N° 1413

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 21 novembre 2018.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de
la République française et le Gouvernement de la République dominicaine relatif
à l’emploi des conjoints des agents des missions officielles de chaque État dans l’autre,
et de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Nicaragua relatif au libre exercice des activités professionnelles salariées des membres des familles du personnel diplomatique, consulaire, administratif et technique des missions officielles

PAR M. Michel FANGET

Député

——

ET

 

 

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

 

 Voir le numéro :

Assemblée nationale : 1226.


 


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SOMMAIRE

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 Pages

introduction

I. une nécessaire adaptation du cadre d’expatriation des agents membres des missions officielles et de leurs familles

A. un besoin d’adaptation au plan juridique

B. UNE VOLONTé d’améliorer et de moderniser le cadre d’expatriation des agents

C. DES ACCORDS CONCERNANT UN NOMBRE LIMITÉ de personnes

II. DES ACCORDS AU CONTENU ET à la portÉe similaires mais s’appliquant à des contextes différents

A. L’accord franco-nicaraguayen

1. Objet et définitions

2. Procédures applicables

3. Immunités civiles, administratives et pénales

4. Régime fiscal et sécurité sociale

5. Clause territoriale

6. Dispositions finales et entrée en vigueur

B. L’accord franco-dominicain

1. Objet et définitions

2. Procédures applicables

3. Immunités civiles, administratives et pénales

4. Régime fiscal et sécurité sociale

5. Dispositions finales et entrée en vigueur

conclusion

TRAVAUX DE LA COMMISSION

annexe : texte adoptÉ par la commission

 


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   introduction

 

Notre commission est saisie du projet de loi autorisant l’approbation de deux accords bilatéraux qui poursuivent le même objectif : faciliter l’accès au marché du travail local des membres de famille – essentiellement les conjoints – des agents de missions officielles en poste à l’étranger. Les deux accords concernés sont les suivants :

– Accord entre la France et la République dominicaine relatif à l’emploi des conjoints des agents des missions officielles de chaque État dans l’autre, signé le 18 avril 2017 ;

– Accord entre la France et le Nicaragua relatif au libre exercice des activités professionnelles salariées des membres des familles du personnel diplomatique, consulaire, administratif et technique des missions officielles, signé le 3 août 2017.

La conclusion de ces accords s’inscrit dans un projet global de modernisation porté par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères depuis 2015, et qui vise notamment à améliorer le cadre d’expatriation des agents. En l’absence d’accord et en dehors de l’Espace économique européen et de la Suisse, les membres de famille des agents disposent d’un statut diplomatique qui peut limiter ou empêcher leur accès au marché du travail local. L’objectif initialement fixé de 80 pays permettant un accès au marché du travail a d’ores et déjà été atteint, et d’autres accords sont en voie de finalisation ou en cours de négociation.

Si l’entrée en vigueur des deux présents accords concernera un nombre limité de personnes, elle permettra aussi de favoriser l’égalité hommes femmes et de favoriser les recrutements dans le réseau diplomatique, consulaire et culturel français. Dans le cas du Nicaragua, qui connait une situation de crise et un marché de l’emploi déprimé, c’est même principalement dans le réseau français que des opportunités pourront être créées.

 

 

 


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I.   une nécessaire adaptation du cadre d’expatriation des agents membres des missions officielles et de leurs familles

A.   un besoin d’adaptation au plan juridique

En l’absence d’accord spécifique et en dehors du cadre de l’Espace économique européen et de la Suisse, les membres de famille des agents de mission officielle disposent d’un statut qui peut empêcher l’accès au marché du travail local.

En vertu des conventions de Vienne de 1961 et de 1963 portant sur les relations diplomatiques et sur les relations consulaires, auxquelles le Nicaragua et la République dominicaine sont parties, le travail rémunéré des personnes à charge des agents de missions officielles – essentiellement les conjoints - n’est pas prohibé, mais implique la levée de certaines des immunités accordées par ces conventions.

Les conventions de Vienne du 18 avril 1961 diplomatiques et du 24 avril 1963 sur les relations consulaires accordent des privilèges et immunités aux représentants d’un État en mission officielle dans un autre État ainsi qu’à leurs conjoints et aux personnes à leur charge. Les dispositions combinées des articles 29 à 37 de la convention de Vienne de 1961 garantissent aux membres de la famille de l’agent qui font partie de son ménage des privilèges et immunités, tels que l’inviolabilité de la personne et du domicile, l’immunité de juridiction pénale et l’immunité de juridiction civile et administrative sauf s’il s’agit d’une action sans lien avec ses fonctions officielles. L’article 57 de la convention de Vienne de 1963 stipule que les privilèges et immunités des fonctionnaires consulaires de carrière sont accordés aux membres de leur famille vivant à leur foyer sauf s’ils exercent eux-mêmes dans l’État de résidence une occupation privée de caractère lucratif.

D’autre part, les dispositions juridiques nationales peuvent parfois faire obstacle à l’accession des conjoints aux marchés du travail locaux. En France, le titre de séjour délivré aux agents diplomatiques et consulaires étrangers, ainsi qu'aux membres de leur famille, ne fait pas partie des titres de séjour accordant de droit une autorisation de travailler en France au sens du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La conclusion d’accords permettant à l’État d’accueil de délivrer des autorisations de travail aux personnes à charge permet d’éviter ces contraintes juridiques, en créant la possibilité d’exercer une activité salariée tout en conservant un statut diplomatique.

La simplification intervient également au niveau administratif, avec la création d’une procédure administrative simplifiée, passant en France par la direction générale des étrangers du ministère de l’Intérieur.

B.   UNE VOLONTé d’améliorer et de moderniser le cadre d’expatriation des agents

La conclusion des deux accords répond à une ambition réformatrice du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, selon un projet lancé en 2015. Au plan administratif, une délégation aux familles a également été créée au sein du ministère, afin d’informer les agents de l’existence d’accords facilitant la poursuite de l’activité professionnelle des conjoints expatriés.

Les accords conclus dans ce cadre ont des conséquences concrètes importantes pour les agents et leurs familles, en leur offrant de meilleures conditions de vie familiale et professionnelle et en permettant une meilleure insertion sociale des conjoints d’agents. D’autre part, ils répondent à une nécessaire modernisation du cadre d’expatriation des agents, dont les conjoints acceptent de moins en moins d’interrompre leur parcours professionnel. La promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes s’en trouve ainsi favorisée, en cohérence avec les objectifs de réforme de la diplomatie française.

Il faut toutefois signaler une limite des présents accords, qui ne seront pas applicables en l’état aux conjoints français de même sexe. Le mariage homosexuel n’est autorisé aujourd’hui ni au Nicaragua ni en République dominicaine. Un conjoint d’agent de même sexe ne peut pas obtenir de visa de « conjoint d’agent » et donc de carte diplomatique. L’accord franco-dominicain définit le conjoint d’agent comme « l’époux », « l’épouse », ou le partenaire dans le cadre d’une union légale, reconnu par l’autorité compétente sur le territoire de l’une des Parties, en conformité avec la législation de l’État d’accueil, et disposant d’un titre de séjour spécial délivré par le ministère des affaires étrangères concerné. L’accord franco-nicaraguayen définit le conjoint comme l’époux ou épouse, ou partenaire légal en conformité avec les lois de l’État d’accueil.

L’objectif initialement fixé par le MEAE, consistant à porter à 80 le nombre de pays où les conjoints d’agents peuvent accéder au marché du travail sans avoir à renoncer intégralement aux spécificités de leur statut, a d’ores et déjà été atteint, en comptant les 31 pays de l’Espace économique européen et la Suisse.

