille renonciation doit être non équivoque et ne se heurter à aucun intérêt public important », CEDH, Håkansson et Sturesson contre Suède, 21 février 1990, n° 11855/85.

([208]) CEDH, Grande chambre, Vilho Eskelinen et autres contre Finlande, 19 avril 2007, n° 63235/00.

([209]) CEDH, Schuler-Zgraggen contre Suisse, 24 juin 1993, n° 14518/89.

([210]) CEDH, Pönkä c. Estonie, 8 novembre 2016, n° 64160/11.

([211]) Cour de cassation, deuxième chambre civile, 2 décembre 1965 : Bull. civ. 1965, II, n° 969.

([212]) Conseil d’État, Assemblée, 4 octobre 1974, Dame David, n° 88930, Lebon.

([213]) Au-delà de certaines matières spécifiquement mentionnées (matière gracieuse, prononcé d’une sanction personnelle contre un dirigeant de société, etc.), le juge peut en particulier décider que les débats auront lieu en chambre du conseil s’il doit résulter de leur publicité une atteinte à l’intimité de la vie privée ou si toutes les parties le demandent ou s’il survient des désordres de nature à troubler la sérénité de la justice.

([214]) Règlement (CE) du Parlement européen et du Conseil n° 861/2007 du 11 juillet 2007 instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges modifié par le règlement (UE) 2015/2421 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2015.

([215]) Règlement (CE) UE n° 1896/2006 modifié par le règlement (UE) n° 2015/24214 du 16 décembre 2015.

([216]) Article 779 du code de procédure civile.

([217]) Voir notamment Cour de cassation, deuxième chambre civile, 23 septembre 2004, no 02-20.497.

([218]) Cour de cassation, chambre sociale, 8 novembre 1994, n° 91-41.134.

([219]) Article R. 713-4 du code de la consommation.

([220]) Article 1141 du code de procédure civile.

([221]) Article R. 142-20-2 du code de la sécurité sociale.

([222]) Article 861-1 du code de procédure civile.

([223]) Article 882 du même code.

([224]) Articles R. 1454-1 et R. 1454-19-2 du code du travail.

([225]) Articles R. 142-20-2, R. 143-10-1 et R. 143-26 du code de la sécurité sociale.

([226]) Article R. 121-9 du code des procédures civiles d’exécution.

([227]) Article 847-2 du code de procédure civile.

([228]) Article 861-2 du même code.

([229]) Article 779 du code de procédure civile.

([230]) Articles 446-1 et 847-1 du code de procédure civile.

([231]) Cette procédure est prévue par les articles 1405 à 1424 et 1425 du code de procédure civile et la procédure d’injonction de payer européenne par les articles 1424-1 à 1424-16 du même code.

([232]) Article 1407 du code de procédure civile.

([233]) Règlement n° 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 instituant une procédure européenne d’injonction de payer modifié par le règlement n° 2015/2421 du 16 décembre 2015.

([234]) Article L. 221-1 du code de l’organisation judiciaire.

([235]) Article L. 722-3-1 du code de commerce.

([236]) Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil économique et social européen sur l’application du règlement (CE) n° 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil instituant une procédure européenne d’injonction de payer.

([237]) Cf. commentaire de l’article 13.

([238]) Justice : faites entrer le numérique, rapport du groupe de travail présidé par M. Guy Canivet, Institut Montaigne, novembre 2017.

([239]) Sur ce sujet, voir commentaire de l’article 13.

([240]) À la différence des ordonnances de référé.

([241]) Dont le code civil, le code du travail, le code des assurances, le code de commerce, le code monétaire et financier et le code de la construction et de l’habilitation.

([242]) Ce texte peut toutefois être écarté par des dispositions spéciales contraires, ce qui assez fréquent en pratique.

([243]) La procédure en la forme des référés est introduite par assignation à l’audience habituelle. Si le cas requiert célérité, il est possible de demander à être autorisé à assigner d’heure à heure même les jours fériés ou chômés. La procédure est contradictoire et le juge doit s’assurer qu’il s’est écoulé un temps suffisant entre l’assignation et l’audience pour que le défendeur ait pu préparer sa défense. L’appel est ouvert en principe dans les quinze jours de la signification de l’ordonnance.

([244]) Proposition n° 12 du rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile, Mme Frédérique Agostini et M. Nicolas Molfessis, janvier 2018.

([245]) Descendant, ascendant, frère ou sœur, époux, concubin ou partenaire de Pacs.

([246]) Les conditions relatives à la personne à protéger sont identiques à celles en cas de mise sous tutelle : il faut que le majeur soit atteint d’une altération de ses facultés mentales ou corporelles suffisamment grave pour justifier une mesure de représentation. L’état doit être attesté par un certificat médical circonstancié.

([247]) Articles 217 et 219 du code civil.

([248]) 113e Congrès des notaires, septembre 2017.

([249]) Protection juridique des majeurs vulnérables, Défenseur des droits, septembre 2016, proposition n° 20.

([250]) L’article 467 du code civil dispose que « la personne en curatelle ne peut, sans l’assistance du curateur, faire aucun acte qui, en cas de tutelle, requerrait une autorisation du juge ou du conseil de famille. Lors de la conclusion d’un acte écrit, l’assistance du curateur se manifeste par l’apposition de sa signature à côté de celle de la personne protégée. À peine de nullité, toute signification faite à cette dernière l’est également au curateur ».

([251]) La loi n° 2015-177 du 16 février 2015 a habilité le gouvernement à « aménager le droit de la protection juridique des majeurs, en prévoyant un dispositif d’habilitation par justice au bénéfice des ascendants, descendants, frères et sœurs, partenaire d’un pacte civil de solidarité ou concubin, au sens de l’article 515-8 du code civil, d’un majeur hors d’état de manifester sa volonté, permettant de le représenter ou de passer certains actes en son nom sans qu’il soit besoin de prononcer une mesure de protection judiciaire ».

([252]) En application des articles 217 et 219 du code civil, l’un des époux peut se faire habiliter en justice, d’une manière générale ou pour certains actes particuliers, à représenter l’autre époux, hors d’état de manifester sa volonté.

([253]) Cour de cassation, 1ère chambre civile, 20 décembre 2017, n° 16-27.507.

([254]) Ascendant ou descendant, frère, sœur, conjoint, le partenaire de pacte civil de solidarité, concubin.

([255]) La requête doit indiquer, à peine de nullité, les nom, prénoms et adresse de la personne à l’égard de qui l’habilitation est sollicitée ou de la personne faisant l’objet de l’habilitation familiale et de la personne habilitée.

([256]) PLPJ 2018-2022 : assouplissement de l’habilitation familiale, Mme Nathalie Peterka, Dalloz actualité, 5 avril 2018.

([257]) Cour des comptes, La protection juridique des majeurs, septembre 2016.

([258]) L’évolution de la protection juridique des personnes : reconnaître, soutenir et protéger les personnes les plus vulnérables, rapport de la mission interministérielle dirigée par Mme Anne Caron Déglise, La Documentation française, octobre 2018.

([259]) Cour de cassation, première chambre civile, 13 décembre 1994, n° 93-13.826.

([260]) Cour de cassation, première chambre civile, 7 octobre 2015, n° 14-23.955.

([261]) Protection juridique des majeurs vulnérables, Défenseur des droits, septembre 2016.

([262]) Exposé des motifs du projet de loi.

([263]) Rapport n° 11 fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale sur le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et sur le projet de loi organique relatif au renforcement de l’organisation des juridictions, par MM. François-Noël Buffet et Yves Détraigne, déposé le 3 octobre 2018.

([264]) Sauf dans l’hypothèse où des violences ont été commises par l’un des parents sur l’autre parent ou sur l’enfant, conformément à l’article 6 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016.

([265]) Il en est de même pour les stipulations d’une convention de partage de l’autorité parentale homologuée par le juge aux affaires familiales.

([266]) Article 34-1 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.

([267]) Article 375-3 du code civil résultant de la loi n° 2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique.

([268]) Cette nouvelle amende civile en matière d’exercice de l’autorité parentale s’ajoute aux autres amendes civiles plafonnées à 10 000 euros prévues par le code de procédure civile telle que celle réprimant les recours dilatoires ou abusifs (article 32-1) ou celle sanctionnant le non-respect de l’obligation d’apporter son concours à la justice en vue de la manifestation de la vérité (article 10 du code civil).

([269]) Contre l’avis du Gouvernement qui a déposé un amendement, rejeté par le Sénat, visant à rétablir la version initiale de l’article 18.

([270]) Il peut également s’agir d’exécuter les stipulations d’une convention homologuée ou les stipulations d’une convention de divorce par consentement mutuel déterminant les modalités d’exercice de l’autorité parentale.

([271]) Créé par la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants.

([272]) Sauf circonstances particulières, la jouissance de ce logement est attribuée au conjoint qui n’est pas l’auteur des violences.

([273]) Elles peuvent être prolongées au-delà si, durant ce délai, une requête en divorce ou en séparation de corps a été déposée.

([274]) Lorsque le bien est détenu en indivision par les parents, la mesure peut être prorogée au-delà de six mois, à la demande de l’un ou l’autre des parents.

([275]) « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi (…). Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou (…) lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice ».

([276]) CE, 4 octobre 1974, Dame David.

([277]) Articles L. 321-1 à L. 326-1 du code des relations entre le public et l’administration.

([278]) Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE.

([279]) 5° de l’article 9 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

([280]) 10° du II de l’article 8 de la même loi.

([281]) Mission d’étude et de préfiguration sur l’ouverture au public des décisions de justice, L’open data des décisions de justice, novembre 2017.

([282]) En l’état du droit, les jugements ne sont pas prononcés publiquement en matière gracieuse – lorsque le juge intervient dans une affaire qui n’est pas un litige, en particulier pour contrôler une situation ou un acte – et dans celles relatives à l’état et à la capacité des personnes déterminées par décret. Pour les mêmes matières, les débats peuvent se tenir en chambre du conseil ainsi que dans les cas décidés par le juge « s’il doit résulter de leur publicité une atteinte à l’intimité de la vie privée, ou si toutes les personnes le demandent, ou s’il survient des désordres de nature à troubler la sérénité de la justice ».

([283]) La durée du premier mandat s’élève à deux ans. Les mandats suivants ont une durée de quatre ans.

([284]) Il peut s’agir par exemple d’associations, de fondations ou de coopératives.

([285]) L’extension du corps électoral aux personnes morales non commerçantes n’est pas envisagée en raison de l’inexistence de registre permettant de disposer d’une liste exhaustive de celles-ci.

([286]) Cette nouvelle dénomination induit la modification formelle de plus d’une soixantaine d’articles du code de commerce. À cette fin, un amendement de coordination a été adopté en séance publique au Sénat.

([287]) Rapport d’information de M. Richard Ferrand sur l’application de la loi n° 2015-990 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances, 15 février 2017, p.194.

([288]) http://www.outre-mer.gouv.fr/intervention-lors-de-lassemblee-generale-de-la-fedom 

([289]) Cet article codifie l’article 29 du décret n° 53-960 du 30 septembre 1953 réglant les rapports entre bailleurs et locataires en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyer d’immeubles ou de locaux à usage commercial, industriel ou artisanal.

([290]) Cour de cassation, 3è chambre civile, 9 mai 2012.

([291]) Article R. 211-4 du code de commerce.

([292]) Cour de cassation, 1ère chambre civile, 15 novembre 2010.

([293]) Il s’agit des contentieux formés par certains agents soumis aux dispositions de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires à l’encontre d’actes relatifs à leur situation personnelle et les requêtes relatives aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l’aide ou de l’action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d’emploi.

([294]) Article 71 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État.

([295])  Articles 41-25 à 41-32 de l’ordonnance  58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

([296]) Cet amendement modifie l’article 732-1 du CESEDA.

([297]) Articles 122-2 et 227-1 du code de justice administrative.

([298]) Néanmoins, un représentant français au Parlement européen peut être nommé membre d’un tribunal administratif ou d’une cour administrative d’appel à l’issue de son mandat.

([299]) Article 1er de la loi n° 86-1304 du 23 décembre 1986 relative à la limite d’âge et aux modalités de recrutement de certains fonctionnaires civils de l’État.

([300]) Pour les magistrats du parquet, le CSM ne donne qu’un simple avis.

([301]) Articles 551-1 à 551-12.

([302]) Articles 551-13 à 551-24.

([303]) CE 19 mars 1997, SA Entreprise générale des terrassements et de travaux publics et autres, n° 163293.

([304]) Prévue par la loi  2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, l’organisation et les missions de la CCSP ont été précisées par les ordonnances n° 2015-45 du 23 janvier 2015 et n° 2015-401 du 9 avril 2015, et par le décret n° 2015-646 du 10 juin 2015.

([305]) CE, 29 juin 2001, Vassilikiotis, n° 213229.

([306]) Plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements : https://www.internet-signalement.gouv.fr/PortailWeb/planets/Accueil!input.action.

([307]) https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/R46526.

([308]) Extrait de l’exposé sommaire de l’amendement n° 103 rect. ter déposé par M. Henri Leroy en séance au Sénat.

([309]) International Mobile Subscriber Identity : il s’agit d’un numéro identifiant unique contenu dans la carte SIM.

([310]) Équipement terminal utilisé ; date, horaire et durée de chaque communication ; destinataire de la communication…

([311]) Articles 706-1-1 et 706-1-2 du code de procédure pénale.

([312]) Article 706-72 du même code.

([313]) 2° du II pour l’accès à distance aux correspondances stockées par la voie des communications électroniques et deuxième alinéa du nouvel article 706-95-11 pour les autres techniques.

([314]) Décisions nos 2013-679 du 4 décembre 2013, Loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, cons. 75, et 2014-420/421 QPC du 9 octobre 2014, M. Maurice L. et autre [Prolongation exceptionnelle de la garde à vue pour des faits d’escroquerie en bande organisée], cons. 24.

([315]) Art. 12 du code de procédure pénale.

([316]) Art. 14 du code de procédure pénale. Une fois l’information judiciaire ouverte, la police judiciaire défère aux réquisitions des juridictions d’instruction.

([317]) Conseil constitutionnel, décision n° 2011‑625 DC du 10 mars 2011, Loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, cons. n° 59 : « il résulte de l’article 66 de la Constitution que la police judiciaire doit être placée sous la direction et le contrôle de l’autorité judiciaire […], l’exigence de direction et de contrôle de l’autorité judiciaire sur la police judiciaire ne serait pas respectée si des pouvoirs généraux d’enquête criminelle ou délictuelle étaient confiés à des agents qui, relevant des autorités communales, ne sont pas mis à la disposition des officiers de police judiciaire ».

([318]) Articles 13 et 224 et suivants du code de procédure pénale.

([319]) Art. 15 du code de procédure pénale. 

([320]) Les officiers et les gradés de la gendarmerie, les gendarmes comptant au moins trois ans de service dans la gendarmerie, nominativement désignés par arrêté des ministres de la justice et de l’intérieur, après avis conforme d’une commission.

([321]) Les inspecteurs généraux, les sous-directeurs de police active, les contrôleurs généraux, les commissaires de police et les officiers de police ainsi que les fonctionnaires du corps d’encadrement et d’application de la police nationale comptant au moins trois ans de services dans ce corps, nominativement désignés par arrêté des ministres de la justice et de l’intérieur, après avis conforme d’une commission.

([322]) Articles R. 13 à R. 15‑2 pour la gendarmerie nationale et. R. 15‑3 à R. 15‑6 du code de procédure pénale pour la police nationale.

([323]) Si un OPJ est appelé à exercer ses fonctions habituelles sur le ressort de plusieurs cours d’appel, le procureur général du ressort de laquelle se trouve le siège des fonctions de l’officier recueille l’avis de chaque procureur général dont le ressort est concerné par lesdites fonctions.

([324]) Art.19-1 du code de procédure pénale.

([325]) « La garde à vue est une mesure de contrainte décidée par un officier de police judiciaire, sous le contrôle de l’autorité judiciaire », dispose l’article 62‑2 du code de procédure pénale.

([326]) Art. 60 et 60-1 à 60 -3 du code de procédure pénale.

([327]) Art. 77‑1 à 77‑1‑3 du code de procédure pénale.

([328]) Articles 20 et 20-1 du code de procédure pénale.               

([329]) Art. 21 du code de procédure pénale et L. 411-5, L. 411-6 et L. 511-1 à L. 515-1 du code de la sécurité intérieure.

([330]) Il s’agit essentiellement d’infractions au code de la route dont la liste est déterminée par décret, mais aussi de l’outrage sexiste défini à l’article 621‑1 du code pénal et créé par la loi n° 2018‑703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.

([331]) Articles 22 à 29-1 du code de procédure pénale. Il s’agit notamment de personnes habilités à rechercher des infractions forestières (agents des services de l’État chargés des forêts et de l’Office national des forêts, gardes champêtres), des agents des douanes et des services fiscaux, des agents chargés de la surveillance de la voie publique ou encore des gardes-chasse ou gardes-pêche.

([332]) Articles 28-1 et 28-2 du code de procédure pénale.

([333]) Art. 18 et 21‑1 du code de procédure pénale.

([334]) Art. 15‑1 du code de procédure pénale.

([335]) Art. 171 du code de procédure pénale : « Il y a nullité lorsque la méconnaissance d’une formalité substantielle prévue par une disposition du présent code ou toute autre disposition de procédure pénale a porté atteinte aux intérêts de la partie qu’elle concerne. »

([336]) Art. 18, al. 3 du code de procédure pénale : « Les officiers de police judiciaire peuvent se transporter dans le ressort des tribunaux de grande instance limitrophes du tribunal ou des tribunaux auxquels ils sont rattachés, à l’effet d’y poursuivre leurs investigations et de procéder à des auditions, perquisitions et saisies. Pour l’application du présent alinéa, les ressorts des tribunaux de grande instance situés dans un même département sont considérés comme un seul et même ressort. Les ressorts des tribunaux de grande instance de Paris, Nanterre, Bobigny et Créteil sont considérés comme un seul et même ressort. » L’OPJ qui se transporte dans le ressort des tribunaux de grande instance limitrophes au tribunal auquel il est rattaché, avise le procureur de la République et l’OPJ en charge de la sécurité publique territorialement compétents.

([337]) Art. 18, al. 4 et 5, du code de procédure pénale.

([338]) Art. 706-80 du code de procédure pénale.  

([339]) Rapport n° 11 (2018-2019) de MM. François-Noël Buffet et Yves Détraigne, fait au nom de la commission des lois, déposé le 3 octobre 2018, commentaire sous l’article 30.

([340]) Rapport de MM. Jacques Beaume et Franck Natali portant sur l’amélioration et la simplification de la procédure pénale rendu dans le cadre des chantiers de la justice.

([341]) Cette information se substituerait à la commission rogatoire expresse qu’exige actuellement le code de procédure pénale pour qu’un OPJ agisse en dehors des limites de sa circonscription. Le procureur ou le juge d’instruction pourraient également ordonner que l’OPJ soit assisté d’un OPJ territorialement compétent.

([342]) La distinction entre l’enquête de flagrance et l’enquête préliminaire fait l’objet d’un développement dans le commentaire des dispositions de l’article 32.

([343]) Art. 77‑1‑1 du code de procédure pénale.

([344]) La chambre criminelle de la Cour de cassation estime que « l’autorisation de procéder à "toutes réquisitions utiles" au visa "des articles 75 et suivants" » suffit à satisfaire l’exigence légale (Cass. crim, 20 juillet 2011, n° 11-81823). L’année suivante, elle a jugé que « l’article 77-1-1 du code de procédure pénale ne soumet l’autorisation du procureur de la République à aucune forme particulière et n’exige pas, notamment, que figure à la procédure la formalisation écrite et préalable d’une demande d’autorisation ou de cette autorisation elle-même ni l’indication de la forme sous laquelle cette autorisation a été donnée » (Cass. crim, 27 novembre 2012, n° 12-85645).

([345]) La circulaire JUSD1625322C du ministre de la justice du 8 septembre 2016, relative aux mesures de simplification de la procédure pénale et portant présentation des dispositions du décret n° 2016‑1202 du 7 septembre 2016 portant simplification des dispositions du code de procédure pénale, recommande aux parquets de délivrer aux services de police judiciaire une autorisation permanente pour une série de réquisitions, sous la seule condition de veiller aux frais de justice qu’elles viendraient causer (point 1.2).

([346]) L’article 41-1 du code de procédure pénale permet notamment le rappel à la loi, la réparation du dommage causé par l’infraction et diverses autres alternatives.

([347]) Cette mesure sera particulièrement utile pour le traitement des procédures concernant les personnes qui, notamment en Guyane, ingèrent des produits stupéfiants afin de pouvoir les acheminer par avion en métropole.

([348]) Art. 63 du code de procédure pénale. Ces règles sont les mêmes au cours de l’instruction, l’article 154 du code de procédure pénale confiant alors au juge d’instruction les attributions du procureur de la République. Le Conseil constitutionnel a déjà admis le principe d’une présentation facultative dans le cadre de la flagrance dans la décision n° 93‑326 DC du 11 août 1993, Loi modifiant la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme du code de procédure pénale.

([349]) Art. 63‑3‑1 du code de procédure pénale.

([350]) Art. 63‑4‑3‑1 du code de procédure pénale.

([351]) Art. 3 de la directive 2013/48/UE du 22 octobre 2013 du Parlement européen et du Conseil relative au droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et des procédures relatives au mandat d’arrêt européen, au droit d’informer un tiers dès la privation de liberté et au droit des personnes privées de liberté de communiquer avec des tiers et avec les autorités consulaires.

([352]) Art. 803‑2 du code de procédure pénale.

([353]) Ces locaux n’existent que dans trois juridictions franciliennes : Paris, Créteil et Bobigny.

([354]) Conseil constitutionnel, décision n° 2010-80 QPC du 17 décembre 2010, M. Michel F., cons. n° 11.

([355]) Voir, parmi d’autres arrêts, Cass crim., 24 juin 2015, n° 14-86.731.

([356]) En l’occurrence, le procureur de la République ou le juge d’instruction.

([357]) Cette architecture juridique avait déjà été jugée conforme à la Constitution (Conseil constitutionnel, décision n° 2010‑14/22 QPC du 30 juillet 2010, M. Daniel W. et autres).

([358]) L’article 706-113 code de procédure pénale prévoit l’information du curateur ou du tuteur par l’autorité judiciaire uniquement en cas de poursuites, d’alternative aux poursuites, de composition pénale, de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ou de placement sous le statut de témoin assisté.

([359]) Ces cas sont les mêmes que ceux prévus par l’article 63-2 du code de procédure pénale pour différer le droit à l’assistance d’un avocat dans la procédure de droit commun.

([360]) CEDH (grande chambre), 27 novembre 2008, Salduz c. Turquie, req. n° 36391/02 ; CEDH (grande chambre), 13 octobre 2009, Dayanan c. Turquie, n° 7377/03 ; CEDH, 14 octobre 2010, Brusco c. France, n° 1466/07.

([361]) Décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010, M. Daniel W. et autres.

([362]) Cass crim., 19 octobre 2010, n° 10-82902.

([363]) Loi n° 2011‑392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue.

([364]) Art. 53 du code de procédure pénale.

([365]) Art. 75 et suivants du code de procédure pénale.

([366]) Art. 78 du code de procédure pénale.

([367]) Art. 56 du code de procédure pénale.

([368]) Art. 76 du code de procédure pénale.

([369]) Art. 706-89 et 706-90 du code de procédure pénale.

([370]) Art. 706-90 du code de procédure pénale.

([371]) Art. 55-1, 60, 60-1, 60-2 du code de procédure pénale.

([372]) Art. 76-2, 77-1, 77-1-1 et 77-1-2 du code de procédure pénale.

([373]) Art. 61 du code de procédure pénale.

([374]) Art. 67 du code de procédure pénale.

([375]) L’absence d’acte d’enquête pendant deux jours, par exemple, met fin à la flagrance (Cass. crim., 5 octobre 2016, n° 16-81521). La durée maximale de huit jours, d’abord jurisprudentielle, a été inscrite dans le code de procédure pénale par la loi n° 99‑515 du 23 juin 1999 renforçant l’efficacité de la procédure pénale.

([376]) L’article 53 du code de procédure pénale a été modifié en ce sens par la loi n° 2004‑204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

([377]) Décision n°96-377 DC du 16 juillet 1996, Loi tendant à renforcer la répression du terrorisme et des atteintes aux personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public et comportant des dispositions relatives à la police judiciaire ; décision n° 2004-49 DC du 2 mars 2004, Loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

([378]) L’article 59 du code de procédure pénale prévit par exemple que, sauf réclamation faite de l’intérieur de la maison ou exceptions prévues par la loi, les perquisitions et les visites domiciliaires ne peuvent être commencées avant 6 heures et après 21 heures. L’article 56 du même code définit la procédure à suivre durant la perquisition.

([379]) Rapport de MM. Jacques Beaume et Franck Natali portant sur l’amélioration et la simplification de la procédure pénale rendu dans le cadre des chantiers de la justice.

([380]) La perquisition au domicile ou au cabinet d’un avocat, qui est susceptible de porter atteinte aux droits de la défense, est entourée de garanties particulières : présence obligatoire d’un magistrat sur les lieux, association étroite du bâtonnier pouvant s’opposer à la saisie d’un objet, etc.

([381]) Le Conseil constitutionnel a jugé cette disposition conforme à la Constitution (décision n° 2012-257 QPC du 18 juin 2012, Société OLANO CARLA et autre.

([382]) Art. 77-4 du code de procédure pénale.

([383]) Cass. crim., 22 février 2017, n° 16-82.412.

([384]) Dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale.

([385]) Les « eaux intérieures » sont les voies navigables sur le territoire français. La mer territoriale est la bande côtière, d’une largeur maximale de 12 milles marins, sur laquelle la France exerce pleinement sa souveraineté.

([386]) Un navire est employé en mer tandis qu’un bateau navigue dans les eaux intérieures. Quant à l’engin flottant, il n’est pas affecté à la navigation.

([387]) Conseil d’État, avis sur le projet de loi, 12 avril 2018, point n° 73. Sont notamment citées les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme du 21 février 2008, Ravon et autres contre France (n° 18497/03) et du Conseil constitutionnel, n° 2013-357 QPC du 29 novembre 2013, Société Wesgate Charters Ltd, et n° 2014-387 QPC du 4 avril 2014, M. Jacques J.

([388]) Il s’agit bien d’un contrôle de la régularité de la mesure et non de sa proportionnalité.

([389]) Une personne ayant acquis l’une de ces qualités dispose déjà d’un droit au recours aujourd’hui.

([390]) L’amendement du Gouvernement en ce sens a été adopté en même temps qu’un amendement identique présenté par Mme Isabelle Florennes et les membres du groupe du Mouvement démocrate et apparentés.

([391]) Jacques Beaume, Rapport sur la procédure pénale, juillet 2014, http://www.justice.gouv.fr/publication/rap-beaume-2014.pdf

([392]) Vaincre le malaise des forces de sécurité intérieure : une exigence républicaine, rapport n° 612 (2017-2018) de M. François Grosdidier, fait au nom de la commission d’enquête sur l’état des forces de sécurité intérieure, déposé le 27 juin 2018.

([393]) Chapitres IV, V et VI du titre III du livre II du code de la route.

([394]) Notamment l’article 801‑1 relatif aux signatures numérique et électronique.

([395]) Art. 230‑32 du code de procédure pénale et art. 67 bis-2 du code des douanes.

([396]) Julien Lausson, « Le meurtre et l’objet connecté : quand un bracelet Fitbit contredit le récit du suspect », Numerama, 27 avril 2017

([397])  Cet article pose les règles de compétence de droit commun. Il existe des règles spéciales dérogatoires : l’article 706‑17 du code de procédure pénale donne compétence au procureur de la République de Paris pour la poursuite des infractions terroristes ; l’article 7051‑1 du même code au procureur de la République financier pour poursuivre les atteintes à la transparence des marchés.

([398]) En application de la « théorie des apparences » développée car la Cour européenne des droits de l’homme, la justice ne doit pas seulement être rendue, elle doit également donner le sentiment d’être bien rendue (CEDH, Delcourt c. Belgique, n° 2689/65).

([399]) La procédure est nettement plus lourde une fois saisi un juge d’instruction ou une juridiction de jugement, puisque l’article 662 du code de procédure pénale fait alors intervenir la chambre criminelle de la Cour de cassation qui prononce le dessaisissement pour cause de suspicion légitime.

