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N° 2027

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

  QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 juin 2019.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LA PROPOSITION DE LOI, adoptée par le Sénat, relative à plusieurs articles
de la loi portant évolution du logement, de l
aménagement et du numérique (n° 1596)

PAR M. Thibault Bazin,

Député.

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 Voir les numéros :

Sénat : 175, 241, 242 et T.A. 52 (2018-2019).

Assemblée nationale : 1596

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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

COmmentaires des articles

Article 1er (article L. 12-10-1 [nouveau] du code de la construction et de lhabitation) Accès des forces de lordre aux parties communes des immeubles du parc social

Article 2 (article L. 126-3 du code de la construction et de lhabitation et article 6-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986) Occupation des halls dimmeuble, résiliation du bail en cas de condamnation pour trafic de stupéfiants et application rétroactive de la clause résolutoire du bail pour troubles de voisinage

Article 3 (article L. 111-6-6 du code de la construction et de lhabitation) Accès des huissiers de justice aux boîtes aux lettres

Article 4 (article L. 111-6-8 [nouveau] du code de la construction et de lhabitation) Accès des services statistiques publics aux parties communes des immeubles

Article 5 (articles L. 126-1 et L. 651-6 du code de la construction et de lhabitation et article 25 de la loi n° 65557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis) Accès des agents assermentés du service municipal ou départemental du logement aux parties communes des immeubles

EXAMEN en COMMISSION


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   INTRODUCTION

 

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi, adoptée par le Sénat le 22 janvier dernier, est le prolongement des longs débats qui animèrent le Parlement, il y a maintenant un an, à l’occasion du projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN).

Le 19 septembre 2018, après une lecture à l’Assemblée nationale et une lecture au Sénat, la commission mixte paritaire (CMP) convoquée sur le projet de loi ELAN parvenait à conclure à un accord sur un texte comportant 234 articles et abordant des sujets aussi variés que le logement social, l’aménagement commercial et le déploiement du numérique. Cet accord avait alors surpris beaucoup d’observateurs, tant les divergences initiales étaient nombreuses et tant ce type d’accord entre deux chambres aux majorités politiques différentes est devenu aujourd’hui de plus en plus rare. Cet accord était le fruit du compromis et témoignait de l’esprit de responsabilité des deux chambres, afin que les mesures utiles et consensuelles du projet de loi, comme l’amélioration de la lutte contre l’habitat indigne ou la simplification de l’acte de construire, s’appliquent sur le terrain le plus rapidement possible.

Le 16 octobre 2018, après un peu moins de six mois de débats à l’Assemblée nationale et au Sénat, le Parlement adoptait donc définitivement le projet de loi ELAN.

Un mois plus tard, dans sa décision 2018-772 DC du 15 novembre 2018, le Conseil constitutionnel, saisi par plus de 60 députés, déclarait conformes à la Constitution les dispositions contestées de la loi ELAN relatives à l’accessibilité des logements et à la loi Littoral. Mais dans la même décision, sur le fondement de l’article 45 de la Constitution, le Conseil censurait d’office 19 articles au motif qu’ils constituaient des cavaliers législatifs, sans lien direct ou indirect avec les dispositions du projet de loi initial.

Parmi ces 19 articles censurés pour des raisons de forme, et non de fond, plusieurs mesures étaient particulièrement attendues par les acteurs de terrain. C’était le cas de l’assouplissement de l’interdiction des pré-enseignes, qui a déjà fait l’objet depuis d’une proposition de loi de M. Richard Ramos, adoptée par l’Assemblée nationale le 9 mai 2019. C’était aussi le cas des articles 91 et 121 qui donnaient aux organismes HLM de nouveaux outils pour préserver la tranquillité et la sécurité de leurs locataires.

Ces deux articles ont donc fait l’objet d’une nouvelle proposition de loi de Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques du Sénat, déposée sur le bureau du Sénat dès le 4 décembre 2018, soit quinze jours seulement après la promulgation de la loi ELAN. Cette démarche s’accompagnait de l’espoir que le Parlement réitère rapidement son vote.

Les articles 1er et 2 de la PPL que nous examinons aujourd’hui reprennent à l’identique les articles 91 et 121 de la loi ELAN, tels qu’ils avaient été adoptés définitivement par le Parlement.

L’article 1er prévoit un accès permanent de la police nationale, de la gendarmerie nationale et de la police municipale aux parties communes des immeubles du parc social. Cette disposition est le fruit des débats qui avaient animé la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale à l’occasion du projet de loi ELAN. Depuis 1995, la loi permet à tous les propriétaires d’immeubles d’autoriser de façon permanente les forces de l’ordre à pénétrer dans les parties communes de leurs immeubles. De nombreux organismes HLM le font déjà, eu égard aux enjeux particuliers de sécurité auxquels ils sont confrontés. Toutefois, comme l’avait souligné M. Stéphane Peu, les procureurs de la République demandent que ces autorisations d’accès soient renouvelées tous les six mois, ce qui limite fortement leur caractère permanent. Votre rapporteur avait donc lui-même déposé un amendement en séance publique afin de simplifier cette procédure et de poser le principe selon lequel les bailleurs sociaux accordent cette autorisation permanente. Cette mesure de simplification avait été adoptée à une large majorité, avec le soutien du Gouvernement.

L’article 2 de la présente proposition de loi élargit et aggrave les sanctions applicables en cas d’occupation abusive des halls d’immeuble et autorise une résiliation automatique du bail dans le cas où le locataire ou l’un de ses enfants mineurs a été condamné pour trafic de stupéfiants. Ces deux mesures visent à répondre au sentiment d’impuissance que ressentent souvent les bailleurs et les locataires face au fléau du trafic de stupéfiants. Ces trafics, qui s’accompagnent de violences et d’intimidations, pourrissent la vie quotidienne de très nombreux habitants des quartiers sensibles et populaires. Il suffit de deux ou trois trafiquants dans une « barre » d’immeuble pour que la vie de tous les autres locataires de ces immeubles bascule. Les bailleurs sont souvent démunis face à ces situations et les locataires ne comprennent pas l’inaction du bailleur, lequel ne peut engager d’action efficace en résiliation de bail qui aboutisse, en raison notamment de l’insuffisance de preuves.

C’est la raison pour laquelle un amendement avait été adopté au Sénat à l’initiative de la rapporteure et du groupe socialiste, afin de prévoir que la condamnation définitive d’un locataire pour trafic de stupéfiants, concernant des faits s’étant produit dans le logement, l’immeuble ou le groupe d’immeubles, justifierait la résiliation de plein droit du bail. Une telle disposition législative permettrait aux bailleurs d’engager plus facilement des actions contentieuses dans le but d’expulser les locataires concernés. Cette mesure est très attendue par les bailleurs sociaux et a bénéficié jusqu’à aujourd’hui d’un soutien consensuel sur divers bancs de notre Assemblée. Elle avait, en effet, déjà été adoptée définitivement, sous la précédente législature, par la majorité socialiste de l’Assemblée nationale à l’occasion de la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, avant d’être, là encore, censurée par le Conseil constitutionnel au motif qu’il s’agissait d’un cavalier législatif.

Votre rapporteur considère qu’il est donc temps que cette mesure, déjà approuvée deux fois par des majorités politiques successives et jamais censurée sur le fond par le Conseil constitutionnel, entre en application.

Alors que la proposition de loi initiale ne contenait que deux articles, celle qui est examinée aujourd’hui par l’Assemblée nationale en contient cinq. Lors de son examen en séance publique au Sénat, trois amendements de MM. Jean-Pierre Grand et Alain Richard, ayant reçu un avis favorable du Gouvernement, ont en effet ajouté trois autres articles censurés de la loi ELAN : les articles 123, 144 et 152. Ces trois articles ne sont pas sans lien avec les deux précédents : ils traitent également de la question de l’accès de certains services publics aux parties communes des immeubles d’habitation.

L’article 3 de la présente proposition de loi reprend ainsi l’article 123 de la loi ELAN. Il accorde aux huissiers de justice les mêmes facilités d’accès aux boîtes aux lettres particulières des immeubles d’habitation que celles dont bénéficient les postiers. Cette disposition avait été introduite à l’Assemblée nationale par la rapporteure Mme Christelle Dubos, afin de faciliter l’exercice des missions des huissiers de justice, en particulier dans le cadre de la procédure d’expulsion locative. À l’heure actuelle, les huissiers de justice sont très souvent confrontés à une impossibilité matérielle de parvenir physiquement jusqu’à la boîte aux lettres des personnes à qui ils doivent remettre un acte, en raison de la multiplication des systèmes de sécurité dans les immeubles. Certains d’entre eux se heurtent même à des stratagèmes dans les zones sensibles consistant à indiquer peu de noms sur les boîtes aux lettres afin d’éviter les contrôles ou les contacts. Il en résulte des pratiques parfois absurdes comme le fait de coincer dans la porte d’un hall d’immeuble des actes aussi importants que des commandements de payer. Le fait de donner aux huissiers de justice des badges d’accès similaires à ceux des postiers permettrait ainsi d’améliorer sensiblement les missions de conseil et de médiation des huissiers de justice dans le cadre de la prévention des expulsions locatives. Cette mesure, très attendue par la profession, a également été adoptée par le Parlement dans le cadre de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, mais a été, là encore, censurée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 21 mars 2019, au motif qu’il s’agissait d’un cavalier législatif.

L’article 4 de la présente proposition de loi reprend, quant à lui, l’article 152 de la loi ELAN et a lui aussi été adopté puis censuré à deux reprises par le Conseil constitutionnel, au motif qu’il s’agissait d’un cavalier législatif. Avant la loi ELAN, ces dispositions avaient en effet déjà été adoptées dans le cadre de la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté. Il accorde aux agents de l’INSEE et des services statistiques ministériels un droit d’accès aux parties communes des immeubles, afin qu’ils soient en mesure d’assurer leurs missions de service public. Ces derniers sont de plus en plus confrontés à l’impossibilité d’entrer en contact avec les occupants des immeubles collectifs alors que la réalisation d’enquêtes ou de sondages nécessite des échanges directs avec les ménages.

Enfin, l’article 5 de la présente proposition de loi reprend l’article 144 de la loi ELAN. Il donne aux agents assermentés du service municipal ou départemental du logement un droit d’accès aux parties communes des immeubles d’habitation et autorise les propriétaires à leur accorder une autorisation permanente d’accès dans ces parties communes. Ces agents ont notamment pour mission de contrôler les conditions d’occupation des logements afin de rechercher et de constater les infractions à la législation relative aux meublés de tourisme. À Paris et dans les grandes villes, ils jouent ainsi un rôle déterminant dans le contrôle des locations touristiques des plateformes comme Airbnb, qui assèchent le marché locatif. Les sanctions légales contre les pratiques abusives de ces plateformes ont été renforcées par la loi ELAN. Mais encore faut-il que les mairies aient les moyens d’enquêter ! Or, si la loi habilite aujourd’hui ces agents à visiter les logements qu’ils souhaitent, rien n’impose aux gardiens ou aux syndics de les laisser pénétrer dans les parties communes. L’article 5 répond à cette incohérence.

Ces cinq articles censurés de la loi ELAN sont très attendus et ont déjà fait l’objet d’un, voire de deux votes positifs de notre Parlement. Ils se heurtent, depuis deux ans, à de simples questions de procédure, alors qu’ils sont de nature à améliorer sensiblement la vie de nombreux quartiers ou l’accomplissement de missions essentielles de service public.

Le groupe Les Républicains a donc choisi d’inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour de sa « niche », avec l’espoir que notre Assemblée l’adopte sans modification. Fidèle au compromis de la CMP, le Sénat a rejeté tous les amendements qui souhaitaient modifier l’équilibre trouvé à cette occasion.

 


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   COmmentaires des articles

Article 1er
(article L. 12-10-1 [nouveau] du code de la construction et de lhabitation)
Accès des forces de lordre aux parties communes des immeubles du parc social

Cet article prévoit un accès permanent des forces de l’ordre aux parties communes des immeubles du parc social.

1.   L’état du droit

Depuis la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité, l’article L. 126-1 du code de la construction et de l’habitation (CCH) prévoit que les propriétaires ou les exploitants d’immeubles d’habitation peuvent autoriser de façon permanente les forces de l’ordre (police nationale, gendarmerie nationale et police municipale) à pénétrer dans les parties communes de leurs immeubles.

Cette disposition s’applique aussi bien aux propriétaires privés qu’aux bailleurs sociaux.

2.   Les dispositions adoptées par le Sénat

De nombreux organismes HLM accordent d’ores et déjà une autorisation permanente aux forces de l’ordre d’accéder aux parties communes de leurs immeubles. Toutefois, comme l’avait indiqué plusieurs députés à l’occasion de l’examen en commission du projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN), les procureurs de la République demandent que ces autorisations d’accès soient renouvelées tous les six mois, ce qui limite leur caractère permanent.

Un amendement de votre rapporteur avait donc été adopté en séance publique afin de simplifier cette procédure et de poser le principe selon lequel les organismes HLM accordent à la police nationale, à la gendarmerie nationale et à la police municipale une autorisation permanente de pénétrer dans les parties communes de leurs immeubles. Cet article avait ensuite été adopté sans modification par le Sénat.

Dans sa décision 2018-772 DC du 15 novembre 2018 relative à la loi ELAN, le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition, devenue l’article 91, considérant qu’elle n’avait pas de lien direct ou indirect avec les dispositions du projet de loi initial.

Le présent article reprend cette disposition dans sa rédaction définitivement adoptée par le Parlement le 16 octobre 2018. Le Sénat n’y a apporté aucune modification.

3.   L’avis de votre rapporteur

Votre rapporteur ne peut que se satisfaire de la reprise de cet article qu’il avait lui-même introduit à l’occasion de l’examen du projet de loi ELAN à l’Assemblée nationale.

Cette mesure permettra de simplifier la vie des bailleurs sociaux et de mettre fin à l’incompréhension des locataires qui constatent, parfois, que les forces de l’ordre ne peuvent sanctionner certains délits en raison de l’absence de renouvellement de l’autorisation d’accès dans les parties communes de leurs immeubles. La mise en place de cette disposition devra être accompagnée d’une amélioration de la gestion, par les forces de l’ordre, des badges ou des clefs d’accès afin d’éviter les pertes parfois observées.

4.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté cet article sans modification.

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Article 2
(article L. 126-3 du code de la construction et de lhabitation et article 6-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986)
Occupation des halls dimmeuble, résiliation du bail en cas de condamnation pour trafic de stupéfiants et application rétroactive de la clause résolutoire du bail pour troubles de voisinage

Cet article élargit et aggrave les sanctions applicables en cas d’occupation abusive des halls d’immeuble et autorise une résiliation automatique du bail dans le cas où le locataire a été condamné pour trafic de stupéfiants.

1.   L’état du droit

a.   Le délit d’occupation des halls d’immeuble en réunion

Depuis 2003, l’article L. 126-3 du code de la construction et de l’habitation punit de deux mois d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende l’occupation en réunion des espaces communs ou des toits des immeubles à la condition que l’occupation empêche délibérément l’accès ou la libre circulation des personnes ou le bon fonctionnement des dispositifs de sécurité et de sûreté. L’action publique engagée en la matière peut toutefois être éteinte dans le cas où une amende forfaire de 200 euros est versée, en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

Lorsque l’occupation est accompagnée de voies de fait ou de menaces, les peines sont aggravées à six mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende. Les personnes reconnues coupables de ces délits peuvent également se voir infliger une peine complémentaire de travail d’intérêt général.

b.   La résiliation du bail en cas de troubles de voisinage

Les droits et les devoirs respectifs du bailleur et du locataire dans le cadre d’un contrat de location sont définis par la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986. Parmi les obligations du locataire énumérées à l’article 7 de cette loi, figure celle « d’user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location ».

La méconnaissance de cette obligation, lorsqu’elle résulte de troubles de voisinage constatés par une décision de justice passée en force de chose jugée, expose le locataire à une résiliation de plein droit du contrat de location, à la condition que le propriétaire ait inscrit une telle clause dans ledit contrat en application du g de l’article 4 de la loi de 1989 précitée. Or, cette disposition ayant été introduite en 2007, les contrats de location conclus antérieurement à cette date ne mentionnent pas cette clause, ce qui rend plus difficile l’expulsion d’un locataire condamné pour troubles de voisinage.

2.   Les dispositions adoptées par le Sénat

Le présent article reprend les dispositions de l’article 121 de la loi ELAN, adoptées définitivement par le Parlement le 16 octobre 2018, mais censurées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 15 novembre 2018, au motif qu’elles constituaient des cavaliers législatifs.

Cet article contient trois mesures qui visent toutes à améliorer la sécurité et la vie quotidienne des immeubles en aggravant les sanctions applicables aux locataires ou aux occupants qui nuisent à la tranquillité des lieux.

a.   L’élargissement du délit d’occupation des halls d’immeuble et l’aggravation des peines associées

Le I du présent article modifie l’article L. 126-3 du code de la construction et de l’habitation relatif à l’occupation en réunion des halls d’immeuble. Il est issu d’un amendement de M. Thomas Rudigoz, adopté en séance publique à l’Assemblée nationale lors de la première lecture du projet de loi ELAN. L’objectif poursuivi par cet amendement était de faciliter la sanction de certains comportements qui demeurent malheureusement très souvent impunis.

Ainsi l’alinéa 2 élargit le délit d’occupation des halls d’immeuble aux cas d’occupations en réunion des espaces communs qui nuisent à la tranquillité des lieux, sans qu’il soit besoin que l’accès ou la libre circulation des personnes soit empêchée. En outre, l’alinéa 3 aggrave de six mois à un an d’emprisonnement la peine encourue lorsque l’occupation abusive des espaces communs s’accompagne de voies de fait ou de menaces. Enfin, l’alinéa 4 permet au juge de prononcer à titre de peine complémentaire une interdiction pour trois ans au plus de paraître dans certains lieux déterminés par la juridiction et dans lesquels l’infraction a été commise, afin de prévenir toute récidive.

b.   L’application rétroactive de la clause résolutoire du bail pour troubles de voisinage

Afin de faciliter l’expulsion des locataires condamnés pour troubles de voisinage, les alinéas 5 et 6, initialement introduits par le Sénat lors de l’examen du projet de loi ELAN, disposent que la clause résolutoire prévoyant la résiliation de plein droit du bail en raison de troubles de voisinage est réputée écrite dès la conclusion du contrat. Ainsi, cette clause pourra être utilisée par tous les propriétaires, qu’ils l’aient ou non inscrite dans le bail, et même si ce bail a été signé avant 2007.

c.   La résiliation de plein droit du bail en cas de condamnation pour trafic de stupéfiants

Introduits initialement par le Sénat, les alinéas 7 et 8 du présent article précisent que sont assimilées aux troubles de voisinage les infractions relatives au trafic de stupéfiants qui se sont produites dans le logement, l’immeuble ou le groupe d’immeubles. Le contrat de location pourra être résilié de plein droit, à la demande du bailleur, lorsque le locataire ou l’un de ses enfants mineurs sous sa responsabilité légale aura été définitivement condamné pour une des infractions liées au trafic de stupéfiants définies aux articles 222-34 à 222-43-1 du code pénal, commises postérieurement à la conclusion du contrat de location.

La commission mixte paritaire (CMP) du projet de loi ELAN a restreint, pour des raisons de sécurité juridique et constitutionnelle, ce dispositif aux faits commis par le locataire ou ses enfants mineurs dont il est responsable légalement. L’alinéa 8 précise, par ailleurs, que ces dispositions ne sont applicables qu’aux faits commis postérieurement à la publication de la présente loi.

Une disposition similaire avait déjà été adoptée définitivement par le Parlement dans le cadre de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, mais celle-ci avait également été censurée par le Conseil constitutionnel qui avait estimé, là encore, qu’il s’agissait d’un cavalier législatif sans lien avec le projet de loi initial.

3.   L’avis de votre rapporteur

À titre personnel, votre rapporteur regrette que les agissements des enfants majeurs du locataire soient exclus du dispositif de résiliation automatique du bail, tel qu’il avait été adopté à l’issue de la CMP sur le projet de la loi ELAN. Dans certains immeubles, ce sont en effet les enfants majeurs qui sont responsables des trafics les plus graves et qui nuisent à la tranquillité de tous les locataires. Saisie par des bailleurs sociaux, la Cour de cassation a d’ailleurs déjà prononcé la résiliation de contrats de location alors que les fauteurs de troubles n’étaient ni les locataires, ni leurs enfants mineurs. Sa jurisprudence ([1]) se fonde notamment sur l’article 1735 du code civil, qui dispose que le locataire « est tenu des dégradations et des pertes qui arrivent par le fait des personnes de sa maison ou de ses sous‑locataires ».

Toutefois, fidèle au compromis intervenu en CMP entre lAssemblée nationale et le Sénat, votre rapporteur souhaite que cet article soit adopté sans aucune modification. Il est en effet temps que cette mesure, déjà approuvée deux fois par des majorités politiques différentes et jamais censurée sur le fond par le Conseil constitutionnel, entre en application le plus rapidement possible. Elle est attendue par les bailleurs sociaux et leurs locataires afin de faciliter le lancement de procédures d’expulsion locative contre ceux qui ont commis des actes particulièrement graves nuisant à la vie quotidienne d’un grand nombre d’habitants des quartiers populaires.

4.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

Malgré l’avis défavorable de votre rapporteur, la commission a adopté un amendement de M. Mickaël Nogal et du groupe La République en Marche afin de retirer les agissements des enfants mineurs sous la responsabilité légale du locataire du dispositif de résiliation automatique du bail en cas de condamnation pour trafic de stupéfiants.

La commission a estimé que cette mesure constituait une double peine pour des familles en difficultés sociales, confrontées à la fois à la condamnation d’un enfant et à l’expulsion de leur logement. Par ailleurs, les auteurs de cet amendement ont considéré que cette mesure reviendrait à sanctionner de façon injuste, au nom des agissements de l’un des enfants, l’ensemble d’une famille, y compris les autres enfants, dont certains pourraient être restés à l’écart du trafic de stupéfiants, et qu’elle induirait une inégalité forte entre les enfants mineurs et les enfants majeurs hébergés au sein d’un même foyer.

Votre rapporteur a jugé, au contraire, que cette disposition pourrait aider les parents en changeant l’environnement de leurs enfants, les bailleurs maîtrisant par ailleurs bien l’accompagnement social de telles situations et le relogement des familles concernées, qui ne doivent, en aucun cas être mises à la rue.

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Article 3
(article L. 111-6-6 du code de la construction et de lhabitation)
Accès des huissiers de justice aux boîtes aux lettres

Cet article accorde aux huissiers de justice les mêmes facilités d’accès aux boîtes aux lettres particulières des immeubles d’habitation que celles dont bénéficient les postiers.

1.   L’état du droit

Depuis 2010, l’article L. 111-6-6 du code de la construction et de l’habitation dispose que les propriétaires ou les syndics doivent permettre aux huissiers de justice d’accéder, pour l’accomplissement de leurs missions de signification ou d’exécution, aux parties communes des immeubles d’habitation.

Toutefois, malgré cette disposition, les huissiers de justice sont très souvent confrontés à une impossibilité matérielle de parvenir physiquement jusqu’à la boîte aux lettres des personnes à qui ils doivent remettre un acte, en raison de la multiplication des systèmes de sécurité dans les immeubles situés en ville.

Or, les textes règlementaires imposent aux huissiers de justice de tenter de délivrer « à personne » leurs actes, notamment les actes subséquents de la procédure d’expulsion locative.

2.   Les dispositions adoptées par le Sénat

Cet article a été ajouté à la présente proposition de loi en séance publique au Sénat par des amendements identiques de MM. Jean-Pierre Grand et Alain Richard, qui ont reçu un avis favorable du Gouvernement. Il reprend les dispositions de l’article 123 de la loi ELAN, telles qu’elles avaient été adoptées définitivement par le Parlement le 16 octobre 2018, avant d’être censurées, en tant que cavaliers législatifs, par le Conseil constitutionnel.

Cet article vise à permettre aux huissiers de justice d’accéder aux boîtes aux lettres particulières des immeubles d’habitation, selon les mêmes modalités que les agents responsables de la distribution des envois postaux. En application de l’article L. 5-10 du code des postes et des communications électroniques, ces derniers peuvent, en effet, accéder directement aux boîtes aux lettres particulières, grâce à des badges d’accès, sans nécessiter l’intervention du propriétaire ou du syndic.

Grâce à cette facilité d’accès, les huissiers de justice pourront entrer plus aisément en contact avec les locataires débiteurs et mieux assurer leurs missions de conseil et de médiation, dans le cadre de la procédure d’expulsion locative.

3.   L’avis de votre rapporteur

Votre rapporteur approuve pleinement cet article qui permettra aux huissiers de justice de remplir leurs missions de service public et d’intervenir le plus en amont possible pour prévenir les expulsions locatives. Il facilitera l’activité des huissiers qui se heurtent parfois, dans certaines zones sensibles, à l’absence de noms sur les boîtes aux lettres ou aux entrées des logements.

4.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté cet article sans modification.

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Article 4
(article L. 111-6-8 [nouveau] du code de la construction et de lhabitation)
Accès des services statistiques publics aux parties communes des immeubles

Cet article accorde aux agents des services de la statistique publique un droit d’accès aux parties communes des immeubles d’habitation.

1.   L’état du droit

L’exercice de certaines missions de service public nécessite, pour être effectif, l’accès aux parties communes des immeubles d’habitation. Le code de la construction et de l’habitation autorise ainsi, sous certaines conditions, les personnes exerçant de telles missions à pénétrer dans ces parties communes. Tel est le cas, notamment, des agents des services de La Poste ou des opérateurs de gestionnaires de réseau de distribution de gaz naturel et d’électricité.

Or, en l’absence d’une telle autorisation, les agents des services de la statistique publique, qu’il s’agisse de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) ou des services statistiques ministériels, rencontrent des difficultés pratiques pour exercer leurs missions, définies par la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques.

Les dispositifs de fermeture des parties communes ne permettent pas aux agents de ces services d’entrer en contact avec les ménages pour réaliser un sondage ou une enquête.

2.   Les dispositions adoptées par le Sénat

Cet article a été ajouté à la présente proposition de loi en séance publique au Sénat par des amendements identiques de MM. Jean-Pierre Grand et Alain Richard, qui ont reçu un avis favorable du Gouvernement. Il reprend les dispositions de l’article 152 de la loi ELAN, telles qu’elles avaient été adoptées définitivement par le Parlement le 16 octobre 2018, avant d’être censurées, en tant que cavaliers législatifs, par le Conseil constitutionnel.

Cet article crée, au sein du code de la construction et de l’habitation, un nouvel article L. 111-6-8 donnant accès aux parties communes des immeubles d’habitation aux agents de l’INSEE et des services statistiques ministériels, afin qu’ils soient en mesure d’assurer leurs missions de service public. Cet accès est toutefois limité aux seules parties communes dans lesquelles sont situés les boîtes aux lettres et l’interphone. Les modalités de cet accès devront, par ailleurs, être définies ultérieurement par décret en Conseil d’État.

Il est à noter qu’une telle disposition avait d’ores et déjà été adoptée par le Parlement dans le cadre de la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté précitée, avant d’être également censurée par le Conseil constitutionnel en tant que cavalier législatif.

3.   L’avis de votre rapporteur

Votre rapporteur considère que les recensements et les enquêtes de l’INSEE sont déterminants pour définir de nombreuses politiques publiques, en particulier dans le domaine du logement. Il approuve donc pleinement cet article qui facilitera le travail de ces agents.

4.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté cet article sans modification.

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Article 5
(articles L. 126-1 et L. 651-6 du code de la construction et de lhabitation et article 25 de la loi n° 65557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis)
Accès des agents assermentés du service municipal ou départemental du logement aux parties communes des immeubles

Cet article donne aux agents assermentés du service municipal ou départemental du logement un droit d’accès aux parties communes des immeubles d’habitation et autorise les propriétaires à leur accorder une autorisation permanente d’accès dans ces parties communes.

1.   L’état du droit

Les missions et les moyens des agents assermentés du service municipal du logement sont définis par les articles L. 651-6 et L. 651-7 du code de la construction et de l’habitation (CCH). Nommés par le maire après avoir prêté serment devant le juge du tribunal d’instance de leur résidence, ils sont habilités à contrôler les conditions doccupation des locaux à usage dhabitation afin notamment de rechercher et de constater tout manquement aux règles relatives au changement d’usage et aux meublés de tourisme. À Paris et dans les départements de la petite couronne, ce service est départemental.

Afin de remplir ces missions, l’article L. 651-6 du CCH dispose que ces agents sont habilités à visiter les logements qu’ils souhaitent et que l’occupant ou le gardien du local est tenu de les laisser entrer sur présentation d’un ordre de mission.

Toutefois, ce droit de visite se heurte parfois à l’accès préalable aux parties communes des immeubles.

2.   Les dispositions adoptées par le Sénat

Cet article a été ajouté à la présente proposition de loi en séance publique au Sénat par des amendements identiques de MM. Jean-Pierre Grand et Alain Richard, qui ont reçu un avis favorable du Gouvernement. Il reprend les dispositions de l’article 144 de la loi ELAN, telles qu’elles avaient été adoptées définitivement par le Parlement le 16 octobre 2018, avant d’être censurées, en tant que cavaliers législatifs, par le Conseil constitutionnel.

Afin de faciliter l’accès des agents assermentés du service municipal ou départemental du logement aux parties communes des immeubles, cet article, issu initialement d’un amendement de Mme Marie-Noëlle Lienemann lors de l’examen du projet de loi ELAN au Sénat, prévoit trois mesures.

L’alinéa 2 dispose, tout d’abord, que les propriétaires ou les exploitants d’un immeuble d’habitation peuvent accorder aux agents assermentés du service municipal ou départemental du logement une autorisation permanente de pénétrer dans les parties communes, au même titre que les forces de l’ordre.

Pour ce faire, les alinéas 6 et 7 précisent ensuite que, dans le cas d’une copropriété, cette décision est prise par l’assemblée générale des copropriétaires à la majorité des voix de tous les copropriétaires, comme c’est le cas aujourd’hui pour l’autorisation permanente qui peut être accordée aux forces de l’ordre.

Enfin, les alinéas 3 et 4 ajoutent, à l’article L. 651-6 du CCH précité, l’obligation pour le propriétaire ou le syndic de permettre aux agents assermentés du service municipal ou départemental du logement d’accéder aux parties communes des immeubles d’habitation, afin qu’ils accomplissent leurs missions de constatation des conditions dans lesquelles sont effectivement occupés les locaux qu’ils visitent.

3.   L’avis de votre rapporteur

Votre rapporteur approuve pleinement cet article qui met fin à une absurdité légale : le fait de pouvoir accéder aux parties privatives d’un immeuble mais pas à ses parties communes. Il permettra aux communes de disposer de tous les moyens nécessaires pour faire appliquer les règles qu’elles édictent dans le domaine du contrôle des locations touristiques.

4.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté cet article sans modification.

 


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   EXAMEN en COMMISSION

Au cours de sa séance du mercredi 12 juin 2019, La commission des affaires économiques a procédé à l’examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à plusieurs articles de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (n° 1596), sur le rapport de M. Thibault Bazin.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, présidente. Chers collègues, la commission des affaires économiques a été saisie au fond de l’examen de la proposition de loi relative à plusieurs articles de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN). Présentée par le groupe Les Républicains, cette proposition de loi a été adoptée par le Sénat et inscrite à l’ordre du jour de la séance publique de l’Assemblée nationale du 20 juin. Elle comporte cinq articles et, plus précisément, reprend des articles adoptés dans le cadre de la loi ELAN que le Conseil constitutionnel a censurés.

L’article 1er vise à donner aux forces de l’ordre un accès permanent aux parties communes du parc social. L’article 2 aggrave les sanctions applicables en cas d’occupation abusive des halls d’immeubles et autorise la résiliation automatique du bail d’un locataire condamné pour troubles du voisinage ou trafic de stupéfiants. L’article 3 accorde aux huissiers de justice le même accès aux parties communes – donc aux boîtes aux lettres – des immeubles que celui dont bénéficient les postiers. L’article 4 accorde aux agents des services de la statistique publique un droit d’accès aux parties communes des immeubles d’habitation. L’article 5 facilite la constitution d’un droit d’accès aux parties communes d’un immeuble d’habitation pour les agents assermentés des services municipaux ou départementaux du logement.

Après l’intervention du rapporteur, la parole est donnée aux orateurs de groupe.

M. Mickaël Nogal. Je suis heureux de retrouver les collègues avec qui nous avons longuement œuvré à l’élaboration de l’importante loi ELAN en s’appuyant sur l’intelligence collective des différents groupes de l’Assemblée en lien avec le Sénat. Je le dis en toute modestie : tous les parlementaires pourraient s’inspirer de ces travaux – et je salue au passage M. Lioger, co-rapporteur de la loi ELAN.

Cette proposition de loi vise à reprendre des articles importants de la loi ELAN qui ont été retoqués au motif qu’ils constituaient des cavaliers législatifs, le Conseil constitutionnel ne s’étant pas prononcé sur le fond. De façon générale, la question des occupations temporaires de halls d’immeuble se pose, surtout dans les quartiers où, trop régulières, elles pourrissent la tranquillité des habitants ; il faut agir. À la suite d’une première lecture du projet de loi ELAN à l’Assemblée et au Sénat, la CMP avait été conclusive. Le groupe La République en Marche ne présentera qu’un amendement à l’article 2 pour exclure les enfants mineurs de la mesure, afin que les actes liés à un trafic de drogue qu’ils commettent ne pénalisent pas toute une famille – même si notre groupe convient avec le rapporteur que la lutte contre le trafic de drogue doit être une priorité et que nous devons réunir les conditions permettant de la rendre plus efficace.

L’article 1er, très attendu, qui ouvre un accès permanent des halls d’immeuble aux forces de l’ordre, répond à une demande des bailleurs sociaux et simplifiera les choses pour tous les acteurs. L’article 2 prévoit notamment la résiliation automatique du bail de locataires condamnés pénalement pour trafic de drogue. Enfin, les trois derniers articles ne suscitent naturellement aucune opposition, qu’il s’agisse des huissiers ou des services de statistique – car nous manquons cruellement de statistiques sur le logement. Facilitons donc la vie de tous les acteurs de terrain. De même, notre groupe est favorable à la mesure relative aux agents assermentés, conformément à notre vote en CMP.

M. Jean-Claude Bouchet. Cette proposition de loi primordiale permet de réintroduire certains articles de la loi ELAN que le Conseil constitutionnel a censurés et qui concernaient la sûreté, la sécurité et la tranquillité des espaces communs et du voisinage des immeubles. Ce texte important porte donc notamment sur l’accès des huissiers de justice aux boîtes aux lettres particulières et l’accès des services statistiques publics, des agents assermentés des services municipaux et départementaux du logement et de différentes forces de l’ordre aux parties communes des immeubles.

Je tiens à sensibiliser chacun aux problèmes de voisinage très importants qui existent dans les quartiers populaires, que l’on ne connaît ou pressent pas toujours de loin. Les maires, adjoints ou conseillers municipaux y sont, quant à eux, confrontés – comme ce fut mon cas. Il est indispensable que nous prenions conscience des graves problèmes subis par les habitants des immeubles concernés car, malheureusement, ils se taisent souvent. Or nous devons garantir la paix et la sécurité dans les quartiers populaires. Cette proposition de loi permettra de s’attaquer aux problèmes de voisinage et d’occupation des immeubles et d’assurer le mieux vivre des habitants en rétablissant la paix et l’ordre républicain et en limitant les zones de non-droit. C’est pourquoi le groupe Les Républicains y est favorable.

M. Jean-Luc Lagleize. Je suis ravi de vous retrouver, Monsieur le rapporteur, à propos d’un sujet que vous connaissez bien et qui nous a occupés plusieurs mois l’an dernier. Le quotidien de certains de nos concitoyens est difficile et ponctué d’incivilités et d’actes de délinquance qui les empêchent de profiter pleinement de la vie de leur quartier – je partage à cet égard le terme « pourrissement ». Nul n’ignore cet état de fait qui prévaut dans de nombreux quartiers. Il est de notre responsabilité collective de mettre en avant des mécanismes visant à favoriser la mixité sociale, la sécurité et le vivre ensemble, si cruciaux pour la cohésion nationale.

Les raisons qui expliquent la dégradation de la qualité de vie dans certains de ces quartiers sont multiples. Les solutions, quant à elles, doivent toujours viser à garantir la sécurité des locataires, dont le quotidien est parfois insupportable. Pour ce faire, cette proposition de loi invite à reprendre plusieurs articles du projet de loi ELAN censurés par le Conseil constitutionnel. Rappelons que cette censure a été prononcée pour des raisons de forme, les articles en question ayant été qualifiés de cavaliers législatifs, et non pour des raisons de fond. Proposer d’octroyer un accès permanent des forces de l’ordre aux parties communes des bâtiments du parc social, durcir le régime sanctionnant les halls d’immeuble et faciliter la résiliation du bail locatif en cas de condamnation du locataire pour trafic de drogue : voilà des solutions qui pourraient apparaître sévères voire disproportionnées. Néanmoins, le Parlement a déjà adopté ces mesures dans la loi ELAN. Elles obéissent à un pragmatisme nécessaire, non seulement par principe mais surtout pour assurer la tranquillité de nos concitoyens, qui sont confrontés à ces difficultés locatives au quotidien.

Il n’est pas question de durcir un régime en partant du présupposé que la répression est une solution universelle à ce type de problèmes. Le même pragmatisme nous conduit d’ailleurs à nous interroger sur l’expulsion locative de familles entières en raison de la condamnation d’un mineur. Pour elles, le risque de double peine est avéré, car elles sont souvent confrontées à des difficultés économiques et sociales auxquelles il sera sans doute contreproductif d’ajouter une expulsion locative. Comment croire que la simple menace d’expulsion suffise à régler de telles difficultés ? Le groupe Modem et apparentés est d’avis que la solution au problème soulevé par cette proposition de loi passe avant tout par l’octroi à ces familles du bénéfice d’un accompagnement élargi et durable qui leur soit spécifique.

Ce texte dans son ensemble contient des mesures nécessaires. Ignorer la qualité de vie des habitants de certains quartiers n’est pas la bonne solution. Au contraire, il faut en faire le centre de notre attention. Néanmoins, cette attention ne saurait conduire à instaurer un déséquilibre entre le pragmatisme de cette proposition de loi et des sanctions contreproductives. Il nous faut trouver un point d’équilibre.

Conscient du bien-fondé de votre texte, Monsieur le rapporteur, le groupe Modem la soutiendra en se montrant très attentif aux implications de l’élargissement des conditions d’expulsion locative figurant à l’article 2.

Mme Bénédicte Taurine. La proposition de loi que présente le groupe Les Républicains a quelque chose de déjà vu puisqu’elle reprend, notamment, les articles 91 et 121 de la loi ELAN, censurés par le Conseil constitutionnel. Elle vise ainsi à autoriser la police à entrer dans les halls d’immeuble HLM et à renforcer les sanctions applicables en cas d’occupation de ces halls. Des mesures en ce sens existent déjà. C’est notamment le cas l’article L.126-1 du code de la construction et de l’habitation qui donne la possibilité à des propriétaires et exploitants d’immeuble d’habiliter à titre permanent les forces de l’ordre à entrer dans les parties communes, moyennant l’intervention du procureur de la République pour renouveler cette autorisation tous les six mois. Le groupe de La France insoumise ne saisit donc pas la pertinence de cet article 1er.

Il en va de même pour l’article 2 : l’occupation en réunion des parties communes d’immeubles entravant l’accès ou la libre circulation des personnes est déjà sanctionnée. Vous souhaitez augmenter les amendes et les peines de prison, mais nous considérons que l’arsenal existant est suffisant.

Autrement dit, cette proposition de loi vise à réinstaurer des mesures répressives afin d’endiguer les nuisances liées à divers trafics et à la petite délinquance. Nous estimons que cela ne suffit pas. La seule logique sécuritaire, même avec les meilleurs résultats, n’empêchera pas les maux et les nuisances de se répercuter ailleurs : éliminer les problèmes qui existent dans certains halls d’immeuble ne permettra pas d’améliorer la situation des habitants des HLM. L’impression de frapper fort n’est qu’une mise en scène sécuritaire, qui ne réglera pas la question de fond. C’est d’ailleurs le point de vue présenté dans le rapport annuel de la fondation Abbé Pierre et dans l’émission d’Élise Lucet sur les offices HLM : les difficultés sont réelles, mais ailleurs, qu’il s’agisse de la corruption des offices HLM, de la longueur des listes d’attente pour l’obtention d’un logement social, de la hausse des loyers, des charges locatives abusives et ainsi de suite. En clair, cette proposition de loi ne changera pas le quotidien des habitants des quartiers populaires.

M. Stéphane Peu. À mon tour, je me réjouis de retrouver de nombreux collègues avec qui nous avons consacré beaucoup de temps, voici quelques mois, à l’examen de la loi ELAN. Je me réjouis également du retour de ces articles censurés et j’espère qu’ils passeront cette-fois-ci. Lors de nos débats sur la loi ELAN, comme l’a rappelé le rapporteur, j’avais plaidé en faveur de plusieurs mesures prévues dans cette proposition de loi.

Je vis dans les quartiers populaires. Je suis élu dans une ville où ces sujets sont omniprésents. J’ai donc avant tout une pensée pour l’immense majorité des habitants de ces quartiers qui subissent les problèmes et se retrouvent doublement pris en otage : otages de trafiquants qui mettent les quartiers et halls d’escaliers en coupe réglée et otages d’une certaine impuissance publique à résoudre les problèmes, soit par manque de moyens, soit par absence de cadre législatif habilitant la puissance publique à le faire. Les personnes qui n’ont pas les moyens de vivre ailleurs et qui sont ainsi doublement prises en otage se trouvent dans des situations invivables de souffrance sociale et éprouvent un puissant sentiment d’abandon. Je veux donc avant toute chose avoir une pensée pour ces personnes que je rencontre et avec qui je vis chaque jour.

L’article 1er va de soi. J’ai présidé un organisme HLM en Seine-Saint-Denis : l’obligation d’envoyer tous les six mois un courrier au procureur de la République pour lui signifier que les forces de police sont autorisées à pénétrer dans les parkings, les halls d’immeuble ou sur les toits-terrasse n’a pas de sens. De surcroît, la rotation des magistrats et officiers de police judiciaire est souvent très rapide ; tout le monde n’est donc pas informé. Il arrive que certains policiers s’arrêtent à la porte d’un immeuble ou d’un parking parce qu’ils ignorent l’autorisation qui leur a été donnée, d’où des situations incompréhensibles pour les forces de police et, surtout, pour les habitants qui subissent les nuisances. La systématisation de cette autorisation est donc une excellente mesure.

En ce qui concerne l’article 2, je comprends le tropisme du groupe Les Républicains consistant à rappeler que M. Nicolas Sarkozy s’était engagé à vider les halls d’immeuble de ses occupants. Je me souviens d’un préfet de Seine-Saint-Denis, Christian Lambert, nommé par M. Sarkozy et avec qui j’entretiens par ailleurs d’excellentes relations : les coups de menton ne suffisent pas. Il faut caractériser le délit. Or l’occupation d’un hall d’immeuble peut causer de nombreuses nuisances mais il n’est pas possible de l’interdire si elle est d’ordre convivial ; cette proposition de loi n’y changera rien. Ces situations demeureront et relèvent davantage de la médiation.

Je suis très favorable à la mesure relative à la résiliation de bail ; j’avais même établi une jurisprudence en la matière dans l’organisme HLM que je présidais. L’exposé des motifs de la proposition de loi évoque plusieurs fois la question du trafic de stupéfiants mais le texte, lui, ne se limite pas à cela. Je prendrai deux exemples. Le trafic d’armes : j’ai connaissance d’une perquisition qui a permis de trouver des kalachnikovs dans un appartement mais l’expulsion des locataires n’est pas possible car aucun lien juridique n’est prévu avec la perquisition. Autre phénomène massif, croissant et très inquiétant : le détournement de logements aux fins d’une prostitution à domicile. Si j’ai bien lu la proposition de loi, ces délits pourront donner lieu à des expulsions. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine y sera donc favorable.

M. Richard Lioger. En tant que co-rapporteur de la loi ELAN, je m’associe aux remarques sur la dimension collective de ce travail exemplaire, issu d’une conférence de consensus avec nos collègues sénateurs. La rapporteure du texte au Sénat, Mme Dominique Estrosi-Sassone, propose aujourd’hui un texte reprenant certains des articles censurés par le Conseil constitutionnel.

Il peut arriver que, pris par l’enthousiasme d’une CMP conclusive, on aille un peu loin dans la rédaction d’un article. C’est semble-t-il le cas de l’article censuré et repris à l’article 2, qui pourrait faire d’enfants mineurs les victimes collatérales de la déviance d’un des membres de leur famille. M. Nogal a exprimé notre réserve ; je soutiendrai l’amendement qu’il défendra.

Un dernier mot pour indiquer qu’une mission d’information se consacre au suivi de l’application de la loi ELAN. Thibault Bazin et moi-même vous présenterons prochainement l’état de ses travaux.

M. Thibault Bazin, rapporteur. Je remercie l’ensemble des orateurs. Monsieur Nogal, il n’est pas question de pénaliser tous les membres d’une famille en les mettant à la rue, mais de les aider en changeant l’environnement des enfants en cause et d’accompagner les parents dans leur fonction parentale. Je regrette que le groupe majoritaire ait déposé un amendement à l’article 2. J’ai, du coup, déposé un amendement d’appel – que je retirerai – pour rappeler que la rédaction proposée par la proposition de loi correspond déjà à un compromis.

Je ne suis pas surpris du soutien de M. Jean-Claude Bouchet, puisque le groupe Les Républicains a inscrit ce texte à l’ordre du jour qui lui est réservé. Il a souligné les problématiques d’usage soulevées par ce texte : il faudra que dans la pratique, l’accès soit facilité et que les badges permettant aux forces de l’ordre d’intervenir ne soient pas perdus, par exemple.

M. Jean-Luc Lagleize a une approche pragmatique : cette proposition de loi ne constitue pas une solution absolue et il convient, bien sûr, d’accompagner les familles en difficulté. La menace de la résiliation du bail permet de lever le sentiment d’impunité et d’armer les bailleurs face à des comportements nouveaux. Ce sont souvent les locataires eux-mêmes qui demandent aux bailleurs d’intervenir. Les mineurs impliqués dans des trafics se voient proposer, dans 53 % des cas, des mesures alternatives. Ils ne sont condamnés qu’en dernier ressort, lorsque les faits sont avérés et répétés.

Je remercie Mme Bénédicte Taurine, qui m’offre l’opposition dont nous avons tous besoin en démocratie. Ce texte peut changer le quotidien : ce ne sont pas les députés qui le pensent mais les bailleurs eux-mêmes qui, estimant l’arsenal insuffisant, nous appellent à prendre de telles mesures. D’ailleurs, sous les précédentes législatures, elles ont été défendues par des députés de tous bords. Lors des débats en commission sur le projet de loi ELAN, MM. Stéphane Peu et François Pupponi se sont montrés les plus perspicaces, marquant les esprits par leurs témoignages. Mais nous n’étions pas prêts juridiquement, et ce n’est qu’en séance publique, ou au Sénat, que certaines mesures ont été adoptées. La question ne se limite pas à l’entrave à l’accès ou à la circulation dans les parties communes, elle englobe l’occupation des halls d’immeuble, dont la visée n’est pas uniquement « conviviale », comme le dirait M. Stéphane Peu. Si cette occupation nuit à la tranquillité, l’infraction peut être caractérisée et une intervention justifiée : la discussion peut alors s’engager.

L’intervention de M. Stéphane Peu me ravit. Ce sont son expérience et son expertise qui parlent, mais surtout son sens des responsabilités, hors du champ politicien. Il a raison de dire que cette proposition de loi a pour principaux destinataires les locataires. Nous connaissons la souffrance sociale et le sentiment d’abandon de certains, qui viennent l’exprimer dans nos permanences. Nous devons pouvoir leur répondre, que leurs demandes visent les nuisances à la tranquillité ou les trafics. Sans doute cela ne sera-t-il pas suffisant : des mesures d’accompagnement social, une présence préventive des forces de l’ordre sont nécessaires. Ce texte permet de simplifier les autorisations, c’est en effet une bonne chose. Je suis aussi sensible à sa demande d’une interprétation large de la notion de « troubles du voisinage », afin que tous les trafics soient concernés. Cette même notion ayant un aspect rétroactif, la mesure, qui s’applique aux baux en cours, sera rapidement opérationnelle.

Dans un élan de solidarité, M. Richard Lioger est venu au secours de son collègue Mickaël Nogal, expliquant qu’ils avaient été peut-être trop loin en CMP. Pourtant, certains bailleurs estiment qu’il serait aussi pertinent d’inclure dans la mesure les condamnations visant les jeunes majeurs habitant chez leurs parents. C’est en fait pour une plus grande sécurité juridique que la CMP a restreint le dispositif aux faits commis par le locataire ou les enfants mineurs dont il est responsable légalement. Nous sommes ici dans l’esprit de l’équilibre trouvé par la CMP sur le projet de loi ELAN ; c’est la raison pour laquelle nous n’avons pas voulu proposer d’autres amendements pour compléter le dispositif. Je continue d’espérer que nous pourrons voter ce texte de manière conforme le jeudi 20 juin.

La commission en vient à l’examen des articles.

Article 1er (article L. 12-10-1 [nouveau] du code de la construction et de l’habitation) : Accès des forces de l’ordre aux parties communes des immeubles du parc social

La commission adopte l’article 1er sans modification.

Article 2 (article L. 126-3 du code de la construction et de l’habitation et article 6-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986) : Occupation des halls d’immeuble, résiliation du bail en cas de condamnation pour trafic de stupéfiants et application rétroactive de la clause résolutoire du bail pour troubles de voisinage

La commission est saisie de l’amendement CE1 de Mme Barbara Bessot Ballot.

Mme Barbara Bessot Ballot. Cet amendement a pour objet de protéger les habitants, d’améliorer le vivre ensemble et d’assurer un meilleur cadre de vie dans les immeubles collectifs. De nature rédactionnelle, il étend l’incrimination visée à l’article L. 1263 du code de la construction et de l’habitation aux situations d’occupation troublant de manière caractérisée l’ordre public.

M. Thibault Bazin, rapporteur. Si cet amendement, qui n’est pas que rédactionnel, venait à être adopté, le dispositif perdrait de son efficacité. Le droit actuel punit le fait d’occuper les espaces communs « en empêchant délibérément l’accès ou la libre circulation des personnes ou le bon fonctionnement des dispositifs de sécurité et de sûreté ». L’idée est d’étendre l’article aux occupations qui nuisent à la tranquillité des lieux. Y substituer la notion de trouble à l’ordre public n’est pas pertinent, et ce pour deux raisons. D’abord, cette notion ne trouve pas à s’appliquer dans les espaces privés que sont les parties communes. Ensuite, les termes « nuisance à la tranquillité des lieux », sont ceux communément utilisés dans la jurisprudence relative aux contentieux des rapports locatifs.

Il me semble préférable de s’en tenir à la présente rédaction, approuvée à deux reprises, dans la loi Égalité et Citoyenneté et dans la loi ELAN. Je vous demande de retirer cet amendement, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable.

Mme Barbara Bessot Ballot. L’objectif de cet amendement n’était en aucun cas politique, il s’agissait dans mon esprit d’étendre l’application de cet article du code. Je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’examen, en discussion commune, des amendements CE2 de M. Mickaël Nogal et CE3 du rapporteur.

M. Mickaël Nogal. J’aimerais que nous puissions nous attarder sur l’article 2, même si nous avons eu l’occasion, depuis la promulgation de la loi, d’échanger à plusieurs reprises sur les questions qu’il recouvre.

La CMP sur la loi ELAN a balayé, sept heures durant, 234 articles. Nous n’avons pu avoir des échanges approfondis sur tous les sujets, à commencer par celui-ci. La rédaction finalement retenue à l’article 121 n’étant ni celle adoptée par l’Assemblée nationale, ni celle votée au Sénat, il semble justifié d’y revenir, après que l’article a été censuré par le Conseil constitutionnel.

M. Thibault Bazin explique que la résiliation automatique du bail, sur demande du bailleur, pourrait aider les familles concernées. Ce serait à mes yeux prendre un grand risque que de le faire. Quand bien même ces familles seraient relogées dans l’agglomération, les problèmes seraient déplacés d’un quartier à un autre, sans que le comportement délinquant de l’enfant ni le quotidien des habitants ne s’en trouvent améliorés. J’ai rencontré certaines de ces mères isolées qui, en plus de voir leur enfant trafiquer dans le quartier, subissent l’insécurité. Ce n’est pas en expulsant toute une famille de son logement que l’on résoudra ses problèmes.

M. Stéphane Peu a évoqué la difficile caractérisation de l’occupation abusive des parties communes. Nous pouvons, sur cet aspect, faire confiance aux forces de l’ordre qui accomplissent sur le terrain un travail essentiel. Je veux mentionner l’initiative de bailleurs sociaux de Toulouse, qui ont constitué un groupement interquartier de tranquillité et de sûreté – GÎTES –, dans le quartier du Mirail et bientôt dans celui des Izards, dans la circonscription de M. Jean-Luc Lagleize.

L’amendement CE2 vise à supprimer à l’alinéa 7 les mots : « ou l’un de ses enfants mineurs sous sa responsabilité légale ». Monsieur le rapporteur, ne prenons pas le risque de mettre à la rue des familles, des mères isolées avec enfants ! Je sais que, mû par votre propre sensibilité à ces sujets, vous ne laisserez pas faire cela. Ce texte nous donne l’occasion de travailler ce sujet de façon plus approfondie que nous ne l’avons fait ces derniers mois : je compte sur vous pour retirer votre amendement et accepter le nôtre. Nous ferons alors en sorte que cette proposition de loi soit examinée et votée dans les meilleurs délais.

M. Thibault Bazin, rapporteur. Nous étions convenus d’un vote conforme. L’accord étant tombé avec le dépôt par le groupe majoritaire de l’amendement CE2, j’ai déposé l’amendement CE3, qui vise à substituer aux mots « ou l’un de ses enfants mineurs sous sa responsabilité légale » les mots : « des occupants du logement ». J’entends ainsi démontrer, par l’absurde, ce que la rédaction de l’alinéa 7 aurait pu être si nous avions retenu la rédaction de l’article 121 de la loi ELAN adoptée par le Sénat, avant qu’elle ne soit modifiée en CMP.

Cette rédaction permettait d’inclure dans le dispositif de résiliation automatique du bail les agissements de tous les occupants réguliers du logement, dont les enfants mineurs et majeurs du locataire. Dans certains immeubles, ce sont en effet les jeunes majeurs qui sont responsables des trafics les plus graves et qui nuisent à la tranquillité de tous les locataires. Saisie par des bailleurs sociaux, la Cour de cassation a déjà prononcé la résiliation de contrats de location, alors que les fauteurs de troubles n’étaient ni les locataires, ni leurs enfants mineurs. Sa jurisprudence se fonde notamment sur l’article 1735 du code civil qui dispose que le locataire « est tenu des dégradations et des pertes qui arrivent par le fait des personnes de sa maison ou de ses sous-locataires ».

Cet amendement vise à rappeler que la rédaction de l’article 2 est le fruit d’un compromis équilibré, qu’il convient de maintenir afin que cette disposition, très attendue par les bailleurs sociaux pour améliorer la vie de certains quartiers, soit adoptée le plus rapidement possible.

Monsieur Nogal, personne ne veut mettre des familles à la rue.

M. Mickaël Nogal. Ne prenons pas ce risque !

M. Thibault Bazin, rapporteur. La démocratie fait que vous êtes majoritaires, et c’est particulièrement le cas aujourd’hui, en ces lieux… je m’attacherai à travailler, d’ici la séance publique, un amendement visant à rendre obligatoire l’accompagnement de ces familles. Pour respecter le compromis qui a été trouvé, je retire mon amendement.

Quant à l’amendement CE2, ce serait une erreur juridique que de l’adopter. L’article 1842 du code civil dispose que « le père et la mère, en tant qu’ils exercent l’autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux » ; l’article 1735 du code civil prévoit que le locataire « est tenu des dégradations et des pertes qui arrivent par le fait des personnes de sa maison ou de ses sous-locataires ». Sur le fondement de ces deux articles, la Cour de cassation a prononcé à plusieurs reprises la résiliation de baux en raison des troubles causés par les enfants mineurs du locataire. La proposition de loi n’a pas pour objectif de mettre des familles à la rue, mais de faciliter pour les bailleurs l’engagement d’actions en justice, afin de rétablir la tranquillité des lieux. Les bailleurs connaissent ces familles, ont leur dossier et peuvent les reloger dans les parcs importants qu’ils gèrent – surtout depuis le regroupement rendu obligatoire par la loi ELAN au‑dessus de 12 000 logements. Ce changement d’environnement n’est pas une peine, mais bien une solution.

Je vous ai entendu. Je vous propose d’en rester à l’équilibre trouvé en CMP et vous promets, d’ici la séance, de trouver une rédaction qui prévoie un accompagnement, afin d’éviter tout risque. Je vous invite à retirer votre amendement et à me faire confiance.

M. Mickaël Nogal. Compte tenu du pouvoir d’achat de ces familles, elles seront relogées dans des quartiers confrontés aux mêmes difficultés. Que gagnera une famille du Mirail à déménager dans les quartiers nord de Toulouse ? Déplacer un jeune délinquant n’est pas une solution.

Qu’il s’agisse de droit ou de politique, il est plus pertinent que l’alinéa 7 ne vise que le locataire, et pas les personnes logées de manière permanente ou temporaire, ses enfants mineurs ou majeurs. D’ailleurs, la rédaction actuelle entretient une confusion en matière de responsabilité entre l’enfant de 17 ans et quelques mois et celui qui a tout juste 18 ans : à quelques mois près, il entretient le même rapport avec ses parents. La rédaction actuelle n’est pas satisfaisante. Je suis prêt à discuter des mesures d’accompagnement, Monsieur le rapporteur, mais je maintiens mon amendement.

M. Jean-Luc Lagleize. Il ne faut pas mélanger les deux situations, celle d’une famille dont l’un des enfants trafique de la drogue, celle d’un locataire qui utilise son logement social pour y stocker de la drogue, des armes ou pour y héberger des actes de prostitution. De ce dernier, le bailleur voudra résilier définitivement le bail et ne plus en entendre parler. Il n’est pas opportun que cet article traite des deux cas de figure. Je voterai donc l’amendement CE2 en espérant que nous trouverons, d’ici la séance, une solution pour traiter de la situation de ces familles

M. Thibault Bazin, rapporteur. Selon que nous considérons la situation des enfants, des parents, des voisins, notre regard sur l’amendement est plus ou moins favorable. Pour arriver à ce qu’un enfant mineur soit condamné, il faut que les mesures alternatives aient manqué et qu’il s’agisse de trafics répétés, importants. Les cas sont rares, et ils ne concernent certainement pas des enfants de 6 ou 8 ans. Certes, les petits frères et sœurs ne doivent pas se retrouver à la rue du fait des agissements de leur aîné. Mais le bailleur a une responsabilité sociale ! L’idée est bien de changer la famille d’environnement : les parcs sont suffisamment larges et la mixité attendue peut permettre de trouver des solutions.

M. Jean-Luc Lagleize. Il faut restreindre le dispositif à la personne, pas à la famille !

M. Thibault Bazin, rapporteur. Mais l’enfant mineur ne peut être exclu de son propre logement. Il est compliqué pour une mère isolée, avec des problèmes liés à l’autorité, de lui dire d’arrêter ou de quitter l’appartement. Adopter cet amendement reviendrait à affaiblir la disposition et à ôter aux bailleurs des outils pour lutter contre les trafics dans leurs immeubles. J’ai bien entendu votre refus. J’espère que nous parviendrons d’ici à la séance publique à une solution de compromis, qui conjugue l’accompagnement social et le rétablissement de la tranquillité dans les lieux.

L’amendement CE3 est retiré.

La commission adopte l’amendement CE2.

Puis elle adopte l’article 2 modifié.

Article 3 (article L. 111-6-6 du code de la construction et de l’habitation) : Accès des huissiers de justice aux boîtes aux lettres

La commission adopte l’article 3 sans modification.

Article 4 (article L. 111-6-8 [nouveau] du code de la construction et de l’habitation) : Accès des services statistiques publics aux parties communes des immeubles

La commission adopte l’article 4 sans modification.

Article 5 (articles L. 126-1 et L. 651-6 du code de la construction et de l’habitation et article 25 de la loi n° 65‑557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis) : Accès des agents assermentés du service municipal ou départemental du logement aux parties communes des immeubles

La commission adopte l’article 5 sans modification.

La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi, modifiée.


([1]) Cass. 3e civ., 10 novembre 2009, n° 09-11.027