La France est liée par des accords bilatéraux avec les États suivants : Canada, Argentine, Australie, Brésil, Nouvelle-Zélande, Roumanie, Costa-Rica, Uruguay, Venezuela. Une série d’accords ont été signés depuis 2014 avec 27 États ([1]), en comptant les accords franco-nicaraguayen et franco-dominicain. La France a également échangé avec plusieurs pays des notes verbales ([2]), par lesquelles les États s’engagent à accorder une attention bienveillante aux demandes d'autorisation de travail qui seraient présentées par la mission diplomatique de l'autre État, dans le respect de sa législation.

Les discussions menées avec le Paraguay et le Burkina Faso ont récemment été finalisées et des accords bilatéraux sont en voie de signature. Des négociations sont également en cours avec de nombreux États ([3]) .

Par ailleurs, certains pays permettent un accès conditionné à l’emploi en l’absence d’accord ([4]). Dans 27 pays ([5]), les démarches engagées ont conduit au constat de l’impossibilité de signature d’un accord bilatéral ou d’un cadre d’accès à l’emploi local insuffisamment sécurisant.

 Si les pays qui connaissent le plus fort taux d’emploi de conjoints d’agents français sont les pays de l’OCDE, qui peuvent offrir des conditions d’emploi comparables à celles prévalant en France, l’effort de facilitation des conditions d’accès aux marchés de l’emploi s’est donc étendu au-delà du champ OCDE. En outre, le cadre facilitateur porté par les deux accords est également susceptible de bénéficier au réseau diplomatique, consulaire et culturel français en lui permettant de disposer de compétences qui peuvent faire défaut sur place.

C.   DES ACCORDS CONCERNANT UN NOMBRE LIMITÉ de personnes

De façon générale et selon les dernières données du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, les accords conclus depuis une dizaine d’années pour organiser l’emploi des personnes à charge des agents de missions officielles ont davantage bénéficié aux familles françaises qu’à celles de l’autre État, de même pour l’application des notes verbales. Selon une étude réalisée au dernier trimestre 2017 auprès des postes dans les pays où un dispositif bilatéral était déjà en vigueur, plus de 250 conjoints d’agents français résidant dans le pays d’affectation ont obtenu une autorisation de travail ou travaillent sans avoir besoin d’autorisation (pays de l’Espace économique européen). En 2016, 12 autorisations de travail ont été délivrées à des ayants droit des missions diplomatiques en France, pour 6 en 2017.

En ce qui concerne le Nicaragua tout d’abord, on dénombre 2 agents français – et deux conjoints d’agent – actuellement susceptibles de bénéficier de l’accord, à savoir l’ambassadeur et son premier conseiller. L’agence consulaire, le lycée français Victor Hugo et l’Alliance française n’entrent pas dans les dispositions de l’accord. Côté nicaraguayen, entre 2 et 6 agents pourraient être concernés par l’accord.

Concernant la République dominicaine, 20 personnes pourraient être concernées côté français. 8 conjoints d’agent ont manifesté leur intérêt depuis 2017, pour des emplois au lycée français de Saint-Domingue, dans des cabinets d’avocat dominicains ou encore à l’école nationale de la magistrature dominicaine. Côté dominicain, 18 conjoints sont susceptibles d’occuper un emploi rémunéré en France. La France dispose de 5 représentations officielles en République dominicaine : l’ambassade de France à Saint-Domingue qui compte 17 agents expatriés et les agences consulaires de La Romana, Las Terrenas, Santiago de los Caballeros et de Punta Cana, dont les effectifs ne rentrent pas dans le cadre de l’accord sur le travail des conjoints, car il s’agit d’entités administrées par des consuls honoraires issus d’un recrutement local ([6]). Les missions officielles dominicaines en France sont l’ambassade, les trois consulats généraux (Paris, Marseille et Pointe à Pitre) et la délégation permanente auprès de l’UNESCO.

 

 

 


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II.   DES ACCORDS AU CONTENU ET à la portÉe similaires mais s’appliquant à des contextes différents

Ces deux accords ont été conclus sur la base d’un accord-type, mis au point par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères en 2009. Les négociations ont débuté en février 2015 avec la République dominicaine et en mars 2015 avec le Nicaragua, dans les deux cas à l’initiative de la partie française.

A.   L’accord franco-nicaraguayen

L’accord avec le Nicaragua a été signé le 3 août 2017.

Si la relation bilatérale franco-nicaraguayenne est traditionnellement bonne, les liens sont relativement peu développés, de même que les intérêts français sur place. La communauté française compte environ 1 000 personnes.

La crise politique que connaît le pays depuis avril 2018 a toutefois remis en question une grande partie des avancées de notre relation bilatérale. En effet nos liens sont aujourd’hui affectés par l’absence de perspective de dialogue national en vue de la démocratisation du pays. Le partenariat éducatif et universitaire, dynamique sur la période récente, a également été freiné et peine aujourd’hui à se réorganiser.

Au plan économique, la situation actuelle de crise incite les investisseurs français à se détourner du marché nicaraguayen. L’état déprimé du marché de l’emploi offre très peu de perspectives d’emploi pour les conjoints d’agent en dehors du réseau français, de nombreuses entreprises susceptibles de faire appel à des étrangers ayant fermé du fait de la crise.

1.   Objet et définitions

Selon l’article 1er, les membres de famille des membres des missions officielles « sont autorisés à exercer des activités professionnelles salariées dans l’État d’accueil, sous les mêmes conditions que les nationaux dudit État, une fois l’autorisation correspondante obtenue ». Cette possibilité s’étend « aux membres de famille à charge des nationaux français ou nicaraguayens accrédités auprès d’organisations internationales ayant leur siège dans l’un des deux pays ».

L’article 2 énonce les définitions des termes employés.

Les missions officielles désignent « les missions diplomatiques régies par la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961, les postes consulaires régis par la Convention de Vienne sur les relations consulaires du 24 avril 1963, et les représentations permanentes de chacun des deux États auprès des organisations internationales ayant conclu un accord de siège avec l’autre État ».

Les membres d’une mission officielle sont le personnel de l’État d’envoi qui n’est ni ressortissant ni résident permanent dans l’État d’accueil, qui dispose d’un titre de séjour spécial et qui occupe des fonctions officielles dans une mission officielle. Par ailleurs, les attachés de défense et les personnels militaires sont, pendant la durée de leurs fonctions au sein des ambassades, considérés comme des membres de mission officielle.

Les membres de famille d’un agent d’une mission officielle incluent les personnes suivantes :

a) le /la conjoint(e), époux/épouse ou partenaire légal en conformité avec les lois de l’État d’accueil ;

b) les enfants célibataires mineurs ou les enfants de moins de 21 ans qui dépendent économiquement de leurs parents et qui poursuivent des études dans les établissements d’enseignement supérieur reconnus par l’État d’accueil ;

c) les enfants célibataires qui vivent à la charge de leurs parents et qui présentent un handicap physique ou mental, mais qui sont en condition de travailler (…)

Enfin, une activité professionnelle salariée désigne « toute activité qui implique la perception d’un salaire résultant d’un contrat de travail régi par la législation de l’État d’accueil ».

2.   Procédures applicables

L’article 3 définit la procédure à suivre pour pouvoir exercer une activité rémunérée dans l’État accréditaire :

– Envoi d’une demande, au nom du membre de famille concerné, par l’ambassade concernée, au protocole du ministère des Affaires étrangères de l’État accréditaire. Cette demande doit comporter un certain nombre d’informations, dont l’activité salariée que la personne souhaite exercer et les coordonnées de l’employeur potentiel ;

– Les autorités compétentes de l’État d’accueil, après avoir vérifié si le membre de famille appartient aux catégories couvertes, informent par voie diplomatique la mission officielle de l’État d’envoi que le membre de famille a été autorisé ou non à exercer une activité professionnelle salariée ;

– Les membres de famille sont dans l’obligation de présenter une nouvelle demande d’autorisation en cas de changement d’employeur ou d’activité professionnelle salariée ;

– Les personnes à charge doivent se conformer aux exigences et obligations en vigueur dans l’État accréditaire concernant notamment les caractéristiques personnelles ou les qualifications professionnelles ;

– L’État d’accueil conserve la possibilité de rejeter la demande d’autorisation pour des raisons de sécurité ;

– Les membres de famille sont dans l’impossibilité de conserver leur autorisation de travail après la date de fin des fonctions du membre de mission diplomatique ou du poste consulaire. S’ils souhaitent continuer leur activité professionnelle, l’autorisation doit se conformer à la législation interne de l’État d’accueil.

3.   Immunités civiles, administratives et pénales

Le régime applicable varie selon la nature de l’immunité. L’article 4 précise que les immunités de juridiction civile et administrative ainsi que l’immunité d’exécution ne s’appliquent pas dans le cadre de l’exercice d’une activité professionnelle salariée. À l’inverse, l’immunité de juridiction pénale, aux termes de l’article 5, continue de s’appliquer dans le cadre des activités professionnelles. Dans le cas de « délits graves commis au cours de l’activité professionnelle », l’État d’envoi « considère sérieusement la levée de l’immunité de juridiction pénale de l’État d’accueil du membre de famille impliqué ». Par ailleurs, les immunités dont bénéficient les membres de famille des membres de mission officielle dans le cadre du présent accord et des conventions de Vienne ne les exemptent pas de la juridiction de l’État d’envoi.

4.   Régime fiscal et sécurité sociale

Selon l’article 6, et sauf disposition contraire d’autres instruments internationaux, les membres de famille sont soumis dans le cadre de leur activité professionnelle salariée au régime fiscal et de sécurité sociale de l’État d’accueil.

5.   Clause territoriale

L’article 7 précise qu’en France, les dispositions de l’accord s’appliquent aux membres de famille des agents des missions officielles implantées dans les départements métropolitains et dans les collectivités territoriales régies par l’article 73 de la Constitution.

6.   Dispositions finales et entrée en vigueur

L’article 8 prévoit que tout différend lié à l’application ou l’interprétation de l’accord sera réglé par des négociations entre les parties, par voie diplomatique.

En vertu de l’article 9, l’accord entre en vigueur trente jours après la date de la dernière des notifications par laquelle les parties s’informent de l’accomplissement de leurs procédures constitutionnelles et légales de ratification. L’accord peut être modifié par consentement mutuel écrit des parties, et reste en vigueur pour une durée indéterminée. Il peut être dénoncé à tout moment, par voie diplomatique. Il cesse alors d’être en vigueur six mois après réception de la note de dénonciation. 

Le Nicaragua a notifié l’accomplissement de la procédure interne de ratification le 5 octobre 2017.

B.   L’accord franco-dominicain

Cet accord a été signé le 18 avril 2017.

La relation bilatérale franco-dominicaine est bonne et dépourvue de tout contentieux, bien qu’essentiellement portée par le partenariat économique et la coopération, le dialogue politique étant peu développé. La République dominicaine est la première destination des investissements français dans les Caraïbes. De grands groupes des Antilles françaises ont investi en République dominicaine et plusieurs projets de coopération se développent en matière universitaire, environnementale et culturelle.

Contrairement au Nicaragua, la République dominicaine peut ainsi offrir des opportunités d’emploi aux conjoints d’agents hors réseau français, à condition d’être bien qualifié et hispanophone. Pour des emplois de cadre supérieur, les salaires peuvent être équivalents voire supérieurs aux salaires français.

En outre, la présence française s’est développée sur la période récente et une trentaine d’entreprises françaises sont aujourd’hui implantées dans le pays. Elles représentent environ 3 000 emplois, et seraient susceptibles d’embaucher des personnes visées par l’accord.

1.   Objet et définitions

Selon l’article 1er, les conjoints d’agents des missions officielles de chaque État dans l’autre sont autorisés, conformément au présent accord et de façon réciproque, à exercer une activité rémunérée dans l’État d’accueil.

L’article 2 énonce les définitions des termes employés.

Les missions officielles désignent « les missions diplomatiques régies par la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961, les postes consulaires régis par la Convention de Vienne sur les relations consulaires du 24 avril 1963, et les représentations permanentes de chacun des deux États auprès d’organisations internationales ayant leur siège dans l’autre État ».

Les « agents » désignent les membres du personnel des missions diplomatiques et des postes consulaires et les membres du personnel des représentations permanentes susmentionnées, bénéficiant du permis de séjour spécial délivré par le ministère des affaires étrangères. Par ailleurs, les attachés de défense et les personnels militaires sont, pendant la durée de leurs fonctions au sein des ambassades, considérés comme des membres de mission officielle.

À l’inverse de l’accord franco-nicaraguayen, l’accord franco-dominicain ne vise que les conjoints d’agents. Le conjoint est défini comme « l’époux », « l’épouse », ou le partenaire dans le cadre d’une union légale, reconnu par l’autorité compétente sur le territoire de l’une des Parties, en conformité avec la législation de l’État d’accueil, et disposant d’un titre de séjour spécial délivré par le ministère des affaires étrangères concerné

Les personnes à charge incluent les conjoints mariés ou liés par un contrat d’union légale disposant d’un titre de séjour spécial délivré par le ministère des affaires étrangères concerné. Les enfants d’agents sont concernés dans certaines conditions : enfants âgés de moins de 21 ans célibataires et à charge, disposant d’un titre de séjour spécial, enfants célibataires vivant à la charge de leurs parents et présentant un handicap physique ou mental mais étant aptes à travailler sans constituer une charge financière supplémentaire pour l’État d’accueil.

Enfin, une « activité rémunérée » désigne « toute activité salariée ».

2.   Procédures applicables

Les articles 3 et 4 définissent la procédure à suivre pour pouvoir exercer une activité rémunérée dans l’État d’accueil :

– Envoi d’une demande, au nom de la personne à charge concernée, par la mission officielle ou de l’organisation internationale concernée, au ministère des Affaires étrangères concerné. Cette demande doit indiquer l’activité salariée que la personne souhaite exercer et le lien familial de l’intéressé avec le fonctionnaire dont il dépend ;

– Après avoir vérifié que la personne à charge concernée se trouve dans les catégories définies par l’accord, le ministère des Affaires étrangères de l’État d’accueil informe dans les meilleurs délais la mission officielle ou l’organisation internationale concernée que le conjoint est autorisé à travailler ;

– Sous trois mois suivant la réception de l’autorisation d’exercer une activité rémunérée, l’ambassade doit fournir aux autorités compétentes de l’État d’accueil la preuve que la personne à charge et son employeur se conforment à la législation de l’État d’accueil en matière de protection sociale ;

– Les dispositions de l’accord n’impliquent pas une reconnaissance des titres, niveaux d’études et cursus par les deux États ;

– Les personnes à charge sont dans l’impossibilité de conserver leur autorisation de travail après la date de fins des fonctions de l’agent diplomatique ou consulaire en poste, de même qu’elles ne sont pas autorisées à conserver leur emploi ni à se maintenir sur le territoire après expiration de l’autorisation, comme le stipule l’article 4.

3.   Immunités civiles, administratives et pénales

Le régime applicable varie selon la nature de l’immunité. L’article 5 précise que les immunités de juridiction civile et administrative et l’immunité d’exécution ne s’appliquent pas dans le cadre de l’exercice d’une activité rémunérée. À l’inverse, l’immunité de juridiction pénale, aux termes de l’article 6, continue de s’appliquer dans le cadre des activités professionnelles. Toutefois, lorsqu’une personne à charge est accusée d’avoir commis une infraction pénale dans le cadre de son activité rémunérée, l’État d’envoi peut examiner sérieusement la demande de l’État d’accueil de lever l’immunité de juridiction pénale de la personne intéressée. Une renonciation spécifique est nécessaire concernant l’immunité d’exécution de la sentence.

4.   Régime fiscal et sécurité sociale

Selon l’article 7, les conjoints autorisés à exercer une activité rémunérée sont soumis à la législation de l’État d’accueil en matière fiscale et de sécurité sociale.

5.   Dispositions finales et entrée en vigueur

L’article 8 prévoit que tout différend lié à l’application ou l’interprétation de l’accord sera résolu par voie diplomatique.

En vertu de l’article 9, l’accord entre en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant la date de réception de la dernière notification par laquelle les Parties se communiquent l’accomplissement de leurs procédures internes requises pour son approbation. L’accord peut être modifié par consentement mutuel des parties. Il reste en vigueur pour une durée indéterminée, sauf notification par l’une des parties de sa décision de le dénoncer. Une dénonciation produira ses effets six mois après réception de la notification.

L’accord n’a pas encore été ratifié par la République dominicaine.

 


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conclusion

 

 

L’entrée en vigueur des accords franco-nicaraguayen et franco-dominicain concernera un nombre restreint de personnes, mais doit être remise dans le contexte global des réformes du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. Ainsi trois ans après le lancement du projet « pour un Ministère du XXIème siècle », un nombre croissant de pays permettent un accès au marché du travail local pour les personnes à charge des agents des missions officielles.

La ratification des deux présents accords permettra donc de renforcer la modernisation du cadre d’expatriation des agents des missions officielles, tout en facilitant les recrutements d’un personnel de qualité dans le réseau diplomatique, consulaire et culturel français.

 

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Au cours de sa réunion du mardi 20 novembre 2018, la commission examine le présent projet de loi.

Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.

Mme Annie Chapelier. Merci pour ce rapport, qui peut paraître discret du fait de la modestie de nos relations bilatérales avec ces deux pays, mais qui est important pour la nouvelle politique diplomatique qu’il soutient. Le projet ministère du 21ème siècle, lancé en 2015 par Laurent Fabius, avait pour but de développer une diplomatie plus inclusive entre les agents d’ambassade et de consulats et la population de chaque pays. C’est désormais plus de 80 pays en incluant la République Dominicaine et le Nicaragua qui proposent des accords entre les gouvernements. Ces accords permettent une meilleure implication des familles dans la vie des pays d’accueil. Ils reflètent l’évolution sociologique de la famille où désormais, les femmes autant que les hommes sont actives et cherchent un emploi pour rejoindre leur conjoint ou conjointe. D’ailleurs, vous avez souligné dans quelle mesure cet accord peut être un tremplin pour l’égalité homme femme et permettre à ces valeurs universelles d’être partagées à travers une relation bilatérale entre deux pays. Cependant, pour les deux pays pour lesquels vous avez rédigé ce rapport, une exception au régime matrimonial français doit être faite pour les conjoints ou les pacsés du même sexe. Cet accord est une première étape pour l’autonomie des conjoints expatriés. Dans les cas de la Dominique et du Nicaragua, comment voyez-vous l’évolution des accords pour une application moins discriminatoire et plus proche de l’application du droit français ?

M. Jean Paul Lecoq. Merci pour ce rapport. Cela fait bondir lorsque l’on entend que l’on ne respecte pas le mariage pour les couples de même sexe alors qu’il a été légalisé. Mais je me demande ce qu’il se passerait si nous acceptions la polygamie ou la polyandrie dans le cadre d’un accord. Je me dis qu’en matière de droits de l’Homme on ne devrait pas signer ce type d’accord, mais aussi que les pays ont des cultures et des histoires différentes. Nous pouvons lors des rencontres internationales défendre ces causes. Nous l’avons fait à l’ONU avec la Présidente Marielle de Sarnez auprès de plusieurs ambassadeurs. Il y a aussi la question du statut de nos personnels. J’ai compris que nos personnels vont en général travailler pour des représentations diplomatiques françaises, ce qui ne m’étonne pas car il est difficile de trouver du travail au Nicaragua et en Dominique. Il y a aussi la question du statut et de la paie. Comment les payer ? En indexant leur salaire sur celui des locaux ou proche du Smic français ? Pourrais-je avoir des réponses sur ces sujets ?

M. Michel Fanget, rapporteur. L’évolution dépend des autorités locales. Cela rejoint ce que dit Jean-Paul Lecoq. Il est vrai que l’on ne peut pas imposer notre façon de voir les choses avec les pays avec lesquels nous travaillons. Il y a déjà une évolution notable mais il est évident que nous n’allons pas imposer notre façon de vivre actuellement. Nous pouvons tendre vers cette évolution mais il faudrait encore du temps. L’évolution majeure mise en avant dans le rapport est que nous permettons aux conjoints des délégations diplomatiques de pouvoir travailler sans pour autant être privés de leur statut juridique. Cela me paraît être quelque chose d’intéressant dans l’évolution et le nombre de pays qui sont concernés aujourd’hui. Ce qui a été initié en 2015 par Laurent Fabius a largement porté ses fruits puisqu’actuellement il y a plus de 80 pays concernés. Concernant les salaires, dans la société civile, ils dépendent du pays d’accueil. Dans le système diplomatique français cela dépend du type de contrat utilisé, sachant que le recours aux contrats locaux est fréquent.

M. Bruno Fuchs. Nous avons plus de 80 accords. Existe-t-il des retours d’expérience de ces accords ? Il existe un accord avec le Canada depuis 1987. Existe-t-il une étude l’impact de ces accords ?

M. Michel Fanget, rapporteur. L’évaluation de ces accords est globalement positive. Ces accords profitent essentiellement aux Français. Cet accord favorise les conjoints. C’est un aspect positif de ces accords.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Qui est d’avis d’adopter ce projet de loi numéro 12-26 ? Qui est d’un avis contraire ? Qui s’abstient ?

Bravo le texte est adopté à l’unanimité. 

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi n° 1226.

 

 

 

 

 

 


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   annexe : texte adoptÉ par la commission

 

Article 1er

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République dominicaine relatif à l’emploi des conjoints des agents des missions officielles de chaque État dans l’autre, signé à Paris le 18 avril 2017, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Article 2

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Nicaragua relatif au libre exercice des activités professionnelles salariées des membres des familles du personnel diplomatique, consulaire, administratif et technique des missions officielles, signé à Managua le 3 août 2017, et dont le texte est annexé à la présente loi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                     

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 1226)

 

 


([1]) Albanie, Bénin, Bolivie, Cambodge, Cap-Vert, Chili, Congo, Équateur, Gabon, Ghana, Guinée, Honduras, Inde, Japon, Malaisie, Maurice, Malaisie, Moldavie, Nicaragua, Ouganda, Pérou, République dominicaine, Serbie, Singapour, Zimbabwe.

([2]) Singapour (2005), Afrique du Sud (2012), Israël (2012), Colombie (2014), Guinée (2015), Salvador (2015), Inde (2015), Japon (2015), Zimbabwe (2015).

([3]) États-Unis, Ukraine, Turkménistan, Sri Lanka, Andorre, Azerbaïdjan, Guatemala, Colombie.

([4])  Corée du Sud (cadre bilatéral), Djibouti (cadre formel non nécessaire), Géorgie (cadre formel non nécessaire), Hong Kong (cadre formel non nécessaire), Maroc (pas d’objection à un emploi dans le réseau), Mexique (existence de dispositions facilitant l’emploi des conjoints, sans exigence de réciprocité), Russie (cadre formel non nécessaire).

([5]) Angola, Arabie Saoudite, Botswana, Birmanie, Guinée équatoriale, Kirghizistan, Koweït, Liban, Mozambique, Oman, Ouzbékistan, Thaïlande, Afghanistan, Irak, Libye, Pakistan, Soudan, Yémen, Niger, Iran, Libéria, Seychelles, Indonésie, Jordanie, Monténégro, Népal et Qatar.

([6]) C’est également le cas pour l’agence consulaire française au Nicaragua.