([400]) Art. 60 du code de procédure pénale.

([401]) La loi n° 99‑515 du 23 juin 1999 renforçant l’efficacité de la procédure pénale leur en a donné le droit.

([402]) Art. L. 234‑9 du code de la route.

([403]) Art. L. 234-4 et L. 234-5 du code de la route.

([404]) Art. L. 235‑2 du code de la route.

([405]) Rapport n° 11 (2018-2019) de MM. François-Noël Buffet et Yves Détraigne, fait au nom de la commission des lois, déposé le 3 octobre 2018, commentaire sous l’article 30.

([406]) Sont concernés tous les dispositifs d’enquête spécifiques à la lutte contre la délinquance et la criminalité organisées : la géolocalisation (art. 230‑32 à 230‑34 du code de procédure pénale), la surveillance (art. 706-80 du même code), l’infiltration (art. 706-81), l’interception de correspondance (art. 706‑95), l’accès à distance à des données informatiques (art. 706‑95‑1), l’utilisation de l’IMSI-catcher (art. 706‑95‑4), la sonorisation et la fixation d’images de lieux privés (art. 706-96) et la captation des données informatiques (art. 706‑102‑1).

([407]) Le réquisitoire introductif est la pièce de la procédure par laquelle le ministère public saisit le juge d’instruction (art. 80 du code de procédure pénale).

([408]) Les actes d’enquête sont ceux prévus par le droit en vigueur pour le « sas » en matière terroriste auxquels le projet de loi adjoint l’interception, l’enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie des communications électroniques (art. 60‑4 et 77‑1‑4 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de l’article 27 du projet de loi).

([409]) Voir l’extension de la durée de l’enquête de flagrance prévue à l’article 32 du présent projet de loi. L’enquête préliminaire n’ayant pas de terme légal, cette disposition ne s’applique pas à elle.

([410]) Cette précision résultait d’un amendement du Gouvernement adopté par la commission des Lois de l’Assemblée nationale.

([411]) Par exception, la loi n’exige pas de plainte préalable auprès du procureur de la République en matière criminelle, dans le domaine des délits de presse prévus par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et en répression de certaines infractions prévues par le code électoral.

([412]) Rapport n° 11 (2018-2019) de MM. François-Noël Buffet et Yves Détraigne, fait au nom de la commission des lois, déposé le 3 octobre 2018, commentaire sous l’article 34.

([413]) Rapport de MM. Jacques Beaume et Franck Natali portant sur l’amélioration et la simplification de la procédure pénale rendu dans le cadre des chantiers de la justice.

([414]) L’article 40‑1 du code de procédure pénale permet au procureur de la République d’apprécier souverainement l’opportunité d’engager des poursuites, de mettre en œuvre une procédure alternative aux poursuites ou de procéder à un classement sans suite, en fonction des circonstances de l’espèce et de la politique pénale qu’il développe.

([415]) Prévue aux articles 389 à 392‑1 du code de procédure pénale, la citation directe permet de saisir directement un tribunal pénal en cas d’infraction. Le procès se tient sans instruction ni enquête, à charge au plaignant de produire devant le tribunal des éléments probants. La procédure est ouverte pour les délits et les contraventions, non pour les crimes. Elle exige une consignation et suscite des frais d’huissier.

([416]) L’article 29 du projet de loi lève cependant en partie cet obstacle.

([417]) Rapport n° 11 (2018-2019) de MM. François-Noël Buffet et Yves Détraigne, fait au nom de la commission des lois, déposé le 3 octobre 2018, commentaire sous l’article 34. Il convient de préciser que les actes de terrorisme, qui font l’objet d’un « sas » dans le droit en vigueur, comptent parmi les infractions relevant de la délinquance et de la criminalité organisées. En conséquence, la commission des Lois du Sénat a maintenu le V de l’article 34 du projet de loi abrogeant l’article 706‑24‑2 du code de procédure pénale.

([418]) Une ordonnance constatant l’existence de « charges suffisantes » rendue par un juge d’instruction semblerait préjuger de la décision de la juridiction de jugement.

([419]) La détention provisoire avait fait l’objet d’une ordonnance du juge d’instruction et d’une décision du juge des libertés et de la détention, de sorte que le dossier du prévenu avait déjà étudié en profondeur.

([420]) Art. 142‑7 du code de procédure pénale.

([421]) Sur plus de 47 000 contrôles judiciaires.

([422]) L’assignation à résidence avec surveillance électronique à la suite du renvoi devant le tribunal correctionnel ou la cour d’assises est régie respectivement par les articles 179 et 181 du code de procédure pénale.

([423]) Art. 29 de la loi du 29 juillet 1881 précitée.

([424]) Art. 55 et 56 de la loi du 29 juillet 1881 précitée.

([425]) Cass. crim., 24 octobre 1989, n° 85-91.647; Cass. crim., 2 novembre 2016, n° 16-82.328.

([426]) L’article 80‑1, alinéa 2, et l’article 116 du code de procédure pénale régissent la mise en examen.

([427]) En droit commun, l’article 175 du code de procédure pénale prévoit que le ministère public dispose d’un délai d’un mois si une personne mise en examen est détenue ou de trois mois dans les autres cas pour adresser ses réquisitions motivées au juge d’instruction.

([428]) Elles sont apparues avec la loi n° 2001‑1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne. Plusieurs textes ont depuis étendu leur périmètre.

([429]) Cette disposition résulte de la loi n° 2011‑267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.

([430]) Il bénéficie des moyens nécessaires pour s’entretenir avec son client de façon confidentielle.

([431]) Une copie intégrale du dossier est mise à sa disposition, le cas échéant dans les locaux de détention.

([432]) Art. 179 du code de procédure pénale.

([433]) Ce délai de réponse est de dix jours si une personne mise en examen est détenue ou d’un mois dans les autres cas.

([434]) Le témoin assisté est mis en cause au cours d’une instruction judiciaire sans qu’il lui soit directement reproché la commission d’une infraction. Il s’agit d’un statut intermédiaire entre mis en examen et simple témoin, qui confère certains droits à la personne qui en est l’objet. Alors que le mis en examen est celui à l’encontre duquel existent « des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’il ait pu participer à la commission des infractions dont le juge est saisi », le témoin assisté est celui à propos de qui le juge d’instruction détient « des indices rendant vraisemblable qu’il ait pu participer à la commission des infractions dont le juge est saisi ».

([435]) Art. 84‑1 du code de procédure pénale.

([436]) Art. 180‑1 du code de procédure pénale.

([437])  « L’Association française des magistrats instructeurs évoque une autre simplification pour la clôture d’une information où les faits seraient reconnus : le parquet, au lieu de procéder au règlement selon le formalisme de l’art. 175 du code de procédure pénale, pourrait proposer directement une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (avec l’accord du juge d’instruction ?), laquelle, en cas d’acceptation, permettrait une clôture très simplifiée du dossier. » (rapport de MM. Jacques Beaume et Franck Natali portant sur l’amélioration et la simplification de la procédure pénale rendu dans le cadre des chantiers de la justice).

([438]) Art. 185, dernier alinéa, du code de procédure pénale.

([439]) Art. 186 du code de procédure pénale.

([440]) La chambre de l’instruction est régie par les articles 191 et suivants du code de procédure pénale.

([441]) Lorsqu’une procédure s’est achevée par la condamnation définitive par une cour d’assises, l’article 41-6 prévoit que le procureur de la République ou le procureur général qui envisage d’ordonner la destruction des objets placés sous main de justice – ou leur remise au service des domaines ou à l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués – doit, en cas d’opposition du condamné, saisir la chambre de l’instruction.

([442]) L’article 706-153 du code de procédure pénale prévoit que l’appel formé contre l’ordonnance du juge des libertés et de la détention lors d’une enquête, ou du juge d’instruction au cours d’une information, qui autorise la saisie, aux frais avancés du Trésor, de biens ou droits incorporels, est examiné par la chambre de l’instruction.

([443]) L’article 778 du code de procédure pénale dispose que lorsque le procureur de la République ou le juge d’instruction constate qu’un individu a été condamné sous une fausse identité, la requête en rectification d’identité est formée par le procureur de la République et, si la décision a été rendue par une cour d’assises, soumise à la chambre de l’instruction. La même procédure est applicable au cas de contestation sur la réhabilitation de droit et sur l’interprétation d’une loi d’amnistie.

([444]) Rapport n° 11 (2018-2019) de MM. François-Noël Buffet et Yves Détraigne, fait au nom de la commission des lois, déposé le 3 octobre 2018, commentaire sous l’article 36.

([445]) Le jugement par défaut est prévu à l’article 487 du code de procédure pénale. Le condamné conserve la possibilité de faire opposition tant qu’il n’est pas possible de considérer qu’il a pris connaissance de la procédure ; il est alors jugé à nouveau. L’intérêt principal du jugement par défaut consiste à écarter le risque de prescription.

([446]) Art. 529 du code de procédure pénale : « Pour les contraventions dont la liste est fixée par décret en Conseil d’Etat l’action publique est éteinte par le paiement d’une amende forfaitaire qui est exclusive de l’application des règles de la récidive. » Les contraventions sont passibles d’une amende de 38 euros pour la première classe (forfaitisée à 4, 11 ou 17 euros), de 150 euros pour la deuxième classe (forfaitisée à 35 euros), de 450 euros pour la troisième classe (forfaitisée à 68 euros) et de 750 euros pour la quatrième classe (forfaitisée à 135 euros).

([447]) Article 495-17 du code de procédure pénale : « Lorsque la loi le prévoit, l’action publique est éteinte par le paiement d’une amende forfaitaire délictuelle dans les conditions prévues à la présente section. »

([448]) Amende forfaitaire de 800 euros, amende encourue de 15 000 euros.

([449]) Amende forfaitaire de 500 euros, amende encourue de 3 750 euros.

([450]) L’article 495-18 du code de procédure pénale prévoit une minoration de l’amende afin d’inciter à un recouvrement dans un délai inférieur à quinze jours.

([451]) Le contrevenant peut former une requête en exonération dans les 45 jours de la contestation de l’infraction ou l’envoi de l’avis, ou une réclamation dans les 30 jours de l’envoi de l’avis invitant à payer l’amende majorée auprès du ministère public. Le ministère public peut alors déclarer la requête irrecevable, renoncer aux poursuites ou saisir la juridiction de jugement. En cas de condamnation par le tribunal correctionnel, l’amende prononcée ne peut être inférieure au montant de l’amende forfaitaire augmenté d’un taux de 10 %.

([452]) Notamment le décret n° 2017‑429 du 28 mars 2017 pris pour l’application des articles 495‑25 et 706‑111‑1 du code de procédure pénale.

([453]) Rapport n° 11 (2018-2019) de MM. François-Noël Buffet et Yves Détraigne, fait au nom de la commission des lois, déposé le 3 octobre 2018, commentaire sous l’article 37.

([454]) Décisions n° 201038 QPC du 29 septembre 2010, M. Jean-Yves G, et n° 2015467 QPC du 7 mai 2015, M. Mohamed D.

([455]) Décision n° 2011‑162 QPC du 16 septembre 2011, Société LOCAWATT, cons. n° 5 : « en imposant, pour les contraventions des quatre premières classes ayant fait l’objet d’une procédure d’amende forfaitaire, que l’amende prononcée par le juge en cas de condamnation ne puisse être inférieure au montant, selon le cas, de l’amende forfaitaire ou de l’amende forfaitaire majorée, le législateur a, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice et pour assurer la répression effective des infractions, retenu un dispositif qui fait obstacle à la multiplication des contestations dilatoires ».

([456]) CEDH, 21 février 1984, Oztürk c. Allemagne, n° 8544/79.

([457]) CEDH, 21 mai 2002, Peltier c. France, n° 32872/96 : la déclaration d’irrecevabilité prononcée à la suite d’une erreur de droit à l’encontre d’une requête en exonération présentée contre une amende forfaitaire constitue une entrave à l’accès du requérant à un tribunal.

([458]) Art. L. 3315-5 du code des transports.

([459]) Art. L. 3353-3 du code de la santé publique.

([460]) Art. L. 3421-1 du code de la santé publique.

([461]) Le Conseil d’État estime difficile, dans son avis sur le présent projet de loi, qu’une procédure transactionnelle entre dans le décompte des infractions donnant lieu à récidive.

([462]) Les mentions des amendes forfaitaires apparaitraient au bulletin n° 2 du casier judiciaire. Elles seraient retirées après trois ans à compter de leur paiement à condition que la personne n’ait pas, pendant ce délai, subi de condamnation criminelle ou correctionnelle, exécuté une composition pénale, ou fait de nouveau l’objet d’une amende forfaitaire délictuelle.

([463]) Art. L. 3353‑3 du code de la santé publique.

([464]) Art. L. 3315-5 du code des transports.

([465]) Rapport (n° 595) de MM. Éric Poulliat et Robin Reda au nom de la mission d’information relative à l’application d’une procédure d’amende forfaitaire au délit d’usage illicite de stupéfiants, 25 janvier 2018.

([466]) L’étude d’impact jointe au projet de loi évalue les moyens dédiés au traitement de ce contentieux à près de 15 emplois de magistrats et 36 emplois de fonctionnaires.

([467]) Rappel à la loi, orientation vers une structure sanitaire et sociale, stage de sensibilisation, injonction thérapeutique ou composition pénale.

([468]) Les poursuites sont en pratique limitées à des cas de récidive. Elles prennent déjà fréquemment la forme d’une procédure simplifiée comme la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité et l’ordonnance pénale.

([469]) Ce report figure à l’article 56 du projet de loi.

([470]) L’article 446‑1 du code pénal dispose : « La vente à la sauvette est le fait, sans autorisation ou déclaration régulière, d’offrir, de mettre en vente ou d’exposer en vue de la vente des biens ou d’exercer toute autre profession dans les lieux publics en violation des dispositions réglementaires sur la police de ces lieux. La vente à la sauvette est punie de six mois d’emprisonnement et de 3 750 € d’amende. »

([471]) Art. 41‑1 du code de procédure pénale.

([472]) Loi n° 2014‑896 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales.

([473]) Tous les délits prévus par le code pénal et punis d’une peine d’amende ou d’un an d’emprisonnement au plus, à l’exception du délit d’outrage, le vol lorsque la valeur de la chose volée n’excède pas 300 euros, l’usage de stupéfiants et l’occupation illicite d’espaces communs dans un immeuble d’habitation.

([474]) Conseil d’État, 24 mai 2017, Syndicat de la magistrature et autres / Syndicat national des magistrats force ouvrière, n° 395321 et 395509.

([475]) La composition pénale admet que soient traités plusieurs délits en même temps ainsi que des infractions connexes auxdits délits. Si le justiciable n’est l’auteur que d’infractions contraventionnelles, le mécanisme est également applicable sur le fondement de l’article 41‑3 du code de procédure pénale, mais toutes les mesures de composition délictuelle ne sont pas applicables.

([476]) Conformément à l’article 131-38 du code pénal.

([477]) La représentation par avocat est une condition de la mise en œuvre de la CRPC (art. 495‑9 du code de procédure pénale).

([478]) Le procureur peut également proposer une peine d’amende ainsi que des peines complémentaires. La peine d’emprisonnement peut être assortie de sursis. Son aménagement est du ressort du juge d’application des peines.

([479]) La loi permet de solliciter un délai de réflexion de dix jours francs. Le procureur peut requérir du juge des libertés et de la détention que ce délai donne lieu à une assignation à résidence avec surveillance électronique ou, si la peine proposée est supérieure à deux mois d’emprisonnement à exécuter immédiatement, à un placement en détention provisoire.

([480]) Le juge peut décider d’homologuer ou refuser la proposition. Il ne peut pas la réformer. L’audience est publique. L’audience et la décision du président doivent avoir lieu le même jour.

([481]) La cour d’appel prononce une peine qui ne peut excéder celle homologuée par le juge.

([482]) Les peines supérieures sont réservées aux crimes et consistent en une réclusion criminelle.

([483]) Art. 132‑8 à 132‑11 du code pénal.

([484]) Ces raisons de refuser l’homologation s’ajoutent à celles déjà prévues à l’article 495‑11 du code de procédure pénale : la mauvaise reconnaissance des faits par l’auteur, le défaut d’acceptation de la peine proposée, le manque de justification de celle-ci au regard des circonstances et de la personnalité de l’auteur.

([485]) Art. 390‑1 du code de procédure pénale : « Vaut citation à personne la convocation en justice notifiée au prévenu, sur instructions du procureur de la République et dans les délais prévus par l’article 552, soit par un greffier, un officier ou agent de police judiciaire ou un délégué ou un médiateur du procureur de la République, soit, si le prévenu est détenu, par le chef de l’établissement pénitentiaire. »

([486]) Art. 390 du code de procédure pénale. La citation directe attrait un prévenu à l’instance sans enquête ni instruction. La charge de la preuve incombe à celui qui a lancé la citation.

([487]) Cette évolution est suggérée dans le rapport de MM. Jacques Beaume et Franck Natali portant sur l’amélioration et la simplification de la procédure pénale rendu dans le cadre des chantiers de la justice.

([488]) Le supplément d’information est une mesure par laquelle est ordonnée, par une juridiction autre que la juridiction d’instruction, tout acte d’investigation complémentaire jugé utile à la manifestation de la vérité.

([489]) Cette disposition issue de la loi n° 2014‑535 du 27 mai 2014 transpose en droit interne la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales.

([490]) Contrôle judiciaire, assignation à résidence avec surveillance électronique ou détention provisoire.

([491]) Régi par l’article 175 du code de procédure pénale (voir le commentaire sous l’article 36).

([492]) L’article 396 règle la situation dans laquelle, dans le cadre d’une comparution immédiate, une mesure de sûreté se révèle nécessaire parce que le tribunal ne peut se réunir le jour même.

([493]) Art. 141‑2 du code de procédure pénale.

([494]) Art. 141‑4 du code de procédure pénale.

([495]) Art. 396 du code de procédure pénale. 

([496]) Conseil constitutionnel, décision n° 2002‑461 DC du 29 août 2002, Loi d’orientation et de programmation pour la justice.

([497]) Les ordonnances pénales viennent principalement réprimer les infractions routières (75,9 % des ordonnances en 2016), celles en matière de santé publique (15,9 %) et les atteintes aux biens (4,5 %).

([498]) Le défaut d’exécution pouvant conduire à un emprisonnement, cette précision a été jugée nécessaire au respect des droits de la défense par le Conseil d’État dans son avis sur le présent projet de loi : « la relative complexité de la peine de travail d’intérêt général et de la peine de jours-amende, et les conséquences qui résultent de l’inexécution de ces peines, au regard de la liberté individuelle, interdisent qu’une ordonnance pénale infligeant l’une de ces peines soit notifiée par écrit à la personne mise en cause. »

([499]) Art. 225-12-1 du code pénal.

([500]) Art. 226-3-1 du code pénal issu la loi n° 2018‑703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.

([501]) Art. L. 163‑3 du code monétaire et financier. 

([502]) Cette disposition fait suite au rapport qu’a rédigé la rapporteure avec MM. Amellal et Taieb sur la lutte contre le racisme et l’antisémitisme sur internet.

([503]) Art. 502 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016‑731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale.

([504]) Art. 56 du présent projet de loi.

([505]) Rapport n° 11 (2018-2019) de MM. François-Noël Buffet et Yves Détraigne, fait au nom de la commission des lois, déposé le 3 octobre 2018, commentaire sous l’article 41.

([506]) L’étude d’impact jointe au projet de loi évoque 12 000 condamnations sur 22 000 prononcées.

([507]) L’article 464 du code de procédure pénale prévoit, en son quatrième alinéa : « Après avoir statué sur l’action publique, le tribunal peut, d’office ou à la demande du procureur de la République ou des parties, renvoyer l’affaire à une date ultérieure pour statuer sur l’action civile, même s’il n’ordonne pas de mesure d’instruction, afin de permettre à la partie civile d’apporter les justificatifs de ses demandes. Ce renvoi est de droit lorsqu’il est demandé par les parties civiles. Le tribunal doit alors fixer la date de l’audience à laquelle il sera statué sur l’action civile. La présence du ministère public à cette audience n’est pas obligatoire. À cette audience, le tribunal est composé du seul président siégeant à juge unique. »

([508]) « Le président a la police de l’audience et la direction des débats. Il rejette tout ce qui tendrait à compromettre leur dignité ou à les prolonger sans donner lieu d’espérer plus de certitude dans les résultats. »

([509]) Voir le commentaire sous l’article 41.

([510]) L’étude d’impact jointe au projet de loi fait état d’un stock d’affaires en attente de jugement représentant treize mois d’activité, contre neuf mois en 2009.

([511]) La cour d’assises resterait donc compétente pour juger les crimes passibles de peines plus lourdes – essentiellement les affaires de meurtre – et les dossiers de récidivistes.

([512]) Choisis parmi les conseillers et les juges du ressort de la cour d’appel.

([513]) Choisi parmi les présidents de chambre et les conseillers du ressort de la cour d’appel.

([514]) La seule différence consiste dans le délai au terme duquel l’accusé détenu est remis en liberté s’il n’a pas comparu devant la juridiction de jugement. Ce délai, pour la cour d’assises, est d’une année qui peut être augmentée de deux prolongations de six mois. Pour le tribunal criminel, il serait de six mois renouvelables une seule fois.

([515]) Proposition de loi tendant à modifier l’article 689-11 du code de procédure pénale relatif à la compétence territoriale du juge français concernant les infractions visées par le statut de la Cour pénale internationale.

([516]) Pour un exemple récent : « Au ‘procès Méric’, Serge Ayoub, figure de l’extrême droite radicale, s’offre une tribune », Le Monde, 12 septembre 2018.

([517]) Rapport n° 007-18 de la mission sur l’amélioration du dispositif d’indemnisation des victimes de préjudice corporel en matière de terrorisme, mars 2018.

([518]) Idem, p. 38.

([519]) La commission d’indemnisation des victimes d’infractions est une commission spéciale siégeant dans chaque TGI et dont le rôle est de faciliter l’indemnisation des victimes d’infractions pénales.

([520]) Décision du Défenseur des droits n° 2017-193 du 30 juin 2017.

([521]) Consulter les chiffres détaillés ici.

([522]) Décisions nos 2017-691 QPC du 16 février 2018, M. Farouk B. [Mesure administrative d’assignation à résidence aux fins de lutte contre le terrorisme] et 2017-695 QPC du 29 mars 2018, M. Rouchdi B. et autre [Mesures administratives de lutte contre le terrorisme].

([523]) Décision n° 2017-691 du 16 février 2018 précitée, §18.

([524]) Idem, §19.

([525]) III de l’article L. 512-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et article R. 776-21 du code de justice administrative.

([526]) Consulter les chiffres détaillés ici.

([527]) Décision n° 2017-695 QPC du 29 mars 2018 précitée, § 69.

([528]) Extrait de l’exposé sommaire de l’amendement n° 228 déposé par le Gouvernement en séance au Sénat.

([529]) Sont visés :

–  les atteintes volontaires à la vie ou à l’intégrité de la personne, l’enlèvement et la séquestration ainsi que le détournement d’aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport ;

–  les vols, extorsions, destructions, dégradations et détériorations, ainsi que les infractions en matière informatique lorsque l’acte préparé consiste en des destructions, dégradations ou détériorations par substances explosives ou incendiaires devant être réalisées dans des circonstances de temps ou de lieu susceptibles d’entraîner des atteintes à l’intégrité physique d’une ou de plusieurs personnes ;

–  le fait d’introduire dans l’atmosphère, sur le sol, dans le sous-sol, dans les aliments ou les composants alimentaires ou dans les eaux, y compris celles de la mer territoriale, une substance de nature à mettre en péril la santé de l’homme ou des animaux ou le milieu naturel lorsque l’acte préparé est susceptible d’entraîner des atteintes à l’intégrité physique d’une ou de plusieurs personnes.

([530]) Décision n° 2017-625 QPC du 7 avril 2017, M. Amadou S. [Entreprise individuelle terroriste].

([531]) Idem, § 17.

([532]) Extrait de l’exposé sommaire de l’amendement n° 179 présenté par le Gouvernement au Sénat.

([533]) À Paris, Lyon, Marseille, Lille, Rennes, Bordeaux, Nancy et Fort-de-France.

([534]) Dont le cadre juridique est clarifié et rénové par l’article 28 du projet de loi.

([535]) Dont les règles sont également clarifiées par les articles 27 et 29 du projet de loi.

([536]) Prévue à l’article 698-6 du code de procédure pénale, elle est composée d’un président et, lorsqu’elle statue en premier ressort, de quatre assesseurs ou, lorsqu’elle statue en appel, de six assesseurs. Les assesseurs sont désignés soit parmi les conseillers de la cour d’appel, soit parmi les présidents, vice‑présidents ou juges du tribunal de grande instance du lieu de tenue des assises. Lorsqu’elle juge des mineurs âgés de seize ans au moins, deux des assesseurs sont désignés parmi les juges des enfants du ressort de la cour d’appel.

([537]) Les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, ou avocats aux Conseils, sont des avocats titulaires de leur office. Ils sont seuls à même d’intervenir devant les juridictions suprêmes.

([538]) Cette étude a été publiée dans le rapport annuel de la Cour de cassation pour l’année 2003.

([539]) Art. 585-1 du code de procédure pénale.

([540]) Rapport n° 33 (2017-2018) de MM. Jacques Bigot et François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois, déposé le 18 octobre 2017, sur la proposition de loi d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice.

([541]) Ordonnance n° 2016-1636 du 1er décembre 2016 portant transposition de la directive 2014/41/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 relative à la décision d’enquête européenne en matière pénale.

([542]) Directive (UE) 2016/1919 du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2016 concernant l’aide juridictionnelle pour les suspects et les personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales et pour les personnes dont la remise est demandée dans le cadre des procédures relatives au mandat d’arrêt européen.

([543]) Cette peine consiste, pour le condamné, « à verser au Trésor une somme dont le montant global résulte de la fixation par le juge d’une contribution quotidienne pendant un certain nombre de jours » sans pouvoir excéder 1 000 euros (article 131-5 du code pénal).

([544]) Prévues par l’article 131-6 du code pénal, il peut s’agir de la suspension ou de l’annulation du permis de conduire, de la confiscation d’un véhicule, de l’interdiction de détenir ou porter une arme, de l’interdiction de paraître dans certains lieux ou de fréquenter certaines personnes.

([545]) Cette peine consiste dans l’obligation, pour le condamné, « de procéder (…) à l’indemnisation du préjudice de la victime » (article 131-8-1 du code pénal).

([546]) Entre sa création en 2014 et le 1er janvier 2017, la contrainte pénale n’était encourue que par les auteurs de délits punis d’une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à cinq ans.

([547]) Article 20-4 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante.

([548]) Article 621-1 du code pénal.

([549]) J.J. Urvoas, Rapport sur la mise en œuvre de la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales, 21 octobre 2016, p.17.

([550]) Articles 713-47 à 713-49 du code de procédure pénale.

([551]) Pour une refonte du droit des peines, rapport de la commission présidée par M. Bruno Cotte, décembre 2015.

([552]) B. Cotte et J. Minkowski, Sens et efficacité des peines, p. 12.

([553]) Voir infra, le commentaire des articles 46 et 47 du projet de loi.

([554]) Articles 142-5 à 142-13 du code de procédure pénale.

([555]) Articles 723-7 à 723-13-1 du même code.

([556]) Ces règles sont fondées sur l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge ainsi que la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées.

([557]) D. Paris et D. Layani, Les leviers permettant de dynamiser le travail d’intérêt général, rapport remis à M. Édouard Philippe, mars 2018, p. 7.

([558]) Avis n° 394535 sur un projet de loi de programmation pour la justice 2018-2022, 12 avril 2018.

([559]) En cours de création par le projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises, ces sociétés sont dotées de statuts qui définissent une mission assignant la poursuite d’objectifs sociaux et environnementaux.

([560]) Par la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie.

([561]) Sont visés l’étranger, ne vivant pas en état de polygamie, père ou mère d’un enfant français mineur résidant en France, s’il établit contribuer effectivement à l’entretien et à l’éducation de l’enfant, depuis sa naissance ou depuis un an en cas de reconnaissance postérieure ; l’étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française à condition que le mariage soit antérieur aux faits ayant entraîné la condamnation, que la communauté de vie n’ait pas cessé et que le conjoint ait conservé la nationalité française ; l’étranger justifiant qu’il réside habituellement en France depuis plus de quinze ans, sauf s’il était titulaire pendant cette période d’une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention « étudiant » ; l’étranger résidant régulièrement depuis plus de dix ans en France, sauf s’il était titulaire pendant cette période d’une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention « étudiant » ; l’étranger titulaire d’une rente d’accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d’incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 %.

([562]) Sont concernés l’étranger qui justifie par tous moyens résider en France habituellement depuis qu’il a atteint au plus l’âge de treize ans ; l’étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ; l’étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est marié depuis au moins quatre ans avec un ressortissant français ayant conservé la nationalité française, à condition que ce mariage soit antérieur aux faits ayant entraîné sa condamnation et que la communauté de vie n’ait pas cessé depuis le mariage ou, sous les mêmes conditions, avec un ressortissant étranger qui justifie par tous moyens résider en France habituellement depuis qu’il a atteint au plus l’âge de treize ans ; l’étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est père ou mère d’un enfant français mineur résidant en France, à condition qu’il établisse contribuer effectivement à l’entretien et à l’éducation de l’enfant depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ; l’étranger qui réside en France sous couvert du titre de séjour portant la mention « vie privée et familiale » délivré en raison de l’exceptionnelle gravité de son état de santé.

([563]) Elle se distingue du concours d’infractions (l’auteur n’a pas fait l’objet d’une condamnation définitive entre les deux infractions commises) et de la réitération d’infractions (la personne a déjà été condamnée définitivement pour une infraction et en commet une nouvelle qui ne répond pas aux conditions de la récidive légale).

([564]) Peines d’emprisonnement de cinq ans au plus, peines d’amende, peines de jour‑amende, peines privatives ou restrictives de droits mentionnées à l’article 131-6 à l’exception de la confiscation et peines complémentaires mentionnées à l’article 131-10 à l’exception de la confiscation, de la fermeture d’établissement et de l’affichage

([565]) Peines d’amendes de la cinquième classe, peines restrictives de droits de l’article 131-14 à l’exception de la confiscation et certaines peines complémentaires prévues à l’article 131-16 du même code.

([566]) Décision n° 2005-520 DC du 22 juillet 2005, Loi précisant le déroulement de l’audience d’homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, cons. 3 ; décision n° 2007-553 DC du 3 mars 2007, Loi relative à la prévention de la délinquance, cons. 28.

([567]) Décision n° 2010-6/7 QPC du 11 juin 2010, M. Stéphane A. et autres [Article L. 7 du code électoral], cons. 4.

([568]) Décision n° 2007-554 DC du 9 août 2007, Loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, cons. 13.

([569]) Loi n° 2012-409 du 27 mars 2012 de programmation relative à l’exécution des peines.

([570]) Par la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales.

([571]) Articles 723-3 et suivants du code de procédure pénale.

([572]) Articles 729 et suivants du même code.

([573]) Loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales.

([574]) Article 720 du même code.

([575]) B. Cotte et J. Minkowski, Sens et efficacité des peines, pp. 13-14.

([576]) En particulier la loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, la loi n° 2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs et la loi n° 2012-409 du 27 mars 2012 de programmation relative à l’exécution des peines.

([577]) Cass. crim., 6 janvier 2016, n° 14-87.076 ; 4 mai 2016, n° 15-80.770 et 29 novembre 2016, nos 15-86.116, 15-83.108 et 15-86.712.

([578]) Décision n° 2017-694 QPC du 2 mars 2018, M. Ousmane K. et autres [Motivation de la peine dans les arrêts de cour d’assises], § 8.

([579]) Article 397-4 du code de procédure pénale.

([580]) Article 465 du même code.

([581]) Article 465-1 du même code.

([582]) Extrait de l’exposé sommaire de l’amendement n° 141 déposé au Sénat par M. Jean-Pierre Sueur.

([583]) Article L. 132-4 du code de la sécurité intérieure.

([584]) Articles D. 132-7 à D. 132-10 du même code.

([585]) Pour les auteurs de ces infractions lorsqu’elles sont commises sur un mineur de 15 ans par un ascendant légitime, naturel ou adoptif, ou par toute autre personne ayant autorité sur la victime, le suivi socio‑judiciaire est obligatoire en matière correctionnelle lorsqu’il s’agit de violences habituelles, sauf en cas de condamnation à une peine d’emprisonnement assortie du sursis avec mise à l’épreuve ou si le tribunal correctionnel considère, par décision spécialement motivée, qu’il n’y a pas lieu de prononcer cette mesure ; en matière criminelle, la cour d’assises doit délibérer de façon spécifique sur cette question.

([586]) Le tribunal de l’application des peines peut toutefois mettre fin à la mesure à l’issue d’un délai de trente ans.

([587]) Articles 723-29 à 723-39 du code de procédure pénale.

([588]) Entre sa création en 2014 et le 1er janvier 2017, la contrainte pénale n’était encourue que par les auteurs de délits punis d’une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à cinq ans.

([589]) Votre rapporteur renvoie supra au commentaire de l’article 43 pour plus de précisions sur les obligations et interdictions susceptibles d’être prononcées par le cadre d’une contrainte pénale.

([590]) Deux condamnations assorties d’un tel sursis pour des délits identiques ou assimilés et se trouvant en état de récidive légale ou, dans le cas d’un crime ou d’un délit de violences volontaires, d’agressions ou d’atteintes sexuelles ou commis avec la circonstance aggravante de violences, une condamnation assortie de ce sursis.

([591]) Aujourd’hui, ces associations ne peuvent pas prendre en charge la personne dans le cadre de la contrainte pénale et ne peuvent le faire dans le cadre d’un SME que si elles l’avaient suivie, avant sa condamnation, au titre d’une mesure de contrôle judiciaire.

([592]) Voir supra, le commentaire de l’article 43 du projet de loi.

([593]) Voir supra, le commentaire de l’article 45 du projet de loi.

([594]) Voir supra, le commentaire des articles 43, 46 et 47.

([595]) La commission de l’application des peines, présidée par le juge de l’application des peines et composée du procureur, du chef d’établissement ainsi que des membres du personnel de surveillance et du service pénitentiaire d’insertion et de probation, est chargée de donner son avis sur les aménagements de peine.

([596]) Jean-Jacques Urvoas, Rapport sur la mise en œuvre de la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales, octobre 2016, pp. 39-41.

([597]) Rapport sur l’évaluation des politiques interministérielles d’insertion des personnes confiées à l’administration pénitentiaire par l’autorité́ judiciaire, juillet 2016, pp. 50-52.

([598]) Procédure d’examen obligatoire de la situation, aux deux tiers de la peine, des personnes condamnées à une ou plusieurs peines privatives de liberté d’une durée de cinq ans au plus (article 720 du code de procédure pénale).

([599]) B. Cotte et J. Minkowski, Sens et efficacité des peines, p. 16.

([600]) Si, en principe, une personne condamnée dans le cadre de procédures séparées pour plusieurs infractions commises en concours exécute les peines prononcées de manière cumulative, à titre dérogatoire, le juge peut procéder à la confusion de ces peines, qui permet leur exécution simultanée.

([601]) La permission de sortir autorise un condamné à s’absenter d’un établissement pénitentiaire pendant une période de temps déterminée qui s’impute sur la durée de la peine en cours d’exécution afin de préparer la réinsertion professionnelle ou sociale du condamné, maintenir ses liens familiaux ou lui permettre d’accomplir une obligation exigeant sa présence.

([602]) Avis n° 394535 sur un projet de loi de programmation pour la justice 2018-2022, 12 avril 2018.

([603]) Cette commission est chargée de donner un avis préalable au prononcé de certaines mesures de sûreté afin d’évaluer la dangerosité d’un individu et de mesurer le risque de commission d’une nouvelle infraction.

([604]) Pour une refonte du droit des peines, rapport de la commission présidée par M. Bruno Cotte, décembre 2015, pp. 72-74.

([605]) Voir supra, le commentaire de l’article 46.

([606]) Rapport d’information (n° 1335, XVe législature) fait par MM. Didier Paris et Pierre MorelÀL’Huissier en conclusion des travaux d’une mission d’information sur les fichiers mis à la disposition des forces de sécurité, octobre 2018.

([607]) CEDH, Aycaguer c. France, 22 juin 2017, n° 8806/12.

([608]) Rapport (n° 808, XVe législature) fait par les groupes de travail sur la détention au nom de la commission des Lois de l’Assemblée nationale, Repenser la prison pour mieux réinsérer, pp. 45-46, mars 2018.

([609]) Article D. 143-4 du code de procédure pénale.

([610]) Rapport (n° 629, session extraordinaire de 2011-2012) de M. Jean-René Lecerf et Mme Nicole Borvo Cohen-Seat au nom de la commission des Lois du Sénat sur l’application de la loi pénitentiaire n° 20091436 du 24 novembre 2009, juillet 2012, p. 25.

([611]) Le juge administratif a rejeté ces recours, au motif notamment que la possibilité pour les détenus de voter en personne au sein de leur établissement d’affectation, sans modification du périmètre des bureaux de vote, consistait, en réalité, en un vote par correspondance, lequel n’est pas autorisé par la loi dans cette circonstance (TA Poitiers, 17 novembre 2016, n° 1602559 et TA Paris, 21 mars 2017, n° 1703348/9).

([612]) Notamment l’article 10(2)(a) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la règle 11(b) de l’ensemble de règles minima pour le traitement des détenus établi par les Nations Unies.

([613]) Extrait de l’exposé sommaire de l’amendement n° 202 rect. bis déposé par le Gouvernement au Sénat.

([614]) D’après le rapport remis par M. Jean-Jacques Urvoas au Parlement sur l’encellulement individuel, En finir avec la surpopulation carcérale, septembre 2016, p. 21.

([615]) Cet article dispose que « les projets qui, par leur nature, leur dimension ou leur localisation, sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine font l’objet d’une évaluation environnementale », « processus constitué de l’élaboration, par le maître d’ouvrage, d’un rapport d’évaluation des incidences sur l’environnement (…) de la réalisation des consultations, ainsi que de l’examen, par l’autorité compétente pour autoriser le projet, de l’ensemble des informations présentées dans l’étude d’impact et reçues dans le cadre des consultations effectuées et du maître d’ouvrage ».

([616]) Il s’agit des projets de caractère temporaire ou de faible importance dont la liste est établie par décret en Conseil d’État, des demandes de permis de construire et de permis d’aménager portant sur des projets de travaux, de construction ou d’aménagement donnant lieu à la réalisation d’une évaluation environnementale après un examen au cas par cas effectué par l’autorité environnementale et des projets d’îles artificielles, d’installations, d’ouvrages et d’installations connexes sur le plateau continental ou dans la zone économique exclusive.

([617]) L’envoi en possession désigne la décision judiciaire autorisant une personne à se mettre en possession de biens.

([618]) Ces deux nouveaux cas ont été ajoutés par la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.

([619]) Loi du 26 mars 2018 relative à l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

([620]) Les communes, la métropole de Lyon, les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et, par convention avec eux, les régions.

([621]) Il était alors réservé aux prévenus et condamnés à des peines inférieures ou égales à un an et un jour, dans l’objectif de les isoler totalement pour faciliter leur amendement et éviter leur corruption.

([622]) Extrait de l’exposé sommaire de l’amendement n° 65 rect. ter déposé par Mme Catherine Di Folco au Sénat.

([623]) Décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002, Loi d’orientation et de programmation pour la justice, cons. 26.

([624]) Avertissement, mesure ou activité d’aide ou de réparation à l’égard de la victime des faits ou dans l’intérêt de la collectivité, placement dans une structure d’éducation et de formation professionnelle, dans un établissement médical ou médico-pédagogique, dans une institution publique d’éducation surveillée ou corrective, mesure d’activité de jour, consistant dans des activités d’insertion professionnelle ou scolaire auprès d’une personne morale de droit public ou de droit privé exerçant une mission de service public, d’une association habilitée ou d’un service de la protection judiciaire de la jeunesse,  mise sous protection judiciaire ou mesures de rééducation en liberté surveillée.

([625]) Le caractère fermé procède de l’obligation faite au jeune d’y résider sous la surveillance permanente d’encadrants et d’y respecter certaines obligations, à défaut de quoi son incarcération est possible.

([626]) Rapport d’information (n° 726, session extraordinaire de 2017-2018) de Mme Catherine Troendlé et M. Michel Amiel au nom de la mission d’information sur la réinsertion des mineurs enfermés, tome I, septembre 2018, pp. 95-99.

([627]) Rapport de l’inspection générale des services judiciaires (n° 34-15) et de l’inspection générale des affaires sociales (n° 2015-014R) sur le dispositif des centres éducatifs fermés, juillet 2015, p. 15.

([628]) Rapport d’information (n° 726, session extraordinaire de 2017-2018) précité, pp. 109-110.

([629]) Étude d’impact annexée au projet de loi, p. 615.

([630]) Rapport d’information (n° 495, session ordinaire de 2016-2017) de M. Philippe Bas au nom de la mission d’information sur le redressement de la justice, avril 2017, pp. 251-275.

([631]) Article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique créé par la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

([632]) Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015.

([633]) Loi  2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

([634]) Rapport d’information (n° 495, session ordinaire de 2016-2017) précité, pp. 251-259.

([635]) Rapport d’information (n° 495, session ordinaire de 2016-2017) précité, pp. 263-266.

([636]) Rapport d’information (n° 495, session ordinaire de 2016-2017) précité, pp. 267-268.

([637]) L’adversaire perdant, ne bénéficiant pas de l’aide juridictionnelle et condamné aux dépens, devra, sauf dispense totale ou partielle prononcée par le juge, rembourser l’État.

([638]) Article 15 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016.

([639]) Article D. 211-6-1.

([640]) Article D. 211-9.

([641]) Sous réserve des dispositions fixant la compétence particulière d’autres juridictions.

([642]) Article 141-4 du code de la consommation.

([643]) Article 27 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové.

([644]) Formellement, il s’agit de la fonction de « juge d’un tribunal de grande instance chargé du service d’un tribunal d’instance ».

([645]) À l’exception des autres juridictions d’attribution.

([646]) Actuellement, il existe six chambres détachées de tribunaux de grande instance situées à Marmande, Dole, Saint-Laurent du Maroni, Millau, Guingamp et Saint-Martin.

([647]) Actuellement, la moitié des départements disposent d’au moins deux tribunaux de grande instance sur leur territoire, la seconde moitié n’abritant, pour chacun d’entre eux, qu’un seul tribunal de grande instance.

([648]) À l’exclusion des délits punis par l’article 398-1 du code de procédure pénale.

([649]) La procédure civile et le régime des contraventions relèvent du domaine réglementaire (Conseil constitutionnel, décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002).

([650]) Actuellement, on dénombre 72 tribunaux de grande instance au sein desquels un seul emploi de juge d’instruction est localisé.

([651]) S’agissant des magistrats du siège, il est ainsi prévu que l’ordonnance de roulement prise par le président du tribunal de première instance pouvait les affecter, sur une durée d’un an, au siège de la juridiction ou dans une chambre détachée. S’agissant des fonctionnaires, l’amendement adopté par le Sénat prévoit une garantie de localisation géographique des emplois soit au siège du tribunal, soit dans une chambre détachée, tout en prévoyant un mécanisme limité de délégation interne entre les différents sites du tribunal qui devra être précisé par décret.

([652]) L’absence de statut permet au juge qui exerce ces fonctions de pouvoir être appelé à siéger dans les autres compositions civiles et pénales du tribunal et ainsi participer au traitement d’autres contentieux.

([653]) Il s’agit de l’ensemble des litiges civils dont le montant est inférieur à 10 000 euros et relatifs aux baux d’habitation et crédits à la consommation. En revanche, les litiges actuellement traités par le juge d’instance relatifs aux élections professionnelles, aux contrats de travail maritimes ou aux bornages et servitudes n’appartiennent pas à son champ de compétence.

([654]) Telle que la création, la suppression ou la modification du siège ou ressort des juridictions ou des chambres détachées.

([655]) Il s’agit de l’application AMALFI (Alsace-Moselle application pour un livre foncier informatisé).

([656]) L’Alsace et la Moselle appartenaient alors à l’Empire allemand depuis la signature du Traité de Francfort du 10 mai 1871, avant d’être réintégrées au sein de la République française à l’issue de la Première guerre mondiale.

([657]) En matière d’élection des membres du Conseil national des barreaux ou de procédures disciplinaires relatives aux administrateurs et mandataires judiciaires.

([658]) Article L.142-2 du code de la sécurité sociale.

([659]) Décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999, considérant n° 12.

([660]) La version initiale de l’article 55 prévoit que l’habilitation permet au Gouvernement de « modifier » les textes et codes en vigueur. Ce terme a été supprimé par l’amendement des rapporteurs eu égard à la nécessaire précision des finalités de l’habilitation exigée par la jurisprudence constitutionnelle.

([661]) Dans sa décision n° 2004-510 DC du 20 janvier 2005, le Conseil constitutionnel a considéré « qu’il résultait des termes mêmes du premier alinéa de l’article 38 de la Constitution que  seul le Gouvernement peut demander au Parlement l’autorisation de prendre [des] ordonnances » en application de cet article”. Il a ainsi censuré une mesure d’habilitation qui figurait dans le texte initial de la proposition de loi à l’origine de la loi soumise à son examen. La portée de cette décision a été par la suite étendue aux demandes d’habilitation et aux extensions d’une habilitation résultant d’un amendement d’origine parlementaire.

([662]) Cour de cassation, 2è chambre civile, 22 mars 2018.

([663]) À l’exception des V et VI.

([664]) À l’exception du IV de l’article 43 et des I à VII de l’article 50.

([665]) Ces durées maximales d’exercice de certaines fonctions sont de dix ans pour les juges spécialisés, au sein d’une même juridiction (juge d’instruction, juge des enfants, juge de l’application des peines, juge des libertés et de la détention, juge chargé du service d’un tribunal d’instance), sept ans pour les chefs de cour et de juridiction, huit ans pour les magistrats « placés ».

([666]) Proposition de loi organique pour le redressement de la justice adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017 (TA n° 8) et dans l’attente de son examen à l’Assemblée nationale (texte n° 337).

([667]) Article 28-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

([668]) Le magistrat à titre temporaire, dont le statut est prévu aux articles 41‑10 et suivants de l’ordonnance n° 58‑1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, est nommé pour cinq ans, renouvelable une fois, après avis du Conseil supérieur de la magistrature. Le recrutement est soumis à des conditions d’âge, de nationalité et de diplôme. Il traite des contentieux civil et pénal en qualité d’assesseur au tribunal de grande instance et du contentieux civil au tribunal d’instance.

([669]) Le magistrat honoraire, dont le statut est prévu aux articles 41‑25 et suivants de l’ordonnance n° 58‑1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, est nommé pour exercer des fonctions d’assesseur au tribunal de grande instance et à la cour d’appel ou des fonctions de substitut près le tribunal de grande instance ou de substitut général près la cour d’appel. Il peut également être désigné par le premier président de la cour d’appel pour présider la formation collégiale statuant en matière de contentieux social du tribunal de grande instance et de la cour d’appel. Il est nommé pour cinq ans.