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N° 1452

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 novembre 2018

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE LOI

 

 

visant à faciliter la sortie de lindivision successorale et
à relancer la politique du logement en outre-mer ( 850)

PAR M. Serge Letchimy
Député

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Voir les numéros :

Assemblée nationale : 1ère lecture : 475, 547 et T.A. 71.

   2e lecture : 850.

  Sénat : 1ère lecture : 231, 379, 380 et T.A. 89 (2017-2018).


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SOMMAIRE

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Pages

AVANT-PROPOS............................................ 5

Examen des articles

TITRE Ier  Dispositions relatives aux collectivités régies par larticle 73 de la Constitution et à Saint-Pierre-et-miquelon [supprESSION CONFORME DE LA DIVISION ET DE L’INTITULÉ]

Article 1er Champ dapplication de la proposition de loi

Article 2 Procédure de notification de la décision de vente ou de partage

Article 2 bis (art. 750 bis C du code général des impôts) Exonération des droits portant sur les actes de partage des indivisions

TITRE II Dispositions relatives à la Polynésie française [supprESSION CONFORME DE LA DIVISION ET DE L’INTITULÉ]

Article 5 A Autorisation du partage par souche en Polynésie française

Article 5 Conditions de lattribution préférentielle du bien au conjoint survivant ou au copropriétaire qui y réside

Article 6 Conséquences de lomission dun héritier sur le partage intervenu

Compte rendu des débats


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Mesdames, Messieurs,

Le 6 décembre 2017, le groupe Socialistes et apparentés déposait sur le bureau de l’Assemblée nationale la proposition de loi visant à « faciliter la sortie de l’indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer ». L’objectif de ce texte était de desserrer la contrainte foncière que subissent les départements et régions d’outre-mer, où la multiplication des successions non-réglées aboutit à des situations inextricables tant pour les familles concernées que pour les autorités locales. Ces biens qui, du fait de l’histoire et des traditions propres à ces territoires, appartiennent à des dizaines d’indivisaires, se trouvent figés par la règle d’unanimité imposée pour leur disposition. Ils pénalisent triplement les collectivités locales en empêchant les projets structurants comme les rénovations ciblées, en limitant l’offre de logement dans un marché pourtant tendu, en offrant un terrain privilégié pour la prolifération des épidémies qui éprouvent trop fréquemment les populations.

Près d’un an plus tard, alors que l’Assemblée nationale se trouve saisie en deuxième lecture de la proposition de loi, votre rapporteur constate avec une grande satisfaction que ce texte a suscité, à chaque étape de la procédure, un consensus et une volonté partagée d’apporter aux territoires ultramarins les solutions dont ils ont besoin.

Le 18 janvier 2018, à l’issue d’une séance publique au cours de laquelle l’ensemble des groupes représentés et le Gouvernement avaient travaillé à l’amélioration du dispositif proposé, la première lecture devant l’Assemblée nationale s’achevait par une adoption de la proposition de loi à l’unanimité.

Le 4 avril 2018, sur le rapport de M. Thani Mohamed Soihili, le Sénat lui apportait à son tour son soutien unanime.

L’union de tous les parlementaires en faveur d’un texte qui améliorera, sensiblement et concrètement, les conditions de vie et d’existence des populations des outre-mer, témoigne de la compréhension que la Nation dans son ensemble attache aux difficultés rencontrées localement. Le fait que son examen en deuxième lecture par l’Assemblée nationale ne prenne plus place dans une séance réservée à un groupe d’opposition, mais dans une semaine dite « de l’Assemblée » sur décision de la Conférence des présidents, doit également être salué à sa juste valeur.

Toutefois, les votes des deux assemblées n’ont pas été obtenus en des termes identiques, de sorte que six articles demeurent en discussion.

Les articles 1er et 2, qui correspondent au dispositif initial de la proposition de loi, ne soulèvent aucune difficulté.

Les articles 5 et 6, adoptés par l’Assemblée nationale en première lecture pour répondre à la situation particulière de la Polynésie française et dont le Sénat a élargi la portée aux collectivités régies par l’article 73 de la Constitution ainsi qu’à Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon, n’appellent pas davantage de commentaire.

Enfin, les articles 2 bis et 5 A, adoptés par le Sénat, sont examinés pour la première fois par l’Assemblée nationale. Le premier, qui exonère les territoires concernés par la proposition de loi de la taxe sur les partages, doit être soutenu. Le second, qui admet le partage par souche en Polynésie française pour la résolution des successions les plus délicates, pourrait appeler quelques ajustements à la lumière de la prochaine révision du statut d’autonomie du territoire ([1]).

Dans l’attente des dernières discussions relatives à ces dispositions, la commission des Lois a fait le choix d’adopter sans modification le texte transmis par le Sénat. Ce vote, acquis de nouveau à l’unanimité, ne fait pas obstacle à ce que d’ultimes améliorations soient apportées au texte par l’Assemblée nationale en séance publique afin que le Sénat, en deuxième lecture, puisse l’adopter dans les mêmes termes et que les populations d’outre-mer en bénéficient dans les meilleurs délais.

 

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   Examen des articles

TITRE Ier
Dispositions relatives aux collectivités régies par l’article 73 de la Constitution et à Saint-Pierre-et-miquelon
[supprESSION CONFORME DE LA DIVISION ET DE L’INTITULÉ]

L’existence d’un titre Ier dans la proposition de loi résulte de l’adoption par l’Assemblée nationale en séance publique d’un amendement présenté par votre rapporteur. Il s’agissait de tirer les conséquences de l’adjonction au texte en discussion d’articles additionnels modifiant le droit applicable en Polynésie française, et, consécutivement, du regroupement de ces dispositions dans un titre II distinct.

Ayant résolu d’étendre les dispositions du titre II à l’ensemble des collectivités ultramarines, la commission des Lois du Sénat a logiquement supprimé, sur proposition de son rapporteur, M. Thani Mohamed Soilihi, les deux titres ajoutés par l’Assemblée nationale.

La commission des Lois de l’Assemblée nationale a confirmé, en deuxième lecture, cette suppression.

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Article 1er
Champ dapplication de la proposition de loi

Adopté par la Commission sans modification

  Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 1er de la proposition de loi circonscrit le champ d’application de la loi aux biens indivis situés dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution et aux successions ouvertes depuis plus de cinq ans. Il autorise les indivisaires représentant la majorité des droits indivis à provoquer la vente ou le partage. Un régime de protection par le conseil de famille ou par le juge est institué au bénéfice du conjoint survivant, de l’enfant mineur et du majeur objet d’une mesure de protection.

  Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2006‑728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, la loi n° 2014‑1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt et la loi n° 2017‑285 du 6 mars 2017 visant à favoriser l’assainissement cadastral et la résorption du désordre de propriété ont abaissé le seuil nécessaire à un acte de disposition à hauteur des deux tiers des droits indivis pour, respectivement, la vente de meubles indivis, la licitation de terres agricoles outre-mer et la vente d’immeubles indivis en Corse suite à la reconstitution de titres de propriété par prescription acquisitive.

  Les modifications apportées par lAssemblée nationale, en première lecture, en séance publique

Sur proposition de M. Guillaume Vuilletet et de plusieurs de ses collègues du groupe La république en marche, l’Assemblée nationale a étendu l’application de l’article 1er à Saint-Pierre-et-Miquelon.

En adoptant un amendement du Gouvernement, elle a également soumis les procédures mettant en cause un indivisaire présumé absent à l’autorisation préalable du conseil de famille ou du juge.

  Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

Sur proposition du rapporteur, M. Thani Mohamed Soihili, la commission des Lois du Sénat a apporté trois modifications à l’article 1er. Elle a décidé de le rendre applicable à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy. Elle l’a également restreint aux successions ouvertes depuis plus de dix ans. Enfin, elle a autorisé les indivisaires représentant la majorité des droits indivis à effectuer des actes de gestion et d’administration.

  Les modifications apportées par la commission des Lois en deuxième lecture

Cet article n’a fait l’objet d’aucune modification.

1.   Les dispositions de la proposition de loi

L’article 1er de la proposition de loi répond à un impératif d’intérêt général : la résorption des désordres économiques, sanitaires et sécuritaires nés de la persistance des indivisions foncières outre-mer. L’atteinte qu’il porte au droit de propriété, par le passage de lunanimité à la majorité absolue des indivisaires pour la vente ou le partage de biens indivis, est limitée dans le temps et dans l’espace pour en restreindre les effets au strict nécessaire.

a.   Un dispositif limité dans le temps et dans l’espace

Le dispositif de la proposition de loi est conçu comme une dérogation transitoire, qui n’a pas vocation à perdurer. En conséquence, il ne fait pas lobjet dune codification au sein du code civil.

Dans lespace, le mécanisme proposé est limité aux collectivités régies par larticle 73 de la Constitution : Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte et La Réunion. Ces territoires sont ceux dans lesquels les indivisions successorales posent de réels problèmes de disposition du foncier ([2]). Le droit applicable aux autres départements, régions et territoires, dans lesquels la situation foncière n’apparaît pas anormale, n’est pas modifié.

Dans le temps, le dispositif proposé a vocation à ne s’appliquer que jusqu’au 31 décembre 2028. Il est, en outre, limité aux successions ouvertes depuis plus de cinq ans ([3]). Ces dix années devraient permettre de réduire significativement le stock de terres paralysées par une indivision successorale. Le législateur appréciera, alors, s’il est souhaitable de proroger la mesure.

b.   Une possibilité de prendre des actes de dispositions à la majorité absolue des droits indivis

Par dérogation au droit commun qui exige l’unanimité, l’article 1er ouvre la possibilité de provoquer une vente ou un partage aux indivisaires détenteurs de la majorité absolue des droits indivis.

Cette condition, plus souple que les dérogations figurant déjà dans le droit ([4]), se justifie par le grand nombre d’indivisaires rencontrés dans les successions outre-mer ([5]) et par une motivation dintérêt général fondée sur la sécurisation des titres fonciers, l’encouragement de l’activité et l’assainissement de structures délabrées foyers d’épidémies mortelles.

c.   La protection des personnes en position de faiblesse

Conformément au droit commun, l’article 1er édicte des mesures de protection au bénéfice des personnes dont les intérêts pourraient être menacés par un partage amiable immédiat :

–  en ce qui concerne le local d’habitation dans lequel réside le conjoint survivant du défunt, jusqu’à ce que celui-là ait quitté les lieux ;

–  si le défunt laisse un ou plusieurs descendants mineurs, jusqu’à la majorité du plus jeune d’entre eux ;

–  si l’un des indivisaires fait l’objet d’une curatelle, d’une tutelle ou d’une sauvegarde de justice.

2.   Les modifications apportées par l’Assemblée nationale en première lecture

Si la commission des Lois n’avait apporté que des améliorations de nature rédactionnelle à la proposition de loi, deux modifications plus substantielles ont été adoptées par les députés en séance publique :

–  sur proposition de M. Guillaume Vuilletet et de plusieurs membres du groupe La république en marche, le dispositif a été rendu applicable au territoire de Saint-Pierre-et-Miquelon ;

–  un amendement du Gouvernement a soumis à l’autorisation préalable du conseil de famille ou du juge toute mise en œuvre du dispositif de la proposition de loi dans un partage impliquant un indivisaire absent ([6]).

3.   Des dispositions amendées par le Sénat

La commission des Lois du Sénat a approuvé l’économie d’ensemble de l’article 1er, constatant dans les outre-mer l’urgence de la situation foncière qui justifie « pleinement la mise en place doutils dérogatoires du droit commun » ([7]). Sur proposition du rapporteur, elle lui a apporté quatre améliorations rédactionnelles destinées à :

–  étendre son champ d’application aux collectivités territoriales de SaintBarthélemy et de SaintMartin, dans lesquelles existent des problématiques foncières comparables à celles rencontrées dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution ;

–  limiter l’application du dispositif dérogatoire de sortie d’indivision aux successions ouvertes depuis plus de dix ans, et non cinq ans dans les termes adoptés par l’Assemblée nationale, au motif que l’action en établissement du lien de filiation et l’option successorale s’exerçaient dans un délai de dix ans et qu’il était pertinent de mettre en cohérence ces différents dispositifs ;

–  harmoniser la majorité requise pour effectuer les actes de gestion et dadministration du bien indivis, aujourd’hui fixée aux deux tiers, avec la nouvelle majorité retenue par le présent texte pour vendre ou partager le bien, soit la majorité absolue des droits indivis.

L’article 1er n’a fait l’objet d’aucun amendement lors de son examen par les sénateurs en séance publique.

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La commission des Lois de l’Assemblée nationale a adopté cette disposition sans modification en deuxième lecture.

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Article 2
Procédure de notification de la décision de vente ou de partage

Adopté par la Commission sans modification

  Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 2 autorise le notaire à accomplir l’acte de vente ou de partage dans les conditions de l’article 1er à défaut d’opposition des autres indivisaires dans un délai de trois mois suivant la signification du projet – par acte extrajudiciaire si le domicile est connu, par publication dans un journal d’annonce légal s’il ne l’est pas.

  Dernières modifications législatives intervenues

L’article L. 181‑30 du code rural et de la pêche maritime, créé par la loi du 13 octobre 2014, prévoit que le propriétaire des deux tiers des droits indivis sur une terre agricole située dans une région ou un département d’outre-mer puisse en décider la vente par licitation auprès du tribunal de grande instance. Le tribunal statue sur toute opposition exprimée ; il peut autoriser l’aliénation même si le seuil des deux tiers n’est pas atteint, à condition que les oppositions exprimées soient inférieures au quart des droits indivis.

  Les modifications apportées par lAssemblée nationale, en première lecture, en séance publique

Outre des amendements de portée rédactionnelle, l’Assemblée nationale a adopté un amendement de M. Guillaume Vuilletet et de plusieurs membres du groupe La République en marche prévoyant une notification du projet à tous les détenteurs de droits indivis ainsi qu’une publication du projet dans un journal d’annonces légales, sur un site internet et par voie d’affichage. Un amendement du Gouvernement a également inscrit à l’article 2 les dispositions procédurales qui figuraient auparavant aux articles 3 et 4 de la proposition de loi, lesdits articles ayant été supprimés en conséquence.

  Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

Le Sénat a confirmé l’existence d’un droit de préemption des indivisaires sur le bien indivis. Il a également autorisé les experts immobiliers à livrer une évaluation de la valeur du bien. Enfin, le délai de réponse des indivisaires a été porté de trois à quatre mois en cas de résidence à l’étranger ou en présence d’un grand nombre de détenteurs de droits indivis, à la suite d’un amendement de M. Guillaume Arnell et de plusieurs de ses collègues.

  Les modifications apportées par la commission des Lois en deuxième lecture

Cet article n’a fait l’objet d’aucune modification.

1.   Les dispositions de la proposition de loi

L’article 2 de la proposition de loi prévoit que le notaire chargé de préparer la vente ou le partage des biens indivis notifie le projet par acte extrajudiciaire – par huissier donc – à tous les indivisaires dont le domicile est connu et situé en France. Si l’un des indivisaires réside à l’étranger ou n’a pas de domicile connu, les significations adressées aux autres indivisaires se doublent d’une publication dans un journal d’annonces légales.

La notification mentionne les informations utiles à la bonne connaissance de la procédure et, en cas d’échec de celle-ci, à l’introduction d’une requête en partage par voie judiciaire : l’identité des indivisaires à l’origine de l’initiative et leur quote-part d’indivision, l’identité et les quotes-parts des autres indivisaires, les coordonnées du notaire, la désignation du bien, son prix de vente et l’indication de sa valeur établie par des professionnels de l’immobilier, enfin la clef de répartition du prix de vente ou des allotissements entre les indivisaires. La notification fait également courir le délai d’un mois au cours duquel les indivisaires bénéficient d’un droit de préemption sur les parts des initiateurs du projet ([8]).

Tout indivisaire hostile au projet de vente ou de partage dispose de trois mois pour faire connaître son opposition et se placer sous la protection du juge. À défaut, il est réputé consentir tacitement.

2.   Les modifications apportées par l’Assemblée nationale en première lecture

La commission des Lois a notamment élargi l’obligation de signification par acte extrajudiciaire du projet de vente et de partage aux indivisaires domiciliés à létranger, alors que la rédaction initiale limitait cette notification aux seuls indivisaires établis sur le territoire national. Elle a aussi supprimé la mention du droit de préemption des indivisaires, la jugeant superflue.

En séance publique, les députés ont renforcé cette dernière disposition en adoptant un amendement présenté par M. Guillaume Vuilletet et les membres du groupe La République en marche, exigeant que la notification adressée à chaque indivisaire se double dun affichage, dune publication dans un journal dannonces légales et dune mise en ligne sur un site internet.

Les députés ont également adopté un amendement du Gouvernement présenté en séance publique réécrivant pour partie le dispositif de la proposition de loi. Les éléments contenus aux articles 3 et 4 – désormais supprimés – sont intégrés à l’article 2. Celui-ci prévoit désormais, en cas d’opposition manifestée par un ou plusieurs indivisaires minoritaires, la saisine du juge par les parties représentant 51 % des indivisaires afin de se voir autorisés à passer l’acte de vente ou de partage. Ainsi, n’est retenue la nécessité de saisir le tribunal de grande instance quen cas dopposition manifestée par un ou plusieurs indivisaires minoritaires et non, comme le prévoient d’autres dispositions comparables ([9]), en l’absence de manifestation des indivisaires minoritaires.

3.   Des dispositions amendées par le Sénat

La commission des Lois du Sénat a apporté, sur proposition de son rapporteur, diverses modifications à l’article 2, en :

–  remplaçant la notion de « professionnels de limmobilier » par celle de « professionnels qualifiés » pour l’évaluation de la valeur du bien, ce qui permet notamment d’inclure les experts immobiliers ;

–  ajoutant que la notification fait état, le cas échéant, de l’existence d’un projet de cession du bien à une personne étrangère à l’indivision, pour permettre aux indivisaires qui le souhaiteraient d’exercer leur droit de préemption, lequel se trouve ainsi confirmé ([10]).

En séance, les sénateurs ont adopté un amendement de M. Guillaume Arnell et plusieurs de ses collègues en dépit d’un avis défavorable de la Commission, le Gouvernement s’en remettant à la sagesse du Sénat. Il porte de trois à quatre mois le délai dont disposent les indivisaires pour s’opposer à la vente ou au partage d’un bien immobilier, lorsque ces indivisaires sont nombreux ou domiciliés pour partie à l’étranger.

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La commission des Lois de l’Assemblée nationale a adopté cette disposition sans modification en deuxième lecture.

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Article 2 bis
(art. 750 bis C du code général des impôts)
Exonération des droits portant sur les actes de partage des indivisions

Adopté par la Commission sans modification

  Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 2 bis est issu d’un amendement du rapporteur du Sénat, M. Thani Mohamed Soihili, adopté par sa commission des Lois et dont le Gouvernement n’est pas parvenu à obtenir la suppression en séance publique. Il met en place une exonération de droit de partage des immeubles situés dans les territoires ultramarins concernés par la proposition de loi jusqu’au 31 décembre 2028.

  Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2017‑1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017 a institué une exonération similaire au bénéfice de Mayotte jusqu’au 31 décembre 2025.

  Les modifications apportées par la commission des Lois en deuxième lecture

Cet article n’a fait l’objet d’aucune modification.

1.   Le droit en vigueur

L’article 750 du code général des impôts prévoit que le partage, acte par lequel les personnes qui possèdent des biens en indivision mettent fin à cette indivision et répartissent ces biens entre eux, est soumis à une imposition de 2,5 %. L’imposition est liquidée sur la valeur des biens, sans soustraction de la part de l’acquéreur. L’article 750 bis C du même code précise que cette disposition n’est applicable aux immeubles situés à Mayotte qu’à partir du 1er janvier 2026 ([11]).

2.   La disposition introduite par la commission des Lois du Sénat

L’article 2 bis est issu d’un amendement du rapporteur, M. Thani Mohamed Soihili, adopté par la Commission et non modifié en séance publique. Il prévoit un alignement, dans le temps et dans lespace, de lexonération des droits de partage sur la dérogation instituée par la présente proposition de loi. L’exonération concernerait, en conséquence, tous les territoires ultramarins visés à l’article 1er jusqu’au 31 décembre 2028.

L’article 2 bis prévoit une compensation de la perte des recettes résultant pour l’État de cette exonération par la création d’une taxe additionnelle aux droits sur les tabacs mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Le Gouvernement n’est pas parvenu à obtenir la suppression de l’article 2 bis en séance publique.

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La commission des Lois de l’Assemblée nationale a adopté cette disposition sans modification en deuxième lecture.

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TITRE II
Dispositions relatives à la Polynésie française
[supprESSION CONFORME DE LA DIVISION ET DE L’INTITULÉ]

En cohérence avec sa décision de supprimer la division correspondant au titre Ier, la commission des Lois du Sénat a supprimé le titre II sur proposition de son rapporteur.

La commission des Lois de l’Assemblée nationale a confirmé, en deuxième lecture, cette suppression.

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Article 5 A
Autorisation du partage par souche en Polynésie française

Adopté par la Commission sans modification

  Résumé du dispositif et effets principaux

Issu d’un amendement de Mme Lana Tetuanui adopté par la commission des Lois du Sénat, l’article 5 A consacre la possibilité de procéder, en Polynésie française, à un partage du bien par souche, quand le partage par tête est impossible. Le Gouvernement n’est pas parvenu à obtenir sa suppression en séance publique.

  Les modifications apportées par la commission des Lois en deuxième lecture

Cet article n’a fait l’objet d’aucune modification.

1.   L’état du droit

En matière successorale, l’article 827 du code civil dispose que « le partage de la masse sopère par tête. Toutefois, il se fait par souche quand il y a lieu à représentation. Une fois opéré le partage par souche, une répartition distincte est opérée, le cas échéant, entre les héritiers de chaque souche ».

Or, en Polynésie française, le partage par tête est bien souvent impossible ou dépourvu de sens au regard de la faible superficie des parcelles à partager, du nombre d’héritiers et de l’ancienneté de la succession. La cour dappel de Papeete a validé le principe d’un partage par souche familiale, quitte à enregistrer ultérieurement des demandes de partage par tête au sein de chaque souche lorsque cela est possible. Mais cette construction juridique permettant la représentation, dans la procédure de partage, des indivisaires qui ne peuvent être appelés à l’instance par un parent issu de la même souche, n’est pas admise par la Cour de cassation, qui estime que « la seule communauté dintérêts ne saurait suffire à caractériser la représentation et quun jugement ne peut créer de droits ni dobligations en faveur ou à lencontre de ceux qui nont été ni parties ni représentés dans la cause » ([12]).

2.   La disposition adoptée par le Sénat

Issu d’un amendement de Mme Lana Tetuanui adopté par la commission des Lois du Sénat, l’article 5 A vise à surmonter la jurisprudence de la Cour de cassation excluant le partage par souche dans les limites jurisprudentielles tracées par la cour d’appel de Papeete. Il fait suite au rapport d’information de la délégation sénatoriale à l’outre-mer sur la sécurisation des droits fonciers dans les outre-mer, qui avait recommandé une modification en ce sens ([13]).

Comme le souligne le rapporteur du Sénat, malgré la jurisprudence constante de la Cour de cassation, le partage par souche est considéré comme juste et légitime localement, de sorte que le tribunal de première instance et la cour d’appel de Papeete maintiennent leur solution prétorienne et que, en dépit de l’assurance d’une invalidation des arrêts d’appel, ils ne font que très rarement lobjet dun pourvoi.

L’article 5 A précise que le partage par souche ne peut intervenir quà loccasion dun partage judiciaire. Comme le souligne le rapport précité de la délégation sénatoriale aux outre-mer, il faut « éviter que lintroduction dune présomption de représentation au sein dune souche dispense de rechercher le plus dindivisaires possible pour les attraire au partage, et aboutisse à des partages iniques à linsu de certains indivisaires. Cest particulièrement vrai lorsquon admet quun seul indivisaire partie au partage suffit pour représenter toute sa souche. Il ne sagit pas de provoquer des conflits familiaux supplémentaires à cette occasion, ni de léser quiconque. Il est difficile de décider in abstracto des critères, notamment numériques, qui rendent la représentation par souche acceptable et utile. Cest pourquoi lopportunité et les modalités de la représentation par souche doivent être appréciées par le juge et sous son contrôle. Cest à lui que revient de garantir en toute impartialité le respect des droits de tous les indivisaires ».

L’amendement du Gouvernement présenté en séance publique supprimant l’article 5 A n’est pas parvenu à convaincre le Sénat.

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La commission des Lois de l’Assemblée nationale a adopté cette disposition sans modification en deuxième lecture.

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Article 5
Conditions de lattribution préférentielle du bien au conjoint survivant ou au copropriétaire qui y réside

Adopté par la Commission sans modification

  Résumé du dispositif et effets principaux

Introduit à l’Assemblée nationale, en séance publique, à l’initiative de Mme Maina Sage et plusieurs de ses collègues, avec l’avis favorable du Gouvernement et de la Commission, l’article 5 adapte aux spécificités polynésiennes le dispositif d’attribution préférentielle en matière successorale.

  Les modifications apportées par le Sénat

À l’initiative du rapporteur, le Sénat a étendu l’application de l’article 5 aux collectivités régies par l’article 73 de la Constitution ainsi qu’à Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon.

  Les modifications apportées par la commission des Lois en deuxième lecture

Cet article n’a fait l’objet d’aucune modification.

1.   L’état du droit

L’article 831-2 du code civil autorise le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire à demander l’attribution préférentielle de la propriété ou du droit au bail du local qui lui sert dhabitation au moment du partage de la succession. Cette attribution s’effectue dans le respect du montant de ses droits et donne lieu au paiement d’une soulte si le bien attribué a une valeur supérieure aux droits issus de la succession. Elle suppose que le demandeur prouve avoir sa résidence sur le bien « à lépoque du décès » du de cujus.

Ce mécanisme est peu adapté en Polynésie française où les successions sont parfois ouvertes depuis plus dun siècle et où la possibilité de rapporter la preuve de la résidence au moment du décès est objectivement très restreinte.

2.   La disposition adoptée par l’Assemblée nationale

L’article 5 est issu d’un amendement de Mme Maina Sage et plusieurs de ses collègues adopté avec l’avis favorable du Gouvernement et de la Commission. Il permet au conjoint survivant ou à un héritier copropriétaire de demander l’attribution préférentielle du bien, s’il démontre qu’il y avait sa résidence « par une possession continue, paisible et publique depuis un délai de dix ans antérieurement à lintroduction de la demande ». Cette attribution préférentielle s’exerce sous le contrôle du juge et ne peut être demandée que dans l’hypothèse d’un partage judiciaire.

3.    Une disposition élargie par le Sénat

Le rapporteur du Sénat a estimé que les difficultés qui ont amené l’Assemblée nationale à la création de ce dispositif pour la Polynésie française existent dans l’ensemble des territoires ultramarins visés par la proposition de loi. En conséquence, à son initiative, la commission des Lois a étendu lapplication de larticle 5 aux collectivités régies par larticle 73 de la Constitution ainsi quà Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélemy.

Il a également considéré que l’attribution préférentielle différait de l’usucapion abrégée ([14]) : le demandeur de l’attribution préférentielle est héritier copropriétaire du bien et non simplement occupant. Il n’est donc pas utile de mentionner le critère de la « possession » parmi les exigences requises par la loi.

L’article 5 n’a fait l’objet d’aucun amendement en séance publique.

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La commission des Lois de l’Assemblée nationale a adopté cette disposition sans modification en deuxième lecture.

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Article 6
Conséquences de lomission dun héritier sur le partage intervenu

Adopté par la Commission sans modification

  Résumé du dispositif et effets principaux

Introduit à l’Assemblée nationale, en séance publique, à l’initiative de Mme Maina Sage et plusieurs de ses collègues, avec des avis favorables du Gouvernement et de la Commission, l’article 6 empêche la remise en cause d’un partage judicaire par un héritier omis en Polynésie française.

  Les modifications apportées par le Sénat

À l’initiative du rapporteur, le Sénat a étendu l’application de l’article 6 aux collectivités régies par l’article 73 de la Constitution ainsi qu’à Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélemy.

  Les modifications apportées par la commission des Lois en deuxième lecture

Cet article n’a fait l’objet d’aucune modification.

1.   L’état du droit

Le premier alinéa de l’article 887‑1 du code civil dispose que « le partage peut être [...] annulé si un des cohéritiers y a été omis », dans l’hypothèse où l’omission résulterait d’une erreur ou d’une ignorance. L’action en nullité de partage a pour fin de préserver le droit de propriété des héritiers et d’éviter qu’un partage ait lieu en leur absence, qui leur réserve la part la moins enviable de la succession.

2.   La disposition adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture

Introduit à l’Assemblée nationale, en séance publique, à l’initiative de Mme Maina Sage et plusieurs de ses collègues, avec avis favorables du Gouvernement et de la Commission, l’article 6 écarte lapplication de larticle 8871 du code civil en Polynésie française. L’héritier omis ne pourrait plus exiger la nullité du partage, mais simplement « demander de recevoir sa part, soit en nature, soit en valeur, sans annulation du partage », comme le prévoit le deuxième alinéa du même article. L’objectif de cette disposition consiste à renforcer la sécurité juridique du partage pour les indivisaires entrés de bonne foi en possession de leurs biens, l’annulation pouvant intervenir longtemps après la répartition. Pour prévenir les abus, cette dérogation est limitée aux hypothèses dans lesquelles le partage a été fait en justice.

Si l’article 6 ferme une voie daction devant le juge, il permet à l’indivisaire omis d’entrer en possession de sa part en valeur, voire en nature si les autres indivisaires l’acceptent. Cette dérogation au droit commun avait paru justifiée à votre rapporteur pour deux raisons :

–  elle ne porte que sur les omissions de bonne foi, le partage effectué sur la base d’une violence ou d’un dol demeurant soumis à l’article 887 du code civil qui permet son annulation ;

–  elle concourt manifestement à lintérêt général en Polynésie française au regard de l’enlisement de la situation foncière et des tensions sociales qu’il cause.

3.    Une disposition élargie par le Sénat

Le rapporteur du Sénat a estimé que les difficultés qui ont amené l’Assemblée nationale à la création de ce dispositif pour la Polynésie française existent dans l’ensemble des territoires ultramarins visés par la proposition de loi – en raison des difficultés à identifier l’ensemble des indivisaires ou du fait de l’établissement tardif de liens de filiation entre un héritier et le défunt.

En conséquence, sa commission des Lois a adopté un amendement du rapporteur qui étend lapplication du dispositif prévu à larticle 6 aux collectivités régies par larticle 73 de la Constitution ainsi quà Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélemy.

*

La commission des Lois de l’Assemblée nationale a adopté cette disposition sans modification en deuxième lecture.

 


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   Compte rendu des débats

Lors de sa première réunion du mercredi 28 novembre 2018, la commission des Lois examine, en deuxième lecture, la proposition de loi, modifiée par le Sénat, visant à faciliter la sortie de lindivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer (n° 850) (M. Serge Letchimy, rapporteur).

M. Stéphane Mazars, président. L’ordre du jour de la commission des Lois appelle l’examen, en deuxième lecture, de la proposition de loi, modifiée par le Sénat, visant à faciliter la sortie de l’indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer. Ce texte a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 18 janvier 2018, puis par le Sénat le 4 avril.

M. Serge Letchimy, rapporteur. Je vous remercie, monsieur le président, de me recevoir pour la seconde fois dans votre Commission.

Cette proposition de loi est un sujet d’intérêt public, ce dont témoigne son adoption unanime en première lecture. La majorité a abondamment contribué à l’avancée de ce texte ; j’en remercie particulièrement M. Guillaume Vuilletet, qui a accompli un travail considérable. Les autres groupes se sont également investis ; je salue la participation de Mme Justine Benin, ainsi que celle de Mme Maina Sage grâce à qui des articles additionnels concernant la Polynésie française ont été adoptés.

En Guadeloupe et en Martinique, nous avons organisé des réunions qui ont rassemblé 300 à 400 personnes, ce qui montre l’importance du sujet pour les populations concernées. Je rappelle que 30 % à 44 % des biens immobiliers privés outre-mer sont en indivision ; dans certaines communes de Martinique et de Guadeloupe, ce taux atteint même 83 %. Cette situation emporte des conséquences multiples : insalubrité, insécurité, maisons abandonnées, programmes immobiliers ralentis, déstructuration familiale. C’est à partir de cette réflexion et sur la base de travaux menés en Martinique que le texte a été élaboré.

La proposition de loi que nous examinons, applicable aux collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, prévoit un régime dérogatoire de sortie de l’indivision pour dix ans qui n’exigerait plus l’unanimité des indivisaires. Serait ainsi autorisé tout acte de vente ou de partage sur un bien indivis dès lors qu’une majorité de 51 % des droits indivis est constatée par le notaire. Bien entendu, il s’agit du principe de base ; les exceptions nécessaires sont dûment prévues.

Ce texte a été adopté à l’unanimité en première lecture par l’Assemblée nationale le 18 janvier 2018, puis le 4 avril par le Sénat à l’unanimité également. Nous l’examinerons de nouveau en séance publique le 5 décembre prochain au cours d’une semaine réservée à l’Assemblée nationale ; le Sénat, de son côté, a déjà retenu la date du 18 décembre. Il y a une volonté commune d’aboutir à un vote conforme au terme de ces deux lectures.

Le Sénat a considérablement enrichi le texte. Il a institué un droit de préemption au sein de la famille au cas où un tiers se porterait acquéreur du bien mis en cession. C’est une mesure bienvenue.

Il a également, et c’est une bonne chose, voté une exonération des taxes attachées aux opérations de partage. J’espère que M. Guillaume Vuilletet et le groupe majoritaire sauront convaincre Bercy de l’intérêt de cette disposition…

Le Sénat a encore renforcé le mécanisme de protection des droits, notamment les mécanismes d’information, afin que ceux qui ne font pas partie de la majorité des 51 % ne soient pas lésés.

Par ailleurs, le Sénat a inclus la Polynésie française dans le dispositif, mais aussi Saint-Martin et Saint-Barthélemy, qui ne figuraient pas non plus dans le texte initial.

Deux différends séparent encore les deux assemblées.

Afin de permettre aux héritiers d’exercer pleinement les actions qui leur sont ouvertes par le code civil, le Sénat a adopté une disposition aux termes de laquelle le régime dérogatoire de sortie d’indivision ne s’appliquerait qu’aux successions ouvertes depuis plus de dix ans, et non depuis plus de cinq ans comme l’avait prévu l’Assemblée nationale. La durée que nous avions retenue a ma préférence, mais si un compromis doit être trouvé, je suis prêt à me rallier à la solution du Sénat. Toutefois, je considère que cette durée nous priverait d’une masse de dossiers non négligeable – et donc des logements correspondants.

La seconde divergence porte sur la Polynésie française, dont les représentants ont légitimement formulé diverses demandes d’adaptation du droit successoral. Introduit au Sénat, le nouvel article 5 A consacre la possibilité de procéder plus facilement, dans ce seul territoire, à un partage du bien par souche, c’est-à-dire par branche familiale, quand le partage par tête est impossible. Ce choix rencontre les réserves de la Chancellerie. En séance publique, l’Assemblée nationale a adapté le dispositif d’attribution préférentielle à un cohéritier aux spécificités polynésiennes ; une autre disposition vise à empêcher la remise en cause par un héritier omis de bonne foi d’un partage judicaire transcrit ou exécuté. Comme une loi organique et une loi simple spécifiques à la Polynésie française devraient être examinées l’année prochaine par le Parlement, peut-être serait-il pertinent de renvoyer ces débats à cette échéance ? La décision reviendra aux représentants des Polynésiens.

Nous aurons donc ces deux débats avec le Sénat. Si nous parvenons à nous accorder sur une rédaction commune de cette proposition de loi, elle entrera rapidement en vigueur, ce qui sera une excellente chose car elle est attendue. À cet égard, je veux saluer l’excellent travail de notre collègue sénateur M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur de la proposition de loi. Je souhaite aussi remercier le Gouvernement, le Premier ministre et le Président de la République qui, lors de sa venue en Martinique, a accepté que cette proposition de loi trouve sa place dans le calendrier des travaux du Sénat au sein d’une semaine réservée au Gouvernement.

J’espère que nous pourrons, à partir de ces dispositions, conduire des politiques de gouvernance interne, dans le domaine immobilier mais aussi patrimonial. Il faudra toutefois continuer le travail : de véritables stratégies de conquête de l’urbain, de reconquête de l’immobilier et du patrimoine, doivent être mises en œuvre de façon à rendre sa vitalité au secteur. Cela exige des moyens financiers – je pense à la sortie de l’indivision pour les plus démunis car il faut des experts coûteux – mais aussi, dans le cadre de la politique de revitalisation urbaine, des dispositifs propres à redynamiser les cœurs de ville.

Il ne faut pas attendre que la « pluie législative » tombe depuis Paris : nous devons transformer ces dispositions juridiques en projets de développement. Si chaque commune, chaque établissement public de coopération intercommunale (EPCI) se saisit de la question, nous augmenterons dun point le taux de croissance de La Réunion, de la Martinique et de la Guadeloupe.

Ce serait là, monsieur le président, donner tout son sens aux régimes dérogatoires permis par larticle 73 de la Constitution, qui trop souvent se bornent à « tropicaliser » un texte pensé à Paris – ce qui vaut dailleurs aussi pour la Corse. La particularité même des populations ultramarines est ignorée par une conception strictement hexagonale. Or, ce texte représente la première vraie loi de différenciation, différenciation pour laquelle je me bats depuis des années : il a été pensé localement, retravaillé au niveau national puis adopté.

Je souhaite que demain, par une habilitation transformée, nous puissions penser un texte de loi localement, l’adopter localement, et qu’il soit ensuite approuvé par le Parlement. Cela permettrait à la France d’être en cohérence avec sa destinée, qui est de devenir une société multiculturelle s’acceptant comme telle.

M. Stéphane Mazars, président. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, pour cette présentation qui, bien que technique, éclaire le sens du texte.

Mme Maina Sage. Je remercie notre rapporteur pour son initiative ainsi que pour l’ouverture dont il a fait preuve en offrant une place à la Polynésie française.

La question foncière outre-mer est absolument majeure. En Polynésie, le partage ne se fait pas par principe à l’amiable, mais au contentieux. À chaque fois que l’on veut partager un terrain, on va au tribunal : ce n’est pas normal. Je tiens à vous faire part de cette situation, chers collègues, afin que vous soyez ouverts à la discussion lorsque nous aborderons la question du droit à la différenciation, qui n’est ni une lubie ni un caprice des territoires d’outre-mer. Les réalités de nos territoires insulaires – je pense aussi à la Corse – méritent un traitement différencié et des solutions adaptées, quand bien même les problématiques seraient similaires.

Ainsi, la très bonne proposition faite par notre rapporteur du partage et de la vente dès lors que plus de la moitié des indivisaires en sont d’accord est en discussion en Polynésie. Dans leur grande majorité, les Polynésiens ne souhaitent pas cette extension et discutent actuellement l’idée d’une majorité des deux tiers. La réflexion n’est pas terminée. Sur ce sujet comme sur le partage par souche, des discussions sont en cours depuis quatre mois avec la Chancellerie. Nous sommes également en train de discuter afin d’adapter l’attribution préférentielle que nous avions introduite l’an dernier.

Nous pourrions donc demander le retrait, d’ici à la séance publique, de la partie polynésienne de cette proposition de loi au profit d’un texte consolidé, dédié à la Polynésie française, qui suivra la révision statutaire prévue l’année prochaine. Le Gouvernement devrait proposer un texte bientôt pour un examen au premier semestre 2019.

Le groupe UDI, Agir et Indépendants est naturellement favorable à l’ensemble de ces mesures. Je tiens à remercier le ministère de la justice avec lequel nous avons bien travaillé tout au long de l’année.

Mme Cécile Untermaier. Je remercie à mon tour notre rapporteur pour le travail qu’il a mené de manière déterminée, avec la compétence qu’on lui connaît. C’est un objet d’intérêt public majeur. La politique foncière, nous le voyons bien, est au cœur de toutes les problématiques. Je salue les garanties de protection que le texte apporte, notamment aux personnes en situation de faiblesse. Le droit de préemption introduit par le Sénat est tout à fait opportun. En revanche, la durée de dix ans exigée pour ouvrir le dispositif dérogatoire de sortie d’indivision me paraît très longue. Il y a urgence à agir dans l’intérêt de tous. Aussi me semblerait-il pertinent de ramener cette durée à cinq ans, même si je sais que vous cherchez à obtenir un vote conforme.

Je salue cette application de l’article 73 de Constitution, qui est à développer pour vivre ensemble de manière consensuelle. Ce texte préfigure la réflexion que nous devrons mener pour l’ensemble du pays, où la question des successions est également majeure. Tous les citoyens sont en souffrance en raison de lenteurs excessives. Nous devrions nous inspirer de vos propositions et les généraliser dans le cadre d’une révision du régime des successions. 

M. Guillaume Vuilletet. Si nous travaillons toujours bien à l’Assemblée nationale, nous travaillons particulièrement bien sur ce texte. (Sourires.) Nous sommes en train de parfaire un bel exemple de co-construction, à la recherche d’un consensus au nom de l’intérêt général. Je tiens à saluer le rapporteur ainsi que la délégation aux outre-mer et son président, M. Olivier Serva, pour leur travail. Même si je n’ai pas pu assister personnellement à la concertation locale, ce que je regrette naturellement, je sais qu’elle a été particulièrement riche et qu’elle a permis de conforter le texte.

Le fait qu’entre un tiers et les trois quarts du foncier communal soient gelés par l’indivision successorale constitue un problème d’aménagement, d’attractivité et de développement économique, un problème environnemental et sanitaire dans la mesure où toute intervention est interdite dans ces secteurs, ainsi qu’un problème d’ordre public puisque ces espaces, sortis du droit en quelque sorte, sont souvent squattés. Nous devons trouver un équilibre entre la nécessité de préserver le droit de propriété et celle de trouver des solutions d’intérêt général. Aujourd’hui, grâce à l’expérimentation proposée, nous approchons d’un équilibre satisfaisant. Mais il ne suffira pas. Il doit trouver une place cohérente, autant dans le Livre bleu des outre-mer que dans le réaménagement du territoire souhaité par le Gouvernement par le biais du plan « Action cœur de ville » et de la reconquête des centres-villes.

Le Sénat a travaillé efficacement. Je salue M. Thani Mohamed Soilihi pour son rapport qui témoigne d’une connaissance aiguë du sujet.

Quelques points restent en discussion. Nous n’avons pas souhaité présenter d’amendements afin de continuer à échanger dans la perspective de la séance publique. Je défends la limitation du dispositif aux successions ouvertes depuis plus de dix ans, plus sécurisée sur le plan constitutionnel, mais aussi parce que le stock de terres est tel qu’il convient d’en traiter une première partie avant de commencer à réfléchir différemment.

Par ailleurs, le cas de la Polynésie française est particulier. Notre collègue Maina Sage a fait un travail considérable lors de la première lecture, comme Mme Lana Tetuanui au Sénat. Se pose aujourd’hui le problème de la succession par souche, sur lequel les discussions se poursuivent. D’ici à la séance publique, nous aurons le temps de proposer un dispositif plus précis. Les discussions avec la Chancellerie sont productives.

Une fois le vote conforme obtenu, ce que je souhaite, nous pourrions réfléchir à ce qui se passe en métropole, où les choses ne sont pas toujours simples non plus.

M. Philippe Gosselin. Les successions ne sont jamais simples. Partout, elles sont révélatrices de tensions au sein des familles, de petits règlements de compte, d’enfances qui remontent à la surface. Au-delà de leur aspect juridique, ces questions comprennent des aspects très humains souvent compliqués. Dans les outre-mer, c’est plus compliqué encore dans la mesure où le droit coutumier rend le statut du foncier très particulier en Nouvelle-Calédonie, où le cadastre est un concept récent et d’application plus récente encore à Mayotte, ou l’insularité de la Polynésie française soulève des difficultés d’envergure.

Dans certains territoires, entre le tiers et les trois quarts du foncier sont bloqués, ce qui pose des problèmes d’aménagement mais aussi de lotissement. Ces terrains pourraient accueillir de nouvelles populations ou, à tout le moins, les populations présentes dans de meilleures conditions. Des logements sociaux pourraient y être construits, par exemple.

Si sortir de l’indivision est toujours délicat, ce qui est tenté ici, au titre de l’article 73 de la Constitution, relève d’une bonne approche. Je remercie notre rapporteur d’avoir travaillé sur ce sujet. Le Sénat a également bien défriché la question. Nous pourrions même arriver à un nouveau vote unanime… Le groupe Les Républicains n’a pas d’opposition de principe sur ce sujet, si ce n’est l’envie, comme d’autres, de laisser un peu de temps au débat pour affiner et ajuster les dispositifs. Notre position n’est pas dogmatique : nous avons le souci de bien faire pour trouver les meilleures solutions. Je tiens à saluer les propos très sages tenus sur la Polynésie française, qui nécessite une approche très singulière et non une simple transposition des dispositions prévues pour les Antilles.

L’approche de cette proposition de loi, qui nous change de textes plus conflictuels, offre la possibilité de desserrer une situation compliquée. Aussi, avant de faire des plans sur la comète, concentrons-nous sur le stock de terres actuel, qui est si important qu’il devrait occuper un certain nombre de services pendant un certain temps.

Mme Justine Benin. Je tiens tout d’abord à féliciter notre rapporteur pour son excellent travail. Comme il l’a dit lui-même, le texte est très attendu par les territoires des outre-mer, par la population, mais aussi par les avocats et les notaires. Parmi les réunions qui ont eu lieu en Guadeloupe, l’une s’est tenue avec vous, monsieur le rapporteur, avec notre collègue Max Mathiasin ainsi qu’avec des avocats et des notaires. De nombreuses questions y ont été posées : au sujet notamment de la proportion de 40 % de terres paralysées en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion, mais aussi à propos des cas concernant un conjoint survivant, des descendants mineurs ou un indivisaire incapable majeur. J’espère que, sur ce texte enrichi par le Sénat, le vote sera conforme.

S’agissant du partage par souche, le problème demeure. Je gage que, la semaine prochaine, nous aurons un débat riche et que nous trouverons un consensus avec les sénateurs.

Quant au droit à la différenciation, notre assemblée doit développer un réflexe « outre-mer », non pas parce que nous quémanderions, mais parce que notre retard de développement est important, comme l’illustre à l’envi ce texte. Il faudra, pour d’autres textes, avoir ce réflexe, non pas, j’y insiste, parce que nous quémanderions, mais pour que, sur l’ensemble des territoires de la République, il y ait une égalité et un traitement juste des populations.

M. Sébastien Huyghe. La situation foncière outre-mer est la conséquence de problèmes successoraux qui n’ont pas été réglés dans beaucoup de familles pendant plusieurs générations. La transmission s’effectuait par tradition, sans portée administrative. Aujourd’hui, lorsque des habitants veulent vendre leur propriété foncière, les professionnels sont incapables de retrouver l’intégralité des indivisaires. À cette situation exceptionnelle doivent répondre des mesures exceptionnelles. Le texte que nous examinons va dans le bon sens en facilitant les choses, grâce à des solutions pragmatiques. Dans le cadre de la discussion en séance publique, nous pourrons aller plus loin et affiner les propositions pour trouver des solutions supplémentaires et régler une situation catastrophique.

M. Jean-Félix Acquaviva. Je m’inscris tout à fait dans le sens du travail effectué par le rapporteur, les acteurs du terrain et notre collègue Maina Sage. Ce texte est le fruit d’une façon particulière de travailler, souhaitable quand les différences territoriales sont objectives, en ce qu’elle permet d’aboutir à une unanimité de bon aloi. Je parle sans mal de ce sujet puisque nous avons, en Corse, le même nombre de biens indivis qu’outre-mer : ne pas maîtriser son foncier, aussi bien privé que public, c’est subir l’effet d’un étau mortifère, qui empêche l’installation d’entreprises ou de logements. Qui plus est, s’agissant des biens titrés littoraux, la spéculation immobilière accentue la rareté foncière et la rend encore plus aiguë. Le temps de transmission devient également plus long puisqu’il est ici question de plusieurs générations.

S’ajoute à cela une question de politique fiscale de droit commun : titrer les biens d’héritiers exonérés d’impôt les plongerait dans une situation difficile. En Corse, 80 % des biens en indivision sont dans l’intérieur des terres et non sur le littoral, où l’activité économique est évidente. Il faudra donc se poser aussi la question de l’adaptation fiscale.

Le principe de différenciation demande une grande compréhension dans l’échange technique et politique entre les territoires, l’exécutif et le Parlement. Lors de l’examen du projet de loi constitutionnelle, nous aurons de nouveau ces débats qui sont nécessaires pour garantir un développement réel des territoires, en prenant en compte ce qu’ils sont et en entendant leurs spécificités : elles ne se décrètent pas d’en haut, elles se comprennent grâce à un échange respectueux. Lorsque nous parlons de foncier ou de fiscalité du patrimoine, ce n’est pas pour déroger à l’impôt – nous avons souvent été incompris à ce sujet –, mais pour adapter les différents outils, afin de traiter une situation devenue véritablement impossible qui crée des tensions sociales et politiques.

Nous soutenons totalement ce premier pas, qui représente un travail important. Même si un toilettage sera sans doute nécessaire et qu’il faudra laisser une place au débat sur la question de l’aménagement, je note avec plaisir le consensus fort qui s’est fait autour de la proposition de loi.

La Commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi.

TITRE Ier (DIVISION ET INTITULÉ suppriméS)
Dispositions relatives aux collectivités régies par l’article 73 de la Constitution et à Saint-Pierre-et-Miquelon

Article 1er : Champ d’application de la proposition de loi

La Commission adopte larticle sans modification.

Article 2 : Procédure de notification de la décision de vente ou de partage

La Commission adopte larticle sans modification.

Article 2 bis (art. 750 bis C du code général des impôts) : Exonération des droits portant sur les actes de partage des indivisions

La Commission adopte larticle sans modification.

TITRE II (DIVISION ET INTITULÉ suppriméS)
Dispositions relatives à la Polynésie française

Article 5 A : Autorisation du partage par souche en Polynésie française

La Commission adopte larticle sans modification.

Article 5 : Conditions de l’attribution préférentielle du bien au conjoint survivant ou au copropriétaire qui y réside

La Commission adopte larticle sans modification.

Article 6 : Conséquences de l’omission d’un héritier sur le partage intervenu

La Commission adopte larticle sans modification.

La Commission adopte, à lunanimité, lensemble de la proposition de loi sans modification. (Applaudissements.)

M. Stéphane Mazars, président. Ces applaudissements, monsieur le rapporteur, récompensent le travail que vous avez effectué et qui a été salué par l’ensemble de nos collègues. Nous suivrons avec beaucoup d’intérêt le cheminement de ce texte.

M. Serge Letchimy, rapporteur. Je tiens à remercier tous les intervenants. Nous n’avons pas fait un simple pas technique ou juridique ; nous avons fait un pas dans la construction de la loi. Qui plus est, nous envoyons un signal à l’Hexagone : les territoires d’outre-mer peuvent lui apporter beaucoup. Je suis persuadé que nombre de parlementaires demanderont l’application de ce texte au niveau national. Nous allons « inverser l’inversion », comme disait Aimé Césaire, en considérant que le ruissellement législatif ne se fait pas vers l’outre-mer, par des tropicalisations hasardeuses, mais depuis l’outre-mer. Le génie d’expression de la loi construite localement est tel qu’elle peut tout aussi bien apporter une contribution à la Bretagne ou à l’Alsace. Ce doit être cela, la différenciation. Elle n’est pas une question purement institutionnelle non plus qu’un séparatisme politique : c’est reconnaître que la diversité est plus une richesse qu’un handicap.

M. Philippe Gosselin. C’est un état d’esprit !

M. Serge Letchimy, rapporteur. Or, aujourd’hui, on considère plutôt l’outre-mer comme un handicap, où l’on veut compenser, aider et donner la main. C’est faux ! Cela n’a pas de sens. Il faut, avant tout, que la France, la République – si je suis autonomiste, je suis aussi républicain – voie que ce genre de processus favorise une politique de reconnaissance des peuples par eux-mêmes. C’est en redonnant de la personnalité, de la reconnaissance, de l’intégrité et de la dignité à ces populations que nous cheminerons de mieux en mieux et que nous lutterons contre l’assistanat, notamment. Il faut restituer à nos peuples le droit de créer. Ce n’est pas du séparatisme. Cet excellent texte a été conçu par des parlementaires, mais surtout par des personnalités locales – notamment une jeune notaire, Mme Samantha Chevrolat. Aujourd’hui, il pourrait ruisseler dans toute la France. J’espère que cela permettra de travailler en toute fraternité, pour aller vers ce qu’Aimé Césaire appelait de ses vœux : une nouvelle humanité intégrant la différence.

M. Stéphane Mazars, président. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, pour cette belle conclusion.

*

*     *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de ladministration générale de la République vous demande dadopter, en deuxième lecture, la proposition de loi, modifiée par le Sénat, visant à faciliter la sortie de lindivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer, dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.


([1]) Un projet de loi organique portant modification du statut d’autonomie de la Polynésie française a été soumis à l’avis de l’assemblée de la Polynésie française par lettre du haut-commissaire de la République en date du 24 octobre 2018 (voir l’avis n° 2018-14 A/APF du 15 novembre 2018) et devrait prochainement être inscrit à l’ordre du jour du Conseil des ministres. Il sera accompagné d’un projet de loi ordinaire.

([2]) L’article 73 de la Constitution reconnaît, à son premier alinéa, l’opportunité de dispositifs dérogatoires outre-mer plus qu’ailleurs : « Dans les départements et les régions doutre-mer, les lois et règlements sont applicables de plein droit. Ils peuvent faire lobjet dadaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités. »

([3]) Les successions ne présentant pas de difficulté particulière auront donc vocation à être réglées suivant les règles du droit commun. Seuls les dossiers dont la durée laisse présumer un obstacle difficilement franchissable pourront se voir appliquée la procédure dérogatoire.

([4]) Des dispositions particulières s’appliquent aux terres agricoles et aux immeubles corses qui requièrent des majorités qualifiées des deux tiers des droits indivis pour leur disposition.

([5]) L’histoire et les déficiences passées sont responsables de cet état de fait particulier.

([6]) Les règles relatives à l’absence figurent aux articles 112 et suivants du code civil.

([7]) Rapport n° 379 (2017-2018) de M. Thani Mohamed Soilihi, fait au nom de la commission des Lois du Sénat, déposé le 28 mars 2018.

([8]) Article 815-14 du code civil.

([9]) Notamment l’alinéa 4 de l’article 815‑5‑1 du code civil.

([10]) Contrairement à l’Assemblée nationale, le rapporteur du Sénat a estimé que l’application de l’article 815‑14 prévoyant le droit de préemption n’était pas certaine dans le régime dérogatoire institué par la proposition de loi, et qu’il convenait en conséquence d’en faire expressément état.

([11]) Issu de la loi n° 2017‑1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017.

([12]) Cass. 2e civ, 13 septembre 2007, pourvoi n° 06-15.646.

([13]) Proposition n° 25 du rapport d’information du 23 juin 2016 de la délégation sénatoriale à l’outre-mer (n° 721, 2015-2016) sur la sécurisation des droits fonciers dans les outre-mer (M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur coordonnateur ; MM. Mathieu Darnaud et Robert Laufoaulu, rapporteurs).

([14]) Les articles 2261 et 2272 du code civil permettent d’acquérir la propriété par « une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire » au bout de dix ans pour « celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble ».