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N° 1547

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 décembre 2018.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI portant mesures d’urgence économiques et sociales,

 

VOLUME I
AVANT-PROPOS, COMMENTAIRES D’ARTICLES ET ANNEXE

 

 

Par MOlivier VÉRAN,

 

 

Député.

 

——

 

 

 

 

Voir le numéro :

Assemblée nationale :  1516.


 


—  1  —

  SOMMAIRE

___

Pages

Avant-propos

Commentaires d’articles

Article 1er Exonération sociale et fiscale de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat

I. Une exonération de prime exceptionnelle déjà expérimentée par le passé

A. Une dérogation au principe d’assujettissement des primes et gratifications

B. Les précédents appliqués en matière d’exonération de prime exceptionnelle

II. L’exonération d’une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat

A. La création d’une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat

B. Les conditions de l’exonération de la prime

1. Les conditions légales

2. Les conditions renvoyées à la négociation d’entreprise

C. Le champ de l’exonération de la prime

III. Un gain substantiel et immédiat de pouvoir d’achat

Article 2 Exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires

I. la rémunération des heures supplémentaires est soumise À un régime fiscal et social de droit commun

A. l’application des règles sociales et fiscales de droit commun

1. Les prélèvements sociaux

a. Les cotisations sociales

b. Les autres prélèvements sociaux

2. L’assujettissement à l’impôt sur le revenu

B. L’exonération de cotisations sociales prévue par le pLFSS pour 2019

II. Le présent article propose d’exonérer les heures supplémentaires d’impÔt sur le revenu et de cotisations sociales dès le 1er janvier 2019

A. Une anticipation de l’exonération de cotisations sociales au 1er janvier

B. Une nouvelle exonération fiscale

C. Un effet massif de l’ensemble du dispositif sur le pouvoir d’achat

Article 3 Rétablissement de la CSG à 6,6 % pour certains titulaires  de revenus de remplacement

I. la suppression en LFSS 2018 des cotisations salariales d’assurance maladie et d’assurance chômage, financée par une augmentation du taux normal de csg, a amplifié des effets de seuil corrigés en lfss 2019.

A. les dispositions de la lfss 2018

1. La « bascule » opérée en 2018 est favorable au pouvoir d’achat des actifs.

2. Les taux de CSG nul ou réduit applicables aux revenus de remplacement modestes n’ont pas été augmentés.

B. les dispositions de la lfss 2019

1. Le relèvement du taux normal de CSG sur les revenus de remplacement a renforcé les effets du franchissement du seuil d’application de ce taux.

2. Les effets de franchissement de seuil ont été tempérés par l’article 14 de la LFSS 2019.

II. le droit proposé

A. philosophie générale

B. détails du dispositif juridique proposé

1. La création d’un taux de 6,6 % pour certains pensionnés

2. Diverses dispositions de conséquence

a. Les règles de déductibilité de la CSG à 6,6 % pour l’établissement de l’impôt sur le revenu

b. Les règles d’affectation de la CSG à 6,6 %

c. Une correction rédactionnelle

Article 4 Remise au Parlement d’un rapport sur la revalorisation de la prime d’activité

Annexe : Textes susceptibles d’être modifiés à l’occasion de l’examen du projet de loi


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   Avant-propos

« C’est d’abord l'état d'urgence économique et sociale que je veux décréter aujourd'hui. Nous voulons bâtir une France du mérite, du travail, une France où nos enfants vivront mieux que nous. »

● Annoncé le 10 décembre 2018 par le Président de la République, l’état d’urgence économique et sociale trouve une traduction immédiate dans le présent projet de loi.

Le contexte social inédit de l’automne 2018 rend cette réponse législative urgente et indispensable. Urgente, car l’ensemble des mesures annoncées par le Président de la République sont désormais attendues par les Français et devront entrer en vigueur en janvier 2019. Indispensable, car la valorisation du travail et le soutien résolu au pouvoir d’achat constituent une priorité que nul ne peut nier aujourd’hui.

● Les choix opérés dans ce projet de loi tirent les conséquences claires de ce contexte. Le texte apporte une réponse sans précédent à la détresse des uns, à l’impatience des autres. Il traduit l’écoute d’une colère qui rend plus que jamais nécessaire le dépassement des clivages politiques traditionnels et exclut tout statu quo. Surtout, il concrétise un effort inédit en faveur du pouvoir d’achat, mobilisant 4 milliards d’euros au profit des actifs comme des retraités, s’ajoutant aux 6 milliards d’euros d’ores et déjà réorientés en faveur du pouvoir d’achat dans le projet de loi de finances pour 2019.

Les quatre mesures présentées au Parlement amplifient la trajectoire suivie par la majorité depuis le début de la législature. Elles associent à des mesures expérimentées par le passé – telle que la défiscalisation des heures supplémentaires – des mesures inédites, telles que l’exonération intégrale d’une prime exceptionnelle ou une revalorisation de très grande ampleur de la prime d’activité. Elles reviennent aussi, pour certaines, sur des dispositions dont l’entrée en vigueur a provoqué une amertume et un sentiment d’injustice qu’il nous appartient de corriger.

● L’écoute et la lucidité ne sont pas les parents pauvres du débat parlementaire. Elles conditionnent la concrétisation du projet choisi par les Français en 2017. Sans renoncement ni aveuglement, les responsables politiques s’honorent à redonner toute sa légitimité à la parole citoyenne, plutôt qu’à l’instrumentaliser ou la dévoyer.

Certains pourraient assimiler le contexte social actuel à une fatalité. Nous y voyons résolument, pour notre part, une opportunité : l’opportunité de garantir à chaque Français la capacité à vivre dignement de son travail ; l’opportunité de donner toute sa force au dialogue quotidien entre les responsables politiques et les citoyens ; l’opportunité, enfin, de retisser le fil d’une cohésion sociale affaiblie par des décennies de mesures et de débats politiques ayant montré leurs limites.

● Cette opportunité trouve une concrétisation immédiate dans les quatre articles du projet de loi portant mesures d’urgence économiques et sociales.

L’article 1er met en place une exonération de prime exceptionnelle de pouvoir d’achat. Cette exonération n’est pas inédite dans son principe mais elle l’est dans son champ : contrairement aux dispositifs antérieurs, elle dépassera les seules cotisations de sécurité sociale et exclura tout assujettissement aux contributions sociales, aux contributions et taxes relatives à la formation professionnelle et à l’impôt sur le revenu. Elle bénéficiera par ailleurs aux salariés des établissements publics industriels et commerciaux (ÉPIC), et non aux seuls salariés des employeurs de droit privé.

L’article 2 anticipe au 1er janvier l’exonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires et complémentaires qui devait entrer en vigueur au 1er octobre et les exonère d’impôt sur le revenu à la même date afin d’amplifier le gain de pouvoir d’achat pour les salariés et fonctionnaires qui travaillent au-delà de la durée légale. 

L’article 3 annule l’augmentation de contribution sociale généralisée (CSG) subie en 2018 par les retraités dont la pension mensuelle nette était comprise entre environ 1 400 euros et 2 000 euros. Entre ces seuils, le taux de CSG sera donc à l’avenir de 6,6 % ; il restera réduit (3,8 %) ou nul en-deçà, et normal (8,3 %) au-delà. Près de la moitié des 8 millions de foyers ayant supporté une hausse de CSG en 2018 verront donc leur situation ancienne rétablie, au prix d’un effort considérable pour nos finances publiques (1,5 milliard d’euros).

L’article 4, enfin, dans un souci louable de transparence, prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement, au plus tard six mois après l’entrée en vigueur du présent texte, qui dressera un bilan approfondi et complet de la mesure de revalorisation prise par le Gouvernement au niveau réglementaire sur la prime d’activité. Outre les effets directs de la hausse sur ses bénéficiaires, le rapport documentera également des pistes de réforme pour faciliter encore davantage le recours à ce dispositif.

*

*     *

 

 


—  1  —

   Commentaires d’articles

La commission des affaires sociales a adopté le projet de loi modifié. En conséquence, elle demande à l’Assemblée nationale de l’adopter dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport (http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/ta-commission/r1547-a0.pdf).

Article 1er
Exonération sociale et fiscale de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat

Adopté par la commission avec modifications

L’article 1er définit les paramètres de l’exonération sociale et fiscale de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat annoncée par le Président de la République le 10 décembre 2018.

Dérogeant à l’assujettissement par principe aux cotisations sociales des primes et gratifications versées par l’employeur au salarié, ainsi qu’à leur imposition au titre de l’impôt sur le revenu, le nouveau dispositif consiste en une double exonération sociale et fiscale pour les primes exceptionnelles versées aux salariés.

L’exonération prévue à cet article s’inscrit dans la lignée de celle applicable aux primes exceptionnelles prévues par le passé, dans un objectif identique de pouvoir d’achat immédiat. Elle en reprend ainsi les principaux paramètres, avec un encadrement dans le temps, un plafonnement et le respect impératif du principe de non-substitution aux éléments de salaire.

À la différence des dispositifs antérieurs, néanmoins, l’exonération sociale s’étendra à l’ensemble des contributions sociales – CSG et CRDS comprises – et sera doublée d’une exonération fiscale.

Dans le détail, l’exonération prévue à cet article :

– s’appliquera dans la limite de 1 000 euros par salarié. Les primes supérieures pourront donc être versées mais sans exonération pour la fraction excédant 1 000 euros ;

– bénéficiera aux salariés des employeurs de droit privé lorsque leur rémunération est inférieure à 3 SMIC ;

– couvrira les primes versées du 11 décembre 2018 au 31 mars 2019 ;

– portera sur les cotisations de sécurité sociale, mais aussi sur la CSG, la CRDS, le forfait social et les contributions et taxes dues au titre de la formation professionnelle et de l’apprentissage.

I.   Une exonération de prime exceptionnelle déjà expérimentée par le passé

A.   Une dérogation au principe d’assujettissement des primes et gratifications

● Les primes et gratifications recouvrent une multitude de dispositifs incluant notamment les primes de fin d’année, le treizième mois ou les primes de vacances. Elles constituent des avantages en argent versés à l’occasion d’un travail.

La jurisprudence en distingue deux catégories principales :

– les gratifications bénévoles, accordées et fixées librement par l’employeur, à condition de respecter l’égalité entre salariés. Elles constituent une libéralité et peuvent être supprimées ou modifiées unilatéralement par l’employeur Lorsqu’une gratification répond à un usage constant, fixe et général, néanmoins, elle devient un élément normal et permanent du salaire et cesse alors d’être une libéralité ;

– les gratifications obligatoires, qu’elles soient prévues par convention ou accord collectif, contrat individuel de travail ou engagement unilatéral de l’employeur. L’employeur peut en subordonner le versement aux conditions de son choix, pourvu qu’elles soient licites.

● Ces primes et gratifications constituent un élément de rémunération du salarié, au même titre que tout autre avantage consenti en contrepartie ou à l’occasion d’un travail tel qu’un salaire ou un avantage en nature.

Elles entrent donc logiquement dans le champ d’assujettissement aux cotisations de sécurité sociale – et, plus largement, à l’ensemble des cotisations et contributions sociales.

Elles entrent tout aussi logiquement dans l’assiette de l’impôt sur le revenu (IR).

● Certaines exceptions au principe d’assujettissement des primes ont néanmoins été définies par le législateur ou la jurisprudence.

Ces exceptions couvrent notamment :

– les primes liées à l’intéressement et à la participation des salariés aux résultats de l’entreprise, lorsqu’elles sont attribuées dans le cadre d’un accord collectif ;

– les gratifications versées à l’occasion de la remise de la médaille d’honneur du travail ;

– les indemnités assimilées à des dommages et intérêts, par exemple en cas de licenciement.

L’exonération de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat emporterait donc une exception supplémentaire.

B.   Les précédents appliqués en matière d’exonération de prime exceptionnelle

Cinq dispositifs de primes exceptionnelles ont été appliqués depuis 2006, renvoyant à la négociation collective leur mise en œuvre et la définition de leurs principaux paramètres.

Les dispositifs antérieurs de primes exceptionnelles exonérées

Intitulé

Source

Montant maximum exonéré de cotisations sociales

Bonus exceptionnel

Loi de financement de la sécurité sociale pour 2006

1 000 euros par salarié*
(pour les versements intervenus jusqu’au 31 juillet 2006)
+ exonération d’IR lorsque la somme est affectée, en tout ou partie, au plan d’épargne d’entreprise

Prime exceptionnelle

Loi du 12 février 2008 pour le pouvoir d’achat

1 000 euros par salarié*
(pour les versements intervenus jusqu’au 30 juin 2008 dans les entreprises non assujetties à l’obligation de mise en place de la participation)

Prime exceptionnelle

Loi du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail

1 500 euros par salarié*
(pour les versements intervenus jusqu’au 30 septembre 2009)

+ exonération d’IR lorsque la somme est affectée, en tout ou partie, à un plan d’épargne salariale

Bonus exceptionnel outre-mer

Loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer

1 500 euros par an et par salarié*
(appliqué jusqu’au 31 décembre 2013)

Prime de partage
des profits

Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011

1 200 euros par an et par salarié**

Négociation obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés ayant augmenté la part de rémunération du capital attribuée aux actionnaires

Négociation facultative dans les entreprises de
moins de 50 salariés

* : Exonération sociale à l’exception de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS).

** : Exonération sociale à l’exception de la CSG, de la CRDS et du forfait social.

Source : commission des affaires sociales.

Prolongeant l’esprit des dispositifs antérieurs, la nouvelle prime de pouvoir d’achat se distinguera toutefois par l’ampleur de l’exonération sociale et son doublement par une exonération fiscale.

II.   L’exonération d’une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat

« Je demanderai à tous les employeurs qui le peuvent de verser une prime de fin d’année à leurs employés et cette prime n'aura à acquitter ni impôt ni charge. »

Annoncée dans le discours du Président de la République le 10 décembre 2018, la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat voit ses paramètres et le champ de son exonération précisés à l’article 1er du projet de loi.

A.   La création d’une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat

Le I de l’article 1er inscrit dans la loi le principe d’une « prime exceptionnelle de pouvoir d’achat ».

Le champ de cette prime couvrira tous les employeurs soumis à l’obligation d’affiliation à l’assurance chômage. Contrairement aux dispositifs antérieurs, limités aux seuls employeurs de droit privé, les salariés des établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) pourront donc bénéficier de la prime exceptionnelle.

Il reviendra à chaque entreprise optant pour sa mise en œuvre de fixer son montant et de définir le champ des bénéficiaires, le versement pouvant être :

– généralisé à l’ensemble des salariés ;

– limité à certains salariés, le seul critère pouvant justifier cette distinction étant celui de la rémunération.

Outre l’hexagone, l’ensemble des départements ultra-marins entreront dans le champ du dispositif, ainsi que Saint-Pierre-et-Miquelon (III), Saint-Martin et Saint-Barthélemy.

B.   Les conditions de l’exonération de la prime

Pour ouvrir droit à l’exonération sociale et fiscale, le versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat doit respecter un ensemble de conditions relevant soit du niveau légal (II), soit de la négociation d’entreprise (III).

1.   Les conditions légales

La prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, qui pourra être versée à tout salarié quelle que soit sa rémunération, s’accompagnera d’un régime d’exonération spécifique pour les salariés dont la rémunération est inférieure à 3 SMIC annuels ([1]), soit 3 600 euros nets par mois.

Cette exonération s’appliquera aux primes versées dans la limite de 1 000 euros par bénéficiaire. Si le montant de la prime reste fixé librement par l’entreprise, seule sa fraction inférieure à 1 000 euros entrera donc dans le champ de l’exonération.

Pour en bénéficier, le versement de la prime devra respecter quatre conditions cumulatives inscrites au niveau légal (II) :

– le salarié devra avoir été présent dans l’entreprise au 31 décembre 2018 ([2]) () ;

– la modulation du montant de la prime versée ne pourra reposer que sur des critères liés au niveau de rémunération, à la durée de présence effective en 2018 et à la durée de travail prévue dans le contrat ().

– le versement de la prime devra avoir été effectué entre le 11 décembre 2018 et le 31 mars 2019 () ;

– le versement de la prime ne pourra se substituer à des augmentations de rémunération ou à tout élément de rémunération. Cette clause de non-substitution interdit un versement de la prime () :

2.   Les conditions renvoyées à la négociation d’entreprise

Les autres conditions et paramètres de la prime de pouvoir d’achat sont renvoyés à la négociation collective d’entreprise (III)

Un accord d’entreprise précisera ainsi :

– le montant de la prime ;

– le champ de la prime. Elle pourra être attribuée à l’ensemble des salariés, ou aux seuls salariés dont la rémunération est inférieure à un plafond défini par l’accord ;

– les critères de modulation. Cette dernière permettra d’adapter le niveau de la prime à la rémunération et de prendre en compte le cas des salariés embauchés en cours d’année 2018 ou n’effectuant pas un temps plein ;

Par exception au renvoi précité à la négociation d’entreprise, et jusqu’au 31 janvier 2019, l’employeur pourra définir l’ensemble de ces paramètres par décision unilatérale. Il devra alors en informer, avant le 31 mars 2019, le comité social et économique (CSE), le comité d’entreprise, les délégués du personnel ou la délégation unique du personnel, s’ils existent.

C.   Le champ de l’exonération de la prime

L’exonération de la prime prévue à l’article 1er se démarque nettement des dispositifs antérieurs par son caractère intégral, traduisant fidèlement l’annonce présidentielle (IV).

Elle est ainsi inédite à au moins trois titres :

– l’exonération sociale portera sur l’ensemble des cotisations et contributions d’origine légale ou conventionnelle, excluant donc également
– contrairement aux dispositifs précédents – l’assujettissement à la contribution sociale généralisée, à la contribution au remboursement de la dette sociale et au forfait social. Figurant en dehors d’une loi de financement de la sécurité sociale (LFSS), et ne faisant pas partie des exceptions prévues à l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, cette exonération devra être compensée à la sécurité sociale ;

– l’exonération sociale sera doublée d’une exonération fiscale, excluant toute imposition au titre de l’IR ;

– l’exonération s’étendra aux contributions prévues en matière de formation professionnelle et d’apprentissage, recouvrant différentes taxes et contributions selon que la prime a été versée fin 2018 ([3]) ou début 2019 ([4]) afin de tirer les conséquences de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel ([5]). Elle inclura également dans son champ la participation des employeurs à l’effort de construction prévue à l’article 235 bis du code général des impôts.

III.   Un gain substantiel et immédiat de pouvoir d’achat

L’ensemble des paramètres constitutifs du nouveau dispositif font de la prime de pouvoir d’achat un levier immédiat de pouvoir d’achat, qu’il s’agisse :

– de l’échéance retenue, avec une obligation de versement rapide, au plus tard à la fin de l’hiver 2018-2019 ;

– du champ de l’exonération, dépassant celui appliqué lors des dispositifs antérieurs ;

– du ciblage de l’exonération sur les salariés dont la rémunération est inférieure à 3 SMIC, couvrant ainsi 90 % des salariés, et laissant de côté ceux dont la propension marginale à consommer est la moins élevée ;

– de l’interdiction de se substituer au salaire, aux primes ou aux augmentations de rémunération ;

– de l’éligibilité de l’ensemble des salariés de l’entreprise à la prime, quel que soit leur niveau de rémunération. Le plafond de 3 SMIC retenu à cet article conditionne la seule exonération, et non le bénéfice de la prime elle-même.

Cette mesure est d’autant plus attendue et bienvenue qu’elle n’emporte aucune perte de recettes pour la sécurité sociale. Il s’agit davantage d’un manque à gagner, qui se justifie totalement par l’objectif d’une injection immédiate et substantielle de pouvoir d’achat.

La prime de pouvoir d’achat reçoit en ce sens le soutien sans réserve du rapporteur. Analysée à l’aune de la bascule du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) en allègement pérenne de cotisations sociales patronales, la prime apparaît d’autant plus justifiée qu’elle permettra aux employeurs de redéployer vers leurs salariés les effets positifs constatés sur leur trésorerie en 2019.

Les premiers engagements de grandes entreprises, dès le lendemain de l’annonce du Président de la République, ne peuvent que conforter cette analyse.

*

À l’initiative du rapporteur général, la commission des affaires sociales a adopté trois amendements visant à :

– garantir l'éligibilité à la prime exceptionnelle de l'ensemble des salariés liés par un contrat de travail au 31 décembre 2018, afin notamment de garantir son bénéfice aux salariés en congé maternité ou congé formation ;

– étendre les possibilités de moduler le montant de la prime selon les paramètres définis par la négociation collective ;

– permettre à un accord de groupe – et non au seul accord d'entreprise – de prévoir le versement et les paramètres de la prime exceptionnelle.

*

*     *

Article 2
Exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires

Adopté par la commission sans modification

L’article 2 procède, dans le prolongement des mesures votées dans le cadre du PLFSS pour 2019 et des annonces du Président de la République, à une exonération de l’ensemble des cotisations sociales et de l’impôt sur le revenu applicables aux rémunérations issues d’heures supplémentaires ou complémentaires dès le 1er janvier 2019 pour l’ensemble des salariés et agents publics.

Ce faisant, l’article anticipe donc l’exonération sociale déjà prévue à compter du 1er septembre prochain et crée une nouvelle exonération fiscale, afin d’amplifier les gains de pouvoir d’achat des actifs concernés.

I.   la rémunération des heures supplémentaires est soumise À un régime fiscal et social de droit commun

Les heures supplémentaires et complémentaires

Le régime des heures supplémentaires et complémentaires ayant fait l’objet d’importants développements du rapporteur général dans le cadre de l’examen de l’article 7 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, on pourra utilement s’y reporter, sans préjudice du rappel des règles essentielles ci-dessous.

Pour les salariés à temps complet, la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet fixée à 35 heures hebdomadaires peut être dépassée dans le respect des durées maximales de travail et minimales de repos. Ce dépassement s’effectue dans le cadre d’heures dites « supplémentaires » qui sont contingentées ([6]) afin que le contrat de travail ne soit pas dénaturé ([7]).

Elles sont toujours décidées, même implicitement, par l’employeur et les salariés ne bénéficient pas d’un « droit aux heures supplémentaires », sauf convention contraire. L’ensemble des salariés et des employeurs soumis à la réglementation de la durée du travail peuvent effectuer des heures supplémentaires, sauf pour les salariés sous convention de forfait en jours ([8]).

Ce dépassement de la durée légale du travail comporte nécessairement des contreparties : elles doivent donner lieu à une rémunération majorée dont le taux, fixé par accord collectif, ne peut être inférieur à 10 %. À défaut d’accord, le taux de la majoration est fixé à 25 % pour chacune des huit premières heures puis à 50 % au-delà. Il est également possible de compenser l’accomplissement de ces heures par un repos compensateur, et obligatoire de le faire au-delà du contingent.

Pour les salariés à temps partiel, les heures complémentaires sont en quelque sorte l’équivalent des heures supplémentaires, sous les réserves qui suivent.

Elles ne peuvent en principe excéder 10 % du temps de travail prévu par le contrat ([9]), sauf accord collectif portant cette durée à un tiers au plus des heures prévues au contrat de travail ([10]). En contrepartie, la rémunération des heures complémentaires est majorée de 10 % lorsqu’elles n’excèdent pas le dixième du temps de travail initial, et de 25 % au-delà ([11]).

A.   l’application des règles sociales et fiscales de droit commun

Par commodité, le présent commentaire évoquera le régime social et fiscal des « heures supplémentaires/complémentaires », sans jamais perdre de vue que ce sont les rémunérations auxquelles ces dernières donnent lieu qui sont concernées.

Les heures supplémentaires et complémentaires, après avoir connu un régime fortement dérogatoire au droit commun entre 2007 ([12]) et 2012 ([13]), se voient appliquer les mêmes règles que les autres formes de traitement et rémunération.

1.   Les prélèvements sociaux

Les heures supplémentaires ou complémentaires, comme les autres éléments de salaire, donnent lieu, dans les conditions précitées, à une rémunération, elle-même soumise aux prélèvements sociaux.

a.   Les cotisations sociales

Après la suppression de la cotisation salariale maladie au 1er janvier 2018 (0,75 %) et celle de la cotisation d’assurance chômage partielle depuis cette même date et totale depuis le 1er octobre 2018, les heures supplémentaires et complémentaires demeurent soumises aux seules cotisations :

– d’assurance vieillesse de base à hauteur de 6,90 % dans la limite du plafond annuel de la sécurité sociale (PASS : 39 732 euros) et 0,40 % au-delà ;

– d’assurance vieillesse complémentaire dans des conditions révisées par l’accord national interprofessionnel du 30 octobre 2015.

Les taux de cotisations salariales dans le cadre du régime unifié de retraite complémentaire (AGIRC-ARRCO)

À compter du 1er janvier 2019, le nouveau régime ne comportera plus que deux tranches de rémunérations :

– une première tranche (T1), pour les rémunérations n’excédant pas le plafond annuel de la sécurité sociale (PASS), dont le taux effectif de cotisation salariale ([14]) est de 3,15 % ;

– une seconde tranche (T2), pour les rémunérations supérieures, dont le taux effectif de cotisation salariale est de 8,64 %.

S’ajoutent à ces cotisations :

– une contribution d’équilibre général (CEG), succédant aux contributions dites « AGFF » et « GMP » ([15]) dont les taux effectifs sont fixés à 0,86 % pour la tranche 1 et 1,08 % pour la tranche 2 ;

– une contribution d’équilibre technique (CET), succédant à l’ancienne contribution exceptionnelle et temporaire (également dite « CET »), dont le taux effectif est de 0,14 % à la charge du salarié ;

– la cotisation recouverte pour le compte de l’Association pour l’emploi des cadres – dite « cotisation APEC » – dont le taux est de 0,02 % jusqu’à 4 PASS (158 928 euros).

b.   Les autres prélèvements sociaux

Les heures supplémentaires et complémentaires sont soumises également, comme les autres éléments de salaires, à la contribution sociale généralisée (9,2 %) et à la contribution pour le remboursement de la dette sociale (0,50 %) sur une assiette correspondant à 98,25 % du salaire brut jusqu’à 4 PASS, et 100 % au-delà.

2.   L’assujettissement à l’impôt sur le revenu

Les heures supplémentaires ou complémentaires sont déclarées comme tous les autres revenus d’activité dans la déclaration annuelle des revenus, et sont par conséquent intégrées dans le calcul de tous les autres dispositifs reposant sur le revenu déclaré pour l’établissement de l’impôt sur le revenu (prime d’activité, seuil de revenu fiscal de référence, …).

B.   L’exonération de cotisations sociales prévue par le pLFSS pour 2019

L’article 7 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 met en œuvre l’engagement pris lors de la campagne présidentielle d’exonérer de cotisations sociales les heures supplémentaires et complémentaires. Tout en se distinguant sur un plan essentiellement technique du mécanisme retenu en 2007 dans le cadre de la loi dite « TEPA » ([16]), cette exonération devait entrer en vigueur au 1er septembre 2018.

Sans reprendre le détail du dispositif qui a fait l’objet d’un commentaire complet dans le rapport législatif sur le PLFSS 2019 ([17]), suivi d’un vote conforme par le Sénat, il s’agit de rappeler ici qu’il s’agissait d’une première étape très significative en termes de pouvoir d’achat pour les salariés.

● Le champ des heures concernées était largement ouvert pour les salariés relevant du code du travail :

– heures supplémentaires « classiques », y compris celles effectuées par les salariés ayant signé une convention de forfait en heures sur la semaine ou le mois ;

– heures supplémentaires spécifiques des salariés en convention de forfait annuel en heures pour les heures effectuées au-delà de 1 607 heures ‑ généralement cadres non-dirigeants ou non-cadres autonomes ;

– les heures accomplies au-delà de la durée légale – ou de celle définie par accord collectif – par les salariés ayant demandé le bénéfice d’une réduction de la durée de travail pour besoins personnels ;

– les heures effectuées au-delà de la période de référence pour les salariés travaillant dans une entreprise ayant mis en place un dispositif d’aménagement du temps de travail ;

– les jours de travail effectués à la place des jours de repos – lorsque le salarié y a renoncé – au-delà de 218 jours, dans le cadre de conventions de forfait annuel en jours ;

– les heures complémentaires effectuées par les salariés à temps partiel ; les heures supplémentaires effectuées par les salariés des particuliers employeurs ;

– les heures supplémentaires ou complémentaires effectuées par les assistants maternels ou encore celles effectuées par les autres salariés dont la durée de travail ne relève ni du code du travail ni du code rural et de la pêche maritime, mais est fixée par la convention collective applicable.

● La mesure s’appliquait très largement en termes de publics visés puisqu’elle concernait, outre les salariés relevant du code du travail, les salariés agricoles, dans les mêmes conditions que les autres salariés, ainsi que les agents publics et salariés des régimes spéciaux pour les heures supplémentaires comme complémentaires, dans des conditions qui devaient être précisées par voie réglementaire.

● Enfin, fixé par voie réglementaire, le montant de l’exonération sociale n’était pas plafonné, contrairement au choix qui avait été fait en 2007 ([18]), si bien que celle-ci « neutralisait » ([19]) complètement l’ensemble des cotisations auxquelles sont encore soumises les heures supplémentaires et complémentaires (cotisations vieillesse de base et complémentaire notamment, voir ci-dessus) ; le texte adopté permettait, selon des modalités adaptées, d’atteindre le même résultat pour les fonctionnaires et les agents contractuels publics.

II.   Le présent article propose d’exonérer les heures supplémentaires d’impÔt sur le revenu et de cotisations sociales dès le 1er janvier 2019

Dans le souci d’amplifier les effets sur le pouvoir d’achat, le dispositif proposé anticipe au 1er janvier l’exonération de cotisations sociales prévue en PLFSS et crée une exonération d’impôt sur le revenu, dans des conditions proches de celles qui avaient été retenues en 2007.

A.   Une anticipation de l’exonération de cotisations sociales au 1er janvier

● Le dispositif d’exonération de cotisations sociales de l’article 7 du projet de loi de financement de la sécurité sociale devait entrer en vigueur au 1er septembre 2019.

Afin d’anticiper ses effets positifs, le II du présent article anticipe cette entrée en vigueur au 1er janvier 2019.

Au total, le gain résultant de la mesure pour les actifs concernés devrait quasiment tripler pour 2019.

● Cette anticipation aura deux conséquences financières notables :

– un « coût » correspondant à huit mois d’application du dispositif supplémentaires qui devrait représenter 1,3 milliard d’euros en 2019, avant de redevenir nul dès 2020 par rapport à la trajectoire dessinée par le PLFSS pour 2019 ;

– ce « surcoût » de la mesure, par rapport au PLFSS, sera porté par l’État, puisque le droit proposé au présent article n’est pas couvert par la non-compensation votée à l’article 7 du PLFSS pour 2019 ([20]) ; elle aura donc, à défaut de disposition contraire dans la prochaine loi de financement, une contrepartie dans des crédits budgétaires en application de l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale.

B.   Une nouvelle exonération fiscale

● Le du I du présent article rétablit l’article 81 quater, abrogé en 2012, en vue de compléter l’exonération sociale par une exonération fiscale au bénéfice des salariés.

Dans la rédaction proposée, cet article exonère d’impôt sur le revenu, les rémunérations, majorations et éléments de rémunérations mentionnés au I et III l’article L. 241-17 rétabli par l’article 7 du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Le champ des rémunérations éligibles à l’exonération fiscale est donc, par un effet de renvoi, identique à l’exonération sociale prévue par le PLFSS pour 2019. L’exonération a donc vocation à s’appliquer très largement à l’ensemble des salariés à temps complet comme à temps partiel, y compris dans des situations conventionnelles spécifiques, agents publics ou salariés relevant des régimes spéciaux (voir ci-dessus).

L’exonération est toutefois subordonnée au respect de plusieurs conditions :

– elle n’est possible que si l’exonération sociale l’est également ; sur le plan rédactionnel, le dispositif proposé inverse donc la logique du dispositif dit « TEPA », sans modifier son fonctionnement concret ; l’exonération fiscale est donc conditionnée, comme l’exonération sociale, à l’éligibilité des rémunérations, à l’absence de simple substitution à d’autres éléments de rémunération (V de l’article L. 241-17) ([21]) ; de même, les rémunérations prises en compte sont plafonnées au niveau des majorations conventionnelles ou, à défaut, des majorations législatives précitées ;

– elle est par ailleurs limitée par un plafond annuel d’exonération de 5 000 euros, soit 417 euros par mois en moyenne ; le dispositif demeure largement ouvert puisque 95 % des heures déclarées donnent lieu à une rémunération annuelle plus faible ([22]) ; l’existence de ce plafond, qui n’était pas prévu en 2007, permettra de recentrer les moyens importants consacrés à la mesure vers les salariés auxquels celle-ci sera la plus utile.

● Le du I assure une coordination avec l’article 1417 du code général des impôts qui définit le revenu fiscal de référence, base de calcul de nombreux seuils et aides. Les heures supplémentaires et complémentaires, bien qu’exonérées d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales, continueront donc à être prises en compte dans l’évaluation « réelle » des revenus pour le bénéfice de certains dispositifs.

● Le du I prévoit une application de l’exonération fiscale dès le 1er janvier 2019, comme pour l’exonération sociale, ce qui devrait créer un effet global particulièrement positif pour les actifs concernés.

● Le coût de la mesure est fixé à 1,9 milliard d’euros en année pleine ([23]) de perte de recettes pour l’État, tempéré par l’effet globalement positif de la mesure en phase de reprise économique, pour soutenir l’offre dans un marché du travail plus tendu ainsi que la consommation avec un effort de soutien à des catégories ayant une forte propension marginale à consommer.

C.   Un effet massif de l’ensemble du dispositif sur le pouvoir d’achat

Prolongeant une démarche engagée dès le début de la législature pour l’amélioration du pouvoir d’achat des actifs, notamment par la suppression des cotisations salariales maladie et chômage de droit commun, le présent article amplifie encore le mouvement de soutien à la rémunération du travail.

Les effets de la double exonération devraient être à la fois simultanés, avec une entrée en vigueur commune au 1er janvier, mais aussi massifs pour les nombreux actifs qui effectuent des heures supplémentaires. Ainsi, l’étude d’impact annexée au présent projet de loi indique qu’un salarié célibataire et sans enfant rémunéré 1 500 euros nets par mois et qui effectue 109 heures supplémentaires chaque année le gain pourrait être de 500 euros chaque année, soit le double de ce qu’il aurait gagné avec la seule exonération sociale en année pleine (235 euros), et sept fois plus que ce qu’il aurait gagné en 2019 en raison de l’entrée en vigueur initialement prévue au 1er septembre. Le gain moyen devrait être de 200 euros chaque année sur le volet social, sur la base d’une moyenne constatée de 1 756 euros de rémunération liée aux heures supplémentaires ou complémentaires en 2015, auquel s’ajoute un gain fiscal en fonction des revenus du foyer.

Les gains importants, au total 3,8 milliards d’euros en année pleine ([24]), seront concentrés vers les revenus faibles et moyens qui recourent structurellement davantage aux heures supplémentaires et complémentaires (entre 51 % et 59 % dans les trois premiers quartiles contre seulement 31 % dans le dernier quartile), et notamment les employés (46 %) et les ouvriers (66 %) ([25]). Parmi les agents publics qui pourraient être les premiers bénéficiaires de la mesure, on peut également citer – sans prétendre à l’exhaustivité – les enseignants puisque 84 % des professeurs certifiés et 100 % des professeurs agrégés réalisent des heures supplémentaires ou complémentaires ([26]).

*

*     *

Article 3
Rétablissement de la CSG à 6,6 % pour certains titulaires
de revenus de remplacement

Adopté par la commission avec modifications

L’article 3 a pour objet de ramener en 2019 de 8,3 à 6,6 % le taux de contribution sociale généralisée (CSG) applicable aux pensions de retraite et d’invalidité, pour les personnes dont la pension mensuelle nette n’excède pas 2 000 euros (s’agissant des personnes vivant seules).

Pour 5 millions de retraités, l’augmentation de CSG de 1,7 point subie en 2018 – pour contribuer au financement de la suppression des cotisations salariales d’assurance maladie et d’assurance chômage – serait donc annulée.

Le coût pour les finances sociales est estimé à 1,3 milliard d’euros.

I.   la suppression en LFSS 2018 des cotisations salariales d’assurance maladie et d’assurance chômage, financée par une augmentation du taux normal de csg, a amplifié des effets de seuil corrigés en lfss 2019.

A.   les dispositions de la lfss 2018

1.   La « bascule » opérée en 2018 est favorable au pouvoir d’achat des actifs.

● Conformément aux engagements de campagne du Président de la République, l’article 8 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2018 ([27]) a redonné du pouvoir d’achat aux salariés, en supprimant dès janvier 2018 la cotisation salariale d’assurance maladie (0,75 % de la rémunération) et la cotisation salariale d’assurance chômage (2,4 %) en deux temps (– 1,45 point en janvier, le solde de 0,95 point en octobre).

Afin de financer ces suppressions, le taux de la contribution sociale généralisée (CSG) a été augmenté de 1,7 point en janvier dernier. Pour un salarié, le gain lié à la « bascule » opérée en LFSS 2018 est très net, puisque la CSG a augmenté de 1,7 point mais la suppression des cotisations maladie et chômage a allégé la charge, sur la même assiette, de 3,15 points (soit un gain net de 1,45 point). Pour un salarié percevant le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), le gain attendu est de 263 euros par an.

● Cette bascule a le mérite d’augmenter le salaire net des actifs en faisant davantage contribuer au financement de la protection sociale les titulaires de revenus de remplacement et de revenus du capital. En effet, à la différence des cotisations supprimées, dues par les seuls actifs, la CSG frappe toutes les catégories de revenus. En toute rigueur, il faudrait d’ailleurs parler « des CSG », car « la CSG » n’est pas un impôt unique, mais la collection de quatre impôts « cédulaires », qui frappent à des taux différents plusieurs catégories de revenus.

Les différents taux normaux de CSG
(après augmentation de 1,7 point par la LFSS 2018)

Les revenus d’activité et de remplacement sont soumis au taux de droit commun de 9,2 %, avec les exceptions suivantes :

– les allocations chômage et les indemnités journalières de sécurité sociale sont soumises à un taux de 6,2 % * ;

– les pensions de retraite et d’invalidité sont soumises à un taux de 8,3 %.

Les revenus dits « du capital » sont soumis au taux de 9,9 % :

– revenus du patrimoine (revenus fonciers, par exemple) ;

– produits de placement (intérêts des comptes sur livret, par exemple) ;

La CSG frappe également les produits de certains jeux, en distinguant deux assiettes :

– le produit brut des jeux de casino, soumis à un taux de 11,2 ou 13,7 % selon la nature du jeu ;

– les jeux exploités par La Française des jeux, soumis à un taux de 8,6 %.

* Ce taux n’a pas été augmenté par la LFSS 2018.

Source : commission des affaires sociales.

2.   Les taux de CSG nul ou réduit applicables aux revenus de remplacement modestes n’ont pas été augmentés.

La LFSS 2018 a exclu de l’augmentation uniforme de 1,7 point deux taux de CSG, applicables aux pensions de retraite et d’invalidité et aux allocations chômage modestes, qui sont restés de 0 et 3,8 %.

Le III de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale soumet en effet ces revenus de remplacement à un taux réduit (3,8 %) ou nul, sous réserve que leur montant n’excède pas certains seuils.

Le taux nul s’applique aux pensions et allocations d’une année N lorsque le revenu fiscal de référence (RFR) de l’année N–2 n’excède pas 11 018 euros ([28]) pour la première part de quotient familial, c’est-à-dire pour une personne seule ([29]). Le seuil est majoré à hauteur de 2 942 euros par demi-part supplémentaire, ce qui le porte à 16 902 euros pour un couple ([30]). Ces seuils sont majorés outre-mer, plus encore en Guyane que dans les autres départements.

Le taux réduit s’applique aux pensions et allocations d’une année N, lorsque le RFR de l’année N–2 excède le seuil en-deçà duquel s’applique le taux nul, sans excéder 14 404 euros pour la première part de quotient familial, majorée de 3 846 euros par demi-part supplémentaire (avec également des majorations plus importantes outre-mer).

Le revenu fiscal de référence

Défini au IV de l’article 1417 du code général des impôts, le RFR est indiqué sur l’avis d’imposition ou de non-imposition du revenu, adressé à chaque foyer fiscal. Il ne correspond pas exactement au revenu net imposable du foyer, car plusieurs éléments sont ajoutés à ce revenu net, afin de tenir compte des capacités contributives effectives du foyer. Sont ainsi réintégrés certains abattements (par exemple l’abattement de 40 % sur les dividendes), certains revenus exonérés (par exemple les bénéfices exonérés en application des dispositifs « zonés » – zones franches urbaines, zones de revitalisation rurale, etc.), certains revenus exclus du barème mais soumis à un prélèvement forfaitaire libératoire (par exemple les produits des contrats d’assurance-vie). Parce qu’il donne justement un aperçu assez complet de la capacité contributive réelle, le RFR sert couramment de critère pour déterminer le bénéfice de certains avantages fiscaux et sociaux, et de certaines prestations sociales.

Le RFR est apprécié au niveau du foyer fiscal, et non de chaque personne assujettie à la CSG prise isolément. Ainsi, alors que la CSG est un impôt individuel, l’appréciation des seuils d’assujettissement aux taux nul ou réduit est familialisée, et tient compte de l’ensemble des revenus du foyer, pas seulement des pensions ou allocations possiblement concernées par les taux nul ou réduit. Pour ce faire, il faut se référer à la dernière situation fiscale connue avec certitude au cours de l’année N, c’est-à-dire celle de l’année N–2 (les revenus de l’année N–1 ne sont pas connus avant septembre de l’année N).

Source : commission des affaires sociales.

B.   les dispositions de la lfss 2019

1.   Le relèvement du taux normal de CSG sur les revenus de remplacement a renforcé les effets du franchissement du seuil d’application de ce taux.

Comme le relève l’exposé des motifs de l’article 11 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2019, devenu article 14 du texte définitivement adopté ([31]) , « le franchissement [du seuil d’assujettissement au taux normal] conduit ainsi à une hausse importante des prélèvements dus, alors que l’accroissement de revenu peut être limité, voire temporaire ; par ailleurs, la hausse de prélèvement s’applique deux ans plus tard alors que les revenus ont pu entretemps se réduire de nouveau ». Si ce phénomène n’a rien de nouveau, son effet a été accru par l’augmentation du taux normal.

Au 31 décembre 2016, dernière date pour laquelle des données sont disponibles, ce sont 3,5 % des retraités du régime général qui, d’une année sur l’autre, se voyaient appliquer le taux normal de CSG (1,9 % passant du taux réduit au taux normal, et 1,6 % du taux nul au taux normal).

2.   Les effets de franchissement de seuil ont été tempérés par l’article 14 de la LFSS 2019.

● L’objet de l’article 14 de la LFSS 2019 est d’éviter que le franchissement du seuil d’assujettissement au taux normal en N–2 donne lieu à application dudit taux normal en N, s’il s’avère que le franchissement est temporaire, par exemple du fait de la perception par le foyer fiscal, au cours de cette année N–2, d’un revenu non récurrent. Pour ce faire, il est prévu de conditionner l’application du taux normal au franchissement du seuil deux années consécutives, à la fois en N–2 mais également en N–3.

Pour la CSG sur les pensions de retraite et d’invalidité et sur les allocations chômage due à compter du 1er janvier 2019, le taux normal s’appliquera donc si les RFR de 2017 mais aussi de 2016 sont supérieurs au seuil. Si le RFR de 2017 est supérieur mais que celui de 2016 est inférieur, le taux nul ou réduit continuera de s’appliquer. Si la hausse de RFR en 2017 n’est pas temporaire, et que le seuil est également franchi en 2018, alors la CSG s’appliquera en 2020 au taux normal, les RFR de N–2 (2018) et de N–3 (2017) étant supérieurs au seuil.

Comme le relève l’étude d’impact annexée à l’article 11 du PLFSS 2019, cela signifie qu’ « aucun foyer assujetti en 2018 à la CSG au taux de 3,8 % ne remplirait le double critère pour devenir redevable de la CSG à 8,3 % en 2019 » ; en effet, quel que soit le montant de RFR 2017, le RFR 2016 est par construction inférieur au seuil d’assujettissement au taux normal, puisqu’il est ici question de foyers éligibles au taux réduit en 2018. En conséquence, « pour ces assurés, le taux de 3,8 % serait maintenu en 2019 et le taux normal ne s’appliquerait qu’en 2020, seulement si le montant de RFR de 2018 reste bien supérieur au seuil ».

● Plus de 350 000 foyers seraient ainsi épargnés chaque année des conséquences d’une augmentation provisoire de leur RFR N–2, dont 130 000 passant du taux nul au taux normal. Le coût pour les administrations de sécurité sociale serait de 350 millions d’euros par an, essentiellement au titre des pensions de retraites (330 millions, et seulement 20 pour les autres revenus de remplacement). Le gain moyen serait donc élevé, à hauteur de 928 euros par foyer ; il serait supérieur à 1 000 euros pour plus de 40 % des foyers.

II.   le droit proposé

A.   philosophie générale

● L’augmentation de 1,7 point du taux normal de CSG sur les pensions de retraite et d’invalidité a touché, en 2018, environ 8 millions de pensionnés du régime général, soit environ 60 % des retraités. Le 10 décembre dernier, le Président de la République a jugé que pour une partie de ces retraités, « l’effort qui leur a été demandé était trop important et il n’était pas juste » ([32]).

Cet article a donc pour objet de revenir à la situation antérieure à 2018 pour ceux des retraités qui touchent moins de 2 000 euros par mois, conformément à l’engagement présidentiel. Ce seuil de 2 000 euros nets mensuels est celui retenu pour un retraité vivant seul et percevant sa pension comme seul revenu. Converti en RFR annuel de 2017, ce seuil correspond à 22 580 euros. Pour un couple, il sera de 34 636 euros, chaque demi-part supplémentaire valant 6 028 euros (cf. infra).

Ce sont 3,8 millions de foyers de retraités, soit environ 5 millions de personnes, qui verront leur taux de CSG réduit, pour un coût net estimé à 1,3 milliards d’euros pour les administrations publiques.

● L’exposé des motifs indique que « compte tenu des délais de mise en œuvre de la mesure, les titulaires de revenus de remplacement concernés bénéficieront d’un remboursement […] au titre des prélèvements intervenus sur les premiers mois de l’année ».

En effet, la CSG sur les pensions est précomptée par les caisses de retraite, qui « devront modifier leur système d’informations et les flux d’informations avec les services fiscaux pour les opérations de contrôle sur les revenus servant à l’application du nouveau critère d’assujettissement à la CSG au taux de 6,6 % », ce qui nécessitera un délai incompressible.

B.   détails du dispositif juridique proposé

1.   La création d’un taux de 6,6 % pour certains pensionnés

● Le du III du présent article constitue le cœur du dispositif proposé.

Il procède tout d’abord à une rédaction globale du III de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale dans sa version issue de la LFSS 2019. Cette réécriture ne modifie en rien le fond du droit exposé supra, mais se contente d’actualiser les seuils de RFR applicables en 2019, compte tenu de l’inflation.

Surtout, il insère un III bis nouveau, qui prévoit l’application d’un taux de CSG de 6,6 % aux pensions de retraite et d’invalidité perçues par les personnes dont le RFR de l’année N–2 excède les seuils d’application du taux réduit de 3,8 %, sans dépasser 22 580 euros pour la première part de quotient familial, majorée de 6 028 euros par demi-part supplémentaire ([33]).

● Si le V prévoit l’application de ce nouveau taux à la CSG due pour les périodes courant à compter du 1er janvier 2019, il aménage toutefois un dispositif spécifique pour l’application du III bis nouveau : pour les pensions perçues entre le 1er janvier et la mise en œuvre effective de la baisse de taux, l’application du taux réduit de 6,6 % résultera d’une régularisation opérée au plus tard le 1er juillet prochain, dans des conditions prévues par décret.

2.   Diverses dispositions de conséquence

a.   Les règles de déductibilité de la CSG à 6,6 % pour l’établissement de l’impôt sur le revenu

● Lors de sa création par la loi de finances pour 1991 ([34]), la CSG, alors au taux de 1,1 %, n’a pas été exclue de l’assiette de l’impôt sur le revenu (IR), suivant la règle usuelle selon laquelle les autres impôts ne sont pas regardés comme des charges déductibles du revenu imposable.

Le législateur a entendu faire exception à cette règle pour l’augmentation de 1,3 point du taux de CSG, cette quotité supplémentaire ayant été rendue déductible par la première loi de finances rectificative (LFR) pour 1993 ([35]).

L’exception n’aura toutefois pas eu le temps d’entrer en vigueur, puisque la loi de finances pour 1994 ([36]) l’a abrogée : depuis lors, 2,4 points de CSG sur les revenus d’activité et de remplacement sont demeurés non déductibles.

En revanche, les augmentations successives du taux de CSG en 1997 (+ 1 point) et 1998 (+4,1 points) ont été rendues déductibles ([37]), car ces nouvelles quotités de CSG se substituaient aux cotisations salariales d’assurance maladie, quasi-intégralement supprimées, et qui elles étaient déductibles de l’assiette de l’IR ([38]).

En 2004, l’augmentation de CSG sur les revenus du capital et sur les pensions (+ 0,7 point) a été rendue déductible ([39]). La loi de finances pour 2013 ([40]) est revenue sur cette déductibilité s’agissant des revenus du capital, portant la fraction de CSG non déductible de 2,4 à 3,1 points.

La CSG sur les jeux n’est quant à elle pas déductible.

L’augmentation de CSG prévue l’article 8 de la LFSS 2018 se substituant à des cotisations déductibles de l’assiette de l’IR en application de l’article 83 du code général des impôts, la logique retenue en 1997 et 1998 a prévalu : l’article 67 de la loi de finances pour 2018 ([41]) a donc prévu la déductibilité de la quotité supplémentaire de 1,7 point.

● Par cohérence avec la règle la plus générale de déductibilité, le I du présent article modifie l’article 154 quinquies du code général des impôts, pour fixer à 4,2 points la fraction déductible de la CSG à 6,6 % (soit une part non déductible de 2,4 points).

Le tableau suivant récapitule les fractions déductibles et non déductibles de CSG, en tenant compte des dispositions du présent article.


fractions de csg déductibles et non déductibles
selon les catégories de revenus

 (en points)

Catégories de revenus

CSG déductible

CSG non déductible

Total

Revenus d’activité et de remplacement

6,8

2,4

9,2

Pensions de retraite et d’invalidité soumises au taux normal

5,9

2,4

8,3

Pensions de retraite et d’invalidité soumises au nouveau taux de 6,6 %

4,2

2,4

6,6

Allocations chômage et indemnités journalières de sécurité sociale

3,8

2,4

6,2

Revenus de remplacement soumis au taux réduit

3,8

0

3,8

Revenus de remplacement exonérés

0

0

0

Revenus du capital

6,8

2,4

9,2*

* : Taux réduit de 0,7 point par l’article 26 de la LFSS 2019 (cf. infra).

Source : commission des affaires sociales.

● Le IV prévoit que la déductibilité à hauteur de 4,2 points s’applique à compter de l’imposition des revenus de l’année 2019, dans la généralité des cas, ou à compter de l’imposition des revenus de l’année 2020 dans le cas particulier de la CSG sur les revenus mentionnés au II bis de l’article L. 136-5 du code de la sécurité sociale.

La CSG sur les revenus concernés, de nature très diverse (revenus de source étrangère, stock-options, gain d’acquisition dans le cadre d’une attribution gratuite d’actions, dédommagement d’un aidant familial par le bénéficiaire de la prestation de compensation du handicap), est recouvrée dans les mêmes conditions que la CSG sur les revenus du patrimoine, avec un an de décalage par rapport à la perception des revenus. En l’espèce, seules seraient concernées les pensions de source étrangère.

b.   Les règles d’affectation de la CSG à 6,6 %

Les quotités de CSG affectées aux régimes d’assurance maladie varient selon les cédules concernées. L’article 26 de la LFSS 2019 a réorganisé cette affectation, codifiée à l’avenir au 3° de l’article L. 131-8 du code de la sécurité sociale ([42]).

Le du III du présent article tire les conséquences de l’introduction d’un nouveau taux à 6,6 % :

– en mentionnant au 3° de l’article L. 131-8 le III bis nouveau de l’article L. 136-8 (a) du 1°) ;

– en prévoyant l’affectation aux régimes d’assurance maladie d’une fraction de CSG à 6,6 % correspondant à un taux de 5,05 % (b) du 1°).

c.   Une correction rédactionnelle

En première lecture de l’article 11 du PLFSS 2019, le Parlement a adopté, un amendement prévoyant un mécanisme d’atténuation strictement identique à celui prévu en matière de CSG, mais s’agissant du calcul de la contribution de solidarité pour l’autonomie, assise au taux de 3 % sur les pensions dont le montant excède le seuil d’assujettissement au taux normal de CSG.

Le II du présent article apporte à cette mesure une modification d’ordre rédactionnel.

*

La commission des affaires sociales a adopté trois amendements d’ordre rédactionnel du rapporteur.

*

*     *

Article 4
Remise au Parlement d’un rapport sur la revalorisation de la prime d’activité

Adopté par la commission avec modifications

L’article 4 prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport sur la revalorisation exceptionnelle de la prime d’activité qui relève du pouvoir réglementaire.

● Le Président de la République ayant évoqué le 11 décembre dernier une hausse de cent euros du revenu au niveau du SMIC, sans surcoût pour les employeurs, cette annonce ne saurait être mise en œuvre par une nouvelle revalorisation de son montant et passe nécessairement par une mesure d’accompagnement avec un financement public.

● Créée en 2016 ([43]), la prime d’activité a remplacé deux dispositifs (prime pour l’emploi et revenu de solidarité active – RSA – dit « activité ») dans le cadre du plan pluriannuel contre la pauvreté et l’exclusion sociale, afin d’accompagner les revenus du travail faibles et de renforcer les incitations à la reprise d’activité.

Il s’agit d’un complément de revenu mensuel versé aux travailleurs modestes ([44]), qu’ils soient salariés, fonctionnaires ou indépendants. La prime combine les caractéristiques des deux dispositifs qu’elle a remplacés :

– une part est « familialisée », sur le modèle du RSA « activité » ; elle fonctionne donc comme une allocation différentielle qui tient compte des ressources du foyer ainsi que de sa composition ;

– une part, appelée « bonification individuelle », sur le modèle de la prime pour l’emploi, est conçue pour accompagner plus spécifiquement la reprise d’activité entre 0,5 et 1,2 SMIC avec une bonification maximale à 0,8 SMIC, puis fixe au-delà.

Il en résulte que le calcul de la prime d’activité peut se montrer relativement complexe, en raison de l’association de ces deux dimensions :

Formule de calcul de la prime d’activité

Prime d’activité = montant forfaitaire (en fonction de la composition du foyer) + 61 % du revenu d’activité + bonification individuelle – ressources du foyer (y compris prestations familiales) – forfait logement – [montant forfaitaire – (ressources du foyer + forfait logement), si > 0]

La prime d’activité demeure toutefois un dispositif simplifié par rapport aux deux mécanismes qu’elle a remplacés : l’aide est unique et versée en cours d’année en fonction des revenus du trimestre précédent, l’âge d’accès a été fixé à 18 ans, alors qu’il était de 25 ans pour le RSA « activité » ; les démarches auprès de la caisse d’allocations familiales, qui en assure le versement, ont été entièrement dématérialisées ; enfin, le montant versé est stable sur un trimestre même en cas de variation des revenus.

C’est cet outil qui a été privilégié par le Gouvernement pour mettre en œuvre l’annonce du Président de la République.

● L’article L. 842-3 du code de la sécurité sociale ne prévoit que la formule de calcul, et renvoie au pouvoir réglementaire le soin de déterminer la « pente » et le « point de sortie » de la bonification, ainsi que le niveau du montant forfaitaire et de ses majorations en fonction de la situation familiale. La révision du montant de la prime d’activité relève donc principalement d’un décret.

Toutefois, des mesures législatives ont d’ores et déjà prévu la possibilité d’un rehaussement réglementaire :

– l’article 65 du projet de loi de finances (PLF) pour 2019, adopté conforme au Sénat, avait déjà prévu une revalorisation différente de l’indexation sur l’inflation prévue à l’article L. 161-25 du code de la sécurité sociale ;

– l’article 82 du même PLF prévoyait une revalorisation à partir d’avril 2019 qui se serait traduite par une nouvelle bonification maximale au niveau du SMIC de 20 euros par mois, complétée en 2020 puis 2 021 et 2022 pour atteindre 60 euros supplémentaires au total ([45]) ; modifié en première lecture au Sénat à l’initiative du Gouvernement, cet article prévoit désormais une nouvelle bonification au 1er janvier 2019 qui pourra servir de fondement législatif à un nouveau décret.

Le Premier ministre a précisé le 17 décembre dernier les contours de cette mesure qui passera entièrement par un élargissement – 1,2 million de personnes supplémentaires deviendraient éligibles contre 3,8 millions dans le droit existant –et une hausse de son montant avec un effet maximal de 100 euros au niveau du SMIC pour un célibataire, réparti de la façon suivante :

– une hausse immédiate de 90 euros via la revalorisation réglementaire de la prime d’activité ;

– une revalorisation du SMIC de 16 euros, dont les effets seront neutralisés à hauteur de 6 euros par le mode de calcul de la prime d’activité ([46]).

Le dispositif résulte donc uniquement de mesures nouvelles qui s’ajoutent à la hausse du 1er octobre dernier de la prime d’activité (+ 20 euros sur le montant forfaitaire) ou à la suppression à cette même date des cotisations salariales maladie et chômage pour un gain net de 22 euros par mois pour un salarié au SMIC.

La mesure « prime d’activité » devrait coûter 2,6 milliards d’euros supplémentaires à l’État en 2019 ([47]), avant une décroissance progressive les trois années suivantes, une partie de la hausse ayant été budgétée par le Gouvernement dans le cadre de la hausse graduelle initialement envisagée.

● Le présent article prévoit la remise d’un rapport sur la « revalorisation exceptionnelle de la prime d’activité six mois après la promulgation de la loi. », permettant ainsi au Parlement de disposer d’un document complet lui permettant d’apprécier « la mise en œuvre opérationnelle » et l’ « impact sur le pouvoir d’achat des foyers bénéficiaires » de la mesure annoncée de revalorisation au 1er janvier 2019.

Ce rapport ne se limitera pas à la seule question de la revalorisation puisqu’il a également vocation à éclairer la représentation nationale sur le niveau de « recours à la prestation » et son « impact sur le pouvoir d’achat des ménages modestes ».

Le rapporteur salue le souci de transparence dont procède cet article ; il n’est en effet pas commun que le Gouvernement propose spontanément un rapport au Parlement. Quoiqu’originale, la démarche est pleinement justifiée : la plus-value d’un travail gouvernemental sur cette question est incontestable, dès lors que le sujet est à la fois complexe et de niveau essentiellement réglementaire.

*

La commission des affaires sociales a adopté à l’initiative de M. Boris Vallaud et de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés, et avis favorable du rapporteur, un amendement supprimant la mention «, le cas échéant, » qui assortissait les possibles préconisations de réforme du rapport.

 


—  1  —

   Annexe :
Textes susceptibles d’être modifiés à l’occasion de l’examen du projet de loi

Projet de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d'article

2

Code général des impôts

81 quater

2

Code général des impôts

1417

3

Code général des impôts

154 quinquies

3

Code de l'action sociale et des familles

L14-10-4

3

Code de la sécurité sociale

L131-8

3

Code de la sécurité sociale

L136-8

    


([1]) Sur la base de la durée légale du travail, établie sur un an.

([2]) Ou présent dans l’entreprise à la date de versement, si cette dernière est comprise entre le 10 décembre 2018 et le 31 décembre 2018.

([3]) Les contributions dues au titre de la formation professionnelle et de l’apprentissage jusqu’au 31 décembre 2018 rassemblent la taxe d’apprentissage, la contribution supérieure à l’apprentissage, la contribution au financement du congé individuel de formation, la participation des employeurs de moins de 11 salariés au développement de la formation professionnelle continue et celle des employeurs de plus de 10 salariés.

([4]) À compter du 1er janvier 2019, la contribution unique à la formation et à l’alternance prendra le relais. Elle sera complétée par la contribution supplémentaire à l’apprentissage et la contribution dédiée au financement du compte personnel de formation pour les titulaires d’un contrat à durée déterminée.

([5]) Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

([6]) Articles L. 3121-30, L. 3121-33 et L. 3121-39 du code du travail. Le contingent annuel est fixé par accord ou convention collective au niveau de l’entreprise ou de l’établissement, ou à défaut par la branche. En l’absence d’accord, c’est un plafond supplétif fixé par voie réglementaire de 220 heures qui comble le vide conventionnel.

([7]) Au-delà du contingent, les heures supplémentaires trouvent impérativement leur contrepartie dans un repos compensateur.  

([8]) La convention de forfait en jours est le document qui formalise une durée du travail différente de la durée légale ou conventionnelle, sur la base d’un forfait en jours sur l’année. Cette durée n’est alors pas comptabilisée en heures mais en jours – au maximum 218 – sur l’année. Le recours à cette convention s’adresse aux cadres disposant d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et aux salariés dont la durée de travail ne peut pas être prédéterminée et qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps.

([9]) Article L. 3123-28 du même code.

([10]) Article L. 3123-20.

([11]) Article L. 3123-29.

([12]) Loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat

([13]) Loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012

([14]) Le mode de calcul des cotisations versées à l’ex- AGIRC-ARRCO supposent en effet de rapprocher des taux « faciaux » (respectivement 6,20 % et 17 %) d’un taux d’appel qui majore l’assiette prise en compte (127 %). L’ensemble est ensuite réparti de la façon suivante : 40 % à la charge du salarié et 60 % à la charge de l’employeur, sauf si un accord d’entreprise prévoit une autre clef de répartition. Les taux cités ne valent donc que pour une entreprise qui n’a pas modulé la répartition de droit commun : la part salariale est plus faible, l’exonération représente un gain plus faible ; si elle est plus élevée, le gain sera plus élevé.

([15]) Correspondant respectivement à l’Association pour la gestion des fonds de financement et à la Garantie minimale de points.

([16]) Loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.

([17]) http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rapports/r1336-tII.pdf  

([18]) Le dispositif « TEPA » était plafonné à 22,1 % ce qui conduisait une exonération partielle dans l’hypothèse où le taux global de cotisations était supérieur, cas qui n’était pas théorique dans le cadre du financement de l’assurance vieillesse complémentaire.  

([19]) Sur le plan juridique, les cotisations de retraite complémentaire seront toujours versées, comme contreparties à la constitution des droits. Les montants correspondants seront donc effacés sur les autres cotisations vieillesse de base portant sur le reste de la rémunération à due concurrence.  

([20]) A l’heure où ces lignes sont écrites, le PLFSS pour 2019 n’a pas été promulgué et est toujours soumis à l’examen du Conseil constitutionnel dans les conditions prévues à l’article 61 alinéa 2 de la Constitution.  

([21]) L’employeur bénéficie toutefois, en application de ce même V, d’une présomption de bonne foi lorsqu’une période d’au moins douze moins sépare l’élément de rémunération supprimée des nouvelles heures supplémentaires ou complémentaires décidées par l’employeur.  

([22])  Ces chiffres cités par l’étude d’impact du projet de loi sont à considérer comme un ordre de grandeur compte tenu de leur relative ancienneté (2011).

([23]) Le coût du dispositif en 2019 serait plus faible (1,1 milliard d’euros) en raison d’un effet de décalage dû à la difficulté pour les entreprises à faire fonctionner l’exonération dans le cadre du prélèvement à la source.  

([24]) Ce chiffre intègre 1,9 milliard d’euros d’exonération fiscale, et  1,9 milliard d’euros d’exonération sociale en tenant compte de la baisse de cotisations votée en PLFSS.

([25])  Étude réalisée par la DARES, citée par l’étude d’impact du projet de loi.

([26]) Le taux d’exonération étant structurellement plus faible – les agents publics s’acquittant d’un taux de cotisations plus faible que les salariés du secteur privé – le gain est d’un ordre un peu plus faible.

([27]) Loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017.  

([28]) Il s’agit du montant en-deçà duquel le taux nul s’applique en 2018, en prenant donc comme référence le RFR de 2016. Le montant inscrit au 1° du III de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale est de 10 996 euros, mais le dernier alinéa du même III prévoit une revalorisation annuelle des seuils au 1er janvier de chaque année, suivant l’inflation hors tabac. Cette remarque vaut pour donc pour l’ensemble des montants évoqués par la suite.

([29]) Le quotient familial est un outil essentiel du calcul de l’impôt sur le revenu, familialisé et progressif. Chaque foyer fiscal est constitué d’un certain nombre de parts, variable selon sa composition. Le revenu imposable est divisé en autant de parts que compte le foyer ; c’est à ce revenu divisé qu’est appliqué le barème progressif (chaque tranche de revenu étant soumise à un taux croissant avec la tranche). Le montant d’impôt par part ainsi obtenu est ensuite multiplié par le nombre de parts, produisant le montant d’impôt dû par le foyer.

([30]) Un couple représente deux parts de quotient familial. En l’espèce, la première part vaut 11 018 euros et la seconde 5 884, soit 2 X 2 942. La règle est donc différente de celle qui s’applique en matière d’impôt sur le revenu, voulant qu’un couple représente deux parts complètes, soit 22 036 euros au cas d’espèce.

([31]) Mais non encore promulgué du fait de la saisine du Conseil constitutionnel par plus de 60 parlementaires. La première partie du présent commentaire reprend, bien logiquement, le commentaire par le rapporteur général de l’article 11 du PLFSS 2019, en première lecture : http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rapports/r1336-tII.pdf, pages 107 à 113.

([32]) https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2018/12/10/adresse-du-president-de-la-republique-du-lundi-10-decembre-2018

([33]) Les seuils prévus au III bis étant revalorisés suivant l’inflation, comme les seuils prévus au III (III ter nouveau).

([34]) Articles 127 à 135 de la loi n° 90-1168 du 29 décembre 1990.  

([35]) Article 42 de la loi n° 93-859 du 22 juin 1993.  

([36]) Article 2 de la loi n° 93-1352 du 30 décembre 1993.  

([37]) Respectivement par l’article 94 de la loi n° 96-1181 du 30 décembre 1996 de finances pour 1997 et par l’article 80 de la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 de finances pour 1998.

([38]) La déductibilité a également concerné la CSG sur les revenus du capital, qui n’étaient pourtant pas assujettis aux cotisations sociales.

([39]) Article 37 de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004.  

([40]) Article 9 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012.

([41]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017.  

([42]) Pour plus de précisions, on se reportera utilement au commentaire de l’article 19 du PLFSS 2019, devenu article 26 de la loi définitivement adoptée, par le rapporteur général : http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rapports/r1336-tII.pdf, pages 160 à 189.

([43]) Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi.

([44])  La prime d’activité est plafonnée (« point de sortie ») en fonction de la composition du foyer : 1,3 SMIC pour une personne seule, 1,9 SMIC pour un couple mono-actif sans enfant ou une famille monoparentale avec enfant, et 2,4 SMIC pour un couple biactif avec deux enfants. 

([45]) Cette hausse faisait suite à une revalorisation de 20 euros du montant forfaitaire en octobre. https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000037460543&fastPos=2&fastReqId=2035736953&categorieLien=id&oldAction=rechTexte  

([46]) Au niveau d’1 SMIC, la pente de la prime est en effet décroissante et un euro de revenu supplémentaire entraîne une décroissance de la prime d’activité.

([47]) Le projet de loi de finances pour 2019 en a tiré les conséquences en adoptant une hausse de 600 millions d’euros supplémentaires lors de l’examen en première lecture au Sénat puis de 2 milliards d’euros lors de l’examen en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale.