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N° 1990

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 juin 2019

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2018 (n°1947),

 

PAR M. Joël GIRAUD,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 35
 

 

RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE

 

PENSIONS

 

 

 

Rapporteur spécial : M. Olivier DAMAISIN

 

Député

____

 

 

 

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

SYNTHÈSE DES observations et recommandations du rapporteur spécial

PREMIÈRE PARTIE : L’EXÉCUTION BUDGÉTAIRE

I. L’EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE

A. Une surexÉcution des crÉdits des rÉgimes de la sncf et de la ratp QUI Était PRÉVISIBLE

1. Un taux d’exécution de 103 % pour les régimes des transports terrestres

2. L’ouverture de 115 millions d’euros en LFR, fléchés vers la SNCF

a. Des crédits essentiellement destinés à apurer la dette de l’État envers la caisse

b. Une sur-exécution qui aurait pu être évitée

3. Une légère sur-exécution des crédits du CFA

a. Les crédits dédiés au CFA ont permis de solder la dette envers Klésia

b. Une sous-exécution des crédits dédiés aux régimes fermés de l’action 5

4. S’agissant de dépenses contraintes, le responsable de programme ne peut agir que sur les coûts de gestion

B. une parfaite exÉcution des crÉdits DU PROGRAMME 197 dÉdiÉs au rÉgime des marins

1. En 2018, l’ENIM a réduit ses dépenses de personnel, conformément à la COG

2. Le ratio démographique du régime s’améliore légèrement

C. une EXÉCUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 195 QUI SUIT UNE TENDANCE À LA BAISSE

1. Les régimes fermés poursuivent leur déclin

2. La subvention au RCO pourrait augmenter dans un contexte de fragilisation de son financement

II. L’EXÉCUTION DES CRÉDITS du cas pensions

A. lES RECETTES du RÉGIME DES FONCTIONNAIRES CIVILS ET DES MILITAIRES sont nettement infÉrieures À la prÉvision

1. Un écart de plus de 500 millions d’euros en recettes par rapport à la prévision

2. Les coûts de gestion vont diminuer avec la centralisation des opérations par le SRE

B. LES DÉPENSES DU RÉGIME DES OUVRIERS D’ÉTAT SONT SUPÉRIEURES À LA PRÉVISION, SANS SUREXÉCUTION DES CRÉDITS

1. Un régime spécial de retraite par nature très déséquilibré

2. Une exécution 2018 satisfaisante

3. Des dépenses de gestion mieux maîtrisées

C. Une BAISSE TENDANCIELLE DES DÉPENSES DU PROGRAMME 743

D. uN SOLDE EXCÉDENTAIRE POUR 2018, QUI PORTE LE SOLDE CUMULÉ À 6,56 MILLIARDS d’EUROS

DEUXIÈME PARTIE : LA PRISE EN COMPTE DE LA PÉNIBILITÉ DANS LES RÉGIMES SPÉCIAUX : LES CATÉGORIES ACTIVES

I. les rÉgimes spÉciaux INCLUENT DES DISPOSITIFS DE PÉNIBILITÉ, ce qui les rend inÉligibles au compte professionnel de prévention

A. LA PRISE EN COMPTE DE LA PÉNIBILITÉ DANS LE RÉGIME GÉNÉRAL : RÉPARATION ET COMPENSATION

1. Des mesures pour réparer les conséquences de la pénibilité

2. Des mesures pour compenser la pénibilité

B. LA PRISE EN COMPTE DE LA PÉNIBILITÉ DANS LES RÉGIMES SPÉCIAUX : LES CATÉGORIES ACTIVES

1. Qui sont les « catégories actives » des régimes spéciaux de retraite ?

2. Les catégories actives bénéficient de conditions de départ plus favorables, qui compensent la pénibilité subie durant la carrière

II. l’AVENIR DES CATÉGORIES ACTIVES DANS LE CONTEXTE DE LA RÉFORME SYSTÉMIQUE

A. UNE QUESTION PAS ENCORE TRANCHÉE, qui inquiÈte les syndicats

1. Le haut-commissaire n’a pas encore tranché le devenir des catégories actives

2. Les organisations syndicales sont inquiètes

B. PLUSIEURS PISTES DE RÉFLEXION

1. L’extension du compte professionnel de prévention à l’ensemble des assurés

2. Le maintien dâges de départ anticipés pour les catégories actives

3. Des âges de départ fixés en fonction de l’espérance de vie à la retraite

4. Le calcul d’âges de référence

Travaux de la commission

annexe 1 : Liste des personnes auditionnÉes

annexe 2 : Sources utilisÉes par le rapporteur


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   SYNTHÈSE DES observations et recommandations
du rapporteur spécial

1.   Le contrôle de l’exécution du budget 2018

● Sur la mission Régimes sociaux et de retraite, le rapporteur spécial note que les dépenses, établies à 6 448 millions d’euros en fin d’année, ont augmenté de près de 2 % par rapport à 2017. Cette augmentation est notamment liée à l’effet, en année pleine, de la revalorisation intervenue au 1er octobre 2017.

Par ailleurs, l’exécution 2018 montre un écart de 127 millions d’euros entre les crédits consommés et la prévision en loi de finances initiale (LFI), dû à la subvention versée à la caisse de retraite de la SNCF (programme 198). Non seulement le montant inscrit en LFI s’est avéré trop juste pour faire face aux aléas (en l’espèce, les recettes ont été moindres que prévu en raison des grèves ferroviaires du printemps 2018) – cause récurrente de surexécution depuis 2015 – mais en plus l’État a choisi de solder intégralement une dette contractée envers la caisse, qu’il avait initialement prévu de rembourser de manière échelonnée.

 

Évolution de L’EXÉCUTION DES CRÉDITS DÉDIÉS

AU RÉGIME DE RETRAITE DE LA SNCF

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les crédits dédiés au régime des marins (programme 197) ont été intégralement exécutés en 2018. Par rapport à 2017, la subvention pour charges de service public est en hausse de 370 000 euros, ce qui traduit une hausse des frais de gestion, bien que l’Établissement national des invalides de la Marine (ENIM) ait réussi à réduire ses dépenses de personnel. La subvention d’équilibre, elle, diminue, suite à une légère amélioration du ratio démographique. Cependant, la part de l’État dans le financement des dépenses de pension continue d’augmenter.

 

ÉVOLUTION DU TAUX DE COUVERTURE DES DÉPENSES DE

PENSION DU RÉGIME DES MARINS PAR LE BUDGET DE L’ÉTAT

 

 

 

Enfin, les crédits dédiés aux régimes fermés (programme 195) poursuivent leur déclin en 2018. La subvention de 55 millions d’euros est intégralement versée au régime complémentaire des exploitants agricoles (RCO) ; le rapporteur souligne cependant un risque qu’elle soit revue à la hausse en 2020, si la suppression de la taxe sur les huiles qui doit s’appliquer l’année prochaine n’est pas compensée par l’affectation d’une nouvelle taxe.

● Quant au compte d’affectation spéciale Pensions, le rapporteur spécial note que les dépenses, qui s’élèvent à 58 505 millions d’euros en fin d’année, sont supérieures de 0,16 % à la prévision. L’écart de 116 millions d’euros est lié aux transferts entre le régime de retraite et d’invalidité des fonctionnaires civils et des militaires et d’autres régimes, qui s’avèrent supérieurs au montant prévu. Les recettes de cette section 1 sont, elles, inférieures de 500 millions d’euros à la prévision, en raison d’un nombre plus important que prévu d’embauches de contractuels cotisant au régime général. Sur l’ensemble du CAS, il est observé que le rythme de progression des dépenses augmente en 2018, tandis que celui des recettes ralentit. Cette double tendance devrait conduire à une réduction progressive du solde dégagé chaque année par le CAS Pensions. À fin 2018, il s’élève ainsi à 1,46 milliard d’euros, contre 1,94 milliards d’euros fin 2017.

 

ÉCART ENTRE LES RECETTES ET LES DÉPENSES,

POUR CHAQUE SECTION DU CAS PENSIONS

 

 

 

 

 

Source : commission des finances, d’après les données des rapports annuels de performances du CAS Pensions

 

● Sur la base de ces constats, le rapporteur spécial suggère :

– de mieux calibrer dans le prochain projet de loi de finances les crédits destinés à la caisse de retraite de la SNCF, en anticipant les aléas ;

– de mieux évaluer la performance du congé de fin d’activité et d’engager des discussions tripartites en vue de sa réforme ;

– d’assurer la compensation de la suppression de la taxe sur les huiles prévue pour 2020, par l’affectation au RCO d’une nouvelle taxe ;

– de se garder la possibilité d’augmenter la subvention versée au RCO dans l’objectif de financer une hausse de la garantie à 85 % du SMIC.

2.   L’évaluation des dispositifs de prise en compte de la pénibilité dans les régimes spéciaux : les « catégories actives »

● Pour compenser la pénibilité du travail, cause de réduction de l’espérance de vie à la retraite, les régimes spéciaux distinguent des « catégories actives » au sein de leurs affiliés qui, parce qu’ils ont occupé des emplois considérés comme pénibles, bénéficient d’un âge d’ouverture des droits à la retraite (AOD) dérogatoire par rapport aux « catégories sédentaires ». Cette spécificité rend particulièrement difficile leur assimilation aux autres régimes de retraite de base. Elle est un des nombreux chantiers sur lesquels travaille le haut-commissaire à la réforme des retraites.

● Le rapporteur spécial s’est intéressé à ces catégories actives. Il s’est penché sur les enjeux de leur transposition dans le nouveau régime universel, en consultant les caisses gestionnaires et les syndicats.

● Les emplois en « catégories actives » peuvent résulter d’une pénibilité fondée sur le risque (policiers, personnels de l’administration pénitentiaire) ou d’une pénibilité fondée sur des fatigues exceptionnelles (agents de conduite à la SNCF et à la RATP…). Relever de cette catégorie permet de bénéficier d’un AOD anticipé par rapport aux personnels sédentaires (même s’ils bénéficient déjà d’un AOD dérogatoire au droit commun), de bénéficier de limites d’âge anticipées, de bonifications et majorations de durée d’assurance, ou encore de l’intégration de certaines primes dans le calcul de la pension.

● Ces dispositifs sont spécifiquement prévus pour permettre aux affiliés qui ont subi une pénibilité de partir plus tôt à la retraite sans subir une trop forte décote. Les organisations syndicales y sont très attachées, bien qu’elles reconnaissent aussi les insuffisances du système actuel (non portabilité des droits, iniquité avec le secteur privé à profession équivalente).

 

● Or, le devenir des catégories actives est très incertain dans le contexte de la réforme des retraites. Parmi les pistes évoquées, figure l’hypothèse de maintenir des âges de départ anticipés pour les catégories actives. Cependant, dans un régime à points, ce départ précoce pourrait avoir pour corollaire un faible niveau de pension. Aussi, le conseil d’orientation des retraites préconise de compléter la pension par des droits supplémentaires financés par l’impôt ou par une cotisation non contributive, plutôt que de modifier la formule de calcul pour que les points cumulés rapportent plus. Les organisations syndicales ont aussi évoqué la possibilité d’une mesure compensatoire sur le salaire en cas d’emploi pénible, permettant de surcotiser pour financer le complément versé au moment de la liquidation de la pension. D’autres hypothèses ont été évoquées, sans que la position du Gouvernement ne soit connue à ce stade.


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   PREMIÈRE PARTIE : L’EXÉCUTION BUDGÉTAIRE

Les missions Régimes sociaux et de retraite et Pensions regroupent les crédits grâce auxquels l’État contribue au financement de certains régimes spéciaux de retraite, soit qu’il assure l’équilibre financier des caisses gestionnaires de ces régimes, soit qu’il en assure lui-même la gestion. En loi de finances initiale pour 2018, ces missions budgétaires totalisaient 65 milliards d’euros de crédits de paiement, dont près de 55 milliards d’euros pour les pensions des fonctionnaires civils et des militaires. Par rapport à l’exécution 2017, c’est 1 milliard d’euros de dépenses en plus.

En fin d’année 2018, l’analyse de l’exécution des crédits votés montre que les dépenses ont été supérieures à la prévision, sur les deux missions. Cet écart est de 3 % pour ce qui concerne la mission Régimes sociaux et de retraite, soit 127 millions d’euros. Il est de 0,16 % pour ce qui concerne le compte d’affectation spéciale Pensions, soit 94 millions d’euros.

I.   L’EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE

La mission Régimes sociaux et de retraite porte les crédits grâce auxquels l’État, au titre de la solidarité nationale, assure l’équilibre financier des caisses de retraite qui gèrent des régimes spéciaux à la structure démographique déséquilibrée. Il s’agit des régimes des transports terrestres (programme 198, essentiellement les régimes de retraite des agents de la SNCF et de la RATP), du régime spécial des marins (programme 197), mais aussi de régimes fermés qui ne comptent plus aucun nouvel affilié (programme 195).

En outre, cette mission inclue aussi des crédits finançant certains dispositifs de compléments de retraite ou de départ anticipé. Dans sa note sur l’exécution budgétaire 2018, la Cour des comptes n’a pas manqué de relever cette anomalie, suggérant de transférer ces crédits sur le programme 203 Infrastructures et services de transports. De même, elle regrette que, malgré une recommandation formulée l’année dernière, la maquette budgétaire n’ait toujours pas été modifiée pour intégrer à la mission l’ensemble des participations de l’État aux différents régimes spéciaux de retraites. En effet, des crédits sont prévus sur d’autres programmes pour équilibrer le régime de l’Opéra de Paris, celui de la Comédie française ou encore celui des industries électriques et gazières.

Les crédits portés par la mission sont pour l’essentiel des dépenses d’intervention et ne rémunèrent aucun ETPT, bien que la subvention pour charges de service public versée à l’Établissement national des invalides de la Marine (ENIM), unique opérateur du programme, couvre une partie de sa masse salariale.

En 2018, les dépenses de cette mission, établies à 6 448 millions d’euros en fin d’année, ont augmenté de 118 millions d’euros par rapport à l’exécution 2017 (6 329 millions d’euros), soit une augmentation de 1,9 %.

La revalorisation des pensions de 0,8 %, intervenue au 1er octobre 2017, est un facteur explicatif, puisqu’elle a conduit à une hausse des dépenses de 53 millions d’euros en année pleine, par rapport à 2017. Quant à la revalorisation qui devait avoir lieu au 1er octobre 2018, elle a été reportée au 1er janvier 2019.

Le montant des crédits consommés en 2018 montre une surexécution de 3 % par rapport à la prévision en loi de finances initiale (+ 127 millions d’euros). En 2017, les crédits de cette mission avaient déjà été surexécutés, mais de 0,34 % seulement.

EXÉCUTION 2018 DU BUDGET DES RÉGIMES SPÉCIAUX DE RETRAITE

(en millions d’euros)

 

 

Crédits ouverts

en LFI

Ouvertures et

annulations en cours d’exercice

Total des crédits ouverts en 2018)

Crédits consommés

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

P 198 Régimes des transports terrestres

4 119,82

4 119,82

127 (1)

127 (1)

4 246,82

4 246,82

4 246,82

4 246,82

Action 3 Régime de la SNCF

3 283,49

3 282,49

nc

nc

nc

nc

3 408

3 408

Action 4 Régime de la RATP

709,3

709,3

nc

nc

nc

nc

712,3

712,3

Action 5 Autres régimes

127,02

127,02

nc

nc

nc

nc

126,52

126,52

P 197  Régimes des marins

824,31

824,31

0

0

824,31

824,31

824,31

824,31

Action 1 Régime des marins

824,31

824,31

0

0

824,31

824,31

824,31

824,31

P 195  Régimes fermés

1 388,09

1 388,09

 11,3 (2)

 11,3(2)

1 376,81

1 376,81

1 376,81

1 376,81

Action 1 Fonds spécial de retraite des mines

1 177,43

1 177,43

nc

nc

nc

nc

1 167,9

1 167,9

Action 2 Régime de la SEITA

153,35

153,35

nc

nc

nc

nc

152

152

Action 4 Caisse des retraites des régies ferroviaires d’outre-mer

2,14

2,14

nc

nc

nc

nc

1,76

1,76

Action 7 Versements liés à la liquidation de l’ORTF

0,17

0,17

nc

nc

nc

nc

0,14

0,14

Action 11 Régime complémentaire des exploitants agricoles (RCO)

55

55

nc

nc

nc

nc

55

55

(1)    Sur le programme 198, 127 millions d’euros ont été ouverts en cours d’année, dont 11,5 millions d’euros ouverts par transfert de crédits depuis le programme 195 (décret du 22 novembre 2018) et 115,5 millions d’euros ouverts par la loi de finances rectificative du 10 décembre 2018.

(2)    Sur le programme 195, 11,3 millions d’euros ont été annulés en cours d’année, addition de l’annulation de 11,5 millions d’euros de crédits transférés vers le programme 198 (décret du 22 novembre 2018) et de l’ouverture de 0,2 million d’euros de crédits (reports de 2017).


A.   Une surexÉcution des crÉdits des rÉgimes de la sncf et de la ratp QUI Était PRÉVISIBLE

Le delta de 127 millions d’euros observé entre la prévision et l’exécution sur le périmètre de la mission s’explique essentiellement, une fois de plus, par un besoin supplémentaire exprimé par la caisse de retraite des personnels de la SNCF en cours d’exercice.

1.   Un taux d’exécution de 103 % pour les régimes des transports terrestres

En loi de finances initiale pour 2018, 4 120 millions d’euros avaient été budgétés pour équilibrer les régimes de retraite des transports terrestres. Le montant des crédits consommés s’élève à 4 247 millions d’euros, soit un écart de 127 millions d’euros. Le taux d’exécution est ainsi de 103 % sur le programme 198.

Cet écart est essentiellement dû au régime de retraite de la SNCF (action 3), qui a exprimé un besoin supplémentaire de 124 millions d’euros en cours d’exercice.

S’y ajoute un besoin supplémentaire de 3 millions d’euros venant de la caisse de retraite de la RATP. Selon la Cour des comptes, ce besoin serait lié à un différend entre la caisse et la RATP sur le mode de calcul des cotisations patronales, la RATP ayant refusé de verser une somme considérée comme indu. 

2.   L’ouverture de 115 millions d’euros en LFR, fléchés vers la SNCF

L’article 3 du décret n°2007-1056 du 28 juin 2007 relatif aux ressources de la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF prévoit qu’un versement de l’État assure l’équilibre financier entre les charges de toute nature et les autres recettes du régime. Ainsi, toute aggravation du déséquilibre du régime en cours d’exercice budgétaire, lorsqu’elle n’a pas été anticipée, pèse sur le montant de la subvention d’équilibre.

Article 3 du décret n°2007-1056 du 28 juin 2007

 

Le versement de l'État prévu au 2° du I de l'article 1er assure l'équilibre financier entre les charges de toute nature et les autres recettes du régime de retraites.

 

Les modalités de ce versement sont fixées par convention entre la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la Société nationale des chemins de fer français et les ministères chargés du budget de la sécurité sociale et des transports.

En 2018, deux facteurs expliquent le besoin de 124 millions d’euros exprimé en cours d’année : la volonté d’apurer d’un seul coup la dette de l’État envers la caisse (89 millions d’euros) et la conséquence des grèves du printemps 2018 sur le montant des cotisations (35 millions d’euros).

Pour y répondre, la loi n°2018-1104 du 10 décembre 2018 de finances rectificative pour 2018 a procédé à l’ouverture, sur le programme 198 Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres, au profit de la seule action 3 Régimes de retraite du personnel de la SNCF, de 115,5 millions d’euros de crédits supplémentaires. En complément, la caisse a perçu une partie des 11,5 millions d’euros de crédits transférés depuis le programme 195 (décret du 22 novembre 2018).

a.   Des crédits essentiellement destinés à apurer la dette de l’État envers la caisse

Le régime spécial de retraite des personnels de la SNCF est financé par des cotisations patronales dont le taux est la somme de deux composantes : un taux T1 qui correspond au montant des cotisations qui seraient dues si le salarié de la SNCF était affilié au régime général et à l’AGIRC-ARCOO ; un taux T2 qui représente une contribution forfaitaire au financement des droits spécifiques du régime spécial. Les taux T1 et T2 s’appliquent à la même assiette. Comme le prévoit l’article 2 du décret n°2007-1056 du 28 juin 2007 relatif aux ressources de la caisse de la SNCF, un arrêté conjoint des ministres du budget, de la sécurité sociale et des transports fixe chaque année un taux T1 provisionnel.

Or, du point de vue de la SNCF, les taux T1 définis pour les années 2013 à 2015 étaient excessifs. Suite au recours que l’entreprise avait introduit contre les arrêtés fixant ces taux, le Conseil d’État lui a donné gain de cause par deux décisions de mai et juillet 2016. Il en a résulté une dette de la caisse envers la SNCF d’un montant de 99 millions d’euros. L’État étant juridiquement tenu d’équilibrer les comptes de la caisse selon l’article du décret susvisé, il s’est alors trouvé redevable de cette dette. Fin 2016, 95,8 millions d’euros restaient à rembourser, auxquels s’est ajoutée une dette supplémentaire de 8,3 millions d’euros en 2017. En somme, au début de l’année 2018, la créance totale de la caisse sur l’État s’élevait à 104,1 millions d’euros. Son remboursement intégral en 2018 explique en partie la sur-exécution observée sur le programme.

b.   Une sur-exécution qui aurait pu être évitée

Pour le rapporteur spécial, cette sur-exécution aurait pu être anticipée dès la loi de finances initiale et donc évitée.

i.   Le remboursement intégral de la dette aurait dû être budgété

Dans le cadre de ses travaux sur le projet de loi de finances pour 2018, en octobre 2017, le rapporteur spécial avait bien noté l’intention mentionnée dans le projet annuel de performances du programme 198 de commencer à rembourser « à partir de l’année 2018 » ([1]) la dette contractée par l’État auprès de la caisse.

Or, ce remboursement n’avait pas été budgété dans le projet de loi de finances pour 2018. Interrogée à plusieurs reprises par le rapporteur spécial à ce sujet, la direction du budget, tutelle financière de la caisse de retraite de la SNCF, avait indiqué que le remboursement débuterait en 2018 et qu’il serait échelonné sur plusieurs années, en fonction du résultat de fin de gestion. Elle n’avait pas souhaité fournir d’échéancier.

Seuls 15 millions d’euros, correspondant à des crédits initialement budgétés en vue de la revalorisation des pensions en 2018, finalement repoussée à 2019 par la loi de financement pour la sécurité sociale, avaient été « réservés » à cette fin au cours de la discussion budgétaire, au lieu d’être annulés.

Une fois ces 15 millions d’euros retranchés au montant dû de 104 millions d’euros, il restait 89 millions d’euros à dépenser pour rembourser l’intégralité de la dette envers la caisse.

En dépit de son intention initiale d’échelonner le remboursement sur plusieurs années, l’État a choisi de solder cette dette en 2018. Le rapporteur spécial salue cette volonté d’apurement mais considère, de même que la Cour des comptes qui l’a écrit dans sa note d’exécution budgétaire, que la loi de finances initiale pour 2018 aurait dû budgéter intégralement cette dépense ([2]).

ii.   L’écart à la prévision aurait pu être anticipé

Dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2018, le rapporteur spécial s’était aussi inquiété d’un risque de sur-exécution des crédits lié à un défaut de prévision.

En effet, depuis 2015, il avait été constaté un écart récurrent entre le montant prévu en loi de finances initiale et le besoin d’équilibre exprimé par la caisse de retraite de la SNCF en cours d’exercice, conduisant à des ouvertures de crédits en cours d’année 2015, 2016 (+ 51 millions d’euros) et 2017 (+ 18 millions d’euros).

L’exécution 2018 donne également raison au rapporteur sur ce point puisque, en plus des 89 millions d’euros évoqués supra, l’État a dû trouver 35 millions d’euros pour compléter les crédits budgétés pour équilibrer le régime. Une fois de plus, ces derniers avaient été sous-estimés.

Selon la direction du budget, les surexécutions observées ces dernières années correspondent à des phénomènes qu’il était difficile d’anticiper. En 2016, c’est l’annonce de la suppression de la disposition permettant aux cheminots parents de trois enfants de prendre leur retraite dès quinze ans de service qui a conduit de nombreux agents à liquider leur retraite. En 2017, l’annonce de la mise en place d’un régime universel a produit le même effet. En 2018, ce sont les grèves qui ont conduit à une baisse inattendue des recettes de cotisations.

Néanmoins, la tendance à l’accentuation du déséquilibre du régime est connue. Si l’âge de départ en retraite des agents de la SNCF tend à reculer, de trois mois chaque année, conduisant à freiner la hausse du nombre de pensionnés, le nombre des cotisants diminue lui aussi compte tenu du recul des embauches au statut. Le pacte ferroviaire 2018 devrait, en outre, accentuer encore ce phénomène.

Aussi, pour le rapporteur spécial, la récurrence de la sous-budgétisation constatée depuis 2015 devrait conduire le responsable de programme à mieux calibrer les crédits destinés à la caisse de retraite gestionnaire du régime de la SNCF dans le prochain projet de loi de finances, en anticipant les aléas.

 

Recommandation 1

 

Lors de l’élaboration du projet de loi de finances pour 2020, prévoir une enveloppe de crédits pour l’action 3 Régime de retraite du personnel de la SNCF qui soit destinée à couvrir l’aléa.

3.   Une légère sur-exécution des crédits du CFA

Les crédits destinés aux autres régimes des transports terrestres (action 5 du programme) ont, eux, été exécutés à hauteur de 99,6 % du montant voté en loi de finances initiale.

Ce taux d’exécution raisonnable masque une sur-exécution des crédits dédiés au congé de fin d’activité des conducteurs routiers, compensée par une moindre consommation des crédits dédiés aux régimes fermés.

a.   Les crédits dédiés au CFA ont permis de solder la dette envers Klésia

Budgétés à hauteur de 90,2 millions d’euros en loi de finances pour 2018, les crédits dédiés au congé de fin d’activité des conducteurs routiers (CFA) ont été exécutés à hauteur de 90,8 millions d’euros, soit une légère sur-exécution de 600 000 euros.

i.   4,5 millions d’euros versés en 2018 pour rembourser la dette

Le rapport annuel de performances du programme 198 indique qu’il est délicat pour le responsable de programme d’établir des prévisions fiables de dépenses au titre du congé de fin d’activité. En effet, le nombre d’entrées dans le dispositif dépend essentiellement de l’évolution démographique et des comportements individuels des conducteurs routiers (eux-mêmes déterminés par des stratégies personnelles de fin de carrière et par la conjoncture économique).


Néanmoins, ce n’est pas cette difficulté de prévision qui a engendré, en 2018, la surexécution des crédits de cette action, mais la volonté de l’État de rembourser au groupe Klésia une dette contractée au titre du dispositif Agecfa. Sur 10 millions d’euros de dette, l’État en avait remboursé 6 millions d’euros en 2017 et en a remboursé 4 millions d’euros – le solde – en 2018.

Le rapporteur spécial salue l’apurement, en 2018, des dettes contractées par l’État auprès des caisses gestionnaires de régimes spéciaux. Cela permet de revenir à une gestion saine en 2019.

ii.   Une inquiétude quant à l’avenir du dispositif

Le congé de fin d’activité (CFA) des conducteurs routiers est un dispositif créé dans le contexte des grèves de 1995 contre le « plan Juppé », qui prévoyait l’augmentation des cotisations d’assurance maladie pour les retraités. Les organisations syndicales avaient obtenu la conclusion d’un protocole d’accord avec l’État, signé le 29 novembre 1996. Ce dernier prévoyait qu’un congé de fin d’activité soit créé par un accord de branche, pour assurer aux conducteurs routiers ayant subi une certaine pénibilité (conduite d’un véhicule de plus de 3,5 tonnes pendant au moins vingt-cinq ans) la possibilité de bénéficier d’un congé rémunéré (75 % du salaire brut annuel) avant l’ouverture des droits à la retraite (dès 55 ans). Chaque départ en CFA devait s’accompagner, dans l’entreprise, d’une embauche d’un jeune en contrat à durée indéterminée à temps plein.

Aux termes du protocole d’accord, l’État devait participer au financement du dispositif pour la période allant de 57,5 ans à l’âge légal d’ouverture des droits à la retraite, en assurant une indemnisation de 60 % du salaire brut annuel. Les organisations d’employeurs et de salariés s’étaient, quant à elles, mises d’accord sur le fait qu’employeurs et salariés financeraient le complément (75 % du salaire brut annuel pour la période allant de 55 à 57,5 ans, et 15 % en complément du financement de l’État pour la seconde période).

Mis en place par l’accord du 28 mars 1997, le dispositif est géré par deux fonds, le FONGECFA et l’AGECFA, dépendant du groupe privé de protection sociale Klésia. Il a par la suite été étendu aux conducteurs routiers travaillant dans le transport de fonds et valeurs ainsi qu’au secteur du transport de passagers. En 2011, suite à la réforme des retraites, l’âge d’entrée dans le dispositif a été repoussé à 57 ans pour tenir compte du passage de l’âge légal de départ de 60 à 62 ans.

Aujourd’hui, le recours au CFA tend à baisser, avec 2 324 conducteurs routiers entrés dans le dispositif en 2018 contre 2 578 en 2017.

 

 

Le rapporteur spécial dresse deux constats au sujet de ce dispositif.

Le premier constat est relatif à la mesure de la performance. L’objectif du CFA est double : d’une part, il s’agit de compenser la pénibilité subie par les conducteurs routiers pendant leur carrière par un départ anticipé par rapport à l’âge légal de la retraite ; d’autre part, il s’agit d’inciter les entreprises du transport routier à embaucher des jeunes en contrat à durée indéterminée.

Or, l’indicateur 1.1 « Niveau des embauches de conducteurs en contrepartie des départs en CFA » retenu pour le dispositif de mesure de la performance du programme ne mesure pas l’atteinte de l’objectif de compensation de la pénibilité. Il se contente de mesurer l’atteinte de l’objectif de développement de l’emploi (avec, d’ailleurs, un résultat de 75 % des départs en CFA compensés par une embauche, contre un résultat prévisionnel de 85 %).

Puisque seul le salarié peut demander à bénéficier d’un CFA, il pourrait par exemple être envisagé de calculer un taux de recours au CFA au sein de la population de conducteurs routiers qui remplissent les critères pour y prétendre.

Recommandation 2

Compléter l’indicateur 1.1 par un sous-indicateur permettant de mesurer l’atteinte de l’objectif de compensation de la pénibilité.

Le second constat est relatif aux inquiétudes du secteur quant à l’avenir du dispositif. Rencontrés à la demande du rapporteur spécial, les organismes gestionnaires ont indiqué que l’État leur avait demandé de réfléchir à une réforme du financement, laquelle devrait intervenir en 2020. Or, pour le moment, aucune discussion tripartite n’a été engagée, ce qui laisse planer un doute sur la pérennité de la participation de l’État au financement du dispositif.

Recommandation 3

Engager des discussions tripartites entre l’État, l’AGECFA et le FONGECFA, en vue de réfléchir à la réforme du dispositif souhaitée par le gouvernement.

b.   Une sous-exécution des crédits dédiés aux régimes fermés de l’action 5

Le besoin de financement supplémentaire exprimé au titre du CFA a été largement absorbé par une moindre consommation des crédits destinés aux compléments de pension des conducteurs routiers ainsi qu’aux pensions des anciens agents des chemins de fer d’Afrique du nord et d’outre-mer et des anciens agents des chemins de fer secondaires d’intérêt local.

Le nombre de ces pensionnés diminue d’année en année, comme indiqué dans le tableau ci-dessous.

NOMBRE DE PENSIONNÉS DES RÉGIMES FERMÉS DE L’ACTION 5

 

 

2016

2017

2018

Chemins de fer d’Afrique du nord

4 870

4 477

4 137

Chemin de fer de la Mure et transports en commun de la région lyonnaise

103

95

84

Transports urbains tunisiens et marocains

90

81

76

Réseau franco-éthiopien

11

9

9

4.   S’agissant de dépenses contraintes, le responsable de programme ne peut agir que sur les coûts de gestion

Les crédits du programme 198 correspondent à des dépenses contraintes. Dans le cas du régime spécial de la SNCF, c’est une disposition réglementaire qui prévoit que l’État verse une subvention d’équilibre ([3]). Dans le cas de la RATP, le décret n’est pas aussi clair, se contentant de lister les dépenses de la caisse prises en charge par l’État ([4]) (tels que les frais de compensation démographique), mais en pratique c’est aussi une subvention d’équilibre qui est versée. Quant au congé de fin d’activité des conducteurs routiers, l’État s’est engagé à le cofinancer dans le cadre d’un protocole d’accord signé avec les organisations syndicales en 1996 ([5]). Depuis un décret de 1998, il a aussi l’obligation de financer un complément de pension aux bénéficiaires du CFA lorsqu’ils ne remplissent pas les conditions du taux plein[6].

Aussi, en dehors des réformes qui, ces dernières années, ont conduit à aligner les paramètres des régimes spéciaux sur ceux de la fonction publique et donc à repousser l’âge de départ en retraite, ou bien des mesures qui ont consisté à limiter la revalorisation des pensions ([7]), l’État a peu de marge de manœuvre pour agir sur le montant de ces dépenses, qui dépendent principalement de l’évolution démographique ainsi que des comportements des assurés.

Dès lors, on constate régulièrement des écarts en exécution par rapport à la prévision en loi de finances initiale.

Le seul outil à disposition de l’État pour tenter de contenir l’inflation du montant des subventions d’équilibre consiste à inciter les caisses à maîtriser leurs frais de gestion. Ainsi, comme l’explique la Cour des comptes en page 45 de sa note d’exécution budgétaire, bien que les coûts de gestion des caisses « soient très inférieurs aux charges de pensions, ils constituent l’un des déterminants de la dépense auquel l’État doit veiller de près, ce déterminant étant le seul à être vraiment pilotable ». À ce sujet, estime la Cour, en dépit de l’ambition portée par les conventions d’objectifs et de gestion signées avec les principales caisses, « les résultats sont en-deçà des attentes ». Elle doit rendre en juin un rapport qui lui a été commandé sur ce sujet par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale au titre de l’article LO132-3-1 du code des juridictions financières, suggérant des pistes d’économies.

L’analyse du rapport annuel de performances enseigne déjà que les dépenses de gestion de la caisse de retraite de la SNCF sont en légère baisse par rapport à 2017. Le ratio coût de gestion / volume des prestations servies s’élève à 0,46 % en 2018, contre 0,47 % en 2017. Cette amélioration reflète la diminution des dépenses de personnel de la caisse liée au ralentissement des recrutements au premier semestre 2018. Quant aux dépenses de gestion de la caisse de retraite de la RATP, elles augmentent très légèrement par rapport à 2017, avec un ratio de 0,42 % contre 0,41 % en 2017.    

B.   une parfaite exÉcution des crÉdits DU PROGRAMME 197 dÉdiÉs au rÉgime des marins

Le régime des marins est un régime spécial au sens de l’article L. 711-1 du code de la sécurité sociale. En loi de finances initiale pour 2018, 824 millions d’euros avaient été budgétés pour le financement de ce régime, dont 11,1 millions d’euros au titre de la subvention pour charges de service public versée à l’Établissement national des invalides de la Marine (ENIM) en tant qu’opérateur du programme, pour la gestion de la branche vieillesse (dépenses de fonctionnement), et 813,2 millions d’euros destinés à équilibrer ce régime (dépenses d’intervention : participation au financement des pensions et des dispositifs d’action sociale en lien avec le risque vieillesse).

Ces crédits ont été intégralement exécutés. Ils représentent plus de la moitié des produits perçus par l’ENIM, dont le budget était d’1,5 milliard d’euros en 2018.

1.   En 2018, l’ENIM a réduit ses dépenses de personnel, conformément à la COG

L’ENIM est l’établissement public administratif en charge de la gestion du régime spécial des marins. Son statut est organisé par le décret n° 2010-1009 du 30 août 2010 et il est placé sous la triple tutelle des ministres chargés de la mer, du budget et de la sécurité sociale.

Au titre de la gestion de la branche vieillesse du régime de protection sociale des marins, l’État verse à l’ENIM, unique opérateur de la mission Régimes sociaux et de retraite, une subvention pour charges de service public. Cette somme couvre la masse salariale des personnels de la branche, les dépenses de logistique et informatiques, et la dotation aux amortissements.

En tant que gestionnaire de la Caisse de retraite des marins, l’ENIM assure le recouvrement des cotisations des marins et armateurs et verse les pensions. Il veille au respect des règles définies dans le code des pensions de retraite des marins français du commerce, de la pêche et de la plaisance. En outre, il propose des prestations d’action sanitaire et sociale en direction des pensionnés et de leurs ayants droit.

Le montant de la subvention pour charges de service public, qui s’établit à 11,1 millions d’euros en 2018, est en hausse de 370 000 euros par rapport à 2017, ce qui traduit une hausse des frais de gestion.

Dans le cadre de la convention d’objectifs et de gestion signée avec l’État le 3 mai 2017 et couvrant la période 2016-2020, l’ENIM s’est engagé à réduire ses effectifs pour diminuer ses dépenses de personnel. L’objectif est de – 11 % sur l’ensemble de la période. En 2017, l’ENIM comptait 326 ETPT sous plafond. En 2018, l’exécution présente une consommation de 314 ETPT, pour une prévision initiale de 317 ETPT sous plafond. Ainsi, les dépenses de personnel sont inférieures de 500 000 euros au montant inscrit au budget initial, et inférieures de 396 000 euros au montant constaté en 2017. L’ENIM a bien respecté sa trajectoire de réduction des effectifs.

En revanche, les frais de fonctionnement autre que les charges de personnel augmentent de plus d’un million d’euros par rapport à 2017. Les indicateurs de performance en témoignent : en 2018, le ratio coûts de gestion / volume de prestations servies par l’ENIM s’élève à 0,9 %, contre 0,82 % en 2017. Le rapport annuel de performances indique que cette hausse est liée à l’accélération des projets informatiques. La réduction de ces dépenses de gestion reste un enjeu prioritaire pour l’ENIM.

2.   Le ratio démographique du régime s’améliore légèrement

En 2018, le régime des marins reste fortement déséquilibré, avec 30 888 actifs cotisants pour 111 319 pensions versées. Le ratio démographique est néanmoins très légèrement supérieur à celui de 2017, du fait d’une diminution plus importante du nombre des pensionnés que du nombre des cotisants.

Dès lors, la subvention étatique s’établit en 2018 à 813 millions d’euros, en baisse de 4 millions d’euros par rapport à 2017. Elle permet de couvrir le déficit constaté de la branche vieillesse après intervention de la solidarité interprofessionnelle (compensation inter-régimes).

Pour autant, le taux de couverture des dépenses de pension par le budget de l’État continue d’augmenter, passant de 78 % en 2017 à 79,6 % en 2018. Ainsi, le montant de la subvention baisse proportionnellement moins vite que le déséquilibre ne diminue.

Le rapport annuel de performances du programme précise que la structure des dépenses de pensions versées par l’ENIM et leur caractère obligatoire « ne permettent pas à l’ENIM d’en contrôler directement ou indirectement l’évolution, celle-ci dépend des tendances et de l’évolution de la population des actifs et des ayants droits, ainsi que de facteurs extérieurs tel que le taux de revalorisation des pensions ». Dès lors, la maîtrise des coûts de gestion reste le seul facteur de réduction des dépenses pour l’État.

C.   une EXÉCUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 195 QUI SUIT UNE TENDANCE À LA BAISSE

Le programme 195 regroupe deux ensembles de crédits : d’une part, des subventions d’équilibre à des régimes spéciaux fermés, n’accueillant plus de nouveaux cotisants et pour certains en voie d’extinction ; d’autre part, une subvention forfaitaire de 55 millions d’euros destinée à financer le régime complémentaire des exploitants agricoles (RCO).

En 2018, 1,38 milliard d’euros ont été consommés au titre du programme 195, soit 49,8 millions d’euros de moins qu’en 2017. Cette diminution témoigne du déclin progressif de ces régimes. Elle est aussi liée au décalage de la date de revalorisation des pensions au 1er janvier 2019. Le montant consommé pour le RCO est, lui, strictement identique à l’année dernière.

1.   Les régimes fermés poursuivent leur déclin

Les régimes spéciaux subventionnés par l’État sur ce programme sont des régimes fermés, c’est-à-dire qu’ils n’accueillent plus de nouveaux cotisants. Ce déséquilibre démographique les rend pleinement dépendants de la solidarité nationale. C’est le cas du régime des Mines, qui représente 85 % de la dépense du programme. En 2017, le régime ne comptait plus que 1 900 cotisants pour 263 805 pensionnés.

D’autres régimes, en voie d’extinction, ne comptent même plus aucun cotisant : c’est le cas des régimes de la SEITA, des régies ferroviaires d’outre-mer et de l’ORTF.

D’année en année, le nombre des pensionnés de ces régimes diminue, de sorte que la subvention qui leur est versée diminue également. Cependant, afin de réduire encore la dépense, l’État demande aux caisses de réduire leurs coûts de gestion. Ainsi, la convention d’objectifs et de gestion signée avec la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines (CANSSM) en juin 2018 contient des objectifs en ce sens. D’ailleurs, les indicateurs de performance montrent que le coût unitaire d’une primo-liquidation de pension par la CANSSM a baissé en 2018 (185 euros, contre 180 euros en 2017), témoignant d’un effort sur les coûts de personnel.

NOMBRE DE PENSIONNÉS DES RÉGIMES FERMÉS DU PROGRAMME 195

 

Part dans la dépense du programme

2016

2017

2018

Régime des Mines

85 %

276 460

263 805

253 051

Régime de la SEITA

11 %

9 294

8 373

7 960

Régimes des régies ferroviaires d’outre-mer

0,2 %

145

100

87

Régime de l’ORTF

0,0 %

118

80

69

 

2.   La subvention au RCO pourrait augmenter dans un contexte de fragilisation de son financement

En 2018, la subvention étatique au régime complémentaire obligatoire des exploitants agricoles (RCO), d’un montant de 55 millions d’euros identique aux années précédentes, a été intégralement exécutée.

Cette subvention est versée depuis 2017 par le programme 195 pour financer une mesure consistant à ce que les exploitants agricoles puissent bénéficier d’un montant total des pensions de base et complémentaire au moins égal à 75 % du SMIC. Le rapporteur spécial soutient d’ailleurs le projet de porter cette garantie à 85 % du SMIC.

Cependant, le financement du RCO apparaît fragilisé par la suppression récente de taxes dites « à faible rendement » dont le produit lui était intégralement affecté. Ainsi, le projet de loi de finances pour 2019 a acté la suppression de la taxe sur les farines à compter du 1er janvier 2019 et la suppression de celle sur les huiles à compter du 1er janvier 2020.

Si, en 2019, le produit de la taxe sur les farines est intégralement compensé par une hausse de la quote-part du droit de consommation sur les alcools, en revanche le rapporteur ne dispose pas d’information à ce stade sur la mesure qui sera retenue pour compenser la disparition de la taxe sur les huiles.  

 

TAXES AFFECTÉES AU RÉGIME COMPLÉMENTAIRE DES EXPLOITANTS AGRICOLES

 

2018

2019

2020

 

Quote-part

Montant

Quote-part

Montant

Quote-part

Montant

Subvention étatique

55

55

55

Produit de la taxe sur les huiles

100 %

137

100 %

139

(2)

0

Produit de la taxe sur les farines

100 %

64

– (1)

0

(1)

0

Droit sur les alcools

4,18 %

93

6,87 %

154

nc

nc

Total

 

349

 

348

nc

nc

(1)    La taxe sur les farines a été supprimée par l’article 26 de la loi de finances initiale pour 2019 (abrogation de l’article 1618 septies du code général des impôts)

(2)    L’article 26 de la loi de finances initiale pour 2019 prévoit la suppression de la taxe sur les huiles (abrogation de l’article 1609 vicies du code général des impôts) à compter du 1er janvier 2020

Recommandation 6

Assurer la compensation de la suppression de la taxe sur les huiles qui entrera en vigueur au 1er janvier 2020.

 

Recommandation 7

Augmenter le montant de la subvention versée au RCO afin de financer une hausse de la garantie à 85 % du SMIC.

 


II.   L’EXÉCUTION DES CRÉDITS du cas pensions

Les agents titulaires de l’État, fonctionnaires civils et militaires, ainsi que les agents non titulaires qui ont le statut d’ouvriers d’État, bénéficient d’un régime spécial de retraite et d’assurance AT-MP. À la différence des autres régimes spéciaux, dont l’État n’est pas gestionnaire, c’est ici lui qui les gère, soit en régie via le service des retraites de l’État (régime des fonctionnaires civils et des militaires), soit par délégation à la caisse des dépôts et consignations (régime des ouvriers d’État).

Ainsi, l’État verse les pensions et allocations aux bénéficiaires de ces régimes. Ces dépenses de l’État sont financées par des recettes spécifiques qui, pour l’essentiel, correspondent à des dépenses versées par d’autres missions budgétaires, au titre des dépenses de personnel (contributions au CAS Pensions versées par les ministères employeurs de fonctionnaires civils et militaires) ou des dépenses d’intervention (subventions d’équilibre versées par les ministères employeurs d’ouvriers d’État). Cette spécificité justifie que ces recettes et dépenses soient retracées dans un compte d’affectation spéciale, ainsi que le prévoit la LOLF.

 En outre, le CAS Pensions retrace également des dépenses de pensions, rentes et allocations qui sont spécifiquement financées par des dépenses d’intervention versées par d’autres programmes, car il s’agit de pensions financées par la solidarité nationale et non selon une logique contributive. Le programme 743 est ainsi qualifié de « programme miroir ».

En loi de finances initiale pour 2018, les dépenses retracées dans le CAS Pensions s’élevaient à 58,41 milliards d’euros au total, les dépenses de pensions civiles et militaires représentant 93,5 % du total. En fin d’année 2018, 58,5 milliards d’euros ont été exécutés, soit un écart de 0,16 % entre la prévision et l’exécution.

Si les taux d’exécution des crédits des programmes 742 et 743 restent inférieurs à 100 %, le taux d’exécution des crédits du programme 741 atteint quant à lui 100,2 %, en raison de dépenses supérieures de 116 millions d’euros à la prévision. C’est cette surexécution des crédits du programme 741 qui explique l’écart de 0,16 % mentionné plus haut.

Ce faisant, les dépenses du CAS Pensions progressent de 1,4 % en 2018 par rapport à 2017. En 2017, elles avaient progressé de 1,2 % et, en 2016, de 0,9 %. Ainsi, le rythme de progression des dépenses continue d’accélérer

Quant aux recettes du CAS Pensions, elles progressent de 0,5 % en 2018 par rapport à 2017. En 2017, elles avaient progressé de 3,2 % et, en 2016, de 0,9 %. Ainsi, le rythme de progression des recettes, au contraire, diminue, en raison du ralentissement de l’augmentation de la masse salariale de l’État.

Cette double tendance devrait conduire à une réduction progressive du solde dégagé chaque année par le CAS Pensions. Ainsi, en fin d’année 2018, le solde est de 1,46 milliard d’euros, tandis qu’il atteignait 1,94 milliard d’euros en fin d’année 2017.

 

EXÉCUTION 2018 DES CRÉDITS DU CAS PENSIONS

(en millions d’euros)

 

 

Crédits ouverts

en LFI

Ouvertures/

annulations en cours d’exercice (1)

Total des crédits ouverts en 2018)

Crédits consommés

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

P 741 Pensions civiles et militaires et allocations temporaires d’invalidité

54 626,8

54 626,8

1 244,4

1 244,4

55 871

55 871

54 742,7

54 742,7

Action 1 Fonctionnaires civils

44 495,7

44 495,7

nc

nc

nc

nc

44 577,4

44 577,4

Action 2 Militaires

9 993,6

9 993,6

nc

nc

nc

nc

10 027,4

10 027,4

Action 3 Allocations temporaires d’invalidité

137,5

137,5

nc

nc

nc

nc

137,8

137,8

P 742  Ouvriers d’État

1 921,57

1 921,57

42

42

1 963,57

1 963,57

1 918,26

1 918,26

Action 1 Prestations vieillesse et invalidité

1 845,7

1 845,7

nc

nc

nc

nc

1 852,63

1 852,63

Action 3 Autres dépenses

0,69

0,69

nc

nc

nc

nc

1,87

1,87

Action 4 Gestion du régime

7,57

7,57

nc

nc

nc

nc

7,91

7,91

Action 5 Rentes d’accident du travail (ouvriers des établissements militaires)

67,61

67,61

nc

nc

nc

nc

55,85

55,85

P 743 Pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre

1 862,66

1 862,66

89,72

89,72

1 952,38

1 952,38

1 844,14

1 844,14

Action 1 Reconnaissance de la nation

744,7

744,7

nc

nc

nc

nc

733,95

733,94

Action 2 Réparation

1 074,2

1 074,2

nc

nc

nc

nc

1 064,8

1 064,8

Action 3 Pensions d’Alsace-Lorraine

16

16

nc

nc

nc

nc

15,82

15,82

Action 4 Allocations de reconnaissance des anciens supplétifs

15,37

15,37

nc

nc

nc

nc

16,91

16,91

Action 5 Pensions du chemin de fer franco-éthiopien

0,05

0,05

nc

nc

nc

nc

0,05

0,05

Action 6 Pensions des sapeurs-pompiers

12,17

12,17

nc

nc

nc

nc

12,45

12,45

Action 7 Pensions de l’ORTF

0,17

0,17

nc

nc

nc

nc

0,15

0,15

(1)    Suite à des reports de crédits disponibles en fin d’année 2017, un arrêté du 22 mars 2018 a procédé à l’ouverture de :

 

 1 244 millions d’euros de crédits supplémentaires sur le programme 741 ;

 42 millions d’euros de crédits supplémentaires sur le programme 742 ;

 89 millions d’euros de crédits supplémentaires sur le programme 743 ;

Contrairement aux reports des programmes du budget général de l’État, les reports de crédits de paiement disponibles sur un CAS ne sont pas soumis à la limitation de 3 % des crédits de la loi de finances initiale.

A.   lES RECETTES du RÉGIME DES FONCTIONNAIRES CIVILS ET DES MILITAIRES sont nettement infÉrieures À la prÉvision

Le programme 741 du CAS Pensions regroupe les crédits qui financent les pensions de retraite et allocations temporaires d’invalidité versées aux fonctionnaires civils et aux militaires. Il s’agit à plus de 99 % de dépenses de personnels, incluant le versement des pensions et des transferts inter-régimes.

En fin d’année 2018, ces pensions et allocations bénéficiaient à 2,47 millions de personnes, un chiffre en hausse par rapport à 2017.

1.   Un écart de plus de 500 millions d’euros en recettes par rapport à la prévision

En fin d’année 2018, 54,7 milliards d’euros de crédits ont été consommés au titre de ces dépenses. Ce montant est supérieur de 863 millions d’euros au montant constaté en 2017, soit une augmentation de 1,6 %.

En outre, il excède de 116 millions d’euros la prévision en loi de finances initiale. Le service des retraites de l’État explique que cet écart n’est pas dû aux dépenses de pension en elles-mêmes, qui sont inférieures de 34 millions d’euros à la prévision (à cause notamment de sorties de pension, c’est-à-dire de décès, plus importantes que prévues), mais aux transferts inter-régimes : + 97 millions d’euros pour la compensation démographique, + 25 millions d’euros pour le transfert État-CNRACL et + 12 millions d’euros pour les dépenses d’affiliations rétroactives.

Cependant, c’est en recettes que l’écart à la prévision est le plus grand. Ainsi, en 2018, les recettes ont été inférieures de 557 millions d’euros au montant inscrit en loi de finances initiale, soit un écart bien plus important encore entre le montant prévu et le montant perçu. Le service des retraites de l’État l’explique par une mauvaise anticipation de l’arbitrage gouvernemental entre l’embauche de fonctionnaires cotisant au régime spécial et l’embauche de contractuels cotisant au régime général. Il indique que cet écart est habituel, mais qu’il est particulièrement fort cette année.

Pour autant, le montant des recettes (56,1 milliards d’euros) reste supérieur au montant des dépenses (54,7 milliards d’euros), de sorte que le solde de la section 1 du CAS Pensions, relative aux pensions civiles et militaires de retraite et aux allocations temporaires d’invalidité (périmètre du programme 741), reste excédentaire de 1 396 millions d’euros.


2.   Les coûts de gestion vont diminuer avec la centralisation des opérations par le SRE

Le rapporteur spécial regrette que les résultats 2018 des indicateurs 1.1 et 1.2, portant sur la maîtrise du coût de gestion des pensions civiles et militaires de retraite, ne soient pas disponibles à la date de transmission du rapport annuel de performances. 

Toutefois, le RAP indique que la centralisation progressive des opérations de liquidation des pensions au service des retraites de l’État devrait être de nature à réduire ces coûts de gestion.

Depuis le 1er janvier 2016, toutes les pensions sont liquidées par le SRE sur la base des comptes individuels de retraite (CIR). Cependant, certains ministères réceptionnent encore les demandes de pension. Ainsi, la Cour des comptes, dans sa note d’exécution budgétaire 2018, indique que, sur trente-deux ministères employeurs, huit réceptionnent encore les demandes. En 2019, quatre ministères devraient franchir le pas. Au final, à horizon 2020, toutes les demandes de pensions devraient parvenir directement au SRE.

En 2018, constate la Cour, le SRE a œuvré à communiquer à destination des DRH, des gestionnaires et des usagers, sur son rôle et son expertise.  

B.   LES DÉPENSES DU RÉGIME DES OUVRIERS D’ÉTAT SONT SUPÉRIEURES À LA PRÉVISION, SANS SUREXÉCUTION DES CRÉDITS

Le programme 742 du CAS Pensions regroupe les crédits qui financent les pensions de retraite et d’invalidité versées aux ouvriers d’État, ainsi que les rentes d’accident du travail qui sont versées à ceux des ouvriers d’État qui travaillent dans des établissements militaires. Ils financent en outre les transferts inter-régimes et les charges de gestion, facturées à l’État par la caisse des dépôts et consignations (CDC).

En effet, c’est la CDC qui, sur délégation, assure la gestion du fonds spécial des ouvriers des établissements industriels de l’État (FSPOEIE) et celle du fonds des rentes d’accident du travail des ouvriers civils des établissements militaires (RATOCEM).

1.   Un régime spécial de retraite par nature très déséquilibré

Le régime de retraite des ouvriers d’État, retracé par le FSPOEIE, est très déséquilibré. En effet, les cotisants au régime sont très inférieurs au nombre des pensionnés (99 625 pensionnés fin 2018), de sorte que le compte prévisionnel du FSPOEIE pour 2019 prévoit un montant de près 1,9 milliard d’euros côté charges, contre seulement 438 millions d’euros de recettes avant subvention.

Dès lors, le régime de retraite est très dépendant de la subvention d’équilibre qui lui est versée par l’État (1 435 millions d’euros en 2018) et qui représente près de 80 % de ses recettes. Cette dernière est versée par les ministères employeurs d’ouvriers d’État, et retracée dans les missions budgétaires correspondantes. Elle fait partie des subventions d’équilibre qui pourraient être regroupées dans la mission Régimes sociaux et de retraite au même titre que les autres dépenses de l’État destinées à équilibrer les régimes spéciaux.

La Cour des comptes, dans sa note sur l’exécution du budget 2018, souligne toutefois que le recrutement d’ouvriers d’État devrait reprendre, notamment sur des missions du ministère des armées, conduisant à augmenter le nombre de cotisants au régime spécial.

2.   Une exécution 2018 satisfaisante

La loi de finances initiale pour 2018 prévoyait 1 921 millions d’euros de crédits pour les prestations vieillesse et invalidité et les rentes d’accident du travail des ouvriers d’État. L’exécution est légèrement inférieure à la prévision, avec 1 918 millions d’euros de crédits consommés.

Ainsi, les dépenses du programme 742 sont globalement inférieures de 3 millions d’euros aux crédits prévus en loi de finances initiale.

Cependant, cet écart ne provient pas des dépenses du FSPOEIE qui, au contraire, sont supérieures de plus de 8 millions d’euros à la prévision. Ainsi, les dépenses de pensions de retraite et d’invalidité excèdent de 7 millions d’euros la prévision, sous l’effet d’un montant moyen des pensions plus élevé que prévu. De même, les dépenses de transfert vers d’autres régimes excèdent de 1,18 million d’euros la prévision. Quant aux frais de gestion du régime, facturés par la CDC à l’État, ils sont supérieurs de 0,35 million d’euros à la prévision, sous l’effet de la hausse des pensions servies.

L’écart à la baisse est dû aux dépenses du RATOCEM, qui sont inférieures de 11 millions d’euros à la prévision (en raison d’une baisse du montant moyen de la prestation), contrebalançant la hausse de 8 millions d’euros. Le total de ces écarts ramène bien à 3 millions d’euros le total des crédits non consommés.

3.   Des dépenses de gestion mieux maîtrisées

Comme pour les autres régimes spéciaux, il est difficile pour le responsable de programme d’agir sur le montant de la dépense, qui est fortement contrainte. Seules les dépenses de gestion peuvent être pilotées et ne représentent que 0,4 % de la dépense. L’indicateur de performance 1.2 montre que ces dépenses de gestion sont mieux maîtrisées en 2018 qu’en 2017, en raison de la baisse des moyens humains et de la dématérialisation des services. Ainsi, elles représentent 0,37 % du montant des pensions servies, contre 0,38 % en 2017.

C.   Une BAISSE TENDANCIELLE DES DÉPENSES DU PROGRAMME 743

Le programme 743 du CAS Pensions retrace des dépenses de pensions, des rentes et des allocations financées par la solidarité nationale au nom d’engagements historiques. 

Ces dépenses suivent une tendance à la baisse. En 2018, elles se sont élevées à 1 844 millions d’euros, contre 1 924 millions d’euros de crédits exécutés en 2017.

L’écart par rapport à la prévision figurant dans la loi de finances initiale pour 2018 s’élève à 18 millions d’euros. Selon le service des retraites de l’État, il correspond à une tendance de réduction régulière des dépenses, notamment de la retraite du combattant (action 1) et des pensions militaires d’invalidité (action 2), liée à une contraction de la population bénéficiaire.

Quant aux recettes finançant les dépenses du programme 743, elles sont versées suite à des appels de fonds adressés aux programmes support, en particulier le programme 169 du ministère des armées, qui assure la prévision et le financement de la retraite du combattant, des pensions militaires d’invalidité et des allocations de reconnaissance des anciens supplétifs. Ces appels de fonds correspondent au montant des dépenses prévisionnelles actualisées en cours d’année par les différents responsables de programmes support. Aussi, les recettes suivent la tendance à la baisse des dépenses et sont inférieures de 9,6 millions d’euros à la loi de finances initiale.

D.   uN SOLDE EXCÉDENTAIRE POUR 2018, QUI PORTE LE SOLDE CUMULÉ À 6,56 MILLIARDS d’EUROS

De même que pour la section 1 du CAS Pensions (solde excédentaire de 1,4 milliard d’euros), les soldes des autres sections du compte d’affectation spéciale sont excédentaires en fin d’année. La section 2 Ouvriers des établissements industriels de l’État dégage un solde de 52 millions d’euros, tandis que la section 3 Pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerres dégage un solde de 9 millions d’euros.

Au total, le solde du CAS Pensions en fin d’année 2018 s’élève à 1,46 milliard d’euros, portant le montant du solde cumulé à 6,56 milliards d’euros.

    


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   DEUXIÈME PARTIE : LA PRISE EN COMPTE DE LA PÉNIBILITÉ DANS LES RÉGIMES SPÉCIAUX : LES CATÉGORIES ACTIVES

Les régimes spéciaux présentent de nombreuses spécificités qui rendent difficile leur rapprochement avec les régimes alignés – régime général, régime des salariés agricoles et régime des indépendants. Non seulement il s’agit de régimes intégrés, incluant la partie complémentaire, mais leurs règles de liquidation sont très différentes (pension calculée sur le traitement de base des six derniers mois, excluant les primes, avec un taux de liquidation de 75 %).

De surcroît, en matière de pénibilité du travail, les régimes spéciaux distinguent des « catégories actives » au sein de leurs affiliés, qui bénéficient d’un âge de départ à la retraite dérogatoire par rapport aux « catégories sédentaires » de ces régimes. Cette spécificité rend particulièrement difficile leur assimilation aux autres régimes de retraite de base. Elle est un des nombreux chantiers sur lesquels travaille le haut-commissaire à la réforme des retraites.

Aussi, le rapporteur spécial a souhaité s’intéresser aux catégories actives des régimes spéciaux financés par les missions Régimes sociaux et de retraite et CAS Pensions : le régime des fonctionnaires civils et des militaires, le régime de la SNCF et le régime de la RATP. Il s’est penché sur les enjeux de leur transposition dans le nouveau régime universel.

I.   les rÉgimes spÉciaux INCLUENT DES DISPOSITIFS DE PÉNIBILITÉ, ce qui les rend inÉligibles au compte professionnel de prévention

A.   LA PRISE EN COMPTE DE LA PÉNIBILITÉ DANS LE RÉGIME GÉNÉRAL : RÉPARATION ET COMPENSATION

La pénibilité du travail est prise en compte de deux manières différentes dans le système actuel d’assurance vieillesse de retraite. Lorsque l’exercice de la profession est la cause d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail, il est prévu la possibilité d’un départ en retraite anticipé (mesure réparatrice). De même, lorsque le travailleur a exercé un métier pénible pendant une bonne partie de sa carrière, des dispositifs de départ anticipé existent aussi, pour compenser le fait que cette pénibilité peut réduire l’espérance de vie à la retraite (mesure compensatoire).

Avant la réforme des retraites de 2010, la pénibilité du travail n’était pas prise en compte dans le calcul des droits à la retraite mais certains régimes prévoyaient déjà des âges de départ en retraite plus précoces et des durées de cotisation plus brèves.

1.   Des mesures pour réparer les conséquences de la pénibilité

La loi n°2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites a créé un dispositif de départ anticipé pour incapacité permanente résultant d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.

Ce dispositif dit « pénibilité 2010 » s’applique dans le régime général et dans les régimes de la MSA (MSA-salariés et MSA-exploitants).

Il s’inscrit dans une logique de réparation individualisée. En effet, il permet aux personnes qui, suite à une maladie professionnelle ou à un accident du travail, subissent un taux d’incapacité permanente de 20 % (dès 10 % si la personne a été exposée pendant plus de 17 ans à des facteurs de risques), de partir à la retraite dès 60 ans (au lieu de 62 ans). Pour ces personnes, la décote ne s’applique pas, c’est-à-dire qu’elles bénéficient d’une retraite à taux plein, en revanche la proratisation si, c’est-à-dire que le montant est calculé au prorata de la durée d’assurance.

Ce dispositif est financé par une contribution de la branche AT/MP assurée, pour ce qui concerne le régime général, via la majoration M4 du taux de cotisation AT/MP. En 2016, 4 000 assurés en ont bénéficié dans les régimes général et agricole.

En 2017, il a été élargi pour compenser la sortie de quatre facteurs de pénibilité du compte professionnel de prévention (manutentions manuelles de charge, postures pénibles, vibrations mécaniques et agents chimiques dangereux) : pour les salariés ayant développé une maladie professionnelle liée à l’un de ces facteurs, le départ en retraite anticipée a été facilité par la suppression de la condition d’exposition de 17 ans pour les maladies professionnelles ayant entraîné une incapacité permanente entre 10 % et 19 %. Compte tenu de cet élargissement, ce dispositif « pénibilité 2010 » pourrait à terme concerner jusqu’à 10 000 personnes par an.

2.   Des mesures pour compenser la pénibilité  

La loi n°2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites a créé le compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P), devenu compte professionnel de prévention (C2P, octobre 2017), pendant à l’allongement de la durée d’assurance requise.

Ce dispositif dit « pénibilité 2014 » s’applique à tous les salariés de droit privé et agents non titulaires de la fonction publique, dès lors que ces derniers ne relèvent pas d’un régime spécial comportant un dispositif de prise en compte de la pénibilité.

 

Il s’inscrit dans une logique individualisée de prévention et vise en premier lieu à réduire l’exposition des salariés aux facteurs de risque. Cette exposition est prise en compte sans que le salarié n’ait à justifier d’une atteinte physique. Il permet aux salariés exposés à des risques professionnels d’accumuler des points, qui peuvent être utilisés soit pour obtenir un temps partiel, soit pour de la formation professionnelle, soit être convertis en trimestres (8 trimestres maximum), pour partir à la retraite de manière anticipée (deux ans maximum par rapport à l’âge légal).

Ce dispositif ne garantit pas une retraite « complète » au salarié, dont le montant de pension peut être diminué du fait de la proratisation.

Si l’exposition aux risques était auparavant mesurée grâce à la fiche individuelle créée en 2010, depuis la loi du 17 août 2015 c’est par le biais de la déclaration annuelle des données sociales que l’employeur déclare cette exposition aux risques. En 2017, plus d’un million de salariés ont été déclarés exposés, dont 767 000 environ au titre des six facteurs de pénibilité qui subsistent.

B.   LA PRISE EN COMPTE DE LA PÉNIBILITÉ DANS LES RÉGIMES SPÉCIAUX : LES CATÉGORIES ACTIVES

Depuis leur création, les régimes spéciaux classent en « catégories actives » ceux qui, au sein de leurs affiliés, subissent une pénibilité particulière du fait de leur emploi. Ces catégories bénéficient d’un départ en retraite anticipé par rapport aux « catégories sédentaires ».

 Compte tenu de l’existence de ces dispositifs, le législateur a exclu du champ de mise en œuvre du compte personnel de prévention de la pénibilité les fonctionnaires et les salariés affiliés à un régime spécial de retraite. C’est ce que prévoit l’article L. 4163-4 du code du travail : « Les salariés affiliés à un régime spécial de retraite comportant un dispositif spécifique de reconnaissance et de compensation des effets de l'exposition à certains risques professionnels n'acquièrent pas de droits au titre du compte professionnel de prévention. ».

Ces salariés des « catégories actives » sont expressément listés comme tels par un texte législatif ou réglementaire. Ils peuvent relever de cette catégorie au titre de trois facteurs de pénibilité : une pénibilité fondée sur le risque, une pénibilité fondée sur des fatigues exceptionnelles ou encore une pénibilité fondée sur un risque particulier d’insalubrité (ouvriers d’État). En outre, le classement en catégorie active suppose de répondre à certaines conditions, telles que l’effectivité des services accomplis dans l’emploi, l’occupation de l’emploi au contact direct et permanent avec les malades, etc.

1.   Qui sont les « catégories actives » des régimes spéciaux de retraite ?

a.   Les catégories actives dans la fonction publique d’État

Dans la fonction publique, depuis la loi du 8 juin 1853 relative aux pensions civiles des fonctionnaires, il existe deux modes distincts de départ à la retraite, selon que les services effectués sont dits sédentaires ou actifs. Les emplois qui font courir un risque particulier ou entraînent des fatigues exceptionnelles (horaires de nuit ou décalés) sont classés en « catégorie active ».

La liste de ces emplois a évolué au fur et à mesure des évolutions du service public et de la fonction publique. Dans la fonction publique d’État, ce sont désormais essentiellement les emplois régaliens en lien avec le maintien de l’ordre et de la sécurité qui sont classés en catégorie active (personnels actifs de la police nationale, personnels de l’administration pénitentiaire, éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse..). D’autres emplois ont évolué du statut actif vers le statut sédentaire. Ainsi, le corps des instituteurs était autrefois classé en catégorie active, tandis que le corps des professeurs des écoles, créé en 1990, est sédentaire. De même, à compter de 1997, les catégories actives de La Poste ont été progressivement fermées.

Au total, plus de 175 000 fonctionnaires relèvent de la catégorie active dans la fonction publique d’État, soit 23 % des fonctionnaires civils de l’État.

b.   Les catégories actives dans les régimes des transports terrestres

À la RATP et à la SNCF, on distingue également le « personnel actif » du « personnel sédentaire ».

À la SNCF, cette distinction ne vaut que pour les personnels embauchés au statut de cheminot, en vertu duquel s’appliquent des règles dérogatoires au droit commun en matière de durée du travail, de sécurité de l’emploi ou encore d’assurance vieillesse. Au sein des personnels au statut, ceux de la catégorie des « agents roulants » sont considérés comme étant en « service actif » tandis que les autres sont réputés sédentaires.

À la RATP, on distingue deux catégories actives : la « catégorie A » pour le personnel de maintenance et la « catégorie B » pour les agents d’exploitation. Les agents sédentaires relèvent de la « catégorie S ». Cependant, les agents passent régulièrement d’une catégorie à l’autre. Selon la caisse, tout agent subit de la pénibilité au cours de sa carrière.

2.   Les catégories actives bénéficient de conditions de départ plus favorables, qui compensent la pénibilité subie durant la carrière

a.   Des âges d’ouverture des droits anticipés par rapport aux agents sédentaires

Les catégories actives des régimes spéciaux bénéficient d’âges  d’ouverture du droit à une pension de retraite (AOD) anticipés, sous réserve de l’accomplissement d’une certaine durée de services effectifs dans des emplois de la catégorie active. Dans la fonction publique d’État, il faut avoir passé 17 ans dans un emploi classé « actif » pour en bénéficier, comme le prévoit l’article L24 du code des pensions civiles et militaires de retraite.

Dans le régime de la SNCF, il faut réunir 15 ans de « service actif » dans la catégorie des agents de conduite pour bénéficier de cet AOD anticipé, sauf à occuper un emploi de cette catégorie au moment de la demande de départ en retraite ([8]). Quant aux agents des catégories A et B, dans le régime de la RATP, ils doivent justifier d’une durée de services de 25 à 27 ans pour bénéficier d’un départ anticipé.

Ces AOD sont anticipés par rapport à l’AOD « de droit commun » afférent aux emplois de la catégorie sédentaire. Dans le régime de la SNCF, l’AOD dont bénéficient les agents sédentaires est déjà dérogatoire au droit commun puisqu’il est fixé à 57 ans ([9]). Pour les agents de conduite, il est fixé à 52 ans, soit une anticipation de cinq ans. À la RATP, en revanche, l’AOD des agents sédentaires est calqué sur le régime général. Il en va de même dans le régime de la fonction publique d’État, où l’AOD des agents sédentaires est fixé à 62 ans, tandis qu’il est fixé à 57 ans pour les agents « actifs » et à 52 ans pour les « super-actifs ».

Ces AOD anticipés peuvent être fixés proportionnellement à la durée minimale de service accomplie, ce qui est le cas dans le régime de la RATP mais pas dans celui de la fonction publique.

Dans la fonction publique, ces âges de départ anticipés ne sont pas portables d’un corps de fonctionnaire à l’autre ou d’une fonction publique à l’autre. Ainsi, il faut être dans le corps classé en catégorie active au moment du départ en retraite pour en bénéficier. De même, les droits acquis sont perdus en cas de départ vers le secteur privé.

Enfin, ces âges de départ anticipés ne garantissent pas le taux plein. Les agents peuvent subir une décote et une proratisation de leur pension si la durée d’assurance requise n’est pas atteinte.

Les précédentes réformes des retraites ont été appliquées aux catégories actives selon les mêmes modalités que pour les catégories sédentaires. L’âge d’ouverture des droits a ainsi reculé de deux ans.

b.   Des bonifications de services et majorations de durée d’assurance « métiers »

Dans le régime spécial de retraite de la fonction publique d’État, certains corps de la catégorie active (policiers, contrôleurs aériens, surveillants pénitentiaires et douaniers), dits « super-actifs » bénéficient d’une bonification dite du cinquième, qui accorde un an de bonification pour cinq années travaillées. Les policiers et les douaniers de la branche surveillance acquittent une cotisation spécifique relativement à cette bonification.

Dans les régimes spéciaux hors fonction publique, les bonifications ont été supprimées pour les salariés recrutés à compter de 2008.

c.   L’intégration de certaines primes dans le calcul de la pension

Les catégories actives des régimes spéciaux bénéficient souvent de l’intégration de certaines primes dans le calcul de la pension, permettant ainsi de bénéficier d’un supplément de pension. Bien que bénéficiant à des agents occupant tant des emplois de la catégorie sédentaire que de la catégorie active, cet avantage bénéficie très largement à des agents occupant des emplois de cette dernière catégorie.

À la SNCF, les agents justifiant d’au moins 20 ans dans un travail pénible bénéficient de la majoration de leur prime de travail. Cette indemnité supplémentaire rentre dans l’assiette du revenu de référence pour le calcul de la pension. C’est donc en quelque sorte un dispositif pécuniaire de compensation de la pénibilité. La liste des 58 métiers concernés figure en annexe 4 du décret n° 2008-639 du 30 juin 2008 relatif au régime spécial de retraite du personnel de la SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités. Les syndicats considèrent qu’elle pourrait être revue avec la prise en compte de la charge mentale parmi les critères de pénibilité.

À la RATP, les agents qui effectuent un travail de nuit touchent une « prime de nuit » qui entre dans le calcul de la pension. Environ 10 000 retraités de la RATP en ont bénéficié, pour une majoration de retraite allant jusqu’à 600 euros.

En conclusion, ces populations ne sont pas lésées par le fait d’être exclues du C2P, dans la mesure où le dispositif de départ anticipé propre à chaque régime spécial est souvent plus favorable que le droit commun (anticipation de seulement deux ans permise par le C2P, contre parfois dix ans par le système des catégories actives des régimes spéciaux).

II.   l’AVENIR DES CATÉGORIES ACTIVES DANS LE CONTEXTE DE LA RÉFORME SYSTÉMIQUE

A.   UNE QUESTION PAS ENCORE TRANCHÉE, qui inquiÈte les syndicats

Dans le contexte de la réforme systémique, l’avenir des catégories actives n’est pas encore tranché.

1.   Le haut-commissaire n’a pas encore tranché le devenir des catégories actives

À ce stade, le haut-commissariat à la réforme des retraites n’a pas indiqué précisément comment le nouveau système universel d’assurance vieillesse prendrait en compte la pénibilité du travail. Dans le dossier de presse diffusé aux organisations syndicales le 10 octobre dernier, il est simplement indiqué que les spécificités de certaines situations, dont les métiers pénibles, seront prises en compte, « dès lors qu’elles reposent sur des différences objectives », et que ce point sera examiné dans le cadre de la concertation.

Peut-on maintenir des spécificités liées au statut professionnel sans nuire à l’objectif d’équité recherché ? Quels critères spécifiques aux régimes spéciaux seraient de nature à justifier des départs anticipés dans le système universel ? Faut-il revoir le périmètre des catégories actives ? Quelles seraient alors les conditions d’ouverture de ces droits ? Quel en serait le mode de financement ? Quelle articulation avec le compte professionnel de prévention ? Ces questions ne sont pas tranchées.

2.   Les organisations syndicales sont inquiètes 

Les organisations syndicales que le rapporteur spécial a rencontrées n’admettent pas toujours le lien entre les AOD anticipés et la pénibilité subie par les affiliés. Elles rappellent que sont classés en catégorie active des emplois sans pénibilité, tandis que d’autres emplois vraiment pénibles sont considérés comme sédentaires.

Pour ces organisations, les AOD dérogatoires au droit commun sont avant tout un acquis social, un élément d’attractivité pour ces professions aux fortes sujétions qui ne parviennent plus à retenir leurs jeunes recrues.

De plus, selon certaines, ces âges de départ anticipés sont aussi un moyen pour les employeurs de ne conserver en poste que les agents performants.

Surtout, les organisations syndicales insistent sur le fait que la pénibilité devrait être traitée de façon préventive et non curative.

Enfin, pour justifier la spécificité de la SNCF, les organisations syndicales rappellent volontiers que l’entreprise sur-cotise au régime spécial pour financer ces départs en retraite précoces : c’est l’objet du taux T2. Ce dispositif n’existe pas à la RATP.

B.   PLUSIEURS PISTES DE RÉFLEXION

Lors des auditions menées par le rapporteur spécial, plusieurs pistes de réflexion ont été évoquées pour la prise en compte de la pénibilité du travail dans le futur régime universel. 

1.   L’extension du compte professionnel de prévention à l’ensemble des assurés

Ni les pensionnés civils et militaires de l’État, ni les affiliés des autres régimes spéciaux ne bénéficient aujourd’hui du compte professionnel de prévention.

Dans le contexte de la réforme, cette question est examinée par le haut-commissaire. En effet, le nouveau système universel de retraite implique d’éviter toute distinction entre assurés. Ses services ont indiqué que la transposition du compte professionnel de prévention dans le nouveau système ne posait pas de difficulté technique.

2.   Le maintien d’âges de départ anticipés pour les catégories actives

Le maintien d’âges de départ anticipés pour les agents des catégories actives est l’un des thèmes de la concertation avec les partenaires sociaux.

Les syndicats rencontrés par le rapporteur sont majoritairement favorables à cette solution. Ils refusent d’être « sacrifiés au nom de l’équité ».

Ils citent le modèle AGIRC-ARRCO, régime à points qui prévoit des AOD anticipés pour les affiliés qui justifient d’une certaine pénibilité au cours de leur carrière (mineurs, bénéficiaires de l’allocation amiante…).

Cette hypothèse n’est pas contraire à la position du haut-commissaire, qui a indiqué que la mise en place d’un système universel de retraite permettrait de maintenir des dispositifs particuliers dès lors que ces dérogations reposeraient sur des spécificités objectives justifiant un droit au départ anticipé.

Toutefois, dans cette hypothèse, le départ étant précoce, les points accumulés risqueraient d’être moins nombreux et donc de donner droit à une pension faible. Dès lors, il sera nécessaire de compenser cette différence.

À cet effet, pour préserver l’universalité du nouveau système, le conseil d’orientation des retraites (COR) préconise de compléter la pension par des droits supplémentaires financés par l’impôt ou par une cotisation non-contributive, plutôt que de modifier la formule de calcul des droits à pension pour que les points cumulés rapportent davantage à ceux qui bénéficient d’un AOD anticipé.

 

De leur côté, certains syndicats rencontrés par le rapporteur ont évoqué la possibilité d’une mesure compensatoire sur le salaire en cas d’emploi pénible, permettant de surcotiser pour financer le complément versé au moment de la liquidation de la pension.

Restera à déterminer si le simple fait d’appartenir à une catégorie active peut être considéré, justement, comme une spécificité objective, ou bien si la réflexion doit être menée à l’échelle de l’emploi.

3.   Des âges de départ fixés en fonction de l’espérance de vie à la retraite

Une autre piste évoquée par les syndicats consisterait à fixer l’AOD en fonction de l’espérance de vie à la retraite, calculé pour chaque individu sur la base de la pénibilité des emplois occupés pendant la carrière.

4.   Le calcul d’âges de référence

Enfin, une autre hypothèse envisagée par le Gouvernement consisterait à fixer un âge de référence en plus de l’âge de départ, déclenchant une surcote (en cas de départ au-delà de l’âge de référence) ou une décote (en cas de départ avant l’âge de référence).

Ces âges de référence pourraient être différents selon les personnes en fonction du profil de leur carrière (tenant compte, justement, de la pénibilité subie).


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   Travaux de la commission

Lors de sa réunion de 17 heures le mardi 28 mai 2019, la commission des finances, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, a entendu M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics.

 

Le compte rendu et la vidéo de cette réunion sont disponibles sur le site de l’Assemblée nationale 

    


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   annexe 1 :
Liste des personnes auditionnÉes

 

Haut-commissariat à la réforme des retraites : M. Jean-Luc Izard, Secrétaire général 

Bureau des retraites et des régimes spéciaux, ministère de l’Économie et des Finances : M. Philippe Briard, chef de bureau, M. Jérôme Charasse, adjoint au chef de bureau, M. Vincent Boulen, chargé de mission

Service des retraites de l’État, ministère de l’Économie et des Finances : M. Alain Piau, directeur du service, M. Philippe Chataignon, chef du bureau financier et des statistiques

Conseil d’orientation des retraites : M. Pierre-Louis Bras, président, M. Emmanuel Bretin, secrétaire général

Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF (CPRPSNCF) : M. Pierre Robin, directeur, M. Cédric Brun, sous-directeur du pilotage économique

Syndicats de la SNCF : M. Roger Dillenseger, UNSA ferroviaire, MM. Thierry Durand et Thierry Boitière, CGT Cheminots, MM. Thomas Cavel et Didier Aubert, CFDT Cheminots

Caisse de retraite du personnel de la RATP (CPR RATP) : M. Christophe Rolin, directeur, M. Vincent Lajoanie, cadre juridique

Syndicats de la RATP : Mme Patricia Lasalmonie et M. Samy Si Tayeb, FO/RATP, M. Thierry Babec, UNSA RATP, Mme Sylvie Rousseau, M. Marc Brillaud et M. Techer, Sud RATP, Mme Valérie Vovk et M. Frédéric Ruiz, CFE-CGC RATP, M. Bertrand Hammache, M. Guillaume Lerendu et M Olivier Davoise, CGT/RATP

Syndicats de la fonction publique : Mme Virginie Aubin et M. François Jaboeuf, UFFA-CFDT, M. Philippe Soubirous, secrétaire fédéral, FO Fonctionnaires, M. Alain Darmey, Mme Sylvie Pons et M. Anthony Caillé, UFSE-CGT, Mme Luce Desseaux, secrétaire nationale de la FSU


Établissement national des invalides de la Marine (ENIM) : M. Richard Decottignies, directeur

Groupe Klésia : M. Michel Seyt, président du groupe, M. Guillaume Cadart, président de l’AGECFA-Voyageurs, M. Yves Fargues, président du FONGECFA-Marchandises, M. Patrice Clos, vice-président du FONGECFA-Marchandises, M. Benjamin Laurent, directeur de l’offre ([10])

 

 

 

 

 


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   annexe 2 :
Sources utilisÉes par le rapporteur

Projet de loi de financement de la sécurité sociale, Annexe 6 : Relations financières entre la Sécurité sociale et les autres administrations publiques, octobre 2018.

Haut-commissariat à la réforme des retraites, Dossier de presse : Vers un système universel de retraite plus simple, plus juste, pour tous, octobre 2018.

Cour des comptes, Notes d’exécution budgétaire sur les missions Régimes sociaux et de retraite et CAS Pensions, mai 2019

 


([1]) Projet annuel de performances du programme 198, annexé au projet de loi de finances pour 2018, page 30.

([2]) Note d’exécution budgétaire de la Cour des comptes sur la mission Régimes sociaux et de retraite, mai 2019, page 16.

([3]) Article 3 du décret n°2007-1056 du 28 juin 2007 relatif aux ressources de la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la Société nationale des chemins de fer français. 

([4]) Article 4 du décret n°2005-1637 du 26 décembre 2005 relatif aux ressources de la caisse de retraites du personnel de la Régie autonome des transports parisiens.

([5]) Protocole d’accord du 29 novembre 1996 relatif au congé de fin d’activité des conducteurs routiers de marchandises.

([6]) Décret n°98-792 du 3 septembre 1998 modifiant le décret n°55-1297 du 3 octobre 1955 fixant les conditions de fonctionnement du régime complémentaire de retraite du transport et relatif aux bénéficiaires du congé de fin d'activité institué dans le transport routier et les activités auxiliaires du transport. 

([7]) Exemple de l’article 68 de la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019, limitant à 0,3 % la revalorisation des pensions de retraite en 2019 (en-deçà de l’inflation).

([8]) Articles 1er et 37-1 du décret n°2008-639 du 30 juin 2008 relatif au régime spécial de retraite du personnel de la SNCF.

([9]) À compter de la génération 1967.

([10]) Représentant d’intérêts inscrit au Répertoire de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique.